Rapport d'enquête technique : chute à la mer à bord du fileyeur Makaire survenue le 14 juillet 2009 au large de Hourtin (une victime)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur la chute à la mer survenue à bord du fileyeur Makaire le 14 juillet 2009 au large de Hourtin. Cet accident a fait une victime. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident
;sécurité
;prévention des risques
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique
MAKAIRE
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Rapport d'enquête technique
CHUTE A LA MER
A BORD DU FILEYEUR
MAKAIRE
SURVENUE LE 14 JUILLET 2009 AU LARGE DE HOURTIN (une victime)
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Avertissement
Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du titre III de la loi n° .2002-3 du 3 janvier 2002 et du décret n° .2004-85 du 26 janvier 2004 relatifs aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles de la Résolution MSC.255 (84) de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) adoptée le 16 mai 2008 et portant Code de normes internationales et pratiques recommandées applicables à une enquête de sécurité sur un accident de mer ou un incident de mer (Code pour les enquêtes sur les accidents). Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du les circonstances et les causes de l'événement analysé. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif a été d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
BEAmer
sur
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PLAN DU RAPPORT
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CIRCONSTANCES CONTEXTE NAVIRE EQUIPAGE CHRONOLOGIE FACTEURS DU SINISTRE SYNTHESE MESURES PRISES RECOMMANDATIONS
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ANNEXES
A. B. Décision d'enquête Cartographie
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Liste des abréviations
BEAmer
: : : : : : : : : : : : :
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Bureau International du Travail Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage Distance Métacentrique Organisation Maritime Internationale SITuation REPort Système Mondial de Détresse et de Sécurité en Mer Société National de Sauvetage Société National de Sauvetage en Mer Temps Universel Tonneaux Vêtement à Flottabilité Intégrée Ondes métriques
BIT CROSS GM OMI SITREP SMDSM SNS SNSM TU tx VFI VHF
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CIRCONSTANCES
Le mardi 14 juillet 2009 vers 16h30, le fileyeur MAKAIRE est en route cap au Nord à
37.milles par le travers de Hourtin, dans de bonnes conditions de temps et de visibilité. Il termine le filage de ses filets. Au mouillage du dernier filet, les deux matelots placés à l'arrière du navire pour ces opérations préparent, l'un le lest à tribord, l'autre la bouée et la perche de balisage qui seront mises à l'eau à la fin de l'opération, à bâbord. Le matelot à tribord constate que son collègue de bâbord est dans l'eau et se cramponne à l'orin de la bouée. Le patron, à la timonerie, réagit immédiatement et l'homme à la mer peut être récupéré avec difficultés, vivant mais inconscient. Malgré les soins prodigués une fois à bord, il décède rapidement.
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CONTEXTE
Le MAKAIRE est exploité par la Société de Pêche Sud Ouest Atlantique (SPSOA),
entreprise établie dans la région bordelaise, qui possède également un autre navire de pêche. Il est immatriculé à Arcachon et armé à la pêche côtière depuis le 16 juin 2009. Il travaille aux filets maillants calés.
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3.1
NAVIRE
Description générale et caractéristiques
Le MAKAIRE est un navire à coque acier, construit en 1988 sous le nom de SOUVENIR,
qu'il a porté dix ans. Ses caractéristiques principales sont les suivantes : N° immatriculation Indicatif N° MMSI Longueur hors tout Largeur Puissance Jauge brute en tx Jauge Londre en UMS Catégorie de navigation Zône SMDSM : : : : : : : : : : AC 71656 ; FI 8100 ; 227311840 ; 15,95 m ; 15,45 m ; 4,81 m ; 441 kW ; 33,32 tx ; 26,00 (calculée) ; 3ème ; A 1.
Longueur entre perpendiculaires :
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Le navire est bien entretenu. Son permis de navigation est valide jusqu'au 31 aôut 2009.
3.2
Description du poste et de la manoeuvre de filage des filets
Les engins de pêche sont entreposés et manoeuvrés pour leur filage, sur la plage arrière du navire. Ils comprennent les filets, de 50 mètres chacun, qui sont reliés entre eux par des pattes d'oie et une entremise, et les perches de balisage, bouées et lests qui sont placés à l'extrémité de chaque nappe de filets, pour la caler au fond et la marquer. Un orin, d'une longueur de 150 mètres, retient la bouée et la perche de repérage, en surface, au lest posé sur le fond et fixé au dernier filet de la nappe par une patte d'oie. Les filets sont entreposés dans huit bacs placés dans la partie centrale du navire, en abord desquels courent deux allées de 96 cm de large. Les bouées et perches de balisage sont rangées le long de l'allée bâbord, les lests et les orins dans l'allée tribord. A l'arrière de l'allée bâbord se trouve un coffre fixe collé au pavois du tableau arrière sur toute la largeur de l'allée, d'une profondeur de 60 cm.
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La manoeuvre de filage des filets est faite de la manière suivante : deux matelots se trouvent à l'arrière de part et d'autre des bacs contenant les filets, qui sont filés par-dessus le plat-bord du tableau arrière à partir des bacs avant, puis successivement des bacs en arrière. Le patron, à la timonerie, maintient une vitesse de 7 noeuds, permettant de suivre le cap correspondant à la direction décidée pour la pose des filets. A la fin du filage, la perche la bouée et le lest reliés au dernier filet de la nappe, sont mouillés.
Pour cela, au cours du mouillage du dernier filet, le matelot de tribord passe au matelot de bâbord l'extrémité d'un orin. Ce marin, après avoir pris du mou, fait un noeud de plein poing à environ 1,5 à 2 mètres de l'extrémité de l'orin et y fixe le mousqueton de la bouée, laquelle est rangée le long du pavois à tribord. Il attache alors l'extrémité de l'orin à la perche et se tient prêt à les jeter à la mer. De son côté, le matelot de tribord relie l'autre extrémité de l'orin au lest, auquel il rattache la patte d'oie du filet encore à bord. Lorsque le filage du dernier filet arrive à son terme, le lest d'une part, la bouée et la perche d'autre part, sont jetés par-dessus bord par chacun des deux matelots.
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EQUIPAGE
L'équipage est de cinq hommes.
Le patron-mécanicien est titulaire d'un certificat de capacité et d'un permis de conduire les moteurs. Agé de 34 ans, il navigue depuis douze ans, toujours sur des navires de pêche d'Arcachon. Il a commencé à naviguer comme patron mécanicien en 2000, et pour la SPSOA à partir de 2007. Il n'a pas de dérogation correspondant à la puissance du moteur. L'équipage comprend quatre matelots. L'un est de nationalité espagnole et réside en Espagne ; il a été identifié comme marin le 18 juin 2009 avant d'embarquer sur le MAKAIRE. Les trois autres sont de nationalité sénégalaise et résident en France. Ils sont identifiés comme marins depuis des années et naviguent depuis sur des navires de pêche d'Arcachon. Aucun n'a de titre de qualification d'enseignement général ou marine marchande français ni de dispense de titre de formation professionnelle. Le matelot décédé est âgé de 66 ans et navigue sur des navires de pêche depuis 1982, principalement à Arcachon, mais aussi à Sète, où il réside. Il avait navigué dix jours en octobre 2008 sur le HAURA, le second navire de l'armement SPSOA, et a embarqué le 02 juillet 2009 sur le MAKAIRE. Patron et matelots sont tous affiliés à l'ENIM, aptes physiquement et à jour de leurs visites médicales. Au moment de l'accident, le navire ayant été acquis un mois auparavant par son armateur, l'équipage est donc relativement nouveau.
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5.1
Faits, conditions et constatations
Chronologie des faits (toutes heures en TU + 2)
Le 14 juillet 2009 Dans l'après-midi, le MAKAIRE se trouve en pêche au large de Hourtin. Vers 16h30, le navire est cap au Nord à une vitesse de sept noeuds, en train de filer ses filets. Il se trouve à 37 milles dans l'Ouest de Hourtin. Deux matelots sont à l'arrière de part et d'autre des bacs à filets. A la fin du mouillage du dernier filet, le matelot à tribord constate que son collègue se trouve à l'eau à une trentaine de
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mètres, conscient et cramponné à l'orin relié à la bouée et la perche de repérage. Le patron, immédiatement averti, bat en arrière et les matelots veillent à ce que l'hélice ne s'engage pas dans les filets. Une bouée couronne est lancée, mais il s'avère impossible de remonter à bord le matelot à l'eau, car il s'agrippe au bout de l'orin qui est lui-même engagé par le filet. L'un des matelots saute à l'eau avec un couteau pour dégager l'homme à la mer, lequel peut être hissé à bord et déposé sur le pont. Il est maintenant inconscient et sa bouche est spumeuse, probablement après absorption d'eau. Le patron tente sans succès une réanimation par massage cardiaque et bouche à bouche. A 16h45, le CROSS Etel reçoit un message de détresse par appel sélectif numérique en VHF, position : 45° 20'N, 002° 02'W, nature de la détresse non spécifiée. A 16h48, le CROSS-A appelle le MAKAIRE en VHF, puis en MF, sans résultat. A 16h51, le CROSS-A appelle les navires de pêche arcachonnais en VHF voie 06, aucun n'est en contact avec le MAKAIRE. A 16h55, l'hélicoptère de service public GUEPARD YANKEE de la Marine Nationale est mis en oeuvre et un MAYDAY RELAY diffusé. A 17h02, le MAKAIRE appelle le CROSS Etel par VHF pour lui signaler un noyé à bord. Du fait de la distance, la liaison est mauvaise. A 17h03, l'hélicoptère de la sécurité civile DRAGON 33 est mis en oeuvre avec équipe médicale et le concours de GUEPARD YANKEE annulé. A 17h10, le CCMM, avisé, demande la poursuite du massage cardiaque jusqu'à l'arrivée du médecin à bord. A 17h21, décollage de DRAGON 33. A 17h41, DRAGON 33 est sur zone et le médecin est treuillé. A 17h50, DRAGON 33 relaie le médecin et confirme au CROSS le décès du marin. A 18h00, liberté de manoeuvre est donnée à DRAGON 33, le corps du marin reste à bord du MAKAIRE. Le 15juillet 2009 A 06h26, le MAKAIRE quitte sa zone de pêche et fait route sur Arcachon. A 13h15, le MAKAIRE est à quai.
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5.2
Description de l'accident
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A la fin du filage des filets et de la préparation de la perche et de la bouée, le matelot de bâbord maintient le flotteur de la perche coincé entre ses jambes et le pavois, de biais, l'extrémité de celle-ci dépassant à l'extérieur. Il se trouve donc dos au pavois bâbord, la perche coincée derrière ses jambes, prête à être passée par-dessus bord par l'arrière, et la bouée sur sa gauche, plus en avant du navire. L'orin étant maintenant fixé à la perche et à la bouée, le matelot de bâbord se trouve en arrière de la bouée. Le matelot de tribord lui demande à plusieurs reprises de frapper l'orin à un point fixe au cas où ce dernier, et donc la perche et la bouée, seraient entraînés par les mailles ou les ralingues du filet en train de filer, ce qu'il ne fait pas. Le matelot tribord, après avoir préparé le lest, se relève et constate que le matelot de bâbord est passé par-dessus bord et se cramponne à l'orin, à une trentaine de mètres du navire. La traction du filet sur l'orin, due à la vitesse en avant du MAKAIRE, a été brève, car le patron, immédiatement informé de la chute, a tout de suite battu en arrière. Mais l'orin a continué à être tiré vers le fond, sous le poids du filet déjà à l'eau. Il a fallu l'intervention d'un marin, qui a sauté à l'eau avec un couteau, pour libérer l'orin et permettre la remontée à bord de la victime.
5.3
Conditions dans lesquelles l'accident est survenu
Les conditions météorologiques sont bonnes, bien que le patron ait noté une
dégradation du temps en fin de matinée, avec un vent de sud-ouest de 30 km/h et une houle courte de 2 mètres. Le sémaphore de la Pointe de Grave, le plus proche, observe un vent de 240° pour 10.noeuds, mer 2, visibilité 20 milles. Le sémaphore du Cap Ferret, plus au Sud, observe un vent du 320° pour 10 noeuds, une mer 3 et une visibi lité de 15 milles.
5.4
Conséquences de l'accident
Le matelot tombé à la mer est décédé après avoir été récupéré et subi des tentatives de réanimation.
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6
DETERMINATION & DISCUSSION FACTEURS DU SINISTRE
La méthode retenue pour cette détermination est celle utilisée par le
DES
BEAmer
pour
l'ensemble de ses enquêtes, conformément au Code pour les enquêtes sur les accidents de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255(84), et à la résolution A. 884 (20) qui lui est attachée. Les facteurs en cause ont été classés en facteurs déterminants, s'ils sont à l'origine directe de l'événement, ou en facteurs sous-jacents, s'ils sont à l'origine de faits ayant conduit à l'événement ou en ayant aggravé le bilan. Les facteurs retenus dans l'analyse sont ceux qui sont liés aux faits permettant de comprendre les causes de l'événement, ou de proposer des recommandations visant à en éviter la répétition ou à améliorer la sécurité en mer. Cette analyse est une démarche logique consistant, à partir des faits, informations et constations rassemblés par les enquêteurs du BEAmer, à en déduire l'enchaînement permettant d'expliquer l'événement. Si les éléments recueillis ne permettent pas d'établir avec certitude les faits, les enquêteurs établissent des hypothèses par analyse inductive et en déduisent l'enchaînement des faits ayant pu conduire à l'événement, en indiquant leur niveau de probabilité.
6.1
Facteurs déterminants
L'événement est la chute à la mer du matelot situé à bâbord, suivie de son décès. Cette chute a eu lieu alors que le dernier filet était en train d'être mouillé, et que l'extrémité de l'orin venait d'être frappée sur la perche de repérage et la bouée marquant l'extrémité des filets. Le filage des filets est une opération délicate, qui demande beaucoup de coordination. Il se fait généralement par l'arrière, le patron en timonerie faisant route à une vitesse de 7 noeuds, suivant l'orientation qu'il entend donner à la nappe de filets. La vitesse de défilement des filets lorsqu'ils sortent des bacs et passent par-dessus le pavois est donc de l'ordre de 3,5 m/s. Cette vitesse crée un risque important de voir croché par les mailles ou les ralingues du filet tout objet, vêtement, filin, etc, se trouvant sur leur passage.
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Les marins maniant les filets doivent donc être particulièrement vigilants, d'une part en ne portant pas d'objets comme des montres, bracelets ou vêtements etc. pouvant être accrochés, d'autre part en se positionnant à des endroits où il n' y a pas de risque d'être entraîné. Or le matelot à bâbord n'était pas bien positionné par rapport à la bouée et à la perche, une fois qu'il les avait reliées à l'orin, et n'a pas par ailleurs amarré l'orin à un point fixe. L'autopsie du corps a montré qu'il comportait quelques ecchymoses provoquées par la chute à la mer, mais aucune qui aurait pu être due au serrage d'un cordage tel que l'orin ou le filet. Ceci montre que le matelot n'a pas été entraîné par l'orin ou le filet, qui l'auraient entravé, mais balayé par la bouée et la perche, lorsqu'elles sont passées par-dessus bord. L'hypothèse la plus probable est que l'orin, qui passait par-dessus les bacs, a été happé par le dernier filet. Le matelot a dû être déséquilibré par la bouée soudainement entraînée sur sa gauche, qui a elle-même emporté la perche coincée sous ses jambes. Il a alors basculé sur le coffre fixe situé sur l'arrière bâbord de la plage arrière, et a été entraîné par l'ensemble par-dessus le pavois. Il a cependant pu saisir l'orin dans sa chute, mais celui-ci, croché par le filet, était attiré vers le fond par le poids de la partie déjà mouillée de ce dernier (de l'ordre de 400 kg pour 50 mètres). Les matelots n'ont donc pu ramener leur collègue à bord qu'après avoir coupé l'orin. Le mauvais positionnement du matelot par rapport aux équipements de repérage reliés aux filets en cours de filage est le facteur déterminant de la chute à la mer.
6.2
Facteur sous-jacent de la chute à la mer : la communication interne
Le matelot tribord s'est rendu compte du mauvais positionnement du matelot bâbord et des dangers qu'il faisait naître, la bouée et la perche étant maintenant reliés à l'orin. C'est pourquoi il lui a demandé d'amarrer l'orin sur un point fixe, au cas où il serait entraîné par les mailles du filet. Le matelot bâbord n'a pas donné suite à cette observation. Plusieurs éléments peuvent expliquer ce comportement. La victime, d'abord, était le membre d'équipage le plus âgé, 66 ans et 169 mois de navigation, ce qui pouvait le conduire à ne pas suivre certains avis. Ensuite, bien qu'il ait navigué vingt ans à bord de navires arcachonnais, il avait toutefois travaillé, de 2001 à octobre 2008, sur des navires de Sète où les pratiques peuvent être différentes.
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Enfin, il n'était à bord du MAKAIRE que depuis douze jours, et le navire lui-même n'était armé que depuis le 16 juin. Les cinq membres d'équipage n'étaient embarqués que depuis le 27 juin pour trois d'entre eux, et le 02 juillet pour deux des trois autres, dont la victime. Même constitué de marins expérimentés, l'équipage, avec ses trois nationalités, pouvait ne pas avoir encore trouvé, à l'issue de la période précédant l'accident, la cohésion suffisante pour prévenir les risques liés à certaines opérations délicates, comme le filage des filets. Le facteur sous-jacent de la chute à la mer est donc le défaut de communication et de cohésion au sein d'un équipage nouvellement constitué sur un navire acquis récemment.
6.3
Premier facteur sous-jacent du décès : le port du VFI
La victime a dû faire des efforts pour maintenir la tête hors de l'eau tout en restant
cramponnée à l'orin, seul lien avec le navire, mais qui était tiré par le filet vers le fond. Elle ne portait pas de VFI. Il y avait pourtant à bord six vêtements à flottabilité intégrée (VFI) de marque Marine Pool, encore dans leur emballage d'origine. Les marins du MAKAIRE les considéraient en effet comme mal adaptés à leur usage, en raison des risques d'accrochage dans les opérations de filage, donc de chute à la mer. S'il n'est effectivement pas possible d'affirmer que le port d'un VFI aurait empêché le décès, on peut au moins supposer qu'il aurait diminué les efforts nécessaires pour se maintenir la tête hors de l'eau, alors que le filet tirait l'orin vers le fond. Enfin, l'intervention du matelot pour couper l'orin aurait également présenté, pour l'intéressé, moins de risque avec un VFI ou une brassière. L'absence de port de VFI constitue le premier facteur sous-jacent du décès, bien que l'on ne puisse affirmer que le décès aurait pu être évité.
6.4
Second facteur sous-jacent du décès : l'éloignement de la côte
Le MAKAIRE se situait, au moment de l'accident, à 37 milles de la côte, donc au-delà
des 20 milles autorisés pour une navigation de 3ème catégorie. Correspondant à cette catégorie, il est donc équipé pour une navigation en zône SMDSM A1, avec un équipement radioélectrique limité à la seule VHF. Un appel de détresse VHF en appel sélectif numérique, donnant la position mais ne spécifiant pas la nature de la détresse, est reçu à 16h45.
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Après plusieurs tentatives de contact en VHF et MFavec le MAKAIRE, et des contacts en VHF avec des navires d'Arcachon, le CROSS décide la mise en oeuvre de l'hélicoptère de service public basé à La Rochelle, ce qui est fait à 16h55. A 17h02, le MAKAIRE parvient à contacter le CROSS en phonie VHF pour lui signaler qu'il a un noyé. La liaison est mauvaise. Immédiatement, le CROSS met en oeuvre l'hélicoptère de la sécurité civile avec équipe médicalisée. D'après les déclarations, l'accident est survenu vers 16h30. Le patron et ses matelots ont tout d'abord été occupés à récupérer le matelot tombé à la mer et à tenter de le réanimer. Le déclenchement de l'alarme ASN/VHF a dû être réalisé par action sur le bouton-poussoir de détresse, sans prendre le temps d'en spécifier la nature. La portée de l'ASN est meilleure que la phonie, et l'appel a été reçu. Si cette transmission avait été doublée immédiatement par un appel en phonie, cela aurait permis au CROSS de connaître la nature de la détresse et de mettre plus rapidement en oeuvre un hélicoptère médicalisé. L'échange aurait pu être bref, la position étant déjà connue par le message automatique en ASN ; ce point est important, car la liaison aurait vraisemblablement été mauvaise, comme cela a été le cas à 17h02, compte tenu de la position située hors zone A1 du SMDSM et donc en limite de portée de l'E/R du CROSS ETEL (Hourtin). Les enquêteurs du
BEAmer
n'ont d'ailleurs pas pu déterminer si les tentatives de
contact faites par le CROSS à partir de 16h48 ont échoué parce qu'il n'y avait personne à la timonerie, ce qui est possible vu que l'urgence pour le patron était la réanimation de la victime, ou si l'émetteur-récepteur VHF n'était pas calé sur la voie 16, ou enfin si les conditions de propagation à 37 milles de la côte ont empêché la réception des appels (pour la MF, il ne pouvait pas y avoir de réception, faute d'équipement). Toujours est-il que l'inadéquation des équipements radioélectriques, du fait du dépassement de la catégorie de navigation, et sans doute leur utilisation inappropriée, sont à l'origine du retard dans la mise en oeuvre de l'hélicoptère médicalisé et constituent le second facteur sous-jacent du décès.
6.5
Autres facteurs
Les enquêteurs se sont interrogés sur l'âge relativement élevé de la victime et son
influence sur ses capacités de survie.
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L'aptitude médicale a été contrôlée à Sète le 25 avril 2009 et le marin a été déclaré apte pour 10 mois toutes fonctions / toutes navigations, sauf pour commandement et veille. Rien ne permet donc d'indiquer que le décès soit lié à l'âge de la victime.
7
SYNTHESE
Le mauvais positionnement de la victime, par rapport à des équipements de pêche susceptibles d'être entraînés par les filets en cours de filage, est le facteur déterminant de la chute à la mer. Un défaut de communication et de cohésion dans un équipage récemment formé est un facteur sous-jacent de la chute : le matelot passé par-dessus bord n'a pas tenu compte de l'indication de son collègue qui avait constaté le danger de son positionnement par rapport aux objets mobiles. L'absence de port de VFI par la victime a pu l'affaiblir, sans que l'on puisse affirmer qu'elle aurait été sauvée, puisqu'elle a été remontée à bord inconsciente. Elle constitue un premier facteur sous-jacent du décès. Le fait de naviguer au-delà des conditions de navigation autorisées a eu pour conséquence de se trouver avec des équipements radioélectriques en limite de portée et de retarder l'arrivée des secours. Il constitue le second facteur sous-jacent du décès, bien que l'on ne puisse affirmer qu'une arrivée plus rapide du médecin aurait permis de réanimer la victime.
8
MESURES PRISES
A la suite de l'accident, l'armement a décidé d'acquérir des salopettes avec des bretelles à flottabilité intégrée. Elles peuvent être utilisées avec un ciré spécialement adapté à ces bretelles. Ces équipements sont maintenant portés par ses équipages.
9
9.1
RECOMMANDATIONS
Les enquêteurs du
BEAmer
recommandent aux patrons ou armateurs, armant un
navire nouveau, de veiller à ce que les problèmes de communication et de cohésion de l'équipage soient pris en compte dans l'analyse des postes de travail, dans le cadre de l'élaboration du Document Unique de Prévention (DUP).
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9.2
Ils leur recommandent également de veiller, lors de l'acquisition de VFI, à ce que ces équipements soient bien adaptés à leur utilisation au niveau de chaque poste de travail.
9.3
Les enquêteurs du
BEAmer
rappelent enfin aux patrons que le dépassement des
limites fixées par les catégories de navigation peuvent avoir des conséquences graves en matière de sécurité, indépendamment des sanctions encourues.
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LISTE DES ANNEXES
A. B.
Décision d'enquête Cartographie
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Annexe A
Décision d'enquête
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Annexe B
Cartographie
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Le 14 juillet 2009 à 16h45, un message de détresse est émis par le MAKAIRE (position du navire : 45° 20'N 002° 02'W).
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Ministère des Transports, de l'Equipement, du Tourisme et de de la Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable etla Mer Mer en charge des Technologies vertes et des Négociaions sur le climat
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer
Tour Pascal B sur les évènements de mer Bureau d'enquêtes 92055 LA DEFENSE CEDEX T : + 33 (0) 140 813 824 / F : +33 (0) 140 813 842 Bea-Mer@equipement.gouv.fr Tour Voltaire - MEEDDAT - 92055 La Défense cedex www.beamer-france.org téléphone : +33 (0) 1 40 81 38 24 - télécopie : +33 (0) 1 40 81 38 42 www.beamer-france.org bea-mer@developpement-durable.gouv.fr