Rapport d'enquête technique : échouement du navire de commerce Artemis survenu le 10 mars 2008 aux Sables d'Olonne

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur l'échouement du navire de commerce Artemis survenu le 10 mars 2008 aux Sables d'Olonne. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident ; sécurité ; prévention des risques
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique ARTEMIS 2 Rapport d'enquête technique ECHOUEMENT DU NAVIRE DE COMMERCE ARTEMIS SURVENU LE 10 MARS 2008 AUX SABLES D'OLONNE Page 1 sur 44 Page 2 sur 44 Avertissement Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du titre III de la loi n°.2002-3 du 3 janvier 2002 et du décret n°.2004-85 du 26 janvier 2004 relatifs aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles du "Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents et incidents de mer" Résolutions n°.A.849.(20) et A.884 (21) de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) des 27/11/97 et 25/11/99. Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du les circonstances et les causes de l'événement analysé. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif a été d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. BEAmer sur Page 3 sur 44 PLAN DU RAPPORT 1 2 3 4 5 6 7 8 9 CIRCONSTANCES CONTEXTE NAVIRE EQUIPAGE CHRONOLOGIE GESTION DE L'EVENEMENT FACTEURS DU SINISTRE SYNTHESE RECOMMANDATIONS Page 6 Page 6 Page 7 Page 9 Page 10 Page 11 Page 12 Page 19 Page 19 ANNEXES A. B. C. D. Décision d'enquête Dossier navire Cartographie Situation météo-nautique le jour de l'accident Page 4 sur 44 Liste des abréviations BEAmer CROSS EVP OMI STCW TU VHF VTS : : : : : : : : Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage Équivalent Vingt Pieds Organisation Maritime Internationale Seafarers Training Certification and Watchkeeping Temps Universel Très Hautes Fréquences (Very High Frequency) Vessel Traffic Service Page 5 sur 44 1 CIRCONSTANCES Le lundi 10 mars 2008 à 06h45 heure locale, le navire de commerce ARTEMIS battant pavillon des Pays-Bas se présente dans le chenal d'accès au port des Sables d'Olonne en vue d'embarquer le pilote. L'embarquement de celui-ci s'effectue à 07h05 à l'intersection des alignements des passes Sud-Ouest et Sud-Est. Les conditions météo sont mauvaises : vent de Sud-Ouest force 7 avec rafales force 10 et mer très forte. Ce jour là, deux navires de commerce de taille similaire sont attendus pour la marée de 06h09 : le MV RIGA, chargé de 3530 tonnes de ciment, et le MV ARTEMIS sur lest. Dès son arrivée à la passerelle, le pilote juge critique la position du navire par rapport à la côte et la proximité d'une bande rocheuse, voire potentiellement dangereuse. Aussitôt, il demande la machine en arrière toute et, avec le propulseur d'étrave, tente de faire remonter l'arrière du navire dans le vent. Malgré cette manoeuvre d'urgence, le navire continue de dériver à faible vitesse au Nord-Ouest, et suite à un grain violent, vient s'échouer à 07h20 sur la plage des Sables d'Olonne, cap au 100° à la position : 0 46° , 29',60 N et 001° 46',95 W. Il n'y a pas eu de blessés parmi les membres de l'équipage ni de pollution. Après deux tentatives de remise à flot, le navire sera finalement déséchoué le 20 mars. 2 CONTEXTE L'ARTEMIS, sur ballast, en provenance de Lisbonne, venait charger au port des Sables d'Olonne une cargaison d'environ 3 500 tonnes de blé en vrac à destination de Rouen. C'était la première fois qu'il faisait escale aux Sables d'Olonne. Ce port est accessible aux navires jusqu'à 110 m de long et 16 m de large. Les conditions d'accès sont fixées par les horaires des marées. Les navires peuvent entrer et sortir du port deux heures avant et jusqu'à deux heures après la pleine mer. Page 6 sur 44 3 NAVIRE L'ARTEMIS est un navire type « general cargo » à coque en acier construit en janvier 2004 aux chantiers Damen Shipyards Bergum à Bergum en Hollande. Ces principales caractéristiques sont les suivantes : N° OMI Indicatif Longueur hors tout : : : 9278337 ; PBLV ; 88,78 m ; 84,99 m ; 12,50 m ; 7m ; 5,42 m ; 2545 ; Longueur entre perpendiculaires : Largeur Creux Tirant d'eau (été) Jauge brute : : : : Page 7 sur 44 Port en Lourd Appareil propulsif : 3800 t ; : un moteur diesel Caterpillar de 1520 Kw à 1000 tr/m entraînant une hélice à 4 pales fixes à 256 tr/mn; : un diesel-alternateur de 120 KVA 400V, 50HZ ; un diesel-alternateur de 330 KVA 400V, 50HZ ; un diesel-alternateur de secours 57 KVA 400V 50HZ ; Groupes électrogènes Vitesse en service Propulseur d'étrave : 12,5 noeuds ; : 220 KW. Il est composé d'une cale unique de 62,50 m de long par 10,10 m de large et de 5248 m3 de volume, construite à l'intérieur d'une double coque où sont aménagés les ballasts latéraux et en double fond. Sa capacité de ballastage est de 1233 m3. Il peut transporter des marchandises solides en vrac ou en conteneurs. Au total, 193.conteneurs EVP (113 en cale et 80 en pontée) peuvent être chargés. Il bat pavillon des Pays-Bas et est immatriculé à Sneek (Hollande). Il est exploité par la compagnie Oudvaart Shipping BV. Il est classé au Bureau Veritas avec la classification suivante : IHull MACH General cargo ship-heavycargo Unrestricted navigation AUT-UMS ICE CLASS ID. Le certificat de classe délivré le 03 décembre 2004 est valable jusqu'au 09 janvier 2009. Le document de conformité et le certificat de gestion de la sécurité délivrés par les autorités maritimes néerlandaises le 14 juillet 2004 expirent le 20 juin 2009. Page 8 sur 44 Le 15 janvier 2008, le navire a fait l'objet d'un contrôle par l'état du port à Gdansk (Pologne) ; trois déficiences ont été relevées sans immobilisation : - les cartes de navigation n° 2680 et 2688 pour le voyage concerné sont manquantes, - la courbe de déviation du compas magnétique dont la dernière correction date de 2003 n'est pas à jour, - les essais périodiques des appareils de radiocommunication ne sont pas enregistrés. 4 EQUIPAGE Le navire est armé par un équipage de six personnes conformément au Minimum Safe Manning Certificate composé de ressortissants hollandais (capitaine et second capitaine), russe (chef mécanicien) et philippins (les trois matelots dont un fait fonction de cuisinier). Le quart à la passerelle est assuré par le capitaine et le second capitaine assistés, la nuit, par un matelot de veille. Il est organisé de la manière suivante : Service à la mer : 00h00-06h00 / 12h00-18h00 : 06h00-12h00 / 18h00-24h00 : 20h00-23h00 23h00-02h30 02h30-06h00 Service au port : 08h00-12h00 / 13h00-17h00 : 07h00-12h30 / 15h00-18h30 : tout le personnel sauf le matelot cuisinier ; matelot / cuisinier. : : : second capitaine ; capitaine ; matelot / cuisinier ; matelot 1 ; matelot 2. Le navire étant AUT-UMS, il n'y a pas de personnel de quart à la machine sauf pendant les manoeuvres où le chef mécanicien est présent. Le capitaine commande ce navire depuis 2 ans et c'est la première fois qu'il fait escale aux Sables d'Olonne. Les brevets et certificats des officiers sont conformes à la convention STCW 78/95 pour la catégorie de navire et sa puissance de propulsion inférieure à 3000 kW. Page 9 sur 44 5 CHRONOLOGIE DE L'EVENEMENT Les heures sont données en heure locale (TU+1) Le 10 mars 2008 à 04h40, le pilote prend contact par VHF avec l'ARTEMIS pour lui demander sa position, l'ARTEMIS lui répond qu'il est à 3 milles de la station de pilotage des Sables d'Olonne. Le pilote lui demande de rester à cette position (en attente), pour le servir juste après la rentrée du RIGA (longueur 89,90 m, tirant d'eau 5,80 m) prévue à 05h00. Il est constaté que sur le récepteur AIS de la pilotine, le signal de l'ARTEMIS n'apparaît pas. A 05h45, après mise à quai du RIGA au poste 4 du bassin du commerce, le pilote reprend contact par VHF avec l'ARTEMIS, qui lui signale maintenant être à 11.milles de la station de pilotage. De 05h45 à 06h45, le pilote retourne à quai en attente de l'arrivée de l'ARTEMIS à l'intersection des chenaux Sud-Ouest et Sud-Est. A 06h45, l'ARTEMIS est en vue du pilote ; le récepteur AIS ne donne aucune indication concernant ce navire. Le pilote constate que le navire est au Nord de l'alignement au 32° de la passe du Sud-Ouest. Il en informe par VHF le ,5 commandant qui vient à droite et prend un cap plus à l'Est pour rejoindre l'alignement. De 07h00 à 07h05, la pilotine est en approche de l'ARTEMIS qui se trouve dans l'Est-Nord-Est de la bouée Nouch Sud, donc dans la passe. Le navire reprend un cap aux environs du 30° sa vitesse est d'environ 4 à 6 noeuds. Le pilote lui , demande de venir rapidement sur la gauche, cap au Nord, et de réduire sa vitesse au minimum afin de faire de l'abri sur tribord pour embarquer. Le vent est estimé à 35 noeuds, la mer est formée et la houle est d'Ouest. A 07h05, le pilote embarque sur l'ARTEMIS à l'intersection des alignements de la passe du Sud-Ouest au 032° et de la passe du Sud- Est au 320. La vitesse du ,5 navire est estimée à environ 4 à 5 noeuds. Le vent est fraîchissant de Sud-Ouest force 7 (environ 35 noeuds) avec des rafales force 10 (50 noeuds enregistrés à 07h07). Page 10 sur 44 De 07h05 à 07h10 environ, après avoir embarqué par tribord, le pilote se dirige seul vers la passerelle et tente d'y pénétrer côté bâbord. L'accès étant clos de ce bord, il doit rebrousser chemin. Il redescend, puis remonte de l'autre bord (par tribord) et atteint enfin la passerelle. L'ARTEMIS est alors cap au 030, machine en avant lente. Vers 07h10, le pilote qui vient d'arriver à la passerelle entend le patron de la pilotine demander (pour la deuxième fois) à l'ARTEMIS en VHF canal 12 de venir sur bâbord : « ARTEMIS come to port ». Le pilote, estimant qu'il est trop tard pour venir à gauche, demande au commandant de mettre la machine en arrière toute. De 07h10 à 07h20, l'ARTEMIS en arrière toute, dérive au Nord-Ouest à faible vitesse. Le propulseur d'étrave est en action pour remonter l'arrière du navire dans le vent. Soudain, un grain violent augmente la vitesse de dérive et, à 07h20, l'ARTEMIS s'échoue sur le sable, cap au 100, sur la plage des Sables d'Olonne, à la position : 046° 29',60 N et 001° 46',9 5 W. 6 GESTION DE L'EVENEMENT APRES L'ECHOUEMENT ET DOMMAGES AU NAVIRE A bord de l'ARTEMIS Le pilote prévient la Capitainerie du port à 07h20 de l'échouement de l'ARTEMIS sur la 6.1 plage des Sables d'Olonne. De son côté, à 07h30, le capitaine prévient la personne désignée de son armement conformément aux procédures ISM en cas de situation d'urgence. Il fait sonder toutes les capacités pour s'assurer de l'intégrité de la coque du navire et de l'absence de voie d'eau. A marée basse, le capitaine procède à une inspection de la coque du navire, du gouvernail et de l'hélice. Il ne constate aucun dommage apparent, ni fuite pouvant entraîner une pollution. 6.2 ACTION DES AUTORITES PORTUAIRES Entre 07h20 et 07h40, le capitaine de port, aussitôt informé de l'échouement de l'ARTEMIS, prévient le CROSS Etel, la Direction Départementale des Affaires Maritimes et le Chef du Service Maritime de la Direction Départementale de l'Equipement de la Vendée. Page 11 sur 44 6.3 DOMMAGES AU NAVIRE L'ARTEMIS s'est posé sur le sable, ce qui a contribué à limiter les dommages éventuels. Une inspection de toutes les parties internes et externes visibles du navire échoué : coque et superstructures, hélice et gouvernail, n'a pas révélé d'anomalie, tant du point de vue structurel, qu'au niveau de la propulsion et de la gouverne. L'inspection de la cale à cargaison n'a pas non plus appelé de remarque particulière ; celle-ci a été trouvé en bon état. De même la visite de la machine a permis de constater le bon entretien des équipements et leur fonctionnement satisfaisant. Les ballasts n'ont pu être visités. Néanmoins, les sondes des différentes capacités qui ont été relevées : ballastage, combustible, huile et eau douce, ont confirmé l'intégrité de la coque. Le navire étant échoué, seul le générateur de secours est en service et assure l'alimentation en électricité à bord. 7 DETERMINATION & DISCUSSION FACTEURS DU SINISTRE La méthode retenue pour cette détermination a été celle utilisée par le DES BEAmer pour l'ensemble de ses enquêtes, conformément à la résolution OMI A.849.(20) modifiée par la résolution A.884.(21). Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : · · · · facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteur humain ; autres facteurs. Page 12 sur 44 Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du · · · BEAmer ont répertorié les facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : certain, probable ou hypothétique ; déterminant ou aggravant ; conjoncturel ou structurel ; avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par ce sinistre. Leur objectif étant d'éviter le renouvellement de ce type d'accident, ils ont privilégié, sans aucun a priori, l'analyse inductive des facteurs qui avaient, par leur caractère structurel, un risque de récurrence notable. Le navire n'était pas équipé d'enregistreur de données de voyage (VDR) ni d'enregistreur de cap. Du côté de la capitainerie, aucun enregistrement des conversations par VHF n'était disponible, ni de suivi et d'enregistrement radar de la rentrée de l'ARTEMIS en raison de difficultés de réception dues à l'emplacement de l'antenne. Elle n'était pas non plus équipée d'un système de traitement des images radar. Néanmoins, les enquêteurs du BEAmer ont pu se rendre à bord dès le 12 mars 2008. Ils se sont entretenus avec le capitaine de l'ARTEMIS, le pilote et le capitaine du port. De leur côté, les autorités maritimes néerlandaises ont mené leur propre enquête en coopération avec le BEAmer. 7.1 Facteurs naturels Les bulletins météorologiques réguliers (côte et large) et spéciaux (BMS côte), diffusés le dimanche 9 mars, font état d'un avis de coup de vent à tempête, du lundi 10 mars à 01h00 au mardi 11 mars à 01h00, avec vent de Sud-Ouest force 8 à 9 (40 à 45 noeuds), passagèrement 10 en fin de nuit et lundi matin (50 noeuds), et mer devenant grosse avec l'arrivée d'une grande houle de 6 mètres. Le 10 mars, autour de la zone de l'échouement, les conditions météorologiques sont très mauvaises, avec des vents forts de secteur Sud-Ouest de 45 noeuds accompagnés de rafales Page 13 sur 44 pouvant atteindre 65 noeuds, avant le passage d'un front froid en début de matinée. La mer, générée principalement par le vent, croisée avec une houle d'Ouest de 1,5 m à 2 m, provoque une mer « très forte » à « grosse » (de 6 à 9 m) sur les côtes et au large des Sables d'Olonne. Il est à noter qu'au moment de l'échouement, les mauvaises conditions météorologiques (vent et mer) sont associées à une hauteur de marée et un phénomène de surcote maximale (pleine mer : 06h09, H 5,50m ­ 18h25 , H 5,24m / basse mer : 0h03, H.0,39m ­ 12h21 H 0,41m ; coefficient 106 : 104). La visibilité est aussi médiocre, voire mauvaise, en raison d'un ciel très chargé et de pluies soutenues. Aussi, les enquêteurs du BEAmer considèrent que les mauvaises conditions météorologiques qui régnaient sur la zone ce jour là (forte houle et vent violent) peuvent être retenues comme facteur conjoncturel aggravant ayant entraîné la perte de contrôle du navire et conduit à son échouement. Ces conditions de mer se modifieront après l'échouement. En raison du passage du front froid, les conditions évoluent, la mer totale devient alors formée d'une mer du vent d'Ouest croisée avec une houle de Sud-Ouest. 7.2 Facteurs matériels Le navire naviguait sur lest. Toutes les capacités de ballastage étaient pleines, à l'exclusion du ballast 3 arrière, afin de limiter l'enfoncement du navire à l'arrière. Avec un tirant d'eau AV de 2,31 m et un tirant d'eau AR de 3,20 m, l'assiette du navire était satisfaisante et lui permettait de mieux épauler la houle ; l'avant était moins exposé aux vagues en cas de mauvais temps. A noter que le navire n'étant pas chargé ; compte tenu de la taille de ses superstructures placées tout à l'arrière, il est davantage sensible au vent. Le navire était en bon état. Aucune anomalie, aucun dysfonctionnement de la machine, de l'appareil à gouverner, des générateurs électriques ni des appareils de navigation n'a été observé ou rapporté, à l'exception toutefois du transpondeur AIS qui ne devait pas émettre, puisque aucune information concernant le navire n'est apparue sur le récepteur de la pilotine. Toute la puissance de l'appareil propulsif et du propulseur d'étrave était disponible. Page 14 sur 44 Par conséquent, les enquêteurs du BEAmer considèrent qu'aucun problème ou défaillance technique n'est à l'origine de l'échouement ou a pu y avoir contribué. 7.3 Facteur humain Les enquêteurs du BEAmer ont examiné les conditions de la conduite du navire et de la préparation de son entrée au port des Sables d'Olonne ainsi que les documents nautiques que le capitaine avait à sa disposition. Conduite nautique Le plan de route « voyage plan » mentionne la liste des cartes à utiliser pour le voyage Lisbonne ­ Les Sables d'Olonne, les points de changement de route et les canaux VHF à utiliser pour les communications avec les VTS et les stations de pilotage. Le capitaine avait aussi à sa disposition les instructions nautiques pour rentrer aux Sables d'Olonne. Mais, sur la carte marine utilisée, aucun cap ni point ne sont portés à l'exception d'un point de changement de route. Les deux radars étaient en service, l'un réglé sur 3 milles, l'autre sur 6 milles. Le GPS était en fonction. Cependant, le capitaine a déclaré ne pas les avoir consultés. Il n'a pas tenu compte des alignements d'entrée. L'absence de points réguliers, le fait de ne pas se servir des aides à la navigation disponibles révèlent une préparation du voyage et de l'approche portuaire insuffisante, un manque d'attention au suivi de la navigation, d'autant que les conditions météorologiques exigeaient une vigilance soutenue. Or, la convention sur la formation et la certification des équipages et sur la veille (STCW) précise section A VII/2 que : § 24, le cap, la position et la vitesse doivent être vérifiés à des intervalles suffisamment fréquents, en utilisant les aides à la navigation nécessaires pour s'assurer que le navire suit la route prévue, § 46, pendant les périodes d'obscurité, le capitaine et l'officier de quart doivent, lorsqu'ils organisent le service de veille, tenir dûment compte de l'équipement de la passerelle, des aides à la navigation disponibles ainsi que de leurs limitations et des procédures et sauvegardes mises en oeuvre. Page 15 sur 44 Le capitaine venait aux Sables d'Olonne pour la première fois. Il n'en connaissait pas les approches et aurait dû attendre le pilote dans la zone d'attente comme le lui avait conseillé celui-ci. S'avançant dans le chenal à environ 5 noeuds, vitesse qui paraît nécessaire pour gouverner compte tenu des conditions météorologiques, il espérait avoir son pilote plus rapidement. Il est revenu cap au 30° après avoir em barqué ce dernier, à environ 0,7 mille des jetées. Cette situation est en grande partie due à un manque de communication entre le pilote et le capitaine. Des indications erronées sur l'heure d'arrivée, prouvant ainsi que le suivi de la navigation n'était pas effectué correctement, auraient pu alerter le pilote. En effet, vers 04h40, le capitaine informe le pilotage être à 3 milles de la station, à 05h45 il signale être à 11 milles de la station. A deux reprises, la pilotine a appelé l'ARTEMIS par VHF pour lui demander de venir sur la gauche. Ces deux appels confirmés par le pilote et la capitainerie, n'ont pas eu de réponse. Le capitaine, lui, affirme n'avoir rien entendu. Il semble qu'il y ait eu un manque de compréhension entre le capitaine et le pilote sur le cap à suivre pendant l'embarquement de ce dernier : selon le capitaine, le pilote lui a demandé de venir cap au 020, mais le pilote, lui, affirme qu'avant d'embarquer, il a demandé à l'ARTEMIS de venir rapidement sur la gauche jusqu'au Nord, de façon à lui faire un abri pendant son embarquement. Le pilote a donc été très surpris à son arrivée à la passerelle de voir le navire cap au 030. Ceci est d'autant plus incompréhensible que l'entrée du port des Sables d'Olonne, à cette position, est dans le Nord­Ouest, et que la côte est toute proche, droit devant, avec une bande rocheuse à cet endroit. Cette approche erronée est dangereuse pour le navire étant donné les conditions météorologiques très mauvaises sur la zone. Gestion des ressources passerelle Le capitaine était seul à la passerelle et c'était la première fois qu'il rentrait aux Sables d'Olonne. Il s'attendait à une entrée au port difficile en raison des conditions de mer et de vent. Il assurait seul la navigation, la barre et les communications par VHF, sans l'assistance du second capitaine qui avait quitté le quart à 06h00, ou d'un matelot de veille. Page 16 sur 44 Il a déclaré ne pas avoir eu le temps d'utiliser les aides à la navigation parce qu'il était seul à la passerelle. Aussi, il aurait dû garder un matelot de veille jusqu'à l'embarquement du pilote d'autant que la visibilité était réduite. La veille par un officier seul à la passerelle est d'ailleurs interdite pendant les périodes d'obscurité par la convention STCW. Mais il était davantage préoccupé par une arrivée du pilote le plus tôt possible que par une navigation attentive. D'ailleurs, dès que le pilote est arrivé à la passerelle le capitaine lui a fait entièrement confiance et s'est conformé à ses ordres. Une fois le pilote embarqué, aucun membre de l'équipage, contrairement aux règles et à la sécurité, vu la météo très mauvaise, n'a accompagné le pilote à la passerelle. Celui-ci a perdu du temps pour trouver le bon accès, ce qui a été préjudiciable à la gestion de la situation critique dans laquelle se trouvait déjà le navire. Les enquêteurs du BEAmer considèrent que cette insuffisance d'attention à la navigation dans des conditions d'approche difficiles est le résultat d'une organisation des ressources passerelle non conforme. Ceci peut être retenu comme facteur contributif certain et déterminant de l'accident. Manoeuvre effectuée Le pilote. Compte tenu des tirants d'eau du navire, de la direction du vent et de sa force, de l'état de la mer et de la proximité des roches sur l'avant du navire, le pilote avait le choix entre deux manoeuvres : soit lancer le navire en avant toute, barre toute à gauche et mettre le propulseur au maximum à gauche tant bien même que son efficacité puisse être très minime vu la vitesse initiale du navire, soit battre en arrière et espérer que l'arrière remonte dans le vent, aidé pour cela par le propulseur. BEAmer s'interroge sur la pertinence du choix de manoeuvre conseillée par le - Venir de 70° sur la gauche, en marche avant, sans a voir eu le temps de prendre connaissance des capacités manoeuvrières du navire, sachant que la force du vent sur les superstructures arrière aurait freiné l'évolution sur la gauche jusqu'au moment où le navire aurait passé le lit du vent, le pilote a estimé que cela l'emmènerait trop dans l'Est, donc trop près des roches avec le risque de dommages plus importants au navire entraînant une pollution. Aussi a t-il choisi de battre en arrière. Page 17 sur 44 Cette manoeuvre n'a pas eu le résultat qu'en attendait le pilote. En effet, vu les conditions météorologiques, l'hélice n'a pas pu donner sa pleine puissance et a, tout au plus, stoppé le navire (position sur la plage) et le propulseur n'a pas eu la puissance nécessaire pour remonter le navire dans le vent. Cependant, tous les moyens devant être utilisés par le pilote, voyant qu'il ne pourrait remonter l'arrière, celui-ci pouvait tenter de mouiller une ancre ou les deux pour atténuer la dérive et l'arrêter en mouillant suffisamment de longueur de chaîne et ainsi repartir vers le large. Le temps pour filer l'ancre était très court. Néanmoins, cette ultime manoeuvre aurait pu être tentée. 7.4 Autres facteurs La consignation du port des Sables d'Olonne était envisagée si la météo fraîchissait, mais pas au moment des faits. Vers 05h00, le temps était maniable, le vent signalé à l'écluse du bassin étant alors de 20/25.noeuds. Les opérations d'entrée dans le chenal du port, de chenalage, de franchissement du sas de la porte écluse et de mise à quai du RIGA se sont déroulées sans difficulté particulière. Cependant, ce navire, de dimensions semblables à celles de l'ARTEMIS, était chargé, avec un tirant d'eau de 5,80 m. A sa descente du navire, le pilote ne fait pas part à la capitainerie de crainte ou de problème possible compte tenu des conditions météorologiques évoluant rapidement, pour servir l'ARTEMIS. Toutefois, et pour prendre en compte le vent traversier dans le bassin de commerce, la capitainerie propose au pilote de ne pas éviter l'ARTEMIS et de l'accoster, contrairement aux usages en vigueur dans le port des Sables d'Olonne, tribord à quai au poste 6. Page 18 sur 44 8 SYNTHESE L'échouement du navire n'est pas dû à une défaillance technique. Au regard de cette analyse, les enquêteurs du BEAmer ont retenu les causes suivantes à l'origine de l'accident : - absence de suivi attentif de la navigation, dans de mauvaise conditions météo qui rendaient l'accès au port difficile, a fortiori avec un navire sur ballast avec un faible tirant d'eau, - absence de timonier en plus du capitaine qui était seul pour gérer une situation complexe. - manque de communication entre le capitaine et le pilote, qui s'était aperçu que la transpondeur AIS ne fonctionnait pas, ceci ayant eu pour conséquence un embarquement tardif du pilote. 9 RECOMMANDATIONS Les enquêteurs du BEAmer rappellent aux capitaines : - s'agissant de la veille dans des conditions météorologiques difficiles et en période d'obscurité, l'obligation d'appliquer la réglementation STCW, - la nécessité d'accorder la priorité au suivi de la navigation, notamment en portant régulièrement des points sur la carte et en utilisant tous les systèmes d'aide à la navigation dont dispose le navire, - la nécessité de communiquer largement et à temps avec le service du pilotage pour convenir d'une position d'embarquement du pilote et de ne pas dépasser le point d'embarquement habituel du pilote, surtout quand les conditions météorologiques sont mauvaises, - la nécessité de veiller à la sécurité de l'embarquement du pilote et de son transfert en application de la règle 23 paragraphe 2.2 du chapitre V de la Convention SOLAS. Ils attirent l'attention du service de pilotage sur l'intérêt, si cela est possible, d'un embarquement du pilote un peu plus tôt afin de prévenir, lorsque les conditions météo sont mauvaises, une situation d'urgence et de limiter ainsi les risques. Page 19 sur 44 LISTE DES ANNEXES A. B. C. D. Décision d'enquête Dossier navire Cartographie Situation météo-nautique le jour de l'échouement Page 20 sur 44 Annexe A Décision d'enquête Page 21 sur 44 Page 22 sur 44 Annexe B Dossier navire Procédures situations d'urgence Plan de traversée Extraits du journal passerelle Photographies Page 23 sur 44 Page 24 sur 44 Page 25 sur 44 Page 26 sur 44 Page 27 sur 44 Page 28 sur 44 ARTEMIS échoué sur la plage des Sables d'Olonne. Page 29 sur 44 Timonerie ARTEMIS ­ Pupitre de navigation Timonerie ARTEMIS ­ Table à cartes Page 30 sur 44 Annexe C Cartographie Page 31 sur 44 Echouement de l'ARTEMIS Embarquement du pilote Extrait de la carte de navigation utilisée par le capitaine Page 32 sur 44 Annexe D Situation météo-nautique le jour de l'échouement Page 33 sur 44 Page 34 sur 44 Page 35 sur 44 Page 36 sur 44 Page 37 sur 44 Page 38 sur 44 Page 39 sur 44 Page 40 sur 44 Page 41 sur 44 Page 42 sur 44 Page 43 sur 44 Page 44 sur 44 Ministère des Transports, de l'Energie, du Développement durable l'Equipement, du Tourisme et de la Mer Ministère de l'Ecologie, et de l'Aménagement du territoire Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Tour Pascal B sur les évènements de mer Bureau d'enquêtes 92055 LA DEFENSE CEDEX T : + 33 (0) 140 813 824 / F : +33 (0) 140 813 842 Bea-Mer@equipement.gouv.fr Tour Pascal B - 92055 La Défense cedex www.beamer-france.org téléphone : +33 (0) 1 40 81 38 24 - télécopie : +33 (0) 1 40 81 38 42 www.beamer-france.org bea-mer@developpement-durable.gouv.fr

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