Trains (les) d'Équilibre du Territoires, un segment d'offre ferroviaire confus et délaissé

ESTABLE, A. ; NAZARET, P.

Auteur moral
France. Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer
Auteur secondaire
Résumé
Le cinquième numéro de <em>La lettre technique de la GDITM </em>est consacré aux TET (Trains d'Equilibre du Territoire). La note expose le bilan de ces trains et présente la feuille de route sans précédent de l'offre TET à l'horizon 2020.
Editeur
DGITM - Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer
Descripteur Urbamet
train ; région ; financement ; prospective
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Les Essentiels Infrastructures, Transports et Mer La lettre technique de la DGITM - mai 2017 ­ n°5 De quoi parle t-on ? Les Trains d'Équilibre du Territoire, un segment d'offre ferroviaire confus et délaissé L'appellation Trains d'Equilibre du Territoire (TET) regroupe plusieurs offres très hétérogènes exploitées par la SNCF : · les lignes Lunea, trains de nuit dont le nombre est en diminution progressive depuis 1990 · les lignes Teoz, trains de longue distance à fort trafic exploitées par Voyages SNCF · les lignes Intercités, lignes de courte et moyenne distance exploitées par la branche Proximités. Plus qu'un choix assumé, le regroupement de ces différentes lignes dans un même ensemble ­ les TET ­ est le résultat de la stratégie adoptée depuis plusieurs décennies en matière ferroviaire, qui a conduit à la création de nombreuses lignes à grande vitesse partout en France et à la régionalisation en 2002 des Trains Express Régionaux (TER). Ainsi, en 2011, les TET se définissent en creux comme les trains non transférés aux régions et desservant des territoires non équipés de la grande vitesse, et dont beaucoup sont imbriqués avec des dessertes TER1. Il s'agit, pour choisir une image concrète, du chaînon manquant entre les TGV et les TER. La qualité de service de ces trains s'est par ailleurs dégradée les années passant. Hier vitrine du savoir-faire ferroviaire français, ils sont aujourd'hui peu compétitifs face notamment aux nouvelles mobilités, et souffrent de la comparaison avec une offre TGV moderne et attractive. Cela s'explique en grande partie par le vieillissement du matériel roulant (âge moyen des locomotives de 45 ans), jamais renouvelé en l'absence d'autofinancement ­ la SNCF ne dégageait aucun bénéfice sur ce périmètre - mais également par l'état de leur infrastructure. Aussi, en 2004, constatant la situation délicate de ces trains, et observant d'autre part la diminution des bénéfices dégagés par l'activité TGV dont les excédents servent pour partie à financer les futurs TET, la SNCF souhaite revoir l'offre interrégionale, et décide de supprimer plusieurs de ces dessertes. Cela provoque l'émoi de nombreux élus locaux qui considèrent les TET comme des outils indispensables à la desserte de leur territoire, et se sentent injustement à la merci de la SNCF, opérateur de service public que les régions contribuent à financer. Le débat qui s'en suit aboutit à un quasi statu quo, peu satisfaisant pour les parties en présence, même si les Régions acceptent d'apporter des subventions à l'opérateur notamment pour rénover les voitures Corail. Le problème de la consistance de l'offre reste entier. Pour redonner un véritable statut à ces trains, et alors que se dessinent au niveau communautaire les perspectives d'une ouverture des marchés ferroviaires, l'Etat décide en 2011 de devenir lui-même autorité organisatrice des TET. Il signe alors une convention de trois ans avec la SNCF, pour : · clarifier le périmètre de l'offre TET, en négociant le cas échéant avec les régions directement des transferts de lignes, ou en substituant à certaines lignes TET un service de transport routier ; · expérimenter l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire sur ce périmètre restructuré, notamment afin d'aiguillonner la SNCF ; · engager le renouvellement du matériel roulant TET par l'injection de nouveaux financements, crédits budgétaires ou montages innovants. 1. Sur une même ligne circulent à la fois des TER et TET, quelquefois exploités avec les mêmes rames, et la plupart du temps proposés au même tarif, posant à la fois un problème de lisibilité pour la clientèle mais également d'effcience de l'exploitation. Ainsi, en contrepartie de l'exploitation du service TET, l'État verse tous les ans à la SNCF une compensation dont le montant est défini dans cette convention. Elle est financée à partir d'un compte d'affectation spéciale ­ le CAS TET ­ dont les recettes proviennent pour une petite fraction de la taxe d'aménagement du territoire et pour le reste de deux taxes acquittées par la SNCF. Le CAS TET permet d'externaliser et par là de rendre transparent la péréquation qui pré-existait avant 2011 au sein de la SNCF entre activités bénéficiaires (TGV) et Intercités. À l'origine, la compensation prévue et versée depuis le CAS s'élève à 200M, montant qui est ensuite amené à augmenter du fait notamment de la réforme des péages de RFF. Ce dispositif a dès 2013 un premier effet concret : le lancement du renouvellement du matériel roulant, sans lequel on n'aurait pu maintenir plusieurs lignes thermiques dont les locomotives étaient en fin de vie. Cette première tranche a fait l'objet d'un financement de l'AFITF de 510 M. Plus généralement, l'Etat a lancé une étude dès 2011 pour établir un programme de renouvellement de ce matériel, qui a permis d'aboutir à la définition d'une stratégie annoncée par le Premier ministre en juillet 2013. En revanche, l'État n'a pu engager la refonte de l'offre TET. En effet, ces trains sont porteurs d'un fort symbole de desserte pour les territoires. Toute redéfinition de cette offre est perçue d'abord comme un retrait des pouvoirs publics centraux, en particulier sur le plan budgétaire, et une agression contre des territoires peu denses et pour certains en perte de vitesse. Direction générale des Infrastructures des Transports et de la Mer www.developpement-durable.gouv.fr Les Trains d'Equilibre du Territoire, un segment d'offre ferroviaire confus et délaissé En outre, la situation de coresponsabilité entre l'État et son exploitant en matière de définition de l'offre crée de nombreuses incompréhensions avec les régions, la SNCF n'hésitant pas à présenter publiquement voire à mettre en oeuvre des réductions d'offre sans l'aval de l'Etat. D'un point de vue financier, le déficit des TET connaît une très forte augmentation depuis 2012. La dégradation du service offert, autant que le développement de services concurrents nouveaux et attractifs, comme le covoiturage, font perdre de nombreux clients aux Intercités. Les recettes chutent fortement de ce fait. Ainsi le déficit des TET passe en 4 ans d'environ 200 M à plus de 350 M. A défaut d'une réforme d'ampleur, la convention initiale doit être prolongée à deux reprises, en 2014 et 2015, ce qui fait l'objet de négociations tendues entre la SNCF et l'Etat, la compensation versée par ce dernier s'éloignant de plus en plus du déficit réel supporté par l'opérateur. Au total, SNCF Mobilités perd plus de 100 M entre 2011 et 2015 sur son activité Intercités. Le graphe ci-contre présente l'évolution du déficit prévisionnel jusqu'en 2023, ainsi que ce qu'il aurait été en l'absence de réforme. En régime de croisière, l'économie pour l'État s'élève à environ 150 M, y compris compensations aux régions. À contre-courant Pour sortir de l'ornière, le secrétaire d'État Alain Vidalies forme en novembre 2014 une commission mixte et pluraliste composée de parlementaires de la majorité et de l'opposition, d'élus régionaux et d'experts. Philippe Duron, député du Calvados et fin connaisseur du secteur des transports, en est désigné président. Cette commission, dite « TET d'avenir », est chargée de proposer des pistes de clarification de l'offre TET, avec l'objectif de redresser dans la durée son modèle économique. A partir de nombreuses auditions avec l'ensemble des parties prenantes, de l'étude de plusieurs modèles d'offres Intercités en Europe et avec l'appui du cabinet Roland Berger et de l'ingénieriste anglais Atkins partenaire du Department for Transport britannique, la commission a pu proposer une réforme ambitieuse des TET. Le principal chantier auquel s'est attelé la commission est celui de la redéfinition de l'offre, dans le prolongement de la convention de 2011, qui a abouti à des préconisations de trois ordres : · un recentrage de l'offre TET sur les lignes à plus fort potentiel, impliquant, pour les autres lignes, une reprise des trafics par les TER, notamment lorsque les offres sont fortement imbriquées, ou, lorsqu'il existe une infrastructure autoroutière performante, le transfert de la ligne sur route ; · le renforcement de l'offre sur ces lignes à fort potentiel, par l'augmentation des fréquences, l'introduction d'une politique tarifaire dynamique et le renouvellement du matériel roulant. L'amélioration du service doit permette de générer une forte induction de trafic, et, en parallèle, d'améliorer la performance de l'exploitation1 ; · la suppression des lignes de nuit pour lesquelles une alternative performante existe (TGV, offre aérienne). 1 Le ferroviaire est une industrie de coûts fixes. En augmentant les fréquences, il semble possible d'optimiser la gestion du capital et des personnels en concevant des roulements plus efficients, tout en rendant l'offre plus attractive pour les clients. Pour accompagner cette refonte de l'offre TET et assurer sa pérennité, la commission a appelé à renouveler le matériel roulant des TET d'ici à 2025. Pour cela, elle a recommandé que les procédures adéquates soient lancées sans délai pour donner un signal positif à l'ensemble des acteurs. Elle a considéré qu'environ 3 Mds devaient être mobilisés d'ici à 2025 par l'Etat. La commission a par ailleurs noté le sentiment partagé par les différentes parties prenantes, et en premier lieu par les régions, que l'État n'est pas suffisamment présent, au quotidien, dans le pilotage de l'offre TET. Pour reconstruire une relation de confiance avec les régions et permettre d'engager un dialogue mature sur la consistance des offres de transport, la commission a proposé de renforcer l'autorité organisatrice en matière de moyens dédiés, mais également de gouvernance, avec la création d'un conseil d'orientation ad hoc autour du ministre. Elle a également préconisé que soient clarifiées les prérogatives de l'Etat dans le contrat avec l'exploitant. La commission a enfin proposé le lancement d'une expérimentation d'ouverture à la concurrence de lignes TET, sous la forme de délégations de service public, en particulier sur les lignes de nuit. Elle a en effet considéré que, sans attendre le quatrième paquet ferroviaire, il était impératif de préparer tant les services de l'Etat que l'opérateur historique à l'arrivée d'opérateurs concurrents plus compétitifs. Les propositions de la commission peuvent apparaître radicales sur l'offre notamment : la perspective d'entrée en vigueur du quatrième paquet ferroviaire (ouverture à la concurrence), ainsi que la création en 2016 de grandes régions dotées de nouvelles compétences obligent à dessiner un chemin volontariste. 2 Direction générale des Infrastructures des Transports et de la Mer Les Trains d'Equilibre du Territoire, un segment d'offre ferroviaire confus et délaissé Le new deal Le Gouvernement décide en juillet 2015, peu après la remise du rapport, de s'appuyer très largement sur les travaux de cette commission. Les axes de travail sont les suivants : · renforcer l'Etat dans ses missions d'autorité organisatrice, avec notamment le renforcement des moyens dédiés mais surtout la conclusion d'une nouvelle convention clarifiant ses prérogatives en matière de définition du service et renforçant son niveau d'information, sur le modèle des conventions TER ; · concerter avec les régions les propositions de refonte de l'offre TET de la commission « TET d'avenir », en vue de proposer un service plus lisible et plus performant aux usagers tout en redressant la situation financière des TET. Le Préfet François Philizot est désigné pour réaliser ce travail de concertation ; · revoir complètement le modèle économique des lignes TET de nuit ; renouveler le matériel roulant TET, facteur majeur de l'attractivité de ces trains, notamment sur les lignes structurantes pour l'aménagement du territoire national. Cette feuille de route est enrichie et précisée au fil des mois. En février 2016, il est notamment décidé de lancer un appel à manifestation d'intérêt pour tester l'appétence d'opérateurs alternatifs à SNCF Mobilités à exploiter les lignes TET de nuit en open-access, c'est-à-dire sans contrat de service public avec l'État. Aucune proposition n'est faite en retour. Considérant qu'il n'entre pas dans ses missions de financer des lignes de nuit desservant des territoires bénéficiant d'alternatives performantes, avec des niveaux de subvention par billet vendu de plus de 100 en moyenne, l'Etat décide alors de recentrer son offre de nuit sur deux lignes : Paris-Briançon et Paris-Rodez/Latour de Carol. · Cette feuille de route aboutit à une restructuration sans précédent de l'offre TET La concertation avec les régions menée par le Préfet Philizot, entre fin 2015 et 2016, ne conduit pas fondamentalement à un changement de position des Régions qui souhaitent avant tout des compensations financières. La véritable rupture intervient lorsque le nouveau président de la grande région Normandie, s'appuyant sur son programme de campagne, sollicite du Premier Ministre de reprendre les lignes Paris-Caen-Cherbourg et Paris-Rouen-Le Havre. Cette initiative déclenche une véritable dynamique qui, après plusieurs semaines de négociations, abouti à la signature le 25 avril 2016 d'un accord actant la reprise par la région des cinq lignes TET desservant la Normandie au 1er janvier 2020. au terme de l'accord du 27 juin 2016 à l'horizon 2020 Direction générale des Infrastructures des Transports et de la Mer 3 Les Trains d'Equilibre du Territoire, un segment d'offre ferroviaire confus et délaissé L'accord conclu le 27 juin 2016 entre le Premier ministre et les présidents de région dans le cadre de la plateforme Etat-régions vient renforcer cette dynamique. Les régions sont volontaires pour reprendre les lignes TET, en contrepartie de compensations à définir. Pour la première fois, celles-ci n'exigent plus de compensations intégrales mais sont prêtes à négocier au cas par cas. Alain Vidalies profite de ce fléchissement et engage une nouvelle phase de négociations avec les Régions. Les nouvelles Régions semblent avoir pris conscience que l'ouverture à la concurrence des services conventionnés, avec l'adoption définitive du quatrième paquet ferroviaire, nécessite de clarifier les périmètres TER et TET. Car en effet, comment pourraient coexister sur une même ligne deux exploitants réalisant la même politique de desserte ? Ainsi, entre septembre et décembre 2016, ce sont six accords qui sont finalement conclus ou en voie de l'être, entraînant la reprise de l'ensemble des lignes d'intérêt régional ou local par les régions, en contrepartie de compensations définies au cas par cas. A l'horizon 2020, l'État restera ainsi autorité organisatrice de huit lignes TET, six de jour et deux de nuit, sur lesquelles il lui revient non seulement de suivre l'exécution du service par l'opérateur mais également de définir une véritable stratégie de moyen et long termes en matière de desserte et d'investissement. Sur les trois principales lignes TET, l'élaboration de schémas-directeurs, construits sous l'égide d'un Préfet coordonnateur, en lien avec SNCF Mobilités et SNCF Réseau, et en concertation avec les acteurs locaux, doivent permettre le lancement d'une démarche collective visant à améliorer à court, moyen et long terme la qualité du service offert aux voyageurs et la compétitivité de l'offre TET. Les évolutions d'offre et de gouvernance négociées avec les Régions ou décidées par l'Etat permettent alors d'établir une nouvelle convention entre l'Etat et SNCF Mobilités, qui prévoit une trajectoire financière soutenable intégrant l'évolution du périmètre TET mais également des efforts de l'exploitant. En matière d'investissement, l'Etat a engagé le renouvellement de l'ensemble du parc TET, non seulement sur les lignes reprises par les régions dans le cadre des accords conclus, mais également sur le périmètre qu'il conserve, avec l'achat de nouvelles rames adaptées aux trajets de longue distance. Au total, l'Etat consent environ 3,5 Mds d'investissement au profit des TET, ce qui constitue un effort sans précédent pour moderniser ce segment d'offre longtemps délaissé. Le calendrier 1er janvier 2011 20 novembre 2014 25 mai 2015 7 juillet 2015 l'État devient autorité organisatrice des TET la commission "TET d'avenir" est lancée la commission "TET d'avenir" rend ses conclusions le Gouvernement présente sa feuille de route pour l'avenir des TET - Concertation avec les régions - Nouvelle convention avec SNCF Mobilités - Renouvellement du matériel roulant la feuille de route fait l'objet d'un premier point d'étape - Lancement d'un appel à manifestation d'intérêt sur les lignes de nuit - Lancement d'un appel d'offres pour les lignes structurantes un accord est conclu avec la région Normandie 25 avril 2016 21 juillet 2016 17 novembre 2016 29 novembre 2016 7 décembre 2016 14 décembre 2016 19 décembre 2016 second point d'étape de la feuille de route - Définition du périmètre-cible des TET de jour et lancement de schémas-directeurs - Clarification de l'offre de nuit accord avec les régions Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté et le STIF accord avec la région Nouvelle Aquitaine accord avec la région Hauts-de-France 19 février 2016 accord avec la région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée accord avec la région Centre-Val de loire 12 janvier 2017 Bilan de la feuille de route et des accords conclus avec les régions Directeur de publication : F. Poupard ; coordination : C. Hanon ; participation Guillaume Karakouzian et son équipe Réalisation : A. Estable ; P. Nazaret Les Essentiels n°5 4 Direction générale des Infrastructures des Transports et de la Mer

puce  Accés à la notice sur le site du portail documentaire du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

  Liste complète des notices publiques