Rapport d'enquête technique : homme à la mer à bord du chalutier Sagittaire survenu le 23 juillet 2008 à 20 milles dans le nord de l'île de Batz (une victime)

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur la chute d'un homme à la mer survenue à bord du chalutier Sagittaire le 23 juillet 2008 à 20 milles dans le nord de l'île de Batz. Cet accident a fait une victime. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident ; sécurité ; prévention
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique SAGITTAIRE 2 Rapport d'enquête technique HOMME A LA MER A BORD DU CHALUTIER SAGITTAIRE SURVENU LE 23 JUILLET 2008 A 20 MILLES DANS LE NORD DE L'ILE DE BATZ (une victime) Page 1 sur 24 Page 2 sur 24 Avertissement Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du titre III de la loi n°.2002-3 du 3 janvier 2002 et du décret n°.2004-85 du 26 janvier 2004 relatifs aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles, de la Résolution MSC.255 (84) de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) adoptée le 16 mai 2008 et portant Code de normes internationales et pratiques recommandées applicables à une enquête de sécurité sur un accident de mer ou un incident de mer (Code pour les enquêtes sur les accidents). Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif a été d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. Page 3 sur 24 PLAN DU RAPPORT 1 2 3 4 5 6 7 8 CIRCONSTANCES CONTEXTE NAVIRE EQUIPAGE CHRONOLOGIE FACTEURS DU SINISTRE MESURES PRISES PAR L'ARMEMENT RECOMMANDATIONS Page Page Page Page Page Page Page Page 6 6 7 8 9 12 14 14 ANNEXES A. B. C. Décision d'enquête Dossier navire Cartographie Page 4 sur 24 Liste des abréviations BEAmer : : : : : : : Bureau d'enquêtes sur les accident en mer Certificat Restreint d'Opérateur (radiocommunications) Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage Document Unique de Prévention Temps Universel Vêtement à Flottabilité Intégrée Radio Très Haute Fréquence (Very High frequency) CRO CROSS DUP TU VFI VHF Page 5 sur 24 1 CIRCONSTANCES (Heures TU + 2) Le 23 Juillet 2008 en début d'après-midi, le SAGITTAIRE est en pêche à 20 milles dans le Nord de l'île de Batz. Le mécanicien et un matelot sont sur le pont arrière ; ils ramendent le chalut tribord, endommagé au cours du trait précédent et rangé le long du pavois. Les conditions de mer sont bonnes : mer 3 et vent de Nord-Est 18 noeuds. Vers 14 heures, le train de pêche croche. Le patron rejoint la plage arrière et prend les commandes des treuils afin de virer le chalut, le second restant à la timonerie. Le mécanicien se poste à bâbord et le matelot à tribord. Afin de passer une bosse sur les panneaux, le matelot est amené, à plusieurs reprises, à grimper sur le chalut entreposé sur le pont. Vers 14h40, le mécanicien, entrant dans le pont de travail, entend le cri du matelot et s'aperçoit que ce dernier est tombé à la mer. Le mécanicien se dévêt et se jette à l'eau pour lui porter secours. Le second entreprend aussitôt une manoeuvre de récupération d'homme à la mer. Le matelot perd rapidement connaissance et est hissé à bord avec difficulté. Malgré les soins prodigués par le mécanicien puis par l'équipe médicale acheminée par hélicoptère, il décède environ une heure et demi plus tard. 2 CONTEXTE Le chalutier SAGITTAIRE est exploité par l'Armement Dahouetin, de Saint-Alban (Côtes d'Armor). Il est armé à la pêche au large. Page 6 sur 24 Cette entreprise exploite toute l'année une quinzaine de chalutiers de 23 à 35 mètres en Manche Ouest et Mer Celtique. Les navires sont basés à Saint-Malo et effectuent des marées d'une huitaine de jours. Ils débarquent leur pêche à Roscoff ou Erquy, en fonction de leur position le dernier jour de marée. Ils pratiquent le chalut de fond et, accessoirement, le pélagique. Un roulement d'équipage est effectué chaque semaine, sur la base de deux semaines d'embarquement suivies d'une semaine de repos. 3 NAVIRE Le SAGITTAIRE présente les principales caractéristiques suivantes : Type de navire Longueur hors tout Longueur entre perpendiculaires Largeur Franc-bord (été) Jauge brute Jauge Londres Puissance moteur Construction Chantier de construction Année de construction Immatriculation Catégorie de navigation : chalutier pêche arrière ; : 23,60 m ; : 20,28 m ; : 7,20 m ; : 477 mm ; : 104,24 tonneaux ; : 169,61 (calculée) ; : 440 kW ; : acier ; : SOCARENAM (Boulogne/Mer) : 1990 ; : SB 764603 ; : 2ème . Page 7 sur 24 Le SAGITTAIRE a la disposition classique d'un chalutier pêche arrière de ce type, avec un pont principal constitué du pont de travail fermé sur les deux tiers avant de la longueur et de la plage arrière, ouverte, servant aux manoeuvres du chalut. Les treuils des funes sont placés sur cette dernière, les enrouleurs des chaluts étant situés au-dessus au niveau du pont supérieur. Les treuils des funes peuvent être commandés de la timonerie ou de l'avant de la plage arrière. Les manettes locales sont placées sur un barrot de pont, sensiblement dans l'axe du navire. La dernière visite annuelle de sécurité date du 10 avril 2008 et le permis de navigation est renouvelé jusqu'au 10 avril 2009. Aucune prescription en rapport avec l'accident n'a été émise. Le navire a été vu à sec par le Bureau Veritas le 08 avril 2008, lequel a délivré un certificat national de franc-bord valable jusqu'au 18 avril 2009. 4 EQUIPAGE La décision d'effectif comporte cinq personnes. Le jour de l'accident, six marins de nationalités française, polonaise et portugaise sont portés sur le rôle et présents à bord : Le patron, de nationalité française, est âgé de 31 ans. Il est titulaire du brevet de lieutenant de pêche, du certificat de capacité et du permis de conduire les moteurs marins. Il ne possède pas de certificat d'opérateur radio. Il a régulièrement exercé les fonctions de second pont et second mécanicien à partir de 1996, avec dérogation. C'est son premier embarquement comme patron, sur le SAGITTAIRE, avec dérogation de 10 jours accordée le 22 juillet 2008. Le second pont est âgé de 37 ans et de nationalité polonaise. Il est titulaire du certificat de capacité obtenu en 2006. Après une période de formation à terre en 2006, il acquiert le permis de conduire les moteurs marins et le brevet de capitaine 200, qui inclut le certificat restreint d'opérateur des radiocommunications, en même Page 8 sur 24 temps que le certificat de capacité, obtenu par validation des services. Depuis, il alterne les fonctions de marin qualifié, mécanicien ou second pont et, depuis octobre.2007, patron. Il a obtenu le 22 juillet 2008 une dérogation de 10.jours pour son embarquement comme second. Le mécanicien, de nationalité française et âgé de 24 ans, est titulaire d'un brevet de chef de quart machine et d'un CRO. C'est son premier embarquement sur le SAGITTAIRE. Le matelot français, victime de la noyade, est âgé de 54 ans. Il possède le certificat de marin-pêcheur qualifié et a débuté sa carrière en 1970. Il est employé par l'Armement Dahouetin depuis 1999, comme matelot ou, à l'occasion, comme maître d'équipage. Les deux matelots portugais, âgés de 51 et 49 ans, n'ont pas de qualification particulière. Etant occupés sur le pont couvert au moment de l'accident, ils n'ont pas été témoins directs de la chute à la mer. Tous les membres de l'équipage sont aptes physiquement. Le marin décédé était médicalement apte à toutes fonctions, cette aptitude étant limitée à 8 mois. 5 CHRONOLOGIE Le 23 juillet 2008 Toutes heures TU+2 En début d'après-midi, le SAGITTAIRE est en pêche ; le chalut de fond bâbord est à l'eau. Le mécanicien et le matelot de nationalité française sont occupés à ramender le chalut tribord, déchiré au cours du trait précédent. Pour ce faire, ce chalut a été placé à l'arrière tribord de la plage arrière le long du pavois, formant un tas d'une hauteur d'un mètre environ, soit pratiquement la hauteur du pavois. Les deux matelots portugais sont dans l'espace couvert du pont de travail, vers l'avant. Page 9 sur 24 Vers 14h00, alors que le SAGITTAIRE se trouve à 20 milles dans le nord-est de l'île de Batz, le chalut croche. Le patron rejoint sur l'arrière le mécanicien et le matelot afin de manoeuvrer le train de pêche, tandis que le second demeure en timonerie. Pour virer le chalut, le patron est aux commandes à l'avant de la plage arrière tandis que le mécanicien se tient à bâbord et le matelot à tribord. Ils bossent les panneaux à leurs emplacements respectifs, à bâbord et tribord. Le patron constate que les deux bras tribord sont cassés. Les deux bras bâbord sont virés sur l'enrouleur bâbord. De 14h30 à 14h40 environ, le matelot se tient près du mécanicien et, à plusieurs reprises, monte sur le chalut entreposé sur le pont à tribord, pour assurer la manoeuvre. A 14h40 environ, le mécanicien quitte son poste et se dirige vers l'avant afin de récupérer un outil, alors que le matelot se trouve toujours, selon le patron, sur le tas de filet. Arrivé au niveau de l'accès au pont couvert, le mécanicien entend le matelot crier. Il se retourne et constate que ce dernier est passé par-dessus bord ; il le voit agiter les bras et l'entend crier à nouveau. Le mécanicien donne l'alerte, retire bottes et ciré et plonge. Il rejoint le matelot en deux minutes, le ceinture et le maintient hors de l'eau. Le matelot est conscient, bien qu'en état de panique. Le patron se rend à l'avant pour récupérer une gaffe. Le second, de la timonerie, se retourne vers l'arrière et constate que le matelot et le mécanicien sont à l'eau. Il revient immédiatement aux commandes et effectue une manoeuvre de « Boutakoff ». Sept minutes après, le SAGITTAIRE se trouve à une quinzaine de mètres au vent des deux hommes. A ce moment, selon les témoins, le matelot est toujours conscient. Une bouée couronne est jetée par-dessus bord. Lorsque les deux hommes arrivent à quelques mètres du bord, la gaffe est tendue au mécanicien. Le second signale que le matelot semble avoir perdu connaissance. Le corps du matelot est remonté à bord à l'aide de la grue. Le mécanicien tente alors de réanimer la victime, en pratiquant alternativement bouche à bouche et massage cardiaque, jusqu'à l'arrivée du médecin. Page 10 sur 24 A 14h55, le second par VHF signale au CROSS Corsen un homme à la mer. A 15h00, le CROSS demande le concours d'un hélicoptère de la Marine Nationale. A 15h01, conférence radio-médicale entre le SAGITTAIRE, le CROSS Corsen et le CCMM Toulouse. A 15h08, conférence radio-médicale entre le SAGITTAIRE, le CROSS Corsen et le SAMU 29. A 15h19, décollage de l'hélicoptère. A 15h39, arrivée sur zone de l'hélicoptère. A 15h47, le médecin et le plongeur sont à bord du SAGITTAIRE. A 16h08, le médecin constate le décès du matelot. A 16h10, le CROSS Corsen informe l'armateur. A 18h30, le SAGITTAIRE est à quai à Roscoff. Page 11 sur 24 6 DETERMINATION & FACTEURS DU SINISTRE DISCUSSION DES La méthode retenue pour cette détermination a été celle utilisée par le accidents de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255(84). Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : · · · facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteur humain ; BEAmer BEAmer pour l'ensemble de ses enquêtes, conformément au Code pour la conduite des enquêtes sur les Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : · · · certain, probable ou hypothétique ; déterminant ou aggravant ; conjoncturel ou structurel. ont répertorié les facteurs avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par ce sinistre. Leur objectif étant d'éviter le renouvellement de ce type d'accident, ils ont privilégié, sans aucun a priori, l'analyse inductive des facteurs qui avaient, par leur caractère structurel, un risque de récurrence notable. 6.1 Facteurs naturels Les conditions météorologiques sur zone sont maniables : vent de Nord-Est 18 noeuds, mer 3, visibilité 20 Km. Page 12 sur 24 6.2 Facteurs matériels Aucune défaillance n'a été relevée, tant en ce qui concerne le navire que ses équipements. S'agissant du train de pêche, la rupture des bras tribord à la suite de la croche a rendu plus difficile la remontée du chalut. Cette avarie constitue, selon les enquêteurs du BEAmer, le facteur sous-jacent des causes de l'accident. 6.3 Facteur humain Le fait d'entreprendre une manoeuvre relativement délicate de remontée du train de pêche, alors que l'espace le long du pavois tribord est encombré par un chalut, constitue un facteur de risque certain pour les marins amenés à intervenir sur le panneau. En l'espèce, le matelot devait grimper sur ce chalut pour atteindre le panneau tribord ; il se trouvait ainsi les deux pieds à hauteur de la lisse. De plus, au moment de sa chute, le matelot n'était plus dans le champ visuel direct du patron ou du mécanicien. La raison pour laquelle il a perdu l'équilibre n'a donc pas pu être déterminée. L'entreposage d'un chalut le long du pavois, lors de la manoeuvre, constitue donc le facteur déterminant de la chute à la mer du matelot. Par ailleurs, l'absence du port de VFI, diminuant les chances de survie en cas de chute à la mer, constitue un facteur aggravant des conséquences de l'accident. Page 13 sur 24 7 MESURES PRISES PAR L'ARMEMENT L'armateur a réactualisé le Document Unique de Prévention (DUP) : les risques de chute sur le pont et par-dessus bord sont considérés comme « élevés », avec : rappel de l'obligation du port du VFI et du casque, nécessité du maintien d'un passage libre le long de la lisse. 8 RECOMMANDATIONS Le BEAmer rappelle aux armateurs et patrons de pêche : 8.1 8.2 que le port du VFI en situation de travail est obligatoire depuis 2007. qu'ils doivent constamment veiller à apprécier les risques à leur niveau réel, lorsque l'environnement semble favorable et en particulier lorsque les conditions de travail s'écartent des cadres habituels. Page 14 sur 24 LISTE DES ANNEXES A. B. C. Décision d'enquête Dossier navire Cartographie Page 15 sur 24 Annexe A Décision d'enquête Page 16 sur 24 Page 17 sur 24 Annexe B Dossier navire Page 18 sur 24 Plage arrière Page 19 sur 24 Extrait du D.U.P. réactualisé au 13/08/08 Commandes locales des treuils Page 20 sur 24 Emplacement où se tenait le marin victime de l'accident Page 21 sur 24 Annexe C Cartographie Page 22 sur 24 Zone de l'accident Page 23 sur 24 Page 24 sur 24 Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la Mer en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le climat Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Tour Pascal B - Antenne Voltaire - 92055 La Défense cedex téléphone : +33 (0) 1 40 81 38 24 - télécopie : +33 (0) 1 40 81 38 42 www.beamer-france.org bea-mer@developpement-durable.gouv.fr

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