Rapport d'enquête technique : naufrage du chalutier Rose des Vents survenu le 19 mars 2007 au large du Croisic (deux victimes)

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur le naufrage du chalutier Rose des Vents survenu le 19 mars 2007 au large du Croisic. Cet accident a fait deux victimes. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident ; sécurité ; prévention
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique ROSE DES VENTS 2 Rapport d'enquête technique NAUFRAGE DU CHALUTIER ROSE DES VENTS SURVENU LE 19 MARS 2007 AU LARGE DU CROISIC (DEUX VICTIMES) Page 1 sur 40 Page 2 sur 40 Avertissement Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du titre III de la loi n°.2002-3 du 3 janvier 2002 et du décret n°.2004-85 du 26 janvier 2004 relatifs aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles du "Code pour les enquêtes sur les accidents " de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), Résolution MSC 255 (84). Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du les circonstances et les causes de l'événement analysé. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif a été d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. BEAmer sur Page 3 sur 40 PLAN DU RAPPORT 1 2 3 4 5 6 7 8 CIRCONSTANCES CONTEXTE NAVIRE EQUIPAGE CHRONOLOGIE CIRCONSTANCES DU SINISTRE FACTEURS DU SINISTRE RECOMMANDATIONS Page 6 Page 6 Page 7 Page 9 Page 9 Page 12 Page 14 Page 19 ANNEXES A. B. C. D. Décision d'enquête Dossier navire Cartographie Météorologie Page 4 sur 40 Liste des abréviations BEAmer CROSS FMCC : : : Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage French Mission Coordination Centre (Centre de coordination de mission français) : centre de traitement des messages dans le système SARSAT COSPAS Distance Métacentrique Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire Ministère de la Pêche et de l'Agriculture Organisation Maritime Internationale SITuation REPort Système Mondial de Détresse et de Sécurité en Mer Société Nationale de Sauvetage Société Nationale de Sauvetage en Mer Temps Universel Tonneaux Vêtement à Flottabilité Intégrée Ondes métriques (Very High Frequency) GM MEEDDAT : : MPA OMI SITREP SMDSM SNS SNSM TU tx VFI VHF : : : : : : : : : : Page 5 sur 40 1 CIRCONSTANCES Le lundi 19 mars 2007, à 01h14, le CROSS Etel reçoit une alerte de détresse du FMCC sans position résolue en provenance du navire ROSE DES VENTS. Il s'agit d'un chalutier du Croisic de 11 mètres. Après confirmation que le chalutier est en mer avec deux personnes à bord et réception d'une position résolue au large de Saint-Nazaire, le CROSS-A met d'importants moyens maritimes et aériens en oeuvre. Les conditions météorologiques sont mauvaises, avec coup de vent de Nord-Ouest et mer forte. Dans la journée, les moyens sur zone signalent la présence de divers objets ou débris pouvant appartenir au ROSE DES VENTS. Les corps des deux marins seront retrouvés le mois suivant. Les importants moyens mis en oeuvre par la Marine nationale pour localiser l'épave s'avéreront infructueux. 2 CONTEXTE Le ROSE DES VENTS est un chalutier pêche arrière polyvalent, long de 10,85 mètres, pouvant pratiquer la pêche au chalut de fond, à la drague et aux casiers à crevettes. Il travaille essentiellement dans la zone côtière située entre Belle-Ile et Le Croisic, et un peu plus au large pour la langoustine. Les apports sont composés majoritairement de poissons divers (soles, lieus, et langoustine à la saison). L'hiver, il pratique la pêche à la coquille Saint-Jacques. Le produit est commercialisé à la criée du Croisic. Le navire est armé à la petite pêche, c'est-à-dire qu'il pratique une navigation au cours de laquelle il ne s'absente pas plus de 24 heures de son port de départ. A la pêche au chalut de fond, il effectue trois marées par semaine : départ le dimanche soir pour vente le mardi matin ; départ le mardi soir pour vente le jeudi matin ; départ le jeudi soir pour vente le samedi matin, puis départ suivant le dimanche soir. Ce sont donc des Page 6 sur 40 marées de 30 à 36 heures environ qui sont effectuées. Les apports moyens à chaque marée sont de 150 à 200 kg de soles et 80 kg de lieus jaunes. A la pêche à la langoustine, les ventes sont quotidiennes. Le ROSE DES VENTS appartient au patron, décédé dans l'accident, depuis son neuvage en 2003. Son exploitation est considérée comme équilibrée sur le plan économique. Le navire est assuré auprès d'une société de premier rang. 3 NAVIRE Le ROSE DES VENTS est un navire à coque en polyester, mis en service le 13 juin 2003. Il a été construit au chantier naval croisicais sis dans la zone artisanale « La Jonchère du Prince ». Les principales caractéristiques sont les suivantes : Longueur H.T Largeur H.T Jauge brute Déplacement en charge N° d'immatriculation Indicatif d'appel N° MMSI Moteur Diesel Puissance Tirant d'eau AR Creux sur quille Catégorie de navigation : : : : : : : : : : : : 10,85 m ; 04,25 m ; 13,55 tonneaux ­ UMS : 14,34 ; 28 tonnes ; SN 916037 ; FGA 9293 ; 227318910 ; MITSUBISHI S6B-MPTK ; 110 kW ; 02,10 m ; 01,95 m ; 3ème (moins de 20 milles de la terre la plus proche). Il s'agit d'un petit chalutier pêche arrière à pont découvert, équipé à l'origine de deux enrouleurs sur l'arrière et de trois treuils scindés sur le pont. Page 7 sur 40 Sous le pont, on trouve de l'avant à l'arrière quatre compartiments : coqueron AV, poste d'équipage pour deux, compartiment moteur, cale à poissons et barre. Les descentes au poste d'équipage et au compartiment moteur se font par deux panneaux à la timonerie. L'accès à la cale à poissons se fait à partir du pont découvert par un panneau dont la hauteur de l'hiloire est de 40 centimètres. 3.1 Titres et visites de sécurité La dernière visite annuelle a été effectuée le 13 juin 2006, et le permis de navigation renouvelé jusqu'au 12 juin 2007. Le radeau, de classe III, date du neuvage et a été visité le 1er juin 2006. La radiobalise SARSAT-COSPAS a été mise en service en août 2005. Ces deux équipements sont situés sur le toit de la timonerie. Le contrôle de leurs largueurs hydrostatiques a été fait le 1er juin 2006. La commission de visite a prescrit : « Dégager le toit de la timonerie de tout matériel inutile afin de laisser libre la radiobalise et le radeau de sauvetage. Prescription à effectuer sans délai ». Lors de l'enquête, les enquêteurs du BEAmer ont appris que le radeau était amarré sur la timonerie. D'ailleurs, celui-ci n'a pas été retrouvé après le naufrage. 3.2 Transformations Le patron-armateur de ce navire, ayant décidé de pratiquer la pêche aux chaluts jumeaux, a dû modifier et agrandir les enrouleurs et les treuils. Il a ainsi fait intervenir une entreprise en avril et en septembre 2006 pour souder des flasques sur l'enrouleur bâbord et sur les treuils. Depuis ces modifications, il enroule deux chaluts (au lieu d'un) sur l'enrouleur bâbord et un autre (plus important) sur celui de tribord. Le quatrième est déposé sur le pont, à l'arrière. Quant aux bobines de treuils, elles peuvent recevoir une plus grande longueur de câble, ce qui permet au patron de pêcher la langoustine en dehors de sa limite autorisée et sur des fonds plus importants. Ces modifications n'ont toutefois pas donné lieu à une étude de stabilité complémentaire. Elles ont pourtant conduit à un alourdissement et à une montée du centre de gravité : panneaux de 250 kg au lieu de 180 kg dans le devis de poids, chaîne centrale des chaluts jumeaux de près de 500 kg, présence de quatre chaluts au lieu de deux dans le dossier prévisionnel. Page 8 sur 40 4 EQUIPAGE L'armement du ROSE DES VENTS est organisé sur la base d'un équipage de trois marins qui figurent au rôle d'équipage, et qui tournent au rythme de deux semaines à bord pour une semaine à terre. La décision d'effectif prévoit donc deux personnes. L'équipage au moment du naufrage est composé des deux marins suivants : Le patron, âgé de 33 ans, titulaire du certificat de capacité, du brevet de lieutenant de pêche, du permis de conduire les moteurs marins et du certificat restreint d'opérateur. Il est réputé auprès de ses pairs pour ses qualités de marin et de patron. Le matelot, titulaire du brevet de patron petite navigation et du certificat de capacité. Agé de 38 ans, il remplace le patron titulaire lorsque ce dernier reste à terre. Le troisième marin inscrit au rôle, resté à terre, n'a pas de qualification maritime. Tous sont aptes physiquement et à jour de leurs visites réglementaires. 5 CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS (Toutes heures en TU + 1) Samedi 17 mars 2007 Le chalutier ROSE DES VENTS, armé pour le chalutage de fond, quitte le port du Croisic pour rejoindre ses lieux de pêche. Il met ses chaluts jumeaux à l'eau et commence sa marée. Il est prévu à la vente du lundi, à la criée du Croisic (03h00 ou 04h00 du matin). Un autre navire du Croisic chalute également dans ce secteur. Page 9 sur 40 Dimanche 18 mars 2007 Les conditions météorologiques se dégradent. Le chalutier de 12.mètres PETIT CHEZ SOI travaille à proximité. Le patron de ce dernier, voyant le vent fraîchir et la mer se lever, décide de faire route terre. Il est 15h00. Il contacte le patron du ROSE DES VENTS pour lui demander ses intentions. Ce dernier lui répond qu'il continue à chaluter malgré les mauvaises conditions et qu'il rentrera pour l'ouverture de la criée vers 04h00. Vers 16h30, le patron du ROSE DES VENTS a un contact téléphonique avec son épouse. Il lui confirme qu'il fait mauvais temps mais qu'il poursuit sa pêche et qu'il rentrera à l'ouverture de la criée, prévue vers 04h00. Lundi 19 Mars 2007 A 01h14 locale, le CROSS Gris-Nez signale au CROSS Étel une détection de balise de détresse à 406 MHz, sans position résolue. Il s'agit du chalutier ROSE DES VENTS. La famille du patron confirme plus tard qu'il y a deux personnes à bord. Les conditions météorologiques sur zone sont mauvaises : vent de secteur NordOuest - 90.km/h en rafales - creux de 2,50 m. A 01h18, le CROSS Étel tente d'établir un contact avec le ROSE VHF, sans résultat. A 01h21, le sémaphore de Chemoulin signale qu'il reçoit un relevé goniométrique sur la fréquence 121.5 MHz. Il appelle la famille qui confirme qu'il y a bien deux marins à bord. A 01h29, le FMCC de Toulouse signale une position résolue au large de SaintNazaire, par 47° 11',9N, 002° 49',4W (13 milles dans le Sud-Ouest du Croisic). A 01h35, un contact téléphonique permet de confirmer l'ouverture de la criée du Croisic à 03h30 locale. A 01h37, la vedette SNS 095 PIERRE ROBERT GRAHAM du Croisic et l'hélicoptère de la sécurité civile Dragon 56 sont mis en oeuvre. Le sémaphore du Talut DES VENTS en Page 10 sur 40 effectue plusieurs appels VHF sur les différentes voies utilisés par les pêcheurs, sans résultat. Le ROSE DES VENTS ne répond pas. A 01h50, un témoin confirme qu'il a eu un contact téléphonique la veille avec le patron de la ROSE DES VENTS entre 19h00 et 20h00. Il lui a confirmé qu'il devait rentrer vers 02h00 au port. A 01h59, la SNS 096 BELLE ISLE de Belle-Ile est mise en oeuvre et le sémaphore de Piriac est réarmé via le COM Brest. A 03h02, un appel téléphonique confirme que le ROSE DES VENTS n'est pas à quai et que les véhicules du patron et du matelot sont dans leur parking respectif. A 03h47, le FMCC signale qu'il n'y a plus de détection au dernier passage de satellite. La radiobalise ne sera plus détectée dans les heures suivantes. Sur zone, les conditions météorologiques se dégradent et la visibilité est réduite. A 03h58, mise en oeuvre de l'hélicoptère de la Marine nationale GUEPARD YANKEE. A 04h50, engagement de l'aviso COMMANDANT BLAISON, au mouillage sous Belle-Ile. A 09h02, l'équipage du COMMANDANT BLAISON signale la découverte d'une botte à la surface de l'eau à la position : 47° 04',8N et 00 2° 44',4'W. Ce même navire signale avoir eu un écho sonar d'une épave non répertoriée sur les cartes. Il s'agit en fait d'une vieille épave connue des pêcheurs. A 11h40, ce même navire découvre un tuyau de lavage à proximité de l'écho sonar. Un des moyens nautiques doit quitter la zone en raison des mauvaises conditions météorologiques. A 12h08, DRAGON 56 rentre à sa base. D'autres moyens aériens et maritimes prennent le relais, y compris un avion Falcon 50 de la Marine Nationale. Ils effectuent des recherches en marguerite avec des rayons de 5 milles autour de la position : 47° 00',1N et 002° 44'00,1W. La zone de re cherche s'étend du Croisic à Belle-Ile et au Nord de l'Ile d'Yeu. A 16h37, le personnel de l'aviso COMMANDANT BLAISON signale la présence de débris pouvant provenir du ROSE DES VENTS. Page 11 sur 40 A 19h00, le Préfet Maritime de l'Atlantique à Brest décide la suspension des recherches sur proposition du Directeur du CROSS Etel. A partir du mardi 20 mars 2007, un chasseur de mines de la Marine Nationale, équipé d'un robot sous-marin, explore les fonds dans un rayon de plusieurs milles autour du point d'émission de la balise de détresse, sans résultat malgré cinq jours de recherches. Samedi 14 avril 2007 Le corps du patron est retrouvé par deux plaisanciers à un mille dans le Sud de la Pointe du Croisic à la position 47° 16',1N et 02° 46' ,8W. Mardi 24 avril 2007 Le corps du matelot est découvert à 12 milles nautiques dans l'Ouest de la Pointe du Croisic, à la position 47° 14',9N et 02° 48',9W. Mardi 7 août 2007 Un chalutier Turballais, pêchant au chalut à panneaux à la position 47° 12',0N et 002° 42',7W par 37 mètres de fonds dans la zone prés umée du naufrage du ROSE DES VENTS, a ramené un morceau de mât pouvant appartenir au navire disparu. 6 CIRCONSTANCES DU SINISTRE Contrairement au cycle de marées habituel quand le ROSE DES VENTS est exploité au chalut, le départ de marée a eu lieu le samedi soir et non le dimanche soir, en raison d'un avis de fort coup de vent prévu pour le lundi. L'épave du ROSE DES VENTS n'a pas été retrouvée et il n'y a pas eu de survivant ni d'appel de détresse, hormis la radiobalise, qui a été détectée à 01h14 avec une position non résolue, puis à 01h29 TU + 1 avec une position résolue à 13 milles dans le Sud-Ouest du Croisic, soit à 5 milles dans l'Ouest du Banc de Guérande. Entre ces deux positions, on peut Page 12 sur 40 estimer que la radiobalise a pu dériver d'environ 0,25 mille vers le Sud-Est sous l'effet du vent de Nord-Ouest force 7. D'autre part, le morceau de mât retrouvé le 07 août 2008 et appartenant très probablement au ROSE DES VENTS se situe à 4,5 milles dans le 080° de la position de la radiobalise à 01h29, pratiquement à la limite Ouest du Banc de Guérande. L'investigation sous-marine a couvert une zone étendue, d'abord centrée autour des positions de la radiobalise. Elle a été négative. La zone de découverte du mât, plus à l'Est, n'a pas été investiguée. On peut raisonnablement penser que l'accident a eu lieu dans la zone comprise entre la position initiale de la radiobalise et la position de découverte du mât, soit à une distance maximale de 4,5 milles dans l'Ouest du Banc de Guérande à hauteur du parallèle 47° 12'N. Il s'est produit vers 01h10 si l'on tient compte des heures de détection de la radiobalise. Le patron du ROSE DES VENTS a eu plusieurs contacts téléphoniques ou VHF avec des personnes à terre ou des bateaux sur zone, dans l'après-midi et le début de soirée du dimanche 18. Son intention était de continuer à pêcher et de rentrer au Croisic vers deux heures, pour vendre à la criée dont l'heure d'ouverture devait se faire à 03h30. On peut en conclure que le ROSE DES VENTS était en route au moment du naufrage, qui a du se produire vers 01h10 le 19 mars à 4,5 milles maximum dans l'Ouest du banc de Guérande. Compte tenu des conditions de mer, il serait arrivé entre deux heures et demie et trois heures du matin au Croisic, distant de 10 à 13 milles. Si l'on considère la zone probable du naufrage et la destination finale, le cap devait être sensiblement au Nord-Est. L'absence d'appel de détresse en VHF et le fait que le radeau de sauvetage n'ait pas été dessaisi montrent que le naufrage a du être très rapide. Page 13 sur 40 7 DETERMINATION & FACTEURS DU SINISTRE DISCUSSION DES La méthode retenue pour cette détermination a été celle utilisée par le BEAmer pour l'ensemble de ses enquêtes, conformément avec les résolutions MSC 255(84) et A 884(21) de l'Organisation Maritime Internationale (OMI). Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : · · · facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteur humain ; Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du BEAmer ont répertorié les facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : · · · certain, probable ou hypothétique ; déterminant ou aggravant ; conjoncturel ou structurel ; avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par ce sinistre. Leur objectif étant d'éviter le renouvellement de ce type d'accident, ils ont privilégié, sans aucun a priori, l'analyse inductive des facteurs qui avaient, par leur caractère structurel, un risque de récurrence notable. 7.1 Facteurs naturels (voir annexe D) L'analyse des conditions météorologiques a fait l'objet d'un rapport détaillé de MétéoFrance, qui figure en annexe D. Nous reproduisons ci-après la synthèse de l'expert météorologique : QUOTE Page 14 sur 40 Le vent de Nord-Ouest, modéré en début de période (de l'ordre de 17 à 21 noeuds, 5 Beaufort), se renforce dans la nuit, pour atteindre des valeurs de 21 à 25 noeuds (5 à 6 Beaufort) en milieu de nuit, puis 27 à 30 noeuds (7 Beaufort) en fin de nuit. Ce vent est associé dès le début de soirée à de fortes rafales, localement violentes avec l'établissement d'une traîne active. La mer est agitée, avec des creux de l'ordre de 2m à 2,5 m (H1/3). Elle devient forte dans la nuit, avec des creux atteignant 3 m (H1/3) le 19 mars entre 00h et 03h UTC. La composante mer du vent domine au début, avec des creux de l'ordre de 2 m à 2,5 m (H1/3), puis une houle d'Ouest de l'ordre de 2 m (H1/3) s'établit en cours de nuit. UNQUOTE Ces conditions de mer, mauvaises, ont été amplifiées par la montée des fonds sur le bord occidental du banc de Guérande. La marée a joué également un rôle important. La pleine mer à Concarneau a lieu à 04h37 TU + 1 le 19 mars 2007 avec un coefficient de 108. L'atlas de marées du SHOM 558-UJA montre que l'on a au moment de l'accident un courant de marée d'1 noeud portant au Nord-Est. Ce courant vient en travers de la mer du vent, et contre les eaux en crue de la Vilaine et de la Loire. Les pêcheurs locaux ont rapporté aux enquêteurs du paquets de mer très durs dans ce secteur à hauts-fonds. La conjugaison de ces trois éléments : conditions météorologiques de secteur NordOuest, courant de flot en vive eau et crues de la Vilaine et de la Loire a conduit à la formation d'une mer particulièrement mauvaise. Le lieu du naufrage se trouvant sur le bord occidental du Banc de Guérande, la remontée des fonds a rendu les conditions de mer encore plus dures. Le navire faisant route au Nord-Est, s'est trouvé avec la mer du vent de Nord-Ouest avec des creux de l'ordre de 3 mètres (H1/3), donc par le travers, à laquelle s'est ajoutée une houle d'Ouest de 2 mètres (H1/3) prenant la hanche bâbord. Le ROSE DES BEAmer que la conjugaison des crues de la Vilaine et de la Loire crée une mer hachée et démontée, provoquant ainsi des VENTS se trouvait donc à une allure particulièrement difficile, d'autant plus que l'obscurité et les grains devaient empêcher le patron d'observer les vagues pour gouverner. Ayant un pont découvert sur les deux tiers de sa longueur, il est probable qu'il se soit Page 15 sur 40 couché et ait eu son pont envahi et qu'un ou deux paquets de mer aient suffi à lui faire perdre sa réserve de stabilité, entraînant un chavirage quasi-immédiat. L'état de la mer, résultant des conditions météorologiques et de marée et de bathymétrie, constitue le facteur manifeste de l'accident. 7.2 7.2.1 Facteurs matériels Stabilité La stabilité a été évaluée par un dossier prévisionnel de stabilité établi suivant les dispositions de la division 227 sur la sécurité des navires de pêche de moins de 12 mètres, pour les trois métiers prévus : chalut, coquille et casiers à crevettes. Les critères de stabilité au neuvage sont respectés. L'expérience de stabilité effectuée à la mise en service a confirmé le dossier prévisionnel de stabilité, avec une différence sur le navire lège de 882 kg sur le poids et de 3 cm sur les positions transversale et longitudinale du centre de gravité. Dans ce cas, on trouvait un GM de 0,860 m, alors que la division 227 demande un GM supérieur à 0,700 m. On peut noter que les critères de la division 211 applicables au navires de pêche de plus de 12 mètres sont respectés à l'exception de l'angle GZ max : Angle d'envahissement Aire [0° 40° , ] GZ à 30 Angle GZ max Avant l'accident, le ROSE : 53,3° (requis : > 40° ; ) : 0,135 m.rad (requis : > 0,10 m.rad) ; : 0,255 m (requis : > 0,25 m) ; : 23,975° (requis : > 25° ). DES VENTS avait subi diverses transformations sur son équipement de pêche, alourdissant significativement ce dernier, avec mise en place d'une flasque de séparation sur deux bobines et de chaluts jumeaux. Par rapport au neuvage, il avait donc quatre chaluts au lieu de deux, une chaîne centrale et des panneaux plus lourds. Au total, on arrive à un surpoids de 1,230 tonne. Mais un des viviers avait été supprimé, soit 1 tonne en moins. En l'absence de dossier de stabilité modificatif, il est cependant difficile d'évaluer précisément la dégradation de la stabilité résultant de ces modifications. Page 16 sur 40 Au moment de l'accident, le ROSE DES VENTS était de retour de marée, puisqu'il avait appareillé le samedi soir et que le naufrage s'est produit dans la nuit du dimanche au lundi. Les conditions de stabilité ne sont donc plus celles du dossier prévisionnel. La dégradation de stabilité due au déplacement des poids dans les hauts a pu constituer un facteur aggravant. 7.2.2 Drôme de sauvetage Bien que n'étant pas requis, les vêtements à flottabilité intégrée (VFI) auraient augmenté les chances de survie des deux marins à bord, s'ils les avaient portés, ce qui n'a pas été le cas. Le décret du 21 août 2007 publié depuis fait obligation de porter le VFI lorsque les conditions de mer sont mauvaises, ce qui était le cas. Le radeau de sauvetage était amarré sur le toit de la timonerie, empêchant sa libération automatique après le chavirement. Il est probable qu'il aurait été impossible de le dessaisir manuellement vu la rapidité de l'accident et les effets conjugués des paquets de mer et des mouvements du bateau. La libération et la percussion du radeau par son largueur hydrostatique auraient donné aux marins une chance supplémentaire de survie. Absence de VFI et amarrage fixe du radeau de sauvetage constituent deux facteurs aggravants de l'accident. La radiobalise a été détectée lors de deux passages de satellites, puis n'a plus été reçue. Elle s'est donc bien dégagée de son support et mise en émission automatiquement. Il est probable qu`elle ait été entraînée par l'épave. Elle n'a pas été retrouvée. 7.2.3 Etat général du navire L'épave du navire n'ayant pas été retrouvée, les enquêteurs du BEAmer n'ont pas été en mesure de relever d'autres défaillance matérielles. Il est reconnu que le ROSE DES VENTS était un navire récent et bien entretenu. Page 17 sur 40 7.3 7.3.1 Facteurs humains Les conditions d'exploitation selon l'état de la mer Le naufrage du navire et la perte des deux marins à son bord résulte de toute évidence du fait que le patron soit resté sur zone en train de pêcher, alors que les conditions météorologiques devenaient de plus en plus mauvaises au fur et à mesure de la soirée. Il aurait été plus sage de faire route terre en compagnie du PETIT CHEZ SOI. Le patron connaissait bien les itinéraires pour rejoindre le port du Croisic. Il a sans doute pris la route qui lui semblait la meilleure, mais la conjugaison de l'état de la mer, des courants, des hauts-fonds, occasionnant des paquets de mer d'une grande force, ont provoqué le naufrage. Le patron a décidé de continuer à pêcher malgré la dégradation des conditions météorologiques et alors que les bateaux de pêche de même taille rentraient au port. Sans tenir compte des conditions de mer, il a suivi sa pratique de faire des marées de 36 heures, alors que le ROSE DES VENTS est armé à la petite pêche, soit des sorties n'excédant pas 24 heures. L'état de fatigue généré par les conditions de mer et la durée de la marée sans possibilité de sommeil a pu diminuer les capacités du patron à évaluer les risques encourus en poursuivant sa marée. Ceci a eu pour conséquence la décision de rester en mer malgré l'aggravation des conditions de mer et le dépassement du temps en mer autorisé par le genre de navigation, et constitue le premier facteur sous-jacent. 7.3.2 Les conditions d'exploitation selon les caractéristiques du navire Depuis sa mise en service, ce petit chalutier est équipé comme un chalutier de 18 mètres. Les chaluts jumeaux sont lestés très lourds pour pêcher la sole. Les panneaux de pêche pèsent chacun 250 kilogrammes et la chaîne traînée par le câble du milieu, entre 400 et 500 kilogrammes. Ces caractéristiques du train de pêche se traduisent concrètement par une consommation élevée de gazole. Le ROSE DES VENTS a effectué 236 jours de mer en 2006 pour une consommation totale de gazole de 236.325 litres (1.001,37 litres/24 heures). Du 1er janvier 2007 au 19.mars.2007 (jour du naufrage) 51.560 litres, soit 991,53 litres par 24 heures ont été Page 18 sur 40 consommés. Un navire de la même importance, armé au chalut à panneaux, consomme en moyenne 800 litres par 24.heures. Le dimensionnement du train de pêche et la consommation de gazole qui en découle se rapprochent des caractéristiques de navires d'une taille nettement plus importante que celle du ROSE DES VENTS. La pratique d'exploiter des navires et de les transformer au-delà des caractéristiques prévues à leur construction peut être due à des considérations économiques. Elle découle aussi de contraintes réglementaires liées à la protection de la ressource. Ces mesures, se fondant sur des paramètres tels que notamment la jauge, peuvent avoir des effets négatifs lorsque les modes de calcul en découlant conduisent à privilégier des navires de petite taille et aux formes particulièrement sensibles aux variations de la stabilité en fonction de la houle. Les caractéristiques physiques du ROSE DES VENTS et le dimensionnement de son train de pêche, liés au contexte économique et aux critères retenus pour protéger la ressource, constituent le deuxième facteur sous-jacent de l'accident. 8 8.1 RECOMMANDATIONS Les enquêteurs du BEAmer rappellent aux patrons de navires de petites tailles, que les bulletins météorologiques diffusés par les CROSS ou autres organismes doivent être étudiés avant le départ en mer et en cours de marée pour décider de l'opportunité d'appareiller ou de faire route terre avant qu'il ne soit trop tard suivant le cas. 8.2 Les enquêteurs du BEAmer rappellent aux pêcheurs, surtout à bord de ces petits navires, l'obligation (postérieure à cet accident) de porter en permanence un vêtement flottant individuel (VFI) lorsque les conditions de mer deviennent mauvaises. Malgré une campagne de sensibilisation, un trop faible pourcentage de marins mettent cet équipement. Des exemples de naufrage récents montrent que des personnes ont pu être sauvées parce qu'elles portaient un VFI ou avaient eu le temps de le capeler avant de quitter leur navire. Page 19 sur 40 8.3 Les enquêteurs du BEAmer rappellent aux patrons pêcheurs que les radeaux de sauvetage ne doivent jamais être saisis. Les inspecteurs de la sécurité des navires doivent continuer à porter sans relâche une attention particulière au montage des largueurs hydrostatiques des radeaux. 8.4 Le BEAmer rappelle aux armements que toute modification substantielle affectant la stabilité d'un navire de pêche doit faire l'objet d'une déclaration aux services chargés de la sécurité des navires et être suivie des calculs et essais prévus par la réglementation en vigueur (arrêté du 23 novembre 1987, division 110 article 1.04, § 3.2). 8.5 Le BEAmer recommande qu'une concertation soit engagée entre les Administrations en charge de la préservation de la ressource, celles en charge de la sécurité des navires et les concepteurs des navires pour que les conditions d'exploitation des petits navires de pêche et leurs caractéristiques soient en corrélation. Ce travail a été initié par le plan de sécurité pêche établi par le MEEDDAT et le MPA et prend une importance particulière dans le contexte d'évolution réglementaire importante au niveau communautaire de la politique commune des pêches. Page 20 sur 40 LISTE DES ANNEXES A. B. C. D. Décision d'enquête Dossier navire Cartographie Météorologie Page 21 sur 40 Annexe A Décision d'enquête Page 22 sur 40 Page 23 sur 40 Annexe B Dossier navire Page 24 sur 40 Page 25 sur 40 Page 26 sur 40 Page 27 sur 40 Page 28 sur 40 Annexe C Cartographie Page 29 sur 40 Lieu présumé du naufrage de la ROSE DES VENTS 47° 12'00'' N ­ 02° 42'77'' W Page 30 sur 40 Annexe D Météorologie Page 31 sur 40 Page 32 sur 40 Page 33 sur 40 Page 34 sur 40 Page 35 sur 40 Page 36 sur 40 Page 37 sur 40 Page 38 sur 40 Page 39 sur 40 Page 40 sur 40 Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Tour Pascal B - 92055 La Défense cedex téléphone : +33 (0) 1 40 81 38 24 - télécopie : +33 (0) 1 40 81 38 42 www.beamer-france.org bea-mer@developpement-durable.gouv.fr

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