Rapport d'enquête technique sur la sortie de route d'un autocar de transport scolaire survenue sur la RD 160 à Einville-au-Jard (54) le 3 février 2014
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
Suite à l'accident du 3 février 2014, le BEA-TT rappelle la nécessité de promouvoir la diffusion de messages préenregistrés, audio ou vidéo, donnant des consignes en matière de sécurité et d'évacuation. Le virage dans lequel l'accident dû au verglas s'est produit a été réaménagé.
Editeur
MEEM
Descripteur Urbamet
enquête
;accident
;sécurité
;prévention des risques
Descripteur écoplanete
verglas
Thème
Transports
Texte intégral
RAPPORT D'ENQUÊTE TECHNIQUE
sur la sortie de route d'un autocar de transport scolaire survenue sur la RD160 à Einville-au-Jard (54) le 3 février 2014
Septembre 2016
Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre
Affaire n° BEATT-2014-002
Rapport d'enquête technique sur la sortie de route d'un autocar de transport scolaire survenue sur la RD160 à Einville-au-Jard (54) le 3 février 2014
Bordereau documentaire
Organisme commanditaire : Ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer (MEEM) Organisme auteur : Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) Titre du document : rapport d'enquête technique sur la sortie de route d'un autocar de transport scolaire survenue sur la RD160 à Einville-au-Jard (54) le 3 février 2014 N° ISRN : EQ-BEAT--16-13--FR Proposition de mots-clés : accident, autocar, transport scolaire, verglas, ceinture de sécurité, évacuation des passagers
Avertissement L'enquête technique faisant l'objet du présent rapport est réalisée dans le cadre des articles L. 1621-1 à 1622-2 et R. 1621-1 à 1621-26 du code des transports relatifs, notamment, aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents, en déterminant les circonstances et les causes de l'événement analysé et en établissant les recommandations de sécurité utiles. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
SOMMAIRE
GLOSSAIRE...................................................................................................................................9 RÉSUMÉ.......................................................................................................................................11 1 - CONSTATS IMMÉDIATS ET ENGAGEMENT DE L'ENQUÊTE...........................................13 1.1 - Les circonstances de l'accident.......................................................................................13 1.2 - Le bilan humain et matériel..............................................................................................14 1.3 - L'engagement et l'organisation de l'enquête...................................................................14 2 - CONTEXTE DE L'ACCIDENT................................................................................................15 2.1 - Les conditions météorologiques......................................................................................15 2.2 - L'infrastructure routière....................................................................................................15
2.2.1 -Les caractéristiques générales de la route départementale n° 160......................................................15 2.2.2 -Les caractéristiques de la RD160 à proximité immédiate du ponceau du ruisseau des Saules...........17 2.2.3 -Le trafic et l'accidentalité...................................................................................................................... 18 2.2.4 -La viabilité hivernale............................................................................................................................. 18 2.2.5 -La recommandation immédiate et la suite donnée...............................................................................19
2.3 - Le service de transport scolaire effectué par l'autocar accidenté...................................20
2.3.1 -La consistance de ce service................................................................................................................ 20 2.3.2 -Le port de la ceinture de sécurité.......................................................................................................... 21
3 - COMPTE RENDU DES INVESTIGATIONS EFFECTUÉES..................................................25 3.1 - L'état des lieux après l'accident.......................................................................................25 3.2 - Le résumé des témoignages............................................................................................27
3.2.1 -Le témoignage du conducteur de l'autocar accidenté...........................................................................27 3.2.2 -Le témoignage des élèves transportés par l'autocar accidenté............................................................28 3.2.3 -Le témoignage du passager adulte....................................................................................................... 29 3.2.4 -Les témoignages des autres personnes présentes sur le lieu de l'accident.........................................29
3.3 - L'autocar accidenté..........................................................................................................30
3.3.1 -Le transporteur et l'organisation du voyage.......................................................................................... 30 3.3.2 -Le conducteur....................................................................................................................................... 30 3.3.3 -Les caractéristiques générales du véhicule..........................................................................................31 3.3.4 -Les constats effectués sur l'autocar après l'accident............................................................................32
3.4 - L'analyse des données du chronotachygraphe...............................................................36 3.5 - Le bilan lésionnel.............................................................................................................38 4 - ANALYSE DU DÉROULEMENT DE L'ACCIDENT ET DES SECOURS..............................41 4.1 - Le trajet............................................................................................................................41 4.2 - L'accident.........................................................................................................................41 4.3 - L'évacuation et les secours..............................................................................................42
5 - ANALYSE DES CAUSES ET FACTEURS ASSOCIÉS, ORIENTATIONS PRÉVENTIVES.43 5.1 - Le schéma des causes et des facteurs associés............................................................43 5.2 - Les caractéristiques de la chaussée dans le virage de l'accident...................................44 5.3 - Le port de la ceinture de sécurité dans les autocars.......................................................44 5.4 - L'évacuation des autocars scolaires................................................................................45 6 - CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS.........................................................................47 6.1 - Les causes de l'accident..................................................................................................47 6.2 - Les orientations préventives............................................................................................47 ANNEXES.....................................................................................................................................49 Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête.............................................................................51 Annexe 2 : Recommandation émise dans le rapport d'étape du BEA-TT de mars 2014........52 Annexe 3 : Réponse du destinataire de la recommandation émise dans le rapport d'étape du BEA-TT de mars 2014...........................................................................................53 Annexe 4 : Dépliant de la campagne de communication menée par l'ANATEEP en 2015 sur le port de la ceinture de sécurité dans les autocars..............................................55
Glossaire
ANATEEP : Association Nationale pour les Transports Éducatifs de l'Enseignement Public Flache : déformation d'une chaussée routière caractérisée par une dépression superficielle de forme arrondie PTAC : Poids Total Autorisé en Charge PV : Poids à Vide RD : Route Départementale
9
Résumé
Le 3 février 2014 vers 7h30, à Einville-au-Jard en Meurthe-et-Moselle, un autocar assurant un service de transport scolaire dérape à faible vitesse dans un virage et se renverse dans le fossé bordant la route départementale (RD) n° 160. Cette sortie de route a coûté la vie à un élève et en a blessé 18 autres dont l'un gravement. La cause directe et immédiate de cet accident est la présence de verglas dans un virage présentant sur son bord droit, dans le sens de circulation de l'autocar concerné, une flache1 prononcée engendrant une inversion localisée de dévers. Plusieurs facteurs ont joué ou auraient pu jouer un rôle dans l'aggravation des conséquences de cet accident :
le non-port de la ceinture de sécurité par la presque totalité des passagers de l'autocar qui, lors de son basculement dans le fossé, a permis la projection des élèves à l'intérieur du véhicule et l'éjection de l'un d'entre eux à travers la fenêtre à côté de laquelle il était assis ; l'évacuation tardive de l'autocar résultant notamment de la méconnaissance par les passagers des consignes d'évacuation du véhicule ainsi que de la localisation et du fonctionnement des issues de secours.
Au vu des premiers éléments d'analyse, le BEA-TT a recommandé dès mars 2014, dans un rapport d'étape, au conseil départemental de Meurthe-et-Moselle de réaménager dans les meilleurs délais le virage dans lequel l'accident s'est produit. Depuis, les travaux correspondants ont été réalisés. Dans le présent rapport, le BEA-TT recommande à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer ainsi qu'à la délégation à la sécurité et à la circulation routières, de promouvoir la diffusion dans tous les autocars assurant un service de transport scolaire, une ligne régulière interurbaine ou un service occasionnel de moyenne ou de longue distance, de messages préenregistrés, audio ou vidéo, d'information des passagers sur l'intérêt et l'obligation du port de la ceinture de sécurité. Ces messages pourraient s'insérer dans un message plus général rappelant les consignes et obligations en matière de sécurité et d'évacuation. En outre, sans émettre de recommandation formelle, le BEA-TT attire l'attention des autorités organisatrices de transport sur l'intérêt de généraliser l'information et la formation des élèves sur les procédures d'évacuation d'urgence des autocars.
1 Flache : déformation d'une chaussée routière caractérisée par une dépression superficielle de forme arrondie 11
1 - Constats immédiats et engagement de l'enquête
1.1 Les circonstances de l'accident
Le 3 février 2014 vers 7h30, à Einville-au-Jard en Meurthe-et-Moselle, un autocar assurant un service de transport scolaire dérape à faible vitesse dans un virage et se renverse dans le fossé bordant la route départementale (RD) n° 160.
Figure 1 : Plan de situation régional du lieu de l'accident
Figure 2 : Plan de situation local du lieu de l'accident 13
1.2 -
Le bilan humain et matériel
Cette sortie de route coûte la vie à l'un des élèves. Dix-huit des 55 personnes présentes à bord de cet autocar sont blessées. L'une d'entre elles est hospitalisée plus de 24 heures. L'autocar présente une trace de choc à l'avant droit et des rayures sur le flanc du même côté. Quelques vitres du côté droit sont brisées. La circulation sur la RD160 est coupée dans les deux sens de circulation. Elle est rétablie une fois l'autocar évacué, vers 13h30.
1.3 -
L'engagement et l'organisation de l'enquête
Au vu des circonstances de cette sortie de route, le directeur du bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) a ouvert, le 5 février 2014, une enquête technique dans le cadre des articles L. 1621-1 à 1622-2 du code des transports. Le 25 février 2014, les enquêteurs du BEA-TT se sont rendus sur les lieux et ont examiné l'infrastructure routière concernée. Ils ont rencontré le directeur de l'enquête judiciaire, ainsi que les gendarmes de la compagnie de Lunéville qui sont intervenus sur l'accident. Dès mars 2014, au vu des premiers éléments d'analyse, le BEA-TT, conformément à l'article L. 1621-20 du code des transports, a recommandé, dans un rapport d'étape, au conseil départemental de Meurthe-et-Moselle de réaménager dans les meilleurs délais le virage dans lequel l'accident s'est produit. Le 20 septembre 2015, un enquêteur du BEA-TT a assisté à l'expertise judiciaire de l'autocar. Il y a rencontré l'expert judiciaire et le responsable du garage où ce véhicule a été acquis et entretenu. En outre, il s'est rendu sur le lieu de l'accident et y a constaté la réalisation des travaux de réaménagement du virage concerné. Les enquêteurs du BEA-TT ont eu communication du dossier de procédure judiciaire ainsi que des pièces administratives et techniques nécessaires à la réalisation de leurs analyses.
14
2 - Contexte de l'accident
2.1 Les conditions météorologiques
La prévision émise à destination de gestionnaires d'infrastructures routières, le dimanche 2 février à 14h39 par Météo France pour la région de Nancy Lunéville, fait état, pour le lundi 3 février 2014 à 7 heures, d'un temps très nuageux, d'une température de l'air de 0,1 °C, d'une température des chaussées de 0,2 °C s'abaissant à -0,8 °C au passage des ponts et d'un taux d'humidité de 93 %. Le soleil s'est levé à 8h02. Le relevé de la station météorologique de l'aérodrome de Nancy-Essey, distant de 20 km du lieu de l'accident, confirme et amplifie cette prévision avec une température de l'air inférieure de presque deux degrés, à -1,9 °C, se conjuguant à un taux d'humidité maximal, à 100 %. Les relevés des jours précédents montrent un temps sec et froid, notamment les 30 et 31 janvier, où les températures à la même heure étaient de -3,2 °C. Il en ressort que, au moment de l'accident vers 7h30, il faisait encore nuit, que le temps était froid et humide et que des nappes de brouillard étaient présentes. Le contact de cet air humide avec les sols froids était de nature à favoriser l'apparition ponctuelle de givre sur les chaussées, notamment aux passages des ponts, plus exposés au vent et à l'humidité.
2.2 -
L'infrastructure routière
2.2.1 - Les caractéristiques générales de la route départementale n° 160
Figure 3 : Tracé de la RD160, de la RD914 à la RD400
15
La route départementale n° 160 (RD160) où s'est produit l'accident dessert la zone rurale située au nord de la ville de Lunéville. Elle relie, en 11,5 km, la route départementale n° 914 (RD914) à la route départementale n° 400 (RD400), anciennement route nationale n° 4.
Figure 4 : Tracé de la RD160 entre Einville-au-Jard et Raville-sur-Sânon
L'accident examiné dans le présent rapport s'est produit sur la section de la RD160 comprise entre la sortie de l'agglomération d'Einville-au-Jard et l'entrée de celle de Raville-sur-Sânon. Sur cette section longue de 700 mètres, la RD160 est une route bidirectionnelle comprenant deux voies de circulation. La largeur de la chaussée est d'environ 5 mètres. Elle est bordée de chaque côté par un accotement herbeux d'une largeur de l'ordre d'un mètre, jouxté le plus souvent par un fossé.
Figure 5 : Vue, dans le sens de circulation de l'autocar accidenté, de l'arrivée sur le ponceau surplombant le ruisseau des Saules et du virage à gauche
Dans le sens où l'autocar accidenté circulait, à savoir d'Einville-au-Jard vers Raville-sur-Sânon, cette route présente un virage prononcé à gauche, juste après le ponceau lui permettant de franchir le ruisseau des Saules. La sortie de route de l'autocar concerné s'est produite dans ce virage.
16
2.2.2 - Les caractéristiques de la RD160 à proximité immédiate du ponceau du ruisseau des Saules
Les enquêteurs techniques du BEA-TT ont constaté, à l'extérieur du virage que forme la RD160 juste à la sortie du ponceau du ruisseau des Saules en venant d'Einville-au-Jard, la présence d'une déformation de la chaussée. Celle-ci crée un dévers vers l'accotement et le fossé, et donc vers l'extérieur de ce virage, alors que les règles de l'art prescrivent que le dévers doit être orienté vers l'intérieur du virage. Il y a donc, juste après le franchissement du ponceau précité, précisément à l'endroit où l'autocar est sorti de la route, une inversion de dévers. Elle est sensible au volant d'un véhicule léger. Cette déformation de la chaussée, techniquement appelée une « flache »*, est probablement la conséquence d'un défaut de portance localisé du sol, dû à un tassement des matériaux d'assise, qui a pu être favorisé par l'humidité du ru et du fossé attenants.
Figure 6 : Le dévers vers l'extérieur du virage situé au niveau du ponceau du ruisseau des Saules - Vue dans le sens de circulation opposé à celui de l'autocar accidenté. Les matériaux ocres sont postérieurs à l'accident
*
Terme figurant dans le glossaire 17
Figure 7 : Vue du ponceau du ruisseau des Saules et du virage peu après l'enlèvement de l'autocar
2.2.3 - Le trafic et l'accidentalité
Le trafic moyen journalier (TMJ) écoulé par la RD160, tel qu'il ressort des relevés effectués en 2011, trois ans avant l'accident, est, pour les deux sens de circulation, de 400 véhicules dont 8,5 % de véhicules lourds. Ce trafic est conforme à la destination et aux caractéristiques de ce type de route. La circulation routière n'y fait l'objet d'aucune restriction, de tonnage ou de vitesse. Aucun accident corporel n'y a été enregistré au cours des cinq années précédentes, soit entre 2008 et 2013, par l'observatoire départemental de la sécurité routière. Toutefois, les déformations du garde-corps du ponceau après lequel l'autocar a versé et les témoignages des riverains attestent d'une accidentalité matérielle récurrente en ce lieu.
2.2.4 - La viabilité hivernale
Au moment de l'accident, le virage où il s'est produit présentait des traces de givre qui engendraient une glissance localisée de la chaussée. Ce virage et, plus globalement, la RD160, n'avaient pas été traités par le service de viabilité hivernale du Département de Meurthe-et-Moselle. Cette situation était conforme aux dispositions du dossier d'organisation de la viabilité hivernale (DOVH) du réseau routier départemental qui ne classe pas la RD160 parmi les routes bénéficiant d'un niveau de service particulier. Il ne prévoit un traitement éventuel de la chaussée qu'à partir de 8h00, après celui des itinéraires prioritaires.
18
2.2.5 - La recommandation immédiate et la suite donnée
Ainsi qu'il l'a été indiqué au paragraphe 1-3, au vu des premiers éléments d'analyse, le BEA-TT a recommandé dès mars 2014, dans un rapport d'étape, au conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, de réaménager dans les meilleurs délais le virage dans lequel l'accident s'est produit. Les conclusions de ce rapport et la réponse favorable du destinataire de cette recommandation figurent en annexes 2 et 3 du présent rapport. Le BEA-TT a constaté de visu le 10 septembre 2015 que les travaux correspondants avaient été réalisés.
Figure 8 : Vue du ponceau du ruisseau des Saules et du virage après travaux
19
2.3 -
Le service de transport scolaire effectué par l'autocar accidenté
L'autocar accidenté assurait un service de transport scolaire entre la zone rurale située au nord de la ville de Lunéville et la cité scolaire de celle-ci.
2.3.1 - La consistance de ce service
L'organisation de ce type de service relève de la compétence du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle. Ces services sont exploités dans le cadre de marchés publics conclus par cette autorité organisatrice de transport avec les transporteurs routiers. L'autocar accidenté assurait le service de la ligne S658. Cette ligne est incluse dans le lot n° 11 (secteur géographique de l'est du bassin de Lunéville) qui a été attribué à la société de transport LAUNOY pour une période de 8 ans à compter du 1 er septembre 2013, soit jusqu'au 31 août 2021. Elle est accessible aux usagers non scolaires. La consistance de cette ligne est indiquée dans le dossier de service figurant à l'annexe 5 du cahier des clauses particulières (CCP) du marché public passé avec le transporteur attributaire. Les points d'arrêt et les horaires de passages de cette ligne y sont fixés dans le tableau ci-après reproduit.
Figure 9 : Points d'arrêts et horaires de la ligne scolaire S658
La figure 10 ci-après visualise l'itinéraire qui en découle
20
Figure 10 : Itinéraire du circuit de la ligne S658 le jour de l'accident
La ligne S658 assure deux services quotidiens, un trajet aller le matin vers la cité scolaire de Lunéville et un trajet retour le soir du lundi au vendredi, complété le mercredi par un trajet retour en début d'après-midi, vers les domiciles des élèves. L'accident s'est produit lors du trajet du matin, juste après le passage de l'autocar au dernier arrêt d'Einville-au-Jard, à l'angle de la rue du cardinal Mathieu (RD160) et de la rue Karquel, programmé à 7h22.
2.3.2 - Le port de la ceinture de sécurité
Pour la plupart, les élèves de l'autocar accidenté n'avaient pas attaché leur ceinture de sécurité. Le contexte national Tous les autocars en circulation doivent être équipés de ceinture de sécurité depuis le 1er septembre 2015 (article 70 ter de l'arrêté du 2 juillet 1982 relatif au transport en commun de personnes). Tous les passagers d'autocars doivent attacher la ceinture de sécurité dont leur siège est équipé, depuis le 11 juillet 2003, soit depuis plus de 10 ans à la date de l'accident. Le non-respect de cette obligation par un passager est passible d'une contravention de 4e classe d'un montant de 135 (article R.412-1 du code de la route).
21
Toutefois, le non-port de la ceinture de sécurité par les élèves transportés dans les autocars scolaires n'est pas pénalement sanctionnable, pour au moins deux raisons :
les élèves sont, pour la plupart, pénalement irresponsables pour cette catégorie d'infraction, du fait de leur minorité, en application de l'article 122-8 du code pénal pour les moins de 13 ans et de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante pour ceux dont l'âge est compris entre 13 et 18 ans. aucune autre personne n'est responsable pénalement à leur place, ni le conducteur de l'autocar, alors que c'est le cas dans tous les autres véhicules (article R. 412-2 du code de la route), ni l'un de leurs parents ou tuteurs en raison du principe général de personnalité des peines.
Tous les transporteurs doivent veiller au bon fonctionnement des ceintures de sécurité dont leurs véhicules sont équipés, ainsi qu'à la bonne information sur l'obligation de port des passagers qu'ils transportent. En France, cette information est prescrite par l'article 63 de l'arrêté du 2 juillet 1982 modifié relatif au transport en commun de personnes, transposant l'article 2-2-b de la directive 91/671/CEE modifiée du 16 décembre 1991.
Figure 11 : Panonceau prévu en France pour être visible par tous les passagers
Cette information est considérée comme règlementairement satisfaite par la pose dans l'autocar de panonceaux visibles par tous les passagers concernés. Ces panonceaux peuvent être complétés ou remplacés par une annonce faite par le conducteur, le convoyeur ou la personne désignée comme chef de groupe, ou encore par des systèmes audiovisuels.
Figure 12 : Pictogramme prévu par la directive 91/671/CEE pour chaque place assise
Toutes les autorités organisatrices de transport, prennent les mesures de prévention nécessaires pour en assurer la sécurité, notamment en matière de port de la ceinture de sécurité, au titre de leur responsabilité en ce domaine (article L. 3111-7 du code des transports). Ces mesures peuvent être de natures contractuelles ou éducatives. Enfin, les acteurs locaux et nationaux organisent régulièrement des campagnes de sensibilisation au port de la ceinture de sécurité dans les autocars. Une campagne nationale sur ce thème a notamment été menée en 2015, par l'Association nationale pour les transports éducatifs de l'enseignement public (ANATEEP). Le dépliant illustrant cette campagne est joint en annexe 4 du présent rapport.
22
Malgré tout, force est de constater que le port de la ceinture de sécurité par les élèves non accompagnés des autocars assurant un service de transport scolaire reste l'exception. Il n'est d'ailleurs guère plus fréquent dans les autocars assurant d'autres services, réguliers autres que scolaires, ou occasionnels. Les actions menées par le Département de Meurthe-et-Moselle Le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a imposé l'équipement de ceintures de sécurité de la quasi-totalité des autocars assurant un service de transport scolaire, et ce dès avant que cet équipement soit rendu obligatoire, le 1er septembre 2015. Il a inscrit plusieurs dispositions visant à satisfaire l'obligation légale de port de la ceinture de sécurité dans le marché public de transport passé avec le transporteur attributaire. Elles se trouvent dans le cahier des clauses particulières (CCP) et ses annexes. L'article 20-3 de ce CCP relatif aux consignes particulières en termes de conduite précise notamment que le conducteur de l'autocar doit « veiller à ce que à l'intérieur du car les voyageurs soient informés des prescriptions de sécurité ; ceci concerne notamment l'obligation d'usage de la ceinture de sécurité ». L'article 25 de ce CCP, intitulé « Le règlement et la discipline », renvoie au respect du règlement intérieur du réseau de transport départemental de Meurthe-et-Moselle, dénommé TED' (en annexe 2 du CCP), au contrat de bonne conduite des élèves dans le réseau TED' (en annexe 3 du CCP), et au guide du conducteur (en annexe 5 du CCP). Ainsi :
le règlement intérieur du réseau TED' rappelle dans la partie intitulée « Pendant le trajet » l'obligation de s'attacher lorsque les sièges que les passagers occupent sont équipés de ceinture de sécurité ; le contrat de bonne conduite de l'élève dans le réseau TED' rappelle cette obligation en article 2. Elle précise dans l'article 5 qu'en cas d'indiscipline le conducteur ou l'accompagnateur signalent les faits au conseil départemental qui prononce, si nécessaire, une sanction à l'encontre de l'élève. Cette sanction s'échelonne du simple avertissement à l'exclusion définitive, en passant par l'exclusion temporaire d'au moins trois jours. Il convient de préciser que l'inscription au service scolaire par l'internet passe par l'engagement du demandeur de respecter la charte de bonne conduite susvisée et donc d'attacher sa ceinture de sécurité ;
le guide du conducteur fixe dans son article 5-2 la procédure de traitement des indisciplines des élèves transportés. Cet article précise que « Toutes les causes d'indiscipline doivent être signalées au conseil général [...], que ce soit pour des dégradations, des bagarres/agressions, la ceinture non attachée ou de petites indisciplines (petits chahuts, cris, élèves qui se déplacent dans l'allée...). ». Le conducteur remplit alors un carnet à souche dont un feuillet est adressé au service compétent du conseil départemental.
Le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle sensibilise enfin les élèves au port de la ceinture de sécurité, dans le cadre d'actions de formation aux consignes de sécurité à respecter dans les transports scolaires. Ces actions sont assurées par un animateur professionnel de cette collectivité, mis à la disposition des établissements scolaires qui en font la demande. Elles sont dirigées en priorité vers les élèves de la dernière année des écoles primaires, âgés de 10 à 11 ans, car ils sont susceptibles de prendre l'année suivante un autocar scolaire pour se rendre à leur collège.
23
Elles se composent de deux parties :
une première, théorique, en salle de classe, avec la diffusion de vidéos sur les vigilances à observer, particulièrement lors de la montée et de la descente aux arrêts, et sur les comportements à adopter ; une seconde partie, pratique, à l'extérieur, avec l'évacuation d'un autocar.
Malgré toutes ces actions, très peu d'élèves attachent leur ceinture de sécurité. Aussi, le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle envisage de lancer d'autres actions de sensibilisation des élèves et de leurs parents.
24
3 - Compte rendu des investigations effectuées
3.1 L'état des lieux après l'accident
Figure 13 : L'autocar après l'accident, vu du ponceau
Figure 14 : L'autocar après l'accident, vu de l'avant
25
Figure 15 : L'autocar en cours de relevage du fossé drainant dans lequel il a versé
Figure 16 : Plan du lieu de l'accident
26
L'examen des lieux après l'accident fait apparaître les éléments suivants :
l'autocar est couché latéralement dans le fossé dans lequel il a versé. Il forme un angle de l'ordre de 45° avec la verticale. Ses vitres latérales ne touchent pas le sol. Son avant est arrêté en butée contre un talus en bout de fossé ; le fossé de drainage dans lequel il a versé est profond de 2 à 3 mètres. Son fond est rempli d'eau ; le côté droit de l'autocar présente deux déformations notables, la première à l'avant droit, suite au choc contre l'extrémité du fossé, et la seconde à l'extrême arrière droit consécutif à l'impact latéral de l'arrière de l'autocar contre le fond du fossé ; les fenêtres du côté gauche sont intactes. Le pare-brise a été découpé de l'extérieur par les services de secours ; les fenêtres du côté droit sont intactes, à l'exception de celles des portes et de celle de la fenêtre de la dernière rangée ; les issues de secours, fenêtres latérales et trappes de toit, sont encore closes.
3.2 -
Le résumé des témoignages
Les résumés présentés ci-dessous sont établis par les enquêteurs techniques sur la base des déclarations, orales ou écrites, dont ils ont eu connaissance. Ils ne retiennent que les éléments qui paraissent utiles pour éclairer la compréhension et l'analyse des événements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre les différents témoignages recueillis ou entre ceux-ci et des constats ou analyses présentés par ailleurs.
3.2.1 - Le témoignage du conducteur de l'autocar accidenté Le conducteur de l'autocar accidenté fait les déclarations suivantes. Il récupère l'autocar le matin sur son lieu de stationnement vers 6h40. Il le fait chauffer pendant quelques minutes afin d'en dégivrer le pare-brise et les vitres latérales, puis gagne le premier arrêt de son circuit. Le début du circuit est accompli sans difficultés particulières. Au dernier arrêt avant l'accident, à Einville-au-Jard, une vingtaine d'élèves montent à bord. Tout le monde est assis. L'ambiance est calme, comme d'habitude à cette heure. À la sortie de l'agglomération, le conducteur suit à gauche la RD160 vers Raville-sur-Sânon. Comme à son habitude, il accélère, puis, à l'arrivée sur le ponceau précédant le virage à gauche à 90°, il lève le pied de l'accélérateur pour ralentir le véhicule avec le frein moteur. Lorsqu'il ré-accélère à la sortie du virage, il sent que l'autocar perd de son adhérence. Il hurle aussitôt aux enfants de s'accrocher. Puis l'autocar verse sur sa droite dans le fossé et s'immobilise. Il demande s'il y a des blessés. Les élèves à l'arrière lui répondent que oui. Il téléphone depuis son siège à son employeur puis aux services de secours. Ces derniers lui répondent qu'ils sont en route vers le lieu de l'accident. Il estime qu'il est impossible de sortir, car les portes latérales sont bloquées par le rebord du fossé. Des personnes extérieures, essentiellement des parents prévenus par leurs enfants, viennent briser le pare-brise. Il sort de l'autocar dans les premiers et aide les autres élèves à faire de même. Quelques élèves sortent par la vitre latérale arrière droite. Un élève est allongé en face de celle-ci et des personnes s'en occupent.
27
3.2.2 - Le témoignage des élèves transportés par l'autocar accidenté Les élèves transportés dans l'autocar accidenté font les déclarations suivantes. En se rendant à leurs arrêts respectifs, ils constatent que le temps est froid et humide. Du givre recouvre les champs avoisinants. La route est glissante et le brouillard réduit la visibilité. L'autocar est presque plein mais tous les passagers y sont assis. À cette heure matinale, il fait encore nuit et l'ambiance est très calme. Sur un fond de radio diffusé par les hautparleurs de l'autocar, la plupart des élèves somnolent avec des écouteurs sur leurs oreilles ou consultent leur smartphone. Collégiens ou lycéens, ils ne sont pas accompagnés. Le seul adulte présent à bord, en plus du conducteur, est un usager habituel de la ligne. La quasi-totalité des passagers n'a, comme à l'habitude, pas attaché sa ceinture de sécurité. Aucun élève ne se souvient avoir subi un contrôle à ce titre ou avoir été invité à le faire par un de leurs conducteurs, et ce depuis qu'ils prennent le bus scolaire, pour certains depuis plusieurs années. Le conducteur a une conduite heurtée. À la sortie de l'agglomération d'Einville-au-Jard, la visibilité est très réduite en raison du brouillard. Plusieurs élèves entendent l'adulte assis au premier rang échanger avec le conducteur sur les difficultés météorologiques. Quelques élèves relèvent que l'autocar aborde le virage à faible vitesse. Ses roues avant passent le ponceau, puis l'autocar chasse de l'arrière. Son conducteur tente d'en reprendre le contrôle. L'autocar zigzague. Son conducteur pousse un grand cri et l'autocar verse par l'arrière dans le fossé. Il en heurte sèchement le fond. Les élèves assis sur les banquettes situées du côté gauche dans le sens de circulation de l'autocar et tous leurs objets personnels (sacs, portemonnaies, téléphones...) sont projetés en l'air et retombent lourdement sur les élèves assis sur les banquettes du côté droit. Quelques-uns parviennent à se retenir au porte-bagage qui les surplombe ou à la poignée du siège qui les précède. Certains finissent dans la descente d'escalier de la sortie centrale. Les quatre élèves assis sur la banquette du dernier rang retombent sur l'élève assis sur le même rang contre la fenêtre de droite. Sous l'impact, la vitre de cette fenêtre se brise et l'élève en question est éjecté. Après quelques instants de stupeur, les occupants de l'autocar réagissent. Le conducteur alerte par téléphone son entreprise. Il demande à plusieurs reprises à la cantonade si tout le monde va bien. Plusieurs élèves alertent leurs parents ou les secours. Les élèves assis dans les derniers rangs préviennent qu'un élève a été éjecté et est blessé. Deux d'entre eux sortent lui porter secours en cassant une vitre de la porte centrale. Un des élèves tente, en vain, d'ouvrir une trappe de toit en tirant sur une poignée (nb : le déverrouillage nécessite de tirer deux poignées). Ne pouvant sortir, car les portes sont bloquées les élèves attendent les secours. Les premiers parents arrivent rapidement sur les lieux, car ils habitent à proximité. Ils finissent par briser, avec difficulté, le pare-brise au moyen d'outils de fortune. La plupart des élèves sortent du véhicule par le pare-brise. Deux d'entre eux passent par la fenêtre arrière. Les élèves montent sur la route. Les secours arrivent sur les lieux à la fin de l'évacuation.
28
3.2.3 - Le témoignage du passager adulte
Le passager adulte assis au premier rang à droite dans le sens de la marche de l'autocar fait les déclarations suivantes. Il est un usager quotidien de cette ligne. En arrivant sur le ponceau, la chaussée est glissante et une nappe de brouillard occulte la sortie du virage. Le conducteur est très concentré sur sa conduite. Le véhicule ralentit et est presque à l'arrêt. L'avant de l'autocar passe normalement le virage, mais l'arrière chasse vers la droite. Malgré les tentatives du conducteur, l'avant du véhicule mord le talus et l'autocar verse dans le fossé, l'arrière en premier. Les vitres de la porte avant se brisent. Le chauffeur demande à plusieurs reprises si quelqu'un est blessé. La réponse qu'un élève a été éjecté arrive au bout de quelques minutes. Les parents mettent une demi-heure à briser le pare-brise. Les trappes de toit n'ont pas été ouvertes « ce qui aurait pu accélérer l'évacuation de l'autocar ».
3.2.4 - Les témoignages des autres personnes présentes sur le lieu de l'accident
Les personnes arrivées sur le lieu de l'accident quelques minutes après celui-ci font les déclarations suivantes. La chaussée est particulièrement glissante sur le ponceau et ses abords. Le brouillard est très épais avec une distance maximale de visibilité de l'ordre de 20 mètres. Des proches des élèves arrivent rapidement sur les lieux. Deux d'entre eux tentent de briser le pare-brise avec leurs poings, puis à l'aide d'une clé de 28. Au bout d'une dizaine de minutes, l'ouverture est de taille suffisante pour y passer un élève. Le conducteur est assis sur son siège, retenu par sa ceinture de sécurité. Il semble choqué. Il sort du véhicule dans les premiers. La plupart des élèves sortent par ce pare-brise, en se protégeant des éclats de verre, puis attendent sur la route. Les véhicules de secours, retardés par le verglas, arrivent à la fin de l'évacuation. L'accès au site est compliqué par le stationnement anarchique des véhicules des parents et amis des victimes venus entre-temps porter secours. Le décompte des victimes est rendu difficile par le départ anticipé de quelques élèves avec leurs parents. Les services de secours connaissent les lieux pour y être déjà intervenus à plusieurs reprises.
29
3.3 -
L'autocar accidenté
L'autocar accidenté est exploité par la société LAUNOY domiciliée à Rambervillers (88), dans le département voisin des Vosges. Cette société exploite environ 90 autocars et emploie autant de personnes. Elle exerce l'essentiel de son activité dans le transport scolaire. Dans le seul département de Meurthe-et-Moselle, elle exploite 63 autocars sur plusieurs lignes de transport scolaire. Elle exerce cette activité dans le cadre d'une convention passée avec le conseil départemental de ce département en septembre 2013 pour une durée de 8 ans, soit jusqu'à la rentrée 2021. L'autocar accidenté était affecté sur la ligne S658 qui relie les communes de Bathélémont, Bauzémont, Valhey, Einville-au-Jard et Razeville à la cité scolaire de Lunéville. Cette ligne est décrite dans le paragraphe 2-3-1 ci-avant. Le jour de l'accident, le conducteur a récupéré l'autocar sur son lieu de stationnement à Arracourt, vers 6h40, et s'est rendu à Bathélémont, lieu de départ du circuit, d'où il est parti à 7 heures. Puis il s'est arrêté une fois à Bauzémont, une fois à Valhey et trois fois à Einville-au-Jard. Il a chargé au total une cinquantaine de personnes dont une vingtaine au seul dernier arrêt d'Einville-au-Jard.
3.3.1 - Le transporteur et l'organisation du voyage
3.3.2 - Le conducteur
Le conducteur de l'autocar accidenté est un homme âgé de 50 ans. Titulaire d'un certificat d'aptitude professionnel (CAP) de mécanique automobile, il est devenu chauffeur routier en 1997, après avoir suivi une formation professionnelle pour adultes. Il conduit des véhicules de transport en commun de personnes depuis 2003, soit plus de 10 ans à la date de l'accident. Il effectue depuis plusieurs années des remplacements sur des lignes de transport scolaire. Il a été recruté en dernier lieu par la société de transport LAUNOY le 27 janvier 2014, une semaine avant l'accident, avec un contrat à durée déterminée (CDD) d'une durée de trois mois. Il connaît bien le circuit où s'est produit l'accident, d'abord pour en avoir effectué une reconnaissance préalable une semaine avant l'accident avec le conducteur qui l'a précédé, mais surtout pour l'avoir parcouru pendant une grande partie de l'année scolaire précédente, de janvier à juillet 2013, pour le compte du transporteur qui était précédemment attributaire de ce circuit. Son permis de conduire les véhicules lourds (catégories C et D), ainsi que son attestation de suivi de la formation continue à la conduite des véhicules de transports de marchandises et de personnes, plus connue sous l'acronyme de « FCOS », sont valides. La visite médicale d'embauche au titre du code du travail n'avait pas été effectuée. Toutefois, le délai pour la passer courait réglementairement jusqu'au terme de la période d'essai, le 11 février 2014, soit postérieurement à l'accident. Les analyses biologiques de l'alcoolémie et de la consommation de stupéfiants auxquelles il a été procédé après l'accident se sont révélées négatives.
30
Le relevé des données du téléphone portable du conducteur montre :
qu'il ne passait ni ne recevait d'appel téléphonique lors de l'accident et dans les minutes qui l'ont précédé ; qu'il n'a prévenu les secours que 6 minutes et 25 secondes après l'accident ; que dans la demi-heure qui a suivi cet accident, il a téléphoné pendant 43 % de son temps.
3.3.3 - Les caractéristiques générales du véhicule
L'autocar accidenté est un véhicule de transport en commun de personnes de marque IVECO-IRISBUS et d'appellation commerciale RECREO. Il s'agit d'un autocar d'entrée de gamme de grande capacité, très utilisé dans le transport scolaire. Son poids à vide (PV) est de 11,9 tonnes et son poids total autorisé en charge (PTAC) de 19,3 tonnes. Outre le conducteur, il peut accueillir 64 personnes. Avec 55 personnes à bord au moment de l'accident, il n'était pas en surcharge. Cet autocar est équipé de ceintures de sécurité à toutes les places. Il s'agit de ceintures ventrales, à deux points, sauf pour les places dites exposées, à savoir celle du conducteur ainsi que celles du premier rang et du dernier rang, qui sont dotées de ceintures à trois points. Mis en circulation le 16 juillet 2009, l'autocar était donc âgé de 4,5 ans le jour de l'accident. Il était à jour de ses obligations administratives, avec un contrôle technique valide jusqu'au 4 juin 2014 et une assurance arrivant à échéance le 31 mars 2014.
Figure 17 : Autocar du type de celui accidenté
L'entretien de premier échelon (vidanges, freins et pneumatiques) était assuré en régie par l'entreprise de transport LAUNOY qui dispose de son propre atelier. Celui de second niveau était effectué par le concessionnaire IVECO où l'autocar avait été acquis. La dernière intervention a été réalisée par ce concessionnaire le 23 septembre 2013, soit quatre mois avant l'accident.
31
3.3.4 - Les constats effectués sur l'autocar après l'accident
Figure 18 : L'autocar accidenté après son extraction du fossé
Il ressort de l'examen de l'extérieur de l'autocar accidenté les éléments suivants :
l'autocar est peu détérioré et dans un bon état général ; il est équipé de pneumatiques de type « M+S » (acronyme anglais de « Mud and Snow », soit en français « boue et neige ») qui sont en bon état. Leurs bandes de roulement ne présentent pas d'anomalies. La profondeur de leurs rainures varie entre 6,5 et 10 mm ; son flanc gauche, dans le sens de sa marche, et sa face arrière sont intacts ; la partie arrière de son flanc droit présente un enfoncement marqué du bas du panneau et de son support, probablement consécutif au choc de l'arrière de l'autocar contre le fond du fossé ; le coin droit de sa face avant présente dans le premier tiers de sa hauteur un enfoncement d'une trentaine de centimètres, probablement provoqué par le heurt du remblai en bout de fossé ; son pare-brise présente plusieurs traces de détérioration, une première sur le bord externe droit, dans le sens de la marche, le long du montant, probablement consécutif au choc de l'accident, un deuxième sur le tiers droit provoquée probablement par les parents des victimes avec des outils de fortune pour évacuer les victimes et une troisième au centre, de plus grande taille, effectuée par les secours avec du matériel professionnel ; plusieurs vitres du flanc droit sont brisées, celles des deux battants de la porte avant, celle de l'un des deux battants de la porte centrale et celle de la fenêtre située à l'extrême arrière.
32
Figure 20 : Un des pneumatiques de l'autocar Figure 19 : Le bas de caisse arrière droit enfoncé par le choc contre le bord du fossé Figure 21 : L'avant droit enfoncé par le heurt du remblai
Figure 22 : La vitre arrière droite brisée
Figure 24 : Le pare-brise et les vitres brisées des deux portes avant
Figure 23 : La vitre brisée de l'un des battants de la porte centrale
33
Il ressort de l'examen de l'intérieur de l'autocar accidenté les éléments suivants :
les ceintures de sécurité, et notamment celles à trois points des places exposées sont fonctionnelles. Le panneau d'information de l'obligation de leur port est en place en trois endroits, à savoir sur le bandeau au-dessus du pare-brise et sur le rebord avant de chacune des deux trappes de toit ; les cinq fenêtres latérales servant d'issues de secours sont signalées comme telles. Les marteaux destinés à briser leurs vitres sont encore accrochés à leurs supports ; les deux trappes de toit qui servent également d'issues de secours sont verrouillées. Elles se déverrouillent chacune en tirant deux poignées, soit quatre au total, situées à l'avant et à l'arrière de chacune d'entre elles. L'une des poignées a été actionnée et pend au bout de son fil.
Figure 25 : Les ceintures de sécurité à trois points sur les places exposées
Figure 26 : L'un des trois panonceaux signalant l'obligation de port de la ceinture de sécurité ; ici, celui apposé sur l'une des trappes de toit
Figure 27 : Une issue de secours, avec le signalement de son emplacement et du point où il faut taper pour briser la vitre
Figure 28 : Un marteau brise-vitre placé sur son support et relié à lui par un câble anti-vol
34
Figure 30 : Une des deux poignées de déverrouillage d'une trappe de toit a été tirée
Figure 29 : Une des deux trappes de toit avec son signalement comme issue de secours et ses deux poignées de déverrouillage, de couleur rouge
Il ressort de cet examen les premières conclusions suivantes :
le type et l'état des pneumatiques n'a pas joué de rôle dans l'accident ; l'éjection d'un élève est consécutif au choc latéral de l'arrière de l'autocar contre le fond du fossé et à sa projection contre la vitre latérale ; les ceintures de sécurité dont l'autocar était équipé sont fonctionnelles et l'obligation de leur port signalée conformément à la réglementation. Toutefois, le BEA-TT relève que les panonceaux qui tiennent lieu d'information sur cette obligation sont peu visibles des passagers, en raison de leur faible nombre qui n'est que de trois pour plus de 50 personnes, de leur situation en hauteur qui oblige à lever la tête pour les percevoir, et de la confusion qui nait de leur situation au milieu d'autres indications de sécurité ;
les issues de secours n'ont pas été utilisées. Une tentative de déverrouillage d'une des deux trappes de toit n'a pas abouti.
35
3.4 -
L'analyse des données du chronotachygraphe
L'autocar était équipé d'un chronotachygraphe numérique de marque SIEMENS et de type AG/V dont les enregistrements s'effectuent tant sur les fichiers de cet appareil que sur la carte du conducteur concerné. Ces enregistrements permettent de disposer d'informations sur l'activité de ce conducteur ainsi que sur la vitesse de l'autocar. Les horaires qui y sont indiqués peuvent toutefois être décalés par rapport à l'horaire réel. Le dernier étalonnage du chronotachygraphe a été effectué le 19 juillet 2013 et était valide jusqu'au 18 juillet 2014 et donc le jour de l'accident. L'examen du diagramme de l'activité du conducteur Le diagramme de l'activité du conducteur dans l'entreprise de transport LAUNOY court à compter du vendredi 24 janvier 2014, date de son embauche. L'examen de ce diagramme fait apparaître les activités suivantes :
le vendredi 24 janvier 2014, une activité ponctuelle, en équipage avec un second conducteur, qui débute à 17h23 pour s'achever à 18h12, après 49 minutes ; du lundi 27 janvier au vendredi 31 janvier inclus, soit dans la semaine précédant l'accident, une activité journalière similaire qui se répartit au quotidien sur deux périodes. Celle du matin s'échelonne entre 6h50 et 7h55, et celle du soir entre 17h20 et 18h15. Leur durée respective est de 1h05' et de 55', soit en moyenne de 2h00 par jour ; le lundi 3 février 2014, jour de l'accident, l'activité débute par une période de travail de 6h45 à 6h55, puis une période de conduite jusqu'à 7h29, interrompue par une pause de 2 minutes entre 7h22 et 7h24. la règlementation sociale européenne relative aux temps de conduite et de repos dans le secteur des transports par route est respectée ; le jour de l'accident le conducteur travaille pour le compte de l'entreprise LAUNOY depuis un peu plus d'une semaine. La période d'activité du vendredi 24 janvier correspond d'ailleurs à une initiation au circuit par l'ancien conducteur ; au moment de l'accident le conducteur conduit depuis 36 minutes.
Il ressort de cet examen les premières conclusions suivantes :
36
L'examen du diagramme des vitesses de l'autocar Le diagramme des vitesses de l'autocar montre une chute brutale de vitesse entre 7h28'34'' et 7h28'44'' qui correspond à l'accident. La vitesse de l'autocar passe alors de 55 km/h à 0 km/h en 10 secondes, ce qui traduit à une décélération moyenne de 5 km/h/s soit de 1,4 m/s2.
Figure 31 : Diagramme des vitesses de l'autocar dans les minutes précédant l'accident
L'analyse de ce diagramme pendant les minutes qui ont précédé l'accident, précisément entre 7h24'15'' et l'immobilisation du véhicule à 7h28'44', soit pendant 4 minutes et 29 secondes, est la suivante :
de 7h25'15'' à 7h26'40'', soit pendant 1 min 25 s dans la période s'étendant entre 3'29'' et 2'04'' avant l'immobilisation de l'autocar, celui-ci est à l'arrêt ; de 7h26'40'' à 7h28'34'', soit pendant 1 min 54 s dans la période s'étendant entre 2'04'' et 10'' avant l'immobilisation de l'autocar, la courbe de vitesse présente une première pointe à 36 km/h suivie d'une brève immobilisation. Puis, elle monte en deux paliers successifs jusqu'à 55 km/h ; de 7h28'34'' à 7h28'39'', soit pendant 5 s dans la période s'étendant entre 10'' et 5'' avant l'immobilisation de l'autocar, la vitesse de l'autocar décroît de 55 km/h à 22 km/h, ce qui correspond à une décélération de 6,5 km/h/s, soit de 1,8 m/s2. Le véhicule parcourt dans ce temps la distance de 62,50 mètres ;
37
de 7h28'39'' et 7h28'44'', dans les 5 dernières secondes avant l'immobilisation de l'autocar, la vitesse de l'autocar fait un bond à 24 km/h puis descend jusqu'à 0 km/h, ce qui correspond à une décélération du même ordre, à savoir de 4,8 km/h/s, soit de 1,3 m/s2. Le véhicule parcourt dans ce temps la distance de 17,25 mètres. l'arrêt d'1 min 25 s, entre 7h25'15'' et 7h26'40'', correspond très probablement au dernier arrêt de l'autocar à Einville-au-Jard, au niveau de la rue Karquel ; le bref arrêt après la pointe de vitesse à 36 km/h correspond très probablement au tourne-à-gauche de l'autocar pour suivre la RD160 à la sortie de l'agglomération d'Einville-au-Jard ; la vitesse de 55 km/h atteinte avant le virage dans lequel s'est produit l'accident est cohérente avec le profil de la route ; la décélération qui a suivi, à l'approche du virage, se caractérise par son faible niveau, 1,8 m/s2, ce qui correspond très probablement à l'utilisation du seul frein moteur ; la cause du sursaut de vitesse de 22 à 24 km/h n'a pu être précisément déterminée. Compte tenu de la localisation du début des traces sur l'accotement, juste après le ponceau, et du témoignage du conducteur qui dit avoir accéléré en sortie de virage, il correspond probablement au patinage d'une roue motrice à la sortie de ce ponceau, lors de son passage sur le dévers inversé de la chaussée.
Il ressort de cette analyse les premières conclusions suivantes :
3.5 -
Le bilan lésionnel
Cette sortie de route a coûté la vie à un élève. Dix-huit des 55 personnes, conducteur inclus, présentes à bord de cet autocar ont été blessées. L'une d'entre elles a été hospitalisée plus de 24 heures.
Personnes indemnes Personnes blessées
Personnes blessées hospitalisées Personnes décédées
Figure 32 : Localisation des victimes dans l'autocar accidenté
L'analyse de la localisation des victimes et de leurs blessures fait ressortir les éléments suivants :
la plupart des élèves blessés souffrent d'hématomes et de douleurs articulaires, provoqués par la projection de ceux assis à la gauche du couloir central, dans le sens de la marche de l'autocar, sur ceux assis à la droite de ce couloir ; l'élève hospitalisée plus de 24 heures était assise au milieu de l'autocar sur son côté gauche, contre la fenêtre. Elle a été projetée dans l'escalier de la sortie centrale ; l'élève mortellement blessé était assis dans la dernière rangée sur le côté droit de l'autocar contre la fenêtre. Lors du choc, il a été propulsé à travers la fenêtre à côté de laquelle il était assis, par la projection des quatre élèves assis à sa gauche ;
38
la concentration de deux tiers des victimes, 12 sur 19, et notamment des plus gravement atteintes au niveau et derrière la porte centrale de l'autocar, traduit un choc plus important au niveau de la partie arrière droite du véhicule.
En première conclusion, le bilan corporel de cet accident est anormalement élevé pour une sortie de route à une aussi faible vitesse. Cela est très probablement dû à la sécheresse du choc latéral contre le fond du fossé, situé deux à trois mètres en contrebas de la chaussée, et à la projection des passagers à l'intérieur de l'autocar.
39
4 - Analyse du déroulement de l'accident et des secours
4.1 Le trajet
Le lundi matin 3 février 2014 vers 7h00, il fait encore nuit. Le temps est humide et froid. Les nappes de brouillard sont fréquentes et les chaussées glissantes. L'autocar assurant la ligne de transport scolaire S658 commence son service, après que son conducteur a dégivré le pare-brise et les vitres latérales. Il s'agit d'un conducteur expérimenté qui connaît bien l'itinéraire qu'il va emprunter. Vers 7h25, l'autocar s'arrête à Einville-au-Jard. Une vingtaine d'élèves monte à son bord. Avec 54 passagers pour 64 places assises, l'autocar est presque plein. Tout le monde est assis. La plupart des élèves n'ont, comme à l'habitude, pas bouclé leurs ceintures de sécurité. À cette heure matinale l'ambiance à l'intérieur de l'autocar est calme, car les élèves somnolent avec leurs casques audio sur les oreilles ou consultent leurs smartphones. Vers 7h27, en retard de 5 minutes sur l'horaire, l'autocar repart en direction de Ravillesur-Sânon. Il franchit le pont sur le Sânon, oblique à gauche pour suivre la RD160 et quitte l'agglomération d'Einville-au-Jard.
4.2 -
L'accident
Le conducteur accélère jusqu'à la vitesse de 55 km/h. À l'approche du ponceau franchissant le ru des Saules et du virage à gauche à 90° qui le suit, il constate qu'une nappe de brouillard réduit la visibilité à quelques dizaines de mètres et que la chaussée du ponceau et ses abords présentent des traces de givre. Il lève le pied de l'accélérateur et aborde le ponceau à la vitesse de 22 km/h. Il serre le bord droit de la route, afin de ménager un espace suffisant pour le croisement éventuel d'un véhicule arrivant en sens opposé. L'avant de l'autocar franchit le ponceau, puis passe le dévers inversé du virage. Il accélère à la sortie du virage, très probablement au moment du passage des roues arrière dans le dévers inversé du virage à gauche suivant le ponceau, dont la chaussée est rendue glissante par le givre. Cette manoeuvre déclenche une perte d'adhérence des roues arrière de l'autocar et le dérapage concomitant de sa partie arrière vers l'accotement droit. L'arrière de l'autocar bascule dans le fossé, entraînant avec lui l'avant du véhicule. Son côté arrière droit heurte sèchement le fond du fossé, tandis que son avant droit va heurter le talus qui le ferme. Dans le choc, les élèves sont soulevés et projetés vers la droite de l'autocar. Ils retombent les uns sur les autres. La poussée des cinq élèves de la dernière rangée brise la fenêtre arrière droite et entraîne l'éjection de l'autocar de celui qui en était le plus proche. Le choc contre le talus déforme le coin avant droit de l'autocar et brise les vitres de ses portes avant. L'autocar s'immobilise dans le fossé, incliné à 45° par rapport à la verticale. L'ouverture des portes est bloquée par le rebord du fossé.
41
4.3 -
L'évacuation et les secours
Les élèves et leurs proches alertent les secours dans la minute de l'accident. Le conducteur, choqué, téléphone à son entreprise. Il ne prévient les secours que 6 minutes et demie après l'accident. Pendant ce temps, accourus immédiatement sur les lieux, des proches des élèves tentent de briser le pare-brise avec leurs poings puis des outils de fortune. Ils parviennent à y ménager une ouverture de taille suffisante par laquelle ils évacuent la plupart des occupants de l'autocar. Les issues de secours, fenêtres et trappes de toit, ne sont pas utilisées. Cette évacuation s'achève entre 20 minutes et 30 minutes après l'accident, au moment de l'arrivée des forces de l'ordre et des secours retardés par les routes glissantes. Un blessé en état d'urgence absolue est transporté au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy. Les autres blessés sont évacués vers l'hôpital de Lunéville. Une cellule de crise est mise en place dans la salle des fêtes d'Einville-au-Jard. Le personnel médical du service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) y accueille et examine les autres adolescents. Une cellule d'écoute et de soutien psychologique y est mise à leur disposition. Des cellules du même type sont mises en place dans les établissements scolaires où ces adolescents se rendaient. Au total, près de 60 sapeurs-pompiers et 35 gendarmes ont été mobilisés sur cette intervention.
42
5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives
5.1 Le schéma des causes et des facteurs associés
Les investigations conduites par le BEA-TT permettent d'établir le graphique ci-après qui synthétise le déroulement de l'accident et en identifie les causes et facteurs associés.
Figure 33 : Schéma des causes et des facteurs associés
43
Cette analyse conduit le BEA-TT à rechercher des recommandations préventives dans les trois domaines suivants :
les caractéristiques de la chaussée dans le virage de l'accident ; le port de la ceinture de sécurité dans les autocars ; l'évacuation en cas d'accident des autocars assurant un service de transport scolaire.
5.2 -
Les caractéristiques de la chaussée dans le virage de l'accident
Cet axe de prévention a été analysé dans le rapport d'étape publié en mars 2014. Une recommandation immédiate a été formulée visant à réaménager dans les meilleurs délais, et en tout cas avant l'hiver 2014/2015, le virage concerné. Les suites données à cette recommandation sont indiquées dans le paragraphe 2-2-5. Il n'apparaît pas nécessaire d'émettre de nouvelles préconisations sur ce thème.
5.3 -
Le port de la ceinture de sécurité dans les autocars
Le bilan corporel anormalement élevé de cet accident, au regard de la faible vitesse à laquelle il s'est produit, est dû au non-port de la ceinture de sécurité qui a permis la projection des élèves les uns contre les autres et l'éjection mortelle de l'un d'entre eux à travers une vitre. Aujourd'hui la plupart des collégiens et lycéens circulant dans les autocars de transports scolaires n'attachent pas leur ceinture de sécurité, et ce malgré toutes les actions de sensibilisation menées, au niveau local comme au niveau national, et malgré toutes les mesures inscrites dans les règlements locaux de transport et dans les conventions passées avec les transporteurs. Cette situation est préoccupante, plus de dix ans après l'instauration de cette obligation, alors que l'intérêt du port de la ceinture de sécurité n'est plus contesté et que les enfants sont presque tous attachés lorsqu'ils circulent dans les voitures de tourisme. Leur taux de port aux places arrière, qu'ils occupent le plus souvent, est en effet de 90 % hors agglomération et 79 % en agglomération (source : bilan 2014 de l'observatoire national interministériel de la sécurité routière - ONISR). Cette situation s'explique par une série complexe de facteurs qui renvoie à l'incapacité pratique des adultes (parents, autorités organisatrices de transport, conducteurs d'autocar) à faire respecter la règlementation par les adolescents qui voyagent seuls. Le BEA-TT note pour sa part que l'information des passagers d'autocars sur l'obligation du port de la ceinture de sécurité est réduite à sa portion congrue, au regard des ambitions affichées et des possibilités juridiques offertes par la directive 91/671/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, relative au port obligatoire de la ceinture de sécurité. En effet, cette information se résume, dans la plupart des autocars, au minimum règlementaire, à savoir quelques panneaux d'information disposés en hauteur (trois dans l'autocar de 64 places en cause dans le présent rapport), alors que cette directive permet également la pose d'un pictogramme devant chaque place assise ou la diffusion d'un message par le conducteur, le convoyeur ou un système audiovisuel. Le BEA-TT en conclut que les dispositions et mesures actuelles ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Il souligne l'intérêt que pourrait présenter, outre la présence d'un pictogramme devant chaque place assise, une information quotidienne, sonore ou audiovisuelle des élèves, qui serait plus adaptée à l'évolution des mentalités et compatible avec les équipements médias embarqués à bord des véhicules.
44
Elle serait diffusée sous forme de messages types d'information, comme cela se pratique de longue date dans les autobus urbains ainsi que dans les transports ferrés et aériens. Elle pourrait s'insérer dans une information plus générale sur la sécurité et les consignes d'évacuation. Le BEA-TT note également l'intérêt d'étendre la diffusion de ces messages à tous les autocars assurant des lignes régulières interurbaines, actuellement en plein développement, et des services occasionnels de moyennes et longues distances. En effet, le BEA-TT constate dans les accidents d'autocar, hors incendie du véhicule, qu'il a analysés, que la plus grande partie des décès survenus sont consécutifs à des éjections qui auraient pu être évitées si les ceintures de sécurité avaient été bouclées. Aussi, le BEA-TT émet la recommandation suivante : Recommandation R1 (Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer - DGITM et Délégation à la Sécurité et à la Circulation Routières - DSCR) : Promouvoir, par la concertation ou par la voie réglementaire, la diffusion dans tous les autocars assurant un service de transport scolaire, une ligne régulière interurbaine ou un service occasionnel de moyenne ou de longue distance, de messages préenregistrés, audio ou vidéo, d'information des passagers sur l'intérêt et l'obligation du port de la ceinture de sécurité. Ces messages pourraient s'insérer dans des messages plus généraux rappelant les consignes et obligations en matière de sécurité et d'évacuation.
5.4 -
L'évacuation des autocars scolaires
L'évacuation de l'autocar après l'accident a été anormalement longue, de l'ordre de 20 à 30 minutes, ce qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques, notamment si un feu s'était déclaré. Cette situation résulte notamment de la méconnaissance par les élèves et leurs parents de la localisation des issues de secours et de leurs mécanismes d'ouverture. Lorsqu'un accident survient, la consigne générale est d'évacuer rapidement l'autocar, notamment pour se protéger des risques d'incendie, et de mettre les passagers en lieu sûr. Pour cela, il importe que les élèves aient été préalablement sensibilisés aux consignes qu'ils devront observer, et qu'ils aient été parallèlement informés de l'emplacement d'un certain nombre de commandes et d'équipements. Cette recommandation figure dans le guide pour la sécurité des transports scolaires à l'usage des décideurs et de leurs partenaires, dans sa dernière édition de décembre 2015. Toutefois, elle n'est pas encore mise en oeuvre vers tous les élèves concernés. Sans émettre de recommandation formelle, le BEA-TT attire l'attention des autorités organisatrices de transport sur l'intérêt de généraliser l'information et la formation des élèves sur les procédures d'évacuation d'urgence des autocars.
45
6 - Conclusions et recommandations
6.1 Les causes de l'accident
La cause directe et immédiate de cet accident est la présence de verglas dans un virage présentant sur son bord droit, dans le sens de circulation de l'autocar concerné, une flache prononcée engendrant une inversion localisée de dévers. Plusieurs facteurs ont joué ou auraient pu jouer un rôle dans l'aggravation des conséquences de cet accident :
le non-port de la ceinture de sécurité par la presque totalité des passagers de l'autocar qui, lors de son basculement dans le fossé, a permis la projection des élèves à l'intérieur du véhicule et l'éjection de l'un d'entre eux à travers la fenêtre à côté de laquelle il était assis ; l'évacuation tardive de l'autocar résultant notamment de la méconnaissance par les passagers des consignes d'évacuation du véhicule ainsi que de la localisation et du fonctionnement des issues de secours.
6.2 -
Les orientations préventives
Au vu de ces éléments, et en plus de la recommandation immédiate qu'il a émise dans son rapport d'étape de mars 2014 et qui est reprise en annexe 2 du présent rapport, le BEA-TT émet la recommandation suivante : Recommandation R1 (Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer - DGITM et Délégation à la Sécurité et à la Circulation Routières - DSCR) : Promouvoir, par la concertation ou par la voie réglementaire, la diffusion dans tous les autocars assurant un service de transport scolaire, une ligne régulière interurbaine ou un service occasionnel de moyenne ou de longue distance, de messages préenregistrés, audio ou vidéo, d'information des passagers sur l'intérêt et l'obligation du port de la ceinture de sécurité. Ces messages pourraient s'insérer dans des messages plus généraux rappelant les consignes et obligations en matière de sécurité et d'évacuation. En outre, sans émettre de recommandation formelle, le BEA-TT attire l'attention des autorités organisatrices de transport sur l'intérêt de généraliser l'information et la formation des élèves sur les procédures d'évacuation d'urgence des autocars.
47
ANNEXES
Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête Annexe 2 : Recommandation émise dans le rapport d'étape du BEA-TT de mars 2014 Annexe 3 : Réponse du destinataire de la recommandation émise dans le rapport d'étape du BEA-TT de mars 2014 Annexe 4 : Dépliant de la campagne de communication menée par l'ANATEEP en 2015 sur le port de la ceinture de sécurité dans les autocars
49
Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête
51
Annexe 2 : Recommandation émise dans le rapport d'étape du BEA-TT de mars 2014
52
Annexe 3 : Réponse du destinataire de la recommandation émise dans le rapport d'étape du BEA-TT de mars 2014
53
54
Annexe 4 : Dépliant de la campagne de communication menée par l'ANATEEP en 2015 sur le port de la ceinture de sécurité dans les autocars
55