Rapport d'enquête technique : talonnage du navire à passagers Guillemot survenu le 31 juillet 2012 à la pointe du Champ du Port (commune d'Erquy - Côtes-d'Armor), (16 blessés légers)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur le talonnage du navire à passagers Guillemot survenu le 31 juillet 2012 à la pointe du Champ du Port (commune d'Erquy - Côtes-d'Armor). Cet accident a fait 16 blessés légers. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident
;sécurité
;prévention des risques
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique
Rapport publié : juillet 2013
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Rapport d'enquête technique TALONNAGE
DU NAVIRE À PASSAGERS
GUILLEMOT
SURVENU LE 31 JUILLET 2012 A la Pointe du Champ du Port (commune d'Erquy - Côtes d'Armor) (16 blessés légers)
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Avertissement
Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du code des transports, notamment ses articles L1621-1 à L1622-2 et du décret n°.2004-85 du 26 janvier 2004 modifié relatifs aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles du « Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents » de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255(84). Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du les circonstances et les causes de l'événement analysé.
BEAmer
sur
Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif a été d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
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PLAN DU RAPPORT
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CIRCONSTANCES CONTEXTE NAVIRE EQUIPAGE CHRONOLOGIE ANALYSE RECOMMANDATIONS
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ANNEXES
A. B. C. Décision d'enquête Plan du navire Carte
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Liste des abréviations
AIS
BEAmer
: : : : : : : : : : : : : :
Système d'identification automatique des navires (Automatic Identification System) Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Brevet d'Aptitude à l'Exploitation des Embarcations et Radeaux de Sauvetage Certificat d'initiation Nautique Centre Opérationnel Départemental d'Incendie et de Secours Certificat Restreint d'Opérateur Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage Distance métacentrique initiale transversale Code international de gestion pour la sécurité de l'exploitation des navires et la prévention de la pollution Règlement international pour prévenir les abordages en mer Service Hydrographique et Océanographique de la Marine Système mondial de détresse et de sécurité en mer Vêtement à Flottabilité Intégrée Véhicule de secours et d'assistance aux victimes
BAEERS CIN CODIS CRO CROSS GM ISM RIPAM SHOM SMDSM VFI VSAB
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CIRCONSTANCES
Le 31 juillet 2012, vers 18 heures 40, le navire de transport à passagers GUILLEMOT (PL 925104), avec 60 personnes à bord, heurte à 8 noeuds le plateau rocheux de la « pointe du champ du port », situé à proximité du port des Hôpitaux (commune d'Erquy). De nombreux passagers sont projetés sur l'avant et seize d'entre eux sont légèrement blessés. Après s'être assuré de l'absence de voie d'eau et du bon fonctionnement de la propulsion et de la barre, le capitaine envisage dans un premier temps de débarquer ses passagers au port des Hôpitaux.
Il prend en définitive la décision de regagner le port d'Erquy proche du lieu de l'incident et informe les passagers de la situation. Le CROSS Corsen n'est pas informé. Le matelot et un médecin présent à bord prodiguent les premiers soins aux blessés. Le capitaine avise par téléphone son armateur puis le CODIS 22. Vers 19h00, le GUILLEMOT accoste au ponton en eau profonde du port d'Erquy, les premiers blessés sont pris en charge par le centre de secours avec mise en place d'un PC médical. Neuf blessés sont évacués sur les hôpitaux de Saint-Brieuc et Dinan et un blessé est évacué par hélicoptère sur l'hôpital de Saint-Brieuc. Les six autres sont traités sur place. Après consultations toutes les autres personnes regagnent leur domicile. Une plongée effectuée plus tard permettra de constater une déformation au niveau du « saumon » tribord. Le permis de navigation a été maintenu après que le bureau Véritas, contacté par les soins du CSN, ait examiné les avaries et confirmé le certificat de Franc-bord.
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CONTEXTE
Le navire GUILLEMOT appartient à l'armement ARMOR NAVIGATION.
Cet armement est composé de six navires de transport à passagers, effectuant une navigation à caractère touristique entre Perros-Guirec et les 7 îles, le continent et l'île de Bréhat, le port du Diben en Plougasnou et le Château du Taureau en baie de Morlaix, le port d'Erquy vers le Cap Fréhel. Ils peuvent embarquer de 98 à 196 passagers. La saison débute au mois de mars et se termine au mois d'octobre. La période hivernale est consacrée à l'entretien des navires. L'armateur se qualifie d'excursionniste maritime. Lors d'évènements de mer, les consignes compagnie aux capitaines sont de ne pas informer le CROSS Corsen en premier lieu. Au cours du mois de juin 2012, l'armateur et le capitaine ont effectué une reconnaissance du circuit touristique proposé aux passagers au départ du port d'Erquy. Cette navigation emprunte le chenal d'Erquy en laissant le cap d'Erquy sur tribord pour 0,2 mille puis longe la côte jusqu'au cap Fréhel. Il existe une variante « côtière » de la route. Toutefois, le GUILLEMOT n'emprunte ce passage entre l'îlot Saint-Michel, la Roche Plate Saint-Michel et le sud du rocher Bénard qu'à partir de la mi- marée. Les routes reconnues ont été initialisées dans le lecteur électronique de cartographie LORANS sur des cartes C/MAPS. La route tracée passe au plus près à 0,2 mille du plateau rocheux, situé au nord-est de la pointe du champ du port (dont une sonde est de 9,5 sur la carte 7310 du SHOM). Le GUILLEMOT a débuté sa navigation à caractère touristique (croisières commentées) au départ du port d'Erquy le 26 juin 2012, en 3ème catégorie de navigation, limitée à 7 milles du port d'Erquy, pour 70 passagers maximum avec un patron/mécanicien et un matelot,
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conformément à la décision d'effectif délivrée le 2 juillet 2012 par les Affaires Maritimes de Paimpol. Il est à noter que ce genre de navigation est possible au départ de ce port depuis la fin des travaux de la grande digue et l'installation d'un ponton, permettant un accès tout temps.
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NAVIRE
Construite en 2005 en aluminium compartiments par les chantiers
avec
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portugais DE MONDEGO à Figueras sur des plans du chantier Marine Concept de Granville (50), le GUILLEMOT est une vedette monocoque. Elle peut s'échouer sur des fonds appropriés, grâce aux deux saumons métalliques situés sous les tubes d'étambot protégeant ainsi les hélices et les safrans.
Son certificat national de franc-bord est valable jusqu'au 2 mars 2015 et son permis de navigation jusqu'au 25 mars 2013. Principales caractéristiques : Immatriculation Longueur hors-tout Largeur Jauge Propulsion AIS Radar GPS Sondeur : PL 925 104 ; : 19,05 m ; : 5,61 m ; : 70,62 tx ; : 2 x 480 cv VOLVO ; : non ; : JRC Raster, couplé au GPS ; : MAGELLAN - FX 324 Maps ;
: FURUNO - FCV 600 L - N° de série 2246 ;
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Pilote automatique Compas de route Balise de détresse Communication
: CETREK ; : oui ; : oui ; : 1 VHF SKANTI (canal 16), 1 VHF ICOM (canal P1 liaison billetterie), 2 VHF portables MC MURDO ; : oui ; : 3 radeaux Classe III ; : Trousse de type oxygénothérapie ; C et complément P 3 dont
Transpondeur Sauvetage Dotation médicale Assèchement
: 2 pompes attelées aux MP, 1 moto pompe, 1 pompe manuelle.
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EQUIPAGE
Le capitaine est âgé de 30 ans. Il est titulaire du brevet capitaine 200 obtenu le 15 avril 2011, du diplôme de mécanicien 750 KW obtenu le 15 avril 2011, du certificat d'opérateur (CRO) obtenu le 19 juin 2008, du certificat de formation de base à la sécurité et du brevet d'aptitude à l'exploitation des embarcations et radeaux de sauvetage obtenus le 16 janvier 2008. Il a navigué pour l'armement du mois de juillet 2008 à juin 2012 en qualité de matelot mécanicien. Depuis le 28 juin 2012, il navigue en qualité de patron/mécanicien. Il dispose d'une aptitude médicale à toutes fonctions. Le matelot est âgé de 30 ans, titulaire du permis de conduire les moteurs marins (juin 2012), d'un certificat de formation de base à la sécurité (juin 2012) d'un certificat restreint d'opérateur (juin 2012). Son diplôme de capitaine 200 obtenu en juin 2012 n'a pas encore été validé. Il dispose d'une aptitude médicale à toutes fonctions.
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CHRONOLOGIE
(Heures TU + 2) Le 31 Juillet 2012 : Pleine Mer à Erquy : 18h42 - 10,75 mètres - Coefficient : 79 - Marnage : 8,15 mètres.
Conditions météorologiques : mer belle, vent de nord/nord-est faible, très bonne visibilité (source: patron du navire). Appareillage à 14h00 pour une première excursion, retour à 16h15. Appareillage du port d'Erquy à 16h30, avec 58 passagers inscrits au journal de bord, pour une excursion maritime vers le cap Fréhel. Le radar, le sondeur, le GPS et la cartographie électronique sont en fonction. Les alarmes visuelles et sonores des appareils de navigation ne sont pas activées. Les passagers se répartissent sur les plages avant et arrière ainsi que sur le «spardeck». Le capitaine diffuse les consignes de sécurité à l'intention des passagers : - « les sièges et bancs sont faits pour être assis ou à genoux mais en aucun cas debout. » - « on ne doit pas se pencher à l'extérieur du bateau pour éviter les risques d'accident. » Vers 17h30, au niveau du cap Fréhel, le GUILLEMOT fait demi-tour. Vers 18h30, il se trouve dans le sud du Rocher Bénard. Avec une pleine mer à 18h42, le capitaine «voulant faire plaisir à ses passagers» décide de venir faire demi-tour devant le petit port caractéristique des Hôpitaux. Vers 18h35, dans le 137° du musoir du port des Hôpitaux pour 0,15 mille, le capitaine effectue un évitage par bâbord.
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À cet effet, il différencie ses moteurs : tribord avant embrayé et bâbord arrière embrayé, pilote automatique désactivé. Cette manoeuvre permet aux passagers de découvrir les abords immédiats du port, le GUILLEMOT effectuant une rotation sur lui-même. Son évitage terminé, le capitaine se dirige vers l'îlot Saint-Michel en route au Nord-Ouest (sans cap précis) en pilotage manuel, sur un plan d'eau dégagé en passant à proximité de la digue pour retrouver le chenal d'Erquy à vitesse réduite (6 noeuds). Ébloui par les reflets du soleil sur la mer, son attention se porte sur des bouées de casiers qui se trouvent devant lui. Quelques instants après, le GUILLEMOT talonne et les passagers sont projetés vers l'avant. Le capitaine débraye immédiatement ses moteurs et met la barre toute à droite. Aucune alarme voie d'eau ne se déclenche et le matelot effectue une ronde sécurité des fonds qui confirme l'absence de voie d'eau. À 18h40, le capitaine informe les passagers de la situation : « heurt d'un obstacle, absence de voie d'eau, navire manoeuvrant ». Le matelot rend compte au capitaine que certains passagers sont blessés. À 18h45, le capitaine avise l'armateur par téléphone. Le matelot informe le capitaine de la présence d'un médecin à bord, parmi les passagers blessés (contusions, petites plaies...) 3 ou 4 nécessitent des soins plus importants. Le capitaine prend alors la décision de rentrer au port d'Erquy, distant de 5 milles environ, en se consacrant exclusivement à la navigation. À 18h53, sur les conseils du médecin présent à bord, le capitaine appelle le centre de traitement des appels (18) pour une prise en charge des blessés à l'arrivée au port. À 18h56, déclenchement de l'alerte au centre de secours d'Erquy.
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À
19h00,
accostage
du
GUILLEMOT au ponton du port en eau profonde d'Erquy. À 19h05, arrivée du premier véhicule de secours. Les passagers sont toujours à bord et les premiers blessés sont pris en charge. Installation d'un PC secours sur la digue du port d'Erquy. À 20h30, plongée sous la coque pour évaluation des dégâts. À 21h30, fin d'intervention des secours sur le quai du port d'Erquy.
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ANALYSE
La méthode retenue pour cette analyse est celle utilisée par le BEAmer pour l'ensemble de ses enquêtes, conformément au Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255(84). Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : facteurs naturels ; facteur matériel ; facteurs humains ; Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du
BEAmer
ont répertorié les
facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : certain ou hypothétique ; déterminant ou sous-jacent ; conjoncturel ou structurel ; aggravant. avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par l'évènement.
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6.1
Facteurs naturels
Le coucher du soleil dans la zone de navigation est à 21h39 dans l'azimut 298°, soit 3 heures après l'évènement. À 18h39 le soleil se trouvait dans l'azimut 253°, soit par le travers bâbord du GUILLEMOT, lorsqu'il reprend sa route au nord-ouest. Dans ces conditions, les reflets du soleil sur la mer signalés par le capitaine, bien que susceptibles de constituer une certaine gêne, ne peuvent être considérés comme un facteur contributif de l'évènement.
6.2
Facteur matériel
Aucun facteur matériel n'est retenu.
6.3 6.3.1
Facteurs humains Navigation
L'aide que pouvait apporter le radar et le sondeur permettait au capitaine d'effectuer
une navigation en sécurité. De surcroît, la décision de s'écarter de la route tracée nécessitait une navigation précise et une attention soutenue. L'absence de rigueur dans la navigation et une méconnaissance de la zone sont les facteurs déterminants de l'accident.
6.3.2
Les suites du talonnage
Compte tenu de la zone de navigation des circuits proposés, l'armateur avait donné
des directives à ses capitaines de l'informer prioritairement de tout événement de mer avant de contacter les autorités. De ce fait, l'absence de compte rendu immédiat au CROSS Corsen au moment du talonnage signalant la présence de blessés à bord aurait pu être un facteur aggravant.
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La présence d'un passager médecin a contribué à une prise en charge efficace des blessés.
6.3.3
Gestion de crise
Le capitaine avait du fait de sa formation de "capitaine 200", les connaissances minimales pour faire face à une telle situation. Cependant, les décisions qu'il a été amené à prendre s'écartent des principes d'une approche globale intégrant le soutien des services officiels de sauvetage et de sécurité. L'armement qu'il avait contacté, a conservé l'information à son niveau, sans vision cohérente des risques encourus.
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RECOMMANDATIONS
Le BEAmer rappelle : Aux responsables de quart :
1.
2013-R-030
: Qu'il convient d'utiliser l'ensemble des équipements d'aide à la
navigation, même dans les situations où la navigation à vue peut être suffisante dans une zone parfaitement connue. La corrélation des informations doit être systématique. 2. 2013-R-031 : Que les communications de détresse ou de sécurité doivent être
impérativement respectées par les navires. La responsabilité directe du capitaine ne peut être assurée par l'armateur.
Le BEAmer recommande : À l'administration chargée de la sécurité maritime : 3. 2013-R-032 : D'engager une démarche de gestion de la sécurité adaptée aux
petits navires à passagers, inspirée du code ISM.
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LISTE DES ANNEXES
A. B. C.
Décision d'enquête Plan du navire Carte
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Annexe A
Décision d'enquête
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03 AOUT 2012
0007
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Annexe B Plan du navire
Saumon
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Annexe C
Carte
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Talonnage
Évitage du GUILLEMOT à 18h35
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Routes tracées par l'Armateur Routes suivies par le Capitaine
Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer
Tour Pascal B - 92055 La Défense cedex Téléphone : +33 (0) 1 40 81 38 24 - Télécopie : +33 (0) 1 40 81 38 42 www.beamer-france.org bea-mer@developpement-durable.gouv.fr