Rapport d'enquête technique : collision entre l'automoteur Tasmanie et le cargo vraquier Civra survenue le 15 octobre 2009 en Seine à hauteur d'Aizier (Eure)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur la collision survenue entre l'automoteur Tasmanie et le cargo vraquier Civra le 15 octobre 2009 en Seine à hauteur d'Aizier. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident
;sécurité
;prévention des risques
Descripteur écoplanete
collision
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique
TASMANIE CIVRA
2
Rapport d'enquête technique COLLISION
ENTRE L'AUTOMOTEUR
TASMANIE
ET LE CARGO VRAQUIER
CIVRA
SURVENUE LE 15 OCTOBRE 2009 EN SEINE A HAUTEUR D'AIZIER (EURE)
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Avertissement
Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du titre III de la loi n°.2002-3 du 3 janvier 2002 et du décret n° 2004-85 du 26 janvier 2004 relatifs aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles, de la Résolution MSC 255 (84) de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) adoptée le 16 mai 2008 et portant Code de normes internationales et pratiques recommandées applicables à une enquête de sécurité sur un accident de mer ou un incident de mer (Code pour les enquêtes sur les accidents). Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du les circonstances et les causes de l'événement analysé. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif a été d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
BEAmer
sur
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PLAN DU RAPPORT
1 2 3 4 5 6 7 8
CIRCONSTANCES CONTEXTE NAVIRES EQUIPAGES ET PILOTES CHRONOLOGIE DEGATS MATERIELS FACTEURS DU SINISTRE RECOMMANDATIONS
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6 6 9 11 13 16 16 19
ANNEXES
A. B. C. Décision d'enquête Cartographie Enregistrements AIS
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Liste des abréviations
AIS
BEAmer
: : : : : : :
:
Système d'identification automatique des navires (Automatic Identification System) Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Centre de Sécurité des Navires Eau douce Grand Port Maritime Registro Italiano NAvale Rouen Port Contrôle (Capitainerie) Société Française de Transports Pétroliers Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (International Convention on Standards of Training Certification and Watchkeeping) Vitesse fond, vitesse surface Très hautes fréquences (Very High Frequency) Voies Navigables de France Variable Range Marker (cercle de distance variable) Service de suivi du trafic (Vessel Traffic Management) Service de trafic maritime (Vessel Traffic Service)
CSN ED GPM RINA RPC SFTP STCW
:
Vf, Vs VHF VNF VRM VTM VTS
: : : : : :
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1
CIRCONSTANCES
Le 15 octobre 2009, en Seine, peu avant l'aube par visibilité réduite, l'automoteur faisant route vers Rouen avec un pilote fluvial à bord, a une avarie de barre alors qu'il
TASMANIE
se trouve à proximité d'Aizier (km 323). Bien que la barre soit rapidement commutée en commande manuelle et que le bateau retrouve sa capacité de manoeuvre, il touche la berge sud de l'avant bâbord et pivote cap vers l'aval. Puis, sous l'effet du courant de flot, le bateau décolle du bord et dérive vers la berge nord. Le pilote et le patron du TASMANIE décident de rallier Caudebec en faisant éviter le bateau vers l'amont. Au même moment, le cargo turc CIVRA, pilote maritime à bord, cap vers l'aval, se trouve également à proximité d'Aizier. Malgré les contacts VHF et des manoeuvres de dernière minute, la collision se produit à 07h41, le CIVRA ayant stoppé sa machine et cassé son erre. Le choc s'est produit entre le bulbe du CIVRA et le bordé tribord du compartiment moteur du Tasmanie; une importante voie d'eau se déclare, faisant craindre à son équipage un naufrage rapide. Le pilote du TASMANIE lance alors un MAYDAY par VHF, tout en poursuivant sa manoeuvre vers la berge nord. Le pilote maritime propose l'assistance du canot de sauvetage du CIVRA; le pilote du TASMANIE annonce qu'il contrôle la situation et le bateau est échoué et mouillé, hors de tout danger, à 25 m de la berge où il coulera peu après. Les secours sont coordonnés par RPC. Un barrage antipollution est installé à titre préventif autour de l'épave. A 10h00, le CIVRA accoste à Radicatel pour inspection de sa coque à la demande de RPC.
2
2.1
CONTEXTE
Pilotage des bateaux fluviaux en aval de Rouen
Le pilotage en Seine est obligatoire dans le secteur où s'est produit l'accident.
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Le schéma ci-après résume la réglementation en vigueur : Arrêté du 19 septembre 2007 relatif au pilotage des bateaux, convois et autres engins flottants fluviaux qui effectuent une navigation dans les limites de la station de pilotage de la Seine : Articles 2 et 5
Pas de pilotage fluvial : La Bouille PK 260,100 Pilotage fluvial :
d'Arc Pont J. d'Arc
Zone 1 La Risle Chenal de Honfleur Estuaire de la Seine; 49° 27,5 N Zone 2
Zone 3
Articles 6 et 8 Patron - pilote : automoteur isolé, convoi poussé, bateaux à couple, convoi 2 bateaux à couple : 1 seul patron - pilote Convoi : 1 licence A par bateau ou 1 licence B pour le convoi
Longueur maxi du convoi : 185 m Licences : A : Long. = < 135 m B : 135 m < Long. = < 185 m C: bateaux avec dérogation : pour zone 3, avoir effectué 20 voyages dont 10 (4 de nuit) assisté d'un pilote maritime pour la zone située entre la limite aval de l'accès Honfleur et l'estuaire de la Seine.
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La délivrance des licences s'effectue par un examen du candidat devant une commission comprenant, outre les représentants du service de la navigation de la Seine, des affaires maritimes et du port, deux pilotes maritimes (un section amont, un section aval) et deux patrons titulaires d'une licence de patron-pilote d'un niveau au moins égal à celle sollicitée. Cette licence locale est toutefois remise en cause, au profit d'une licence européenne. Les pilotes fluviaux travaillent généralement en indépendants.
2.2
Pilotage maritime
Entre l'embouchure de la Seine et Rouen, la partie maritime de la Seine est divisée
en 2 sections: Seine-aval et Seine-amont. La limite entre les 2 sections se situe à Caudebec-enCaux (km 310,75) ; la relève des pilotes s'effectue à proximité. Le pilotage est obligatoire pour les navires de mer d'une longueur supérieure à 55 m en Seine-aval et 45 m en Seine-amont. Cependant, seuls les navires répondant à certaines conditions sont dispensés de pilotage. Même lorsque la visibilité est réduite, le sifflet n'est pas actionné (phénomène d'écho avec les falaises et risque de cacophonie) ; il est toutefois utilisé en aval de Tancarville pour alerter les navires de plaisance et de pêche.
2.3
Couverture radar
La limite de portée du radar de Radicatel est au bas de la courbe sud, en aval du lieu de la collision; celle-ci n'a donc pas été vue ni enregistrée.
2.4
Communications
Elles s'opèrent par VHF voie 73 pour les navires de mer et les bateaux fluviaux
faisant route. Les bateaux fluviaux sont tenus de signaler leurs prévisions de passage en différents points remarquables (Saint-Léonard pour prévision à Tancarville, La Bouille pour prévision à Caudebec, etc). La VHF voie 13 est utilisée pour les communications de manoeuvre portuaire par les pilotes de Seine-aval.
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2.5
Heures de marée
Basse mer Le Havre : 03h42 TU + 2 ; H = 2,00 m ; marée de vive eau.
Vers 06h50, courant de flot à Villequier. Un navire descendant, d'un tirant d'eau équivalent à celui du CIVRA (8,00 m), doit rencontrer le flot à Aizier (PK 323) pour s'affranchir des sondes défavorables. Il n'y a donc pas de problème de hauteur d'eau, à condition de rester dans le chenal.
3
3.1
NAVIRES
TASMANIE
Automoteur du type Canal du nord, construit en 1947, dont les principales caractéristiques
sont les suivantes : Longueur H.T Largeur H.T Tirant d'eau Propulsion Vitesse : : : : : 62 m ; 5,05 m ; 2,40 m ; 365 CV ; 12 à 13 km/h, montant en rivière (14 à 14,5 km/h, descendant) ; Immatriculation Barre asservie Radar Cartographie AIS Pilotage du bateau : En route libre, le pilotage est asservi; un levier (barre-graphe) permet d'afficher une consigne de « cap » (exprimé en degrés sur bâbord ou tribord) à l'appareil à gouverner. : : : : : LI 010 088 ; Radio Holland Marine ; River Decca, écran plein jour ; Tresco ; Non.
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En courbe, un répétiteur de degrés par minute permet de suivre la giration du bateau. Le pilotage asservi est plus précis que la commande manuelle et permet, sur un long voyage, d'optimiser la distance parcourue en évitant les embardées. En manoeuvre, ou en cas de défaillance du pilotage asservi, commande manuelle par joystick. Pilotage asservi Radio-Holland :
Barre manuelle
Avec compas électrique (navires de mer)
Pilotage asservi
Barre-graphe
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3.2
CIVRA
en construction en septembre 1999 à Tuzla (Turquie),
Vraquier mis chantier Selah Shipyard.
Mis en service en mai 2000, pour l'armement Dost Shipping Group, propriétaire de deux navires. Le siège est à Istanbul. Les principales caractéristiques sont les suivantes : Longueur H.T Largeur H.T Jauge UMS Déplacement Franc bord Tirant d'eau Port en lourd Indicatif AIS VDR Le CIVRA est classé au RINA. L'ergonomie de la passerelle, les équipements en bon état de fonctionnement, sont adaptés à la navigation pratiquée; à noter toutefois que le propulseur d'étrave est en panne. : : : : : : : : : : 116 m ; 17,20 m ; 8006 ; 8382 ; 2100 mm ; 7,70 m ; 5391 t ; TCOF8 ; Oui ; Non.
4
4.1
EQUIPAGES ET PILOTES
TASMANIE
Equipage de deux personnes : le patron, propriétaire du bateau (statut d'artisan), et sa conjointe.
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Le patron est âgé de 26 ans. Il est titulaire du certificat de capacité de conduite de bateau de commerce. Pilote fluvial : Âgé de 62 ans. Licence A de patron-pilote délivrée en 1980. Titulaire du certificat de conduite de bateau de commerce, avec attestation spéciale radar. 9 ans de navigation sur Le Rhin. Plusieurs années à terre puis reprise de la navigation en 2006 ; licence revalidée à l'issue de plusieurs voyages. Licence A renouvelée en mai 2009. Visite médicale à jour (apte pilote).
-
-
Pilote dont les compétences sont reconnues dans la profession.
4.2
CIVRA
Equipage de 19 personnes. Le second capitaine, âgé de 32 ans, est de quart au moment de la collision. Qualifications conformes à la réglementation STCW. Pilote maritime: Âgé de 52 ans. Brevet de Capitaine de 1ère classe de la navigation maritime délivré en juin 1989. Navigation dans les fonctions d'officier pont et machine, puis second capitaine et second mécanicien à bord des pétroliers de la SFTP et des car-ferries Transmanche, jusqu'en octobre 1991. Pilote de la Seine depuis novembre 1991. Visite médicale à jour (apte pilote).
-
18 ans de pratique du pilotage en Seine.
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5
CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS
(Heures TU + 2)
* Heures des conversations VHF voie 73 enregistrées par RPC. Entre « » et en italique, les transcriptions des conversations VHF. Le 15 octobre 2009 A 03h20, appareillage du CIVRA du quai de la Papeterie (QPAP), chargé de blé à
destination de La Syrie. Tirant d'eau ED : 8,40 m. A 06h40, le pilote Seine-aval monte à bord du CIVRA et remplace le pilote Seine-amont : courant de jusant. Vers 06h45, le TASMANIE sort du sas de Tancarville chargé de 600 t de charbon pour la région parisienne. Le pilote fluvial navigation de concert avec le pousseur CLOVIS. et le patron sont à la timonerie ;
Peu après, le TASMANIE croise un navire à l'évitage à Port-Jérôme ; échange de politesse d'usage par VHF voie 73. La visibilité se dégrade. Le radar est en mode décentré, 1600 m sur l'avant, 800 m sur l'arrière. VRM réglé à 80 m. Le CIVRA s'annonce descendant vers la mer alors qu'il est entre les feux de Vatteville et de La Vacquerie amont. Le pilote utilise le radar bâbord (échelle 0,75' - VRM à 0,5' présentation « head up », décentré) ; le second capitaine utilise le radar tribord. De temps à autre, passage sur l'échelle 1,5'. A 07h20*, zone Saint-Léonard amont, le TASMANIE laisse passer le pousseur CLOVIS, plus rapide, pour faciliter le croisement avec le CIVRA. Au lieu dit « Le Quai des Hollandais », le TASMANIE se signale montant. A 07h34mn41s*, au feu de Carouge, la barre asservie du TASMANIE ne répond plus alors qu'il est dans la courbe sud ; le pilote fluvial signale à la VHF voie 73 qu'il n'a plus de gouvernail. L'automoteur se met en travers, cap vers la berge sud, le pilote bat en Arrière Toute.
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A 07h34mn51s*, le TASMANIE signale cet évènement au navire descendant CIVRA (le CIVRA est à mi-chemin entre le feu des Flacques et le marégraphe d'Aizier). Malgré un rapide passage en barre manuelle, l'avant du TASMANIE heurte la berge et pivote, cap vers l'aval (courant de flot). A 07h35mn01s*, le pilote du CIVRA interroge « Si le TASMANIE est celui qui est à Aizier ? ». A ce moment, Vf CIVRA = 5 noeuds, Vs = 8,5 noeuds (courant de flot). A 07h35mn11s*, le pilote du CIVRA signale qu'il va serrer la bouée rouge (Vieux port) ; le pilote du TASMANIE approuve. A 07h35mn20s*, le pilote du CIVRA demande la longueur du TASMANIE; il obtient une réponse du pilote fluvial. A 07h36mn26s*, le pilote du CIVRA annonce au TASMANIE qu'il le voit au radar. A 07h39mn14s* puis à 07h39mn39s*, RPC appelle le TASMANIE. Le patron du TASMANIE évalue les dégâts sur l'avant du bateau, puis convient avec le pilote de rejoindre Caudebec ; la barre manuelle fonctionne normalement. Le TASMANIE répond à RPC et annonce son intention de regagner Caudebec. Le CIVRA est à hauteur du marégraphe d'Aizier. A 07h39mn56s*, le TASMANIE (l'avant du bateau prenant le courant en direction de la rive nord) confirme « A tous en Seine » son intention d'éviter vers l'amont dans la zone de Vieux Port ; à ce moment, compte tenu de son cap, il ne détecte pas le CIVRA au radar (portée de 800.m sur l'arrière). Le pilote du CIVRA est étonné de l'intention du TASMANIE; il fait stopper la machine. La brume ne permet pas au CIVRA de voir la berge, et l'écho du TASMANIE se confond avec celle-ci. Il n'a vu le CLOVIS, qu'il vient de croiser, qu'au radar. A 07h40*, échange d'informations entre le pilote du TASMANIE et le CLOVIS (l'avarie de barre, l'absence de trafic et la mauvaise visibilité à La Vacquerie). A 07h40mn45s*, l'écho du TASMANIE se détachant de celui de la berge sur les radars du CIVRA, son pilote interroge le TASMANIE : « Vous avez vu que je suis à la bouée du Vieux Port.? »
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Le TASMANIE est en cours d'évitage sur tribord. Le pilote du CIVRA distingue alors le TASMANIE, cap approximativement au 010, sur son avant. A 07h40mn49s*, au même moment, le pilote du TASMANIE distingue une masse noire, répond par l'affirmative « Ah d'accord » et demande au CIVRA de stopper (3 fois). Le pilote du CIVRA répond qu'il ne peut pas stopper ; la machine est déjà stoppée, il bat cependant en Arrière Toute, barre à 0. La Vf enregistrée par l'AIS est de 2 noeuds puis tombe à 1 noeud ; le CIVRA tient à la barre et prend un cap dans l'axe du courant, légèrement vers l'intérieur du chenal. Simultanément, le pilote du TASMANIE tente également une manoeuvre d'évitement pour parer l'étrave du CIVRA en mettant sa barre toute à droite. A 07h41mn07s*, malgré les manoeuvres entreprises, collision entre le TASMANIE et le CIVRA, une vingtaine de mètres en aval de la bouée Vieux Port (cf. la carte en annexe B). Le courant de flot est de 3 à 4 noeuds ; la Vf du CIVRA est voisine de 0 (1 noeud sur l'enregistrement AIS cf. enregistrement AIS en annexe B). Le CIVRA stoppe sa machine. A 07h42mn40s*, le pilote du TASMANIE signale qu'il a été « éperonné et qu'il coule ». A 07h42mn54s*, le pilote du TASMANIE lance un MAYDAY. RPC annonce que la vedette de lamanage appareille. A partir de 07h44*, le pilote du TASMANIE annonce son intention d'amener le bateau hors du chenal, à l'intérieur de la bouée Vieux Port. Le pilote du CIVRA propose une assistance par le canot du cargo. Le pilote du TASMANIE accepte l'offre puis indique que la mise à l'eau de son propre canot est en cours; le pilote du CIVRA répond alors qu'il remet en route pour ne pas risquer de s'échouer. RPC et le pilote du TASMANIE coordonnent l'évacuation au moyen du canot du bateau, des vedettes du lamanage et des pompiers. La propagation étant mauvaise, le pilote du CIVRA a dû relayer certaines communications entre RPC et les vedettes. L'ancre du TASMANIE est mouillée et le canot du bord est amarré à l'arrière du bateau, afin de signaler l'épave lorsqu'il aura coulé. Le CIVRA se dirige vers Radicatel pour accoster.
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6
6.1
DEGATS MATERIELS
TASMANIE
La berge sud a été heurtée à faible vitesse (machine en arrière toute) ; le patron a constaté un impact de 80 x 40 cm sur l'avant bâbord. Le choc avec le bulbe du CIVRA a provoqué une voie d'eau dans le compartiment moteur, à environ 6 m de l'arrière. Cette voie d'eau a entraîné la perte du bateau.
6.2
CIVRA
Le choc s'est produit sur le flanc tribord du bulbe ; il n'a pas été ressenti par l'équipage et le pilote du CIVRA. Une petite entrée d'eau est détectée dans le peak avant. Le navire sera inspecté par des plongeurs et fera l'objet d'un contrôle de l'Etat du port par le CSN du Havre ; à la demande de ce dernier le RINA effectuera une visite et retiendra le navire à Rouen pour réparations.
7
DETERMINATION & DISCUSSION DES FACTEURS DU SINISTRE
La méthode retenue pour cette détermination a été celle utilisée par le
BEAmer
pour
l'ensemble de ses enquêtes, conformément au Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255(84). Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : · · · · facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteurs humains ; autres facteurs.
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Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du · · ·
BEAmer
ont répertorié les
facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : certain, probable ou hypothétique ; déterminant ou aggravant ; conjoncturel ou structurel.
avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par ce sinistre. Leur objectif étant d'éviter le renouvellement de ce type d'accident, ils ont privilégié, sans aucun a priori, l'analyse inductive des facteurs qui avaient, par leur caractère structurel, un risque de récurrence notable.
7.1
Facteurs naturels
A partir de Port Jérôme, en allant vers l'amont, la visibilité est dégradée par des bouchons de brume épaisse (pilote du TASMANIE). Le pilote de Seine-aval fait le même constat en embarquant à Caudebec ; navigation nécessitant l'utilisation du radar. Ces mauvaises conditions constituent un facteur conjoncturel qui a contribué à l'accident.
7.2
Facteurs matériels
L'avarie de pilote asservi du TASMANIE a été soudaine, sans qu'une dégradation progressive de la précision du pilotage ait pu alerter l'équipe de quart. Le passage en barre manuelle, bien que rapide, n'a pas permis de corriger l'embardée vers la berge. Cette avarie est le facteur déterminant de l'accident.
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7.3
Facteurs humains
Les deux pilotes ont tenté une manoeuvre de dernière minute : - le pilote du CIVRA en stoppant son navire, tout en restant manoeuvrant, - le pilote du TASMANIE en tentant de parer le bulbe du cargo en remontant son arrière dans le courant, par un coup de barre sur tribord.
Après l'avarie du TASMANIE, le dernier contact VHF entre les deux pilotes a lieu à 07h36mn26s: « Aperçu sur le radar » (CIVRA). Le contact reprend à 07h40mn45s à l'initiative du pilote du CIVRA : « Vous avez vu que je suis à la bouée de Vieux port ? », soit 4mn19s plus tard. Le pilote du TASMANIE ayant annoncé à 07h39mn56s « A tous en Seine », son intention d'éviter pour gagner Caudebec. Ce temps de silence, même de courte durée, n'a pas permis aux deux pilotes de coordonner une « manoeuvre de croisement » entre le TASMANIE, en évitage vers l'amont, et le CIVRA, en route à 2 noeuds, sur la partie nord du chenal. Lorsque le TASMANIE est à la berge, après l'avarie de barre, il n'est plus visible sur l'écran radar du CIVRA, car il se confond avec l'écho de la berge. De plus, lorsque le pilote du TASMANIE entreprend son évitage, une fois l'avant du bateau écarté de la berge, il ne voit pas au radar l'écho du CIVRA sur son arrière (car à plus de 800 m). La conjonction d'une période de silence entre les deux pilotes et d'une « perte » de détection mutuelle au radar a contribué à une situation trop rapprochée pour que la collision entre l'automoteur et le cargo puisse être évitée.
7.4
Autres facteurs (procédure d'urgence et communications)
Une procédure d'urgence (conduite à tenir pour éviter les situations rapprochées en toutes circonstances), aurait sans doute facilité la gestion de la situation. Cette absence de procédure d'urgence est un facteur contributif qui a vraisemblablement laissé s'installer un « flou » de quelques minutes, alors que l'automoteur avait retrouvé sa capacité de manoeuvre et que le cargo était manoeuvrant, bout au courant.
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Dans cette zone, hors de portée du radar de Radicatel, RPC n'a pas pu alerter les pilotes du TASMANIE et du CIVRA du risque de situation très rapprochée. De plus, la voie 73 de la VHF semble relativement encombrée et certains échanges pourraient être plus brefs.
8
RECOMMANDATIONS
Le BEAmer recommande : A la station de pilotage en Seine et aux pilotes fluviaux exerçant leur activité en Seine : L'organisation de « tables rondes » entre pilotes maritimes et pilotes fluviaux, de manière à :
8.1 8.2
convenir ensemble d'une procédure à appliquer en situation d'urgence ; mieux appréhender les spécificités et les contraintes du pilotage des navires de mer (par les pilotes fluviaux) et des bateaux fluviaux (par les pilotes maritimes). Au préfet de la Seine-Maritime, au (chef du) Service de navigation de la Seine, au GPM de Rouen :
8.3
Compte tenu de la progression constante du trafic, d'oeuvrer au maintien d'une licence locale obligatoire en Seine, y compris pour les bateaux dont le patron est titulaire de la licence européenne. A RPC :
8.4
d'améliorer la couverture radar de la Seine et d'assurer un contrôle du trafic ininterrompu ;
8.5
de déployer, à l'exemple du contrôle du trafic de l'Elbe, un système de gestion du trafic (VTS devenant "Vessel Traffic Management" en zone portuaire) ;
8.6
de veiller à optimiser les communications par VHF sur la voie 73, en proposant une voie de dégagement.
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Aux patrons et armateurs de bateaux fluviaux :
8.7
d'accélérer l'installation de l'AIS à bord des bateaux fluviaux (mesure déjà prise en compte par certains armements).
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LISTE DES ANNEXES
A. B.
Décision d'enquête Cartographie
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Annexe A
Décision d'enquête
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Annexe B
Cartographie
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Collision
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Annexe C
Enregistrements AIS
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Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer
Tour Pascal B Antenne Voltaire - 92055 La Défense cedex téléphone : +33 (0) 1 40 81 38 24 - télécopie : +33 (0) 1 40 81 38 42 www.beamer-france.org bea-mer@developpement-durable.gouv.fr