Rapport d'enquête technique : naufrage du catamaran Accroch'Coeur survenu le 17 avril 2006 à proximité de el port de la Selva, Espagne (4 victimes)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur le naufrage du catamaran Accroch'Coeur survenu le 17 avril 2006 à proximité de el port de la Selva, Espagne. Cet accident a fait quatre victimes. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident
;sécurité
;prévention des risques
;NAUFRAGE
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique
ACCROCH'COEUR
2
Rapport d'enquête technique
NAUFRAGE
DU CATAMARAN
ACCROCH'COEUR
SURVENU LE 17 AVRIL 2006 A PROXIMITE DE EL PORT DE LA SELVA ESPAGNE (quatre victimes)
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Avertissement
Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du titre III de la loi n°.2002-3 du 3 janvier 2002 et du décret n°.2004-85 du 26 janvier 2004 relatifs aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles du "Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents et incidents de mer" Résolutions n°.A.849.(20) et A.884 (21) de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) des 27/11/97 et 25/11/99. Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du sur les circonstances et les causes de l'événement analysé. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif a été d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
BEAmer
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PLAN DU RAPPORT
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CIRCONSTANCES CONTEXTE NAVIRE EQUIPAGE CHRONOLOGIE DOMMAGES AU NAVIRE FACTEURS DU SINISTRE SYNTHESE RECOMMANDATIONS
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ANNEXES
A. B. C. D. E. F. Décision d'enquête Dossier photographique Spécification générale des catamarans type Outremer 45 Plan de voilure des catamarans type Outremer 45 Cartographie Météorologie
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Liste des abréviations
BEAmer CROSS CMS GPS MRCC ORC OMI SAR SHOM SITREP SMDSM SNS SNSM TU tx VFI VHF ASN
: : : : : : : : : : : : : : : : :
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage Coordonnateur de Mission de Sauvetage Système de Positionnement par Satellite (Global Positioning System) Centre de coordination de sauvetage maritime Offshore Racing Council Organisation Maritime Internationale Search And Rescue Service Hydrographique et Océanographique de la Marine SITuation REPort Système Mondial de Détresse et de Sécurité en Mer Société National de Sauvetage Société National de Sauvetage en Mer Temps Universel Tonneaux Vêtement à Flottabilité Intégrée Radio Très Haute Fréquence, avec Appel Sélectif Numérique
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CIRCONSTANCES
Le 17 avril 2006, vers 23h00, le catamaran de plaisance de 13 m ACCROCH'COEUR,
de retour de la régate « Routa de la sal », en provenance d'Ibiza et se dirigeant vers son port d'attache de Canet-en-Roussillon, chavire à proximité de la côte. Deux des trois personnes présentes à l'extérieur sont précipitées à la mer ; leurs corps sans vie seront retrouvés ultérieurement. Les quatre membres d'équipage restants se réfugient sur la plate-forme entre les deux coques et ne parviennent ni à signaler leur détresse ni à gonfler le radeau de sauvetage ; en fin de nuit, l'ACCROCH'COEUR fait côte après que l'équipier le plus âgé et la seule femme de l'équipage, très affaiblis, aient perdu connaissance (leurs corps sans vie seront retrouvés à proximité de l'épave). Le chef de bord et le dernier équipier réussissent à gagner la terre et à donner l'alerte au début de la matinée du 18 avril 2006.
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CONTEXTE
L'ACCROCH'COEUR était un catamaran de croisière de type « outremer 45 », construit
à 32 exemplaires par le chantier outremer de la Grande Motte (Hérault) sur plan de l'architecte Gérard Danson. Il avait parcouru près de 40.000 milles, dont deux traversées de l'Atlantique, depuis sa mise en service fin 2000.
1
3
NAVIRE
Les principales caractéristiques sont les suivantes : Indicatif : Aucun, la licence de station de navire n'a jamais été demandée, bien qu'une VHF fixe non ASN soit installée, et une VHF portative présente à bord, ces deux appareils étant régulièrement utilisés ; N°MMSI Longueur H.T : Aucun; : 13,70 m ;
1
Le trente deuxième exemplaire était en construction en juin 2006.
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Largeur H.T Jauge brute
: 7 m ; : 24,75 tx ;
Tirant d'eau min : 0,60 m ; Tirant d'eau max : 2,20 m ; la variation de tirant d'eau est obtenue en utilisant les dérives situées dans chaque coque (voir photos 1, 2, 12 et 13, et l'annexe « spécification générale », partie H « pont et divers ») ; Franc-bord Moteurs : 1450 mm ; : 2 moteurs Diesel Yanmar 3GM2 de 20 CV à embase « sail repliable. Gréement drive » et hélice
: le mât est autoporté, le profil étant raidi par un jeu des barres de flèche et un haubanage propres ; il est tenu vertical sur la coque par un étai et deux galhaubans (voir l'annexe « spécification générale », partie A, §2, et le plan de voilure, ainsi que les photos 1 et 3 à 9).
Mouillage
: la ligne de mouillage principale est en principe à poste en permanence, l'ancre étant bloquée au niveau du davier situé sur l'arrière de la poutre avant, la chaîne étant stockée dans un caisson situé à l'avant du mât et passant par le barbotin du guindeau situé au dessus de ce caisson (voir l'annexe « spécification générale », partie G, ainsi que les photos 1 et 3).
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Les équipements de navigation et sauvetage sont les suivants : Radar Sondeur VHF VHF portative GPS Navtex Drome de sauvetage : Furuno ; : marque et modèle inconnus; : marque et modèle inconnus; : ICOM ; : Furuno ; : Furuno ; : 1 radeau classe II plaisance 8 places Plastimo, sanglé dans un caisson de cockpit longitudinal (voir photos 18 et 19) et accessible cockpit aussi bien que plateforme retourné. quand le depuis depuis navire le la est
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EQUIPAGE
Six personnes se trouvaient à bord au moment du chavirage, dont les deux titulaires
de la location de longue durée souscrite auprès de la société CG Mer ; l'un de ces derniers était chef de bord. Tous avaient une longue expérience de la navigation à voile. Le second rescapé avait déjà traversé l'Atlantique à bord de l'ACCROCH'COEUR avec le chef de bord.
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CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS
Toutes les heures sont en heures locales, soit TU +2. La chronologie suivante a pu
être reconstituée à partir des déclarations du chef de bord et de l'équipier survivant, ainsi que des éléments transmis par le MRCC. Lundi 17 avril 2006 A 07h30, l'ACCROCH'COEUR appareille d'Ibiza pour le Canet-en-Roussillon, en compagnie du catamaran du même type GIROLATA, qui fera route vers Estartit, où
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il arrivera vers 15h00 pour y compléter son plein de carburant, il y attendra la fin du coup de vent annoncé. A 20h00, l'ACCROCH'COEUR se trouve au large de Cadaquès, le vent commence à se renforcer. La décision est prise de faire route à moins de 2 nautiques de la côte, pour profiter d'une mer moins formée, ce qui implique de tirer un bord tribord amures chaque fois que la distance radar à la côte devient supérieure à deux milles. La voilure est réduite (deux ris dans la grand-voile, solent partiellement roulé) et le moteur sous le vent embrayé à régime réduit, la dérive tribord est partiellement sortie. A 22h40, un des équipiers de quart téléphone à son épouse pour signaler qu'il venait de passer le cap de Creus. A 23h00, l'ACCROCH'COEUR, en route au près bâbord amures, chavire ; il se trouvait à une distance de la côte de 1 à 1,5 nautique, entre les latitudes de Colera et de Port Bou.
·
Deux équipiers, de quart à l'extérieur, disparaissent alors ; au moment du chavirage ils étaient debout dans le cockpit et se tenaient à la main courante de la capote de cockpit ; leurs corps seront retrouvés les 19 et 20.avril 2006, l'un d'eux étant retrouvé au Sud du Cap de Creus. Aucun élément objectif en la possession des enquêteurs du
BEAmer
ne permet de
dire qu'une chute à la mer ait pu avoir lieu avant le chavirage.
·
Le chef de bord, à la barre, se retrouve dans la nacelle dont la porte coulissante s'est ouverte sous son propre poids pendant le chavirage. Trois autres personnes se trouvaient déjà à l'intérieur.
Ces quatre personnes évacuent par les trappes de survie situées sur le flanc interne de chaque coque et se réfugient sur la plate-forme reliant les deux coques qui est régulièrement balayée par la mer. Elles essaient en vain de retrouver les deux équipiers manquants, puis de gonfler l'embarcation de sauvetage après avoir ouvert le fond du coffre de stockage (l'extraction de la goupille de blocage de la tige coulissante a été difficile), d'abord en tirant sur la bosse prévue, puis en essayant de percuter la bouteille de gonflage après avoir ouvert le conteneur. Plusieurs artifices sont utilisés, seul un feu à main et des fumigènes (non visibles de nuit) fonctionnent. Au moins un navire de pêche sortant du port de La Selva passe à proximité immédiate de l'ACCROCH'COEUR sans le voir. La VHF portative
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étanche n'est pas retrouvée. Les combinaisons de plongée stockées dans la soute tribord avant ne peuvent être atteintes. Au cours de la nuit le mât est soumis aux mouvement de plate-forme et à des contraintes non prévues (mouvements de l'ensemble mâture-voilure dans l'eau). Il a ainsi sans doute détruit son emplanture (photo n°6 du pied de mât), traversé la plate-forme puis s'est désolidarisé de celle-ci ; il est alors relié au navire par tout ou partie de son haubanage, et au moins par l'étai (photos 5, 7 et 8) ; le profil reste quant à lui raidi par sa triangulation. Mardi 18 avril 2006 A 06h00, l'ACCROCH'COEUR fait côte. L'équipière et le plus âgé des équipiers présents à bord ne donnent plus signe de vie. Les deux survivants gagnent la terre ferme et cherchent une route puis un lieu habité pour signaler l'accident. A 09h10, le premier survivant est recueilli, le second le sera à 09h43. A 11h00, les corps des deux équipiers restés à bord sont retrouvés à proximité de l'épave.
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DOMMAGES AU NAVIRE
Le navire désemparé se disloque rapidement. Sur instruction du magistrat espagnol chargé de l'affaire, une partie de la coque tribord et un tronçon de la coque bâbord seront repêchés le 09 mai 2006, avec une partie du gréement et des voiles. Un enquêteur du BEAmer a pu examiner ces éléments le 10 mai. Les observations faites permettent de constater que les superstructures sont quasiment détruites et les oeuvres mortes très abîmées, tandis que les oeuvres vives sont d'abord peu touchées (voir photo 2) et restent en relativement bon état après trois semaines dans l'eau (voir photos 10 et 11) ; l'unique dérive récupérée est très abîmée en partie haute et presque intacte au pied (voir photos 12 et 13). Ces observations sont cohérentes avec le fait que l'Accroch'Coeur a fait côte après avoir chaviré. Le mât a été repêché encore relié à l'étai, et celui-ci relié à la poutre avant (voir photos 7 et 8) ; il est très probable qu'il a été remorqué par le navire jusqu'à l'échouage, sans
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être soumis à de très gros efforts après qu'il ait détruit son emplanture. Compte tenu des fonds supérieurs à 30m jusqu'à 200m de la côte dans la zone d'échouage (voir la troisième carte en annexe), il a été peu traîné sur le fond, et la poutre résistante formée par le profil et sa triangulation a bien tenu jusqu'au repêchage, tandis que le ragage réduisait la grand'voile en lambeaux et emportait la verrine du feu de tête de mât (voir photos 4 à 9). Les enquêteurs du BEA mer n'ont pas eu l'occasion d'observer les apparaux de mouillage mais pensent que, compte tenu des fonds importants, la ligne de mouillage n'a pu faire obstacle à la dérive même si elle s'est dévidée après le chavirage ; il est d'ailleurs très probable que l'ancre soit restée à poste et que la chaîne n'ait filé qu'en toute petite partie, ayant tendance à se mettre en paquet au dessus de l'écubier entre coffre et guindeau. Les observations relatives au radeau de sauvetage figurent ci après, au § 7.2.4. Des objets personnels, et une partie du matériel de bord avaient entre temps été récupérés par la « garde civile » espagnole et par des plongeurs mandatés par le chef de bord. Des indices de pillage ont été relevés : en particulier le « genaker », que le chef de bord déclare avoir stocké dans la soute bâbord avant, roulé sur son emmagasineur, avec le spinnaker, n'a pas été retrouvé, pas plus que les winches équipant le bateau, et une bonne partie de l'équipement électronique, dont le GPS. Le spinnaker a été repêché le 09.mai saisi sur le filet de la plage avant, emmagasiné dans sa « chaussette ».
7
DETERMINATION & DISCUSSION FACTEURS DU SINISTRE
La méthode retenue pour cette détermination a été celle utilisée par le
DES
BEAmer
pour
l'ensemble de ses enquêtes, conformément à la résolution OMI A.849.(20) modifiée par la résolution A.884.(21). Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : · · · facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteur humain.
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Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du · · ·
BEAmer
ont répertorié les
facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : certain, probable ou hypothétique ; déterminant ou aggravant ; conjoncturel ou structurel ;
avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par ce sinistre. Leur objectif étant d'éviter le renouvellement de ce type d'accident, ils ont privilégié, sans aucun a priori, l'analyse inductive des facteurs qui avaient, par leur caractère structurel, un risque de récurrence notable.
7.1
Facteurs naturels
Situation météorologique Le 17 avril, au moment du chavirage, le vent soufflait, conformément aux prévisions,
à 30 noeuds environ, de nord ouest; la mer était de force 4. De fortes rafales ont été enregistrées au port de La Selva pendant la nuit, jusqu'à 129 km/h, soit plus de 65 noeuds. Sans qu'un enregistrement soit disponible, la topographie locale rend probables des changements importants dans la direction du vent. Un dossier météorologique établi par Météo France est joint en annexe au présent rapport, il fait état de rafales à plus de 50 noeuds. La force et la direction des rafales ont été déterminantes dans le déclenchement du chavirage de l'ACCROCH'COEUR. L'état de la mer n'a sans doute pas joué de rôle déterminant ; tout au plus l'ACCROCH'COEUR peut-il s'être trouvé dans une attitude favorable au chavirage à cause d'une vague particulière. La température de l'eau de mer en surface ne dépassait pas 14° celle de l'air était C, inférieure. Ces deux facteurs ont, avec le vent fort, contribué à affaiblir les quatre équipiers présents à bord après le chavirage. Les cartes figurant en annexe permettent de voir que la zone de chavirage signalée par le chef de bord autour de la position 42° 23'N - 003° 11'E est cohérente, compte tenu des
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conditions météorologiques, avec la zone d'échouage, et avec la dérive des corps des deux équipiers disparus au moment du chavirage, même s'ils ont été retrouvés à des emplacements différents. Il est en effet souvent constaté que la dérive due au vent et au courant de personnes ou d'objets mis à l'eau au même point est très différente en fonction d'éléments instantanés difficiles à appréhender en l'absence d'une connaissance fine des données sur les vents, les courants et l'état de la mer.
7.2
7.2.1
Facteurs matériels
État général du navire L'ACCROCH'COEUR était récent et bien entretenu, le haubanage avait été inspecté et
partiellement changé en 2005, tout comme la grand-voile et le foc « solent » sur enrouleur. Le bateau avait été révisé en vue de son départ en location ; il était déjà réservé pour une dizaine de semaines. Certains points n'étaient pas conformes à la réglementation française en vigueur :
· ·
Absence de tourmentin, le « solent » enroulé était censé en tenir lieu ; Absence de licence de station de navire (voir § 3 ci-dessus) pour les émetteursrécepteurs VHF embarqués. Le matériel n'avait pas été enregistré à cause de la taxe sur la VHF (taxe disparue au moment de l'accident).
Aucun de ces manquements n'a joué de rôle dans l'accident. 7.2.2 État du gréement
Le gréement dormant a, paradoxalement, trop bien tenu : le chef de bord, après avoir dû remplacer à plusieurs reprises des haubans détériorés, avait récemment fait mettre en place des galhaubans au diamètre standard 12,7 mm, en inox monotoron ; il pensait que le mât céderait quand même avant que le bateau ne chavire.
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7.2.3
Moyens de signalisation
Les artifices réglementaires pour une navigation au large se trouvaient à bord, ainsi qu'un jeu d'artifices périmés. Un feu à main et des fumigènes (non prévus pour se signaler de nuit) ont fonctionné correctement 2. La VHF fixe était inutilisable une fois le bateau retourné ; la VHF portable étanche n'a pas été retrouvée après le chavirage. L'ACCROCH'COEUR ne possédait pas de radiobalise de localisation des sinistres. 7.2.4 Radeau de sauvetage
Le radeau de sauvetage avait été visité par le fabricant en mai 2005 ; le conteneur avait été remplacé après une réclamation du locataire, qui l'avait reçu fendu au retour de la visite (voir photo 14). Le radeau était stocké dans un coffre longitudinal situé à tribord arrière du cockpit, de taille adaptée à un radeau de 8 places. Le fond de ce coffre était ouvrant et accessible une fois le bateau retourné, couvert de 50.cm environ. Les photographies 18 et 19 figurant en annexe montrent un coffre similaire, mais transversal et adapté à un radeau de 6 places. L'ouverture du coffre, bateau retourné, s'est avérée difficile à cause de la goupille de blocage de la tige de fermeture. Le chef de bord a déclaré que le radeau n'a pu être gonflé, par traction sur la bosse de gonflage ou actionnement direct du dispositif de percussion de la bouteille de gaz comprimé une fois le conteneur ouvert à la main ; il a indiqué que la traction sur la bosse de percussion avait été difficile. Tel qu'il a été photographié le 20 avril par la « Guardia Civil », et tel qu'il a été observé fin juin par les enquêteurs du BEAmer accompagnés par des représentants du fabricant (voir photos 15 à 17), le radeau présente un aspect très similaire à celui d'un radeau dont la bouteille a été percutée alors que l'espace disponible ne permettait pas son libre déploiement : fermetures à glissière de l'enveloppe extérieure ouvertes, chambres à air translucides apparentes et déchirées au niveau des moulages de fixation des valves de gonflage, fourreau
2
Les autorités espagnoles ont retrouvé une fusée à parachute de marque Pains Wessex, périmée ; onze feux à main, de marque Pains Wessex (4, périmés en 2003, dont un utilisé) et Dauriac (7, valables jusqu'en 2006 pour un et 2008 pour les autres) ; ces artifices proviennent des deux lots du bord et de celui du radeau.
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de bouteille décousu (celui de l'ACCROCH'COEUR a été retrouvé sur le fond à proximité de l'épave par un plongeur ami du chef de bord, quelques jours après l'accident). Le sac d'armement était toujours amarré au radeau mais vide. Une partie de son contenu a été retrouvée par la « Guardia Civil ». Le chef de bord ne se souvient pas avoir eu accès à ce sac qui devait contenir entre autres éléments un gonfleur à main. Pour les enquêteurs, il est très probable que le radeau a été gonflé dans un espace confiné. Aucun élément disponible ne permet de savoir quand ce gonflage est intervenu, et si la drisse de percussion avait déjà été partiellement sortie du conteneur, ou bien dépassait de la trappe de fond du coffre. Les enquêteurs du BEAmer estiment possible que la percussion de la bouteille, suivie du gonflage en espace confiné, ait eu lieu accidentellement pendant la manoeuvre d'extraction du radeau hors de son logement. Il est possible que, si la bouteille de gonflage a été percutée avant que le radeau ne soit extrait de son coffre, le radeau ait été endommagé sans que les liens de cerclage du conteneur ne cèdent, les deux demi coques étant maintenues par les sangles servant de saisines. Dans ce cas les lèvres des demi coques se sont sans doute déformées et l'adhésif de liaison a cédé en totalité ou par endroits, mais il est compréhensible que deux personnes en détresse et cherchant à tout prix à exercer une traction sur une drisse de gonflage déjà en bout de course puis à ouvrir le conteneur à la main et sans outillage n'aient pas noté ces déformations. Les déclarations recueillies par les enquêteurs du BEAmer font état d'un conteneur qui « jaillit » de son logement à l'ouverture de la trappe. Dans son état normal le conteneur a une flottabilité de 55 daN, soit celle d'une aide à la flottabilité (veste flottante, VFI, gilet pour le ski nautique...), ce qui semble insuffisant pour provoquer une telle impression, alors qu'un conteneur rempli de gaz de gonflage, qui peut-être fuse encore, pourrait expliquer une telle sensation. En tout état de cause, ce radeau n'a pas pu être utilisé pour abriter du vent et du froid les quatre personnes présentes à bord après le chavirage. 7.2.5 Configuration du navire L'ACCROCH'COEUR portait au moment de l'accident une voilure correspondant au vent établi, mais était probablement surtoilé dans les rafales. L'application des bonnes pratiques recommandées sur ce type de bateau en présence de fortes rafales accompagnées de changements de direction aurait dû conduire à prendre le troisième ris. Le directeur du chantier constructeur estime cependant que le couple de chavirage n'était pas atteint, même dans des rafales à plus de 60 noeuds.
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L'utilisation de la dérive sous le vent pour progresser au près n'est pas conforme aux recommandations habituelles dans ce type de temps, qui préconisent l'utilisation partielle de la seule dérive au vent, voire de rentrer les deux dérives, de façon à conduire à un dérapage plutôt qu'à un chavirage dans les rafales. En tout cas la dérive tribord est restée en position basse après le chavirage (voir photo 2), ce qui est normal compte tenu des frottements dans le puits (voir photos 12 et 13). Selon les éléments recueillis par les enquêteurs du
BEAmer,
l'écoute de grand voile
était bloquée sur bloqueur à levier, ce qui n'est pas la position recommandée par le chantier constructeur qui préconise de tenir normalement l'écoute sur le winch auto enrouleur situé sur l'avant du bloqueur.
7.3
Facteur humain
La navigation précédant l'accident s'est effectuée sans incident. Aucune précaution particulière n'était prise pour la sécurité des personnes présentes à l'extérieur, telle que le port de gilets gonflables et de longes de harnais reliées à des points fixes ou à des lignes de vie. Personne à bord n'était préparé à la survie en situation de détresse. Au moment du chavirage, le largage de l'écoute de grand-voile n'a pas suffi à éviter le retournement ; l'efficacité de la manoeuvre n'a pu être confirmée par les enquêteurs du BEAmer, les éléments retrouvés étant insuffisants pour écarter totalement la possibilité d'une ouverture incomplète du coinceur ou la présence de coques sur l'écoute. Les mesures prises par la suite sont cohérentes avec les possibilités d'action sur un bateau retourné, de nuit, de la part d'un équipage expérimenté mais non préparé aux situations de détresse.
8
8.1
SYNTHESE
Le facteur déclenchant de l'événement a très probablement été une forte survente, sans doute accompagnée d'un changement de direction significatif du vent.
8.2
Les facteurs déterminants ont été :
-
une surface de voilure excessive dans les rafales, l'effet de « croche-pied » généré par la dérive sous le vent sortie,
-
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-
la bonne tenue du gréement, qui n'a pas joué le rôle attendu de « fusible », et, peut-être, l'état de la mer qui, sans être forte, a pu mettre le bateau dans une position favorable au chavirage (effet de freinage de l'étrave sous le vent).
8.3
Les facteurs aggravants ont été : l'absence de port du gilet et du harnais pour les équipiers situés à l'extérieur, malgré les conditions météorologiques et l'obscurité, l'absence de balise de radiolocalisation des sinistres (équipement non obligatoire), le mauvais fonctionnement et/ou la mauvaise utilisation des artifices de signalisation, l'impossibilité de retrouver la VHF portative, la mauvaise attitude de la plate forme retournée : l'envahissement progressif des compartiments moteurs entraîne la prise d'une assiette positive qui rend le séjour sur la coque retournée encore plus inconfortable, et l'accès à la coque bâbord, dont la trappe d'évacuation est assez en arrière, rapidement impossible ; l'impossibilité de gonfler le radeau de sauvetage, ou le gonflement accidentel de celui-ci en espace confiné, ce qui le rend inutilisable.
-
9
RECOMMANDATIONS
Le BEAmer recommande :
9.1
Aux architectes, constructeurs et utilisateurs d'affiner la conception et le mode d'emploi de ces navires pour les rendre encore plus sûrs. Même si les catamarans de croisière sont des embarcations sûres qui peuvent être utilisées par tout temps, l'accident de l'ACCROCH'COEUR rappelle que le risque de chavirage existe cependant dès que le vent est frais, même si la mer est maniable.
9.2
Aux chefs de bord :
·
D'adapter la voilure non pas au vent établi, mais à sa force dans les rafales, ce qui correspond à la pratique recommandée à bord d'un multicoque ; en l'occurrence cela aurait conduit à prendre le troisième ris dans la grand'voile ; D'utiliser au près la dérive au vent plutôt que celle sous le vent, de façon à éviter l'effet de « croche-pied » dès lors que la coque au vent se soulève ; la perte en performance aurait été minime ;
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·
·
D'utiliser l'écoute de grand'voile conformément aux recommandations du chantier (coinceur à levier ouvert, écoute tournée au winch arrière, voir photo), de façon à rendre son largage sous tension plus facile et efficace.
9.3
Aux équipages de navires le port des équipements de protection individuels (harnais, gilets de sauvetage, VFI...), notamment de nuit ou par vent fort, pour les personnes situées à l'extérieur. Dans le cas spécifique d'un catamaran, le port d'un gilet gonflable à commande manuelle seulement, avec une longe de harnais à largage rapide côté utilisateur (longe dite « ORC » imposée pour certaines compétitions), peut être envisagé afin d'éviter le risque d'être retenu sous la plate forme retournée.
9.4
Même en eaux côtières la signalisation d'une détresse est difficile. Une VHF avec antenne en tête de mât est par définition inutilisable en cas de chavirage ou de démâtage ; la présence d'un VHF portative est souhaitable, à condition qu'elle soit facilement accessible, ou portée par un membre d'équipage. La portée de cet équipement est cependant réduite. L'emport d'une balise de localisation (déclarée) doit toujours être encouragé : ce matériel est efficace et facile à utiliser. Dans le cas de l'ACCROCH'COEUR, une balise Sarsat-Cospas stockée à proximité d'une des trappes d'évacuation, ou avec le radeau, aurait sans doute permis une intervention plus rapide des secours.
9.5
Sur un catamaran, de regrouper à proximité des trappes d'évacuation le matériel utile en cas de retournement, ou de toute autre urgence. Il appartient aux concepteurs de réserver les volumes nécessaires et aux utilisateurs de s'en servir.
9.6
Dans tous les cas où cela est possible, aux concepteurs d'envisager de prévoir une couchette, ou plate-forme quelconque, permettant de rester à l'abri, hors de l'eau, dans le bateau retourné. Cet espace « perdu » sous une étagère ou placard permettrait de retarder l'apparition de l'hypothermie chez les équipiers les plus fragiles, ou simplement les plus légèrement vêtus. A bord de l'ACCROCH'COEUR la configuration des lieux n'a permis à personne de rester à l'intérieur.
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9.7
Aux équipages de se préparer à affronter des situations hors normes. Aux constructeurs et fournisseurs de les y aider par :
·
Une rédaction précise des manuels du propriétaire concernant les moyens d'éviter les sinistres (largage de grande écoute...) ou de lutter contre les dégâts qu'ils causent (feu, voie d'eau), ainsi que de survivre dans les conditions non conformes (chavirage...). Les associations professionnelles pourraient mettre à la disposition de leurs adhérents des textes génériques facilement adaptables aux caractéristiques particulières de chaque embarcation. La fourniture de notices claires, mais aussi, pour les matériels de sécurité les plus importants, de proposer une séance de formation adaptée. Il ne serait par exemple pas anormal que tout acheteur d'un radeau de survie se voie proposer gratuitement une demi-journée de formation, renouvelable à chaque révision ; la possibilité existe mais elle est insuffisamment répandue.
·
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LISTE DES ANNEXES
A. B. C.
Décision d'enquête Dossier photographique Spécification générale des catamarans type Outremer 45 Plan de voilure des catamarans type Outremer 45 Cartographie Météorologie
D.
E. F.
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Annexe A
Décision d'enquête
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Annexe B
Dossier photographique
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1 - Catamaran du même type que l'ACCROCH'COEUR
2 - Epave de l' ACCROCH'COEUR peu après qu'il ait fait côte (photo voiles et voiliers, date exacte inconnue)
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HO/REUTERS Avec l'autorisation de VOILES et Voiliers
MRB Avec l'autorisation de VOILES et Voiliers
3 - Avant d'un catamaran du même type que l'ACCROCH'COEUR
4 - Mât de l'ACCROCH'COEUR avant son repêchage (photo garde civile, date exacte inconnue)
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5 - Enrouleur de foc de l'ACCROCH'COEUR avant son repêchage (photo garde civile, date exacte inconnue)
6 - Mât de l'ACCROCH'COEUR photographié le 10 mai 2006
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x 7 et 8 - Enrouleur de foc de l'ACCROCH'COEUR photographié le 10 mai 2006
9 - Tête de mât de l'ACCROCH'COEUR après repêchage
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10 - Partie arrière de la coque tribord de l'ACCROCH'COEUR après son repêchage, photo prise le 10 mai 2006
11 - Partie arrière de la coque tribord de l'ACCROCH'COEUR après son repêchage, le 10 mai 2006
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X 12 et 13 - Dérive (vraisemblablement tribord) de l'ACCROCH'COEUR après repêchage (photo prise le 10 mai 2006)
14 - Radeau de sauvetage de l'ACCROCH'COEUR, après révision et avant remplacement du conteneur endommagé par le constructeur
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15 - Bouteille du radeau de sauvetage de l'ACCROCH'COEUR après repêchage le 10 mai 2006
16 - Radeau de sauvetage de l'ACCROCH'COEUR (photo Guardia civil du 20 avril 2006)
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17 - Radeau de sauvetage de l'ACCROCH'COEUR, photo du 30 juin 2006
X 18 et 19 - Emplacement du radeau (6 places) sur un catamaran Outremer 45 (le coffre de l'ACCROCH'COEUR était similaire mais adapté à un radeau 8 places et longitudinal)
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Annexe C
Spécification générale des catamarans type Outremer 45
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Annexe D
Plan de voilure des catamarans type Outremer 45
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Annexe E
Cartographie
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Canet-En-Roussillon
Cap Béar
El Port de la Selva Cap de Creus
Cadaquès
Ibiza
Carte générale.
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Annexe F
Météorologie
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Ministère des Transports, de l'Energie, du Développement durable l'Equipement, du Tourisme et de la Mer Ministère de l'Ecologie, et de l'Aménagement du territoire
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer
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