Rapport d'enquête technique sur le déraillement d'une rame de la ligne T2 du tramway de Lyon suite à sa collision avec un véhicule léger le 23 août 2015
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
"Rapport sur l'accident survenu le 23 août 2015 à 15 h 51, dans le 8è arrondissement de Lyon : une rame de la ligne T2 de tramway, circulant sur le boulevard Jean XXIII en direction du terminus « Saint-Priest - Bel-Air », est percutée à l'avant droit par un véhicule de marque Citroën de type Berlingo venant de la rue Bataille et s'engageant sur la plate-forme. Sous le choc, la rame déraille de ses trois bogies, franchit la chaussée routière adjacente, percute dans sa course deux véhicules en stationnement, dont l'un en touche un troisième par ricochet. La cause directe de l'accident est le non-respect par le chauffeur routier de son feu de signalisation alors au rouge depuis plus de 30 secondes. L'inattention de ce chauffeur, plongé dans ses pensées, et le manque de prudence du conducteur de la rame à l'approche d'un carrefour dont la visibilité sur la rue traversante est limitée, ont contribué à la collision. Deux autres facteurs ont, pour leur part, contribué à l'important déraillement qui s'en est suivi : la sensibilité au déraillement élevée de cette gamme de tramway lors de chocs avec des véhicules routiers et la vitesse importante du tramway et l'absence de freinage de son conducteur avant le choc. L'analyse de l'accident conduit le BEA-TT à émettre trois recommandations et une invitation sur ces deux thèmes."
Editeur
BEA-TT
Descripteur Urbamet
accident
;transport terrestre
;tramway
;DERAILLEMENT
Descripteur écoplanete
collision
Thème
Transports
Texte intégral
RAPPORT D'ENQUÊTE TECHNIQUE
Octobre 2018
sur le déraillement d'une rame de la ligne T2 du tramway de Lyon (69) suite à sa collision avec un véhicule léger le 23 août 2015
Ministère de la Transition écologique et solidaire www.ecologique-solidaire.gouv.fr
Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre
Affaire n° BEATT-2015-009
Rapport d'enquête technique sur le déraillement d'une rame de la ligne T2 du tramway de Lyon (69) suite à sa collision avec un véhicule léger le 23 août 2015
Bordereau documentaire
Organisme commanditaire : Ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer (MEEM) Organisme auteur : Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) Titre du document : Rapport d'enquête technique sur le déraillement d'une rame de la ligne T2 du tramway de Lyon (69) suite à sa collision avec un véhicule léger le 23 août 2015 N° ISRN : EQ-BEAT--18-08--FR Proposition de mots-clés : Transports guidés, tramway, collision, déraillement
Avertissement L'enquête technique faisant l'objet du présent rapport est réalisée dans le cadre des articles L. 1621-1 à 1622-2 et R. 1621-1 à 1621-26 du code des transports relatifs, notamment, aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents, en déterminant les circonstances et les causes de l'événement analysé et en établissant les recommandations de sécurité utiles. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
SOMMAIRE
GLOSSAIRE...................................................................................................................................9 RÉSUMÉ.......................................................................................................................................11 1 - CONSTATS IMMÉDIATS ET ENGAGEMENT DE L'ENQUÊTE............................................13 1.1 - Circonstances de l'accident.............................................................................................13 1.2 - Bilan humain et matériel...................................................................................................13 1.3 - Engagement et organisation de l'enquête.......................................................................13 2 - CONTEXTE DE L'ACCIDENT................................................................................................15 2.1 - Le réseau de tramway de l'agglomération de Lyon.........................................................15 2.2 - Les rames de tramway de la ligne T2..............................................................................16 2.3 - La zone de l'accident.......................................................................................................16
2.3.1 -L'aménagement du carrefour................................................................................................................ 16 2.3.2 -La signalisation du carrefour................................................................................................................. 17 2.3.3 -La visibilité réciproque au carrefour...................................................................................................... 18
3 - COMPTE RENDU DES INVESTIGATIONS EFFECTUÉES..................................................19 3.1 - Résumé des témoignages...............................................................................................19
3.1.1 -Témoignage du conducteur de la voiture.............................................................................................. 19 3.1.2 -Témoignage du conducteur du tramway...............................................................................................19 3.1.3 -Témoignage de deux tiers.................................................................................................................... 20 3.1.4 -Témoignage d'un voyageur du tramway............................................................................................... 20
3.2 - Le véhicule routier et son conducteur..............................................................................20
3.2.1 -Les caractéristiques et l'entretien du véhicule routier...........................................................................20 3.2.2 -Les dégâts occasionnés et les traces relevées.....................................................................................21 3.2.3 -Le conducteur....................................................................................................................................... 21 3.2.4 -La conduite du véhicule........................................................................................................................ 21 3.2.5 -La vitesse au moment de l'accident...................................................................................................... 22
3.3 - La rame de tramway et son conducteur..........................................................................22
3.3.1 -Les caractéristiques de la rame et sa maintenance..............................................................................22 3.3.2 -Les dégâts occasionnés et les traces relevées.....................................................................................22 3.3.3 -Le conducteur de la rame..................................................................................................................... 24 3.3.4 -La conduite de la rame......................................................................................................................... 24
3.4 - L'environnement, les infrastructures et les feux de signalisation....................................25
3.4.1 -L'environnement................................................................................................................................... 25 3.4.2 -L'état de la chaussée routière et des rails............................................................................................. 26 3.4.3 -Le fonctionnement des feux de signalisation lors de l'accident.............................................................26
3.5 - Approfondissement des investigations sur les déraillements consécutifs à des collisions 27
3.5.1 -La fréquence des déraillements consécutifs à des collisions................................................................27
3.5.2 -Les recommandations antérieures du BEA-TT et les suites données..................................................27 3.5.3 -L'accident de déraillement du tramway de Lyon du 10 novembre 2017................................................29
3.6 - Approfondissement des investigations sur le franchissement des carrefours par les rames de tramway............................................................................................................30
3.6.1 -L'appréciation des conséquences du déraillement avec une vitesse de franchissement du carrefour moindre........................................................................................................................................................... 30 3.6.2 -Les consignes de franchissement des carrefours sur le réseau de Lyon..............................................31 3.6.3 -La vitesse maximale de franchissement des carrefours sur les réseaux de tramway...........................32
3.7 - Approfondissement des investigations sur la conduite des tramways par des étudiants. .32
3.7.1 -L'expérience du conducteur impliqué dans l'accident du 23 août 2015................................................32 3.7.2 -La particularité de la conduite d'une rame de tramway.........................................................................33 3.7.3 -Le panorama des pratiques nationales de recours à des étudiants......................................................33
3.8 - Les suites données par l'exploitant..................................................................................34 4 - RESTITUTION DU DÉROULEMENT DE L'ACCIDENT ET DES SECOURS.......................35 4.1 - La situation avant l'accident.............................................................................................35 4.2 - Le déroulement de l'accident...........................................................................................35 4.3 - Le déroulement des secours............................................................................................36 5 - ANALYSE DES CAUSES ET FACTEURS ASSOCIÉS, ORIENTATIONS PRÉVENTIVES. .37 5.1 - Le schéma des causes et des facteurs associés............................................................37 5.2 - Les causes de l'accident..................................................................................................38 5.3 - La déraillabilité des rames de tramway...........................................................................38 5.4 - Les modalités de franchissement des carrefours par les tramways................................39 6 - CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS.........................................................................41 6.1 - Conclusions......................................................................................................................41 6.2 - Recommandations...........................................................................................................41 ANNEXES.....................................................................................................................................43 Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête.............................................................................45 Annexe 2 : Panorama des pratiques des réseaux de tramway sur quatre aspects liés à l'habilitation à la conduite des rames....................................................................46 Annexe 3 : Données de collisions des tramways de 2004 à 2014 par type de matériel.........47
Glossaire
AOM : Autorité Organisatrice de la Mobilité AOT : Autorité Organisatrice de Transports FU : Freinage d'Urgence PCC : Poste de Commande Centralisé RAC : Rhône Alpes Courses RSE : Règlement de Sécurité de l'Exploitation SÉMITAG : Société d'Économie Mixte des Transports publics de l'Agglomération Grenobloise SMTC : Syndicat Mixte des Transports en Commun SYTRAL : SYndicat mixte des Transports pour le Rhône et l'Agglomération Lyonnaise STRMTG : Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés TCL : Transports en Commun Lyonnais VL : Véhicule léger. Dans cet accident, il s'agit d'un petit utilitaire.
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Résumé
Le dimanche 23 août 2015 à 15 h 51, dans le 8 arrondissement de Lyon, une rame de la ligne T2 de tramway, circulant sur le boulevard Jean XXIII en direction du terminus « Saint-Priest Bel-Air », est percutée à l'avant droit par un véhicule de marque Citroën de type Berlingo venant de la rue Bataille et s'engageant sur la plate-forme. Sous le choc, la rame déraille de ses trois bogies, franchit la chaussée routière adjacente, percute dans sa course deux véhicules en stationnement, dont l'un en touche un troisième par ricochet. Elle traverse ensuite la clôture d'une copropriété et s'arrête à quelques mètres de l'entrée de l'immeuble en retrait. Elle aura parcouru 55 mètres au total après la collision. Le bilan de cet accident est de cinq blessés légers. Les conséquences auraient cependant pu être plus dramatiques si une autre rame, des véhicules, des piétons ou un bâtiment s'étaient trouvés sur la trajectoire de la rame déraillée. La cause directe de l'accident est le non-respect par le chauffeur routier de son feu de signalisation alors au rouge depuis plus de 30 secondes. L'inattention de ce chauffeur, plongé dans ses pensées, et le manque de prudence du conducteur de la rame à l'approche d'un carrefour dont la visibilité sur la rue traversante est limitée, ont contribué à la collision. Deux autres facteurs ont, pour leur part, contribué à l'important déraillement qui s'en est suivi :
la sensibilité au déraillement élevée de cette gamme de tramway lors de chocs avec des véhicules routiers ; la vitesse importante du tramway et l'absence de freinage de son conducteur avant le choc.
L'analyse de l'accident conduit le BEA-TT à émettre trois recommandations et une invitation sur ces deux thèmes.
Fig. 1 : Le déraillement de la rame après la collision
(photo internet)
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1 - Constats immédiats et engagement de l'enquête
1.1 Circonstances de l'accident
Le dimanche 23 août 2015 à 15h51, dans le 8 arrondissement de Lyon, une rame de la ligne T2 de tramway, circulant sur le boulevard Jean XXIII en direction du terminus « Saint-Priest Bel-Air », est percutée à l'avant droit par un véhicule de marque Citroën de type Berlingo venant de la rue Bataille et s'engageant sur la plate-forme. Sous le choc, la rame déraille de ses trois bogies, franchit la chaussée routière adjacente, percute dans sa course deux véhicules en stationnement, dont l'un touche un troisième par ricochet. Elle traverse ensuite la clôture d'une copropriété et s'arrête à quelques mètres de l'entrée de l'immeuble en retrait. Elle aura parcouru 55 mètres au total après la collision.
1.2 -
Bilan humain et matériel
Les conséquences corporelles de cet accident sont de cinq blessés légers : trois passagers du tramway ont été examinés sur place par les services de secours pour des douleurs bénignes, un quatrième voyageur et le conducteur du Citroën Berlingo ont été transportés à l'hôpital pour des examens complémentaires. Le véhicule Citroën Berlingo est totalement détruit. Les dégâts sur la rame sont circonscrits au carénage aux endroits des impacts, et à la porte avant droite. La caténaire est endommagée. Parmi les véhicules en stationnement percutés par la rame, l'un, de marque Opel, a sa partie arrière droite enfoncée et sa roue désolidarisée. Le second, de marque Peugeot, a son capot enfoncé et son pare-choc à terre. Un troisième, de marque Seat, a été touché par ricochet et présente quelques dégâts sur la porte avant gauche. S'agissant des équipements urbains, un feu de signalisation a été cisaillé par la rame après qu'elle a déraillé. La clôture, un arbuste et un éclairage bas de la copropriété ont été détruits. Un arbre sur le trottoir a été coupé pour permettre le remorquage de la rame.
1.3 -
Engagement et organisation de l'enquête
Au vu des circonstances de cet accident, le directeur du bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) a ouvert une enquête technique le 25 août 2015, en application des articles L. 1621-1 à 1622-2 du code des transports. Les enquêteurs se sont rendus sur le site de l'accident. Ils ont rencontré les représentants de la gendarmerie, de l'autorité organisatrice des transports, le SYTRAL, de l'exploitant du tramway, Kéolis-Lyon, du constructeur des rames de tramway, la société Alstom, et du service de contrôle de l'État, le STRMTG. Ils ont eu communication de l'ensemble des pièces et documents nécessaires à leur analyse, notamment le dossier de l'enquête de flagrance menée par le commissariat du 8e arrondissement de Lyon et le rapport d'évènement notable établi par l'exploitant du tramway.
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2 - Contexte de l'accident
2.1 Le réseau de tramway de l'agglomération de Lyon
Fig. 2 : Le réseau de tramway de Lyon
Développé à partir de 2001, le réseau de tramway de l'agglomération lyonnaise comprend cinq lignes de tramway, quatre urbaines (T1, T2, T4, T5) et une interurbaine (T3). L'autorité organisatrice en est le Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (SYTRAL), regroupant la métropole de Lyon, le département du Rhône, la communauté d'agglomération Villefranche-Beaujolais-Saône, la communauté de communes de l'Est lyonnais et six communes. L'exploitant est Kéolis-Lyon, agissant sous la marque commerciale TCL (transport en commun lyonnais), filiale à 100 % de la société Kéolis SA, dans le cadre d'une délégation de service public. La ligne de tramway T2 entre Perrache et Saint-Priest Bel-Air est longue de 15 km et comprend 29 stations. En 2015, l'exploitant y a recensé 22,7 millions de voyages effectués pour 1,5 million de kilomètres parcourus par les rames. Elle a reçu les autorisations de mise en exploitation commerciale suivantes, délivrées par le préfet du Rhône :
le 15 décembre 2002, pour le tronçon Perrache Porte-des-Alpes ; le 23 octobre 2003, pour son prolongement de Porte-des-Alpes à Saint-Priest Bel-Air.
La circulation des rames est régie par un règlement de sécurité de l'exploitation (RSE). Les rames circulent tous les jours de la semaine, entre 4 h 30 et minuit, avec une fréquence de 3 à 7 minutes dans la journée. Elles sont conduites à vue et, à ce titre, « le conducteur règle sa vitesse de manière à pouvoir s'arrêter avant tout obstacle (tram,
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signal d'arrêt, train de travaux). Il [l']adapte également en fonction de l'environnement traversé et des circonstances pour pouvoir assurer la sécurité de tous1 ». En cas de danger imminent, le conducteur doit faire usage de l'avertisseur sonore. De manière préventive et à sa discrétion, il fait usage de la cloche électrique (le « gong ») pour signaler sa présence aux tiers à proximité de la plate-forme. La vitesse maximale que les conducteurs ne peuvent dépasser est normalement de 50 km/h. Toutefois, des valeurs plus faibles sont prescrites en divers points de la ligne, là où le tracé de la voie, ou des circonstances particulières, le nécessitent.
2.2 -
Les rames de tramway de la ligne T2
Le parc de véhicules utilisé pour l'exploitation de la ligne de tramway T2 de Lyon comprend 47 rames de la gamme Citadis 302 du constructeur Alstom. Ces rames ont une capacité de 201 personnes dont 56 assises, une longueur de 32,4 m, une largeur de 2,4 m et une masse à vide de 37 t. Elles se composent de 5 caisses articulées, portées par 2 bogies moteurs situés sous les caisses d'extrémité et par un bogie porteur situé sous la caisse centrale.
Fig. 3 : Une rame de la gamme Citadis 302 circulant à Lyon (photo internet)
Fig. 4 : Diagramme des rames de la gamme Citadis 302 circulant à Lyon
2.3 -
La zone de l'accident
L'accident a eu lieu à l'intersection du boulevard Jean XXIII avec la rue Bataille. Ces deux routes sont en alignement droit sans rampe et se croisent selon un angle de 120°. Sur le boulevard Jean XXIII, la voirie publique est constituée :
2.3.1 - L'aménagement du carrefour
d'une plate-forme minérale de 7 mètres de large, réservée au tramway et positionnée en son axe. La vitesse maximale autorisée pour les rames est de 50 km/h ; de part et d'autre, d'une file de circulation routière de 3 mètres de large ; de trottoirs de 5 à 6 mètres de large, sur lesquels sont positionnés quelques places de stationnement.
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Article 3.1.2 du règlement de sécurité de l'exploitation (RSE) des lignes T1, T2, T4 et T5 du tramway de l'agglomération lyonnaise
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Sur la rue Bataille, qui est en sens unique, du côté sud-est d'où provenait la voiture impliquée, cette voirie comprend :
une file de circulation routière de 3 mètres de large ; à droite de cette file, une piste cyclable de 1,4 mètre de large ; de part et d'autre, une file réservée au stationnement. Trente mètres avant l'intersection, le stationnement de droite est remplacé par une file réservée aux mouvements de tourne-à-droite (la piste cyclable est alors située entre cette file et celle réservée aux véhicules allant tout droit) ; des trottoirs de 1,7 mètre de large.
Fig. 5 : Plan de situation de la zone de l'accident
2.3.2 - La signalisation du carrefour
Les mouvements que les véhicules routiers peuvent réaliser sur le carrefour du boulevard Jean XXIII avec la rue Bataille, et la signalisation qui les régit, sont représentés sur le schéma ci-après. Le passage des rames de tramway est, pour sa part, géré par des feux R17, dont les indications lumineuses blanches « horizontal », « disque » et « vertical » ont les mêmes significations que le feu routier classique rouge/jaune/vert. Ces feux de signalisation sont commandés par un contrôleur de carrefour selon les principes suivants :
en l'absence de tramway, sont cycliquement autorisés les mouvements des véhicules circulant sur le boulevard Jean XXIII pendant 34 à 38 secondes (en bleu et vert sur le schéma ci-après), puis ceux de la rue Bataille pendant 25 secondes (en orange). Les feux R17 sont continûment à l'« horizontal » ; dès qu'un tramway s'approche, il est détecté par des boucles implantées dans la plate-forme, et tous les feux routiers passent alors au rouge, n'autorisant plus aucun mouvement de véhicules routiers. Le feu R17 concerné bascule ensuite au « vertical » pour permettre le passage de la rame.
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Fig. 6 : Signalisation lumineuse et mouvements autorisés
2.3.3 - La visibilité réciproque au carrefour
Dans le quadrant sud du carrefour entre le boulevard Jean XXIII et la rue Bataille, la visibilité réciproque entre le tramway et les véhicules routiers est limitée par une clôture : un conducteur de tramway ne percevra une voiture arrêtée à la ligne d'effet des feux de la rue Bataille que lorsque sa rame sera à moins de 30 mètres de l'intersection, ainsi que l'illustrent le schéma et la photo ci-dessous. Cette faible visibilité sera même réduite en cas d'occupation de la file du boulevard par des véhicules volumineux arrêtés au feu. À titre de comparaison, une rame de tramway roulant à 50 km/h s'arrête en 60 mètres lorsque son conducteur déclenche un freinage d'urgence (en 35 mètres à 35 km/h)2.
Fig. 7 : Triangle de visibilité réciproque et vision du conducteur de la rame à une trentaine de mètres du carrefour
2 En considérant que le conducteur a un temps de réaction de 1 s et que la rame a des performances de freinage conformes aux normes en vigueur : décélération équivalente de 2,8 m/s², temps équivalent de 0,85 s.
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3 - Compte rendu des investigations effectuées
3.1 Résumé des témoignages
Les résumés présentés ci-dessous sont établis par les enquêteurs techniques sur la base des déclarations (orales ou écrites) dont ils ont eu connaissance. Ils ne retiennent que les éléments qui paraissent utiles pour éclairer la compréhension et l'analyse des événements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre les différentes déclarations ou entre ces déclarations et des constats ou analyses présentés par ailleurs. Les expressions « entre guillemets en italique » figurent in extenso dans les procès-verbaux.
3.1.1 - Témoignage du conducteur de la voiture
Le conducteur de la voiture impliquée était chauffeur au sein de la société Rhône Alpes Courses (RAC) de transport de produits biologiques entre les hôpitaux et les laboratoires d'analyses médicales. Le jour de l'accident, il s'est levé à 5 h 30, pour prendre son service à 7 h 00. Au moment des faits, à 15 h 50, il était seul dans son véhicule. Il venait de prendre livraison d'échantillons sanguins à l'hôpital Mermoz en vue de les remettre au laboratoire Villon et Natécia à proximité. Il devait pour cela emprunter la rue Bataille et franchir le boulevard Jean XXIII. Un membre de sa proche famille était récemment décédé dans cet hôpital, et il se remémorait douloureusement son souvenir pendant qu'il circulait dans la rue Bataille. Il était « perdu dans ses pensées » et avait « un peu la tête ailleurs ». Il accusait par ailleurs une certaine fatigue de sa journée. Sa vitesse était inférieure à 50 km/h, et il n'utilisait pas son téléphone. Alors qu'il s'approchait de l'intersection avec le boulevard Jean XXIII, il se souvient que deux véhicules étaient arrêtés au feu, sur la file de gauche. Il s'est en conséquence déporté sur la file de droite [réservée aux mouvements de tourne-à-droite] pour traverser le carrefour. Prenant ensuite conscience que le feu était au rouge, il pense avoir brutalement freiné, mais que la chaussée humide d'une récente pluie ne lui a pas permis de s'arrêter à temps. Il a alors perçu la rame de tramway arrivant sur sa gauche et l'a entendue klaxonner, avant de la heurter. Il se souvient avoir repris conscience dans la voiture après l'accident, sans pouvoir bouger.
3.1.2 - Témoignage du conducteur du tramway
Le conducteur de la rame de tramway était, au moment des faits, étudiant et travaillait aussi pour la société d'intérim Manpower. Il effectuait, ce jour-là, une mission temporaire de conducteur de tramways pour l'exploitant Kéolis, et avait commencé son service à 11 h 44. Il venait de quitter la station « Bachut Mairie du 8e » en direction de Saint-Priest et s'apprêtait à franchir la rue Bataille. Il avait positionné son manipulateur de traction-freinage au neutre, sa vitesse était à 47 km/h, et le feu R17 de signalisation était au « vertical » depuis « un bon moment », l'autorisant à passer. Il n'a vu personne à l'intersection, précisant cependant que « la visibilité à droite dans la rue Bataille est moyenne puisque l'on voit cette rue uniquement quand on est engagé dans le carrefour ». Il a aperçu la voiture impliquée au dernier moment, quand elle était déjà engagée sur le boulevard Jean XXIII. Il a alors déclenché le gong, klaxonné, et pense avoir freiné avant le choc.
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Il a alors senti la rame dérailler. Une fois la rame arrêtée dans le jardin d'un immeuble voisin, le conducteur a enclenché le freinage de secours qui permet de couper l'alimentation électrique de la rame, et a alerté le PCC, pendant que la trentaine de voyageurs présents à bord évacuait.
3.1.3 - Témoignage de deux tiers
Deux tiers ont apporté leur témoignage :
le premier est le conducteur d'une voiture qui circulait sur le boulevard Jean XXIII, dans le même sens que la rame de tramway. Il était à l'arrêt devant son feu de circulation, alors au rouge depuis peu de temps, quand il a vu déboucher de la rue Bataille le véhicule impliqué. Celui-ci roulait à vitesse modérée, il ne lui a pas semblé qu'il freinait, ni que son conducteur avait perdu le contrôle de son véhicule ; le deuxième témoin est le conducteur d'une voiture qui circulait dans la rue Bataille. Son feu de circulation était au rouge depuis au moins 30 secondes, il y avait une voiture devant lui et une autre derrière lui. Il a vu dans son rétroviseur la voiture impliquée arriver à vitesse modérée et déboîter sur la voie de droite. Elle a ensuite franchi le feu et s'est engagée sur le carrefour. Elle n'a pas freiné avant le choc, ses feux de stop ne s'étant pas allumés.
3.1.4 - Témoignage d'un voyageur du tramway
Le témoin est un employé de la SNCF qui était à bord de la rame au moment des faits. Il a senti la rame dérailler et percuter une voiture en stationnement avant de s'arrêter dans le jardin d'un immeuble. Les voyageurs étant paniqués, il les a aidés à évacuer la rame : n'étant pas parvenu à ouvrir les portes en actionnant leur poignée d'urgence, il a alors utilisé sa propre clé professionnelle (clé dite « de Berne ») pour les déverrouiller. Il s'est ensuite porté auprès du conducteur de la rame, qui semblait en état de choc, pour lui demander s'il avait coupé le courant électrique. Puis il lui a emprunté un extincteur situé dans la cabine de conduite, constatant que de la fumée s'échappait de la voiture accidentée. Les pompiers sont ensuite arrivés très rapidement.
3.2 -
Le véhicule routier et son conducteur
Le véhicule impliqué dans l'accident est un petit utilitaire de marque Citroën de type Berlingo. Son poids à vide est de 1,4 tonne, sa longueur de 4,4 mètres et sa largeur de 1,8 mètre.
3.2.1 - Les caractéristiques et l'entretien du véhicule routier
Fig. 8 : Véhicule Citroën Berlingo 20
Il appartient à la société Star Lease qui le loue, dans le cadre d'un contrat-bail de 36 mois ou 150 000 km, à la société Rhône Alpes Courses (RAC). L'entretien est à la charge de cette dernière. Sa première mise en circulation a eu lieu le 19 février 2014. Il a parcouru, au moment de l'accident, 147 000 km. Il a fait l'objet de révisions régulières, tous les 22 700 km en moyenne. La dernière révision date du 8 juillet 2015, à 136 122 km, au cours de laquelle ses plaquettes de frein ont notamment été changées. L'expertise diligentée après l'accident montre que les pneumatiques arrière sont récents, et que les pneumatiques avant ont une profondeur de sculpture de 2,6 à 2,7 mm (pour une profondeur minimale de 1,6 mm). Aucun autre élément lié à l'adhérence ou au freinage n'a été mis en évidence.
3.2.2 - Les dégâts occasionnés et les traces relevées
Le véhicule a subi une collision frontale importante, comme le montre la photo ci-après, et est réduit à l'état d'épave. Sous l'impact, le véhicule a reculé d'environ 8 mètres en pivotant sur lui-même de 220 à 230 degrés. Aucune trace de freinage n'a été relevée sur la chaussée.
Fig. 9 : Dégâts sur le véhicule routier
3.2.3 - Le conducteur
Le conducteur de la voiture, âgé de 34 ans, est titulaire du permis B depuis février 2002. Il habite dans une commune en périphérie de Lyon, et est employé de la société RAC, en contrat à durée indéterminée, depuis le 18 février 2015. Il assure des transports de produits biologiques entre les hôpitaux et un laboratoire situé dans 8e arrondissement de Lyon. Il connaissait bien les lieux et, au vu des courses, il franchissait le carrefour de la rue Bataille avec le boulevard Jean XXIII plusieurs fois par jour. Les dépistages de l'alcoolémie et de la consommation de stupéfiants auxquels il a été soumis se sont révélés négatifs.
3.2.4 - La conduite du véhicule
Les véhicules utilisés par la société RAC disposent d'un dispositif mémorisant leur localisation et leur vitesse. Les enregistrements montrent que, la journée de l'accident, le conducteur a réalisé une vingtaine de courses entre hôpitaux et laboratoires d'analyses, principalement dans le 8e arrondissement de Lyon. La vitesse moyenne relevée sur
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chacun de ces trajets laisse supposer une conduite respectueuse des limitations de vitesse. Juste avant l'accident, il quittait l'hôpital Jean Mermoz pour rejoindre un laboratoire situé rue Audibert-et-Lavirotte, à moins de 3 km. Le schéma ci-après montre l'itinéraire emprunté, qu'il a parcouru à 39 km/h de moyenne.
Fig. 10 : Itinéraire du véhicule routier avant la collision
3.2.5 - La vitesse au moment de l'accident
Le dispositif de géolocalisation des véhicules de la société RAC a enregistré une vitesse de l'ordre de 29 km/h au moment du choc. La centrale de commande des équipements de sécurité du véhicule a par ailleurs enregistré une vitesse de 29 km/h au moment du choc, et de 35 km/h respectivement 300, 600 et 900 m avant la collision. Les données des deux paragraphes ci-avant correspondent aux distances suivantes : le véhicule roulait à 39 km/h de moyenne sur les 700 mètres avant la collision, il a franchi le feu routier au carrefour à 35 km/h, a continué pendant 6 mètres à la même vitesse, et a freiné moins de 3 mètres avant l'impact.
3.3 -
La rame de tramway et son conducteur
La rame de tramway impliquée porte le numéro 850. Elle a été livrée en juillet 2006. Sa dernière révision (dite « petite révision ») a eu lieu le 28 juillet 2015 et la dernière intervention date du 5 août 2015 au cours de laquelle des roues neuves lui ont été installées. De fait, les relevés d'usures réalisés après l'accident avec un gabarit ne montrent aucune anomalie.
3.3.1 - Les caractéristiques de la rame et sa maintenance
3.3.2 - Les dégâts occasionnés et les traces relevées
La collision avec la voiture s'est produite avec un angle d'environ 80° sur le coin avant droit de la rame, au niveau de la base de la cabine de conduite, dans la partie la plus renforcée du châssis. Les dommages sur le pare-brise avant, la vitre latérale gauche, les carénages et la porte avant droite ont été relevés et sont dus aux collisions avec un feu de signalisation, un arbre, des véhicules en stationnement, un trottoir et un portail. En outre, le dispositif de
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captation du courant électrique de traction a été endommagé lorsque la rame est passée sur la voie adjacente. Certaines articulations inter-caisses et caisse-bogie ont été détériorées par le déraillement et par la divagation de la rame sur la chaussée.
Fig. 11 : Zone de l'impact avec le véhicule sur l'avant droit de la cabine de la rame
Fig. 12 : Dégâts occasionnés après le déraillement sur l'avant gauche de la cabine
Chaque essieu de la rame a laissé des traces clairement visibles sur la chaussée. Leur localisation montre que :
le bogie avant a déraillé quasi-simultanément au choc, et a parcouru 55 mètres environ. Il était entièrement dans l'emprise de la copropriété après l'arrêt de la rame ; le bogie intermédiaire a parcouru 35 mètres sur les rails, puis 20 mètres déraillé. Il a ainsi traversé la plate-forme du tramway, la chaussée routière et était sur le trottoir lorsque la rame s'est arrêtée ; le bogie arrière a parcouru de l'ordre de 40 mètres sur les rails, puis 15 mètres déraillé. Il est resté sur la plate-forme du tramway.
Après son arrêt, la rame avait une forme de S, ses deux caisses avant étaient en totalité dans le jardin de la copropriété, sa caisse intermédiaire était perpendiculaire à la plate-forme, ses deux caisses arrière obstruaient la totalité de chaussée routière et la plate-forme tramway.
Fig. 13 : Traces laissées par les bogies
Fig. 14 : Reconstitution de la trajectoire des bogies et localisation de leur déraillement 23
3.3.3 - Le conducteur de la rame
Le conducteur de la rame est un étudiant âgé de 24 ans, de nationalité paraguayenne, réalisant des études d'ingénieur à l'Institut national des sciences appliquées de Lyon (INSA). En plus de ses activités étudiantes, il est employé par Kéolis Lyon, par l'intermédiaire d'une agence d'intérim et dans le cadre d'un partenariat avec l'INSA, pour conduire des rames de tramway. À cette fin, l'exploitant lui a délivré une habilitation à la conduite des rames de tramway en juillet 2011, après un stage d'un mois. Cependant, faute d'avoir conduit durant l'année 2014 et au début de l'année 2015, cette habilitation est devenue caduque en application des règles internes à l'entreprise. Il a alors suivi un stage d'une journée le 2 mars 2015 pour la « réactiver ». Depuis le 2 mars 2015, il a conduit en moyenne 3 jours par mois. En particulier, il n'avait pas conduit au cours des 34 jours précédant l'accident. Le dépistage d'alcoolémie auquel il a été soumis après l'accident est négatif.
3.3.4 - La conduite de la rame
Le jour de l'accident, le conducteur assurait un service d'une journée, débutant à 11 h 44 et devant s'achever à 18 h 29, avec une pause de 20 minutes. C'était son dernier jour de travail avant son déménagement dans une autre région. L'exploitation des données enregistrées par la centrale tachymétrique de la rame permet d'obtenir les informations suivantes sur sa conduite lors de l'accident :
100 m (7 s) avant le choc, le conducteur est sur le boulevard Jean XXIII. Il arrête d'accélérer et place son manipulateur de traction-freinage au neutre. Sa rame est à 47 km/h, pour une vitesse limitée à 50 km/h. Il restera à cette vitesse et au neutre jusqu'à la collision, sans freiner à l'approche du carrefour, bien qu'il ne dispose que d'une faible visibilité de la rue Bataille, comme indiqué au paragraphe 2.3.3 ; 8 m (0,6 s) avant le choc, le conducteur déclenche simultanément le gong et le klaxon. Il maintient cependant son manipulateur de traction-freinage au neutre, sans engager ni freinage de service, ni freinage d'urgence ; la collision a lieu alors que la rame a une vitesse de 47 km/h ; au cours des 27 m (2,3 s) suivants, le manipulateur est très brièvement placé en traction, puis en freinage et à nouveau en traction. Il s'agit vraisemblablement de petits mouvements involontaires du conducteur dus aux vibrations provoquées par le déraillement, sans que cela ait de conséquence notable sur la vitesse de la rame, qui baisse légèrement à 43 km/h 3 ; 27 m après le choc (2,3 s), le conducteur actionne le gong, puis déclenche ensuite quasi simultanément le freinage d'urgence. La vitesse de la rame décroît rapidement. Au total, la rame aura parcouru 55 mètres environ après la collision, en 7 secondes. L'exploitation de cette courbe montre que, durant le freinage d'urgence, la rame avait une décélération de 2,6 m/s². Une comparaison avec la valeur normative attendue de 2,8 m/s² n'a pas de sens, dans la mesure où la rame a déraillé.
3
Si la vitesse indiquée sur le graphique semble beaucoup fluctuer sur ces 27 mètres suivant la collision, il s'agit cependant d'un artefact engendré par le dispositif technique de mesure de la vitesse, qui prend une partie de ses informations sur les essieux qui ont déraillé et dont la vitesse de rotation n'est plus représentative de la vitesse réelle de la rame.
24
Fig. 15 : Restitution de la vitesse de la rame et des actions de son conducteur en fonction de la distance et du temps
3.4 -
L'environnement, les infrastructures et les feux de signalisation
L'examen des enregistrements des caméras vidéos placées à l'intérieur de la rame montre qu'au moins un véhicule était arrêté devant le feu de la rue Bataille, sur la voie de gauche, et un véhicule était garé sur la première place de stationnement située à gauche de la rue Bataille.
3.4.1 - L'environnement
25
3.4.2 - L'état de la chaussée routière et des rails
S'il ne pleuvait pas au moment de l'accident, une légère pluie était tombée quelques heures avant, et les relevés de la police font état d'une chaussée routière et de rails humides. Cela n'a cependant pas pu avoir de conséquence sur la collision, dans la mesure où le conducteur de la rame n'a pas freiné et où le chauffeur routier ne l'a fait que très tardivement. Le relevé au profilomètre des rails, réalisé après l'accident, conclut à un niveau d'usure faible, ne dépassant pas l'usure maximale admissible. Le dernier curage de leur gorge a été effectué le 12 juin 2015, et leur état de propreté constaté après la collision était satisfaisant.
3.4.3 - Le fonctionnement des feux de signalisation lors de l'accident
Le contrôleur de carrefour possède un enregistreur qui mémorise notamment l'heure à laquelle les boucles implantées dans la plate-forme du tramway détectent le passage d'une rame et l'évolution des feux de signalisation. L'exploitation de ces enregistrements permet d'en déduire les éléments suivants, synthétisés dans le graphique ci-après :
78 s avant la collision, les feux routiers de la rue Bataille passent au rouge, et y resteront jusqu'à l'accident ; 37 s avant la collision, les feux routiers du boulevard Jean XXIII basculent à leur tour au rouge, car une rame arrive sur la voie opposée à celle impliquée ; 35 s avant la collision, les feux tramway R17 passent au vertical, autorisant cette rame à passer ; 26 s avant la collision, la rame sur la voie opposée achève de traverser le carrefour 4. Les feux R17 du tramway resteront au vertical et ceux routiers au rouge jusqu'à la fin des évènements ; 1 à 1,5 s avant la collision, la rame franchit le feu R17 du tramway au vertical.
Fig. 16 : Evolution des feux routiers avant l'accident
Il ressort clairement de cette chronologie que le chauffeur du véhicule routier a franchi le feu de la rue Bataille alors que celui-ci était au rouge depuis 35-36 secondes, et que le conducteur du tramway est passé devant le feu R17 du carrefour qui était au vertical (l'autorisant à passer) depuis 33-34 secondes5.
4 5
Compte tenu de la vitesse moyenne de l'utilitaire impliqué, il était alors à environ 280 m du carrefour, en train de s'engager dans la rue Bataille, il n'a vraisemblablement pas aperçu cette rame, et il est donc probable que cela n'a pas influencé sa conduite. Compte tenu de la localisation des feux à 11 et 15 m du lieu de la collision, et des vitesses respectives de la rame et du véhicule routier, 1 à 1,5 s se sont écoulées entre le franchissement des feux et le choc.
26
3.5 -
Approfondissement des investigations sur les déraillements consécutifs à des collisions
La fréquence des déraillements des rames de tramway à la suite de collisions avec des véhicules routiers est présentée dans le tableau ci-après, établi pour les années 2004 à 2014 à partir de la base de données des accidents de tramway tenue par le STRMTG (des données plus complètes sont fournies en annexe 3).
Période 2004-2014 Nombre de collisions Nombre de déraillements induits Déraillement pour 1000 collisions Véhicules routiers de poids inférieur à 3,5 t 9159 54 6 Véhicules routiers de poids supérieur à 3,5 t 433 27 62
3.5.1 - La fréquence des déraillements consécutifs à des collisions
Fig. 17 : Tableau récapitulatif des déraillements consécutifs aux collisions avec des véhicules routiers observés sur la période 2004-2014
Il ressort que dans 6 cas sur 1000, la collision entre une rame et un véhicule léger entraîne le déraillement du tramway. Ce taux est multiplié par dix pour les véhicules routiers dont le poids est supérieur à 3,5 tonnes. Le tableau ci-après distingue ce taux selon que le tramway est d'un modèle Citadis X02 (302 ou 402), comme celui impliqué dans l'accident du 23 août 2015, ou d'un autre modèle.
Période 2004-2014 Déraillement pour 1000 collisions avec un tramway Citadis X02 (302 ou 402) Déraillement pour 1000 collisions avec un tramway d'un autre modèle Déraillement pour 1000 collisions Véhicules routiers de poids inférieur à 3,5 t 11
(45 déraillements pour 4053 collisions)
Véhicules routiers de poids supérieur à 3,5 t 112
(18 déraillements pour 161 collisions)
2
(9 déraillements pour 5106 collisions)
33
(9 déraillements pour 272 collisions)
6
62
Fig. 18 : Tableau récapitulatif des déraillements consécutifs aux collisions avec des véhicules routiers observés sur la période 2004-2014, selon le matériel roulant
Les échantillons sont relativement similaires, tant concernant le nombre de collisions que l'importance du parc de rames concernées6. Pour autant, sur la période 2004-2014, le taux de déraillements de rames du modèle Citadis X02 après une collision avec un véhicule léger est 5 à 6 fois supérieur au taux de déraillement des rames des autres modèles. Cette différence est à peine moins marquée, dans un rapport de 1 à 3, pour les collisions avec un véhicule de poids supérieur à 3,5 tonnes. Cette différence avait déjà été mise en évidence dans le rapport d'enquête technique du BEA-TT sur l'accident cité au paragraphe suivant.
3.5.2 - Les recommandations antérieures du BEA-TT et les suites données
Le BEA-TT a réalisé une enquête technique sur le déraillement d'une rame du tramway de Valenciennes consécutif à une collision avec une voiture, survenu le 8 octobre 2009 à Denain7. Comme dans le présent accident, la voiture avait franchi son feu routier au rouge, et le conducteur de la rame n'avait engagé aucun freinage d'urgence avant le choc. La rame, de type Citadis 302, avait déraillé sur 14 mètres, franchi la voie adjacente,
6 7 En 2014, étaient en exploitation 759 rames Citadis X02 (302 ou 402) et 524 rames d'un autre modèle. Ce parc évolue naturellement au cours des années. Le rapport de cette enquête est accessible sur le site internet du BEA-TT.
27
heurté le quai de la station voisine, puis légèrement ripé le long de celui-ci. L'accident avait occasionné un blessé grave, le passager de la voiture, et huit blessés légers.
Fig. 19 : Le déraillement d'une rame du tramway de Valenciennes après une collision avec une voiture
Les faibles vitesses en jeu relevées au moment du choc, 25 km/h pour la rame et 30 km/h pour la voiture, sont représentatives d'une conduite en milieu urbain et sont susceptibles de se retrouver dans de multiples autres collisions. Elles contrastent avec l'importance du déraillement qui s'en est suivi, qui aurait pu conduire à un grave suraccident de tamponnement avec une rame circulant sur la voie adjacente, de collision avec un piéton sur le quai, ou, dans le cas de l'accident du 23 août 2015 à Lyon, de collision avec un véhicule routier ou de choc contre la façade d'un immeuble. Le BEA-TT a émis deux recommandations en lien avec le déraillement, l'une adressée au STRMTG, l'autre à Alstom. La recommandation adressée au STRMTG Cette recommandation est formulée ainsi : « engager une réflexion pour définir une méthode permettant de vérifier dès la conception de nouvelles rames de tramway le niveau des risques de déraillement lors d'une collision avec un véhicule léger ». Le STRMTG a publié, en octobre 2016, un guide technique intitulé « conception des bouts avants des tramways » dont le chapitre 4 décrit la méthode élaborée avec les constructeurs de matériels roulants répondant à cette recommandation. Cette méthode consiste à déterminer, par modélisation, à quelle vitesse théorique une voiture aux caractéristiques définies dans le guide fait dérailler une rame circulant à 30 km/h lors d'un choc à angle droit en extrémité de la cabine de conduite. Afin de s'affranchir des limites et incertitudes des outils actuels de simulation, le constructeur calcule cette vitesse théorique pour deux modèles : pour une rame déjà en exploitation commerciale, qui sera dite « de référence », et pour la rame en cours de conception. Il s'agit alors de vérifier que la vitesse de la voiture qui fait dérailler la rame de nouvelle conception est supérieure ou égale à la vitesse de la voiture qui fait dérailler la rame existante servant de référence (principe de « non-régression » de la nouvelle rame par rapport à la rame de référence). Dans la suite du rapport, afin d'en simplifier la lecture, la sensibilité au déraillement d'une rame lors d'une collision avec un véhicule léger, calculée avec cette méthode, sera appelée « déraillabilité ». Une déraillabilité améliorée de 10 % reviendra à dire que la vitesse de la voiture qui fait dérailler la rame de nouvelle conception est de 10 % supérieure à la vitesse de la voiture qui provoque le déraillement de la rame de référence.
28
La recommandation adressée à Alstom Cette recommandation est rédigée ainsi : « Prendre en compte dans la conception des matériels de tramway et de leurs bogies la sensibilité des rames au déraillement lors de collisions avec des véhicules routiers. ». Alstom a appliqué la méthode décrite ci-avant à sa prochaine gamme de tramway Citadis X05, en cours de conception et de fabrication, qu'il a comparée au modèle Citadis X02 existant. Les deux matériels ont une déraillabilité sensiblement équivalente lorsqu'ils circulent sur des rails U50. Elle est légèrement meilleure (de 10 %) pour le modèle Citadis X05, lorsqu'il circule sur des rails 41GPu8. Le constructeur a également conduit des études en faisant varier plusieurs paramètres afin d'en cerner les effets sur la déraillabilité. Ainsi, en conception, la raideur des amortisseurs longitudinaux et le positionnement des butées entre la caisse et le bogie peuvent avoir un impact de 20 à 30 %, mais certaines valeurs ont été retenues lors de la simulation de manière théorique, sans tenir compte de leur faisabilité industrielle. En exploitation, le déclenchement du freinage d'urgence et l'application des patins magnétiques avant le choc peuvent améliorer la déraillabilité de 30 %, ce qui reste toutefois hypothétique en l'absence d'automatisme détectant les situations imminentes de collision. Alstom a également appliqué la méthode ci-avant à la gamme Citadis X03 actuellement en exploitation à Strasbourg. Ce matériel développé spécifiquement pour ce réseau présente la particularité de posséder un bogie sous les cabines de conduite, ce qui diminue le porte-à-faux aux extrémités. La déraillabilité de ce matériel roulant est ainsi améliorée de 80 % par rapport aux rames Citadis X02. Le constructeur Alstom étudie aussi, au stade de la Recherche & Développement, différentes solutions de détection des obstacles fixes et mobiles, afin d'alerter le conducteur, voire d'agir sur la conduite. Ces travaux ont pour but de renforcer la sécurité contre les collisions. Si elles représentent des réelles perspectives pour l'avenir, les solutions ne sont toutefois pas suffisamment abouties. Elles ne doivent pas non plus exonérer le constructeur d'améliorer la déraillabilité des rames, car les tramways circulent dans un milieu urbain et ouvert où les risques de collision ne peuvent être nuls. Une autre voie d'amélioration développée par le constructeur est l'application du freinage d'urgence (FU) automatiquement sur détection de choc. Même si cela ne prévient pas le déraillement du bogie avant, cette disposition permettrait de limiter significativement l'importance du déraillement à la suite du choc. En conclusion, si la sensibilité au déraillement est désormais bien évaluée dans les nouvelles conceptions, un nouveau modèle comme le Citadis X05 ne présente pas pour autant d'amélioration significative de sa déraillabilité par rapport à la rame Citadis X02.
3.5.3 - L'accident de déraillement du tramway de Lyon du 10 novembre 2017
Alors que le BEA-TT avait conclu les investigations sur l'accident du 23 août 2015, un nouvel accident s'est produit, le 10 novembre 2017 à 8 h 23, sur le réseau du tramway de Lyon, sur la ligne T4, à l'intersection des rues de Bonnel et de la Villette. Le tramway a percuté un véhicule léger de type Peugeot 208 n'ayant pas respecté le feu rouge. Le choc a fait dérailler la rame qui est allée percuter un arbre puis un poteau support de la ligne aérienne de contact, s'immobilisant alors brutalement sur cet obstacle. 26 personnes étaient présentes dans la rame. 15 personnes, plus la conductrice du VL, furent prises en charge par les secours car légèrement blessées. Les éléments recueillis ont montré que lors de cet accident, la rame a abordé le carrefour à une vitesse de 40 km/h. Le conducteur :
8
a actionné le klaxon (comme le 23 août 2015) ;
Les rails U50 ont un profil de type ferroviaire, les rails 41GPu sont des rails à gorge encastrés dans la chaussée et utilisés régulièrement pour les voies de tramway.
29
a commandé le freinage de service avant le choc (ce qui n'avait pas été fait le 23 août 2015), mais l'a relâché après ; n'a pas appliqué un freinage d'urgence, ni avant, ni après le choc.
La rame a percuté le poteau caténaire à une vitesse de 20 km/h. L'application d'un freinage d'urgence simultanément au klaxon aurait permis d'éviter le choc. Cet accident très similaire à celui du 23 août 2015, met en évidence la sensibilité au déraillement de la rame et les conséquences qui en découlent. Il attire aussi l'attention, comme pour l'accident du 23 août, sur les conditions de franchissement en vitesse des carrefours par le tramway, ce que nous allons aborder ci-après.
Fig. 20 : Le déraillement du 11 novembre 2017 sur la ligne T4 à Lyon
(photo internet)
3.6 -
Approfondissement des investigations sur le franchissement des carrefours par les rames de tramway
3.6.1 - L'appréciation des conséquences du déraillement avec une vitesse de franchissement du carrefour moindre
Dans le cas du 23 août 2015, la vitesse de choc du tramway a été de 47 km/h, parce que le conducteur abordait le carrefour sensiblement à la vitesse maximale (50 km/h) de la section de ligne sur laquelle il circulait, et qu'il n'a pas freiné lorsqu'il a aperçu la voiture s'engager sur l'intersection. Sa distance de déraillement a été de 55 mètres. Avec une vitesse maximale de franchissement des carrefours à 35 km/h (la raison du choix de cette vitesse sera détaillée au paragraphe 3.6.3 ci-après) :
en l'absence de freinage avant le choc, la vitesse de choc aurait été de 35 km/h, et la distance d'arrêt après le choc aurait été de l'ordre de 40 mètres9 ;
9
Lors de l'accident, le freinage d'urgence a été déclenché 2,3 s après le choc : une rame à 35 km/h parcourt alors 22 m pendant ce laps de temps. Lors de l'accident, durant la phase de freinage d'urgence, la rame avait une décélération de 2,6 m/s² : une rame à 35 km/h stoppe en 18 m. La distance totale d'arrêt après le choc est alors estimée à 22+18=40 m.
30
si le conducteur avait déclenché un freinage d'urgence (FU) simultanément à l'actionnement du klaxon, la vitesse de choc aurait été de l'ordre de 32 km/h, et sa distance d'arrêt après le choc de l'ordre de 15 mètres10.
Il est difficile d'apprécier si, avec ces moindres vitesses de choc, le déraillement se serait produit. Le retour d'expérience montre que c'est possible. Il est également difficile d'apprécier le déport latéral de la rame en cas de déraillement. En supposant que la rame ait le même comportement dynamique et suive la même trajectoire que lors de l'accident du 23 août 2015, dans le premier cas elle stoppe sensiblement au niveau de la clôture de la copropriété sans que l'essieu arrière ne déraille, dans le deuxième cas elle déraille du seul essieu avant et s'arrête sur la voie de tramway adjacente. Cette hypothèse est cependant maximaliste, car elle ne tient pas compte de la moindre énergie cinétique en jeu dans le choc. Il est donc vraisemblable que le nombre d'essieux déraillés et le déport latéral soient moins importants. Toutefois à vitesse faible, l'angle d'inclinaison du tramway est potentiellement supérieur et celui-ci peut ne pas suivre exactement la trajectoire telle que représentée. On ne peut pas exclure que la caisse avant ne se retrouve sur la voirie opposée.
Fig. 21 : Scénarios de déraillement de la rame en fonction de la vitesse de choc et de l'actionnement du FU
3.6.2 - Les consignes de franchissement des carrefours sur le réseau de Lyon
Sur le réseau de tramway de Lyon, les modalités de conduite des rames de tramway sont définies dans l'instruction « circulation lignes T1, T2, T4, T5 » établie par l'exploitant. Celle-ci prévoit que : « En conduite à vue, le conducteur doit observer la plus grande prudence en réglant la vitesse du tram compte tenu de la partie de voie libre qu'il aperçoit devant lui. Il doit également concentrer son attention vis-à-vis des piétons ainsi que sur la circulation des véhicules routiers situés à proximité des voies. En fonction de l'environnement et des circonstances il doit pouvoir arrêter son tram avant tout obstacle (tramway, signal d'arrêt, train de travaux) pouvant se présenter ». Cette instruction ne détaille cependant pas les modalités du franchissement des carrefours : ainsi elle n'impose pas de vitesse limite de franchissement, elle ne dit rien sur la vitesse à adopter lorsque le conducteur n'a pas de visibilité sur la ligne des feux et les voitures de la route perpendiculaire, elle ne prévoit pas non plus un positionnement du
10 Une rame à 32 km/h freinant avec une décélération de 2,6 m/s² telle que constatée lors de l'accident s'arrête en 15 m (d=V²/2a)
31
manipulateur de traction-freinage en « quart-freinage11 » permettant de réduire le temps de réaction des dispositifs de freinage en cas de déclenchement du freinage d'urgence. En complément, le RSE* ne précise pas le domaine d'emploi du FU.
3.6.3 - La vitesse maximale de franchissement des carrefours sur les réseaux de tramway
Le STRMTG tient à jour un panorama des vitesses maximales appliquées par les réseaux de tramway en service dans certaines configurations d'exploitation. La vitesse maximale de franchissement des carrefours fait partie de ce recensement. Ainsi, sur les 28 réseaux, seuls les réseaux de Lyon et Grenoble n'imposent pas de limitation de vitesse de leur rame au franchissement des carrefours. Ceux de Lille et Orléans imposent une limitation qui peut cependant atteindre dans certains cas 50 km/h. Les 24 autres réseaux limitent la vitesse aux intersections à 30, 35 ou 40 km/h.
3.7 -
Approfondissement des investigations sur la conduite des tramways par des étudiants
Au cours du présent accident, le conducteur de la rame :
a croisé une rame circulant sur la voie opposée, juste avant qu'il n'aborde le carrefour avec la rue Bataille, sans que cela ne l'alerte sur le risque de franchissement du carrefour par des véhicules routiers qui franchiraient le feu au rouge en anticipant le retour au vert après passage d'une rame ; a abordé le carrefour quasiment à la vitesse maximale de la section, 50 km/h, sans ralentir, bien que la visibilité de la rue transversale soit limitée ; a bien détecté la proximité de la collision, mais n'a que gongué et klaxonné, sans engager de freinage normal de service, ni de freinage d'urgence ; a déclenché tardivement le freinage d'urgence, 2,3 secondes après le choc.
Les considérations développées au paragraphe 3.6.1 montrent qu'en adoptant une conduite plus prudente et plus réactive, la rame ne serait vraisemblablement pas sortie de la plate-forme du tramway après son déraillement. En outre, après l'arrêt de la rame, c'est un voyageur, cheminot, qui a organisé l'évacuation des usagers, et a déverrouillé des portes avec sa propre « clé de Berne » professionnelle. On peut penser que le conducteur n'avait alors pas pensé à libérer leur ouverture. Le BEA-TT a donc examiné l'expérience du conducteur, et son adéquation avec les exigences de la conduite des rames.
3.7.1 - L'expérience du conducteur impliqué dans l'accident du 23 août 2015
Comme indiqué au paragraphe 3.3.3, le conducteur impliqué dans l'accident du 23 août 2015 est un étudiant d'une école d'ingénieurs. Il a :
suivi un stage d'habilitation à la conduite des rames du 27 juin au 27 juillet 2011, au contenu identique à celui des conducteurs de l'entreprise. Il a été habilité par l'exploitant le 27 juillet 2011, le champ de son habilitation couvrait une partie de la ligne T1 et la totalité des lignes T2 et T4. Il a alors conduit en moyenne 7 jours par mois ; arrêté toute activité avec l'exploitant du fait de la réalisation d'un stage à l'étranger durant 2014 et début 2015 ; suivi un jour de formation le 2 mars 2015 pour, simultanément, réactiver sa précédente habilitation, devenue caduque en application de règles internes compte tenu d'une
11 Positionnement du manipulateur de traction-freinage au neutre ou en léger freinage. * Terme figurant dans le glossaire
32
absence de plus de 6 mois, et apprendre la conduite et les manoeuvres sur le prolongement de la ligne T1 ainsi que sur la ligne T5. Sa nouvelle habilitation couvrait alors les lignes T1, T2 et T5. Il a alors conduit en moyenne 3 jours par mois, et n'avait pas conduit au cours des 34 jours précédant l'accident. L'exploitant n'a pas été en mesure de fournir les attestations d'éventuels stages de formations continues, les comptes rendus d'entretiens annuels, ni les comptes rendus de contrôle dont il aurait pu faire l'objet durant sa conduite.
3.7.2 - La particularité de la conduite d'une rame de tramway
Une rame de tramway telle que le Citadis 302 peut transporter jusqu'à 201 personnes. Sa conduite est considérée comme une tâche de sécurité au sens du décret relatif à la sécurité des transports publics guidés12. Comme indiqué au paragraphe 2.1, elle se conduit en marche à vue, c'est-à-dire que le conducteur doit être en capacité de l'arrêter avant un obstacle, sachant qu'il ne peut, par définition, contourner cet obstacle. Mais une rame nécessite également une distance importante pour s'arrêter, bien qu'elle circule dans l'espace public, parmi les tiers, où les risques de collision sont élevés. Si elle circule à 50 km/h, il lui faut ainsi 60 mètres en freinage d'urgence, ou 115 mètres en freinage maximal de service13. Le corollaire est que le conducteur doit adopter une conduite dite « défensive » fortement marquée : il doit constamment anticiper très en amont les mouvements des tiers, adapter sa vitesse en conséquence, appréhender rapidement les situations de danger et y réagir en déclenchant si nécessaire un freinage d'urgence. Un tel mode de conduite s'acquiert progressivement par la pratique, et non pas uniquement lors de la formation initiale. Des contrôles en exploitation et une formation continue sont également indispensables pour s'assurer qu'il est correctement maîtrisé et appliqué sans dérive dans le temps. S'agissant des gestes opérationnels à réaliser juste après un accident, les conducteurs n'y sont, fort heureusement, que rarement confrontés dans la réalité. Leur bonne maîtrise s'acquiert par des rappels lors de la formation continue, mais également par le partage d'expérience au quotidien avec des conducteurs l'ayant vécu et par la culture de sécurité de l'entreprise.
3.7.3 - Le panorama des pratiques nationales de recours à des étudiants
Dans le présent accident, il apparaît difficile, à ce niveau d'investigation, de savoir si la conduite insuffisamment défensive du conducteur à l'approche du carrefour est le fait d'une inattention temporaire, et si la maîtrise imparfaite de la situation postaccidentelle est due au stress, ou si la cause doit en être recherchée, de manière plus profonde, en lien avec sa condition de jeune conducteur occasionnel et temporaire. Le BEA-TT a interrogé les exploitants des 28 réseaux de tramway sur fer et sur pneumatiques actuellement en service, afin de savoir si le recours à des étudiants pour conduire des rames est fréquent. Ce panorama est présenté en annexe 2. Il en ressort que, sur les 27 autres réseaux :
4 réseaux y ont recours : Angers, Lille, Lyon et Orléans ; 3 réseaux au moins y réfléchissent : Bordeaux, Marseille et Strasbourg.
12 Article 24 du décret n° 2017-440 du 30 mars 2017 relatif à la sécurité des transports publics guidés. 13 En considérant que le conducteur a un temps de réaction de 1 s et que la rame a des performances de freinage conformes aux normes en vigueur : décélération équivalente de 2,8 m/s² et temps équivalent de 0,85 s pour le freinage d'urgence, décélération équivalente de 1,2 m/s² et temps équivalent de 1,5 s pour le freinage maximal de service.
33
3.8 -
Les suites données par l'exploitant
Après l'accident du 23 août 2015, l'exploitant :
a rédigé une note « flash sécurité » informant l'ensemble de son personnel de l'accident, des premiers enseignements tirés et des suites envisagées ; avec les autorités organisatrices possédant des rames Citadis X02, et sur la base d'un recensement des déraillements consécutifs à des collisions, survenus sur les réseaux du groupe Kéolis, a demandé au constructeur Alstom d'étudier les améliorations possibles pour diminuer la sensibilité au déraillement de ce matériel. Aucune des solutions, envisagées par Alstom en réponse, n'atteint l'objectif de rehausser significativement la tenue au déraillement ; a établi une première cartographie de la localisation des freinages d'urgence survenant sur son réseau, afin d'identifier les zones à risque. Dans la continuité de ce travail, une réflexion sur la vitesse de franchissement des intersections est envisagée ; étudie des solutions pour renforcer la perception des tramways (amplification du volume du klaxon, pose de feux LED, création d'une arche lumineuse en partie frontale) ; et renforce actuellement son processus d'analyse et de traitement des accidents.
34
4 - Restitution du déroulement de l'accident et des secours
4.1 La situation avant l'accident
Le 23 août 2015, en milieu d'après-midi, une petite pluie vient de tomber et la chaussée en est encore légèrement humide. Le ciel est nuageux, et la température de 23 °C. Le chauffeur du petit utilitaire routier a pris son service à 7 h 00. Au moment de l'accident, il effectue une course de moins de 3 km, et a l'esprit occupé par le récent décès d'un proche, à l'hôpital qu'il vient de livrer juste avant. Le conducteur du tramway a pris son service à 11 h 44 sur la ligne de tramway T2, son précédent service remontait à 34 jours. Lors de l'accident, il circule en direction du terminus Saint-Priest Bel-Air. À 15 h 51, à l'intersection du boulevard Jean XXIII et de la rue Bataille, tous les feux routiers sont au rouge, et le feu R17 du tramway est « au vertical », autorisant son franchissement. Devant le feu de la rue Bataille, trois voitures sont à l'arrêt sur la file de gauche, et la file de droite destinée aux seuls mouvements de tourne-à-droite est par contre libre.
4.2 -
Le déroulement de l'accident
Le conducteur du tramway circule sur le boulevard Jean XXIII à 47 km/h, son manipulateur de traction-freinage sur le neutre, sans ralentir à l'approche du carrefour bien que la visibilité sur la rue Bataille y soit réduite. Le petit utilitaire roule, quant à lui, dans la rue Bataille à 35-39 km/h, sans ralentir non plus, bien qu'il perçoive les voitures à l'arrêt sur la file de gauche devant lui. Puis :
1,5 s avant le choc, l'utilitaire franchit le feu routier au rouge, la rame passe devant le feu R17 au vertical. Aucun ne modifie sa vitesse bien qu'ils seraient en mesure de s'apercevoir ; 0,6 s avant le choc, le conducteur de la rame gongue et klaxonne simultanément sans ralentir, au moment où le véhicule arrêté au feu ne le gêne plus et où il voit l'utilitaire. Le chauffeur de l'utilitaire réagit 0,3 s au mieux avant le choc, en freinant ; le choc se produit alors que la rame est toujours à 47 km/h et l'utilitaire à 29 km/h. Ce dernier est projeté en arrière en pivotant sur lui-même de plus d'un demi-tour, pendant que le premier bogie du tramway déraille ; la rame franchit la voie opposée et traverse la chaussée routière. Son conducteur déclenche alors le freinage d'urgence, 2,3 s après le choc, à 43 km/h ; le deuxième bogie, puis le troisième, déraillent, pendant que la rame grimpe sur le trottoir, frotte contre un arbre, heurte une voiture en stationnement qui en pousse à son tour une seconde, percute la clôture d'une copropriété, pénètre dans son jardin et s'arrête juste devant le bâtiment. Elle aura parcouru, au total, environ 55 m après le choc, et sa caisse centrale se retrouve perpendiculaire à l'axe de la voie.
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Fig. 22 : Reconstitution de l'accident
4.3 -
Le déroulement des secours
Peu après l'arrêt de la rame, le conducteur appelle le PCC * pendant qu'un voyageur, agent de la SNCF, aide les voyageurs à évacuer en ouvrant les portes avec sa propre « clé de Berne ». Les services de secours et de police sont appelés vers 15 h 52. Arrivés sur place, les pompiers demandent la consignation de la ligne aérienne de contact à 16 h 02 afin d'éviter tout risque d'électrisation. L'exploitant exploite alors la ligne en deux sous-lignes, l'une entre le terminus Perrache et la station Jet-d'eau, l'autre entre le terminus Saint-Priest Bel-Air et la station Hôtel-deVille-de-Bron, et met en place un service de substitution par bus entre ces deux stations. Les opérations de relevage de la rame sont ensuite réalisées à l'aide d'une grue, elles nécessitent l'abattage d'un arbre. À partir de 23 h 00, la rame est rapatriée au centre de maintenance de la ligne par remorquage-poussage à l'aide d'une autre rame. L'exploitation de ce tronçon reprendra le lendemain matin à la reprise de service.
Fig. 23 : Les opérations de relevage de la rame
* Terme figurant dans le glossaire
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5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives
5.1 Le schéma des causes et des facteurs associés
Les investigations conduites permettent d'établir le graphique ci-après qui synthétise le déroulement de l'accident et en identifie les causes et les facteurs associés.
Fig. 24 : Schéma du déroulement, des causes et des facteurs associés 37
5.2 -
Les causes de l'accident
La cause directe de l'accident est le non-respect par le chauffeur routier de son feu de signalisation alors au rouge depuis plus de 30 secondes. L'inattention de ce chauffeur, alors plongé dans un douloureux souvenir, et le manque de prudence du conducteur de la rame à l'approche du carrefour dont la visibilité sur la rue Bataille est limitée, ont contribué à la collision. Deux autres facteurs ont, pour leur part, contribué à l'important déraillement qui s'en est suivi :
la déraillabilité élevée de cette gamme de tramway lors de chocs avec des véhicules routiers ; la vitesse importante du tramway et l'absence de freinage de son conducteur avant le choc.
Les orientations préventives sont à rechercher dans ces deux derniers domaines.
5.3 -
La déraillabilité des rames de tramway
La sensibilité d'un tramway au déraillement consécutif à un choc avec un véhicule n'est pas identique d'un modèle à l'autre. Sur la période 2004-2014, le taux d'accidents de déraillement des rames du modèle Citadis X02, après une collision avec un véhicule léger, est 5 à 6 fois supérieur au taux de déraillement des rames des autres modèles. L'évaluation de la déraillabilité d'une rame, a priori, est désormais possible au moyen d'une méthode décrite dans le guide technique intitulé « conception des bouts avants des tramways » et publié par le STRMTG en octobre 2016. Le guide impose l'évaluation de la déraillabilité de toute nouvelle série de rame, par comparaison de cette série à un matériel de référence. Le constructeur Alstom a bien procédé ainsi pour la nouvelle gamme Citadis X05, en cours de fabrication. Toutefois, il a comparé la déraillabilité de cette nouvelle gamme en prenant comme modèle de référence le Citadis X02, dont nous avons vu, et l'accident objet de la présente enquête nous le rappelle, qu'il présente une mauvaise déraillabilité par rapport aux autres matériels. Les deux matériels ont une déraillabilité équivalente. L'amélioration durable de la sécurité des réseaux, et la réduction des conséquences des collisions des véhicules routiers avec les tramways, passent objectivement par l'amélioration de la déraillabilité des rames futures. Or le guide du STRMTG pose seulement une exigence de non-régression par rapport à une rame de référence choisie par le constructeur et validée cependant par le STRMTG. Il conviendrait donc d'apporter une amélioration à la méthodologie d'évaluation de la déraillabilité telle qu'elle est en place. Cela passe par un renforcement des exigences du STRMTG dans l'acceptation des nouvelles gammes de rame, et cela passe par la recherche par le constructeur de solutions visant une amélioration significative de la sensibilité au déraillement de ses nouvelles gammes par rapport à la référence Citadis X02. Plusieurs options sont imaginables. Il pourrait être pris comme référence de déraillabilité par le constructeur, dans ses séries futures post Citadis X05, un modèle de tramway de bien meilleur comportement que le Citadis X02. Il pourrait aussi, s'il n'existe pas d'autre modèle de référence satisfaisant, être recherché une amélioration significative du taux de déraillabilité par rapport à la référence Citadis X02. Un autre levier, si ces options n'aboutissent pas, serait de limiter l'importance des distances de déraillement en agissant par exemple sur l'application du freinage d'urgence automatique sur détection de choc.
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Les actions à entreprendre sont à la fois dans le champ du renforcement des exigences du STRMTG par rapport à l'existant et dans le champ des propositions sur la conception par le constructeur. En conséquence, le BEA-TT émet les recommandations suivantes : Recommandation R1 adressée au service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG) Pour les gammes qui ne sont pas encore développées, dans l'application du guide technique « Conception des bouts avants des tramways », ne pas valider un matériel de référence présentant un retour d'expérience non favorable telle que la gamme Citadis X02. Si le constructeur ne peut raisonnablement proposer un autre matériel de référence, exiger une amélioration significative du taux de déraillabilité par rapport à la référence ou des mesures compensatoires réduisant notablement l'importance d'un déraillement. Recommandation R2 adressée à la société Alstom Proposer dans les gammes postérieures au Citadis X05 des solutions d'amélioration significative de la déraillabilité par rapport au Citadis X02. À défaut, proposer des mesures compensatoires réduisant l'importance d'un déraillement, ces mesures pouvant par ailleurs être présentées en rétrofit des gammes actuelles. Le BEA-TT invite également le STRMTG à animer une réflexion avec l'ensemble des acteurs (AOM ou AOT, constructeurs de tramways) pour que la sensibilité au déraillement des futurs matériels roulants soit notablement améliorée.
5.4 -
Les modalités de franchissement des carrefours par les tramways
Le panorama des réseaux de tramway en service concernant les vitesses maximales appliquées montre que, sur les 28 réseaux nationaux, seuls les réseaux de Lyon et Grenoble n'imposent pas de limitation de vitesse de leurs rames au franchissement des carrefours. Ceux de Lille et Orléans imposent une limitation qui peut cependant atteindre dans certains cas 50 km/h. Les autres réseaux limitent la vitesse aux intersections à 30, 35 ou 40 km/h. Lors de l'accident, la vitesse du tramway à l'instant du choc était de 47 km/h, parce que le conducteur de la rame abordait le carrefour sensiblement à la vitesse maximale de la section de ligne de 50 km/h, parce qu'il n'a pas adopté une conduite suffisamment prudente, et parce qu'il n'a pas freiné lorsqu'il a aperçu la voiture s'engager sur l'intersection. Sa distance de déraillement a été de 55 mètres, jusqu'à l'intérieur d'une propriété voisine. Si la vitesse maximale de franchissement du carrefour avait été de 35 km/h, en l'absence de freinage avant le choc, sa distance d'arrêt aurait été de l'ordre de 40 mètres. Si le conducteur avait, de plus, déclenché un freinage d'urgence simultanément à l'actionnement du klaxon, sa distance d'arrêt après le choc aurait été de l'ordre de 15 mètres. Les conséquences de l'accident auraient été largement minimisées et les risques de suraccident en cas de circonstance plus défavorable (présence de piéton, d'autre circulation...) auraient été diminués. Il est à noter que dans le carrefour entre le boulevard Jean XXIII et la rue Bataille, la visibilité réciproque entre le tramway et les véhicules routiers est limitée : un conducteur de tramway ne perçoit une voiture sur la ligne de feux de la rue Bataille que lorsque sa rame est à moins de 30 mètres de l'intersection. Une rame de tramway roulant à 50 km/h
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ne s'arrête qu'en 60 mètres lorsque son conducteur déclenche un freinage d'urgence. Elle s'arrête en 35 mètres à 35 km/h. Au-delà de réduire la distance de déraillement en cas de choc vu plus haut, la vitesse a aussi un effet sur la capacité de prévenir et de réduire un impact à l'amont. La configuration particulière du carrefour entre le boulevard Jean XXIII et la rue Bataille mériterait ainsi une attention appropriée et le choix d'une vitesse adaptée pour son franchissement par les rames. Ceci vaut d'une manière générale sur l'ensemble du réseau lyonnais en fonction de la configuration des carrefours. Les vitesses adaptées pourraient résulter d'une analyse des risques prenant notamment en compte la visibilité. Ceci vaut également pour tout autre réseau ne prescrivant pas de limitation de vitesse au franchissement des carrefours, à savoir le réseau grenoblois. Il n'est bien sûr pas exclu que l'exploitant se concerte avec le gestionnaire de voirie pour agir sur les aménagements de carrefour dans certains cas. En complément, sur le réseau de tramway de Lyon, les modalités de conduite des rames de tramway sont définies dans l'instruction « circulation lignes T1, T2, T4, T5 » établie par l'exploitant. Celle-ci ne prévoit pas les modalités du franchissement des carrefours : elle n'impose pas de vitesse limite de franchissement ; elle ne dit rien non plus sur les modalités de conduite à l'approche des carrefours. Elle ne prévoit pas ainsi de geste comme le positionnement du manipulateur de traction-freinage en « quart-freinage » permettant de réduire le temps de réaction des dispositifs de freinage en cas de déclenchement du freinage d'urgence. Les modalités de conduite à l'approche des carrefours du réseau grenoblois ne sont pas, de façon identique, définies avec précision, laissant aux conducteurs trop de marge d'appréciation. En conséquence le BEA-TT émet la recommandation ci-après. Recommandation R3 adressée à Kéolis-Lyon, SYTRAL, SÉMITAG et SMTC14 : Imposer pour les tramways une limitation de vitesse de franchissement des carrefours adaptée à la dangerosité et à la visibilité, en général entre 30 et 40 km/h. Faire préciser, dans les consignes de conduite et dans les formations, les modalités d'approche et de franchissement des intersections par les conducteurs pour prévenir le risque de collision.
14 SÉMITAG et SMTC sont respectivement l'autorité organisatrice et l'exploitant du réseau de transport en commun grenoblois.
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6 - Conclusions et recommandations
6.1 Conclusions
La cause directe de l'accident est le non-respect par le chauffeur routier de son feu de signalisation alors au rouge depuis plus de 30 secondes. L'inattention de ce chauffeur, alors plongé dans un douloureux souvenir, et le manque de prudence du conducteur de la rame à l'approche du carrefour dont la visibilité sur la rue Bataille est limitée, ont contribué à la collision. Deux facteurs ont, pour leur part, contribué à l'important déraillement qui s'en est suivi :
la déraillabilité élevée de cette gamme de tramway lors de chocs avec des véhicules routiers ; la vitesse importante du tramway avant le choc.
Le BEA-TT formule trois recommandations et une invitation sur ces thèmes.
6.2 -
Recommandations
Recommandation R1 adressée au service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG) Pour les gammes qui ne sont pas encore développées, dans l'application du guide technique « Conception des bouts avants des tramways », ne pas valider un matériel de référence présentant un retour d'expérience non favorable telle que la gamme Citadis X02. Si le constructeur ne peut raisonnablement proposer un autre matériel de référence, exiger une amélioration significative du taux de déraillabilité par rapport à la référence ou des mesures compensatoires réduisant notablement l'importance d'un déraillement. Recommandation R2 adressée à la société Alstom Proposer dans les gammes postérieures au Citadis X05 des solutions d'amélioration significative de la déraillabilité par rapport au Citadis X02. À défaut, proposer des mesures compensatoires réduisant l'importance d'un déraillement, ces mesures pouvant par ailleurs être présentées en rétrofit des gammes actuelles. Recommandation R3 adressée à Kéolis-Lyon, SYTRAL, SÉMITAG et SMTC15 : Imposer pour les tramways une limitation de vitesse de franchissement des carrefours adaptée à la dangerosité et à la visibilité, en général entre 30 et 40 km/h. Faire préciser, dans les consignes de conduite et dans les formations, les modalités d'approche et de franchissement des intersections par les conducteurs pour prévenir le risque de collision. Le BEA-TT invite également le STRMTG à animer une réflexion avec l'ensemble des acteurs (AOM ou AOT, constructeurs de tramways) pour que la sensibilité au déraillement des futurs matériels roulants soit notablement améliorée.
15 SÉMITAG et SMTC sont respectivement l'autorité organisatrice et l'exploitant du réseau de transport en commun grenoblois.
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ANNEXES
Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête Annexe 2 : Panorama des pratiques des réseaux de tramway sur quatre aspects liés à l'habilitation à la conduite des rames Annexe 3 : Données de collisions des tramways de 2004 à 2014 par type de matériel
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Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête
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Annexe 2 : Panorama des pratiques des réseaux de tramway sur quatre aspects liés à l'habilitation à la conduite des rames
Ce panorama a été établi par le BEA-TT à partir des réponses des exploitants aux quatre questions suivantes relatives à la conduite des rames de tramway avec voyageurs durant le service commercial :
Question 1 : la possession d'un permis de conduire routier est-elle un prérequis exigé par le
réseau en préalable à la délivrance d'une habilitation à la conduite des tramways ?
Question 2 : si oui, quelle catégorie de permis de conduire est exigée (B, D ou autre
catégorie) ?
Question 3 : une action est usuellement menée par l'exploitant lorsqu'un conducteur habilité
n'a pas conduit de rames depuis un certain temps. À partir de quelle durée cette action estelle menée ?
Question 4 : est-il fait appel à des étudiants (en direct ou via des agences d'intérim) pour
assurer la conduite des rames ?
temps sans conduite Pré-requis permis catégorie permis recours à des déclenchant une routier routier étudiants action
Question 1 Question 2 Question 3 Question 4
Réseau
remarques
Angers Aubagne Besançon Bordeaux Brest Caen Clermont-Ferrand Dijon Grenoble Île-de-France Le Havre Le Mans Lille Lyon Marseille Montpellier Mulhouse Nancy Nantes Nice Orléans Reims Rouen Saint-Étienne Strasbourg Toulouse Tours Valenciennes
oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui non non oui oui oui oui oui oui oui oui oui non non oui oui oui
B D D D D D B D D D D D non non B D D D D D B B D non non D B D
3 mois 3 mois 1 mois 3 mois < 5 services sur 2 mois < 1 service sur 2 mois 6 mois < 5 services sur 2 mois 6 mois 90 jours 2 mois 3 mois 3 ou 6 mois < 2 services sur 90j 6 mois 70 jours 45 jours dès absence 3 mois 60 jours 3 mois 70 jours 6 mois 21 jours non défini 8 semaines < 5 services sur 2 mois 42 j
oui non non non non non non non non non non non oui oui non non non non non non oui non non non non non non non Q1 : dans la pratique permis D pour conduire les bus Q1 : dans la pratique permis D pour conduite de bus de substitution - Q4 : réflexions en cours Q1 : dans la pratique permis B nécessaire pour intervention Q3 : pour les conducteurs occasionnels : sinon 2j sur 60j Q2 : dans la pratique D, Q4 : recours à des CDD (réflexions en cours pour les étudiants) Q4 : réflexions en cours
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Annexe 3 : Données de collisions des tramways de 2004 à 2014 par type de matériel
(Source STRMTG)
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Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de T ransport T errestre
·
Grande Arche - Paroi Sud 92055 La Défense cedex Téléphone : 01 40 81 21 83 Télécopie : 01 40 81 21 50 bea-tt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr