Rapport d'enquête technique : abordage entre le remorqueur portuaire SD Gironde et le porte-conteneurs Dublin Express survenu le 1er août 2008 dans le port du Havre

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur l'abordage entre le remorqueur portuaire SD Gironde et le porte-conteneurs Dublin Express survenu le 1er août 2008 dans le port du Havre. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident ; sécurité ; prévention des risques ; ABORDAGE
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique SD GIRONDE DUBLIN EXPRESS 2 Rapport d'enquête technique ABORDAGE ENTRE LE REMORQUEUR PORTUAIRE SD GIRONDE ET LE PORTE-CONTENEURS DUBLIN EXPRESS SURVENU LE 1ER AOUT 2008 DANS LE PORT DU HAVRE Page 1 sur 52 Page 2 sur 52 Avertissement Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du titre III de la loi n° 2002-3 du 3 janvier 2002 et du décret n° 2004-85 du 26 janvier 2004 relatifs aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles de la Résolution MSC 255 (84) de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) adoptée le 16 mai 2008 et portant Code de normes internationales et pratiques recommandées applicables à une enquête de sécurité sur un accident de mer ou un incident de mer (Code pour les enquêtes sur les accidents). Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du les circonstances et les causes de l'événement analysé. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif a été d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. BEAmer sur Page 3 sur 52 PLAN DU RAPPORT 1 2 3 4 5 6 7 8 9 CIRCONSTANCES CONTEXTE NAVIRES EQUIPAGES CHRONOLOGIE DOMMAGES AUX NAVIRES FACTEURS DU SINISTRE SYNTHESE RECOMMANDATIONS Page 6 Page 7 Page 7 Page 11 Page 13 Page 15 Page 16 Page 32 Page 33 ANNEXES A. B. C. Décision d'enquête Dossier navire Cartographie Page 4 sur 52 Liste des abréviations BEAmer Code ISM SNRH : : : Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Code international de gestion de la sécurité (ISM Code: International Safety Management Code) Société Nouvelle de Remorquage du Havre Page 5 sur 52 1 CIRCONSTANCES Le 1er août 2008 à 03h35 locales, le remorqueur portuaire SD GIRONDE de la Société Nouvelle de Remorquage du Havre (SNRH), battant pavillon français, immatriculé au Havre, appareille du quai Johannès Couvert, port du Havre, pour servir le porte-conteneurs allemand DUBLIN EXPRESS, du large pour le quai de l'Atlantique. Il est accompagné d'un autre remorqueur, le SD LOIRE, appartenant à la même société. A 04h17, alors que le SD GIRONDE se trouve sur l'avant du DUBLIN EXPRESS, remorque passée et élongée (le SD LOIRE se trouvant à l'arrière remorque capelée), l'alarme pression basse air de contrôle moteur principal se déclenche sur chacun des deux moteurs, suivie à 04h18 d'un débrayage des deux propulseurs. Prévenu par le capitaine du SD GIRONDE de la perte de propulsion du remorqueur, le pilote du DUBLIN EXPRESS demande au SD LOIRE de le ralentir. Malgré la décision prise par le capitaine de laisser filer la remorque et l'intervention rapide du chef mécanicien pour rétablir la propulsion, le remorqueur, ayant perdu la maîtrise de sa manoeuvre, est heurté par l'étrave du porte-conteneurs une première fois contre son bordé tribord, puis une seconde contre ses superstructures. Le choc, en déformant la coque, provoque la rupture des vannes du réfrigérant eau douce du moteur tribord et l'arrêt des deux moteurs de propulsion par manque de réfrigération. A 05h50, grâce à l'assistance d'un autre remorqueur, le RT PIONEER, dépêché sur les lieux par la SNRH, le SD GIRONDE est pris en remorque et amarré au quai Johannès Couvert. Quant au DUBLIN EXPRESS, il termine sa manoeuvre de présentation et d'accostage au quai de l'Atlantique avec l'assistance des remorqueurs SD LOIRE et RT STEPHANIE. Il n'y a pas de blessés ni de pollution. L'abordage, qui n'a occasionné que des dégâts matériels, principalement au remorqueur, aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus importantes. Celui-ci a dû rentrer en cale sèche pour réparations, et n'a pu reprendre son service que le 25 septembre 2008. Page 6 sur 52 2 CONTEXTE Le DUBLIN EXPRESS est exploité entre la côte Est des Etats-Unis et l'Europe du Nord. Il venait de Hambourg, sa dernière escale et, après Le Havre, il devait toucher Southampton avant de rallier New York. Le SD GIRONDE fait partie de la flotte de remorqueurs portuaires / côtiers exploités par la Société Nouvelle de Remorquage du Havre. 3 3.1 NAVIRES SD GIRONDE Page 7 sur 52 Le SD GIRONDE est un remorqueur portuaire construit en 2004 en Turquie pour le compte de Kotug International BV. Principales caractéristiques Numéro OMI Indicatif Jauge brute Longueur hors tout Longueur entre perpendiculaires Largeur hors membres Franc bord (été) Vitesse en service Propulsion : L'appareil propulsif, de type Z drive à deux propulseurs azimutaux arrière, est composé de : - 2 moteurs diesel Wärtsilä 9L20 25 HX , 2x1800 kW à 1000 trs/mn, - 2 propulseurs Schottel SRP 1215 CP diamètre 2400 mm. : : : : : : : : 9357286 ; FNOD ; 389 ; 32 m ; 29,90 m ; 10,50 m ; 1008 mm ; 13 noeuds. Production et distribution d'électricité : 2 diesel ­alternateurs Ling-Man D2866 LXE ; 2x144 kW 400V-50 Hz. Démarrage des groupes électrogènes par démarreur électrique 24V. Alimentation par le courant de terre. Source d'énergie de sauvegarde Capacités Le navire dispose des capacités suivantes : Combustible Huile Eau douce Ballast Mousse pour FiFi Eaux usées Caisse à boues : : : : : : : 200 t ; 3t; 30 t ; 55 t ; 18 t ; 6t; 3t; 20 t. : un jeu de batteries 2x400 Ah, 24V. Agent dispersant : Page 8 sur 52 Installations hydrauliques Une centrale hydraulique (capacité 500 l, pression maxi 260 bar) est installée dans le local machine. Elle dessert les treuils arrière et les treuils / guindeaux avant. Dispositif de remorquage d'urgence Puissance au croc Système de largage en tension pneumatique ; : 60 t ; : actionné depuis la passerelle par une commande Filage permettant de libérer instantanément, depuis la timonerie, la tension aux 2.postes de commandes. Le navire dispose des installations et des équipements réglementaires en matière de protection contre l'incendie et de prévention de la pollution. Il en est de même pour les engins de sauvetage, les installations radioélectriques, les appareils, instruments et documents nautiques, matériels d'armement et de rechange. Le navire est autorisé pour une navigation en 3ème catégorie. Il navigue sous pavillon Français (1er registre) et est immatriculé au Havre sous le numéro LH 896415 P. Il est classé par le Bureau Veritas depuis le 22 février 2002 avec la notation suivante : I+HULL+MACH SalvageTug Fire Fighting 1, Unrestricted Navigation+AUT.UMS. Historique Avant d'entrer en service au Havre, le navire était exploité par la société KOTUG dans le port de Rotterdam, sous pavillon maltais avec un équipage néerlandais. Il portait le nom de MED DICLE et possédait les certificats suivants, délivrés par le Bureau Veritas par délégation de l'Etat du pavillon : certificat international de franc-bord délivré le 11 mai 2006, valable jusqu'au 21.février 2011, visé le 23 avril 2007 ; certificat d'exemption au certificat international de franc-bord délivré le 21 mai 2006, valable jusqu'au 11 février 2011, visé le 23 avril 2007 ; certificat international radio-électrique délivré par le 30 juin 2006, valable jusqu'au 11 février 2011, visé le 23 avril 2007 (visite effectuée par la société Radio Holland le 05 avril 2007) ; Page 9 sur 52 - - certificat international de jaugeage délivré le 25 octobre 2006. Avant son transfert sous pavillon français, le navire a fait l'objet d'une étude par la Commission Régionale de Sécurité du Havre et de deux visites par le Centre de Sécurité des Navires du Havre. Ces dernières ont eu lieu au port de Rotterdam, le navire étant encore exploité commercialement sous pavillon maltais : visite de mise en service le 11 décembre 2007, au cours de laquelle les essais de bon fonctionnement et contrôles avant mise en service ont été effectués ; visite spéciale le 4 mars 2008, en vue de la délivrance des titres de sécurité du navire, concernant la bonne réalisation des prescriptions de la visite de mise en service du 11 décembre 2007. A l'issue de cette visite, les titres de navigation ont pu être délivrés, le permis de navigation étant valable jusqu'au 15 mai 2008. Aucune des prescriptions de la visite de mise en service n'a de lien avec l'accident. 3.2 DUBLIN EXPRESS Le DUBLIN EXPRESS est un navire porte-conteneurs construit en 2002 au chantier Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering Co à Okpo (Corée). Commandé le 2 janvier 2000 sous le nom de CONTSHIP AUSTRALIS, il prend ensuite successivement les noms de CP AUSTRALIS (27 juillet 2005 - 23 février 2006), MAERSK DALE (24.février 2006 - 13 juin 2007) et DUBLIN EXPRESS à partir du 14 juin 2007. Page 10 sur 52 Il a d'abord navigué sous pavillon britannique, port d'attache Londres. Depuis le 17.novembre 2006, il est enregistré sous pavillon allemand et immatriculé à Hambourg. Il est exploité par la compagnie Hapag-Lloyd Aktiengesellschft . Depuis le 7 avril 2004, il est classé au Det Norske Veritas Classification A/S. Auparavant, il était classé au Germanischer Lloyd, qui a délivré la certification ISM. Principales caractéristiques Numéro OMI Indicatif Numéro MMSI Jauge brute Port en lourd Longueur hors tout Largeur Tirant d'eau été Creux Franc bord Vitesse : : : : : : : : : : : 9232577 ; DDSB2 ; 218 023000 ; 46009 ; 54157 t ; 281 m ; 32,20 m ; 12,50 m ; 19,85 m ; 7,35 m ; Avant toute : 17 noeuds ; Avant très lente : 8 noeuds. 4 4.1 EQUIPAGES Equipage du DUBLIN EXPRESS Les enquêteurs du BEAmer n'ont pas eu d'information sur la composition de l'équipage. Le pilote et le commandant étaient à la timonerie au moment de l'événement. 4.2 Equipage du SD GIRONDE Composition L'équipage est composé de quatre personnes, conformément à la décision d'effectif : capitaine, chef-mécanicien et deux matelots. Page 11 sur 52 Tous les membres de l'équipage disposent des certificats et des brevets requis pour la conduite du navire. Le commandant possède le brevet de capitaine 3000. Cependant, le chefmécanicien, embauché en juin 2008, n'avait pas fait revalider administrativement son brevet depuis décembre 2006 (étant embarqué à la pêche). Organisation du travail Le navire ayant la marque AUT UMS, il n'y a pas de quart à la machine, les alarmes sont reportées en timonerie, en cabine et au carré. Pendant les manoeuvres, le capitaine est aux commandes du remorqueur, sur la partie gauche de la console en fer à cheval. Le chef-mécanicien est aussi en timonerie, à la commande du treuil de remorquage. Il intervient à la machine en cas de nécessité. Tous les jours, un planning des opérations de remorquage est établi par le bureau des opérations de la SNRH. La commande de remorqueur est confirmée 2 heures avant par l'agent du navire à servir. Le remorqueur se tient à environ 10 minutes d'appareillage. L'équipage travaille sur un rythme 7j / 7j ou de 14j / 14j. Dans le cadre de l'organisation du travail actuelle, il effectue 15 heures de travail à bord et bénéficie de 9 heures de repos à terre. Ainsi, il a repris son service le 31 juillet à bord du SD LOIRE, après une période hebdomadaire de congés / repos. Le 1er août à 01h00, il embarque à bord du SD GIRONDE, après une période de repos de 9 heures à l'hôtel. Il débarquera le même jour à 07h45. L'équipage peut embarquer indifféremment sur n'importe quel remorqueur de SNRH, à l'exception du capitaine et du chef-mécanicien qui, eux, sont affectés à un type de remorqueur (par exemple SD GIRONDE, SD LOIRE, SD SEINE appartenant à la même série). 5 CHRONOLOGIE DE L'EVENEMENT Les heures sont exprimées en heure locale TU + 2. Les heures données par le DUBLIN EXPRESS, celles du SD GIRONDE et celles enregistrées par la capitainerie du port du Havre (VHF 67), lesquelles figurent en annexe, sont légérement différentes. Cependant, cet écart est sans incidence pour la compréhension des faits. Page 12 sur 52 5.1 DUBLIN EXPRESS La chronologie ci-après est celle qui figure dans le rapport de mer du pilote. Le 1er août 2008 A 03h30, le pilote embarque à bord du porte-conteneurs DUBLIN EXPRESS, tirant d'eau de 11,30.m, à destination du quai de l'Atlantique. Le commandant a demandé deux remorqueurs. Ce sont le SD GIRONDE et le SD LOIRE qui serviront le navire. A 04h10, dans l'avant port, le SD LOIRE est croché central à l'arrière. A 04h18, le SD GIRONDE est croché central à l'avant dans le bassin de marée. A 04h22, par le travers de MCT4, le convoi a une vitesse voisine de 7 noeuds. Le pilote est informé par le SD GIRONDE que celui-ci vient de perdre sa propulsion. Le pilote demande alors au SD LOIRE de travailler en route sur l'axe pour ralentir le porte-conteneurs. Un choc est ressenti au niveau de l'étrave du navire et le pilote aperçoit le SD GIRONDE qui défile le long de la coque à tribord à hauteur de MCT6. A 04h25, le SD GIRONDE retrouve des moyens de propulsion qui lui permettent de se rapprocher de nouveau de la plage avant, tout en virant la remorque qu'il avait laissé filer. Le convoi est alors à une vitesse voisine de 5 noeuds. A 04h30, le SD GIRONDE est largué, celui-ci signale qu'il n'a qu'un seul moteur en service. A 04h31, devant CIM 10, le SD GIRONDE signale une nouvelle perte de sa propulsion. Le pilote lui demande alors de prendre contact avec son bureau pour qu'un autre remorqueur soit envoyé. A 04h35, l'évitage sur tribord est lancé. A 04h37, le pilote est informé que les remorqueurs RT PIONEER et RT STEPHANY font route vers le DUBLIN EXPRESS. A 04h40, le commandant du SD GIRONDE annonce au pilote qu'il dérive rapidement vers le porte-conteneurs qui est alors cap au 160, en manoeuvre d'évitage. Le pilote l'informe qu'il souhaite mettre le DUBLIN EXPRESS bout au vent qui vient du 190. Page 13 sur 52 Afin de diminuer l'impact du prochain contact, le propulseur est mis au pas neutre et le pilote fait arrêter de travailler le SD LOIRE. A 04h45, le SD GIRONDE touche de nouveau le DUBLIN EXPRESS en son milieu tribord. Le RT PIONEER arrive alors à ATL0. A 04h50, le RT PIONEER prend à couple le SD GIRONDE. Les deux remorqueurs font route vers le quai des Amériques. Le SD LOIRE terminera l'évitage. A 04h51, le RT STEPHANIE prend contact avec le DUBLIN EXPRESS. A 05h00, devant le quai d'Atlantique, le RT STEPHANIE est paré à pousser le navire au milieu pour finir la présentation. Le DUBLIN EXPRESS termine sa manoeuvre sans autres incidents. 5.2 SDGIRONDE D'après le journal passerelle et le rapport du capitaine. A 00h00, le bateau est amarré tribord à quai à JCV4. A 01h00, relève de l'équipage A 03h35, le SD GIRONDE appareille de JCV pour servir le DUBLIN EXPRESS, de la mer pour ATL 2/3, accompagné du SD LOIRE. A 04h17, la remorque est capelée par le chaumard central avant suivant la procédure habituelle. Elle commence à être élongée lorsqu'il y a déclenchement de l'alarme pression basse d'air de contrôle. A 04h18, la remorque est élongée lorsque le moteur tribord, puis le moteur bâbord, débrayent. Le DUBLIN EXPRESS est prévenu et laisse filer la remorque. A 04h20, le remorqueur est heurté par le bulbe d'étrave du DUBLIN EXPRESS. Le pilote demande au SD.LOIRE de le ralentir mais le SD GIRONDE, après avoir rebondi sur l'étrave du porteconteneurs, en heurte les formes avant, écrasant son échelle de quai et une partie de son mât Page 14 sur 52 radar. Puis le remorqueur récupère sa propulsion et en informe le pilote. Il manoeuvre pour se mettre parallèle au DUBLIN EXPRESS et embraque le mou de la remorque. A 04h22, la remorque est larguée. Le chef-mécanicien rend compte au commandant que le choc, en déformant la coque, a entraîné la destruction des quatre vannes du réfrigérant du moteur principal tribord. Le commandant fait alors effectuer une ronde générale pour évaluer les dégâts. A 04h25, les moteurs de propulsion stoppent par température de réfrigération haute et le SD.GIRONDE se retrouve non maître de sa manoeuvre. Il signale sa situation en allumant deux feux rouges dans la mâture. Le Havre Port est prévenu, ainsi que le bureau des opérations de la SNRH. A 04h45, le remorqueur est amarré à couple du RT PIONEER ; le convoi fait route vers le quai Johannès Couvert. A 04h50, une voie d'eau est détectée sous le réfrigérant situé à tribord. La pompe d'assèchement est mise en service. A 05h50, le SD GIRONDE est amarré à JCV. Le RT PIONEER est largué. De 08h45 à 09h45, intervention d'une entreprise extérieure pour aveugler la voie d'eau. Le SD GIRONDE rentre ensuite en cale sèche pour subir des réparations. 6 6.1 DOMMAGES AUX NAVIRES DUBLIN EXPRESS Après l'accostage, des traces de ragage ont pu être constatées sur le bulbe d'étrave et la coque jusqu'au tiers avant du navire, sur tribord, avec un enfoncement au couple 99. D'après l'officier de plage avant du DUBLIN EXPRESS, le SD GIRONDE aurait touché le bulbe du porte-conteneurs lors de la première perte de propulsion. Page 15 sur 52 6.2 SD GIRONDE Le remorqueur a été abordé par son travers tribord, sous la flottaison, par le bulbe du DUBLIN EXPRESS, puis sur les superstructures par l'étrave de ce dernier, à une vitesse d'environ 6,5 noeuds. Le choc a entraîné la rupture des tuyautages de réfrigération du moteur tribord, ainsi qu'une voie d'eau sur le bordé du compartiment machine, facilement étalée par le système d'assèchement. Les dégâts sont importants. Outre le bordé tribord enfoncé, des éléments structurels (membrures) ont été déformés. Plusieurs tuyautages, dont ceux du circuit de réfrigération des moteurs, ont été détériorés par le choc. Par ailleurs, le mât de feux du remorqueur a été plié, le rendant inutilisable. Enfin, d'autres dommages ont été constatés à l'issue d'une inspection approfondie par la société de classification, compte tenu des contraintes subies par le remorqueur au moment de l'abordage. 7 DETERMINATION & DISCUSSION FACTEURS DU SINISTRE La méthode retenue pour cette détermination a été celle utilisée par le DES BEAmer pour l'ensemble de ses enquêtes, conformément au Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255 (84). Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : · · · facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteur humain. Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du BEAmer ont répertorié les facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : · · · certain, probable ou hypothétique ; déterminant ou aggravant ; conjoncturel ou structurel ; Page 16 sur 52 avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par ce sinistre. Leur objectif étant d'éviter le renouvellement de ce type d'accident, ils ont privilégié, sans aucun a priori, l'analyse inductive des facteurs qui avaient, par leur caractère structurel, un risque de récurrence notable. 7.1 Facteurs naturels Conditions météorologiques et hydrologiques On relève au moment de l'accident les conditions suivantes : Marées : pleine mer le 31 juillet à 23h03 - 7,66 m ; basse mer le 1er août à 06h15 - 1,34 m. Vent de secteur Sud 20-25 noeuds, direction 190-200. - Ces conditions météorologiques sont sans lien avec l'accident. 7.2 Facteurs matériels Les enquêteurs du BEAmer ont analysé, à partir des alarmes enregistrées, des témoignages du chef-mécanicien et de leurs propres constatations, les défaillances des équipements pouvant être à l'origine de la perte totale de la propulsion et de la gouverne du remorqueur. En particulier, ils ont examiné le circuit pneumatique des embrayeurs des propulseurs et le circuit de réfrigération des moteurs principaux. Page 17 sur 52 Production et distribution d'air comprimé à bord du SD GIRONDE Page 18 sur 52 L'air comprimé est produit, en service normal, par deux compresseurs d'air de 34.m3/h à 30 bars et, en secours, par un compresseur d'air entraîné par un moteur thermique. Ces compresseurs sont refroidis à l'air et refoulent dans deux réservoirs principaux de 250 l chacun, à 30 bars. La capacité de chaque réservoir doit pouvoir assurer six démarrages successifs d'un moteur principal. La compression de l'air s'effectue en deux étages, avec refroidissement intermédiaire : 1er étage : 4 - 5,5 bars ; 2ème étage : 30 bars. A partir des deux réservoirs, l'air comprimé est distribué dans deux circuits : un circuit à 30 bars pour le démarrage des moteurs de propulsion ; un circuit à 11 bars (par détendeur 30bars / 11bars) pour l'alimentation des embrayeurs des propulseurs, le circuit d'air de contrôle / régulation des moteurs et le réseau d'air de service général (prises d'air, hydrophores de distribution d'eau sanitaire, croc de remorquage, sirène/sifflet, éjecteurs d'amorçage des pompes de réfrigération eau salée et incendie...). Fonctionnement des compresseurs d'air Le démarrage et l'arrêt des compresseurs d'air, l'ordre de marche des compresseurs en service, le choix du mode de fonctionnement, le déclenchement et l'acquittement des alarmes en cas de défaut, se font à partir d'un coffret de commande installé en machine. Le fonctionnement des compresseurs peut être en mode manuel ou automatique. Le passage de l'un à l'autre mode se fait à l'aide du commutateur rotatif 4S1 à 3 positions, dont une position Arrêt. L'ordre de marche des compresseurs est commandé par le sélecteur 4S2 : un compresseur est en marche prioritaire, l'autre est en appoint. En mode manuel Le démarrage et l'arrêt sont commandés par action sur le bouton poussoir 3BP1, mais il n'y a pas de régulation du fonctionnement par la pression d'air des bouteilles, le compresseur est en marche forcée. La pression d'air est limitée par l'ouverture des soupapes de décharge du compresseur qui ne s'arrête que par déclenchement d'une sécurité. Page 19 sur 52 4H1 3H2 4S2 3H3 3H4 : : : : : Voyant ON PRESSURE Voyant OVERLOAD Sélection A ­ B B ­ A AIR ­ TEMP OIL ALARM START / STOP STAND BY / RUNNING 3BP1 : 4S1 : AUT ­ 0 ­ MANU RESET Compteur horaire 3PB2 : 4P1W : En mode automatique Le démarrage et l'arrêt du compresseur sont commandés par un pressostat différentiel sur chaque bouteille. Lorsque la pression d'air atteint la valeur de consigne supérieure, le compresseur s'arrête. Inversement, lorsque la pression baisse en dessous de la valeur de consigne inférieure, le compresseur démarre. Quel que soit le mode sélectionné dans la séquence de démarrage, le compresseur démarre à vide, l'air comprimé étant refoulé à l'atmosphère au moyen d'une électrovanne de purge qui reste ouverte pendant une courte période de temps, par l'intermédiaire d'un relais temporisé. La temporisation est de l'ordre de 5 à 10 secondes. Passage de mode manuel à mode automatique Quand on commute de manuel à automatique, on passe par la position arrêt (0). D'après le schéma électrique, en position (0), les relais 4K1M (démarrage) et 4K1T (électrovanne de purge) ne sont plus alimentés, provoquant l`arrêt du compresseur et l'ouverture de l'électrovanne de purge. Page 20 sur 52 Dans le cas où les compresseurs sont en route juste avant la commutation, si la pression d'air est insuffisante, celui qui est prioritaire redémarre immédiatement ; il n'est pas nécessaire d'appuyer sur Reset. Après déclenchement d'une alarme, pour passer de manuel à automatique, il faut appuyer sur le bouton d'acquittement pour acquitter l'alarme et donner une impulsion sur le bouton marche 3BP1 pour l'ordre de démarrage. Sécurités et alarmes Les sécurités suivantes provoquent l'arrêt des compresseurs : niveau d'huile carter, température haute d'air de refoulement, surcharge. La signalisation de déclenchement de ces sécurités est affichée uniquement sur le coffret de commande. Elle n'est pas reportée en salle de contrôle ou sur le système d'alarmes général, lequel est composé de petits écrans de visualisation situés au carré, dans la cabine du chef-mécanicien et en passerelle. Il convient de souligner que l'écran installé en timonerie est mal placé, peu visible et pour l'exploiter : il faut rentrer dans un menu informatique, ce qui n'est pas forcément compatible avec l'urgence de traitement d'une alarme. Le système de propulsion et de gouverne Description et fonctionnement L'appareil propulsif est composé de deux propulseurs azimutaux Schottel SRP 1215 CP, diamètre 2400 mm, avec hélice à pales orientables montée à l'intérieur d'une tuyère et entraînée par un moteur principal Wärtsilä, par l'intermédiaire d'un embrayeur pneumatique Airflex. Ce système assure à la fois la propulsion et la gouverne du navire. Page 21 sur 52 Schéma du contrôle / commande pneumatique du propulseur La variation du pas d'hélice, conjuguée avec celle de la vitesse de rotation du moteur, l'orientation de l'ensemble sur 360° et la présence d'une tuyère, confèrent au remorqueur d'excellentes qualités manoeuvrières et de poussée. Le contrôle / commande des propulseurs et des embrayeurs peut être effectué soit à partir des postes avant et arrière de la timonerie, soit du pupitre en salle de contrôle machine, où sont également installées la signalisation du fonctionnement des appareil et les alarmes. La commande des propulseurs peut se faire en mode asservi (FU) au moyen d'un combinateur réunissant les fonctions vitesse, pas d'hélice et orientation de la poussée. Elle peut se faire aussi en mode non asservi (NFU), par boutons poussoirs. En salle de contrôle machine, seule la commande en mode NFU est disponible. Page 22 sur 52 La commande des embrayeurs se fait par boutons poussoirs. Pour embrayer les propulseurs, il faut que le pas d'hélice soit à zéro et le moteur au ralenti. L'embrayage est réalisé en deux temps : 1er temps, la pression d'air augmente progressivement afin de permettre une égalisation des couples embrayeur - moteur et d'éviter les chocs. La durée de l'accélération est de 4 à 6 secondes. Le temps maximum de glissement est de 10.secondes. 2ème temps, la pression d'air augmente rapidement jusqu'à atteindre la pression normale de fonctionnement qui est de 11 bars +/- 0,5 bars. Le débrayage peut être effectué à n'importe quelle vitesse du moteur. Sécurités et alarmes Le débrayage du propulseur est automatique dès que la pression d'air d'alimentation est inférieure à 7,2 bars ou en cas d'arrêt du moteur, afin d'éviter un glissement trop important de l'embrayeur qui l `endommagerait. Les fonctions embrayage, débrayage et sécurité de marche sont gérées par une unité de contrôle électro-pneumatique dont deux pressostats assurent le contrôle et la signalisation. Le circuit de réfrigération des moteurs principaux La réfrigération des moteurs principaux est assurée par deux circuits eau douce, l'un à haute température, l'autre à basse température, chacun desservi par une pompe attelée, l'ensemble étant refroidi par l'eau de mer. La caisse d'expansion / appoint eau douce est commune aux circuits des deux moteurs. Un dispositif de refroidissement de secours peut être mis en oeuvre via la pompe incendie électrique. Les constatations avant et au moment de l'accident A 03h25, le chef-mécanicien se rend à la machine pour démarrer les moteurs principaux. Trois minutes plus tard, l'alarme M/E Control air pressure (Pression basse air de contrôle moteur principal) se déclenche. Il constate alors : que le compresseur tribord est arrêté avec le voyant alarme Air température haute allumé, Page 23 sur 52 - que le compresseur d'air bâbord est aussi à l'arrêt. Les deux compresseurs sont en mode automatique. Une seule bouteille d'air étant en service (la bouteille inférieure), il dispose la deuxième bouteille d'air (bouteille supérieure, auparavant isolée) qui, a priori, est pleine puisque son manomètre affiche presque 30 bars. Après avoir acquitté l'alarme Air température haute, le chef-mécanicien démarre les deux compresseurs en mode manuel et à 03h31, soit 4 minutes avant l'appareillage, l'alarme ME control air pressure disparaît. Au même moment, il démarre les deux moteurs principaux. Leur démarrage est suivi des alarmes suivantes se rapportant à une pression basse du circuit d'air de lancement : A 03h32mn14s : alarme ME starting air pressure (7 bar), moteur bâbord, A 03h32mn14s : l'alarme ME starting air pressure est acquittée (8,1bar), moteur bâbord, A 03h32mn21s : alarme ME starting air pressure (5,5 bar) , moteur tribord, A 03h32mn22s : l'alarme ME starting air pressure est acquittée (8,1 bar), moteur tribord. La chute temporaire de la pression de l'air de lancement s'explique par la consommation d'air au démarrage des moteurs. A noter que les moteurs peuvent démarrer jusqu'à une pression d'air de 7,5 bars. Après démarrage des moteurs, le chef-mécanicien repasse les compresseurs d'air en mode automatique. Environ 30 minutes plus tard, de nouvelles alarmes se déclenchent. Elles concernent cette fois-ci le circuit d'air des embrayeurs des propulseurs à savoir : A 04h08mn22s : alarme Clutch control air mini (embrayeur bâbord), A 04h08mn25s : alarme Clutch control air mini (embrayeur tribord), A 04h08mn35s, alarme ME control air pressure. Page 24 sur 52 Ces alarmes correspondent à une pression d'air basse sur les embrayeurs des propulseurs. Elles sont suivies à 04h08mn35s de l'alarme ME control air pressure (pression basse air de contrôle moteur principal bâbord). Elles apparaissent en timonerie pendant la manoeuvre de connexion du DUBLIN EXPRESS. Le chef redescend à la machine et constate : que le compresseur d'air tribord est en service avec l'électrovanne de purge ouverte, que le compresseur bâbord est arrêté. Il redémarre les deux compresseurs en mode manuel. Mais il est trop tard. A 04h09mn15s : alarme Emerg disengaging clutch (débrayage d'urgence du propulseur tribord). A 04h09mn32s : alarme Emerg disengaging clutch (débrayage d'urgence du propulseur bâbord). Les deux propulseurs viennent de débrayer, le SD GIRONDE n'a plus ni propulsion ni gouverne. Le remorqueur est heurté par le DUBLIN EXPRESS sur tribord. Le choc endommage les quatre vannes du réfrigérant eau douce du moteur principal tribord, d'où l'apparition d'alarmes niveau bas, pression et température du circuit de réfrigération eau douce. A 04h09mn49s : l'alarme Clutch control air min des deux embrayeurs est acquittée. A 04h09mn49s : l'alarme ME control air pressure est acquittée. A 04h10mn07s : alarme ME LT water pressure 0,8 bar (pression basse circuit eau douce basse température moteur bâbord). A 04h10mn07s : alarme ME HT water pressure 0,7 bar (pression basse circuit eau douce haute température moteur bâbord). A 04h10mn08s : alarme niveau bas eau douce de réfrigération A 04h10mn15s : alarme ME LT water pressure 0,9 bar (pression basse circuit eau douce basse température moteur tribord). Page 25 sur 52 A 04h10mn16s : alarme ME HT water pressure 0,1 bar (pression basse circuit eau douce haute température moteur tribord). A 04h10mn50s et à 04h10mn58s : les alarmes emergency disengaging clutch sont acquittées sur les deux embrayeurs. Les propulseurs peuvent donc être à nouveau opérationnels soit environ une minute et demie après leur débrayage. A 04h17mn38s : alarme ME Auto Stop HT Temp High (stop moteur bâbord par température haute). A 04h18mn45s : alarme ME Auto Stop HT Temp High (stop moteur tribord par température haute). Les deux moteurs de propulsion viennent de stopper par sécurité température haute eau douce de réfrigération. Les constatations après l'accident Les constatations faites après l'accident par les enquêteurs du BEAmer à l'occasion de leurs visites à bord et celles relevées au cours des différents essais effectués en présence de la société de classification et du Centre de Sécurité des Navires du Havre ont permis de mettre en évidence des défaillances matérielles des équipements composant le circuit d'air et des défauts de signalisation. Elles ont aussi révélé certains défauts quant à la conception et à la réalisation des installations machine. Il a été constaté : Sur les compresseurs d'air : L'électrovanne de purge du compresseur d'air tribord ne se ferme pas ou n'est pas étanche, d'où un mauvais remplissage des bouteilles d'air. Les deux compresseurs d'air démarrent simultanément à 24 bars et s`arrêtent en même temps à 28 bars. Les coffrets de démarrage ne sont pas équipés de test lampes pour contrôler le bon fonctionnement des voyants de signalisation, ni de témoins lumineux de marche des compresseurs. Sur le coffret du compresseur bâbord, 2 voyants ont été trouvés défectueux : le voyant On pressure et le voyant blanc Stand by du bouton marche / arrêt qui, allumé, signale que le compresseur est prêt à démarrer. Ce voyant est éteint lorsque le Page 26 sur 52 compresseur est arrêté par déclenchement d'une sécurité ou s'il n'y a pas de tension au coffret de démarrage. SD GIRONDE ­ Coffrets de démarrage des compresseurs. On notera qu'en présence d'alarme (air température), le voyant blanc du bouton « Marche / Arrêt » est éteint. SD GIRONDE ­ Coffret de démarrage compresseur. Le voyant « ON PRESSURE » est allumé. Le compresseur est arrêté. Le voyant blanc du bouton « Marche / Arrêt » est allumé. Page 27 sur 52 - En cas d'alarme ou de coupure d'alimentation électrique, les compresseurs s'arrêtent. Un réenclenchement en mode automatique n'est possible qu'après avoir acquitté les alarmes (Reset) puis un réenclenchement manuel par impulsion sur le bouton Marche (I). En l'absence d'alarme, le passage sur la position Auto suffit pour réenclencher les compresseurs (il n'est pas nécessaire d'agir sur le bouton Marche « I »). Une commutation trop rapide Manu / Auto du compresseur bâbord (compresseur en service) peut entraîner sa disjonction au tableau principal et, après réarmement du disjoncteur, c'est le voyant Air-Temp qui s'allume. - - Sur les circuits d'air 30 bars et 11 bars : L'alarme pression basse air de lancement est réglée à 8 bars à bâbord et à tribord conformément aux recommandations de Wärtsilä. L'alarme pression basse air de contrôle moteur principal est réglée à 10 bars à bâbord et à 8 bars à tribord au lieu de 18 bars. La soupape principale de la bouteille d'air supérieure a pu être mal fermée, de sorte qu'il n'y avait pas de réserve d'air disponible lorsque le chef-mécanicien a démarré les moteurs. Mal isolée, cette bouteille a pu être mise en communication avec le circuit ou l'autre bouteille. Il n'y a pas non plus de clapets de non retour. Il n'est pas exclu que la bouteille se soit aussi partiellement vidée par suite d'une vanne de purge mal isolée. Par ailleurs la fiabilité de son manomètre est également mise en doute. Sur le circuit d'air des embrayeurs : La réalisation du circuit d'air ne correspond pas au plan ; les embrayeurs sont alimentés par la clarinette Air Manifold 11-12 bars. Sur le circuit de réfrigération des moteurs : Les circuits de réfrigération ne sont pas complètement indépendants. La caisse d'expansion eau douce est commune aux deux moteurs. Conclusions sur l'incidence des facteurs matériels La perte momentanée de la propulsion du SD GIRONDE est consécutive au débrayage par sécurité des propulseurs, débrayage qui est automatique dès que la pression d'air d'alimentation est inférieure à 7,2 bars. Ce manque de pression est la conséquence d'une Page 28 sur 52 - production d'air comprimé insuffisante résultant, d'une part, d'un dysfonctionnement des compresseurs d'air et d'autre part d'une défaillance de la signalisation de leurs défauts de fonctionnement ainsi que d'un manque d'information sur leur état. Des seuils d'alarmes mal réglés, notamment celui de l'alarme « pression basse air de contrôle moteur principal », réglé trop bas, ont fait que le défaut de pression d'air n'a été signalé que tardivement. Les moteurs ont été lancés avec une pression d'air de démarrage à la limite du seuil de lancement. Il y avait donc peu de temps pour réagir et retrouver une situation normale avant l'appareillage. Quant à l'alarme air température haute allumée sur le compresseur tribord, elle peut être une fausse alarme ou générée par un temps de fonctionnement du compresseur trop long. Sur ce point, les enquêteurs du BEAmer n'ont pas constaté de défaut de réfrigération des compresseurs. La perte de propulsion s'est aussi accompagnée en même temps de la perte de gouverne du remorqueur car ce sont des hélices gouvernails. Compte tenu de ce qui précède, les enquêteurs du BEAmer considèrent que cette succession de défaillances matérielles relevées sur le circuit d'air, qui a conduit à la perte de propulsion et de gouverne du remorqueur constitue le facteur déterminant de l'accident. Enfin, les dommages provoqués sur le réfrigérant eau douce ont entraîné la vidange du circuit eau douce de réfrigération des deux moteurs et leur arrêt par sécurité température haute du circuit de réfrigération en raison de l'interdépendance des deux circuits, empêchant le remorqueur de conserver une capacité de manoeuvre, même partielle. Cet arrêt définitif des moteurs par manque de réfrigération peut donc être retenu comme facteur aggravant dans le déroulement de l'événement. 7.3 Conduite nautique Les enquêteurs du BEAmer ont examiné les conditions nautiques, en particulier les manoeuvres exécutées et les dispositions prises tant par le DUBLIN EXPRESS que par le SD.GIRONDE, pour tenter de réduire les risques. Page 29 sur 52 EXPRESS Le remorqueur arrière SD LOIRE a été croché en premier dès l'avant-port. Le DUBLIN a passé les digues à 10 noeuds. Il s'est mis en allure en avant très lente, ce qui correspond à 8 noeuds mais en fait, la vitesse du convoi était d'environ 7 noeuds. Lorsque le SD GIRONDE l'a prévenu de ses difficultés, le pilote a demandé au SD.LOIRE de le freiner de façon à rester dans l'axe. Il aurait pu battre en arrière mais cette manoeuvre présentait un risque car le DUBLIN EXPRESS serait venu immédiatement à droite. A noter que le pilote n'avait pas de contact visuel avec le SD GIRONDE, seulement par VHF sur le canal 67. Ce n'est qu'à l'issue du premier choc ressenti sur l'étrave que le pilote aperçoit le SD.GIRONDE qui défile le long de la coque à tribord. Lorsque le capitaine du SD GIRONDE lui annonce qu'il dérive rapidement vers le porte-conteneurs qui est alors cap au 160 en manoeuvre d'évitage, le pilote l'informe qu'il souhaite mettre le DUBLIN EXPRESS bout au vent qui vient du 190. Afin de diminuer l'impact du prochain contact, le propulseur d'étrave est arrêté et le pilote fait arrêter de travailler le SD.LOIRE. Du côté du SD GIRONDE, dès que le remorqueur a perdu sa propulsion, le capitaine a immédiatement laissé filer la remorque. Ayant récupéré temporairement sa propulsion avant l'arrêt définitif des moteurs, il a manoeuvré de façon à se mettre parallèle au DUBLIN EXPRESS et embraqué le mou de la remorque puis l'a larguée. Sa priorité était de préserver la sécurité de son équipage et du remorqueur. Quand il a eu connaissance des avaries subies par la machine, il a fait effectuer une ronde générale. Le SD GIRONDE n'étant plus maître de sa manoeuvre, il a signalé sa situation en allumant les deux feux rouges dans la mâture. Il a prévenu Le Havre Port et le bureau des opérations de la SNRH. Il n'y a pas d'erreur nautique, ni du côté du DUBLIN EXPRESS, ni du côté du SD.GIRONDE. Chacun a eu les réactions appropriées pour réduire les conséquences de l'avarie du remorqueur. Le DUBLIN EXPRESS a ralenti. Le remorqueur a laissé filer sa remorque. Il n'y a pas eu de déficit de communication entre le pilote et le remorqueur. Page 30 sur 52 7.4 Facteur humain Dix minutes avant l'appareillage, le chef-mécanicien est appelé par le commandant pour démarrer les moteurs principaux. S'apercevant que les deux compresseurs d'air sont arrêtés et qu'il y a une alarme de basse pression d'air, son premier réflexe, pour rétablir rapidement la pression, est de mettre en service la bouteille d'air 30.bars en réserve (a priori pleine). Il démarre ensuite les deux compresseurs en mode manuel pour remplir plus rapidement les bouteilles d'air. Après le lancement des moteurs, il passe les deux compresseurs en mode auto. Il sait en effet qu'en mode manuel il n'y a pas de régulation de marche. Puis, il remonte aussitôt à la passerelle pour prendre son poste de commande au treuil. Il a confiance en un retour à la normale de la situation. Pour lui, les deux compresseurs sont en service, la production et la pression d'air nécessaires à la manoeuvre sont donc assurées, comme le confirme la disparition des alarmes de pression basse. A 04h08, quand les alarmes Clutch control air mini et M/E control air se déclenchent pendant la manoeuvre de connexion du DUBLIN EXPRESS, le chef-mécanicien redescend immédiatement à la machine et tente de remédier à la situation en redémarrant à nouveau les compresseurs d'air en mode manuel. Cette action permet au remorqueur de retrouver sa propulsion. Mais pendant ce temps, le SD GIRONDE est heurté par le DUBLIN EXPRESS. Sous l'effet du choc, les quatre vannes du réfrigérant eau douce du moteur tribord sont cassées. Avec l'aide d'un matelot, le chef-mécanicien essaye d'isoler le circuit. Constatant une voie d'eau à tribord, le chef-mécanicien dispose la pompe incendie et la pompe de cale en assèchement d'urgence. A chaque incident le chef-mécanicien s'est donc montré très réactif et a pris les dispositions pertinentes. En ce qui concerne l'électrovanne de purge du compresseur d'air tribord, l'autre bordée était également au courant de son dysfonctionnement. Pour expliquer le second arrêt du compresseur bâbord, le chef-mécanicien a déclaré qu'il n'avait appuyé sur la touche Marche qu'après l'avoir passée de Manu à Auto. Cette action n'est nécessaire que s'il y a déclenchement d'une alarme. Or, lors du premier arrêt du compresseur (avant l'appareillage), le chef-mécanicien n'a pas remarqué d'alarme affichée sur le coffret. Page 31 sur 52 Le voyant vert ON PRESSURE était éteint (lampe grillée) mais de toute façon la pression n'était pas atteinte sinon l'alarme « Pression basse air de contrôle » n'aurait pas été déclenchée. Le compresseur était donc arrêté sans cause apparente, à moins qu'il n'y ait eu disjonction et, dans ce cas, l'action sur la touche Marche est inopérante. Le chef-mécanicien n'a pas fait attention si le voyant blanc du bouton Marche/Arrêt était allumé mais dans l'hypothèse où sa lampe était grillée, il n'avait pas d'indication visuelle pour vérifier la présence de tension au coffret. A noter aussi que le non démarrage du compresseur peut résulter d'une défaillance du pressostat. Par ailleurs, lorsque les moteurs sont en route, le niveau sonore dans la machine est tel qu'il est difficile de déterminer lequel des compresseurs est en service ; le seul moyen visuel est de vérifier si le ventilateur de refroidissement tourne et les pressions aux manomètres. Quant à la mise en route du compresseur d'air de secours, cela aurait pris du temps et ne se justifiait pas puisque au moins un compresseur d'air devait fonctionner normalement. Le chef-mécanicien n'a pas pris le temps de s'assurer du bon fonctionnement en automatique des compresseurs et du remplissage des bouteilles d'air mais c'était une manipulation qu'il avait l'habitude d'effectuer régulièrement. 8 SYNTHESE L'abordage du SD GIRONDE avec le DUBLIN EXPRESS est consécutif à une perte de propulsion et de gouverne du remorqueur, intervenue soudainement et de manière ponctuelle, au moment où ce dernier s'est trouvé juste sous l'étrave du porte-conteneurs. L'examen du journal des alarmes fait apparaître un débrayage des propulseurs suite à une pression basse de l'air d'alimentation du système de commande pneumatique des embrayeurs. Malgré l'intervention très rapide du bord, (la perte de propulsion n'a duré que une.minute et trente secondes) le remorqueur s'est trouvé non manoeuvrant et a été abordé par son travers, sous la flottaison, par le bulbe du DUBLIN EXPRESS, puis sur ses superstructures par l'étrave de ce dernier. Page 32 sur 52 Le SD GIRONDE a retrouvé, pendant un laps de temps très court, sa propulsion, mais les moteurs principaux se sont arrêtés par sécurité, après la rupture des tuyautages du circuit de réfrigération des moteurs à l'issue du choc. En effet, du fait de l'interdépendance des circuits de réfrigération, ces dommages ont empêché le remorqueur de conserver ses moyens de propulsion et de gouverne, même partiellement. Le remorqueur aurait donc conservé sa capacité de manoeuvre s'il n'avait pas été abordé par le porte-conteneurs. Il a pu finalement regagner son poste à quai avec l'assistance d'un autre remorqueur, le RT PIONEER. L'enquête a mis en évidence que la disponibilité de la propulsion dépend de la production d'air comprimé. Les investigations ont montré que la cause principale de la baisse de la pression d'air est un dysfonctionnement des compresseurs, auquel sont venus s'ajouter un défaut d'étanchéité de la bouteille d'air de réserve, des déficiences en matière de signalisation des alarmes et de réglage de leurs seuils de déclenchement. Par ailleurs, des non conformités du circuit d'air comprimé, tel qu'il est réalisé à bord par rapport au plan, ont été relevées, ainsi que l'absence de report, en timonerie et sur le réseau d'alarmes du bord, d'alarmes essentielles concernant le fonctionnement des compresseurs d'air. Le non réarmement du compresseur est lié à l'absence d'indication d'alarme et non à une erreur de manipulation. Normalement, un seul compresseur suffit aux besoins d'air comprimé. Mesures déjà prises par l'armateur A l'occasion des réparations après l'accident, l'armateur a réalisé des mesures correctives : Les seuils de démarrage et d'arrêt des compresseurs ont été corrigés. Les pressostats sont maintenant réglés à 25 / 30 bars pour l'un et à 22 / 27 bars pour l'autre. Les seuils d'alarme ont été vérifiés et l'alarme « pression basse air de contrôle » a été réglée à 18 bars. Les régulateurs des moteurs à commande pneumatique ont été remplacés par des régulateurs électroniques, la propulsion étant ainsi moins dépendante de la disponibilité d'air comprimé. L'électrovanne de purge du compresseur tribord a été remplacée. Page 33 sur 52 - - - Les soupapes principales des deux bouteilles d'air ont été visitées en atelier. Le manomètre de la bouteille d'air inférieure a été remplacé. 9 RECOMMANDATIONS Le BEAmer rappelle à l'armateur et à l'équipage que les compresseurs d'air font partie des équipements essentiels et qu'ils doivent faire l'objet d'une vérification régulière de leur bon fonctionnement. Toute anomalie sur le circuit d'air doit être corrigée sans délai. La disponibilité de la propulsion du navire en dépend. Il recommande : 9.1 A l'armateur · · · · De vérifier les seuils d'alarmes et de sécurités de stop des appareils, au moins une fois par an, et d'en tenir l'historique. De sécuriser l'alimentation en air des embrayeurs par une alimentation indépendante de celle d'air de service général. De mettre en conformité le plan du circuit d'air avec l'installation. De mettre en place une procédure de passation de suite des chefs-mécaniciens lors des relèves d'équipage. 9.2 A l'armateur et à la société de classification Concernant la sécurité de fonctionnement des compresseurs d'air installée sur les pupitres timonerie et salle de contrôle machine : · De mettre en place un voyant de signalisation de marche de chacun des compresseurs en service, sur le coffret et en timonerie. D'ajouter une alarme sonore et lumineuse « défaut compresseur » regroupant les alarmes de stop par sécurités, la non fermeture de l'électrovanne de purge avec report sur le réseau d'alarme machine du bord et en timonerie. D'installer un test lampes sur les coffrets de commande des compresseurs. Page 34 sur 52 · · Concernant la réfrigération des moteurs principaux : · D'assurer l'indépendance des circuits de façon à éviter qu'une défaillance de l'un affecte l'autre, ceci par une séparation de la caisse d'expansion. 9.3 Au constructeur des embrayeurs · · D'installer une préalarme à 9 bars. D'étudier un dispositif de marche forcée utilisable en cas de nécessité absolue (risque avéré d'accident). Page 35 sur 52 LISTE DES ANNEXES A. B. C. Décision d'enquête Dossier navire Cartographie Page 36 sur 52 Annexe A Décision d'enquête Page 37 sur 52 Page 38 sur 52 Annexe B Dossier navire Page 39 sur 52 Page 40 sur 52 Page 41 sur 52 Page 42 sur 52 Le SD GIRONDE en cale sèche au Havre. Page 43 sur 52 SD GIRONDE ­ Enfoncement du bordé tribord. Page 44 sur 52 SD GIRONDE ­ Déformation des membrures du bordé tribord. Rupture des tuyautages et des vannes du réfrigérent tribord. Page 45 sur 52 SD GIRONDE ­ Pupître avant passerelle. SD GIRONDE - Pupître avant passerelle - Ecran d'affichage des alarmes. Page 46 sur 52 SD GIRONDE ­ Centrale d'alarmes machine. SD GIRONDE ­ Compresseurs d'air et bouteille d'air inférieure. Page 47 sur 52 SD GIRONDE ­ Compresseur d'air de secours. SD GIRONDE ­ Réfrigérant tribord après remise en état des vannes et des tuyautages. Page 48 sur 52 SD GIRONDE ­ Bouteille d'air supérieure ­ Soupape de tête. Page 49 sur 52 Annexe C Cartographie Page 50 sur 52 Page 51 sur 52 Abordage entre le SD GIRONDE et le DUBLIN EXPRESS Page 52 sur 52 Ministère des Transports, de l'Energie, du Développement durable l'Equipement, du Tourisme et de la Mer Ministère de l'Ecologie, et de l'Aménagement du territoire Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Tour Pascal B sur les évènements de mer Bureau d'enquêtes 92055 LA DEFENSE CEDEX T : + 33 (0) 140 813 824 / F : +33 (0) 140 813 842 Bea-Mer@equipement.gouv.fr Tour Pascal B - Antenne Voltaire - 92055 La Défense cedex www.beamer-france.org téléphone : +33 (0) 1 40 81 38 24 - télécopie : +33 (0) 1 40 81 38 42 www.beamer-france.org bea-mer@developpement-durable.gouv.fr

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