Rapport d'enquête technique : heurt d'une bouée de chenal suivi d'un talonnage du navire chimiquier/pétrolier Doris survenus le 3 avril 2009 dans le chenal d'accès du port de Lorient
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur le heurt d'une bouée de chenal suivi d'un talonnage du navire chimiquier/pétrolier Doris survenus le 3 avril 2009 dans le chenal d'accès du port de Lorient . Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident
;sécurité
;prévention des risques
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique Report of safety investigation
DORIS
2
Rapport d'enquête technique
Heurt d'une bouée de chenal suivi d'un talonnage du navire chimiquier / pétrolier
DORIS
survenus le 3 avril 2009 dans le chenal d'accès du port de Lorient
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Avertissement
Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du titre III de la loi n° 2002-3 du 3 janvier 2002 et du décret n° 2004-85 du 26 janvier 2004 relatifs aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles, de la Résolution MSC.255 (84) de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) adoptée le 16 mai 2008 et portant Code de normes internationales et pratiques recommandées applicables à une enquête de sécurité sur un accident de mer ou un incident de mer (Code pour les enquêtes sur les accidents). Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du sur les circonstances et les causes de l'événement analysé. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif a été d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
BEAmer
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PLAN DU RAPPORT
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CIRCONSTANCES CONTEXTE NAVIRE EQUIPAGE CHRONOLOGIE CONSTATATION DES AVARIES FACTEURS DU SINISTRE RECOMMANDATIONS
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ANNEXES
A. B. C. Décision d'enquête Cartographie Trajectographie
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Liste des abréviations
ARPA AIS
BEAmer
: : : : : : : : : : : :
Automatic Radar Plotting Aid (aide de pointage radar automatique) Automatic Identification System (système d'identification automatique) Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Convention on the International Regulations for Preventing Collisions at Sea (règlement international pour prévenir les abordages en mer) Electronic Chart Display and Information System (Système électronique de visualisation des cartes et d'information) Global Positioning System (système de positionnement mondial par satellite) Norwegian International Ship register Organisation Maritime Internationale Port State Control (Contrôle des navires au titre de l'Etat du Port) Search and Rescue Radar Transponder Système Mondial de Détresse et de Sécurité en Mer International Convention on Standards of Training Certification and Watchkeeping (Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille) Voyage Data Recorder (enregistreur des données du voyage) Temps Universel Tonneaux de jauge Very High Frequency (Radio Très Haute Fréquence)
COLREG ECDIS GPS NIS OMI PSC SART SMDSM STCW
VDR TU tx VHF
: : : :
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CIRCONSTANCES
Le DORIS, chargé d'un produit pétrolier venant de Russie, a une cargaison
destinée au port de Lorient où il arrive très tôt le matin du 3 avril 2009. Le navire se présente à 04h30 sous Groix pour prendre le pilote. Le commandant est à la passerelle. Il est assisté par le second-capitaine et un matelot qui viennent de prendre leur service de quart. Compte-tenu de la visibilité fortement réduite, le DORIS est, dans un premier temps, conduit vers un mouillage dans l'attente d'une amélioration. La visibilité s'améliorant sensiblement, le pilote décide alors de rentrer le navire sur Lorient en empruntant la passe Ouest. Le DORIS fait route vers son appontement en suivant d'abord l'alignement des Soeurs. Après avoir commencé à venir du cap 057° au 016° afin de se positionner sur ,5, l'alignement de l'île Saint-Michel, un ordre de barre à droite est mal compris et la barre est conservée à gauche. Le DORIS vient en grand sur bâbord et sort alors du chenal balisé, en engageant la chaîne de mouillage de la bouée de l'Ecrevisse dans son arbre d'hélice. Les avaries subies ne se feront réellement ressentir qu'une fois le navire à nouveau dans le chenal. Au niveau de la Citadelle, le pilote s'aperçoit que le DORIS ne répond plus correctement aux ordres de barre et de cap. Il est fait alors appel au remorqueur SCORFF, en attente à la bouée de l'Amiral. Le DORIS n'est plus manoeuvrant, il gouverne de façon erratique. Il stoppe son erre au niveau du Pot, haut-fond au sud de la bouée du Cochon. Arrivé finalement à l'appontement pétrolier avec l'aide du remorqueur, le DORIS décharge sa cargaison de produit raffiné. Le surlendemain, le navire fait route en remorque sur Rotterdam pour y subir des travaux de remise en état de son appareil à gouverner et de son hélice. Un barrage flottant à l'arrière du navire a été mis en place par le port afin de prévenir tout risque de pollution.
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2
2.1
CONTEXTE
Economique
La société de transport Utkilen AS dont le siège est à Bergen a été fondée en 1967. C'est l'une des principales compagnies de transport de produits chimiques liquides en vrac opérant en Europe du Nord. Elle possède et exploite plus de 20 navires de 2500 à 19000 tpl. La compagnie a commandé deux nouvelles unités, livrables courant 2009. La flotte des navires est enregistrée principalement sous le registre bis norvégien (NIS). L'armement emploie environ 370 navigants de nationalité norvégienne et étrangère et 50 sédentaires. La compagnie assure la gestion des navires, des opérations commerciales et des équipages et dispose d'un service technique. Le DORIS est affrété au voyage. Il effectue au moment des faits le voyage 11-09 Saint-Petersbourg/Lorient. Il a chargé dans ses citernes à cargaison, le 28 mars 2009, 14389.mt de gasoil « Normal Russian Export Gasoil 0.05 PCT » de 0,8282 de densité à 20° . C C'est un produit pétrolier répertorié ONU 1202 classe 3 IMDG. Il est désigné comme huile de chauffe légère. Il est toxique pour les organismes aquatiques et peut entraîner à long terme des effets néfastes sur l'environnement marin.
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2.2
Nautique
Photographie : Stéphane CUISSET (Cap l'Orient)
On accède au port de Lorient par deux passes : celle de l'Ouest et celle du Sud. Elles aboutissent toutes deux au passage resserré de la Citadelle de Port-Louis. Pour tout navire d'une longueur supérieure à 60 mètres, le pilotage est obligatoire. Les navires doivent communiquer, 6 heures à l'avance, l'heure probable d'arrivée dans les Coureaux de Groix. Le pilote embarque à 3 milles à l'Est-Nord-Est du phare de Pen-Men (pointe Nord-Ouest de l'île de Groix). Cependant, par visibilité inférieure à 700 m, il est interdit aux navires de plus de 100 mètres d'emprunter les passes. L'axe de la passe de l'Ouest est matérialisé par l'alignement du phare de PortLouis par la tourelle des Soeurs. Une fois passé la bouée A8, il convient de suivre l'alignement des tourelles lumineuses de l'île Saint-Michel au 016,5° pour le passage de la Citadelle. Les dangers de part et d'autre de cet alignement sont signalés par des tourelles ou des bouées. La profondeur minimale est de 8 m. Le tirant d'eau maximal admis peut atteindre 12,8 m. Cependant, pour les navires d'un tirant d'eau supérieur à 8 m, le chenal n'est pas
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très large. D'une centaine de mètres, le chenal va en se resserrant jusqu'à atteindre 60 m au passage de la Citadelle. Le Préfet Maritime de l'Atlantique réglemente, par arrêté, la navigation, le mouillage et la pêche dans la rade de Lorient et ses abords, ainsi que l'accès et la circulation en rade de Lorient des navires transportant des hydrocarbures ou des matières dangereuses. Ainsi, l'arrêté 18/83 indique que les navires transportant plus de 500 m3 d'hydrocarbures, ou transportant des marchandises dangereuses en vrac, doivent emprunter la passe Ouest au Nord du Banc des Truies et le chenal principal passant à l'Ouest de l'île Saint-Michel. De plus, le chenalage de ces navires n'est autorisé, de jour comme de nuit, de deux.heures avant la pleine mer à une heure après, et d'une heure avant la basse mer à une heure après, que lorsque leur tirant d'eau le permet, le vent inférieur à 33.noeuds et la visibilité supérieure à 700 mètres. Pour les navires d'une longueur supérieure à 125 mètres ne disposant pas de propulseur d'étrave et ceux d'une longueur de 140 m qui en sont munis (cas du DORIS) l'accompagnement par un remorqueur est obligatoire à partir de la Citadelle. Le remorqueur doit se tenir néanmoins en alerte à proximité de la bouée tribord n° dite bouée de l'Amiral, 1, lorsque que le navire se trouve entre la bouée du Banc des Truies et la Citadelle.
3
LE NAVIRE
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3.1
Généralités
Le DORIS est la propriété de l'armement Utkilen Shipping KS (Norvège). C'est un navire de type combiné « chemical and oil tanker ». Il a été construit en 1998 aux chantiers navals STX Norway Offshore AS à Aukra (Norvège). Il est classé au Det Norske Veritas «. 1A1, EO, ICE 1A », qui délivre également les certificats internationaux pour l'Etat du pavillon ainsi que le Safety Management Certificate (SMC). Tous les certificats de sécurité du navire sont en cours de validité. Le navire est régulièrement inspecté dans le cadre du « Port State Control (PSC)» du mémorandum d'entente de PARIS (PARIS MoU), soit 15 fois depuis janvier 1999. Le DORIS n'a fait l'objet d'aucune immobilisation depuis son neuvage. Lors de ces inspections, trois déficiences ont été relevées en juillet 1999 et une en décembre 2006. Il convient enfin de noter que le coefficient de ciblage, avant l'événement, est de 5 compte-tenu, entre autres, du faible nombre de déficiences, voire de l'absence de défectuosité relevée. Cette priorité d'inspection est basse et le pavillon est sur la « liste blanche » du PARIS MoU.
3.2
Principales caractéristiques
Indicatif MMSI N° OMI Pavillon Port d'enregistrement
: LAGP5 ; : 259896000 ; : 9172210 ; : Norvégien ; : Bergen ;
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Longueur HT Longueur entre perpendiculaires Largeur Tirant d'eau Franc-bord (été) Jauge brute Jauge nette Déplacement lège Volume de cargaison (100%) Construction Moteur de propulsion Puissance de propulsion Groupe auxiliaire Groupe auxiliaire Propulseur d'étrave Temps inversion sens de marche Temps d'arrêt Crash stop Giration
: 140,20 m ; : 132,20 m ; : 22,15 m ; : 8,75 m ; : 2750 mm ; : 9956 ; : 5019 ; : 16028 ; : 17619 m3 ; : Double coque ; : Wärtsilä ; : 5940 kW (7965 hp) ; : Volvo 428 kW ; : Wärtsilä 930 kW ; : Brunvoll 736 kW ; : 4 min ; : 6 min ; : 280 m (5 min).
3.3
Equipements de navigation et de sécurité
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Le DORIS est un navire en parfait état d'entretien. Il est notamment équipé du matériel suivant : Matériel de navigation et de passerelle : GPS ; Radars : 2 (9 et 3 GHz) ; Aide au plotting radar automatique (ARPA) ; Système d'identification automatique (AIS) ; Enregistreur de donnée du voyage simplifié (S-VDR) ; Sondeur ; Compas magnétique ; Gyro compas(avec moyen de relèvement) ; Publications et cartes nautiques ; Cartes électroniques et système d'information (ECDIS) ; Lampe de signalisation (ALDIS) ; Indicateur de barre, de propulseurs d'étrave et de pas de l'hélice. Radiocommunications : Le navire, certifié pour opérer dans les zones A1 + A2 + A3 dispose de : VHF MF/HF Appel Sélectif Numérique VHF (ASN/DSC) Appel Sélectif Numérique MF/HF (ASN/DSC)
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Station
INMARSAT :
(standard des
C
avec
Appel
de
Groupe
Amélioré AGA/EGC) Balise de Localisation SARSAT) NAVTEX SART
Sinistres
(RLS) :
(COSPAS-
La propulsion et le pas de l'hélice sont commandés depuis la console centrale de timonerie, avec des commandes déportées sur chaque aileron. L'angle de barre maximal est de 45° de chaque bord. La durée de passage tout d'un bord à l'autre est de 11.secondes. Enfin, le navire dispose d'un propulseur d'étrave de 735 kW, efficace à une vitesse inférieure à 4,5 noeuds.
3.4
Paramètres de chargement
Tirant d'eau Avant Tirant d'eau arrière Déplacement : : : 8,67 m ; 8,67 m ; 15668,8 t.
4
L'EQUIPAGE
L'équipage est constitué de 16.marins. Il est composé de marins de nationalité
norvégienne, philippine et anglaise : Quatre officiers pont (commandant, second-capitaine, deux lieutenants) ; Trois officiers machine (chef-mécanicien, second-mécanicien et lieutenant) ; Un pompiste et un pompiste assistant ; Trois matelots ; Un ouvrier mécanicien ; Un cuisinier ; Un garçon ; Un élève pont.
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Tous disposent des brevets nécessaires et sont aptes à l'exercice de leurs fonctions respectives, en conformité avec la convention STCW 95. Les deux lieutenants pont sont titulaires, entre autres, du certificat général d'opérateur du Système Mondial de Détresse et de Sécurité en Mer. L'un d'eux est désigné en tant que responsable des communications radio dans les situations d'urgence. La langue officielle de travail est l'anglais, conformément au chapitre V/14 de la convention SOLAS. Au moment de l'événement, quatre personnes se trouvent à la passerelle : trois membres d'équipage (le commandant, le second capitaine et un matelot) et un pilote de la station de Lorient. Le commandant, de nationalité norvégienne, âgé de 59 ans, a embarqué à bord du DORIS le 19 mars 2009 en Norvège. Son précédent embarquement date du 25 février 2009 au 7 mars 2009. Il navigue depuis 1967 à bord de navires pétroliers. Il est employé par la compagnie Utkilen Shipping KS depuis 20 ans. Il est titulaire d'un brevet de niveau 1 (Deck Officer Class 1, Master - unlimited) incluant ,entre autres, les certificats suivants : General Operator Certificate ; Ship Manoeuvring Simulator ; Tankerman Certificate ; Electronic Chart Display and Information System (ECDIS).
Il commande depuis 13 ans. Il rentre dans le port de Lorient avec le DORIS pour la deuxième fois, la première escale, de jour, a eu lieu il y a un an. Le second-capitaine de nationalité norvégienne, de quart au moment de l'accident, est âgé de 56 ans. Titulaire d'un brevet de niveau 1 (Deck Officer Class 1, Master - unlimited), il dispose des mêmes certificats STCW 95 que le commandant. Il navigue depuis 1970, et a intégré l'armement Utkilen Shipping KS en 1988. Il navigue à bord de pétroliers depuis 1977. Il a embarqué à Kiel en Allemagne le 24 février 2009. Le matelot de veille au moment des faits, de nationalité philippine, est âgé de 35 ans. Il est titulaire du niveau « Basic Safety Training » STCW 95 délivré en 2002 par le « Far East Maritime Foundation INC » de Manille. Ce titre inclut les modules de formations suivants : Proficiency in Personal Survival Techniques ; Fire Prevention and Fire Fighting ; Elementary First Aid ;
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-
Personal Safety and Social Responsibility.
Tous trois sont aptes physiquement à l'exercice de leurs fonctions. Le pilote, quant à lui, exerce cette fonction au port de Lorient depuis novembre.2004. Agé de 40 ans, il a débuté sa carrière de navigant en 1991 et n'a embarqué que sur des pétroliers. Il est titulaire du brevet de capitaine illimité depuis 2001, période à laquelle il obtient son premier commandement. Il est apte physiquement pour exercer la fonction de pilote maritime. Enfin, il a été procédé, le 3 avril 2009 par la Gendarmerie Maritime, à des tests d'alcoolémie sur le commandant et le pilote maritime qui se sont avérés négatifs.
5
CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS
(Toutes heures TU+2)
5.1
Journée du 3 avril 2009
Après s'être couché le 2 avril 2009 à 22h00, le Commandant du DORIS se fait
réveiller à 03h30 le 3 avril 2009, une heure avant la prise du pilote, et rejoint la passerelle à 03h55. La pilotine KORVENN a quitté son poste à 04h00 le 3 avril 2009. La visibilité observée est, à ce moment, d'environ 1500 m entre le passage de la Citadelle et la bouée A8. Elle est médiocre dans la passe de l'Ouest. A bord du DORIS, à 04h00, le second-capitaine prend le quart ; il estime la visibilité à 300 mètres environ. A 04h15, la machine est parée à manoeuvrer. Le pilote embarque à bord du DORIS sous Groix à 04h30, en vue de l'accostage à l'appontement pétrolier de Lorient. Le pilote n'a pas servi de navire depuis la veille. Ce dernier, une fois en passerelle, se renseigne sur les tirants d'eau et précise au commandant que la visibilité de 600 mètres, voire 100 mètres par endroits, est inférieure au minimum requis pour rentrer. Compte-tenu de la faible visibilité, il décide, en accord avec le commandant, de se rendre au mouillage en zone d'attente et d'y rester jusqu'à au moins 09h00, espérant
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une amélioration de la visibilité. Il est donc demandé au remorqueur SCORFF, prévu de se positionner à la Citadelle, conformément à la réglementation, de rester en attente jusqu'à nouvel ordre. Les équipements de navigation sont en service. Les radars sont en fonction, l'un sur l'échelle des 3 milles, l'autre sur 1,5 milles. A 04h39, le pilote informe la Capitainerie de ses intentions de mouiller, comptetenu de la trop faible visibilité, qui n'est que de 600 mètres, insuffisante pour entrer le DORIS. Si les conditions ne s'améliorent pas, le navire sera rentré lors de la pleine mer suivante.
A 04h45, le patron de la vedette KORVENN, qui rentre sur Lorient et se trouve au niveau de la bouée A2, indique au pilote du DORIS que la visibilité est de 0,2 milles.
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Données ECDIS
A 04h54, la pilotine annonce une visibilité de 0,3' au niveau de la bouée A6. Puis, 2 minutes plus tard, la KORVENN, alors au niveau de la bouée A6, aperçoit la bouée A8 (soit.0,5'), voit bien les feux de Larmor Plage mais n'aperçoit pas du tout l'alignement des Soeurs. D'après le pilote, à 05h05, la visibilité s'améliore légèrement. En accord avec le commandant, il décide de faire route, non plus vers la zone de mouillage, mais vers l'alignement d'entrée, en empruntant la passe Ouest. La capitainerie et le remorqueur en sont aussitôt informés.
Photographie : Remorquage Lorient
Initialement prévu de quitter son poste d'amarrage à 04h15 pour servir le DORIS, le remorqueur SCORFF appareille à 05h12, avec quatre hommes à bord, pour rejoindre sa zone d'attente située la bouée n° dite de l'Amiral. La 1 visibilité dans le secteur de la bouée n° est 1 d'environ 600 à 800 mètres. Les principales caractéristiques du remorqueur sont les suivantes : Longueur HT Déplacement Traction : 28,10 m ; : 234 tonnes ; : 31 tonnes ;
Tenue au frein : 70 tonnes. La navigation dans la passe de l'Ouest se fait sans difficulté, à allure modérée (6.noeuds, vitesse de manoeuvre). Le pilote est debout, face à la console radar bâbord, le second-capitaine fait des allers et venues dans la timonerie, le matelot fait la veille sur tribord. Quant au commandant, il est, comme à chaque entrée de port, au pupitre de commandes du pas d'hélice et de l'appareil à gouverner, suivant les indications du pilote. Aux abords de la bouée rouge A8, la visibilité entre cette dernière et la Citadelle est alors d'environ 700 m. Concentré sur l'écran radar, le DORIS arrivant à la bouée A8, le pilote passe près de celle-ci, dans la partie gauche du chenal. Il amorce, sous pilote automatique, une giration sur bâbord afin de prendre l'alignement des deux feux de l'Ile Saint-Michel. Le DORIS vient sur la gauche. Le changement de route pour venir du cap 057° au cap 016° ,5, avec la barre 10° à gauche, s'effectue normalement.
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Le pilote demande au commandant, une fois le navire au travers de la bouée A8, de passer en barre manuelle, ce qui est fait. A 05h34, afin de stopper l'évolution du navire sur bâbord, un ordre de barre « starboard twenty »(à droite 20) est donné au commandant par le pilote. Ce dernier, s'aperçoit, aussitôt l'ordre donné, que le commandant, au lieu de mettre la barre à droite, a augmenté l'angle de barre à gauche. Jusqu'alors, les ordres de barre et de commande de la propulsion étaient acquiescés, plutôt que répétés. Dès lors, le pilote fait mettre la barre « starboard thirty » (à droite 30) puis « hard a starboard » (à droite toute). Il accompagne l'évolution sur tribord par un coup de fouet, en augmentant l'allure machine jusqu'en avant-demie. A 05h36, le pilote prévient alors le SCORFF de l'erreur de barre et lui demande de s'approcher du pétrolier. La visibilité est à ce moment très mauvaise. Les deux navires ne se voient toujours pas, alors même que le DORIS est au niveau de la bouée de l'Ecrevisse, et le SCORFF à proximité de la Jument (0,4'). Malgré cette manoeuvre corrective, le navire poursuit son évolution sur bâbord jusqu'à venir au 359° le DORIS sort alors du chenal, entre la bouée A8 et la bouée de ; l'Ecrevisse. Sous l'effet de la giration, mais également, pense sur le moment le pilote, suite à un talonnage, la vitesse du navire qui était de l'ordre de 6 à 7 noeuds, descend à 2,6 noeuds. Afin d'éviter un échouement probable, le remorqueur SCORFF est sollicité d'urgence. Par ailleurs, depuis 05h30, un épais bouchon de brume a envahi l'ensemble du chenal, réduisant, selon le capitaine du remorqueur, la visibilité à moins de 50 mètres. Par ces manoeuvres, le navire revient dans le chenal. Le pilote demande au commandant de venir au 050° Les indications du pil ote seront dès lors clairement répétées . par le commandant. A 05h38, des vibrations et des bruits anormaux se font ressentir. Le pilote estime toutefois que l'échouement a été évité. Deux minutes plus tard, le pilote informe le SCORFF que le DORIS s'est dégagé et est à présent dans le chenal. La demande d'assistance d'urgence du SCORFF est annulée : ce dernier rejoint alors son poste d'attente à proximité de la Citadelle. Cependant, le DORIS est très
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difficilement manoeuvrable : le maintien d'un cap stable est impossible et le navire embarde. A 05h42, le pilote fait de nouveau appel au remorqueur car le navire ne gouverne plus. Le pilote, qui donnait initialement des indications de cap, demande désormais des angles de barre. Il pense alors que le commandant éprouve des difficultés à barrer. Les ordres se succèdent. Par le travers de la Citadelle, au cap 016° le navire vient de lui-même sur ,5, bâbord. Le patron du SCORFF prévient aussitôt le pilote que le DORIS s'approche de la balise du Cochon ; la visibilité n'est que d'une dizaine de mètres. A ce moment, un fort bruit se fait entendre à l'arrière, comme si le DORIS venait de talonner, bien qu'il soit en eaux saines selon le pilote.
Données ECDIS Page 19 sur 72
A 05h45, une alarme machine signale un défaut d'hydraulique de l'appareil à gouverner. Le chef mécanicien se rend aussitôt dans le compartiment machine pour vérifier l'ensemble des équipements. Les alarmes « température haute » et « huile étambot » apparaissent. Durant son investigation, le chef-mécanicien constate une importante fuite d'huile au niveau de l'appareil à gouverner : la caisse à huile est au niveau bas. Sur instruction du chef mécanicien, le troisième mécanicien sonde les cofferdams, les caisses à huile et à combustible ainsi que les espaces sous parquet et établit une situation générale du compartiment machine. Quant au maître machine, il est chargé de maintenir le niveau de la caisse à huile de l'appareil à gouverner. De son côté, le commandant demande au pompiste de contrôler les ballasts. L'erre du navire est cassée en battant en arrière. A 05h48, le SCORFF s'approche du DORIS sur son tribord et passe la remorque en flèche par le chaumard axial arrière. Le pilote demande au SCORFF un deuxième remorqueur en urgence (MORBIHAN) et informe le deuxième pilote de la station de Lorient de la situation. Une investigation du local de propulsion est réalisée ; la machine et la barre semblent disponibles et aucune pollution n'est constatée. Le chef-mécanicien tient régulièrement informé la passerelle de l'état des avaries subies et des fuites hydrauliques constatées dans le local barre. A ce moment, l'angle arrière tribord du pétrolier se trouve pratiquement à l'aplomb des signaux d'entrée du port et à quelques mètres des roches de la Citadelle de Port-Louis. A 05h51, le pilote interroge le commandant sur l'absence du balisage sur la carte ECDIS. A 05h56, le DORIS s'approche dangereusement de la partie Est du chenal. Il s'en écarte difficilement avec l'aide du propulseur d'étrave et du SCORFF qui tire le navire par l'arrière à 5 tonnes. Durant cette manoeuvre, l'arrière du DORIS pivote vers le Nord, ce qui entrave considérablement la manoeuvre, sachant que la largeur du chenal n'est que de 100 mètres. Le SCORFF n'est qu'à 2 ou 3 mètres des rochers. La visibilité est alors estimée entre 50 et 100 mètres. A 06h04, le chef-mécanicien informe la passerelle que le niveau d'huile de l'appareil à gouverner est difficilement maintenu, ce qui semble alors indiquer une probable fuite d'huile à la mer. Dans le même temps, l'équipage du MORBIHAN rejoint son bord.
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A 06h11, le pilote constate, que le DORIS ne s'est pas échoué. Désormais en eaux libres, le pilote décide de remettre le navire en route à petite vitesse. A 2 ou 3 noeuds, le DORIS gouverne grâce au remorqueur SCORFF et au propulseur d'étrave. Le pilote signale dès 06h33 à Lorient Port que le chenal est libre à la circulation. Le deuxième pilote rejoint le DORIS. Il prend en charge, jusqu'à l'accostage, une partie des communications internes et externes, alors qu'à 06h38, la demande d'assistance du MORBIHAN est annulée. La visibilité demeure très réduite. Le DORIS, en avarie, remonte jusqu'à l'appontement pétrolier à la vitesse de 2 noeuds, la machine en avant très lente. A 06h40, le pétrolier est à quai. L'accostage et le pilotage se terminent à 07h15. Après l'accostage, il est relevé la présence d'irisations à l'arrière du navire, provenant probablement du tube de jaumière. Cette pollution limitée entraîne la mise en place d'un barrage par l'autorité portuaire.
5.2
Journée du 5 avril 2009
Photographie : Patrick GUIGUENO
Le DORIS quitte le port de Lorient vers 13h00 après avoir déchargé sa cargaison. Il est pris en remorque par le remorqueur de haute mer SUMATRA, à destination de Rotterdam (Pays-Bas), pour y subir les réparations. Les travaux de remise en état dureront jusqu'à la mi-juin.
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6
CONSTATATION DEGATS
Au navire
DES
AVARIES
ET
DES
6.1
L'accident a entraîné des dommages relativement importants, privant le navire d'une partie de sa propulsion et de sa capacité de manoeuvre. En effet, environ 20 mètres de chaîne se sont enroulés autour du moyeu de l'hélice. Toutes les pales sont endommagées, ainsi que le pare-aussières ; le gouvernail est tordu sur tribord. Le choc probable entre le socle en béton de la bouée de signalisation et le safran a cassé les axes de serrage de la base de l'appareil à gouverner. Chaîne de la bouée « Ecrevisse » enroulée autour du moyeu d'hélice.
Photographies : ISMER SARL Lorient
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Enfin, un ragage mineur de 2 m x 20 cm de large entre les couples 149 et 152, sur tribord, en arrière du propulseur d'étrave, ainsi qu'une déformation de la membrure 150 sont relevés. Ces dommages n'interdisent pas au navire de reprendre la mer en remorque. Compte tenu de ces avaries, les travaux ne pouvant être réalisés à Lorient, et afin de permettre un transit en remorque vers un chantier de réparation, le safran est immobilisé, barre à zéro.
6.2
A la bouée de chenal
La bouée de l'Ecrevisse, signalée en dérive par la capitainerie du port de Lorient, est récupérée vers 10 heures le même jour, entre les bouées A6 et A8, face au plateau des Saisies. Le choc a causé la perte totale de la ligne de mouillage, constituée de 15 mètres de chaîne de Ø25mm, 25 mètres de chaîne de Ø30mm, et de son corps-mort en béton armé de 1,2 tonne. La bouée elle-même n'a pas subi de dégâts.
Photographies : DDEA 29/SMIB/SPBLO
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6.3
Pollution
La fuite à l'étambot a entraîné le déversement de quelques centaines de litres d'huile hydraulique. Un barrage antipollution a été déployé à l'arrière du navire. Les conséquences sur l'environnement ont été limitées.
7
DETERMINATION & DISCUSSION FACTEURS DU SINISTRE
La méthode retenue est celle utilisée par le
BEAmer
DES
pour l'ensemble de ses
enquêtes, conformément à la résolution OMI MSC.255 (84). Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : · · · · facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteur humain ; autres facteurs.
BEAmer
Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du · · ·
ont répertorié les
facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : certain, probable ou hypothétique ; déterminant ou aggravant ; conjoncturel ou structurel ;
avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par ce sinistre. Leur objectif étant d'éviter le renouvellement de ce type d'accident, ils ont privilégié, sans aucun a priori, l'analyse inductive des facteurs qui avaient, par leur caractère structurel, un risque de récurrence notable.
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7.1
7.1.1
Facteurs naturels
Les conditions météorologiques
Le 3 avril 2009 au matin, la pilotine observe que la visibilité est d'environ 1500.mètres entre le passage de la Citadelle et la bouée A8. Elle est médiocre dans la passe de l'Ouest. Le second-capitaine, à 04h00, estime quant à lui la visibilité à 300 mètres. Le pilote, une fois à bord du pétrolier, constate que la visibilité est mauvaise, inférieure aux 700.mètres requis ; celle-ci ne dépasse pas, par endroit, 100 mètres. Au vu de ces conditions et conformément à la réglementation, le pilote, en accord avec le commandant, renonce à entrer le navire et décide de se rendre au mouillage dans l'attente d'une amélioration. Estimant que la visibilité s'améliore, le pilote, à 05h05, reprend la route vers l'alignement d'entrée de la passe Ouest. Pourtant, la visibilité reste réduite et changeante ; à 04h54, le patron de la pilotine annonce successivement 0,3' de visibilité au niveau de la bouée A6, puis, bien qu'il aperçoive les feux de Larmor-Plage mais qu'il ne voie pas du tout l'alignement des Soeurs, la visibilité à la bouée A6 passe à un demi mille. Après le changement de cap pour rejoindre l'alignement des feux de l'île SaintMichel, la visibilité est inférieure à 100 mètres. A 05h41, la visibilité est quasi nulle ; le DORIS au niveau de la bouée de l'Ecrevisse et le SCORFF, à la Jument, ne se voient pas. Les relevés météorologiques, aux abords de Groix, donnent à 05h43 un vent d'Est-Nord-Est de 3 noeuds, une mer 2 et une visibilité inférieure à 200 mètres (brouillard). Dans ces conditions, la navigation est rendue délicate. C'est d'ailleurs pour cette raison que le chenalage dans les passes de Lorient pour les navires transportant des hydrocarbures ou des matières dangereuses ne peut s'effectuer, de jour comme de nuit, qu'avec une visibilité supérieure à 700 mètres. La brume épaisse est retenue comme étant un facteur conjoncturel ayant pu jouer un rôle dans la survenance de l'événement.
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7.1.2
La marée
Les tirants d'eau admis pour l'entrée en rade sont de 12,50 m en vive-eau moyenne et de 11,30 m en morte-eau moyenne. Vu les conditions de mer et de houle, la réduction de 0,50 m à 1,50 m pour tenir compte du creux de houle n'est pas appliquée. L'annuaire des marées donne à Port-Tudy, pour la journée du 3 avril 2009, les éléments suivants : Coeff. 43 HPM / hPM / HBM 5h26 hBM 1,95 m HPM 12h09 hPM 3,95 m HBM 17h58 hBM 2,15
Le DORIS, navire transportant plus de 500 m3 d'hydrocarbures ne peut chenaler dans les passes de Lorient que deux heures avant la pleine mer à une heure après ou une heure avant la basse mer à une heure après lorsque le tirant d'eau le permet. Dans le cas présent, le navire a un tirant d'eau de 8,67 m avec une assiette nulle. Au moment de l'événement, les hauteurs d'eau sont les suivantes :
chenal d'accès Cote hauteur BM hauteur
0,80 m, soit 7,20 m.
appontement pétrolier 9,80 m 1,79 m 11,59 m
7,20 m 1,95 m 9,15 m
Nota : la cote dans le chenal d'accès est de 8,00 m, à laquelle il convient de prendre un pied de pilote de
Par conséquent, compte tenu du tirant d'eau, l'état de la marée n'est pas retenu comme ayant un rapport avec l'évènement 7.1.3 Le chenal d'accès
Les deux rives du chenal d'accès au port de Lorient ont une faible élévation par rapport au niveau de la mer, mais sont bordées de récifs dans les zones médiolittorales et infralittorales de l'estran, pouvant présenter un danger pour la navigation maritime.
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Les dangers de part et d'autre du chenal sont signalés par des tourelles, des bouées ou des espars, lumineux ou non. On retrouve ainsi, en entrée, à l'Est du chenal, la Potée de Beurre puis la Citadelle (fortification militaire du XVIème) et à l'Ouest, les roches de Toulhars, la Jument, le Pot et le Cochon. Pour les navires d'un tirant d'eau supérieur à 8 mètres, le chenal est étroit, une centaine de mètres tout au plus, et va en se resserrant jusqu'au passage de la Citadelle, où sa largeur n'est que d'une soixantaine de mètres. En particulier côté Est, un haut-fond découvrant déborde d'environ 30 mètres dans le Nord-Ouest de la tourelle de la Citadelle. Près de la Citadelle de Port-Louis, entre la bouée latérale tribord n° et la bouée le 1 Pot, le courant est traversier et porte, en flot comme en jusant, sur les basses du Pot et de la Jument (en flot à cause du courant venant de la baie de Locmalo ; en jusant à cause de celui venant de Port-Louis).
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La topographie du chenal d'accès au port de Lorient et sa largeur limitée sont retenues comme facteur aggravant en cas d'avarie ou d'écart de route.
7.2
Facteurs matériels
Aucune déficience des matériels et équipements de passerelle, de l'appareil propulsif et de la barre n'a été relevée avant l'événement. Les radars, les systèmes de visualisation de cartes électroniques et d'information, le sondeur, les VHF et la corne de brume sont en fonction. Cependant, à la hauteur de la bouée du Pot, le pilote relève qu'il n'y a pas de représentation de la signalisation maritime sur l'une des consoles de visualisation ECDIS. Ceci a pour explication une absence de licence logicielle. Il convient de noter également que le bord ne dispose pas de carte papier de l'entrée du port de Lorient. Une inspection récente au titre du MOU, en Finlande, ciblée sur les équipements de navigation, n'avait donné lieu à aucune observation sur ce point. En définitive, ceci ne saurait constituer un facteur contributif dans la mesure où le pilote possède en principe une parfaite connaissance des lieux et que les bouées apparaissent sans ambiguïté sur les radars.
7.3
7.3.1
Facteur humain
Le respect de la réglementation
Compte-tenu du fort brouillard rencontré dès la prise de pilote, le DORIS devait être conduit vers la zone de mouillage et attendre une amélioration significative de la visibilité plutôt que de renter sur Lorient et respecter ainsi les termes de l'arrêté 018/83 du 3.juin 1983. En fait, après avoir tout d'abord fait route vers le mouillage, le pilote estime que la visibilité s'améliore. A 05h05, le DORIS fait donc demi-tour en vue d'embouquer la passe Ouest pour entrer sur Lorient. A ce moment, la visibilité est d'un demi-mille. L'amélioration n'est que très localisée et passagère. Très vite le DORIS se retrouve dans une brume épaisse, ce jusqu'à son accostage à l'appontement pétrolier. Peu
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après son heurt avec la bouée de l'Ecrevisse, la visibilité est quasi nulle. Elle n'est guère meilleure au niveau du Pot et de la Jument. La décision prise d'entrer le navire, par conditions de visibilité fortement réduite à nulle, constitue un facteur potentiellement aggravant des conséquences de l'événement dans la mesure où le bord ne s'est pas immédiatement rendu compte qu'il avait touché la bouée. 7.3.2 L'organisation du travail en passerelle
A bord du DORIS, en manoeuvre, le commandant est lui-même à la barre, ce qui, de l'avis des enquêteurs, est surprenant et contraire aux pratiques. En effet, étant donné que le commandant est responsable du navire en toutes circonstances, le fait de tenir la barre ne lui permet pas d'assumer ce rôle. De plus, ni l'officier de quart, ni le matelot n'assurent de contrôle sur le « commandant-timonier ». En outre, contrairement aux usages, les indications de barre du pilote ne sont pas répétées, mais seulement acquiescées, ce qui ne permet pas à ce dernier d'avoir la certitude que les ordres sont bien compris et donc correctement exécutés. Les enquêteurs considèrent que cette organisation constitue un facteur déterminant de l'accident.
7.4
Synthèse
Le pétrolier-chimiquier DORIS est en approche du port de Lorient, le 3 avril 2009 à
04h30, pilote à bord. La visibilité est médiocre, voire nulle. Après avoir envisagé, dans un premier temps, de gagner un mouillage d'attente, il est in fine décidé d'embouquer la passe Ouest. Le commandant prend lui-même la barre manuelle. A la hauteur de la bouée A8, une erreur dans l'exécution d'un ordre de barre amène le navire à s'écarter de sa route et à heurter, par son tribord, la bouée « Ecrevisse » dont la chaîne de mouillage s'enroule autour du moyeu de l'hélice, le corps-mort en béton endommageant également le gouvernail. Dès lors, le navire devient très difficile à gouverner. A la hauteur de la bouée du Pot, il talonne, sans gravité toutefois.
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Il est pris en charge par le remorqueur portuaire SCORFF, prépositionné conformément à la réglementation en vigueur. Le DORIS accoste enfin au port de Lorient, non sans difficultés. Un barrage déployé à l'arrière contient une pollution de faible ampleur.
8
RECOMMANDATIONS
Le BEAmer recommande :
8.1
Aux armateurs
De doter leurs navires des documents cartographiques, sous forme électronique ou papier, nécessaires pour les navigations envisagées ; De rappeler aux commandants de mettre en place une organisation de passerelle leur permettant d'exercer leur responsabilité et de ne pas prendre eux-mêmes la barre en eaux resserrées.
8.2
Aux pilotes maritimes et aux capitaines
De respecter en passerelle les procédures normalisées de transmission des
ordres.
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LISTE DES ANNEXES APPENDIX LIST
A.
Décision d'enquête Enquiry decision Cartographie Chart Trajectographies Motion analysis
B.
C.
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Annexe A Appendix A
Décision d'enquête Enquiry decision
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Annexe B Appendix B
Cartographie Chart
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Annexe C Appendix C
Trajectographies Motion analysis
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L'Ecrevisse
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Le Cochon
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Ministère des Transports, de l'Equipement, du Tourisme et de de la Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable etla Mer Mer
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer
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