Rapport d'enquête technique : échouement et naufrage du fileyeur Laisse D'in Dire aux abords de la pointe de Chemoulin - estuaire de la Loire, le 29 juillet 2010 (décès du patron)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur l'échouement et le naufrage du fileyeur Laisse D'in Dire survenus aux abords de la pointe de Chemoulin - estuaire de la Loire, le 29 juillet 2010. Cet accident a causé le décès du patron. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident
;sécurité
;prévention des risques
;NAUFRAGE
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique
ECHOUEMENT ET NAUFRAGE
DU FILEYEUR
LAISSE D'IN DIRE
AUX ABORDS DE LA POINTE DE CHEMOULIN ESTUAIRE DE LA LOIRE, LE 29 JUILLET 2010 (DECES DU PATRON)
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Avertissement
Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du titre III de la loi n°.2002-3 du 3 janvier 2002 et du décret n°.2004-85 du 26 janvier 2004 relatifs aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles du « Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents » de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255 (84). Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du sur les circonstances et les causes de l'événement analysé. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif a été d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
BEAmer
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PLAN DU RAPPORT
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CIRCONSTANCES CONTEXTE NAVIRE EQUIPAGE CHRONOLOGIE ANALYSE RECOMMANDATIONS
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ANNEXES
A. B. Décision d'enquête Carte
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Liste des abréviations
ASN
BEAmer : : : : : Appel Sélectif Numérique Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Certificat Restreint d'Opérateur Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage Système mondial de localisation (Global Positioning System)
CRO CROSS GPS
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CIRCONSTANCES
Dans la nuit du 28 au 29 juillet 2010, par beau temps, le fileyeur LAISSE D'IN DIRE
fait route sous pilote automatique vers sa zone de pêche, située dans le Sud-Ouest du banc de sable de Baguenaud, à environ 2 milles dans l'Ouest de la Pointe de Chémoulin. Le suivi de la navigation est effectué à l'aide d'une carte électronique, sur l'ordinateur de bord. Lorsque le patron prend le quart à la suite du matelot, après un court repos, le LAISSE D'IN DIRE navigue en eaux saines, un peu au large de la route tracée. Le matelot se rend alors sur le pont pour préparer le matériel de pêche, tandis que le patron vérifie sur l'ordinateur les points où seront calés les filets. Peu après, le LAISSE D'IN DIRE heurte violemment les roches situés à proximité de l'îlot de La Pierre Percée. Le matelot questionne brièvement le patron qui ne comprend pas ce qui est arrivé. Le navire est échoué et gîte sur tribord, les sabords de décharge ne parviennent pas à évacuer l'eau qui monte rapidement. Le patron retourne en timonerie pour tenter d'alerter le CROSS Etel. A ce moment le navire chavire sur tribord et la lourde masse des filets bascule par le fond. Le matelot, un moment prisonnier sous la bâche d'abri, parvient à remonter en surface. Il nage jusqu'au rocher le plus proche et se tient prêt à porter secours au patron qu'il ne voit pas et dont il n'obtient pas de réponse, malgré ses appels répétés. Le matelot sera récupéré peu après par le canot SNSM de Pornichet. Les investigations des plongeurs sont rendues difficiles par l'obscurité et l'obstruction provoquée par les filets. Après le lever du jour, le corps sans vie du patron est retrouvée à 10 mètres de l'épave. L'épave sera renflouée le 8 août 2010 ; les appareils de navigation ont été détruits et emportés par la mer.
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CONTEXTE
Le patron est l'armateur du LAISSE D'IN DIRE. A cette époque de l'année, de mai à
mi-octobre, il pêche la sole. Appareillage de l'Herbaudière vers 02h00 et retour vers midi pour vente à la criée de 30 à 50 kg par jour.
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NAVIRE
Le LAISSE D'IN DIRE a été construit en 1988. Sa coque est en plastique. Immatriculation Longueur hors tout Tirant d'eau Jauge UMS Vitesse en service Propulsion Pont Engins de pêche : : : : : : : : NO 697 843 9,60 m environ 1,30 m avec les filets à bord 5,89 9,5 nds 147 kW couvert (bâche sur structure tubulaire) 8 km de filets et orins
Le LAISSE D'IN DIRE est armé en 3ème catégorie à la petite pêche côtière. Une visite spéciale a été réalisée par le CSN des Pays de la Loire le 6 octobre 2009, à la demande de l'armateur, en vue de satisfaire à une prescription émise à la précédente visite périodique. Le permis de navigation est valide jusqu'au 28 juin 2011. C'est un navire en bon état d'entretien et d'équipement : il a été mis à sec mi-juillet 2010 pour entretien de la coque, révision du moteur et de l'appareil à gouverner. La carte électronique de navigation est régulièrement mise à jour des nouvelles têtes de roches identifiées par le patron.
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EQUIPAGE
L'équipage est composé de deux hommes qualifiés. Le patron, décédé au cours du naufrage, était âgé de 36 ans. Titulaire du certificat
de capacité et du permis de conduire les moteurs (décembre 1995). CRO en mars 2005. Patron du LAISSE D'IN DIRE depuis mars 2000.
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Le matelot est âgé de 30 ans. Titulaire du BEPM conduite et exploitation des navires de pêche et du permis de conduire les moteurs (juin 1999). Certificat de lutte contre l'incendie (novembre 1999) et Certificat spécial d'opérateur en mai 2005. Brevet de lieutenant de pêche à faire valider. Les deux marins naviguent ensemble depuis juillet 2006 à bord du LAISSE D'IN DIRE et ont une très bonne connaissance de la zone.
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CHRONOLOGIE
Les heures sont données en heures TU + 2 Le 29 juillet 2010, Météo et marée : beau temps, bonne visibilité. Houle résiduelle d'Ouest-Nord-
Ouest de 0,50 m. Courant de flot de vive-eau portant à l'Est à environ 1 noeud. Vers 02h45, appareillage du LAISSE D'IN DIRE du port de l'Herbaudière pour caler ses filets dans le Sud-Ouest du banc de sable de Baguenaud. A la sortie du port les deux hommes boivent un café, puis le patron laisse le quart à son matelot et quitte la timonerie pour se reposer au poste équipage. Le matelot effectue les corrections de cap nécessaires au suivi de la route tracée sur la carte électronique. La vitesse est comprise entre 9 noeuds et 9,5 noeuds, cap au 350° sous pilote automatique. Vers 03h55, à environ 2 milles de l'îlot de la Pierre Percée, le matelot réveille le patron qui monte aussitôt en timonerie. Le sondeur indique alors plus de 7 m d'eau, mais l'alarme n'est pas en service ; le LAISSE D'IN DIRE est à ce moment un peu au large de la route passant dans l'Ouest de la Pierre Percée. Le patron prend le quart et porte son attention sur l'ordinateur, en zoomant sur la zone de pêche, ne visualisant donc plus le suivi de la route. La route tracée fait passer le LAISSE D'IN DIRE à proximité d'une sonde de 4,50 m au Sud-Ouest de la Pierre Percée.
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La ligne de sonde des 5 m est à 0,13 mille de la Pierre Percée Le matelot se dirige sur le pont pour préparer le matériel de pêche, à l'arrière sous la bâche. Peu après, il ressent un choc et comprend tout de suite que le navire est monté sur une tête de roche. Le patron débraye immédiatement le moteur ; il répond au matelot qui l'interroge qu'il ne comprend pas ce qu'il a fait, se demandant s'il n'a pas touché au pilote automatique par inadvertance. Le patron se rend à l'arrière pour évaluer la situation : le navire est posé sur bâbord arrière et, du fait de la gîte sur tribord, les sabords de décharge sont inopérants et ne parviennent pas à évacuer l'eau qui pénètre par tribord. Le patron dit au matelot « que la seule solution est d'attendre que la mer monte ». Il regagne la timonerie et stoppe le moteur. Voyant que la situation s'aggrave, le matelot conseille au patron d'alerter le CROSS Etel.
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Craignant d'être bloqué contre la bâche si le gilet se gonfle, le matelot enlève son VFI. Il dit alors au patron « on chavire, on chavire ». Le LAISSE D'IN DIRE se couche à 90° sur tribord, les filets sortent de leurs bacs et s'entassent sur la bâche. Le poids des filets accentue l'enfoncement du navire. Le matelot se trouve coincé par la bâche, sous l'eau ; il craint de se noyer mais parvient à remonter à la surface avec difficulté. Puis, reprenant son souffle, il fait une première investigation pour rechercher le patron. Seul le flanc bâbord de l'étrave émerge encore. A 04h29, le CROSS Etel est alerté par le CROSS Gris-Nez qui relaie la détection de la balise 406 MHz du LAISSE D'IN DIRE. Sans doute au même moment, le matelot regagne le rocher le plus proche, se tenant prêt à secourir le patron qui ne répond pas à ses appels. A 04h35, message PAN. De 04h32 à 04h45, les appels par VHF ASN du CROSS restent sans réponse. Le navire de pêche L'AIGUE MARINE accuse réception du message PAN et se rend sur zone. A 04h53, le canot SNS 229 (SNSM de Pornichet) est mis en oeuvre. A 04h55, diffusion d'un MAYDAY RELAY. Le navire de pêche ER'MANAIS accuse réception du MAYDAY et se rend sur zone. A 05h04, appareillage de la SNS 229. A 05h12, le ER'MANAIS a récupéré la balise 406 MHz du LAISSE D'IN DIRE. A 05h16, mise en oeuvre de l'hélicoptère de la Gendarmerie. Le matelot naufragé est récupéré sain et sauf par la SNS 229. A 05h18, le plongeur de la SNS 229 est prêt pour inspection de la timonerie du LAISSE D'IN DIRE. A 05h22, l'embarcation des sapeurs-pompiers avec plongeurs est mise en oeuvre pour renfort.
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A 05h40, première investigation du plongeur de la SNS 229. Au bout de 5 minutes, celui-ci signale que la timonerie est complètement immergée et que la visibilité est mauvaise. La porte coulissante d'accès à la timonerie est trouvée ouverte (a priori bloquée, compte tenu de son sens d'ouverture et du chavirement sur tribord). Mise en oeuvre d'autres moyens nautiques et aériens et poursuite des recherches. Un descriptif rapide des accès est effectué par le matelot à la demande des pompiers. A 06h55, investigation, en passant par la timonerie, du poste avant par le plongeur des pompiers. A 07h40, le corps du patron est récupéré par l'embarcation des sapeurs-pompiers, après avoir été découvert prisonnier des filets à une dizaine de mètres de l'épave, par 5 à 6.mètres de fond. A 08h53, échec d'une tentative de déséchouement par remorquage du LAISSE D'IN DIRE au moyen de la SNS 229 et de ballons. A 09h17, le LAISSE D'IN DIRE coule à la position 47° 13,44 N 002° 21,28 W. L'épave est balisée en surface. Le 8 août 2010, Renflouement et remorquage du LAISSE D'IN DIRE. L'ordinateur de bord et les appareils de navigation ont été détruits et emportés par la mer.
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ANALYSE
BEAmer
La méthode retenue pour cette analyse est celle utilisée par le
pour l'ensemble de
ses enquêtes, conformément au Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255 (84). Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : · · · · facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteur humain ; autres facteurs.
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Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du · · · · certain ou hypothétique ; déterminant ou sous jacent ; conjoncturel ou structurel ; aggravant ;
BEAmer
ont répertorié les
facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère :
avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par l'évènement.
6.1
Facteurs naturels
La météo et le courant portant à l'Est (connu du patron) ne sont pas des facteurs contributifs de l'accident.
6.2
Facteurs matériels
Ergonomie des appareils de navigation : l'interfaçage entre pilote automatique,
GPS et ordinateur de bord permet a priori à l'homme de quart de percevoir la dérive du navire. De plus, le LAISSE D'IN DIRE est un navire en bon état de marche, et aucune défaillance matérielle n'a été identifiée par le patron (qui l'aurait très certainement signalée au matelot) dans les instants qui ont précédé l'accident.
6.3
Facteurs humains
Dès qu'il a repris le quart, alors que le navire se trouvait en eaux saines, l'attention du patron s`est portée sur la zone de pêche. Mais, d'un faux mouvement il aura pu, sans en avoir conscience, modifier la consigne de cap au pilote automatique : « est-ce que j'ai touché au pilote automatique ? » dit-il au matelot au moment de l'échouement. L'alarme sur le sondeur n'est pas en service et l'écran de l'ordinateur ne montre alors que la zone de calage des filets, sans visualisation de la position du navire.
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Dans ces conditions, le LAISSE D'IN DIRE a pu, en quelques minutes, se rapprocher dangereusement de l'îlot de la Pierre Percée, alors que son patron pensait le contourner par l'Ouest, clair de la ligne de sonde des 5 m. Cette hypothèse est l'unique facteur déterminant identifié par le BEAmer. Le matelot, occupé sur le pont, la bâche abri n'offrant qu'une médiocre visibilité sur les côtés, n'a pas pu percevoir un changement de cap.
7.
RECOMMANDATIONS
Le BEAmer rappelle : Aux patrons des navires de pêche :
7.1
Que lorsque leur attention ne se porte pas uniquement sur la navigation, les alarmes de cap et de sondeur notamment doivent impérativement être activées. Le BEAmer recommande : Aux concepteurs et installateurs de matériels de navigation :
7.2
De faire en sorte que la consigne de cap ne puisse pas être modifiée par inadvertance (en évitant notamment l'utilisation de joysticks et autres manettes, réservés à la commande de barre).
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LISTE DES ANNEXES
A. B.
Décision d'enquête Carte
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ANNEXE A Décision d'enquête
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ANNEXE B Carte
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