Rapport d'enquête technique : abordage entre le chalutier L'Enfant Sorcier et le navire de plaisance Gap IV le 2 août 2013 près de Royan (une victime)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur l'abordage qui a eu lieu entre le chalutier L'Enfant Sorcier et le navire de plaisance Gap IV le 2 août 2013 près de Royan. Cet accident a fait une victime. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident
;sécurité
;prévention des risques
;ABORDAGE
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique
ABORDAGE ENTRE LE CHALUTIER L'ENFANT SORCIER ET LE NAVIRE DE PLAISANCE GAP IV, LE 2 AOÛT 2013 PRÈS DE ROYAN (UNE VICTIME)
Rapport publié : juillet 2014
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Rapport d'enquête technique
ABORDAGE ENTRE LE CHALUTIER
L'ENFANT SORCIER
ET LE NAVIRE DE PLAISANCE
GAP IV
LE 2 AOÛT 2013 PRÈS DE ROYAN (UNE VICTIME)
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Avertissement
Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du code des transports, notamment ses articles L1621-1 à L1622-2 et R1621-1 à R1621-38 relatifs aux enquêtes techniques et aux enquêtes de sécurité après un événement de mer, un accident ou un incident de transport terrestre, ainsi qu'à celles du « Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents » de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255(84) publié par décret n° 2010-1577 du 16 décembre 2010. Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du
BEAmer
sur
les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif est d'améliorer la sécurité maritime et la prévention de la pollution par les navires et d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
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PLAN DU RAPPORT
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RÉSUMÉ INFORMATIONS FACTUELLES 2.0 2.1 2.2 2.3 2.4 Contexte Description des navires Renseignements sur les voyages et les équipages Informations concernant l'accident Interventions
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EXPOSÉ ANALYSE 4.1 4.2 4.3 Facteurs naturels Facteurs matériels Facteurs humains
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CONCLUSIONS ENSEIGNEMENTS ET RECOMMANDATION DE SÉCURITÉ 6.1 6.2 Enseignements à retenir Recommandation du BEAmer
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ANNEXES A. Liste des abréviations B. Décision d'enquête C. Cartographie
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RÉSUMÉ
Le chalutier L'ENFANT SORCIER appareille le 2 août 2013 en fin d'après-midi du port de
Royan avec un équipage de trois personnes à destination de ses lieux de pêche situés par le travers de la commune de Meshers-sur-Gironde. Les matelots sont occupés à appâter les lignes à maigre sur l'arrière du navire et le patron est en passerelle sous pilote, il remplit son log book réglementaire. Ce jour, la météo est très belle et la visibilité parfaite, le navire fait cap au 140°, à la vitesse de 6 noeuds. À 17h25, le patron sent un gros choc sur son hélice et, quand il se retourne, aperçoit un homme dans son sillage ainsi qu'une petite vedette de plaisance qu'il vient d'aborder. Il fait aussitôt demi-tour, revient sur les lieux du choc et prévient le CROSS Étel. Après des essais infructueux pour hisser la personne à bord de L'ENFANT SORCIER, c'est le semi rigide 1777 de la station SNSM de Royan, arrivé sur les lieux, qui l'embarque et la ramène au port de Royan. La victime décède peu après. Deux plaisanciers sont de surcroit légèrement blessés.
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2.0
INFORMATIONS FACTUELLES
Contexte
L'ENFANT SORCIER est la propriété d'un patron-armateur Charentais qui a acheté ce
navire à Boulogne-sur-Mer en 1998. Il exerce la pêche à la civelle en janvier et février, effectue son carénage en mars, pêche au filet dérivant en avril, puis à la ligne de fond de mai à septembre pour le maigre. Le mois d'octobre est consacré à l'entretien général du bateau. Ensuite, c'est la coquille SaintJacques à partir du port de La Rochelle. Armé en petite pêche (durée à la mer inférieure à 24 heures), le jour de l'accident il sortait mouiller ses palangres, son retour était prévu en début de soirée.
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Le GAP IV est un navire de plaisance à moteur de location à la journée, géré par GAP OCÉAN, une société de Royan.
2.1 Description des navires
2.1.1 L'ENFANT SORCIER
L'ENFANT SORCIER est un navire en polyester, construit en 1989 au chantier Blamengin. Il a été conçu comme chalutier mais a été utilisé ensuite comme navire polyvalent, pratiquant aussi bien la ligne que le filet ou la drague à coquilles Saint-Jacques. Principales caractéristiques du navire : Longueur hors-tout Largeur Jauge Immatriculation Franc-bord Motorisation Équipement électronique : 10,36 m ; : 3,90 m ; : 9,00 UMS ; : MN 773820 ; : 610 mm ; : Diesel 110 kW Caterpillar, type 3306 ; : un ordinateur de bord (avec logiciel de navigation « Max-Sea » ; couplés à 2 GPS) ; un radar ; un sondeur ; un pilote automatique ; trois VHF (dont une ASN).
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Plusieurs de ces équipements sont situés en fronton de passerelle et masquent en partie la vue vers l'avant. Données administratives : 2.1.2 Genre de navigation Permis de navigation : petite pêche ; : validité jusqu'au 3 octobre 2013 (3eme catégorie, restreinte à 10 milles) ; : 610 mm.
Franc-bord
GAP IV
Canot de plaisance en polyester de type ANTARES 450, construit en série par le chantier BENETEAU, et loué à l'heure ou à la demi-journée par une société de Royan. Principales caractéristiques du navire : Longueur hors-tout Largeur Année de construction Immatriculation Motorisation Données administratives : La fiche CE du GAP IV mentionne 5 personnes en catégorie C et 6 personnes en catégorie D. : 4,28 m ; : 2,07 m ; : 2000 ; : MN B22616 ; : Hors-bord essence 4 T - 6 Cv - 4,41 kW.
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2.2.1
Renseignements sur les voyages et les équipages
Les voyages L'ENFANT SORCIER, parti de
Royan fait route vers un de ses lieux de pêche usuels. Son matériel de pêche est constitué de palangres de fond de 80 hameçons, lovées dans une quinzaine de « poubelles » adaptées à cette activité. Le GAP IV est un petit navire de plaisance sans permis, loué pour une heure le jour de l'accident. Vingt minutes environ après la sortie du port, alors qu'il se trouve stoppé en dérive, l'un des plaisanciers (qui sera la victime) nage à proximité immédiate, 4 autres personnes sont à bord. 2.2.2 Les équipages L'ENFANT SORCIER La décision d'effectif n° 203/2001 du 4 janvier 2002 autorise une personne en catégorie et deux personnes en 3éme catégorie. Le jour de l'accident, 3 personnes sont à bord de L'ENFANT SORCIER. Le patron-mécanicien est âgé de 39 ans, titulaire du brevet de lieutenant de pêche, du capacitaire à la pêche, du PCM et du certificat de formation de base à la sécurité. C'est un marin expérimenté qui commande L'ENFANT SORCIER depuis 1998. Il est à jour de sa visite médicale.
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éme
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Le matelot est âgé de 46 ans et ne dispose d'aucun titre ou brevet. C'est un marin expérimenté qui exerce depuis 23 ans. Il est à jour de sa visite médicale. Le passager est âgé de 40 ans. C'est un marin pêcheur de métier, venu en accompagnateur. Le GAP IV Le jour de l'accident, cinq personnes sont à bord du navire de location, dont la victime âgée de 34 ans. Les quatre autres occupants sont deux femmes de 62 et 41 ans et deux adolescents de 15 ans.
2.3
Informations concernant l'accident
L'abordage, avec blessure mortelle du plaisancier en train de nager, a lieu par beau temps et très bonne visibilité le 2 août 2013 à 17h25, à la position 45°36',52 N 001°01',42 W à proximité du port de Royan. Il a pour conséquences le décès d'un plaisancier et des blessures légères pour deux autres passagers du GAP IV. Les dégâts matériels sont faibles (impacts sur la coque et sur l'échelle de bain, à l'arrière tribord du navire de plaisance).
2.4
Interventions
La SNS 1777 de type semi-rigide, mise en oeuvre par le Cross Étel, se rend sur zone et récupère la victime à l'aide d'un filet souple spécial (de type « Markus »), écarte ensuite le GAP IV qui, désemparé, dérive vers la côte, embarque un blessé léger à son bord et revient à quai ou les victimes sont prises en charge par les VSAV. Entre temps la SNS 162 intervient en renfort pour prendre en charge le second blessé léger et remorquer le GAP IV vers le port. Le Parquet de Saintes ouvre une enquête sur cet accident, qui est confiée à la Gendarmerie Maritime.
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EXPOSÉ
(Heures TU) Conditions météorologiques : mer belle, vent nord-ouest 16 noeuds, bonne visibilité (source : SNSM). L'ENFANT SORCIER appareille du port de Royan le 2 août 2013 vers 17h15, en route
vers ses lieux de pêche situés au large du port de Meshers-sur-Gironde. Après être sorti du port, il fait route au 95° à la vitesse d'environ 6 noeuds afin de passer entre le banc de Saint-Georges et la Pointe de Vallières, passage habituel des petits navires pour remonter l'estuaire. Le patron est dans sa passerelle, sous pilote, il remplit son log-book réglementaire. Son matelot et l'accompagnateur sont en train de boëtter les palangres sur la plage arrière. Le cap est alors au 140°. Vers 17h25, le patron perçoit un choc au niveau de l'hélice, son matelot se met à crier. Quand il se retourne, il aperçoit un corps dans son sillage et le navire de plaisance qu'il vient d'aborder. Il stoppe immédiatement et revient très vite sur les lieux de l'accident pour prêter assistance. Il contacte le CROSS Étel en VHF phonie, canal 16. Un jeune plaisancier du GAP IV se jette à l'eau pour secourir la victime. L'équipage de L'ENFANT SORCIER lui lance un bout et une bouée couronne, puis tente de hisser la victime à bord mais la corpulence de celle-ci ne leur permet pas de l'extraire de l'eau. Ils la maintiennent le long du bord. À 17h35, le semi rigide de la station SNSM de Royan arrive sur zone et récupère la victime à l'aide de son filet « Marcus », celle-ci est inconsciente, le canot embarque également un blessé léger sur le GAP IV. Vers 17h40, la vedette SNS 162 de Royan arrive sur zone et prend en remorque le GAP IV. À 17h46, le SNS 1777 arrive à quai à Royan, les victimes sont prises en charge immédiatement. La plus grièvement touchée est déclarée décédée peu de temps après. À 17h53, la SNS 162 met le GAP IV à quai, ses passagers sont en sécurité.
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ANALYSE
La méthode retenue pour cette analyse est celle utilisée par le
BEAmer
pour
l'ensemble de ses enquêtes, conformément au Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255 (84). Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteurs humains. Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du
BEAmer
ont répertorié les
facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : certain ou hypothétique ; déterminant ou sous-jacent ; conjoncturel ou structurel ; aggravant ; avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par l'événement.
4.1
Facteurs naturels
Aucun facteur naturel n'est retenu.
4.2
Facteurs matériels
L'ENFANT SORCIER a été conçu comme chalutier pêche
arrière, passerelle à l'avant. Son étrave très défendue, affectée d'une tonture importante, génère un cône aveugle très important sur l'avant. La distance « masquée » est de l'ordre de 25 mètres pour un canot de plaisance du type du GAP IV.
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La surface des sabords en fronton de passerelle est en partie masquée par les moniteurs des appareils électroniques (traceur, radar, sondeur).
Les matelots travaillant sur le pont n'ont pratiquement aucune vision sur l'avant du fait de la passerelle et du vire lignes installé sur tribord.
L'insuffisance de visibilité sur l'avant due d'une part à une passerelle trop basse eu égard à la tonture et d'autre part aux différents appareils masquant la vue, eu égard à la relative petite taille du patron, constitue un facteur sous-jacent de l'accident. Le patron déclare que, postérieurement à l'accident, il a réalisé « un changement de cabine avec une plus grande surface de carreaux et un pont (cabine) surélevé et droit ».
4.3
Facteurs humains
Les plaisanciers du GAP IV, notamment la victime qui nageait à proximité du bateau,
ne mesuraient pas à l'évidence le danger potentiel présenté par les autres navires naviguant dans ce secteur. Cette méconnaissance du danger constitue un facteur sous-jacent de l'accident. Le patron dans sa passerelle, en route pour ses lieux de pêche sous pilote, a déclaré s'être attelé à la tâche de remplir son log-book réglementaire. Il y avait donc à ce moment un relâchement de la veille. La route suivie ce jour-là est très fréquentée par des navires de plaisance, il est habituel d'y rencontrer des nageurs autour des bateaux en dérive.
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Le défaut de veille attentive du patron du navire de pêche constitue un facteur déterminant de l'accident.
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CONCLUSIONS
L'ENFANT SORCIER a abordé le petit bateau de plaisance de location GAP IV,
entrainant le décès de l'un des plaisanciers qui nageait à proximité. Le baigneur, qui ne se doutait pas du danger, a été heurté par l'hélice du navire de pêche. Le manque de visibilité sur l'avant, résultant d'une passerelle trop basse compte tenu de la hauteur de l'étrave et de la présence d'équipements électroniques en fronton, a créé des conditions propices à cet accident. La cause essentielle de l'évènement est le défaut de veille attentive dans un secteur très fréquenté par les plaisanciers.
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ENSEIGNEMENTS ET RECOMMANDATION DE SÉCURITÉ
Enseignements à retenir
2014-E-048 : La navigation dans les abords immédiats de stations balnéaires implique une veille attentive.
6.1
1
2
2014-E-049 : Dans les « briefings » de mise en route par les loueurs, l'accent doit être mis sur l'extrême dangerosité de la baignade au large au-delà des 300 mètres, dans les zones de navigation fréquentées.
6.2
Le BEAmer recommande :
À l'Administration chargée de la sécurité des navires :
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2014-R-021 : de veiller à ce que la visibilité sur l'avant ne soit pas altérée par des
passerelles trop basses eu égard à la tonture ou par des appareils électroniques en façade.
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LISTE DES ANNEXES
A. B. C.
Liste des abréviations Décision d'enquête Cartographie
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Annexe A Liste des abréviations
ASN BEAmer CE CROSS GPS PCM SNSM UMS VSAV VHF
: : : : : : : : : :
Appel Sélectif Numérique Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Communauté Européenne Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage Système mondial de localisation (Global Positioning System) Permis de Conduire les Moteurs Société Nationale de Sauvetage en Mer Universal Measurement System Véhicule de Secours et d'Assistance aux Victimes Très hautes fréquences (Very Hight Frequency)
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Annexe B Décision d'enquête
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Cartographie
Abordage entre L'ENFANT SORCIER et le GAP IV à la position 45°36'52 N 001°01'42 W
Annexe C
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Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer
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