Rapport d'enquête technique : abordage entre le chalutier Kerbulic et le trémailleur Sébastien II survenu le 31 mai 2005 au large de Dunkerque

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur l'abordage entre le chalutier Kerbulic et le trémailleur Sébastien II survenu le 31 mai 2005 au large de Dunkerque. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident ; sécurité ; prévention des risques ; ABORDAGE
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique KERBULIC SÉBASTIEN II 2 Rapport d'enquête technique Abordage entre le chalutier KERBULIC et le trémailleur SÉBASTIEN II survenu le 31 mai 2005 au large de Dunkerque Page 1 sur 40 Page 2 sur 40 Avertissement Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du titre III de la loi n° 2002-3 du 3 janvier 2002 et du décret n° 2004-85 d u 26 janvier 2004 relatifs aux enquêtes techniques après évènement de mer, accident ou incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles du "Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents et incidents de mer" Résolutions n° 849 (20) et A 884 (21) de l'Organisatio n Maritime Internationale (OMI) des A 27/11/97 et 25/11/99. Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du sur les circonstances et les causes de l'événement analysé. BEAmer Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet évènement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif a été d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. Page 3 sur 40 PLAN DU RAPPORT 1 2 3 4 5 6 7 CIRCONSTANCES CONTEXTE NAVIRES EQUIPAGES CHRONOLOGIE FACTEURS DU SINISTRE RECOMMANDATIONS Page 6 Page 7 Page 10 Page 13 Page 15 Page 17 Page 27 ANNEXES A. B. C. D. E. Décision d'enquête Plans du S É B A S TI E N II Cartographie et trajectographie du CROSS Gris-Nez Synthèse climatologique Dossier photographique Page 4 sur 40 Liste des abréviations AIS ASN BEAmer : : : : : : : : : : : : : : : : : : : : : Système d'Identification Automatique (Automatic Identification System) Appel Sélectif numérique Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Bureau International du Travail Bande Latérale Unique Certificat d'Initiation nautique Coopérative Maritime Dunkerquoise Coopérative Maritime Etaploise Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage Système de positionnement par satellite (Global Positioning System) Numéro international d'identification des navires Organisation Maritime Internationale Règlement International pour prévenir les accidents en mer SITuation REPort Système Mondial de Détresse et de Sécurité en Mer Société Nationale de Sauvetage en Mer Temps Universel Tonneaux Vêtement à Flotabilité Intégrée Ondes métriques (Very High Frequency) Système de surveillance des navires de pêche (Vessel Monitoring System) BIT BLU CIN CMD CME CROSS GPS MMSI OMI RIPAM SITREP SMDSM SNSM TU tx VFI VHF VMS Page 5 sur 40 1 CIRCONSTANCES Le 31 mai 2005, la vedette palangrier-trémailleur S É B A S T I E N II fait route au Sud Sud/Est à la vitesse de 10 noeuds vers le port de Dunkerque après avoir posé ses filets au large du banc du Ruytingen. Le même jour, le chalutier K E R B U L I C est en pêche au chalut de fond sur le banc du Dyck central situé au large de Dunkerque. Il suit un cap au 250° à la vitesse moyenne de 3 noeuds. Vers 09 heures 40 TU pour le Patron du S É B A S T I E N II, vers 09 heures 45 TU pour le Patron du K E R B U L I C , les deux navires entrent en collision malgré l'ultime manoeuvre du Kerbulic pour éviter l'abordage (annexe C : cartographie et relevés du CROSS.Gris-Nez). Sur le S É B A S TI E N II, le point d'impact se situe au niveau de l'étrave. Sur le K E R B U L I C , le point d'impact se situe à tribord, au dessus de la flottaison, au niveau de la marque Boulogne-Etaples inscrite sur la coque. Aucune assistance n'est demandée de la part des deux navires. Le S É B A S TI E N II fait route vers Dunkerque pour débarquer les blessés. Le K E R B U L I C fait route vers Boulogne-Sur-Mer, assisté du canot de sauvetage D A M E D U R I S B A N de Calais, pour que les dégâts soient constatés et obtenir l'aval NOTRE des autorités maritimes pour repartir en pêche. Page 6 sur 40 2 2.1 2.1.1 CONTEXTE CONTEXTES REGLEMENTAIRE ET NAUTIQUE Contexte règlementaire Les deux navires impliqués sont assujettis au respect des règles des Conventions Internationales établies par l'Organisation Maritime Internationale, et en particulier, la convention sur le Règlement International pour prévenir les abordages en mer (RIPAM.1972) de 1972. 2.1.2 2.1.2.1 Contexte nautique S É B A S TI E N II Le palangrier-trémailleur dunkerquois S É B A S TI E N II est armé pour des sorties de moins de 72 heures de navigation en pêche côtière de 3ème catégorie. Il pêche aux moyen de filets flottants. Les filets sont répartis en 6 bordées de 1800.mètres. Pour chaque bordée, aux extrémités, un balisage et un ancrage sont mis en place. Tous les 300 mètres, pour maintenir le filet à la verticale, une ancre de 10 kilos est mouillée à la partie basse et un bidon est fixé à la partie haute. Le S É B A S TI E N II pêche en zone 4C. Cette zone se situe dans le Nord du 51 .parallèle. Généralement, les filets sont posés très tôt le matin puis le navire revient au port ; il repart le lendemain matin pour les relever et les poser de nouveau. On peut considérer qu'il travaille à la journée : le temps de pose des filets dure environ deux heures ; il faut à peu près le même temps pour les relever ; le temps, pour les trajets aller et retour, est variable, dépendant de l'endroit où sont posés les filets mais ne dépassant pas les quatre heures. Les poissons pêchés sont des poissons plats tels que la sole, le carrelet, la plie, de temps en temps du turbot. Ils sont frais à leur arrivée à Dunkerque et entreposés dans le hangar réfrigéré de la Coopérative Maritime Dunkerquoise (CMD). ème Page 7 sur 40 Le S É B A S TI E N II est affilié à la CMD qui gère également la criée. La commande de matériel de pêche peut être faite par la CMD qui propose également des tarifs d'assurance navire aux artisans pêcheurs. Ce 31 mai, entre 07h30 et 09h00 TU, le S É B A S TI E N II pose ses filets aux alentours de la position : 51° N ; 002° E. Le s « bordées » sont disposées parallèlement 15' 12' entre elles dans la direction Nord/Sud et un intervalle de 300 mètres les sépare. 2.1.2.2 K E R B U LI C Le chalutier boulonnais K E R B U L I C est armé pour une navigation en 3ème.catégorie. Ses zones de pêche, situées en Manche Est et Mer du Nord, correspondent aux zones CIEM IV C, VII D. Il peut pêcher par exemple le maquereau dans la zone IV C puis, lorsque le quota est atteint, aller le pêcher en zone VII D. La durée d'une marée est d'environ 48.heures. De jour, la pêche se fait au chalut de fond. La nuit, pour obtenir une plus grande ouverture du chalut en hauteur, il est maillé deux panneaux divergents sur la « corde de dos » mais le bourrelet du chalut reste cependant sur le fond. Le chalut a une longueur de 30 mètres et une largeur de 23 mètres. Le diamètre des funes est de 20 millimètres. Le poids du bourrelet et des panneaux est respectivement d'une tonne. La pêche se pratique généralement par des fonds de 5 à 30 mètres. Le train de pêche est variable en longueur, dépendant de la profondeur d'eau. La plupart du temps, il est supérieur à 200 mètres. Le poids d'un chalut bien rempli est estimé à 30 tonnes ; le poids de la poche déversée sur le pont est d'environ 2 tonnes. Le poisson sorti de la poche est envoyé aussitôt par tapis roulant dans la salle de travail pour permettre la remontée d'une autre poche. Page 8 sur 40 Le K E R B U L I C remonte dans ses filets, selon la saison et les quotas, principalement du bar, du maquereau, du hareng, du merlan, de l'encornet, de la seiche, du rouget barbet. Le poisson est travaillé à bord, mis en caisse de 25 kilos (seuls les poissons nobles sont mis en caisse de 12 kilos) puis entreposé dans la cale réfrigérée située sous la salle de travail. Le bord embarque environ 6 tonnes de glace pour une semaine de pêche. Ce 31 mai, le K E R B U L I C pêche au chalut de fond par des fonds de 6 à 10 mètres. Page 9 sur 40 3 3.1 NAVIRES S ÉBASTI EN II Le 23 décembre 1986 a été déclarée aux Affaires Maritimes la mise en chantier de la vedette de pêche. Elle a été construite à La Teste, en Gironde. A l'origine propriétée d'un armateur arcachonnais, la vedette a été francisée le 6 avril 1987. Elle était immatriculée à Arcachon et effectuait une navigation en 3ème catégorie. En 1989, elle a été allongée. Cet allongement a consisté à ajouter à l'arrière du navire une nouvelle structure de 2,366 mètres correspondant à un poids de 1500 kilos pour un volume de 3,3 m3. Cette modification a été approuvée, suite aux avis émis par la Commission Régionale 13.février 1989. de Sécurité, le Vendue à des armateurs dunkerquois, elle est exploitée et immatriculée à Dunkerque. Le S É B A S TI E N II est un navire de type vedette palangrier-trémailleur à coque en aluminium (AG 4), dont les principales caractéristiques sont les suivantes : Longueur hors tout : 18,32 m ; Largeur hors membre Jauge brute Creux sur quille Puissance machine Puissance du vire filet N° MMSI N° d'immatriculation : : : : : : : 4,75 m ; 36,79 tx ; 2,05 m ; 2 x 184 kW ; 19,87 kW ; 227573000 ; DK 645156 G. Page 10 sur 40 En 2003, des travaux de remotorisation ont été effectués ; les nouveaux moteurs principaux sont de marque AIFO FIAT. La station radio exigible, pour la catégorie de navigation (3ème) et la zone SMDSM.(A1), conforme à la règlementation nationale, est en bon état de fonctionnement tel qu'il est indiqué dans le rapport d'inspection du 13 janvier 2005. Elle comprend : 2 VHF fixes dont une SMDSM ; 1 VHF portable SMDSM. Les instruments de navigation dont dispose le navire sont les suivants : 2 GPS dont un différentiel ; ordinateur Max Sea ; 1 radar ; 1 sondeur. La particularité du navire est d'avoir une allure aérodynamique apportée par une inclinaison importante des vitres avant de l'abri navigation. L'angle des vitres par rapport à l'horizontale est d'environ 35° . Le navire est assuré compagnie havraise auprès d'une 3.2 K ERBULIC Construit au Guilvinec pour un armement local, le navire a été francisé le 10.juillet.1992 et immatriculé au Guilvinec. Acheté en 2002 par des Armateurs Etaplois embarqués, il est exploité et immatriculé à Boulogne-Sur-Mer. Page 11 sur 40 Le K E R B U L I C est du type navire de pêche (chalutier de pêche arrière) construit en acier dont les principales caractéristiques sont les suivantes : Longueur hors tout Largeur hors membre Jauge brute Creux sur quille Puissance propulsive Moteur auxiliaire N° MMSI N° d'immatriculation : : : : : : : : 20,60 m ; 6,76m ; 85 tx ; 3,25 m 426kW ; 30KW ; 228127000 ; BL 730808. Les moteurs ont été changés et ont été remplacés par des moteurs de marque Mitsubishi. Les moyens de navigation et de transmission dont dispose le navire sont les suivants: 1 système de navigation : ordinateur traceur de route couplé au GPS ; 1 système de navigation : ordinateur Turbo avec AIS ; 2 radars plein jour ; 2 sondeurs ; 3 GPS différentiels ; 1 système homme mort (clé conservée par le Patron) ; 3 VHF dont 1 ASN ; 1 station INMARSAT C ; 1 VMS couplé avec la station INMARSAT C ; 1 station standard mini M ; 1 BLU. Le dernier carénage a été effectué le 30 avril 2004. Page 12 sur 40 La modification du surbau central de cale, consistant à le mettre à plat pont, et la confection d'un panneau de chargement sur le côté tribord du navire ont été effectuées en octobre 2002. Le chalutier était à jour de ses visites règlementaires. Lors de la visite annuelle du 29 avril 2005, le permis de navigation avait été renouvelé jusqu'au 28 avril 2006. Les armateurs du K E R B U L I C ont adhéré à la Coopérative Maritime Etaploise qui est une organisation de producteurs de pêche artisanale. Celle-ci se charge de l'approvisionnement en carburant et matériel de pêche, de la commercialisation du poisson et assure le navire auprès d'une assurance mutuelle. Ce regroupement de navires de pêche a débuté en 1958 puis s'est transformé en groupement de gestion. La CME dispose d'un responsable technique qui peut intervenir à la demande de l'armateur à condition que ce dernier exécute les demandes du technicien (carnet d'entretien moteur, etc). 4 4.1 EQUIPAGES S ÉBASTI EN II Son effectif, pour des sorties de moins de 72 heures de navigation en pêche côtière de 3ème catégorie, est de 3 marins. La décision d'effectif en date du 20 février 2004 prévoit : un Patron dont le titre minimum doit être le certificat de capacité ; un mécanicien dont le titre minimum doit être le certificat de motoriste ; un matelot dont le titre minimum doit être le CIN. Le rôle collectif indique qu'à la date du 31 mai 2005 l'équipage était de quatre personnes. Dans le compte rendu d'audition le patron, de fait, mais mécanicien sur le rôle, a indiqué que le matelot manquant avait, ce jour 31 mai, une visite médicale à passer. Le nombre de trois marins est conforme à la décision d'effectif. Le patron, sur le rôle collectif, âgé de 24 ans, a obtenu le certificat d'apprentissage maritime (marin pêcheur pont) le 11 juillet 1997, puis le Page 13 sur 40 certificat restreint d'opérateur le 2 avril 1998 et le certificat de capacité le 3.janvier 2001. Sa dernière visite médicale passée le 30 novembre 2004 le reconnaît apte à exercer « toutes fonctions, tous services ». L'homme de quart au moment de l'évènement, âgé de 43 ans, a obtenu le certificat de motoriste à la pêche le 14 décembre 1981, puis le certificat de capacité le 16 décembre 1982 et le certificat restreint d'opérateur le 2.avril.1998. Sa dernière visite médicale passée le 30 novembre 2004 le reconnaît apte à exercer « toutes fonctions, tous services ». Le matelot à bord, âgé de 48 ans, n'avait pas de qualifications particulières. Sa dernière visite médicale passée le 24 mars 2005 le reconnaît apte à exercer « toutes fonctions, tous services ». - 4.2 K ERBULIC Le permis de navigation délivré le 29 avril 2005 autorise le navire de pêche K E R B U L I C à accomplir une navigation de 3ème catégorie et indique que le nombre maximal admissible de personnes à bord est de 7 qui se décompose en 6 membres d'équipage et 1.passager. Dans le rapport de visite de mise en service du navire en date du 21 juillet 1992, l'effectif prévu était de 5 personnes : 1 patron, 1 chef mécanicien, 3 matelots. Sur le rôle collectif en date du 31 mai, l'équipage embarqué est de six marins. Le Patron a indiqué lors de son audition que 7 personnes se trouvaient à bord : 6 marins et 1.passager. Ce nombre est conforme aux indications portées sur le permis de navigation. Le Patron, âgé de 39 ans, a obtenu le certificat d'apprentissage maritime-pêche le 19 juin 1981, puis le certificat de motoriste à la pêche le 30 décembre 1983 et le certificat de capacité le 26 novembre 2001. Il est titulaire du certificat restreint d'opérateur depuis le 23 novembre 2001. Sa dernière visite médicale passée le 27 mai 2004 l'a reconnu apte à exercer pour une année « toutes fonctions, tous services ». La date pour reconnaître son aptitude est dépassée de quelques jours. Page 14 sur 40 - Le mécanicien, âgé de 32 ans, a obtenu le certificat d'apprentissage maritimepêche le 10 juin 1988, puis le permis de conduire les moteurs marins le 30.avril.2003 et le brevet de mécanicien 750kW le 19 août 2003. Sa dernière visite médicale passée le 8 novembre 2004 le reconnaît apte « toutes fonctions, tous services » sauf Commandant et veille. Trois matelots, âgés entre 25 et 48 ans, ont au moins la qualification de marin pêcheur qualifié. Le quatrième, âgé de 20 ans, a obtenu le certificat d'initiation nautique le 14 mars 2005. Les quatre sont aptes à exercer « toutes fonctions, tous services » cependant, l'un d'entre eux ne peut exercer la veille qu'avec correction. Deux sont à jour de leur visite médicale, deux l'ont dépassée de quelques jours. Le Patron et le mécanicien connaissent bien le navire puisqu'ils en sont armateurs depuis trois ans. - 5 CHRONOLOGIE (Toutes les heures sont données en TU) Le 30 mai 2005 Entre 01h47 et 05h38 à la sassée du matin, le chalutier à pêche arrière K E R B U L I C appareille de Boulogne-Sur-Mer. Dans un premier temps, il pêche dans le dispositif de séparation de trafic : côté montant et descendant puis se rend ensuite au large de Calais/Dunkerque afin de pêcher le bar au chalut de fond. Le 31 mai 2005 A 03h45, le K E R B U L I C se trouve le long de l'accore sud du banc Dyck occidental par 51° 04'46 Nord ; 02° 02'24 Est. Il pou rsuit sa pêche par des fonds de 6 à 10 mètres le long des bancs « Dyck Central et In Ratel ». Vers 06h00, le trémailleur S É B A S T I E N II appareille de Dunkerque pour poser des filets flottants au large du banc du Ruytingen aux alentours de la position : 51° 15' Nord ; 002° .12' Est. La distance à parcourir est de 13 milles. Page 15 sur 40 Entre 07h30 et 09h00, il pose ses filets puis fait route vers Dunkerque, sous pilote automatique, cap au Sud/Sud/Est (160° à la vitesse d'environ ), 10.noeuds. Sur la route du retour, l'homme de veille est alerté par une odeur de brûlé se dégageant du tableau électrique qui se trouve sous les vitres avant de la timonerie, entre le pupitre de commande des moteurs et le pupitre du radar et sondeur. Il s'aperçoit qu'un relai électrique est en train de se consumer en dégageant de la fumée. Les deux autres marins dorment dans la timonerie. Vers 09h15 / 09h20, sur le S É B A S TI E N II, le Patron procède au remplacement du relais, en exerçant une veille de façon discontinue ; de plus, le soleil dans l'axe avant du navire perturbe la vue aussi bien sur l'horizon que sur les instruments de navigation. Sur le K E R B U L I C , le chalut vient d'être remis à l'eau. Le Patron, de veille, suit une route fond au 250° sous barre manuelle et à la vitesse d'environ 3 noeuds. Il aperçoit sur tribord arrière, ainsi qu'il l'a écrit dans son rapport de mer, et à une distance estimée à 2.milles, un navire de pêche, à pleine vitesse, qui parait être un trémailleur. Les deux navires font une route de collision. Pensant, comme il est d'usage, que le trémailleur va venir accoster son navire pour transmettre la position de ses filets, il confie la veille passerelle à son associé. Celui-ci, intrigué par la non réaction du trémailleur arrivant à pleine vitesse alors que la distance les séparant n'est plus que de 100 mètres vient bâbord toute et met la machine en avant toute. Vers 09h40, le S É B A S TI E N II aborde avec son étrave le côté tribord du chalutier K E R B U L I C . La position de la collision est : 51° 08,097' Nord , 002° 17,144' Est, soit à 5 milles des jetées de Dunk erque. Aucune voie d'eau n'est décelée sur les deux navires. A bord du S É B A S TI E N .II, projeté en avant lors du choc, un membre de l'équipage est blessé au front et le Patron ressent une douleur importante au genou. Aussitôt après la collision, les deux navires se contactent sur le canal.16 et s'identifient. A 09h50, le Patron du K E R B U L I C , appelle le CROSS Gris Nez pour l'informer de la collision qui vient de se produire avec le S É B A S TI E N II, et l'aviser de son retour vers Boulogne-Sur-Mer. Page 16 sur 40 A 09H55, le Patron du S É B A S TI E N II prévient le CROSS Gris Nez qu'il est entré en collision avec le K E R B U L I C , qu'il fait route vers Dunkerque qu'il espère atteindre dans 20.minutes pour débarquer un membre de l'équipage blessé au front lors de la collision. Les pompiers de Dunkerque sont prévenus par la coopérative de Dunkerque à la demande du S É B A S TI E N II. Une communication VHF est établie par le CROSS, mettant en liaison le Patron du S É B A S T I E N II et un médecin du CCMM de Toulouse. Le médecin prodigue ses conseils. Le SAMU de Dunkerque est prévenu de l'arrivée du blessé par le CROSS.Gris Nez et sa prise en charge est assurée. A 10h36, le S É B A S TI E N II est amarré au quai de la coopérative. Le blessé et le Patron sont pris en charge par les pompiers. A 11h04, le N OT R E D A M E DU R I S B A N , canot de sauvetage de Calais, rejoint le K E R B U L I C pour l'escorter jusqu'à Boulogne-Sur-Mer à la demande du CROSS Gris-Nez. A 13H30, le K E R B U L I C entre au port de Boulogne-Sur-Mer, accompagné du canot de sauvetage N O TR E D A M E DU RISBAN. 6 DÉTERMINATION & DISCUSSION FACTEURS DU SINISTRE La méthode retenue pour cette détermination a été celle utilisée par le DES BEAmer pour l'ensemble de ses enquêtes, conformément à la résolution OMI A849-20 modifiée par la résolution A884-21. Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : · · · facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteur humain. Page 17 sur 40 Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du · · · BEAmer ont répertorié les facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : certain, probable ou hypothétique, déterminant ou aggravant, conjoncturel ou structurel, avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par ce sinistre. Leur objectif étant d'éviter le renouvellement de ce type d'accident, ils ont privilégié, sans aucun a priori, l'analyse inductive des facteurs qui avaient, par leur caractère structurel, un risque de récurrence notable. 6.1 6.1.1 Facteurs naturels Situation météorologique Les conditions météorologiques données par le CROSS Gris-Nez indiquent : vent de nord : 16 noeuds, mer : 2, visibilité : 8.milles, nébulosité 3/8, plafond : 2500 mètres. Les intervenants sur la zone donnent des conditions météorologiques légèrement différentes : le Patron du K E R B U L I C dans son rapport de mer indique que « la visibilité était excellente et la mer était calme », le Patron du Sébastien II lors de son audition a déclaré : « mer belle, beau temps, visibilité très bonne ». En conséquence, le BEAmer a demandé au service de Météo France du Centre départemental du Pas de Calais une synthèse climatologique. Ce document qui figure en annexe D indique que « la situation météorologique le 31 mai 2005 est caractérisée par un flux de Sud-Ouest à Ouest faible dirigé par une dépression au large de l'Irlande (entre le 30° et 40° W de longitude à 0h00 UTC). Sur la zone conc ernée, condition de vents faibles de Sud-Ouest puis Ouest ». Il est également précisé que vers 09h00 UTC pour la zone proche Page 18 sur 40 de Dunkerque la visibilité est de 10 000 mètres, les vents sont d'Ouest pour 18.kilomètres/heure, la nébulosité est de 3 à 4 et la mer est belle (annexe D). Compte tenu de ces indications, les enquêteurs ont considéré : · que la visibilité sur zone ne peut être mise en cause dans la collision entre les deux navires et qu'elle n'a donc pas été retenue comme facteur contributif, · que la nébulosité permettait au soleil d'apparaître assez souvent et durant un temps assez long et que cela pouvait constituer un facteur aggravant probable. 6.1.2 Marées Les conditions de marée, le jour de la collision, étaient les suivantes : Coefficient de marée : 56 ; Pleine mer du matin corrigée Dunkerque Ouest : 05h47 ; Basse mer suivante corrigée : 12h52 ; Hauteur d'eau : 3,50 mètres. Le courant, à l'endroit de l'abordage, portait au 045° pour 0,45 noeud. 6.1.3 Soleil Le 31 mai 2005, au moment de la collision, la hauteur du soleil au-dessus de l'horizon était d'environ 47° ; son azimut environ1 60° . Page 19 sur 40 6.2 6.2.1 Facteurs matériels K ERBULIC Le jour de l'évènement, les moyens de navigation suivants sont en fonction : 2.radars (règlés sur 3 et 6 milles), 2 sondeurs, VMS, VHF (canaux 16, 8,15), table traçante MPS 100, ordinateur Turbo 2000. Les marques de pêche sont « à poste ». La visibilité vers l'avant est assurée par 4 vitres dont deux possèdent des essuieglaces et sur les côtés par 3 vitres : toutes sont en bon état. Les éléments d'enquête recueillis auprès du CROSS Gris-Nez ont montré que les communications entre le CROSS et les deux navires étaient d'une qualité normale et satisfaisante. Le moyen de communication (VHF) qui a permis les contacts avec le S É B A S TI E N .II et le CROSS étaient donc en bon état de fonctionnement. Page 20 sur 40 La configuration de la passerelle et le moyen de communication VHF utilisé n'ont pas été retenus comme facteurs contributifs. 6.2.2 S ÉBASTIEN II Le jour de l'évènement, le radar est réglé sur l'échelle de 1,5 mille ; les 2 VHF dont une ASN, calés sur les canaux 16 et 10 sont en fonction. Le GPS et l'ordinateur de navigation Max Sea sont en service. Les superstructures couvrent une grande partie du pont. Sur l'avant à tribord, occupant les deux tiers de la largeur, se situent la timonerie qui regroupe la partie navigation et le carré cuisine, le tiers restant à bâbord est occupé par le vire-filet (plan navire en annexe.B). La superstructure avant est très inclinée vers l'arrière ; par rapport à l'horizontale, l'angle est d'environ 35° . Les ouvertures dans la superstructure avant sont au nombre de cinq : quatre vitres pour la timonerie dont deux sont en plexiglas et deux en verre avec essuie-glaces, une vitre en plexiglas dans la porte métallique qui est située sur l'avant du vire-filet et qui permet d'accéder au pont avant. Page 21 sur 40 Sur les côtés de la timonerie, toutes les vitres sont en plexiglas à l'exception d'une en verre à bâbord avant. Les ouvertures sur l'arrière sont au nombre de deux : une vitre en verre, l'autre en plexiglas. Page 22 sur 40 Sur les côtés de la timonerie, toutes les vitres sont en plexiglas à l'exception d'une en verre à bâbord avant. Les ouvertures sur l'arrière sont au nombre de deux : une vitre en verre, l'autre en plexiglas. Le plexiglas a vieilli et est devenu opaque. De ce fait, la visibilité vers l'extérieur ne peut se faire que par les vitres en verre. De plus, vers l'arrière durant l'hiver, la visibilité est limitée par la bâche qui recouvre l'arrière du navire. Dans le tableau électrique, un relais défectueux a provoqué un court-circuit nécessitant une intervention urgente. Page 23 sur 40 Par ailleurs, les enquêteurs ont noté, bien que cela n'a rien à voir avec l'accident, qu'à l'intérieur de la timonerie le panneau d'accès au poste avant, placé entre le pupitre de commande des moteurs et le pupitre recevant le radar ainsi que le sondeur, se trouve juste devant le tableau électrique. Au cas où ce dernier viendrait à prendre feu, cela obligerait vraisemblablement l'équipage à sortir par le panneau de secours donnant sur le pont avant. Ils considèrent que de telles dispositions ne répondent pas suffisamment à l'esprit de l'article 226-5.01 de la règlementation stipulant que « les installations électriques doivent être conçues et construites de façon à assurer la protection de l'équipage et du navire contre les accidents d'origine électrique ». Les enquêteurs du BEAmer ont retenu : - la configuration du navire et l'absence d'une visibilité normale tout autour de l'horizon comme des facteurs structurels déterminants ; - le fonctionnement défectueux d'un relais comme un facteur conjoncturel aggravant. 6.3 6.3.1 Facteur humain K ERBULIC Alors que son navire est en pêche et qu'il voit arriver vers lui le trémailleur, le patron abandonne la veille qu'il confie à son associé pour descendre dans la salle de travail et faire une estimation du précédent coup de chalut. Page 24 sur 40 L'associé, ayant un doute sur les intentions du trémailleur, ne cherche pas pour éviter l'abordage à le contacter au moyen de la VHF, n'utilise pas le sifflet ni le projecteur pour attirer l'attention. L'associé, copropriétaire du navire, est en réalité le mécanicien du bord. Il a bien obtenu la qualification de marin pêcheur qualifié le 5 août 1988 avec prise d'effet au 27.juillet.1993 mais sa visite médicale passée le 14 septembre 1993 le reconnaît inapte commandement et veille, et depuis cette date jusqu'au jour de l'accident il est toujours inapte commandement et veille. Le navire étant soumis: 1. à la Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, telle que modifiée en 1995 (STCW 95) notamment son chapitre VIII : normes concernant la veille ; 2. au règlement international pour prévenir les abordages en mer (RIPAM) ; le Patron dont un des rôles est de s'assurer de la qualification des hommes chargés de la veille n'a pas respecté cette réglementation. Les enquêteurs du BEAmer ont retenu que la non qualification de l'homme de veille constitue un facteur déterminant du sinistre. 6.3.2 S ÉBASTIEN II Le Patron est distrait de sa veille, alors qu'il fait route à pleine vitesse, par un court circuit dans le tableau électrique. Vu son emplacement, estimant qu'il peut continuer à assurer la veille tout en remplaçant le relais défaillant, il ne réveille pas le marin disponible et apte à le remplacer. Il est agenouillé pour exécuter ce travail. Il se relève de temps en temps pour contrôler l'horizon et vérifier cette vision au moyen de son radar. Le soleil quasiment dans l'axe du navire et se réfléchissant sur la mer diminue considérablement la qualité de la vue sur l'horizon et sur l'écran radar. . Il est à noter que son angle de visibilité sur l'avant est très restreint du fait du virefilet à bâbord et des vitres opaques à tribord. Une mesure prise de l'endroit où se trouvait le Patron donne, par rapport à l'axe longitudinal du navire, un angle de vue d'environ 35° sur bâbord et d'environ 20° sur tribord. Page 25 sur 40 Ces éléments sont déterminants dans le fait que le Patron n'ait pas vu le chalutier arrivant par bâbord. Compte tenu de ces éléments, la veille aurait du être assurée continûment avec vigilance. Cette veille, non permanente, est contraire à la règle 5 du Règlement international pour prévenir les abordages en mer qui stipule que « tout navire doit en permanence assurer une veille visuelle et auditive appropriée, en utilisant également tous les moyens qui sont disponibles et qui sont adaptés aux circonstances et conditions existantes, de manière à permettre une pleine appréciation de la situation et du risque d'abordage » Les enquêteurs du déterminant du sinistre. Ils considèrent en outre que la configuration du navire abordeur, tant en ce qui concerne l'opacité des vitres de passerelle que la difficulté de lecture des instruments de navigation dans certaines conditions d'éclairage, ont constitué des facteurs aggravants. Ils ont pris bonne note du changement de certaines vitres de la passerelle mais ils suggèrent que la qualité de la vision soit améliorée sur l'ensemble des facteurs mentionnés. BEAmer estiment que la méconnaissance par le trémailleur de l'obligation de veille permanente constitue un facteur, certes conjoncturel, mais certain et 6.4 Conclusions 6.4.1. Le défaut de veille est, quelles qu'en soient les raisons, un des plus grands dangers rencontrés par les navires de pêche comme de commerce. Le personnel effectuant la veille doit être apte et qualifié. 6.4.2. La collision survenue le 31 mai 2005 aux environs de 09 heures 40, entre le trémailleur Dunkerquois SÉBASTIEN II qui faisait route vers Dunkerque et le chalutier Boulonnais KERBULIC qui était en pêche au large de Dunkerque, et les dégâts occasionnés par cette collision, peuvent être imputés : 1. à l'absence de veille permanente engendrée par un travail qui a distrait l'homme de veille et à une veille difficile à exercer en raison de la non transparence des vitres et de la configuration de la timonerie ; Page 26 sur 40 2. à une méprise dans les intentions d'un navire de pêche en route liée à la non qualification de l'homme de veille. 7 7.1 RECOMMANDATIONS Le BEAmer recommande à l'Administration, à tous les organismes chargés de la construction des navires ainsi qu'aux armateurs, d'être particulièrement vigilants sur les formes des superstructures et l'ergonomie des passerelles des navires de pêche neufs afin de privilégier une visibilité maximale vers l'extérieur et d'assurer ainsi au navire et à son équipage une plus grande sécurité. 7.2 Le BEAmer recommande aux organismes chargés de faire respecter les règlements concernant les navires de pêche de porter une attention particulière à l'état des vitres fermant les timoneries notamment leur épaisseur, leur transparence et la qualité des matériaux employés. 7.3 Le BEAmer rappelle en particulier aux patrons que la veille est une priorité absolue en matière de sécurité maritime. Elle concerne aussi bien : · · · l'aptitude du personnel de quart ; la permanence (toute distraction doit être proscrite) ; le renforcement de la veille en condition difficile (soleil, brume, mauvais temps). 7.4. Le BEAmer recommande une application stricte des règles de passation de quart et de présence du patron à la timonerie lors de circonstances inhabituelles. 7.5 Le BEAmer rappelle que : · · tout navire qui juge nécessaire d'appeler l'attention d'un autre navire peut utiliser les signaux sonores (sifflet) ou lumineux (projecteur) ; tout navire qui juge que l'abordage ne peut être évité par la seule manoeuvre du navire qui doit laisser la route libre doit de son côté faire la manoeuvre qui est la meilleure pour éviter l'abordage (Règle 17 RIPAM) ; · tout navire qui veut signaler un danger lié à la sécurité de la navigation peut le faire sur le canal de sécurité (voie 16). Page 27 sur 40 LISTE DES ANNEXES A. Décision d'enquête B. Plans du SÉBASTIEN II C. Cartographie et trajectographie du CROSS Gris-Nez D. Synthèse météorologique E. Dossier photographique Page 28 sur 40 Annexe A Décision d'enquête Page 29 sur 40 Page 30 sur 40 Annexe B Plans du S ÉBASTIEN II Page 31 sur 40 Page 32 sur 40 Annexe C Cartographie et trajectographie du CROSS Gris-Nez Page 33 sur 40 Page 34 sur 40 SÉBASTIEN II KERBULIC Page 35 sur 40 Annexe D Synthèse climatologique Page 36 sur 40 Page 37 sur 40 Annexe E Dossier photographique Page 38 sur 40 Dégats sur la coque du KERBULIC Page 39 sur 40 Proue du SÉBASTIEN II Page 40 sur 40 Ministère de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement durables Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Tour Pascal B 92055 LA DEFENSE CEDEX T : + 33 (0) 140 813 824 / F : +33 (0) 140 813 842 Bea-Mer@equipement.gouv.fr www.beamer-france.org

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