Rapport d'enquête technique : accident du travail maritime à bord du chalutier Le Battant le 22 juin 2013 au large des sables d'Olonne (une victime)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur l'accident du travail maritime qui a eu lieu à bord du chalutier Le Battant le 22 juin 2013 au large des sables d'Olonne. Cet accident a fait une victime. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident
;sécurité
;prévention des risques
Descripteur écoplanete
accident du travail
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique
ACCIDENT DU TRAVAIL MARITIME À BORD DU CHALUTIER LE BATTANT LE 22 JUIN 2013 AU LARGE DES SABLES D'OLONNE (UNE VICTIME)
Rapport publié : janvier 2014
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Rapport d'enquête technique
ACCIDENT DU TRAVAIL MARITIME À BORD DU CHALUTIER
LE BATTANT
LE 22 JUIN 2013 AU LARGE DES SABLES D'OLONNE (UNE VICTIME)
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Avertissement
Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du code des transports, notamment ses articles L1621-1 à L1622-2 et du décret n° 2004-85 du 26 janvier 2004 modifié relatifs aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles du « Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents » de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255 (84). Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du les circonstances et les causes de l'événement analysé. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif a été d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
BEAmer
sur
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PLAN DU RAPPORT
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CIRCONSTANCES CONTEXTE NAVIRE ÉQUIPAGE CHRONOLOGIE ANALYSE CONCLUSION RECOMMANDATIONS
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ANNEXES
A. B. C. D. Décision d'enquête Dossier photos Caractéristiques des cordages en fibres synthétiques Carte marine
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Liste des abréviations
BEAmer
: : : :
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Document Unique de Prévention SITuation REPort Temps Universel
DUP SITREP UTC
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CIRCONSTANCES
Après deux jours de pêche dans le secteur du plateau de Rochebonne, le chalutier LE BATTANT embarque malencontreusement un lourd et volumineux caillou dans son chalut bâbord. Lorsque l'équipage entreprend la procédure de largage à la mer de cette prise indésirable, la mer est agitée. Malgré les précautions prises pour cette manoeuvre déjà pratiquée dans des circonstances analogues, un matelot est mortellement blessé à la suite de la rupture d'une amarre de retenue du chalut.
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CONTEXTE
LE BATTANT a été acquis en décembre 2002 par le patron-armateur du navire. Il est
armé aux chaluts jumeaux pour la pêche au poisson de fond et la langoustine.
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3.1
NAVIRE
Généralités
Principales caractéristiques : Immatriculation Indicatif Longueur hors-tout Jauge (UMS) Propulsion Hauteur du pavois Engins de pêche : : : : : : : 685083 à Oléron ; FHNW ; 20,79 m ; 72,00 ; 604 kW ; 90 cm ; 2 chaluts jumeaux.
Sécurité : Installation d'un bouton poussoir d'arrêt d'urgence des treuils et enrouleurs. Port obligatoire du casque et du VFI. Armé en 2ème catégorie (200 milles d'un abri). Permis de navigation et certificat de franc-bord renouvelés jusqu'en mai 2014.
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ÉQUIPAGE
Effectif de quatre personnes :
Patron (en fonction lorsque le patron-armateur reste à terre) : âgé de 29 ans, il est titulaire des certificats de capacité (mai 2005), de mécanicien 750 kW (juin 2004) et du certificat de formation de base à la sécurité (février 2003). Navigue dans diverses fonctions pont et machine depuis juin 2001. 1er embarquement de patron en juillet 2009. Matelot (décédé) : âgé de 44 ans, il est titulaire du certificat de fin d'études d'apprentissage maritime Pêche (mai 1984). Mousse puis matelot depuis juillet 1984. Il naviguait à bord du LE BATTANT depuis août 2012. Un mécanicien et un autre matelot complètent l'effectif. Les quatre marins sont à jour de leur visite d'aptitude médicale.
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CHRONOLOGIE
(Heures TU + 2) Météorologie : SITREP du CROSS Étel : mer agitée, vent de sud-sud-ouest force 5. Le 19 juin 2013, Vers midi, LE BATTANT appareille de La Cotinière (Île d'Oléron) pour ses lieux de
pêche (secteur de Rochebonne, « fonds francs », c'est à dire réputés non rocheux de 100 à 150 mètres). Il met en pêche en fin d'après-midi par bonne météo et travaille jusqu'au samedi 22 matin sans problèmes. Des traits d'environ 3 heures sont prévus jusqu'au dimanche.
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Le 22 juin 2013, En milieu de matinée, le patron a mis le moteur auxiliaire en route pour virer les câbles, les panneaux et les chaluts jumeaux. Le navire est vent arrière au ralenti. Le patron se rend sur le pont principal pour actionner les commandes des treuils et enrouleurs. Un matelot se place au milieu du pont pour communiquer avec le patron, en cas de problème. Les deux autres marins sont placés, chacun d'un bord, au pied du portique. Ils doivent réaliser les opérations suivantes : saisir chaque panneau au portique, démailler les bras des panneaux afin de les frapper aux chaluts jumeaux pour continuer leur remontée. Le chalut tribord est viré et enroulé sans difficulté. Le treuil bâbord est par contre difficile à virer, l'équipage se doute de la présence d'un lourd caillou dans le cul du chalut. Cette situation est cependant courante et la procédure de largage du caillou maitrisée. Par précaution, le patron fait élinguer le chalut bâbord en 2 points, afin de le remonter jusqu'au tableau arrière, sans l'embarquer sur le pont, à l'aide de la caliorne et de la poupée du treuil. Le navire roule un peu. Lorsque le caillou est visible (évalué à plus d'1 m 3), le patron fait passer une amarre (diamètre 35 en nylon) de chaque bord par les matelots, et saisir celle-ci sur les taquets situés aux pieds du portique. Il fait également passer la caliorne par le cul du chalut pour obtenir un 3ème point de retenue. Les matelots commencent alors à couper les mailles du chalut afin de larguer le caillou à l'eau. Celui-ci se trouve à environ 30 cm de la lisse arrière. Au même moment, peu avant midi, deux vagues vraisemblablement plus fortes font rouler le navire. L'amarre bâbord casse. Le caillou glisse alors sur la lisse du tableau arrière, vers tribord, sans que le matelot placé à tribord n'ait le temps de se protéger derrière le pied du portique. Brutalement heurté par la masse en mouvement, le matelot est gravement blessé.
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Encore conscient, il se plaint de fortes douleurs au thorax. Le patron l'ausculte pour un premier diagnostic puis entre en contact avec le sémaphore de St-Sauveur (Île d'Yeu) qui relaie vers le CROSS Étel à 12h03. À 12h24, le Centre de Consultation Médicale Maritime préconise une évacuation médicalisée par hélicoptère. À 13h24, décollage de l'hélicoptère de la Marine avec un médecin du SAMU 17 à bord. À 14h13, l'équipe médicale est treuillée à bord du LE BATTANT. Le médecin constate le décès du matelot. Peu après LE BATTANT reprend sa route vers La Cotinière.
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ANALYSE
La méthode retenue pour cette analyse est celle utilisée par le
BEAmer
pour
l'ensemble de ses enquêtes, conformément au Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255 (84). Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteurs humains. Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : certain ou hypothétique ; déterminant ou sous-jacent ; conjoncturel ou structurel ; aggravant ; avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par l'évènement.
BEAmer
ont répertorié les facteurs
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6.1
Facteur naturel
Les conditions de mer ont favorisé un roulis relativement prononcé, suffisant pour créer de fortes tensions sur les amarres de retenue du chalut. C'est le facteur conjoncturel de l'accident.
6.2
Facteur matériel
Le chalut, alourdi, est retenu par 2 amarres et la caliorne. La tension sur les amarres est accentuée par le roulis du navire. La limite de charge de rupture d'une amarre en nylon de diam. 35 mm à 3 torons est évaluée à 20 tonnes (cf. caractéristiques des cordages en fibres synthétiques en annexe C). Mais sa limite de résistance peut être diminuée d'au moins 50% par rapport aux valeurs nominales (usure, épissures, exposition aux UV, etc.). Cette diminution de la résistance à la rupture n'est pas détectable par contrôle visuel. Le poids du caillou, d'un volume supérieur à 1 m3, est évalué à plus de 2 tonnes (à titre de comparaison, le granit : 1800 à 2500 kg/m3 et la craie : 1700 à 2100 kg/m3). Cette masse, soumise à un mouvement, exerce une force de traction sur l'amarre la plus en tension au moins égale à son poids, soit 2 à 2,5 tonnes.
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Si la charge de rupture théorique de l'amarre utilisée est estimée à 8 / 10 tonnes, elle est cependant 3 à 4 fois supérieure à la tension exercée par le chalut. Celle-ci s'étant cassée, on conclut que la résistance de l'amarre était plus éloignée des conditions nominales que ne l'imaginait l'équipage. La forte diminution des valeurs nominales de résistance de l'une des amarres est un facteur déterminant de l'accident.
6.3
Facteur humain
La procédure de largage était adaptée à la situation. La tension exercée par le roulis sur les amarres destinées à retenir une lourde masse suspendue, même en appui contre le tableau arrière, s'est avérée plus importante que celle estimée par l'équipage.
7
CONCLUSION
Deux coups de roulis successifs ont provoqué une tension excessive sur les amarres de retenue du chalut. L'accident est dû à la difficulté pour l'équipage d'évaluer la baisse de résistance d'une amarre en bon état apparent.
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RECOMMANDATIONS
Le BEAmer recommande : aux équipages des navires de pêche :
1-
2014-R-01 : de tenir compte de la limite de résistance des amarres lorsqu'ils les utilisent dans des situations à risques et de privilégier l'utilisation d'amarres neuves ; 2014-R-02 : de compléter le DUP de la procédure de largage des prises indésirables.
2-
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LISTE DES ANNEXES
A. B. C.
Décision d'enquête Dossier photos Caractéristiques synthétiques Carte marine des cordages en fibres
D.
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Annexe A Décision d'enquête
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Annexe B Dossier photos
Vue arrière du portique
Vue du caillou dans le chalut bâbord
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Annexe C Caractéristiques des cordages en fibres synthétiques
Polyamide Diamètre mm2
Polyester
Polypropylène
Polyéthylène
Coefficient Poids Charge de Poids Charge de Poids Charge de Poids Charge de de sécurité (Kg/100 m) rupture (kg) (Kg/100 m) rupture (kg) (Kg/100 m) rupture (kg) (Kg/100 m) rupture (kg) (CS) 30 15 58,5 17 800 71,9 13 700 40,5 11 500 42 8 050 32 15 66,5 20 000 82 15 700 46 12 000 47,6 9 150 36 15 84 24 800 104 19 300 58,5 16 100 60 11 400 40 10 104 30 000 128 23 000 72 19 400 74,5 14 000 Source: Métodes simples aquaculture, Collection FAO
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Annexe D Carte marine
Zone de l'accident
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Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer
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