Rapport d'enquête technique : naufrage du fileyeur GE MI NA le 27 mai 2015 à 167 miles dans le sud-ouest de Penmarc'h (Golfe de Gascogne)

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les événements de mer
Auteur secondaire
Résumé
Ce document est un rapport d'enquête du Bureau d'enquête sur les évènements de mer (BEAmer) publié en décembre 2016. Il porte sur le naufrage du fileyeur Ge Mi Ma qui a eu lieu le 27 mai 2015 à 167 milles dans le sud-ouest de Penmarc'h (Golfe de Gascogne). Il expose les conclusions auxquelles sont parvenues les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité.
Editeur
Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer
Descripteur Urbamet
accident ; sécurité ; prévention des risques ; NAUFRAGE
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Rapport d'enquête technique NAUFRAGE DU FILEYEUR GE MI MA LE 27 MAI 2015 À 167 MILLES DANS LE SUD-OUEST DE PENMARC'H (GOLFE DE GASCOGNE) Rapport publié : décembre 2016 Rapport d'enquête technique NAUFRAGE du fileyeur GE MI MA LE 27 MAI 2015 À 167 milles dans le sud-ouest de Penmarc'h (Golfe de Gascogne) Page 1 sur 24 Page 2 sur 24 Avertissement Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du Code des transports, notamment ses articles L.1621-1 à L.1622-2 et R.1621-1 à R.1621-38 relatifs aux enquêtes techniques et aux enquêtes de sécurité après un événement de mer, un accident ou un incident de transport terrestre et portant les mesures de transposition de la directive 2009/18/CE établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes ainsi qu'à celles du « Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents » de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), résolution MSC 255(84) publié par décret n° 2010-1577 du 16 décembre 2010. Il exprime les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs du BEAmer sur les circonstances et les causes de l'événement analysé et propose des recommandations de sécurité. Conformément aux dispositions susvisées, l'analyse de cet événement n'a pas été conduite de façon à établir ou attribuer des fautes à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives à caractère civil. Son seul objectif est d'améliorer la sécurité maritime et la prévention de la pollution par les navires et d'en tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs sinistres du même type. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. Pour information, la version officielle du rapport est la version française. La traduction en anglais lorsqu'elle est proposée se veut faciliter la lecture aux non-francophones. Page 3 sur 24 PLAN DU RAPPORT 1 2 RÉSUMÉ INFORMATIONS FACTUELLES 2.1 2.2 2.3 Description du navire Renseignements sur le voyage et l'équipage Interventions Page 5 Page Page Page Page Page Page Page Page Page 6 7 8 10 14 14 15 18 19 3 4 EXPOSÉ ANALYSE 4.1 4.2 4.3 Facteurs naturels Facteurs matériels Facteurs humains 5 6 CONCLUSIONS ENSEIGNEMENT ET RECOMMANDATION 6.1 6.2 Enseignement Recommandation Page Page 20 20 7 ANNEXES A. B. C. Liste des abréviations Décision d'enquête Carte Page Page Page 22 23 24 Page 4 sur 24 1 RÉSUMÉ Le vendredi 22 mai 2015, en milieu de nuit, le fileyeur GE.MI.MA arrive sur ses lieux de pêche à environ 180 milles dans le nord du Cap Ortegal, dans le Golfe de Gascogne. Le 24 mai, le chef mécanicien constate que le moteur de propulsion du navire chauffe et qu'il perd de l'huile. L'armateur est contacté et la décision est prise d'interrompre la campagne de pêche et de faire route vers le port de La Corogne pour réparations. Le 26 mai dans l'après-midi, après déclenchement de l'alarme de montée d'eau, le maître d'équipage informe le patron d'une voie d'eau dans le poste d'équipage. Il met en service les pompes et parvient d'abord à étaler la voie d'eau. L'entrée d'eau se poursuit et vers 18h30, les pompes ne suffisent plus à la limiter. Le patron demande assistance au CROSS Etel qui engage un hélicoptère de la Marine Nationale et demande au GE.MI.MA de faire route vers la Pointe de Penmarch. L'équipage du GE.MI.MA entre en contact avec le centre de secours espagnol (le MRCC de Madrid) qui dispose d'un hélicoptère équipé d'une motopompe. Le GE.MI.MA décide alors de faire route vers le sud afin de limiter le transit de l'hélicoptère espagnol pour qu'il dispose de plus de temps une fois qu'il sera sur zone. Le GE.MI.MA informe le CROSS Etel et il jette à la mer une partie de son matériel de pêche afin d'augmenter sa réserve de flottabilité. Vers 21h00, l'hélicoptère français arrive sur zone et il évacue une partie de l'équipage, à savoir 5 personnes. Il repart à sa base en France. Vers 21h25, l'hélicoptère espagnol arrive, il dépose une motopompe et évacue un autre membre de l'équipage. Les 3 marins qui restent à bord, le patron, le second et le chef mécanicien, tentent de mettre la motopompe en service. Ils n'y parviennent pas. L'envahissement du navire se poursuit et le patron décide, à 22h50, d'abandonner le navire à l'aide de l'un des radeaux de survie. Ils sont secourus par un navire de commerce, le porte-conteneurs MSC JAPAN. Ils sont en sécurité vers 23h55 et seront débarqués quelques jours après à Rotterdam. Page 5 sur 24 Le navire presque complètement immergé et constituant un danger pour la navigation sera sabordé le lendemain par les services de la Préfecture maritime de l'Atlantique. Photo Marine Nationale du 28 mai 2015 2 2.1 INFORMATIONS FACTUELLES Description du navire Construit en 1981 au chantier CNR de Courseulles-sur-Mer, le GE.MI.MA, immatriculé à Bayonne sous le numéro 487541 est un fileyeur autorisé à naviguer en 2ème catégorie. Le GE.MI.MA est, depuis début 1997, la propriété d'un armateur espagnol établi à Saint Jean de Luz qui possède aussi un autre fileyeur battant pavillon français, l'ESPOIR. Son permis de navigation et son certificat de franc-bord sont valides au 24 mai 2015. Il est à noter que la visite périodique du 26 juin 2014 n'avait conduit à aucune prescription concernant les moyens d'assèchement et que le puisard du poste d'équipage avait été effectivement contrôlé. Principales caractéristiques : Matériau coque Longueur hors-tout Largeur Jauge Propulsion et auxiliaires Moyens d'assèchement : En plus de la pompe attelée, conformément à la réglementation (Article 226 - 3.18), le navire est équipé de deux pompes électriques de 30 et 35 m 3/h de débit, ainsi que d'une pompe manuelle à bras de 6 m3/h. : acier ; : 20,50 m ; : 6,7 m ; : 57,88 UMS ; : 368 kW ; Page 6 sur 24 L'état de la coque, son entretien : Le 5 juillet 2011, le Bureau Veritas a produit une attestation de visite du navire en cale sèche faisant référence à un rapport de mesures d'épaisseur de la coque du navire effectuées à La Corogne par la société agréée. La réglementation impose pour les navires d'une longueur comprise entre 12 et 45 mètres une périodicité de contrôles effectués à sec de 24 mois +/- 6 mois, soit au plus 2 ans et demi. La dernière visite au sec a été effectuée le 3 juillet 2013 : Ainsi que cela a été rappelé lors de la visite périodique du 26 juin 2014, effectuée par le CSN de Bordeaux, la date de la visite suivante au sec compatible avec validité du certificat de franc-bord était donc à prévoir (avec la société de classification) au plus tard le 3 janvier 2016. La pratique de pêche du fileyeur : La pratique habituelle de pêche de ce navire, pour une marée de 15 jours, consiste à poser ses 6 filières de filets, d'une dizaine de kilomètres chacune, dès son arrivée dans la zone de pêche (sur des fonds de 300 à 600 m). La manutention de chaque filière dure 6 heures et chaque jour, on vire 2 des 6 filières. 2.2 Renseignements sur le voyage et l'équipage Le voyage Au cours de cette marée, à la suite d'une surconsommation d'huile du moteur de propulsion relevée par l'équipage, l'armateur du GE.MI.MA a décidé d'interrompre la campagne de pêche et de demander au navire de rentrer au port de La Corogne en Galice (Espagne). Pour ce faire, l'équipage a donc dû récupérer ses 6 filières, ce qui a nécessité plus d'une trentaine d'heures de manutention. L'équipage L'équipage est composé d'un patron (français), d'un second et d'un chef mécanicien (espagnols - galiciens), et de six matelots (portugais). La langue de travail à bord de ce navire est l'espagnol, voire le galicien qui, proche de l'espagnol et du portugais est compris également par les membres portugais de l'équipage. Page 7 sur 24 Le patron, est âgé de 22 ans. Il est titulaire du brevet de Capitaine 500 depuis le 25 mars 2015. Il est également titulaire du permis de conduire les moteurs marins (250 kW) et du certificat général d'opérateur radio. Il exerce le métier de pêcheur depuis juillet 2009. Il occupe la fonction de patron depuis juillet 2014 et à bord du GE.MI.MA depuis le 30 mars 2015. Il maîtrise parfaitement l'espagnol. Depuis cet événement, il exerce la fonction de patron sur l'autre navire du même armateur, l'ESPOIR. À bord de ce type de navire, le second capitaine, de nationalité espagnole, occupe la fonction spécifique de capitaine des pêches (le « pesca»). C'est lui qui a la responsabilité des opérations et de l'organisation de la pêche. Tous les membres de l'équipage sont à jour de leurs visites d'aptitude médicale. L'organisation du travail permet à l'équipage de prendre des temps de repos suffisants. 2.3 Interventions Le 26 mai à 18h57, le CROSS Etel a été alerté par MF par le patron du GE.MI.MA dès lors qu'il a estimé que la situation était grave. Dans son message, il a indiqué que le navire avait une voie d'eau, qu'aucune pompe du bord ne parvenait à étaler celle-ci, et qu'aucun autre navire de pêche n'était à proximité. À 19h04, à la demande du CROSS Etel, le GE.MI.MA fait cap sur Penmarc'h. Vers 19h10, le CCS Finisterre est prévenu par téléphone par l'équipage. À 19h12, un message d'alerte est reçu par Inmarsat C à Griz Nez qui en informe le CROSS Etel. Diffusion du message « Mayday Relay » et l'hélicoptère lourd EC 225/NH90 est mis en alerte. À 19h13, SASEMAR propose son concours avec un hélicoptère muni d'une motopompe. Page 8 sur 24 À 19h19, le GE.MI.MA décide de faire cap sur La Corogne tandis que sur recommandation du CROSS Etel il effectue les préparatifs pour évacuer si besoin. À 19h20, approbation (par le CROSS Etel) du concours de l'hélicoptère HELIMER 205 de Bilbao. À 19h33, engagement et mise en alerte de l'hélicoptère HELIMER 205 de Bilbao. À 20h05, l'hélicoptère EC 225/NH90 décolle de la base de Lanvéoc. De 19h27 à 20h48 environ, plusieurs navires de commerce présents sur zone (ELPIS, MSC JAPAN, HHL VOLGA, VIKING ODESSA, MARFRET MARAJO), sont contactés et mis en alerte par le CROSS Etel. À 20h29, le GE.MI.MA est en route à 9 noeuds cap au sud. Le CROSS Etel lui demande de réduire sa vitesse pour préserver, compte tenu de l'autonomie de l'hélicoptère EC 225/NH90 du temps disponible d'intervention sur zone. À 20h34, le CROSS Etel demande au commandant de l'ELPIS de rester à proximité du GE.MI.MA pour lui porter assistance. À 20h35, le GE.MI.MA a stoppé, le MSC JAPAN est à 0,5 mille. À 20h55, l'avion Falcon XENON JULIET de la Marine nationale, en vol dans la région de Carnac est engagé, il est chargé de la coordination sur zone. À 21h10, le Falcon et l'hélicoptère NH90 sont sur zone. À 21h39, 5 personnes sont treuillées par le NH90. À 22h07, l'hélicoptère HELIMER 205, qui a déposé une pompe d'assèchement à bord, en limite d'autonomie, treuille un membre de l'équipage. À 22h27, les 3 marins restant à bord indiquent au CROSS Etel qu'ils vont évacuer. Ils ne sont pas parvenus à amorcer la pompe d'assèchement fournie par l'hélicoptère. Le 27 mai à 00h16, après avoir abandonné le navire à bord d'un radeau de sauvetage, les 3 marins sont récupérés par le MSC JAPAN. Page 9 sur 24 Nota : Les responsables du Cross Etel ont rencontré au début de l'année 2016 (comme tous les ans) leurs homologues espagnols. En particulier, l'opération SAR effectuée à l'occasion de l'évacuation, puis du naufrage du GE.MI.MA a été largement évoquée. 3 EXPOSÉ Heure TU (voir carte en annexe) Le mercredi 20 mai 2015, Le GE.MI.MA appareille de La Corogne pour rejoindre ses lieux de pêche. Le vendredi 22 mai à 00h30, Le GE.MI.MA arrive sur ses lieux de pêche, il met ses engins à l'eau. Le dimanche 24 mai, Le chef mécanicien informe le patron du GE.MI.MA que le moteur chauffe et qu'il présente une surconsommation d'huile. L'armateur est contacté par téléphone. Bien que la marée ne soit qu'à son début (seulement 2 à 3 tonnes de prises dans la cale à poissons), il prend la décision de faire rentrer le navire à La Corogne. Pendant la nuit du 24 au 25 mai, la journée du 25 mai et la nuit du 25 au 26 mai, les 6 filières de filets sont virées. Le mardi 26 mai au matin, À 10h50, le navire fait route vers le port de La Corogne, cap au 190, vitesse 8,8 noeuds. À 15h39, à la suite d'une alarme de montée d'eau concernant le poste d'équipage, le maître d'équipage confirme au patron, qui se trouve dans la timonerie, une entrée d'eau dans ce compartiment. Page 10 sur 24 Le chef mécanicien dispose l'aspiration de la pompe d'assèchement dans le poste d'équipage ainsi que les deux pompes électriques d'assèchement. Il parvient dans un premier temps à contrôler l'entrée d'eau. À 18h30, plus aucune pompe n'est efficace car les filtres se colmatent rapidement, le chef mécanicien tente sans succès d'intervenir. À 18h55, le patron du GE.MI.MA lance un MAYDAY sur la fréquence 2182 kHz. Il entre en contact avec le CROSS Etel par MF. Il demande une assistance ainsi que des motopompes pour étaler la voie d'eau. À 18h57, une opération est déclenchée par le CROSS Etel. À 18h59, la position du GE.MI.MA est 46°24,00 Nord et 007° 32,00 Ouest, soit à 155 milles du cap Estaca de Bares en Espagne et 155 milles de la pointe de Penmarc'h (carte en annexe C). La météo sur zone (source SITREP provenant des prévisions de Météo France) : Mer calme / Vent faible de NW / houle 1 m, visibilité 10 milles. Vers 19h00, le bord estime la houle à 1,50 m. Les deux radeaux de survie sont parés et les marins du bord sont équipés de leurs combinaisons de survie. Le patron du GE.MI.MA est en contact VHF avec des navires de commerce situés à proximité. À 19h04, sur recommandation du CROSS Etel, le GE.MI.MA fait route vers Penmarc'h. À 19h12, le CROSS Etel engage un hélicoptère lourd NH90 de la Marine nationale et diffuse un message « Mayday Relay ». À 19h13, le MRCC Madrid propose son concours avec un hélicoptère HELIMER 205 de Bilbao - HELIMER 401 muni d'une motopompe. À 19h19, le GE.MI.MA à la position 46°23,80 Nord et 007°31,80 Ouest, indique qu'à la demande de Salvamento Finisterre, il fait cap au sud vers La Corogne. Il poursuit la préparation d'un éventuel abandon du navire par l'équipage. Page 11 sur 24 À 19h20, les services de l'hélicoptère HELIMER 401 sont acceptés par le CROSS Etel. Vers 19h30, selon le rapport de mer du patron du GE.MI.MA, le MRCC Madrid se chargerait de coordonner les secours français et espagnols. À 19h33, le CROSS Etel engage l'hélicoptère HELIMER 205 de Bilbao. À 19h45, le GE.MI.MA à la position 46°20,00 Nord et 007°33,00 Ouest, est en route au 187° vitesse 8,5 noeuds. Il est à environ 160 milles de la base de Lanvéoc au 225°. À 19h49, le GE.MI.MA indique qu'il a jeté à la mer une partie de son matériel de pêche afin d'augmenter sa réserve de flottabilité. À 20h05, l'hélicoptère de la Marine nationale (non médicalisé) décolle. Son autonomie lui permet de rester 1 heure sur zone. À 20h06, plusieurs navires de commerce présents sur zone sont contactés. Engagement et mise en alerte des navires ELPIS (OMI 9118795, longueur HT 100,7 m) et MSC JAPAN (OMI 9110975, longueur HT 242,8 m). À 20h06, l'ELPIS, à proximité du GE.MI.MA s'étonne que celui-ci fasse route à 9 noeuds, cap au Sud. À 20h29, à la demande du CROSS, le GE.MI.MA stoppe. À 20h35, le MSC JAPAN est stoppé à 0,5 millle du GE.MI.MA. À 20h49, le CROSS Etel demande au MSC JAPAN de rester sur zone jusqu'à l'arrivée des hélicoptères et qu'il se prépare à porter assistance et à évacuer une partie de l'équipage. À 20h51, le GE.MI.MA annonce que ses dispositions sont prises pour l'évacuation. À 21h10, le NH90 est sur zone. À 21h30, le HELIMER 401 est sur zone. À 21h33, le MSC JAPAN annonce que 5 marins sont évacués par le NH90. À 22h04, le HELIMER 401, dépose une pompe à bord et évacue un membre de l'équipage. Page 12 sur 24 Il reste 3 hommes à bord qui, après avoir lancé le moteur de la motopompe, tentent sans succès de mettre la pompe en service puis disposent le radeau de survie. À 22h27, l'équipage restant à bord décide d'abandonner le navire. À 22h35, le MSC JAPAN indique qu'il ne peut pas prendre les naufragés car il estime l'opération trop dangereuse. À 22h49, le MSC JAPAN est disposé à embarquer les naufragés qui sont sur le radeau de survie. À 23h13, le MSC.JAPAN arrive à proximité du radeau. (46°11,30' Nord et 007°34,80'Ouest). Il manoeuvre pour le protéger du vent et envoie une amarre à l'aide du lance amarre afin d'aider au rapprochement du radeau. Bien que la houle ne soit estimée à ce moment qu'à 1,50 m, le roulis rendant trop dangereux l'usage de la coupée, les 3 membres de l'équipage du GE.MI.MA monteront sur le pont du MSC.JAPAN au moyen de l'échelle de pilote. Le mercredi 27 mai, À 00h16, les 3 naufragés sont pris en charge à bord du MSC.JAPAN qui reprend sa route pour Rotterdam. Aucune assistance médicale n'est demandée. À 01h57, après quelques difficultés, le CNCS parvient à communiquer avec l'armateur du navire. À 09h49, la position du GE.MI.MA relevée par un avion des douanes est alors à 46°14,30' Nord et 07°36,35 Ouest. La proue du navire émerge de 4 à 5 m. À 12h58, mise en demeure par le Préfet maritime à l'armateur du GE.MI.MA de faire cesser le danger que celui-ci représente pour la navigation. Le jeudi 28 mai, Vers 18h00, le navire est coulé par environ 4 700 mètres de fond par les plongeurs démineurs de la Marine nationale de Brest. Page 13 sur 24 4 ANALYSE La méthode retenue pour cette analyse est celle utilisée par le BEAmer pour l'ensemble de ses enquêtes. Les facteurs en cause ont été classés dans les catégories suivantes : facteurs naturels ; facteurs matériels ; facteurs humains ; Dans chacune de ces catégories, les enquêteurs du BEAmer ont répertorié les facteurs possibles et tenté de les qualifier par rapport à leur caractère : certain ou hypothétique ; déterminant, contributif ou sous-jacent ; conjoncturel ou structurel ; aggravant. avec pour objectif d'écarter, après examen, les facteurs sans influence sur le cours des événements et de ne retenir que ceux qui pourraient, avec un degré de probabilité appréciable, avoir pesé sur le déroulement des faits. Ils sont conscients, ce faisant, de ne pas répondre à toutes les questions suscitées par l'évènement. 4.1 Facteurs naturels Les conditions météorologiques Le 26 mai 2015 en soirée, la houle est estimée à 1,5 m. Température de la mer 13°C. Le GE.MI.MA flottait encore avec le poste d'équipage partiellement envahi. Le roulis (provoqué par la houle), aggravé par l'effet de carène liquide causé par l'envahissement, a probablement provoqué une entrée d'eau massive qui a complètement rempli le poste d'équipage, puis peut être un autre compartiment, et enfin, après le départ des marins, a provoqué le chavirage du navire. Page 14 sur 24 4.2 4.2.1 Facteurs matériels La voie d'eau La voie d'eau, cause initiale du naufrage du navire, a été localisée précisément par les plongeurs du Groupement de Plongeurs Démineurs de Brest. Elle est sur tribord, au niveau du poste équipage, comme le pensaient les marins (voir photo plus bas) sans avoir pu en localiser précisément l'origine. Les plongeurs ont supposé que le trou à l'origine de la voie d'eau résultait de l'effet de la corrosion sur la coque. Néanmoins, les mesures d'épaisseur de la coque, effectuées près de 4 ans auparavant (le 30 juin 2011) à la demande de la Société de Classification par une entreprise spécialisée, n'avaient pas, alors, mis en évidence de déficit d'épaisseur de la coque. Sur la base de ces mesures, la validité du certificat de Franc Bord du navire avait été confirmée, le 14 août 2014 par la société de classification, jusqu'au 03 juillet 2015. Il est à noter que, pendant toute la phase de l'envahissement du GE.MI.MA, le moteur de propulsion fonctionnait. C'était encore le cas lorsque les derniers marins l'ont abandonné pour embarquer dans le radeau de survie. Photo extraite du film effectué par les plongeurs démineurs de Brest avant le sabordage. Le diamètre du trou dans la coque peut être évalué à 4 cm. Page 15 sur 24 Plan du GE.MI.MA, annoté par l'antenne de Saint-Jean-de-Luz du Centre de Sécurité des Navires de Bordeaux. L'emplacement du trou est indiqué en rouge. La corrosion des fonds : Le trou constaté par les plongeurs se trouve dans les fonds et à l'arrière du puisard. Le puisard ne réceptionne que l'eau se trouvant au-dessus du plancher. Le plancher réalisé sur ce modèle de navire est le suivant : Du contreplaqué CTBX est fixé sur les varangues, et entre les mailles, le vide est comblé par des plaques de polystyrène. Cette option peu onéreuse est souvent retenue par les chantiers pour des motifs de coûts et de respect des critères de stabilité. Cette technique a fréquemment pour conséquence une accumulation d'eau sous le plancher dans les fonds aux points les plus bas. Cette eau est issue d'un phénomène de condensation sur les parois métalliques internes du navire du fait du différentiel de température entre la face interne et externe de la coque, accentuée par une ventilation insuffisante du local. Cette condensation provoque dans le temps des phénomènes de corrosion. L'obturation de la crépine d'asséchement : Sur ce type de chalutier, l'isolation thermique est réalisée par des plaques de laine de verre de densité moyenne et de faible épaisseur. Page 16 sur 24 L'installation sur les bordés dans un environnement humide, aggravé par la condensation, ainsi qu'une mauvaise ventilation ont conduit à une désagrégation du produit par un décollement de la laine de verre de son support qui se délite derrière le vaigrage du poste d'équipage. Après l'envahissement d'eau, la laine de verre s'est trouvée aspirée par les pompes d'asséchement, et a colmaté la crépine d'aspiration, rendant impossible l'évacuation de l'eau du compartiment. Le trou dans la coque est le premier facteur contributif de l'envahissement qui a conduit au naufrage du navire. 4.2.2 L'envahissement proprement-dit 4.2.2.1 Le débit d'eau d'envahissement En appliquant la formule de calcul du débit d'entrée d'eau par minute (Lpm). Lpm = 2,08 x A x H A désigne la surface de l'orifice d'entrée d'eau en cm 2, et H la profondeur en centimètres à laquelle se situe l'orifice. L'orifice constaté dans la coque par les plongeurs, qui est approximativement circulaire (voir photo page 15), mesure au plus 4 cm de diamètre. Sa surface est donc de l'ordre de 12,5 cm². Il est situé, approximativement, à 1,50 m de profondeur. Lpm = 2,08 x 12,25 x 12,57 = 320,21 litres par minute, Soit sur une durée d'une heure (Lph) : Lph = 320,21 x 60 = 19 213 litres/h. Le débit d'eau d'envahissement peut être estimé à 20m3/h. 4.2.2.2 L'échec de l'assèchement par le bord Le patron, le second capitaine et le chef mécanicien, constatant l'entrée d'eau et la vitesse à laquelle l'envahissement se produisait, estimaient que compte tenu des moyens disponibles à bord celui-ci serait maîtrisable et que le retour du navire au port était possible. Page 17 sur 24 Dès que l'entrée d'eau a été constatée, l'équipage a mis en service la pompe attelée d'assèchement du compartiment et les 2 pompes électriques supplémentaires, mais rapidement, les pompes ne débitaient plus. L'équipage a constaté un colmatage des filtres par de la laine de roche provenant de l'isolation thermique entre la coque et les cloisons d'emménagements. Après nettoyage de ces filtres, les pompes se colmataient à nouveau en moins d'une minute. 4.2.2.3 Le moyen fourni par l'hélicoptère EC-225 HELIMER 401 L'hélicoptère a fourni au navire une motopompe de marque TONDU et de type TP2T dont le débit (46,2 m3/h) aurait été probablement suffisant pour limiter l'envahossement. Cette pompe a été disposée sur la table de travail située derrière la timonerie. Vers 22h00, Les marins restant à bord ont lancé le moteur diesel de la pompe, à l'aide des instructions données par VHF par l'équipage de l'hélicoptère, mais malgré les efforts déployés, ils ne sont pas parvenus à l'amorcer. Ces pompes sont essayées périodiquement par le service technique de SASEMAR qui ne comprend pas les raisons du défaut d'amorçage ce jour-là. L'impossibilité d'évacuer l'eau provenant du trou dans la coque est le second facteur contributif de cet événement. Ce facteur conjugué avec le premier (la voie d'eau), a provoqué la perte du navire. 4.3 4.3.1 Facteurs humains Les événements qui ont précédé le naufrage À la suite de la surconsommation d'huile constatée sur le moteur du GE.MI.MA le dimanche 24 mai, et de la décision prise par l'armateur de faire rentrer le navire à La Corogne, les 6 filières de filets à lottes ont dû être remontées. Cette opération, qui requiert la collaboration de tout l'équipage a duré une trentaine d'heures en deux phases pendant lesquelles les filets ont été virés trois par trois. Le mardi 26 vers 10 heures, à la fin des opérations de récupération des filières, le navire a fait route en direction de La Corogne. Page 18 sur 24 4.3.2 Le déclenchement de l'alerte Le déclenchement de l'alerte a été effectué par le bord par l'envoi d'un Mayday et d'un appel radio au CROSS Étel dès qu'il s'est avéré que les moyens d'épuisement du navire ne permettaient pas d'étaler la voie d'eau. 4.3.3 L'abandon du navire Selon le patron, la situation n'est pas apparue critique pour les officiers du bord (patron, second et chef mécanicien) tant qu'ils estimaient que la voie d'eau pouvait être maîtrisée. Ceci aurait du reste été le cas si le pompage par les moyens du bord ou/et la pompe fournie par SASEMAR avait été possible. Lorsqu'une partie de l'équipage a été évacuée, et avant que ne soit décidé l'abandon du navire, la situation à bord a été gérée avec calme. Les derniers marins ont embarqué dans le radeau de sauvetage équipés de leur combinaison de survie. Aucun facteur humain n'est lié aux facteurs déterminants de ce naufrage. 5 CONCLUSIONS Le navire GE.MI.MA a subi une voie d'eau due à un trou dans la coque provoqué par la corrosion, au niveau du poste d'équipage. Les moyens d'épuisement du bord ont été rendus inopérants à la suite du délitement des matériaux d'isolation du poste d'équipage qui colmataient les filtres d'aspiration. La motopompe fournie par les secours espagnols n'a pas pu être mise en service par le chef mécanicien du bord. Le navire a été évacué par son équipage au moyen d'hélicoptères espagnol et français ainsi que par un cargo qui a apporté son assistance. Aucun marin n'a été blessé physiquement mais l'un d'eux a souffert d'un choc posttraumatique. Le navire a été perdu. Page 19 sur 24 6 6.1 1. ENSEIGNEMENT ET RECOMMANDATION Enseignement du BEAmer 2016-E-011 : La tranche correspondant au poste d'équipage des navires de pêche, en particulier d'une taille comprise entre 12 et 25 m apparaît particulièrement sujette à la condensation (voir également le naufrage du PANAMERA le 03 novembre 2013) ce qui accroît le risque de corrosion dans cette zone. 6.2 Recommandation du BEAmer A la société chargée de la délivrance du Certificat de Franc Bord du GE.MI.MA. 1. 2016-R-011 : Adapter la procédure de contrôle d'épaisseur de coque (en accord avec l'Administration) aux spécificités d'exploitation des navires de pêche, en particulier pour les navires similaires au GE.MI.MA. Page 20 sur 24 LISTE DES ANNEXES A. B. C. Liste des abréviations Décision d'enquête Carte Page 21 sur 24 Annexe A Liste des abréviations BEAmer CCS CNCS : : : Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Centro de Coordinación de Salvamento (Centre de coordination du sauvetage) Centro Nacional de Coordinación de Salvamento (Centre national de coordination du sauvetage - situé à Madrid-) CTB X CROSS DST Mayday Relay : : : : Contreplaqué extérieur (Conforme à la norme NF) Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage Dispositif de Séparation de Trafic Message automatique sur VHF canal 16, MF ou HF qui décrit brièvement la position, la nature de l'évènement et de la détresse et le secours demandé. MF MRCC SASEMAR : : : Medium Frequency (Fréquence moyenne - de 300 kHz à 3 MHz) Maritime Rescue Coordination Center Sociedad de Salvamento y Seguridad Marítima (Société de sauvetage et de sécurité maritime) TU UMS VHF : : : Temps Universel Unité Métrique Système Very High Frequency (Très hautes fréquences - de 30 MHz à 300 MHz ) Page 22 sur 24 Annexe B Décision d'enquête Page 23 sur 24 Annexe C Carte 100 milles Page 24 sur 24 Ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer Bureau d'enquêtes sur les évènements de mer Tour Pascal B - 92055 La Défense cedex téléphone : +33 (0) 1 40 81 38 24 bea-mer@developpement-durable.gouv.fr www.bea-mer.developpement-durable.gouv.fr

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