Rapport d'enquête technique : accident du travail maritime à bord du remorqueur Bon Secours V survenu le 30 janvier 2014 en Seine (une victime)

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur l'accident du travail maritime qui est survenu le 30 janvier 2014 en Seine à bord du remorqueur Bon Secours V. Cet accident a fait une victime. Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident ; sécurité ; prévention des risques
Descripteur écoplanete
victime ; accident du travail
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique Rapport publié : septembre 2014 2 Rapport d'enquête technique ACCIDENT DU TRAVAIL MARITIME à bord du remorqueur BON SECOURS V SURVENU LE 30 JANVIER 2014 En Seine (Une victime) Page 1 sur 20 Page 2 sur 20 Avertissement Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du Code des transports, notamment ses articles L1621-1 à L1622-2 et R1621-1 à R1621-38 relatifs aux enquêtes techniques et aux enquêtes de sécurité après un événement de mer, un accident ou un incident de transport terrestre et portant les mesures de transposition de la directive 2009/18/CE établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes ainsi qu'à celles du « Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents » de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255(84) publié par décret n° 20101577 du 16 décembre 2010. Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif est d'améliorer la sécurité maritime et la prévention de la pollution par les navires et d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. Pour information, la version officielle du rapport est la version française. La traduction en anglais lorsqu'elle proposée se veut faciliter la lecture aux non-francophones. Page 3 sur 20 PLAN DU RAPPORT 1 2 RÉSUMÉ INFORMATIONS FACTUELLES 2.0 2.1 2.2 2.3 2.4 Contexte Navire Équipage L'accident L'intervention Page Page Page Page Page Page Page Page Page Page Page Page Page Page Page Page Page Page Page Page 5 6 6 6 7 7 8 8 9 10 10 10 11 12 12 13 14 15 17 18 3 4 EXPOSÉ ANALYSE 4.1 4.2 4.3 4.4 Facteurs naturels Facteurs matériels Facteurs humains Autres facteurs 5 6 7 CONCLUSIONS RECOMMANDATIONS ANNEXES A. B. C. D. Liste des abréviations Décision d'enquête Photo du navire Carte Page 4 sur 20 1 RÉSUMÉ Dans la nuit du 29 au 30 janvier 2014, un remorqueur du port de Rouen, le BON.SECOURS.V, est affecté à la manoeuvre d'appareillage du navire citerne polyvalent PURHA (lège, d'une longueur de 169 m) puis d'évitage au bassin de Rouen-Quevilly, situé en amont. Pour la manoeuvre dite de «.dépassement de la remorque.», la procédure classique, lorsque le navire de charge se met en route vers le bassin d'évitage, est de déplacer l'oeil de la remorque du croc (situé à l'arrière du remorqueur) vers l'avant, et de le capeler sur le bollard d'amarrage central (nommé «.Bon Dieu.») de la plage avant. Une variante à la procédure classique consiste à capeler l'oeil de la remorque sur un bollard d'amarrage situé sur le pont bâbord de la plage avant, puis de passer la remorque sur l'avant du «.Bon Dieu.», «.sécurisant.» ainsi l'espace entre le guindeau et le pavois de la plage avant. Cette pratique, bien que non validée par l'armateur, est généralement effectuée par les matelots les plus expérimentés. Le 30 janvier, c'est cette variante qui est pratiquée. Alors que la plage avant est en cours de «.sécurisation.», l'un des matelots est grièvement blessé après avoir été déséquilibré par la remorque en tension. Malgré les soins tentés à bord et une évacuation rapide par le SAMU, il décèdera le lendemain de l'accident. Action immédiate prise par l'armement : interdiction aux bords de pratiquer la variante à la procédure classique. Page 5 sur 20 2 2.0 INFORMATIONS FACTUELLES Contexte Le BON.SECOURS.V appartient à l'armement SORMAR Rouen. Le nom commercial, TSM (Thomas Services Maritimes), regroupe plusieurs armements sur différents ports. A Rouen et Port-Jérôme, 40 marins sont embarqués à l'année sur 8 remorqueurs par un Rôle collectif SORMAR. La flotte est composée de deux types de coques : les remorqueurs classiques (comme le BON.SECOURS.V) et, plus récents, les ASD (Azimut Stern Drive), d'une puissance au croc de 60 tonnes. Le bassin d'évitage BRQ est à environ 4 km en amont du poste Hydrocarbures de Rouen-Quevilly. 2.1 Navire Le BON.SECOURS.V a été construit en 1984 par les Chantiers et ateliers La Perrière (Lorient). Longueur hors-tout Largeur hors-tout Indicatif radio Tirant d'eau maximum Tirant d'air Propulsion Propulseur Puissance au croc Jauge brute Vitesse maximale : : : : : : : : : : 26,80 m ; 7,22 m ; FT6664 ; 3,70 m ; 14,50 m ; Deutz M528 (784 kW) ; Kort nozzle (tuyère) ; 20 tonnes ; 134 ; 12,5 noeuds ; Il est armé en 4ème catégorie (limité à 5 milles des côtes) et est classé par le Bureau Veritas. Il bat pavillon Français, 1er registre. Page 6 sur 20 Les emménagements sont conçus pour un effectif maximum de 6 personnes. La remorque utilisée (longueur 40m) est en HSCP (High Strength Copolymer) de DN 68mm. Les cordages HSCP sont 40% plus résistants que les cordages polypropylènes standards. Ils absorbent très peu d'eau, sont légers, souples et flottants. 2.2 Équipage Les équipages sont stables (même bordée depuis 2008 pour le BON.SECOURS.V). Ils sont principalement issus de la pêche (petits navires) et de l'offshore (car appréciés pour leur formation à la gestion des risques). Les capitaines bénéficient d'une formation interne à l'issue de laquelle ils sont opérationnels pour tous types d'opérations. Ils gagnent ensuite en expérience. L'équipage du BON.SECOURS.V est composé de 4 marins (Décision d'effectif : 1 capitaine, 1 chef mécanicien, 1 assistant pont, 1 matelot). Le capitaine : 54 ans, titulaire du brevet de capitaine 3000 et des certificats STCW réglementaires. Il est entré dans la société en juin 1999. Le chef mécanicien : 50 ans, titulaire du brevet de chef mécanicien 3000 kW et des certificats STCW réglementaires. Le premier matelot (décédé) : était âgé de 51 ans, titulaire du certificat de capacité et des certificats STCW réglementaires. Issu de la grande pêche, il était entré dans la société en mai 1990. Le second matelot : 51 ans, titulaire du brevet de capitaine 200 et des certificats STCW réglementaires. Il est entré dans la société en mai 1982. Tous quatre sont à jour de leur visite d'aptitude médicale. 2.3 L'accident L'accident s'est produit à la position 49°26,1 Nord - 001°02 Est, à l'appareillage du poste CPAQ de Rouen-Quevilly, pétrolier et remorqueur étant cap amont. Page 7 sur 20 Au cours de l'opération de dépassement de la remorque, alors que l'espace entre le guindeau et le pavois de la plage avant est en cours de «.sécurisation.», le capitaine est contraint de mettre de la barre à gauche pour s'écarter du PURHA qui se rapproche rapidement. Sous l'effet du courant et du remous de l'hélice du PURHA, la remorque se met en forte tension et déséquilibre le premier matelot qui n'a pas pu se dégager à temps. Ses jambes, coincées contre le guindeau par la remorque, sont grièvement blessées. 2.4 L'intervention Le capitaine effectue une manoeuvre en urgence pour larguer la remorque. Il alerte Rouen Port par VHF voie 73 afin d'organiser les secours. Un point de compression est maintenu par un des hommes d'équipage sur la jambe droite du matelot blessé, jusqu'à l'arrivée des pompiers. À 03h10, le BON.SECOURS.V vient s'amarrer sur la rive droite, au point d'accès le plus direct pour les secours. Arrivée des pompiers. À 03h20, arrivée du SAMU et évacuation du blessé. Le BON.SECOURS.V est autorisé à rejoindre son quai d'armement où il accoste à 05h10. 3 EXPOSE Heures UTC + 1 Le 30 janvier 2014, Météo et courant : Bonne visibilité ; vent faible à nul. Courant de jusant (coeff. 95 croissant). À 02h35, remorque crochée par le croc arrière du remorqueur à l'arrière du PURHA, accosté tribord à quai (rive gauche). Page 8 sur 20 À 02h50, appareillage vers le bassin d'évitage de Rouen-Quevilly. Le PURHA décolle du quai en combinant les actions de son propulseur d'étrave et du courant sans utiliser le remorqueur en traction. Lorsque le PURHA est suffisamment décollé du quai, le capitaine du BON.SECOURS.V ordonne de capeler la remorque sur le bollard central de la plage avant («.Bon Dieu.»), mais le premier matelot la capelle sur le bollard latéral bâbord. Simultanément le second matelot, placé plus en arrière sur tribord, donne du mou à la remorque en la maintenant sur la lisse pour faciliter la tâche de son collègue qui s'apprête à la passer sur l'avant du «.Bon Dieu.». Au même moment, le capitaine du remorqueur manoeuvre pour parer le PURHA qui se rapproche. 4 ANALYSE La méthode retenue pour cette analyse est celle utilisée par le BEAmer pour l'ensemble de ses enquêtes, conformément au Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255 (84) et au Règlement (UE) n°1286/2011 de la commission du 09 décembre 2011 portant adoption d'une méthodologie commune pour enquêter. Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteurs humains ; autres facteurs. Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du BEAmer ont répertorié les facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : certain ou hypothétique ; déterminant ou sous-jacent ; conjoncturel ou structurel ; aggravant. avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par l'évènement. Page 9 sur 20 4.1 Facteurs naturels Le courant de jusant par fort coefficient de marée (95 croissant) a contribué à l'évolution du BON.SECOURS.V sur son bâbord, favorisant ainsi le brusque raidissement de la remorque. 4.2 4.2.1 Facteurs matériels Configuration de la plage avant L'espace entre le pavois de la plage avant et le guindeau est restreint ; il constitue une zone dangereuse lorsque les matelots manipulent la remorque et que le navire de charge est très proche. Le bollard d'amarrage central avant (« Bon Dieu ») est situé à environ 1,60m audessus du pont. Les bollards d'amarrage latéraux sont au niveau du pont, donc plus faciles à utiliser. La présence des défenses sur la coque ne facilite pas la manipulation de la remorque. 4.2.2 Tensions sur la remorque Les fortes tensions sont appliquées à la remorque lorsque celle-ci est capelée au croc (plage arrière), notamment pour décoller du quai et à l'évitage. Les tensions sont moindres lorsque la remorque est capelée sur la plage avant du remorqueur (phases d'accompagnement). 4.3 Facteurs humains La communication entre la passerelle du remorqueur (capitaine) et la plage avant (matelots) se fait par signes ou oralement au moyen d'un interphone (qui fonctionnait au moment de l'accident). Page 10 sur 20 4.3.1 Variante à la manoeuvre classique Avant d'arriver dans la zone d'évitage, le remorqueur doit se placer sur tribord arrière du pétrolier ; l'oeil de la remorque doit donc être ramené sur le croc (plage arrière) en passant par la coursive extérieure bâbord, d'où l'intérêt que trouvent les matelots les plus expérimentés à capeler l'oeil sur les bollards latéraux de la plage avant (l'oeil est alors plus proche du croc), pour la phase d'accompagnement. Mais cette manoeuvre présente un fort risque, en cas de raidissement soudain de la remorque, tant que la plage avant n'est pas « sécurisée » (voir schéma § 1). C'est le facteur déterminant de l'accident. 4.3.2 Rythme de travail Pour chaque bordée : 7 jours embarqué - 7 jours de repos - 7 jours embarqué - 14 jours de repos. La veille, l'équipage avait travaillé de 11h à 14h, suivi d'un repos de 14h à 01h45 pour cette manoeuvre, prévue à 02h15. Le BEAmer n'identifie pas de facteur fatigue, lié au rythme de travail, ayant pu contribuer à l'accident. 4.4 4.4.1 Autres Facteurs Politique de sécurité de l'armement L'armement a développé une forte culture de la sécurité au sein de ses équipages : - révision du DUP tous les ans ; - création d'un poste QHSE en 2009 ; - revues HSCT pour les risques particuliers identifiés par les équipages. Sur le DUP (version mise à jour le 5 juillet 2013), rubrique « Accostage / Appareillage - Manutention des amarres », seul le risque d'écrasement entre bollard et amarre était identifié. La variante à la procédure classique est désormais interdite par l'armement et le risque figure au DUP. Page 11 sur 20 Cette politique, menée en interne à l'entreprise, est complétée deux fois par an par des rencontres entre pilotes Rouen amont et capitaines des remorqueurs. 5 CONCLUSIONS L'armement a entrepris des recherches de solutions pour faciliter la manoeuvre, ou tout au moins réduire la fréquence des manoeuvres les plus difficiles avec les remorqueurs classiques : - à l'appareillage, lorsque c'est possible, crocher la remorque directement au bollard d'amarrage central avant (« Bon Dieu »), plutôt qu'au croc ; - utilisation de remorqueurs ASD privilégiée pour les manoeuvres les plus difficiles (les matelots ne sont pas exposés aux risques liés à la remorque). Une flotte exclusivement constituée de remorqueurs ASD n'est cependant pas envisagée, car le faible tirant d'eau des remorqueurs classiques constitue un des atouts à leur maintien opérationnel. 6 RECOMMANDATION Le BEAmer recommande : À l'armement TSM : 1. 2014-R-025 : Le BEAmer encourage l'armement dans sa démarche de diffusion d'une culture de la sécurité au sein des équipages. Page 12 sur 20 LISTE DES ANNEXES A. B. C. D. Liste des abréviations Décision d'enquête Photo du navire Carte Page 13 sur 20 Annexe A Liste des abréviations ASD BEAmer : : : : : : : : : : : : : Azimut Stern Drive Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Bassin Rouen Quevilly Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage Document Unique de Prévention High Strength Copolymer Hygiène Sécurité et Conditions de Travail Maritime Safety Committee Qualité Hygiène Sécurité Environnement Service d'Aide Médicale Urgente Société de Remorquage Maritime Standard Training, Certification and Watchkeeping Temps Universel Coordonné BRQ CROSS DUP HSCP HSCT MSC QHSE SAMU SORMAR STCW UTC Page 14 sur 20 Annexe B Décision d'enquête Page 15 sur 20 Page 16 sur 20 Annexe C Photo du navire Plage avant du BON SECOURS V « Bon Dieu » Page 17 sur 20 Annexe D Carte Page 18 sur 20 Zone d'évitage Rouen-Quevilly Page 19 sur 20 Page 20 sur 20 Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Tour Pascal B - 92055 La Défense cedex Téléphone : +33 (0) 1 40 81 38 24 - Télécopie : +33 (0) 1 40 81 38 42 www.beamer-france.org bea-mer@developpement-durable.gouv.fr

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