Rapport d'enquête simplifiée : naufrage du goémonier Christelle Mikael le 21 juin 2012 près d'Argenton (Finistère)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête simplifié a été établi par le bureau d'enquête sur les événements de Mer (BEAmer). Il porte sur le naufrage du goémonier Christelle Mikael survenu le 21 juin 2012 près d'Argenton.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident
;sécurité
;prévention des risques
;NAUFRAGE
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport simplifié
Rapport publié : avril 2013
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NAUFRAGE DU GOÉMONIER CHRISTELLE MIKAEL SURVENU LE JEUDI 21 JUIN 2012 PRÈS D'ARGENTON (29)
LE NAVIRE L'ÉQUIPAGE Le navire appartient à un patron/armateur depuis le 29 avril 2011. L'embarquement d'un seul patron/mécanicien est conforme à la décision d'effectif du 21 février 2011. Ce marin est titulaire du brevet de capitaine 200, du certificat de capacité, du permis de conduire les moteurs marins et du certificat général d'opérateur du SMDSM, du certificat de formation de base à la sécurité et du brevet d'aptitude à l'exploitation des embarcations et radeaux de sauvetage. Il est à jour de sa visite médicale. LES FAITS Conditions météorologiques le 21 juin 2012 Un avis de grand frais à coup de vent est en cours ; pour l'après-midi du 21 juin, il est annoncé un vent de sud-ouest 6 à 7, passagèrement 8 entre PerrosGuirec et La Hague avec de fortes rafales. Mer peu agitée à agitée. Houle courte de secteur ouest 0,5 à 1 mètre, averses, visibilité de 2 à 4 miles sous averses. Le coefficient de marée est de 78, basse mer à Porspoder vers 13h30 locales. Heures locales (UTC+2) À 05h00, le jeudi 21 juin 2012, le CHRISTELLE MIKAEL appareille du port de Portsall vers sa zone de récolte des algues laminaires située à proximité de la côte de Porspoder, au sud de la presqu'île de Saint-Laurent. La mer est calme et le vent nul. À 05h50, le navire arrive sur zone et commence sa récolte d'algues. La pompe de cale électrique est mise en route. À 09h30, la pompe électrique est stoppée. La pompe attelée ayant un meilleur débit, prend le relais, car plus la cale se remplit d'algues, plus la quantité d'eau augmente. Le temps semble tourner à l'orage. À 11h45, une bonne brise de sud de 15 à 20 noeuds s'établit.
Le CHRISTELLE MIKAEL en configuration goémonier Le navire de pêche CHRISTELLE MIKAEL, immatriculé BR 786550, a été construit en 1991. Caractéristiques principales : Coque en bois ; Longueur hors-tout : 9,39 mètres ; Jauge brute (UMS) : 7,31 ; Moteur de propulsion diesel de 60 kW. Son chargement maximum autorisé est de 23,5 tonnes d'algues réparties en cale. La récolte des algues s'effectue par petits fonds au moyen d'un engin de levage mû hydrauliquement, dénommé « scoubidou » ; la saison dure du 2 mai au 15 octobre. Toute la récolte est achetée contractuellement par une usine, qui prend en charge les algues à leur débarquement. Durant la saison hivernale, le navire est armé à la drague à coquilles. Son permis de navigation est valide jusqu'au 24 avril 2013 ; pour l'exploitation du goémon, il navigue en 4ème catégorie au départ du port du Stellac'h (l'Aber Benoît).
À 12h30, le vent vire au sud-ouest en fraîchissant 20 à 25 noeuds et la mer commence à se former. Le patron note que le ciel se charge de nuages noirs dans le secteur sud-ouest et décide de se mettre à l'abri, sous le vent de la presqu'île de Saint Laurent. À cet instant, la cale contient environ 13 tonnes d'algues dont le haut du tas n'atteint pas l'hiloire. Le navire est plus chargé sur son avant bâbord, le patron commençant toujours à remplir la cale à partir de l'avant. Afin de compenser la gîte sur bâbord, la flèche du « scoubidou » ne repose pas dans l'axe sur son support, mais a été disposée sur l'hiloire tribord AV de la cale. Le patron démarre la pompe d'assèchement électrique et met le cap vers le rocher du Grand Melgorn, afin de contourner la presqu'île de Saint-Laurent. À 12h45, après que le navire ait laissé la roche de Men Coët sur tribord, le vent forcit soudainement. L'étale de basse mer est proche et des vagues déferlantes se forment, gênant la progression du goémonier. La visibilité se réduit à un demi mille. À 12h55, le vent vire à l'ouest et atteint une vitesse estimée de 40 à 50 noeuds. Le navire embarque des paquets de mer et commence à gîter sur bâbord, malgré l'action des deux pompes d'assèchement. À 13h00, alors qu'il contourne le rocher du Petit Melgorn, pour embouquer le chenal du port d'Argenton, deux vagues déferlantes de 2 à 3 mètres envahissent le navire sur bâbord, qui s'enfonce par l'arrière. La visibilité devient nulle. À 13h04, le patron contacte le CROSS Corsen et signale qu'il est en situation de détresse. Le CROSS diffuse un message MAYDAY RELAY. Réalisant l'imminence du naufrage, le patron stoppe le moteur. À 13h07, le patron, muni de son VFI depuis l'appareillage, met à l'eau le radeau de survie, qui se gonfle normalement, et prend place à bord. Il doit néanmoins couper la bosse de déclenchement du radeau, coincée sur la porte tribord de la timonerie. De 13h09 à 13h11, le CROSS Corsen demande l'intervention d'un hélicoptère de la Marine nationale, et des vedettes de la SNSM de Portsall et de de Lanildut. À 13h12, alors que le patron dérive dans son radeau vers un récif, le CHRISTELLE MIKAEL sombre.
À 13h20, le patron réussit à se hisser sur le récif et informe le CROSS Corsen de sa situation au moyen de son téléphone portable. À 13h36, le patron rejoint la côte de la presqu'île de Saint-Laurent sain et sauf, par ses propres moyens. CONSÉQUENCES Le navire a sombré par 14 mètres de fond. L'épave a été renflouée le mercredi 27 juin 2012 et conduite au port d'Argenton. La coque est réparable, de même que le moteur et l'installation hydraulique. Les équipements électriques et électroniques sont tous hors d'usage. CONCLUSIONS Le bulletin météo attirait aussi l'attention sur le fait qu'en situation normale, les rafales peuvent être supérieures de 40% au vent moyen et les vagues atteindre 2 fois la hauteur significative. On pouvait donc s'attendre à faire face à des vents de plus de 45 noeuds et à des vagues déferlantes de 3 mètres, particulièrement vers l'heure de la basse mer dans un secteur truffé de récifs. La carte météo montre que vers 12h30, un front froid instable à caractère orageux a abordé les côtes du Nord-Finistère ; c'est ce front qui a généré un coup de vent d'une durée limitée, de l'ordre de 1h30 à 2h, mais particulièrement intense. Cela a notamment été confirmé par les observations du sémaphore de la Pointe Saint-Mathieu et par la station Météo France de Brest-Guipavas. La dégradation soudaine des conditions météo est le facteur déterminant du naufrage. En moins de 15 minutes, la vitesse du vent est passée de 15 noeuds à 40 ou 50 noeuds et la mer est devenue grosse. Le patron du goémonier a été surpris et n'a pas eu le temps nécessaire pour mettre son navire à l'abri de la presqu'île de Saint-Laurent. La situation a été vraisemblablement aggravée par le fait que son navire présentait une assiette négative et une légère gîte sur bâbord. Enfin, la présence d'une cale ouverte rend les navires goémoniers très vulnérable aux paquets de mer, malgré la présence d'une hiloire et de deux pompes d'assèchement. Il est constaté par ailleurs, que le lieu du naufrage est situé un peu au-delà de la 4 ème catégorie de navigation, à plus de 5 milles du port du Stellac'h, le navire ayant appareillé de Portsall.
ENSEIGNEMENTS
Pour les patrons de navires goémoniers : 2013-E-010 : Avant appareillage, évaluer soigneusement les prévisions météo et choisir la zone de pêche en conséquence. Pour tous les acteurs concernés par la sécurité des navires goémoniers (en référence au naufrage du CAP HORN le 24 mai 2004 dans le Chenal du Four, et de la BELLE ILIENNE le 28 juin 2011 en Mer d'Iroise) : 2013-E-011 : La cale ouverte présentant un risque majeur d'envahissement, il serait souhaitable que les professionnels de la filière conçoivent un type nouveau de goémonier, polyvalent ou non, limitant ce risque.
Position du naufrage
Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer
Tour Pascal B - 92055 La Défense cedex téléphone : +33 (0) 1 40 81 38 24 - télécopie : +33 (0) 1 40 81 38 42 www.beamer-france.org bea-mer@developpement-durable.gouv.fr