Rapport d'enquête technique : naufrage du ligneur Liberté survenu le 26 mai 2006 au large de l'île de Sein
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur le naufrage du ligneur Liberté survenu le 26 mai 2006 au large de l'île de Sein. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident
;sécurité
;prévention des risques
;NAUFRAGE
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique
LIBERTÉ
2
Rapport d'enquête technique
NAUFRAGE
DU LIGNEUR
LIBERTÉ
SURVENU LE 26 MAI 2006 AU LARGE DE L'ILE DE SEIN
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Avertissement
Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du titre III de la loi n°.2002-3 du 3 janvier 2002 et du décret n°.2004-85 du 26 janvier 2004 relatifs aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles du "Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents et incidents de mer" Résolutions n°.A.849.(20) et A.884 (21) de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) des 27/11/97 et 25/11/99. Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du les circonstances et les causes de l'événement analysé. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif a été d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
BEAmer
sur
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PLAN DU RAPPORT
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CIRCONSTANCES CONTEXTE NAVIRE EQUIPAGE CHRONOLOGIE FACTEURS DU SINISTRE RECOMMANDATIONS
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ANNEXES
A. B. C. Décision d'enquête Dossier navire Cartographie
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Liste des abréviations
BEAmer CROSS OMI tx VFI VHF
: : : : : :
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage Organisation Maritime Internationale Tonneaux Vêtement à Flottabilité Intégrée Radio Très Haute Fréquence (Very High frequency)
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CIRCONSTANCES
Le vendredi 26 mai 2006, le ligneur LIBERTÉ quitte le port d'Audierne en fin de nuit,
afin d'aller pêcher le bar sur la chaussée de Sein ; se trouvent à bord le patron et un passager. Le ligneur KORRIGAN appareille en même temps avec également un passager. Les deux navires communiquent par VHF et se croisent sur les lieux de pêche ; le temps est calme, mais la zone est recouverte de brume. A son retour au port, peu après midi, le KORRIGAN constate que le LIBERTÉ n'est pas rentré et fait part de ses inquiétudes. Les recherches entreprises immédiatement permettent de retrouver le corps du passager. L'épave du LIBERTÉ sera localisée le lendemain, le corps du patron n'a pas été retrouvé.
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CONTEXTE
Le LIBERTÉ appartient à un patron artisan ; il pratique la pêche à la ligne du bar et du
lieu jaune dans le secteur de l'île de Sein. Ce métier, exercé à partir du port d'Audierne par une flottille d'une vingtaine d'unités, suscite de l'intérêt en raison du côté spectaculaire de cette activité, de la zone fréquentée et de la nature des captures (il s'agit de poissons de grande taille pêchés vivants, à l'aide d'une longue ligne de traîne munie de leurres artificiels ou d'appâts vivants). Il est donc relativement fréquent que les patrons soient sollicités pour embarquer des passagers qui désirent découvrir les spécificités de cette technique de pêche. Les apports sont vendus à la criée d'Audierne ; s'agissant de poissons de ligne de haute qualité, le métier est réputé très rentable.
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NAVIRE
Le LIBERTÉ est un navire à coque en aluminium, construit en 1995, dont les
principales caractéristiques sont les suivantes : Longueur H.T Largeur H.T Jauge brute Creux : 8,56 m ; : 3,33 m ; : 4,16 tx ; : 0,75 m.
Il est propulsé par un moteur diesel de 118 kw, ce qui lui permet d'atteindre une vitesse de route voisine de 15 noeuds. Le navire est équipé d'un vire-ligne hydraulique. En ce qui concerne le matériel de sauvetage, on note la présence d'un radeau pneumatique de sauvetage classe 5 plaisance sans dispositif de largage hydrostatique, équipement prévu dans la division 227 de la réglementation. Le LIBERTÉ avait passé sa visite annuelle le 16 décembre 2005, et son permis de navigation en 3ème catégorie (20 milles des côtes) avait été renouvelé à l'issue de cette visite (validité jusqu'au 15 décembre 2006). Une prescription demandait l'embarquement d'une balise de détresse dans un délai de 3 mois, soit avant le 16 mars 2006, cependant, au moment de l'accident, cette balise n'avait pas encore été mise en place.
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EQUIPAGE
Comme tous les ligneurs d'Audierne, le LIBERTÉ était armé à la petite pêche, le patron
étant seul à bord.
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Ce patron, âgé de 44 ans, était titulaire du certificat de capacité obtenu en 1981. Il s'agissait donc d'un marin expérimenté ayant pratiquement 20 ans de commandement. Il était considéré localement comme sérieux et prudent.
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CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS
(heure locale)
Le 26 mai 2006 à 04h30, le LIBERTÉ appareille du port d'Audierne avec son passager, le KORRIGAN le suit à quelques minutes. Les deux navires font route sur leurs lieux de pêche situés quelques milles à l'Ouest sur la chaussée de Sein. Le temps est relativement calme, mais la visibilité quasi-nulle en raison de la brume. Le coefficient de marée est de 90, ce qui signifie de forts courants dans la zone. Vers 06h45, le KORRIGAN, un peu plus rapide, met en pêche dans les parages de la Roche Occidentale (au-delà du phare d'Ar Men). Le LIBERTÉ n'est pas encore là. A 08h45 les deux patrons communiquent en VHF ; il en ressort qu'avant de venir sur la Roche Occidentale, le LIBERTÉ s'est arrêté quelques instants pêcher le lieu au voisinage d'Ar Men. A 09h00, les deux navires sont en vue l'un de l'autre dans le secteur de la Roche Occidentale, alors qu'ils effectuent leurs passes Nord-Est/Sud-Ouest et se croisent en traînant leur ligne à petite vitesse ou en dérive sur les zones où se trouvent les bars. Les deux passagers, qui se connaissent, se font des signes ; à ce moment tout semble bien se passer à bord du LIBERTÉ. Par la suite, les deux navires ne se croiseront plus et les patrons n'auront plus d'échange en VHF. Vers 13h00, le KORRIGAN rejoint Audierne et s'étonne de ne pas y trouver le LIBERTÉ ; ses appels radio et téléphoniques restant sans réponse, il fait part de
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ses inquiétudes et les recherches sont déclenchées par le CROSS Corsen à 14h30. A 16h00, un hélicoptère localise le corps sans vie du passager du LIBERTÉ à 5 milles dans le nord de la chaussée de Sein. Le 28 mai 2006, l'épave est localisée par un chasseur de mines à la position 48° 02'364 N 005° 05'387 W. Le 29 mai 2006, l'épave du navire est investiguée par les plongeurs de la Marine Nationale. Elle gît par 70 mètres de fond, à 8 milles dans l'Ouest de l'Île de Sein. Les investigations effectuées permettent de vérifier : - que le corps du patron, n'est pas à l'intérieur du navire ; - qu'une partie de la ligne de traîne est enroulée autour du moyeu de l'hélice avec un bar accroché à l'un des hameçons ; - que la coque est intacte.
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DÉTERMINATION & DISCUSSION FACTEURS DU SINISTRE
La méthode retenue pour cette détermination a été celle utilisée par le
DES
BEAmer
pour
l'ensemble de ses enquêtes, conformément à la résolution OMI A.849.(20) modifiée par la résolution A.884.(21). Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : · · · · facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteur humain ; autres facteurs.
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Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du
BEAmer
ont répertorié les
facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : · · · certain, probable ou hypothétique ; déterminant ou aggravant ; conjoncturel ou structurel.
avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par ce sinistre. Leur objectif étant d'éviter le renouvellement de ce type d'accident, ils ont privilégié, sans aucun a priori, l'analyse inductive des facteurs qui avaient, par leur caractère structurel, un risque de récurrence notable. L'absence de témoins et d'appel de détresse conduit les enquêteurs à ne formuler que des hypothèses. Comme souvent, l'accident a dû être très soudain puisque le radeau de sauvetage n'a pas été mis en oeuvre et qu'il n'y a eu aucun message de détresse par VHF ou téléphone portable, dont le patron et le passager étaient l'un et l'autre munis. La thèse de l'abordage paraît totalement exclue, aucun navire marchand ne passant dans cette zone ; par ailleurs, l'épave est intacte. Le fait que la ligne de traîne soit enroulée autour de l'arbre d'hélice permet de supposer que le patron du LIBERTÉ venait de remonter cette ligne et que celle-ci s'est ensuite engagée dans l'hélice après le chavirage. Selon les témoignages et avis recueillis par les enquêteurs du BEAmer, le sinistre a pu se produire entre 09h00, heure du dernier contact entre le KORRIGAN et le LIBERTÉ et 11h00, heure à laquelle le LIBERTÉ aurait dû faire route vers le port.
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6.1
Facteurs naturels
Même par beau temps, le secteur de la Chaussée de Sein demeure dangereux. Une mauvaise visibilité, le grand coefficient de marée (90) créant de forts courants (5 à 6 noeuds), une houle résiduelle résultant des mauvaises conditions météorologiques antérieures ont sans doute contribué à accroître les remous et tourbillons proches de la Roche Occidentale et à creuser la mer. Les professionnels s'efforcent de ne jamais entrer dans cette zone et font demi-tour lorsque le navire s'en approche. L'hypothèse la plus partagée est que le LIBERTÉ a été pris dans la zone des remous de la Roche Occidentale réputée excessivement dangereuse, et qu'il a été retourné par une forte vague, les deux occupants étant précipités à la mer et le moteur continuant à tourner jusqu'à immersion totale du navire (ce qui expliquerait le fait que la ligne soit enroulée autour de l'hélice et permet d'exclure l'hypothèse d'une panne de moteur). Les circonstances naturelles doivent donc être considérées comme un facteur certain et déterminant du sinistre.
6.2
Facteurs matériels
En l'état des éléments du dossier et des témoignages recueillis par les enquêteurs du BEAmer, aucune défaillance matérielle ne semble avoir été à l'origine directe ou indirecte de l'accident. La visite de l'épave ayant permis de vérifier l'intégrité de la coque, l'hypothèse d'un abordage peut donc être exclue.
6.3
Facteur humain
La pêche du bar dans ce secteur, où la mer est presque toujours tourmentée, est un travail difficile qui demande beaucoup de concentration et de réflexes. Le patron doit simultanément s'occuper de la ligne et manoeuvrer le bateau avec la barre franche et la manette des gaz pour parer les dangers.
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Dans ces conditions, toute perte éventuelle de concentration peut constituer un facteur aggravant.
6.4
Autres facteurs
Trois points sont également à relever : La demande d'autorisation d'embarquement d'un passager paraît avoir été déposée tardivement auprès de l'Administration des Affaires Maritimes. La balise de détresse n'était pas à bord. Le patron et le passager ne portaient pas de VFI.
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RECOMMANDATIONS
Les ligneurs de la Pointe de Bretagne exercent un métier très spécifique, dans une
zone particulièrement dangereuse où la moindre erreur peut être fatale. Deux accidents en un an l'ont rappelé. Cette activité nécessite donc des navires bien adaptés et d'une fiabilité totale.
7.1
Compte tenu de ce qui précède, le
BEAmer
recommande le port permanent du VFI
pour toutes les personnes présentes à bord lors de ce type d'activité.
7.2
Au regard des éléments évoqués ci-dessus et au paragraphe 6.3 et bien que cela ne soit pas obligatoire, le
BEAmer
recommande aux professionnels pratiquant ce métier
de disposer de toutes les commandes à portée de main (barre franche, commande de l'embrayage et gaz moteur, vire-ligne).
7.3
En ce qui concerne l'embarquement de passagers, le BEAmer : recommande que l'Administration continue à encadrer cette pratique. A cet égard, la parution de la note DAM/SM2 n° 06 du 11 janvier 2007 relative au transport de passagers sur les navires de pêche inférieurs à 24 mètres constitue un renforcement de la sécurité des personnes embarquées ; rappelle néanmoins aux patrons qu'ils restent seuls juges de l'opportunité de tels embarquements.
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LISTE DES ANNEXES
A. B. C.
Décision d'enquête Dossier navire Cartographie
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Annexe A
Décision d'enquête
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Annexe B
Dossier navire
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Annexe C
Cartographie
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Position de l'épave du ligneur LIBERTÉ : 48° 02'364 N 005° 05'387 W
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Lieux de pêche.
Position de l'épave du ligneur LIBERTÉ : 48° 02'364 N 005° 05'387 W
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Ministère des Transports, de l'Equipement, du Tourisme et de la Mer
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer
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