Rapport d'enquête technique : échouement du navire roulier porte-conteneurs Rokia Delmas le 24 octobre 2006 au sud de l'île de Ré (un blessé)

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur l'échouement du navire roulier porte-conteneurs Rokia Delmas le 24 octobre 2006 au sud de l'île de Ré. Cet accident a fait un blessé. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident ; sécurité ; prévention des risques
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique ROKIA DELMAS 2 Rapport d'enquête technique ECHOUEMENT DU NAVIRE ROULIER PORTE-CONTENEURS ROKIA DELMAS LE 24 OCTOBRE 2006 AU SUD DE L'ÎLE DE RE (UN BLESSE) 1 2 Avertissement Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du titre III de la loi n°.2002-3 du 3 janvier 2002 et du décret n°.2004-85 du 26 janvier 2004 relatifs aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles du "Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents et incidents de mer" Résolutions n°.A.849.(20) et A.884 (21) de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) des 27/11/97 et 25/11/99. Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du sur les circonstances et les causes de l'événement analysé. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif a été d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. BEAmer 3 PLAN DU RAPPORT 1 2 3 4 5 6 7 8 CIRCONSTANCES CONTEXTE NAVIRE EQUIPAGE CHRONOLOGIE FACTEURS DU SINISTRE SYNTHESE RECOMMANDATIONS Page 6 Page 7 Page 8 Page 13 Page 19 Page 29 Page 52 Page 52 ANNEXES A. B. C. D. E. Décision d'enquête Dossier navires Trajectographies Dossier météorologique Cartographie 4 Liste des abréviations AIS APRA BEAmer : : : : : : : : : Système d'identification automatique des navires (Automatic Identification System) Aide de Pointage Radar Automatique (ARPA : Automatic Radar Plotting Aid) Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Diesel - Oil Fuel - Oil Distance Métacentrique Global Maritime Distress and Safety System (Système Mondial de Détresse et de Sécurité en Mer) Système mondial de localisation (Global Positioning System) Heure Prévue d'Arrivée Code international de gestion de la sécurité (ISM Code : International Safety Management Code) Memorandum Of Understanding « Service NAVTEX international » désigne le service d'émissions coordonnées et de réception automatique sur 518 kHz de renseignements sur la sécurité maritime (RSM) au moyen de la télégraphie à impression directe à bande étroite, en langue anglaise Convention internationale sur la sauvegarde de la Vie humaine en mer (International convention for the Safety Of Life At Sea) Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (International Convention on Standards of Training Certification and Watchkeeping) DO FO GM GMDSS GPS HPA ISM (Code) : MOU NAVTEX : : SOLAS STCW : : 5 1 CIRCONSTANCES Le 22 octobre 2006 à 20h20 (heure locale), le navire roulier porte-conteneurs ROKIA.DELMAS appareille de Vigo (Espagne) à destination du port français de La PalliceLa.Rochelle. Le vent est modéré de secteur Ouest avec une houle formée d'Ouest-Nord-Ouest. Les prévisions météorologiques dans le Golfe de Gascogne sont mauvaises : vent de Sud-Ouest force 7 à 8 avec rafales force 10 pour la journée du lundi 23 , fraîchissant 8 à 9 avec rafales jusqu'à 11 pour la nuit du 23 au 24. Dans l'après-midi du 23 octobre, le vent passe au Sud-Ouest force 8 à 9 et la mer est grosse de Sud-Ouest, la houle de Ouest-Nord-Ouest ayant été amortie par le changement de direction du vent. Par vent et mer de l'arrière le ROKIA DELMAS, fait route à environ 16.noeuds. Il roule et tangue modérément. Le 24 octobre à 01h35, il est à 20 milles de la bouée d'atterrissage de La Rochelle. Le capitaine appelle le port de La Pallice, lequel l'informe que le port est consigné et qu'il devra attendre sur rade ; le point de mouillage lui sera précisé plus tard, à son arrivée sur zone. Il diminue légèrement la vitesse du navire et prévient la machine, « dans une heure paré à manoeuvrer ». A 02h15, il passe du pilote automatique sur barre manuelle. A 02h36, le port de La Pallice lui indique sa position de mouillage, trois navires sont déjà mouillés. Il commence alors à engaîner le chenal du Pertuis d'Antioche, en venant progressivement d'environ 30° à droite, cap au 098. Le navire se met alors à fortement rouler. Il a du mal à gouverner et garder une stabilité de route en faisant des embardées de 20 à 30° . Le navire est tribord amures et la mer vient de trois quarts sur l'arrière du travers tribord. Il roule de 20 à 30° de chaque bord, sans doute moins sur tribord, le vent freinant le départ à la gîte. A 03h20, soit 30 minutes environ après le changement de route, le moteur principal stoppe. Quinze minutes plus tard, il est remis en service et le capitaine tente de venir bout au vent. Il y parvient presque, mais à 03h40, le moteur de propulsion s'arrête à nouveau. 6 Le ROKIA DELMAS évite sur bâbord et revient tribord amures. Pendant les 30 minutes qui suivent, le ROKIA DELMAS passe d'une situation dégradée à une situation critique. Les trois groupes électrogènes s'arrêtent, privant ainsi le navire de sa production électrique principale. Malgré tous les efforts de l'équipage, ni le moteur principal ni les groupes électrogènes ne pourront être redémarrés. Même le groupe électrogène de secours s'arrêtera aussi, une demi-heure plus tard. Désormais sans propulsion, sans énergie électrique, sans gouverne, le navire dérive à trois noeuds vers les hauts fonds. Le second capitaine se blesse en se rendant sur le gaillard pour tenter de mouiller les ancres et doit être secouru. Avec beaucoup de difficultés, le 1er lieutenant et le bosco parviennent à mouiller 6.maillons à bâbord, le mouillage de l'ancre tribord étant impossible. Mais l'ancre bâbord ne croche pas et le ROKIA DELMAS va s'échouer une heure plus tard sur les hauts fonds du Nord du chenal, au Sud de l'île de Ré, à la position 46° 8 N - 01° 09. 24.8 W. Les remorqueurs portuaires ne peuvent intervenir en raison des conditions de mer (creux de plus de 4 mètres). Vingt membres de l'équipage, dont le second capitaine, sont évacués par hélicoptère ; les autres restent à bord et sont évacués plus tard. Aucune pollution n'est observée ; en revanche, une voie d'eau est rapidement détectée au niveau du pont 1 et de la salle des machines mais, grâce aux moyens mis en place très rapidement, toute pollution sera évitée. Le navire ne pourra pas être déséchoué. Déclaré perte totale par ses assureurs en novembre 2006, il sera déchargé et découpé sur place. Les opérations d'enlèvement de la coque et des superstructures du ROKIA DELMAS seront achevées le 18 décembre 2007. 2 CONTEXTE - EXPLOITATION Le ROKIA DELMAS est exploité en service régulier entre l'Afrique de l'Ouest et l'Europe, principalement l'Espagne, la France et les pays du Nord-Ouest de l'Europe. En Europe, il dessert les ports d'Amsterdam, Anvers, Dunkerque, Le Havre, La.Pallice, Le Verdon et Vigo, où il décharge du bois de différentes essences et des 7 conteneurs de cacao chargés en Afrique de l'Ouest et recharge du fret roulier et des conteneurs à destination des ports africains. Il fait ainsi escale à Dakar, Abidjan (aller), Pointe Noire, Port Gentil, Libreville, Douala, Takoradi, Abidjan (retour) et San Pedro. Le jour de l'accident, le navire effectuait son voyage retour à destination des ports du Nord-Ouest de l'Europe, via Vigo et La Pallice. Pendant la tournée de l'Europe du Nord et celle de la côte d'Afrique de l'Ouest, un subrécargue embarque sur le navire. Il est chargé, avec le second capitaine, d'élaborer les plans de chargement et d'assurer la surveillance des opérations commerciales. Le ROKIA DELMAS était armé par un équipage polonais jusqu'en avril 2006, date à laquelle il est devenu propriété de DELMAS SAS, sa gestion technique étant confiée à CMACGM à Marseille, désignée comme la Compagnie au sens du code ISM. 3 NAVIRE Le ROKIA DELMAS (ex ROSA BLANCA) est un navire roulier porte-conteneurs battant pavillon panaméen, construit en 1985 au chantier Tsu de Nippon Koka à Yokohama (Japon). 3.1 Principales caractéristiques N° OMI Indicatif Longueur hors tout Largeur Creux Tirant d'eau (été) Port en lourd Jauge brute Jauge nette Vitesse en service Propulsion : : : : : : : : : : : 8315190 ; 3 EFP 4 ; 185,00 m ; 32,260 m ; 20,750 m ; 11,220 m ; 27601 tonnes ; 32924 ; 10016 ; 16 noeuds ; un moteur diesel Pielstick 10 cylindres type 10PC4-2V de 10392 kW à 398 t/mn à la puissance 8 maximum continue, entraînant une hélice de 7,30 m de diamètre à 4 pales orientables, à 74,5 t/mn par l'intermédiaire d'un réducteur ; Production d'électricité : 1 alternateur Taiyo de 1250 KVA - 450 V - 60 Hz attelé au moteur principal ; Diesel alternateurs Daihatsu 8DL28 - 2 x 2062 KVA 450 V - 60 Hz ; Diesel alternateur Daihatsu 6 DL28 - 1500 KVA 450 V - 60 Hz ; 1 Turboalternateur - 1250 KVA - 450 V - 60 Hz. En route libre, dans les conditions de navigation normales et si le navire ne transporte pas de conteneurs réfrigérés, l'alternateur attelé assure seul la production d'électricité. Le turbo-alternateur, lui, n'est plus utilisé. Si nécessaire, lorsque des conteneurs réfrigérés sont à bord, l'un des groupes électrogènes est couplé à l'alternateur attelé. En manoeuvre, il faut les trois groupes électrogènes pour alimenter le propulseur avant ou arrière, si l'alternateur attelé n'est pas en service. 3.2 Equipements de manoeuvre En plus de l'hélice à pas variable, le navire est équipé de deux propulseurs transversaux Kamewa 2400/AS - CP à l'avant et à l'arrière chacun de 1320 kW. Le navire dispose aussi d'une commande à distance du mouillage des ancres depuis la timonerie mais qui n'est plus en service. 3.3 3.3.1 Particularités de construction Emménagements Ils sont situés aux trois quarts arrière du navire, au-dessus des espaces machine, et répartis du pont 1 au pont 5, où se trouve la timonerie. 3.3.2 Espaces de cargaison Une porte rampe arrière (à un quart tribord) permet l'accès au pont 3 (pont principal) qui se trouve en-dessous du pont 4, qui comprend un pont abri sous les aménagements. Une rampe fixe intérieure, reliant le pont 3 au pont 4, est installée juste 9 devant la porte arrière à l'intérieur d'un tambour, fermé à son extrémité au pont 4 par une porte étanche. Le pont abri s'étend à l'arrière sous les emménagements, de part et d'autre du tambour de cette rampe. A l'intérieur, une rampe mobile à commande hydraulique permet l'accès du pont 3 au pont 2. Une rampe identique permet de descendre du pont 2 à l'extrémité avant du pont 1. Deux plate-formes relevables, destinées à recevoir des voitures, sont installées entre le pont 2 et le pont 3. Quand le navire ne transporte pas de voitures, ces plate-formes sont remontées contre le plafond du pont 2. Entre la coque extérieure et les espaces de cargaison, des galeries techniques sont aménagées avec des échappées entre les ponts 1, 2 et 3. Le navire est également équipé à l'avant d'une grue de 40 tonnes pour la manutention de la cargaison. Deux cales, équipées de cellules guides pour conteneurs, sont aménagées immédiatement à l'avant de cette grue. Ces deux cales sont pourvues de panneaux d'écoutille pour assurer leur étanchéité aux intempéries. Le navire peut charger 1446 conteneurs EVP ainsi que du fret réfrigéré, dans les cales ou dans des conteneurs. Il dispose de portes pilote à bâbord et à tribord, accessibles par les galeries techniques. 3.3.3 Timonerie et équipements de navigation La timonerie est de conception classique. La console de barre est installée à l'avant et au centre de la timonerie. La barre peut être commandée par pilote automatique, en système asservi par une roue, ou non asservi par boutons poussoirs. Le navire peut être aussi gouverné des ailerons de passerelle et en secours, du local de l'appareil à gouverner. La vitesse du moteur et le pas d'hélice sont commandés de la timonerie au moyen d'un combinateur (gradué de 0 à 10 en marche avant et en marche arrière), installé près de la console de barre à tribord. Pour obtenir la vitesse maximum en route libre, le combinateur doit être déplacé au delà de la graduation 6, jusqu'à 10, la vitesse de rotation du moteur passe de 329 à 390 t/mn. 10 La montée et la descente en allure sont gérées par un programmateur. Combinateur Position 10 5 3,5 2,5 1,5 Vitesse moteur t/mn 390 329 329 329 329 Vitesse navire noeuds 14,5 11,5 7,5 5,5 3,5 Route libre Avant toute Avant demi Avant lente Avant très lente En manoeuvre, la vitesse de rotation du moteur principal reste constante à 329.t/mn et le réglage de la vitesse du navire est obtenu par variation du pas de l'hélice. La vitesse de rotation constante permet au générateur électrique attelé de fonctionner en permanence. Sur le pupitre se trouvent aussi les alarmes machine, la commande de réduction d'allure d'urgence et l'arrêt d'urgence du moteur principal, différentes alarmes de niveau et la commande des propulseurs, ainsi que des appareils de télécommunication. Il y a également deux radars, l'un à bâbord du pupitre de barre, équipé de l'ARPA ; l'autre, à tribord du pupitre de commande du moteur principal, est un modèle classique. La table à cartes est installée à bâbord du pupitre de barre et du radar ARPA. L'équipement de navigation comprend aussi trois GPS, l'AIS et un enregistreur de cap. Différents indicateurs : vitesse, cap, nombre de tours du moteur principal, sont placés au centre, au-dessus des sabords de la passerelle. 3.3.4 Ballastage Du ballast peut être mis dans le peak avant, le peak arrière, les capacités en double fonds n° central, 2 bâbord et tribord, 3 bâ bord, central et tribord, 4 central et les 1 capacités latérales 1 à 5 à bâbord et tribord à l'exception du ballast 1 bâbord converti en ballast à combustible (FO). Cette capacité, qui peut contenir au maximum 340 m3 de FO, est utilisée en mer chaude du fait qu'elle n'est pas équipée de réchauffeur. Des caisses de gîte sont utilisées pendant les opérations de chargement ou de déchargement pour garder le navire droit. Au total, le navire dispose d'une capacité de ballastage de 9400 m3. 11 3.3.5 Chargement Le manuel de chargement, approuvé par le Bureau Veritas, autorise le chargement de 4 hauteurs de conteneurs sur le pont. Les conteneurs sont chargés dans le sens transversal ou dans le sens longitudinal. Lorsque 4 hauteurs de conteneurs sont chargées, les conteneurs du haut doivent être vides ou au moins plus légers. Il y a 34 baies de 20 pieds sur le pont. Ce manuel décrit le plan de saisissage et contient l'inventaire du matériel de saisissage pour le roulant et les conteneurs. Le saisissage de la cargaison est réalisé par les dockers avec un contrôle par l'équipage, au départ du navire et pendant le voyage. 3.4 Historique ROKIA DELMAS depuis le 18 octobre 1998, auparavant ROSA BLANCA, le navire a navigué sous pavillon suédois jusqu'au 09 juin 1993, puis sous pavillon libérien, port d'attache Monrovia, jusqu'au 10 avril 2006, date à laquelle il est passé sous pavillon panaméen. Depuis le 26 mars 1999, le navire est classé au Bureau Veritas, qui assure aussi la certification ISM et ISPS, avec les notations suivantes : Container ship Ro-ro cargo ship - Unrestricted navigation SHAFT ICE CLASS IC MACH. AUT-UMS MON- Auparavant, il était classé au Lloyd's Register. Les différents certificats de sécurité, de sûreté et de prévention de la pollution, exigés par la réglementation internationale, sont valides. Ceux-ci, dont le certificat AUT, ont été renouvelés par la société de classification les 23 mai et 23 août 2006. Les dernières visites annuelles coque et machine ont eu lieu le 14 septembre 2006. A noter, que les installations machine sont soumises à une reclassification continue et que le chef mécanicien est aussi agréé par le Bureau Veritas. 3.5 Contrôle par l'Etat du port Au cours de l'année 2006, le navire a fait l'objet de deux visites au titre du contrôle par l'Etat du port, dans le cadre du MOU de Paris), la première à La Pallice le 06 février 12 2006, la dernière, approfondie, à Anvers le 14 septembre 2006. Aucune n'a donné lieu à immobilisation du navire, aucune déficience n'ayant été relevée. 4 4.1 EQUIPAGE Composition L'équipage est composé normalement de 25 personnes mais, le jour de l'accident, il y en avait 26 : 13 pour le service pont, 10 pour le service machine et 3 pour le service général : - 7 de nationalité croate : capitaine, second capitaine, 1er lieutenant, lieutenant en instruction, chef mécanicien, second mécanicien, électricien ; - 19 de nationalité philippine : dont parmi les officiers, le 2ème lieutenant et l'officier chargé de l'administration et des communications, ainsi membres de l'équipage. Service pont Capitaine, second capitaine, 1er et 2ème lieutenant, bosco, ouvrier extérieur, 2 matelots qualifiés, 3 matelots non qualifiés. Service machine Chef mécanicien, second mécanicien, 3ème et 4ème mécanicien, électricien, 2.ouvriers mécaniciens, 2 graisseurs, un nettoyeur. Service général Chef cuisinier, second cuisinier, garçon. Le Safe Manning Certificate a été délivré par les autorités panaméennes. L'un des matelots possède un certificat d'aptitude au quart. Il est considéré comme officier en instruction et, à ce titre, fait le quart sous la supervision et le contrôle du capitaine, ce qui permet au second capitaine de travailler à la journée. que tous les autres 13 C'est l'agence de recrutement Techmar à Rijeka qui est chargée de fournir à CMACGM les équipages croates dont la durée des contrats est de 4 mois (+/- 1 mois). Les marins philippins, dont les contrats d'embarquement sont de 6 mois, sont eux recrutés par Scorpio UK pour le compte de CMA-CGM. 4.2 Qualification et expérience L'ensemble de l'équipage possède les brevets et qualifications requises pour ce type de navire. Le capitaine Agé de 53 ans, il a obtenu en 1983, le brevet de capitaine (Croatian Master Mariner's Certificate of Competency). Son brevet actuel de capitaine, délivré à Rijeka le 14.mars 2006, est valable jusqu'au 14 mars 2011. En conformité avec STCW 95, il possède aussi un brevet de capitaine, délivré le 1er août 2006 par les autorités de Panama. Il a commencé à naviguer en 1969 et exercé différentes fonctions. Promu commandant en 1991, il est resté depuis cette date dans la fonction. Il a essentiellement navigué à bord de vraquiers et de rouliers et a au moins 7 ans d'expérience de capitaine à bord des rouliers. En 2006, il est recruté par l'agence Techmar à Rijeka. Il embarque en supplément d'effectif sur le ROSA DELMAS du 30 avril au 5 mai, avant d'embarquer sur le ROKIA DELMAS à La Rochelle le 23 mai et d'en prendre le commandement le 1er juin. C'est donc son premier contrat avec CMA-CGM et son premier embarquement sur DELMAS. Lorsqu'il a embarqué, le navire commençait sa tournée du Nord. Le le ROKIA capitaine précédent est resté à bord avec lui jusqu'au Havre où il a débarqué le 1er juin. Le jour de l'accident, c'est la 4ème fois qu'il va faire escale à La Pallice. Le second capitaine Agé de 39 ans, Il possède un brevet croate de second capitaine sans limitation, revalidé en 2005. En conformité avec STCW, son brevet a été visé par l'état du pavillon du ROKIA DELMAS, la République du Panama, le 10 juillet 2006. Il a embarqué pour la 1ère fois comme élève officier en 1987. En 1989, il obtient son premier brevet d'officier chargé du quart à la passerelle et revient naviguer comme 2ème lieutenant. 14 En 1993, il rejoint Trans-Europe comme 1er lieutenant et continue à naviguer sur le service roulier, entre Ostende et Ramsgate, jusqu'en 1999 où il est nommé dans la fonction de second capitaine. En juillet 2006, il est recruté par Techmar pour naviguer sur des navires de CMA-CGM. Avant de rallier le ROKIA DELMAS, il a passé une courte période au bureau de Techmar à Rijeka où il a reçu des informations sur les caractéristiques du navire et les particularités de la ligne desservie. Il a quitté la Croatie le 10 juillet pour rejoindre le navire à Vigo. Embarqué depuis le 11 juillet 2006, c'est son premier contrat avec CMA-CGM et son premier embarquement comme second capitaine sur le ROKIA DELMAS. Il a navigué en double avec le second capitaine précédent qui a débarqué à Amsterdam le 15 juillet. Luimême devait débarquer à la prochaine escale d'Amsterdam. Le 1er lieutenant Agé de 30 ans, il a obtenu son brevet d'officier chargé du quart passerelle le 29.novembre 2004. Conformément à STCW, son brevet a été visé par les autorités de Panama le 30.août.2006. Il a débuté la navigation en 2003 comme matelot puis élève. Il a navigué sur des navires où Techmar fournissait les équipages. En 2004, il embarque 7 mois comme élève sur le CMA-CGM PUGET. Promu 1er lieutenant en avril 2005, il est affecté sur le ELWOOD, exploité par West Africa Logistics. Ensuite, il effectue un seul embarquement comme lieutenant sur le porteconteneurs de CMA-CGM, le CMA-CGM ORAN, avant d'embarquer à Anvers le 19.juillet 2006 sur le ROKIA DELMAS. Il devait débarquer à Amsterdam vers le 27 octobre et être remplacé par le 1er lieutenant observateur. Le 1er lieutenant observateur Il a rejoint le navire le 21 octobre pendant l'escale à Vigo pour remplacer le 1 .lieutenant actuellement embarqué. C'est son 1er embarquement à bord du ROKIA DELMAS. er Pendant la période du 21 au 27.octobre (date de la relève avec son collègue), il doit se familiariser avec le navire. Aussi, il fait le quart en double avec l'autre 1er lieutenant. Depuis 2004, il est titulaire du brevet d'officier chargé du quart passerelle sans limitation. Auparavant, il a navigué sur d'autres navires de CMA-CGM : le CAP CAMARAT 15 pendant 2,5 mois sur la ligne Marseille - Alger et le FAS PROVENCE durant 4 mois (ligne Barcelone - Marseille - Malte - Afrique du Nord). Le 2ème lieutenant En avril 2006, il était encore matelot. Il a été promu 2ème lieutenant le 20.septembre 2006, date à laquelle il a embarqué sur le ROKIA DELMAS à l'escale d'Amsterdam. C'est son premier embarquement à bord du ROKIA DELMAS. L'officier chargé de l'administration et des communications (ACO) Il a embarqué le 11 septembre à Amsterdam. Il possède un brevet d'officier radio électronicien. C'est son 1er contrat avec CMA-CGM et son 1er embarquement à bord du ROKIA.DELMAS. Le chef mécanicien Agé de 36 ans, il a embarqué sur le ROKIA DELMAS le 10 septembre 2006 à Anvers. Il a commencé à naviguer en février 1994 comme novice. En 1995, il obtient le certificat de compétence d'officier mécanicien de quart, délivré par les autorités croates, et retourne naviguer comme 3ème mécanicien. Il obtient son brevet de chef mécanicien le 12 janvier 2003, lequel est revalidé en janvier 2006. En conformité avec STCW, son brevet est visé par l'Etat du pavillon, la république du Panama. Il navigue comme troisième mécanicien, puis second mécanicien et chef mécanicien jusqu'en 2005, année où il a été embarqué, pour la première fois, par la CMACGM, sur le ROKIA DELMAS le 14 septembre 2006, un mois et demi avant l'évènement du 24.octobre 2006. Le second mécanicien Il navigue depuis 1975 et exerce les fonctions de second mécanicien depuis 1981. Depuis le 05 juillet 2004, il est titulaire du brevet de second mécanicien. Pendant 7 ans, il a navigué sur les lignes maritimes transmanche où il a fait la ligne Ostende - Ramsgate. 16 C'est son premier contrat avec CMA-CGM ; il a rallié le navire en juillet 2006. C'est également son premier embarquement sur le ROKIA DELMAS. Le 3ème mécanicien Il possède depuis le 22 octobre 2003 le brevet d'officier mécanicien sans limitation. Il a rallié le navire le 11 septembre 2006 à Amsterdam. C'est son cinquième contrat avec CMA-CGM et son premier embarquement à bord du ROKIA DELMAS. Le 4ème mécanicien Il possède depuis le 04 décembre 2003 le brevet d'officier mécanicien sans limitation. Il a rallié le navire le 7 avril 2006. C'est son 4ème contrat avec CMA-CGM, mais son premier embarquement à bord du ROKIA DELMAS. L'électricien Agé de 56 ans, il exerce le métier d'électricien depuis 35 ans, mais c'est depuis le 29.août 1994 qu'il est titulaire du brevet d'électricien. Il a d'abord navigué pendant 20 ans comme électricien à la Compagnie Nationale de Navigation Yougoslave. Il a ensuite embarqué pendant 14 ans dans la même fonction à bord de navires internationaux. En 2004, il est recruté par l'agence Techmar pour embarquer à bord de navires de CMA-CGM. Les deux derniers embarquements qu'il a effectué l'ont été à bord des porteconteneurs CMA-CGM LA TOUR et CMA-CGM EIFFEL. Le 1er juin 2006, il embarque au Havre pour la première fois sur le ROKIA DELMAS. Le bosco Il a embarqué pour la 1ère fois sur le ROKIA DELMAS le 31 mars à Anvers. C'est aussi son 1er contrat avec CMA-CGM. 4.3 Organisation du travail Service à la mer Le quart passerelle est assuré par le capitaine, le 1er et le 2ème lieutenant, chacun assisté d'un matelot de veille. Il est organisé de la façon suivante : 17 - 00h00 ­ 04h00 / 12h00 ­ 16h00 : - 04h00 ­ 08h00 / 16h00 ­ 20h00 : - 08h00 ­ 12h00 / 20h00 ­ 00h00 : 1er lieutenant + 1 matelot ; 2ème lieutenant + 1 matelot ; officier en instruction / capitaine + 1 matelot. Le second capitaine ne fait donc pas de quart. Il est remplacé par l'officier en instruction. Il travaille à la journée, ce qui lui permet de superviser l'entretien du navire par l'équipage, de remplir des tâches administratives et de s'occuper du chargement. A l'arrivée et au départ, il se tient à la passerelle où il assiste le commandant pendant les manoeuvres. A l'arrivée au port, juste avant la mise à quai, il quitte la passerelle pour aider au positionnement du navire et superviser la mise à terre de la porte rampe arrière. Le 1er lieutenant fait le quart de 00h00 à 04h00. En manoeuvre, il se trouve sur la plage avant pour les opérations d'accostage et d'appareillage. En tant qu'officier de navigation, il est chargé d'établir les plans de traversée sous les directives du commandant, de faire la correction des cartes et de tenir à jour les différents documents nautiques. Le 2ème lieutenant fait le quart de 04h00 à 08h00. Il exerce aussi la fonction d'officier de sécurité et a la charge de l'entretien des installations et du matériel de protection et de lutte contre l'incendie, des embarcations et autres équipements de sécurité / sauvetage. Pendant les manoeuvres d'accostage et d'appareillage, il est sur la plage arrière pour donner les distances et superviser les opérations d'amarrage. Les deux matelots, affectés à la veille pendant le quart des deux lieutenants, travaillent également sur le pont pendant leur quart de jour. L'officier chargé de l'administration et des communications effectue à la fois des tâches administratives et exerce des fonctions d'officier radio. Il s'occupe du GMDSS, des équipements informatiques et des appareils de navigation. A l'arrivée et au départ, il prend en charge le pilote. Pendant les manoeuvres, il est présent à la passerelle aux côtés du capitaine et transmet les ordres de barre au timonier. Service au port Le service au port est assuré par deux officiers ou trois, s'il y a un officier en formation. Le bosco, l'ouvrier extérieur et 4 matelots participent au service. 18 Manoeuvres Sont présents : - à la passerelle : capitaine, lieutenant administratif et un matelot ; - sur la plage avant : 1er lieutenant, bosco et 2 matelots ; - sur la plage arrière : second capitaine, 2ème lieutenant, ouvrier extérieur, matelot. Machine Le navire ayant la marque AUT, le quart à la machine à la mer dans des conditions de navigation normales n'est donc pas nécessaire. En pratique, du personnel est présent en permanence pendant la journée, durant laquelle les mécaniciens effectuent les opérations d'entretien. Les horaires de travail d'une journée normale sont : 08h00 - 12h00 / 13h00 17h00. La nuit, le quart machine est assuré par les deux graisseurs, chacun à tour de rôle pendant 6 heures. En cas d'alarme, ils préviennent l'officier mécanicien de service (second mécanicien, 3ème ou 4ème mécanicien). Pendant les heures ouvrables, l'officier mécanicien de service effectue des rondes dans la machine dont une dernière à 22h00, selon une checklist, avant d'aller se coucher. Le second mécanicien est responsable des transferts d'huile. Les alarmes sont gérées par un système centralisé. Elles sont affichées sur des écrans, l'un à la salle de contrôle machine, l'autre dans le bureau du chef mécanicien. Une alarme sonore est reportée dans la cabine de l'officier mécanicien de service. Les alarmes ne sont pas enregistrées sur une imprimante. C'est l'officier mécanicien de service ou le graisseur qui note chaque alarme sur un cahier servant de registre des alarmes. En manoeuvre, en plus du graisseur de quart, sont présents : le chef mécanicien, le second mécanicien, les deux officiers mécaniciens et l'électricien. 5 CHRONOLOGIE DE L'EVENEMENT ENCHAINEMENT DES FAITS ET Cette chronologie a été établie à partir du rapport de mer du capitaine, des déclarations de l'équipage, des auditions des membres de l'équipage et des autorités portuaires par les enquêteurs du BEAmer. 19 Les heures sont données en heures locales TU + 2 Le voyage San Pedro - Vigo Le 10 octobre 2006, Le navire achève son chargement à San Pedro (Côte d'Ivoire). Le 13 octobre 2006, Le ROKIA DELMAS appareille de San Pedro avec à son bord 7000 t de bois débité et à peu près un tonnage équivalent en conteneurs. Tout le bois est chargé en cale, à l'exception de 133 tonnes de bois de placage chargées au pont 4, à la partie arrière du pont abri. Au total, 77.conteneurs sont chargés sur les ponts rouliers n° et 2. Les cales n° et 2 1 1 sont remplies de conteneurs. L'extrémité avant bâbord du pont n° a été laissée libre pour permettre à la rampe 1 d'accès du pont n° au pont n° d'être abaissée. De même, la zone sous la rampe à l'arrière 2 1 bâbord du pont n° est libre. Cependant, une cloiso n longitudinale sépare cet espace libre 2 du bois chargé sur le côté tribord. Les ballasts en double fond 3 central et 4 central et le peak arrière sont pleins. Il y a aussi 900 t de combustible FO et DO. Lorsque le navire quitte San Pedro, le tirant d'eau est 9,77 m et le GM 1,32 m. Le 21 octobre 2006, Vers 20h00, le navire arrive à Vigo. Le voyage s'est déroulé normalement, avec une vitesse moyenne de 14,31 noeuds, mais déjà avant l'arrivée, les conditions météo ont commencé à se dégrader. A Vigo, il décharge environ 1400 tonnes de bois de placage du pont n° principalement à bâbord mais aussi un peu à tribord. 3, Le 22 octobre 2006, A 17h00, le déchargement est terminé. Juste avant le départ, un ensemble routier de 34 tonnes est embarqué à l'extrémité arrière tribord du pont n° 3. A 17h15, les opérations commerciales sont terminées. 20 Au départ de Vigo, le ROKIA DELMAS est donc chargé de 7490.tonnes en conteneurs et de 5500 tonnes de bois débité en palettes ou en paquets. A l'exception de 133 tonnes de bois de placage, chargées sur le côté tribord arrière du pont abri, sous les emménagements, les autres bois sont entreposés en cale. Les palettes sont assemblées sous forme de blocs, sur 4 ou 5 hauteurs, allant presque jusqu'au pont au-dessus et 4, 5 ou 6 en largeur, en fonction de l'espace disponible. Chaque palette pèse entre 1 et 2 tonnes, selon l'essence du bois. Elle sont sanglées et possèdent une élingue de levage pour le déchargement. Avant de constituer ces blocs, les dockers allongent les chaînes de saisissage sur le pont, à environ un mètre d'intervalle. Une fois les palettes assemblées en blocs, ceux-ci sont saisis sur le pont avec les chaînes. Les conteneurs sont fixés conformément au manuel d'assujettissement. Le saisissage est réalisé en utilisant des verrous tournants manuels, barres de saisissage et ridoirs. En prévision du mauvais temps pendant la traversée Vigo-La Rochelle, le second capitaine fait contrôler par l'équipage le saisissage de la cargaison et le fait renforcer en tant que de besoin. Il aura fallu 4 heures à l'équipage pour contrôler et reprendre le saisissage avant le départ. L'appareillage de Vigo est aussi légèrement retardé en raison de difficultés techniques rencontrées avec l'embrayage de l'alternateur attelé, lequel a été mis hors service pour la durée de la traversée. La production d'électricité est ainsi assurée par les diesels alternateurs. De ce fait, un seul propulseur peut être utilisé. Dans ce cas, des remorqueurs sont nécessaires pour les manoeuvres d'accostage et d'appareillage. A 20h20, le navire appareille de Vigo. Son heure prévisionnelle d'arrivée (HPA) à La.Pallice est 04h00 le 24 octobre. La pleine mer est à 06h00 à La Rochelle. Le temps est relativement beau et clair mais une forte houle de Nord-Ouest est en train de se former. En plus de la cargaison, les ballasts 3 et 4 centraux en double fond sont remplis au maximum pour limiter les effets de carène liquide. En outre, il y a à peu près 603 tonnes de FO et 52.tonnes de DO à bord. Le ROKIA DELMAS quitte Vigo avec les tirants d'eau suivants : T AV 9,30 m, T AR 9,40 m et une hauteur métacentrique GM de 1,36 m. Les critères de stabilité sont satisfaisants. 21 Le 23 octobre 2006, Le navire passe le Cap Finisterre. La journée se déroule normalement. Avec le vent du Sud-Ouest et la longue houle qui viennent presque directement sur l'arrière, le ROKIA DELMAS fait route à environ 16 noeuds (vitesse moteur 389 t/mn, pas d'hélice 85%). Il roule de 10° . Un peu avant 20h00, le capitaine monte à la passerelle. C'est l'officier en instruction qui prend le quart avec lui. A minuit, le 1er lieutenant remplace l'officier en instruction. Il est rejoint par son collègue qui doit le remplacer à son débarquement. Le capitaine, lui, reste à la passerelle pour préparer l'arrivée à La Rochelle. La route est au 064 (cap vrai) mais il gouverne au pilote automatique au 069. La vitesse du ROKIA DELMAS varie de 15,5 à 16,5 noeuds et il se trouve à 30 milles de son prochain point de changement de route. Il est à l'extrémité Ouest du chenal d'approche de La Rochelle. Le vent est Sud-Ouest force 9. La houle est aussi du Sud-Ouest avec des creux de 7 à 8.mètres. La visibilité est supérieure à 6 milles. A minuit, un point GPS porté sur la carte confirme que le ROKIA DELMAS est sur la route prévue. Les deux radars sont en route mais il n'y a pas de trafic dans la zone. Le 24 octobre 2006, A 01h00, un autre point GPS est porté sur la carte. A 01h35, le capitaine prévient la machine « dans une heure, paré à manoeuvrer ». Il reste à peu près 20 milles à parcourir d'ici le prochain point de changement de route, à l'entrée du chenal d'approche. Il appelle le port de La Pallice pour confirmer son HPA à la station de pilotage. La capitainerie l'informe que le pilotage est suspendu et le port consigné en raison des très mauvaises conditions météo. Il doit aller mouiller sur rade et rappeler dans une heure pour connaître la position de son point de mouillage. Le second moteur de barre est mis en service. Il fait nuit noire mais la visibilité est bonne, au moins 6 milles. Le vent s'est renforcé du sud ouest force 9, avec des rafales force 10. 22 Peu après, l'attention du capitaine est attirée par un bruit de heurt contre la structure du navire. Ce bruit sourd, perçu à chaque mouvement de roulis, semble provenir du pont abri, du côté tribord. Le capitaine envoie le matelot de service à la passerelle faire une ronde pour déterminer l'origine du bruit. Peu de temps après, celui ci l'informe par walkietalkie que ce sont les palettes de bois de placage chargées à tribord sous les emménagements à l'arrière du pont abri, qui bougent avec le mouvement de roulis du navire et qu'il ne peut pas ouvrir la porte d'accès au pont pour aller plus loin. Il rejoint quelques instants plus tard son poste à la passerelle. A 01h45, le capitaine appelle le second capitaine et lui demande d'aller vérifier avec le bosco le déplacement de la cargaison au pont abri. 15 minutes plus tard, le second capitaine quitte la passerelle avec un walkie talkie. Il descend jusqu'au pont 4. En ouvrant la porte côté tribord, il voit les palettes de bois de placage glisser de chaque côté avec les mouvements du navire. Il fait nuit et il estime que c'est trop dangereux d'aller plus loin. Les palettes ne peuvent pas se déplacer dans le sens longitudinal car elles sont calées par les conteneurs adjacents. Tout au plus, le chargement pourrait se déplacer d'un mètre dans le sens transversal. Il n'est donc pas particulièrement inquiet et en rend compte au capitaine. Le seul problème est le fait que le chargement a été disposé pour laisser un mètre de passage afin d'accéder directement au pont abri depuis les emménagements. Du fait du ripage de la cargaison, ce passage n'est plus possible. Puis, le second capitaine poursuit jusqu'au pont 3 . Il vérifie que la porte rampe arrière est bien verrouillée et que les élévateurs à fourche et le camion, chargés à Vigo, sont bien arrimés. Il remarque une certaine souplesse des paquets de bois avec le roulis et note que la cargaison reste saisie. Il continue ensuite jusqu'au local de ballastage et au bureau cargaison (bureau pont) au pont 1, où il prend le temps de ranger quelques papiers et de sécuriser son ordinateur. Il est environ 02h30. Entre temps, vers 01h50, le chef mécanicien arrive à la salle de contrôle machine. Peu de temps après son arrivée, un mécanicien démarre le 3ème groupe (N° et le couple au 3) tableau principal. A 02h15, le capitaine demande au matelot de prendre la barre en vue de changer de route pour engainer le chenal de La Rochelle. Il commence à réduire la vitesse du moteur et le pas d'hélice jusqu'à l'allure de manoeuvre, en passant de la position 10 à la position 8 sur le combiné. La vitesse fond tombe entre 13,5 et 14 noeuds. 23 A 02h36, il reste un peu moins de 2 milles à parcourir avant le point de changement de route pour engainer le chenal d'approche. Le capitaine commence à modifier la route sur tribord et vient progressivement du 064 au 098. Comme il change de route sur tribord, le ROKIA.DELMAS commence à rouler très fortement et embarque des embruns à tribord. Vers 02h50, un point radar sur la carte montre que le navire est légèrement à l'extérieur de la lisière nord du chenal d'approche ; sa vitesse est de 12 à 14 noeuds. Entre temps, le capitaine contacte le port de La Rochelle comme prévu pour l'informer que le ROKIA.DELMAS a embouqué le chenal. Trois navires sont déjà au mouillage et le port lui attribue la position 6 dans la zone de mouillage (46° N ­ 001° .W). Il lui donne aussi la 05 15 vitesse du vent dans le port : 45 à 50 noeuds, rafales 60 à 65.noeuds. La route pour rejoindre le chenal est au 098 mais, afin de faire venir le navire au sud de la route, il doit gouverner entre le 102 et le 105 à cause de la houle et du vent. Le capitaine se tient à côté du timonier, lequel a beaucoup de difficulté à tenir le cap, avec des embardées de 20 à 30° Comme il continue de venir à tribord, le ROKIA DELMAS se trouve . travers à la mer et au vent ; le roulis s'accentue, l'inclinomètre dépasse parfois 35° Il est très . difficile de se tenir à la passerelle. A ce moment, l'officier administration et communications ACO arrive à la passerelle. Peu de temps après avoir changé de route, l'alarme de niveau bas d'huile du propulseur d'étrave, qui n'est pas en service, déclenche au pupitre. A 03h00, le 1er lieutenant porte un nouveau point sur la carte, le navire est à la limite nord du chenal. Au vu de la position à 03h15, le capitaine est confiant dans la progression vers le point de mouillage. A 03h20, le moteur principal s'arrête et les commandes du moteur sont transférées à la salle de contrôle machine. Les mécaniciens essayent de le redémarrer. Peu après que le moteur ait stoppé, le capitaine envoie le second capitaine, le bosco et un matelot dessaisir les ancres, paré à mouiller. La vitesse du navire est réduite de manière significative et l'avant abat lentement vers tribord en raison de l'effet de voile du château et de la porte rampe arrière. Le GPS indique une vitesse fond de 3,5 noeuds et une route fond au 060° montrant que le navire , dérive vers le Nord-Ouest. Le ROKIA DELMAS, qui est maintenant travers à la mer et au vent, roule violemment. 24 5 à 10 minutes plus tard, le capitaine reçoit un appel du bosco qui l'informe que le second capitaine s'est blessé. Le capitaine envoie l'ACO et le 1er lieutenant observateur lui porter secours. Restent alors à la passerelle avec lui, le timonier, et le 1er lieutenant. Un peu plus tard, il apprend que le second capitaine s'est cassé le bras lorsqu'il a été projeté contre la paroi extérieure de l'arrière bâbord du pont abri sous les emménagements, à la suite d'un violent coup de roulis. Il remarque que le ROKIA DELMAS tend à rouler davantage sur bâbord que sur tribord. A 03h25, le 1er lieutenant porte une nouvelle position sur la carte, laquelle indique que le ROKIA DELMAS dérive vers l'Est et qu'il est légèrement à l'extérieur de l'extrémité Nord du chenal. Le moteur principal est toujours stoppé et le capitaine évalue le roulis entre 40 et 45° à bâbord, un peu moins sur tribord, à cause de la gîte sur bâbord. Après que le 1er lieutenant ait porté le point de 03h25 sur la carte, le capitaine lui demande de rejoindre le bosco pour aller dessaisir les ancres paré à mouiller. Il lui recommande la plus grande prudence en passant par le côté bâbord pour se rendre à l'avant, car tribord est le côté le plus exposé à la mer. Néanmoins, le côté bâbord est aussi dangereux en raison du roulis plus important. Le capitaine est très préoccupé par la sécurité des intervenants. Il allume les projecteurs de mouillage sur le gaillard pour les éclairer. Il prévient le port de La Pallice de la panne de propulsion et demande l'assistance de deux remorqueurs. Le 1er lieutenant retrouve le bosco sur le pont principal près du second capitaine et il continue vers l'avant le long du côté bâbord avec beaucoup de difficulté. Il leur faut 15 minutes pour atteindre le gaillard. Lorsqu'ils atteignent le gaillard, les projecteurs de mouillage sont encore allumés. Vers 03h35, le chef mécanicien redémarre le moteur principal. Une fois le moteur remis en service, la salle de contrôle machine repasse les commandes à la passerelle. Le capitaine met le combiné sur la position 3 et il commence à faire venir le ROKIA DELMAS sur tribord. Peu de temps après, le cap du navire est au 230° avec la mer et le vent à 10° sur , l'avant tribord. L'intention du capitaine est d'essayer si possible de regagner le large. Le port de La Rochelle est prévenu du redémarrage du moteur. Cependant, moins de cinq minutes plus tard, vers 03h40, le moteur principal s'arrête à nouveau ; les mécaniciens ne parviendront plus à le redémarrer. Le capitaine en informe le port de La Rochelle et demande l'assistance des remorqueurs et aussi une assistance médicale pour le second capitaine. Il avertit la personne désignée à Marseille de la situation d'urgence. 25 De son côté, le chef mécanicien l'informe que les deux arrêts du moteur principal et les difficultés de redémarrage seraient consécutives à un désamorçage des pompes à huile dont l'origine serait des entrées d'air provoquées par le déplacement de l'huile dans le tank de retour à la suite des violents coups de roulis et de la gîte sur bâbord. Le 2ème lieutenant qui prend le quart à la passerelle porte un point GPS sur la carte. Il note que le ROKIA DELMAS est en train de dériver à environ 3 noeuds sur une route au 60° vers la côte. Il donne sa nouvelle position au port de La Rochelle. Dès que le moteur stoppe une 2ème fois, le ROKIA DELMAS commence à abattre à nouveau sur bâbord et, recevant le vent et la mer par le travers, il se remet à rouler violemment. Il commence aussi à dériver en direction du Nord-Est avec l'influence du courant de marée. Bientôt, ce sont les trois groupes électrogènes qui déclenchent. A 04h08, le navire a donc perdu sa production électrique principale. Seul le groupe électrogène de secours est encore en service et assure une production d'électricité minimum permettant d'alimenter, entre autres, les feux de navigation et les deux VHF. Vers 04h10, le 1er lieutenant réussit à mouiller 6 maillons à bâbord. A la demande du capitaine de mouiller également l'ancre tribord, il répond que cela n'est pas possible à cause des violents coups de roulis. Le retour vers les emménagements étant trop dangereux, le capitaine lui recommande de chercher à s'abriter sur le gaillard avec le bosco. Ils s'abritent au mieux derrière le mât avant, en attendant d'être rejoints par les autres membres de l'équipage au moment de l'évacuation du navire. A 04h20, le capitaine reprend contact avec le port de La Rochelle et l'informe de l'évolution de la situation du navire. Il demande l'assistance immédiate des remorqueurs. Il donne sa position de mouillage : 46° 09,1 N - 001° ,7 W. 26 A 04h25, le chef mécanicien l'informe que les tentatives successives pour relancer le moteur principal et les groupes électrogènes ont vidé les bouteilles d'air de lancement. De plus, les compresseurs d'air, qui connaissent maintenant eux aussi des problèmes de graissage, s'arrêtent. Il est impossible de redémarrer les moteurs. Il confirme que le groupe électrogène de secours est en service ainsi que le compresseur d'air de secours en espérant que ce dernier fournira suffisamment d'air pour refaire une tentative de lancement. Compte tenu de la situation, le capitaine ordonne à l'équipe machine de quitter la salle de contrôle et de rallier la timonerie où se sont déjà rassemblés les autres membres de 26 l'équipage équipés de leurs brassières de sauvetage. En vue de l'évacuation du navire, il fait procéder à un appel pour s'assurer qu'aucun homme n'est manquant. Comme l'ancre bâbord est mouillée, le ROKIA DELMAS commence a éviter lentement sur tribord. Toutefois, le capitaine n'a aucun contrôle de la tenue au mouillage du navire, les deux radars et le gyrocompas ayant stoppé. Mais, comme le navire n'est pas venu au vent et qu'il continue de dériver avec le travers exposé à la mer, il pense que l'ancre ne tient pas et que le navire va aller s'échouer à la côte. Le navire continue à rouler violemment, avec une gîte permanente à bâbord causée par le ripage de cargaison. L'angle de roulis est si important (évalué à plus de 45° à bâbord) que le capitaine craint même que le navire ne chavire. Il devient de plus en plus difficile de se tenir à la passerelle. Il fait noir et la visibilité depuis la passerelle, complètement balayée à tribord par les embruns, est réduite. Vers 04h40, le groupe de secours stoppe, privant le navire de toute énergie électrique. Le capitaine apprendra plus tard que c'est l'électricien qui a arrêté le groupe de secours à la suite d'un début d'incendie. Au même moment, un hélicoptère arrive sur les lieux pour évacuer le second capitaine. Ce dernier est hissé jusqu'à la passerelle pour être évacué depuis l'aileron. Mais c'est le 3ème mécanicien qui est évacué en premier. De l'aileron, l'hélitreuillage s'avère extrêmement dangereux et le mécanicien se balance tout près de la passerelle supérieure alors qu'il est suspendu au câble. Les conditions étant trop difficiles, l'hélicoptère demande que toute l'évacuation se fasse depuis le gaillard. Il faut plus d'une demi-heure pour acheminer le second capitaine de la passerelle jusqu'au gaillard, l'opération étant très dangereuse à cause des paquets de mer, de l'obscurité, de la gîte et du roulis. Vers 05h25, le second capitaine est hélitreuillé et évacué vers l'hôpital de la Rochelle. Juste avant de quitter la passerelle, le capitaine sent le navire toucher le fond une première fois. Vers 05h35, le ROKIA DELMAS est échoué à la position 46° 09,8 N ­ 001° 24,8 W, près de la limite des fonds de 5 mètres. Cette position va évoluer en fonction des mouvements de houle. Vers 06h05, le CROSS Etel décide l'évacuation de l'équipage par hélitreuillage ; 20.hommes sont évacués. Depuis 06h00, la position du navire ne paraît plus changer. 27 Vers 06h15, le remorqueur portuaire COGNAC arrive sur zone ; il est suivi par l'autre remorqueur ATTENTIF. Le capitaine ne veut pas quitter le navire et choisit quatre officiers et le bosco pour rester à bord avec lui. Avec le chef mécanicien, l'électricien, les deux lieutenants et le bosco, ils s'abritent dans le gaillard en attendant la levée du jour. Pendant ce temps, il sent le navire tosser sur le fond avec la houle, et la gîte semble augmenter sur bâbord. A 07h00, un hélicoptère Super Frelon décolle de la base de Lanvéoc avec une équipe d'évaluation - intervention. Au lever du jour, vers 07h15, le capitaine et l'équipage resté avec lui retournent vers les emménagements en passant par le côté tribord du pont principal. Avant de quitter le gaillard, le capitaine constate que la chaîne de l'ancre bâbord pend verticalement de l'écubier jusqu'à l'eau. De la passerelle, il s'aperçoit que de nombreux conteneurs ont bougé. Des conteneurs sur le panneau de cale à tribord reposent contre la grue qui est courbée par leur poids. Beaucoup d'autres piles ont ripé et ne sont plus dans leur position initiale. Il semble que des barres de saisissage et des verrous tournants aient lâché. Trois conteneurs sur le côté bâbord du pont principal sous le château sont tombés et des fèves de cacao se sont répandues sur le pont. Plus tard dans la matinée, il remarque, en contrôlant le plan de chargement avec le 1 .lieutenant, que 3 conteneurs à bâbord à l'arrière du pont principal sont manquants. Il note aussi que l'une de vitres de la passerelle à bâbord est brisée et que la gîte est de 18°sur bâbord. L'électricien et le chef mécanicien descendent à la machine et rapportent que le compartiment est envahi en raison d'une voie d'eau mais ils ne peuvent en déterminer l'origine. Vers 08h30, l'électricien effectue une réparation provisoire sur le tableau de secours. Le groupe de secours est redémarré pour fournir de l'électricité dans les emménagements, mais la puissance n'est pas suffisante pour mettre en route les pompes d'assèchement et vider l'eau dans la machine. Plus tard, le capitaine se rend dans les autres ponts. Au pont 3, la cargaison est encore en place, seul l'un des élévateurs à fourche est tombé sur le côté. Au pont 2, il constate que le bois qui était chargé à tribord a ripé sur bâbord et est étalé tout le long du côté bâbord. L'espace est sec. Il estime que plus de 350 t de bois ont ripé. Il ne peut pas descendre au pont n° car le chargement n'en permet pas l'accès. 1 er 28 Il prend contact avec la compagnie à Marseille en utilisant son téléphone mobile, laquelle l'informe qu'un contrat a été passé avec une société de sauvetage. Il prend aussi contact avec le port avec une radio portable que l'hélicoptère qui a évacué l'équipage lui a laissé. A 10h30, la vedette SNS 44 arrive sur zone mais les conditions nautiques ne lui permettent pas d'accoster. Nouvelle position : 46° 0 N - 001° 1 24,8 W A 11h50, deux plongeurs sont hélitreuillés à bord pour procéder à une première évaluation. A 13h45, 5 motopompes sont hélitreuillées avec du personnel. Il est constaté que le compartiment machine est envahi jusqu'aux culasses du moteur principal. L'eau n'a pas atteint le local des groupes électrogènes. Le pont 1 est aussi noyé. A 14h00, arrivent des représentant de CMA CGM , du P&I Club et de la société de sauvetage. A 14h35, l'ABEILLE LANGUEDOC est sur zone. Vers 19h00, arrivée de l'ABEILLE BOURBON. Vers minuit, départ de l'ABEILLE LANGUEDOC pour Brest. 6 DETERMINATION & DISCUSSION FACTEURS DU SINISTRE La méthode retenue pour cette détermination a été celle utilisée par le DES BEAmer pour l'ensemble de ses enquêtes, conformément à la résolution OMI A.849.(20) modifiée par la résolution A.884.(21). Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : · · · · facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteur humain ; autres facteurs. 29 Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du · · · BEAmer ont répertorié les facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : certain, probable ou hypothétique ; déterminant ou aggravant ; conjoncturel ou structurel ; avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par ce sinistre. Leur objectif étant d'éviter le renouvellement de ce type d'accident, ils ont privilégié, sans aucun a priori, l'analyse inductive des facteurs qui avaient, par leur caractère structurel, un risque de récurrence notable. 6.1 6.1.1 Facteurs naturels Conditions météorologiques Au départ de Vigo, le temps est beau bien qu' il y ait une grande houle d'Ouest- Nord-Ouest. Toutefois, comme prévu, pendant le passage du Cap Finisterre, le vent fraîchit du Sud-Ouest force 8 à 9 au cours de la journée et une longue houle commence à se former du Sud-Ouest. Dans la soirée du 23 octobre, elle augmente jusqu'à 6 à 8 mètres de hauteur. La visibilité est bonne, le capitaine l'estimant supérieure à 6 milles. L'analyse de la situation météorologique, du lundi 23 octobre 2006 à 18h00 UTC au mardi 24 octobre 2006 à 21h00 UTC, pour le Pertuis d'Antioche et la rade de La Rochelle, montre : Le 23 octobre à 12h00 UTC, une dépression de 975 hPa se situe à 250 milles au Nord-Ouest de La Corogne. Elle se déplace rapidement vers le Nord-Est, prévue de 979 hPa au Nord immédiat de la Bretagne, le 24 vers 00h00 UTC, puis 985 hPa sur le Sud de la Mer du Nord le 24 à 12 UTC. Vent : Des vents prévus de 35 noeuds à partir du 23 octobre à 20h00 UTC, puis 35 à 40.noeuds de 22h00 UTC au 24 octobre à 05h00 UTC, valeurs confirmées par celles relevées à La Rochelle et à Saint-Clément des Baleines durant la même période : 30 - Vent moyen supérieur à 28 noeuds et rafales comprises entre 50 et 60 noeuds, du 23 à 21h UTC au 24 à 03h00 UTC à La Rochelle. Vent moyen supérieur à 45 noeuds et rafales comprises entre 60 et 70 noeuds, du 23 à 21h UTC au 24 à 03h00 UTC à Saint Clément des Baleines ; les valeurs sont supérieures car l'anémomètre, situé sur le sémaphore à une hauteur de 20 m, conduit à des valeurs supérieures à la hauteur de référence de 10 m. - En mer, dans la zone du pertuis d'Antioche, le vent s'est renforcé sensiblement après 20h00 (locales) le 23, pour atteindre des vitesses moyennes voisines de 40 noeuds, avec des rafales à 60 noeuds, entre 22h30 (locales) le 23 et 05h00 (locales) le 24. Sur l'échelle Beaufort, il s'agit donc d'un coup de vent (force 8B soit 34 à 40 noeuds), à la limite du fort coup de vent (force 9B soit 41 à 47 noeuds). Après 06h00, le 24 octobre, le vent mollit progressivement, descendant endessous des 20 noeuds en vitesse moyenne après 10h00 (locales). Il est modéré l'aprèsmidi, force 3 à 4 Beaufort et se renforce un peu après 21h00 pour atteindre 15 noeuds, soit un bon force 4 Beaufort. Mer : Dans la zone du Pertuis d'Antioche, la mer, agitée au début, s'est progressivement amplifiée via sa composante « mer du vent », entre le 23 à 20h00 (locales) et le 24 à 08h00 (locales), pour atteindre des valeurs proches de 6 m (mer grosse) le 24 entre 02h00 (locales) et 08h00 (locales). Il ne s'agit quasiment que de la mer du vent, donc de trains de vagues perpendiculaires au vent de Sud-Ouest. Dans cette configuration, l'approche de la rade de La Rochelle s'effectue travers à la lame. Les hauteurs maximales sont relevées autour de 05h00 (locales). Ensuite, la mer s'est progressivement amortie à 3 m (mer forte) le 24 en fin de matinée (vers 11h00 locales), puis 1,50 m à 2 m (mer agitée) du 24 à 14h00 (locales) au 25 à 02H00 (locales). Visibilité : La perturbation associée au coup de vent n'a pas donné de fortes précipitations. Néanmoins, ces pluies ont eu un caractère orageux. De telles précipitations peuvent réduire 31 temporairement la visibilité à des valeurs de l'ordre de 1 à 2 milles. En dehors de quelques grains de ce type, épars sur la zone pendant le coup de vent, la visibilité était relativement bonne. 6.1.2 Conclusion sur les conditions météorologiques Les Bulletins Météorologiques Spéciaux (BMS) "côte" et "large" du lundi 23 octobre ont donc bien anticipé ce coup de vent car ils prévoyaient tous deux des vents de Sud-Ouest force 8 à 9 Beaufort, le BMS large mentionnant également une mer grosse. Le capitaine était donc parfaitement conscient des très mauvaises conditions météo qu'il allait rencontrer au cours du voyage, notamment à l'approche de La Rochelle, tant par les différents BMS reçus à bord par NAVTEX pendant l'escale de Vigo et en mer, que par les précisions sur les conditions locales et leur évolution qui lui ont été communiquées par la capitainerie et par l'agent du navire à La Rochelle. En prévision de ces très mauvaises conditions météo, l'équipage a vérifié au départ de Vigo le saisissage du chargement. Par ailleurs, le début des opérations commerciales à La Pallice avait été décalé à 08h00 par les opérateurs à terre, compte tenu des informations météorologiques fournies. Par conséquent, le capitaine disposait de tous les éléments pour adapter la route et l'allure du navire pour que celui-ci soit moins durement exposé aux éléments. Aussi, les enquêteurs du BEAmer considèrent que les conditions météorologiques rencontrées, en particulier celles à l'entrée du chenal d'approche de La Rochelle, constituent l'un des facteurs déterminants du sinistre et de l'accident du second capitaine. 6.1.3 Bathymétrie et nature des fonds Le navire a mouillé six maillons à la limite des fonds de dix mètres, constitués de graviers et de roches. Après avoir dérivé pendant près de 1,5 mille, il s'échoue une première fois sur des fonds rocheux à la limite des fonds de cinq mètres. Sous l'effet conjugué de la houle et de la marée (pleine mer à 06h11, coefficient 83), il dérive encore de 0,4 mille vers le nord avant de se stabiliser. La nature hétérogène des fonds (sable, graviers, roches) peut rendre plus difficile la tenue des ancres. 32 6.2 Facteurs matériels On note dans le rapport mensuel du chef mécanicien de septembre 2006 que le fonctionnement des appareils est satisfaisant, y compris les apparaux de pont, mais seulement à partir d'un contrôle visuel. « All deck machinery : combined windlass + winches, total 14 sets and deck fittings, visually all in good operative condition ». On relève également que les équipements de secours : groupe électrogènes de secours, compresseur d'air de secours, pompe incendie de secours et moteurs d'embarcations sont essayés chaque semaine et que leur fonctionnement est satisfaisant. 6.2.1 Indisponibilité de l'alternateur attelé Avant l'arrivée à Vigo, il y a eu un problème avec l'embrayeur de l'alternateur attelé. Pendant l'escale, le bord a essayé de remédier au défaut, mais sans succès car ne disposant pas de la pièce de rechange nécessaire. La réparation de l'embrayeur était prévue à l'escale de La Rochelle . L'alternateur attelé est donc resté hors service. Cependant, le navire dispose encore d'une capacité de production électrique suffisante avec 3 groupes électrogènes, d'autant qu'il n'a pas de conteneurs réfrigérés à bord. Le seul inconvénient est pour les manoeuvres d'accostage et d'appareillage du fait qu'il ne peut pas utiliser les deux propulseurs simultanément, ce qui nécessite l'assistance de remorqueurs. L'indisponibilité de l'alternateur attelé n'est pas retenue comme facteur contributif de l'accident mais elle vient s'ajouter à la liste des défaillances relevées. 6.2.2 Arrêt du moteur principal : causes et conséquences Alarmes Le navire possédant la marque AUT, la salle de contrôle machine était équipée à l'origine d'une imprimante d'enregistrement des alarmes. Depuis le 09 novembre 2005, il n'y a plus d'imprimante et les alarmes sont notées sur un cahier qui fait office de registre d'alarmes. Ce registre commence le 13 avril 2006, date à laquelle l'équipage polonais a été remplacé. On relève au maximum 5 alarmes par jour. 33 La dernière alarme notée remonte au 23 octobre 2006 à 01h05, pendant que le 4 .mécanicien était de service : PROP PITCH HIGH. On ne relève pas d'alarme pouvant avoir un lien avec l'arrêt du moteur principal. Aucune alarme n'est notée le 24 octobre 2006 et dans les instants qui ont précédé l'arrêt du moteur principal. ème Sécurités de stop du moteur principal Les sécurités qui entraînent l'arrêt du moteur principal sont : Température haute paliers : 80° ; C Survitesse : 448 t/mn ; Très basse pression d'huile : 4,5 bars ; Température haute eau douce de réfrigération : 95° ; C Détection de brouillard d'huile dans le carter : ~ 1,0 mg/l ; Très basse pression d'huile réducteur : 1,5 bar. La première alarme notée par le personnel présent à la salle de contrôle, juste avant l'arrêt du moteur principal, serait celle de « basse pression d'huile ». Cette alarme serait apparue 30.minutes après le changement de route, quand le navire a commencé à avoir de fortes inclinaisons de roulis et une gîte sur bâbord. Elle a été précédée vers 02h40 d'une alarme de niveau bas du ballast de retour d'huile du moteur. Elle signale une chute de pression d'huile dans le circuit de graissage du moteur provoquant, dans un ordre séquentiel : une alarme de basse pression d'huile ; une action de mise au ralenti du moteur ; un démarrage automatique de la pompe à huile de réserve ; une action de stop moteur par très basse pression d'huile. Causes possibles d'une chute de la pression d'huile : fuite d'huile (rupture de tuyautage, raccord défectueux...) ; filtres encrassés, dysfonctionnement du filtre automatique ; avarie de la pompe à huile : pompe ou moteur électrique, baisse de la vitesse de rotation , accouplement défectueux ; 34 - entrée d'air dans le circuit ou niveau d'huile trop bas dans le ballast de retour, provoquant le désamorçage de la pompe ; défaut de pressostat qui entraîne une fausse alarme. - Le circuit d'huile est un circuit classique correspondant à ce type de moteur Deux pompes installées au parquet inférieur à tribord aspirent l'huile du ballast de retour à travers des filtres. L'une est en service, l'autre en réserve, démarrant automatiquement en cas de défaillance de la première par l'action d'un pressostat. L'huile est refoulée vers le moteur en passant par un réfrigérant et un filtre automatique Boll & Kirch, lequel est équipé d'un by-pass pour passage par un filtre manuel. Le nettoyage du filtre automatique se fait en permanence par contre courant basé sur une différence de pression entre l'entrée et la sortie du filtre. Le filtre est équipé d'un compteur du nombre de nettoyages. L'huile, en retournant au carter, est en contact avec l'atmosphère de celui-ci et se charge en air. L'huile se désaère pendant son séjour dans le ballast de retour et la désaération est fonction du temps de séjour. Aussi faut-il que le volume d'huile soit suffisant pour permettre une désaération correcte. Le volume d'huile en service recommandé par le constructeur est de 1,4 l à 1,5 l/kW, soit 14000 à 15000 l pour ce type de moteur. Lorsque le moteur est en route, l'huile en service est épurée en permanence par des centrifugeuses. Leur caisse à boues est sondée régulièrement afin de détecter une anomalie de fonctionnement. Le circuit comprend aussi deux ballasts de réserve d'huile pour faire les appoints au ballast de retour du moteur principal. Lorsque l'alarme basse pression d'huile est apparue, suivie du « Stop moteur » et de plusieurs autres alarmes, dont celle de présence de vapeurs d'huile (Graviner), le chef mécanicien pense d'abord que c'est, soit la pompe, soit le circuit de refoulement qui est en cause, et il envoie le second mécanicien et le 4ème mécanicien vérifier sur place. La pompe à huile de réserve a dû démarrer mais, si la chute de pression d'huile est consécutive à un arrêt de la pompe en service, en fonction des circonstances le délai d'amorçage de la 2ème pompe peut conduire à une baisse de pression jusqu'au seuil du stop moteur. 35 Dans le cas où le circuit de refoulement est en cause, la baisse de pression peut provenir d'une rupture de tuyautage ou d'un encrassement important du filtre automatique mais, dans ce dernier cas, la diminution de pression est progressive et aurait probablement été observée par les mécaniciens. Le seul fait de passer sur filtre manuel permettait de rétablir immédiatement la pression. Les circonstances dans lesquelles s'est produite cette baisse de pression d'huile jusqu'au stop moteur (roulis très important et gîte sur bâbord), l'impossibilité de retrouver une pression stable permettant la remise en service du moteur principal, la tentative du second mécanicien de faire un appoint d'huile au ballast de retour, ont conduit les enquêteurs du BEAmer à envisager l'hypothèse d'un désamorçage du circuit d'aspiration des pompes à huile. L'examen des relevés quotidiens de la sonde du ballast de retour d'huile, communiqués par l'armateur, montre que le 23 octobre 2006, la hauteur de sonde était de 0,42.m, ce qui correspond à un volume de 8,8 m3 navire droit (pour un volume total de 22,7.m3, soit une hauteur de sonde de 1,08 m). La consommation d'huile est de l'ordre de 350 à 400 litres/jour. Or, on remarque que depuis le 12 octobre, la caisse de réserve d'huile du moteur principal (ME LUB OIL STORE TK N° 29) est vide et que le niveau du ME LUB OIL SETTLING TANK N° est pratiquement constant (voir annexe B1). 28 A noter que le constructeur de moteur recommande l'installation du capteur d'alarme de niveau bas à une hauteur représentant 48 heures de consommation d'huile, par rapport au niveau normal. L'alarme de niveau bas est à 8 m3 (0,38 m). La hauteur maximum notée les jours précédents ne dépasse pas 0,50 m (10,5 m3) le 13 octobre. De plus, les instructions compagnie précisent que les niveaux d'huile doivent être complétés en tant que de besoin en cas de mauvais temps. Les constatations visuelles et les relevés géométriques effectués sur le ballast de retour d'huile du moteur principal le 1er février 2008 à La Pallice ont confirmé cette hypothèse : Le tuyau d'aspiration des pompes à huile est situé dans une maille à l'extrême tribord arrière du ballast (couple 43). Ce tuyau a un diamètre de 250 mm . Sa face inférieure, qui est à 75 mm du fond du ballast, présente un évasement de 300 mm de diamètre. Le tuyau de retour d'huile débouche dans la maille bâbord milieu du ballast. Son diamètre est de 350 mm. 36 - Dans sa plus grande largeur, au niveau des tuyaux de retour d'huile du carter moteur et de l'aspiration des pompes à huile, soit sur l'arrière, le ballast est compartimenté en 4 mailles de largeur inégale, également cloisonnées dans le sens transversal, avec des anguillers et trous d'homme pour assurer une bonne circulation de l'huile (cf schéma ci-après). La hauteur totale du ballast est de 1080 mm. La sonde de mesure de niveau est constituée d'un système à flotteur à l'intérieur d'un tube installé à tribord et dont les orifices de communication sont dans la même maille que l'aspiration des pompes à huile. Le contact de niveau bas est réglé à 8 m3. - La configuration du ballast de retour est représentée par le schéma ci-après, sur lequel sont matérialisés le niveau d'huile de 0,42 m (navire sans gîte) et l'angle de gîte sur bâbord nécessaire pour provoquer un désamorçage des pompes à huile en condition statique. Avec un angle de gîte sur bâbord de 14,5° le bord du tuyau d'aspiration commence à être , découvert à tribord, d'où une entrée d'air, entraînant le désamorçage des pompes à huile. En toute rigueur, en condition dynamique il convient également de tenir compte : du taux de cisaillement de l'huile au débouché de la tuyauterie d'aspiration, des mouvements de liquide dus aux accélérations qui aggravent le processus de désamorçage tel que décrit ci-dessus, du cloisonnement qui vient au contraire diminuer la surface de l'huile dans chaque maille et donc accroître l'angle de gîte admissible avant désamorçage. de la gîte permanente sur bâbord qui, au contraire du cloisonnement, favorise ce désamorçage. de l'emplacement sur bâbord du tuyau de retour d'huile, débitant donc du côté où le navire gîte. - - - 37 Les enquêteurs du BEAmer se sont rendus à bord du ROSA DELMAS, sister-ship du ROKIA DELMAS. Ce navire est équipé du même moteur de propulsion et des mêmes groupes électrogènes. Ils ont constaté que l'alarme de niveau bas du ballast de retour d'huile est réglée également à 8 m3 mais que le volume d'huile en service est de 17 m3. Le désamorçage des pompes à huile au roulis, qui a provoqué l'arrêt du moteur, est dû à un maintien de niveau d'huile trop bas dans le ballast de retour d'huile (seulement 4 cm au-dessus de l'alarme de niveau bas), lequel constitue un facteur déterminant dans la perte de propulsion du navire, et par conséquent dans les évènements qui s'en sont suivis jusqu'à l'échouement. Pour rétablir les conditions permettant le réamorçage du circuit d'huile, et ainsi le redémarrage du moteur, il aurait fallu faire un appoint important (par gravité) d'huile neuve au ballast de retour d'huile, pour que la base du tuyau d'aspiration des pompes à huile soit suffisamment immergée. 38 En effet on constate, sur le schéma, qu'un niveau d'huile de 0,52 m au lieu de 0,42.m, soit environ 2200 litres de plus dans le ballast, aurait permis de supporter une gîte de 18,5° en condition statique, au lieu de 14,5° avant de désamorcer les pompes à huile. , , Le second mécanicien a déclaré aux enquêteurs avoir fait dans l'urgence un appoint d'huile, sans en connaître la quantité. La règle 26, chapitre II-1 de la Convention Solas précise au § 6 « que l'appareil propulsif principal et tous les dispositifs auxiliaires essentiels à la propulsion et à la sécurité du navire tels qu'ils ont été installés à bord, lorsque le navire est en position droite ou lorsqu'il a une inclinaison inférieure ou égale à 15° d'un bord ou de l'autre en condition statique (gîte) et à 22° en condition dynamique (r oulis) d'un bord ou de l'autre avec, 5 simultanément, un tangage positif ou négatif de 7° ». Cette règle est d'ailleurs reprise dans 5 le règlement de la société de classification. Toutefois, il convient de souligner le caractère parfois irréversible d'un désamorçage du circuit d'aspiration des pompes à huile. Un appoint peut ne pas être suffisant et il peut être alors nécessaire de faire un remplissage du circuit pour faciliter le réamorçage, opération très difficile dans de telles circonstances. D'autres hypothèses ont été examinées, en particulier un problème avec le combustible lourd ou une avarie du moteur lui même, mais ont été écartées. Le combustible fait l'objet d'une analyse par un laboratoire spécialisé à chaque embarquement et les derniers résultats n'ont pas relevé d'éléments pouvant perturber le fonctionnement du moteur. L'alarme « Graviner » n'est pas très significative dans de telles conditions. Il est probable que ce soit aussi une fausse alarme. Par ailleurs, l'examen au démontage des paliers de l'arbre manivelle et des têtes de bielle du moteur n'a pas montré de dommages apparents. La qualité de l'huile n'est pas non plus en cause ; les échantillons d'huile sont envoyés tous les 6 mois pour analyse. La dernière analyse, en avril 2006, ne présente pas d'anomalie. De nouveaux échantillons devaient être envoyés à l'escale de La Pallice. 6.2.3 Arrêt des groupes électrogènes : causes et conséquences Les sécurités d'arrêt des groupes électrogènes sont : Basse pression d'huile, 39 - Basse pression d'eau douce de réfrigération, Température haute d'eau douce de réfrigération, Survitesse Défaut de démarrage. L'examen du journal machine montre que, lorsque l'alternateur attelé est en service, il assure à lui seul la production d'électricité s'il n'y a pas de fret réfrigéré. Sa charge ne dépasse pas 800 kW. Lorsque celle-ci est supérieure à 900 kW, il est couplé en parallèle avec un groupe électrogène. On constate que, depuis le départ de VIGO, un seul groupe est en service avec une charge ne dépassant pas 720 kW (GE2). Au delà, un deuxième groupe est couplé mais la puissance totale n'est que de 1000 kW, d'où une puissance délivrée par chaque groupe relativement faible. Le troisième groupe électrogène a été mis en service vers 02h00, peu de temps après l'arrivée du chef mécanicien à la salle de contrôle. Les problèmes sur les groupes sont apparus une fois que le moteur principal s'est arrêté. Le navire, n'ayant plus de propulsion et ne pouvant plus gouverner, est venu travers à la mer et au vent avec un très fort roulis. Les diesels alternateurs ont déclenché les uns après les autres par sécurité, provoquant un stop moteur malgré les efforts de l'électricien pour tenter de stabiliser la situation au niveau du tableau électrique, et des mécaniciens qui ont essayé de redémarrer les groupes à plusieurs reprises, sans succès, jusqu'à épuisement des bouteilles d'air. La signalisation des défauts n'est pas reportée en salle de contrôle mais sur le coffret de commande locale de chaque groupe. Le personnel machine n'a pas pu en déterminer l'origine, mais il est probable que les mêmes problèmes de pression d'huile aient été rencontrés, conséquence d'un niveau d'huile trop bas dans les carters, en moyenne 2 à 3 cm au-dessus du minimum, alors que sur le ROSA DELMAS, le niveau d'huile est maintenu à 15 cm au dessus du niveau bas. Le navire s'est donc retrouvé en situation de perte de la production d'électricité principale. Ceci constitue un facteur aggravant dans le déroulement des faits. 40 6.2.4 Arrêt des compresseurs d'air et perte de la pression d'air de lancement : causes et conséquences Les compresseurs d'air se sont arrêtés suite à des problèmes de graissage (niveau d'huile) et de réfrigération, liés à la gîte et aux mouvements du navire. Les tentatives répétées pour relancer le moteur principal et les groupes électrogènes ont vidé les bouteilles d'air de lancement et même celle de secours. Ne disposant plus de pression d'air suffisante, il est impossible de redémarrer les moteurs. Le compresseur d'air de secours a été mis en service pour remplir la bouteille d'air de secours mais, compte tenu de son débit, le temps de remplissage ne pouvait pas permettre une nouvelle tentative de démarrage d'un groupe électrogène. L'arrêt des compresseurs d'air et la perte de la pression d'air de lancement ont privé le navire de l'énergie nécessaire au redémarrage des moteurs et constituent à ce titre un nouveau facteur aggravant qui s'ajoute au précédent. 6.2.5 Arrêt du groupe électrogène de secours : causes et conséquences Le groupe électrogène de secours a démarré et s'est couplé automatiquement dès que les groupes principaux se sont arrêtés. Environ une demi-heure plus tard, son disjoncteur déclenche. L'électricien essaye de fermer manuellement le disjoncteur, mais sans succès. De plus, une fumée anormale se dégage dans le local et toute nouvelle tentative est abandonnée. L'examen ultérieur de l'épave mettra en évidence un début d'incendie dans un coffret d'alimentation de ventilation. Par conséquent, le tableau électrique de secours n'est plus alimenté, dont tous les appareils alimentés par le circuit de secours (éclairages, appareils de navigation, radio...), ce black-out aggrave la situation dans laquelle se trouve le navire. 6.2.6 Défaillances des apparaux de mouillage : causes et conséquences Le navire dispose de chaque bord d'une ligne de mouillage (10 maillons à bâbord et 11 maillons à tribord). Le mouillage a été effectué avec beaucoup de difficultés : 41 - difficultés inhérentes aux conditions météorologiques, aux mouvements violents de plate forme du navire, à la situation d'obscurité et de perte de toute énergie, difficultés résultant de défaillances constatées sur les deux guindeaux, qui ont conduit à rendre le mouillage inefficace. - Les opérateurs ont déclaré avoir mis beaucoup de temps pour atteindre le gaillard et, une fois sur place, pour desserrer les ridoirs et dessaisir la chaîne de l'ancre bâbord. Finalement, ils ont pu mouiller d'abord rapidement les quatre premiers maillons, ensuite plus lentement les deux suivants, mais pas davantage. A la demande du capitaine de mouiller aussi l'ancre tribord, ils ont répondu que cela était trop dangereux. Pourtant, les guindeaux sont proches l'un de l'autre. L'examen des deux guindeaux à bord, et à terre en atelier a permis de faire les constatations suivantes : Guindeau bâbord : Le frein et sa commande fonctionnent normalement, le linguet guide-chaîne est déformé et bloque la rotation du barbotin, empêchant le libre passage de la chaîne. En effet, après découpage du linguet, le guindeau tourne librement et la face tribord du linguet porte la marque d'une maille comme si celle-ci était restée coincée. Ceci montre que le linguet s'est coincé dans le barbotin, bloquant le guindeau et la chaîne au 6ème maillon. D'après la déclaration du bosco, le linguet-guide était déjà déformé auparavant. C'est probablement la maille qui s'étant coincée a achevé de le déformer. Guindeau tribord : Le serrage des mâchoires du frein est assuré par la tige filetée sortant de la commande à piston ; elle doit se visser et se dévisser librement afin de mouiller l'ancre rapidement et de régler la vitesse de filage de la chaîne. La commande de frein a été presque impossible à desserrer. Il a fallu, pour y parvenir, deux personnes munies d'une rallonge pour augmenter le bras de levier. Au démontage, il a été constaté que la tige filetée était tordue. Après remontage et graissage, la commande du frein a été à nouveau essayée et trouvée très difficile à desserrer. Il a fallu encore l'action de deux personnes munies d'une rallonge, l'effort étant plus important lorsqu'on arrivait à la partie déformée. 42 Or, les conditions dans lesquelles se sont déroulés les essais étaient totalement différentes de celles prévalant le jour de l'événement. Les enquêteurs considèrent donc que la commande du frein n'était pas utilisable dans les conditions du jour de l'évènement. D'après le journal de bord, depuis plus de 3 mois avant l'événement, le mouillage tribord n'avait pas été utilisé. Dans la documentation du bord, on ne relève pas d'opérations d'entretien de la partie mécanique des guindeaux, seulement des interventions d'ordre électrique. Les traces de chalumeau sur le frein du guindeau bâbord résultent d'une intervention faite par le bord le 14 octobre 2006 entre la côte d'Afrique et Vigo, mais dont la nature exacte n'a pas été précisée aux enquêteurs. Ces derniers s'étonnent d'ailleurs que les dysfonctionnements n'aient pas été relevés par la société de classification lors de la visite annuelle du 14.septembre 2006. En effet à l'occasion de cette visite, selon le règlement de la société de classification, les guindeaux et équipements de ligne de mouillage, ancres, chaînes ainsi que les stoppeurs et les chaumards, etc. doivent être examinés et testés. Les défaillances relevées sur les guindeaux ont privé le navire de la totalité de ses deux lignes de mouillage. Seule la ligne bâbord a pu être mouillée de 6.maillons seulement, soit 165 mètres, ce qui était insuffisant pour tenir le navire. Toutefois, il n'est pas du tout certain que le fait de pouvoir mouiller les deux ancres aurait permis de stopper le navire, compte tenu des conditions météo et de la nature du fond. Il n'en demeure pas moins que ces défaillances peuvent être retenues comme un facteur aggravant. Le mouillage des deux ancres au maximum de la longueur de chaîne aurait peut être pu ralentir la dérive du navire jusqu'à une intervention possible des remorqueurs ou, tout au moins, diminuer la vitesse d'échouement. 6.2.7 Le ripage de la cargaison : causes et conséquences Le ripage de la cargaison s'est produit après le changement de route du navire et avant l'arrêt du moteur principal. C'est le bois chargé au pont deux à tribord qui a ripé sur bâbord et s'est étalé tout le long du côté bâbord, soit environ 350 tonnes estimées. Ce ripage a provoqué une prise de gîte permanente sur bâbord laquelle, conjuguée au roulis et à l'effet du vent, a contribué au désamorçage des pompes à huile du moteur principal et des groupes. Les témoignages de l'équipage évoquent une gîte de l'ordre de 10° . 43 6.2.8 Conclusion sur le rôle des facteurs matériels De cette analyse, on peut conclure que les défaillances matérielles relevées ont joué, à des degrés divers, un rôle déterminant et/ou aggravant dans l'enchaînement des faits ayant conduit au sinistre. Ces défaillances n'auraient pas eu les mêmes conséquences si les conditions météorologiques ce jour là avaient été différentes. Il n'y a pas eu d'avaries propres aux équipements concernés, mais ces défaillances sont le résultat de déficiences dans la conduite et l'entretien des installations, ceci ne permettant pas au personnel machine de maîtriser la situation. 6.3 6.3.1 Facteurs humains Conduite nautique, changement de route et vitesse Le capitaine avait déjà une expérience du Golfe de Gascogne ; il avait connaissance des différents BMS et des observations de la passerelle sur l'état de la mer et du vent. Il ne pouvait donc ignorer qu'il allait se trouver, au changement de route, travers au vent et à la houle. Il voulait toutefois maintenir une vitesse suffisante, considérant que la pleine mer était à 06h00 à La Rochelle. Il souhaitait également bénéficier du courant de marée pour rentrer. Lorsqu'il a été tardivement informé de la fermeture du port et de la suspension du pilotage (2h35 après la décision), il n'avait d'autre choix que de gagner le mouillage qui lui était imparti. 6.3.2 Effectif , formation et expérience de l'équipage A la passerelle, la veille était correctement assurée. Dès 20h00, le commandant est monté à la passerelle pendant que l'officier en instruction était de quart. A la machine, pendant les préparatifs de manoeuvre et au moment de l'arrêt du moteur principal, étaient présents : chef mécanicien, second mécanicien, 3ème et 4ème mécaniciens, graisseur de quart, électricien. Cet effectif était d'ailleurs habituel et donc non lié aux conditions météorologiques du 24 octobre 2006. 44 S'agissant de la connaissance de l'installation, la plupart des officiers et maîtres étaient nouveaux sur le ROKIA DELMAS et/ou à CMA-CGM, du fait du changement d'armement, encore récent. Le capitaine : Il a suivi le plan de traversée préalablement établi sans différer son entrée à La Pallice, malgré les conditions météorologiques. Le second capitaine : Responsable de par sa fonction de la sécurité du navire, de la gestion du service pont et de la maintenance des apparaux, il avait notamment, avec le service machine, la charge de l'entretien des guindeaux et de la tenue de l'historique. Il devait donc connaître les difficultés d'utilisation du guindeau tribord et prendre les dispositions nécessaires pour la remise en état. Le premier lieutenant : Le premier lieutenant a normalement la responsabilité des opérations de mouillage, mais le capitaine a confié cette opération au second capitaine. Le chef mécanicien : Lorsque le moteur principal s'est arrêté, il n'a pas distingué immédiatement, parmi les alarmes affichées, celle correspondant à l'arrêt du moteur. Néanmoins, il a pensé que c'était l'alarme de basse pression d'huile. Il n'a pas regardé s'il y avait d'autres alarmes en liaison avec le déclenchement de cette sécurité, comme le niveau bas du ballast de retour d'huile qui était apparue, ou des alarmes de température, ou le déclenchement d'autres sécurités. Il n'a pas fait non plus le rapprochement entre la gîte sur bâbord et le roulis, et la baisse de pression d'huile : c'est le second mécanicien qui l'a informé d'un probable désamorçage des pompes à huile du fait que leur aspiration est à tribord et que le navire a de la gîte sur bâbord, accentuée par le roulis. Il a déclaré que l'appoint d'huile au moteur a été fait à partir de la caisse de réserve d'huile lubrificating oil storage tank (mais celui-ci était a priori vide d'après les relevés de sonde). Il n'a pas déterminé la raison pour laquelle le moteur principal s'est arrêté une seconde fois. Durant tout l'événement, il acquittait les nombreuses d'alarmes qui se succédaient, 45 Toutefois, il a pris la décision de shunter la sécurité de pression d'huile (marche forcée) et de couper le détecteur de vapeurs d'huile (Graviner) pour tenter de redémarrer le moteur. A la machine, l'électricien et le second mécanicien étaient les plus expérimentés (pour ce dernier aussi des moteurs Pielstick). Aussi les enquêteurs du BEAmer considèrent-ils que ce manque de connaissance du navire est en rapport avec l'événement et a été préjudiciable à la gestion de la situation. 6.3.3 Accident du second capitaine Le second capitaine vient d'achever sa ronde dans les espaces cargaison lorsqu'il reçoit un appel du capitaine lui demandant d'aller à l'avant avec le bosco, pour dessaisir les chaînes d'ancres, paré à mouiller. Portant ses chaussures de sécurité et sa brassière de sauvetage, il retrouve le bosco et le matelot, portant également leurs brassières, au 1er pont des emménagements près de la porte arrière conduisant au pont autour de la cheminée. Ils descendent les trois échelles à la partie arrière des emménagements sur la plage arrière où il y a les treuils. L'accès par tribord n'étant pas possible, ils sont obliger de passer par le côté bâbord. Le roulis est très fort, surtout à bâbord. Ils se dirigent péniblement vers le pont abri à bâbord à l'extrémité arrière du pont 4, ayant du mal à garder leur équilibre. Soudain, le second capitaine glisse rapidement vers l'avant sans pouvoir s'arrêter, jusqu'à ce qu'il heurte l'angle du bordé bâbord du pont abri, ce qui lui évite d'être projeté à la mer. C'est alors qu'il sent une violente douleur et ne peut plus bouger. Le matelot se porte à son secours mais ne peut rien faire. Un peu plus tard, des hommes arrivent sur les lieux, le placent sur un brancard et l'emmènent dans les emménagements. L'accident du second capitaine n'a pas été sans incidence sur l'état psychologique du reste de l'équipage, en augmentant son stress alors qu'il ressentait déjà une lourde fatigue générée par les mouvements du navire. Il a mobilisé des hommes pour porter secours dans des conditions très difficiles. 46 Il a contribué à aggraver la situation critique dans laquelle se trouvait le navire, privant le capitaine de son principal adjoint et retardant le mouillage de 15 minutes. Enfin la présence d'un blessé à bord rendait l'évacuation de l'équipage plus urgente. 6.4 6.4.1 Autres facteurs Le système de gestion de la sécurité de la compagnie - Code ISM. Le navire ayant la certification ISM, les enquêteurs du BEAmer se sont interrogés sur un possible rapport entre l'application du système de gestion de la sécurité et l'échouement. Le certificat de conformité a été délivré par le Bureau Veritas le 23 août 2006. Le certificat de gestion de la sécurité (intermédiaire) a été renouvelé le 14 septembre 2006. 6.4.1.1 Gestion du personnel : règle 6 du Code ISM L'armateur est responsable de la maîtrise du Code ISM par l'ensemble de son personnel, à bord comme à terre, ce qui exige de sa part une gestion du personnel rigoureuse. En plus des qualifications STCW 95 requises pour occuper une fonction à bord, la formation interne de l'équipage au système de gestion de la sécurité mis en place doit être effectuée par l'armateur dans le cadre d'un plan de formation du personnel embarquant. Dans le cas du ROKIA DELMAS : Le capitaine, avant d'embarquer, a effectivement passé deux jours au siège de la compagnie à Marseille, durant lesquels il a reçu des informations concernant l'exploitation commerciale et les aspects techniques du navire. Il a aussi été instruit sur le système de gestion de sécurité ISM. Durant cette période, il a rencontré les différents services : le service technique, dont l'ingénieur d'armement du navire, le service de l'armement, le service commercial, le service d'approvisionnement des soutes, mais, selon ses déclarations, il n'aurait pas vu la « personne désignée » au titre du code ISM, ce que conteste l'armement. 47 A l'issue, il lui a été délivré une attestation de familiarisation aux codes ISM et ISPS. Les enquêteurs estiment que cette formation est courte, compte tenu de l'importance du rôle du capitaine dans l'application à bord du système de gestion de la sécurité, la mise en oeuvre des procédures et la préparation aux situations d'urgence. Le système de gestion de la sécurité contient des procédures dont celles concernant les situations d'urgence, le fonctionnement en mode dégradé, la conduite et l'entretien des installations. Les situations d'urgence doivent être identifiées et décrites ; les mesures et les solutions pour les gérer doivent exister et être connues du personnel. On note ainsi, dans le journal de bord, les derniers exercices avant l'accident : le 17 octobre 2006 : exercice d'incendie ; exercice de panne électrique et d'accident pendant l'abordage d'un quai, exercice d'abandon avec blessé grave. 6.4.1.2 le 18 octobre 2006 : Maintien du navire et de son armement : règle 10 du Code ISM Le journal machine est correctement renseigné, avec chaque jour des relevés des paramètres de fonctionnement du moteur principal, des groupes électrogènes et des auxiliaires machine, ainsi que les consommations de combustible, d'huile et d'eau douce. Il en est de même du journal passerelle. On note ainsi sur le journal machine : « le 15 octobre 2006 : essai du groupe de secours, de la pompe incendie, du compresseur d'air de secours, des moteurs des embarcations de sauvetage bâbord et tribord ». Les alarmes machine sont consignées sur un registre. Chaque mois le chef mécanicien établit un rapport technique selon un format standard rentrant dans le cadre du système de gestion de la sécurité qui est envoyé à la compagnie. Dans ce rapport figurent : les relevés de performances du moteur principal et des groupes électrogènes, les heures de marche des appareils, les consommations et existants de combustible, d'huile et autres produits consommables, ainsi qu'un rapport des différents travaux d'entretien. 48 Lors de la relève, le chef mécanicien débarquant établit un rapport de suite selon un format dans le cadre des procédures ISM, dans lequel figurent les existants de combustible et d'huile, l'état de fonctionnement des différents appareils, les avaries éventuelles ainsi qu'une appréciation sur l'équipage machine. Ce document, signé à la fois par le chef mécanicien débarquant et le chef mécanicien embarquant, est ensuite envoyé à la compagnie. Tout incident doit être formalisé par une fiche de retour d'expérience. Toute intervention ou tout défaut doit être formalisée par une fiche technique. Or, l'état des guindeaux n'a pas fait l'objet de fiche d'anomalie. Pourtant, des essais réguliers auraient permis de détecter leurs défaillances et procéder rapidement aux réparations, pour rendre les deux lignes de mouillage complètement opérationnelles, ceci d'autant plus que la ligne de mouillage tribord n'avait pas été utilisée depuis plusieurs mois. De plus, au moment de la relève de l'équipage polonais, tous les dossiers relatifs à l'entretien du navire ont été débarqués et par conséquent aucun historique des données de l'équipement du navire n'était disponible dont celui des apparaux de pont (dont les guindeaux font partie). Le bon fonctionnement du système est vérifié à l'occasion des audits internes de la compagnie et des audits externes de l'organisme de certification en l'occurrence pour le ROKIA DELMAS, le Bureau Veritas. Le dernier audit externe a été réalisé le 14 septembre 2006. Cet audit, effectué par un seul auditeur, a plus concerné les aspects administratifs que les aspects techniques. Les modalités d'application du système de gestion de la sécurité, en cours de mise en place à bord d'un navire récemment acquis, notamment celles concernant la gestion technique (guindeau, huile, historiques) peuvent être retenues comme facteurs contributifs. 6.4.2 L'action de la compagnie et des autorités portuaires 6.4.2.1 Echanges entre le navire et la compagnie Le 22 octobre 2006 à 21h20, le capitaine du ROKIA DELMAS envoie un message électronique à l'agence DELMAS de La Rochelle, lui annonçant l'arrivée prévue du navire au pilote le 24 octobre à 06h00, en précisant les tirants d'eau (AV 9,35 m, AR 9,45 m) et en signalant l'indisponibilité du propulseur arrière. Il demande un remorqueur pour l'accostage. 49 Le 23 octobre 2006 à 14h35, le capitaine envoie un nouveau message électronique à l'agent, où il annonce une arrivée au pilote plus tôt que prévue précédemment, le 24 à 04h00 (le vent et la mer poussent le navire). Il demande alors deux remorqueurs pour l'accostage. Le 23 octobre 2006 à 15h51, l'agent DELMAS de La Rochelle adresse un message électronique au capitaine du ROKIA DELMAS, dans lequel il communique les informations concernant : Les prévisions météorologiques : BMS côte n° diff usé par Météo France, 51 valable du 23 octobre à 14h00 UTC au 24 octobre à 07h00 UTC. Avis de grand frais devenant fort du Sud-Ouest force 8 à 9 Beaufort. Les prévisions météorologiques pour la journée du 23 : vigilance orange risque de vent violent. Le vent du Sud à Sud-Ouest d'abord modéré le matin deviendra fort en milieu de journée. Il se renforcera encore en soirée et pendant la nuit avec des violentes rafales pouvant atteindre 100 à 120 km/h voire 120 à 140 km/h sur la côte et les îles. Les modifications du programme des opérations commerciales qui sont retardées en raison des conditions météorologiques très mauvaises. Initialement prévu à 06h00, le début des opérations est décalé à 08h00. L'agent accuse réception de l'HPA le 24 octobre à 04h00 et la demande de deux remorqueurs. Il demande au capitaine de contacter la capitainerie et le pilote deux heures avant d'arriver sur rade pour confirmer l'heure et recevoir les instructions. L'agent envoie également un fax au pilotage, au remorquage, à la capitainerie, et au lamanage dans lequel il précise : « L'arrivée au pilote le 24 à 04h00, les tirants d'eau du navire et la demande de deux remorqueurs pour accostage si les météorologiques le permettent ». 6.4.2.2 Action des Autorités et services à terre Capitainerie et CROSS Le 23 octobre 2006 à 23h00, en raison des conditions météorologiques (vent du 240, 48 à 52 noeuds avec rafales jusqu'à 65 noeuds), la décision est prise de consigner le port. Cependant, cette fermeture ne fait pas l'objet d'une diffusion (information nautique) et - 50 n'est portée à la connaissance du capitaine que lorsque celui-ci prend contact avec la capitainerie, à 01h35. Le sablier ANDRE L va au mouillage jusqu'au retour de conditions plus clémentes. Le pompage est stoppé sur le PRINCE HENRY qui est déconnecté à 23h50. Dans le port de pêche, de nombreux chalutiers sont en difficulté à cause de problèmes d'amarrage. Dès le premier stop du moteur principal, le port et le CROSS Etel sont informés des difficultés successives du navire et prennent immédiatement les dispositions nécessaires que l'évolution de la situation exige. Remorquage Le port de La Pallice dispose de trois remorqueurs. Il faut un préavis de 45 minutes à une heure avant appareillage. Ils étaient prévus pour l'arrivée du ROKIA DELMAS, puis ils ont été annulés en raison de la fermeture du port. A 04h30, le COGNAC et l'ATTENTIF ont été prévenus de la demande d'assistance du navire. Ils ont appareillé entre 05h15 et 05h30 et ont fait route vers la zone de détresse. Ils n'ont pas pu approcher et ont dû faire demi-tour. De plus, ils ne disposaient que d'une remorque de 100 mètres. A 06h45, l'ATTENTIF a fait demi-tour sur ordre de la capitainerie pour assister le navire vraquier TORO qui est en fin de chargement de céréales au silo ouest et qui a des difficultés avec son amarrage. Pilotage Le 23 octobre 2006, la station de pilotage a reçu à trois reprises des modifications de l'HPA du ROKIA DELMAS : 13h06 : HPA 24/10 05h00, 14h19 : HPA 24/10 06h00, 14h52 : HPA 24/10 04h00. 51 7 SYNTHESE L'échouement et la perte totale du ROKIA DELMAS sont la conséquence d'un enchaînement d'événements associés aux facteurs contributifs suivants : la décision du capitaine de changer de route en se conformant au plan de traversée malgré les conditions de mer et de vent très défavorables, l'arrêt du moteur de propulsion et l'impossibilité de le remettre en route, l'arrêt des groupes électrogènes conduisant à la perte complète de la propulsion et de la gouverne, la perte d'air de lancement pour redémarrer les groupes, l'arrêt du groupe de secours, la défaillance du guindeau bâbord et l'impossibilité d'utiliser le guindeau tribord. Les défaillances matérielles relevées sont certes liées au mauvais temps mais elles résultent aussi de déficits dans la gestion technique du navire, la conduite et l'entretien des installations et dans l'application du système de gestion de la sécurité. Cette accumulation d'événements a fait passer rapidement le ROKIA DELMAS d'une situation dégradée à une situation incontrôlable. Enfin, le fait que le navire se soit échoué a probablement évité son chavirement avec des conséquences humaines plus graves et la proximité de la terre a permis une intervention très rapide des secours. - - 8. RECOMMANDATIONS A l'attention des équipages Le BEAmer rappelle : Que le plan de traversée doit être adapté aux conditions météorologiques rencontrées. 52 - Qu'il est de la responsabilité du chef mécanicien de donner les instructions nécessaires pour assurer le fonctionnement des installations en toute sécurité dans toutes les circonstances de navigation. Que toute irrégularité, accident et incident potentiellement dangereux pour la sécurité doit être rapporté à terre, conformément aux dispositions décrites dans le système de gestion de la sécurité de la compagnie. - A l'attention de l'armateur Le BEAmer rappelle : Que le Code ISM est un outil de prévention des accidents de mer dans lequel la gestion des ressources humaines liées à la sécurité et à la prévention de la pollution est essentielle. Qu'il est de la responsabilité de l'armateur de veiller à la bonne application des instructions et procédures garantissant la sécurité de l'exploitation du navire. Qu `il doit s'assurer, lors de changement complet d'équipage, que le transfert des données et des paramètres de fonctionnement liés à la sécurité et aux opérations du navire est bien réalisé. Le BEAmer recommande donc : Une meilleure application à bord comme à terre des dispositions du système de gestion de la sécurité mis en place. A l'attention des sociétés de classification Le BEAmer recommande : plus d'attention lors des actions d'inspection et de contrôle d'équipements essentiels comme les apparaux de mouillage. 53 A l'attention des autorités portuaires Le BEAmer recommande : - en cas de consignation du port pour raisons météorologiques, de communiquer sans délai cette information aux navires attendus et d'informer les autorités maritimes en charge de la diffusion de l'information nautique (COM) et de la surveillance de la navigation (CROSS). Enfin, le BEAmer note qu'à la date de parution du présent rapport (juin 2009), il a pu constater que l'armateur a procédé à un important retour d'expérience, visant notamment à fiabiliser les différents outils de prévention des accidents. 54 LISTE DES ANNEXES A. B. C. D. E. Décision d'enquête Dossier navires Trajectographies Dossier météorologique Cartographie 55 Annexe A Décision d'enquête 56 57 Annexe B Dossier navires Annexe B1 : Annexe B2 : ROKIA DELMAS ROSA DELMAS 58 Annexe B1 ROKIA DELMAS 59 60 Timonerie Salle de contrôle machine 61 Dispositif de commande à distance de mouillage des ancres Guindeaux bâbord et tribord 62 Guindeau tribord Guindeau bâbord 63 Guindeau tribord ­ Commande du frein Guindeau tribord Tige filetée commande du frein déformée Guindeau tribord Tige filetée commande du frein après démontage 64 Guindeau bâbord Linguet-guide bloquant le barbotin Guindeau bâbord Marque de la maille sur le linguet lors du blocage du barbotin 65 Lieu de l'accident du second capitaine 66 Ballast de retour d'huile du moteur principal 67 Tuyau d'aspiration des pompes dans le ballast de retour d'huile 68 Tube de sonde ­ Ballast de retour d'huile 69 Relevé des sondes d'huiles D `après le tableau de graissage du navire : l'huile Aurelia XL 4040 est utilisée pour le graissage du moteur principal et du réducteur, l'huile Aurelia XL 4030 sert à la lubrification des groupes électrogènes. - Le relevé des sondes d'huile montre que les niveaux des caisses dédiées au moteur principal sont quasiment constants : ME LUB OIL SETTL TK # 11,5 ME LUB OIL STORE TK # 0. Au contraire, le niveau de la caisse de réserve d'huile réducteur (RED GEAR LUB OIL STORE) baisse régulièrement, passant de 4,3 m3 le 12 octobre à 1,5 m3 le 23 octobre, soit une consomation de 2,8 m3 ; ce qui laisse supposer que cette caisse devait servir pour faire les appoints d'huile au moteur. 70 71 72 Annexe B2 ROSA DELMAS 73 Indicateur de niveau Ballast de retour d'huile du moteur principal 74 Annexe C Trajectographies 75 76 77 78 79 80 Annexe D Dossier météorologique 81 82 83 84 85 86 Annexe E Cartographie 87 88 Ministère des Transports, de l'Energie, du Développement durable l'Equipement, du Tourisme et de la Mer Ministère de l'Ecologie, et de l'Aménagement du territoire Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Tour Pascal B sur les évènements de mer Bureau d'enquêtes 92055 LA DEFENSE CEDEX T : + 33 (0) 140 813 824 / F : +33 (0) 140 813 842 Bea-Mer@equipement.gouv.fr Tour Pascal B ­ Antenne Voltaire - 92055 La Défense cedex www.beamer-france.org téléphone : +33 (0) 1 40 81 38 24 - télécopie : +33 (0) 1 40 81 38 42 www.beamer-france.org bea-mer@developpement-durable.gouv.fr (ATTENTION: OPTION et tribord 62 Guindeau tribord Guindeau bâbord 63 Guindeau tribord ­ Commande du frein Guindeau tribord Tige filetée commande du frein déformée Guindeau tribord Tige filetée commande du frein après démontage 64 Guindeau bâbord Linguet-guide bloquant le barbotin Guindeau bâbord Marque de la maille sur le linguet lors du blocage du barbotin 65 Lieu de l'accident du second capitaine 66 Ballast de retour d'huile du moteur principal 67 Tuyau d'aspiration des pompes dans le ballast de retour d'huile 68 Tube de sonde ­ Ballast de retour d'huile 69 Relevé des sondes d'huiles D `après le tableau de graissage du navire : l'huile Aurelia XL 4040 est utilisée pour le graissage du moteur principal et du réducteur, l'huile Aurelia XL 4030 sert à la lubrification des groupes électrogènes. - Le relevé des sondes d'huile montre que les niveaux des caisses dédiées au moteur principal sont quasiment constants : ME LUB OIL SETTL TK # 11,5 ME LUB OIL STORE TK # 0. Au contraire, le niveau de la caisse de réserve d'huile réducteur (RED GEAR LUB OIL STORE) baisse régulièrement, passant de 4,3 m3 le 12 octobre à 1,5 m3 le 23 octobre, soit une consomation de 2,8 m3 ; ce qui laisse supposer que cette caisse devait servir pour faire les appoints d'huile au moteur. 70 71 72 Annexe B2 ROSA DELMAS 73 Indicateur de niveau Ballast de retour d'huile du moteur principal 74 Annexe C Trajectographies 75 76 77 78 79 80 Annexe D Dossier météorologique 81 82 83 84 85 86 Annexe E Cartographie 87 88 Ministère des Transports, de l'Energie, du Développement durable l'Equipement, du Tourisme et de la Mer Ministère de l'Ecologie, et de l'Aménagement du territoire Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Tour Pascal B sur les évènements de mer Bureau d'enquêtes 92055 LA DEFENSE CEDEX T : + 33 (0) 140 813 824 / F : +33 (0) 140 813 842 Bea-Mer@equipement.gouv.fr Tour Pascal B ­ Antenne Voltaire - 92055 La Défense cedex www.beamer-france.org téléphone : +33 (0) 1 40 81 38 24 - télécopie : +33 (0) 1 40 81 38 42 www.beamer-france.org bea-mer@developpement-durable.gouv.fr INVALIDE) (ATTENTION: OPTION frein après démontage 64 Guindeau bâbord Linguet-guide bloquant le barbotin Guindeau bâbord Marque de la maille sur le linguet lors du blocage du barbotin 65 Lieu de l'accident du second capitaine 66 Ballast de retour d'huile du moteur principal 67 Tuyau d'aspiration des pompes dans le ballast de retour d'huile 68 Tube de sonde ­ Ballast de retour d'huile 69 Relevé des sondes d'huiles D `après le tableau de graissage du navire : l'huile Aurelia XL 4040 est utilisée pour le graissage du moteur principal et du réducteur, l'huile Aurelia XL 4030 sert à la lubrification des groupes électrogènes. - Le relevé des sondes d'huile montre que les niveaux des caisses dédiées au moteur principal sont quasiment constants : ME LUB OIL SETTL TK # 11,5 ME LUB OIL STORE TK # 0. Au contraire, le niveau de la caisse de réserve d'huile réducteur (RED GEAR LUB OIL STORE) baisse régulièrement, passant de 4,3 m3 le 12 octobre à 1,5 m3 le 23 octobre, soit une consomation de 2,8 m3 ; ce qui laisse supposer que cette caisse devait servir pour faire les appoints d'huile au moteur. 70 71 72 Annexe B2 ROSA DELMAS 73 Indicateur de niveau Ballast de retour d'huile du moteur principal 74 Annexe C Trajectographies 75 76 77 78 79 80 Annexe D Dossier météorologique 81 82 83 84 85 86 Annexe E Cartographie 87 88 Ministère des Transports, de l'Energie, du Développement durable l'Equipement, du Tourisme et de la Mer Ministère de l'Ecologie, et de l'Aménagement du territoire Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Tour Pascal B sur les évènements de mer Bureau d'enquêtes 92055 LA DEFENSE CEDEX T : + 33 (0) 140 813 824 / F : +33 (0) 140 813 842 Bea-Mer@equipement.gouv.fr Tour Pascal B ­ Antenne Voltaire - 92055 La Défense cedex www.beamer-france.org téléphone : +33 (0) 1 40 81 38 24 - télécopie : +33 (0) 1 40 81 38 42 www.beamer-france.org bea-mer@developpement-durable.gouv.fr INVALIDE)

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