Rapport d'enquête technique sur le déraillement d'un train survenu le 28 janvier 2015 à Paris-Gare-de-Lyon

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
Ce document est le rapport d'enquête technique du Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de transport Terrestre concernant le déraillement d'un train survenu le 28 janvier 2015 à Paris-Gare-de-Lyon. A cette date, un TGV, venant se mettre à quai dans la gare de Lyon à Paris, déraille en franchissant une aiguille à faible vitesse. L'incident n'a pas fait de victimes mais les dégâts sur les installations de voie sont importants. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents, en déterminant les circonstances et les causes de l'événement analysé et en établissant les recommandations de sécurité utiles. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités.
Editeur
Bureau d'enquêtes sur les Accidents de transport Terrestre (BEA-TT)
Descripteur Urbamet
train ; accident ; sécurité ; prévention des risques ; gestion de la circulation ; TGV ; DERAILLEMENT
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
RAPPORT D'ENQUÊTE TECHNIQUE sur le déraillement d'un train survenu le 28 janvier 2015 à Paris-Gare-de-Lyon Novembre 2016 Ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer www.developpement-durable.gouv.fr Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre Affaire n° BEATT-2015-002 Rapport d'enquête technique sur le déraillement d'un train survenu le 28 janvier 2015 à Paris-Gare-de-Lyon Bordereau documentaire Organisme commanditaire : Ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer (MEEM) Organisme auteur : Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) Titre du document : Rapport d'enquête technique sur le déraillement d'un train survenu le 28 janvier 2015 à Paris-Gare-de-Lyon N° ISRN : EQ-BEAT--16-15--FR Proposition de mots-clés : déraillement, TGV, signalisation, aiguillage, enclenchement Avertissement L'enquête technique faisant l'objet du présent rapport est réalisée dans le cadre des articles L. 1621-1 à 1622-2 et R. 1621-1 à 1621-26 du code des transports relatifs, notamment, aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents, en déterminant les circonstances et les causes de l'événement analysé et en établissant les recommandations de sécurité utiles. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. SOMMAIRE GLOSSAIRE...................................................................................................................................9 RÉSUMÉ.......................................................................................................................................11 1 - CONSTATS IMMÉDIATS ET ENGAGEMENT DE L'ENQUÊTE............................................13 1.1 - Les circonstances de l'accident.......................................................................................13 1.2 - Le bilan humain et matériel..............................................................................................13 1.3 - L'engagement et l'organisation de l'enquête...................................................................13 2 - CONTEXTE DE L'ACCIDENT................................................................................................15 2.1 - Paris-Gare-de-Lyon..........................................................................................................15 2.2 - Les exploitants ferroviaires concernés............................................................................17 2.3 - L'organisation de la maintenance de l'infrastructure du réseau ferré national................17 2.4 - L'aiguille 22 et le Poste 2 de Paris-Gare-de-Lyon...........................................................18 2.5 - Les travaux de catégorie 1 sur les installations de sécurité du réseau ferré national.....20 3 - COMPTE RENDU DES INVESTIGATIONS EFFECTUÉES..................................................23 3.1 - Les résumés des témoignages........................................................................................23 3.2 - Les constats relatifs aux matériels roulants concernés...................................................24 3.3 - Les constats relatifs aux installations..............................................................................26 3.4 - Les investigations et le scénario de l'accident.................................................................27 3.5 - L'opération de maintenance effectuée juste avant l'accident..........................................30 3.6 - Les mesures prises suite à l'accident..............................................................................31 4 - ANALYSE DU DÉROULEMENT DE L'ACCIDENT................................................................33 4.1 - L'opération de maintenance effectuée juste avant l'accident..........................................33 4.2 - Le déraillement et les mesures prises suite à l'accident.................................................33 5 - ANALYSE DES CAUSES ET FACTEURS ASSOCIÉS, ORIENTATIONS PRÉVENTIVES. .35 5.1 - Le schéma des causes et des facteurs associés............................................................35 5.2 - La qualité de la formation pratique et de la supervision des jeunes agents SE..............36 5.3 - La qualité des référentiels locaux relatifs à la maintenance de telles installations.........37 5.4 - La modernisation des installations des Postes 1 et 2 de Paris-Gare-de-Lyon................37 6 - CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS.........................................................................39 6.1 - Les causes de l'accident..................................................................................................39 6.2 - Les recommandations......................................................................................................39 ANNEXES.....................................................................................................................................41 Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête.............................................................................43 Annexe 2 : Principes de la réglementation de SNCF Réseau relative aux travaux sur les installations d'infrastructure du réseau ferré national............................................44 Glossaire ATESS : Acquisition, Traitement des Événements de Sécurité en Statique BAL : Block Automatique Lumineux COGC : Centre de Gestion des Circulations Ferroviaires DET : Directeur d'ÉTablissement DPX : Dirigeant de ProXimité DUP : Dirigeant d'Unité de Production DT : Disposition Technique EPSF : Établissement Public de Sécurité Ferroviaire FOH : Facteurs Organisationnels et Humains IS : Installations de Sécurité PAM : Plan Annuel de Maintenance PK : Point Kilométrique RER : Réseau Express Régional d'Île-de-France RFF : Réseau Ferré de France RFN : Réseau Ferré National RGS : Règlement Général de Sécurité SE : Signalisation Électrique SM : Signalisation Mécanique SNCF : Société Nationale des Chemins de fer Français SNCF Mobilités : Entreprise ferroviaire du groupe SNCF SNCF Réseau : Gestionnaire d'infrastructure du RFN STIF : Syndicat des Transports d'Île-de-France TCO : Tableau de Contrôle Optique TER : Train Express Régional TGV : Train à Grande Vitesse TO : Technicien Opérationnel UP : Unité de Production 9 Résumé Le 28 janvier 2015 à 17h35, un train composé de deux rames TGV vides déraille à la vitesse de 29 km/h juste après l'aiguille 22L à Paris-Gare-de-Lyon. Il venait du chantier de lavage pour rejoindre la voie 15 à quai d'où il devait partir à 18h23 pour Zurich. Le train s'arrête environ 240 mètres plus loin. Aucune victime n'est à déplorer mais le matériel roulant et les installations de voie sont très endommagés. La cause directe de l'accident est le changement de position de l'aiguille 22L sous la troisième remorque de la rame de tête. La première partie du train a été ainsi dirigée comme prévu vers la voie 15 à quai alors que sa seconde partie a été aiguillée en direction de la voie 7. Cela a occasionné le déraillement de quatre remorques intermédiaires qui se sont mises en travers des voies 7 à 15. Ce mouvement inopiné de l'aiguille 22L sous un train aurait normalement dû être rendu impossible par un dispositif de sécurité, dénommé « enclenchement de transit », dont est doté le Poste 2 de Paris-Gare-de-Lyon depuis lequel les itinéraires de ce secteur sont commandés. Or, cet enclenchement avait été annulé suite à un mauvais réglage lors d'une opération de maintenance préventive des dispositifs de contrôle-commande de cette aiguille effectuée moins de deux heures auparavant par deux agents de maintenance peu expérimentés pour ce type d'intervention. L'analyse de cet accident a conduit le BEA-TT à adresser à SNCF Réseau trois recommandations visant à améliorer : la qualité de la formation pratique et de la supervision des jeunes agents SE ; la qualité des référentiels locaux relatifs à la maintenance de telles installations de sécurité anciennes très particulières ; les installations des Postes 1 et 2 de Paris-Gare-de-Lyon. 11 1 - Constats immédiats et engagement de l'enquête 1.1 Les circonstances de l'accident Le 28 janvier 2015 à 17h35, un train composé de deux rames TGV vides déraille à la vitesse de 29 km/h juste après l'aiguille 22L à Paris-Gare-de-Lyon. Il venait du chantier de lavage pour rejoindre la voie 15 à quai d'où il devait partir à 18h23 pour Zurich. Le train s'arrête environ 240 mètres plus loin. Fig. 1 : L'accident 1.2 - Le bilan humain et matériel Aucune victime n'est à déplorer. Les quatre voitures remorquées qui ont déraillé ont subi des dégâts importants, en particulier au niveau de leurs anneaux d'inter-circulation, de leurs bogies et du dessous de caisse d'une voiture qui s'est encastrée dans un quai. Les essieux qui ont déraillé ont occasionné d'importants dommages aux installations de voie et notamment le remplacement de 16 demi-aiguillages, de 11 mécanismes de commande d'aiguilles, de 2 coeurs d'appareils de voie, de 6 coupons de rail et de 60 traverses. 1.3 - L'engagement et l'organisation de l'enquête Au vu des circonstances de cet accident, le directeur du bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) a ouvert, le 29 janvier 2015, une enquête technique en application des articles L. 1621-1 et R. 1621-22 du code des transports. 13 Les enquêteurs du BEA-TT se sont rendus sur place et ont rencontré les différents agents directement impliqués dans l'accident ainsi que les représentants des différents services concernés de la SNCF. Ils ont pu disposer de l'ensemble des pièces et documents nécessaires à leurs analyses, et en particulier des rapports d'enquêtes établis par ces services. Par ailleurs, cet accident fait partie des quatre événements concernant la maintenance des installations de signalisation pris en compte dans le cadre de l'analyse des facteurs organisationnels et humains menée de juin à septembre 2015 par le cabinet Ligeron pour le compte du BEA-TT. Les résultats de cette étude sont consultables sur le site du BEA-TT : http://www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr 14 2 - Contexte de l'accident 2.1 Paris-Gare-de-Lyon Paris-Gare-de-Lyon est la gare terminus du réseau ferré national à partir de laquelle SNCF Mobilités* dessert, depuis Paris, le sud-est de la France avec notamment les TER* Bourgogne et les TGV* Sud-Est, ainsi que Barcelone, la Suisse et l'Italie. La ligne R du réseau transilien de la SNCF dessert depuis cette gare la banlieue sud-est de Paris jusqu'à Montereau et Montargis. Elle comporte également une partie souterraine qui est l'une des principales gares de la ligne du RER* D qui relie Orry-la-Ville et Creil au nord jusqu'à Malesherbes et Melun dans le sud-est de la région parisienne. La gare « grandes lignes » dispose de deux halls pour les départs et les arrivées des TGV, des TER et des trains de la ligne R précités. Le hall 1 permet d'accéder à 12 voies à quai identifiées par des lettres et le hall 2 à 10 voies à quai numérotées 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 19, 21 et 23. Ces installations sont présentées dans la figure 2 qui permet également de visualiser l'emplacement des Postes 1 et 2 et de l'aiguille 22L concernée par ce déraillement. À l'étage inférieur, le hall 3 permet aux voyageurs d'accéder aux voies à quai des halls 1 et 2, ainsi qu'aux quais de la gare souterraine du RER D. Fig. 2 : Les itinéraires suivis par les deux parties du train qui a déraillé dans Paris-Gare-de-Lyon Les Postes 1 et 2 de Paris-Gare-de-Lyon, situés dans un même bâtiment implanté en sortie des quais de la gare « grandes lignes », permettent de gérer les installations de voie donnant respectivement accès aux voies à quai du hall 1 et du hall 2. La figure 3 permet de visualiser la répartition des voies et des appareils de voie entre les deux postes, ainsi que l'itinéraire tracé pour le train qui a déraillé le 28 janvier 2015 sur l'aiguille 22L. En raison de l'obsolescence des installations des Postes 1 et 2 de Paris-Gare-de-Lyon et de l'impossibilité de les adapter aux évolutions envisagées du plan de voies de la gare, RFF * avait approuvé en 2010 un projet de régénération de ces postes d'aiguillage avec des technologies informatiques. La mise en service en était prévue initialement pour le deuxième semestre 2015 puis a été reportée à 2017. * Termes figurant dans le glossaire. 15 Fig. 3 : Schéma de la répartition des voies de la gare de Lyon entre les Postes 1 et 2 Fig. 4 : Photo des Postes 1 et 2 de la gare de Lyon à Paris 16 2.2 - Les exploitants ferroviaires concernés L'accident analysé dans le présent rapport implique essentiellement deux services de SNCF Réseau* intervenant au titre des activités de gestionnaire d'infrastructure du réseau ferré national (RFN) sous couvert d'un agrément de sécurité qui avait été délivré à la SNCF le 14 février 2013 par l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) : le service chargé de la maintenance et des travaux sur l'infrastructure dont dépendent les deux agents de l'infrapôle « Paris-Sud-Est » qui ont effectué l'opération de maintenance préventive des dispositifs de contrôle-commande de l'aiguille 22L 2 heures avant le déraillement du train ; le service en charge de la gestion des circulations dont dépendent les agents-circulation du Poste 2 de Paris-Gare-de-Lyon. Par ailleurs, il implique également l'entreprise ferroviaire SNCF qui exploitait le train qui a déraillé le 28 janvier 2015, sous couvert d'un certificat de sécurité qui lui a été délivré par l'EPSF le 24 mai 2012 pour l'exécution de services de transport ferroviaire sur le RFN. 2.3 - L'organisation de la maintenance de l'infrastructure du réseau ferré national La maintenance des diverses installations d'infrastructure sur une zone géographique donnée est de la responsabilité d'un établissement appelé « infrapôle ». Par ailleurs, notamment pour des travaux importants, il peut avoir recours à des entreprises extérieures ou à des moyens spécifiques d'établissements logistiques SNCF dénommés « infralogs ». SNCF Réseau dispose de près d'une cinquantaine d'établissements chargés de la maintenance et des travaux sur l'infrastructure, dont une trentaine d'infrapôles. Un infrapôle est dirigé par un directeur d'établissement (DET) assisté par plusieurs pôles d'appui spécialisés dans les différents aspects de son management, notamment le suivi de sa production, de la qualité et de la sécurité. Il comprend plusieurs unités de production (UP) spécialisées (voie, signalisation, caténaires, énergie, logistique, travaux...), chacune sous la responsabilité d'un dirigeant (DUP) secondé par des assistants spécialisés. Chaque UP comprend plusieurs secteurs géographiques, chacun dirigé par un « dirigeant de proximité » (DPX). S'agissant des unités de production signalisation, dites « UP SES », chaque DPX, assisté par un ou plusieurs agents de maîtrise dénommés « techniciens opérationnels » (TO), encadre jusqu'à une vingtaine d'agents de maintenance de la signalisation électrique (SE) ou de la signalisation mécanique (SM) qui effectuent l'entretien des installations conformément au plan annuel de maintenance systématique (PAM). Tous sont formés et habilités1 à la fonction de « mainteneur de l'infrastructure au titre des interventions sur les installations de sécurité ». L'infrapôle « Paris-Sud-Est » concerné s'étend depuis Paris-Gare-de-Lyon sur plus de 200 kilomètres vers le sud-est de Paris. Cet établissement mixte « maintenance-travaux » est l'infrapôle le plus important de SNCF Réseau en termes de personnels avec quelque 1600 agents. Il comprend cinq pôles d'appui, une agence logistique, deux unités travaux et neuf unités de production voie, SES ou mixte. Les deux agents SE impliqués dans cet accident appartiennent au secteur « SES-Paris » de l'unité de production mixte « inframaintenance-Paris » composée de six secteurs. Le secteur « SES-Paris » comprend trois parcours de maintenance et un parcours d'astreinte sur l'ensemble du secteur. Il est dirigé par un DPX localisé à la gare de Lyon avec son équipe composée d'un TO et de six agents SE qui interviennent généralement en binôme, y compris lors des astreintes. * Terme figurant dans le glossaire 1 Au titre de l'arrêté du 30 juillet 2003 relatif aux conditions d'aptitude physique et professionnelle et à la formation du personnel habilité à l'exercice de fonctions de sécurité sur le réseau ferré national et du référentiel SNCF IN 01474 intitulé « aptitude aux fonctions de sécurité des agents de l'équipement ». 17 Depuis plusieurs années, l'infrapôle « Paris-Sud-Est » doit faire face à une intensification des travaux de régénération des installations d'infrastructure vieillissantes sur son territoire et plus généralement sur l'Île-de-France2. À cet effet, l'établissement a engagé une politique de formation des nombreux jeunes embauchés, notamment dans le métier de la maintenance de la signalisation. Cet infrapôle est ainsi clairement soumis aux contraintes pesant sur les facteurs organisationnels et humains (FOH) mises en évidence dans le cadre de l'analyse FOH mentionnée au chapitre 1.3. Les conclusions de cette analyse réalisée par le cabinet LIGERON sont reprises en annexe 2. 2.4 - L'aiguille 22 et le Poste 2 de Paris-Gare-de-Lyon L'aiguille 22L est commandée et contrôlée depuis le Poste 2 de Paris-Gare-de-Lyon. Il s'agit d'un branchement simple qui donne accès, soit à la voie 15 à quai du hall 2 s'il est positionné à droite, soit aux voies 13 à 5 s'il est positionné à gauche. Le Poste 2 est un poste d'aiguillage de type électromécanique à poignées qui date de 1933. La commande d'un itinéraire s'effectue à l'aide de poignées disposées, selon les zones géographiques des installations considérées, sur quatre rangées sur un pupitre de commande. Un tableau de contrôle optique (TCO) permet de visualiser la position des signaux d'arrêt et des aiguilles, ainsi que les zones de voie, en blanc si elles sont prises par un itinéraire tracé, en rouge si elles sont occupées par un train. Un local technique situé sous le poste reprend les mécanismes et relais électriques nécessaires à son fonctionnement. Ce poste à transit souple3 ne permet ni l'enregistrement, ni la programmation des itinéraires. Il est exploité par un agent-circulation, seul responsable de la gestion des circulations ferroviaires sur le secteur, assisté de plusieurs aiguilleurs. Comme le présente la figure 5-1, chaque poignée, normalement disposée verticalement en position neutre, est numérotée et repérée par l'origine et la destination de l'itinéraire élémentaire qu'elle commande. Elle peut être renversée à 90°, vers la droite ou vers la gauche, pour commander l'itinéraire élémentaire correspondant dans le sens du mouvement désiré. À cet effet, l'agent du poste : 1. la tire vers lui afin de mettre les aiguilles4 concernées en position pour cet itinéraire ; 2. la tourne à 60° afin de tracer sur le TCO l'itinéraire visualisé par les voyants allumés des zones et des aiguilles concernées ; 3. puis la tourne à 90° afin de provoquer l'ouverture du signal à l'origine de l'itinéraire, autorisant ainsi la mise en mouvement du train considéré. 2 Les agents de l'infrapôle sont fréquemment demandés pour renforcer les moyens de la structure de SNCF Réseau dédiée aux travaux importants sur la région parisienne. 3 C'est-à-dire qu'il est possible d'établir un itinéraire sécant au fur et à mesure de la libération des zones après le passage d'un train sans attendre la libération de l'itinéraire complet. 4 La traction de la poignée active mécaniquement, par l'intermédiaire d'un ensemble de tringles, notamment les balanciers d'aiguilles, les commutateurs électriques de commande des moteurs d'aiguille concernés. 18 1- Les poignées de commande 2- Le local technique sous le poste 3- Le pupitre de commande et le tableau de contrôle optique du Poste 2 Fig. 5 : Technologie du Poste 2 de Paris-Gare-de-Lyon Pour commander un itinéraire composé de plusieurs itinéraires élémentaires, l'agent du poste actionne les poignées correspondant à chacun d'eux en commençant par celui de destination pour finir par celui d'origine5. Tous les voyants des zones de voie de l'itinéraire tracé s'allument en blanc sur le TCO et le signal origine s'ouvre pour le train concerné puis repasse au rouge dès son franchissement. 5 Cela permet de garantir que le signal à l'origine de l'itinéraire, derrière lequel est arrêté le train concerné, s'ouvre en direction de la destination désirée. 19 L'avancée du train est visualisée sur le TCO par le passage au rouge des voyants des zones de voie occupées par le train puis, une fois libérées, par leur extinction. Sans attendre la libération de l'itinéraire complet, l'agent du poste peut remettre les poignées en position neutre au fur et à mesure de la libération des zones de voie, afin de pouvoir établir un autre itinéraire derrière ce train. En revanche, des verrous d'enclenchements électriques agissant sur les balanciers d'aiguilles empêchent toute manoeuvre des aiguilles situées sur les zones non encore libérées de l'itinéraire. Chacun de ces verrous est muni d'un dispositif d'annulation ponctuel, en cas d'un dysfonctionnement bloquant l'aiguille ou le signal concerné, dont l'utilisation est contrôlée par un cadenas. 2.5 - Les travaux de catégorie 1 sur les installations de sécurité du réseau ferré national Compte tenu de leur consistance et de leur impact sur l'exploitation ferroviaire, les opérations de maintenance et les travaux sur les installations de sécurité doivent répondre à des exigences de sécurité définies conformément à la réglementation de SNCF Réseau relative aux travaux sur les installations d'infrastructure du réseau ferré national dont les principes sont précisés en annexe 2. On distingue quatre catégories6 de travaux sur les installations de sécurité : les opérations de la catégorie 1, peu complexes et sans répercussions7 sur le fonctionnement des installations, qui sont donc réalisables entre les circulations ferroviaires après une simple entente verbale avec l'agent du poste concerné, comme c'est généralement le cas pour la maintenance préventive systématique consistant à effectuer le petit entretien et la surveillance des équipements selon l'échéancier du plan annuel de maintenance (PAM) ; les opérations de la catégorie 2 ayant un faible impact sur l'exploitation des installations qui sont maintenues en service moyennant certaines précautions. Ces opérations sont effectuées sous couvert d'une demande d'autorisation de travaux sur installations de sécurité (DATIS) auprès de l'agent du poste, comme c'est généralement le cas pour les petits travaux de maintenance conditionnelle ou corrective ; enfin, les opérations des catégories 3 et 4, complexes et impactant fortement le fonctionnement des installations, qui sont généralement incompatibles avec la circulation des trains et qui sont effectuées en appliquant des documents d'organisation et techniques préparés spécifiquement pour les travaux concernés, comme c'est le cas pour certaines grandes opérations de maintenance et pour les travaux de développement et de modernisation des installations du réseau ferré national. Deux heures avant le déraillement du train survenu le 28 janvier 2015, deux agents SE sont intervenus dans le Poste 2 de Paris-Gare-de-Lyon pour effectuer une opération de maintenance préventive systématique du verrou du balancier de l'aiguille 22L. Une telle intervention, qui devait consister en une simple prise de cotes, sans démontage de pièces, sur un verrou d'enclenchement électrique8 est citée dans les référentiels de SNCF Réseau comme exemple de travaux pouvant être entrepris en catégorie 1. Pour réaliser une telle intervention en catégorie 1, l'agent SE doit préciser verbalement à l'agent du poste : l'installation concernée, les éventuelles répercussions sur le fonctionnement des installations et le moment où il effectue l'opération. Les travaux étant entrepris entre les circulations, l'agent du poste ne prend pas de mesures spécifiques. 6 Selon le règlement S6B comme précisé en annexe 2. 7 Ou peu de répercussions sur le fonctionnement des installations, leur fonctionnement normal pouvant être rétabli rapidement à la demande des agents du poste. 8 En cas d'intervention en 1 ère catégorie sur un tel verrou, le cadenas de son annulateur est ouvert, en perforant un coupon en papier et en annotant un carnet d'enregistrement, ce qui constitue un dispositif d'attention, les agents du poste devant alors considérer les enclenchements électriques correspondants comme défaillants. 20 L'agent SE doit toutefois obligatoirement prendre une disposition technique (DT) lui permettant d'intervenir sans provoquer, à l'insu de l'agent du poste, un changement de position d'un appareil de voie ou l'ouverture d'un signal. Du fait de cette DT, l'installation sur laquelle il intervient est isolée des autres installations de sécurité en service et elle ne peut pas être utilisée à son insu. En cas de besoin, l'agent du poste intervient auprès de l'agent SE afin de rétablir la situation normale. L'agent SE ne supprime la DT que lorsqu'il a vérifié, après vérifications techniques (VT) et essais, que l'installation fonctionne normalement. Si l'intervention ne répond plus à ces conditions, les travaux doivent être interrompus puis poursuivis en catégorie 2. Si, exceptionnellement, les travaux ne peuvent pas être interrompus pour le passage d'une circulation, le maintien de la DT doit concrétiser une situation de dérangement. 21 3 - Compte rendu des investigations effectuées 3.1 Les résumés des témoignages Les résumés présentés ci-dessous sont établis par les enquêteurs techniques sur la base des déclarations, orales ou écrites, dont ils ont eu connaissance. Ils ne retiennent que les éléments qui paraissent utiles pour éclairer la compréhension et l'analyse des événements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre les différents témoignages recueillis ou entre ceux-ci et les constats ou analyses présentés par ailleurs. Les deux agents de maintenance qui ont effectué, deux heures avant l'accident, l'opération de maintenance préventive dans le Poste 2, déclarent : que le choix d'intervenir sur le verrou d'enclenchement électrique du balancier de l'aiguille 22L a été fait en concertation avec l'agent-circulation du poste ; qu'ils ne disposaient que d'un mémento réalisé en 1999 par le DPX local décrivant les cotes à relever lors de cette opération mais pas le réglage, en cas d'anomalie, de la tension du câble de commande de l'annulation de ce verrou9. Un tel réglage est rare et seul le plus expérimenté des deux agents y avait assisté une fois auparavant mais sans y participer directement ; qu'ils se sont d'abord assuré de la concordance entre la commande, le contrôle et la visualisation au TCO de l'aiguille, puis ont pris des dispositions techniques, à savoir la coupure de l'alimentation de son contrôle et de sa commande, pour garantir qu'elle ne pourrait pas être exploitée par les agents du poste pendant leur intervention ; que l'agent le plus expérimenté est resté dans le poste alors que l'autre s'est rendu dans le local technique et qu'ils ont relevé les cotes prévues, qui étaient conformes à celles indiquées dans leur mémento, avant de suspendre leur opération pour laisser passer une circulation à la demande de l'agent-circulation du poste ; qu'après avoir repris les mêmes dispositions techniques, ils ont poursuivi leur intervention en terminant par le dispositif d'annulation du verrou. Ils ont alors constaté qu'il ne fonctionnait pas ; qu'ayant remarqué que le câble de commande de l'annulation de ce verrou était détendu, ils ont rectifié au jugé sa tension, à deux dans le local technique, sans utiliser d'outil de mesure. Pendant qu'un des agents tirait sur le câble avec une pince, le second a resserré son écrou de maintien ; que l'agent le plus expérimenté est ensuite resté dans le local technique alors que l'autre s'est rendu dans le poste et qu'ils ont alors vérifié que le dispositif d'annulation et le verrou assurant l'enclenchement électrique de l'aiguille 22L fonctionnaient, mais sans vérifier à nouveau les cotes relevées avant leur réglage du câble, ni s'assurer de l'absence simultanée de manoeuvres d'autres poignées de commande du poste ; qu'ils ont ensuite supprimé les dispositions techniques et qu'après avoir effectué un essai de fonctionnement de l'aiguille, ils ont rendu l'installation aux agents du poste. Ils ont remplacé le coupon du cadenas, qui avait été perforé pour l'annulation du verrou, et ont signé le carnet d'enregistrement des coupons. que l'opération de maintenance précitée n'était pas prévue et qu'elle a été réalisée avec leur accord de 15h40 à 16h11 ; qu'à 16h41, le TGV n° 6176 venant de Nice a été reçu sur la voie 7 à quai et que c'est le dernier train a avoir franchi l'aiguille 22L avant le train qui a déraillé ; L'agent-circulation et les aiguilleurs présents au Poste 2 précisent : 9 Une tension insuffisante de ce câble rend inopérante la commande d'annulation alors qu'une tension excessive provoque une annulation permanente du verrou. 23 qu'à 17h25, le train impliqué a été annoncé par le poste d'aiguillage gérant les voies de lavage pour se rendre de la voie BL jusqu'à la voie 15 à quai afin d'embarquer les voyageurs à bord du TGV Lyria n° 9223 devant partir à 18h23 pour Zurich ; que c'est un aiguilleur en formation au Poste 2 qui a tracé son itinéraire, à l'aide des poignées de commande n° 93, 63 et 5 correspondant aux trois itinéraires élémentaires « Y vers voie 15 », « voie 2 Quater vers Y » et « voie BL vers voie 2 Quater » conformément aux procédures prévues ; que l'itinéraire s'est formé normalement sur le tableau de contrôle optique du poste et que, derrière le passage du train, l'aiguilleur en formation a remis successivement en position neutre les poignées 5, 63 et 93 immédiatement après libération des zones de voie ; qu'à 17h35, après avoir entendu un bruit sourd provenant du train qui rentrait dans la voie 15 à quai, ils ont constaté son déraillement et ont pris les mesures pour arrêter et retenir toutes les circulations ferroviaires sur la zone du poste. Par ailleurs, ils indiquent que la mise à quai de ce train a été anticipée et effectuée avant le départ, prévu à 17h37, du TGV n° 6123 qui stationnait sur la voie 7 à quai, mais qu'ils n'avaient pas encore choisi l'itinéraire de ce dernier et n'avaient donc manoeuvré aucune poignée de commande à cet effet, celles-ci étant toutes en position neutre. Ils précisent également avoir déjà constaté par le passé des anomalies de formation des itinéraires sur ce poste, non contraires à la sécurité du fait des enclenchements, ce que confirme leur encadrement local. Le conducteur du train concerné indique : qu'arrivé sur la voie 15 à quai, il a ressenti des trépidations en cabine et a constaté une disjonction avec une absence de tension en ligne ; qu'il a alors baissé les pantographes de son train puis informé le Poste 2 de la situation. 3.2 - Les constats relatifs aux matériels roulants concernés Le train concerné était composé de deux rames à grande vitesse, la rame n° 4403 en tête suivie de la rame n° 4402, présentées dans la figure 6 ci-après, comprenant chacune huit remorques encadrées par deux motrices. Les constats après l'accident sont les suivants : la motrice de tête M2 de la rame n° 4403 et les deux premières remorques, R8 et R7, sont restées sur les rails de la voie 15 ; les quatre remorques suivantes, R6 à R3, ont déraillé et sont en travers en entrée des voies 15 à 7 à quai, la remorque R4 s'étant encastrée dans l'extrémité du quai entre les voies 13 et 11. Le premier bogie déraillé est celui situé au niveau de l'inter-rames R6 / R5 ; les deux dernières remorques, R2 et R1, et la motrice de queue M1 de la rame n° 4403, ainsi que les deux motrices et les huit remorques de la rame n° 4402, sont restées sur les rails en direction de la voie 7. Le premier examen des matériels roulants sur site après l'accident ont mis en évidence des dommages importants sur les quatre remorques de la rame n° 4403 qui ont déraillé, en particulier au niveau de leurs anneaux d'inter-circulation, de leurs bogies et du dessous de caisse de la voiture R4 qui s'est encastrée dans un quai. L'examen de cette rame et des données de maintenance correspondantes n'a pas révélé d'écarts ou d'anomalies susceptibles d'être à l'origine de l'événement, notamment s'agissant des essieux et des caractéristiques de guidage et d'inscription en courbe de la rame concernée. 24 1- La rame de TGV Lyria n° 4402 avant l'accident 2- La rame n° 4402 sur l'aiguille 22L au pied du Poste 2 après le déraillement 3- Le heurt de la tête de quai par la rame 4- La rame n° 4403 en direction de la voie 15 Fig. 6 : Photos du déraillement du train composé des rames 4403 et 4402 25 Ce train, qui évoluait à faible vitesse dans la gare de Lyon, était équipé d'un dispositif ATESS* d'enregistrement des données de conduite. L'analyse de cet enregistrement dont un extrait est présenté dans la figure 7 permet de confirmer le témoignage du conducteur et en particulier ; qu'il n'a pas dépassé la vitesse prescrite de 30 km/h et qu'il circulait à la vitesse de 29 km/h au niveau de l'aiguille 22L ; qu'il a ensuite effectué un léger freinage pour rouler à 25 km/h avant de freiner à nouveau pour s'arrêter environ 240 mètres après l'aiguille 22L. Fig. 7 : Extrait de l'enregistrement ATESS du train qui a déraillé 3.3 - Les constats relatifs aux installations Ce déraillement a occasionné d'importants dommages aux installations de voie rendant notamment nécessaire de remplacer 16 demi-aiguillages, 11 mécanismes de commande d'aiguilles, 2 coeurs d'appareils de voie, 6 coupons de rail et 60 traverses. En revanche, l'examen des installations et des données de maintenance n'a pas révélé d'écarts ou d'anomalies susceptibles d'être à l'origine de l'événement. Juste après ce déraillement, les constats concernant les installations ont par ailleurs montré : que les premières traces de déraillement apparaissent au niveau des lames de l'aiguille 22L dont les butées ont été détériorées par le passage des essieux qui ont déraillé ; que l'aiguille 22L, bien qu'ayant été commandée au Poste 2 pour la direction de droite vers la voie 15 à quai, donnait en fait sur le terrain la direction de gauche ; que, dans le local technique, les relais et le balancier de l'aiguille 22L étaient conformes à une commande et un contrôle de l'aiguille à gauche ; que, dans le Poste 2, toutes les poignées de commande étaient disposées en position neutre10, verticale. Le tableau de contrôle optique, dont une photo prise immédiatement après l'accident est présentée dans la figure 8, permettait de visualiser un transit (voyants lumineux blancs) tracé par l'aiguille 22L en direction de la voie 7 à quai alors que la rame n° 4402 de queue du train était toujours sur l'aiguille et que sa rame de tête * Terme figurant dans le glossaire. 10 En particulier, les poignées n° 5, 63 et 93 de l'itinéraire tracé en direction de la voie 15 à quai pour le train déraillé qui avaient été remises en position neutre, verticale, derrière son passage. 26 n° 4403 occupait la voie 15 à quai (voyants lumineux rouges). Par ailleurs, on constatait la présence (voyants lumineux rouges) de trains stationnant sur les voies 7, 9, 13, 19 et 21 à quai. Fig. 8 : Photo du tableau de contrôle optique du poste 2 au moment de l'accident 3.4 - Les investigations et le scénario de l'accident Les témoignages, les constats précédents et la reconstitution de l'incident par l'Infrapôle dans la nuit du 16 au 17 février 2015 démontrent : que ni l'état du matériel roulant, ni les conditions de circulation du train ne permettent d'expliquer ce déraillement ; que la détérioration des installations de voie n'est qu'une conséquence du déraillement ; que, conformément à l'itinéraire commandé au Poste 2 , l'aiguille 22L était initialement positionnée à droite en direction de la voie 15 où s'est dirigée la tête du train ; que l'aiguille 22L s'est renversée sous la troisième voiture remorquée du train pour donner la direction de gauche, ce qui a entraîné le déraillement des quatre voitures remorquées suivantes, dirigées vers la voie 7. Or, pour que ce renversement de l'aiguille ait eu lieu sous ce train, il fallait d'une part qu'un tel mouvement de l'aiguille 22L soit commandé, d'autre part que l'enclenchement qui doit normalement s'y opposer soit inopérant. La commande de l'aiguille 22L 59 poignées du Poste 2 peuvent commander un changement de position de l'aiguille 22L. Les déclarations des agents du poste indiquent qu'aucune poignée n'avait été manoeuvrée pendant le passage du train concerné. Elles n'ont toutefois pas pu être 27 confirmées du fait que le Poste 2, de technologie ancienne, ne permet pas l'archivage des itinéraires tracés. Après avoir reproduit les conditions présentes au moment de l'accident, un essai successif des 59 poignées susceptibles d'actionner le balancier de l'aiguille 22L pour donner la direction de gauche a alors été réalisé. Dans ce cadre, compte tenu des autres enclenchements actifs, la situation du déraillement du train survenu le 28 janvier 2015 n'a pu être reconstituée qu'avec le levier de commande n° 85 qui a pu être manoeuvré11 pour former l'itinéraire élémentaire « voie 7 vers Y » en déplaçant l'aiguille 22L alors que sa zone était « fictivement » occupée par un train allant de la voie BL à la voie 15 à quai. L'itinéraire tracé depuis la voie 712 ayant entraîné le mouvement inopiné de l'aiguille 22L sous le train concerné a pu être occasionné, compte tenu de l'annulation permanente de l'enclenchement électrique correspondant, soit par une anomalie de formation d'itinéraire telle que mentionnée dans les témoignages des agents du poste, soit par la manoeuvre prématurée de la poignée n° 85 commandant un itinéraire pour le train au départ sur la voie 7, vers Y en passant par l'aiguille 22L. Si la première hypothèse ne peut pas être complètement exclue, la seconde reste la plus vraisemblable, notamment en considérant qu'un tel geste avait du sens compte tenu de la présence du train en instance de départ de la voie 7. En tout état de cause, une telle manoeuvre n'est pas interdite. Fig. 9 : Photo du pupitre de commande du Poste 2 avec les poignées 85 (Y/7) et 93 (Y/15) L'enclenchement de l'aiguille 22L Le verrou d'enclenchement de l'aiguille 22L et son dispositif d'annulation venaient de faire l'objet d'une opération de maintenance dans l'après-midi. Les agents de maintenance de la signalisation ont constaté immédiatement après l'accident que les mesures d'isolement du poste étaient conformes puis ils ont noté une tension mécanique excessive du câble de commande de l'annulation du verrou du balancier de l'aiguille 22L conduisant à annuler de façon permanente son enclenchement 11 En effectuant une rotation à gauche de 60° pour établir l'itinéraire avant d'être remis en position neutre. 12 Voir la figure 8 présentant le tableau de contrôle optique du Poste 2 au moment de l'accident. 28 électrique. Du fait de cette annulation, la commande d'un itinéraire sécant occasionnant la translation de l'aiguille est rendue possible alors même que la zone de cette aiguille n'est pas libérée. 1- La poignée 93 juste après l'accident 2- Le verrou de balancier de l'aiguille 22L 3- Schéma de principe des installations de commande des itinéraires du Poste 2 Fig. 10 : Les constats après l'accident sur les installations de commande des itinéraires du Poste 2 29 3.5 - L'opération de maintenance effectuée juste avant l'accident L'annulation fortuite constatée de l'enclenchement électrique de l'aiguille 22L est consécutive à une opération de maintenance préventive systématique de son verrou de balancier qui s'est déroulée le 28 janvier 2015 de 15h40 à 16h11. Les deux agents SE qui sont intervenus ont correctement appliqué les procédures prévues pour les travaux de catégorie 1 sur les installations de sécurité (voir 2.5) mais ils ont commis plusieurs erreurs techniques : ils ont d'abord trop tendu le câble de commande de l'annulation de ce verrou après avoir constaté une anomalie. Cela a entraîné une annulation permanente de l'enclenchement électrique dont la fonction est de rendre impossible la translation de cette aiguille tant que sa zone n'est pas libérée ; ils ont ensuite omis de revérifier les cotes mesurées auparavant, modifiées suite à ce réglage, et de demander aux agents du poste de cesser pendant les essais de fonctionnement toutes manoeuvres de leviers de commande, celles-ci étant susceptibles d'actionner d'autres enclenchements empêchant le mouvement de l'aiguille 22L. Cela ne leur a pas permis de détecter l'annulation fortuite de l'enclenchement électrique de cette aiguille à la fin de leur intervention. Plusieurs éléments ont contribué à cette intervention mal maîtrisée qui a rendu possible la commande, deux heures après, d'un itinéraire incompatible provoquant la translation de l'aiguille 22L sous un train qui a alors déraillé : les deux agents SE impliqués n'avaient pas l'habitude de travailler ensemble et étaient peu expérimentés à ce type d'intervention. S'ils connaissaient les cotes à relever dans le cadre d'une opération de maintenance préventive systématique d'un tel verrou de balancier d'aiguille, ils n'avaient jamais réalisé auparavant une reprise de tension du câble de commande de son dispositif d'annulation ; leur intervention s'est prolongée, ce qui a sans doute perturbé les actions et les communications avec les agents du poste de ces deux jeunes agents SE soucieux de terminer rapidement pour ne pas contrarier l'exploitation du Poste 2 ; la technologie ancienne de ce poste n'existant que sur un seul autre poste d'aiguillage sur le réseau ferré national, les deux agents SE ne disposaient, pour effectuer cette intervention, que d'un mémento local 13 décrivant les cotes à relever mais pas le réglage, en cas d'anomalie, de la tension de ce câble de commande. Ce mémento précisait que ce câble devait être « modérément tendu », ce qui explique que ce geste métier subtil sans outil de mesure spécifique est généralement réalisé par un agent confirmé. Mais le mémento n'identifiait pas clairement la nécessité de revérifier les cotes après un tel réglage et de cesser, pendant les essais de fonctionnement, toutes manoeuvres de leviers de commande. La technologie des Postes 1 et 2 de Paris-Gare-de-Lyon étant particulière, ancienne et non enseignée dans le cadre des formations théoriques en école, la formation pratique pour assurer leur maintenance s'effectue par compagnonnage. Or, suite aux fortes sollicitations pesant sur les agents SE expérimentés, notamment du fait des nombreux chantiers importants en Île-de-France, la formation et le suivi des jeunes agents sont perturbés et cette équipe de maintenance avait ainsi été nouvellement constituée avec deux jeunes agents SE. Le plus ancien, âgé de 32 ans, était habilité à la fonction de « mainteneur de l'infrastructure au titre des interventions sur les installations de sécurité » depuis le 13 Outre ce mémento, le référentiel IN 760 de SNCF Réseau (version du 14/11/1986) s'applique à une telle opération de maintenance en précisant les exigences correspondantes mais sans traiter de la maintenance d'un tel verrou. Ce référentiel n'est, de plus, pas pratique à utiliser sur le terrain et il n'existe pas de document métier national spécifique pour cette installation particulière. 30 17 février 2011 et travaillait habituellement en secondant un agent confirmé du secteur. Le plus jeune, âgé de 21 ans, n'était habilité que depuis le 10 juin 2014 et lui aussi était habituellement encadré par un agent expérimenté. L'examen de leur fiches individuelles de suivi ne permet pas de mettre en évidence de difficultés particulières les concernant. Suite à ce déraillement, leurs habilitations ont été suspendues. Par ailleurs, le périmètre de leur intervention a été déterminé au dernier moment en accord avec l'agent-circulation du Poste 2 qui l'a autorisée sous la contrainte de ne pas perturber la gestion des circulations comme cela est prévu pour les travaux de catégorie 1. Ainsi, ces travaux se sont prolongés suite, d'une part, à leur interruption pour le passage d'un train qui a nécessité la levée rapide des dispositions techniques prises par les agents SE, d'autre part, à la découverte d'une anomalie inhabituelle concernant le dispositif d'annulation du verrou qui a nécessité une reprise de tension de son câble de commande. Ces aléas de chantier ont également entraîné une permutation des deux agents, l'un dans le Poste 2 en contact direct avec les agents du poste et l'autre dans le local technique exigu et mal éclairé situé en dessous. 3.6 - Les mesures prises suite à l'accident Le 28 janvier 2015, immédiatement après le déraillement, l'agent-circulation du Poste 2 a pris des mesures pour arrêter et retenir les circulations ferroviaires dans toute la zone de son poste et a avisé tous les services concernés de la situation. Les causes du déraillement n'étant pas encore déterminées, les trains à quai dans le hall 2 ont été dégagés à partir de 20h50, en commandant à la main les aiguilles du Poste 2. La tension de tous les câbles de commande des verrous d'aiguilles des Postes 1 et 2 de Paris-Garede-Lyon14 a été vérifiée, par mesure de précaution, sans qu'aucune anomalie ne soit détectée. Les investigations se sont ensuite concentrées sur le défaut de réglage du câble de commande de l'annulation du verrou du balancier de l'aiguille 22L et les circonstances de l'accident ont pu être reproduites dans la nuit vers 4h00. Le 29 janvier 2015, un plan de transport allégé a été mis en place avec report des trains vers la gare de Bercy, vers le hall 1 géré par le Poste 1 sans mesures conservatoires particulières, ainsi que vers les voies 17 à 23 à quai du hall 2 qui ont été gérées par le Poste 2 en transit rigide15 et en présence d'un cadre SE s'assurant de la position réelle des aiguilles concernées, en application d'une consigne provisoire produite à cet effet. Suite aux investigations techniques, ces mesures ont été levées à 16h15. La rame n° 4402, qui n'a pas déraillé, a été évacuée vers 20h00 et les opérations de relevage de la rame n° 4403 ont débuté dans la nuit vers 3h30. Après relevage de la rame n° 4403 et remise en état des voies et appareils de voies endommagés lors du déraillement, l'exploitation normale sur toutes les voies gérées par le Poste 2 a été reprise le 1er février 2015 en fin d'après-midi. Plusieurs enquêtes internes ont été menées par SNCF Réseau. Le BEA-TT a ainsi eu connaissance de plusieurs rapports d'enquêtes réalisés par différents services de SNCF Réseau éclairant plus particulièrement certains aspects techniques. Suite à ce déraillement, outre la diffusion d'une fiche de retour d'expérience qui a été commentée à tous les agents SE concernés, SNCF-Réseau a mis en place sur l'ensemble de l'Île-de-France et plus particulièrement sur l'infrapôle « Paris-Sud-Est » un plan d'action visant notamment à : recenser les installations de sécurité présentant une forte criticité, du fait que leur technologie atypique ou rare réclame des compétences particulières pour leur maintenance, ainsi que les agents expérimentés correspondants ; 14 Ce sont les seuls postes du réseau ferré national à disposer de verrous de ce type. 15 Un nouvel itinéraire ne peut être tracé qu'après libération de tous les itinéraires élémentaires derrière la circulation d'un train et remise en position neutre, verticale, de toutes les poignées de commande correspondantes. 31 réorganiser leur maintenance de manière à garantir la qualité des gestes métier, des vérifications techniques et des essais, d'une part par un renforcement du monitorat, des formations pratiques et de la veille des agents SE, d'autre part par la présence d'un nombre suffisant d'agents expérimentés ; créer un module de formation à la transmission des compétences et des gestes métiers destiné à ces agents expérimentés ; fiabiliser les travaux de catégorie 1 sur ces installations de sécurité en améliorant la qualité des échanges d'informations avec les agents-circulation ; concevoir un mémo-guide spécifique à la maintenance de ces installations de sécurité critiques sur le territoire de l'infrapôle « Paris-Sud-Est » et notamment celles des Postes 1 et 2 de Paris-Gare-de-Lyon ; sécuriser les relèves d'incidents concernant ces deux postes d'aiguillage, jusqu'à leur remplacement prévu en 2017, avec l'intervention systématique d'un cadre SE d'astreinte. 32 4 - Analyse du déroulement de l'accident 4.1 L'opération de maintenance effectuée juste avant l'accident Le 28 janvier 2015, à 15h40, une opération de maintenance préventive systématique du verrou du balancier de l'aiguille 22L gérée par le Poste 2 de Paris-Gare-de-Lyon a reçu l'accord verbal de l'agent-circulation du poste. En effet, bien que non programmée, elle ne devait pas perturber la gestion des circulations ferroviaires. Les deux agents SE chargés de cette opération étaient peu expérimentés et ne disposaient que d'un mémento local décrivant les cotes à relever lors de cette opération mais pas le réglage, en cas d'anomalie, de la tension du câble de commande de l'annulation de ce verrou. Après avoir pris des dispositions techniques pour garantir que cette aiguille ne pourrait pas être exploitée par les agents du poste pendant leur intervention, l'agent le plus expérimenté est resté dans le poste alors que l'autre s'est rendu dans le local technique. Ils ont relevé les cotes prévues, qui étaient conformes à celles indiquées dans leur mémento, avant de suspendre leur opération pour laisser passer une circulation à la demande de l'agent-circulation du poste. Après avoir repris les mêmes dispositions techniques, ils ont poursuivi leur intervention en terminant par le dispositif d'annulation du verrou. Ils ont alors constaté qu'il ne fonctionnait pas. Ayant remarqué que le câble de commande de l'annulation de ce verrou était détendu, ils ont rectifié au jugé sa tension, à deux dans le local technique, sans utiliser d'outil de mesure. N'ayant jamais réalisé auparavant ce geste métier délicat, ils ont trop tendu ce câble, ce qui a eu pour conséquence une annulation permanente de ce verrou qui assure l'enclenchement électrique de l'aiguille 22L. L'agent le plus expérimenté est ensuite resté dans le local technique pendant que l'autre s'est rendu dans le poste. Ils ont alors vérifié que le dispositif d'annulation et le verrou luimême fonctionnaient, mais sans vérifier à nouveau les cotes relevées avant leur réglage du câble, ni s'assurer de l'absence simultanée de manoeuvres d'autres poignées de commande du poste, celles-ci étant susceptibles d'actionner d'autres enclenchements empêchant le mouvement de l'aiguille 22L. Cet écart par rapport à ces deux exigences, qui n'étaient pas clairement identifiées dans le mémento précité, ne leur a pas permis de détecter le dysfonctionnement de l'enclenchement électrique de cette aiguille à la fin de leur intervention. À 16h11, après avoir supprimé les dispositions techniques et effectué un essai de fonctionnement de l'aiguille, ils ont rendu l'installation à l'exploitant. 4.2 - Le déraillement et les mesures prises suite à l'accident À 17h25, un train composé de deux rames TGV vides a été annoncé par le poste d'aiguillage gérant les voies de lavage pour se rendre à la voie 15 à quai. Un aiguilleur en formation au Poste 2 a commandé son itinéraire à l'aide des poignées n° 93, 63 et 5 correspondant aux itinéraires élémentaires « Y vers voie 15 », « voie 2 Quater vers Y » et « voie BL vers voie 2 Quater ». L'itinéraire s'est formé normalement sur le tableau de contrôle optique du poste. Derrière le passage du train qui évoluait à faible vitesse, il a remis successivement en position neutre les poignées 5, 63 et 93 immédiatement après libération des zones de voie. À 17h35, alors que ce train franchissait l'aiguille 22L à la vitesse de 29 km/h, un itinéraire entre cette dernière et la voie 7 à quai s'est tracé sur le tableau de contrôle optique du poste et l'aiguille 22L qui donnait la direction de droite vers la voie 15 s'est alors déplacée sous la troisième remorque du train pour donner la direction de gauche. Le mouvement de cette aiguille a été vraisemblablement provoqué par la commande, prématurée mais pas interdite, à l'aide de la poignée n° 85, d'un itinéraire pour le TGV n° 6123 stationnant 33 sur la voie 7 dont le départ était prévu à 17h37 et il n'a pas été empêché par son enclenchement électrique qui était inopérant. Le train s'est arrêté sur la voie 15 environ 240 mètres après l'aiguille 22L. La motrice de tête et les deux premières remorques sont restées sur les rails en direction de la voie 15. Les quatre remorques suivantes ont déraillé et se sont mises en travers en entrée des voies 15 à 7 à quai. Les treize véhicules suivants sont restés sur les rails en direction de la voie 7. Le conducteur a ressenti des trépidations en cabine et a constaté une disjonction avec une absence de tension en ligne. Il a alors baissé les pantographes de son train puis informé le Poste 2 de la situation. Après avoir entendu un bruit sourd provenant du train, les agents présents dans le Poste 2 ont constaté son déraillement et ont pris les mesures pour arrêter et retenir toutes les circulations ferroviaires sur la zone du poste. Aucune victime n'est à déplorer. Les quatre voitures remorquées qui ont déraillé ont subi des dégâts importants et leurs essieux ont occasionné de gros dommages aux installations de voie, en sortie des voies 7 à 15 à quai dont l'exploitation normale n'a été reprise qu'en fin d'après-midi du 1er février 2015 après relevage de la rame accidentée et remise en état des installations d'infrastructure endommagées. 34 5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives 5.1 Le schéma des causes et des facteurs associés Les investigations effectuées permettent d'établir le graphique ci-après qui synthétise le déroulement de l'accident et en identifie les causes et les facteurs associés. Fig. 11 : Déroulement de l'accident, causes et facteurs associés Cette analyse a conduit le BEA-TT à rechercher des orientations préventives dans les trois domaines suivants : la qualité de la formation pratique et de la supervision des jeunes agents SE ; la qualité des référentiels locaux relatifs à la maintenance de telles installations de sécurité anciennes très particulières ; la modernisation des installations des Postes 1 et 2 de Paris-Gare-de-Lyon. 35 5.2 - La qualité de la formation pratique et de la supervision des jeunes agents SE Les deux agents SE qui sont intervenus le 28 janvier 2015 de 15h40 à 16h11 pour effectuer l'opération de maintenance préventive systématique du verrou d'enclenchement électrique du balancier de l'aiguille 22L ont commis plusieurs erreurs techniques : ils ont d'abord trop tendu le câble de commande de l'annulation de ce verrou après avoir constaté une anomalie. Cela a entraîné une annulation permanente de l'enclenchement électrique dont la fonction est de rendre impossible la translation de cette aiguille tant que sa zone n'est pas libérée ; ils ont ensuite omis de revérifier les cotes mesurées auparavant, modifiées suite à ce réglage, et de demander aux agents du poste de cesser pendant les essais de fonctionnement toutes manoeuvres de leviers de commande, celles-ci étant susceptibles d'actionner d'autres enclenchements empêchant le mouvement de l'aiguille 22L. Cela ne leur a pas permis de détecter l'annulation fortuite de l'enclenchement électrique de cette aiguille à la fin de leur intervention. les deux agents SE impliqués n'avaient pas l'habitude de travailler ensemble et étaient peu expérimentés à ce type d'intervention. S'ils connaissaient les cotes à relever dans le cadre d'une opération de maintenance préventive systématique d'un tel verrou de balancier d'aiguille, ils n'avaient jamais réalisé auparavant une reprise de tension du câble de commande de son dispositif d'annulation ; l'intervention s'est prolongée suite à une interruption et à la découverte d'une anomalie inhabituelle concernant son dispositif d'annulation, ce qui a sans doute perturbé les actions et les communications avec les agents du poste de ces deux jeunes agents SE soucieux de terminer rapidement pour ne pas contrarier l'exploitation du Poste 2. Plusieurs éléments ont contribué à cette intervention mal maîtrisée : La technologie des Postes 1 et 2 de Paris-Gare-de-Lyon étant particulière, ancienne et non enseignée dans le cadre des formations théoriques en école, la formation pratique pour assurer leur maintenance s'effectue par compagnonnage. Or, suite aux fortes sollicitations pesant sur les agents SE expérimentés, notamment du fait des nombreux chantiers importants en Île-de-France, la formation et le suivi des jeunes agents sont perturbés et cette équipe de maintenance avait ainsi été nouvellement constituée avec deux jeunes agents SE. Par ailleurs, le périmètre de leur intervention a été déterminé au dernier moment en accord avec l'agent-circulation du Poste 2 qui l'a autorisée sous la contrainte de ne pas perturber la gestion des circulations. Ainsi, ces travaux se sont prolongés suite, d'une part à leur interruption pour le passage d'un train qui a réclamé la levée rapide des dispositions techniques prises par les agents SE, d'autre part à la découverte d'une anomalie inhabituelle concernant le dispositif d'annulation du verrou qui a nécessité une reprise de tension de son câble de commande. Ces aléas de chantier ont également entraîné une permutation des deux agents, l'un dans le Poste 2 en contact direct avec les agents du poste et l'autre dans le local technique exigu et mal éclairé situé en dessous. Le manque d'expérience pour cette intervention très particulière et de supervision de ces deux jeunes agent SE a donc joué un rôle essentiel dans les manquements constatés lors de leur intervention. Ces éléments conduisent le BEA-TT à formuler la recommandation ci-après : Recommandation R1 (SNCF Réseau) : Renforcer la formation pratique et la supervision des jeunes agents SE sur les aspects liés à la maintenance de telles installations de sécurité anciennes très particulières. 36 5.3 - La qualité des référentiels locaux relatifs à la maintenance de telles installations La technologie ancienne du Poste 2 de Paris-Gare-de-Lyon n'existant que sur un seul autre poste d'aiguillage sur le réseau ferré national, les deux agents SE qui sont intervenus le 28 janvier 2015 ne disposaient pour effectuer cette intervention que de la notice générale IN0760 expliquant la technologie de ce type de poste et d'un mémento local traitant de la maintenance des verrous de ces postes. Ce memento décrit les cotes à relever mais pas le mode opératoire de réglage de la tension de ce câble de commande. Il précise que ce câble doit être « modérément tendu », ce qui suppose que ce geste métier subtil sans outil de mesure spécifique soit réalisé par un agent confirmé. Il n'identifie pas très clairement l'obligation de revérifier les cotes après un tel réglage et la nécessité de cesser toute manoeuvre de leviers de commande pendant les essais de fonctionnement. La qualité et la précision de ce mémento réalisé localement pour cette installation de sécurité très particulière sont essentielles pour permettre d'encadrer la formation pratique et les interventions des jeunes agents SE concernés. Ces éléments conduisent le BEA-TT à formuler la recommandation ci-après : Recommandation R2 (SNCF Réseau) : Améliorer la qualité des référentiels locaux relatifs à la maintenance des installations de sécurité en poursuivant l'élaboration de documents métier simples et pédagogiques destinés aux opérateurs concernant de telles installations anciennes très particulières. 5.4 - La modernisation des installations des Postes 1 et 2 de ParisGare-de-Lyon En raison de l'obsolescence des installations des Postes 1 et 2 de Paris-Gare-de-Lyon et de l'impossibilité de les adapter aux évolutions envisagées du plan de voies de la gare, RFF avait approuvé en 2010 un projet de régénération de ces postes d'aiguillage avec des technologies informatiques qui a été reporté à 2017. En effet, il apparaît souhaitable de moderniser dans les meilleurs délais les installations de ces postes d'aiguillage qui présentent des risques particuliers du fait de la nécessité de définir localement un dispositif de maintenance spécifique adapté à leur technologie ancienne et singulière. Ces éléments conduisent le BEA-TT à formuler la recommandation ci-après : Recommandation R3 (SNCF Réseau) : Moderniser dans les meilleurs délais les installations des Postes 1 et 2 de ParisGare-de-Lyon. 37 6 - Conclusions et recommandations 6.1 Les causes de l'accident La cause directe du déraillement du train sans voyageur venant se mettre à quai le 28 janvier 2015 dans la gare de Lyon à Paris est le changement de position de l'aiguille 22L sous la troisième remorque de la rame de tête. La première partie du train a été ainsi dirigée comme prévu vers la voie 15 à quai alors que sa seconde partie a été aiguillée en direction de la voie 7. Cela a occasionné le déraillement de quatre remorques intermédiaires qui se sont mises en travers des voies 7 à 15. Ce mouvement inopiné de l'aiguille 22L sous un train aurait normalement dû être rendu impossible par un dispositif de sécurité, dénommé « enclenchement de transit », dont est doté le Poste 2 de Paris-Gare-de-Lyon depuis lequel les itinéraires de ce secteur sont commandés. Or, cet enclenchement avait été rendu inopérant pour l'aiguile 22L suite à un mauvais réglage des dispositifs de contrôle-commande de cette aiguille lors d'une opération de maintenance préventive effectuée moins de deux heures auparavant par deux agents de maintenance peu expérimentés pour ce type d'intervention. 6.2 - Les recommandations Au vu de ces éléments, le BEA-TT adresse à SNCF Réseau les trois recommandations suivantes : Recommandation R1 (SNCF Réseau) : Renforcer la formation pratique et la supervision des jeunes agents SE sur les aspects liés à la maintenance de telles installations de sécurité anciennes très particulières. Recommandation R2 (SNCF Réseau) : Améliorer la qualité des référentiels locaux relatifs à la maintenance des installations de sécurité en poursuivant l'élaboration de documents métier simples et pédagogiques destinés aux opérateurs concernant de telles installations anciennes très particulières. Recommandation R3 (SNCF Réseau) : Moderniser dans les meilleurs délais les installations des Postes 1 et 2 de ParisGare-de-Lyon. 39 ANNEXES Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête Annexe 2 : Principes de la réglementation de SNCF Réseau relative aux travaux sur les installations d'infrastructure du réseau ferré national 41 Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête 43 Annexe 2 : Principes de la réglementation de SNCF Réseau relative aux travaux sur les installations d'infrastructure du réseau ferré national Dans le respect des exigences réglementaires de sécurité concernant les travaux sur les installations d'infrastructure du réseau ferré national16 (RFN), les prescriptions en vigueur à la SNCF relèvent essentiellement de deux règlements généraux de sécurité : le référentiel IN 3973, dénommé S9, concernant les travaux sur les voies ferrées qui sont classés en deux catégories selon qu'ils sont, ou non, compatibles avec les circulations commerciales ; le référentiel IN 1582, dénommé S6B, relatif aux travaux sur les installations de sécurité (IS) des gares ou de pleine voie qui sont classés en quatre catégories selon leur impact sur l'exploitation ferroviaire. En effet, de tels travaux sont porteurs de risques de dérangement et doivent être exécutés avec un maximum de précautions. Ces prescriptions générales sont précisées par des référentiels SNCF de niveau national, selon les types d'installations ou de travaux concernés, et complétées par des consignes d'établissement qui les déclinent en fonction des équipements et des spécificités locales. Par ailleurs, des documents métier, à vocation pratique et pédagogique, décrivant les procédures définies dans les référentiels nationaux, sont mis à la disposition des agents. Toutes les procédures de maintenance n'ont toutefois pas encore fait l'objet de tels compléments. 1 - Le règlement S9 concernant les travaux sur les voies ferrées du RFN En fonction des risques17 qu'ils peuvent induire, ces travaux relèvent de deux types : ceux compatibles avec la circulation des trains qui peuvent être effectués sous couvert de la mise en place d'un dispositif d'annonce des circulations ferroviaires garantissant que les agents et les matériels de travaux ont dégagé de la zone dangereuse avant le passage d'un train. Ces travaux ne nécessitent l'accord préalable de l'agent-circulation concerné qu'en cas d'impact sur le fonctionnement des équipements de gestion des circulations ; ceux incompatibles avec la circulation des trains qui ne peuvent être réalisés 18 qu'après : · l'attribution, par le service gestionnaire des trafics et des circulations (SGTC) au service chargé de la maintenance et des travaux sur l'infrastructure, d'une partie de voie, alors dédiée aux travaux concernés, pendant une période déterminée, appelée « planche-travaux » ; · l'assurance que la zone de chantier est à la fois protégée et libre de toute circulation qui ne serait pas en mesure de s'arrêter avant de l'atteindre. Elle s'obtient par la mise en oeuvre d'un ensemble de mesures appelé « procédé d'assurance chantier ». 16 Ces exigences sont reprises dans les articles 117 à 120 de l'arrêté du 19 mars 2012 « fixant les objectifs, les méthodes, les indicateurs de sécurité et la réglementation technique de sécurité et d'interopérabilité applicables sur le réseau ferré national ». Des règles d'exploitation particulières publiées par RFF, devenu SNCF Réseau en janvier 2015, les précisent et sont opposables à tout gestionnaire d'infrastructure exerçant sur le réseau ferré national. 17 Il s'agit, pour l'essentiel, du risque de heurt, par un train, d'agents et de matériels de chantier qui engageraient le gabarit d'une voie, ainsi que des risques résultant de l'impact des travaux sur les caractéristiques de la voie ou sur le fonctionnement des équipements de gestion des circulations. 18 Conformément à la règle d'exploitation particulière intitulée « Procédé d'assurance chantier » et référencée RFN-CG-SE 09 A-00-n° 002 (version du 12 avril 2010). 44 Les procédures de la SNCF relatives aux interventions incompatibles avec la circulation des trains ont été largement modifiées en juillet 2009 après une analyse des risques et une expérimentation sur des régions pilotes. Dans ce cadre, deux procédés d'assurance chantier ont été définis et retenus : la demande de fermeture de voie (DFV) qui repose sur la mise en oeuvre, d'une part par les agents-circulation de mesures de fermeture de voie destinées à empêcher que des trains, autres que ceux nécessaires aux travaux, soient dirigés vers les zones de chantier, et d'autre part par les agents chargés des travaux de mesures de bouclage pour pallier toute erreur dans les mesures de fermeture de voie ; la garantie-équipement (GEq) qui consiste en la mise en oeuvre par les seuls agents chargés des travaux de mesures de protection après que les agents-circulation les ont autorisés à disposer des parties de voie concernées. Moins utilisée que la DFV bien qu'elle puisse permettre un gain de temps pour la réalisation des travaux, elle est applicable en dehors des zones de gare, sur des parties du réseau ferré national où le trafic ferroviaire de moindre importance, l'infrastructure ferroviaire simple et les installations à disposition permettent de prendre aisément ces mesures de protection. Les procédés d'assurance chantier et les mesures de protection pouvant être déployés sur une section de ligne donnée dépendent de ses caractéristiques. Les agentscirculation et les agents chargés des travaux disposent, à cet égard, de consignes opérationnelles les précisant. Lors de la phase de préparation des travaux, les procédés d'assurance chantier, les planches-travaux ainsi que les conditions de réalisation des travaux, notamment les zones de chantier et l'utilisation de trains et d'engins ferroviaires de travaux, sont précisés19. Il ne s'agit à ce stade que d'éléments prévisionnels qui ne valent pas accord des agents-circulation sur l'engagement opérationnel des travaux sur les voies intéressées. Ces accords ne peuvent résulter que d'autorisations formelles, délivrées en début de chantier, soit de fermeture de voie, soit de garantie-équipement. Les travaux devant être effectués dans une zone de chantier ne peuvent débuter qu'après la mise en service de cette zone, prononcée par son chef de chantier suite à l'accord formel du responsable de la planche-travaux concerné et la mise en oeuvre des mesures de bouclage ou de protection prévues. Le responsable de la planche-travaux, habilité à la fonction de réalisateur, assure les relations avec les agents-circulation portant sur la gestion de sa planche-travaux, ainsi que la coordination des différentes zones de chantier concernées. Chaque chef de chantier est responsable de l'impact sur la sécurité des circulations ferroviaires des activités effectuées dans sa zone de chantier et en assure la coordination. À la fin des travaux, le chef de chantier notifie formellement au responsable de la planche-travaux la suppression de sa zone de chantier. La planche-travaux ne peut prendre fin que lorsque toutes les zones de chantier qu'elle couvre sont supprimées. 2 - Le règlement S6B relatif aux travaux sur les installations de sécurité du RFN Selon ce règlement, les travaux des catégories 1 et 2 sont ceux de petit entretien et de relève de dérangement qui entraînent peu de répercussions sur l'exploitation. En catégorie 1, l'agent SE peut les effectuer après une simple entente verbale avec l'agent-circulation ou l'aiguilleur. Le fonctionnement normal de l'installation de sécurité concernée doit pouvoir être rétabli dans les plus brefs délais pendant les travaux. En catégorie 2, l'agent SE doit d'abord formuler une demande d'autorisation de travaux sur installations de sécurité (DATIS) à l'agent-circulation concerné et obtenir l'autorisation 19 Conformément à la règle d'exploitation particulière intitulée « Préparation et réalisation des opérations de maintenance et des travaux incompatibles avec la circulation des trains sur le réseau ferré national » référencée RFN-IG-SE 09 A-00-n° 001 dans sa version 02 du 12 avril 2010 applicable depuis le 27 septembre 2010. 45 correspondante. Ce dernier prend les mesures prévues pour que ces travaux n'interfèrent pas sur la sécurité des circulations et l'agent SE vérifie en fin de travaux que les installations fonctionnent normalement. La catégorie 3 concerne les travaux de grand entretien qui nécessitent une organisation avant leur réalisation afin de réduire leur impact sur l'exploitation. Ces travaux, sans modification des documents de base de l'installation concernée, ne doivent nécessiter que des vérifications ou des essais simples et peu nombreux. Un contrat-travaux, établi et signé par les dirigeants concernés, précise le responsable de leur réalisation, leur consistance, leur durée, leurs conséquences vis-à-vis de l'exploitation et les différentes mesures de sécurité à prendre, notamment les DATIS et les demandes de fermeture de voie nécessaires, ainsi que les vérifications techniques (VT) et les essais à réaliser par des agents désignés avant la reprise de l'exploitation normale. Les travaux de catégorie 4 sont ceux d'établissement, de modification ou de suppression d'une installation de sécurité entraînant la modification de ses documents de base ou ceux qui nécessitent des vérifications ou des essais complexes ou nombreux. Des documents d'exécution et un contrat-travaux précisant les agents de maintenance et d'exploitation chargés respectivement de prononcer la mise en service et la mise en exploitation sont établis au préalable. Les vérifications techniques et les essais préalables d'une part, puis la mise en service et la mise en exploitation d'autre part, font l'objet d'un procès-verbal. La complémentarité des opérations de contrôles, de vérifications techniques et d'essais est indispensable pour assurer le niveau optimum de sécurité requis lors de la mise en service d'une installation de sécurité. En effet, un contrôle doit permettre d'apprécier la qualité tout au long du processus d'études, de travaux et d'essais et l'agent chargé de la réalisation des essais préalables à la mise en service d'une installation n'est pas le seul responsable de son bon fonctionnement à la fin des travaux. Les VT visent à s'assurer de la conformité de la réalisation de l'installation aux documents qui la définissent et de son aptitude à assurer sa fonction de sécurité. Les essais doivent donner l'assurance que toutes les conditions de sécurité imposées par les documents de base rempliront exactement et sûrement leur rôle. L'intégrité de l'installation que l'on essaie ne doit pas être modifiée. Il faut adapter le mode opératoire pour vérifier toutes les conditions de sécurité nécessaires. Les essais dits « simples » ne nécessitant pas d'expertise particulière sont effectués par un agent habilité à la fonction d'« agent d'essais simples » et suivi en compétences par son établissement. Les essais dits « complexes » faisant appel à des technologies nouvelles ou de remaniements importants des gares en exploitation doivent être réalisés par un spécialiste du pôle régional d'ingénierie (PRI) ou de la direction de l'ingénierie de la SNCF habilité à la fonction d'« agent d'essais complexes ». Toutefois, tout agent habilité à la fonction de « mainteneur de l'infrastructure au titre des interventions sur les installations de sécurité » peut être chargé d'essais plus sommaires qui ne sont même pas qualifiés de simples. 46 Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre · Tour Pascal B 92055 La Défense cedex Téléphone : 01 40 81 21 83 Télécopie : 01 40 81 21 50 bea-tt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr

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