Rapport d'enquête technique : naufrage du chalutier Panamera, le 3 novembre 2013 à 25 milles dans le sud-est du cap Lizard (Manche-Ouest)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Le présent rapport d'enquête technique a été établi conformément aux dispositions du Code des transports. Il porte sur le naufrage du chalutier Panamera, le 3 novembre 2013 à 25 milles dans le sud-est du cap Lizard (Manche-Ouest). Ce rapport expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
BEAmer
Descripteur Urbamet
accident
;sécurité
;prévention des risques
;NAUFRAGE
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique
NAUFRAGE DU CHALUTIER PANAMERA, LE 3 NOVEMBRE 2013 A 25 MILLES DANS LE SUD-EST DU CAP LIZARD (MANCHE-OUEST) FOUNDERING OF THE TRAWLER PANAMERA, ON 3 NOVEMBER 2013 IN THE SOUTH-EAST OF LIZARD POINT (WESTERN CHANNEL)
Rapport publié : novembre 2014
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Rapport d'enquête technique
NAUFRAGE DU CHALUTIER
PANAMERA
(MANCHE-OUEST)
LE 3 NOVEMBRE 2013 A 25 MILLES DANS LE SUD-EST DU CAP LIZARD
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Avertissement
Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du Code des transports, notamment ses articles L1621-1 à L1622-2 et R1621-1 à R1621-38 relatifs aux enquêtes techniques et aux enquêtes de sécurité après un événement de mer, un accident ou un incident de transport terrestre et portant les mesures de transposition de la directive 2009/18/CE établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes ainsi qu'à celles du « Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents » de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255(84) publié par décret n° 2010-1577 du 16 décembre 2010. Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du
BEAmer
sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif est d'améliorer la sécurité maritime et la prévention de la pollution par les navires et d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
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PLAN DU RAPPORT
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RÉSUMÉ INFORMATIONS FACTUELLES 2.0 2.1 2.2 2.3 2.4 Contexte Description du navire Renseignements concernant le voyage et l'équipage Informations concernant l'accident Intervention de l'autorité compétente à terre et mesures prises
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EXPOSÉ ANALYSE 4.1 4.2 4.3 Facteurs naturels Facteurs matériels Facteur humain
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CONCLUSIONS ENSEIGNEMENTS ET RECOMMANDATIONS ANNEXES A. B. C. D. E. Liste des abréviations Décision d'enquête Dossier navire Analyse METEO FRANCE Carte
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RÉSUMÉ
(Heure UTC + 1) Le 3 novembre 2013 vers 04h14, le navire de pêche PANAMERA, en transit par
mauvais temps vers Saint-Quay-Portrieux, son port d'attache, coule dans le sud-est des côtes de la Cornouaille anglaise (dans le 144° à 25 milles du Cap Lizard), suite à un envahissement du poste équipage dû à une voie d'eau située initialement au niveau du couple C1/C3. Aucun blessé n'est à déplorer et les cinq membres de l'équipage sont hélitreuillés. L'enquête conclue à des corrosions et des fatigues de coque à l'origine d'une avarie qui s'est progressivement aggravée sans que l'envahissement puisse être contenu malgré les tentatives d'obturation et d'assèchement. Les recommandations du rapport concernent l'amélioration du matériel d'obturation d'une voie d'eau disponible à bord et le renforcement des contrôles de coque sur les navires de pêche anciens en acier.
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2.0
INFORMATIONS FACTUELLES
Contexte
Le PANAMERA appartient à l'armement Cap 3000 SARL dont le siège social est
situé à Plérin (Côtes-d'Armor). Cet armement comprend deux navires de pêche de 20 mètres armés à la pêche au large pour des marées de 15 jours. Ils travaillent en Manche-Ouest et en Mer Celtique. Chaque semaine, ils débarquent le produit de leur pêche au port de Roscoff (Finistère). Toutes les semaines, un roulement d'effectif est réalisé. Chaque marin effectue quinze jours de mer, suivis de huit jours de repos à terre. Les deux bateaux de l'armement répondent à un nom ayant un rapport avec une célèbre écurie de course automobile allemande.
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2.1
Description du navire
Caractéristiques principales du navire : Chalutier à coque acier construit en 1990 par les Chantiers de Bretagne-Sud à Belz (56). Immatriculation Longueur hors-tout Largeur Tirant d'eau Jauge brute Franc-bord Puissance Moteur principal Attelées au moteur principal : PL 722 246 ; : 20,60 m ; : 6,54 m ; : 3,33 m ; : 90,97 Tx ; : 427 mm minimum ; : 418 kW ; : Caterpillar ; : : Forani - AM 50 en bronze, débit 48 m3/h ; - Pompe de lavage / incendie : Forani B 40, débit 16 m3/h ;
- Pompe principale assèchement
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Moteur auxiliaire Attelée au moteur auxiliaire
: :
Deutz ; Pompe de secours Forani M 50, débit 48 m3/h en assèchement de la cale à poissons et du poste équipage ; Deux pompes électriques « videcave » de 400 Watt, débit 9 m3/h ;
AIS Radar GPS Sondeur Pilote automatique Compas de route Alarme homme de quart Catégorie de navigation N° MMSI Permis de navigation
: : : : : : : : : :
Oui ; 2 Furuno 1823 type RDP 18 ; 2 Furuno GP 32 ; 2 Furuno FC 291 ; Oui ; Oui ; Oui (Seda III) ; 2ème catégorie ; 227593000 ; Valable jusqu'au 23 juin 2014 ; Délivré le 13 juin 2013 par le Bureau Veritas.
Certificat national de franc bord :
2.2
Renseignements concernant le voyage et l'équipage
Du 28 octobre au 2 novembre 2013, le PANAMERA a pêché dans le nord-ouest des
Îles Scilly. La liste d'équipage est conforme à la décision d'effectif du 17 juillet 2012. Le capitaine est âgé de 33 ans. Il est titulaire du certificat de capacité obtenu en 2003, du brevet capitaine 200 obtenu en novembre 2009, du permis de conduire les moteurs marins, du CRO, du brevet d'aptitude à l'exploitation des embarcations et radeaux de sauvetage obtenus en juillet 2009, du certificat de qualification avancée à la lutte contre l'incendie obtenu en juin 2011, du certificat de base à la sécurité obtenu en juin 2009 et du brevet de l'enseignement médical de niveau II, obtenu en juin 2013.
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Son brevet de capitaine 200 le limite à commander les navires armés à la pêche côtière et à exercer les fonctions de second à la pêche au large. Une dérogation, délivrée régulièrement depuis janvier 2012 et en dernier lieu le 16 juillet 2013 pour 6 mois par la Délégation à la mer et au littoral des Côtes d'Armor, lui permet de patronner le PANAMERA. Il est embarqué sur le PANAMERA depuis 13 ans. Le patron, pour cette marée, a embarqué le 21 octobre 2013 après une semaine de repos à terre. Il est apte physiquement à assurer la fonction. Le chef mécanicien, âgé de 36 ans, est titulaire du diplôme de mécanicien 750 kW depuis juillet 2004. Il navigue à la pêche depuis 1996 et assure la fonction de chef mécanicien sur le PANAMERA depuis le 4 juin 2013. Il est apte physiquement à assurer la fonction. Les trois autres membres de l'équipage sont aptes physiquement et possèdent les qualifications pour exercer les différentes tâches qui leur sont confiées.
2.3
Informations concernant l'accident
Le PANAMERA a sombré le 3 novembre 2013 vers 04h14 dans le 144° à 25 milles
du Cap Lizard (sud de la Cornouaille anglaise) en position 49°37',60 N et 004°49',39 W. Le naufrage s'est produit de nuit dans des conditions météorologiques difficiles : origine analyse Météo France : vent WNW force 6 à 7, mer très forte (cf. extrait du rapport détaillé en annexe D) origine PANAMERA : au moment de l'appel à 01h36, vent de NW force 6, mer 5 ; origine canot de sauvetage britannique RNLI : à 04h21 sur zone, vent NW force 7, mer 7.
-
Le navire était en transit vers son port d'attache pour procéder à des réparations, suite à une entrée d'eau dans le poste équipage, qui s'est aggravée en cours de transit. L'épave du PANAMERA repose sur des fonds de 80 mètres environ.
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2.4
Intervention de l'autorité compétente à terre et mesures prises
Le 3 novembre 2013 à 01h36, le patron du chalutier PANAMERA informe par
téléphone le CROSS Corsen qu'il est victime d'une voie d'eau importante. À 01h47, une conférence à trois est organisée entre le PANAMERA, le CROSS Corsen et le MRCC Falmouth. Le canot de sauvetage RNLI de Falmouth est engagé. Diffusion d'un message MAYDAY RELAY, par le MRCC Falmouth. À 02h05 le CROSS Gris-Nez est avisé. À 02h25, mise en oeuvre d'un hélicoptère Sea King avec plongeurs et motopompe. À 02h35, le MRCC Falmouth informe avoir dérouté le M/V FREESIA pour assurer une protection durant le treuillage, voire pour une assistance en cas d'évacuation. À 02h45, le MRCC Falmouth demande au PANAMERA d'activer sa balise 406 MHz. À 03h19, arrivée sur zone de l'hélicoptère. Ce dernier constate que le PANAMERA flotte avec une forte gîte. À 03h29, l'hélicoptère rend compte du début du treuillage du premier marin. À 03h42, fin du treuillage du dernier marin et retour vers la base de Culdrose. À 03h45, arrivée sur zone du canot de sauvetage RNLI. Le PANAMERA est toujours à flot mais le remorquage est incertain. À 04h14, le MRCC Falmouth informe par téléphone le CROSS Corsen que le PANAMERA a coulé. Les deux radeaux de sauvetage à l'eau sont récupérés par le canot RNLI. L'hélicoptère se pose à la base.
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EXPOSÉ
Heure locale (TU + 1) Le PANAMERA appareille du port de Roscoff le lundi 28 octobre 2013. La pêche
se déroule sans incident. Le samedi 2 novembre 2013 vers 16h30, alors qu'il est en route à 7 - 8 noeuds entre les îles Scilly et les côtes britanniques pour se mettre à l'abri en Baie de Falmouth en raison du mauvais temps, l'alarme de montée d'eau du poste équipage se déclenche. Après quelques minutes de pompage automatique, l'alarme s'efface puis se remet en fonction après un laps de temps très court. Une inspection visuelle est effectuée par le chef mécanicien qui constate que le puisard se remplit. La pompe se remet en marche et étale la montée d'eau. Vers 17h00, le patron contacte par téléphone l'armateur. Il lui annonce qu'il a bien pêché, qu'il fait actuellement route au sud des îles Scilly. Il l'informe que l'alarme voie d'eau du puisard du poste équipage s'est mise en route, mais que cela est vraiment minime. Il ne voit pas d'où cela provient. Il souhaite que cette voie d'eau soit localisée et réparée le long du quai à Roscoff, le lundi suivant. Compte tenu de la météo annoncée pour le lundi à Roscoff, le bateau étant en fin de marée, l'armateur appelle la criée de Saint-Quay-Portrieux pour savoir s'il peut débarquer le produit de la pêche le dimanche 3 novembre 2013 vers 12h00. Il contacte la Chambre de Commerce de Saint-Brieuc pour demander s'il est possible de rentrer le bateau au port du Légué le lundi 4 novembre 2013, pour des réparations éventuelles. Les deux demandes sont réalisables. L'armateur rappelle le bateau pour qu'il fasse route sur Saint-Quay-Portrieux. Le patron confirme et prend une route vers Saint-Quay-Portrieux en maintenant sa vitesse à 7 8 noeuds, précisant qu'il sera à destination entre 12h00 et 14h00 le lendemain. Il informe l'armateur que l'entrée d'eau est localisée, située sous le plancher de l'échappée de secours, au niveau du poste équipage bâbord. Cette entrée d'eau peut être contenue par la simple application d'un doigt d'une main (2 à 3 cm de long sur 0,5 cm de large), selon les dires du patron. L'eau s'écoule à travers les anguillers des varangues puis est collectée dans le puisard situé dans le poste équipage. La pompe attelée au moteur de propulsion aspirant dans ce puisard étale l'entrée d'eau.
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Des rondes de sécurité sont effectuées régulièrement. De 22h00 à 22h30 environ, le chef mécanicien décide de s'assurer du bon fonctionnement de la pompe du moteur auxiliaire. Pour ce faire, il isole le circuit disposé sur le moteur de propulsion en fermant une vanne et met en aspiration le circuit disposé sur le moteur auxiliaire en ouvrant la vanne dédiée à ce circuit. L'essai est concluant et l'ensemble de l'opération a pris une dizaine de minutes. Vers 22h30, retour sur le système d'aspiration principal. Vers 23h00 / 23h30, après avoir confectionné une pinoche de forme et de dimension adaptée à la brèche, le chef, aidé du bosco, l'insère dans la brèche et la maintient en place à l'aide de madriers. Le dimanche 3 novembre 2013 vers 01h00, le rondier s'aperçoit que le niveau d'eau est monté rapidement dans le poste d'équipage et rend compte au patron. Le chef mécanicien et le bosco constatent que les madriers maintenant la pinoche n'ont pas résisté, vraisemblablement sous l'effet des chocs à répétition dus au mauvais temps. Pour accéder plus facilement à la brèche, ils détruisent la cloison en bois, en extrémité de la couchette de tribord, séparant le poste équipage et l'échappée d'évacuation. Pendant que le chef mécanicien essaie de colmater la brèche, le maître d'équipage éclaire le réduit à l'aide d'une lampe. Il constate qu'un geyser d'eau de 0,50 m jaillit de la brèche. Il estime l'orifice à la grandeur d'un poing, soit environ une brèche de 10 cm de diamètre. L'opération de colmatage ne peut être réalisée. À 01h36, le patron informe le CROSS Corsen qu'il fait mettre ses deux radeaux de sauvetage à l'eau et fait capeler aux membres d'équipage les combinaisons de survie. Le niveau de l'eau monte dans le poste équipage et l'eau de mer occasionne la détérioration du mobilier, des cloisons et de l'isolation fixée aux bordés. Un des matelots constate qu'une partie de cette dernière est arrivée dans le puisard, obturant probablement la crépine d'aspiration. Le chef mécanicien et le maître d'équipage disposent les deux pompes électriques « vide-cave » en complément, mais en vain.
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Le PANAMERA s'enfonce de plus en plus par l'arrière. Le patron décide le transfert de gazole des cuves arrière vers la cuve avant. Cette opération ne permet pas de corriger l'assiette. À 03h19, l'hélicoptère Sea King arrive sur zone et demande au navire de maintenir sa vitesse à 7 noeuds. Il hélitreuille une motopompe Barros de type Tp2t d'un débit de 46,2m3/h, qui est descendue par le panneau de la plage avant sur le pont inférieur. Le maître d'équipage constate à ce moment que les sabords de décharge de la plage arrière sont dans l'eau. La motopompe est mise en fonction immédiatement par le chef mécanicien pendant que le maître d'équipage descend la crépine d'aspiration dans le poste d'équipage. Le niveau d'eau se situe au niveau de la 3 ème marche, soit environ 80 à 90 cm au-dessus du plancher. Alors que la pompe fonctionne depuis moins d'une minute, le PANAMERA s'enfonce par l'arrière bâbord. À 03h29, navire stoppé, l'hélitreuillage des marins débute alors que le PANAMERA se couche de plus en plus sur bâbord. Après que les deux matelots portugais aient été hélitreuillés, le maître d'équipage est obligé d'escalader le pont principal de la plage avant pour pouvoir atteindre la batayole pour passer le harnais d'hélitreuillage. Le patron et le chef, ne pouvant rester à bord, se jettent à l'eau. Ils seront ensuite hélitreuillés. L'opération est terminée à 03h42. À 03h45, le canot de sauvetage RNLI arrivé sur zone constate que le PANAMERA est encore à flot. À 04h14, le PANAMERA coule. Les deux radeaux de survie sont récupérés par le canot RNLI.
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4
ANALYSE
La méthode retenue pour cette analyse est celle utilisée par le
BEAmer
pour
l'ensemble de ses enquêtes, conformément au Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255 (84) et au Règlement (UE) n° 1286/2011 de la commission du 09 décembre 2011 portant adoption d'une méthodologie commune pour enquêter. Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteur humain ; autres facteurs. Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du certain ou hypothétique ; déterminant ou sous jacent ; conjoncturel ou structurel ; aggravant ; avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par l'évènement.
BEAmer
ont répertorié les
facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère :
4.1
Facteurs naturels
Les conditions météorologiques sont défavorables (voir annexe D).
Ces conditions constituent un facteur aggravant de l'avarie initiale ayant conduit au naufrage.
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4.2
4.2.0
Facteurs matériels
Positionnement de la voie d'eau à bord du PANAMERA
Cale à poisson
Machine
Poste d'équipage
Local barre
4.2.1
Historique de l'entretien
Position estimée de la voie d'eau C1/C3
Diverses interventions, contrôles et travaux ont été réalisés sur la coque du PANAMERA, mais du fait du manque d'informations techniques, il n'a été possible de reconstituer que partiellement ces travaux, et uniquement après l'année 2000. Les principaux travaux, postérieurs à 2000, se présentent chronologiquement comme suit : Date
Mars 2001 Juin 2009
Évènement
Échouement Suite à un contrôle d'épaisseur Arrêt technique Arrêt technique
Types de travaux
Tôles de bordés dont cuves à eau Remplacement de tôles défectueuses Sablage et application de primaireépoxy et d'antifouling Réparation des hiloires des écoutilles Lavage de coque Nettoyage des fonds au niveau de la couchette basse du poste d'équipage
Lieu des travaux
Boulogne-sur-Mer Le Légué
Juin 2012 Début 2013
Le Légué Le Légué
Juin 2013
Arrêt technique
Le Légué
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En mars 2001, suite à un échouement sur les côtes britanniques, le compartiment machine est noyé. Le navire est remorqué à Boulogne-sur-Mer et des travaux importants sur les oeuvres vives sont effectués, principalement sur la zone impactée par l'échouement, à partir du couple 7 (cf. annexe C). On peut observer toutefois que des travaux ont été effectués sur les caisses à eau douce situées dans le local barre au niveau des couples C1/C2. Un insert a été posé par soudure au niveau de la caisse à eau douce bâbord, alors qu'au niveau de la caisse tribord, une tôle de bordé a été changée. Au moment du naufrage la caisse bâbord était vide. Pour mémoire, en 2000, suite à un contrôle d'épaisseur de coque, des tôles de bordé ont été changées au niveau de la caisse à eau douce bâbord du chalutier SCUDERIA, sister-ship construit la même année que le PANAMERA. Cette zone semble donc particulièrement soumise aux effets de la corrosion et aux fatigues de coque. En juin 2009, une mesure d'épaisseur de la coque a été réalisée par la société Oceanic Expertise basée au Guilvinec. Cet examen a permis de mettre en évidence certaines faiblesses dans une zone relativement proche de l'avarie : entre 3 et 5 m/PPAR (C 2,5 à C 4,5), les tôles de la muraille et du bouchain à bâbord présentent des pertes d'épaisseur supérieures à 20 % de l'épaisseur initiale (jusqu'à 47 %) ; entre la cloison du local barre et 5 m/PPAR (C 4,5), au niveau du poste équipage, les tôles de fond bâbord et tribord présentent des pertes d'épaisseur supérieures à 20 % de l'épaisseur initiale (jusqu'à 47 %) ; entre 8 et 10 m/PPAR (C 8,5 à 9,5), la virure de galbord à bâbord présente des zones localisées de perte d'épaisseur supérieure à 20 % de l'épaisseur initiale (jusqu'à 25 %). Une partie de ces tôles défectueuses ont été remplacées par le chantier naval du Légué en fin d'année 2009. Une visite à sec du navire a été effectuée par le Bureau Veritas les 22 et 24 décembre 2009. Les oeuvres vives n'ont pas fait l'objet d'un examen particulier complémentaire.
-
-
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Le certificat de franc-bord a été émis le 5 janvier 2010, valable jusqu'au 22 décembre 2010. En juin 2012, lors de l'arrêt technique annuel au port du Légué, un sablage des oeuvres vives a été réalisé par la société Esp de Brest. Deux couches de primaire epoxy et d'antifouling ont été appliquées. Aucune dégradation des oeuvres vives n'a été constatée visuellement lors de cet opération. Le 29 Avril 2013, lors de la visite annuelle effectuée par le Bureau Veritas au port de Roscoff, ce dernier a précisé que la réparation des hiloires des écoutilles des échappées situées plage arrière, était satisfaisante par la mise en place de doublantes en acier. En effet, avant cette intervention, des entrées d'eau étaient récurrentes par les issues de secours. En juin 2013, lors de l'arrêt technique annuel au port du Légué, la même société brestoise a procédé à un lavage de la coque par haute pression. Aucune dégradation des oeuvres vives n'a été constatée. Le 24 juin 2013, lors de la visite périodique annuelle effectuée par le Centre de sécurité des navires, l'inspecteur indique dans son rapport que la partie inférieure de la couchette basse tribord du poste équipage bâbord est fortement dégradée, suite à la présence d'une infiltration d'eau depuis le pont de pêche (infiltration traitée et ancien support du matelas remplacé). L'ancien support est en partie présent dans les fonds du navire. Cet espace doit être asséché et nettoyé pour être rendu sain. Ce nettoyage a été réalisé par le chantier de marine du Légué (facture 5047 en date du 1er juillet 2013). La fissure n'est pas située sous la bannette, mais dans l'espace (échappée de secours) situé entre la cloison étanche séparant le local barre, le poste équipage et la cloison en bois située en bout de couchette tribord (voir le croquis ci-après).
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CALE À POISSON
MACHINE
POSTE D'ÉQUIPAGE
LOCAL BARRE
Voie d'eau le 3 novembre 2013
Infiltration d'eau en juin 2013
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4.2.2
Suivi de l'entretien
Les bonnes pratiques consistent pour tout armateur à surveiller ou faire surveiller l'état de son navire et à apporter un soin particulier à la coque et aux structures attachées (bordés, varangues, lisses ...). En synthèse de l'historique reconstitué en 4.2.1, les documents techniques disponibles renseignent peu sur la nature et l'étendue exacte des travaux réalisés. La zone incriminée C1 C3 ne semble pas avoir fait l'objet d'interventions ou de contrôles préventifs. Le suivi insuffisamment préventif de l'entretien du navire constitue un facteur sous-jacent de l'accident. 4.2.3 Défauts de soudure, corrosions, fatigues Défauts de soudure de construction Ceux-ci sont toujours possibles dès lors que le contrôle complet des soudures n'est pas systématique. Des inclusions, des manques de pénétration, des caniveaux peuvent être en sommeil pendant des années et se réveiller lors de contraintes différentes (vibrations, mouvements du navire, contraintes diverses...) et aboutir à des cassures ou fissures du matériau. Corrosions Une alerte a été émise lors des mesures d'épaisseur du bordé en juin 2009 : sur certaines tôles du bordé à bâbord et à tribord dans les secteurs C3/C5, une perte d'épaisseur de près de 50 % a été constatée. Si le remplacement des zones critiques a bien été réalisé, la recherche des causes de cette anomalie ne semble pas avoir été effectuée. Il est à noter que la corrosion ne concerne pas uniquement les tôles mais aussi les soudures dont l'état n'est pas mentionné dans le compte rendu du fournisseur. De plus, la situation des structures internes n'est pas mentionnée dans le compte rendu du fournisseur (pas de commentaire, ou ce point ne fait pas partie de la prestation). Les anodes sacrificielles sont chargées de lutter contre la corrosion, particulièrement dans la zone arrière où l'on trouve plusieurs métaux (hélice, safran/mèche, tuyère, étambot).
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Étaient-elles efficaces ? Étaient-elles en nombre suffisant ? Il est intéressant de noter que la fuite initiale se situe dans le secteur C1/C3, au-dessus de la tuyère. Fatigue de la coque Dans cette zone arrière, les sollicitations mécaniques sont nombreuses et le métal peut, après des années de sollicitations, perdre son élasticité et devenir cassant, fragile (on dit « aigri »). Addition des trois possibilités précédentes C'est le cas le plus fréquent : une rupture peut se produire près d'une structure et engendrer d'autres fissures /cassures dans une zone voisine qui elle-même a un défaut. Les cassures de bordé sur les navires de charge en sont l'illustration. Cette addition d'éléments, sans connaître précisément leur part respective, est considérée comme le facteur déterminant du naufrage. 4.2.3 L'évolution de la fissure La fissure qui s'étend La fissure rapportée comme initiale s'est étendue sous l'effet des contraintes subies par l'arrière du navire (propulsion, vibrations, état de la mer) en rejoignant d'autres points faibles de la structure, provoquant ainsi une cassure qui devient une brèche, ce qui pourrait expliquer en partie l'inefficacité du coin mis en place vers 23h00. La mise en place du coin (pinoche) Le manque de tenue du coin peut s'expliquer aussi par la trop faible épaisseur de métal au niveau des bords de la fissure : plus on enfonce le coin, plus la largeur de la fissure augmente, tout à fait à l'opposé du résultat recherché (ce que le patron craignait...). L'efficacité du moyen d'obturation mis en place s'est avérée de courte durée. Un matériel prévu d'avance et prêt à l'utilisation dans une situation d'urgence aurait été plus adapté.
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4.2.4
Débit de la voie d'eau En appliquant la formule Lpm = 2,08 x A x Lpm = Litres par minute, Lph = Litres par heure, A = surface en cm2 (5 x 5 x 3,14) = 78,5 cm2 environ, H = profondeur en centimètre à laquelle se situe la brèche (110 environ), 2,08 = coefficient adopté pour le calcul, Lpm = 2,08 x 78,5 x 10,488088 = 1712,62 litres/mn, Lph = 1712,62 x 60 = 102757 litres/h soit un peu plus 102 m 3/h. Les calculs montrent que la pompe d'assèchement de 48 m3/h et les deux pompes H:
électriques de 9 m3/h chacune, ne permettaient plus d'étaler l'envahissement. Par contre, l'apport de la pompe mobile (46,2 m3/h), qui n'a pu fonctionner que peu de temps, aurait peut-être permis d'étaler la voie d'eau avant que la situation ne devienne irréversible. 4.2.5 4.2.5.1 L'envahissement du local barre Le remplissage par la fissure
La fissure rapportée comme initiale a dû s'étendre jusqu'au local barre avec envahissement progressif de celui-ci faisant perdre le peu de réserve de flottabilité dont il disposait avec le poste équipage envahi. La déchirure s'est agrandie au fil des heures, sous l'effet des contraintes occasionnées par les mauvaises conditions météorologiques, due à l'addition de faiblesses au niveau de la liaison avec les structures, de la corrosion des bordés de fond occasionnée par l'infiltration d'eau de mer par le pied des hiloires des écoutilles des échappées et de la corrosion externe. La réserve de flottabilité du navire est de 42 m 3 ; le volume envahissable du poste d'équipage est de 39 m3 et celui du local barre est de 8 m3. L'envahissement de ces deux compartiments est de nature à expliquer le naufrage du navire.
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4.2.5.2
Le remplissage complémentaire par le circuit d'assèchement
Le circuit d'évacuation des eaux se trouvant dans le local barre se fait par gravité vers l'avant par une tuyauterie passant au travers de la cloison étanche local barre/poste équipage. Ce circuit est composé d'une crépine située sur le plancher du local barre, au pied de la cloison étanche. Cette crépine est reliée au puisard situé dans le poste équipage. Ce circuit est interrompu par un clapet anti-retour de sectionnement, qui commande l'écoulement de l'eau. Sa manoeuvre se fait verticalement à l'aide d'un câble enroulé sur un petit touret. D'après le chef mécanicien, ce système est disposé de manière à ce que l'eau s'écoule en permanence. Il n'a jamais actionné le clapet de sectionnement. Le remplissage du local barre par le circuit d'assèchement semble ainsi peu probable. Conclusion : Le remplissage du local barre par la fissure qui s'est étendue constitue un facteur contributif de l'accident. 4.2.6 Hypothèse d'un heurt avec un conteneur
Cette hypothèse n'est pas retenue car le point d'impact sous la voûte arrière du chalutier est improbable avec la situation d'un conteneur immergé. 4.2.7 Hypothèse d'un heurt avec un panneau de chalut
Un choc avec un panneau de chalut, lors de sa remontée, est a priori exclu compte tenu du peu de probabilité d'un impact sous la voûte arrière.
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4.3
Facteur humain
Suivi de la coque
Suite aux contrôles d'épaisseur de bordé de 2009 montrant des corrosions profondes et localisées, excepté la mise en place de 3 encastrés (inserts) dans les zones concernées, le BEAmer s'étonne qu'aucune recherche sur la cause de cette agression n'a été conduite ni qu'aucun programme de surveillance particulier n'ait été engagé. De même l'efficacité de la protection cathodique n'a pas été contrôlée. Pour mémoire, le propriétaire ou l'exploitant du navire doit maintenir le navire et ses équipements en conformité avec les règles générales de « sécurité » (article L5241-2 du Code des transports). Conduite du navire Constatant que l'entrée d'eau perdurait, l'idée première du patron de rallier Falmouth, port abrité, et disposant un chantier de réparation naval important bien équipé et disponible, était opportune.
5
CONCLUSIONS
Le naufrage du PANAMERA au large des côtes de la Cornouaille anglaise est dû à
l'envahissement du poste équipage résultant des faiblesses de coque, qui a pu être contenu dans un premier temps, puis qui s'est très rapidement aggravé avant de devenir irréversible malgré les tentatives d'obturation et d'assèchement. L'envahissement du poste équipage, seul, ne pouvait pas provoquer le naufrage. L'envahissement du local barre a précipité l'événement. L'hypothèse d'un heurt avec un objet immergé ou un panneau de chalut parait peu probable compte tenu de la position de la perforation initiale (forme montante arrière, près de l'axe longitudinal).
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6
6.1
ENSEIGNEMENTS ET RECOMMANDATIONS
Enseignements
Aux armateurs des navires de pêche :
1-
2014-E-072 : le suivi de l'état de la coque et des structures attachées des navires appartenant à des armements qui ne disposent pas de savoir-faire propres doit être confié au niveau des examens et travaux à des chantiers ou ateliers reconnus par les professionnels pour leurs compétences. Aux patrons des navires de pêche :
2-
2014-E-073 : En cas d'événements pouvant engendrer des situations critiques, il est préférable de rejoindre un abri dans les plus brefs délais. 2014-E-074 : Des exercices de sécurité, incluant la lutte contre les voies d'eau, doivent être réalisés périodiquement. Les possibilités et limites des différents moyens de lutte doivent en particulier être connues. À tous les acteurs de l'entretien du navire et de son suivi (armateur, Bureau Veritas, Affaires maritimes, chantiers) :
3-
4-
2014-E-075 : Loin de se contenter d'exercer à minima chacun ses prérogatives propres, tous les acteurs concernés doivent échanger et coopérer pleinement dans le souci du maintien du navire en bon état.
6.2
Recommandations
Le BEAmer recommande : À l'administration des Affaires maritimes :
1-
2014-R-031 : De faire évoluer la réglementation concernant les navires de pêche de manière à accroître et détailler le matériel qui doit être présent à bord pour obturer les brèches de manière à pouvoir faire face à différents types de voies d'eau. 2014-R-032 : De faire évoluer la réglementation afin de prévoir des contrôles renforcés sur la coque des navires de pêche anciens en acier.
2-
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LISTE DES ANNEXES
APPENDIX LIST
A. Liste des abréviations
Abbreviation list
B. Décision d'enquête
Enquiry decision
C. Dossier navire
Vessel file
D. Analyse METEO FRANCE
MÉTÉO FRANCE Analysis
E. Carte
Chart
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Annexe A
Appendix A
Liste des abréviations
Abbreviation list
BEAmer CRO CROSS MRCC : : : : Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Certificat Restreint d'Opérateur Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage Maritime Rescue Coordination Center
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Annexe B
Appendix B
Décision d'enquête
Enquiry decision
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Dossier navire
Vessel File
Local barre
Poste d'équipage
Appendix C
Annexe C
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Position présumée de la fissure
Mesures d'épaisseur de coque par ultrasons (juin 2009) Ultrasonic thickness gauging survey of the hull (June 2009)
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Agrandissement de la zone figurant en page 28, comportant des valeurs anormales d'épaisseur de coque Zoom on the area marked out on page 28, displaying abnormal values of the hull thickness
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Mesures d'épaisseur de coque par ultrasons (juin 2009) Ultrasonic thickness gauging survey of the hull (June 2009)
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Agrandissement de la zone figurant en page 30, comportant des valeurs anormales d'épaisseur de coque Zoom on the area marked out on page 30, displaying abnormal values of the hull thickness
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Travaux réalisés par la société SOCARENAM à Boulogne-sur-Mer (extraits) Works achieved by the company SOCARENAM at Boulogne-sur-Mer (extracts)
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Annexe D
Appendix D
Analyse MÉTÉO France
MÉTÉO FRANCE analysis
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Annexe E
Appendix E
Carte
Chart
Naufrage du PANAMERA à la position 49°37',60 N - 004°49',39 W Foundering of PANAMERA in position 49°37'.60 N - 004°49'.39 W
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Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer
Tour Pascal B - 92055 La Défense cedex téléphone : +33 (0) 1 40 81 38 24 - télécopie : +33 (0) 1 40 81 38 42 www.beamer-france.org bea-mer@developpement-durable.gouv.fr