Prise en compte des impacts sanitaires dans les politiques de transport.
ESPINASSE (Ludovic) ;FOESSEL (Etienne) ;MILHAU (françois) ;SHAKOURZADEH BOLOURI (Daria) ;DE VALON Aymeric
Auteur moral
Auteur secondaire
Résumé
Depuis les années 2000, la problématique de la santé dans les transports émerge de plus en plus fortement, et ce aussi bien au niveau international que parmi la population. Pourtant, en France, les impacts sur la santé ne sont pas systématiquement inclus dans l'évaluation des politiques de transports. Dans ce travail, nous nous sommes intéressés à cinq thèmes transversaux liés à cette problématique : la pollution de l'air, l'activité physique, le stress, le bruit, et enfin la monétarisation de ces aspects. De nombreux entretiens avec des experts du secteur ont complété notre étude. Si la santé est désormais mieux intégrée dans les transports, de nombreuses pistes d'actions, à court et à long terme, sont à poursuivre. Des acteurs majeurs comme les responsables politiques et scientifiques pourraient, entre autres, promouvoir des recherches plus importantes sur le sujet, mettre en place des nouveaux référentiels d'évaluation des politiques de transport intégrant davantage la problématique santé, mieux intégrer la thématique du stress pressentie comme majeure dans les années à venir, solliciter la réduction des déplacements via des politiques publiques adéquates, etc. Deux points clés émergent : la nécessité d'une réelle coordination des différents acteurs et des différents domaines, et l'importance de nouvelles études pour obtenir des données actuellement manquantes ou insuffisantes, notamment pour permettre une meilleure monétarisation.
Editeur
MEDDTL - DGITM (Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer)
Descripteur Urbamet
politique des transports
;pollution atmosphérique
;bruit
;coût
;déplacement
Descripteur écoplanete
stress
Thème
Transports
;Santé
Texte intégral
Ecole Nationale des Ponts et Chaussées
Ecole Nationale du Génie Rural, des Eaux et des Forêts
2011-2012
Groupe Commandité Tutoré MAP / MPAPDD
Ludovic Espinasse Etienne Foessel François Milhau Daria Shakourzadeh Bolouri Aymeric de Valon
Prise en compte des impacts sanitaires dans les politiques de transport
Commanditaire : Direction Générale des Infrastructures, du Transport et de la Mer Service de l'Administration Générale et de la Stratégie Sous-Direction des Etudes et de la Prospective
GCT Santé Transport
Remerciements
En premier lieu, nous tenons à dédier ce travail à la mémoire de Fabien Paris, chargé d'études à la DGITM et commanditaire de cette étude, prématurément disparu à l'automne 2011. Nous remercions Nadine Asconchilo, chef du bureau EP3 de la DGITM, ainsi qu'André Leuxe, adjoint au chef du bureau EP2, et Colette Watellier, chargée d'études Santé et transport, pour leur disponibilité, pour l'intérêt qu'ils ont porté à notre travail et pour l'aide qu'ils nous ont fournie. Nous souhaitons également remercier Olivier Bonin, chercheur au LVMT et Xavier Lafon, adjoint au directeur du MAP, pour le suivi et l'encadrement de notre mission. Enfin, nos remerciements vont à l'ensemble des interlocuteurs que nous avons rencontré et avec qui nous nous sommes entretenus au cours de cette étude, pour l'accueil qu'ils nous ont réservé et pour les échanges riches et consistants que nous avons eus avec eux.
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GCT Santé Transport
Résumé
Depuis les années 2000, la problématique de la santé dans les transports émerge de plus en plus fortement, et ce aussi bien au niveau international que parmi la population. Pourtant, en France, les impacts sur la santé ne sont pas systématiquement inclus dans l'évaluation des politiques de transports. Dans ce travail, nous nous sommes intéressés à cinq thèmes transversaux liés à cette problématique : la pollution de l'air, l'activité physique, le stress, le bruit, et enfin la monétarisation de ces aspects. De nombreux entretiens avec des experts du secteur ont complété notre étude. Si la santé est désormais mieux intégrée dans les transports, de nombreuses pistes d'actions, à court et à long terme, sont à poursuivre. Des acteurs majeurs comme les responsables politiques et scientifiques pourraient, entre autres, promouvoir des recherches plus importantes sur le sujet, mettre en place des nouveaux référentiels d'évaluation des politiques de transport intégrant davantage la problématique santé, mieux intégrer la thématique du stress pressentie comme majeure dans les années à venir, solliciter la réduction des déplacements via des politiques publiques adéquates, etc. Deux points clés émergent : la nécessité d'une réelle coordination des différents acteurs et des différents domaines, et l'importance de nouvelles études pour obtenir des données actuellement manquantes ou insuffisantes, notamment pour permettre une meilleure monétarisation.
Abstract
Since the 2000's, health is a growing issue in transport policies for international organizations as well as local populations. However, in France, health impacts deriving from transports are not yet assessed. This report deals with five transverse themes related to this question: air pollution, physical activity, stress, noise and their economic valuation. Several interviews with specialists helped to supplement our study. Though health is increasingly considered in transportation policies, several short- and long-term measures can be undertaken. Major stakeholders such as politicians and scientists should promote more thorough researches on the subject, introduce a new frame of reference for policy evaluation with a better focus on health issues and especially stress, which is expected to be a major issue for the next years, encourage a decrease in mobility through public policies, etc. The two key issues coming to the fore are the need for a better coordination between the stakeholders coming from different backgrounds and the need for new studies supplementing currently missing data, thus allowing improvements in economic assessment.
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Sommaire
Introduction ................................................................................................... 6
Partie I. Présentation et contextualisation ..................................................... 8
I.1. Méthodologie actuelle d'évaluation .................................................................................... 8 I.2. Limites et enjeux ............................................................................................................... 11 I.2.a. Une prise de conscience à l'international ........................................................................... 11 I.2.b. Health in All Policies, ou l'intégration de la santé dans les politiques publiques ............... 11 I.2.c. L'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport ................................ 12 I.2.d. La nécessaire évolution du référentiel relatif à l'évaluation des projets de transport ....... 13 I.3. Jeu d'acteurs, consensus et débats .................................................................................... 14 I.3.a. Au niveau international ...................................................................................................... 14 I.3.b. Les ministères et leurs directions centrales ........................................................................ 14 I.3.c. Le réseau scientifique et technique du ministère ................................................................ 15 I.4.d. Les acteurs hors administration centrale............................................................................ 15 I.3.e. Les points de convergence et les débats ............................................................................. 16
Partie II. Etude thématique de cinq enjeux alliant santé et transport ............18
LA MONETARISATION DES IMPACTS SANITAIRES DES TRANSPORTS ......................................... 19 A. Définition ................................................................................................................................... 19
A.1. La monnaie comme unité de mesure ................................................................................................................. 19 A.2. Définition ministérielle (MEDDTL) ...................................................................................................................... 20
B. Bibliographie, recherche et études ............................................................................................ 21
B.1. Valeur de la vie et santé ..................................................................................................................................... 21 B.2. La méthode QUALY ............................................................................................................................................. 22 B.3. Les limites ........................................................................................................................................................... 23
C. Politiques publiques ................................................................................................................... 24
C.1. Les pratiques actuelles à l'étranger .................................................................................................................... 24 C.2. Les acteurs .......................................................................................................................................................... 24
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LA POLLUTION DE L'AIR ET LES TRANSPORTS ........................................................................... 26 A. Définition ................................................................................................................................... 26
A.1. Définir et mesurer la pollution atmosphérique .................................................................................................. 26 A.2. Effets sur la santé ............................................................................................................................................... 27
B. Prise en compte dans les politiques publiques : le rapport Boiteux 2 ....................................... 27
B.1. Une approche top-down ..................................................................................................................................... 27 B.2. Estimation des coûts de la pollution ................................................................................................................... 28 B.3. Evolution des valeurs .......................................................................................................................................... 29 B.4. L'étude d'impact ................................................................................................................................................. 29
LE BRUIT ET LES TRANSPORTS ................................................................................................. 31 A. Le bruit et les nuisances sonores ............................................................................................... 31
A.1. Les indicateurs de bruit ...................................................................................................................................... 31 A.2. Des effets divers sur la santé .............................................................................................................................. 31 A.3. La prise en compte au niveau de l'Etat ............................................................................................................... 32
B. Les effets du bruit sur la santé, origines et conséquences ........................................................ 32
B.1. Les précautions à prendre lors de la comparaison des niveaux de bruit ............................................................ 32 B.2. La problématique du bruit nocturne .................................................................................................................. 33 B.3. L'estimation des coûts externes liés au bruit des transports sur la santé .......................................................... 34
C. Prise en compte par les politiques publiques............................................................................. 34
C.1. Les cartes de bruit stratégiques .......................................................................................................................... 34 C.2. L'évaluation socio-économique dans le rapport Boiteux 2 ................................................................................. 35 C.3. Les évolutions envisageables du référentiel ....................................................................................................... 35
LE STRESS ET LES TRANSPORTS ................................................................................................ 37 A. Le stress, définitions .................................................................................................................. 37
A.1. Définitions académiques et processus biologiques ............................................................................................ 37 A.2. Une définition officielle ...................................................................................................................................... 38 A.3. Traitements possibles du stress .......................................................................................................................... 38
B. Le stress et les transports, origines et conséquences ................................................................ 38
B.1 Causes et conséquences du stress pour les usagers des transports .................................................................... 38 B.2. Le stress chez les professionnels des transports ................................................................................................ 39 B.3. Le cas des riverains des infrastructures de transport ......................................................................................... 40
C. Prise en compte actuelle par les politiques publiques ............................................................... 40
C.1. Les positions des différents acteurs sur la question du stress ............................................................................ 40 C.2. Les pratiques actuelles ........................................................................................................................................ 41 C.3. Les évolutions possibles ...................................................................................................................................... 41
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L'ACTIVITE PHYSIQUE ET LES TRANSPORTS .............................................................................. 43 A. L'activité physique, mode de déplacement actif ou doux ?....................................................... 43
A.1. L'activité physique en tant que problématique de santé publique .................................................................... 43 A.2. L'activité physique en tant que mode de transport à part entière ..................................................................... 43
B. L'activité physique et les transports, origines et conséquences ................................................ 44
B.1. Etat de l'art académique : la littérature nord-américaine .................................................................................. 44 B.2. Le développement d'outils internationaux d'évaluation .................................................................................... 45 B.3. L'étude RECORD .................................................................................................................................................. 46
C. Prise en compte actuelle par les politiques publiques ............................................................... 47
C.1. Les positions des différents acteurs sur la question de l'activité physique ........................................................ 47 C.2. Les pratiques actuelles ........................................................................................................................................ 47 C.3. Les évolutions possibles ...................................................................................................................................... 48
Partie III. Analyse critique .............................................................................49
III.1. Bilan ............................................................................................................................... 49 III.2. Retour sur le travail effectué ........................................................................................... 52 III.2.a. Les entretiens .................................................................................................................... 52 III.2.b. Autres thématiques .......................................................................................................... 53 III.3. Perspectives.................................................................................................................... 56 III.3.a. Evolution de la monétarisation......................................................................................... 56 III.3.b. L'importance d'une vision transverse des politiques publiques........................................ 57
Conclusion ....................................................................................................60
Bibliographie .................................................................................................62
Annexes ........................................................................................................66
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Introduction
Le Grenelle de l'environnement, politique structurante de l'action publique en matière de développement durable en France a permis depuis 2007 de soulever un certain nombre de problématiques environnementales, qui doivent faire désormais l'objet d'une évaluation dans les programmes et les projets portés par l'administration centrale. La prise en compte des thématiques du développement durable (économie, environnement et société) s'est donc progressivement diffusée et est de mieux en mieux acceptée et partagée au sein de l'administration. Parallèlement, le grand public attache une importance grandissante à la protection de l'environnement au sens large, et se trouve de plus en plus demandeur de démarches respectueuses de celui-ci. Face à ces préoccupations, la thématique de la santé émerge progressivement. Elle est en effet fortement liée aux questions d'environnement, notamment à travers la qualité de l'air, qui constitue une première interface entre ces deux domaines ministériels que sont l'environnement et les transports d'une part, et la santé d'autre part. Toutefois, le sujet semble encore peu abordé de manière globale. Par ailleurs, le secteur des transports est particulièrement susceptible de générer des impacts sur l'environnement, et donc sur la santé. Dans le même temps, le Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement (MEDDTL) organise une évolution de son référentiel d'évaluation des projets, et la Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer (DGITM) élabore avec le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) une démarche qui permettra une construction collective des projets de transport sur la base des critères du développement durable. En effet, l'évaluation socio-économique des projets d'infrastructure connaît de nombreux bouleversements depuis plusieurs années. Si à l'origine, ces études prenaient en compte de manière prépondérante les effets économiques de l'investissement, un rapport du Commissariat Général du Plan de 2000 a permis une nette amélioration de l'intégration des externalités environnementales. Dans le contexte actuel d'analyse des politiques publiques sous le prisme du développement durable, ces externalités ont un poids croissant pour la société qu'il convient de mieux prendre en compte.
A la suite de ces constatations, la DGITM a commandité, dans le cadre des Groupes Commandités Tutorés (GCT) de la formation du Mastère spécialisé d'Action Publique (MAP)/Mastère spécialisé de Politique et d'Action Publique pour le Développement Durable (MPAPDD) de l'Ecole des Ponts, un travail portant sur la prise en compte de la santé dans les politiques de transport. Au terme d'une première analyse du sujet, la problématique qui a été retenue est la suivante : comment améliorer l'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport en France ? Les politiques de transport s'entendent à l'exclusion des transports aériens, qui ne sont pas du ressort de la DGITM, et des transports maritimes, dont les impacts sont, dans le cadre de cette étude, présumés faibles. Les attentes initiales quant à ce travail étaient un état des lieux des initiatives déjà menées sur les politiques liant santé et transports, ainsi qu'un aperçu des principaux enjeux scientifiques, assortis de propositions pour intégrer ces enjeux, notamment dans le référentiel
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d'évaluation. Pour répondre à ces attentes, nous avons réalisé un travail de synthèse bibliographique complété par des entretiens avec des personnes-ressources concernées par cette thématique.
Le présent rapport présente le travail que nous avons réalisé pendant les dix semaines du GCT. Dans un premier temps, il fait le point sur la situation actuelle de l'évaluation des projets de transport, des grands enjeux et des acteurs concernés. Par la suite, nous nous focalisons sur cinq thèmes à enjeux, alliant santé et transports, que nous avons étudiés plus en détails. Puis nous terminons par un bilan et une analyse critique de notre travail en proposant quelques pistes pour poursuivre l'étude ainsi entamée.
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Partie I. Présentation et contextualisation
I.1. Méthodologie actuelle d'évaluation
L'évaluation des projets et politiques est un outil d'aide à la décision pour éclairer les pouvoirs publics concernant l'usage des fonds publics et la durabilité des projets considérés. Les référentiels d'évaluation actuels sont antérieurs au Grenelle Environnement, qui structure la politique française en matière de développement durable. En décembre 2008, le ministre en charge du développement durable a rédigé une circulaire-cadre (Ministère en charge du développement durable, 2008) qui vise à refonder le référentiel d'évaluation, dans le but de répondre aux deux questions suivantes : Quel est l'objectif visé par le projet ? Est-ce le meilleur moyen d'atteindre l'objectif défini ?
Il est à noter que ces questions ne sont pas spécifiques au domaine des transports, mais concernent l'ensemble des domaines pour lesquels le MEDDTL intervient. Selon cette circulaire, qui doit être déclinée par des textes spécifiques, le dossier d'évaluation d'un projet doit se composer des trois parties suivantes : 1. L'analyse stratégique permettant de justifier l'intervention en spécifiant le besoin identifié, de fixer les objectifs et résultats attendus, et enfin d'identifier et de calibrer les différentes alternatives possibles au projet. L'alternative minimale doit toujours être considérée, et si possible prise comme référence par rapport au projet ; 2. L'analyse des impacts économiques, sociaux et environnementaux à l'aide d'une grille (voir le tableau) qui doit permettre de décrire qualitativement les impacts et de les valoriser en unités monétaires. Certains impacts peuvent être difficiles à qualifier en raison de leur nature transversale, et il est important de regarder aussi bien les impacts positifs que négatifs. Cette grille constitue le cadre de référence pour la présentation des résultats, afin de faciliter le processus d'arbitrage au sein du MEDDTL et le dialogue entre les différentes parties prenantes. Afin d'établir cette grille, l'accès aux données est un point crucial, ce qui pose notamment la question de leur coût d'acquisition ; 3. La synthèse et l'évaluation des alternatives a pour objectif de synthétiser l'information disponible, afin de comparer les coûts et les impacts, en respectant le principe de monétariser tous les impacts qui peuvent l'être en l'état actuel des connaissances, et de proposer une évaluation qualitative quand il n'existe pas de modèle quantitatif. Il est également important de pondérer les effets en fonction du temps et de prendre en compte les risques et les incertitudes.
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Domaine
Nature
Description qualitative des impacts
Valorisation des impacts
Environnement et risques
Social
Economie
Autres
Climat Pollution locale de l'air Bruit Milieux aquatiques Biodiversité Paysage Sols Sécurité / sureté / risques Emploi Groupes vulnérables / pauvreté Effets redistributifs Formation capital humain Accès aux biens et services essentiels Cohérence territoriale / Mixité sociale Impact sur les ménages Impact pour les entreprises Coût total Coût pour les finances publics et impacts fiscaux Compétitivité et effets économiques additionnels Effets Tableau : la grille d'évaluation des impacts du MEDDTL
Par ailleurs, la politique d'évaluation des projets d'infrastructures de transport au MEDDTL se base largement sur le rapport du Commissariat Général du Plan de 2000, dit rapport « Boiteux 2 » (Boiteux & Baumstark, 2000). L'idée de ce rapport a émergé dans les années 90, lorsque la question de l'environnement était un point de crispation qui ralentissait les projets d'infrastructures de transport (Entretien Luc Baumstark, GCT). A la suite des débats avec le Ministère de l'Economie, le besoin de s'accorder sur la doctrine et les éléments d'évaluation a fait jour, et un rapport a été commandé à Marcel Boiteux, ancien dirigeant d'EDF. Ce rapport dit « Boiteux 1 » était assez succinct, et servait surtout à faire l'état des lieux sur plusieurs sujets : la valeur du temps, la valeur de la vie humaine... C'est à ce moment qu'est apparue la question de l'effet de serre. Le rapport Boiteux 2 intervient suite à la montée en puissance des questions environnementales, notamment sur la pollution atmosphérique. Plusieurs commissions ont alors été établies pour chacun des thèmes concernés : prix de l'énergie, effet de serre (prix du carbone), effets du bruit, effets de coupure liés aux infrastructures... Le rapport Boiteux 2, intéressant fortement la Commission Européenne, joue le rôle d'interface entre des interrogations scientifiques provenant de domaines variés, les traduit de manière économique et montre comment passer du chiffrage des impacts à des outils à mettre en oeuvre dans les évaluations (Entretien Luc Baumstark, GCT). Depuis ce rapport, d'autres travaux
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s'inscrivent dans cette continuité pour affiner certains points esquissés dans le rapport Boiteux 2. De nombreux débats persistent sur le choix des valeurs tutélaires et sur certaines des hypothèses retenues, notamment sur le choix de la valeur du temps et de la valeur de la vie statistique, ou encore du taux d'actualisation retenu. Les impacts actuellement étudiés sont donc des impacts environnementaux dans lesquels figurent le bruit et la pollution de l'air et prenant en compte à la fois des impacts directs, indirects et cumulés ; des impacts sociaux comprenant notamment la formation, le capital humain, la mise en oeuvre de technologies, l'emploi ou encore l'accessibilité, et des impacts économiques sur les ménages, les opérateurs, sur la puissance publique, sur la compétitivité et sur la potentialité des territoires. La démarche actuelle insiste sur l'importance de la notion de « coût raisonnable » au regard des enjeux environnementaux. L'étude de la démarche actuelle d'évaluation nous permet de mettre en évidence que la problématique de santé n'est pas actuellement explicitement présente, même s'il est fait référence au bruit et à la pollution. Par exemple, la notion d'activité physique n'est pas mentionnée, tout comme celle du stress. Or, les effets sur la santé du transport sont indéniables et leur prise en compte devient nécessaire, au même titre que les impacts environnementaux. Au MEDDTL, le processus actuel d'évaluation des projets de transport permet de s'assurer que les projets envisagés sont de nature à répondre aux objectifs fixés dans le cadre des besoins exprimés et des politiques publiques définies, et de vérifier a posteriori que les objectifs fixés ont été effectivement atteints. Ce processus s'appuie largement sur le rapport Boiteux 2, qui permet de conserver une approche de calcul économique dans l'évaluation des projets, mais fait également l'objet de débats sur les valeurs tutélaires retenues. La méthode actuelle ne prend pas encore complètement en considération les trois piliers du développement durable (économie, société et environnement), et en tout état de cause, le domaine de la santé n'est pas encore abordé de manière globale dans le référentiel actuel. Certaines thématiques sont toutefois partiellement traitées grâce au prisme de l'environnement, comme la pollution atmosphérique et le bruit.
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I.2. Limites et enjeux
Aujourd'hui, au vu de la grille d'évaluation du MEDDTL, les impacts sur la santé des projets de transport ne sont pas explicitement considérés. Une prise en compte indirecte et partielle est réalisée à travers certains impacts sur l'environnement, notamment la pollution de l'air ou le bruit. Toutefois, aucune intégration explicite et poussée des conséquences sanitaires (bénéfiques ou préjudiciables) de la réalisation de projets de transports n'est réalisée.
I.2.a. Une prise de conscience à l'international
A l'étranger, certains pays mènent cependant des politiques publiques, au titres desquelles des politiques publiques de transport, qui comportent un volet sur la santé publique. En Amérique du Nord, où la population est confrontée à des problèmes de santé publique, comme l'obésité, une littérature académique assez fournie existe depuis les années 1990-2000. Ces travaux ont notamment permis d'établir qu'il est possible d'améliorer la santé en changeant la manière dont les individus utilisaient les différentes formes de transports (Morrison, et al., 2003), qu'une approche pluridisciplinaire peut permettre d'identifier les aménagements à réaliser pour inciter les individus à des comportements plus compatibles avec une bonne santé, comme la pratique d'une activité physique en tant que mode de transport (Lee & Vernez Moudon, 2004), ou encore que l'intégration des objectifs sanitaires dans la planification des transports peut être une manière efficiente et économique d'améliorer la santé publique (Litman, 2003). Cette problématique d'une meilleure prise en compte de la santé dans les transports émerge également au niveau européen depuis le début des années 2000. On peut notamment citer en 2002 la création de THE PEP (Transport, Health and Environment Pan-European Programme, ou PPE TSE Programme Paneuropéen sur les Transports, la Santé et l'Environnement), sous l'égide de l'OMS et des Nations Unies. Ce programme est chargé d'améliorer la coopération entre les secteurs des transports, de la santé et de l'environnement, afin de mieux coordonner leurs politiques. En effet, d'après la définition de la santé, qui figure dans le préambule de la Constitution de l'OMS, « la santé est un état complet de bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ». Par ailleurs, les transports, en permettant aux individus de se déplacer, sont un élément clé du développement d'une société, aussi bien sur le plan économique que sur le plan social. Santé et transport constituent ainsi deux domaines très vastes et très importants des politiques publiques ; une coordination de ces actions constitue ainsi un enjeu fort.
I.2.b. Health in All Policies, ou l'intégration de la santé dans les politiques publiques
En 2006, à l'occasion de la présidence finlandaise de l'Union Européenne, le programme « Health in All Policies » a été lancé (Ståhl, et al., 2006). Ce programme a pour but de promouvoir la santé, et d'inclure une estimation des impacts potentiels sur la santé dans toutes les politiques publiques conduites en Europe, y compris celles ne relevant pas, a priori, du monde de la santé (Kahlmeier, et al., 2010). Pour atteindre cet objectif, les acteurs du domaine de la santé doivent pouvoir proposer aux acteurs des autres domaines des outils ou des données exploitables en synergie, afin de pouvoir identifier des solutions avantageuses pour l'ensemble des parties prenantes tout en tirant des modes d'actions bénéfiques pour la santé.
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Cet échange intersectoriel entre la santé et les autres volets de l'action publique est nécessaire à double titre. D'une part, cette collaboration permettrait d'identifier et de mieux comprendre les liens qui existent entre la santé et, par exemple, les transports. En effet, de nombreux impacts, potentiellement importants, n'ont pour l'instant bénéficié que de peu d'études coordonnées entre les différents acteurs. C'est le cas par exemple de la pratique de l'activité physique, qui, outre le fait de constituer un mode de déplacement pratique, permet d'améliorer la santé des individus la pratiquant (Papon, 2011). D'autre part, cette collaboration servirait à identifier la meilleure manière, c'est-à-dire la plus simple et la plus efficace, pour réaliser l'intégration de la santé dans les politiques publiques. A ce titre, il faut noter que les effets des transports sur la santé sont très divers, et peuvent se manifester de façons très différentes. Par exemple, il convient, dans une approche par le domaine de la santé, de distinguer la mortalité, qui renvoie à des décès et donc à des années de vie perdues, et la morbidité, qui renvoie à des maladies ou des handicaps et donc à des années de vie en bonne santé perdues. Pour pouvoir utiliser un indicateur unique, facilement compréhensible et interprétable, il est ainsi nécessaire d'arriver à trouver un moyen de hiérarchiser, de classer et d'agréger ces effets. Dans cette optique, une bonne monétarisation des effets des transports sur la santé permettrait d'atteindre cet objectif. Compte-tenu de la complexité du domaine de la santé, il est également nécessaire de bénéficier d'une méthodologie robuste et d'une approche consistante pour pouvoir réaliser l'intégration de la santé dans le domaine des transports d'une manière systématique, complète et reconnue. En effet, il faut pouvoir disposer d'outils non seulement simples et efficaces, pour permettre leur bonne utilisation, mais aussi évolutifs, pour pouvoir s'adapter aux découvertes et avancées du domaine. La méthodologie générale de prise en compte des impacts sanitaires dans les projets de transport doit ainsi autoriser, entre autre, l'ajout de nouveaux impacts, un raffinement des méthodes d'évaluation, et une amélioration des connaissances scientifiques et médicales des liens entre transport et santé.
I.2.c. L'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport
Les transports constituent un domaine de l'action publique où des évaluations des différents projets portés par les décideurs sont classiquement réalisées. Compte-tenu de l'importance des sommes d'argent nécessaires pour réaliser ces projets, ces évaluations sont généralement économiques, portent sur de nombreux critères, et aboutissent à une monétarisation. Celle-ci permet de vérifier à la fois la rentabilité purement économique du projet, et aussi une certaine rentabilité sociale, en s'assurant que les bénéfices que peuvent tirer les individus de la réalisation du projet dépasseront bien les désagréments que son existence causera. Actuellement en France, la problématique de la santé ne fait pas partie des aspects abordés de manière systématique et approfondie lors de la réalisation d'un projet de transport. La santé ne figure d'ailleurs pas explicitement au niveau des critères d'évaluation. Pourtant, inclure la problématique de la santé dans le domaine des transports paraît souhaitable, eu égard aux enjeux de santé publique qui pourraient en découler. Par exemple, l'OMS estime qu'en Europe de l'Ouest, par an, un million d'années de vie en bonne santé sont perdues à cause des nuisances sonores induites par les transports (OMS, 2011).
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Une manière relativement simple et efficace pour permettre une prise de conscience de la nécessité d'inclure les problématiques issues du domaine de la santé dans celui des transports consiste à tenter d'inclure les impacts sur la santé dans l'évaluation et dans la monétarisation des projets de transports. En effet, d'une part, cette démarche permet de s'appuyer sur une pratique courante, habituelle et connue par les acteurs du domaine des transports et d'autre part, la monétarisation, même incomplète, permet d'insister sur l'importance des impacts sanitaires par rapport aux autres impacts induits par le projet de transport considéré.
I.2.d. La nécessaire évolution du référentiel relatif à l'évaluation des projets de transport
Actuellement, le référentiel relatif à l'évaluation des projets de transport fait l'objet de réflexion quant à son évolution. Le référentiel actuel se base fortement sur les conclusions du rapport Boiteux 2, établi au tout début des années 2000. Une réécriture est nécessaire, que ce soit pour actualiser les valeurs tutélaires fixées par ce rapport, pour affiner la qualification et la quantification des impacts identifiés par le groupe d'études, ou pour y inclure de nouvelles problématiques, essentiellement liées au développement durable. Dans ce contexte d'évolution du référentiel, couplé à une prise de conscience de l'importance de la santé de la population, il pourrait être utile de profiter de l'occasion pour penser à y inclure une mesure plus précise, systématique et explicite des impacts sanitaires des projets de transport. Au niveau international, on constate une prise de conscience grandissante de l'importance de l'intégration des problématiques de santé publique dans les autres politiques, et notamment dans la planification des transports. Les instances internationales s'en sont emparées avec, par exemple, le programme THE PEP sous l'égide de l'OMS et des Nations Unies, censé coordonner les secteurs des transports, de l'environnement et de la santé. Cette intégration générale dans les politiques publiques a été portée par la Finlande au niveau européen en 2006 avec le programme « Health in All Policies ». L'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport constitue un enjeu en soi. En effet, cette intégration nécessite la collaboration de deux mondes distincts, celui des transports et celui de la santé, habitués à des méthodes de travail et à des outils différents, afin d'arriver à des politiques publiques optimisées d'une manière globale, offrant une meilleure qualité de vie à la population. Elle requiert donc une collaboration étroite des différents acteurs afin d'atteindre cet objectif. En France, les acteurs du domaine des transports sont habitués à la réalisation d'évaluations de leurs politiques. A ce titre, il paraît intéressant, utile et pratique de procéder à l'intégration des impacts sur la santé dans ces évaluations. Cette intégration est d'ailleurs facilitée par les réflexions actuelles sur une évolution du référentiel relatif à l'évaluation des projets de transport dans le but d'y inclure de manière plus claire les problématiques du développement durable. La santé en tant que telle pourrait alors figurer de manière explicite, systématique et approfondie dans les politiques de transports.
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I.3. Jeu d'acteurs, consensus et débats
De nombreux acteurs interviennent de près ou de loin sur les questions liées aux transports et sur celles de santé. Il existe ainsi un certain foisonnement d'initiatives publiques à différents niveaux, mais la question de la santé dans les transports apparaît comme étant innovante, et réclame une action coordonnée de la part de ces différents acteurs. La partie suivante a pour but de faire le point sur les principaux acteurs du domaine et les points de discussion les plus fréquemment abordés.
I.3.a. Au niveau international
La commission des affaires économiques pour l'Europe des Nations Unies a inauguré depuis 2002 le Programme Pan-Européen sur les Transports, la Santé et l'Environnement (PPE TSE), qui vise à rapprocher les acteurs de ces trois secteurs afin de partager des informations et de la connaissance (UNECE, 2011). Dans la déclaration d'Amsterdam, au cours du troisième colloque stratégique « de haut niveau » sur les Transports, la Santé et l'Environnement, les gouvernements représentés se sont mis d'accord sur quatre objectifs prioritaires à aborder d'ici 2014 dans les politiques publiques de transport : 1. Contribuer au développement économique durable et stimuler la création d'emploi par l'investissement dans des systèmes de transport respectueux de la santé et de l'environnement ; 2. Parvenir à une mobilité durable et à un système de transport plus efficient ; 3. Réduire les bruits, gaz à effet de serre et autres polluants de l'air émis par les transports ; 4. Promouvoir des politiques et des actions favorables à des modes de transport sûrs et respectueux de la santé. Le quatrième objectif est ensuite décrit de la manière suivante : « favoriser des politiques et des mesures propices à des modes de transports sains et sûrs en concevant et en modernisant les zones urbaines et les établissements humains en vue d'améliorer les conditions d'une mobilité sûre et propice à l'activité physique, en particulier des infrastructures pour la marche à pied et le cyclisme, des transports en communs efficients et accessibles, notamment axés sur des groupes vulnérables tels que les enfants et les personnes à mobilité réduite ». L'ensemble de cette déclaration fournit donc un cadre de réflexion aux ministères concernés par la thématique, qui vont devoir transcrire ces ambitions dans les politiques publiques françaises.
I.3.b. Les ministères et leurs directions centrales
En France, la question de la santé dans les transports est avant tout portée par deux ministères, celui en charge des transports (actuellement, le Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement), ainsi que celui en charge de la santé (actuellement, le Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Santé). Il apparaît donc déjà que le sujet est transversal, et peut même être élargi à d'autres acteurs, comme le Ministère de l'Intérieur, qui porte la politique de sécurité routière. Pour l'ensemble des ministères, le cadre d'action provient largement du Grenelle de l'Environnement, dont les lois de programmation et de mise en oeuvre ont permis l'élaboration d'objectifs et de mesures. L'éventail de mesures du Grenelle pour des transports durables est très large, concernant non seulement les transports urbains (développement des transports collectifs en site propre, développement de l'auto-partage, possibilité de mise en place de péages urbains) mais aussi l'ensemble des modes de transport, via le Schéma National des Infrastructures de Transport (SNIT).
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Pour le MEDDTL, comme il a été vu précédemment, la question de la santé dans les transports fait partie de la réflexion menée dans le cadre de la refonte du référentiel d'évaluation des infrastructures de transport. La sous-direction « études et prospectives » de la Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer (DGITM) s'est saisie de l'intégration de la santé dans ce référentiel, ce qui témoigne de son aspect novateur. En effet, les questions de santé, si elles représentent bien une problématique émergente, ne sont pas encore communément considérées de manière globale par le MEDDTL. Il existe toutefois des actions déjà mises en place pour traiter certaines problématiques, comme l'amélioration de la qualité de l'air, qui a fait l'objet du « plan particules », qui se décline localement sous la forme des Schémas Régionaux Climat Air Energie (SRCAE). L'objectif de la sous-direction EP est de faire émerger une prise en compte des problèmes sous la forme d'un triptyque « santé-environnement-transports ». Pour sa part, le Ministère de la Santé agit en particulier via les programmes nationaux, comme le Plan National Santé et Environnement (PNSE). Après un premier PNSE de cinq ans, un nouveau plan a été rédigé pour la période 2009-2013, qui doit décliner les engagements du Grenelle de l'Environnement sur les thématiques de santé et environnement. Ce deuxième PNSE, élaboré en collaboration avec le MEDDTL et le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, se décline autour de deux axes, la réduction des expositions responsables de pathologies à fort impact sur la santé, et la réduction des inégalités environnementales. Parmi les mesures-phares du PNSE-2, on remarque l'objectif affiché d'une réduction de 30 % des émissions de particules fines (PM 2,5), en lien avec le « plan particules », ainsi que la volonté de favoriser le recours aux mobilités douces, sources d'activité physique. Une fiche spécifique « santé et transports » existe en annexe de ce PNSE2, visant en plus à résorber les points noirs du bruit des transports en ville ainsi qu'à améliorer la santé et le confort des usagers et travailleurs des transports. Les actions de cette fiche sont pilotées par la DGITM et la Direction Générale de la Santé (DGS) pour la plupart, ainsi que la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR) au MEDDTL et la Direction Générale de l'Aviation Civile (DGAC) pour l'impact du bruit des transports aériens.
I.3.c. Le réseau scientifique et technique du ministère
La mise en place d'actions sur la santé dans les transports s'appuie largement sur la capacité d'expertise des ministères, et notamment le réseau scientifique et technique (RST) du MEDDTL. En ce qui concerne les transports et la prise en compte par les maîtres d'ouvrage de la problématique de la santé, les deux services principalement concernés sont le Centre d'Etudes sur les Réseaux, les Transports et l'Urbanisme (Certu) et le Service d'Etudes sur les Transports, les Routes et leurs Aménagements (Sétra). Le domaine de compétence du Certu est plutôt celui du milieu urbain, alors que les études du Sétra portent sur les transports interurbains. Il existe donc potentiellement une complémentarité forte entre ces deux services, qui par ailleurs ont tous deux une compétence multimodale.
I.4.d. Les acteurs hors administration centrale
En dehors des ministères et de leurs réseaux scientifiques, il existe un ensemble d'acteurs très vaste. On peut citer en premier lieu les collectivités territoriales (régions, départements, communes et regroupements de communes) qui portent à des échelles locales les projets de transport et leurs incidences. Cependant, ces projets s'inscrivent le plus souvent dans le cadre de politiques portées par l'Etat, comme dans le cas du Grand Paris ou des appels à projets lancés par le MEDDTL suite au Grenelle de l'environnement, prévoyant par exemple le développement du réseau LGV au niveau
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national ou le déploiement de Transports en Commun en Site Propre (TCSP) dans les grandes villes de France. On peut noter toutefois le développement avéré de la politique du vélo en ville dans de nombreuses agglomérations françaises (Paris, Toulouse, Marseille, Grenoble...), qui est vu comme un élément de réduction de la circulation en ville, et donc de l'engorgement et du bruit urbain. Rentrent aussi dans cette catégorie d'acteurs les exploitants et gestionnaires de réseaux de transports. Les principaux en France sont bien entendu la RATP, SNCF et RFF pour le transport ferroviaire, ainsi que les régies municipales de transport. Ces opérateurs sont régulièrement confrontés à des situations présentant un impact sur la santé des usagers et riverains (bruit, stress, pollution...) mais doivent également tenir compte de la santé de leurs employés, qui garantit une sécurité aux usagers. Sur ce dernier point, il est possible de rapprocher ces entreprises des professionnels du transport, autres acteurs importants. Sur le plan de la santé, divers instituts et unités de recherche agissent pour essayer de déterminer les impacts positifs comme négatifs des mobilités sur les usagers, les riverains et les professionnels. Des programmes de recherche, comme l'étude RECORD menée par l'INSERM et soutenue, entre autres, par le MEDDTL (voir la fiche sur l'activité physique), sont en cours sur ces questions. Les associations d'usagers des transports sont également présentes. Elles sont regroupées pour la plupart au sein de la Fédération Nationale des Associations d'Usagers des Transports (FNAUT), qui agit pour le développement des transports pour tous, la protection et la défense des intérêts du consommateur (assistance juridique pour le règlement des litiges) et porte également des projets de transport plus respectueux de l'environnement, y compris au niveau de la santé. Cet aperçu des acteurs du monde des transports et de la santé n'a pas pour ambition d'être exhaustif, mais de dégager les grandes tendances parmi cette nébuleuse. Ce sont également les acteurs les plus fréquemment mentionnés dans la bibliographie et les études d'expertise, et que nous avons donc cherché à contacter en priorité au cours de ce travail.
I.3.e. Les points de convergence et les débats
Comme on peut le voir, la liste ci-dessus présente une grande diversité de tendances et d'intérêts, parfois contradictoires. Le développement de la mobilité est le plus souvent considéré comme une finalité d'intérêt général, car les gains de temps générés par une meilleure mobilité sont source de développement économique et d'épanouissement des individus. Toutefois, cette position, qui, pour schématiser, est soutenue par le Ministère des Transports ainsi que les exploitants de réseau et la FNAUT, peut se trouver en conflit avec les recommandations des acteurs de la santé. Cette opposition est caractérisée dans les discours en considérant qu'une application poussée à l'extrême des normes et précautions sanitaires pourrait conduire au blocage de l'ensemble des projets d'infrastructures. De ce point de vue, la position de la FNAUT peut aussi être délicate, entre le développement de la mobilité et la préservation de la qualité de l'environnement. La façon de prendre en compte la santé dans les projets d'infrastructure de transport est donc sujette à discussion. Des études de monétarisation existent et permettent de quantifier certains impacts, mais le choix des valeurs tutélaires a fait l'objet de débats d'experts, comme ce fut le cas au sein de la commission du rapport Boiteux 2 (Boiteux & Baumstark, 2000).
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De manière générale, il existe un consensus sur le fait que la santé est actuellement insuffisamment prise en compte dans l'évaluation des impacts des projets d'infrastructures de transport, ou qu'elle ne l'est pas de manière adéquate. Le sujet apparaît même très novateur pour la FNAUT, dont le président nous a déclaré qu'elle ne s'intéresse pas encore à la problématique des transports sous cet angle. Les lignes directrices de la politique française en matière de prise en compte de la santé dans les projets de transport proviennent, lorsqu'ils existent, d'objectifs fixés au niveau européen. Ces grandes lignes doivent être précisées par les ministères concernés, avec l'appui de leurs réseaux scientifiques et techniques. Cette problématique apparait innovante, et personne ne semble douter de la nécessité de l'aborder dans un avenir proche. Toutefois, étant donné la multiplicité des acteurs concernés, il est difficile de dégager un consensus clair sur la façon de prendre en compte les impacts des transports sur la santé. La question, par essence très transversale, de la santé dans les transports, n'est donc pas encore abordée de manière globale. Aucun acteur ne semble pouvoir se saisir du problème dans sa totalité, bien que des actions concrètes aient déjà été mises en oeuvre à la suite du Grenelle Environnement par exemple. Le travail commandité par la DGITM est donc novateur et permet d'aborder cette problématique avec un certain recul.
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Partie II. Etude thématique de cinq enjeux alliant santé et transport
Afin d'aborder de manière plus concrète l'intégration des impacts sanitaires dans les projets de transport, nous nous sommes intéressés plus particulièrement à cinq thématiques qui, au vu de notre première étude bibliographique et de nos premiers entretiens, nous ont paru particulièrement porteuses d'enjeux quant à la problématique. Il s'agit des thématiques suivantes : La monétarisation des impacts sur la santé des transports La pollution de l'air (en considérant l'ensemble des polluants) et les transports Le bruit et les transports Le stress et les transports L'activité physique (essentiellement, la marche à pied et le vélo) et les transports
La diversité et la variété de ces thématiques renvoient au fourmillement et à la complexité de la problématique. En effet, comme cela a déjà été évoqué précédemment, la monétarisation des impacts sanitaires joue un rôle important compte-tenu du caractère synthétique, illustratif et percutant qu'elle donne aux résultats ; par conséquent, il convient de s'interroger sur cet aspect. Pour les quatre autres thématiques que sont la pollution de l'air, le bruit, le stress et l'activité physique, leur prise en compte dans les politiques de transport est très inégale ; par exemple, la pollution de l'air fait partie historiquement des impacts déjà intégrés dans le référentiel d'évaluation, contrairement à l'activité physique. Pour autant, toutes ces thématiques ne sont pas neutres en termes d'impacts sur la santé des individus. Pour chacun de ces thèmes, nous avons tenté de présenter de manière synthétique les enjeux dont elles se font l'écho, ainsi que l'état de l'art académique et international de leur prise en compte. Nous avons alors succinctement analysé la manière dont ces thématiques sont actuellement intégrées dans les politiques publiques françaises et proposé des pistes d'amélioration de cette intégration, notamment au niveau du référentiel relatif à l'évaluation des projets de transport.
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LA MONETARISATION DES IMPACTS SANITAIRES DES TRANSPORTS
Dans cette partie, il s'agit à la fois de revenir sur les raisons qui justifient la monétarisation des impacts sur la santé des transports, et aussi de proposer la méthode qui semble la plus appropriée. Bien que ce moyen de valorisation des impacts environnementaux ou sanitaires soit encore controversé, particulièrement en France, on s'attache ici à démontrer comment le rendre neutre et pertinent. On s'appuie sur un modèle académique récent adapté à la problématique et on montre que le problème de la santé demande un angle d'approche différent de la question environnementale. La méthode proposée est par conséquent fondamentalement différente : elle s'appuie sur des références en économie de la santé, à la différence de l'économie de l'environnement, et met au centre du problème un indicateur de bonne santé qu'il serait possible de construire en s'appuyant soit sur la recherche en économie, soit sur des grilles de valeur déjà existantes auprès des assurances.
A. Définition
En termes économiques, la mission des pouvoirs publics est la maximisation du bien-être collectif sous contrainte budgétaire : la ressource financière de l'Etat n'est pas illimitée. Dès lors, investir dans un projet implique indirectement de ne pas investir ailleurs. La question de l'arbitrage entre différents investissements dans le cadre de la santé a donné lieu à une importante littérature en économie, à laquelle s'intéressent les pouvoirs publics de divers pays. Afin d'être en mesure de comparer les impacts sur les diverses composantes du « bien-être » d'un individu, il faut alors une unité de mesure commune, et la convention internationale est de choisir pour cela la monnaie, comme cela est l'usage en économie. On parle dès lors de monétarisation des impacts sur la santé publique.
A.1. La monnaie comme unité de mesure
L'usage de la monnaie comme unité de mesure est donc une convention, et ce n'est qu'ensuite la valorisation des différents impacts sanitaires qui fait de cette approche un problème complexe, et qui oblige les économistes à partir d'hypothèses fortes. L'idée centrale est que les prix renferment une réalité importante. A revenu fixé, un individu doit choisir entre différents biens ou services : la composition de son panier de consommation donne donc des informations sur ses préférences et sur la valeur qu'il accorde aux pommes plutôt qu'aux poires, au présent plutôt qu'au futur, et même à la santé plutôt qu'au plaisir. A partir de la façon dont le consommateur dépense son revenu, il est donc possible de pondérer les différentes composantes de son bien-être, puis de l'exprimer en termes monétaires. De même l'individu est confronté au risque : des considérations économiques permettent également de mesurer son aversion pour le risque encouru. Une méthode utilisée aujourd'hui en France est celle de la Valeur Statistique de la Vie, qui a pour avantage d'être intuitive : si un emploi est payé w, si cet emploi induit un risque d'accident mortel avec probabilité p, alors la valeur de la vie humaine est w/p. C'est sur cette même idée qu'est fondée la méthode retenue par le rapport Boiteux 2 (Boiteux & Baumstark, 2000) ; toutefois, à la différence de la valeur moyenne w/p donnée ci-dessus, le rapport se base sur le coût à consentir par la
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collectivité pour éviter un mort supplémentaire. En d'autres termes, il ne s'agit non plus d'une valeur moyenne de la vie humaine mais une valeur « à la marge », puisqu'il s'agit de sauver une vie supplémentaire dans le groupe total. Pour fixer la valeur tutélaire de la vie humaine, le groupe de travail Boiteux 2 a ainsi réalisé une actualisation d'études françaises sur la valeur de la vie humaine marginale, et les a rapprochées avec la valeur recommandée par la Commission européenne. Dans le cadre de la problématique santé et transport, ces méthodes ne pourront pas être appliquées telles quelles pour plusieurs raisons. La raison principale est qu'il s'agit de valeurs "instantanées" de la vie, qui prennent en compte l'idée de risque, mais pas celle de santé en tant que qualité de vie. Elles conviennent lorsque l'on parle de mort accidentelle. Par contre elles ne sont plus pertinentes lorsque l'on s'intéresse davantage au problème de la santé comme perte de qualité de vie. Dans ce rapport nous souhaitons montrer qu'il peut être possible de construire une définition économique du bienêtre qui prenne en compte les spécificités de notre problématique. D'ores et déjà on peut toutefois constater les faiblesses de ce type de raisonnement1. Dans la méthode de la Valeur Statistique, on part du principe que tout individu peut avoir accès à un autre emploi payé w- si celui payé w ne lui convient pas. Cela est l'hypothèse de compétition parfaite, qui est manifestement trop forte. De même, on considère que l'individu a toute l'information sur le risque encouru, et que l'individu représentatif existe. Ce sont autant de limites de l'économie dans l'état actuel, qu'il faut accepter dans le cadre de cette analyse.
A.2. Définition ministérielle (MEDDTL)
Les articles 1511-1 et 1511-2 du Code des transports définissent les critères de choix des projets d'infrastructures de transport (Code des transports, 2012). Les notions d'efficacités économique et sociale justifient pleinement notre approche économique du bien-être collectif : « Les choix relatifs aux infrastructures, équipements et matériels de transport et donnant lieu à financement public, en totalité ou partiellement, sont fondés sur l'efficacité économique et sociale de l'opération. Ils tiennent compte des besoins des usagers, des impératifs de sécurité et de protection de l'environnement, des objectifs du plan de la Nation et de la politique de l'aménagement du territoire, des nécessités de la défense, de l'évolution prévisible des flux de transports nationaux et internationaux, du coût financier et plus généralement, des coûts économiques réels et des coûts sociaux dont ceux des atteintes à l'environnement. Les grands projets d'infrastructures et les grands choix techniques sont évalués sur la base de critères homogènes intégrant les impacts des effets externes des transports relatifs notamment à l'environnement, à la sécurité et à la santé et permettant de procéder à des comparaisons à l'intérieur d'un même mode de transport et entre différents modes et combinaisons de modes [...]. » La notion d'efficacité sociale renvoie à celle du planificateur social et d'externalités. Une externalité est une situation dans laquelle l'action d'un agent économique influe sur la situation d'autres agents, sans que cet effet soit pris en compte dans les décisions des agents. Par exemple, la pollution émise par le transport routier est une externalité négative : elle crée une nuisance pour tous via son impact environnemental, mais n'est pas prise en compte individuellement dans la décision de prendre la voiture (en l'absence de taxe carbone ou péage environnemental). Néanmoins, interdire complètement l'automobile aurait certainement un coût social trop élevé : perte de temps, perte de
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Nous reviendrons sur les controverses actuelles au sujet de ces méthodes.
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mobilité, surpopulation des centres. La fonction de l'Etat, ou du planificateur social, est alors d'induire des changements de comportements par l'offre d'outils ou de techniques différents, de manière à rendre socialement optimaux les choix des agents, externalités prises en compte. Dans le cas des transports, le coût du temps et le coût environnemental sont les deux dimensions prises en compte dans les rapports existants, comme le montre le tableau 1 de l'annexe relative à la partie Monétarisation. Dans notre rapport, nous rajoutons le coût sanitaire des investissements. La loi LOTI définit les critères de choix des investissements dans les infrastructures de transport. Il s'agit d'opérer un arbitrage entre les gains économiques associés au projet et le coût (ou bénéfice) social causé par les externalités dans les domaines de l'environnement, de la santé et de la sécurité. Dans le but de donner un cadre rigoureux à cette analyse coût-bénéfice, la convention internationale consiste à mesurer les impacts en termes monétaires.
B. Bibliographie, recherche et études
B.1. Valeur de la vie et santé
Le rôle du planificateur social est la maximisation du bien-être collectif, qui peut s'exprimer par une fonction d'utilité (Neumann & Morgenstern, 1944). La référence théorique de ce rapport en matière d'économie de la santé est l'article de Murphy et Topel (Murphy & Topel, 2006). Nous décrivons rapidement cette méthode car elle met en avant le facteur « qualité de vie » essentiel à la question de la santé, qui jusqu'à présent a été absent des calculs de valeur de la vie. Dans les fonctions d'utilité habituelles, seule apparaît la valeur de la longévité, en plus du bien-être apporté par la consommation c ou le loisir l. L'individu représentatif vit infiniment longtemps, mais a à chaque instant une probabilité de Poisson de paramètre de mourir, qui est comprise dans sa fonction de survie Ici, est la préférence pour le présent des ménages, u est leur bien-être instantané. V est donc le bien-être total de la vie à partir de l'âge a. Dans la version de Murphy et Topel, on garde ce formalisme mais on multiplie le bien-être par une fonction qualité de vie, H pour health : le niveau de consommation et le temps libre ne sont plus les seuls déterminants de l'utilité instantanée : ( ) :
Pour une fonction d'utilité assez simple, comme celles à aversion au risque constante, on est capable de résoudre complètement ce système, ce qui consiste à trouver analytiquement les valeurs optimales c* et l* choisies pour les consommateurs à H et donnés et la valeur d'utilité totale qui lui est associée V. Dès lors, lorsqu'un certain investissement a un impact H et respectivement sur la qualité de vie et sur la longévité, on peut calculer la perte d'utilité V associée et l'ajouter au bilan économique : ce calcul nous fournit alors la valeur sociale de l'investissement. En réalité pour calculer la valeur de la vie humaine, on ne doit pas s'arrêter à V, car il s'agit là de bien-être et non de
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La monétarisation des impacts sanitaires des transports
valeur monétaire. L'idée de Murphy et Topel est de calculer la valeur de la vie restante à partir de la quantité de richesse que l'on est prêt à céder pour gagner une année de vie. Ceci s'écrit : / / où W est la richesse. Cette forme paraît naturelle puisqu'on voit ici que la forme de la fonction d'utilité choisie n'a une importance que relative. Murphy et Topel détaillent cette analyse pour trouver l'expression finale de VH, la valeur de la vie. Les valeurs empiriques auxquelles elle conduit sont plus élevées que celles obtenues par les méthodes de valeur statistique de la vie. On obtient un ordre de grandeur proche de 8 millions d'euros. La méthode utilisée jusqu'à présent semble donc largement sous-estimer cette valeur, et il s'agit de rétablir la valeur et la méthode appropriées pour n'être pas induit en erreur lors de la valorisation des impacts sanitaires des infrastructures.
B.2. La méthode QUALY
La partie délicate de la méthode de monétarisation consiste à construire la fonction H, soit, en d'autres termes, à classer les atteintes à la santé sur une même échelle de 0 à 1. C'est ce que font couramment les économistes de la santé. D. M. Cutler et E. Richardson décrivent par exemple la méthode « quality-adjusted life-year » (QUALY) et fournissent dans leur article (Culter, et al., 1997) une série de coefficients composant le facteur H, dont nous fournissons le tableau en annexe de cette partie (tableau 2). Cela consiste à construire la fonction H en la définissant comme une combinaison linéaire d'une série de composantes physiologiques : composantes musculosquelettale, endocrinienne, circulatoire, etc. que nous appellerons Ci, et à déterminer l'importance qu'elles ont dans l'état de santé d'un individu, c'est-à-dire les poids i : La même méthode peut être appliquée aux problèmes sanitaires impactés par les transports. Ce genre de régression économétrique est aisé une fois que les effets sanitaires à étudier sont choisis. Ainsi que nous l'a fait remarquer Luc Baumstark, rapporteur général du rapport Boiteux 2 (Entretien Luc Baumstark, GCT), des grilles existent pour construire cet indicateur de santé H chez les assureurs, qui l'utilisent pour calculer le montant d'indemnités. Lors de la rédaction de cette partie, nous partions de la constatation que les travaux réalisés pour l'étude des impacts environnementaux dans les transports se basaient davantage sur des méthodes de préférences révélées ou de coût des dommages. Nous voulons donc expliquer ici pourquoi cette méthode ne peut s'appliquer aux problèmes sanitaires que nous étudions dans ce rapport. En premier lieu, les prix des soins dépendent fortement de la technologie existante et ne sont pas un indicateur de l'importance qu'accorde un individu à chaque composante de sa santé. De plus, dans de nombreux cas, on a des difficultés à mesurer si le prix payé par un individu est dû à ses préoccupations sanitaires ou davantage à sa demande de confort. Ainsi par exemple, les dépenses engendrées par la volonté de limiter son exposition au bruit du trafic routier mêle les problèmes sanitaires et de confort. Si ces deux composantes n'ont pas besoin d'être distinguées dans une approche de mesure des nuisances environnementales, elles doivent l'être dans une étude sanitaire. Il n'est donc pas possible ici d'appliquer les mêmes outils que dans le rapport sur l'environnement et
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les transports du Sétra ou dans le rapport Boiteux 2. Dans le secteur de la santé, les nuisances sont abordées à l'aide d'échelles comme la fonction H décrite ci-dessus. Le formalisme qui précède est académique et on peut vouloir l'alléger dans le cadre d'une utilisation par des collectivités locales. On peut alors simplement donner une valeur à la vie humaine plus précise grâce à la méthode de Murphy et Topel, notée V, puis calculer l'impact sur la santé en prenant comme première approximation que la fonction qualité de vie ne dépend pas de l'âge. L'impact sanitaire s'écrit alors simplement :
Le facteur est la perte d'espérance de vie liée à l'externalité de l'infrastructure sur la santé, alors que représente une perte de qualité de vie. La valeur de H est alors calculée suivant la méthode QUALY, en utilisant potentiellement les grilles déjà existantes des assurances. H est une régression linéaire dont les paramètres sont les problèmes sanitaires que l'on souhaite prendre en compte. Par exemple, une augmentation A de l'activité physique aura un impact H=.A strictement positif sur l'agrégat qualité de vie et aura par conséquent un coût social négatif : on pourra ainsi prendre en compte le bénéfice social associé à des infrastructures qui augmentent l'activité physique.
B.3. Les limites
Le rapport Boiteux 2 (Boiteux & Baumstark, 2000) et le rapport 2010 du Sétra (Grangeon, 2010) sont nos deux documents de référence pour la monétarisation des externalités liées aux transports. Comme nous l'avons remarqué, ceux-ci n'emploient pas la même méthode de monétarisation des impacts : si nous voulons isoler les effets sur la santé, le problème se pose différemment et des difficultés nouvelles se posent. Notre recherche bibliographique ne nous a pas permis de trouver de grille QUALY satisfaisante pour notre problème. Certaines composantes que nous étudions manquent aux études académiques et les grilles déjà existantes sont rarement publiques. Nous pensons que pour poursuivre dans cette voie, une collaboration avec le ministère de la santé est à envisager. Les études sur les externalités liées aux transports à l'échelle européenne1 englobent le plus souvent environnement et santé, et se focalisent toujours sur la méthode environnementale. Si l'on veut inclure des considérations sanitaires plus poussées dans l'évaluation des transports, la méthode proposée ici devra être nécessairement étudiée. L'idée d'inclure la santé dans le calcul de rentabilité d'un investissement a émergé des travaux effectués sur les impacts environnementaux. C'est pourquoi les méthodes actuelles s'inspirent de la mesure d'externalités environnementales. Dans cette partie, on propose un modèle plus spécifique à l'étude de la santé, qu'il sera nécessaire d'approfondir si l'on souhaite poursuivre la réflexion sur la valorisation des effets sanitaires. Le modèle académique est celui de Murphy et Topel (2006), dont on ne garde que la fonction de santé H : les travaux de D. M. Cutler permettent de construire explicitement cette fonction. Une autre piste pour construire H consiste à appliquer les grilles de gravité des dommages à la santé qu'utilisent les assurances pour calculer les indemnités d'invalidité.
1
Handbook on estimation of external cost in the transport sector, Projet européen IMPACT, par exemple.
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C. Politiques publiques
C.1. Les pratiques actuelles à l'étranger
En Grande-Bretagne : la Grande-Bretagne est traditionnellement un pays moteur dans l'utilisation de méthodes qui prennent en compte les externalités pour évaluer les projets d'infrastructures. La New Approach to Appraisal (NATA), est une méthode en vigueur depuis 1998 qui prend en compte davantage d'aspects que ceux qui sont monétarisés. La monétarisation est donc utilisée de façon systématique mais pas comme seule référence. La méthode monétaire QUALY, notamment, est largement utilisée pour prendre en compte les effets sanitaires, sans toutefois être le seul critère de décision. En Amérique du Nord : la recherche sur les coûts et bénéfices des infrastructures utilise systématiquement la valeur de la vie humaine aux Etats-Unis, où la monétarisation est non seulement acceptée mais où elle a aussi beaucoup d'importance dans le processus de décision. Les études statistiques des impacts sur la santé sont aussi importantes au Canada où les travaux de l'INSERM sur la thématique mobilité et santé trouvent leur pendant économique. En Europe : un certain nombre d'études sont menées à l'échelle européenne, comme le projet IMPACT déjà cité, et les travaux de l'organisme INFRAS. Une conférence sur les coûts sanitaires dus à la pollution routière préparée par des organismes de recherche français, autrichiens et suisses s'est aussi tenue à Londres pour l'Organisation Mondiale de la Santé en 1999. Ce type d'approche quantitative rencontre donc un certain intérêt aussi de ce côté de l'Atlantique, mais, ainsi que nous le verrons au paragraphe suivant, rencontre plus d'obstacles à son utilisation effective par les autorités publiques.
C.2. Les acteurs
L'élaboration de ces modèles de monétarisation émane donc de la volonté des économistes d'évaluer le bien-être des individus, en prenant en compte la santé publique, de manière systématique. L'idée sous-jacente est celle de généralisation : en filigrane apparaît celle de la centralisation des décisions. En effet, les économistes, en tant que théoriciens, cherchent à donner un cadre méthodique à l'observation des effets sur la santé et à construire des moyens de contrôler de manière générale des situations diverses qui ont pour seul point commun d'influer sur la santé publique. La base du raisonnement consiste d'ailleurs à exprimer cette diversité dans une langue commune : la monnaie. Or ce type de généralisation est nécessaire à la mise en place de politiques publiques de l'Etat central ; son point de vue macroscopique l'oblige à agréger les individus qui composent la société et à en approcher les lois de comportement. A l'opposé, elle est vue comme un artéfact arbitraire par les collectivités locales. D'un point de vue global, à l'échelle du territoire national, ces règles rigides de monétarisation pour évaluer la rentabilité sociale d'une infrastructure sont un moyen pour l'Etat de contrôler, en moyenne, l'effet des transports sur la santé : c'est donc un outil de centralisation de la décision. Localement, en revanche, les acteurs locaux voient un modèle imparfaitement adapté, qui ne prend en compte qu'un certain nombre d'effets prédéterminés, influer sur une décision pour laquelle eux ont une vision plus fine et exhaustive. L'intuition que nous avons ici mise en évidence au sujet de l'acceptabilité de ces méthodes nous a été confirmée par nos interlocuteurs. Les méthodes de monétarisation parviennent à remporter l'adhésion des ministères et des organismes publics centralisés. Mais les représentants des autorités
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locales comprennent, eux, qu'il s'agit d'une perte de pouvoir sur leur territoire sur des critères parfois incertains et imparfaitement pertinents. La mathématisation apparaît in fine comme une boîte noire qui comporte des paramètres calibrés par le pouvoir central, le modèle lui-même leur étant fourni par les ministères. Nous pensons que ces critiques sont justifiées, mais qu'il est possible d'utiliser la méthode de monétarisation comme aide à la décision. Si l'on a un doute sur l'efficacité d'un projet d'aménagement, le calcul monétaire des impacts doit aider à comprendre comment s'ajoutent les effets et quels sont les effets dominants. En modifiant les paramètres, il est possible de déterminer la sensibilité des résultats aux hypothèses. Tout cela peut être fait via une interface facile d'utilisation. Ce genre de méthode est utilisé depuis longtemps dans le secteur privé : le but de l'Etat doit être de faire les mêmes calculs mais en prenant en compte les externalités et en maximisant le bien-être social, et non plus le profit. Il serait en tout cas inapproprié de ne pas prendre en compte les considérations économiques de la question de la santé : d'ailleurs aujourd'hui les autorités doivent raisonner en termes de capacité budgétaire. Dans ce contexte, cette méthode fournit à l'Etat des statistiques qui lui permettent de comparer les investissements des différentes régions pour en atténuer les disparités : la valorisation monétaire des effets externes des infrastructures de transport est, sinon un indicateur fiable de rentabilité sociale, du moins un bon outil d'harmonisation nationale. La méthode de monétarisation des impacts est largement répandue à l'échelle internationale, particulièrement dans les pays de l'OCDE. Toutefois, son acceptabilité politique et sociale est variable selon les pays. La Grande-Bretagne semble avoir trouvé un équilibre entre l'utilisation de cette méthode et la prise en compte de considérations qualitatives additionnelles dans son processus de décision. En France, bien que largement étudiée dans le milieu académique et dans les rapports d'études commandés par le gouvernement, la monétarisation reste controversée. Toutefois, il y a un accord sur l'importance des considérations économiques : cette valorisation est un outil important d'aide à la décision.
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GCT Santé Transport
LA POLLUTION DE L'AIR ET LES TRANSPORTS
La pollution de l'air constitue une nuisance dont les effets sanitaires sont aujourd'hui bien reconnus. Issue majoritairement des secteurs des transports et de l'énergie, sa prise en compte a été progressive depuis les années 1980. Les progrès sont principalement dus à des avancées technologiques, poussées par les réglementations successives. Les effets sanitaires de la pollution sont pris en compte dans le référentiel d'évaluation des infrastructures de transports, mais des études plus récentes tendent à démontrer que la valeur des nuisances est aujourd'hui sous-estimée. De plus, d'autres méthodes de calcul semblent aujourd'hui pouvoir apporter une plus-value à la quantification apportée par le rapport Boiteux 2.
A. Définition
La pollution de l'air est une nuisance majeure des transports, souvent au coeur des préoccupations, avec le bruit. Elle est principalement liée aux gaz d'échappement des véhicules à moteur thermique (voitures et poids lourds principalement), et plus marginalement aux poussières créées par l'usure des matériaux, comme les disques de freinage, ou les pneus. Avec le chauffage au bois, le transport est l'un des contributeurs majeurs à la pollution atmosphérique. La problématique de la pollution de l'air est connue depuis très longtemps, puisqu'en 1936, on avait limité l'utilisation du charbon à Londres pour essayer de combattre les smogs.
A.1. Définir et mesurer la pollution atmosphérique
Les composants « polluants » présents dans l'air sont très nombreux, parfois d'origines non anthropiques. Il convient donc de se demander quels sont les composants qui seraient ajoutés par l'homme, et dans quelles quantités. Cela pose naturellement des problèmes pour mesurer le niveau de pollution : on ne peut mesurer qu'une quantité limitée de polluants. Le choix d'indicateurs est donc nécessaire. Les indicateurs classiquement choisis sont les concentrations en oxydes d'azote (NOx) et en particules de diamètre inférieur à 10µm (PM10). On utilise parfois les mesures des concentrations de particules plus fines (PM2.5), d'ozone, d'oxydes de soufre, ou de composés organiques volatiles (COV) comme le benzène. Notons que certains des polluants sont secondaires, c'est-à-dire qu'ils sont issus de la réaction chimique entre deux polluants dans l'atmosphère. Il n'est donc pas nécessairement suffisant de connaître les inventaires d'émissions pour connaître la pollution. De plus, il est difficile de déterminer exactement la part des transports dans la pollution atmosphérique totale. La plupart des études ne considèrent que le transport routier, qui, sauf dans les villes portuaires, est en effet très majoritaire dans la mesure où non seulement il représente les plus grandes parts des émissions, mais la population française en général y est de plus beaucoup plus exposée. La part des émissions de PM10 est estimée à 35% et celle des NOx à 47% des concentrations totales en 2010. Cette proportion diminue suite aux progrès imposés par la
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La pollution de l'air et les transports
réglementation sur les véhicules, avec les normes Euro, et sur les carburants, avec la réduction des taux de soufre et de plomb dans l'essence. En France, le MEDDTL est responsable de la mise en oeuvre des politiques de surveillance, de prévention et d'information sur la pollution de l'air. Il s'appuie sur la fédération ATMO, qui regroupe l'ensemble des associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air (AASQA), l'ADEME, et le laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air. Les AASQA, administrées à la fois par les services de l'Etat, les collectivités locales, les émetteurs de polluants (transporteurs, industriels...) et les associations de protection de l'environnement, sont chargés de la mise en oeuvre de la surveillance de la qualité de l'air et de la diffusion des résultats. Techniquement seule une liste limitée de polluants peut être contrôlée en continu, ce qui pose la question du choix de ceux-ci, et de leur représentativité.
A.2. Effets sur la santé
Les nuisances causées par la pollution atmosphérique sont multiples : en plus des impacts sur la santé, on peut citer les dégradations des bâtiments, les dommages aux écosystèmes ou encore les nuisances olfactives. Parmi les effets sur la santé, on peut citer des effets à court terme, comme une augmentation de l'occurrence de maladies respiratoires ou cardiovasculaires (Pope, 1996), ou à plus long terme comme les cancers du poumon favorisés par les particules ou certains COV comme le benzène (Pope, et al., 2002) (Filleul, et al., 2005) (Nerriere, et al., 2005) (Bhatia, 1998). Ces maladies vont avoir un effet sur la qualité de vie des victimes, en plus de réduire leur espérance de vie, dans le cas d'aggravation de cas d'asthme, ou de bronchites chroniques. Ces effets sur la santé ont des conséquences en termes économiques, en augmentant les dépenses de santé et en créant de l'absentéisme (INVS, 2011). La pollution de l'air est une nuisance dont l'existence est connue depuis plusieurs siècles. Des effets sanitaires tels que l'irritation des voies respiratoires et le cancer du poumon sont aujourd'hui démontrés. Cependant, la grande diversité de substances qu'elle recouvre et la difficulté à en connaître les sources rend difficile son évaluation et son contrôle.
B. Prise en compte dans les politiques publiques : le rapport Boiteux 2
En France, la problématique de la pollution liée aux transports est prise en compte depuis 1994. Aujourd'hui, l'évaluation des nuisances causées par les infrastructures de transport est basée sur le rapport Boiteux 2 (Boiteux & Baumstark, 2000). Le rapport Boiteux 2 vise entre autres à fournir une méthode de monétarisation des impacts de la pollution atmosphérique. Il ne prend en compte que les effets sanitaires, qui sont considérés comme dominants.
B.1. Une approche top-down
Le rapport Boiteux 2 utilise pour son évaluation une approche top-down : partant d'une concentration de polluant donné, on en évalue l'effet sanitaire, puis on en extrait la part liée aux transports. Il est difficile d'imputer exactement une part des effets sanitaires aux transports, dans la mesure où les effets ne sont pas nécessairement linéaires et où la part des transports n'est pas la même pour tous les polluants. Une approche bottom-up présenterait l'avantage de pouvoir calculer l'effet marginal d'une infrastructure, mais en contrepartie nécessiterait d'avoir la capacité de modéliser précisément la pollution, ce qui est difficile compte tenu de la dispersion et des réactions
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La pollution de l'air et les transports
chimiques atmosphériques, sauf dans des zones où les polluants atmosphériques ont tendance à se concentrer (milieu urbain, vallée de montagne encaissée, etc.).
B.2. Estimation des coûts de la pollution
Le rapport se base principalement sur une étude de l'OMS (OMS, 1999), qui estime à 31 600 le nombre de décès dus à la pollution atmosphérique en France, dont 17 700 dus aux transports, mais avec une marge d'incertitude assez large (10 681 à 24 680). Bien qu'il ne soit pas nécessairement possible d'attribuer des effets sur la santé à un seul polluant, cette étude choisit d'utiliser les PM10 comme indicateur, car elles sont le polluant considéré comme le plus impactant pour la santé. L'étude propose des estimations épistémologiques de l'effet des particules sur huit impacts sur la santé, ce qui permet d'en déduire une estimation du nombre d'années de vies perdues, et des impacts de la morbidité. Une telle étude était alors très critiquée, et son résultat estimé trop important par beaucoup, car en trop grande rupture avec les études précédentes. Par exemple, un rapport du comité pour les applications de l'académie des sciences obtient un résultat de seulement 3 000 morts (Tissot, 1999). Selon l'étude OMS, le coût total de la pollution atmosphérique serait de 1,8% du PIB, résultat 2,5 à 4,5 fois plus grand qu'avec le guide de 1994. Elle est aussi critiquée sur le plan scientifique, car elle transpose des fonctions exposition-réponse américaines aux villes européennes afin de décrire la relation entre pollution et impacts sanitaires. Compte tenu du fait que l'étude résulte tout de même d'un consensus entre de nombreux scientifiques, le compromis choisi par le groupe de travail a été de se placer à la fourchette basse de l'estimation de l'étude OMS, afin de ne pas changer trop radicalement les valeurs cadres en l'existence d'un doute. On obtient les chiffres suivants : Rase Moyenne campagne Véhicule particulier 2.9 1 0.1 0.9 Poids lourd 28.2 9.9 0.6 6.2 Bus 24.9 8.7 0.6 Train diesel (fret) 457.6 160.4 10.5 Train diesel (voyageur) 163.8 57.4 3.8 Valeurs de la pollution atmosphérique en 2000 (/100 véh.km) (Boiteux & Baumstark, 2000) Urbain dense Urbain diffus Ce chiffrage peut être vu comme sous-estimé, notamment pour deux raisons : L'étude OMS ne tient pas bien compte des effets sur la santé à court terme (Boudet, et al., 2004), et le rapport Boiteux 2 pointe un manque d'études concernant les effets sur la santé à long terme. Il semble alors raisonnable de choisir par prudence une valeur plus importante pour le nombre de morts liés à la pollution atmosphérique, d'autant que la valeur tutélaire actuellement retenue se situe au bas de la fourchette donnée par l'étude OMS. La valorisation de la vie humaine utilisée dans le rapport Boiteux 2 est sujette à caution : la pollution n'est pas une cause directe ni unique des décès. Des méthodes alternatives ont été développées, qui se basent sur la perte d'espérance de vie, et sur la valeur d'une année de vie. Cette valeur est estimée à 50 000 /an par la Direction des Etudes Economiques et de l'Evaluation Environnementale (DEE, 2005), et à 150 000 /an par le Groupement de
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La pollution de l'air et les transports
Recherche en Economie Quantitative d'Aix-Marseille. Une valeur de 50 000 /an revient à multiplier par 4 les coûts d'internalisation par rapport aux valeurs du rapport Boiteux 2 (Grangeon, 2010). Cette méthode qui consiste à lister les dommages et à en évaluer les coûts, dite du coût des dommages, possède intrinsèquement le risque qu'on oublie des dommages potentiels. Le fait de choisir les PM10 comme indicateur dans l'étude OMS risque de masquer l'effet d'autres polluants dont l'émission n'est pas nécessairement liée à celle des particules. De même, le fait d'évaluer l'impact de la pollution sur huit impacts sanitaires présente le risque d'en oublier un important. Enfin, il n'est pas toujours facile de déterminer les fonctions exposition-réponse des effets que l'on cherche à quantifier, par exemple lorsqu'il s'agit de cas rares, comme dans le cas du cancer chez l'enfant (Nedellec, et al., 2008-2010). Enfin, il est important de prendre en compte le fait que la méthode des coûts révélés utilisée ici pour monétariser les dommages n'est pas très fiable dans la mesure où les gens ne se rendent pas forcement compte des effets de la pollution.
B.3. Evolution des valeurs
Tout comme le rapport de 1994, le rapport Boiteux 2 tient compte des progrès technologiques à venir, et compte sur une diminution des émissions de polluant. En effet, la progression technologique a permis depuis 1990 de très fortement réduire les émissions de soufre et de plomb grâce aux règlementations appliquées sur les carburants, les normes Euro 0 à 5 forcent à réduire les émissions de CO, NOx Hydrocarbures et particules. Entre 2000 et 2010, on a observé une diminution significative de la part des transports routiers dans la pollution atmosphérique. 2000 2010 3 Trafic (µg/m Trafic (µg/m3 Total (µg/m3 en Part du Total (µg/m3 en Part du en zone en zone zone urbaine) trafic zone urbaine) trafic urbaine) urbaine) PM10 19.6 8.3 42% 14.1 4.7 35% NO2 20.6 11.5 56% 15 7 47% Tableau : Evolution de la pollution atmosphérique en France entre 2000 et 2010 (Nedellec, et al., 2008-2010) Le rapport estime en 2000 que la réduction des émissions sera d'un facteur 8 entre 2000 et 2020 pour les véhicules légers, ce qui revient à une diminution de 9.8% par an. Parallèlement, la circulation augmente avec le niveau de vie. Le rapport estime que les émissions de polluants vont donc baisser de 8% par an pour les véhicules légers. Dans les faits, cette réduction des émissions était surestimée, et a été révisée à 5,5% par an dans l'instruction cadre de 2005. La réduction réelle est encore plus faible, de 3 à 4% environ, il parait donc raisonnable de modifier à nouveau cette règle d'évolution (Grangeon, 2010).
B.4. L'étude d'impact
Une circulaire interministérielle de la Direction Générale de la Santé (DGS, 2005) impose l'utilisation de l'Indice Pollution Population (IPP) dans les études d'impact environnemental des infrastructures de transports. Cette méthode, développée en 2001 par le Certu et le Sétra consiste à simuler les concentrations d'un polluant indicateur (le benzène dans la circulaire interministérielle) autour d'une infrastructure, en prenant en compte notamment le vent. Il suffit alors de sommer les concentrations
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La pollution de l'air et les transports
trouvées dans chaque maille en pondérant par la population. Cette méthode ne vise pas explicitement à monétariser l'impact de la pollution sur la population, mais elle peut être utilisée afin de faire un lien entre l'infrastructure routière et la concentration en polluants, en association avec des méthodes de perte d'espérance de vie qui monétariseront la concentration en polluant ellemême (DEE, 2005). Si cette méthode n'est pas aujourd'hui utilisée afin d'évaluer les infrastructures de transport, elle a néanmoins un caractère novateur puisqu'elle est bottom-up, et permettrait donc de mettre en valeur le coût marginal de la pollution créé par une infrastructure. Cette méthode permet aussi une modélisation beaucoup moins grossière que l'évaluation proposée dans le rapport Boiteux 2. Par contre, l'étude d'impact doit tenir compte des plans de protection de l'atmosphère du territoire considéré, et couvrir toutes les sources possibles de polluants, ce qui peut poser des problèmes lorsque la pollution préexistante est elle-même au-dessus des seuils prescrits. La prise en compte des effets sanitaires de la pollution atmosphérique lors de l'évaluation des infrastructures de transports se fait aujourd'hui sur la base du rapport Boiteux 2, qui repose sur une étude de l'OMS de 1999. De nouveaux impacts sanitaires ont été mis en évidence depuis, aussi bien à court terme qu'à long terme, et la valeur de la vie considérée semble sous-estimée, ce qui inciterait à revoir les valeurs tutélaires à la hausse. De même, les hypothèses sur la réduction des émissions se sont avérées trop optimistes, malgré la révision effectuée en 2005. Enfin, la méthode est relativement grossière, et pourrait profiter des progrès réalisés dans les méthodes bottom-up basées sur la modélisation numérique, et qui permettent une plus grande finesse dans la quantification des impacts.
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GCT Santé Transport
LE BRUIT ET LES TRANSPORTS
Le bruit constitue à la fois une des principales sources de nuisances dues aux transports ressenties par la population, et une problématique de santé publique, dans la mesure où les perturbations qu'il suscite, notamment lors du sommeil des individus, ont des effets préjudiciables sur la santé à long terme de la population. Sous l'impulsion de la directive européenne sur le bruit en 2002, l'OMS a réalisé une étude sur l'importance de la prise en compte des nuisances sonores, notamment nocturnes, dans les politiques publiques, en recommandant l'adoption de valeurs règlementaires plus restrictives que celles actuellement en vigueur dans les pays européens. Au niveau français, les effets du bruit sur la population sont partiellement reconnus, au sens où les nuisances sonores figurent parmi les impacts monétarisés lors de l'évaluation des projets de transports. Cependant, cette mesure de l'impact du bruit est principalement axée sur une estimation de la gêne ressentie par les riverains, mais ne permet pas une évaluation fine de la population impactée par le bruit et n'intègre pas les effets sanitaires à long terme.
A. Le bruit et les nuisances sonores
D'après une enquête nationale menée par l'INRETS en 2005, le bruit dû aux transports constitue la deuxième préoccupation de la population (à 56%) derrière la pollution de l'air (à 78 %) en France. Cette préoccupation passe même au premier plan lorsque l'on s'intéresse uniquement aux nuisances ressenties au domicile. Le bruit est dû à des variations de la pression de l'air ; il se mesure classiquement en décibels pondérés pour tenir compte des variations de la sensibilité de l'oreille humaine en fonction de la fréquence : les dB(A).
A.1. Les indicateurs de bruit
A partir des dB(A), on peut former divers indicateurs. Le Lmax est un indicateur instantané, il caractérise le niveau sonore maximal perçu pendant la période de mesure. Le LAeq est un indicateur de long terme, il caractérise le niveau de bruit constant qui aurait été produit avec la même énergie que le bruit perçu pendant la période considérée, conformément à la norme NF S 31-110. Cette période peut, par exemple, être une période particulière de la journée (par exemple, la nuit). Le LAeq est en général annualisé pour tenir compte des variations saisonnières. A partir du LAeq, d'autres indicateurs peuvent être calculés, comme le Lden, qui est un indicateur européen pondérant les niveaux de bruit sur une journée suivant que l'on se situe de jour (6h-18h), en soirée (18h-22h, où les nuisances sonores sont majorées de 5 dB), ou de nuit (22h-6h, où les nuisances sonores sont majorées de 10 dB) (Directive européenne, 2002/49/CE).
A.2. Des effets divers sur la santé
Les impacts dus au bruit concernent aussi bien le système auditif que la santé globale de l'individu. En effet, des niveaux sonores supérieurs à 120 dB(A) peuvent endommager le système auditif, entraînant une surdité partielle ou totale (Grangeon, 2010). Cependant, de tels niveaux sonores ne sont généralement jamais atteints dans le domaine des transports. Toutefois, des nuisances sonores d'une intensité bien moindre peuvent provoquer des troubles du sommeil, la prise de somnifères ou
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Le bruit et les transports
une fatigue chronique excessive (OMS, 2009). Ces effets constituent le principal impact du bruit sur la santé. Les nuisances sonores ont également des effets sur l'hypertension, les maladies cardiaques, les dépressions (OMS, 2011)...
A.3. La prise en compte au niveau de l'Etat
Le bruit fait partie des nuisances dues au transport dont l'impact est, en France, en partie reconnu au niveau règlementaire. Cette politique se décline autour de trois axes principaux (Grangeon, 2010). Premièrement, il s'agit de réaliser un classement sonore des infrastructures de transport, afin d'identifier des secteurs où les nouvelles constructions de bâtiments doivent faire l'objet d'une isolation sonore. Deuxièmement, il s'agit de rattraper les points noirs de bruit, c'est-à-dire les bâtiments exposés en façade à plus de 70 dB le jour ou 65 dB la nuit par des dispositifs adéquats (MEDDTL, 2004). Troisièmement, il s'agit de prendre en compte les nuisances sonores induites par la réalisation ou la modification d'une infrastructure de transport (Code de l'environnement, Article L571-9), qui doivent alors respecter le seuil d'exposition règlementaire qui varie entre 60 et 65 dB le jour (Arrêté relatif au bruit des infrastructures routières, 1995). En outre, une monétarisation du bruit dans les évaluations des projets de transports est réalisée (en prenant soin d'éviter les doubles-comptes liés à la réalisation des aménagements règlementaires de réduction du bruit) (Boiteux & Baumstark, 2000). Cette monétarisation n'est cependant que partielle, dans la mesure où elle s'appuie sur la méthode des prix hédonistes, et donc des préférences révélées, qui ne traduisent véritablement que le coût de la gêne occasionnée par le bruit, et non pas celui des effets sanitaires de long terme (Grangeon, 2010). Pour tenter de remédier à ce problème, la valeur de la gêne est forfaitairement majorée. Les nuisances sonores ont des effets indirects néfastes sur la santé, notamment via les troubles du sommeil qu'elles induisent, et peuvent aller jusqu'à engendrer de l'hypertension, des maladies cardiaques ou des dépressions. Ces nuisances sont partiellement reconnues en France, puisque des seuils d'exposition règlementaires ont été fixés.
B. Les effets du bruit sur la santé, origines et conséquences
Le bruit est une nuisance reconnue et prise en compte dans les législations européennes. Toutefois, ses effets sur la santé sont moins bien étudiés et intégrés. D'une manière générale, le bruit dû aux transports a deux origines différentes selon la vitesse de circulation (Grangeon, 2010) : pour des vitesses de circulation réduites, notamment en ville, le bruit des moteurs est prépondérant ; pour des vitesses de circulations élevées, le bruit du roulement lié au contact entre la roue et l'infrastructure qui la supporte devient prépondérant.
B.1. Les précautions à prendre lors de la comparaison des niveaux de bruit
Compte-tenu des liens forts entre santé et sommeil, il convient de distinguer les nuisances sonores survenant de nuit, où la majeure partie de la population est en train de dormir, et pour lesquelles les limites de tolérance doivent donc être abaissées, des nuisances sonores survenant en journée. Il convient également de tenir compte de l'endroit où la mesure de bruit est faite. Classiquement, pour les transports, celle-ci a lieu à l'extérieur des constructions, alors que les individus sont principalement soumis aux nuisances sonores à l'intérieur des bâtiments. Par conséquent, une
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Le bruit et les transports
correction d'isolation de 21 dB peut être prise en compte (OMS, 2009). Cette valeur, relativement faible, intègre le fait qu'un grand nombre d'individus préfère dormir la fenêtre légèrement ouverte. Dans le cas d'une comparaison des pratiques entre pays européens, il faut s'intéresser aux conditions de réalisation de la mesure du bruit. En effet, pour caractériser l'exposition sonore d'un bâtiment, la pratique habituelle en vigueur en France se réfère au niveau sonore à 2 m en avant de la façade (Boiteux & Baumstark, 2000), contrairement aux pays d'Europe du Nord où l'estimation du niveau sonore se fait habituellement en champ libre. En plus du son incident, cette mesure intègre le son réfléchi. C'est donc le double de l'intensité mesurée en champ libre qui est considérée, soit une surestimation de 3 dB. Enfin, il convient de tenir compte du type de trafic considéré. Les enquêtes menées pour évaluer la gêne induite par le bruit montrent des réponses variables suivant le mode de transport : pour des niveaux d'exposition identiques, la gêne suscitée par le bruit ferroviaire est généralement moins élevée que celle due au bruit routier (Grangeon, 2010). Ce bonus ferroviaire donne généralement lieu à un abattement, compris entre 3 et 7 dB au niveau européen (INRETS, 1994).
B.2. La problématique du bruit nocturne
En 2009, l'OMS s'est intéressée à la problématique du bruit nocturne sur la santé (OMS, 2009). Cette étude porte sur l'Europe et fait suite à la directive européenne de 2002 relative à l'évaluation et la gestion du bruit dans l'environnement, qui impose notamment aux Etats membres de réaliser des cartes de bruit à partir de mi-2007 (Directive européenne, 2002/49/CE). Ces cartes doivent prendre en compte aussi bien le bruit provenant des infrastructures routières et ferroviaires que des aéroports et des ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement). Encore aujourd'hui, on dispose de peu d'études concernant les effets directs du bruit sur la santé. En revanche, les effets médicaux du sommeil sur la santé sont relativement bien connus, tout comme le lien entre nuisances sonores et troubles du sommeil. En s'appuyant sur un certain nombre d'études académiques, l'OMS a analysé les effets du bruit sur la santé. Il en ressort que (OMS, 2009) : le sommeil est un besoin biologique, et sa perturbation a des effets indésirables sur la santé le bruit nocturne provoque des effets biologiques sur les individus, et notamment des accélérations du rythme cardiaque, des troubles du sommeil, une augmentation de la prise de médicaments et de l'insomnie outre ces problèmes médicaux directs, les troubles du sommeil générés par le bruit peuvent avoir, de manière plus générale, des conséquences sur la santé et le bien-être des individus le bruit pourrait également provoquer des changements hormonaux, des maladies cardiovasculaires, des dépressions et autres maladies mentales. Une estimation du seuil à partir duquel ces effets sont observables a été réalisée, et des recommandations ont pu être formulées, en fonction du « Lnight,outside », c'est-à-dire du niveau de bruit moyen nocturne extérieur annualisé. Il ressort de cette étude qu'en dessous de 30 dB, aucun effet biologique substantiel sur le sommeil n'est observé. Entre 30 et 40 dB, on remarque de légers effets sur le sommeil des populations les plus sensibles, comme les enfants, les malades chroniques et les personnes âgées. Entre 40 et 55 dB, des effets négatifs sur la santé peuvent être observés au sein de la population exposée ; de nombreux individus doivent prendre des dispositions afin de s'adapter à
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Le bruit et les transports
ces niveaux de bruit. Au-delà de 55 dB, les effets négatifs sur la santé sont observés de manière fréquente au sein d'une proportion non négligeable d'individus ; parallèlement, on constate une augmentation du risque de maladies cardio-vasculaires. A partir de ces observations, l'OMS recommande donc de viser à long terme un Lnight,outside de 40 dB, avec un palier intermédiaire à 55 dB pour les mesures à court terme.
B.3. L'estimation des coûts externes liés au bruit des transports sur la santé
Dans le cadre du projet de création d'une agglomération franco-suisse autour de la ville de Genève (Comité régional franco-genevois, 2007), les partenaires publics ont considéré plusieurs études mettant en avant les effets du bruit sur la santé humaine (Müller-Wenk, 2002) (Watkiss, 2000). Partant du constat que le bruit a des effets néfastes sur la santé, provoquant, entre autres, gêne, stress, nervosité, tension, lésions auditives, troubles du sommeil, problèmes cardiovasculaires (Stansfeld, 2000), une étude a été conduite pour estimer les coûts externes imputables au bruit des transports pour la santé (accroissement des maladies ou des décès) en Suisse. Ceux-ci sont estimés à 124 millions CHF par an, dont 99 millions imputables au trafic routier (Comité régional francogenevois, 2007). Les trois quarts des coûts de santé résultent des maladies liées à l'hypertension et un quart des maladies cardiaques ischémiques (OCDE, 2007). Les nuisances sonores dues aux transports induisent principalement de la gêne pour les individus qui y sont soumis. Cette gêne varie selon le contexte, notamment la période de la journée, et selon le type de trafic considéré : le trafic ferroviaire est plus facilement accepté que le trafic routier. Cette gêne est principalement ressentie lors des périodes nocturnes, où la majorité des individus sont en train de dormir. Les perturbations du sommeil peuvent avoir des répercussions importantes sur la santé, et ce y compris pour des niveaux de bruit plus faibles que les valeurs règlementaires considérées par les pays européens. Une monétarisation des effets du bruit sur la santé peut être possible, en conduisant une étude poussée pour estimer les coûts externes imputables au bruit des transports pour la santé, à l'image de ce qui a été fait en Suisse.
C. Prise en compte par les politiques publiques
Actuellement en France, les politiques publiques sont principalement axées sur la réduction de la gêne occasionnée par le bruit sur les individus, et non pas sur la réduction des effets de long terme sur la santé. Toutefois, les dispositifs législatifs et d'évaluation existent et, sous réserve de disposer d'études précises sur le sujet, une intégration de ces impacts sanitaires serait facilement réalisable.
C.1. Les cartes de bruit stratégiques
La directive européenne sur le bruit (Directive européenne, 2002/49/CE) impose la réalisation de cartes de bruit, permettant de savoir quelle population est touchée par le bruit dans les grandes agglomérations ou le long des infrastructures importantes. Ces cartes ne servent pas à l'évaluation des infrastructures de transport, mais permettent d'avoir une vision globale de l'impact sonore des infrastructures et d'identifier les points noirs à corriger. Elles servent ainsi de base aux plans d'actions imposés pour 2013 par la directive européenne. Ces plans d'actions visent à réduire les
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Le bruit et les transports
nuisances sonores par diverses méthodes, pouvant aller des mesures techniques aux incitations économiques. Le travail de cartographie a pris du retard en France. Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, le comité opérationnel « bruit » estime d'ores et déjà qu'il y a près de 70 000 points noirs de bruit rien que sur le réseau routier national non concédé, dont le traitement est estimé entre 1,5 et 2 milliard d'euros (Grenelle de l'environnement, 2008). Aujourd'hui, seule la moitié de la population est couverte par les cartes de bruit, proportion qui tombe à 10% en ce qui concerne les plans de prévention du bruit (Entretien Marie-Paule Thaveau, GCT). Une telle politique publique de traitement des points noirs de bruit serait naturellement vaine si des mesures de protection au moins équivalentes n'étaient pas prises lors de la construction de nouvelles infrastructures. C'est la raison pour laquelle l'évaluation des infrastructures de transports comporte un volet sur le bruit.
C.2. L'évaluation socio-économique dans le rapport Boiteux 2
Le rapport Boiteux 2, qui sert de base au référentiel d'évaluation socio-économique des projets de transports au MEDDTL, fixe quelques règles quant à l'évaluation des impacts du bruit. Celle-ci se fait à travers la perte de valeur de l'immobilier : au-delà d'un certain niveau de bruit, chaque décibel conduit à une dépréciation des biens. Cette dépréciation a été établie par la méthode des prix hédonistes. Afin de s'affranchir de la variabilité géographique des prix de l'immobilier (les impacts socio-économiques d'une même infrastructure dans deux régions où les prix ne seraient pas les mêmes doivent tout de même être identiques), le groupe de travail se base sur la valeur locative moyenne en France. Ces valeurs n'intègrent pas tous les effets du bruit. Pour une meilleure exhaustivité, elles sont adaptées et corrigées. Ainsi, afin de prendre en compte la plus grande sensibilité aux nuisances nocturnes, la valeur d'une exposition au bruit la nuit (de 22h à 6h) est majorée de 5 dB. De plus, cette évaluation ne prend pas forcément en compte les effets à long terme du bruit sur la santé, mais seulement la valeur qu'accorde la population à la gêne occasionnée. Le groupe de travail du rapport Boiteux 2 a donc considéré que les valeurs de dépréciation reflétaient bien les effets à court terme, comme la gêne liée aux perturbations du sommeil, mais pas les effets à long terme, comme les troubles cardio-vasculaire par exemple. Ces effets à long terme apparaissent pour des niveaux de bruits plus élevés (supérieurs à 70 dB de jour). En l'absence d'études suffisamment détaillées, le groupe de travail Boiteux 2 a choisi d'appliquer une majoration arbitraire de 30% du coût par décibel pour ces bruits élevés, en attendant les résultats d'études plus précises.
C.3. Les évolutions envisageables du référentiel
Des études académiques permettent d'améliorer la documentation des effets néfastes du bruit sur la santé. Elles mettent en valeur les risques augmentés d'hypertension ou de maladie cardiovasculaire (Miedema, et al., 2003) (Bluhm, et al., 2007). Elles ont aussi prouvé un effet sur l'apprentissage à l'école (OMS, 2005). Cependant, il reste encore des sujets à approfondir, dans la mesure où certaines études n'ont pas nécessairement trouvé de corrélation significative, et les fonctions expositionréponse ne sont pas toujours disponibles. Par exemple, lorsque le bruit varie de façon brutale, il est perçu comme plus gênant qu'un bruit en moyenne plus fort mais régulier ; cependant, on ne dispose pas d'indicateur vraiment satisfaisant afin de prendre en compte ces variations (Grangeon, 2010). Il
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Le bruit et les transports
est important de poursuivre les efforts de recherche afin de mieux comprendre les effets sur la santé du bruit, et ainsi d'objectiver le système empirique choisi par le groupe de travail du rapport Boiteux. La compréhension de la relation entre bruit et stress est aussi importante si l'on prend en compte le stress dans l'évaluation des infrastructures de transport, dans la mesure où l'on pourrait créer des doubles comptes. La valeur donnée aux nuisances sonores s'avère dans les faits très faible. Le rapport Boiteux 2 propose des valeurs cadres similaires à celles des autres études européennes, mais, même en utilisant les valeurs maximales, l'influence du bruit dans les évaluations socio-économiques ne dépasse jamais 2% (Grangeon, 2010). Le rapport du Sétra sur la monétarisation des externalités environnementales recommande un changement des méthodes de monétarisation permettant de mieux refléter le coût social du bruit, ainsi que la prise en compte des mesures réglementaires telles que la prévention et le rattrapage des points noirs qui permettraient d'améliorer l'internalisation des coûts du bruit dans celui des infrastructures. Cependant, il est possible que la perception des nuisances sonores par les riverains soit exacerbée par le fait que contrairement à d'autres nuisances, le bruit est parfaitement perceptible au quotidien. Le fait de vouloir refléter l'acceptabilité sociale dans l'évaluation des infrastructures risquerait alors de donner un poids excessif au bruit, alors que d'autres nuisances plus discrètes seraient sous-estimées, bien que plus importantes d'un point de vue sanitaire. Il est donc nécessaire de trouver un équilibre dans la monétarisation. Au Certu, on insiste sur le caractère transversal de la lutte contre les nuisances sonores, et la nécessité de prendre en compte les politiques connexes (Entretien Marie-Paule Thaveau, GCT). Par exemple, la lutte contre les nuisances sonores peut être associée à celle contre les déperditions thermiques des bâtiments, pour coupler les travaux d'isolation thermique avec ceux d'isolation phonique. Au contraire, elle peut aussi être en opposition avec d'autres problématiques : par exemple, les livraisons de nuit permettent de désengorger les routes en journée, mais génèrent des nuisances sonores au moment où les habitants y sont le plus sensible. Il est donc nécessaire de prendre du recul, et de considérer la lutte contre les nuisances sonores, comme toute politique en faveur de la santé, d'une manière plus globale et transversale. Aujourd'hui, la prise en compte des nuisances sonores dues aux transports se base uniquement sur la gêne ressentie par les individus, et plus précisément sur la dépréciation de la valeur locative des logements soumis au bruit. Toutefois, cette méthode ne permet pas de refléter les impacts à long terme des nuisances sonores sur la santé. De plus, aucune distinction n'est à ce jour réalisée en fonction du type de constructions impactées, de l'activité et du nombre de personnes qu'elles accueillent, ou de l'état de santé des personnes s'y trouvant. Une poursuite des études sur l'identification des impacts des nuisances sonores sur la santé permettrait d'améliorer simultanément les indicateurs de bruit utilisés et la connaissance des conséquences sanitaires du bruit sur les individus. Ce raffinement des méthodes permettrait également d'améliorer la prise en compte de l'acceptabilité sociale du bruit, importante lors de la réalisation de nouveaux projets.
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GCT Santé Transport
LE STRESS ET LES TRANSPORTS
Le stress est un état psychologique ayant des conséquences biologiques. En cas de situation de stress prolongé, l'organisme s'épuise tant physiquement que mentalement. Les transports génèrent des situations de stress prolongé chez les usagers et les professionnels, mais également chez les riverains. Les conditions de transport et le coût psychologique de l'incertitude et du retard sont les causes prédominantes chez les usagers, tandis que les riverains sont touchés par le bruit. Les situations de stress pour les professionnels des transports, et en particulier pour les conducteurs, peuvent générer des externalités négatives sur un grand nombre de personnes par la diminution de sécurité qu'elles entraînent. Actuellement, la question du stress n'est pas toujours bien abordée par les différents acteurs. On note l'émergence des plans de déplacement d'entreprise qui offrent une possibilité d'expression aux salariés pour tenir compte de l'impact des transports sur leur situation professionnelle. Le développement des modes de transports alternatifs doit permettre de réduire indirectement le stress généré. Enfin, d'autres pistes sur l'urbanisme ou le télétravail doivent être approfondies.
A. Le stress, définitions
Apparue dans les années 1940, la notion de stress est souvent difficile à définir. Elle peut être désignée par d'autres appellations connexes, telles que les risques psycho-sociaux. De ce fait, plusieurs définitions cohabitent, provenant de la littérature scientifique et médicale ou de documents officiels.
A.1. Définitions académiques et processus biologiques
Il est important de distinguer l'anxiété qui est « un cocktail de sentiments d'insécurité, de troubles diffus, de frustration de la libido et d'interdits du surmoi », de l'angoisse qui est « un sentiment d'inquiétude profond, une peur irrationnelle et une impression vague de danger immédiat devant laquelle l'individu se sent impuissant » et du stress qui présente comme différence avec les deux autres d'avoir un événement déclencheur aux caractères précis et spécifique (Dubier & Inchauspé, 2000). D'un point de vue biologique, une situation stressante se décompose en trois phases (INRS, 2011). La première est l'alarme, où l'organisme libère des hormones (catécholamines) augmentant la fréquence cardiaque et la tension artérielle pour se préparer à faire face à la situation. Dans un second temps, une phase de résistance s'installe, et le corps sécrète des glucocorticoïdes qui favorisent l'activité métabolique et fournissent l'énergie nécessaire au fonctionnement de l'organisme. Enfin, si la situation stressante se prolonge, une phase d'épuisement apparaît. Dans ce cas, le système nerveux perd sa sensibilité aux hormones précédemment sécrétées, dont le taux augmente alors pour compenser. L'organisme est en permanence sollicité et activé, et s'épuise. Face à ce risque d'épuisement, les personnes définissent, consciemment ou non, une stratégie d'adaptation (fuite, réaction émotionnelle ou recherche de solutions).
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Le stress et les transports
A.2. Une définition officielle
L'Union Européenne propose la définition suivante du stress (INRS, 2006) : « un état de stress survient lorsqu'il y a déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face. Bien que le processus d'évaluation des contraintes et des ressources soit d'ordre psychologique, les effets du stress ne sont pas uniquement de nature psychologique. Il affecte également la santé physique, le bien-être et la productivité de la personne qui y est soumise ».
A.3. Traitements possibles du stress
Deux types de traitement du stress et de ses effets existent. Le premier consiste en un traitement correctif, à l'aide de thérapies comportementales, médicamenteuses ou corporelles. D'un autre côté, on trouve la prévention, seule à même de supprimer les causes du stress, mais qui est d'autant plus compliquée à mettre en place, étant donné que l'identification de celles-ci peut se révéler difficile. Le stress est un état psychologique, se traduisant par un processus biologique visant à augmenter l'activité métabolique pour répondre à une situation intense. S'il se prolonge, il devient alors susceptible d'épuiser l'organisme, à la fois physiquement et mentalement. Le traitement curatif du stress est possible mais souvent lourd, tandis que l'identification des causes peut se révéler délicate.
B. Le stress et les transports, origines et conséquences
Les trajets entre le domicile et le lieu de travail, quel que soit le mode de transport utilisé, sont, par leur fréquence, les plus susceptibles de constituer une source de stress de long terme. Selon l'étude Regus menée en septembre 2010 sur 10 000 personnes (Regus, 2011), la durée moyenne du trajet domicile/travail est de 29 minutes et celle-ci dépasse 45 minutes pour 21% des personnes interrogées. Ce trajet peut être source de stress pour plusieurs raisons et avoir ainsi des conséquences sur la santé.
B.1 Causes et conséquences du stress pour les usagers des transports
L'étude Regus menée en septembre 2010 sur 10 000 personnes a permis d'identifier 7 causes principales de stress dans les transports en France : 1) Embouteillages en bus, voiture, train (72%) ; 2) Retards et interruption (57%) ; 3) Conducteurs dangereux (35%) ; 4) Pollution et surchauffe (32%) ; 5) Manque d'informations (26%) ; 6) Conversations téléphoniques (23%) ; 7) Agressivité au volant (19%). Ces travaux sont notamment complétés par une expertise menée par le cabinet Technologia sur l'impact des transports en commun sur la santé des travailleurs en Région Parisienne (Bouéroux, et al., 2010). Il y est souligné que les conditions de voyage au quotidien sont davantage source d'usure que les grèves, plus médiatisées mais moins fréquentes. Les facteurs d'inconfort dans les transports en commun sont nombreux : ambiance lumineuse agressive, sur-stimulation visuelle et auditive, variations brusques de température, comportements non-respectueux des voyageurs et taux de fréquentation (Bouéroux, et al., 2010). Concernant ce dernier point, en Île-de-France, plusieurs lignes
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Le stress et les transports
de métro sont ainsi saturées et le RER A cumule plus de 20 000 retards chaque année (Bartnik, 2010). Il existe également une notion de coût psychologique lié à l'incertitude sur le temps de transport, cette incertitude augmentant avec le nombre de correspondances. Enfin, les salariés travaillant la nuit et le dimanche sont davantage touchés par le problème car il n'existe alors que peu ou pas de transport en commun, et doivent de plus faire face à un fort sentiment d'insécurité (Bouéroux, et al., 2010). Par ailleurs, l'usage de l'automobile peut également générer du stress, notamment en raison des embouteillages. Une étude conduite pour le fabricant de GPS TomTom montre qu'une conduite pendant 20 minutes dans les embouteillages provoquait une augmentation du stress chez 8,7% des femmes et 60% des hommes (soit sept fois plus), constatée par prélèvement de marqueurs salivaires (Moxon, 2011). Si d'une manière générale 86% des conducteurs se disent affectés négativement par la circulation, 67% des femmes et 50% des hommes déclarent ne pas ressentir ce stress bien qu'il existe, ce qui traduit une certaine accoutumance et fatalité face à ce problème. Une autre source de stress au volant est le comportement des autres automobilistes et notamment les comportements d'agressivité, de colère et d'impatience. Ces comportements s'accroissent, ainsi, les problèmes d'agressivité post-accidents aux Etats-Unis ont augmenté de 51% entre 1990 et 1997 (Mixell, 1997). Les conséquences du stress généré par les transports chez les individus sont multiples, et correspondent à celles d'un stress « classique », à savoir en premier lieu l'affaiblissement des fonctions immunitaires, une augmentation de la pression artérielle et une augmentation de la glycémie. Le stress rend donc les individus plus vulnérables. Par ailleurs, ces symptômes sont amplifiés par des changements de mode de vie. Ainsi, une augmentation de la durée des trajets conduit les individus à réduire leurs pauses au cours de la journée de travail, et amène une perte de qualité de vie liée à l'appauvrissement de la vie sociale et familiale. Ces problèmes rejaillissent au niveau de l'entreprise, dont le fonctionnement est perturbé par les retards. Ceci ajoute une pression supplémentaire pour les salariés, qui sont alors sous la menace d'un licenciement (Bouéroux, et al., 2010).
B.2. Le stress chez les professionnels des transports
Sont regroupés dans cette catégorie les conducteurs et personnes travaillant à bord des différents modes de transport. Les premières causes de stress chez ces personnes proviennent des conditions de travail. Ainsi, des études scientifiques montrent que les grèves des conducteurs sont l'expression du mal-être et de conditions de travail difficilement soutenables, notamment par leur situation très exposée au stress et soumise à l'importance des facteurs organisationnels (Caruso, 2000) (Thériault, et al., 1986). Parmi ceux-ci, on remarque en particulier les horaires comme éléments stressants, ces derniers nuisant à l'hygiène et à la diététique et renforçant donc les symptômes du stress. Au-delà des conditions de travail, des facteurs d'instabilité viennent renforcer les sources de stress (Caruso, 2000). On peut citer notamment la mutation de la profession avec une féminisation ainsi qu'une augmentation de la longévité au poste de conducteurs associée à des conducteurs qui commencent de plus en plus jeunes. Il est difficile de faire la différence entre les pathologies provenant des conditions de travail en général et de celles provenant du stress. Les nombreux troubles musculo-squelettiques (TMS) dont souffrent les chauffeurs sont aussi bien le résultat de leur posture de travail que d'une situation de stress qui amplifie les symptômes. Par ailleurs, il est démontré que les conducteurs de bus urbains
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Le stress et les transports
ont une prévalence d'accidents cardio-vasculaires supérieure à la moyenne nationale (Caruso, 2000). Les pathologies dont les conducteurs souffrent sont globalement mal évaluées et peu reconnues. Par ailleurs, qu'il s'agisse des chauffeurs de bus (Thériault, et al., 1986) ou des conducteurs de transport de marchandises (Caruso, 2000), les niveaux de pathologie, les problèmes psychologiques et les dépressions sont plus fréquents que dans les autres secteurs d'activité. Les conséquences de ces états sont susceptibles d'avoir une influence directe sur la sécurité des autres usagers, notamment lorsque des accidents résultent d'un état de stress.
B.3. Le cas des riverains des infrastructures de transport
Les infrastructures de transport peuvent être source de stress chez les riverains, notamment par l'entremise du bruit et des problèmes de sécurité soulevés. La littérature académique insiste sur l'impact du bruit des transports sur les riverains, concernant l'ensemble des moyens de transport (routier, ferroviaire et aérien) mais aussi le bruit provenant des infrastructures ellesmêmes, comme les gares (Diallo, 2007). Le bruit a des conséquences sur la santé en entraînant des situations de stress, de plaintes ou de conflits, des troubles du sommeil et au-delà d'un certain seuil, des maladies cardio-vasculaires (Verdura, 2011). Les questions de sécurité, notamment pour le transport ferroviaire et routier, sont également source d'inquiétude. Les transports peuvent donc générer des situations de stress prolongé chez trois catégories de population : les usagers, les professionnels et les riverains des infrastructures. Ce stress quotidien a des conséquences avérées sur la santé des personnes qui le subissent, et dégage des externalités négatives, en particulier sur le fonctionnement des entreprises ou la sécurité d'autres usagers des infrastructures de transport. De manière générale, on peut remarquer que les sources d'information sur le stress dans les transports proviennent pour une large part d'études menées par des cabinets d'experts. Les études scientifiques académiques existent, mais ciblent souvent une catégorie précise de population (chauffeurs...). Il est également intéressant de noter que les études réalisées se focalisent avant tout sur les modes de transport routiers.
C. Prise en compte actuelle par les politiques publiques
Les politiques mises en oeuvre pour lutter contre le stress dans les transports peuvent être classées selon leurs objectifs en trois catégories : celles visant à améliorer les transports, celles visant à impliquer les entreprises et celles visant à limiter les déplacements.
C.1. Les positions des différents acteurs sur la question du stress
La question du stress généré par les transports est assez novatrice pour de nombreux acteurs. Ainsi, la Fédération Nationale des Associations d'Usagers de Transport, qui agit notamment pour l'amélioration des transports en commun et pour une politique de transport plus respectueuse de l'environnement, ne s'est pas penchée sur la question du stress comme argument pour promouvoir des investissements dans les transports en commun. Au niveau des entreprises, la question est émergente, mais encore peu traitée. Il est en effet souvent considéré que le transport entre le domicile et le lieu de travail relève de la vie privée du salarié.
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Le stress et les transports
C.2. Les pratiques actuelles
Les politiques ayant pour objectif l'amélioration des transports de manière générale s'organisent autour de la loi « Grenelle 1 » qui met en place des plans de déplacement urbains (PDU) autour de trois axes : des progrès sur les transports en commun, la favorisation du recours aux mobilités douces et actives et aux modes de transport permettant la décongestion (l'autopartage par exemple) et enfin une meilleure coordination entre les différents niveaux de décision. La région Ile-de-France, où les transports en commun revêtent une importance particulière, investit ainsi largement pour améliorer les conditions de transport en étendant son réseau et en renouvelant le matériel. Le second axe d'action des politiques permettant de réduire le stress dans les transports est de favoriser les mobilités douces et actives (marche et vélo) (Bouéroux, et al., 2010). En reprenant les résultats présentés dans la fiche « marche-vélo », cela permet de réduire la congestion mais procure également un bien-être physique et psychique permettant la réduction du stress. Afin de réduire la congestion, une autre solution est d'encourager l'autopartage (Bouéroux, et al., 2010), ce qui avait été prévu lors du Grenelle de l'environnement. L'État doit notamment aider d'un point de vue méthodologique les collectivités qui souhaitent développer cette pratique (MEDDTL, 2011). Les collectivités locales mettent de leur côté plusieurs mesures pour favoriser ce mode de transport (ADRETS, 2009), avec l'ouverture de sites Internet, des communications et réunions d'informations, la construction d'aires de covoiturage (pour se retrouver et laisser sa voiture gratuitement), l'instauration de voies réservées... En plus de son impact sur la congestion, il est intéressant de noter que l'autopartage peut avoir un second impact positif sur le stress sur les transports en favorisant la convivialité et le lien social.
C.3. Les évolutions possibles
L'implication des entreprises est un facteur important dans la prise en compte du stress dans les transports. A l'heure actuelle, la majorité des entreprises considèrent que le trajet domicile/travail relève de la vie privée du salarié et ne se sentent pas concernées. Pour améliorer la situation l'étude Technologia propose 10 axes d'action : 1) Création d'un observatoire du stress lié aux transports en commun sous l'égide de l'Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail (ANACT) ou de l' Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) ; 2) Intégration de la question dans les Comités d'Hygiène, de Sécurité, et des Conditions de Travail (CHSCT) des entreprises ; 3) Intégration du problème dans un document unique ; 4) Apporter une attention aux personnes en difficulté ; 5) Mise en place d'une communication entre organismes de transports et entreprises pour que les salariés n'aient plus à justifier leurs retards ; 6) Favoriser le covoiturage ; En cas de déménagement de l'entreprise : 7) Consulter le CHSCT + faire des estimations précises ; 8) Si mal desservie par transports en commun, imposer à l'entreprise la mise en place d'une navette, éventuellement partagée entre plusieurs entreprises ; 9) Rendre obligatoire les négociations sur le travail à distance ; 10) Organiser des états généraux sur les conditions de travail en Ile-de-France.
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Le stress et les transports
La proposition n°3 semble la plus pertinente pour agir sur la question du stress généré par les transports. Un second outil qui permet d'intégrer la problématique des transports à l'entreprise est le plan de déplacements d'entreprise (PDE). D'après l'ADEME « c'est un ensemble de mesures visant à optimiser les déplacements liés aux activités professionnelles en favorisant l'usage des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle. Sa mise en oeuvre est encouragée par les autorités publiques, car il présente de nombreux avantages pour les entreprises, les salariés et la collectivité » (ADEME, 2011). Les PDE sont ainsi des outils permettant à la fois de mieux connaître les besoins des salariés mais aussi de diminuer l'impact environnemental des transports et le stress subi. Parmi les perspectives envisagées dans les PDE, le développement du travail à distance (télétravail) est une solution radicale, puisque le salarié n'aurait dès lors plus besoin de se déplacer et pourrait travailler de chez lui. Cette solution peut aussi éviter un certain nombre de déplacements intersites en ayant recours à des réunions par visioconférence. Cependant, cette solution est loin d'être applicable à l'ensemble des professions même si le Centre d'analyse stratégique prévoit 50% de télétravail d'ici à 2015 (CAS, 2009). Les politiques d'urbanisation peuvent contribuer à la réduction des transports, en assurant une maîtrise de la croissance des villes, la densification de l'habitat, ainsi que l'homogénéisation des quartiers (Frumkin, 2002). C'est l'orientation qui a été suivie lors de la restructuration du quartier de la Bibliothèque François Mitterrand dans le 13ème arrondissement de Paris, où des logements côtoient des entreprises, une crèche, des écoles ainsi que des commerces. C'est une des orientations du Grenelle de l'environnement, avec la création d'Ecocités et d'Ecoquartiers qui sont des grands projets d'innovation architecturale, sociale et énergétique. Ce type de politique d'urbanisation permettrait de rééquilibrer et de rapprocher les bassins d'emploi par rapport au logement des employés, un des principaux points noirs des transports en Île de France étant le trafic Est-Ouest (Bouéroux, et al., 2010). Les entreprises peuvent également participer à ces politiques d'urbanisation en encourageant l'habitat de proximité via l'aide à l'acquisition ou à la location pour leurs employés, en particulier via le 1% logement (Bouéroux, et al., 2010). Il est à souligner que la monétarisation du stress est possible, en évaluant l'ensemble des conséquences pour la santé et la perte de productivité au travail. Toutefois, les effets du stress sont nombreux et peuvent être difficiles à détecter, et provenir de plusieurs causes. Le stress intervient souvent en renfort de problématiques déjà présentes. Pour ces raisons, une monétarisation précise des effets du stress semble assez délicate. L'outil HEAT qui monétarise les gains en santé par la pratique du vélo et de la marche pourrait tenir compte de la réduction du stress qui découle de l'usage de ces mobilités (voir la fiche sur l'activité physique ci-après). Les politiques publiques en matière de prise en compte du stress causé par les transports sont pour le moment assez peu nombreuses. Le stress est rarement l'élément-cible visé par la politique, on parle plutôt de « confort des usagers ». Les mesures actuelles cherchent surtout une amélioration des conditions de transport par des investissements dans le réseau et le matériel, ainsi qu'un développement des modes de transport alternatifs (covoiturage, marche, vélo). Pour traiter plus largement le problème, des pistes existent pour inciter les entreprises à prendre en compte l'impact du stress des salariés dans les plans de déplacement d'entreprises (PDE). Les politiques d'aménagement du territoire et d'aménagement urbain sont également importantes pour favoriser la création de quartiers mixtes et limiter les déplacements domicile/travail.
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GCT Santé Transport
L'ACTIVITE PHYSIQUE ET LES TRANSPORTS
On désigne ici par le terme d'activité physique les modes de déplacement dits actifs ou doux, à savoir essentiellement la marche à pied et le vélo. L'activité physique a des effets bénéfiques importants sur la santé, notamment sur l'obésité et les maladies cardiovasculaires. Par conséquent, inciter les individus à pratiquer une activité physique pour leurs déplacements constitue un enjeu fort. Au niveau international, l'outil HEAT, développé par l'OMS, permet d'estimer les impacts de l'activité physique sur la santé. Il a été intégré aux référentiels d'évaluation des projets de transport de la Suède et de l'Angleterre. Au niveau français, l'étude RECORD pilotée par l'Inserm, avec la collaboration du Certu et le soutien financier de la DGITM, vise entre autres à déterminer des stratégies d'intervention conduisant à un renforcement de la pratique de la marche ou du vélo. Toutefois, en France, les politiques publiques en matière de prise en compte de l'activité physique dans les transports sont pour le moment limitées aux acteurs de la santé. Un développement des outils d'évaluation, couplé à une sensibilisation des collectivités territoriales, permettraient d'élargir cette problématique, en y incluant de manière active les acteurs des transports.
A. L'activité physique, mode de déplacement actif ou doux ?
Lorsque l'on s'intéresse au domaine des transports, l'activité physique fait, en général, référence à deux modes particuliers de transport : la marche à pied et le vélo. Ces modes de transports ont une terminologie particulière, au sens où ils sont qualifiés d' « actifs » par les acteurs de la santé (puisqu'ils permettent de faire de l'activité physique), et de « doux » par ceux des transports (car ils créent beaucoup moins de nuisances que les autres modes). Il s'agit ainsi d'aborder une thématique avec une double vision : celle de la santé, où la manière de se déplacer est une des nombreuses façons de pratiquer une activité physique, et celle des transports, où marche et vélo sont des modes de déplacement singuliers.
A.1. L'activité physique en tant que problématique de santé publique
Aujourd'hui, il est connu que l'activité physique a des effets favorables sur la santé. En 1992, le Docteur Bouvier (Papon, 2011) a mis en évidence que l'exercice physique favorisait le développement de la force et de la résistance des muscles, le développement des muscles respiratoires (limitant ainsi l'asthme et la bronchite), protégeait contre la maladie coronarienne, diminuait le risque d'obésité et d'ostéoporose, améliorait la tolérance au glucose et donc le contrôle du diabète, facilitait l'accouchement et avait une action favorable sur la dépression, l'estime de soi, l'anxiété et le stress mental. Le facteur le plus important en termes de santé publique est l'influence sur le poids et la réduction du risque de maladies cardio-vasculaires.
A.2. L'activité physique en tant que mode de transport à part entière
L'activité physique, avec la marche à pied et le vélo, tend de plus en plus à être reconnue comme un mode de déplacement en soi, à côté de transports plus classiques comme la voiture ou le train. Les déplacements liés à ces modes de transport étant essentiellement locaux, cette prise de conscience est encore modeste au niveau national. Elle est plus avancée au niveau local, notamment dans les grandes communes qui sont amenées à investir entre autres dans des pistes cyclables. Cependant,
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L'activité physique et les transports
inciter les citoyens à se déplacer tout en faisant de l'activité physique nécessite de penser au-delà d'un simple mode de transport : le recours à la marche ou au vélo est une alternative de transport offerte à un individu, au même titre que l'emploi d'une voiture individuelle ou la prise des transports en commun. Il s'agit alors de trouver la meilleure manière de rendre attractifs ces modes de transports afin d'encourager leur pratique. En abordant la problématique sous l'aspect mode de transport, on fait donc référence plutôt à l'activité physique dite utilitaire, distincte de l'activité physique dite récréative. L'activité physique correspond à tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques et entraînant une augmentation des dépenses d'énergie par rapport à la dépense de repos. Elle varie selon l'intensité, la durée, la fréquence et le contexte dans lequel elle est pratiquée. A ce titre, la marche à pied et le vélo permettent de concilier activité physique et déplacement.
B. L'activité physique et les transports, origines et conséquences
La prise en compte de l'activité physique dans les politiques publiques, et notamment les politiques de transport est très inégalement développée selon le territoire concerné. L'Amérique du Nord, touchée depuis quelques dizaines d'années par les problèmes d'obésité de la population, dispose notamment de nombreux travaux de recherches sur le sujet.
B.1. Etat de l'art académique : la littérature nord-américaine
A la fin des années 1990, de nombreuses études académiques nord-américaines ont mis en évidence que la vie sédentaire était néfaste pour la santé, puisqu'elle augmentait directement les risques de maladies cardiovasculaires et les attaques cardiaques (NIH Consensus Conference, 1996) (Wannamethee & Shaper, 1999). Au contraire l'activité physique prolonge la durée de la vie (Lee & Paffenbarge, 2000). Le risque induit sur la santé par une activité physique insuffisante est du même ordre de grandeur que ceux induits, par exemple, par le cholestérol ou le tabac (Blair, et al., 1996). De même, l'activité physique est bénéfique pour certains types de cancer (Kampert, et al., 1996) (Oliveria & Christos, 1997). Outre ces effets directs sur la santé, le manque d'activité physique augmente la tendance à être en surpoids (Frumkin, 2002), et donc implique des effets indirects sur la santé liés à l'obésité. Ainsi, l'activité physique a des effets positifs sur l'obésité, les diabètes de type II, l'hypertension, les maladies cardiovasculaires, l'ostéoporose, la santé mentale et certains cancers (Morrison, et al., 2003). Il peut être possible d'améliorer la santé en changeant la manière dont les individus ont recours aux différentes formes de transport, et les politiques de transports portées par l'administration ont des effets majeurs sur les déplacements des individus, y compris les déplacements non motorisés (Victoria Transport Policy Institute, 2011). Par ailleurs, le nombre de décès d'individus en insuffisance d'activité physique aux Etats-Unis est supérieur d'un ordre de grandeur à celui des décès dus aux accidents de la route (Murray, 1996). Par conséquent, en parallèle des études liées aux effets sur la santé de l'activité physique, d'autres études académiques ont été menées afin d'estimer les bonnes pratiques de politiques publiques permettant d'intégrer cette problématique. Il ressort de ces études (Lee & Vernez Moudon, 2004) (Litman, 2003) que : la marche, et dans une moindre mesure le vélo, constituent des formes privilégiées d'activité physique
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il est utile encourager un aménagement urbain approprié, facilitant les déplacements doux et actifs (pistes cyclables, trottoirs larges) et incitant à leur pratique pour des trajets de proximité il est également utile de privilégier une urbanisation mixte en terme d'occupation de l'espace afin de ne pas allonger démesurément les trajets entre logements et commerces des systèmes de transport en commun performants et agréables peuvent être développés pour relier les centres d'intérêts des mesures incitatives peuvent être envisagées (péages urbains ou routiers, parkings...) le succès des résultats des stratégies d'intervention dépend de nombreux facteurs, comme par exemple la réactivité de l'environnement local, les ressources disponibles, ou la facilité et le coût de mise en oeuvre de ces interventions.
B.2. Le développement d'outils internationaux d'évaluation
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande notamment la pratique presque quotidienne de 30 minutes d'un exercice physique régulier d'intensité modérée, dans le but de réduire les risques de maladies cardiovasculaires, de diabète, de cancer du côlon et du sein (OMS, 2004). Dans le cadre du Programme Paneuropéen sur le Transport, la Santé et l'Environnement (OMS & CEE, 2009) (THE PEP : Transport, Health and Environment Pan-European Programme), l'OMS a développé un outil permettant de monétariser l'impact de la marche et du vélo sur la santé : l'outil HEAT (Health Economic Assessment Tool for Walking and Cycling) (Kahlmeier, 2009). L'outil HEAT est destiné aux décideurs et aux planificateurs de transport (Kahlmeier, et al., 2011). Il se veut simple d'utilisation et à finalité pratique. Il permet de quantifier les bénéfices sur la santé à partir d'un taux de mortalité réduit, en se basant sur l'activité physique régulière due à la marche et au vélo. Le lien avec la santé se fait par l'intermédiaire du taux de réduction du risque de mortalité liée à la pratique de la marche (22%) ou du vélo (28%). Ces chiffres se basent sur des estimations de 29 minutes de marche par jour à 4,8 km/h (Andersen, et al., 2000) et de 3 heures de vélo par semaine, à raison de 36 semaines par an, à 14 km/h (Hamer, et al., 2009). En fonction de la quantité d'activité physique accomplie par individu, et du nombre d'individus concernés par cette pratique, une évaluation économique basée sur la valeur statistique de la vie humaine (VSL : Value of Statistical Life) permet de chiffrer le gain pour la société. Les principales limites actuelles de cet outil résident dans le nombre d'études utilisées pour estimer la réduction du risque de mortalité (neuf pour la marche, et une seule pour le vélo) et dans le raisonnement simplifié quant à la monétarisation des impacts sur la santé (qui se traduisent uniquement par une réduction du nombre d'années de vie). HEAT est cependant mis à jour progressivement et enrichi par de nouvelles études sur le domaine, ce qui tend à le rendre de plus en plus pertinent. L'utilisation d'un tel outil dans de nombreux pays, y compris la France, représenterait une avancée majeure dans les processus d'évaluation des projets de transport. C'est ainsi que la Suède et l'Angleterre ont intégré cet outil dans leurs référentiels d'évaluation. Une autre méthode a été suivie par les partenaires publics, dans le cadre du projet de création d'une agglomération franco-suisse autour de la ville de Genève (Comité régional franco-genevois, 2007), où une étude d'impact portant, entre autres, sur la santé a été réalisée. Cette étude s'inspire d'un outil développé par la ville de San Francisco, le Healthy Development Measurement Tool (HDMT). Elle s'intéresse notamment à l'appréciation des coûts sanitaires engendrés par l'inactivité physique et ceux évités par la pratique d'une activité physique suffisante, en fonction de l'utilisation des modes
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L'activité physique et les transports
de déplacement non motorisés (marche et vélo). Elle utilise comme donnée d'entrée une étude suisse, conduite par l'Institut de médecine sociale et préventive de l'hôpital universitaire de Zurich. Cette étude porte sur les répercussions économiques du rapport entre santé et activité physique. Le calcul des coûts directs (engendrés et évités) de différentes pathologies en relation avec le niveau d'activité physique a ainsi été réalisé. La principale limite de cette méthode réside dans la territorialité de l'étude médicale, portant sur la Suisse uniquement. Par conséquent, une extension de cette méthode à la France serait possible sous réserve de réaliser une étude sanitaire similaire à celle conduite en Suisse.
B.3. L'étude RECORD
Depuis 2007, en France, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a lancé l'étude RECORD (Inserm, 2011), dont l'objectif principal est d'étudier les disparités de santé (essentiellement les maladies coronaires et facteurs de risques cardiovasculaires) en Ile-de-France. Cette étude se focalise sur la manière dont l'environnement géographique de vie influe sur la santé (caractéristiques physiques de l'environnement, services présents à proximité, interrelations sociales...). Par conséquent, parmi les buts visés par cette étude se trouve celui de proposer des stratégies d'intervention permettant de créer des opportunités environnementales incitant à un mode de vie sain, dont la pratique d'une activité physique régulière fait partie. A cet effet, une cohorte épidémiologique de 7 300 participants dans 1 915 quartiers d'Ile-de-France participe à cette étude. Pour l'instant, l'étude étant toujours en cours, les résultats ne sont que partiels (Chaix, 2011). Pour l'ensemble des personnes interrogées, plus de la moitié de la marche utilitaire se déroule dans leur quartier. La marche utilitaire est la plus importante dans un environnement de densité moyenneélevée, avec une forte connectivité du réseau de rue, un grand nombre de lignes de transports en commun et un faible niveau d'insécurité. Un partenariat entre l'Inserm et le Certu est en train de voir le jour, afin notamment de pouvoir croiser les méthodes épidémiologiques développées par l'Inserm et les bases de données transport du Certu, et ainsi de pouvoir mesurer précisément l'impact de la marche et du vélo sur la santé. L'activité physique a des effets bénéfiques sur la santé, et notamment sur l'obésité, les diabètes de type II, l'hypertension, les maladies cardiovasculaires, l'ostéoporose, la santé mentale et certains cancers. Il est possible d'améliorer la santé des individus en changeant la manière dont ils ont recours aux différentes formes de transport. Une urbanisation et une planification adéquates peuvent inciter les individus à augmenter leur niveau d'activité physique à un niveau suffisant. A l'échelle internationale, plusieurs outils ont été développés afin de pouvoir inclure dans les politiques publiques les bénéfices liés à l'activité physique sur la santé. On peut citer notamment l'outil HEAT de l'OMS, dont la principale limite actuelle réside dans le raisonnement simplifié pour la monétarisation des impacts sur la santé, et qui s'enrichit progressivement avec de nouvelles études. En France, la vision des différents acteurs est en train d'évoluer, en particulier avec l'étude RECORD menée par l'Inserm, qui vise entre autres à identifier des opportunités environnementales incitant à un mode de vie sain, et donc à déterminer des stratégies d'intervention conduisant à un renforcement de la pratique de la marche ou du vélo.
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C. Prise en compte actuelle par les politiques publiques
Aujourd'hui en France, les politiques publiques visant à favoriser l'activité physique sont principalement portées par les acteurs du monde de la santé, bien que la tendance soit à une prise de conscience plus ample de la problématique, y compris par les acteurs du domaine des transports.
C.1. Les positions des différents acteurs sur la question de l'activité physique
Depuis quelques années, l'activité physique constitue en effet une problématique de santé publique. En témoigne notamment le nombre élevé d'actions nationales pour les activités physiques portées principalement par les ministères en charge de la santé et des sports : 14 pour la période 2001-2006 (Bréchat, 2009). On peut notamment citer le programme national santé environnement 2004-2008, dont une des actions consistait à porter à 10 % la part modale des déplacements à vélo en ville à l'horizon 2010. Les liens forts entre santé et activité physique ont notamment été reconnus par le monde politique entre 2007 et 2010, avec un même ministre en charge à la fois de la santé et des sports. Les déplacements par les modes actifs ou doux se faisant néanmoins sur de courtes distances, la démarche actuelle d'évaluation du ministère en charge des transports, historiquement intéressé par des modes de transports nationaux, ne prend pas en compte la notion d'activité physique (Ministère en charge du développement durable, 2008). On constate cependant une prise de conscience émergente de la part des collectivités par rapport à la problématique. Cette prise de conscience se fait encore majoritairement de manière indirecte (par exemple, la mise en place d'un système de vélos en libre-service, en général motivée par des intérêts plutôt écologiques, incite à l'activité physique). Toutefois, dans le cadre d'un projet de transport en commun comme la création d'une ligne de tramway, certaines collectivités pourraient avoir envie d'aller plus loin dans les dossiers d'études d'impact, notamment pour y inclure les bénéfices liés à une augmentation du niveau d'activité physique des riverains.
C.2. Les pratiques actuelles
Les politiques publiques actuelles étant essentiellement portées par les acteurs du monde de la santé, celles-ci se traduisent principalement par des campagnes de communication. Lors de la mise en place de telles campagnes, le message général consiste à présenter la marche et le vélo comme un atout pour la personne (Jardinier, 2011). A ce titre, une campagne intitulée « Bouger 30 minutes par jour c'est facile » avait été mise en place entre le 15 novembre 2010 et le 15 mai 2011 par l'INPES (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé) (INPES, 2010). Cette campagne de communication, qui s'appuyait sur un spot télévisé et de l'affichage urbain, visait à amener les citadins à reconsidérer et à intégrer la marche et le vélo dans leurs pratiques quotidiennes en indiquant, par une signalétique urbaine à destination des piétons, des distances en temps (par exemple, « centre-ville, 15 minutes »). Une politique plus concrète, développée dans de nombreuses municipalités depuis quelques années est l'instauration d'un réseau de vélo en libre-service. Bien que La Rochelle et Rennes aient été précurseurs dans le domaine, le système a réellement pris de l'ampleur en France avec les Velo'v de Lyon en 2005, puis les Vélib' de Paris en 2007. Les résultats de cette politique dans les deux plus grandes villes françaises sont très positifs : avec 18 000 Vélib' en circulation à Paris et dans les communes limitrophes (30 à ce jour), on comptabilise entre 25 et 30 millions de déplacements par
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an. Les politiques publiques favorisant le recours au vélo doivent toutefois prendre en compte les freins à la pratique de ce mode de transport. D'après une étude réalisée en 2003 (SOFRES, 2003), les raisons principales avancées pour la non-pratique du vélo sont la trop forte distance à parcourir (32%), la peur de se faire renverser par une voiture (25%), la condition physique insuffisante (24%) et l'insuffisance de pistes cyclables (23%).
C.3. Les évolutions possibles
La prise en compte de la problématique de l'activité physique, via les deux modes de transport que constituent la marche à pied et le vélo, est un enjeu majeur de santé publique. Les effets bénéfiques sont plus sensibles au niveau local, où ces deux modes de transport peuvent rentrer en concurrence avec d'autres formes de déplacement. Toutefois, les collectivités, responsables à la fois de la planification de l'urbanisation et du développement des réseaux locaux de transport en commun, ne disposent pas encore d'outils suffisamment pratiques pour pouvoir intégrer de manière explicite cette problématique dans leurs travaux. Les péages urbains constituent un exemple de politique publique innovante, censée favoriser les déplacements en transports en commun et via des modes actifs ou doux. Ceux-ci, déjà en service dans certaines métropoles européennes (Londres, Stockholm ou encore Milan), ont été rendus possibles à titre expérimental en France avec la loi Grenelle II (Loi Grenelle II, 2010). Toutefois, comme en témoignent aussi bien les études académiques conduites en Amérique du Nord ou les conclusions provisoires de l'étude RECORD de l'Inserm, il est nécessaire, pour une intégration réussie de la problématique de l'activité physique dans les transports, de conduire une politique publique coordonnée, ne se bornant pas à une interprétation trop restrictive des limites du domaine des transports. L'outil HEAT, développé par l'OMS, bien qu'imparfait, présente plusieurs avantages majeurs : il permet de proposer une méthode pratique de monétarisation de l'activité physique dans les déplacements, alors que cet aspect est, pour le moment, totalement ignoré dans les évaluations des politiques publiques ; il est international, et donc peut être utilisé pour des comparaisons entre pays de certaines politiques publiques. Les politiques publiques en matière de prise en compte de l'activité physique dans les transports sont pour le moment limitées aux acteurs de la santé. Pour élargir cette problématique, en l'inscrivant réellement dans les politiques de transport, les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle important, en tant que responsables de l'urbanisation et des transports locaux. Cependant, elles ne disposent pas encore, pour le moment, de tous les outils adéquats pour conduire à bien une telle action publique.
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Partie III. Analyse critique
III.1. Bilan
La problématique de la santé dans les transports émerge fortement depuis les années 2000, et ce au niveau international. Pourtant en France, les impacts sur la santé ne sont pas systématiquement inclus dans les projets liés aux transports. Le choix des thématiques auxquelles nous nous sommes intéressés a permis de couvrir un large panorama représentatif de ce thème. Les entretiens avec des experts du domaine nous ont permis non seulement d'avoir une approche synthétique sur le sujet, mais également de mieux appréhender les différents points de vue auxquels nous avons été confrontés. Concernant l'activité physique, les politiques publiques se focalisent pour l'instant sur les acteurs de la santé. Afin d'avoir une action plus concrète et efficace pour mieux intégrer l'activité physique dans les transports, d'autres acteurs comme les collectivités territoriales pourraient jouer un rôle majeur. Cela implique de créer des outils fiables et efficaces afin que leurs programmes d'urbanisation et de gestion des transports locaux puissent être plus incitatifs vis-à-vis des usagers pour qu'ils utilisent aussi bien les transports en commun que les modes de déplacement doux et actifs. Les acteurs interrogés sont unanimes sur ce point. Le stress est pour l'instant peu intégré dans les politiques publiques, principalement à cause de la difficulté à le mesurer de manière fiable et concrète. Ainsi, ce sont avant tout des actions visant le confort des usagers et employés qui sont mises en avant, comme dans les Plans de Déplacement des Entreprises. Le développement des transports alternatifs ou une amélioration du confort des usagers sont d'autres voies fréquemment suivies. Les professionnels de la santé alertent d'ores et déjà sur l'importance de ce thème, qui risque de croître fortement dans les années à venir. Les domaines de la pollution de l'air et du bruit sont aujourd'hui pris en compte par les politiques publiques pour plusieurs raisons. Ces nuisances sont connues depuis longtemps, des études épidémiologiques ont pu être menées, mais elles demeurent insuffisantes. Il s'agit d'éléments déjà concernés dans les études d'impact environnemental, et sur lesquels la population se sent souvent très directement concernée. Ainsi le rapport Boiteux 2, qui propose déjà des préconisations directement applicables sur le terrain, est utilisé comme référence par les professionnels du secteur. Cependant, le groupe de travail du rapport Boiteux 2 a été très prudent dans son chiffrage, qui est aujourd'hui considéré comme sous-estimé. Il apparaît que cette sous-estimation a pu être guidée par le choix de ne pas grever le bilan socio-économique des infrastructures prévues en l'absence de certitudes scientifiques absolues. Ce choix peut paraître risqué d'un point de vue sanitaire, mais il est important de prendre des précautions dans la réglementation, puisque les choix de pondération que l'on peut faire entre différents enjeux traduisent aussi les priorités de l'Etat et peuvent évoluer au cours du temps. Quoiqu'il en soit, il apparaît comme indispensable de réévaluer les valeurs tutélaires
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régulièrement afin de s'adapter aux évolutions scientifiques et politiques. Des recherches scientifiques doivent être poursuivies pour éclairer ce sujet. Globalement, on note que la problématique de la santé dans les politiques publiques est aujourd'hui encore émergente, et que les outils pour mieux la considérer se mettent en place progressivement. Le terme de santé, comme le définit l'Organisation Mondiale de la Santé, est encore difficilement mesurable. Les meilleures intégrations des problématiques dans les projets de transports sont réalisées dans les secteurs où les effets sont mesurables et monétarisables. Le bruit et la pollution de l'air sont directement appréhendés et commencent à être intégrés tant aux projets qu'aux politiques. D'autres aspects, comme l'activité physique ou le stress restent encore aujourd'hui plus vagues, aussi bien pour l'opinion publique que dans les actions entreprises politiquement. Pour les composantes de la santé bien maîtrisées dans l'état actuel de la science, on peut alors passer à la mise en oeuvre de réglementation et de mesures : c'est ici qu'interviennent les méthodes de monétarisation. Afin de mettre en place ces méthodes de monétarisation de manière efficiente, de très nombreux paramètres sont à intégrer, et les formules mathématiques sous-jacentes nécessitent d'être vérifiées. Aujourd'hui, ces concepts commencent à être efficaces dans certains domaines, mais on note également qu'il existe de grosses lacunes dans d'autres. Ainsi, des simplifications à l'extrême de modèles, des définitions qui divergent selon les acteurs, des poids de critères sur ou sous-évalués, ou encore tout simplement des oublis concernant des paramètres non mesurables, ou non encore mesurés, sont autant de défauts qui laissent penser que l'herméticité de la méthode est dangereuse. Au fil de nos recherches et de nos entretiens, nous avons perçu que la monétarisation des externalités est un outil controversé, dont tous reconnaissent la pertinence lorsqu'il s'agit de savoir si un investissement est désirable, mais dont beaucoup encore critiquent la sensibilité aux hypothèses. Toutefois, les questions éthiques que certains soulèvent au sujet de la valorisation systématique ne sont pas des questions propres au problème de la santé : refuser de donner une valeur au temps ou aux loisirs relève d'une remise en question de l'économie dans son ensemble, et traiter cette question s'écarte des prérogatives de ce rapport. La monétarisation est ici simplement un outil pour comparer des éléments qui dans leur état initial ne s'expriment pas dans la même unité. Par ailleurs, cette monétarisation devrait être menée de concert avec les professionnels de santé et intégrer les économies potentielles, notamment pour les comptes de la sécurité sociale. Ces derniers sont en effet aujourd'hui très déficitaires et constituent un enjeu important dans un contexte de dette publique importante.
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Ainsi, nous pouvons mettre en exergue différentes pistes d'actions qui pourraient être suivies, à court ou à long terme, afin d'améliorer l'intégration de la problématique de santé dans les transports. Au niveau scientifique : Mise en place d'un processus de capitalisation des connaissances au niveau supranational. De nombreuses études, projets, statistiques et expériences ont été menées et sont en cours, mais peu de recoupements existent sur le sujet. Cette capitalisation permettrait de repartir de bases solides pour faire avancer les recherches. Approfondissement de la méthode de monétarisation : tout comme les études d'impact environnemental, qui sont fondées sur une littérature académique pour être appliquées ensuite aux politiques publiques, l'étude d'impact sanitaire pourrait se baser sur une littérature spécialisée en économie de la santé (voir la partie monétarisation) et trouver ensuite une forme lui permettant de s'appliquer aux politiques publiques. Mise en oeuvre des études manquantes, qui ont été mentionnées dans les différentes parties thématiques. Au niveau administratif et politique : Mise en place de stratégie de lutte contre le stress : difficilement mesurable actuellement, impliqué dans de très nombreux domaines et pressenti comme étant un des fléaux à venir dans nos sociétés modernes, des solutions efficaces commencent à émerger (favorisation du télétravail, diminution des temps de trajets quotidiens en favorisant des politiques urbaines de mixité de quartier, limitation des déplacements domicile/travail, etc.). Encouragement des recherches sur le thème de la santé dans les transports. Rédaction d'une nouvelle version du référentiel d'évaluation des politiques de transport, prenant davantage en compte la problématique de la santé. Amélioration de la coordination entre les différents niveaux politiques d'une part (collectivités territoriales, Etat, différentes agences) et les différents domaines (santé, économie, écologie, transports etc.)
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III.2. Retour sur le travail effectué
III.2.a. Les entretiens
Nous avons réalisé un certain nombre d'entretiens parmi les acteurs de la santé et des transports identifiés préalablement. Le tableau ci-dessous présente les différents entretiens réalisés, dont les comptes-rendus sont joints en annexe. Organisme
Unité de recherche clinique en économie de la santé Sétra
Nom
Dr Isabelle DURAND-ZALESKI
Fonction
Directrice de l'URC
Damien GRANGEON
Ancien chargé d'études socio-économiques des transports rédaction d'un rapport sur la monétarisation des externalités environnementales Chargé de recherche sur les impacts de l'environnement sur la santé Travail sur l'étude RECORD Animation du RST Air Chargé de mission « approche systémique de la mobilité » Chargée d'études sur les nuisances sonores Chef de la subdivision des déplacements en libre-service à la Direction de la Voirie et des Déplacements Doyen de la faculté rapporteur du rapport Boiteux 2 Président de la FNAUT
Inserm
Basile CHAIX
Certu
Fabienne MARSEILLE Laurent JARDINIER
Marie-Paule THAVEAU Ville de Paris Raymond DEL PERUGIA
Faculté de sciences économiques de Lyon FNAUT
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Luc BAUMSTARK
Jean SIVARDIERE
Tableau : liste des entretiens réalisés au cours du GCT Cette liste de contacts provient pour partie de la DGITM qui nous a fourni les noms de correspondants au Sétra et au Certu, ainsi qu'à l'Inserm. Nous avons ensuite élargi cette première liste par des recherches personnelles et notre propre réseau de contacts. Ces rencontres nous ont permis en premier lieu de préciser la bibliographie que nous avions pu lire auparavant, et de la compléter par des envois supplémentaires. Les entretiens se sont également révélés indispensables pour obtenir une nouvelle vision sur des questions importantes, comme la monétarisation des
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Cet entretien téléphonique fut relativement court et informel, il n'a donc pas fait l'objet d'un compte-rendu détaillé que nous aurions pu inclure dans les annexes du rapport.
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impacts sanitaires des transports. Enfin, ils nous ont permis de faire le point sur le jeu d'acteurs existant autour de notre sujet, en distinguant les acteurs intéressés et impliqués, ainsi que les points d'achoppement ou de consensus. Nous aurions souhaité pouvoir étendre cette liste d'entretiens, mais nous n'avons pas pu obtenir de réponse de la part de certaines personnes que nous avions contactées, notamment à la RATP. Nous avons également manqué de temps pour profiter des informations fournies lors de certains entretiens. Ainsi, le docteur Durand-Zaleski nous a en particulier mentionné Roger Salamon, président du HCSP et directeur honoraire de l'UFR de médecine de Bordeaux, et Pierre Lombrail, professeur de médecine et président de la Société Française de Santé Publique, qui auraient pu nous fournir une expertise plus poussée sur les aspects sanitaires du sujet. De même, nous n'avons pas eu le temps de chercher des contacts au ministère de la Santé pour compléter la vision du commanditaire. Il serait intéressant pour la DGITM de poursuivre ce travail d'entretiens et de contacts pour lancer cette dynamique transversale nécessaire au traitement de la thématique santé et transports.
III.2.b. Autres thématiques
Au cours de nos travaux, nous avons étudié quatre grands enjeux sanitaires impliquant les transports (la pollution de l'air, le bruit, le stress et l'activité physique), et nous avons souligné la difficulté de prendre en compte tous les effets de chacun de ces enjeux, et l'importance qu'il y a à trouver et comprendre les effets peu ou pas connus. De la même façon, il est essentiel de rester attentif à des effets sanitaires encore méconnus ou laissés de côté qui pourraient émerger. Au cours de nos entretiens, nous avons pu dégager quatre de ces thématiques novatrices. Le dépôt de particules Les transports, principalement routiers, émettent des particules fines, lesquelles se déposent sur le sol. Ce phénomène peut causer des problèmes environnementaux, mais aussi sanitaires : ce dépôt peut avoir lieu sur des zones agricoles, et risque alors de contaminer les cultures. La surface concernée autour d'une route dépend de la taille initiale des particules. Ainsi, pour les grosses particules, la déposition se fait par gravité, influencée par le vent, et les particules restent à proximité immédiate de la route. C'est aussi le cas du plomb, qui se dépose sur quelques dizaines de mètres autour des routes (Hertig & Fallot, 2006). Les mesures de défense classique sont la création d'une zone de protection autour de la route, c'est-à-dire la construction d'un talus ou d'un rideau végétal réduisant la distance de transport en cas de vent dominant. Du point de vue agricole, cet enjeu n'est pas nécessairement significatif dans la mesure où les émissions sont aujourd'hui très réduites, et où des mesures de protection simples à mettre en oeuvre existent. La part de la production agricole située à moins de 20 à 30 mètres d'une route importante est relativement faible. En revanche, les potagers dans les zones urbaines ou périurbaines pourraient être directement concernés. Les particules de moins de 2µm se comportent comme des gaz, ce qui augmente considérablement la distance de transport. Ces particules subissent tout comme les gaz un dépôt, dû à l'électricité statique, l'adsorption ou les réactions chimiques de surface. Ce phénomène peut être amplifié par un lessivage de l'atmosphère lors de la pluie. Le lieu de dépôt des particules est alors fortement dépendant des conditions climatiques. Certains modèles de qualité de l'air sont capables de prendre en compte ces phénomènes (Mallet, et al., 2007). Il est par contre difficile d'évaluer l'impact sanitaire de ces dépôts du fait de la diversité des particules.
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La pollution de l'eau Nous avons évoqué le dépôt des polluants au voisinage de la route, mais ceux-ci se déposent également sur la route elle-même. Lors des pluies, les routes sont lessivées et des particules polluantes peuvent être entraînées vers les cours d'eau ou les nappes phréatiques. Ceci concerne également les hydrocarbures et huiles ayant pu fuir ou présents dans les gaz d'échappement, des poussières de frein ou de pneu (caoutchouc, zinc, cadmium et cuivre), ou de la chaussée elle-même (poussières de bitume, zinc des glissières de sécurité). Le sel et le sable utilisés en hiver représentent aussi un volume très important. Une autoroute d'une taille moyenne produit tous les ans environ 25kg d'hydrocarbures, 4kg de zinc et 500g de plomb par kilomètre (Sénat, 2002). Des enjeux similaires existent au voisinage des pistes d'aéroports. Malgré les risques sanitaires que cela pourrait créer au niveau de l'approvisionnement en eau potable, cet enjeu est aujourd'hui bien pris en compte sous l'angle de l'environnement. Une méthode classique de dépollution est la décantation dans un bassin artificiel. Le choix du type de bassin et de sa taille dépend de l'objectif poursuivi lors de sa construction. De façon générale, un grand bassin permet un séjour de l'eau plus long, et ainsi une meilleure décantation. Dans une moindre mesure, un simple fossé permet aussi une décantation qui concentre la pollution au voisinage direct de la route. Ces systèmes permettent aussi de capter au moins partiellement une pollution ponctuelle, liée par exemple à l'accident d'un poids lourd transportant un liquide dangereux. Transmission des épidémies lors des trajets en transports en commun Un autre enjeu qui concerne les infrastructures de transports est la concentration massive d'usagers. Dans le cas des transports en commun, cela crée la possibilité de contacts entre les usagers, ce qui peut favoriser la transmission de maladies. Ce facteur est d'ailleurs pris en compte dans certains modèles de diffusion d'épidémies (Basileu, et al., 2010). On distingue deux effets pervers des transports : d'une part, la transmission se faisant souvent par l'air et par le contact des mains avec des surfaces contaminées, comme c'est le cas pour les grippes ; d'autre part, on peut craindre que le confinement des rames de métro ou RER, ainsi que le contact avec les mains courantes favorisent la diffusion massive de la maladie au sein de la population. Les transports à longue distance, notamment aériens, favorisent de plus la transmission de la maladie d'une partie du globe à une autre, et ainsi augmentent le risque de pandémie. En plus de mesures de précaution classique, auxquelles participent les campagnes de l' Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) pour le lavage des mains, des mesures d'exceptions graduées sont prévues dans le plan de pandémie grippale, telles que la désinfection des moyens de transport, l'incitation à réduire l'utilisation des moyens de transport en commun, l'utilisation de masques, voire la mise en quarantaine des cas suspects ou l'arrêt de certains transports en commun. Les mesures les plus extrêmes ne peuvent évidemment être justifiées que par un risque majeur, à cause des coûts économiques qu'elles auraient, ainsi que de la désorganisation qu'elles créeraient. Dans le cas de la grippe A en 2009, le secrétaire d'état aux transports, Dominique Bussereau, avait déclaré à Europe 1 qu'il était envisagé de modifier le fonctionnement des transports en communs en cas d'aggravation de la crise en pandémie. L'entretien et le cycle de vie de l'infrastructure Lorsque l'on parle de relation entre la santé et les transports, on considère souvent les impacts liés au mobile avec lequel on se déplace, tel que la voiture ou le train, mais pas toujours de
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l'infrastructure en elle-même. La fabrication, l'entretien et le démantèlement d'une infrastructure peuvent faire appel à des méthodes ou des composés beaucoup plus dangereux pour la santé au moment de leur mise en oeuvre que de leur utilisation. Par exemple, les enrobés sont souvent appliqués à chaud, ce qui provoque un dégagement de fumées nocives irritantes, et cancérogènes (présence d'hydrocarbure benzéniques et aromatiques polycycliques). Cela nécessite des précautions importantes (équipements de protection individuels, minimisation de l'exposition), qui ne sont absolument pas nécessaires lors d'une utilisation courante de l'infrastructure, puisque le risque disparaît. Cette problématique de l'entretien d'une infrastructure concerne avant tout les travailleurs qui sont directement au contact du chantier, mais elle peut aussi se faire ressentir par les riverains d'une zone de chantier, qui peuvent être exposés aux poussières et dégagements de vapeurs. En outre, la thématique du bruit est particulièrement sensible pendant la phase de chantier. Celle-ci fait cependant l'objet de recommandations spéciales dans l'étude d'impact environnemental pour limiter les nuisances faites aux riverains. En complément de nos études bibliographiques, notre travail s'est largement appuyé sur des entretiens réalisés avec des acteurs du monde de la santé et des transports. En recouvrant un panel assez large de sensibilités et de centres d'intérêts, ces rencontres ont permis d'élargir nos premières constatations et de nous poser de nouvelles questions. Ces contacts devraient être poursuivis et approfondis pour mieux couvrir la diversité des acteurs concernés et lancer une dynamique transversale nécessaire à la prise en compte de la question de la santé dans les transports. Au cours de ces entretiens et à la lecture de la bibliographie, un certain nombre de thématiques supplémentaires, que nous n'avons pas eu le temps de traiter dans le cadre de ce GCT, ont émergé. Il s'agit des questions du dépôt des particules aux abords des infrastructures, de pollution des eaux, de propagation des épidémies dans les transports en commun et enfin d'impacts d'une infrastructure au cours de son cycle de vie. Le degré actuel de prise en compte de ces thématiques dans les politiques est très variable, et il en va de même pour l'importance de la bibliographie concernée. Par conséquent, la réflexion sur ces thématiques doit être poursuivie.
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III.3. Perspectives
III.3.a. Evolution de la monétarisation
La prise en compte des externalités de santé publique dans le calcul de rentabilité économique des projets d'infrastructure est récente. La plupart des études qui s'y intéressent rassemblent dans un même document la problématique de la santé et celle de l'environnement, deux domaines qui sont effectivement liés, et emploie les méthodes développées pour l'une pour l'appliquer à l'autre. Toutefois, la réflexion que nous avons menée sur le sujet spécifique de la santé nous amène à penser qu'il existe une méthode plus adaptée pour l'évaluation quantitative des impacts des infrastructures de transport sur la santé publique. L'étude des impacts sanitaires se distingue de celle des impacts environnementaux pour deux raisons majeures : d'une part pour des raisons d'asymétrie d'information, et d'autre part pour la situation « monopolistique » du secteur médical. A titre d'exemple, on considère l'étude de l'impact sonore d'un projet. Le coût environnemental d'un projet bruyant peut être estimé par l'observation des prix du foncier : en effet, à cause de la gêne occasionnée par le bruit, la demande de logement diminue et les loyers baissent, jusqu'à ce qu'un habitant soit indifférent entre habiter ici mais supporter le bruit, ou bien là-bas et au calme. La différence de loyer engendrée est le coût de cette nouvelle nuisance environnementale. Cela est dû au fait que l'environnement englobe tous les facteurs extérieurs qui influent sur notre bien-être dans un milieu. Du point de vue de la santé à présent, la méthode foncière ne s'applique plus : on cherche à isoler un impact particulier. Elle pourrait s'appliquer si tous les individus connaissaient l'impact exact que ce bruit a sur leur santé, et si ceux-ci changeaient de logement si et seulement si le rapport santé et prix leur paraissait déraisonnable. Or ce n'est pas le cas, on peut être gêné par du bruit sans en être malade pour autant, et on peut tomber malade sans avoir ressenti de gêne au préalable : c'est ce que nous appelons ici l'asymétrie d'information.
On comprend dès lors pourquoi cette asymétrie rend impossible l'application des méthodes par les prix. En ce qui concerne le second point de divergence et la situation monopolistique du secteur médical, il s'agit d'observer que pour la plupart des soins, les individus sont preneurs de prix fixés par l'Etat, et que celui-ci souvent rembourse via la sécurité sociale. Dans la méthode des préférences révélées, l'hypothèse majeure est celle de concurrence pure et parfaite : l'offre et la demande s'égalisent à travers l'établissement d'un prix qui reflète exactement les préférences des consommateurs et les coûts du producteur. Il est évident qu'on en est très loin lorsqu'il s'agit de soins hospitaliers. Ainsi, à travers ce rapport, nous souhaitons réorienter la problématique initiale vers un angle d'approche différent mais déjà répandu, notamment dans certains pays anglo-saxons : l'analyse spécifique à la santé via des grilles de gravité préétablie. Le lien entre santé et environnement existe, du fait que la majeure partie des nuisances sanitaires causées par les transports sont à la fois des nuisances environnementales. Mais l'approche des deux problèmes doit être radicalement différente. En ce qui concerne la santé, il s'agit de travailler de façon rapprochée avec le ministère de
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la santé1 et avec des médecins d'assurance, car ceux-ci disposent des grilles de gravité des maladies et invalidités : une étude économique et technique pure ne donnera pas autant d'information que des spécialistes d'épidémiologie. Cette remarque d'apparence simple est en réalité une importante fenêtre de progrès dans la monétarisation des impacts sanitaires, car la distinction est rarement faite dans la littérature existante. Elle va nécessairement de pair avec les modèles économiques à la Murphy et Topel2, et un certain nombre d'interlocuteurs sur ce sujet pourront être trouvés à l'Ecole d'Economie de Paris, en économie publique et économie de la santé3.
III.3.b. L'importance d'une vision transverse des politiques publiques
A travers la problématique de l'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport transparaît très nettement la nécessité d'aborder de manière transverse les politiques publiques. Ici en l'occurrence, cette problématique fait appel au triptyque transports environnement santé, qui constituent trois compétences distinctes en ce qui concerne l'organisation des politiques publiques. La coopération interministérielle Depuis 2007 en France, avec la fusion des anciens ministères de l'équipement et de l'écologie, le même ministère est en charge des transports et de l'environnement. La création du ministère du développement durable a ainsi permis l'inscription des politiques publiques portées par ce nouveau ministère dans une démarche de développement durable, en essayant de fournir un cadre commun à tous les services du MEDDTL. Cette fusion rend en effet possible l'étroite collaboration des services en charge des politiques publiques dépendant de l'équipement et ceux en charges des politiques publiques dépendant de l'écologie, et par conséquent la recherche d'un optimum global, commun à tout le MEDDTL, potentiellement plus élevé que les optima locaux de chacun des deux anciens ministères. Désormais, les compétences des transports et de l'environnement sont donc réunies au sein du même ministère. Toutefois, en ce qui concerne notre problématique, la santé est une compétence relevant d'un autre ministère, à savoir actuellement le ministère du travail, de l'emploi et de la santé. Dans l'absolu, il est difficile d'imaginer une fusion du ministère du développement durable avec celui de la santé, d'autant plus qu'un rapprochement si radical ne serait d'ailleurs pas forcément souhaitable. En l'occurrence, il s'agirait plutôt de poursuivre et développer les synergies entre les services des deux ministères sur les problématiques communes qui nécessitent un pilotage partagé. Cette coopération entre services permet en effet de faire émerger une position commune, alors que ceux-ci relèvent de ministères différents, et sont habitués à des approches du sujet et à des modes de travail distincts. La partie précédente de ce rapport a notamment éclairé les différences existant entre l'estimation des impacts sanitaires et l'évaluation des impacts environnementaux, qui compliquent le travail interministériel car elles nécessitent pour les acteurs d'adopter le langage de leurs interlocuteurs, et de trouver une approche commune, aisée à mettre en oeuvre et permettant de satisfaire les intérêts de toutes les parties prenantes.
1
Notons que cela a été préconisé à la fois dans le rapport Boiteux, dans le rapport du Sétra et par Basile Chaix, qui travaille à l'INSERM sur l'étude RECORD. 2 Voir fiche monétarisation pour ce modèle. 3 Un grand nombre d'idées sur la monétarisation des impacts sanitaires de ce rapport viennent d'un cours d'économie de la santé de Raphaël Godefroy, chercheur à l'EEP.
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En ce qui concerne l'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport, il est ainsi nécessaire d'arriver à adopter suffisamment de recul pour avoir une vision plus vaste de la problématique. Cette prise de recul permettrait ainsi d'identifier des actions où l'ensemble des acteurs, issus aussi bien du domaine des transports que de celui de la santé, seraient gagnants au global. Ici transparaît un des véritables buts de l'action publique : transcender les découpages administratifs pour offrir à la population la meilleure qualité de vie possible. Des actions publiques à coordonner Ce besoin d'une vision transverse de l'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport apparaît déjà dans l'étude des différents impacts sur la santé. En reprenant les impacts étudiés dans ce rapport, on peut par exemple remarquer que les nuisances sonores induisent du stress, et donc que ces deux thématiques ne sont pas totalement indépendantes. Il en va de même pour les maladies cardiovasculaires, dont le risque peut être augmenté à la fois par un manque d'activité physique ou par des nuisances sonores trop importantes. Le domaine de la santé étant éminemment complexe, les acteurs des transports auraient tort de considérer les effets néfastes sur la santé, tout comme les quatre thèmes identifiés ici (pollution de l'air, bruit, stress et activité physique), comme totalement indépendants entre eux. Par conséquent, il est intéressant de garder une vision globale des aspects sanitaires des politiques de transport. La vision transverse doit également apparaître dans l'articulation entre les différents modes de transport. En effet, il convient de s'intéresser aux déplacements dans leur totalité, c'est-à-dire non seulement l'emprunt d'un mode de transport principal, par exemple les transports en commun, mais également les modes de transport annexes, comme la marche à pied avant et après, permettant de compléter le déplacement pour lui donner une origine et une destination cohérentes (par exemple, le déplacement d'un individu de son logement à son lieu de travail). C'est dans ce déplacement total que l'offre de transport doit former un tout global et consistant, afin d'inciter les individus à une utilisation des modes de transports qui leur sont offerts d'une manière conforme à une bonne santé. Il est donc nécessaire d'articuler les travaux des différents décideurs publics, qu'il s'agisse de l'Etat pour les infrastructures de transports de longues distances, ou les collectivités territoriales pour les plus courtes distances, afin de réaliser cette adéquation. Ceci souligne l'importance du rôle des planificateurs de transport et des aménageurs. Par exemple, l'incitation à l'activité physique dépasse le simple périmètre des modes de transport actifs ou doux. En effet, celle-ci passe par une amélioration du cadre de vie des individus d'une manière plus globale, ce qui augmente leur bienêtre et, par conséquent, influe d'autant plus sur leur santé. La réussite de l'adoption d'une vision transverse La segmentation des tâches est rendue nécessaire pour pouvoir faire fonctionner l'action publique, comme dans n'importe quel projet. Cependant, les interfaces et les problématiques d'interrelation entre les différents pans des politiques publiques doivent pouvoir faire l'objet d'un traitement correct et complet. Il existe notamment le risque qu'une problématique à la frontière entre plusieurs champs de compétences, comme par exemple la santé dans les transports, se retrouve délaissée par toutes les parties prenantes si aucune d'entre elles n'est officiellement nommée responsable ou si les autre ne reconnaissent pas sa légitimité à piloter le traitement de cette problématique. Au niveau même du domaine des transports, il est possible de constater une segmentation forte entre la DGITM et la DGAC, notamment en ce qui concerne les problématiques liées au trafic aérien
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et aux nuisances qu'il engendre à proximité des aéroports. De même, la sécurité routière constitue l'une des principales sources d'effets néfastes sur la santé des individus, mais son suivi est accompli par la DSCR. Dans ce contexte, la collaboration entre le ministère en charge des transports et celui en charge de la santé sur la problématique de l'activité physique, via le Certu d'une part et l'Inserm d'autre part, constitue une avancée non négligeable et un exemple à suivre pour progresser dans une approche transverse des politiques publiques, axée sur l'amélioration globale de la qualité de vie des individus. L'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport nécessite d'associer trois compétences distinctes en ce qui concerne l'organisation des politiques publiques : les transports, l'environnement et la santé. Cette association requiert donc une coopération interministérielle forte, permettant de transcender les différences dans la manière d'aborder le sujet pour arriver à une politique publique optimisée au niveau global. Cette vision transverse de la problématique est d'autant plus importante que la santé, tout comme les transports, sont des domaines complexes où il convient de considérer l'intégralité des systèmes pour éviter de réaliser des doubles-comptes ou de négliger certains effets importants. Le rôle particulier des aménageurs, qu'ils se situent au niveau de l'Etat ou des collectivités territoriales, est primordial et nécessite une bonne coordination. La réussite d'une problématique de politique publique partagée par de nombreux acteurs réside en effet dans leur capacité à se rassembler et à travailler ensemble dans une approche transverse, axée sur l'amélioration globale de la qualité de vie des individus.
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Conclusion
Le référentiel d'évaluation actuel des politiques du MEDDTL permet de justifier l'intérêt du projet par rapport à l'objectif visé. Il définit un certain nombre de critères de développement durable sur les aspects économiques, sociaux et environnementaux du projet, pour lesquels les impacts positifs et négatifs doivent être quantifiés en unités monétaires. En l'état actuel, l'environnement permet de s'intéresser aux problèmes de la qualité de l'air et du bruit, mais la plupart des autres thématiques de santé sont encore absentes du référentiel d'évaluation. Pourtant, une demande sociale est en train d'émerger pour avoir une meilleure information sur ces questions sanitaires. En parallèle, une démarche internationale est lancée avec des programmes comme le PPE-TSE, sous l'égide de l'OMS et des Nations Unies, qui incitent les administrations à promouvoir la prise en compte de la santé dans l'évaluation de leurs politiques publiques. Cette démarche peut s'avérer délicate dans la mesure où les personnes concernées par la santé et par les transports sont très nombreuses et dispersées. La question manque encore d'un acteur ou couple d'acteur central et fort qui organise les débats. L'analyse de cinq thématiques permet de dresser un premier état des lieux de la prise en compte actuelle des problématiques de santé dans les politiques publiques de transport. Le bilan est assez contrasté et fait ressortir le fait que certains sujets comme la pollution atmosphérique et le bruit, déjà connus, sont effectivement considérés et intégrés dans les évaluations, bien que des progrès soient encore possibles, notamment sur les valeurs tutélaires utilisées pour la monétarisation des impacts. Concernant l'activité physique et le stress, la prise en compte est moins complète. Le monde de la santé s'intéresse déjà aux modes de déplacement doux et actifs, qui pourraient être utilisés par les collectivités locales pour désengorger les villes. Le stress étant plus délicat à détecter et à quantifier, peu d'acteurs y sont sensibilisés. Il est essentiellement abordé à travers le confort des usagers, même si des outils de politique publique émergent et veulent intégrer cette dimension sanitaire. Enfin, l'utilisation de la monétarisation des enjeux sanitaires dans l'évaluation des projets est un point sujet à controverse. La plupart des personnes interrogées sont favorables à son utilisation, mais reconnaissent que le choix des valeurs est une difficulté pour certains impacts mal connus. Un autre enjeu de la monétarisation à venir est le chiffrage de la perte de qualité de vie, qui permet de mieux moduler les impacts sur la santé par rapport au coût de la vie humaine. Des études sont encore nécessaires pour faire progresser ce domaine et fiabiliser ces travaux. Le travail fournit au cours de ce GCT n'a pas vocation à être exhaustif sur la question de la santé dans les transports. Certaines thématiques, comme le dépôt de particules, la pollution de l'eau, la transmission de maladies ou le cycle de vie des infrastructures, n'ont pas été incluses dans la présente analyse, mais mériteraient d'être creusées pour avoir la vision la plus globale possible des problèmes de santé. Par ailleurs, une des limites de notre travail réside dans le fait que l'étude de la mortalité due à la sécurité routière ne faisait pas partie de la commande, alors qu'il s'agit d'un élément très présent dans les études scientifiques. Les premiers travaux d'intégration de la santé dans les politiques de transport doivent donc être poursuivis, intensifiés et approfondis. A cette fin, il semble important d'avoir une bonne coordination au niveau interministériel, mais aussi vis-à-vis des collectivités territoriales, qui sont amenées à
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prendre une place de plus en plus grande sur la question des transports. Cette démarche s'impose afin d'oeuvrer dans le but d'une une optimisation globale des choix collectifs et individuels dans le domaine des transports, allant dans le sens d'une amélioration de la qualité de vie des individus et d'un développement durable de la société.
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Annexes
Annexe 1 Tableaux annexes à la thématique « Monétarisation » ................................................. i Annexe 2 Comptes-rendus des entretiens...................................................................................iii Entretien du Dr Isabelle DURAND-ZALESKI ................................................................................... iv Entretien de Damien GRANGEON ................................................................................................. vi Entretien de Basile CHAIX .............................................................................................................. x Entretien de Fabienne MARSEILLE .............................................................................................. xiii Entretien de Laurent JARDINIER ................................................................................................. xvi Entretien de Marie-Paule THAVEAU ........................................................................................... xix Entretien de Raymond DEL PERUGIA ........................................................................................ xxiii Entretien de Luc BAUMSTARK.................................................................................................. xxvii
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Annexe 1 Tableaux annexes a la thematique « Monetarisation »
Tableau 1 : Calcul de la rentabilité sociale d'un investissement (Grangeon, 2010) Catégories Avantages Temps VL Temps PL Entretien et dépréciation VL Usagers VL et PL Entretien et dépréciation PL Carburant VL Carburant PL Malus d'inconfort Sécurité Collectivité Pollution de l'air Effet de serre Indicateurs Coût d'investissement actualisé (en M2000) Somme actualisée de l'avantage global (en M2000) Avantage net à l'année de mise en service (en M2000) Bénéfice actualisé en 2004 (en M2000) Bénéfice actualisé par unité monétaire investie (B/I) Taux de rentabilité interne (TRI) 275 875 17 600 2,2 9,4 % Valeur monétaire (en M2000) 1 002,5 94,6
4,9
Poids monétaire 74,8 % 7,1 % 0,4 % 0,3 % 4,5 % 0,3 % 7,4 % 1,4 % 1,8 % 2,1 %
3,6
59,8 4,1 99,5 18,3
24,6
28,5
Ce tableau montre comment calculer en termes monétaires la rentabilité d'un investissement dans les infrastructures de transport, à partir d'un exemple concret. Il s'agit d'un projet de contournement autoroutier de la ville d'Arles. Ce calcul, comme le reste du rapport du Sétra, s'inscrit dans une étude d'impact environnemental, mais pour la santé, la méthode reste la même. Ici, l'auteur monétarise la pollution, l'effet de serre et la sécurité, et l'ajoute aux coûts supportés par la collectivité. C'est avec ce coût économique et social qu'on calcule comptablement le TRI.
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Tableau 2 : La grille QUALY de Cutler et Richardson (Culter, et al., 19997)
1979-81 Disease Musculoskeletal Arthritis Skin conditions Endocrine Diabetes Other endocrine Diabetes*heart disease Diabetes*stroke Circulatory Hypertension Ischemic heart disease Stroke Other circulatory Respiratory Asthma Bronchitis Sinusitis Other respiratory Digestive Impairments Hearing Amputee Paralyzed Orthopedic Coefficient Standard Error QALY Coefficient 1989-91 Standard Error QALY
0.608 0.293
(0.010) (0.010)
0.74 0.87
0.578 0.315
(0.010) (0.009)
0.79 0.88
0.809 0.546 0.340 0.546
(0.018) (0.012) (0.060) (0.093)
0.65 0.77 + 0.15 + 0.23
0.927 0.518 0.348 0.374
(0.018) (0.009) (0.055) (0.076)
0.66 0.81 + 0.13 + 0.14
0.423 0.856 0.780 0.613
(0.010) (0.019) (0.040) (0.010)
0.82 0.63 0.67 0.74
0.375 0.814 0.692 0.541
(0.010) (0.018) (0.033) (0.010)
0.86 0.70 0.74 0.80
0.779 0.495 0.141 0.461 0.661
(0.017) (0.023) (0.013) (0.012) (0.012)
0.67 0.79 0.94 0.80 0.72
0.708 0.370 0.192 0.313 0.656
(0.014) (0.019) (0.012) (0.011) (0.011)
0.74 0.86 0.93 0.88 0.76
0.192 0.280 0.825 0.494
(0.015) (0.038) (0.034) (0.010)
0.92 0.88 0.65 0.79
0.200 0.301 0.873 0.333
(0.010) (0.023) (0.034) (0.008)
0.93 0.89 0.68 0.88
La première colonne décompose la santé en composantes musculo-squelettale, endocrinienne, circulatoire, etc. que nous appellerons Ci. La dernière colonne y associe le poids de chacune de ces composantes sur l'indicateur de santé de notre modèle, partie Monétarisation. Il s'agit d'une série de coefficient i tels que :
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Annexe 2 Comptes-rendus des entretiens
Le tableau ci-dessous récapitule les différents entretiens réalisés, dont les comptes-rendus suivent ci-après.
Organisme
Unité de recherche clinique en économie de la santé Sétra
Nom
Dr Isabelle DURANDZALESKI Directrice de l'URC
Fonction
Page
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Damien GRANGEON
Ancien chargé d'études socio-économiques des transports rédaction d'un rapport sur la monétarisation des externalités environnementales Chargé de recherche sur les impacts de l'environnement sur la santé Travail sur l'étude RECORD Animation du RST Air Chargé de mission « approche systémique de la mobilité » Chargée d'études sur les nuisances sonores
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Inserm
Basile CHAIX
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Certu
Fabienne MARSEILLE Laurent JARDINIER
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Marie-Paule THAVEAU Ville de Paris Raymond DEL PERUGIA
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Chef de la subdivision des déplacements en libreservice à la Direction de la Voirie et des Déplacements Doyen de la faculté rapporteur du rapport Boiteux 2
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Faculté de sciences économiques de Lyon FNAUT
Luc BAUMSTARK
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Jean SIVARDIERE
Président de la FNAUT
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Cet entretien téléphonique fut relativement court et informel, il n'a donc pas fait l'objet d'un compte-rendu détaillé que nous aurions pu inclure dans les annexes du rapport.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Dr Isabelle Durand-Zaleski
Date : lundi 21 novembre 2011 Lieu : URC Eco Ile-de-France Durée : 0h30 A propos de l'interviewée Isabelle Durand-Zaleski est médecin en santé publique et titulaire d'un doctorat en économie. Elle est directrice de l'URC Eco (Unité de recherche clinique en économie de la santé) Ile-de-France. A ce titre, son travail porte plus particulièrement sur l'étude des innovations dans le domaine de la médecine (par exemple, la télémédecine), et n'est pas, à la première vue, en rapport avec les transports. Il vaudrait mieux, pour obtenir des informations plus précises sur le rapport entre transport et santé, se tourner vers les organismes spécialisés comme l'Inserm ou l'ANSES... A propos de l'activité physique Dans le domaine de la médecine, la promotion de l'activité physique est très à la mode actuellement, suite aux publications de Roger Salamon et de Fred Paccaud. Roger Salamon est président du HCSP (Haut Conseil de la santé publique) et directeur honoraire de l'UFR de médecine de Bordeaux. Le HCSP a récemment publié un rapport sur la sécurité liée à la pratique du vélo à Bordeaux. Il ressort de cette étude que les cyclistes qui portent un casque ont plus tendance à adopter une conduite à risque en vélo. Fred Paccaud est un épidémiologiste suisse. Il a fait partie d'un groupe de travail sur la question du rôle que doit jouer le Parlement dans les politiques de santé publique. Il a établi le lien entre activité physique et risque cardio-vasculaire, en montrant que l'activité physique agit comme un facteur protecteur contre le risque cardio-vasculaire. A titre d'exemple, certains architectes tentent d'inciter les usagers des lieux publics à utiliser plutôt les escaliers que les escalators, en essayant de faire appel au côté ludique de l'activité physique (par exemple, avec des marches de couleur...). A propos des politiques publiques Fin 2006, à l'occasion de la présidence finlandaise de l'Union Européenne, un programme « Health in all policies » a été lancé. Il s'agissait de voir comment chaque politique publique peut avoir un effet sur la santé. Plus concrètement, il fallait donc trouver des indicateurs pour mesurer et suivre l'impact sur la santé des politiques publiques. En France, l'opération a été menée par le ministère de la santé et le CAS. Cette politique a notamment porté ses fruits en Finlande, pays qui, par exemple, incite fortement et facilite la pratique du vélo. Cette politique publique, associée à d'autres, a permis de faire baisser considérablement le nombre de maladies cardio-vasculaires en Finlande.
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D'une manière générale, pour qu'un pays se saisisse de la problématique de la santé dans les politiques publiques qu'il mène, il faut trouver une fenêtre, c'est-à-dire une période politiquement favorable pour pouvoir mener cette action. A propos de la bibliographie Le site « pubmed » (de la Bibliothèque du Congrès américain) permet d'avoir accès à tous les articles de publication médicale, et notamment d'en extraire ceux liés à la problématique des transports. A propos de la monétarisation Actuellement, la HAS (Haute Autorité de Santé) utilise une méthode proche de celle utilisée par la Health Protection Agency britannique, qui n'est pas une méthode d'analyse coûts/bénéfices mais plutôt coûts/efficacité ou coûts/utilité. En Grande Bretagne, on utilise des questionnaires de qualité de vie afin d'estimer la perte de qualité de vie engendrée par un événement suffisamment important pour bouleverser la vie quotidienne des personnes (par exemple, un accident rendant une personne tétraplégique). Ces questionnaires ne sont donc pas sensibles aux petites variations. Ils peuvent porter sur cinq critères : mobilité, fonctions cognitives, douleur, dépression et activité sociale (questionnaire EQ5D). Cette perte de qualité de vie s'exprime par une valeur comprise entre 0 (mort) et 1 (parfaite santé). Elle est monétarisée, à hauteur de £ 30.000 par année en Grande Bretagne. Une modification de l'activité sociale peut avoir des effets importants sur la qualité de vie. Par exemple, une petite ville du Pays de Galles a mis en place un service de taxi à prix réduit pour permettre aux retraités de retrouver une vie sociale. En France, les pouvoirs publics sont réticents à monétariser la vie humaine en raison des problèmes qui pourraient alors survenir de la part de l'industrie pharmaceutique (qui augmenterait alors les prix des médicaments pour les mettre aux seuils ainsi calculés). Cependant, l'OMS estime que pour chaque pays, la valeur de cette monétarisation doit se situer entre une et cinq fois le PIB par habitant. A propos des thèmes retenus La santé dans les transports ne se limite pas qu'aux accidents de la route. L'impact de la pollution notamment ne doit pas être sous-estimé. Les transports peuvent causer de sérieux problèmes sur la santé, notamment avec le rejet de polluants, l'augmentation du risque de cancer... A propos des contacts Peuvent être contactés de la part du Docteur Durand-Zaleski : Roger Salamon, président du HCSP et directeur honoraire de l'UFR de médecine de Bordeaux, Pierre Lombrail, professeur de médecine et président de la Société Française de Santé Publique.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Damien Grangeon
Date : mercredi 23 novembre 2011 Lieu : par téléphone Durée : 1h35 A propos de lui Il est ingénieur TPE arrivé à l'été 2008 au Sétra. Il était chargé d'études socio-économiques des transports. Il a assisté la DIT sur le dossier Eurovignette 3, sur des sujets de tarification d'infrastructure, pour imputer aux poids lourds les coûts externes qu'ils créent. Il a eu des contacts avec un bureau d'étude belge sur le dossier d'évaluation du canal SeineNord. Ils s'intéressaient probablement au bruit et à la pollution. Le dossier C'est un travail commandé en 2009 par EP2. Le but était de voir ce qui se faisait ailleurs, et ce que ça changeait sur les coûts. Il s'inscrit aussi dans le Grenelle de l'environnement, ce qui explique que le problématiques soient plutôt présentées sous l'aspect environnemental, bien que pour la pollution atmosphérique, seuls des impacts sur la santé soient pris en compte. Les dernières recommandations datent de 2005, et sont basées sur le rapport Boiteux qui date lui-même de 2001. Cette ancienneté induit une nécessité de révision. En décembre 2008, le ministère sort une circulaire donnant des orientations pour faire évoluer l'évaluation dans le sens du Grenelle : plus de transparence, rapprochement entre évaluation environnementale et socio-économique. Depuis 2 ans de nombreuses études sont menées pour tester la validité du rapport Boiteux dans le but d'une révision qui est toujours en cours. Le but n'est pas de partir sur des choses extravagantes si cela ne change rien dans le bilan. Il faut tester l'actualité du rapport Boiteux 2, et voir si l'évaluation socio-économique suffit à tout prendre en compte. Par exemple, il peut ne pas être suffisant d'augmenter le prix de la tonne de CO2 pour donner un vrai sens au bilan. Le rapport Boiteux 2 avait souvent pris des valeurs a minima pour ne pas grever la rentabilité des projets, qu'il faudrait donc reprendre désormais.
S'il avait pu aller plus loin, il aurait fallu ajouter d'autres exemples (le choix du contournement d'Arles a été fait pour des questions de délai, en fonction des données disponibles) et faire l'exercice inverse à la monétarisation, c'est-à-dire prendre un bilan et tester les niveaux de valeurs tutélaires auquel on aurait eu un effet sur les taux de rentabilité, et donc sur la décision. Il faudrait se poser la question de l'écart entre les questions posées dans le bilan socio-éco et les valeurs correspondantes qui auraient un impact sur le bilan. Nos sujets traités par le rapport Bruit
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La norme sur le bruit au voisinage des infrastructures de transports tient compte du bruit résiduel après l'éventuel investissement en mesures anti-bruits (murs etc...). Il y a donc une sorte de partage du coût du bruit entre le projet lui-même (les investissements anti-bruits) et l'évaluation socio-économiques. Le seuil légal est de 60dB, mais on considère que le bruit est déjà gênant entre 55 et 60dB. En France, la prise en compte du bruit est très partielle : on est encore sur une approche en valeurs révélées, qui prend surtout en compte la perte de valeur immobilière. Pas d'évaluation des effets sur la santé (pour des études des impacts sur la santé, voir les études de l'OMS, peut-être aussi une étude allemande). Le bruit est donc très marginal dans les évaluations socio-économiques, et ne fait jamais basculer une décision. En pratique, ça prouve une ignorance de l'acceptabilité sociale du bruit, qui elle, peut faire basculer une décision. Question : mais dans ce cas, est-ce que ça ne veut pas dire qu'il faudrait adapter l'évaluation pour prendre en compte ces problèmes d'acceptabilité ? Pas du tout, ça n'est pas le but de l'évaluation socio-économique. Le calcul est conçu pour tenter d'informer des coûts monétaires, pas pour juger de l'acceptabilité. Stress L'AFSSET a sorti un rapport sur les effets sanitaires sur le stress. Est-ce monétarisable ? La méthode standard (coût des dommages) est de lister les effets un à un (par exemple : problèmes de sommeil, achat d'antidépresseurs...), d'estimer leur coût et la part du stress dans ces effets. Ça n'est pas forcément évident, la liste peut être longue, mais si on l'a fait sur la mort, on peut certainement le faire avec le stress. Ça sera certainement une valeur à minima car on a ignoré ou oublié certains effets. Activité physique Il y pense plus depuis qu'il a quitté le Sétra (il travaille sur des projets urbains). Il travaille maintenant plus sur les effets positifs de certains modes de transport que sur des questions de pollution. A priori l'approche partant de la liste des effets (coûts des dommages, sauf qu'il n'y a pas que des dommages) parait plus raisonnable. Pollution Les effets de long terme de la pollution son aujourd'hui assez bien connus (il y a eu pas mal d'études, etc...). On ne connaît pas bien les effets de court terme. Ça n'était pas bien traité dans le rapport Boiteux. Le GREQAM (laboratoire d'économie quantitative à Marseille) essaie de prendre en compte plein de choses oubliées par le rapport Boiteux, dont les effets à court terme. Des études de l'OMS ont été commencées avec des suivis de cohortes. La méthode des coûts révélés ou déclarés (que l'on parle de risque de mort ou de qualité de vie) n'est pas très fiable parce que les gens ne se rendent pas compte des effets de la pollution (ce n'est pas très étonnant si les scientifiques commencent à peine à l'étudier). Il est difficile de créer un marché alternatif. La valeur monétaire de la pollution (et surtout son évolution) est peut-être mal prise en compte car on considère que la pollution va diminuer grâce à la technologie. C'est une posture, mais on pourrait en prendre une autre. Bilan socio-économique vs. Etude d'impact Méthodes de monétarisation
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Deux grandes méthodes : préférences révélées : on crée une sorte de marché alternatif, et on fait révéler aux gens la valeur qu'ils donnent à tel ou tel paramètre. Coûts des dommages : c'est la méthode standard pour l'évaluation socio-économique en France. Elle consiste à faite une liste des impacts de l'infrastructure et chiffrer chacun des impacts. Il y a trois sources principales d'incertitudes : o A-t-on oublié ou ignoré des effets ? Les effets pris en compte traduisent aussi quelque part des préoccupations du gouvernement. Par exemple, autrefois, les questions de pollution atmosphériques n'étaient pas du tout prises en compte, parce qu'on les connaissait moins bien qu'aujourd'hui, mais aussi parce que la priorité était donnée aux morts dans les accidents de la route. Qui est la victime d'un effet peut avoir un impact sur sa prise en compte. Que valent chacun des effets ? Le problème est d'autant plus grand que ces valeurs relatives ne seront pas les mêmes pour tous les acteurs/riverains. L'attribution d'un poids fort ou faible à tel ou tel effet reflète aussi les priorités de l'état. Le rapport Boiteux a tendance à sous-estimer les coûts : dans la mesure où les connaissances ne sont pas très grandes, on prend généralement des valeurs à minima pour éviter de plomber des projets. Cela justifie pleinement le fait d'actualiser les méthodes lorsque les connaissances des phénomènes progressent. Un problème apparaît lorsque la pondération utilisée ne convient pas aux parties prenantes d'un projet : on peut alors se demander si on ne devrait pas adapter les poids relatifs (cf. méthode semiquantitative). Dans une approche top-down, on chiffre l'impact global d'un paramètre, puis on évalue quelle est la part de chaque effet lié à l'infrastructure : il serait injuste de faire comme si toutes les maladies respiratoires étaient dues au gaz d'échappements. Cette séparation pose des problèmes de double compte, et d'interaction entre effets (par exemple, si C est la cause de A et B ensembles, mais que l'infra ne crée que A, quelle est la part de l'infra dans C ?). Le résultat est un coût moyen. Dans une approche bottom-up, on peut espérer éviter ce problème, puisqu'on chiffre l'effet d'un delta (quelque part on intègre implicitement toutes les interactions avec des « pollutions » issues d'ailleurs). On se retrouve avec un coût marginal de la pollution, ce qui peut poser un problème lorsque le coût marginal est loin du coût moyen.
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Quelle que soit la méthode, l'évaluation nécessite souvent de connaître le tracé précis de l'infrastructure, alors qu'on aimerait bien l'avoir en amont, au moment du débat public. C'est particulièrement vrai pour les impacts sur le voisinage, et encore plus pour ce qui s'atténue vite avec la distance (comme par exemple le bruit). La monétarisation n'est qu'un outil d'aide à la décision, et ne prétend pas fournir une réponse absolue. Il ne s'agit pas de faire une décision technocratique. L'idée est de faire un calcul de rentabilité pour la société. La monétarisation ne peut (et ne doit) pas représenter l'acceptabilité sociale d'un projet, mais bien les priorités de l'état. L'acceptabilité sociale est indirectement comptée
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dans les investissements faits suite à des compensations du maître d'ouvrage, qui génèreront pour lui un surcoût. La valeur donnée à un effet a une importance, mais son évolution est aussi très importante. Donner de l'importance à un facteur, c'est augmenter sa valeur, et surtout la faire augmenter dans le temps au moins aussi vite que la valeur des autres facteurs. Par exemple, la valeur du CO2 a augmenté beaucoup moins vite que la valeur du temps. Il faudrait privilégier des projets qui garantissent le niveau de bien-être maximum des générations futures, donc pour toutes ces nuisances, prendre des valeurs qui augmentent dans le temps. Le bilan doit être vu comme un reflet des politiques mises en oeuvre, il doit être forcément complété par d'autres choses. Valorisation de la santé On raisonne souvent en nombre d'années en moins. Comparer ça avec (principalement) des temps gagnés impose de donner une valeur à la vie humaine. Le premier problème vient du fait que la valeur révélée de la vie n'est pas la même partout (par exemple on dépense beaucoup plus pour la sécurité dans le train que dans la voiture). C'est lié à la place de l'assureur dans le dédommagement (un accident de voiture ne coûte à la société que le manque à gagner des victimes). Lors de certains accidents, il y a aussi un surcoût émotionnel pour l'état, qui doit montrer qu'il prend des mesures, alors même que le coût marginal de la sécurité est croissant (effet de cercle vicieux : plus un système est sûr, plus les accidents choquent, et donc plus il faut les éviter en le rendant encore plus sûr). On peut aussi se demander si un mort « vieux » est aussi grave qu'un mort « jeune ». Ce problème est partiellement résolu par le fait qu'on raisonne en années de vie perdues. Reste le fait que selon certains, les années de vie perdues entre 25 et 30 ans n'ont pas la même valeur que celles perdues entre 80 et 85 ans. Etude d'impact et semi-qualitatif L'étude d'impact a aussi ses avantages, mais a l'inconvénient de ne pas utiliser de règles de calcul pour « garantir » la bonne allocation des ressources de l'état. Il serait probablement intéressant de la rapprocher de la monétarisation pour arrêter de faire les mêmes choses différemment chacun de son côté. L'intermédiaire est le quantitatif sans monétarisation. Il consiste à noter les différents axes de 1 à 7. Ce juste milieu manque un peu en France, mais on essaie de se diriger vers ça. Cela permet d'objectiver sans proposer de pondération, qui sera arbitrée par les acteurs (état, citoyen etc...) en essayant de trouver un moyen de contenter tout le monde en évitant la pondération universelle. Le problème est que quelque part on est gêné de changer les pondérations car on voudrait que l'état fasse les projets de la même façon sur tout le territoire. Tout ceci à inclure dans un contexte où l'on peut avoir plusieurs maîtres d'ouvrage, plusieurs régions etc...). Une pondération variable en fonction des intérêts des acteurs pourrait éviter les sentiments d'injustice est aider à territorialiser les impacts/bénéfices pour adapter les moyens de financements. C'est déjà fait pour des gains de temps sur les lignes TGV, mais on pourrait l'envisager sur les autres effets. L'idée des grilles semi-qualitative serait de laisser le moyen à la puissance publique de territorialiser. Autres problèmes intéressants à étudier Ceux de la pollution des eaux et du sol (mais il n'existe pas beaucoup de littérature), mais ils ne concernent peut-être pas directement la santé.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Basile Chaix
Date : mardi 29 novembre 2011 Lieu : Inserm Faculté de Médecine Saint Antoine Durée : 1h Présentation Basile Chaix est chercheur à l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), chargé de recherches depuis 2007. Il travaille sur les impacts de l'environnement sur la santé. Son domaine d'études relève de l'épidémiologie sociale, c'est-à-dire l'étude des disparités sociales de santé. En effet, on observe une corrélation entre la géographie et la santé : selon les quartiers (favorisés / défavorisés), les niveaux de santé varient. Par exemple, en s'intéressant à l'épidémie d'obésité, on est amenés à rechercher les facteurs auxquels cette épidémie est liée, et donc à étudier les facteurs environnementaux qui influent sur la dépense énergétique. C'est ainsi qu'intervient l'activité physique. Au cours des travaux de recherche, on est parti d'une prise en considération de l'activité physique sportive uniquement, puis cette considération s'est élargie progressivement pour y inclure l'activité physique récréative, et enfin l'activité physique accomplie dans le cadre de la vie de tous les jours, ou activité physique utilitaire (en partant du constat que tout le monde se déplace, même si tout le monde n'a pas le temps de faire régulièrement du sport). Plusieurs études s'intéressent aux modes de transports dits « actifs » (si l'on considère la terminologie de la santé publique), aussi appelés « doux » (en adoptant le terme utilisé dans les transports), principalement en Amérique du Nord, mais également en Europe. En France, très peu d'études sur la thématique ont été conduites. En France c'est en 2001, que les premiers travaux sur les quartiers de la santé ont été réalisés par Basile Chaix, qui s'est intéressé plus particulièrement à l'Ile-de-France, où les disparités sont explosives. L'étude RECORD Ce projet de l'étude RECORD a valu l'emploi de Basile Chaix par l'Inserm. Ses financeurs sont plutôt issus du domaine de la santé, que ce soit au niveau de la recherche (par exemple, l'Agence Nationale de la Recherche), au niveau de la région (par exemple, l'Agence Régionale de la Santé en Ile-de-France, la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale) ou au niveau de l'Etat (par exemple, la Caisse Nationale d'Assurance Maladie). C'est une étude qui est axée sur la santé des individus, et qui se base sur l'observation de différents paramètres physiologiques (pouvant aller jusqu'à la mesure de leur fréquence cardiaque) chez des individus, recrutés en fonction de leur quartier de résidence. Au total 7 300 personnes en Ile-de-France (dont 2 000 personnes sur Paris) ont été recrutées pour la première vague de l'étude RECORD. On leur a distribué le logiciel Veritas. Ce logiciel permet de remplir simplement un questionnaire sur son ordinateur. On demande aux personnes interrogées
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de délimiter elles-mêmes leur quartier (avec un plan type googlemaps), puis de donner leurs destinations régulières. Il s'agit donc d'une étude du long terme, car les gens parlent de leurs habitudes (et non des déplacements « spontanés »). Actuellement, une seconde vague de l'étude RECORD est en phase d'être lancée. L'étude RECORD GPS quant à elle est une extension de l'étude RECORD, au sens où elle se base sur l'utilisation des technologies GPS et d'accéléromètre pour tracer les déplacements des personnes (pendant une durée d'une semaine), afin de pouvoir estimer leurs effets sur la santé de ces personnes. En d'autres termes, cette étude devrait permettre, par exemple, de réponde à la question suivante : est-ce qu'emprunter les transports en commun fait faire plus d'activité physique qu'utiliser sa propre voiture ? La grande différence par rapport au logiciel Veritas est qu'on pourra avoir plus d'informations sur le « court-terme » : la collection des données ne se fera que sur une semaine. Les données collectées sont traitées par des régressions statistiques. Il s'agit de démêler les effets afin d'identifier les liens de causalité entre les différents facteurs environnementaux et la santé des individus observés. Par exemple, on peut donner la relation empirique entre obésité, d la distance au transport en commun le plus proche, a l'aménité du quartier (à quel point le quartier est agréable), et n le nombre de rues piétonnes :
De telles régressions linéaires permettent non seulement de donner des coefficients qui décrivent le mieux les données, mais aussi de préciser quelle est la fiabilité de l'approximation : par exemple, l'analyste donne la probabilité que la valeur observée de l'obésité se trouve effectivement dans un intervalle de +/- 5% de la valeur observée calculée à l'aide de cette formule, combinaison linéaire de d, n et a. La méthode est donc fiable, les limites se trouvent davantage dans la diversité des sources et dans le biais dans les données : justement, l'étude record doit permettre de donner une source de données riche et précise. L'utilisation du GPS et l'automatisation du traitement des données doit permettre d'augmenter le nombre d'observations et de mieux maîtriser les biais. Bien sûr, les modèles théoriques sont beaucoup plus complexes que l'équation ci-dessus (régressions nonstandard), et l'étude ne peut malheureusement pas prendre en compte tous les facteurs environnementaux possibles. Au fil des années, on peut espérer que les études sur le sujet s'affinent petit à petit, en intégrant toujours plus de paramètres. Par exemple, les chercheurs ont décidé dernièrement d'inclure comme variable explicative la météo des sept derniers jours, pour augmenter la fiabilité de leurs modèles de temps de marche quotidien. Les étapes futures de l'étude RECORD Deux études, complémentaires entre elles, vont être lancées très prochainement : la deuxième vague de l'étude RECORD, et l'étude RECORD GPS. La deuxième vague de l'étude RECORD va notamment permettre de disposer de données de santé actualisée sur le panel des 7 300 personnes, et notamment de mesurer l'évolution de leur santé sur cinq ans. Cette étude se focalise sur les destinations régulières des individus étudiés. Par l'intermédiaire de questionnaires remplis par ces individus, elle s'intéresse à la perception qu'ont les personnes de ce qu'est leur cadre de vie. L'étude RECORD GPS suit un protocole différent, puisqu'il s'agit de suivre ces individus sur une période d'une semaine. Elle sera basée sur une coopération franco-montréalaise. Il ne s'agit plus d'analyser la fréquentation des lieux qui font sens, mais plutôt tous les déplacements effectués par
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les personnes au cours de la semaine, ainsi que le mode de transport utilisé. Cette étude fait appel à l'expologie contextuelle, discipline qui cherche à évaluer les contextes et environnements auxquels les individus sont exposés. Une telle méthode de collecte de données permet de s'affranchir des limitations imposées par une approche par questionnaires. Les résultats issus de l'étude RECORD Pour l'instant, les seuls éléments concernant la santé et le transport sont issus des résultats de la première vague de l'étude. A cet effet, ils ont dû remplir un questionnaire portant sur la marche (utilitaire ou récréative) qu'ils ont effectuée dans les 7 derniers jours. Leurs réponses ont été couplées aux données météorologiques, et également aux données géographiques, pour caractériser l'environnement de ces personnes (surface d'espaces verts à proximité, équipements sportifs, densité de bâtiments...). Des facteurs environnementaux différents ont été identifiés pour la marche utilitaire et sur la marche récréative. Le contexte actuel et l'impact sur les politiques publiques Le contexte actuel est celui d'une intervention intersectorielle de l'action publique. Ceci peut notamment s'observer en régions avec le regroupement des différents services déconcentrés, mais aussi avec la conduite de plus en plus de plans interministériels. Le projet RECORD, en tant qu'infrastructure matérielle et logicielle pour enquêter sur le transport, a été présenté à la DGITM, notamment pour obtenir un soutien financier. Le bureau EP3 s'est montré particulièrement intéressé, et Basile Chaix travaille actuellement en coopération avec le Certu afin d'obtenir un tel financement. Cette collaboration va également permettre de croiser des bases de données différentes : celles de l'Inserm qui concernent la santé, et celles du Certu qui concernent le transport. D'autres acteurs importants dans les politiques publiques de transport, à savoir le STIF et la RATP (délégation générale innovation et développement durable), ont déjà confirmé leurs soutiens à l'étude RECORD. Conclusion La prise de conscience de l'importance dans la santé publique est très récente, et il n'y a pas si longtemps, l'étude des impacts sanitaires de projets de transports se limitait à ceux de la pollution atmosphérique. Aujourd'hui la vision santé transport s'est élargie. Basile Chaix et son équipe sont en train de développer un outil pour enquêter le transport, et espèrent plus largement encourager l'approche intersectorielle santé jeunesse et sports transports etc. Par conséquent, cet outil est susceptible d'intéresser tout type de politique sur le transport, en France comme à l'étranger : objectif franco-canadien de devenir leader dans le domaine.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Fabienne Marseille
Date : mercredi 30 novembre 2011 Lieu : Certu Durée : 1h Le RST Fabienne Marseille anime pour le compte du Certu le RST (Réseau Scientifique et Technique) air. Le RST air est co-animé par le Certu et le Setra. Les principaux services concernés sont les CETE (Centres d'études techniques de l'équipement). Sont également concernés, entre autres, l'INRETS (Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité, pour ce qui concerne les évaluations des émissions de polluants), CEREA (Centre d'enseignement et de recherche en environnement atmosphérique, associé à l'ENPC et EDF, pour la partie recherche) et le CETU (Centre d'études des tunnels, pour la problématique liée aux tunnels), et plus épisodiquement l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) et l'INERIS (Institut national de l'environnement industriel et des risques). Historiquement, ce réseau était porté par la DGITM. Il fonctionnait autour des études d'impact sur les projets de transport. Désormais, à la DGITM se sont joints le CGDD et la DGEC. Et le RST est mobilisé sur un grand nombre de projets divers (PPA, Plans de protection de l'atmosphère ; ZAPA, Zones d'actions prioritaires pour l'air ; etc.). Le Certu joue le rôle de tête de réseau, en servant d'interface entre les directions d'administration centrale et les CETE (adaptation des outils...). La note méthodologique air et santé Fabienne Marseille pilote également la note méthodologique air et santé, qui encadre le contenu des volets air et santé des dossiers d'études d'impact des infrastructures routières). Une première note, résultant d'un compromis entre les ministères de l'équipement, de l'écologie et de la santé, avait été rédigée en 2005. Il était prévu de faire un état des lieux 3 ans après sa mise en application, et éventuellement de la réviser. Aujourd'hui, cette note est toujours en révision, avec un co-pilotage qui associe le Certu et le Setra, et qui associe l'INERIS, l'INRETS, l'INVS (Institut national de veille sanitaire)... Une note provisoire a été rédigée, mais elle n'a toujours pas été validée, faute d'avoir trouvé un compromis satisfaisant pour tous les acteurs. Il s'agit en effet d'équilibrer d'une part les attentes de l'INVS et des acteurs de la santé, et d'autre part celles des acteurs du transport. Suivant où l'on place le curseur du compromis, on est susceptible de bloquer tout nouveau projet routier... Le champ d'application de cette note n'est également pas clairement défini : toutes les infrastructures nouvelles sont concernées, mais pour les projets de réaménagement, des discussions sont en cours pour savoir s'il faut fixer un seuil pour réaliser une étude d'impact air et santé. La position classique des acteurs de la santé est de demander systématiquement une étude d'impact complète, y compris pour des petits aménagements (pose de murs anti-bruit par exemple).
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A l'origine, cette note s'adresse aux projets routiers. Toutefois, dans le cadre des projets de transports, comme ceux de tramways, des études d'impact doivent également être réalisées. Par conséquent, les maîtres d'ouvrage pourraient être potentiellement intéressés par une telle méthodologie. Les études d'impact Les données d'entrée d'une étude d'impact sont essentiellement le trafic attendu sur l'infrastructure, ainsi que les milieux traversés par l'infrastructure. L'étude d'impact s'intéresse alors aussi bien à l'émission de polluants à l'échappement qu'à l'émission de particules due à l'usure des moteurs ou des freins, qu'à la remise en suspension de particules sur la voie, ainsi qu'à tout ce qui est lié avec le trafic (par exemple, le salage des routes induit une pollution par le mercure). La monétarisation est incluse dans les études d'impact, via le rapport Boiteux et la circulaire associée. Toutefois, pour les émissions de gaz à effet de serre et les impacts sanitaires de la pollution de l'air, cette monétarisation se base sur des calculs extrêmement plus grossiers que la modélisation réalisée en termes d'impacts, ce qui rend actuellement son utilisation critiquable. Dans les études d'impact, sont notamment différenciés de manière fine les types de véhicules considérés, les milieux traversés. Pour les gros projets, une évaluation des risques sanitaires (ERS) est conduite. Cette évaluation consiste à estimer l'augmentation du nombre de cas de crises d'asthme, de cancers, etc. due à la nouvelle infrastructure de transport. Une étude de santé sur la qualité de l'air porte non seulement sur les conséquences de l'inhalation des particules, mais également d'ingestion après dépôts particulaires sur les cultures (par exemple, dans le cas de jardins particuliers, on estime que 20% de l'alimentation des riverains peut être impactée par les particules). Il existe cependant de nombreuses incertitudes sur les études, qui ne permettent pas d'aboutir à des résultats très précis, contrairement par exemple aux études d'impact sur la biodiversité, qui peuvent démontrer à coup sûr les dommages causés à une espèce classée. Le dossier de l'étude d'impact est réalisé par le maître d'ouvrage. Ils sont réalisés par les bureaux d'études (un CETE ou un bureau d'études privé en général). Ceux-ci suivent la méthodologie décrite dans les différentes notes méthodologiques. Celle-ci s'impose à tous les projets portés par les services de l'Etat. En pratique, on constate que les autres acteurs s'en servent également, car il s'agit du seul document existant qui indique une méthodologie claire. Des acteurs clés de cette étude d'impact sont les AASQA (associations agrées de surveillance de la qualité de l'air), comme Airparif en Ile-de-France, qui détiennent la connaissance des territoires. Cette étude d'impact est alors examinée par l'autorité environnementale (DREAL ou CGDD) et de santé (ARS). L'étude d'impact doit notamment prendre en compte le PPA (plan de protection de l'atmosphère) du territoire considéré. Le PPA couvre toutes les origines possibles de la pollution de l'air, comme les transports, les industries, le chauffage urbain... Lors de l'évaluation des projets, on prend en compte la pollution de l'air existant préalablement au projet, qui peut déjà en elle-même dépasser les seuils prescrits, ce qui peut parfois poser problème. Le projet POLTERGES Le projet POLTERGES est un état des lieux porté par le CGDD et l'ADEME sur la qualité de l'air en lien avec les transports. Son champ d'études est très large, et malheureusement le bureau d'études qui travaillait dessus a rendu un travail trop vague pour être véritablement exploitable.
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Les autres impacts sur la santé Outre les impacts liés à la qualité de l'air, peuvent également être cités ceux liés au bruit et à la pollution de l'eau. En ce qui concerne l'eau, cette problématique doit être considérée à part, car mieux traitée depuis la directive cadre sur l'eau. En ce qui concerne l'activité physique, une étude réalisée par Airparif (association de surveillance de la qualité de l'air en Ile-de-France) a permis d'établir que les individus sont plus exposés à la pollution de l'air dans l'habitacle des véhicules qu'en utilisant leur vélo. Les PDU (plans de déplacements urbains) Les PDU (plans de déplacements urbains) doivent normalement comporter une évaluation environnementale, y compris en ce qui concerne la qualité de l'air. Toutefois se pose la limite de l'évaluation des modes doux en terme de trafic, très difficile à réaliser. Ces évaluations environnementales sont obligatoires depuis 2006. Un travail d'analyse sur les premières évaluations a été effectué par le Certu ; il en est ressorti que leur qualité était moyenne. Celle-ci s'est beaucoup améliorée depuis, comme en témoigne par exemple l'évaluation environnementale du PDU de Lille. Les solutions à la pollution atmosphérique En matière de qualité de l'air, il existe très peu de mesures de résorption, contrairement au bruit (où il existe par exemple les murs anti-bruit). Les marges de manoeuvre de l'aménageur sont donc limitées. On peut jouer un peu sur la quantité de trafic, sur la vitesse de circulation, sur la dispersion des polluants (via la végétation, ou éventuellement des murs anti-bruit...), sur l'exposition des populations... On peut également jouer sur la partie mobilité plutôt qu'infrastructure, avec la mise en place de mesures incitatives, de transports en communs, de péages urbains, voire la création de ZAPA. Les ZAPA sont mise en oeuvre au niveau communal ou intercommunal. Avec elles émerge un autre enjeu, celui de la liberté de circulation, qui implique de développer en amont les transports en commun. Contacts Pour des questions plus précises sur la monétarisation, et notamment la pondération dans la comparaison entre les différents impacts, il peut être intéressant de s'adresser à des personnes habituées à avoir une vision d'ensemble des dossiers d'impacts, comme Virginie Billon (CETE de Lyon, qui a travaillé sur le dossier de l'A45 Lyon-St. Etienne) ou Marc Lansiart et Amandine Bommel-Orsini (CGDD).
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Laurent Jardinier
Date : mercredi 30 novembre 2011 Lieu : Certu Durée : 1h Présentation Laurent Jardinier travaille au Certu depuis un peu plus d'un an. Il a auparavant occupé deux postes au CETE de Lyon où il travaillait déjà dans le domaine des transports. Actuellement il est chargé de mission « approche systémique de la mobilité ». Son poste est à l'interface avec le département recherche, et consiste également à travailler sur des sujets émergents ou compliqués, peu traités par son département de rattachement, Déplacements durables. En ce moment, il travaille sur les modes actifs et leurs effets bénéfiques sur la santé. Ce sujet est très intéressant car nouveau, mais surtout cela peut être la première occasion de vanter les bénéfices de la ville et des systèmes de transport, qui sont généralement considérés comme des sources de nuisances. Les études sur l'activité physique Beaucoup d'études ont été réalisées en Amérique du Nord. En France, elles commencent à s'y intéresser. L'étude RECORD de Basile Chaix (Inserm), les études ELIANE (etude des liens entre activité physique, nutrition et l'environnement) ou Activité de Jean-Michel Oppert (Inserm) en sont la manifestation. Pour l'instant, les études conduites en France ont permis de valider les résultats démontrés en Amérique du Nord. Aujourd'hui on est désormais capable quantifier les effets de l'activité physique sur la santé. Cependant, les résultats qui résultent de ces enquêtes sont relativement confinés dans la sphère médicale. Les démarches adoptées par les acteurs de la santé sont très descendantes : le ministère de la santé fait des campagnes de publicité. Mais ces démarches sont suivies de peu de résultats, car les collectivités ne se sont pas encore emparées du problème. C'est ici que se situe l'importance du MEDDTL, et notamment du Certu, qui sont capables de fournir les outils adéquats aux collectivités. Il y a une vraie complémentarité entre les outils du Certu et les enquêtes réalisées par l'Inserm. Ces deux services essaient de travailler à l'utilisation conjointe de ces deux ressources. Les résultats de ces études Certaines de ces études permettent d'aboutir à des préconisations sur la mise en oeuvre de mesures pour favoriser l'activité physiques. Par exemple, la présence de parcs à proximité du domicile incite à la marche. On peut alors en déduire ce que l'on peut faire. Il faut noter que certains aménagements peuvent entrer en conflit avec d'autres politiques (par exemple, l'implantation de bancs publics), ce qui complexifie la tâche pour les collectivités. Il peut également être intéressant pour les collectivités de disposer de cartes de marchabilité de quartiers, afin d'identifier les lieus propices à l'activité physique. Toutefois, les outils nécessaires à leur réalisation ne sont pas encore développés.
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En 2012, un enjeu fort dans le domaine de l'activité physique est d'arriver à tirer les informations et résultats issus du monde de la santé pour les intégrer à celui de la mobilité, des transports et du développement durable. Par exemple, actuellement, les résultats des enquêtes ménages ne sont pas assez croisés avec ceux des enquêtes urbaines. Une tentative allant dans ce sens a été réalisée sur Lyon, en s'intéressant aux personnes qui réalisent les 30 minutes de marche recommandées par jour. Il a été montré que le résultat discriminant était le lieu de résidence des personnes. Les études d'impact Actuellement, on est encore au début de l'émergence de la problématique. Or, toute personne qui utilise les transports en commun marche. Par conséquent, lors d'une étude d'impact pour un projet de tramway par exemple, il pourrait être intéressant de valoriser cette activité physique, qui serait alors bénéfique au projet. Ce n'est pour l'instant pas le cas. Il existe un outil, développé par l'OMS, pour valoriser l'activité physique : HEAT. En France, cet outil pour le vélo est étudié par le Certu (Muriel Mariotto). On essaie de tester l'outil en France, et notamment à Lyon, mais pour l'instant, l'outil n'intéresse pas vraiment les collectivités. Les modèles sur la marche et sur le vélo sont balbutiants. Il est difficile de faire des statistiques de trafic de déplacement, car on dispose de trop peu de données, notamment pour le vélo où la part modale est faible. Au Certu, Virginie Lasserre a travaillé sur le modèle multimodal de Chambéry lorsqu'elle était au CETE de Lyon. D'une manière schématique, on peut considérer un triptyque : environnement mobilité santé. Celui-ci peut se lire dans plusieurs sens : la mobilité modifie l'environnement qui détériore la santé, ou l'environnement est favorable à la mobilité qui améliore la santé.... L'IPP (indice pollution population) est un indicateur sanitaire. Dans le cadre des études d'impact, il s'agit de croiser pollution et population. Le principal défaut de la méthodologie utilisée actuellement est qu'elle se base sur les cartes d'habitation, mais ne tient pas compte des schémas d'activité de la population. On essaie également de travailler sur des « sani-comparateurs ». Il s'agirait d'estimer l'exposition aux polluants en fonction du territoire traversé et des modes de transport utilisés. La monétarisation Pour l'instant, on se limite aux études d'impact. Mais il y a une volonté forte de continuer jusqu'à la monétarisation. C'est nécessaire et inévitable. Pour une fois, il pourra s'agir de bénéfices à créditer au bilan des projets. Les études suivies en 2012 Le Certu soutient le projet RECORD, réalisé par l'Inserm (Basile Chaix). Un état de l'art des travaux de recherche sur la santé sera également réalisé. La mise au point d'outils de diagnostic et d'évaluation des systèmes de transport sur la santé (concernant aussi bien l'activité physique que les émissions de polluants ou la pollution sonore) sera poursuivie. Enfin, il s'agira d'améliorer les enquêtes ménages pour y inclure des questions portant sur ces pistes de réflexion. Toutes ces actions se feront via le RST, en y associant les CETE. La question de la mise en oeuvre sera également étudiée de près. A ce titre, il est essentiel de sensibiliser les collectivités locales afin qu'elles s'y impliquent, car ce sont elles qui ont la main sur les
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transports locaux et sur l'urbanisme. Quelques villes commencent à se préoccuper de la problématique santé (et non plus seulement pollution), mais c'est encore balbutiant. Le Certu organisera probablement un colloque DUE (déplacement urbanisme environnement) parlant de la santé. Cela aura l'avantage de mettre un grand nombre d'acteurs autour de la table, aussi bien des techniques des transports, des techniques de la santé et des acteurs locaux. Prendre la problématique déplacement urbanisme environnement sous l'angle de la santé permet d'aborder les trois thèmes de manière transversale. Les acteurs au niveau national En ce qui concerne le domaine des transports, la DGITM (Nadine Asconchilo) y travaille depuis quelques années. C'est également le cas du Certu (Frédéric Murard) au département voirie pour la conception des espaces. La problématique au niveau national est aujourd'hui principalement portée par le domaine de la santé. Il s'agit plutôt de messages descendants, issus du ministère de la santé (via de nombreux plans, au titre desquels le plan national santé et environnement, le plan nutrition santé... qui font la promotion des modes actifs). Au niveau local, les services déconcentrés ne sont au final pas véritablement impliqués puisqu'ils n'ont pas le pouvoir. D'autre part, le ministère de la santé n'arrivera pas à lui seul à convaincre les collectivités territoriales de la mise en oeuvre de cette politique. Le MEDDTL a ainsi un vrai rôle à jouer.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Marie-Paule Thaveau
Date : mercredi 30 novembre 2011 Lieu : Certu Durée : 1h Introduction Marie-Paule Thaveau est chargée d'études au Certu sur le thème des nuisances sonores depuis mai 2011. Auparavant, elle a travaillé sur la problématique du bruit à la DDT de l'Ain pendant 9 mois. Selon elle, le lien entre bruit et santé n'est pas encore suffisamment pris en compte par les services de l'Etat, bien qu'il s'agisse d'une thématique essentielle. Sur ce domaine, le Certu travaille en partenariat avec l'administration centrale, le Setra, les CETE... Aujourd'hui, le Certu est confronté aux exigences d'une directive européenne de 2002 (sur l'évaluation et la gestion du bruit dans l'environnement), transposée dans le droit français en 20052006. Dans cette directive se trouvaient des obligations d'échéance, notamment pour la réalisation de cartes de bruit, qui n'ont pas été tenues. Un contentieux est donc en cours avec l'Union Européenne. Ces cartes doivent prendre en compte le bruit provenant de la route, du fer, des aéroports et des ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement). Parallèlement à cette exigence européenne, il existe une obligation française de classement sonore des voies. Sa mise en place doit se faire au niveau départemental, et il est nécessaire de déployer un outil pour arriver à cet objectif. L'objectif global de ces missions est donc de réaliser un état des lieux du bruit, en réalisant des cartes, et en repérant les points noirs de bruits, dans le but d'améliorer les conditions de vie des gens soumis à ces nuisances sonores. L'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) est impliquée dans ces missions. La transversalité de la problématique du bruit La directive européenne de 2002 amène également la notion de « zone calme », qui tend à rapprocher bruit et santé. Toutefois, selon Marie-Paule Thaveau, il manque au niveau des services de l'Etat une chaîne de suivi sur les travaux portant sur le bruit, chacun ayant tendance à travailler dans son coin. Il y aurait cependant un intérêt majeur à essayer de définir des indicateurs globaux, voire des méthodologies globales pour conduire le citoyen à une meilleure prise en compte du bruit dans l'environnement. Il ne faudrait pas prendre en compte le volume sonore du bruit en valeur absolue uniquement, mais également s'intéresser aux variations du bruit. Par exemple, même si une voiture est dotée d'un moteur silencieux, son conducteur pourra toujours klaxonner à 23h... D'où l'importance de considérer également l'aspect sociétal du développement durable. La transversalité de la thématique du bruit peut transparaître dans certaines politiques. Par exemple, pour réduire les embouteillages, et pour éviter les désagréments aux gens la journée, on préfère livrer les commerces en ville de nuit. Le problème est que les opérations de livraison peuvent
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causer des nuisances sonores au moment où les gens y sont le plus sensibles. Une démarche de mise en place d'un label est en cours, afin de certifier que la problématique du bruit est respectée (aussi bien de la part du conducteur, de l'engin ou du lieu de livraison). Selon Marie-Paule Thaveau, cette démarche transversale n'est que trop peu souvent mise en application. Le suivi des politiques publiques Selon Marie-Paule Thaveau, il existe un manque de suivi des politiques publiques. Celles-ci sont souvent décidées au plus haut niveau, avec beaucoup de bonne volonté, mais la question de leur applicabilité n'est pratiquement jamais abordée. Il faudrait systématiquement réaliser un suivi et un bilan de ces politiques publiques, ou du déploiement des outils associés, afin de pouvoir le cas échéant les ajuster. Pour le bruit, les réglementations française et européenne manquent de cohérence. Le nombre très important de strates administratives en France, associé à une certaine méfiance de la législation européenne contribuent à ajouter de la difficulté. Par exemple, les objectifs français vis-àvis de l'Union Européenne concernant le bruit sont basés sur le découpage intercommunal. Or celuici change beaucoup ces dernières années, ce qui rend difficile le suivi des indicateurs. Parallèlement à cela, les objectifs en terme de bruit ne sont pas assez ambitieux. On réalise des cartes sonores, une évaluation, et éventuellement un plan de prévention, mais il faudrait aller plus loin... Etat des lieux actuel Aujourd'hui, en terme de cartographie du bruit, on est en France à environ 50% de la population couverte. Pour les plans de prévention du bruit, ce pourcentage tombe à 10%. Ces plans de prévention recensent un certain nombre d'actions à réaliser afin de réduire le bruit sur les points noirs identifiés, et donc de repasser sous les seuils fixés par les normes. Ces mesures peuvent par exemple être la mise en place de murs anti-bruit, la création d'une zone 30... Emergence de la thématique bruit et santé La thématique bruit et santé a émergé grâce à l'OMS. Il faut toutefois distinguer deux notions de bruit distinctes, selon qu'on se place dans le domaine des transports, ou dans celui de la santé. Quand on parle du bruit pour les transports, on parle toujours du bruit en façade des bâtiments. Quand on parle du bruit pour la santé, il s'agit du bruit à l'intérieur de ces bâtiments. Le seuil de gène n'est pas du tout le même dans les deux cas (environ 70 dB en façade, contre environ 30 dB à l'intérieur). De plus, en abordant la problématique sous l'aspect santé, on s'intéresse souvent aux personnes sensibles (comme les enfants, malades et personnes âgées) dans l'idée que si l'on élimine les nuisances pour les plus faibles, on traite aussi le problème pour les plus fortes. Or certains acteurs avancent que cette approche est éventuellement infaisable, pour des raisons techniques et économiques, d'autant plus que ces catégories de personnes sensibles peuvent être minoritaires dans certaines zones. Le volet économique est très important, et il faut garder en tête que le bruit doit idéalement être traité aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des bâtiments, d'autant plus qu'en isolant extérieurement un bâtiment, on augmente l'importance ressentie du bruit intérieur. En ce qui concerne des données factuelles et quantifiées sur les impacts du bruit sur la santé, un rapport de l'OMS, publié en 2011, Burden of disease from environmental noise Quantification of
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healthy life years lost in Europe, permet de quantifier la perte d'espérance de vie en bonne santé due au bruit. Ce rapport démontre également que le bruit est gênant au niveau de la santé dès qu'il dépasse 30 dB, et qu'il existe une interaction forte avec le stress. Un autre rapport de l'OMS, Night noise guideline for Europe, s'intéresse également de manière quantifiée à cette thématique. Bibliographie La problématique n'est pas nouvelle, dès les années 60, elle était identifiée, mais le passage à la pratique a du mal à se concrétiser. On peut citer les ouvrages suivants : Les effets du bruit sur la santé (ministère des affaires sociales et de la santé) Les nuisances environnementales des transports : résultats d'une enquête nationale (les colletions de l'INRETS) Bruit des transports - Etat et perspectives scientifiques (Faburel, Polack, Beaumont) Noise as a public health problem (INRETS) Les études d'impact Lorsque l'on fait des nouvelles infrastructures de transport, il faut impérativement avoir à l'esprit la problématique du bruit très en amont. L'estimation des impacts sonores n'est pas, à ce stade, forcément facile, mais elle est nécessaire. A cause du caractère polémique du sujet, dans le cas d'une comparaison de différents projets, il est particulièrement important d'être précis, et de faire les mêmes hypothèses (et donc quelque part d'utiliser les mêmes méthodes). Les modélisations réalisées actuellement se basent sur les bâtiments présents sur la zone d'étude, mais il est difficile de faire le lien entre ces bâtiments et la population qui vie dedans afin d'estimer vraiment le nombre de personnes exposées au bruit. Le CETE de Lyon tente de croiser ces données liées aux bâtiments avec celles des impôts pour avoir une estimation du nombre de personnes exposées. Toutefois, il n'est pas encore envisageable d'aller plus loin en modélisant les activités de ces personnes, tout comme leur catégorie (plus ou moins sensible au bruit). Même lorsque l'on met en place des dispositifs de protection, on ne sait pas toujours bien suivre et dresser un bilan de ces dispositifs, ainsi que de la perception du bruit derrière les protections. On a également du mal à coupler isolation thermique et phonique sur les bâtiments, car ce ne sont pas les mêmes financements qui rentrent en jeu... Ces études d'impact sont obligatoires pour les projets portés par l'Etat. En général, le maître d'ouvrage fait appel à un bureau d'études pour les réaliser. Le contenu et la méthodologie sont très cadrés. La DREAL gère le fonctionnement de ces études d'impact. La démarche de concertation Si on veut rendre plus pertinentes les études d'impact, il faut mettre autour de la table tous les acteurs, en fonction de leurs compétences. Il faut une gouvernance technique le plus participative possible. Aujourd'hui, les associations ont de plus en plus de poids, et certains citoyens brillants participent aux débats. Il faudrait les impliquer plus en amont des projets. Il ne fait pas négliger l'avis des citoyens, qui sont capables d'apporter vis-à-vis du projet des arguments pertinents. Aujourd'hui, il est obligatoire de rendre publiques un grand nombre d'informations, dont les cartes de bruit, ce qui complique le débat et renforce la participation de la population en parallèle du
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renforcement de ses compétences. En effet, plus les gens sont informés, plus ils se sentent partie prenante. Les impacts du transport sur la santé Selon Marie-Paule Thaveau, les impacts sur l'air et sur l'eau sont prépondérants, puisqu'ils sont liés directement à un risque d'absorption par l'organisme de polluant (que ce soit par inhalation ou par ingestion). Les impacts du bruit ne sont pas non plus à négliger. Il est particulièrement important de chercher à voir les conséquences d'une thématique sur l'autre. D'après elle, on a beaucoup nuit par voie indirecte en ne prenant pas assez bien en compte ces interactions. La monétarisation Un chiffrage des mesures sera réalisé via les plans de prévention du bruit. Ce chiffrage est difficile à réaliser, car il nécessite de trouver les financements nécessaires pour résorber les points noirs du bruit. En revanche, il n'y a pas de chiffrage direct de la santé.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Raymond Del Perugia
Date : mardi 29 novembre 2011 Lieu : Direction de la Voirie et des Déplacements Mairie de Paris, 42 rue du Louvre Durée : 1h Présentation M. Del Perugia est chef de la subdivision des déplacements en libre-service à la Direction de la Voirie et des Déplacements (DVD) de la Ville de Paris. Santé et Vélib' Le Vélib' n'est pas, en tant que tel, considéré comme un moyen de faire du sport. Il est dans sa large majorité utilisé pour des déplacements courts. De plus, il faut savoir qu'à distance égale parcourue, l'usage du vélo conduit à une dépense d'énergie moindre que celle permise par la marche à pied. Etudes menées avant la mise en place de Vélib' Aujourd'hui à Paris, environ 40 % des déplacements se font à pied, et 3% des déplacements se font à vélo. Parmi ces 3%, 35 % sont désormais réalisés en Vélib'. Avant l'arrivée de Vélib, seuls 2% des déplacements étaient réalisés en vélo à Paris. L'arrivée du projet a donc permis une augmentation de 50% de ce mode de transport. A l'issue des élections municipales de 2001, le conseil municipal de Paris a vu l'arrivée d'une coalition entre les socialistes et les verts, d'où un axe écologique particulièrement développé par la municipalité, notamment en vue de favoriser les modes de transport doux, dans le but de réduire la pollution atmosphérique à Paris. Entre 2001 et 2004, de nombreux aménagements pour favoriser les cyclistes (par exemple, des pistes cyclables) ont été réalisés. Toutefois, malgré ces aménagements, l'utilisation du vélo comme moyen de déplacement ne changeait pas, et stagnait à 2%. La Ville de Paris a alors missionné un cabinet, qui a diagnostiqué plusieurs freins à l'usage du vélo à Paris. Les trois freins principaux sont le besoin d'espace de stockage, la nécessité de facilités pour entretenir les vélos, et la peur de s'insérer dans une circulation urbaine extrêmement dense. Un système de Vélo en Libre-Service (VLS) serait ainsi particulièrement approprié, car il permettrait de s'affranchir des deux premiers freins. Parallèlement, le projet Vélo'v, développé par la Ville de Lyon, mis en place en 2005, et dont les premiers résultats ont été particulièrement satisfaisants, a été l'élément déclencheur du lancement de Vélib' à Paris. Financement du projet Vélib' Deux types de financement étaient possibles : en régie sur fonds propres, ou en coordination avec une société privée (marché public, partenariat public privé, délégation de service public...). Le choix de la ville de Paris s'est porté sur le deuxième type de financement, en couplant le marché de
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Vélib' avec celui du renouvellement du marché des mobiliers urbains et d'information (MUI). Sur ces MUI, 50% des messages sont à caractère institutionnel, et 50% de la publicité. Les deux marchés sont passés pour une durée de 10 ans. Les coûts d'investissement étaient estimés à 80 millions d'euros pour la mise en place du service de VLS, et de 20 millions d'euros pour le renouvellement des MUI, auxquels s'ajoutent les frais d'entretien, estimés entre 30 et 40 millions d'euros par an pour le service de VLS. Ces sommes sont à comparer avec les recettes publicitaires, qui s'élèvent entre 50 et 60 millions d'euros par an. En 2005, une procédure de dialogue compétitif a été lancée, notamment pour aider la Ville de Paris à définir précisément les critères du service de VLS qu'elle voulait déployer. Trois sociétés y ont participé : Clear Channel, Decaux, ainsi qu'un troisième groupement. A l'issue de ce dialogue compétitif, Clear Channel a remporté l'offre. Mais Decaux a trouvé une faille et a fait annuler le marché fin 2006. Un deuxième marché a été lancé fin 2006 dans des délais très courts, afin d'ouvrir le service à l'été 2007, pour pouvoir bénéficier des retombées avant la fin de la mandature, en 2008. Cette foisci, il s'agissait d'un marché de service, les caractéristiques de l'offre ayant pu être définies grâce à la procédure de dialogue compétitif du premier marché. Notifié le 20 février 2007, il a été remporté par la société Decaux. L'inauguration du Vélib' a eu lieu mi-juillet 2007 par le Maire de Paris Bertrand Delanoë. Tandis que l'issue du dialogue compétitif était assez serrée, le marché de service a été largement remporté par Decaux proposant un maillage très dense : 20 600 vélos pour 1 451 stations, contre 14 000 vélos pour 1 000 stations pour Clear Channel ; il faut noter que ces deux offres respectaient les préconisations de l'APUR (minimum 750 stations et 8 000 vélos). Au final, Vélib' a nécessité un investissement de 90 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 20 millions pour le renouvellement des MUI, portant le total à 110 millions d'euros d'investissement. Les frais de fonctionnement peuvent être estimés de 30 à 40 millions d'euros par an, et les recettes publicitaires, entre 50 et 60 millions d'euros par an. La société Decaux peut donc être supposée légèrement déficitaire sur ces 10 années de contrat (2007-2017), mais avec Vélib' c'est l'image du plus grand service de VLS au monde que s'est offert Decaux, 2e groupe mondial dans son domaine d'activité. Bilan Il est difficile d'avoir des indicateurs précis et pertinents pour tirer un bilan fiable et objectif de Vélib'. Avec un lancement mi-2007, le nombre de déplacement enregistré par Vélib' en 2007 a été de 13 millions. Ce chiffre s'est ensuite élevé à 28 millions en 2008, 26 millions en 2009 et 25 millions en 2010. Pour 2011, on devrait frôler les 30 millions de déplacements, puisque fin octobre, les déplacements cumulés s'élevaient à 26,5 millions. Vélib' a dont atteint un rythme d'environ 3 millions de déplacement par mois. Aujourd'hui, 18 000 Vélib' sont en circulation, et Vélib' rapporte annuellement 15 millions d'euros à la Ville de Paris. Le succès de Vélib' est également dû aux caractéristiques de la Ville de Paris : Paris est petit, Paris est plat, et la météo relativement clémente, surtout en 2011. Malheureusement il est difficile de s'intéresser à d'autres indicateurs. Le succès et la mesure du nombre de trajets en voiture évités avec les Vélib sont en effet difficilement mesurables. Limites et pistes d'amélioration
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Contrairement à Berlin, qui compte à peu près la même population que Paris mais dispose de 10 fois plus d'espace, à Paris les limites physiques (densité) sont particulièrement présentes : tout se fait au détriment de quelque chose. Concernant Vélib', l'implantation des stations se fait le plus souvent au détriment du stationnement. La Ville de Paris a eu beaucoup de mal à terminer le déploiement de Vélib', projet lancé en 3 vagues, à cause de la diminution du nombre de places de stationnement ou de livraison, souvent négociées par les maires d'arrondissements, soucieux de satisfaire leur électorat. Pour développer les éléments de substitution, la Ville a lancé une politique de stationnement dans les parcs souterrains en tant que « puits à voitures ». Parmi les pistes d'amélioration qui peuvent être envisagées, on peut citer l'augmentation du nombre de stations, ainsi que l'agrandissement des stations existantes. Mais la taille des stations est souvent limitée par la place disponible, et les stations les plus grandes devraient également se trouver dans les zones les plus denses. L'implantation d'un certain nombre de stations de Velib' (un quart du total) avait dû être revue suite à l'intervention des architectes des bâtiments de France, et décalées dans des rues adjacentes, avec moins de place disponible... La Ville de Paris a négocié avec Decaux la location de tranches supplémentaires de 5 stations pour pouvoir faire face au développement urbain et ainsi augmenter l'offre de Velib'. C'est ainsi que les stations ont été implantées dans les communes périphériques de la Ville de Paris. Toutefois, contrairement aux stations d'origine, celles-ci sont financées en totalité par la Ville de Paris. La régulation est difficile, car le mouvement pendulaire est très important, représentant 37% des déplacements. Ainsi la régulation artificielle est indispensable, mais limitée par l'offre de Decaux, qui doit opérer à moyens constants La Ville est satisfaite de la rapidité de l'offre de Decaux et de ce partenariat, même si une gestion en régie permettrait certainement une régulation artificielle plus importante. Decaux est jugée sur 6 critères (stations vides, pleines, propreté, état des vélos, etc...) permettant d'appliquer des pénalités ou des intéressements. Toutefois la société s'en sort particulièrement bien pour l'instant, même si la régulation reste un des problèmes principaux. Vélib' en tant que politique de santé publique ? A l'origine, la refonte des modes de déplacements à Paris, en faveur d'une diminution de la pollution atmosphérique, a été motivée par des préoccupations de santé publique. Cette politique de déplacements ne se borne pas à Vélib' mais est beaucoup plus large, puisqu'elle vise à inciter les gens à modifier leurs modes de transport. Elle est couplée aux pistes cyclables et sites propres pour vélos, mais également à d'autres projets de transports en communs comme le tramway, les couloirs de bus... Toutefois, le lien direct avec la santé n'est que peu mis en avant et considéré comme « légèrement artificiel ». Il existe un programme de création d'axes dédiés aux circulations douces, où 200 km restent encore à créer dans Paris intra-muros d'ici les prochaines élections municipales, en 2014. De plus, la politique de stationnement des deux roues, motorisés ou non, avec la création de nouveaux parcs de stationnement, est en plein essor actuellement à Paris. Conclusion « Le Vélib a redonné une vraie place au vélo dans la Ville de Paris. Il a véritablement permis de changer son image. Nous sommes actuellement à 3% des déplacements réalisés en vélos, et même si c'est désormais un large succès reconnu, nous pouvons encore augmenter cette proportion ». (Nota :
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c'est l'Observatoire des Déplacements du Service de la Mobilité de la Direction de la Voirie et des Déplacements qui effectue ces mesures.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Luc Baumstark
Date : mercredi 30 novembre 2011 Lieu : par téléphone Durée : 1h30 Présentation Luc Baumstark est le doyen de la faculté de sciences économiques à l'Université de Lyon. A la fin des années 80, il effectue une thèse en économie des transports, en liaison avec le rapport Boiteux 1. Au début des années 90, on constate une montée de l'environnement dans les préoccupations, et des travaux européens sont réalisés sur la problématique des externalités environnementales. Il est recruté comme chargé de mission au CGP/CAS, chargé de l'économie de l'environnement et des services publics. Il réalise des travaux pour le ministère de l'équipement et pour le premier ministre. Recruté ensuite à l'Université de Lyon, il travaille pour enrichir le calcul économique standard. Puis il s'intéresse à l'économie de la santé, avec en particulier la valeur de la vie humaine, sujet qui intéresse les secteurs du transport (questions de sécurité) et celui de la santé publique. En 2008, il intègre une commission d'économistes pour intégrer une analyse clinique dans les études économiques.
Emergence du rapport Boiteux Il effectue un travail de prospective (intitulé Perspective 2000) au début des 90, alors que la question de l'environnement était un point de crispation qui ralentissait les projets d'infrastructures : quelle valeur la collectivité donne à ces infrastructures et à l'environnement ? Il existait des désaccords entre Bercy et le Ministère des Transports sur les outils et les réflexions. Bercy souhaitait remettre sur la table les modalités d'évaluation des projets d'infrastructure : quel TRI choisir, débat entre calcul économique et analyse multi-critères... Il y avait un réel besoin de s'accorder sur la doctrine. Marcel Boiteux a été choisi pour travailler sur ces questions lorsque des tensions fortes sont apparues, notamment sur les projets RATP/SNCF, qui avaient des TRI assez faibles, sur lesquels la direction générale des routes, très puissante, pouvait contester. De plus, c'est une personnalité extérieure au domaine des transports, donc mieux acceptée. Le rapport Boiteux 1 était assez succinct, et servait surtout à faire l'état des lieux sur plusieurs sujets : la valeur du temps, la valeur de la vie humaine... C'est à ce moment qu'est apparue la question de l'effet de serre. La commission Boiteux 2 (commission mixte) traite entre autres de la montée en puissance du domaine de l'environnement, et en particulier les effets liés à la pollution atmosphérique. En interne
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se pose un débat entre deux postures différentes, suscitant des interrogations fortes (Ministère de l'Environnement et M. Gayssot) d'un groupe qui souhaitait défendre le transport urbain. Des critiques très fortes sur les outils sont formulées, les valeurs attribuées au bruit et à l'environnement sont jugées trop faibles, et émerge alors la nécessité d'une reprise du rapport Boiteux 1. Plusieurs commissions sont établies, une par thème : prix de l'énergie, effet de serre (prix du carbone, avec des réflexions déjà menées dans d'autres instances), bruit, effets de coupure... Le lobby environnemental s'est senti floué, car ces éléments ne changeaient pas beaucoup le résultat sur la rentabilité du projet, d'où une crise, car ceux qui avaient lancé la commande étaient frustrés. Réinjection de la valeur de la vie humaine en expliquant que la valeur statistique de la vie humaine utilisée était trop faible. Concernant la question du bruit : c'est une nuisance mal ressentie par la population. La valorisation de ces effets est faible dans les études au regard de la valorisation faite par la population. De nouvelles études sont menées, mais ne sont pas extrêmement poussées. Le problème est que les évaluateurs n'ont pas toutes les données utiles, par exemple le tracé de l'itinéraire n'est pas forcément connu à l'avance, alors que le calcul des niveaux de bruit dépend du calage de l'infrastructure. Le rapport Boiteux 2, intéressant fortement la Commission Européenne, joue le rôle d'interface entre des interrogations scientifiques, avec une traduction économique et montre comment passer du chiffrage à des outils à mettre en oeuvre dans les évaluations. Ce dernier est facile à faire pour la sécurité routière, mais bien plus difficile pour le bruit... De nombreux travaux s'inscrivent alors dans la continuité du rapport Boiteux 2, qu'on appelle parfois « Boiteux 3 », même si M. Boiteux ne les dirigera sans doute pas. Une suite a déjà eu lieu, en s'interrogeant notamment sur le taux d'actualisation à considérer : les écologistes disent qu'il ne faut pas actualiser, certains pensent que le taux d'actualisation public n'a pas d'intérêt (travailler avec les obligations USA à 30 ans par exemple)... Le taux d'actualisation à l'époque était à 8%, sans risque. Des interrogations se posent sur la valeur carbone qu'il faut réactualiser en fonction des durcissements de la législation européenne. Comment donner une évaluation économique à la biodiversité ? Hostilité parfois marquée aux analyses coûts-bénéfices, critique sur la valeur du temps trop importante, études jugées technocratiques... le vrai enjeu des 15 dernières années est que le calcul économique n'est plus porté par l'Administration, les rapports type Boiteux doivent permettre de laisser une pertinence à ce calcul économique. Si on oublie les grandes thématiques (effet de serre...), on risque des critiques. Ces approches sont nécessaires, mais il faut être sérieux et en faire d'autres. Boiteux 2 est un maillon. Il ne serait peut-être pas possible aujourd'hui de traiter autant d'aspects différents que dans ce rapport. L'importance de la monétarisation Il faut distinguer le fait de faire des études (ex : études sur le paysage) et de passer à une étude sur un projet, comment concrètement dans le calcul vous prenez cet aspect en compte ? Aujourd'hui, de fait, le poids des calculs coûts/avantages dans le processus de décision est faible. La loi l'impose pour certains projets, donc c'est fait, mais elles ont un poids modeste dans la décision. Ces études sont difficiles à présenter, mal reçues par les élus, les associations... c'est une approche contestée.
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Je reste un fervent partisan de cette méthode, les analyses multicritères ne donnent pas des résultats clairs pour mieux éclairer la décision publique. C'est la culture française qui fait que ces études économiques. Il y a un vrai challenge sur cette question. Fondamentalement, les attentes ne vont pas dans le sens d'un développement du calcul économique, on fait des études d'impact. Par contre, monétariser les effets constatés dans une étude d'impact apparaît comme une aberration pour certains.
Les approches utilisées dans le rapport Boiteux et la perte de qualité de vie Le premier rapport Boiteux exprime différentes méthodes (ex : écarts de salaires, approches en termes de coût, approche en termes de perte de production en cas de mort à 35 ans). Les valeurs sont assez faibles, donc d'autres outils sont utilisés. Par exemple, en cas de mort, on regarde la perte de consommation de ressources. Il existe également des approches sur des marchés parallèles : quel effort doit faire une collectivité pour éviter une mort supplémentaire ? L'aspect de la sécurité routière a été surtout considéré. Après, la valorisation des accidents est sous-estimée. Derrière ça se pose la question sur la qualité de la vie : perte de mobilité pour les blessés graves... Le rapport souligne qu'il y a besoin de travaux complémentaires. Dans le domaine de la santé, on utilise une méthode qualitative pour estimer la perte de qualité de vie. Les assureurs ont des grilles (et il existe même des grilles concurrentes parfois entre assureurs) pour caler le degré d'invalidité des gens, qui sont utilisées devant les tribunaux pour aider le juge à décider du montant des indemnités. Ces grilles ne sont pas monétarisées. Des économistes ont cherché à valoriser ces grilles, en pondérant avec la valeur de la vie humaine sur une échelle de 0 à 1 (0 = mort, 1 = vie en parfaite santé) en se basant sur ces grilles pour estimer des dégradations irréversibles de la qualité de vie. Cette méthode notamment utilisée en Grande-Bretagne. On regarde les dépenses publiques à faire pour obtenir une certaine qualité et la collectivité décide si le montant de l'investissement est raisonnable. La Direction à la Sécurité de la Circulation Routière est assez intéressée pour transférer cette méthode sur les investissements de sécurité routière. Le CAS réfléchit aussi à pondérer la valeur de la VH par la qualité de vie. Avec l'amélioration des soins, on décède moins mais on vit dans des conditions de vie dégradées. On sous-estime ces pertes de qualité de vie. C'est un sujet sur lequel il y a un vrai intérêt à travailler. La pertinence des thématiques retenues pour le GCT La pollution atmosphérique est en passe d'être réglée, avec des engagements très forts, des normes... La qualité de l'air s'est améliorée, on a fait des efforts sur les métaux... La conclusion de Boiteux 2 est que si on arrivait à des valeurs faibles pour la pollution, c'est que la situation s'est améliorée. Si on va vers la voiture électrique dans les centres-villes, on va encore améliorer la situation. Autres questions sur la congestion... Coût social élevé, comment l'internaliser ? Péages urbains, etc. Comment assurer une mobilité à un coût acceptable ?
Quelles perspectives pour un rapport Boiteux 3 ? Il serait intéressant de dire quels sont les éléments du débat sur les grands impacts sur la santé, les impacts en voie d'être réglés, ceux amenés à se développer... dans quels domaines faut-il
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progresser en termes de recherche ? Pour un rapport Boiteux 3, ne pas remettre en cause certains éléments sur lesquels on tournerait en rond (pollution atmosphérique par exemple). Aujourd'hui, on pourrait aussi s'intéresser à la question suivante : comment l'évolution des systèmes d'aide à la conduite dans les voitures peut-elle améliorer la sécurité routière ?
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(ATTENTION: OPTION les du sommeil générés par le bruit peuvent avoir, de manière plus générale, des conséquences sur la santé et le bien-être des individus le bruit pourrait également provoquer des changements hormonaux, des maladies cardiovasculaires, des dépressions et autres maladies mentales. Une estimation du seuil à partir duquel ces effets sont observables a été réalisée, et des recommandations ont pu être formulées, en fonction du « Lnight,outside », c'est-à-dire du niveau de bruit moyen nocturne extérieur annualisé. Il ressort de cette étude qu'en dessous de 30 dB, aucun effet biologique substantiel sur le sommeil n'est observé. Entre 30 et 40 dB, on remarque de légers effets sur le sommeil des populations les plus sensibles, comme les enfants, les malades chroniques et les personnes âgées. Entre 40 et 55 dB, des effets négatifs sur la santé peuvent être observés au sein de la population exposée ; de nombreux individus doivent prendre des dispositions afin de s'adapter à
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ces niveaux de bruit. Au-delà de 55 dB, les effets négatifs sur la santé sont observés de manière fréquente au sein d'une proportion non négligeable d'individus ; parallèlement, on constate une augmentation du risque de maladies cardio-vasculaires. A partir de ces observations, l'OMS recommande donc de viser à long terme un Lnight,outside de 40 dB, avec un palier intermédiaire à 55 dB pour les mesures à court terme.
B.3. L'estimation des coûts externes liés au bruit des transports sur la santé
Dans le cadre du projet de création d'une agglomération franco-suisse autour de la ville de Genève (Comité régional franco-genevois, 2007), les partenaires publics ont considéré plusieurs études mettant en avant les effets du bruit sur la santé humaine (Müller-Wenk, 2002) (Watkiss, 2000). Partant du constat que le bruit a des effets néfastes sur la santé, provoquant, entre autres, gêne, stress, nervosité, tension, lésions auditives, troubles du sommeil, problèmes cardiovasculaires (Stansfeld, 2000), une étude a été conduite pour estimer les coûts externes imputables au bruit des transports pour la santé (accroissement des maladies ou des décès) en Suisse. Ceux-ci sont estimés à 124 millions CHF par an, dont 99 millions imputables au trafic routier (Comité régional francogenevois, 2007). Les trois quarts des coûts de santé résultent des maladies liées à l'hypertension et un quart des maladies cardiaques ischémiques (OCDE, 2007). Les nuisances sonores dues aux transports induisent principalement de la gêne pour les individus qui y sont soumis. Cette gêne varie selon le contexte, notamment la période de la journée, et selon le type de trafic considéré : le trafic ferroviaire est plus facilement accepté que le trafic routier. Cette gêne est principalement ressentie lors des périodes nocturnes, où la majorité des individus sont en train de dormir. Les perturbations du sommeil peuvent avoir des répercussions importantes sur la santé, et ce y compris pour des niveaux de bruit plus faibles que les valeurs règlementaires considérées par les pays européens. Une monétarisation des effets du bruit sur la santé peut être possible, en conduisant une étude poussée pour estimer les coûts externes imputables au bruit des transports pour la santé, à l'image de ce qui a été fait en Suisse.
C. Prise en compte par les politiques publiques
Actuellement en France, les politiques publiques sont principalement axées sur la réduction de la gêne occasionnée par le bruit sur les individus, et non pas sur la réduction des effets de long terme sur la santé. Toutefois, les dispositifs législatifs et d'évaluation existent et, sous réserve de disposer d'études précises sur le sujet, une intégration de ces impacts sanitaires serait facilement réalisable.
C.1. Les cartes de bruit stratégiques
La directive européenne sur le bruit (Directive européenne, 2002/49/CE) impose la réalisation de cartes de bruit, permettant de savoir quelle population est touchée par le bruit dans les grandes agglomérations ou le long des infrastructures importantes. Ces cartes ne servent pas à l'évaluation des infrastructures de transport, mais permettent d'avoir une vision globale de l'impact sonore des infrastructures et d'identifier les points noirs à corriger. Elles servent ainsi de base aux plans d'actions imposés pour 2013 par la directive européenne. Ces plans d'actions visent à réduire les
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nuisances sonores par diverses méthodes, pouvant aller des mesures techniques aux incitations économiques. Le travail de cartographie a pris du retard en France. Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, le comité opérationnel « bruit » estime d'ores et déjà qu'il y a près de 70 000 points noirs de bruit rien que sur le réseau routier national non concédé, dont le traitement est estimé entre 1,5 et 2 milliard d'euros (Grenelle de l'environnement, 2008). Aujourd'hui, seule la moitié de la population est couverte par les cartes de bruit, proportion qui tombe à 10% en ce qui concerne les plans de prévention du bruit (Entretien Marie-Paule Thaveau, GCT). Une telle politique publique de traitement des points noirs de bruit serait naturellement vaine si des mesures de protection au moins équivalentes n'étaient pas prises lors de la construction de nouvelles infrastructures. C'est la raison pour laquelle l'évaluation des infrastructures de transports comporte un volet sur le bruit.
C.2. L'évaluation socio-économique dans le rapport Boiteux 2
Le rapport Boiteux 2, qui sert de base au référentiel d'évaluation socio-économique des projets de transports au MEDDTL, fixe quelques règles quant à l'évaluation des impacts du bruit. Celle-ci se fait à travers la perte de valeur de l'immobilier : au-delà d'un certain niveau de bruit, chaque décibel conduit à une dépréciation des biens. Cette dépréciation a été établie par la méthode des prix hédonistes. Afin de s'affranchir de la variabilité géographique des prix de l'immobilier (les impacts socio-économiques d'une même infrastructure dans deux régions où les prix ne seraient pas les mêmes doivent tout de même être identiques), le groupe de travail se base sur la valeur locative moyenne en France. Ces valeurs n'intègrent pas tous les effets du bruit. Pour une meilleure exhaustivité, elles sont adaptées et corrigées. Ainsi, afin de prendre en compte la plus grande sensibilité aux nuisances nocturnes, la valeur d'une exposition au bruit la nuit (de 22h à 6h) est majorée de 5 dB. De plus, cette évaluation ne prend pas forcément en compte les effets à long terme du bruit sur la santé, mais seulement la valeur qu'accorde la population à la gêne occasionnée. Le groupe de travail du rapport Boiteux 2 a donc considéré que les valeurs de dépréciation reflétaient bien les effets à court terme, comme la gêne liée aux perturbations du sommeil, mais pas les effets à long terme, comme les troubles cardio-vasculaire par exemple. Ces effets à long terme apparaissent pour des niveaux de bruits plus élevés (supérieurs à 70 dB de jour). En l'absence d'études suffisamment détaillées, le groupe de travail Boiteux 2 a choisi d'appliquer une majoration arbitraire de 30% du coût par décibel pour ces bruits élevés, en attendant les résultats d'études plus précises.
C.3. Les évolutions envisageables du référentiel
Des études académiques permettent d'améliorer la documentation des effets néfastes du bruit sur la santé. Elles mettent en valeur les risques augmentés d'hypertension ou de maladie cardiovasculaire (Miedema, et al., 2003) (Bluhm, et al., 2007). Elles ont aussi prouvé un effet sur l'apprentissage à l'école (OMS, 2005). Cependant, il reste encore des sujets à approfondir, dans la mesure où certaines études n'ont pas nécessairement trouvé de corrélation significative, et les fonctions expositionréponse ne sont pas toujours disponibles. Par exemple, lorsque le bruit varie de façon brutale, il est perçu comme plus gênant qu'un bruit en moyenne plus fort mais régulier ; cependant, on ne dispose pas d'indicateur vraiment satisfaisant afin de prendre en compte ces variations (Grangeon, 2010). Il
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est important de poursuivre les efforts de recherche afin de mieux comprendre les effets sur la santé du bruit, et ainsi d'objectiver le système empirique choisi par le groupe de travail du rapport Boiteux. La compréhension de la relation entre bruit et stress est aussi importante si l'on prend en compte le stress dans l'évaluation des infrastructures de transport, dans la mesure où l'on pourrait créer des doubles comptes. La valeur donnée aux nuisances sonores s'avère dans les faits très faible. Le rapport Boiteux 2 propose des valeurs cadres similaires à celles des autres études européennes, mais, même en utilisant les valeurs maximales, l'influence du bruit dans les évaluations socio-économiques ne dépasse jamais 2% (Grangeon, 2010). Le rapport du Sétra sur la monétarisation des externalités environnementales recommande un changement des méthodes de monétarisation permettant de mieux refléter le coût social du bruit, ainsi que la prise en compte des mesures réglementaires telles que la prévention et le rattrapage des points noirs qui permettraient d'améliorer l'internalisation des coûts du bruit dans celui des infrastructures. Cependant, il est possible que la perception des nuisances sonores par les riverains soit exacerbée par le fait que contrairement à d'autres nuisances, le bruit est parfaitement perceptible au quotidien. Le fait de vouloir refléter l'acceptabilité sociale dans l'évaluation des infrastructures risquerait alors de donner un poids excessif au bruit, alors que d'autres nuisances plus discrètes seraient sous-estimées, bien que plus importantes d'un point de vue sanitaire. Il est donc nécessaire de trouver un équilibre dans la monétarisation. Au Certu, on insiste sur le caractère transversal de la lutte contre les nuisances sonores, et la nécessité de prendre en compte les politiques connexes (Entretien Marie-Paule Thaveau, GCT). Par exemple, la lutte contre les nuisances sonores peut être associée à celle contre les déperditions thermiques des bâtiments, pour coupler les travaux d'isolation thermique avec ceux d'isolation phonique. Au contraire, elle peut aussi être en opposition avec d'autres problématiques : par exemple, les livraisons de nuit permettent de désengorger les routes en journée, mais génèrent des nuisances sonores au moment où les habitants y sont le plus sensible. Il est donc nécessaire de prendre du recul, et de considérer la lutte contre les nuisances sonores, comme toute politique en faveur de la santé, d'une manière plus globale et transversale. Aujourd'hui, la prise en compte des nuisances sonores dues aux transports se base uniquement sur la gêne ressentie par les individus, et plus précisément sur la dépréciation de la valeur locative des logements soumis au bruit. Toutefois, cette méthode ne permet pas de refléter les impacts à long terme des nuisances sonores sur la santé. De plus, aucune distinction n'est à ce jour réalisée en fonction du type de constructions impactées, de l'activité et du nombre de personnes qu'elles accueillent, ou de l'état de santé des personnes s'y trouvant. Une poursuite des études sur l'identification des impacts des nuisances sonores sur la santé permettrait d'améliorer simultanément les indicateurs de bruit utilisés et la connaissance des conséquences sanitaires du bruit sur les individus. Ce raffinement des méthodes permettrait également d'améliorer la prise en compte de l'acceptabilité sociale du bruit, importante lors de la réalisation de nouveaux projets.
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LE STRESS ET LES TRANSPORTS
Le stress est un état psychologique ayant des conséquences biologiques. En cas de situation de stress prolongé, l'organisme s'épuise tant physiquement que mentalement. Les transports génèrent des situations de stress prolongé chez les usagers et les professionnels, mais également chez les riverains. Les conditions de transport et le coût psychologique de l'incertitude et du retard sont les causes prédominantes chez les usagers, tandis que les riverains sont touchés par le bruit. Les situations de stress pour les professionnels des transports, et en particulier pour les conducteurs, peuvent générer des externalités négatives sur un grand nombre de personnes par la diminution de sécurité qu'elles entraînent. Actuellement, la question du stress n'est pas toujours bien abordée par les différents acteurs. On note l'émergence des plans de déplacement d'entreprise qui offrent une possibilité d'expression aux salariés pour tenir compte de l'impact des transports sur leur situation professionnelle. Le développement des modes de transports alternatifs doit permettre de réduire indirectement le stress généré. Enfin, d'autres pistes sur l'urbanisme ou le télétravail doivent être approfondies.
A. Le stress, définitions
Apparue dans les années 1940, la notion de stress est souvent difficile à définir. Elle peut être désignée par d'autres appellations connexes, telles que les risques psycho-sociaux. De ce fait, plusieurs définitions cohabitent, provenant de la littérature scientifique et médicale ou de documents officiels.
A.1. Définitions académiques et processus biologiques
Il est important de distinguer l'anxiété qui est « un cocktail de sentiments d'insécurité, de troubles diffus, de frustration de la libido et d'interdits du surmoi », de l'angoisse qui est « un sentiment d'inquiétude profond, une peur irrationnelle et une impression vague de danger immédiat devant laquelle l'individu se sent impuissant » et du stress qui présente comme différence avec les deux autres d'avoir un événement déclencheur aux caractères précis et spécifique (Dubier & Inchauspé, 2000). D'un point de vue biologique, une situation stressante se décompose en trois phases (INRS, 2011). La première est l'alarme, où l'organisme libère des hormones (catécholamines) augmentant la fréquence cardiaque et la tension artérielle pour se préparer à faire face à la situation. Dans un second temps, une phase de résistance s'installe, et le corps sécrète des glucocorticoïdes qui favorisent l'activité métabolique et fournissent l'énergie nécessaire au fonctionnement de l'organisme. Enfin, si la situation stressante se prolonge, une phase d'épuisement apparaît. Dans ce cas, le système nerveux perd sa sensibilité aux hormones précédemment sécrétées, dont le taux augmente alors pour compenser. L'organisme est en permanence sollicité et activé, et s'épuise. Face à ce risque d'épuisement, les personnes définissent, consciemment ou non, une stratégie d'adaptation (fuite, réaction émotionnelle ou recherche de solutions).
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Le stress et les transports
A.2. Une définition officielle
L'Union Européenne propose la définition suivante du stress (INRS, 2006) : « un état de stress survient lorsqu'il y a déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face. Bien que le processus d'évaluation des contraintes et des ressources soit d'ordre psychologique, les effets du stress ne sont pas uniquement de nature psychologique. Il affecte également la santé physique, le bien-être et la productivité de la personne qui y est soumise ».
A.3. Traitements possibles du stress
Deux types de traitement du stress et de ses effets existent. Le premier consiste en un traitement correctif, à l'aide de thérapies comportementales, médicamenteuses ou corporelles. D'un autre côté, on trouve la prévention, seule à même de supprimer les causes du stress, mais qui est d'autant plus compliquée à mettre en place, étant donné que l'identification de celles-ci peut se révéler difficile. Le stress est un état psychologique, se traduisant par un processus biologique visant à augmenter l'activité métabolique pour répondre à une situation intense. S'il se prolonge, il devient alors susceptible d'épuiser l'organisme, à la fois physiquement et mentalement. Le traitement curatif du stress est possible mais souvent lourd, tandis que l'identification des causes peut se révéler délicate.
B. Le stress et les transports, origines et conséquences
Les trajets entre le domicile et le lieu de travail, quel que soit le mode de transport utilisé, sont, par leur fréquence, les plus susceptibles de constituer une source de stress de long terme. Selon l'étude Regus menée en septembre 2010 sur 10 000 personnes (Regus, 2011), la durée moyenne du trajet domicile/travail est de 29 minutes et celle-ci dépasse 45 minutes pour 21% des personnes interrogées. Ce trajet peut être source de stress pour plusieurs raisons et avoir ainsi des conséquences sur la santé.
B.1 Causes et conséquences du stress pour les usagers des transports
L'étude Regus menée en septembre 2010 sur 10 000 personnes a permis d'identifier 7 causes principales de stress dans les transports en France : 1) Embouteillages en bus, voiture, train (72%) ; 2) Retards et interruption (57%) ; 3) Conducteurs dangereux (35%) ; 4) Pollution et surchauffe (32%) ; 5) Manque d'informations (26%) ; 6) Conversations téléphoniques (23%) ; 7) Agressivité au volant (19%). Ces travaux sont notamment complétés par une expertise menée par le cabinet Technologia sur l'impact des transports en commun sur la santé des travailleurs en Région Parisienne (Bouéroux, et al., 2010). Il y est souligné que les conditions de voyage au quotidien sont davantage source d'usure que les grèves, plus médiatisées mais moins fréquentes. Les facteurs d'inconfort dans les transports en commun sont nombreux : ambiance lumineuse agressive, sur-stimulation visuelle et auditive, variations brusques de température, comportements non-respectueux des voyageurs et taux de fréquentation (Bouéroux, et al., 2010). Concernant ce dernier point, en Île-de-France, plusieurs lignes
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de métro sont ainsi saturées et le RER A cumule plus de 20 000 retards chaque année (Bartnik, 2010). Il existe également une notion de coût psychologique lié à l'incertitude sur le temps de transport, cette incertitude augmentant avec le nombre de correspondances. Enfin, les salariés travaillant la nuit et le dimanche sont davantage touchés par le problème car il n'existe alors que peu ou pas de transport en commun, et doivent de plus faire face à un fort sentiment d'insécurité (Bouéroux, et al., 2010). Par ailleurs, l'usage de l'automobile peut également générer du stress, notamment en raison des embouteillages. Une étude conduite pour le fabricant de GPS TomTom montre qu'une conduite pendant 20 minutes dans les embouteillages provoquait une augmentation du stress chez 8,7% des femmes et 60% des hommes (soit sept fois plus), constatée par prélèvement de marqueurs salivaires (Moxon, 2011). Si d'une manière générale 86% des conducteurs se disent affectés négativement par la circulation, 67% des femmes et 50% des hommes déclarent ne pas ressentir ce stress bien qu'il existe, ce qui traduit une certaine accoutumance et fatalité face à ce problème. Une autre source de stress au volant est le comportement des autres automobilistes et notamment les comportements d'agressivité, de colère et d'impatience. Ces comportements s'accroissent, ainsi, les problèmes d'agressivité post-accidents aux Etats-Unis ont augmenté de 51% entre 1990 et 1997 (Mixell, 1997). Les conséquences du stress généré par les transports chez les individus sont multiples, et correspondent à celles d'un stress « classique », à savoir en premier lieu l'affaiblissement des fonctions immunitaires, une augmentation de la pression artérielle et une augmentation de la glycémie. Le stress rend donc les individus plus vulnérables. Par ailleurs, ces symptômes sont amplifiés par des changements de mode de vie. Ainsi, une augmentation de la durée des trajets conduit les individus à réduire leurs pauses au cours de la journée de travail, et amène une perte de qualité de vie liée à l'appauvrissement de la vie sociale et familiale. Ces problèmes rejaillissent au niveau de l'entreprise, dont le fonctionnement est perturbé par les retards. Ceci ajoute une pression supplémentaire pour les salariés, qui sont alors sous la menace d'un licenciement (Bouéroux, et al., 2010).
B.2. Le stress chez les professionnels des transports
Sont regroupés dans cette catégorie les conducteurs et personnes travaillant à bord des différents modes de transport. Les premières causes de stress chez ces personnes proviennent des conditions de travail. Ainsi, des études scientifiques montrent que les grèves des conducteurs sont l'expression du mal-être et de conditions de travail difficilement soutenables, notamment par leur situation très exposée au stress et soumise à l'importance des facteurs organisationnels (Caruso, 2000) (Thériault, et al., 1986). Parmi ceux-ci, on remarque en particulier les horaires comme éléments stressants, ces derniers nuisant à l'hygiène et à la diététique et renforçant donc les symptômes du stress. Au-delà des conditions de travail, des facteurs d'instabilité viennent renforcer les sources de stress (Caruso, 2000). On peut citer notamment la mutation de la profession avec une féminisation ainsi qu'une augmentation de la longévité au poste de conducteurs associée à des conducteurs qui commencent de plus en plus jeunes. Il est difficile de faire la différence entre les pathologies provenant des conditions de travail en général et de celles provenant du stress. Les nombreux troubles musculo-squelettiques (TMS) dont souffrent les chauffeurs sont aussi bien le résultat de leur posture de travail que d'une situation de stress qui amplifie les symptômes. Par ailleurs, il est démontré que les conducteurs de bus urbains
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ont une prévalence d'accidents cardio-vasculaires supérieure à la moyenne nationale (Caruso, 2000). Les pathologies dont les conducteurs souffrent sont globalement mal évaluées et peu reconnues. Par ailleurs, qu'il s'agisse des chauffeurs de bus (Thériault, et al., 1986) ou des conducteurs de transport de marchandises (Caruso, 2000), les niveaux de pathologie, les problèmes psychologiques et les dépressions sont plus fréquents que dans les autres secteurs d'activité. Les conséquences de ces états sont susceptibles d'avoir une influence directe sur la sécurité des autres usagers, notamment lorsque des accidents résultent d'un état de stress.
B.3. Le cas des riverains des infrastructures de transport
Les infrastructures de transport peuvent être source de stress chez les riverains, notamment par l'entremise du bruit et des problèmes de sécurité soulevés. La littérature académique insiste sur l'impact du bruit des transports sur les riverains, concernant l'ensemble des moyens de transport (routier, ferroviaire et aérien) mais aussi le bruit provenant des infrastructures ellesmêmes, comme les gares (Diallo, 2007). Le bruit a des conséquences sur la santé en entraînant des situations de stress, de plaintes ou de conflits, des troubles du sommeil et au-delà d'un certain seuil, des maladies cardio-vasculaires (Verdura, 2011). Les questions de sécurité, notamment pour le transport ferroviaire et routier, sont également source d'inquiétude. Les transports peuvent donc générer des situations de stress prolongé chez trois catégories de population : les usagers, les professionnels et les riverains des infrastructures. Ce stress quotidien a des conséquences avérées sur la santé des personnes qui le subissent, et dégage des externalités négatives, en particulier sur le fonctionnement des entreprises ou la sécurité d'autres usagers des infrastructures de transport. De manière générale, on peut remarquer que les sources d'information sur le stress dans les transports proviennent pour une large part d'études menées par des cabinets d'experts. Les études scientifiques académiques existent, mais ciblent souvent une catégorie précise de population (chauffeurs...). Il est également intéressant de noter que les études réalisées se focalisent avant tout sur les modes de transport routiers.
C. Prise en compte actuelle par les politiques publiques
Les politiques mises en oeuvre pour lutter contre le stress dans les transports peuvent être classées selon leurs objectifs en trois catégories : celles visant à améliorer les transports, celles visant à impliquer les entreprises et celles visant à limiter les déplacements.
C.1. Les positions des différents acteurs sur la question du stress
La question du stress généré par les transports est assez novatrice pour de nombreux acteurs. Ainsi, la Fédération Nationale des Associations d'Usagers de Transport, qui agit notamment pour l'amélioration des transports en commun et pour une politique de transport plus respectueuse de l'environnement, ne s'est pas penchée sur la question du stress comme argument pour promouvoir des investissements dans les transports en commun. Au niveau des entreprises, la question est émergente, mais encore peu traitée. Il est en effet souvent considéré que le transport entre le domicile et le lieu de travail relève de la vie privée du salarié.
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Le stress et les transports
C.2. Les pratiques actuelles
Les politiques ayant pour objectif l'amélioration des transports de manière générale s'organisent autour de la loi « Grenelle 1 » qui met en place des plans de déplacement urbains (PDU) autour de trois axes : des progrès sur les transports en commun, la favorisation du recours aux mobilités douces et actives et aux modes de transport permettant la décongestion (l'autopartage par exemple) et enfin une meilleure coordination entre les différents niveaux de décision. La région Ile-de-France, où les transports en commun revêtent une importance particulière, investit ainsi largement pour améliorer les conditions de transport en étendant son réseau et en renouvelant le matériel. Le second axe d'action des politiques permettant de réduire le stress dans les transports est de favoriser les mobilités douces et actives (marche et vélo) (Bouéroux, et al., 2010). En reprenant les résultats présentés dans la fiche « marche-vélo », cela permet de réduire la congestion mais procure également un bien-être physique et psychique permettant la réduction du stress. Afin de réduire la congestion, une autre solution est d'encourager l'autopartage (Bouéroux, et al., 2010), ce qui avait été prévu lors du Grenelle de l'environnement. L'État doit notamment aider d'un point de vue méthodologique les collectivités qui souhaitent développer cette pratique (MEDDTL, 2011). Les collectivités locales mettent de leur côté plusieurs mesures pour favoriser ce mode de transport (ADRETS, 2009), avec l'ouverture de sites Internet, des communications et réunions d'informations, la construction d'aires de covoiturage (pour se retrouver et laisser sa voiture gratuitement), l'instauration de voies réservées... En plus de son impact sur la congestion, il est intéressant de noter que l'autopartage peut avoir un second impact positif sur le stress sur les transports en favorisant la convivialité et le lien social.
C.3. Les évolutions possibles
L'implication des entreprises est un facteur important dans la prise en compte du stress dans les transports. A l'heure actuelle, la majorité des entreprises considèrent que le trajet domicile/travail relève de la vie privée du salarié et ne se sentent pas concernées. Pour améliorer la situation l'étude Technologia propose 10 axes d'action : 1) Création d'un observatoire du stress lié aux transports en commun sous l'égide de l'Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail (ANACT) ou de l' Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) ; 2) Intégration de la question dans les Comités d'Hygiène, de Sécurité, et des Conditions de Travail (CHSCT) des entreprises ; 3) Intégration du problème dans un document unique ; 4) Apporter une attention aux personnes en difficulté ; 5) Mise en place d'une communication entre organismes de transports et entreprises pour que les salariés n'aient plus à justifier leurs retards ; 6) Favoriser le covoiturage ; En cas de déménagement de l'entreprise : 7) Consulter le CHSCT + faire des estimations précises ; 8) Si mal desservie par transports en commun, imposer à l'entreprise la mise en place d'une navette, éventuellement partagée entre plusieurs entreprises ; 9) Rendre obligatoire les négociations sur le travail à distance ; 10) Organiser des états généraux sur les conditions de travail en Ile-de-France.
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Le stress et les transports
La proposition n°3 semble la plus pertinente pour agir sur la question du stress généré par les transports. Un second outil qui permet d'intégrer la problématique des transports à l'entreprise est le plan de déplacements d'entreprise (PDE). D'après l'ADEME « c'est un ensemble de mesures visant à optimiser les déplacements liés aux activités professionnelles en favorisant l'usage des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle. Sa mise en oeuvre est encouragée par les autorités publiques, car il présente de nombreux avantages pour les entreprises, les salariés et la collectivité » (ADEME, 2011). Les PDE sont ainsi des outils permettant à la fois de mieux connaître les besoins des salariés mais aussi de diminuer l'impact environnemental des transports et le stress subi. Parmi les perspectives envisagées dans les PDE, le développement du travail à distance (télétravail) est une solution radicale, puisque le salarié n'aurait dès lors plus besoin de se déplacer et pourrait travailler de chez lui. Cette solution peut aussi éviter un certain nombre de déplacements intersites en ayant recours à des réunions par visioconférence. Cependant, cette solution est loin d'être applicable à l'ensemble des professions même si le Centre d'analyse stratégique prévoit 50% de télétravail d'ici à 2015 (CAS, 2009). Les politiques d'urbanisation peuvent contribuer à la réduction des transports, en assurant une maîtrise de la croissance des villes, la densification de l'habitat, ainsi que l'homogénéisation des quartiers (Frumkin, 2002). C'est l'orientation qui a été suivie lors de la restructuration du quartier de la Bibliothèque François Mitterrand dans le 13ème arrondissement de Paris, où des logements côtoient des entreprises, une crèche, des écoles ainsi que des commerces. C'est une des orientations du Grenelle de l'environnement, avec la création d'Ecocités et d'Ecoquartiers qui sont des grands projets d'innovation architecturale, sociale et énergétique. Ce type de politique d'urbanisation permettrait de rééquilibrer et de rapprocher les bassins d'emploi par rapport au logement des employés, un des principaux points noirs des transports en Île de France étant le trafic Est-Ouest (Bouéroux, et al., 2010). Les entreprises peuvent également participer à ces politiques d'urbanisation en encourageant l'habitat de proximité via l'aide à l'acquisition ou à la location pour leurs employés, en particulier via le 1% logement (Bouéroux, et al., 2010). Il est à souligner que la monétarisation du stress est possible, en évaluant l'ensemble des conséquences pour la santé et la perte de productivité au travail. Toutefois, les effets du stress sont nombreux et peuvent être difficiles à détecter, et provenir de plusieurs causes. Le stress intervient souvent en renfort de problématiques déjà présentes. Pour ces raisons, une monétarisation précise des effets du stress semble assez délicate. L'outil HEAT qui monétarise les gains en santé par la pratique du vélo et de la marche pourrait tenir compte de la réduction du stress qui découle de l'usage de ces mobilités (voir la fiche sur l'activité physique ci-après). Les politiques publiques en matière de prise en compte du stress causé par les transports sont pour le moment assez peu nombreuses. Le stress est rarement l'élément-cible visé par la politique, on parle plutôt de « confort des usagers ». Les mesures actuelles cherchent surtout une amélioration des conditions de transport par des investissements dans le réseau et le matériel, ainsi qu'un développement des modes de transport alternatifs (covoiturage, marche, vélo). Pour traiter plus largement le problème, des pistes existent pour inciter les entreprises à prendre en compte l'impact du stress des salariés dans les plans de déplacement d'entreprises (PDE). Les politiques d'aménagement du territoire et d'aménagement urbain sont également importantes pour favoriser la création de quartiers mixtes et limiter les déplacements domicile/travail.
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GCT Santé Transport
L'ACTIVITE PHYSIQUE ET LES TRANSPORTS
On désigne ici par le terme d'activité physique les modes de déplacement dits actifs ou doux, à savoir essentiellement la marche à pied et le vélo. L'activité physique a des effets bénéfiques importants sur la santé, notamment sur l'obésité et les maladies cardiovasculaires. Par conséquent, inciter les individus à pratiquer une activité physique pour leurs déplacements constitue un enjeu fort. Au niveau international, l'outil HEAT, développé par l'OMS, permet d'estimer les impacts de l'activité physique sur la santé. Il a été intégré aux référentiels d'évaluation des projets de transport de la Suède et de l'Angleterre. Au niveau français, l'étude RECORD pilotée par l'Inserm, avec la collaboration du Certu et le soutien financier de la DGITM, vise entre autres à déterminer des stratégies d'intervention conduisant à un renforcement de la pratique de la marche ou du vélo. Toutefois, en France, les politiques publiques en matière de prise en compte de l'activité physique dans les transports sont pour le moment limitées aux acteurs de la santé. Un développement des outils d'évaluation, couplé à une sensibilisation des collectivités territoriales, permettraient d'élargir cette problématique, en y incluant de manière active les acteurs des transports.
A. L'activité physique, mode de déplacement actif ou doux ?
Lorsque l'on s'intéresse au domaine des transports, l'activité physique fait, en général, référence à deux modes particuliers de transport : la marche à pied et le vélo. Ces modes de transports ont une terminologie particulière, au sens où ils sont qualifiés d' « actifs » par les acteurs de la santé (puisqu'ils permettent de faire de l'activité physique), et de « doux » par ceux des transports (car ils créent beaucoup moins de nuisances que les autres modes). Il s'agit ainsi d'aborder une thématique avec une double vision : celle de la santé, où la manière de se déplacer est une des nombreuses façons de pratiquer une activité physique, et celle des transports, où marche et vélo sont des modes de déplacement singuliers.
A.1. L'activité physique en tant que problématique de santé publique
Aujourd'hui, il est connu que l'activité physique a des effets favorables sur la santé. En 1992, le Docteur Bouvier (Papon, 2011) a mis en évidence que l'exercice physique favorisait le développement de la force et de la résistance des muscles, le développement des muscles respiratoires (limitant ainsi l'asthme et la bronchite), protégeait contre la maladie coronarienne, diminuait le risque d'obésité et d'ostéoporose, améliorait la tolérance au glucose et donc le contrôle du diabète, facilitait l'accouchement et avait une action favorable sur la dépression, l'estime de soi, l'anxiété et le stress mental. Le facteur le plus important en termes de santé publique est l'influence sur le poids et la réduction du risque de maladies cardio-vasculaires.
A.2. L'activité physique en tant que mode de transport à part entière
L'activité physique, avec la marche à pied et le vélo, tend de plus en plus à être reconnue comme un mode de déplacement en soi, à côté de transports plus classiques comme la voiture ou le train. Les déplacements liés à ces modes de transport étant essentiellement locaux, cette prise de conscience est encore modeste au niveau national. Elle est plus avancée au niveau local, notamment dans les grandes communes qui sont amenées à investir entre autres dans des pistes cyclables. Cependant,
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L'activité physique et les transports
inciter les citoyens à se déplacer tout en faisant de l'activité physique nécessite de penser au-delà d'un simple mode de transport : le recours à la marche ou au vélo est une alternative de transport offerte à un individu, au même titre que l'emploi d'une voiture individuelle ou la prise des transports en commun. Il s'agit alors de trouver la meilleure manière de rendre attractifs ces modes de transports afin d'encourager leur pratique. En abordant la problématique sous l'aspect mode de transport, on fait donc référence plutôt à l'activité physique dite utilitaire, distincte de l'activité physique dite récréative. L'activité physique correspond à tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques et entraînant une augmentation des dépenses d'énergie par rapport à la dépense de repos. Elle varie selon l'intensité, la durée, la fréquence et le contexte dans lequel elle est pratiquée. A ce titre, la marche à pied et le vélo permettent de concilier activité physique et déplacement.
B. L'activité physique et les transports, origines et conséquences
La prise en compte de l'activité physique dans les politiques publiques, et notamment les politiques de transport est très inégalement développée selon le territoire concerné. L'Amérique du Nord, touchée depuis quelques dizaines d'années par les problèmes d'obésité de la population, dispose notamment de nombreux travaux de recherches sur le sujet.
B.1. Etat de l'art académique : la littérature nord-américaine
A la fin des années 1990, de nombreuses études académiques nord-américaines ont mis en évidence que la vie sédentaire était néfaste pour la santé, puisqu'elle augmentait directement les risques de maladies cardiovasculaires et les attaques cardiaques (NIH Consensus Conference, 1996) (Wannamethee & Shaper, 1999). Au contraire l'activité physique prolonge la durée de la vie (Lee & Paffenbarge, 2000). Le risque induit sur la santé par une activité physique insuffisante est du même ordre de grandeur que ceux induits, par exemple, par le cholestérol ou le tabac (Blair, et al., 1996). De même, l'activité physique est bénéfique pour certains types de cancer (Kampert, et al., 1996) (Oliveria & Christos, 1997). Outre ces effets directs sur la santé, le manque d'activité physique augmente la tendance à être en surpoids (Frumkin, 2002), et donc implique des effets indirects sur la santé liés à l'obésité. Ainsi, l'activité physique a des effets positifs sur l'obésité, les diabètes de type II, l'hypertension, les maladies cardiovasculaires, l'ostéoporose, la santé mentale et certains cancers (Morrison, et al., 2003). Il peut être possible d'améliorer la santé en changeant la manière dont les individus ont recours aux différentes formes de transport, et les politiques de transports portées par l'administration ont des effets majeurs sur les déplacements des individus, y compris les déplacements non motorisés (Victoria Transport Policy Institute, 2011). Par ailleurs, le nombre de décès d'individus en insuffisance d'activité physique aux Etats-Unis est supérieur d'un ordre de grandeur à celui des décès dus aux accidents de la route (Murray, 1996). Par conséquent, en parallèle des études liées aux effets sur la santé de l'activité physique, d'autres études académiques ont été menées afin d'estimer les bonnes pratiques de politiques publiques permettant d'intégrer cette problématique. Il ressort de ces études (Lee & Vernez Moudon, 2004) (Litman, 2003) que : la marche, et dans une moindre mesure le vélo, constituent des formes privilégiées d'activité physique
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L'activité physique et les transports
il est utile encourager un aménagement urbain approprié, facilitant les déplacements doux et actifs (pistes cyclables, trottoirs larges) et incitant à leur pratique pour des trajets de proximité il est également utile de privilégier une urbanisation mixte en terme d'occupation de l'espace afin de ne pas allonger démesurément les trajets entre logements et commerces des systèmes de transport en commun performants et agréables peuvent être développés pour relier les centres d'intérêts des mesures incitatives peuvent être envisagées (péages urbains ou routiers, parkings...) le succès des résultats des stratégies d'intervention dépend de nombreux facteurs, comme par exemple la réactivité de l'environnement local, les ressources disponibles, ou la facilité et le coût de mise en oeuvre de ces interventions.
B.2. Le développement d'outils internationaux d'évaluation
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande notamment la pratique presque quotidienne de 30 minutes d'un exercice physique régulier d'intensité modérée, dans le but de réduire les risques de maladies cardiovasculaires, de diabète, de cancer du côlon et du sein (OMS, 2004). Dans le cadre du Programme Paneuropéen sur le Transport, la Santé et l'Environnement (OMS & CEE, 2009) (THE PEP : Transport, Health and Environment Pan-European Programme), l'OMS a développé un outil permettant de monétariser l'impact de la marche et du vélo sur la santé : l'outil HEAT (Health Economic Assessment Tool for Walking and Cycling) (Kahlmeier, 2009). L'outil HEAT est destiné aux décideurs et aux planificateurs de transport (Kahlmeier, et al., 2011). Il se veut simple d'utilisation et à finalité pratique. Il permet de quantifier les bénéfices sur la santé à partir d'un taux de mortalité réduit, en se basant sur l'activité physique régulière due à la marche et au vélo. Le lien avec la santé se fait par l'intermédiaire du taux de réduction du risque de mortalité liée à la pratique de la marche (22%) ou du vélo (28%). Ces chiffres se basent sur des estimations de 29 minutes de marche par jour à 4,8 km/h (Andersen, et al., 2000) et de 3 heures de vélo par semaine, à raison de 36 semaines par an, à 14 km/h (Hamer, et al., 2009). En fonction de la quantité d'activité physique accomplie par individu, et du nombre d'individus concernés par cette pratique, une évaluation économique basée sur la valeur statistique de la vie humaine (VSL : Value of Statistical Life) permet de chiffrer le gain pour la société. Les principales limites actuelles de cet outil résident dans le nombre d'études utilisées pour estimer la réduction du risque de mortalité (neuf pour la marche, et une seule pour le vélo) et dans le raisonnement simplifié quant à la monétarisation des impacts sur la santé (qui se traduisent uniquement par une réduction du nombre d'années de vie). HEAT est cependant mis à jour progressivement et enrichi par de nouvelles études sur le domaine, ce qui tend à le rendre de plus en plus pertinent. L'utilisation d'un tel outil dans de nombreux pays, y compris la France, représenterait une avancée majeure dans les processus d'évaluation des projets de transport. C'est ainsi que la Suède et l'Angleterre ont intégré cet outil dans leurs référentiels d'évaluation. Une autre méthode a été suivie par les partenaires publics, dans le cadre du projet de création d'une agglomération franco-suisse autour de la ville de Genève (Comité régional franco-genevois, 2007), où une étude d'impact portant, entre autres, sur la santé a été réalisée. Cette étude s'inspire d'un outil développé par la ville de San Francisco, le Healthy Development Measurement Tool (HDMT). Elle s'intéresse notamment à l'appréciation des coûts sanitaires engendrés par l'inactivité physique et ceux évités par la pratique d'une activité physique suffisante, en fonction de l'utilisation des modes
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L'activité physique et les transports
de déplacement non motorisés (marche et vélo). Elle utilise comme donnée d'entrée une étude suisse, conduite par l'Institut de médecine sociale et préventive de l'hôpital universitaire de Zurich. Cette étude porte sur les répercussions économiques du rapport entre santé et activité physique. Le calcul des coûts directs (engendrés et évités) de différentes pathologies en relation avec le niveau d'activité physique a ainsi été réalisé. La principale limite de cette méthode réside dans la territorialité de l'étude médicale, portant sur la Suisse uniquement. Par conséquent, une extension de cette méthode à la France serait possible sous réserve de réaliser une étude sanitaire similaire à celle conduite en Suisse.
B.3. L'étude RECORD
Depuis 2007, en France, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a lancé l'étude RECORD (Inserm, 2011), dont l'objectif principal est d'étudier les disparités de santé (essentiellement les maladies coronaires et facteurs de risques cardiovasculaires) en Ile-de-France. Cette étude se focalise sur la manière dont l'environnement géographique de vie influe sur la santé (caractéristiques physiques de l'environnement, services présents à proximité, interrelations sociales...). Par conséquent, parmi les buts visés par cette étude se trouve celui de proposer des stratégies d'intervention permettant de créer des opportunités environnementales incitant à un mode de vie sain, dont la pratique d'une activité physique régulière fait partie. A cet effet, une cohorte épidémiologique de 7 300 participants dans 1 915 quartiers d'Ile-de-France participe à cette étude. Pour l'instant, l'étude étant toujours en cours, les résultats ne sont que partiels (Chaix, 2011). Pour l'ensemble des personnes interrogées, plus de la moitié de la marche utilitaire se déroule dans leur quartier. La marche utilitaire est la plus importante dans un environnement de densité moyenneélevée, avec une forte connectivité du réseau de rue, un grand nombre de lignes de transports en commun et un faible niveau d'insécurité. Un partenariat entre l'Inserm et le Certu est en train de voir le jour, afin notamment de pouvoir croiser les méthodes épidémiologiques développées par l'Inserm et les bases de données transport du Certu, et ainsi de pouvoir mesurer précisément l'impact de la marche et du vélo sur la santé. L'activité physique a des effets bénéfiques sur la santé, et notamment sur l'obésité, les diabètes de type II, l'hypertension, les maladies cardiovasculaires, l'ostéoporose, la santé mentale et certains cancers. Il est possible d'améliorer la santé des individus en changeant la manière dont ils ont recours aux différentes formes de transport. Une urbanisation et une planification adéquates peuvent inciter les individus à augmenter leur niveau d'activité physique à un niveau suffisant. A l'échelle internationale, plusieurs outils ont été développés afin de pouvoir inclure dans les politiques publiques les bénéfices liés à l'activité physique sur la santé. On peut citer notamment l'outil HEAT de l'OMS, dont la principale limite actuelle réside dans le raisonnement simplifié pour la monétarisation des impacts sur la santé, et qui s'enrichit progressivement avec de nouvelles études. En France, la vision des différents acteurs est en train d'évoluer, en particulier avec l'étude RECORD menée par l'Inserm, qui vise entre autres à identifier des opportunités environnementales incitant à un mode de vie sain, et donc à déterminer des stratégies d'intervention conduisant à un renforcement de la pratique de la marche ou du vélo.
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L'activité physique et les transports
C. Prise en compte actuelle par les politiques publiques
Aujourd'hui en France, les politiques publiques visant à favoriser l'activité physique sont principalement portées par les acteurs du monde de la santé, bien que la tendance soit à une prise de conscience plus ample de la problématique, y compris par les acteurs du domaine des transports.
C.1. Les positions des différents acteurs sur la question de l'activité physique
Depuis quelques années, l'activité physique constitue en effet une problématique de santé publique. En témoigne notamment le nombre élevé d'actions nationales pour les activités physiques portées principalement par les ministères en charge de la santé et des sports : 14 pour la période 2001-2006 (Bréchat, 2009). On peut notamment citer le programme national santé environnement 2004-2008, dont une des actions consistait à porter à 10 % la part modale des déplacements à vélo en ville à l'horizon 2010. Les liens forts entre santé et activité physique ont notamment été reconnus par le monde politique entre 2007 et 2010, avec un même ministre en charge à la fois de la santé et des sports. Les déplacements par les modes actifs ou doux se faisant néanmoins sur de courtes distances, la démarche actuelle d'évaluation du ministère en charge des transports, historiquement intéressé par des modes de transports nationaux, ne prend pas en compte la notion d'activité physique (Ministère en charge du développement durable, 2008). On constate cependant une prise de conscience émergente de la part des collectivités par rapport à la problématique. Cette prise de conscience se fait encore majoritairement de manière indirecte (par exemple, la mise en place d'un système de vélos en libre-service, en général motivée par des intérêts plutôt écologiques, incite à l'activité physique). Toutefois, dans le cadre d'un projet de transport en commun comme la création d'une ligne de tramway, certaines collectivités pourraient avoir envie d'aller plus loin dans les dossiers d'études d'impact, notamment pour y inclure les bénéfices liés à une augmentation du niveau d'activité physique des riverains.
C.2. Les pratiques actuelles
Les politiques publiques actuelles étant essentiellement portées par les acteurs du monde de la santé, celles-ci se traduisent principalement par des campagnes de communication. Lors de la mise en place de telles campagnes, le message général consiste à présenter la marche et le vélo comme un atout pour la personne (Jardinier, 2011). A ce titre, une campagne intitulée « Bouger 30 minutes par jour c'est facile » avait été mise en place entre le 15 novembre 2010 et le 15 mai 2011 par l'INPES (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé) (INPES, 2010). Cette campagne de communication, qui s'appuyait sur un spot télévisé et de l'affichage urbain, visait à amener les citadins à reconsidérer et à intégrer la marche et le vélo dans leurs pratiques quotidiennes en indiquant, par une signalétique urbaine à destination des piétons, des distances en temps (par exemple, « centre-ville, 15 minutes »). Une politique plus concrète, développée dans de nombreuses municipalités depuis quelques années est l'instauration d'un réseau de vélo en libre-service. Bien que La Rochelle et Rennes aient été précurseurs dans le domaine, le système a réellement pris de l'ampleur en France avec les Velo'v de Lyon en 2005, puis les Vélib' de Paris en 2007. Les résultats de cette politique dans les deux plus grandes villes françaises sont très positifs : avec 18 000 Vélib' en circulation à Paris et dans les communes limitrophes (30 à ce jour), on comptabilise entre 25 et 30 millions de déplacements par
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an. Les politiques publiques favorisant le recours au vélo doivent toutefois prendre en compte les freins à la pratique de ce mode de transport. D'après une étude réalisée en 2003 (SOFRES, 2003), les raisons principales avancées pour la non-pratique du vélo sont la trop forte distance à parcourir (32%), la peur de se faire renverser par une voiture (25%), la condition physique insuffisante (24%) et l'insuffisance de pistes cyclables (23%).
C.3. Les évolutions possibles
La prise en compte de la problématique de l'activité physique, via les deux modes de transport que constituent la marche à pied et le vélo, est un enjeu majeur de santé publique. Les effets bénéfiques sont plus sensibles au niveau local, où ces deux modes de transport peuvent rentrer en concurrence avec d'autres formes de déplacement. Toutefois, les collectivités, responsables à la fois de la planification de l'urbanisation et du développement des réseaux locaux de transport en commun, ne disposent pas encore d'outils suffisamment pratiques pour pouvoir intégrer de manière explicite cette problématique dans leurs travaux. Les péages urbains constituent un exemple de politique publique innovante, censée favoriser les déplacements en transports en commun et via des modes actifs ou doux. Ceux-ci, déjà en service dans certaines métropoles européennes (Londres, Stockholm ou encore Milan), ont été rendus possibles à titre expérimental en France avec la loi Grenelle II (Loi Grenelle II, 2010). Toutefois, comme en témoignent aussi bien les études académiques conduites en Amérique du Nord ou les conclusions provisoires de l'étude RECORD de l'Inserm, il est nécessaire, pour une intégration réussie de la problématique de l'activité physique dans les transports, de conduire une politique publique coordonnée, ne se bornant pas à une interprétation trop restrictive des limites du domaine des transports. L'outil HEAT, développé par l'OMS, bien qu'imparfait, présente plusieurs avantages majeurs : il permet de proposer une méthode pratique de monétarisation de l'activité physique dans les déplacements, alors que cet aspect est, pour le moment, totalement ignoré dans les évaluations des politiques publiques ; il est international, et donc peut être utilisé pour des comparaisons entre pays de certaines politiques publiques. Les politiques publiques en matière de prise en compte de l'activité physique dans les transports sont pour le moment limitées aux acteurs de la santé. Pour élargir cette problématique, en l'inscrivant réellement dans les politiques de transport, les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle important, en tant que responsables de l'urbanisation et des transports locaux. Cependant, elles ne disposent pas encore, pour le moment, de tous les outils adéquats pour conduire à bien une telle action publique.
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Partie III. Analyse critique
III.1. Bilan
La problématique de la santé dans les transports émerge fortement depuis les années 2000, et ce au niveau international. Pourtant en France, les impacts sur la santé ne sont pas systématiquement inclus dans les projets liés aux transports. Le choix des thématiques auxquelles nous nous sommes intéressés a permis de couvrir un large panorama représentatif de ce thème. Les entretiens avec des experts du domaine nous ont permis non seulement d'avoir une approche synthétique sur le sujet, mais également de mieux appréhender les différents points de vue auxquels nous avons été confrontés. Concernant l'activité physique, les politiques publiques se focalisent pour l'instant sur les acteurs de la santé. Afin d'avoir une action plus concrète et efficace pour mieux intégrer l'activité physique dans les transports, d'autres acteurs comme les collectivités territoriales pourraient jouer un rôle majeur. Cela implique de créer des outils fiables et efficaces afin que leurs programmes d'urbanisation et de gestion des transports locaux puissent être plus incitatifs vis-à-vis des usagers pour qu'ils utilisent aussi bien les transports en commun que les modes de déplacement doux et actifs. Les acteurs interrogés sont unanimes sur ce point. Le stress est pour l'instant peu intégré dans les politiques publiques, principalement à cause de la difficulté à le mesurer de manière fiable et concrète. Ainsi, ce sont avant tout des actions visant le confort des usagers et employés qui sont mises en avant, comme dans les Plans de Déplacement des Entreprises. Le développement des transports alternatifs ou une amélioration du confort des usagers sont d'autres voies fréquemment suivies. Les professionnels de la santé alertent d'ores et déjà sur l'importance de ce thème, qui risque de croître fortement dans les années à venir. Les domaines de la pollution de l'air et du bruit sont aujourd'hui pris en compte par les politiques publiques pour plusieurs raisons. Ces nuisances sont connues depuis longtemps, des études épidémiologiques ont pu être menées, mais elles demeurent insuffisantes. Il s'agit d'éléments déjà concernés dans les études d'impact environnemental, et sur lesquels la population se sent souvent très directement concernée. Ainsi le rapport Boiteux 2, qui propose déjà des préconisations directement applicables sur le terrain, est utilisé comme référence par les professionnels du secteur. Cependant, le groupe de travail du rapport Boiteux 2 a été très prudent dans son chiffrage, qui est aujourd'hui considéré comme sous-estimé. Il apparaît que cette sous-estimation a pu être guidée par le choix de ne pas grever le bilan socio-économique des infrastructures prévues en l'absence de certitudes scientifiques absolues. Ce choix peut paraître risqué d'un point de vue sanitaire, mais il est important de prendre des précautions dans la réglementation, puisque les choix de pondération que l'on peut faire entre différents enjeux traduisent aussi les priorités de l'Etat et peuvent évoluer au cours du temps. Quoiqu'il en soit, il apparaît comme indispensable de réévaluer les valeurs tutélaires
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régulièrement afin de s'adapter aux évolutions scientifiques et politiques. Des recherches scientifiques doivent être poursuivies pour éclairer ce sujet. Globalement, on note que la problématique de la santé dans les politiques publiques est aujourd'hui encore émergente, et que les outils pour mieux la considérer se mettent en place progressivement. Le terme de santé, comme le définit l'Organisation Mondiale de la Santé, est encore difficilement mesurable. Les meilleures intégrations des problématiques dans les projets de transports sont réalisées dans les secteurs où les effets sont mesurables et monétarisables. Le bruit et la pollution de l'air sont directement appréhendés et commencent à être intégrés tant aux projets qu'aux politiques. D'autres aspects, comme l'activité physique ou le stress restent encore aujourd'hui plus vagues, aussi bien pour l'opinion publique que dans les actions entreprises politiquement. Pour les composantes de la santé bien maîtrisées dans l'état actuel de la science, on peut alors passer à la mise en oeuvre de réglementation et de mesures : c'est ici qu'interviennent les méthodes de monétarisation. Afin de mettre en place ces méthodes de monétarisation de manière efficiente, de très nombreux paramètres sont à intégrer, et les formules mathématiques sous-jacentes nécessitent d'être vérifiées. Aujourd'hui, ces concepts commencent à être efficaces dans certains domaines, mais on note également qu'il existe de grosses lacunes dans d'autres. Ainsi, des simplifications à l'extrême de modèles, des définitions qui divergent selon les acteurs, des poids de critères sur ou sous-évalués, ou encore tout simplement des oublis concernant des paramètres non mesurables, ou non encore mesurés, sont autant de défauts qui laissent penser que l'herméticité de la méthode est dangereuse. Au fil de nos recherches et de nos entretiens, nous avons perçu que la monétarisation des externalités est un outil controversé, dont tous reconnaissent la pertinence lorsqu'il s'agit de savoir si un investissement est désirable, mais dont beaucoup encore critiquent la sensibilité aux hypothèses. Toutefois, les questions éthiques que certains soulèvent au sujet de la valorisation systématique ne sont pas des questions propres au problème de la santé : refuser de donner une valeur au temps ou aux loisirs relève d'une remise en question de l'économie dans son ensemble, et traiter cette question s'écarte des prérogatives de ce rapport. La monétarisation est ici simplement un outil pour comparer des éléments qui dans leur état initial ne s'expriment pas dans la même unité. Par ailleurs, cette monétarisation devrait être menée de concert avec les professionnels de santé et intégrer les économies potentielles, notamment pour les comptes de la sécurité sociale. Ces derniers sont en effet aujourd'hui très déficitaires et constituent un enjeu important dans un contexte de dette publique importante.
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Ainsi, nous pouvons mettre en exergue différentes pistes d'actions qui pourraient être suivies, à court ou à long terme, afin d'améliorer l'intégration de la problématique de santé dans les transports. Au niveau scientifique : Mise en place d'un processus de capitalisation des connaissances au niveau supranational. De nombreuses études, projets, statistiques et expériences ont été menées et sont en cours, mais peu de recoupements existent sur le sujet. Cette capitalisation permettrait de repartir de bases solides pour faire avancer les recherches. Approfondissement de la méthode de monétarisation : tout comme les études d'impact environnemental, qui sont fondées sur une littérature académique pour être appliquées ensuite aux politiques publiques, l'étude d'impact sanitaire pourrait se baser sur une littérature spécialisée en économie de la santé (voir la partie monétarisation) et trouver ensuite une forme lui permettant de s'appliquer aux politiques publiques. Mise en oeuvre des études manquantes, qui ont été mentionnées dans les différentes parties thématiques. Au niveau administratif et politique : Mise en place de stratégie de lutte contre le stress : difficilement mesurable actuellement, impliqué dans de très nombreux domaines et pressenti comme étant un des fléaux à venir dans nos sociétés modernes, des solutions efficaces commencent à émerger (favorisation du télétravail, diminution des temps de trajets quotidiens en favorisant des politiques urbaines de mixité de quartier, limitation des déplacements domicile/travail, etc.). Encouragement des recherches sur le thème de la santé dans les transports. Rédaction d'une nouvelle version du référentiel d'évaluation des politiques de transport, prenant davantage en compte la problématique de la santé. Amélioration de la coordination entre les différents niveaux politiques d'une part (collectivités territoriales, Etat, différentes agences) et les différents domaines (santé, économie, écologie, transports etc.)
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III.2. Retour sur le travail effectué
III.2.a. Les entretiens
Nous avons réalisé un certain nombre d'entretiens parmi les acteurs de la santé et des transports identifiés préalablement. Le tableau ci-dessous présente les différents entretiens réalisés, dont les comptes-rendus sont joints en annexe. Organisme
Unité de recherche clinique en économie de la santé Sétra
Nom
Dr Isabelle DURAND-ZALESKI
Fonction
Directrice de l'URC
Damien GRANGEON
Ancien chargé d'études socio-économiques des transports rédaction d'un rapport sur la monétarisation des externalités environnementales Chargé de recherche sur les impacts de l'environnement sur la santé Travail sur l'étude RECORD Animation du RST Air Chargé de mission « approche systémique de la mobilité » Chargée d'études sur les nuisances sonores Chef de la subdivision des déplacements en libre-service à la Direction de la Voirie et des Déplacements Doyen de la faculté rapporteur du rapport Boiteux 2 Président de la FNAUT
Inserm
Basile CHAIX
Certu
Fabienne MARSEILLE Laurent JARDINIER
Marie-Paule THAVEAU Ville de Paris Raymond DEL PERUGIA
Faculté de sciences économiques de Lyon FNAUT
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Luc BAUMSTARK
Jean SIVARDIERE
Tableau : liste des entretiens réalisés au cours du GCT Cette liste de contacts provient pour partie de la DGITM qui nous a fourni les noms de correspondants au Sétra et au Certu, ainsi qu'à l'Inserm. Nous avons ensuite élargi cette première liste par des recherches personnelles et notre propre réseau de contacts. Ces rencontres nous ont permis en premier lieu de préciser la bibliographie que nous avions pu lire auparavant, et de la compléter par des envois supplémentaires. Les entretiens se sont également révélés indispensables pour obtenir une nouvelle vision sur des questions importantes, comme la monétarisation des
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Cet entretien téléphonique fut relativement court et informel, il n'a donc pas fait l'objet d'un compte-rendu détaillé que nous aurions pu inclure dans les annexes du rapport.
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impacts sanitaires des transports. Enfin, ils nous ont permis de faire le point sur le jeu d'acteurs existant autour de notre sujet, en distinguant les acteurs intéressés et impliqués, ainsi que les points d'achoppement ou de consensus. Nous aurions souhaité pouvoir étendre cette liste d'entretiens, mais nous n'avons pas pu obtenir de réponse de la part de certaines personnes que nous avions contactées, notamment à la RATP. Nous avons également manqué de temps pour profiter des informations fournies lors de certains entretiens. Ainsi, le docteur Durand-Zaleski nous a en particulier mentionné Roger Salamon, président du HCSP et directeur honoraire de l'UFR de médecine de Bordeaux, et Pierre Lombrail, professeur de médecine et président de la Société Française de Santé Publique, qui auraient pu nous fournir une expertise plus poussée sur les aspects sanitaires du sujet. De même, nous n'avons pas eu le temps de chercher des contacts au ministère de la Santé pour compléter la vision du commanditaire. Il serait intéressant pour la DGITM de poursuivre ce travail d'entretiens et de contacts pour lancer cette dynamique transversale nécessaire au traitement de la thématique santé et transports.
III.2.b. Autres thématiques
Au cours de nos travaux, nous avons étudié quatre grands enjeux sanitaires impliquant les transports (la pollution de l'air, le bruit, le stress et l'activité physique), et nous avons souligné la difficulté de prendre en compte tous les effets de chacun de ces enjeux, et l'importance qu'il y a à trouver et comprendre les effets peu ou pas connus. De la même façon, il est essentiel de rester attentif à des effets sanitaires encore méconnus ou laissés de côté qui pourraient émerger. Au cours de nos entretiens, nous avons pu dégager quatre de ces thématiques novatrices. Le dépôt de particules Les transports, principalement routiers, émettent des particules fines, lesquelles se déposent sur le sol. Ce phénomène peut causer des problèmes environnementaux, mais aussi sanitaires : ce dépôt peut avoir lieu sur des zones agricoles, et risque alors de contaminer les cultures. La surface concernée autour d'une route dépend de la taille initiale des particules. Ainsi, pour les grosses particules, la déposition se fait par gravité, influencée par le vent, et les particules restent à proximité immédiate de la route. C'est aussi le cas du plomb, qui se dépose sur quelques dizaines de mètres autour des routes (Hertig & Fallot, 2006). Les mesures de défense classique sont la création d'une zone de protection autour de la route, c'est-à-dire la construction d'un talus ou d'un rideau végétal réduisant la distance de transport en cas de vent dominant. Du point de vue agricole, cet enjeu n'est pas nécessairement significatif dans la mesure où les émissions sont aujourd'hui très réduites, et où des mesures de protection simples à mettre en oeuvre existent. La part de la production agricole située à moins de 20 à 30 mètres d'une route importante est relativement faible. En revanche, les potagers dans les zones urbaines ou périurbaines pourraient être directement concernés. Les particules de moins de 2µm se comportent comme des gaz, ce qui augmente considérablement la distance de transport. Ces particules subissent tout comme les gaz un dépôt, dû à l'électricité statique, l'adsorption ou les réactions chimiques de surface. Ce phénomène peut être amplifié par un lessivage de l'atmosphère lors de la pluie. Le lieu de dépôt des particules est alors fortement dépendant des conditions climatiques. Certains modèles de qualité de l'air sont capables de prendre en compte ces phénomènes (Mallet, et al., 2007). Il est par contre difficile d'évaluer l'impact sanitaire de ces dépôts du fait de la diversité des particules.
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La pollution de l'eau Nous avons évoqué le dépôt des polluants au voisinage de la route, mais ceux-ci se déposent également sur la route elle-même. Lors des pluies, les routes sont lessivées et des particules polluantes peuvent être entraînées vers les cours d'eau ou les nappes phréatiques. Ceci concerne également les hydrocarbures et huiles ayant pu fuir ou présents dans les gaz d'échappement, des poussières de frein ou de pneu (caoutchouc, zinc, cadmium et cuivre), ou de la chaussée elle-même (poussières de bitume, zinc des glissières de sécurité). Le sel et le sable utilisés en hiver représentent aussi un volume très important. Une autoroute d'une taille moyenne produit tous les ans environ 25kg d'hydrocarbures, 4kg de zinc et 500g de plomb par kilomètre (Sénat, 2002). Des enjeux similaires existent au voisinage des pistes d'aéroports. Malgré les risques sanitaires que cela pourrait créer au niveau de l'approvisionnement en eau potable, cet enjeu est aujourd'hui bien pris en compte sous l'angle de l'environnement. Une méthode classique de dépollution est la décantation dans un bassin artificiel. Le choix du type de bassin et de sa taille dépend de l'objectif poursuivi lors de sa construction. De façon générale, un grand bassin permet un séjour de l'eau plus long, et ainsi une meilleure décantation. Dans une moindre mesure, un simple fossé permet aussi une décantation qui concentre la pollution au voisinage direct de la route. Ces systèmes permettent aussi de capter au moins partiellement une pollution ponctuelle, liée par exemple à l'accident d'un poids lourd transportant un liquide dangereux. Transmission des épidémies lors des trajets en transports en commun Un autre enjeu qui concerne les infrastructures de transports est la concentration massive d'usagers. Dans le cas des transports en commun, cela crée la possibilité de contacts entre les usagers, ce qui peut favoriser la transmission de maladies. Ce facteur est d'ailleurs pris en compte dans certains modèles de diffusion d'épidémies (Basileu, et al., 2010). On distingue deux effets pervers des transports : d'une part, la transmission se faisant souvent par l'air et par le contact des mains avec des surfaces contaminées, comme c'est le cas pour les grippes ; d'autre part, on peut craindre que le confinement des rames de métro ou RER, ainsi que le contact avec les mains courantes favorisent la diffusion massive de la maladie au sein de la population. Les transports à longue distance, notamment aériens, favorisent de plus la transmission de la maladie d'une partie du globe à une autre, et ainsi augmentent le risque de pandémie. En plus de mesures de précaution classique, auxquelles participent les campagnes de l' Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) pour le lavage des mains, des mesures d'exceptions graduées sont prévues dans le plan de pandémie grippale, telles que la désinfection des moyens de transport, l'incitation à réduire l'utilisation des moyens de transport en commun, l'utilisation de masques, voire la mise en quarantaine des cas suspects ou l'arrêt de certains transports en commun. Les mesures les plus extrêmes ne peuvent évidemment être justifiées que par un risque majeur, à cause des coûts économiques qu'elles auraient, ainsi que de la désorganisation qu'elles créeraient. Dans le cas de la grippe A en 2009, le secrétaire d'état aux transports, Dominique Bussereau, avait déclaré à Europe 1 qu'il était envisagé de modifier le fonctionnement des transports en communs en cas d'aggravation de la crise en pandémie. L'entretien et le cycle de vie de l'infrastructure Lorsque l'on parle de relation entre la santé et les transports, on considère souvent les impacts liés au mobile avec lequel on se déplace, tel que la voiture ou le train, mais pas toujours de
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l'infrastructure en elle-même. La fabrication, l'entretien et le démantèlement d'une infrastructure peuvent faire appel à des méthodes ou des composés beaucoup plus dangereux pour la santé au moment de leur mise en oeuvre que de leur utilisation. Par exemple, les enrobés sont souvent appliqués à chaud, ce qui provoque un dégagement de fumées nocives irritantes, et cancérogènes (présence d'hydrocarbure benzéniques et aromatiques polycycliques). Cela nécessite des précautions importantes (équipements de protection individuels, minimisation de l'exposition), qui ne sont absolument pas nécessaires lors d'une utilisation courante de l'infrastructure, puisque le risque disparaît. Cette problématique de l'entretien d'une infrastructure concerne avant tout les travailleurs qui sont directement au contact du chantier, mais elle peut aussi se faire ressentir par les riverains d'une zone de chantier, qui peuvent être exposés aux poussières et dégagements de vapeurs. En outre, la thématique du bruit est particulièrement sensible pendant la phase de chantier. Celle-ci fait cependant l'objet de recommandations spéciales dans l'étude d'impact environnemental pour limiter les nuisances faites aux riverains. En complément de nos études bibliographiques, notre travail s'est largement appuyé sur des entretiens réalisés avec des acteurs du monde de la santé et des transports. En recouvrant un panel assez large de sensibilités et de centres d'intérêts, ces rencontres ont permis d'élargir nos premières constatations et de nous poser de nouvelles questions. Ces contacts devraient être poursuivis et approfondis pour mieux couvrir la diversité des acteurs concernés et lancer une dynamique transversale nécessaire à la prise en compte de la question de la santé dans les transports. Au cours de ces entretiens et à la lecture de la bibliographie, un certain nombre de thématiques supplémentaires, que nous n'avons pas eu le temps de traiter dans le cadre de ce GCT, ont émergé. Il s'agit des questions du dépôt des particules aux abords des infrastructures, de pollution des eaux, de propagation des épidémies dans les transports en commun et enfin d'impacts d'une infrastructure au cours de son cycle de vie. Le degré actuel de prise en compte de ces thématiques dans les politiques est très variable, et il en va de même pour l'importance de la bibliographie concernée. Par conséquent, la réflexion sur ces thématiques doit être poursuivie.
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III.3. Perspectives
III.3.a. Evolution de la monétarisation
La prise en compte des externalités de santé publique dans le calcul de rentabilité économique des projets d'infrastructure est récente. La plupart des études qui s'y intéressent rassemblent dans un même document la problématique de la santé et celle de l'environnement, deux domaines qui sont effectivement liés, et emploie les méthodes développées pour l'une pour l'appliquer à l'autre. Toutefois, la réflexion que nous avons menée sur le sujet spécifique de la santé nous amène à penser qu'il existe une méthode plus adaptée pour l'évaluation quantitative des impacts des infrastructures de transport sur la santé publique. L'étude des impacts sanitaires se distingue de celle des impacts environnementaux pour deux raisons majeures : d'une part pour des raisons d'asymétrie d'information, et d'autre part pour la situation « monopolistique » du secteur médical. A titre d'exemple, on considère l'étude de l'impact sonore d'un projet. Le coût environnemental d'un projet bruyant peut être estimé par l'observation des prix du foncier : en effet, à cause de la gêne occasionnée par le bruit, la demande de logement diminue et les loyers baissent, jusqu'à ce qu'un habitant soit indifférent entre habiter ici mais supporter le bruit, ou bien là-bas et au calme. La différence de loyer engendrée est le coût de cette nouvelle nuisance environnementale. Cela est dû au fait que l'environnement englobe tous les facteurs extérieurs qui influent sur notre bien-être dans un milieu. Du point de vue de la santé à présent, la méthode foncière ne s'applique plus : on cherche à isoler un impact particulier. Elle pourrait s'appliquer si tous les individus connaissaient l'impact exact que ce bruit a sur leur santé, et si ceux-ci changeaient de logement si et seulement si le rapport santé et prix leur paraissait déraisonnable. Or ce n'est pas le cas, on peut être gêné par du bruit sans en être malade pour autant, et on peut tomber malade sans avoir ressenti de gêne au préalable : c'est ce que nous appelons ici l'asymétrie d'information.
On comprend dès lors pourquoi cette asymétrie rend impossible l'application des méthodes par les prix. En ce qui concerne le second point de divergence et la situation monopolistique du secteur médical, il s'agit d'observer que pour la plupart des soins, les individus sont preneurs de prix fixés par l'Etat, et que celui-ci souvent rembourse via la sécurité sociale. Dans la méthode des préférences révélées, l'hypothèse majeure est celle de concurrence pure et parfaite : l'offre et la demande s'égalisent à travers l'établissement d'un prix qui reflète exactement les préférences des consommateurs et les coûts du producteur. Il est évident qu'on en est très loin lorsqu'il s'agit de soins hospitaliers. Ainsi, à travers ce rapport, nous souhaitons réorienter la problématique initiale vers un angle d'approche différent mais déjà répandu, notamment dans certains pays anglo-saxons : l'analyse spécifique à la santé via des grilles de gravité préétablie. Le lien entre santé et environnement existe, du fait que la majeure partie des nuisances sanitaires causées par les transports sont à la fois des nuisances environnementales. Mais l'approche des deux problèmes doit être radicalement différente. En ce qui concerne la santé, il s'agit de travailler de façon rapprochée avec le ministère de
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la santé1 et avec des médecins d'assurance, car ceux-ci disposent des grilles de gravité des maladies et invalidités : une étude économique et technique pure ne donnera pas autant d'information que des spécialistes d'épidémiologie. Cette remarque d'apparence simple est en réalité une importante fenêtre de progrès dans la monétarisation des impacts sanitaires, car la distinction est rarement faite dans la littérature existante. Elle va nécessairement de pair avec les modèles économiques à la Murphy et Topel2, et un certain nombre d'interlocuteurs sur ce sujet pourront être trouvés à l'Ecole d'Economie de Paris, en économie publique et économie de la santé3.
III.3.b. L'importance d'une vision transverse des politiques publiques
A travers la problématique de l'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport transparaît très nettement la nécessité d'aborder de manière transverse les politiques publiques. Ici en l'occurrence, cette problématique fait appel au triptyque transports environnement santé, qui constituent trois compétences distinctes en ce qui concerne l'organisation des politiques publiques. La coopération interministérielle Depuis 2007 en France, avec la fusion des anciens ministères de l'équipement et de l'écologie, le même ministère est en charge des transports et de l'environnement. La création du ministère du développement durable a ainsi permis l'inscription des politiques publiques portées par ce nouveau ministère dans une démarche de développement durable, en essayant de fournir un cadre commun à tous les services du MEDDTL. Cette fusion rend en effet possible l'étroite collaboration des services en charge des politiques publiques dépendant de l'équipement et ceux en charges des politiques publiques dépendant de l'écologie, et par conséquent la recherche d'un optimum global, commun à tout le MEDDTL, potentiellement plus élevé que les optima locaux de chacun des deux anciens ministères. Désormais, les compétences des transports et de l'environnement sont donc réunies au sein du même ministère. Toutefois, en ce qui concerne notre problématique, la santé est une compétence relevant d'un autre ministère, à savoir actuellement le ministère du travail, de l'emploi et de la santé. Dans l'absolu, il est difficile d'imaginer une fusion du ministère du développement durable avec celui de la santé, d'autant plus qu'un rapprochement si radical ne serait d'ailleurs pas forcément souhaitable. En l'occurrence, il s'agirait plutôt de poursuivre et développer les synergies entre les services des deux ministères sur les problématiques communes qui nécessitent un pilotage partagé. Cette coopération entre services permet en effet de faire émerger une position commune, alors que ceux-ci relèvent de ministères différents, et sont habitués à des approches du sujet et à des modes de travail distincts. La partie précédente de ce rapport a notamment éclairé les différences existant entre l'estimation des impacts sanitaires et l'évaluation des impacts environnementaux, qui compliquent le travail interministériel car elles nécessitent pour les acteurs d'adopter le langage de leurs interlocuteurs, et de trouver une approche commune, aisée à mettre en oeuvre et permettant de satisfaire les intérêts de toutes les parties prenantes.
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Notons que cela a été préconisé à la fois dans le rapport Boiteux, dans le rapport du Sétra et par Basile Chaix, qui travaille à l'INSERM sur l'étude RECORD. 2 Voir fiche monétarisation pour ce modèle. 3 Un grand nombre d'idées sur la monétarisation des impacts sanitaires de ce rapport viennent d'un cours d'économie de la santé de Raphaël Godefroy, chercheur à l'EEP.
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En ce qui concerne l'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport, il est ainsi nécessaire d'arriver à adopter suffisamment de recul pour avoir une vision plus vaste de la problématique. Cette prise de recul permettrait ainsi d'identifier des actions où l'ensemble des acteurs, issus aussi bien du domaine des transports que de celui de la santé, seraient gagnants au global. Ici transparaît un des véritables buts de l'action publique : transcender les découpages administratifs pour offrir à la population la meilleure qualité de vie possible. Des actions publiques à coordonner Ce besoin d'une vision transverse de l'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport apparaît déjà dans l'étude des différents impacts sur la santé. En reprenant les impacts étudiés dans ce rapport, on peut par exemple remarquer que les nuisances sonores induisent du stress, et donc que ces deux thématiques ne sont pas totalement indépendantes. Il en va de même pour les maladies cardiovasculaires, dont le risque peut être augmenté à la fois par un manque d'activité physique ou par des nuisances sonores trop importantes. Le domaine de la santé étant éminemment complexe, les acteurs des transports auraient tort de considérer les effets néfastes sur la santé, tout comme les quatre thèmes identifiés ici (pollution de l'air, bruit, stress et activité physique), comme totalement indépendants entre eux. Par conséquent, il est intéressant de garder une vision globale des aspects sanitaires des politiques de transport. La vision transverse doit également apparaître dans l'articulation entre les différents modes de transport. En effet, il convient de s'intéresser aux déplacements dans leur totalité, c'est-à-dire non seulement l'emprunt d'un mode de transport principal, par exemple les transports en commun, mais également les modes de transport annexes, comme la marche à pied avant et après, permettant de compléter le déplacement pour lui donner une origine et une destination cohérentes (par exemple, le déplacement d'un individu de son logement à son lieu de travail). C'est dans ce déplacement total que l'offre de transport doit former un tout global et consistant, afin d'inciter les individus à une utilisation des modes de transports qui leur sont offerts d'une manière conforme à une bonne santé. Il est donc nécessaire d'articuler les travaux des différents décideurs publics, qu'il s'agisse de l'Etat pour les infrastructures de transports de longues distances, ou les collectivités territoriales pour les plus courtes distances, afin de réaliser cette adéquation. Ceci souligne l'importance du rôle des planificateurs de transport et des aménageurs. Par exemple, l'incitation à l'activité physique dépasse le simple périmètre des modes de transport actifs ou doux. En effet, celle-ci passe par une amélioration du cadre de vie des individus d'une manière plus globale, ce qui augmente leur bienêtre et, par conséquent, influe d'autant plus sur leur santé. La réussite de l'adoption d'une vision transverse La segmentation des tâches est rendue nécessaire pour pouvoir faire fonctionner l'action publique, comme dans n'importe quel projet. Cependant, les interfaces et les problématiques d'interrelation entre les différents pans des politiques publiques doivent pouvoir faire l'objet d'un traitement correct et complet. Il existe notamment le risque qu'une problématique à la frontière entre plusieurs champs de compétences, comme par exemple la santé dans les transports, se retrouve délaissée par toutes les parties prenantes si aucune d'entre elles n'est officiellement nommée responsable ou si les autre ne reconnaissent pas sa légitimité à piloter le traitement de cette problématique. Au niveau même du domaine des transports, il est possible de constater une segmentation forte entre la DGITM et la DGAC, notamment en ce qui concerne les problématiques liées au trafic aérien
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et aux nuisances qu'il engendre à proximité des aéroports. De même, la sécurité routière constitue l'une des principales sources d'effets néfastes sur la santé des individus, mais son suivi est accompli par la DSCR. Dans ce contexte, la collaboration entre le ministère en charge des transports et celui en charge de la santé sur la problématique de l'activité physique, via le Certu d'une part et l'Inserm d'autre part, constitue une avancée non négligeable et un exemple à suivre pour progresser dans une approche transverse des politiques publiques, axée sur l'amélioration globale de la qualité de vie des individus. L'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport nécessite d'associer trois compétences distinctes en ce qui concerne l'organisation des politiques publiques : les transports, l'environnement et la santé. Cette association requiert donc une coopération interministérielle forte, permettant de transcender les différences dans la manière d'aborder le sujet pour arriver à une politique publique optimisée au niveau global. Cette vision transverse de la problématique est d'autant plus importante que la santé, tout comme les transports, sont des domaines complexes où il convient de considérer l'intégralité des systèmes pour éviter de réaliser des doubles-comptes ou de négliger certains effets importants. Le rôle particulier des aménageurs, qu'ils se situent au niveau de l'Etat ou des collectivités territoriales, est primordial et nécessite une bonne coordination. La réussite d'une problématique de politique publique partagée par de nombreux acteurs réside en effet dans leur capacité à se rassembler et à travailler ensemble dans une approche transverse, axée sur l'amélioration globale de la qualité de vie des individus.
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Conclusion
Le référentiel d'évaluation actuel des politiques du MEDDTL permet de justifier l'intérêt du projet par rapport à l'objectif visé. Il définit un certain nombre de critères de développement durable sur les aspects économiques, sociaux et environnementaux du projet, pour lesquels les impacts positifs et négatifs doivent être quantifiés en unités monétaires. En l'état actuel, l'environnement permet de s'intéresser aux problèmes de la qualité de l'air et du bruit, mais la plupart des autres thématiques de santé sont encore absentes du référentiel d'évaluation. Pourtant, une demande sociale est en train d'émerger pour avoir une meilleure information sur ces questions sanitaires. En parallèle, une démarche internationale est lancée avec des programmes comme le PPE-TSE, sous l'égide de l'OMS et des Nations Unies, qui incitent les administrations à promouvoir la prise en compte de la santé dans l'évaluation de leurs politiques publiques. Cette démarche peut s'avérer délicate dans la mesure où les personnes concernées par la santé et par les transports sont très nombreuses et dispersées. La question manque encore d'un acteur ou couple d'acteur central et fort qui organise les débats. L'analyse de cinq thématiques permet de dresser un premier état des lieux de la prise en compte actuelle des problématiques de santé dans les politiques publiques de transport. Le bilan est assez contrasté et fait ressortir le fait que certains sujets comme la pollution atmosphérique et le bruit, déjà connus, sont effectivement considérés et intégrés dans les évaluations, bien que des progrès soient encore possibles, notamment sur les valeurs tutélaires utilisées pour la monétarisation des impacts. Concernant l'activité physique et le stress, la prise en compte est moins complète. Le monde de la santé s'intéresse déjà aux modes de déplacement doux et actifs, qui pourraient être utilisés par les collectivités locales pour désengorger les villes. Le stress étant plus délicat à détecter et à quantifier, peu d'acteurs y sont sensibilisés. Il est essentiellement abordé à travers le confort des usagers, même si des outils de politique publique émergent et veulent intégrer cette dimension sanitaire. Enfin, l'utilisation de la monétarisation des enjeux sanitaires dans l'évaluation des projets est un point sujet à controverse. La plupart des personnes interrogées sont favorables à son utilisation, mais reconnaissent que le choix des valeurs est une difficulté pour certains impacts mal connus. Un autre enjeu de la monétarisation à venir est le chiffrage de la perte de qualité de vie, qui permet de mieux moduler les impacts sur la santé par rapport au coût de la vie humaine. Des études sont encore nécessaires pour faire progresser ce domaine et fiabiliser ces travaux. Le travail fournit au cours de ce GCT n'a pas vocation à être exhaustif sur la question de la santé dans les transports. Certaines thématiques, comme le dépôt de particules, la pollution de l'eau, la transmission de maladies ou le cycle de vie des infrastructures, n'ont pas été incluses dans la présente analyse, mais mériteraient d'être creusées pour avoir la vision la plus globale possible des problèmes de santé. Par ailleurs, une des limites de notre travail réside dans le fait que l'étude de la mortalité due à la sécurité routière ne faisait pas partie de la commande, alors qu'il s'agit d'un élément très présent dans les études scientifiques. Les premiers travaux d'intégration de la santé dans les politiques de transport doivent donc être poursuivis, intensifiés et approfondis. A cette fin, il semble important d'avoir une bonne coordination au niveau interministériel, mais aussi vis-à-vis des collectivités territoriales, qui sont amenées à
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prendre une place de plus en plus grande sur la question des transports. Cette démarche s'impose afin d'oeuvrer dans le but d'une une optimisation globale des choix collectifs et individuels dans le domaine des transports, allant dans le sens d'une amélioration de la qualité de vie des individus et d'un développement durable de la société.
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Annexes
Annexe 1 Tableaux annexes à la thématique « Monétarisation » ................................................. i Annexe 2 Comptes-rendus des entretiens...................................................................................iii Entretien du Dr Isabelle DURAND-ZALESKI ................................................................................... iv Entretien de Damien GRANGEON ................................................................................................. vi Entretien de Basile CHAIX .............................................................................................................. x Entretien de Fabienne MARSEILLE .............................................................................................. xiii Entretien de Laurent JARDINIER ................................................................................................. xvi Entretien de Marie-Paule THAVEAU ........................................................................................... xix Entretien de Raymond DEL PERUGIA ........................................................................................ xxiii Entretien de Luc BAUMSTARK.................................................................................................. xxvii
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Annexe 1 Tableaux annexes a la thematique « Monetarisation »
Tableau 1 : Calcul de la rentabilité sociale d'un investissement (Grangeon, 2010) Catégories Avantages Temps VL Temps PL Entretien et dépréciation VL Usagers VL et PL Entretien et dépréciation PL Carburant VL Carburant PL Malus d'inconfort Sécurité Collectivité Pollution de l'air Effet de serre Indicateurs Coût d'investissement actualisé (en M2000) Somme actualisée de l'avantage global (en M2000) Avantage net à l'année de mise en service (en M2000) Bénéfice actualisé en 2004 (en M2000) Bénéfice actualisé par unité monétaire investie (B/I) Taux de rentabilité interne (TRI) 275 875 17 600 2,2 9,4 % Valeur monétaire (en M2000) 1 002,5 94,6
4,9
Poids monétaire 74,8 % 7,1 % 0,4 % 0,3 % 4,5 % 0,3 % 7,4 % 1,4 % 1,8 % 2,1 %
3,6
59,8 4,1 99,5 18,3
24,6
28,5
Ce tableau montre comment calculer en termes monétaires la rentabilité d'un investissement dans les infrastructures de transport, à partir d'un exemple concret. Il s'agit d'un projet de contournement autoroutier de la ville d'Arles. Ce calcul, comme le reste du rapport du Sétra, s'inscrit dans une étude d'impact environnemental, mais pour la santé, la méthode reste la même. Ici, l'auteur monétarise la pollution, l'effet de serre et la sécurité, et l'ajoute aux coûts supportés par la collectivité. C'est avec ce coût économique et social qu'on calcule comptablement le TRI.
i
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Tableau 2 : La grille QUALY de Cutler et Richardson (Culter, et al., 19997)
1979-81 Disease Musculoskeletal Arthritis Skin conditions Endocrine Diabetes Other endocrine Diabetes*heart disease Diabetes*stroke Circulatory Hypertension Ischemic heart disease Stroke Other circulatory Respiratory Asthma Bronchitis Sinusitis Other respiratory Digestive Impairments Hearing Amputee Paralyzed Orthopedic Coefficient Standard Error QALY Coefficient 1989-91 Standard Error QALY
0.608 0.293
(0.010) (0.010)
0.74 0.87
0.578 0.315
(0.010) (0.009)
0.79 0.88
0.809 0.546 0.340 0.546
(0.018) (0.012) (0.060) (0.093)
0.65 0.77 + 0.15 + 0.23
0.927 0.518 0.348 0.374
(0.018) (0.009) (0.055) (0.076)
0.66 0.81 + 0.13 + 0.14
0.423 0.856 0.780 0.613
(0.010) (0.019) (0.040) (0.010)
0.82 0.63 0.67 0.74
0.375 0.814 0.692 0.541
(0.010) (0.018) (0.033) (0.010)
0.86 0.70 0.74 0.80
0.779 0.495 0.141 0.461 0.661
(0.017) (0.023) (0.013) (0.012) (0.012)
0.67 0.79 0.94 0.80 0.72
0.708 0.370 0.192 0.313 0.656
(0.014) (0.019) (0.012) (0.011) (0.011)
0.74 0.86 0.93 0.88 0.76
0.192 0.280 0.825 0.494
(0.015) (0.038) (0.034) (0.010)
0.92 0.88 0.65 0.79
0.200 0.301 0.873 0.333
(0.010) (0.023) (0.034) (0.008)
0.93 0.89 0.68 0.88
La première colonne décompose la santé en composantes musculo-squelettale, endocrinienne, circulatoire, etc. que nous appellerons Ci. La dernière colonne y associe le poids de chacune de ces composantes sur l'indicateur de santé de notre modèle, partie Monétarisation. Il s'agit d'une série de coefficient i tels que :
ii
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Annexe 2 Comptes-rendus des entretiens
Le tableau ci-dessous récapitule les différents entretiens réalisés, dont les comptes-rendus suivent ci-après.
Organisme
Unité de recherche clinique en économie de la santé Sétra
Nom
Dr Isabelle DURANDZALESKI Directrice de l'URC
Fonction
Page
iv
Damien GRANGEON
Ancien chargé d'études socio-économiques des transports rédaction d'un rapport sur la monétarisation des externalités environnementales Chargé de recherche sur les impacts de l'environnement sur la santé Travail sur l'étude RECORD Animation du RST Air Chargé de mission « approche systémique de la mobilité » Chargée d'études sur les nuisances sonores
vi
Inserm
Basile CHAIX
x
Certu
Fabienne MARSEILLE Laurent JARDINIER
xiii xvi
Marie-Paule THAVEAU Ville de Paris Raymond DEL PERUGIA
xix
Chef de la subdivision des déplacements en libreservice à la Direction de la Voirie et des Déplacements Doyen de la faculté rapporteur du rapport Boiteux 2
xxiii
Faculté de sciences économiques de Lyon FNAUT
Luc BAUMSTARK
xxvii
Jean SIVARDIERE
Président de la FNAUT
1
1
Cet entretien téléphonique fut relativement court et informel, il n'a donc pas fait l'objet d'un compte-rendu détaillé que nous aurions pu inclure dans les annexes du rapport.
iii
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Dr Isabelle Durand-Zaleski
Date : lundi 21 novembre 2011 Lieu : URC Eco Ile-de-France Durée : 0h30 A propos de l'interviewée Isabelle Durand-Zaleski est médecin en santé publique et titulaire d'un doctorat en économie. Elle est directrice de l'URC Eco (Unité de recherche clinique en économie de la santé) Ile-de-France. A ce titre, son travail porte plus particulièrement sur l'étude des innovations dans le domaine de la médecine (par exemple, la télémédecine), et n'est pas, à la première vue, en rapport avec les transports. Il vaudrait mieux, pour obtenir des informations plus précises sur le rapport entre transport et santé, se tourner vers les organismes spécialisés comme l'Inserm ou l'ANSES... A propos de l'activité physique Dans le domaine de la médecine, la promotion de l'activité physique est très à la mode actuellement, suite aux publications de Roger Salamon et de Fred Paccaud. Roger Salamon est président du HCSP (Haut Conseil de la santé publique) et directeur honoraire de l'UFR de médecine de Bordeaux. Le HCSP a récemment publié un rapport sur la sécurité liée à la pratique du vélo à Bordeaux. Il ressort de cette étude que les cyclistes qui portent un casque ont plus tendance à adopter une conduite à risque en vélo. Fred Paccaud est un épidémiologiste suisse. Il a fait partie d'un groupe de travail sur la question du rôle que doit jouer le Parlement dans les politiques de santé publique. Il a établi le lien entre activité physique et risque cardio-vasculaire, en montrant que l'activité physique agit comme un facteur protecteur contre le risque cardio-vasculaire. A titre d'exemple, certains architectes tentent d'inciter les usagers des lieux publics à utiliser plutôt les escaliers que les escalators, en essayant de faire appel au côté ludique de l'activité physique (par exemple, avec des marches de couleur...). A propos des politiques publiques Fin 2006, à l'occasion de la présidence finlandaise de l'Union Européenne, un programme « Health in all policies » a été lancé. Il s'agissait de voir comment chaque politique publique peut avoir un effet sur la santé. Plus concrètement, il fallait donc trouver des indicateurs pour mesurer et suivre l'impact sur la santé des politiques publiques. En France, l'opération a été menée par le ministère de la santé et le CAS. Cette politique a notamment porté ses fruits en Finlande, pays qui, par exemple, incite fortement et facilite la pratique du vélo. Cette politique publique, associée à d'autres, a permis de faire baisser considérablement le nombre de maladies cardio-vasculaires en Finlande.
iv
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D'une manière générale, pour qu'un pays se saisisse de la problématique de la santé dans les politiques publiques qu'il mène, il faut trouver une fenêtre, c'est-à-dire une période politiquement favorable pour pouvoir mener cette action. A propos de la bibliographie Le site « pubmed » (de la Bibliothèque du Congrès américain) permet d'avoir accès à tous les articles de publication médicale, et notamment d'en extraire ceux liés à la problématique des transports. A propos de la monétarisation Actuellement, la HAS (Haute Autorité de Santé) utilise une méthode proche de celle utilisée par la Health Protection Agency britannique, qui n'est pas une méthode d'analyse coûts/bénéfices mais plutôt coûts/efficacité ou coûts/utilité. En Grande Bretagne, on utilise des questionnaires de qualité de vie afin d'estimer la perte de qualité de vie engendrée par un événement suffisamment important pour bouleverser la vie quotidienne des personnes (par exemple, un accident rendant une personne tétraplégique). Ces questionnaires ne sont donc pas sensibles aux petites variations. Ils peuvent porter sur cinq critères : mobilité, fonctions cognitives, douleur, dépression et activité sociale (questionnaire EQ5D). Cette perte de qualité de vie s'exprime par une valeur comprise entre 0 (mort) et 1 (parfaite santé). Elle est monétarisée, à hauteur de £ 30.000 par année en Grande Bretagne. Une modification de l'activité sociale peut avoir des effets importants sur la qualité de vie. Par exemple, une petite ville du Pays de Galles a mis en place un service de taxi à prix réduit pour permettre aux retraités de retrouver une vie sociale. En France, les pouvoirs publics sont réticents à monétariser la vie humaine en raison des problèmes qui pourraient alors survenir de la part de l'industrie pharmaceutique (qui augmenterait alors les prix des médicaments pour les mettre aux seuils ainsi calculés). Cependant, l'OMS estime que pour chaque pays, la valeur de cette monétarisation doit se situer entre une et cinq fois le PIB par habitant. A propos des thèmes retenus La santé dans les transports ne se limite pas qu'aux accidents de la route. L'impact de la pollution notamment ne doit pas être sous-estimé. Les transports peuvent causer de sérieux problèmes sur la santé, notamment avec le rejet de polluants, l'augmentation du risque de cancer... A propos des contacts Peuvent être contactés de la part du Docteur Durand-Zaleski : Roger Salamon, président du HCSP et directeur honoraire de l'UFR de médecine de Bordeaux, Pierre Lombrail, professeur de médecine et président de la Société Française de Santé Publique.
v
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Damien Grangeon
Date : mercredi 23 novembre 2011 Lieu : par téléphone Durée : 1h35 A propos de lui Il est ingénieur TPE arrivé à l'été 2008 au Sétra. Il était chargé d'études socio-économiques des transports. Il a assisté la DIT sur le dossier Eurovignette 3, sur des sujets de tarification d'infrastructure, pour imputer aux poids lourds les coûts externes qu'ils créent. Il a eu des contacts avec un bureau d'étude belge sur le dossier d'évaluation du canal SeineNord. Ils s'intéressaient probablement au bruit et à la pollution. Le dossier C'est un travail commandé en 2009 par EP2. Le but était de voir ce qui se faisait ailleurs, et ce que ça changeait sur les coûts. Il s'inscrit aussi dans le Grenelle de l'environnement, ce qui explique que le problématiques soient plutôt présentées sous l'aspect environnemental, bien que pour la pollution atmosphérique, seuls des impacts sur la santé soient pris en compte. Les dernières recommandations datent de 2005, et sont basées sur le rapport Boiteux qui date lui-même de 2001. Cette ancienneté induit une nécessité de révision. En décembre 2008, le ministère sort une circulaire donnant des orientations pour faire évoluer l'évaluation dans le sens du Grenelle : plus de transparence, rapprochement entre évaluation environnementale et socio-économique. Depuis 2 ans de nombreuses études sont menées pour tester la validité du rapport Boiteux dans le but d'une révision qui est toujours en cours. Le but n'est pas de partir sur des choses extravagantes si cela ne change rien dans le bilan. Il faut tester l'actualité du rapport Boiteux 2, et voir si l'évaluation socio-économique suffit à tout prendre en compte. Par exemple, il peut ne pas être suffisant d'augmenter le prix de la tonne de CO2 pour donner un vrai sens au bilan. Le rapport Boiteux 2 avait souvent pris des valeurs a minima pour ne pas grever la rentabilité des projets, qu'il faudrait donc reprendre désormais.
S'il avait pu aller plus loin, il aurait fallu ajouter d'autres exemples (le choix du contournement d'Arles a été fait pour des questions de délai, en fonction des données disponibles) et faire l'exercice inverse à la monétarisation, c'est-à-dire prendre un bilan et tester les niveaux de valeurs tutélaires auquel on aurait eu un effet sur les taux de rentabilité, et donc sur la décision. Il faudrait se poser la question de l'écart entre les questions posées dans le bilan socio-éco et les valeurs correspondantes qui auraient un impact sur le bilan. Nos sujets traités par le rapport Bruit
vi
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La norme sur le bruit au voisinage des infrastructures de transports tient compte du bruit résiduel après l'éventuel investissement en mesures anti-bruits (murs etc...). Il y a donc une sorte de partage du coût du bruit entre le projet lui-même (les investissements anti-bruits) et l'évaluation socio-économiques. Le seuil légal est de 60dB, mais on considère que le bruit est déjà gênant entre 55 et 60dB. En France, la prise en compte du bruit est très partielle : on est encore sur une approche en valeurs révélées, qui prend surtout en compte la perte de valeur immobilière. Pas d'évaluation des effets sur la santé (pour des études des impacts sur la santé, voir les études de l'OMS, peut-être aussi une étude allemande). Le bruit est donc très marginal dans les évaluations socio-économiques, et ne fait jamais basculer une décision. En pratique, ça prouve une ignorance de l'acceptabilité sociale du bruit, qui elle, peut faire basculer une décision. Question : mais dans ce cas, est-ce que ça ne veut pas dire qu'il faudrait adapter l'évaluation pour prendre en compte ces problèmes d'acceptabilité ? Pas du tout, ça n'est pas le but de l'évaluation socio-économique. Le calcul est conçu pour tenter d'informer des coûts monétaires, pas pour juger de l'acceptabilité. Stress L'AFSSET a sorti un rapport sur les effets sanitaires sur le stress. Est-ce monétarisable ? La méthode standard (coût des dommages) est de lister les effets un à un (par exemple : problèmes de sommeil, achat d'antidépresseurs...), d'estimer leur coût et la part du stress dans ces effets. Ça n'est pas forcément évident, la liste peut être longue, mais si on l'a fait sur la mort, on peut certainement le faire avec le stress. Ça sera certainement une valeur à minima car on a ignoré ou oublié certains effets. Activité physique Il y pense plus depuis qu'il a quitté le Sétra (il travaille sur des projets urbains). Il travaille maintenant plus sur les effets positifs de certains modes de transport que sur des questions de pollution. A priori l'approche partant de la liste des effets (coûts des dommages, sauf qu'il n'y a pas que des dommages) parait plus raisonnable. Pollution Les effets de long terme de la pollution son aujourd'hui assez bien connus (il y a eu pas mal d'études, etc...). On ne connaît pas bien les effets de court terme. Ça n'était pas bien traité dans le rapport Boiteux. Le GREQAM (laboratoire d'économie quantitative à Marseille) essaie de prendre en compte plein de choses oubliées par le rapport Boiteux, dont les effets à court terme. Des études de l'OMS ont été commencées avec des suivis de cohortes. La méthode des coûts révélés ou déclarés (que l'on parle de risque de mort ou de qualité de vie) n'est pas très fiable parce que les gens ne se rendent pas compte des effets de la pollution (ce n'est pas très étonnant si les scientifiques commencent à peine à l'étudier). Il est difficile de créer un marché alternatif. La valeur monétaire de la pollution (et surtout son évolution) est peut-être mal prise en compte car on considère que la pollution va diminuer grâce à la technologie. C'est une posture, mais on pourrait en prendre une autre. Bilan socio-économique vs. Etude d'impact Méthodes de monétarisation
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Deux grandes méthodes : préférences révélées : on crée une sorte de marché alternatif, et on fait révéler aux gens la valeur qu'ils donnent à tel ou tel paramètre. Coûts des dommages : c'est la méthode standard pour l'évaluation socio-économique en France. Elle consiste à faite une liste des impacts de l'infrastructure et chiffrer chacun des impacts. Il y a trois sources principales d'incertitudes : o A-t-on oublié ou ignoré des effets ? Les effets pris en compte traduisent aussi quelque part des préoccupations du gouvernement. Par exemple, autrefois, les questions de pollution atmosphériques n'étaient pas du tout prises en compte, parce qu'on les connaissait moins bien qu'aujourd'hui, mais aussi parce que la priorité était donnée aux morts dans les accidents de la route. Qui est la victime d'un effet peut avoir un impact sur sa prise en compte. Que valent chacun des effets ? Le problème est d'autant plus grand que ces valeurs relatives ne seront pas les mêmes pour tous les acteurs/riverains. L'attribution d'un poids fort ou faible à tel ou tel effet reflète aussi les priorités de l'état. Le rapport Boiteux a tendance à sous-estimer les coûts : dans la mesure où les connaissances ne sont pas très grandes, on prend généralement des valeurs à minima pour éviter de plomber des projets. Cela justifie pleinement le fait d'actualiser les méthodes lorsque les connaissances des phénomènes progressent. Un problème apparaît lorsque la pondération utilisée ne convient pas aux parties prenantes d'un projet : on peut alors se demander si on ne devrait pas adapter les poids relatifs (cf. méthode semiquantitative). Dans une approche top-down, on chiffre l'impact global d'un paramètre, puis on évalue quelle est la part de chaque effet lié à l'infrastructure : il serait injuste de faire comme si toutes les maladies respiratoires étaient dues au gaz d'échappements. Cette séparation pose des problèmes de double compte, et d'interaction entre effets (par exemple, si C est la cause de A et B ensembles, mais que l'infra ne crée que A, quelle est la part de l'infra dans C ?). Le résultat est un coût moyen. Dans une approche bottom-up, on peut espérer éviter ce problème, puisqu'on chiffre l'effet d'un delta (quelque part on intègre implicitement toutes les interactions avec des « pollutions » issues d'ailleurs). On se retrouve avec un coût marginal de la pollution, ce qui peut poser un problème lorsque le coût marginal est loin du coût moyen.
o
o
o
Quelle que soit la méthode, l'évaluation nécessite souvent de connaître le tracé précis de l'infrastructure, alors qu'on aimerait bien l'avoir en amont, au moment du débat public. C'est particulièrement vrai pour les impacts sur le voisinage, et encore plus pour ce qui s'atténue vite avec la distance (comme par exemple le bruit). La monétarisation n'est qu'un outil d'aide à la décision, et ne prétend pas fournir une réponse absolue. Il ne s'agit pas de faire une décision technocratique. L'idée est de faire un calcul de rentabilité pour la société. La monétarisation ne peut (et ne doit) pas représenter l'acceptabilité sociale d'un projet, mais bien les priorités de l'état. L'acceptabilité sociale est indirectement comptée
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dans les investissements faits suite à des compensations du maître d'ouvrage, qui génèreront pour lui un surcoût. La valeur donnée à un effet a une importance, mais son évolution est aussi très importante. Donner de l'importance à un facteur, c'est augmenter sa valeur, et surtout la faire augmenter dans le temps au moins aussi vite que la valeur des autres facteurs. Par exemple, la valeur du CO2 a augmenté beaucoup moins vite que la valeur du temps. Il faudrait privilégier des projets qui garantissent le niveau de bien-être maximum des générations futures, donc pour toutes ces nuisances, prendre des valeurs qui augmentent dans le temps. Le bilan doit être vu comme un reflet des politiques mises en oeuvre, il doit être forcément complété par d'autres choses. Valorisation de la santé On raisonne souvent en nombre d'années en moins. Comparer ça avec (principalement) des temps gagnés impose de donner une valeur à la vie humaine. Le premier problème vient du fait que la valeur révélée de la vie n'est pas la même partout (par exemple on dépense beaucoup plus pour la sécurité dans le train que dans la voiture). C'est lié à la place de l'assureur dans le dédommagement (un accident de voiture ne coûte à la société que le manque à gagner des victimes). Lors de certains accidents, il y a aussi un surcoût émotionnel pour l'état, qui doit montrer qu'il prend des mesures, alors même que le coût marginal de la sécurité est croissant (effet de cercle vicieux : plus un système est sûr, plus les accidents choquent, et donc plus il faut les éviter en le rendant encore plus sûr). On peut aussi se demander si un mort « vieux » est aussi grave qu'un mort « jeune ». Ce problème est partiellement résolu par le fait qu'on raisonne en années de vie perdues. Reste le fait que selon certains, les années de vie perdues entre 25 et 30 ans n'ont pas la même valeur que celles perdues entre 80 et 85 ans. Etude d'impact et semi-qualitatif L'étude d'impact a aussi ses avantages, mais a l'inconvénient de ne pas utiliser de règles de calcul pour « garantir » la bonne allocation des ressources de l'état. Il serait probablement intéressant de la rapprocher de la monétarisation pour arrêter de faire les mêmes choses différemment chacun de son côté. L'intermédiaire est le quantitatif sans monétarisation. Il consiste à noter les différents axes de 1 à 7. Ce juste milieu manque un peu en France, mais on essaie de se diriger vers ça. Cela permet d'objectiver sans proposer de pondération, qui sera arbitrée par les acteurs (état, citoyen etc...) en essayant de trouver un moyen de contenter tout le monde en évitant la pondération universelle. Le problème est que quelque part on est gêné de changer les pondérations car on voudrait que l'état fasse les projets de la même façon sur tout le territoire. Tout ceci à inclure dans un contexte où l'on peut avoir plusieurs maîtres d'ouvrage, plusieurs régions etc...). Une pondération variable en fonction des intérêts des acteurs pourrait éviter les sentiments d'injustice est aider à territorialiser les impacts/bénéfices pour adapter les moyens de financements. C'est déjà fait pour des gains de temps sur les lignes TGV, mais on pourrait l'envisager sur les autres effets. L'idée des grilles semi-qualitative serait de laisser le moyen à la puissance publique de territorialiser. Autres problèmes intéressants à étudier Ceux de la pollution des eaux et du sol (mais il n'existe pas beaucoup de littérature), mais ils ne concernent peut-être pas directement la santé.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Basile Chaix
Date : mardi 29 novembre 2011 Lieu : Inserm Faculté de Médecine Saint Antoine Durée : 1h Présentation Basile Chaix est chercheur à l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), chargé de recherches depuis 2007. Il travaille sur les impacts de l'environnement sur la santé. Son domaine d'études relève de l'épidémiologie sociale, c'est-à-dire l'étude des disparités sociales de santé. En effet, on observe une corrélation entre la géographie et la santé : selon les quartiers (favorisés / défavorisés), les niveaux de santé varient. Par exemple, en s'intéressant à l'épidémie d'obésité, on est amenés à rechercher les facteurs auxquels cette épidémie est liée, et donc à étudier les facteurs environnementaux qui influent sur la dépense énergétique. C'est ainsi qu'intervient l'activité physique. Au cours des travaux de recherche, on est parti d'une prise en considération de l'activité physique sportive uniquement, puis cette considération s'est élargie progressivement pour y inclure l'activité physique récréative, et enfin l'activité physique accomplie dans le cadre de la vie de tous les jours, ou activité physique utilitaire (en partant du constat que tout le monde se déplace, même si tout le monde n'a pas le temps de faire régulièrement du sport). Plusieurs études s'intéressent aux modes de transports dits « actifs » (si l'on considère la terminologie de la santé publique), aussi appelés « doux » (en adoptant le terme utilisé dans les transports), principalement en Amérique du Nord, mais également en Europe. En France, très peu d'études sur la thématique ont été conduites. En France c'est en 2001, que les premiers travaux sur les quartiers de la santé ont été réalisés par Basile Chaix, qui s'est intéressé plus particulièrement à l'Ile-de-France, où les disparités sont explosives. L'étude RECORD Ce projet de l'étude RECORD a valu l'emploi de Basile Chaix par l'Inserm. Ses financeurs sont plutôt issus du domaine de la santé, que ce soit au niveau de la recherche (par exemple, l'Agence Nationale de la Recherche), au niveau de la région (par exemple, l'Agence Régionale de la Santé en Ile-de-France, la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale) ou au niveau de l'Etat (par exemple, la Caisse Nationale d'Assurance Maladie). C'est une étude qui est axée sur la santé des individus, et qui se base sur l'observation de différents paramètres physiologiques (pouvant aller jusqu'à la mesure de leur fréquence cardiaque) chez des individus, recrutés en fonction de leur quartier de résidence. Au total 7 300 personnes en Ile-de-France (dont 2 000 personnes sur Paris) ont été recrutées pour la première vague de l'étude RECORD. On leur a distribué le logiciel Veritas. Ce logiciel permet de remplir simplement un questionnaire sur son ordinateur. On demande aux personnes interrogées
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de délimiter elles-mêmes leur quartier (avec un plan type googlemaps), puis de donner leurs destinations régulières. Il s'agit donc d'une étude du long terme, car les gens parlent de leurs habitudes (et non des déplacements « spontanés »). Actuellement, une seconde vague de l'étude RECORD est en phase d'être lancée. L'étude RECORD GPS quant à elle est une extension de l'étude RECORD, au sens où elle se base sur l'utilisation des technologies GPS et d'accéléromètre pour tracer les déplacements des personnes (pendant une durée d'une semaine), afin de pouvoir estimer leurs effets sur la santé de ces personnes. En d'autres termes, cette étude devrait permettre, par exemple, de réponde à la question suivante : est-ce qu'emprunter les transports en commun fait faire plus d'activité physique qu'utiliser sa propre voiture ? La grande différence par rapport au logiciel Veritas est qu'on pourra avoir plus d'informations sur le « court-terme » : la collection des données ne se fera que sur une semaine. Les données collectées sont traitées par des régressions statistiques. Il s'agit de démêler les effets afin d'identifier les liens de causalité entre les différents facteurs environnementaux et la santé des individus observés. Par exemple, on peut donner la relation empirique entre obésité, d la distance au transport en commun le plus proche, a l'aménité du quartier (à quel point le quartier est agréable), et n le nombre de rues piétonnes :
De telles régressions linéaires permettent non seulement de donner des coefficients qui décrivent le mieux les données, mais aussi de préciser quelle est la fiabilité de l'approximation : par exemple, l'analyste donne la probabilité que la valeur observée de l'obésité se trouve effectivement dans un intervalle de +/- 5% de la valeur observée calculée à l'aide de cette formule, combinaison linéaire de d, n et a. La méthode est donc fiable, les limites se trouvent davantage dans la diversité des sources et dans le biais dans les données : justement, l'étude record doit permettre de donner une source de données riche et précise. L'utilisation du GPS et l'automatisation du traitement des données doit permettre d'augmenter le nombre d'observations et de mieux maîtriser les biais. Bien sûr, les modèles théoriques sont beaucoup plus complexes que l'équation ci-dessus (régressions nonstandard), et l'étude ne peut malheureusement pas prendre en compte tous les facteurs environnementaux possibles. Au fil des années, on peut espérer que les études sur le sujet s'affinent petit à petit, en intégrant toujours plus de paramètres. Par exemple, les chercheurs ont décidé dernièrement d'inclure comme variable explicative la météo des sept derniers jours, pour augmenter la fiabilité de leurs modèles de temps de marche quotidien. Les étapes futures de l'étude RECORD Deux études, complémentaires entre elles, vont être lancées très prochainement : la deuxième vague de l'étude RECORD, et l'étude RECORD GPS. La deuxième vague de l'étude RECORD va notamment permettre de disposer de données de santé actualisée sur le panel des 7 300 personnes, et notamment de mesurer l'évolution de leur santé sur cinq ans. Cette étude se focalise sur les destinations régulières des individus étudiés. Par l'intermédiaire de questionnaires remplis par ces individus, elle s'intéresse à la perception qu'ont les personnes de ce qu'est leur cadre de vie. L'étude RECORD GPS suit un protocole différent, puisqu'il s'agit de suivre ces individus sur une période d'une semaine. Elle sera basée sur une coopération franco-montréalaise. Il ne s'agit plus d'analyser la fréquentation des lieux qui font sens, mais plutôt tous les déplacements effectués par
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les personnes au cours de la semaine, ainsi que le mode de transport utilisé. Cette étude fait appel à l'expologie contextuelle, discipline qui cherche à évaluer les contextes et environnements auxquels les individus sont exposés. Une telle méthode de collecte de données permet de s'affranchir des limitations imposées par une approche par questionnaires. Les résultats issus de l'étude RECORD Pour l'instant, les seuls éléments concernant la santé et le transport sont issus des résultats de la première vague de l'étude. A cet effet, ils ont dû remplir un questionnaire portant sur la marche (utilitaire ou récréative) qu'ils ont effectuée dans les 7 derniers jours. Leurs réponses ont été couplées aux données météorologiques, et également aux données géographiques, pour caractériser l'environnement de ces personnes (surface d'espaces verts à proximité, équipements sportifs, densité de bâtiments...). Des facteurs environnementaux différents ont été identifiés pour la marche utilitaire et sur la marche récréative. Le contexte actuel et l'impact sur les politiques publiques Le contexte actuel est celui d'une intervention intersectorielle de l'action publique. Ceci peut notamment s'observer en régions avec le regroupement des différents services déconcentrés, mais aussi avec la conduite de plus en plus de plans interministériels. Le projet RECORD, en tant qu'infrastructure matérielle et logicielle pour enquêter sur le transport, a été présenté à la DGITM, notamment pour obtenir un soutien financier. Le bureau EP3 s'est montré particulièrement intéressé, et Basile Chaix travaille actuellement en coopération avec le Certu afin d'obtenir un tel financement. Cette collaboration va également permettre de croiser des bases de données différentes : celles de l'Inserm qui concernent la santé, et celles du Certu qui concernent le transport. D'autres acteurs importants dans les politiques publiques de transport, à savoir le STIF et la RATP (délégation générale innovation et développement durable), ont déjà confirmé leurs soutiens à l'étude RECORD. Conclusion La prise de conscience de l'importance dans la santé publique est très récente, et il n'y a pas si longtemps, l'étude des impacts sanitaires de projets de transports se limitait à ceux de la pollution atmosphérique. Aujourd'hui la vision santé transport s'est élargie. Basile Chaix et son équipe sont en train de développer un outil pour enquêter le transport, et espèrent plus largement encourager l'approche intersectorielle santé jeunesse et sports transports etc. Par conséquent, cet outil est susceptible d'intéresser tout type de politique sur le transport, en France comme à l'étranger : objectif franco-canadien de devenir leader dans le domaine.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Fabienne Marseille
Date : mercredi 30 novembre 2011 Lieu : Certu Durée : 1h Le RST Fabienne Marseille anime pour le compte du Certu le RST (Réseau Scientifique et Technique) air. Le RST air est co-animé par le Certu et le Setra. Les principaux services concernés sont les CETE (Centres d'études techniques de l'équipement). Sont également concernés, entre autres, l'INRETS (Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité, pour ce qui concerne les évaluations des émissions de polluants), CEREA (Centre d'enseignement et de recherche en environnement atmosphérique, associé à l'ENPC et EDF, pour la partie recherche) et le CETU (Centre d'études des tunnels, pour la problématique liée aux tunnels), et plus épisodiquement l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) et l'INERIS (Institut national de l'environnement industriel et des risques). Historiquement, ce réseau était porté par la DGITM. Il fonctionnait autour des études d'impact sur les projets de transport. Désormais, à la DGITM se sont joints le CGDD et la DGEC. Et le RST est mobilisé sur un grand nombre de projets divers (PPA, Plans de protection de l'atmosphère ; ZAPA, Zones d'actions prioritaires pour l'air ; etc.). Le Certu joue le rôle de tête de réseau, en servant d'interface entre les directions d'administration centrale et les CETE (adaptation des outils...). La note méthodologique air et santé Fabienne Marseille pilote également la note méthodologique air et santé, qui encadre le contenu des volets air et santé des dossiers d'études d'impact des infrastructures routières). Une première note, résultant d'un compromis entre les ministères de l'équipement, de l'écologie et de la santé, avait été rédigée en 2005. Il était prévu de faire un état des lieux 3 ans après sa mise en application, et éventuellement de la réviser. Aujourd'hui, cette note est toujours en révision, avec un co-pilotage qui associe le Certu et le Setra, et qui associe l'INERIS, l'INRETS, l'INVS (Institut national de veille sanitaire)... Une note provisoire a été rédigée, mais elle n'a toujours pas été validée, faute d'avoir trouvé un compromis satisfaisant pour tous les acteurs. Il s'agit en effet d'équilibrer d'une part les attentes de l'INVS et des acteurs de la santé, et d'autre part celles des acteurs du transport. Suivant où l'on place le curseur du compromis, on est susceptible de bloquer tout nouveau projet routier... Le champ d'application de cette note n'est également pas clairement défini : toutes les infrastructures nouvelles sont concernées, mais pour les projets de réaménagement, des discussions sont en cours pour savoir s'il faut fixer un seuil pour réaliser une étude d'impact air et santé. La position classique des acteurs de la santé est de demander systématiquement une étude d'impact complète, y compris pour des petits aménagements (pose de murs anti-bruit par exemple).
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A l'origine, cette note s'adresse aux projets routiers. Toutefois, dans le cadre des projets de transports, comme ceux de tramways, des études d'impact doivent également être réalisées. Par conséquent, les maîtres d'ouvrage pourraient être potentiellement intéressés par une telle méthodologie. Les études d'impact Les données d'entrée d'une étude d'impact sont essentiellement le trafic attendu sur l'infrastructure, ainsi que les milieux traversés par l'infrastructure. L'étude d'impact s'intéresse alors aussi bien à l'émission de polluants à l'échappement qu'à l'émission de particules due à l'usure des moteurs ou des freins, qu'à la remise en suspension de particules sur la voie, ainsi qu'à tout ce qui est lié avec le trafic (par exemple, le salage des routes induit une pollution par le mercure). La monétarisation est incluse dans les études d'impact, via le rapport Boiteux et la circulaire associée. Toutefois, pour les émissions de gaz à effet de serre et les impacts sanitaires de la pollution de l'air, cette monétarisation se base sur des calculs extrêmement plus grossiers que la modélisation réalisée en termes d'impacts, ce qui rend actuellement son utilisation critiquable. Dans les études d'impact, sont notamment différenciés de manière fine les types de véhicules considérés, les milieux traversés. Pour les gros projets, une évaluation des risques sanitaires (ERS) est conduite. Cette évaluation consiste à estimer l'augmentation du nombre de cas de crises d'asthme, de cancers, etc. due à la nouvelle infrastructure de transport. Une étude de santé sur la qualité de l'air porte non seulement sur les conséquences de l'inhalation des particules, mais également d'ingestion après dépôts particulaires sur les cultures (par exemple, dans le cas de jardins particuliers, on estime que 20% de l'alimentation des riverains peut être impactée par les particules). Il existe cependant de nombreuses incertitudes sur les études, qui ne permettent pas d'aboutir à des résultats très précis, contrairement par exemple aux études d'impact sur la biodiversité, qui peuvent démontrer à coup sûr les dommages causés à une espèce classée. Le dossier de l'étude d'impact est réalisé par le maître d'ouvrage. Ils sont réalisés par les bureaux d'études (un CETE ou un bureau d'études privé en général). Ceux-ci suivent la méthodologie décrite dans les différentes notes méthodologiques. Celle-ci s'impose à tous les projets portés par les services de l'Etat. En pratique, on constate que les autres acteurs s'en servent également, car il s'agit du seul document existant qui indique une méthodologie claire. Des acteurs clés de cette étude d'impact sont les AASQA (associations agrées de surveillance de la qualité de l'air), comme Airparif en Ile-de-France, qui détiennent la connaissance des territoires. Cette étude d'impact est alors examinée par l'autorité environnementale (DREAL ou CGDD) et de santé (ARS). L'étude d'impact doit notamment prendre en compte le PPA (plan de protection de l'atmosphère) du territoire considéré. Le PPA couvre toutes les origines possibles de la pollution de l'air, comme les transports, les industries, le chauffage urbain... Lors de l'évaluation des projets, on prend en compte la pollution de l'air existant préalablement au projet, qui peut déjà en elle-même dépasser les seuils prescrits, ce qui peut parfois poser problème. Le projet POLTERGES Le projet POLTERGES est un état des lieux porté par le CGDD et l'ADEME sur la qualité de l'air en lien avec les transports. Son champ d'études est très large, et malheureusement le bureau d'études qui travaillait dessus a rendu un travail trop vague pour être véritablement exploitable.
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Les autres impacts sur la santé Outre les impacts liés à la qualité de l'air, peuvent également être cités ceux liés au bruit et à la pollution de l'eau. En ce qui concerne l'eau, cette problématique doit être considérée à part, car mieux traitée depuis la directive cadre sur l'eau. En ce qui concerne l'activité physique, une étude réalisée par Airparif (association de surveillance de la qualité de l'air en Ile-de-France) a permis d'établir que les individus sont plus exposés à la pollution de l'air dans l'habitacle des véhicules qu'en utilisant leur vélo. Les PDU (plans de déplacements urbains) Les PDU (plans de déplacements urbains) doivent normalement comporter une évaluation environnementale, y compris en ce qui concerne la qualité de l'air. Toutefois se pose la limite de l'évaluation des modes doux en terme de trafic, très difficile à réaliser. Ces évaluations environnementales sont obligatoires depuis 2006. Un travail d'analyse sur les premières évaluations a été effectué par le Certu ; il en est ressorti que leur qualité était moyenne. Celle-ci s'est beaucoup améliorée depuis, comme en témoigne par exemple l'évaluation environnementale du PDU de Lille. Les solutions à la pollution atmosphérique En matière de qualité de l'air, il existe très peu de mesures de résorption, contrairement au bruit (où il existe par exemple les murs anti-bruit). Les marges de manoeuvre de l'aménageur sont donc limitées. On peut jouer un peu sur la quantité de trafic, sur la vitesse de circulation, sur la dispersion des polluants (via la végétation, ou éventuellement des murs anti-bruit...), sur l'exposition des populations... On peut également jouer sur la partie mobilité plutôt qu'infrastructure, avec la mise en place de mesures incitatives, de transports en communs, de péages urbains, voire la création de ZAPA. Les ZAPA sont mise en oeuvre au niveau communal ou intercommunal. Avec elles émerge un autre enjeu, celui de la liberté de circulation, qui implique de développer en amont les transports en commun. Contacts Pour des questions plus précises sur la monétarisation, et notamment la pondération dans la comparaison entre les différents impacts, il peut être intéressant de s'adresser à des personnes habituées à avoir une vision d'ensemble des dossiers d'impacts, comme Virginie Billon (CETE de Lyon, qui a travaillé sur le dossier de l'A45 Lyon-St. Etienne) ou Marc Lansiart et Amandine Bommel-Orsini (CGDD).
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Laurent Jardinier
Date : mercredi 30 novembre 2011 Lieu : Certu Durée : 1h Présentation Laurent Jardinier travaille au Certu depuis un peu plus d'un an. Il a auparavant occupé deux postes au CETE de Lyon où il travaillait déjà dans le domaine des transports. Actuellement il est chargé de mission « approche systémique de la mobilité ». Son poste est à l'interface avec le département recherche, et consiste également à travailler sur des sujets émergents ou compliqués, peu traités par son département de rattachement, Déplacements durables. En ce moment, il travaille sur les modes actifs et leurs effets bénéfiques sur la santé. Ce sujet est très intéressant car nouveau, mais surtout cela peut être la première occasion de vanter les bénéfices de la ville et des systèmes de transport, qui sont généralement considérés comme des sources de nuisances. Les études sur l'activité physique Beaucoup d'études ont été réalisées en Amérique du Nord. En France, elles commencent à s'y intéresser. L'étude RECORD de Basile Chaix (Inserm), les études ELIANE (etude des liens entre activité physique, nutrition et l'environnement) ou Activité de Jean-Michel Oppert (Inserm) en sont la manifestation. Pour l'instant, les études conduites en France ont permis de valider les résultats démontrés en Amérique du Nord. Aujourd'hui on est désormais capable quantifier les effets de l'activité physique sur la santé. Cependant, les résultats qui résultent de ces enquêtes sont relativement confinés dans la sphère médicale. Les démarches adoptées par les acteurs de la santé sont très descendantes : le ministère de la santé fait des campagnes de publicité. Mais ces démarches sont suivies de peu de résultats, car les collectivités ne se sont pas encore emparées du problème. C'est ici que se situe l'importance du MEDDTL, et notamment du Certu, qui sont capables de fournir les outils adéquats aux collectivités. Il y a une vraie complémentarité entre les outils du Certu et les enquêtes réalisées par l'Inserm. Ces deux services essaient de travailler à l'utilisation conjointe de ces deux ressources. Les résultats de ces études Certaines de ces études permettent d'aboutir à des préconisations sur la mise en oeuvre de mesures pour favoriser l'activité physiques. Par exemple, la présence de parcs à proximité du domicile incite à la marche. On peut alors en déduire ce que l'on peut faire. Il faut noter que certains aménagements peuvent entrer en conflit avec d'autres politiques (par exemple, l'implantation de bancs publics), ce qui complexifie la tâche pour les collectivités. Il peut également être intéressant pour les collectivités de disposer de cartes de marchabilité de quartiers, afin d'identifier les lieus propices à l'activité physique. Toutefois, les outils nécessaires à leur réalisation ne sont pas encore développés.
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En 2012, un enjeu fort dans le domaine de l'activité physique est d'arriver à tirer les informations et résultats issus du monde de la santé pour les intégrer à celui de la mobilité, des transports et du développement durable. Par exemple, actuellement, les résultats des enquêtes ménages ne sont pas assez croisés avec ceux des enquêtes urbaines. Une tentative allant dans ce sens a été réalisée sur Lyon, en s'intéressant aux personnes qui réalisent les 30 minutes de marche recommandées par jour. Il a été montré que le résultat discriminant était le lieu de résidence des personnes. Les études d'impact Actuellement, on est encore au début de l'émergence de la problématique. Or, toute personne qui utilise les transports en commun marche. Par conséquent, lors d'une étude d'impact pour un projet de tramway par exemple, il pourrait être intéressant de valoriser cette activité physique, qui serait alors bénéfique au projet. Ce n'est pour l'instant pas le cas. Il existe un outil, développé par l'OMS, pour valoriser l'activité physique : HEAT. En France, cet outil pour le vélo est étudié par le Certu (Muriel Mariotto). On essaie de tester l'outil en France, et notamment à Lyon, mais pour l'instant, l'outil n'intéresse pas vraiment les collectivités. Les modèles sur la marche et sur le vélo sont balbutiants. Il est difficile de faire des statistiques de trafic de déplacement, car on dispose de trop peu de données, notamment pour le vélo où la part modale est faible. Au Certu, Virginie Lasserre a travaillé sur le modèle multimodal de Chambéry lorsqu'elle était au CETE de Lyon. D'une manière schématique, on peut considérer un triptyque : environnement mobilité santé. Celui-ci peut se lire dans plusieurs sens : la mobilité modifie l'environnement qui détériore la santé, ou l'environnement est favorable à la mobilité qui améliore la santé.... L'IPP (indice pollution population) est un indicateur sanitaire. Dans le cadre des études d'impact, il s'agit de croiser pollution et population. Le principal défaut de la méthodologie utilisée actuellement est qu'elle se base sur les cartes d'habitation, mais ne tient pas compte des schémas d'activité de la population. On essaie également de travailler sur des « sani-comparateurs ». Il s'agirait d'estimer l'exposition aux polluants en fonction du territoire traversé et des modes de transport utilisés. La monétarisation Pour l'instant, on se limite aux études d'impact. Mais il y a une volonté forte de continuer jusqu'à la monétarisation. C'est nécessaire et inévitable. Pour une fois, il pourra s'agir de bénéfices à créditer au bilan des projets. Les études suivies en 2012 Le Certu soutient le projet RECORD, réalisé par l'Inserm (Basile Chaix). Un état de l'art des travaux de recherche sur la santé sera également réalisé. La mise au point d'outils de diagnostic et d'évaluation des systèmes de transport sur la santé (concernant aussi bien l'activité physique que les émissions de polluants ou la pollution sonore) sera poursuivie. Enfin, il s'agira d'améliorer les enquêtes ménages pour y inclure des questions portant sur ces pistes de réflexion. Toutes ces actions se feront via le RST, en y associant les CETE. La question de la mise en oeuvre sera également étudiée de près. A ce titre, il est essentiel de sensibiliser les collectivités locales afin qu'elles s'y impliquent, car ce sont elles qui ont la main sur les
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transports locaux et sur l'urbanisme. Quelques villes commencent à se préoccuper de la problématique santé (et non plus seulement pollution), mais c'est encore balbutiant. Le Certu organisera probablement un colloque DUE (déplacement urbanisme environnement) parlant de la santé. Cela aura l'avantage de mettre un grand nombre d'acteurs autour de la table, aussi bien des techniques des transports, des techniques de la santé et des acteurs locaux. Prendre la problématique déplacement urbanisme environnement sous l'angle de la santé permet d'aborder les trois thèmes de manière transversale. Les acteurs au niveau national En ce qui concerne le domaine des transports, la DGITM (Nadine Asconchilo) y travaille depuis quelques années. C'est également le cas du Certu (Frédéric Murard) au département voirie pour la conception des espaces. La problématique au niveau national est aujourd'hui principalement portée par le domaine de la santé. Il s'agit plutôt de messages descendants, issus du ministère de la santé (via de nombreux plans, au titre desquels le plan national santé et environnement, le plan nutrition santé... qui font la promotion des modes actifs). Au niveau local, les services déconcentrés ne sont au final pas véritablement impliqués puisqu'ils n'ont pas le pouvoir. D'autre part, le ministère de la santé n'arrivera pas à lui seul à convaincre les collectivités territoriales de la mise en oeuvre de cette politique. Le MEDDTL a ainsi un vrai rôle à jouer.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Marie-Paule Thaveau
Date : mercredi 30 novembre 2011 Lieu : Certu Durée : 1h Introduction Marie-Paule Thaveau est chargée d'études au Certu sur le thème des nuisances sonores depuis mai 2011. Auparavant, elle a travaillé sur la problématique du bruit à la DDT de l'Ain pendant 9 mois. Selon elle, le lien entre bruit et santé n'est pas encore suffisamment pris en compte par les services de l'Etat, bien qu'il s'agisse d'une thématique essentielle. Sur ce domaine, le Certu travaille en partenariat avec l'administration centrale, le Setra, les CETE... Aujourd'hui, le Certu est confronté aux exigences d'une directive européenne de 2002 (sur l'évaluation et la gestion du bruit dans l'environnement), transposée dans le droit français en 20052006. Dans cette directive se trouvaient des obligations d'échéance, notamment pour la réalisation de cartes de bruit, qui n'ont pas été tenues. Un contentieux est donc en cours avec l'Union Européenne. Ces cartes doivent prendre en compte le bruit provenant de la route, du fer, des aéroports et des ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement). Parallèlement à cette exigence européenne, il existe une obligation française de classement sonore des voies. Sa mise en place doit se faire au niveau départemental, et il est nécessaire de déployer un outil pour arriver à cet objectif. L'objectif global de ces missions est donc de réaliser un état des lieux du bruit, en réalisant des cartes, et en repérant les points noirs de bruits, dans le but d'améliorer les conditions de vie des gens soumis à ces nuisances sonores. L'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) est impliquée dans ces missions. La transversalité de la problématique du bruit La directive européenne de 2002 amène également la notion de « zone calme », qui tend à rapprocher bruit et santé. Toutefois, selon Marie-Paule Thaveau, il manque au niveau des services de l'Etat une chaîne de suivi sur les travaux portant sur le bruit, chacun ayant tendance à travailler dans son coin. Il y aurait cependant un intérêt majeur à essayer de définir des indicateurs globaux, voire des méthodologies globales pour conduire le citoyen à une meilleure prise en compte du bruit dans l'environnement. Il ne faudrait pas prendre en compte le volume sonore du bruit en valeur absolue uniquement, mais également s'intéresser aux variations du bruit. Par exemple, même si une voiture est dotée d'un moteur silencieux, son conducteur pourra toujours klaxonner à 23h... D'où l'importance de considérer également l'aspect sociétal du développement durable. La transversalité de la thématique du bruit peut transparaître dans certaines politiques. Par exemple, pour réduire les embouteillages, et pour éviter les désagréments aux gens la journée, on préfère livrer les commerces en ville de nuit. Le problème est que les opérations de livraison peuvent
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causer des nuisances sonores au moment où les gens y sont le plus sensibles. Une démarche de mise en place d'un label est en cours, afin de certifier que la problématique du bruit est respectée (aussi bien de la part du conducteur, de l'engin ou du lieu de livraison). Selon Marie-Paule Thaveau, cette démarche transversale n'est que trop peu souvent mise en application. Le suivi des politiques publiques Selon Marie-Paule Thaveau, il existe un manque de suivi des politiques publiques. Celles-ci sont souvent décidées au plus haut niveau, avec beaucoup de bonne volonté, mais la question de leur applicabilité n'est pratiquement jamais abordée. Il faudrait systématiquement réaliser un suivi et un bilan de ces politiques publiques, ou du déploiement des outils associés, afin de pouvoir le cas échéant les ajuster. Pour le bruit, les réglementations française et européenne manquent de cohérence. Le nombre très important de strates administratives en France, associé à une certaine méfiance de la législation européenne contribuent à ajouter de la difficulté. Par exemple, les objectifs français vis-àvis de l'Union Européenne concernant le bruit sont basés sur le découpage intercommunal. Or celuici change beaucoup ces dernières années, ce qui rend difficile le suivi des indicateurs. Parallèlement à cela, les objectifs en terme de bruit ne sont pas assez ambitieux. On réalise des cartes sonores, une évaluation, et éventuellement un plan de prévention, mais il faudrait aller plus loin... Etat des lieux actuel Aujourd'hui, en terme de cartographie du bruit, on est en France à environ 50% de la population couverte. Pour les plans de prévention du bruit, ce pourcentage tombe à 10%. Ces plans de prévention recensent un certain nombre d'actions à réaliser afin de réduire le bruit sur les points noirs identifiés, et donc de repasser sous les seuils fixés par les normes. Ces mesures peuvent par exemple être la mise en place de murs anti-bruit, la création d'une zone 30... Emergence de la thématique bruit et santé La thématique bruit et santé a émergé grâce à l'OMS. Il faut toutefois distinguer deux notions de bruit distinctes, selon qu'on se place dans le domaine des transports, ou dans celui de la santé. Quand on parle du bruit pour les transports, on parle toujours du bruit en façade des bâtiments. Quand on parle du bruit pour la santé, il s'agit du bruit à l'intérieur de ces bâtiments. Le seuil de gène n'est pas du tout le même dans les deux cas (environ 70 dB en façade, contre environ 30 dB à l'intérieur). De plus, en abordant la problématique sous l'aspect santé, on s'intéresse souvent aux personnes sensibles (comme les enfants, malades et personnes âgées) dans l'idée que si l'on élimine les nuisances pour les plus faibles, on traite aussi le problème pour les plus fortes. Or certains acteurs avancent que cette approche est éventuellement infaisable, pour des raisons techniques et économiques, d'autant plus que ces catégories de personnes sensibles peuvent être minoritaires dans certaines zones. Le volet économique est très important, et il faut garder en tête que le bruit doit idéalement être traité aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des bâtiments, d'autant plus qu'en isolant extérieurement un bâtiment, on augmente l'importance ressentie du bruit intérieur. En ce qui concerne des données factuelles et quantifiées sur les impacts du bruit sur la santé, un rapport de l'OMS, publié en 2011, Burden of disease from environmental noise Quantification of
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healthy life years lost in Europe, permet de quantifier la perte d'espérance de vie en bonne santé due au bruit. Ce rapport démontre également que le bruit est gênant au niveau de la santé dès qu'il dépasse 30 dB, et qu'il existe une interaction forte avec le stress. Un autre rapport de l'OMS, Night noise guideline for Europe, s'intéresse également de manière quantifiée à cette thématique. Bibliographie La problématique n'est pas nouvelle, dès les années 60, elle était identifiée, mais le passage à la pratique a du mal à se concrétiser. On peut citer les ouvrages suivants : Les effets du bruit sur la santé (ministère des affaires sociales et de la santé) Les nuisances environnementales des transports : résultats d'une enquête nationale (les colletions de l'INRETS) Bruit des transports - Etat et perspectives scientifiques (Faburel, Polack, Beaumont) Noise as a public health problem (INRETS) Les études d'impact Lorsque l'on fait des nouvelles infrastructures de transport, il faut impérativement avoir à l'esprit la problématique du bruit très en amont. L'estimation des impacts sonores n'est pas, à ce stade, forcément facile, mais elle est nécessaire. A cause du caractère polémique du sujet, dans le cas d'une comparaison de différents projets, il est particulièrement important d'être précis, et de faire les mêmes hypothèses (et donc quelque part d'utiliser les mêmes méthodes). Les modélisations réalisées actuellement se basent sur les bâtiments présents sur la zone d'étude, mais il est difficile de faire le lien entre ces bâtiments et la population qui vie dedans afin d'estimer vraiment le nombre de personnes exposées au bruit. Le CETE de Lyon tente de croiser ces données liées aux bâtiments avec celles des impôts pour avoir une estimation du nombre de personnes exposées. Toutefois, il n'est pas encore envisageable d'aller plus loin en modélisant les activités de ces personnes, tout comme leur catégorie (plus ou moins sensible au bruit). Même lorsque l'on met en place des dispositifs de protection, on ne sait pas toujours bien suivre et dresser un bilan de ces dispositifs, ainsi que de la perception du bruit derrière les protections. On a également du mal à coupler isolation thermique et phonique sur les bâtiments, car ce ne sont pas les mêmes financements qui rentrent en jeu... Ces études d'impact sont obligatoires pour les projets portés par l'Etat. En général, le maître d'ouvrage fait appel à un bureau d'études pour les réaliser. Le contenu et la méthodologie sont très cadrés. La DREAL gère le fonctionnement de ces études d'impact. La démarche de concertation Si on veut rendre plus pertinentes les études d'impact, il faut mettre autour de la table tous les acteurs, en fonction de leurs compétences. Il faut une gouvernance technique le plus participative possible. Aujourd'hui, les associations ont de plus en plus de poids, et certains citoyens brillants participent aux débats. Il faudrait les impliquer plus en amont des projets. Il ne fait pas négliger l'avis des citoyens, qui sont capables d'apporter vis-à-vis du projet des arguments pertinents. Aujourd'hui, il est obligatoire de rendre publiques un grand nombre d'informations, dont les cartes de bruit, ce qui complique le débat et renforce la participation de la population en parallèle du
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renforcement de ses compétences. En effet, plus les gens sont informés, plus ils se sentent partie prenante. Les impacts du transport sur la santé Selon Marie-Paule Thaveau, les impacts sur l'air et sur l'eau sont prépondérants, puisqu'ils sont liés directement à un risque d'absorption par l'organisme de polluant (que ce soit par inhalation ou par ingestion). Les impacts du bruit ne sont pas non plus à négliger. Il est particulièrement important de chercher à voir les conséquences d'une thématique sur l'autre. D'après elle, on a beaucoup nuit par voie indirecte en ne prenant pas assez bien en compte ces interactions. La monétarisation Un chiffrage des mesures sera réalisé via les plans de prévention du bruit. Ce chiffrage est difficile à réaliser, car il nécessite de trouver les financements nécessaires pour résorber les points noirs du bruit. En revanche, il n'y a pas de chiffrage direct de la santé.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Raymond Del Perugia
Date : mardi 29 novembre 2011 Lieu : Direction de la Voirie et des Déplacements Mairie de Paris, 42 rue du Louvre Durée : 1h Présentation M. Del Perugia est chef de la subdivision des déplacements en libre-service à la Direction de la Voirie et des Déplacements (DVD) de la Ville de Paris. Santé et Vélib' Le Vélib' n'est pas, en tant que tel, considéré comme un moyen de faire du sport. Il est dans sa large majorité utilisé pour des déplacements courts. De plus, il faut savoir qu'à distance égale parcourue, l'usage du vélo conduit à une dépense d'énergie moindre que celle permise par la marche à pied. Etudes menées avant la mise en place de Vélib' Aujourd'hui à Paris, environ 40 % des déplacements se font à pied, et 3% des déplacements se font à vélo. Parmi ces 3%, 35 % sont désormais réalisés en Vélib'. Avant l'arrivée de Vélib, seuls 2% des déplacements étaient réalisés en vélo à Paris. L'arrivée du projet a donc permis une augmentation de 50% de ce mode de transport. A l'issue des élections municipales de 2001, le conseil municipal de Paris a vu l'arrivée d'une coalition entre les socialistes et les verts, d'où un axe écologique particulièrement développé par la municipalité, notamment en vue de favoriser les modes de transport doux, dans le but de réduire la pollution atmosphérique à Paris. Entre 2001 et 2004, de nombreux aménagements pour favoriser les cyclistes (par exemple, des pistes cyclables) ont été réalisés. Toutefois, malgré ces aménagements, l'utilisation du vélo comme moyen de déplacement ne changeait pas, et stagnait à 2%. La Ville de Paris a alors missionné un cabinet, qui a diagnostiqué plusieurs freins à l'usage du vélo à Paris. Les trois freins principaux sont le besoin d'espace de stockage, la nécessité de facilités pour entretenir les vélos, et la peur de s'insérer dans une circulation urbaine extrêmement dense. Un système de Vélo en Libre-Service (VLS) serait ainsi particulièrement approprié, car il permettrait de s'affranchir des deux premiers freins. Parallèlement, le projet Vélo'v, développé par la Ville de Lyon, mis en place en 2005, et dont les premiers résultats ont été particulièrement satisfaisants, a été l'élément déclencheur du lancement de Vélib' à Paris. Financement du projet Vélib' Deux types de financement étaient possibles : en régie sur fonds propres, ou en coordination avec une société privée (marché public, partenariat public privé, délégation de service public...). Le choix de la ville de Paris s'est porté sur le deuxième type de financement, en couplant le marché de
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Vélib' avec celui du renouvellement du marché des mobiliers urbains et d'information (MUI). Sur ces MUI, 50% des messages sont à caractère institutionnel, et 50% de la publicité. Les deux marchés sont passés pour une durée de 10 ans. Les coûts d'investissement étaient estimés à 80 millions d'euros pour la mise en place du service de VLS, et de 20 millions d'euros pour le renouvellement des MUI, auxquels s'ajoutent les frais d'entretien, estimés entre 30 et 40 millions d'euros par an pour le service de VLS. Ces sommes sont à comparer avec les recettes publicitaires, qui s'élèvent entre 50 et 60 millions d'euros par an. En 2005, une procédure de dialogue compétitif a été lancée, notamment pour aider la Ville de Paris à définir précisément les critères du service de VLS qu'elle voulait déployer. Trois sociétés y ont participé : Clear Channel, Decaux, ainsi qu'un troisième groupement. A l'issue de ce dialogue compétitif, Clear Channel a remporté l'offre. Mais Decaux a trouvé une faille et a fait annuler le marché fin 2006. Un deuxième marché a été lancé fin 2006 dans des délais très courts, afin d'ouvrir le service à l'été 2007, pour pouvoir bénéficier des retombées avant la fin de la mandature, en 2008. Cette foisci, il s'agissait d'un marché de service, les caractéristiques de l'offre ayant pu être définies grâce à la procédure de dialogue compétitif du premier marché. Notifié le 20 février 2007, il a été remporté par la société Decaux. L'inauguration du Vélib' a eu lieu mi-juillet 2007 par le Maire de Paris Bertrand Delanoë. Tandis que l'issue du dialogue compétitif était assez serrée, le marché de service a été largement remporté par Decaux proposant un maillage très dense : 20 600 vélos pour 1 451 stations, contre 14 000 vélos pour 1 000 stations pour Clear Channel ; il faut noter que ces deux offres respectaient les préconisations de l'APUR (minimum 750 stations et 8 000 vélos). Au final, Vélib' a nécessité un investissement de 90 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 20 millions pour le renouvellement des MUI, portant le total à 110 millions d'euros d'investissement. Les frais de fonctionnement peuvent être estimés de 30 à 40 millions d'euros par an, et les recettes publicitaires, entre 50 et 60 millions d'euros par an. La société Decaux peut donc être supposée légèrement déficitaire sur ces 10 années de contrat (2007-2017), mais avec Vélib' c'est l'image du plus grand service de VLS au monde que s'est offert Decaux, 2e groupe mondial dans son domaine d'activité. Bilan Il est difficile d'avoir des indicateurs précis et pertinents pour tirer un bilan fiable et objectif de Vélib'. Avec un lancement mi-2007, le nombre de déplacement enregistré par Vélib' en 2007 a été de 13 millions. Ce chiffre s'est ensuite élevé à 28 millions en 2008, 26 millions en 2009 et 25 millions en 2010. Pour 2011, on devrait frôler les 30 millions de déplacements, puisque fin octobre, les déplacements cumulés s'élevaient à 26,5 millions. Vélib' a dont atteint un rythme d'environ 3 millions de déplacement par mois. Aujourd'hui, 18 000 Vélib' sont en circulation, et Vélib' rapporte annuellement 15 millions d'euros à la Ville de Paris. Le succès de Vélib' est également dû aux caractéristiques de la Ville de Paris : Paris est petit, Paris est plat, et la météo relativement clémente, surtout en 2011. Malheureusement il est difficile de s'intéresser à d'autres indicateurs. Le succès et la mesure du nombre de trajets en voiture évités avec les Vélib sont en effet difficilement mesurables. Limites et pistes d'amélioration
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Contrairement à Berlin, qui compte à peu près la même population que Paris mais dispose de 10 fois plus d'espace, à Paris les limites physiques (densité) sont particulièrement présentes : tout se fait au détriment de quelque chose. Concernant Vélib', l'implantation des stations se fait le plus souvent au détriment du stationnement. La Ville de Paris a eu beaucoup de mal à terminer le déploiement de Vélib', projet lancé en 3 vagues, à cause de la diminution du nombre de places de stationnement ou de livraison, souvent négociées par les maires d'arrondissements, soucieux de satisfaire leur électorat. Pour développer les éléments de substitution, la Ville a lancé une politique de stationnement dans les parcs souterrains en tant que « puits à voitures ». Parmi les pistes d'amélioration qui peuvent être envisagées, on peut citer l'augmentation du nombre de stations, ainsi que l'agrandissement des stations existantes. Mais la taille des stations est souvent limitée par la place disponible, et les stations les plus grandes devraient également se trouver dans les zones les plus denses. L'implantation d'un certain nombre de stations de Velib' (un quart du total) avait dû être revue suite à l'intervention des architectes des bâtiments de France, et décalées dans des rues adjacentes, avec moins de place disponible... La Ville de Paris a négocié avec Decaux la location de tranches supplémentaires de 5 stations pour pouvoir faire face au développement urbain et ainsi augmenter l'offre de Velib'. C'est ainsi que les stations ont été implantées dans les communes périphériques de la Ville de Paris. Toutefois, contrairement aux stations d'origine, celles-ci sont financées en totalité par la Ville de Paris. La régulation est difficile, car le mouvement pendulaire est très important, représentant 37% des déplacements. Ainsi la régulation artificielle est indispensable, mais limitée par l'offre de Decaux, qui doit opérer à moyens constants La Ville est satisfaite de la rapidité de l'offre de Decaux et de ce partenariat, même si une gestion en régie permettrait certainement une régulation artificielle plus importante. Decaux est jugée sur 6 critères (stations vides, pleines, propreté, état des vélos, etc...) permettant d'appliquer des pénalités ou des intéressements. Toutefois la société s'en sort particulièrement bien pour l'instant, même si la régulation reste un des problèmes principaux. Vélib' en tant que politique de santé publique ? A l'origine, la refonte des modes de déplacements à Paris, en faveur d'une diminution de la pollution atmosphérique, a été motivée par des préoccupations de santé publique. Cette politique de déplacements ne se borne pas à Vélib' mais est beaucoup plus large, puisqu'elle vise à inciter les gens à modifier leurs modes de transport. Elle est couplée aux pistes cyclables et sites propres pour vélos, mais également à d'autres projets de transports en communs comme le tramway, les couloirs de bus... Toutefois, le lien direct avec la santé n'est que peu mis en avant et considéré comme « légèrement artificiel ». Il existe un programme de création d'axes dédiés aux circulations douces, où 200 km restent encore à créer dans Paris intra-muros d'ici les prochaines élections municipales, en 2014. De plus, la politique de stationnement des deux roues, motorisés ou non, avec la création de nouveaux parcs de stationnement, est en plein essor actuellement à Paris. Conclusion « Le Vélib a redonné une vraie place au vélo dans la Ville de Paris. Il a véritablement permis de changer son image. Nous sommes actuellement à 3% des déplacements réalisés en vélos, et même si c'est désormais un large succès reconnu, nous pouvons encore augmenter cette proportion ». (Nota :
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c'est l'Observatoire des Déplacements du Service de la Mobilité de la Direction de la Voirie et des Déplacements qui effectue ces mesures.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Luc Baumstark
Date : mercredi 30 novembre 2011 Lieu : par téléphone Durée : 1h30 Présentation Luc Baumstark est le doyen de la faculté de sciences économiques à l'Université de Lyon. A la fin des années 80, il effectue une thèse en économie des transports, en liaison avec le rapport Boiteux 1. Au début des années 90, on constate une montée de l'environnement dans les préoccupations, et des travaux européens sont réalisés sur la problématique des externalités environnementales. Il est recruté comme chargé de mission au CGP/CAS, chargé de l'économie de l'environnement et des services publics. Il réalise des travaux pour le ministère de l'équipement et pour le premier ministre. Recruté ensuite à l'Université de Lyon, il travaille pour enrichir le calcul économique standard. Puis il s'intéresse à l'économie de la santé, avec en particulier la valeur de la vie humaine, sujet qui intéresse les secteurs du transport (questions de sécurité) et celui de la santé publique. En 2008, il intègre une commission d'économistes pour intégrer une analyse clinique dans les études économiques.
Emergence du rapport Boiteux Il effectue un travail de prospective (intitulé Perspective 2000) au début des 90, alors que la question de l'environnement était un point de crispation qui ralentissait les projets d'infrastructures : quelle valeur la collectivité donne à ces infrastructures et à l'environnement ? Il existait des désaccords entre Bercy et le Ministère des Transports sur les outils et les réflexions. Bercy souhaitait remettre sur la table les modalités d'évaluation des projets d'infrastructure : quel TRI choisir, débat entre calcul économique et analyse multi-critères... Il y avait un réel besoin de s'accorder sur la doctrine. Marcel Boiteux a été choisi pour travailler sur ces questions lorsque des tensions fortes sont apparues, notamment sur les projets RATP/SNCF, qui avaient des TRI assez faibles, sur lesquels la direction générale des routes, très puissante, pouvait contester. De plus, c'est une personnalité extérieure au domaine des transports, donc mieux acceptée. Le rapport Boiteux 1 était assez succinct, et servait surtout à faire l'état des lieux sur plusieurs sujets : la valeur du temps, la valeur de la vie humaine... C'est à ce moment qu'est apparue la question de l'effet de serre. La commission Boiteux 2 (commission mixte) traite entre autres de la montée en puissance du domaine de l'environnement, et en particulier les effets liés à la pollution atmosphérique. En interne
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se pose un débat entre deux postures différentes, suscitant des interrogations fortes (Ministère de l'Environnement et M. Gayssot) d'un groupe qui souhaitait défendre le transport urbain. Des critiques très fortes sur les outils sont formulées, les valeurs attribuées au bruit et à l'environnement sont jugées trop faibles, et émerge alors la nécessité d'une reprise du rapport Boiteux 1. Plusieurs commissions sont établies, une par thème : prix de l'énergie, effet de serre (prix du carbone, avec des réflexions déjà menées dans d'autres instances), bruit, effets de coupure... Le lobby environnemental s'est senti floué, car ces éléments ne changeaient pas beaucoup le résultat sur la rentabilité du projet, d'où une crise, car ceux qui avaient lancé la commande étaient frustrés. Réinjection de la valeur de la vie humaine en expliquant que la valeur statistique de la vie humaine utilisée était trop faible. Concernant la question du bruit : c'est une nuisance mal ressentie par la population. La valorisation de ces effets est faible dans les études au regard de la valorisation faite par la population. De nouvelles études sont menées, mais ne sont pas extrêmement poussées. Le problème est que les évaluateurs n'ont pas toutes les données utiles, par exemple le tracé de l'itinéraire n'est pas forcément connu à l'avance, alors que le calcul des niveaux de bruit dépend du calage de l'infrastructure. Le rapport Boiteux 2, intéressant fortement la Commission Européenne, joue le rôle d'interface entre des interrogations scientifiques, avec une traduction économique et montre comment passer du chiffrage à des outils à mettre en oeuvre dans les évaluations. Ce dernier est facile à faire pour la sécurité routière, mais bien plus difficile pour le bruit... De nombreux travaux s'inscrivent alors dans la continuité du rapport Boiteux 2, qu'on appelle parfois « Boiteux 3 », même si M. Boiteux ne les dirigera sans doute pas. Une suite a déjà eu lieu, en s'interrogeant notamment sur le taux d'actualisation à considérer : les écologistes disent qu'il ne faut pas actualiser, certains pensent que le taux d'actualisation public n'a pas d'intérêt (travailler avec les obligations USA à 30 ans par exemple)... Le taux d'actualisation à l'époque était à 8%, sans risque. Des interrogations se posent sur la valeur carbone qu'il faut réactualiser en fonction des durcissements de la législation européenne. Comment donner une évaluation économique à la biodiversité ? Hostilité parfois marquée aux analyses coûts-bénéfices, critique sur la valeur du temps trop importante, études jugées technocratiques... le vrai enjeu des 15 dernières années est que le calcul économique n'est plus porté par l'Administration, les rapports type Boiteux doivent permettre de laisser une pertinence à ce calcul économique. Si on oublie les grandes thématiques (effet de serre...), on risque des critiques. Ces approches sont nécessaires, mais il faut être sérieux et en faire d'autres. Boiteux 2 est un maillon. Il ne serait peut-être pas possible aujourd'hui de traiter autant d'aspects différents que dans ce rapport. L'importance de la monétarisation Il faut distinguer le fait de faire des études (ex : études sur le paysage) et de passer à une étude sur un projet, comment concrètement dans le calcul vous prenez cet aspect en compte ? Aujourd'hui, de fait, le poids des calculs coûts/avantages dans le processus de décision est faible. La loi l'impose pour certains projets, donc c'est fait, mais elles ont un poids modeste dans la décision. Ces études sont difficiles à présenter, mal reçues par les élus, les associations... c'est une approche contestée.
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Je reste un fervent partisan de cette méthode, les analyses multicritères ne donnent pas des résultats clairs pour mieux éclairer la décision publique. C'est la culture française qui fait que ces études économiques. Il y a un vrai challenge sur cette question. Fondamentalement, les attentes ne vont pas dans le sens d'un développement du calcul économique, on fait des études d'impact. Par contre, monétariser les effets constatés dans une étude d'impact apparaît comme une aberration pour certains.
Les approches utilisées dans le rapport Boiteux et la perte de qualité de vie Le premier rapport Boiteux exprime différentes méthodes (ex : écarts de salaires, approches en termes de coût, approche en termes de perte de production en cas de mort à 35 ans). Les valeurs sont assez faibles, donc d'autres outils sont utilisés. Par exemple, en cas de mort, on regarde la perte de consommation de ressources. Il existe également des approches sur des marchés parallèles : quel effort doit faire une collectivité pour éviter une mort supplémentaire ? L'aspect de la sécurité routière a été surtout considéré. Après, la valorisation des accidents est sous-estimée. Derrière ça se pose la question sur la qualité de la vie : perte de mobilité pour les blessés graves... Le rapport souligne qu'il y a besoin de travaux complémentaires. Dans le domaine de la santé, on utilise une méthode qualitative pour estimer la perte de qualité de vie. Les assureurs ont des grilles (et il existe même des grilles concurrentes parfois entre assureurs) pour caler le degré d'invalidité des gens, qui sont utilisées devant les tribunaux pour aider le juge à décider du montant des indemnités. Ces grilles ne sont pas monétarisées. Des économistes ont cherché à valoriser ces grilles, en pondérant avec la valeur de la vie humaine sur une échelle de 0 à 1 (0 = mort, 1 = vie en parfaite santé) en se basant sur ces grilles pour estimer des dégradations irréversibles de la qualité de vie. Cette méthode notamment utilisée en Grande-Bretagne. On regarde les dépenses publiques à faire pour obtenir une certaine qualité et la collectivité décide si le montant de l'investissement est raisonnable. La Direction à la Sécurité de la Circulation Routière est assez intéressée pour transférer cette méthode sur les investissements de sécurité routière. Le CAS réfléchit aussi à pondérer la valeur de la VH par la qualité de vie. Avec l'amélioration des soins, on décède moins mais on vit dans des conditions de vie dégradées. On sous-estime ces pertes de qualité de vie. C'est un sujet sur lequel il y a un vrai intérêt à travailler. La pertinence des thématiques retenues pour le GCT La pollution atmosphérique est en passe d'être réglée, avec des engagements très forts, des normes... La qualité de l'air s'est améliorée, on a fait des efforts sur les métaux... La conclusion de Boiteux 2 est que si on arrivait à des valeurs faibles pour la pollution, c'est que la situation s'est améliorée. Si on va vers la voiture électrique dans les centres-villes, on va encore améliorer la situation. Autres questions sur la congestion... Coût social élevé, comment l'internaliser ? Péages urbains, etc. Comment assurer une mobilité à un coût acceptable ?
Quelles perspectives pour un rapport Boiteux 3 ? Il serait intéressant de dire quels sont les éléments du débat sur les grands impacts sur la santé, les impacts en voie d'être réglés, ceux amenés à se développer... dans quels domaines faut-il
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progresser en termes de recherche ? Pour un rapport Boiteux 3, ne pas remettre en cause certains éléments sur lesquels on tournerait en rond (pollution atmosphérique par exemple). Aujourd'hui, on pourrait aussi s'intéresser à la question suivante : comment l'évolution des systèmes d'aide à la conduite dans les voitures peut-elle améliorer la sécurité routière ?
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INVALIDE) (ATTENTION: OPTION s hormonaux, des maladies cardiovasculaires, des dépressions et autres maladies mentales. Une estimation du seuil à partir duquel ces effets sont observables a été réalisée, et des recommandations ont pu être formulées, en fonction du « Lnight,outside », c'est-à-dire du niveau de bruit moyen nocturne extérieur annualisé. Il ressort de cette étude qu'en dessous de 30 dB, aucun effet biologique substantiel sur le sommeil n'est observé. Entre 30 et 40 dB, on remarque de légers effets sur le sommeil des populations les plus sensibles, comme les enfants, les malades chroniques et les personnes âgées. Entre 40 et 55 dB, des effets négatifs sur la santé peuvent être observés au sein de la population exposée ; de nombreux individus doivent prendre des dispositions afin de s'adapter à
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ces niveaux de bruit. Au-delà de 55 dB, les effets négatifs sur la santé sont observés de manière fréquente au sein d'une proportion non négligeable d'individus ; parallèlement, on constate une augmentation du risque de maladies cardio-vasculaires. A partir de ces observations, l'OMS recommande donc de viser à long terme un Lnight,outside de 40 dB, avec un palier intermédiaire à 55 dB pour les mesures à court terme.
B.3. L'estimation des coûts externes liés au bruit des transports sur la santé
Dans le cadre du projet de création d'une agglomération franco-suisse autour de la ville de Genève (Comité régional franco-genevois, 2007), les partenaires publics ont considéré plusieurs études mettant en avant les effets du bruit sur la santé humaine (Müller-Wenk, 2002) (Watkiss, 2000). Partant du constat que le bruit a des effets néfastes sur la santé, provoquant, entre autres, gêne, stress, nervosité, tension, lésions auditives, troubles du sommeil, problèmes cardiovasculaires (Stansfeld, 2000), une étude a été conduite pour estimer les coûts externes imputables au bruit des transports pour la santé (accroissement des maladies ou des décès) en Suisse. Ceux-ci sont estimés à 124 millions CHF par an, dont 99 millions imputables au trafic routier (Comité régional francogenevois, 2007). Les trois quarts des coûts de santé résultent des maladies liées à l'hypertension et un quart des maladies cardiaques ischémiques (OCDE, 2007). Les nuisances sonores dues aux transports induisent principalement de la gêne pour les individus qui y sont soumis. Cette gêne varie selon le contexte, notamment la période de la journée, et selon le type de trafic considéré : le trafic ferroviaire est plus facilement accepté que le trafic routier. Cette gêne est principalement ressentie lors des périodes nocturnes, où la majorité des individus sont en train de dormir. Les perturbations du sommeil peuvent avoir des répercussions importantes sur la santé, et ce y compris pour des niveaux de bruit plus faibles que les valeurs règlementaires considérées par les pays européens. Une monétarisation des effets du bruit sur la santé peut être possible, en conduisant une étude poussée pour estimer les coûts externes imputables au bruit des transports pour la santé, à l'image de ce qui a été fait en Suisse.
C. Prise en compte par les politiques publiques
Actuellement en France, les politiques publiques sont principalement axées sur la réduction de la gêne occasionnée par le bruit sur les individus, et non pas sur la réduction des effets de long terme sur la santé. Toutefois, les dispositifs législatifs et d'évaluation existent et, sous réserve de disposer d'études précises sur le sujet, une intégration de ces impacts sanitaires serait facilement réalisable.
C.1. Les cartes de bruit stratégiques
La directive européenne sur le bruit (Directive européenne, 2002/49/CE) impose la réalisation de cartes de bruit, permettant de savoir quelle population est touchée par le bruit dans les grandes agglomérations ou le long des infrastructures importantes. Ces cartes ne servent pas à l'évaluation des infrastructures de transport, mais permettent d'avoir une vision globale de l'impact sonore des infrastructures et d'identifier les points noirs à corriger. Elles servent ainsi de base aux plans d'actions imposés pour 2013 par la directive européenne. Ces plans d'actions visent à réduire les
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nuisances sonores par diverses méthodes, pouvant aller des mesures techniques aux incitations économiques. Le travail de cartographie a pris du retard en France. Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, le comité opérationnel « bruit » estime d'ores et déjà qu'il y a près de 70 000 points noirs de bruit rien que sur le réseau routier national non concédé, dont le traitement est estimé entre 1,5 et 2 milliard d'euros (Grenelle de l'environnement, 2008). Aujourd'hui, seule la moitié de la population est couverte par les cartes de bruit, proportion qui tombe à 10% en ce qui concerne les plans de prévention du bruit (Entretien Marie-Paule Thaveau, GCT). Une telle politique publique de traitement des points noirs de bruit serait naturellement vaine si des mesures de protection au moins équivalentes n'étaient pas prises lors de la construction de nouvelles infrastructures. C'est la raison pour laquelle l'évaluation des infrastructures de transports comporte un volet sur le bruit.
C.2. L'évaluation socio-économique dans le rapport Boiteux 2
Le rapport Boiteux 2, qui sert de base au référentiel d'évaluation socio-économique des projets de transports au MEDDTL, fixe quelques règles quant à l'évaluation des impacts du bruit. Celle-ci se fait à travers la perte de valeur de l'immobilier : au-delà d'un certain niveau de bruit, chaque décibel conduit à une dépréciation des biens. Cette dépréciation a été établie par la méthode des prix hédonistes. Afin de s'affranchir de la variabilité géographique des prix de l'immobilier (les impacts socio-économiques d'une même infrastructure dans deux régions où les prix ne seraient pas les mêmes doivent tout de même être identiques), le groupe de travail se base sur la valeur locative moyenne en France. Ces valeurs n'intègrent pas tous les effets du bruit. Pour une meilleure exhaustivité, elles sont adaptées et corrigées. Ainsi, afin de prendre en compte la plus grande sensibilité aux nuisances nocturnes, la valeur d'une exposition au bruit la nuit (de 22h à 6h) est majorée de 5 dB. De plus, cette évaluation ne prend pas forcément en compte les effets à long terme du bruit sur la santé, mais seulement la valeur qu'accorde la population à la gêne occasionnée. Le groupe de travail du rapport Boiteux 2 a donc considéré que les valeurs de dépréciation reflétaient bien les effets à court terme, comme la gêne liée aux perturbations du sommeil, mais pas les effets à long terme, comme les troubles cardio-vasculaire par exemple. Ces effets à long terme apparaissent pour des niveaux de bruits plus élevés (supérieurs à 70 dB de jour). En l'absence d'études suffisamment détaillées, le groupe de travail Boiteux 2 a choisi d'appliquer une majoration arbitraire de 30% du coût par décibel pour ces bruits élevés, en attendant les résultats d'études plus précises.
C.3. Les évolutions envisageables du référentiel
Des études académiques permettent d'améliorer la documentation des effets néfastes du bruit sur la santé. Elles mettent en valeur les risques augmentés d'hypertension ou de maladie cardiovasculaire (Miedema, et al., 2003) (Bluhm, et al., 2007). Elles ont aussi prouvé un effet sur l'apprentissage à l'école (OMS, 2005). Cependant, il reste encore des sujets à approfondir, dans la mesure où certaines études n'ont pas nécessairement trouvé de corrélation significative, et les fonctions expositionréponse ne sont pas toujours disponibles. Par exemple, lorsque le bruit varie de façon brutale, il est perçu comme plus gênant qu'un bruit en moyenne plus fort mais régulier ; cependant, on ne dispose pas d'indicateur vraiment satisfaisant afin de prendre en compte ces variations (Grangeon, 2010). Il
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Le bruit et les transports
est important de poursuivre les efforts de recherche afin de mieux comprendre les effets sur la santé du bruit, et ainsi d'objectiver le système empirique choisi par le groupe de travail du rapport Boiteux. La compréhension de la relation entre bruit et stress est aussi importante si l'on prend en compte le stress dans l'évaluation des infrastructures de transport, dans la mesure où l'on pourrait créer des doubles comptes. La valeur donnée aux nuisances sonores s'avère dans les faits très faible. Le rapport Boiteux 2 propose des valeurs cadres similaires à celles des autres études européennes, mais, même en utilisant les valeurs maximales, l'influence du bruit dans les évaluations socio-économiques ne dépasse jamais 2% (Grangeon, 2010). Le rapport du Sétra sur la monétarisation des externalités environnementales recommande un changement des méthodes de monétarisation permettant de mieux refléter le coût social du bruit, ainsi que la prise en compte des mesures réglementaires telles que la prévention et le rattrapage des points noirs qui permettraient d'améliorer l'internalisation des coûts du bruit dans celui des infrastructures. Cependant, il est possible que la perception des nuisances sonores par les riverains soit exacerbée par le fait que contrairement à d'autres nuisances, le bruit est parfaitement perceptible au quotidien. Le fait de vouloir refléter l'acceptabilité sociale dans l'évaluation des infrastructures risquerait alors de donner un poids excessif au bruit, alors que d'autres nuisances plus discrètes seraient sous-estimées, bien que plus importantes d'un point de vue sanitaire. Il est donc nécessaire de trouver un équilibre dans la monétarisation. Au Certu, on insiste sur le caractère transversal de la lutte contre les nuisances sonores, et la nécessité de prendre en compte les politiques connexes (Entretien Marie-Paule Thaveau, GCT). Par exemple, la lutte contre les nuisances sonores peut être associée à celle contre les déperditions thermiques des bâtiments, pour coupler les travaux d'isolation thermique avec ceux d'isolation phonique. Au contraire, elle peut aussi être en opposition avec d'autres problématiques : par exemple, les livraisons de nuit permettent de désengorger les routes en journée, mais génèrent des nuisances sonores au moment où les habitants y sont le plus sensible. Il est donc nécessaire de prendre du recul, et de considérer la lutte contre les nuisances sonores, comme toute politique en faveur de la santé, d'une manière plus globale et transversale. Aujourd'hui, la prise en compte des nuisances sonores dues aux transports se base uniquement sur la gêne ressentie par les individus, et plus précisément sur la dépréciation de la valeur locative des logements soumis au bruit. Toutefois, cette méthode ne permet pas de refléter les impacts à long terme des nuisances sonores sur la santé. De plus, aucune distinction n'est à ce jour réalisée en fonction du type de constructions impactées, de l'activité et du nombre de personnes qu'elles accueillent, ou de l'état de santé des personnes s'y trouvant. Une poursuite des études sur l'identification des impacts des nuisances sonores sur la santé permettrait d'améliorer simultanément les indicateurs de bruit utilisés et la connaissance des conséquences sanitaires du bruit sur les individus. Ce raffinement des méthodes permettrait également d'améliorer la prise en compte de l'acceptabilité sociale du bruit, importante lors de la réalisation de nouveaux projets.
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GCT Santé Transport
LE STRESS ET LES TRANSPORTS
Le stress est un état psychologique ayant des conséquences biologiques. En cas de situation de stress prolongé, l'organisme s'épuise tant physiquement que mentalement. Les transports génèrent des situations de stress prolongé chez les usagers et les professionnels, mais également chez les riverains. Les conditions de transport et le coût psychologique de l'incertitude et du retard sont les causes prédominantes chez les usagers, tandis que les riverains sont touchés par le bruit. Les situations de stress pour les professionnels des transports, et en particulier pour les conducteurs, peuvent générer des externalités négatives sur un grand nombre de personnes par la diminution de sécurité qu'elles entraînent. Actuellement, la question du stress n'est pas toujours bien abordée par les différents acteurs. On note l'émergence des plans de déplacement d'entreprise qui offrent une possibilité d'expression aux salariés pour tenir compte de l'impact des transports sur leur situation professionnelle. Le développement des modes de transports alternatifs doit permettre de réduire indirectement le stress généré. Enfin, d'autres pistes sur l'urbanisme ou le télétravail doivent être approfondies.
A. Le stress, définitions
Apparue dans les années 1940, la notion de stress est souvent difficile à définir. Elle peut être désignée par d'autres appellations connexes, telles que les risques psycho-sociaux. De ce fait, plusieurs définitions cohabitent, provenant de la littérature scientifique et médicale ou de documents officiels.
A.1. Définitions académiques et processus biologiques
Il est important de distinguer l'anxiété qui est « un cocktail de sentiments d'insécurité, de troubles diffus, de frustration de la libido et d'interdits du surmoi », de l'angoisse qui est « un sentiment d'inquiétude profond, une peur irrationnelle et une impression vague de danger immédiat devant laquelle l'individu se sent impuissant » et du stress qui présente comme différence avec les deux autres d'avoir un événement déclencheur aux caractères précis et spécifique (Dubier & Inchauspé, 2000). D'un point de vue biologique, une situation stressante se décompose en trois phases (INRS, 2011). La première est l'alarme, où l'organisme libère des hormones (catécholamines) augmentant la fréquence cardiaque et la tension artérielle pour se préparer à faire face à la situation. Dans un second temps, une phase de résistance s'installe, et le corps sécrète des glucocorticoïdes qui favorisent l'activité métabolique et fournissent l'énergie nécessaire au fonctionnement de l'organisme. Enfin, si la situation stressante se prolonge, une phase d'épuisement apparaît. Dans ce cas, le système nerveux perd sa sensibilité aux hormones précédemment sécrétées, dont le taux augmente alors pour compenser. L'organisme est en permanence sollicité et activé, et s'épuise. Face à ce risque d'épuisement, les personnes définissent, consciemment ou non, une stratégie d'adaptation (fuite, réaction émotionnelle ou recherche de solutions).
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Le stress et les transports
A.2. Une définition officielle
L'Union Européenne propose la définition suivante du stress (INRS, 2006) : « un état de stress survient lorsqu'il y a déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face. Bien que le processus d'évaluation des contraintes et des ressources soit d'ordre psychologique, les effets du stress ne sont pas uniquement de nature psychologique. Il affecte également la santé physique, le bien-être et la productivité de la personne qui y est soumise ».
A.3. Traitements possibles du stress
Deux types de traitement du stress et de ses effets existent. Le premier consiste en un traitement correctif, à l'aide de thérapies comportementales, médicamenteuses ou corporelles. D'un autre côté, on trouve la prévention, seule à même de supprimer les causes du stress, mais qui est d'autant plus compliquée à mettre en place, étant donné que l'identification de celles-ci peut se révéler difficile. Le stress est un état psychologique, se traduisant par un processus biologique visant à augmenter l'activité métabolique pour répondre à une situation intense. S'il se prolonge, il devient alors susceptible d'épuiser l'organisme, à la fois physiquement et mentalement. Le traitement curatif du stress est possible mais souvent lourd, tandis que l'identification des causes peut se révéler délicate.
B. Le stress et les transports, origines et conséquences
Les trajets entre le domicile et le lieu de travail, quel que soit le mode de transport utilisé, sont, par leur fréquence, les plus susceptibles de constituer une source de stress de long terme. Selon l'étude Regus menée en septembre 2010 sur 10 000 personnes (Regus, 2011), la durée moyenne du trajet domicile/travail est de 29 minutes et celle-ci dépasse 45 minutes pour 21% des personnes interrogées. Ce trajet peut être source de stress pour plusieurs raisons et avoir ainsi des conséquences sur la santé.
B.1 Causes et conséquences du stress pour les usagers des transports
L'étude Regus menée en septembre 2010 sur 10 000 personnes a permis d'identifier 7 causes principales de stress dans les transports en France : 1) Embouteillages en bus, voiture, train (72%) ; 2) Retards et interruption (57%) ; 3) Conducteurs dangereux (35%) ; 4) Pollution et surchauffe (32%) ; 5) Manque d'informations (26%) ; 6) Conversations téléphoniques (23%) ; 7) Agressivité au volant (19%). Ces travaux sont notamment complétés par une expertise menée par le cabinet Technologia sur l'impact des transports en commun sur la santé des travailleurs en Région Parisienne (Bouéroux, et al., 2010). Il y est souligné que les conditions de voyage au quotidien sont davantage source d'usure que les grèves, plus médiatisées mais moins fréquentes. Les facteurs d'inconfort dans les transports en commun sont nombreux : ambiance lumineuse agressive, sur-stimulation visuelle et auditive, variations brusques de température, comportements non-respectueux des voyageurs et taux de fréquentation (Bouéroux, et al., 2010). Concernant ce dernier point, en Île-de-France, plusieurs lignes
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Le stress et les transports
de métro sont ainsi saturées et le RER A cumule plus de 20 000 retards chaque année (Bartnik, 2010). Il existe également une notion de coût psychologique lié à l'incertitude sur le temps de transport, cette incertitude augmentant avec le nombre de correspondances. Enfin, les salariés travaillant la nuit et le dimanche sont davantage touchés par le problème car il n'existe alors que peu ou pas de transport en commun, et doivent de plus faire face à un fort sentiment d'insécurité (Bouéroux, et al., 2010). Par ailleurs, l'usage de l'automobile peut également générer du stress, notamment en raison des embouteillages. Une étude conduite pour le fabricant de GPS TomTom montre qu'une conduite pendant 20 minutes dans les embouteillages provoquait une augmentation du stress chez 8,7% des femmes et 60% des hommes (soit sept fois plus), constatée par prélèvement de marqueurs salivaires (Moxon, 2011). Si d'une manière générale 86% des conducteurs se disent affectés négativement par la circulation, 67% des femmes et 50% des hommes déclarent ne pas ressentir ce stress bien qu'il existe, ce qui traduit une certaine accoutumance et fatalité face à ce problème. Une autre source de stress au volant est le comportement des autres automobilistes et notamment les comportements d'agressivité, de colère et d'impatience. Ces comportements s'accroissent, ainsi, les problèmes d'agressivité post-accidents aux Etats-Unis ont augmenté de 51% entre 1990 et 1997 (Mixell, 1997). Les conséquences du stress généré par les transports chez les individus sont multiples, et correspondent à celles d'un stress « classique », à savoir en premier lieu l'affaiblissement des fonctions immunitaires, une augmentation de la pression artérielle et une augmentation de la glycémie. Le stress rend donc les individus plus vulnérables. Par ailleurs, ces symptômes sont amplifiés par des changements de mode de vie. Ainsi, une augmentation de la durée des trajets conduit les individus à réduire leurs pauses au cours de la journée de travail, et amène une perte de qualité de vie liée à l'appauvrissement de la vie sociale et familiale. Ces problèmes rejaillissent au niveau de l'entreprise, dont le fonctionnement est perturbé par les retards. Ceci ajoute une pression supplémentaire pour les salariés, qui sont alors sous la menace d'un licenciement (Bouéroux, et al., 2010).
B.2. Le stress chez les professionnels des transports
Sont regroupés dans cette catégorie les conducteurs et personnes travaillant à bord des différents modes de transport. Les premières causes de stress chez ces personnes proviennent des conditions de travail. Ainsi, des études scientifiques montrent que les grèves des conducteurs sont l'expression du mal-être et de conditions de travail difficilement soutenables, notamment par leur situation très exposée au stress et soumise à l'importance des facteurs organisationnels (Caruso, 2000) (Thériault, et al., 1986). Parmi ceux-ci, on remarque en particulier les horaires comme éléments stressants, ces derniers nuisant à l'hygiène et à la diététique et renforçant donc les symptômes du stress. Au-delà des conditions de travail, des facteurs d'instabilité viennent renforcer les sources de stress (Caruso, 2000). On peut citer notamment la mutation de la profession avec une féminisation ainsi qu'une augmentation de la longévité au poste de conducteurs associée à des conducteurs qui commencent de plus en plus jeunes. Il est difficile de faire la différence entre les pathologies provenant des conditions de travail en général et de celles provenant du stress. Les nombreux troubles musculo-squelettiques (TMS) dont souffrent les chauffeurs sont aussi bien le résultat de leur posture de travail que d'une situation de stress qui amplifie les symptômes. Par ailleurs, il est démontré que les conducteurs de bus urbains
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Le stress et les transports
ont une prévalence d'accidents cardio-vasculaires supérieure à la moyenne nationale (Caruso, 2000). Les pathologies dont les conducteurs souffrent sont globalement mal évaluées et peu reconnues. Par ailleurs, qu'il s'agisse des chauffeurs de bus (Thériault, et al., 1986) ou des conducteurs de transport de marchandises (Caruso, 2000), les niveaux de pathologie, les problèmes psychologiques et les dépressions sont plus fréquents que dans les autres secteurs d'activité. Les conséquences de ces états sont susceptibles d'avoir une influence directe sur la sécurité des autres usagers, notamment lorsque des accidents résultent d'un état de stress.
B.3. Le cas des riverains des infrastructures de transport
Les infrastructures de transport peuvent être source de stress chez les riverains, notamment par l'entremise du bruit et des problèmes de sécurité soulevés. La littérature académique insiste sur l'impact du bruit des transports sur les riverains, concernant l'ensemble des moyens de transport (routier, ferroviaire et aérien) mais aussi le bruit provenant des infrastructures ellesmêmes, comme les gares (Diallo, 2007). Le bruit a des conséquences sur la santé en entraînant des situations de stress, de plaintes ou de conflits, des troubles du sommeil et au-delà d'un certain seuil, des maladies cardio-vasculaires (Verdura, 2011). Les questions de sécurité, notamment pour le transport ferroviaire et routier, sont également source d'inquiétude. Les transports peuvent donc générer des situations de stress prolongé chez trois catégories de population : les usagers, les professionnels et les riverains des infrastructures. Ce stress quotidien a des conséquences avérées sur la santé des personnes qui le subissent, et dégage des externalités négatives, en particulier sur le fonctionnement des entreprises ou la sécurité d'autres usagers des infrastructures de transport. De manière générale, on peut remarquer que les sources d'information sur le stress dans les transports proviennent pour une large part d'études menées par des cabinets d'experts. Les études scientifiques académiques existent, mais ciblent souvent une catégorie précise de population (chauffeurs...). Il est également intéressant de noter que les études réalisées se focalisent avant tout sur les modes de transport routiers.
C. Prise en compte actuelle par les politiques publiques
Les politiques mises en oeuvre pour lutter contre le stress dans les transports peuvent être classées selon leurs objectifs en trois catégories : celles visant à améliorer les transports, celles visant à impliquer les entreprises et celles visant à limiter les déplacements.
C.1. Les positions des différents acteurs sur la question du stress
La question du stress généré par les transports est assez novatrice pour de nombreux acteurs. Ainsi, la Fédération Nationale des Associations d'Usagers de Transport, qui agit notamment pour l'amélioration des transports en commun et pour une politique de transport plus respectueuse de l'environnement, ne s'est pas penchée sur la question du stress comme argument pour promouvoir des investissements dans les transports en commun. Au niveau des entreprises, la question est émergente, mais encore peu traitée. Il est en effet souvent considéré que le transport entre le domicile et le lieu de travail relève de la vie privée du salarié.
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Le stress et les transports
C.2. Les pratiques actuelles
Les politiques ayant pour objectif l'amélioration des transports de manière générale s'organisent autour de la loi « Grenelle 1 » qui met en place des plans de déplacement urbains (PDU) autour de trois axes : des progrès sur les transports en commun, la favorisation du recours aux mobilités douces et actives et aux modes de transport permettant la décongestion (l'autopartage par exemple) et enfin une meilleure coordination entre les différents niveaux de décision. La région Ile-de-France, où les transports en commun revêtent une importance particulière, investit ainsi largement pour améliorer les conditions de transport en étendant son réseau et en renouvelant le matériel. Le second axe d'action des politiques permettant de réduire le stress dans les transports est de favoriser les mobilités douces et actives (marche et vélo) (Bouéroux, et al., 2010). En reprenant les résultats présentés dans la fiche « marche-vélo », cela permet de réduire la congestion mais procure également un bien-être physique et psychique permettant la réduction du stress. Afin de réduire la congestion, une autre solution est d'encourager l'autopartage (Bouéroux, et al., 2010), ce qui avait été prévu lors du Grenelle de l'environnement. L'État doit notamment aider d'un point de vue méthodologique les collectivités qui souhaitent développer cette pratique (MEDDTL, 2011). Les collectivités locales mettent de leur côté plusieurs mesures pour favoriser ce mode de transport (ADRETS, 2009), avec l'ouverture de sites Internet, des communications et réunions d'informations, la construction d'aires de covoiturage (pour se retrouver et laisser sa voiture gratuitement), l'instauration de voies réservées... En plus de son impact sur la congestion, il est intéressant de noter que l'autopartage peut avoir un second impact positif sur le stress sur les transports en favorisant la convivialité et le lien social.
C.3. Les évolutions possibles
L'implication des entreprises est un facteur important dans la prise en compte du stress dans les transports. A l'heure actuelle, la majorité des entreprises considèrent que le trajet domicile/travail relève de la vie privée du salarié et ne se sentent pas concernées. Pour améliorer la situation l'étude Technologia propose 10 axes d'action : 1) Création d'un observatoire du stress lié aux transports en commun sous l'égide de l'Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail (ANACT) ou de l' Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) ; 2) Intégration de la question dans les Comités d'Hygiène, de Sécurité, et des Conditions de Travail (CHSCT) des entreprises ; 3) Intégration du problème dans un document unique ; 4) Apporter une attention aux personnes en difficulté ; 5) Mise en place d'une communication entre organismes de transports et entreprises pour que les salariés n'aient plus à justifier leurs retards ; 6) Favoriser le covoiturage ; En cas de déménagement de l'entreprise : 7) Consulter le CHSCT + faire des estimations précises ; 8) Si mal desservie par transports en commun, imposer à l'entreprise la mise en place d'une navette, éventuellement partagée entre plusieurs entreprises ; 9) Rendre obligatoire les négociations sur le travail à distance ; 10) Organiser des états généraux sur les conditions de travail en Ile-de-France.
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Le stress et les transports
La proposition n°3 semble la plus pertinente pour agir sur la question du stress généré par les transports. Un second outil qui permet d'intégrer la problématique des transports à l'entreprise est le plan de déplacements d'entreprise (PDE). D'après l'ADEME « c'est un ensemble de mesures visant à optimiser les déplacements liés aux activités professionnelles en favorisant l'usage des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle. Sa mise en oeuvre est encouragée par les autorités publiques, car il présente de nombreux avantages pour les entreprises, les salariés et la collectivité » (ADEME, 2011). Les PDE sont ainsi des outils permettant à la fois de mieux connaître les besoins des salariés mais aussi de diminuer l'impact environnemental des transports et le stress subi. Parmi les perspectives envisagées dans les PDE, le développement du travail à distance (télétravail) est une solution radicale, puisque le salarié n'aurait dès lors plus besoin de se déplacer et pourrait travailler de chez lui. Cette solution peut aussi éviter un certain nombre de déplacements intersites en ayant recours à des réunions par visioconférence. Cependant, cette solution est loin d'être applicable à l'ensemble des professions même si le Centre d'analyse stratégique prévoit 50% de télétravail d'ici à 2015 (CAS, 2009). Les politiques d'urbanisation peuvent contribuer à la réduction des transports, en assurant une maîtrise de la croissance des villes, la densification de l'habitat, ainsi que l'homogénéisation des quartiers (Frumkin, 2002). C'est l'orientation qui a été suivie lors de la restructuration du quartier de la Bibliothèque François Mitterrand dans le 13ème arrondissement de Paris, où des logements côtoient des entreprises, une crèche, des écoles ainsi que des commerces. C'est une des orientations du Grenelle de l'environnement, avec la création d'Ecocités et d'Ecoquartiers qui sont des grands projets d'innovation architecturale, sociale et énergétique. Ce type de politique d'urbanisation permettrait de rééquilibrer et de rapprocher les bassins d'emploi par rapport au logement des employés, un des principaux points noirs des transports en Île de France étant le trafic Est-Ouest (Bouéroux, et al., 2010). Les entreprises peuvent également participer à ces politiques d'urbanisation en encourageant l'habitat de proximité via l'aide à l'acquisition ou à la location pour leurs employés, en particulier via le 1% logement (Bouéroux, et al., 2010). Il est à souligner que la monétarisation du stress est possible, en évaluant l'ensemble des conséquences pour la santé et la perte de productivité au travail. Toutefois, les effets du stress sont nombreux et peuvent être difficiles à détecter, et provenir de plusieurs causes. Le stress intervient souvent en renfort de problématiques déjà présentes. Pour ces raisons, une monétarisation précise des effets du stress semble assez délicate. L'outil HEAT qui monétarise les gains en santé par la pratique du vélo et de la marche pourrait tenir compte de la réduction du stress qui découle de l'usage de ces mobilités (voir la fiche sur l'activité physique ci-après). Les politiques publiques en matière de prise en compte du stress causé par les transports sont pour le moment assez peu nombreuses. Le stress est rarement l'élément-cible visé par la politique, on parle plutôt de « confort des usagers ». Les mesures actuelles cherchent surtout une amélioration des conditions de transport par des investissements dans le réseau et le matériel, ainsi qu'un développement des modes de transport alternatifs (covoiturage, marche, vélo). Pour traiter plus largement le problème, des pistes existent pour inciter les entreprises à prendre en compte l'impact du stress des salariés dans les plans de déplacement d'entreprises (PDE). Les politiques d'aménagement du territoire et d'aménagement urbain sont également importantes pour favoriser la création de quartiers mixtes et limiter les déplacements domicile/travail.
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GCT Santé Transport
L'ACTIVITE PHYSIQUE ET LES TRANSPORTS
On désigne ici par le terme d'activité physique les modes de déplacement dits actifs ou doux, à savoir essentiellement la marche à pied et le vélo. L'activité physique a des effets bénéfiques importants sur la santé, notamment sur l'obésité et les maladies cardiovasculaires. Par conséquent, inciter les individus à pratiquer une activité physique pour leurs déplacements constitue un enjeu fort. Au niveau international, l'outil HEAT, développé par l'OMS, permet d'estimer les impacts de l'activité physique sur la santé. Il a été intégré aux référentiels d'évaluation des projets de transport de la Suède et de l'Angleterre. Au niveau français, l'étude RECORD pilotée par l'Inserm, avec la collaboration du Certu et le soutien financier de la DGITM, vise entre autres à déterminer des stratégies d'intervention conduisant à un renforcement de la pratique de la marche ou du vélo. Toutefois, en France, les politiques publiques en matière de prise en compte de l'activité physique dans les transports sont pour le moment limitées aux acteurs de la santé. Un développement des outils d'évaluation, couplé à une sensibilisation des collectivités territoriales, permettraient d'élargir cette problématique, en y incluant de manière active les acteurs des transports.
A. L'activité physique, mode de déplacement actif ou doux ?
Lorsque l'on s'intéresse au domaine des transports, l'activité physique fait, en général, référence à deux modes particuliers de transport : la marche à pied et le vélo. Ces modes de transports ont une terminologie particulière, au sens où ils sont qualifiés d' « actifs » par les acteurs de la santé (puisqu'ils permettent de faire de l'activité physique), et de « doux » par ceux des transports (car ils créent beaucoup moins de nuisances que les autres modes). Il s'agit ainsi d'aborder une thématique avec une double vision : celle de la santé, où la manière de se déplacer est une des nombreuses façons de pratiquer une activité physique, et celle des transports, où marche et vélo sont des modes de déplacement singuliers.
A.1. L'activité physique en tant que problématique de santé publique
Aujourd'hui, il est connu que l'activité physique a des effets favorables sur la santé. En 1992, le Docteur Bouvier (Papon, 2011) a mis en évidence que l'exercice physique favorisait le développement de la force et de la résistance des muscles, le développement des muscles respiratoires (limitant ainsi l'asthme et la bronchite), protégeait contre la maladie coronarienne, diminuait le risque d'obésité et d'ostéoporose, améliorait la tolérance au glucose et donc le contrôle du diabète, facilitait l'accouchement et avait une action favorable sur la dépression, l'estime de soi, l'anxiété et le stress mental. Le facteur le plus important en termes de santé publique est l'influence sur le poids et la réduction du risque de maladies cardio-vasculaires.
A.2. L'activité physique en tant que mode de transport à part entière
L'activité physique, avec la marche à pied et le vélo, tend de plus en plus à être reconnue comme un mode de déplacement en soi, à côté de transports plus classiques comme la voiture ou le train. Les déplacements liés à ces modes de transport étant essentiellement locaux, cette prise de conscience est encore modeste au niveau national. Elle est plus avancée au niveau local, notamment dans les grandes communes qui sont amenées à investir entre autres dans des pistes cyclables. Cependant,
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L'activité physique et les transports
inciter les citoyens à se déplacer tout en faisant de l'activité physique nécessite de penser au-delà d'un simple mode de transport : le recours à la marche ou au vélo est une alternative de transport offerte à un individu, au même titre que l'emploi d'une voiture individuelle ou la prise des transports en commun. Il s'agit alors de trouver la meilleure manière de rendre attractifs ces modes de transports afin d'encourager leur pratique. En abordant la problématique sous l'aspect mode de transport, on fait donc référence plutôt à l'activité physique dite utilitaire, distincte de l'activité physique dite récréative. L'activité physique correspond à tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques et entraînant une augmentation des dépenses d'énergie par rapport à la dépense de repos. Elle varie selon l'intensité, la durée, la fréquence et le contexte dans lequel elle est pratiquée. A ce titre, la marche à pied et le vélo permettent de concilier activité physique et déplacement.
B. L'activité physique et les transports, origines et conséquences
La prise en compte de l'activité physique dans les politiques publiques, et notamment les politiques de transport est très inégalement développée selon le territoire concerné. L'Amérique du Nord, touchée depuis quelques dizaines d'années par les problèmes d'obésité de la population, dispose notamment de nombreux travaux de recherches sur le sujet.
B.1. Etat de l'art académique : la littérature nord-américaine
A la fin des années 1990, de nombreuses études académiques nord-américaines ont mis en évidence que la vie sédentaire était néfaste pour la santé, puisqu'elle augmentait directement les risques de maladies cardiovasculaires et les attaques cardiaques (NIH Consensus Conference, 1996) (Wannamethee & Shaper, 1999). Au contraire l'activité physique prolonge la durée de la vie (Lee & Paffenbarge, 2000). Le risque induit sur la santé par une activité physique insuffisante est du même ordre de grandeur que ceux induits, par exemple, par le cholestérol ou le tabac (Blair, et al., 1996). De même, l'activité physique est bénéfique pour certains types de cancer (Kampert, et al., 1996) (Oliveria & Christos, 1997). Outre ces effets directs sur la santé, le manque d'activité physique augmente la tendance à être en surpoids (Frumkin, 2002), et donc implique des effets indirects sur la santé liés à l'obésité. Ainsi, l'activité physique a des effets positifs sur l'obésité, les diabètes de type II, l'hypertension, les maladies cardiovasculaires, l'ostéoporose, la santé mentale et certains cancers (Morrison, et al., 2003). Il peut être possible d'améliorer la santé en changeant la manière dont les individus ont recours aux différentes formes de transport, et les politiques de transports portées par l'administration ont des effets majeurs sur les déplacements des individus, y compris les déplacements non motorisés (Victoria Transport Policy Institute, 2011). Par ailleurs, le nombre de décès d'individus en insuffisance d'activité physique aux Etats-Unis est supérieur d'un ordre de grandeur à celui des décès dus aux accidents de la route (Murray, 1996). Par conséquent, en parallèle des études liées aux effets sur la santé de l'activité physique, d'autres études académiques ont été menées afin d'estimer les bonnes pratiques de politiques publiques permettant d'intégrer cette problématique. Il ressort de ces études (Lee & Vernez Moudon, 2004) (Litman, 2003) que : la marche, et dans une moindre mesure le vélo, constituent des formes privilégiées d'activité physique
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il est utile encourager un aménagement urbain approprié, facilitant les déplacements doux et actifs (pistes cyclables, trottoirs larges) et incitant à leur pratique pour des trajets de proximité il est également utile de privilégier une urbanisation mixte en terme d'occupation de l'espace afin de ne pas allonger démesurément les trajets entre logements et commerces des systèmes de transport en commun performants et agréables peuvent être développés pour relier les centres d'intérêts des mesures incitatives peuvent être envisagées (péages urbains ou routiers, parkings...) le succès des résultats des stratégies d'intervention dépend de nombreux facteurs, comme par exemple la réactivité de l'environnement local, les ressources disponibles, ou la facilité et le coût de mise en oeuvre de ces interventions.
B.2. Le développement d'outils internationaux d'évaluation
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande notamment la pratique presque quotidienne de 30 minutes d'un exercice physique régulier d'intensité modérée, dans le but de réduire les risques de maladies cardiovasculaires, de diabète, de cancer du côlon et du sein (OMS, 2004). Dans le cadre du Programme Paneuropéen sur le Transport, la Santé et l'Environnement (OMS & CEE, 2009) (THE PEP : Transport, Health and Environment Pan-European Programme), l'OMS a développé un outil permettant de monétariser l'impact de la marche et du vélo sur la santé : l'outil HEAT (Health Economic Assessment Tool for Walking and Cycling) (Kahlmeier, 2009). L'outil HEAT est destiné aux décideurs et aux planificateurs de transport (Kahlmeier, et al., 2011). Il se veut simple d'utilisation et à finalité pratique. Il permet de quantifier les bénéfices sur la santé à partir d'un taux de mortalité réduit, en se basant sur l'activité physique régulière due à la marche et au vélo. Le lien avec la santé se fait par l'intermédiaire du taux de réduction du risque de mortalité liée à la pratique de la marche (22%) ou du vélo (28%). Ces chiffres se basent sur des estimations de 29 minutes de marche par jour à 4,8 km/h (Andersen, et al., 2000) et de 3 heures de vélo par semaine, à raison de 36 semaines par an, à 14 km/h (Hamer, et al., 2009). En fonction de la quantité d'activité physique accomplie par individu, et du nombre d'individus concernés par cette pratique, une évaluation économique basée sur la valeur statistique de la vie humaine (VSL : Value of Statistical Life) permet de chiffrer le gain pour la société. Les principales limites actuelles de cet outil résident dans le nombre d'études utilisées pour estimer la réduction du risque de mortalité (neuf pour la marche, et une seule pour le vélo) et dans le raisonnement simplifié quant à la monétarisation des impacts sur la santé (qui se traduisent uniquement par une réduction du nombre d'années de vie). HEAT est cependant mis à jour progressivement et enrichi par de nouvelles études sur le domaine, ce qui tend à le rendre de plus en plus pertinent. L'utilisation d'un tel outil dans de nombreux pays, y compris la France, représenterait une avancée majeure dans les processus d'évaluation des projets de transport. C'est ainsi que la Suède et l'Angleterre ont intégré cet outil dans leurs référentiels d'évaluation. Une autre méthode a été suivie par les partenaires publics, dans le cadre du projet de création d'une agglomération franco-suisse autour de la ville de Genève (Comité régional franco-genevois, 2007), où une étude d'impact portant, entre autres, sur la santé a été réalisée. Cette étude s'inspire d'un outil développé par la ville de San Francisco, le Healthy Development Measurement Tool (HDMT). Elle s'intéresse notamment à l'appréciation des coûts sanitaires engendrés par l'inactivité physique et ceux évités par la pratique d'une activité physique suffisante, en fonction de l'utilisation des modes
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L'activité physique et les transports
de déplacement non motorisés (marche et vélo). Elle utilise comme donnée d'entrée une étude suisse, conduite par l'Institut de médecine sociale et préventive de l'hôpital universitaire de Zurich. Cette étude porte sur les répercussions économiques du rapport entre santé et activité physique. Le calcul des coûts directs (engendrés et évités) de différentes pathologies en relation avec le niveau d'activité physique a ainsi été réalisé. La principale limite de cette méthode réside dans la territorialité de l'étude médicale, portant sur la Suisse uniquement. Par conséquent, une extension de cette méthode à la France serait possible sous réserve de réaliser une étude sanitaire similaire à celle conduite en Suisse.
B.3. L'étude RECORD
Depuis 2007, en France, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a lancé l'étude RECORD (Inserm, 2011), dont l'objectif principal est d'étudier les disparités de santé (essentiellement les maladies coronaires et facteurs de risques cardiovasculaires) en Ile-de-France. Cette étude se focalise sur la manière dont l'environnement géographique de vie influe sur la santé (caractéristiques physiques de l'environnement, services présents à proximité, interrelations sociales...). Par conséquent, parmi les buts visés par cette étude se trouve celui de proposer des stratégies d'intervention permettant de créer des opportunités environnementales incitant à un mode de vie sain, dont la pratique d'une activité physique régulière fait partie. A cet effet, une cohorte épidémiologique de 7 300 participants dans 1 915 quartiers d'Ile-de-France participe à cette étude. Pour l'instant, l'étude étant toujours en cours, les résultats ne sont que partiels (Chaix, 2011). Pour l'ensemble des personnes interrogées, plus de la moitié de la marche utilitaire se déroule dans leur quartier. La marche utilitaire est la plus importante dans un environnement de densité moyenneélevée, avec une forte connectivité du réseau de rue, un grand nombre de lignes de transports en commun et un faible niveau d'insécurité. Un partenariat entre l'Inserm et le Certu est en train de voir le jour, afin notamment de pouvoir croiser les méthodes épidémiologiques développées par l'Inserm et les bases de données transport du Certu, et ainsi de pouvoir mesurer précisément l'impact de la marche et du vélo sur la santé. L'activité physique a des effets bénéfiques sur la santé, et notamment sur l'obésité, les diabètes de type II, l'hypertension, les maladies cardiovasculaires, l'ostéoporose, la santé mentale et certains cancers. Il est possible d'améliorer la santé des individus en changeant la manière dont ils ont recours aux différentes formes de transport. Une urbanisation et une planification adéquates peuvent inciter les individus à augmenter leur niveau d'activité physique à un niveau suffisant. A l'échelle internationale, plusieurs outils ont été développés afin de pouvoir inclure dans les politiques publiques les bénéfices liés à l'activité physique sur la santé. On peut citer notamment l'outil HEAT de l'OMS, dont la principale limite actuelle réside dans le raisonnement simplifié pour la monétarisation des impacts sur la santé, et qui s'enrichit progressivement avec de nouvelles études. En France, la vision des différents acteurs est en train d'évoluer, en particulier avec l'étude RECORD menée par l'Inserm, qui vise entre autres à identifier des opportunités environnementales incitant à un mode de vie sain, et donc à déterminer des stratégies d'intervention conduisant à un renforcement de la pratique de la marche ou du vélo.
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C. Prise en compte actuelle par les politiques publiques
Aujourd'hui en France, les politiques publiques visant à favoriser l'activité physique sont principalement portées par les acteurs du monde de la santé, bien que la tendance soit à une prise de conscience plus ample de la problématique, y compris par les acteurs du domaine des transports.
C.1. Les positions des différents acteurs sur la question de l'activité physique
Depuis quelques années, l'activité physique constitue en effet une problématique de santé publique. En témoigne notamment le nombre élevé d'actions nationales pour les activités physiques portées principalement par les ministères en charge de la santé et des sports : 14 pour la période 2001-2006 (Bréchat, 2009). On peut notamment citer le programme national santé environnement 2004-2008, dont une des actions consistait à porter à 10 % la part modale des déplacements à vélo en ville à l'horizon 2010. Les liens forts entre santé et activité physique ont notamment été reconnus par le monde politique entre 2007 et 2010, avec un même ministre en charge à la fois de la santé et des sports. Les déplacements par les modes actifs ou doux se faisant néanmoins sur de courtes distances, la démarche actuelle d'évaluation du ministère en charge des transports, historiquement intéressé par des modes de transports nationaux, ne prend pas en compte la notion d'activité physique (Ministère en charge du développement durable, 2008). On constate cependant une prise de conscience émergente de la part des collectivités par rapport à la problématique. Cette prise de conscience se fait encore majoritairement de manière indirecte (par exemple, la mise en place d'un système de vélos en libre-service, en général motivée par des intérêts plutôt écologiques, incite à l'activité physique). Toutefois, dans le cadre d'un projet de transport en commun comme la création d'une ligne de tramway, certaines collectivités pourraient avoir envie d'aller plus loin dans les dossiers d'études d'impact, notamment pour y inclure les bénéfices liés à une augmentation du niveau d'activité physique des riverains.
C.2. Les pratiques actuelles
Les politiques publiques actuelles étant essentiellement portées par les acteurs du monde de la santé, celles-ci se traduisent principalement par des campagnes de communication. Lors de la mise en place de telles campagnes, le message général consiste à présenter la marche et le vélo comme un atout pour la personne (Jardinier, 2011). A ce titre, une campagne intitulée « Bouger 30 minutes par jour c'est facile » avait été mise en place entre le 15 novembre 2010 et le 15 mai 2011 par l'INPES (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé) (INPES, 2010). Cette campagne de communication, qui s'appuyait sur un spot télévisé et de l'affichage urbain, visait à amener les citadins à reconsidérer et à intégrer la marche et le vélo dans leurs pratiques quotidiennes en indiquant, par une signalétique urbaine à destination des piétons, des distances en temps (par exemple, « centre-ville, 15 minutes »). Une politique plus concrète, développée dans de nombreuses municipalités depuis quelques années est l'instauration d'un réseau de vélo en libre-service. Bien que La Rochelle et Rennes aient été précurseurs dans le domaine, le système a réellement pris de l'ampleur en France avec les Velo'v de Lyon en 2005, puis les Vélib' de Paris en 2007. Les résultats de cette politique dans les deux plus grandes villes françaises sont très positifs : avec 18 000 Vélib' en circulation à Paris et dans les communes limitrophes (30 à ce jour), on comptabilise entre 25 et 30 millions de déplacements par
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an. Les politiques publiques favorisant le recours au vélo doivent toutefois prendre en compte les freins à la pratique de ce mode de transport. D'après une étude réalisée en 2003 (SOFRES, 2003), les raisons principales avancées pour la non-pratique du vélo sont la trop forte distance à parcourir (32%), la peur de se faire renverser par une voiture (25%), la condition physique insuffisante (24%) et l'insuffisance de pistes cyclables (23%).
C.3. Les évolutions possibles
La prise en compte de la problématique de l'activité physique, via les deux modes de transport que constituent la marche à pied et le vélo, est un enjeu majeur de santé publique. Les effets bénéfiques sont plus sensibles au niveau local, où ces deux modes de transport peuvent rentrer en concurrence avec d'autres formes de déplacement. Toutefois, les collectivités, responsables à la fois de la planification de l'urbanisation et du développement des réseaux locaux de transport en commun, ne disposent pas encore d'outils suffisamment pratiques pour pouvoir intégrer de manière explicite cette problématique dans leurs travaux. Les péages urbains constituent un exemple de politique publique innovante, censée favoriser les déplacements en transports en commun et via des modes actifs ou doux. Ceux-ci, déjà en service dans certaines métropoles européennes (Londres, Stockholm ou encore Milan), ont été rendus possibles à titre expérimental en France avec la loi Grenelle II (Loi Grenelle II, 2010). Toutefois, comme en témoignent aussi bien les études académiques conduites en Amérique du Nord ou les conclusions provisoires de l'étude RECORD de l'Inserm, il est nécessaire, pour une intégration réussie de la problématique de l'activité physique dans les transports, de conduire une politique publique coordonnée, ne se bornant pas à une interprétation trop restrictive des limites du domaine des transports. L'outil HEAT, développé par l'OMS, bien qu'imparfait, présente plusieurs avantages majeurs : il permet de proposer une méthode pratique de monétarisation de l'activité physique dans les déplacements, alors que cet aspect est, pour le moment, totalement ignoré dans les évaluations des politiques publiques ; il est international, et donc peut être utilisé pour des comparaisons entre pays de certaines politiques publiques. Les politiques publiques en matière de prise en compte de l'activité physique dans les transports sont pour le moment limitées aux acteurs de la santé. Pour élargir cette problématique, en l'inscrivant réellement dans les politiques de transport, les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle important, en tant que responsables de l'urbanisation et des transports locaux. Cependant, elles ne disposent pas encore, pour le moment, de tous les outils adéquats pour conduire à bien une telle action publique.
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Partie III. Analyse critique
III.1. Bilan
La problématique de la santé dans les transports émerge fortement depuis les années 2000, et ce au niveau international. Pourtant en France, les impacts sur la santé ne sont pas systématiquement inclus dans les projets liés aux transports. Le choix des thématiques auxquelles nous nous sommes intéressés a permis de couvrir un large panorama représentatif de ce thème. Les entretiens avec des experts du domaine nous ont permis non seulement d'avoir une approche synthétique sur le sujet, mais également de mieux appréhender les différents points de vue auxquels nous avons été confrontés. Concernant l'activité physique, les politiques publiques se focalisent pour l'instant sur les acteurs de la santé. Afin d'avoir une action plus concrète et efficace pour mieux intégrer l'activité physique dans les transports, d'autres acteurs comme les collectivités territoriales pourraient jouer un rôle majeur. Cela implique de créer des outils fiables et efficaces afin que leurs programmes d'urbanisation et de gestion des transports locaux puissent être plus incitatifs vis-à-vis des usagers pour qu'ils utilisent aussi bien les transports en commun que les modes de déplacement doux et actifs. Les acteurs interrogés sont unanimes sur ce point. Le stress est pour l'instant peu intégré dans les politiques publiques, principalement à cause de la difficulté à le mesurer de manière fiable et concrète. Ainsi, ce sont avant tout des actions visant le confort des usagers et employés qui sont mises en avant, comme dans les Plans de Déplacement des Entreprises. Le développement des transports alternatifs ou une amélioration du confort des usagers sont d'autres voies fréquemment suivies. Les professionnels de la santé alertent d'ores et déjà sur l'importance de ce thème, qui risque de croître fortement dans les années à venir. Les domaines de la pollution de l'air et du bruit sont aujourd'hui pris en compte par les politiques publiques pour plusieurs raisons. Ces nuisances sont connues depuis longtemps, des études épidémiologiques ont pu être menées, mais elles demeurent insuffisantes. Il s'agit d'éléments déjà concernés dans les études d'impact environnemental, et sur lesquels la population se sent souvent très directement concernée. Ainsi le rapport Boiteux 2, qui propose déjà des préconisations directement applicables sur le terrain, est utilisé comme référence par les professionnels du secteur. Cependant, le groupe de travail du rapport Boiteux 2 a été très prudent dans son chiffrage, qui est aujourd'hui considéré comme sous-estimé. Il apparaît que cette sous-estimation a pu être guidée par le choix de ne pas grever le bilan socio-économique des infrastructures prévues en l'absence de certitudes scientifiques absolues. Ce choix peut paraître risqué d'un point de vue sanitaire, mais il est important de prendre des précautions dans la réglementation, puisque les choix de pondération que l'on peut faire entre différents enjeux traduisent aussi les priorités de l'Etat et peuvent évoluer au cours du temps. Quoiqu'il en soit, il apparaît comme indispensable de réévaluer les valeurs tutélaires
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régulièrement afin de s'adapter aux évolutions scientifiques et politiques. Des recherches scientifiques doivent être poursuivies pour éclairer ce sujet. Globalement, on note que la problématique de la santé dans les politiques publiques est aujourd'hui encore émergente, et que les outils pour mieux la considérer se mettent en place progressivement. Le terme de santé, comme le définit l'Organisation Mondiale de la Santé, est encore difficilement mesurable. Les meilleures intégrations des problématiques dans les projets de transports sont réalisées dans les secteurs où les effets sont mesurables et monétarisables. Le bruit et la pollution de l'air sont directement appréhendés et commencent à être intégrés tant aux projets qu'aux politiques. D'autres aspects, comme l'activité physique ou le stress restent encore aujourd'hui plus vagues, aussi bien pour l'opinion publique que dans les actions entreprises politiquement. Pour les composantes de la santé bien maîtrisées dans l'état actuel de la science, on peut alors passer à la mise en oeuvre de réglementation et de mesures : c'est ici qu'interviennent les méthodes de monétarisation. Afin de mettre en place ces méthodes de monétarisation de manière efficiente, de très nombreux paramètres sont à intégrer, et les formules mathématiques sous-jacentes nécessitent d'être vérifiées. Aujourd'hui, ces concepts commencent à être efficaces dans certains domaines, mais on note également qu'il existe de grosses lacunes dans d'autres. Ainsi, des simplifications à l'extrême de modèles, des définitions qui divergent selon les acteurs, des poids de critères sur ou sous-évalués, ou encore tout simplement des oublis concernant des paramètres non mesurables, ou non encore mesurés, sont autant de défauts qui laissent penser que l'herméticité de la méthode est dangereuse. Au fil de nos recherches et de nos entretiens, nous avons perçu que la monétarisation des externalités est un outil controversé, dont tous reconnaissent la pertinence lorsqu'il s'agit de savoir si un investissement est désirable, mais dont beaucoup encore critiquent la sensibilité aux hypothèses. Toutefois, les questions éthiques que certains soulèvent au sujet de la valorisation systématique ne sont pas des questions propres au problème de la santé : refuser de donner une valeur au temps ou aux loisirs relève d'une remise en question de l'économie dans son ensemble, et traiter cette question s'écarte des prérogatives de ce rapport. La monétarisation est ici simplement un outil pour comparer des éléments qui dans leur état initial ne s'expriment pas dans la même unité. Par ailleurs, cette monétarisation devrait être menée de concert avec les professionnels de santé et intégrer les économies potentielles, notamment pour les comptes de la sécurité sociale. Ces derniers sont en effet aujourd'hui très déficitaires et constituent un enjeu important dans un contexte de dette publique importante.
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Ainsi, nous pouvons mettre en exergue différentes pistes d'actions qui pourraient être suivies, à court ou à long terme, afin d'améliorer l'intégration de la problématique de santé dans les transports. Au niveau scientifique : Mise en place d'un processus de capitalisation des connaissances au niveau supranational. De nombreuses études, projets, statistiques et expériences ont été menées et sont en cours, mais peu de recoupements existent sur le sujet. Cette capitalisation permettrait de repartir de bases solides pour faire avancer les recherches. Approfondissement de la méthode de monétarisation : tout comme les études d'impact environnemental, qui sont fondées sur une littérature académique pour être appliquées ensuite aux politiques publiques, l'étude d'impact sanitaire pourrait se baser sur une littérature spécialisée en économie de la santé (voir la partie monétarisation) et trouver ensuite une forme lui permettant de s'appliquer aux politiques publiques. Mise en oeuvre des études manquantes, qui ont été mentionnées dans les différentes parties thématiques. Au niveau administratif et politique : Mise en place de stratégie de lutte contre le stress : difficilement mesurable actuellement, impliqué dans de très nombreux domaines et pressenti comme étant un des fléaux à venir dans nos sociétés modernes, des solutions efficaces commencent à émerger (favorisation du télétravail, diminution des temps de trajets quotidiens en favorisant des politiques urbaines de mixité de quartier, limitation des déplacements domicile/travail, etc.). Encouragement des recherches sur le thème de la santé dans les transports. Rédaction d'une nouvelle version du référentiel d'évaluation des politiques de transport, prenant davantage en compte la problématique de la santé. Amélioration de la coordination entre les différents niveaux politiques d'une part (collectivités territoriales, Etat, différentes agences) et les différents domaines (santé, économie, écologie, transports etc.)
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III.2. Retour sur le travail effectué
III.2.a. Les entretiens
Nous avons réalisé un certain nombre d'entretiens parmi les acteurs de la santé et des transports identifiés préalablement. Le tableau ci-dessous présente les différents entretiens réalisés, dont les comptes-rendus sont joints en annexe. Organisme
Unité de recherche clinique en économie de la santé Sétra
Nom
Dr Isabelle DURAND-ZALESKI
Fonction
Directrice de l'URC
Damien GRANGEON
Ancien chargé d'études socio-économiques des transports rédaction d'un rapport sur la monétarisation des externalités environnementales Chargé de recherche sur les impacts de l'environnement sur la santé Travail sur l'étude RECORD Animation du RST Air Chargé de mission « approche systémique de la mobilité » Chargée d'études sur les nuisances sonores Chef de la subdivision des déplacements en libre-service à la Direction de la Voirie et des Déplacements Doyen de la faculté rapporteur du rapport Boiteux 2 Président de la FNAUT
Inserm
Basile CHAIX
Certu
Fabienne MARSEILLE Laurent JARDINIER
Marie-Paule THAVEAU Ville de Paris Raymond DEL PERUGIA
Faculté de sciences économiques de Lyon FNAUT
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Luc BAUMSTARK
Jean SIVARDIERE
Tableau : liste des entretiens réalisés au cours du GCT Cette liste de contacts provient pour partie de la DGITM qui nous a fourni les noms de correspondants au Sétra et au Certu, ainsi qu'à l'Inserm. Nous avons ensuite élargi cette première liste par des recherches personnelles et notre propre réseau de contacts. Ces rencontres nous ont permis en premier lieu de préciser la bibliographie que nous avions pu lire auparavant, et de la compléter par des envois supplémentaires. Les entretiens se sont également révélés indispensables pour obtenir une nouvelle vision sur des questions importantes, comme la monétarisation des
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Cet entretien téléphonique fut relativement court et informel, il n'a donc pas fait l'objet d'un compte-rendu détaillé que nous aurions pu inclure dans les annexes du rapport.
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impacts sanitaires des transports. Enfin, ils nous ont permis de faire le point sur le jeu d'acteurs existant autour de notre sujet, en distinguant les acteurs intéressés et impliqués, ainsi que les points d'achoppement ou de consensus. Nous aurions souhaité pouvoir étendre cette liste d'entretiens, mais nous n'avons pas pu obtenir de réponse de la part de certaines personnes que nous avions contactées, notamment à la RATP. Nous avons également manqué de temps pour profiter des informations fournies lors de certains entretiens. Ainsi, le docteur Durand-Zaleski nous a en particulier mentionné Roger Salamon, président du HCSP et directeur honoraire de l'UFR de médecine de Bordeaux, et Pierre Lombrail, professeur de médecine et président de la Société Française de Santé Publique, qui auraient pu nous fournir une expertise plus poussée sur les aspects sanitaires du sujet. De même, nous n'avons pas eu le temps de chercher des contacts au ministère de la Santé pour compléter la vision du commanditaire. Il serait intéressant pour la DGITM de poursuivre ce travail d'entretiens et de contacts pour lancer cette dynamique transversale nécessaire au traitement de la thématique santé et transports.
III.2.b. Autres thématiques
Au cours de nos travaux, nous avons étudié quatre grands enjeux sanitaires impliquant les transports (la pollution de l'air, le bruit, le stress et l'activité physique), et nous avons souligné la difficulté de prendre en compte tous les effets de chacun de ces enjeux, et l'importance qu'il y a à trouver et comprendre les effets peu ou pas connus. De la même façon, il est essentiel de rester attentif à des effets sanitaires encore méconnus ou laissés de côté qui pourraient émerger. Au cours de nos entretiens, nous avons pu dégager quatre de ces thématiques novatrices. Le dépôt de particules Les transports, principalement routiers, émettent des particules fines, lesquelles se déposent sur le sol. Ce phénomène peut causer des problèmes environnementaux, mais aussi sanitaires : ce dépôt peut avoir lieu sur des zones agricoles, et risque alors de contaminer les cultures. La surface concernée autour d'une route dépend de la taille initiale des particules. Ainsi, pour les grosses particules, la déposition se fait par gravité, influencée par le vent, et les particules restent à proximité immédiate de la route. C'est aussi le cas du plomb, qui se dépose sur quelques dizaines de mètres autour des routes (Hertig & Fallot, 2006). Les mesures de défense classique sont la création d'une zone de protection autour de la route, c'est-à-dire la construction d'un talus ou d'un rideau végétal réduisant la distance de transport en cas de vent dominant. Du point de vue agricole, cet enjeu n'est pas nécessairement significatif dans la mesure où les émissions sont aujourd'hui très réduites, et où des mesures de protection simples à mettre en oeuvre existent. La part de la production agricole située à moins de 20 à 30 mètres d'une route importante est relativement faible. En revanche, les potagers dans les zones urbaines ou périurbaines pourraient être directement concernés. Les particules de moins de 2µm se comportent comme des gaz, ce qui augmente considérablement la distance de transport. Ces particules subissent tout comme les gaz un dépôt, dû à l'électricité statique, l'adsorption ou les réactions chimiques de surface. Ce phénomène peut être amplifié par un lessivage de l'atmosphère lors de la pluie. Le lieu de dépôt des particules est alors fortement dépendant des conditions climatiques. Certains modèles de qualité de l'air sont capables de prendre en compte ces phénomènes (Mallet, et al., 2007). Il est par contre difficile d'évaluer l'impact sanitaire de ces dépôts du fait de la diversité des particules.
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La pollution de l'eau Nous avons évoqué le dépôt des polluants au voisinage de la route, mais ceux-ci se déposent également sur la route elle-même. Lors des pluies, les routes sont lessivées et des particules polluantes peuvent être entraînées vers les cours d'eau ou les nappes phréatiques. Ceci concerne également les hydrocarbures et huiles ayant pu fuir ou présents dans les gaz d'échappement, des poussières de frein ou de pneu (caoutchouc, zinc, cadmium et cuivre), ou de la chaussée elle-même (poussières de bitume, zinc des glissières de sécurité). Le sel et le sable utilisés en hiver représentent aussi un volume très important. Une autoroute d'une taille moyenne produit tous les ans environ 25kg d'hydrocarbures, 4kg de zinc et 500g de plomb par kilomètre (Sénat, 2002). Des enjeux similaires existent au voisinage des pistes d'aéroports. Malgré les risques sanitaires que cela pourrait créer au niveau de l'approvisionnement en eau potable, cet enjeu est aujourd'hui bien pris en compte sous l'angle de l'environnement. Une méthode classique de dépollution est la décantation dans un bassin artificiel. Le choix du type de bassin et de sa taille dépend de l'objectif poursuivi lors de sa construction. De façon générale, un grand bassin permet un séjour de l'eau plus long, et ainsi une meilleure décantation. Dans une moindre mesure, un simple fossé permet aussi une décantation qui concentre la pollution au voisinage direct de la route. Ces systèmes permettent aussi de capter au moins partiellement une pollution ponctuelle, liée par exemple à l'accident d'un poids lourd transportant un liquide dangereux. Transmission des épidémies lors des trajets en transports en commun Un autre enjeu qui concerne les infrastructures de transports est la concentration massive d'usagers. Dans le cas des transports en commun, cela crée la possibilité de contacts entre les usagers, ce qui peut favoriser la transmission de maladies. Ce facteur est d'ailleurs pris en compte dans certains modèles de diffusion d'épidémies (Basileu, et al., 2010). On distingue deux effets pervers des transports : d'une part, la transmission se faisant souvent par l'air et par le contact des mains avec des surfaces contaminées, comme c'est le cas pour les grippes ; d'autre part, on peut craindre que le confinement des rames de métro ou RER, ainsi que le contact avec les mains courantes favorisent la diffusion massive de la maladie au sein de la population. Les transports à longue distance, notamment aériens, favorisent de plus la transmission de la maladie d'une partie du globe à une autre, et ainsi augmentent le risque de pandémie. En plus de mesures de précaution classique, auxquelles participent les campagnes de l' Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) pour le lavage des mains, des mesures d'exceptions graduées sont prévues dans le plan de pandémie grippale, telles que la désinfection des moyens de transport, l'incitation à réduire l'utilisation des moyens de transport en commun, l'utilisation de masques, voire la mise en quarantaine des cas suspects ou l'arrêt de certains transports en commun. Les mesures les plus extrêmes ne peuvent évidemment être justifiées que par un risque majeur, à cause des coûts économiques qu'elles auraient, ainsi que de la désorganisation qu'elles créeraient. Dans le cas de la grippe A en 2009, le secrétaire d'état aux transports, Dominique Bussereau, avait déclaré à Europe 1 qu'il était envisagé de modifier le fonctionnement des transports en communs en cas d'aggravation de la crise en pandémie. L'entretien et le cycle de vie de l'infrastructure Lorsque l'on parle de relation entre la santé et les transports, on considère souvent les impacts liés au mobile avec lequel on se déplace, tel que la voiture ou le train, mais pas toujours de
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l'infrastructure en elle-même. La fabrication, l'entretien et le démantèlement d'une infrastructure peuvent faire appel à des méthodes ou des composés beaucoup plus dangereux pour la santé au moment de leur mise en oeuvre que de leur utilisation. Par exemple, les enrobés sont souvent appliqués à chaud, ce qui provoque un dégagement de fumées nocives irritantes, et cancérogènes (présence d'hydrocarbure benzéniques et aromatiques polycycliques). Cela nécessite des précautions importantes (équipements de protection individuels, minimisation de l'exposition), qui ne sont absolument pas nécessaires lors d'une utilisation courante de l'infrastructure, puisque le risque disparaît. Cette problématique de l'entretien d'une infrastructure concerne avant tout les travailleurs qui sont directement au contact du chantier, mais elle peut aussi se faire ressentir par les riverains d'une zone de chantier, qui peuvent être exposés aux poussières et dégagements de vapeurs. En outre, la thématique du bruit est particulièrement sensible pendant la phase de chantier. Celle-ci fait cependant l'objet de recommandations spéciales dans l'étude d'impact environnemental pour limiter les nuisances faites aux riverains. En complément de nos études bibliographiques, notre travail s'est largement appuyé sur des entretiens réalisés avec des acteurs du monde de la santé et des transports. En recouvrant un panel assez large de sensibilités et de centres d'intérêts, ces rencontres ont permis d'élargir nos premières constatations et de nous poser de nouvelles questions. Ces contacts devraient être poursuivis et approfondis pour mieux couvrir la diversité des acteurs concernés et lancer une dynamique transversale nécessaire à la prise en compte de la question de la santé dans les transports. Au cours de ces entretiens et à la lecture de la bibliographie, un certain nombre de thématiques supplémentaires, que nous n'avons pas eu le temps de traiter dans le cadre de ce GCT, ont émergé. Il s'agit des questions du dépôt des particules aux abords des infrastructures, de pollution des eaux, de propagation des épidémies dans les transports en commun et enfin d'impacts d'une infrastructure au cours de son cycle de vie. Le degré actuel de prise en compte de ces thématiques dans les politiques est très variable, et il en va de même pour l'importance de la bibliographie concernée. Par conséquent, la réflexion sur ces thématiques doit être poursuivie.
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III.3. Perspectives
III.3.a. Evolution de la monétarisation
La prise en compte des externalités de santé publique dans le calcul de rentabilité économique des projets d'infrastructure est récente. La plupart des études qui s'y intéressent rassemblent dans un même document la problématique de la santé et celle de l'environnement, deux domaines qui sont effectivement liés, et emploie les méthodes développées pour l'une pour l'appliquer à l'autre. Toutefois, la réflexion que nous avons menée sur le sujet spécifique de la santé nous amène à penser qu'il existe une méthode plus adaptée pour l'évaluation quantitative des impacts des infrastructures de transport sur la santé publique. L'étude des impacts sanitaires se distingue de celle des impacts environnementaux pour deux raisons majeures : d'une part pour des raisons d'asymétrie d'information, et d'autre part pour la situation « monopolistique » du secteur médical. A titre d'exemple, on considère l'étude de l'impact sonore d'un projet. Le coût environnemental d'un projet bruyant peut être estimé par l'observation des prix du foncier : en effet, à cause de la gêne occasionnée par le bruit, la demande de logement diminue et les loyers baissent, jusqu'à ce qu'un habitant soit indifférent entre habiter ici mais supporter le bruit, ou bien là-bas et au calme. La différence de loyer engendrée est le coût de cette nouvelle nuisance environnementale. Cela est dû au fait que l'environnement englobe tous les facteurs extérieurs qui influent sur notre bien-être dans un milieu. Du point de vue de la santé à présent, la méthode foncière ne s'applique plus : on cherche à isoler un impact particulier. Elle pourrait s'appliquer si tous les individus connaissaient l'impact exact que ce bruit a sur leur santé, et si ceux-ci changeaient de logement si et seulement si le rapport santé et prix leur paraissait déraisonnable. Or ce n'est pas le cas, on peut être gêné par du bruit sans en être malade pour autant, et on peut tomber malade sans avoir ressenti de gêne au préalable : c'est ce que nous appelons ici l'asymétrie d'information.
On comprend dès lors pourquoi cette asymétrie rend impossible l'application des méthodes par les prix. En ce qui concerne le second point de divergence et la situation monopolistique du secteur médical, il s'agit d'observer que pour la plupart des soins, les individus sont preneurs de prix fixés par l'Etat, et que celui-ci souvent rembourse via la sécurité sociale. Dans la méthode des préférences révélées, l'hypothèse majeure est celle de concurrence pure et parfaite : l'offre et la demande s'égalisent à travers l'établissement d'un prix qui reflète exactement les préférences des consommateurs et les coûts du producteur. Il est évident qu'on en est très loin lorsqu'il s'agit de soins hospitaliers. Ainsi, à travers ce rapport, nous souhaitons réorienter la problématique initiale vers un angle d'approche différent mais déjà répandu, notamment dans certains pays anglo-saxons : l'analyse spécifique à la santé via des grilles de gravité préétablie. Le lien entre santé et environnement existe, du fait que la majeure partie des nuisances sanitaires causées par les transports sont à la fois des nuisances environnementales. Mais l'approche des deux problèmes doit être radicalement différente. En ce qui concerne la santé, il s'agit de travailler de façon rapprochée avec le ministère de
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la santé1 et avec des médecins d'assurance, car ceux-ci disposent des grilles de gravité des maladies et invalidités : une étude économique et technique pure ne donnera pas autant d'information que des spécialistes d'épidémiologie. Cette remarque d'apparence simple est en réalité une importante fenêtre de progrès dans la monétarisation des impacts sanitaires, car la distinction est rarement faite dans la littérature existante. Elle va nécessairement de pair avec les modèles économiques à la Murphy et Topel2, et un certain nombre d'interlocuteurs sur ce sujet pourront être trouvés à l'Ecole d'Economie de Paris, en économie publique et économie de la santé3.
III.3.b. L'importance d'une vision transverse des politiques publiques
A travers la problématique de l'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport transparaît très nettement la nécessité d'aborder de manière transverse les politiques publiques. Ici en l'occurrence, cette problématique fait appel au triptyque transports environnement santé, qui constituent trois compétences distinctes en ce qui concerne l'organisation des politiques publiques. La coopération interministérielle Depuis 2007 en France, avec la fusion des anciens ministères de l'équipement et de l'écologie, le même ministère est en charge des transports et de l'environnement. La création du ministère du développement durable a ainsi permis l'inscription des politiques publiques portées par ce nouveau ministère dans une démarche de développement durable, en essayant de fournir un cadre commun à tous les services du MEDDTL. Cette fusion rend en effet possible l'étroite collaboration des services en charge des politiques publiques dépendant de l'équipement et ceux en charges des politiques publiques dépendant de l'écologie, et par conséquent la recherche d'un optimum global, commun à tout le MEDDTL, potentiellement plus élevé que les optima locaux de chacun des deux anciens ministères. Désormais, les compétences des transports et de l'environnement sont donc réunies au sein du même ministère. Toutefois, en ce qui concerne notre problématique, la santé est une compétence relevant d'un autre ministère, à savoir actuellement le ministère du travail, de l'emploi et de la santé. Dans l'absolu, il est difficile d'imaginer une fusion du ministère du développement durable avec celui de la santé, d'autant plus qu'un rapprochement si radical ne serait d'ailleurs pas forcément souhaitable. En l'occurrence, il s'agirait plutôt de poursuivre et développer les synergies entre les services des deux ministères sur les problématiques communes qui nécessitent un pilotage partagé. Cette coopération entre services permet en effet de faire émerger une position commune, alors que ceux-ci relèvent de ministères différents, et sont habitués à des approches du sujet et à des modes de travail distincts. La partie précédente de ce rapport a notamment éclairé les différences existant entre l'estimation des impacts sanitaires et l'évaluation des impacts environnementaux, qui compliquent le travail interministériel car elles nécessitent pour les acteurs d'adopter le langage de leurs interlocuteurs, et de trouver une approche commune, aisée à mettre en oeuvre et permettant de satisfaire les intérêts de toutes les parties prenantes.
1
Notons que cela a été préconisé à la fois dans le rapport Boiteux, dans le rapport du Sétra et par Basile Chaix, qui travaille à l'INSERM sur l'étude RECORD. 2 Voir fiche monétarisation pour ce modèle. 3 Un grand nombre d'idées sur la monétarisation des impacts sanitaires de ce rapport viennent d'un cours d'économie de la santé de Raphaël Godefroy, chercheur à l'EEP.
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En ce qui concerne l'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport, il est ainsi nécessaire d'arriver à adopter suffisamment de recul pour avoir une vision plus vaste de la problématique. Cette prise de recul permettrait ainsi d'identifier des actions où l'ensemble des acteurs, issus aussi bien du domaine des transports que de celui de la santé, seraient gagnants au global. Ici transparaît un des véritables buts de l'action publique : transcender les découpages administratifs pour offrir à la population la meilleure qualité de vie possible. Des actions publiques à coordonner Ce besoin d'une vision transverse de l'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport apparaît déjà dans l'étude des différents impacts sur la santé. En reprenant les impacts étudiés dans ce rapport, on peut par exemple remarquer que les nuisances sonores induisent du stress, et donc que ces deux thématiques ne sont pas totalement indépendantes. Il en va de même pour les maladies cardiovasculaires, dont le risque peut être augmenté à la fois par un manque d'activité physique ou par des nuisances sonores trop importantes. Le domaine de la santé étant éminemment complexe, les acteurs des transports auraient tort de considérer les effets néfastes sur la santé, tout comme les quatre thèmes identifiés ici (pollution de l'air, bruit, stress et activité physique), comme totalement indépendants entre eux. Par conséquent, il est intéressant de garder une vision globale des aspects sanitaires des politiques de transport. La vision transverse doit également apparaître dans l'articulation entre les différents modes de transport. En effet, il convient de s'intéresser aux déplacements dans leur totalité, c'est-à-dire non seulement l'emprunt d'un mode de transport principal, par exemple les transports en commun, mais également les modes de transport annexes, comme la marche à pied avant et après, permettant de compléter le déplacement pour lui donner une origine et une destination cohérentes (par exemple, le déplacement d'un individu de son logement à son lieu de travail). C'est dans ce déplacement total que l'offre de transport doit former un tout global et consistant, afin d'inciter les individus à une utilisation des modes de transports qui leur sont offerts d'une manière conforme à une bonne santé. Il est donc nécessaire d'articuler les travaux des différents décideurs publics, qu'il s'agisse de l'Etat pour les infrastructures de transports de longues distances, ou les collectivités territoriales pour les plus courtes distances, afin de réaliser cette adéquation. Ceci souligne l'importance du rôle des planificateurs de transport et des aménageurs. Par exemple, l'incitation à l'activité physique dépasse le simple périmètre des modes de transport actifs ou doux. En effet, celle-ci passe par une amélioration du cadre de vie des individus d'une manière plus globale, ce qui augmente leur bienêtre et, par conséquent, influe d'autant plus sur leur santé. La réussite de l'adoption d'une vision transverse La segmentation des tâches est rendue nécessaire pour pouvoir faire fonctionner l'action publique, comme dans n'importe quel projet. Cependant, les interfaces et les problématiques d'interrelation entre les différents pans des politiques publiques doivent pouvoir faire l'objet d'un traitement correct et complet. Il existe notamment le risque qu'une problématique à la frontière entre plusieurs champs de compétences, comme par exemple la santé dans les transports, se retrouve délaissée par toutes les parties prenantes si aucune d'entre elles n'est officiellement nommée responsable ou si les autre ne reconnaissent pas sa légitimité à piloter le traitement de cette problématique. Au niveau même du domaine des transports, il est possible de constater une segmentation forte entre la DGITM et la DGAC, notamment en ce qui concerne les problématiques liées au trafic aérien
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et aux nuisances qu'il engendre à proximité des aéroports. De même, la sécurité routière constitue l'une des principales sources d'effets néfastes sur la santé des individus, mais son suivi est accompli par la DSCR. Dans ce contexte, la collaboration entre le ministère en charge des transports et celui en charge de la santé sur la problématique de l'activité physique, via le Certu d'une part et l'Inserm d'autre part, constitue une avancée non négligeable et un exemple à suivre pour progresser dans une approche transverse des politiques publiques, axée sur l'amélioration globale de la qualité de vie des individus. L'intégration des impacts sanitaires dans les politiques de transport nécessite d'associer trois compétences distinctes en ce qui concerne l'organisation des politiques publiques : les transports, l'environnement et la santé. Cette association requiert donc une coopération interministérielle forte, permettant de transcender les différences dans la manière d'aborder le sujet pour arriver à une politique publique optimisée au niveau global. Cette vision transverse de la problématique est d'autant plus importante que la santé, tout comme les transports, sont des domaines complexes où il convient de considérer l'intégralité des systèmes pour éviter de réaliser des doubles-comptes ou de négliger certains effets importants. Le rôle particulier des aménageurs, qu'ils se situent au niveau de l'Etat ou des collectivités territoriales, est primordial et nécessite une bonne coordination. La réussite d'une problématique de politique publique partagée par de nombreux acteurs réside en effet dans leur capacité à se rassembler et à travailler ensemble dans une approche transverse, axée sur l'amélioration globale de la qualité de vie des individus.
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Conclusion
Le référentiel d'évaluation actuel des politiques du MEDDTL permet de justifier l'intérêt du projet par rapport à l'objectif visé. Il définit un certain nombre de critères de développement durable sur les aspects économiques, sociaux et environnementaux du projet, pour lesquels les impacts positifs et négatifs doivent être quantifiés en unités monétaires. En l'état actuel, l'environnement permet de s'intéresser aux problèmes de la qualité de l'air et du bruit, mais la plupart des autres thématiques de santé sont encore absentes du référentiel d'évaluation. Pourtant, une demande sociale est en train d'émerger pour avoir une meilleure information sur ces questions sanitaires. En parallèle, une démarche internationale est lancée avec des programmes comme le PPE-TSE, sous l'égide de l'OMS et des Nations Unies, qui incitent les administrations à promouvoir la prise en compte de la santé dans l'évaluation de leurs politiques publiques. Cette démarche peut s'avérer délicate dans la mesure où les personnes concernées par la santé et par les transports sont très nombreuses et dispersées. La question manque encore d'un acteur ou couple d'acteur central et fort qui organise les débats. L'analyse de cinq thématiques permet de dresser un premier état des lieux de la prise en compte actuelle des problématiques de santé dans les politiques publiques de transport. Le bilan est assez contrasté et fait ressortir le fait que certains sujets comme la pollution atmosphérique et le bruit, déjà connus, sont effectivement considérés et intégrés dans les évaluations, bien que des progrès soient encore possibles, notamment sur les valeurs tutélaires utilisées pour la monétarisation des impacts. Concernant l'activité physique et le stress, la prise en compte est moins complète. Le monde de la santé s'intéresse déjà aux modes de déplacement doux et actifs, qui pourraient être utilisés par les collectivités locales pour désengorger les villes. Le stress étant plus délicat à détecter et à quantifier, peu d'acteurs y sont sensibilisés. Il est essentiellement abordé à travers le confort des usagers, même si des outils de politique publique émergent et veulent intégrer cette dimension sanitaire. Enfin, l'utilisation de la monétarisation des enjeux sanitaires dans l'évaluation des projets est un point sujet à controverse. La plupart des personnes interrogées sont favorables à son utilisation, mais reconnaissent que le choix des valeurs est une difficulté pour certains impacts mal connus. Un autre enjeu de la monétarisation à venir est le chiffrage de la perte de qualité de vie, qui permet de mieux moduler les impacts sur la santé par rapport au coût de la vie humaine. Des études sont encore nécessaires pour faire progresser ce domaine et fiabiliser ces travaux. Le travail fournit au cours de ce GCT n'a pas vocation à être exhaustif sur la question de la santé dans les transports. Certaines thématiques, comme le dépôt de particules, la pollution de l'eau, la transmission de maladies ou le cycle de vie des infrastructures, n'ont pas été incluses dans la présente analyse, mais mériteraient d'être creusées pour avoir la vision la plus globale possible des problèmes de santé. Par ailleurs, une des limites de notre travail réside dans le fait que l'étude de la mortalité due à la sécurité routière ne faisait pas partie de la commande, alors qu'il s'agit d'un élément très présent dans les études scientifiques. Les premiers travaux d'intégration de la santé dans les politiques de transport doivent donc être poursuivis, intensifiés et approfondis. A cette fin, il semble important d'avoir une bonne coordination au niveau interministériel, mais aussi vis-à-vis des collectivités territoriales, qui sont amenées à
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prendre une place de plus en plus grande sur la question des transports. Cette démarche s'impose afin d'oeuvrer dans le but d'une une optimisation globale des choix collectifs et individuels dans le domaine des transports, allant dans le sens d'une amélioration de la qualité de vie des individus et d'un développement durable de la société.
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Annexes
Annexe 1 Tableaux annexes à la thématique « Monétarisation » ................................................. i Annexe 2 Comptes-rendus des entretiens...................................................................................iii Entretien du Dr Isabelle DURAND-ZALESKI ................................................................................... iv Entretien de Damien GRANGEON ................................................................................................. vi Entretien de Basile CHAIX .............................................................................................................. x Entretien de Fabienne MARSEILLE .............................................................................................. xiii Entretien de Laurent JARDINIER ................................................................................................. xvi Entretien de Marie-Paule THAVEAU ........................................................................................... xix Entretien de Raymond DEL PERUGIA ........................................................................................ xxiii Entretien de Luc BAUMSTARK.................................................................................................. xxvii
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Annexe 1 Tableaux annexes a la thematique « Monetarisation »
Tableau 1 : Calcul de la rentabilité sociale d'un investissement (Grangeon, 2010) Catégories Avantages Temps VL Temps PL Entretien et dépréciation VL Usagers VL et PL Entretien et dépréciation PL Carburant VL Carburant PL Malus d'inconfort Sécurité Collectivité Pollution de l'air Effet de serre Indicateurs Coût d'investissement actualisé (en M2000) Somme actualisée de l'avantage global (en M2000) Avantage net à l'année de mise en service (en M2000) Bénéfice actualisé en 2004 (en M2000) Bénéfice actualisé par unité monétaire investie (B/I) Taux de rentabilité interne (TRI) 275 875 17 600 2,2 9,4 % Valeur monétaire (en M2000) 1 002,5 94,6
4,9
Poids monétaire 74,8 % 7,1 % 0,4 % 0,3 % 4,5 % 0,3 % 7,4 % 1,4 % 1,8 % 2,1 %
3,6
59,8 4,1 99,5 18,3
24,6
28,5
Ce tableau montre comment calculer en termes monétaires la rentabilité d'un investissement dans les infrastructures de transport, à partir d'un exemple concret. Il s'agit d'un projet de contournement autoroutier de la ville d'Arles. Ce calcul, comme le reste du rapport du Sétra, s'inscrit dans une étude d'impact environnemental, mais pour la santé, la méthode reste la même. Ici, l'auteur monétarise la pollution, l'effet de serre et la sécurité, et l'ajoute aux coûts supportés par la collectivité. C'est avec ce coût économique et social qu'on calcule comptablement le TRI.
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Tableau 2 : La grille QUALY de Cutler et Richardson (Culter, et al., 19997)
1979-81 Disease Musculoskeletal Arthritis Skin conditions Endocrine Diabetes Other endocrine Diabetes*heart disease Diabetes*stroke Circulatory Hypertension Ischemic heart disease Stroke Other circulatory Respiratory Asthma Bronchitis Sinusitis Other respiratory Digestive Impairments Hearing Amputee Paralyzed Orthopedic Coefficient Standard Error QALY Coefficient 1989-91 Standard Error QALY
0.608 0.293
(0.010) (0.010)
0.74 0.87
0.578 0.315
(0.010) (0.009)
0.79 0.88
0.809 0.546 0.340 0.546
(0.018) (0.012) (0.060) (0.093)
0.65 0.77 + 0.15 + 0.23
0.927 0.518 0.348 0.374
(0.018) (0.009) (0.055) (0.076)
0.66 0.81 + 0.13 + 0.14
0.423 0.856 0.780 0.613
(0.010) (0.019) (0.040) (0.010)
0.82 0.63 0.67 0.74
0.375 0.814 0.692 0.541
(0.010) (0.018) (0.033) (0.010)
0.86 0.70 0.74 0.80
0.779 0.495 0.141 0.461 0.661
(0.017) (0.023) (0.013) (0.012) (0.012)
0.67 0.79 0.94 0.80 0.72
0.708 0.370 0.192 0.313 0.656
(0.014) (0.019) (0.012) (0.011) (0.011)
0.74 0.86 0.93 0.88 0.76
0.192 0.280 0.825 0.494
(0.015) (0.038) (0.034) (0.010)
0.92 0.88 0.65 0.79
0.200 0.301 0.873 0.333
(0.010) (0.023) (0.034) (0.008)
0.93 0.89 0.68 0.88
La première colonne décompose la santé en composantes musculo-squelettale, endocrinienne, circulatoire, etc. que nous appellerons Ci. La dernière colonne y associe le poids de chacune de ces composantes sur l'indicateur de santé de notre modèle, partie Monétarisation. Il s'agit d'une série de coefficient i tels que :
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Annexe 2 Comptes-rendus des entretiens
Le tableau ci-dessous récapitule les différents entretiens réalisés, dont les comptes-rendus suivent ci-après.
Organisme
Unité de recherche clinique en économie de la santé Sétra
Nom
Dr Isabelle DURANDZALESKI Directrice de l'URC
Fonction
Page
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Damien GRANGEON
Ancien chargé d'études socio-économiques des transports rédaction d'un rapport sur la monétarisation des externalités environnementales Chargé de recherche sur les impacts de l'environnement sur la santé Travail sur l'étude RECORD Animation du RST Air Chargé de mission « approche systémique de la mobilité » Chargée d'études sur les nuisances sonores
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Inserm
Basile CHAIX
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Certu
Fabienne MARSEILLE Laurent JARDINIER
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Marie-Paule THAVEAU Ville de Paris Raymond DEL PERUGIA
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Chef de la subdivision des déplacements en libreservice à la Direction de la Voirie et des Déplacements Doyen de la faculté rapporteur du rapport Boiteux 2
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Faculté de sciences économiques de Lyon FNAUT
Luc BAUMSTARK
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Jean SIVARDIERE
Président de la FNAUT
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Cet entretien téléphonique fut relativement court et informel, il n'a donc pas fait l'objet d'un compte-rendu détaillé que nous aurions pu inclure dans les annexes du rapport.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Dr Isabelle Durand-Zaleski
Date : lundi 21 novembre 2011 Lieu : URC Eco Ile-de-France Durée : 0h30 A propos de l'interviewée Isabelle Durand-Zaleski est médecin en santé publique et titulaire d'un doctorat en économie. Elle est directrice de l'URC Eco (Unité de recherche clinique en économie de la santé) Ile-de-France. A ce titre, son travail porte plus particulièrement sur l'étude des innovations dans le domaine de la médecine (par exemple, la télémédecine), et n'est pas, à la première vue, en rapport avec les transports. Il vaudrait mieux, pour obtenir des informations plus précises sur le rapport entre transport et santé, se tourner vers les organismes spécialisés comme l'Inserm ou l'ANSES... A propos de l'activité physique Dans le domaine de la médecine, la promotion de l'activité physique est très à la mode actuellement, suite aux publications de Roger Salamon et de Fred Paccaud. Roger Salamon est président du HCSP (Haut Conseil de la santé publique) et directeur honoraire de l'UFR de médecine de Bordeaux. Le HCSP a récemment publié un rapport sur la sécurité liée à la pratique du vélo à Bordeaux. Il ressort de cette étude que les cyclistes qui portent un casque ont plus tendance à adopter une conduite à risque en vélo. Fred Paccaud est un épidémiologiste suisse. Il a fait partie d'un groupe de travail sur la question du rôle que doit jouer le Parlement dans les politiques de santé publique. Il a établi le lien entre activité physique et risque cardio-vasculaire, en montrant que l'activité physique agit comme un facteur protecteur contre le risque cardio-vasculaire. A titre d'exemple, certains architectes tentent d'inciter les usagers des lieux publics à utiliser plutôt les escaliers que les escalators, en essayant de faire appel au côté ludique de l'activité physique (par exemple, avec des marches de couleur...). A propos des politiques publiques Fin 2006, à l'occasion de la présidence finlandaise de l'Union Européenne, un programme « Health in all policies » a été lancé. Il s'agissait de voir comment chaque politique publique peut avoir un effet sur la santé. Plus concrètement, il fallait donc trouver des indicateurs pour mesurer et suivre l'impact sur la santé des politiques publiques. En France, l'opération a été menée par le ministère de la santé et le CAS. Cette politique a notamment porté ses fruits en Finlande, pays qui, par exemple, incite fortement et facilite la pratique du vélo. Cette politique publique, associée à d'autres, a permis de faire baisser considérablement le nombre de maladies cardio-vasculaires en Finlande.
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D'une manière générale, pour qu'un pays se saisisse de la problématique de la santé dans les politiques publiques qu'il mène, il faut trouver une fenêtre, c'est-à-dire une période politiquement favorable pour pouvoir mener cette action. A propos de la bibliographie Le site « pubmed » (de la Bibliothèque du Congrès américain) permet d'avoir accès à tous les articles de publication médicale, et notamment d'en extraire ceux liés à la problématique des transports. A propos de la monétarisation Actuellement, la HAS (Haute Autorité de Santé) utilise une méthode proche de celle utilisée par la Health Protection Agency britannique, qui n'est pas une méthode d'analyse coûts/bénéfices mais plutôt coûts/efficacité ou coûts/utilité. En Grande Bretagne, on utilise des questionnaires de qualité de vie afin d'estimer la perte de qualité de vie engendrée par un événement suffisamment important pour bouleverser la vie quotidienne des personnes (par exemple, un accident rendant une personne tétraplégique). Ces questionnaires ne sont donc pas sensibles aux petites variations. Ils peuvent porter sur cinq critères : mobilité, fonctions cognitives, douleur, dépression et activité sociale (questionnaire EQ5D). Cette perte de qualité de vie s'exprime par une valeur comprise entre 0 (mort) et 1 (parfaite santé). Elle est monétarisée, à hauteur de £ 30.000 par année en Grande Bretagne. Une modification de l'activité sociale peut avoir des effets importants sur la qualité de vie. Par exemple, une petite ville du Pays de Galles a mis en place un service de taxi à prix réduit pour permettre aux retraités de retrouver une vie sociale. En France, les pouvoirs publics sont réticents à monétariser la vie humaine en raison des problèmes qui pourraient alors survenir de la part de l'industrie pharmaceutique (qui augmenterait alors les prix des médicaments pour les mettre aux seuils ainsi calculés). Cependant, l'OMS estime que pour chaque pays, la valeur de cette monétarisation doit se situer entre une et cinq fois le PIB par habitant. A propos des thèmes retenus La santé dans les transports ne se limite pas qu'aux accidents de la route. L'impact de la pollution notamment ne doit pas être sous-estimé. Les transports peuvent causer de sérieux problèmes sur la santé, notamment avec le rejet de polluants, l'augmentation du risque de cancer... A propos des contacts Peuvent être contactés de la part du Docteur Durand-Zaleski : Roger Salamon, président du HCSP et directeur honoraire de l'UFR de médecine de Bordeaux, Pierre Lombrail, professeur de médecine et président de la Société Française de Santé Publique.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Damien Grangeon
Date : mercredi 23 novembre 2011 Lieu : par téléphone Durée : 1h35 A propos de lui Il est ingénieur TPE arrivé à l'été 2008 au Sétra. Il était chargé d'études socio-économiques des transports. Il a assisté la DIT sur le dossier Eurovignette 3, sur des sujets de tarification d'infrastructure, pour imputer aux poids lourds les coûts externes qu'ils créent. Il a eu des contacts avec un bureau d'étude belge sur le dossier d'évaluation du canal SeineNord. Ils s'intéressaient probablement au bruit et à la pollution. Le dossier C'est un travail commandé en 2009 par EP2. Le but était de voir ce qui se faisait ailleurs, et ce que ça changeait sur les coûts. Il s'inscrit aussi dans le Grenelle de l'environnement, ce qui explique que le problématiques soient plutôt présentées sous l'aspect environnemental, bien que pour la pollution atmosphérique, seuls des impacts sur la santé soient pris en compte. Les dernières recommandations datent de 2005, et sont basées sur le rapport Boiteux qui date lui-même de 2001. Cette ancienneté induit une nécessité de révision. En décembre 2008, le ministère sort une circulaire donnant des orientations pour faire évoluer l'évaluation dans le sens du Grenelle : plus de transparence, rapprochement entre évaluation environnementale et socio-économique. Depuis 2 ans de nombreuses études sont menées pour tester la validité du rapport Boiteux dans le but d'une révision qui est toujours en cours. Le but n'est pas de partir sur des choses extravagantes si cela ne change rien dans le bilan. Il faut tester l'actualité du rapport Boiteux 2, et voir si l'évaluation socio-économique suffit à tout prendre en compte. Par exemple, il peut ne pas être suffisant d'augmenter le prix de la tonne de CO2 pour donner un vrai sens au bilan. Le rapport Boiteux 2 avait souvent pris des valeurs a minima pour ne pas grever la rentabilité des projets, qu'il faudrait donc reprendre désormais.
S'il avait pu aller plus loin, il aurait fallu ajouter d'autres exemples (le choix du contournement d'Arles a été fait pour des questions de délai, en fonction des données disponibles) et faire l'exercice inverse à la monétarisation, c'est-à-dire prendre un bilan et tester les niveaux de valeurs tutélaires auquel on aurait eu un effet sur les taux de rentabilité, et donc sur la décision. Il faudrait se poser la question de l'écart entre les questions posées dans le bilan socio-éco et les valeurs correspondantes qui auraient un impact sur le bilan. Nos sujets traités par le rapport Bruit
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La norme sur le bruit au voisinage des infrastructures de transports tient compte du bruit résiduel après l'éventuel investissement en mesures anti-bruits (murs etc...). Il y a donc une sorte de partage du coût du bruit entre le projet lui-même (les investissements anti-bruits) et l'évaluation socio-économiques. Le seuil légal est de 60dB, mais on considère que le bruit est déjà gênant entre 55 et 60dB. En France, la prise en compte du bruit est très partielle : on est encore sur une approche en valeurs révélées, qui prend surtout en compte la perte de valeur immobilière. Pas d'évaluation des effets sur la santé (pour des études des impacts sur la santé, voir les études de l'OMS, peut-être aussi une étude allemande). Le bruit est donc très marginal dans les évaluations socio-économiques, et ne fait jamais basculer une décision. En pratique, ça prouve une ignorance de l'acceptabilité sociale du bruit, qui elle, peut faire basculer une décision. Question : mais dans ce cas, est-ce que ça ne veut pas dire qu'il faudrait adapter l'évaluation pour prendre en compte ces problèmes d'acceptabilité ? Pas du tout, ça n'est pas le but de l'évaluation socio-économique. Le calcul est conçu pour tenter d'informer des coûts monétaires, pas pour juger de l'acceptabilité. Stress L'AFSSET a sorti un rapport sur les effets sanitaires sur le stress. Est-ce monétarisable ? La méthode standard (coût des dommages) est de lister les effets un à un (par exemple : problèmes de sommeil, achat d'antidépresseurs...), d'estimer leur coût et la part du stress dans ces effets. Ça n'est pas forcément évident, la liste peut être longue, mais si on l'a fait sur la mort, on peut certainement le faire avec le stress. Ça sera certainement une valeur à minima car on a ignoré ou oublié certains effets. Activité physique Il y pense plus depuis qu'il a quitté le Sétra (il travaille sur des projets urbains). Il travaille maintenant plus sur les effets positifs de certains modes de transport que sur des questions de pollution. A priori l'approche partant de la liste des effets (coûts des dommages, sauf qu'il n'y a pas que des dommages) parait plus raisonnable. Pollution Les effets de long terme de la pollution son aujourd'hui assez bien connus (il y a eu pas mal d'études, etc...). On ne connaît pas bien les effets de court terme. Ça n'était pas bien traité dans le rapport Boiteux. Le GREQAM (laboratoire d'économie quantitative à Marseille) essaie de prendre en compte plein de choses oubliées par le rapport Boiteux, dont les effets à court terme. Des études de l'OMS ont été commencées avec des suivis de cohortes. La méthode des coûts révélés ou déclarés (que l'on parle de risque de mort ou de qualité de vie) n'est pas très fiable parce que les gens ne se rendent pas compte des effets de la pollution (ce n'est pas très étonnant si les scientifiques commencent à peine à l'étudier). Il est difficile de créer un marché alternatif. La valeur monétaire de la pollution (et surtout son évolution) est peut-être mal prise en compte car on considère que la pollution va diminuer grâce à la technologie. C'est une posture, mais on pourrait en prendre une autre. Bilan socio-économique vs. Etude d'impact Méthodes de monétarisation
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Deux grandes méthodes : préférences révélées : on crée une sorte de marché alternatif, et on fait révéler aux gens la valeur qu'ils donnent à tel ou tel paramètre. Coûts des dommages : c'est la méthode standard pour l'évaluation socio-économique en France. Elle consiste à faite une liste des impacts de l'infrastructure et chiffrer chacun des impacts. Il y a trois sources principales d'incertitudes : o A-t-on oublié ou ignoré des effets ? Les effets pris en compte traduisent aussi quelque part des préoccupations du gouvernement. Par exemple, autrefois, les questions de pollution atmosphériques n'étaient pas du tout prises en compte, parce qu'on les connaissait moins bien qu'aujourd'hui, mais aussi parce que la priorité était donnée aux morts dans les accidents de la route. Qui est la victime d'un effet peut avoir un impact sur sa prise en compte. Que valent chacun des effets ? Le problème est d'autant plus grand que ces valeurs relatives ne seront pas les mêmes pour tous les acteurs/riverains. L'attribution d'un poids fort ou faible à tel ou tel effet reflète aussi les priorités de l'état. Le rapport Boiteux a tendance à sous-estimer les coûts : dans la mesure où les connaissances ne sont pas très grandes, on prend généralement des valeurs à minima pour éviter de plomber des projets. Cela justifie pleinement le fait d'actualiser les méthodes lorsque les connaissances des phénomènes progressent. Un problème apparaît lorsque la pondération utilisée ne convient pas aux parties prenantes d'un projet : on peut alors se demander si on ne devrait pas adapter les poids relatifs (cf. méthode semiquantitative). Dans une approche top-down, on chiffre l'impact global d'un paramètre, puis on évalue quelle est la part de chaque effet lié à l'infrastructure : il serait injuste de faire comme si toutes les maladies respiratoires étaient dues au gaz d'échappements. Cette séparation pose des problèmes de double compte, et d'interaction entre effets (par exemple, si C est la cause de A et B ensembles, mais que l'infra ne crée que A, quelle est la part de l'infra dans C ?). Le résultat est un coût moyen. Dans une approche bottom-up, on peut espérer éviter ce problème, puisqu'on chiffre l'effet d'un delta (quelque part on intègre implicitement toutes les interactions avec des « pollutions » issues d'ailleurs). On se retrouve avec un coût marginal de la pollution, ce qui peut poser un problème lorsque le coût marginal est loin du coût moyen.
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Quelle que soit la méthode, l'évaluation nécessite souvent de connaître le tracé précis de l'infrastructure, alors qu'on aimerait bien l'avoir en amont, au moment du débat public. C'est particulièrement vrai pour les impacts sur le voisinage, et encore plus pour ce qui s'atténue vite avec la distance (comme par exemple le bruit). La monétarisation n'est qu'un outil d'aide à la décision, et ne prétend pas fournir une réponse absolue. Il ne s'agit pas de faire une décision technocratique. L'idée est de faire un calcul de rentabilité pour la société. La monétarisation ne peut (et ne doit) pas représenter l'acceptabilité sociale d'un projet, mais bien les priorités de l'état. L'acceptabilité sociale est indirectement comptée
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dans les investissements faits suite à des compensations du maître d'ouvrage, qui génèreront pour lui un surcoût. La valeur donnée à un effet a une importance, mais son évolution est aussi très importante. Donner de l'importance à un facteur, c'est augmenter sa valeur, et surtout la faire augmenter dans le temps au moins aussi vite que la valeur des autres facteurs. Par exemple, la valeur du CO2 a augmenté beaucoup moins vite que la valeur du temps. Il faudrait privilégier des projets qui garantissent le niveau de bien-être maximum des générations futures, donc pour toutes ces nuisances, prendre des valeurs qui augmentent dans le temps. Le bilan doit être vu comme un reflet des politiques mises en oeuvre, il doit être forcément complété par d'autres choses. Valorisation de la santé On raisonne souvent en nombre d'années en moins. Comparer ça avec (principalement) des temps gagnés impose de donner une valeur à la vie humaine. Le premier problème vient du fait que la valeur révélée de la vie n'est pas la même partout (par exemple on dépense beaucoup plus pour la sécurité dans le train que dans la voiture). C'est lié à la place de l'assureur dans le dédommagement (un accident de voiture ne coûte à la société que le manque à gagner des victimes). Lors de certains accidents, il y a aussi un surcoût émotionnel pour l'état, qui doit montrer qu'il prend des mesures, alors même que le coût marginal de la sécurité est croissant (effet de cercle vicieux : plus un système est sûr, plus les accidents choquent, et donc plus il faut les éviter en le rendant encore plus sûr). On peut aussi se demander si un mort « vieux » est aussi grave qu'un mort « jeune ». Ce problème est partiellement résolu par le fait qu'on raisonne en années de vie perdues. Reste le fait que selon certains, les années de vie perdues entre 25 et 30 ans n'ont pas la même valeur que celles perdues entre 80 et 85 ans. Etude d'impact et semi-qualitatif L'étude d'impact a aussi ses avantages, mais a l'inconvénient de ne pas utiliser de règles de calcul pour « garantir » la bonne allocation des ressources de l'état. Il serait probablement intéressant de la rapprocher de la monétarisation pour arrêter de faire les mêmes choses différemment chacun de son côté. L'intermédiaire est le quantitatif sans monétarisation. Il consiste à noter les différents axes de 1 à 7. Ce juste milieu manque un peu en France, mais on essaie de se diriger vers ça. Cela permet d'objectiver sans proposer de pondération, qui sera arbitrée par les acteurs (état, citoyen etc...) en essayant de trouver un moyen de contenter tout le monde en évitant la pondération universelle. Le problème est que quelque part on est gêné de changer les pondérations car on voudrait que l'état fasse les projets de la même façon sur tout le territoire. Tout ceci à inclure dans un contexte où l'on peut avoir plusieurs maîtres d'ouvrage, plusieurs régions etc...). Une pondération variable en fonction des intérêts des acteurs pourrait éviter les sentiments d'injustice est aider à territorialiser les impacts/bénéfices pour adapter les moyens de financements. C'est déjà fait pour des gains de temps sur les lignes TGV, mais on pourrait l'envisager sur les autres effets. L'idée des grilles semi-qualitative serait de laisser le moyen à la puissance publique de territorialiser. Autres problèmes intéressants à étudier Ceux de la pollution des eaux et du sol (mais il n'existe pas beaucoup de littérature), mais ils ne concernent peut-être pas directement la santé.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Basile Chaix
Date : mardi 29 novembre 2011 Lieu : Inserm Faculté de Médecine Saint Antoine Durée : 1h Présentation Basile Chaix est chercheur à l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), chargé de recherches depuis 2007. Il travaille sur les impacts de l'environnement sur la santé. Son domaine d'études relève de l'épidémiologie sociale, c'est-à-dire l'étude des disparités sociales de santé. En effet, on observe une corrélation entre la géographie et la santé : selon les quartiers (favorisés / défavorisés), les niveaux de santé varient. Par exemple, en s'intéressant à l'épidémie d'obésité, on est amenés à rechercher les facteurs auxquels cette épidémie est liée, et donc à étudier les facteurs environnementaux qui influent sur la dépense énergétique. C'est ainsi qu'intervient l'activité physique. Au cours des travaux de recherche, on est parti d'une prise en considération de l'activité physique sportive uniquement, puis cette considération s'est élargie progressivement pour y inclure l'activité physique récréative, et enfin l'activité physique accomplie dans le cadre de la vie de tous les jours, ou activité physique utilitaire (en partant du constat que tout le monde se déplace, même si tout le monde n'a pas le temps de faire régulièrement du sport). Plusieurs études s'intéressent aux modes de transports dits « actifs » (si l'on considère la terminologie de la santé publique), aussi appelés « doux » (en adoptant le terme utilisé dans les transports), principalement en Amérique du Nord, mais également en Europe. En France, très peu d'études sur la thématique ont été conduites. En France c'est en 2001, que les premiers travaux sur les quartiers de la santé ont été réalisés par Basile Chaix, qui s'est intéressé plus particulièrement à l'Ile-de-France, où les disparités sont explosives. L'étude RECORD Ce projet de l'étude RECORD a valu l'emploi de Basile Chaix par l'Inserm. Ses financeurs sont plutôt issus du domaine de la santé, que ce soit au niveau de la recherche (par exemple, l'Agence Nationale de la Recherche), au niveau de la région (par exemple, l'Agence Régionale de la Santé en Ile-de-France, la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale) ou au niveau de l'Etat (par exemple, la Caisse Nationale d'Assurance Maladie). C'est une étude qui est axée sur la santé des individus, et qui se base sur l'observation de différents paramètres physiologiques (pouvant aller jusqu'à la mesure de leur fréquence cardiaque) chez des individus, recrutés en fonction de leur quartier de résidence. Au total 7 300 personnes en Ile-de-France (dont 2 000 personnes sur Paris) ont été recrutées pour la première vague de l'étude RECORD. On leur a distribué le logiciel Veritas. Ce logiciel permet de remplir simplement un questionnaire sur son ordinateur. On demande aux personnes interrogées
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de délimiter elles-mêmes leur quartier (avec un plan type googlemaps), puis de donner leurs destinations régulières. Il s'agit donc d'une étude du long terme, car les gens parlent de leurs habitudes (et non des déplacements « spontanés »). Actuellement, une seconde vague de l'étude RECORD est en phase d'être lancée. L'étude RECORD GPS quant à elle est une extension de l'étude RECORD, au sens où elle se base sur l'utilisation des technologies GPS et d'accéléromètre pour tracer les déplacements des personnes (pendant une durée d'une semaine), afin de pouvoir estimer leurs effets sur la santé de ces personnes. En d'autres termes, cette étude devrait permettre, par exemple, de réponde à la question suivante : est-ce qu'emprunter les transports en commun fait faire plus d'activité physique qu'utiliser sa propre voiture ? La grande différence par rapport au logiciel Veritas est qu'on pourra avoir plus d'informations sur le « court-terme » : la collection des données ne se fera que sur une semaine. Les données collectées sont traitées par des régressions statistiques. Il s'agit de démêler les effets afin d'identifier les liens de causalité entre les différents facteurs environnementaux et la santé des individus observés. Par exemple, on peut donner la relation empirique entre obésité, d la distance au transport en commun le plus proche, a l'aménité du quartier (à quel point le quartier est agréable), et n le nombre de rues piétonnes :
De telles régressions linéaires permettent non seulement de donner des coefficients qui décrivent le mieux les données, mais aussi de préciser quelle est la fiabilité de l'approximation : par exemple, l'analyste donne la probabilité que la valeur observée de l'obésité se trouve effectivement dans un intervalle de +/- 5% de la valeur observée calculée à l'aide de cette formule, combinaison linéaire de d, n et a. La méthode est donc fiable, les limites se trouvent davantage dans la diversité des sources et dans le biais dans les données : justement, l'étude record doit permettre de donner une source de données riche et précise. L'utilisation du GPS et l'automatisation du traitement des données doit permettre d'augmenter le nombre d'observations et de mieux maîtriser les biais. Bien sûr, les modèles théoriques sont beaucoup plus complexes que l'équation ci-dessus (régressions nonstandard), et l'étude ne peut malheureusement pas prendre en compte tous les facteurs environnementaux possibles. Au fil des années, on peut espérer que les études sur le sujet s'affinent petit à petit, en intégrant toujours plus de paramètres. Par exemple, les chercheurs ont décidé dernièrement d'inclure comme variable explicative la météo des sept derniers jours, pour augmenter la fiabilité de leurs modèles de temps de marche quotidien. Les étapes futures de l'étude RECORD Deux études, complémentaires entre elles, vont être lancées très prochainement : la deuxième vague de l'étude RECORD, et l'étude RECORD GPS. La deuxième vague de l'étude RECORD va notamment permettre de disposer de données de santé actualisée sur le panel des 7 300 personnes, et notamment de mesurer l'évolution de leur santé sur cinq ans. Cette étude se focalise sur les destinations régulières des individus étudiés. Par l'intermédiaire de questionnaires remplis par ces individus, elle s'intéresse à la perception qu'ont les personnes de ce qu'est leur cadre de vie. L'étude RECORD GPS suit un protocole différent, puisqu'il s'agit de suivre ces individus sur une période d'une semaine. Elle sera basée sur une coopération franco-montréalaise. Il ne s'agit plus d'analyser la fréquentation des lieux qui font sens, mais plutôt tous les déplacements effectués par
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les personnes au cours de la semaine, ainsi que le mode de transport utilisé. Cette étude fait appel à l'expologie contextuelle, discipline qui cherche à évaluer les contextes et environnements auxquels les individus sont exposés. Une telle méthode de collecte de données permet de s'affranchir des limitations imposées par une approche par questionnaires. Les résultats issus de l'étude RECORD Pour l'instant, les seuls éléments concernant la santé et le transport sont issus des résultats de la première vague de l'étude. A cet effet, ils ont dû remplir un questionnaire portant sur la marche (utilitaire ou récréative) qu'ils ont effectuée dans les 7 derniers jours. Leurs réponses ont été couplées aux données météorologiques, et également aux données géographiques, pour caractériser l'environnement de ces personnes (surface d'espaces verts à proximité, équipements sportifs, densité de bâtiments...). Des facteurs environnementaux différents ont été identifiés pour la marche utilitaire et sur la marche récréative. Le contexte actuel et l'impact sur les politiques publiques Le contexte actuel est celui d'une intervention intersectorielle de l'action publique. Ceci peut notamment s'observer en régions avec le regroupement des différents services déconcentrés, mais aussi avec la conduite de plus en plus de plans interministériels. Le projet RECORD, en tant qu'infrastructure matérielle et logicielle pour enquêter sur le transport, a été présenté à la DGITM, notamment pour obtenir un soutien financier. Le bureau EP3 s'est montré particulièrement intéressé, et Basile Chaix travaille actuellement en coopération avec le Certu afin d'obtenir un tel financement. Cette collaboration va également permettre de croiser des bases de données différentes : celles de l'Inserm qui concernent la santé, et celles du Certu qui concernent le transport. D'autres acteurs importants dans les politiques publiques de transport, à savoir le STIF et la RATP (délégation générale innovation et développement durable), ont déjà confirmé leurs soutiens à l'étude RECORD. Conclusion La prise de conscience de l'importance dans la santé publique est très récente, et il n'y a pas si longtemps, l'étude des impacts sanitaires de projets de transports se limitait à ceux de la pollution atmosphérique. Aujourd'hui la vision santé transport s'est élargie. Basile Chaix et son équipe sont en train de développer un outil pour enquêter le transport, et espèrent plus largement encourager l'approche intersectorielle santé jeunesse et sports transports etc. Par conséquent, cet outil est susceptible d'intéresser tout type de politique sur le transport, en France comme à l'étranger : objectif franco-canadien de devenir leader dans le domaine.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Fabienne Marseille
Date : mercredi 30 novembre 2011 Lieu : Certu Durée : 1h Le RST Fabienne Marseille anime pour le compte du Certu le RST (Réseau Scientifique et Technique) air. Le RST air est co-animé par le Certu et le Setra. Les principaux services concernés sont les CETE (Centres d'études techniques de l'équipement). Sont également concernés, entre autres, l'INRETS (Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité, pour ce qui concerne les évaluations des émissions de polluants), CEREA (Centre d'enseignement et de recherche en environnement atmosphérique, associé à l'ENPC et EDF, pour la partie recherche) et le CETU (Centre d'études des tunnels, pour la problématique liée aux tunnels), et plus épisodiquement l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) et l'INERIS (Institut national de l'environnement industriel et des risques). Historiquement, ce réseau était porté par la DGITM. Il fonctionnait autour des études d'impact sur les projets de transport. Désormais, à la DGITM se sont joints le CGDD et la DGEC. Et le RST est mobilisé sur un grand nombre de projets divers (PPA, Plans de protection de l'atmosphère ; ZAPA, Zones d'actions prioritaires pour l'air ; etc.). Le Certu joue le rôle de tête de réseau, en servant d'interface entre les directions d'administration centrale et les CETE (adaptation des outils...). La note méthodologique air et santé Fabienne Marseille pilote également la note méthodologique air et santé, qui encadre le contenu des volets air et santé des dossiers d'études d'impact des infrastructures routières). Une première note, résultant d'un compromis entre les ministères de l'équipement, de l'écologie et de la santé, avait été rédigée en 2005. Il était prévu de faire un état des lieux 3 ans après sa mise en application, et éventuellement de la réviser. Aujourd'hui, cette note est toujours en révision, avec un co-pilotage qui associe le Certu et le Setra, et qui associe l'INERIS, l'INRETS, l'INVS (Institut national de veille sanitaire)... Une note provisoire a été rédigée, mais elle n'a toujours pas été validée, faute d'avoir trouvé un compromis satisfaisant pour tous les acteurs. Il s'agit en effet d'équilibrer d'une part les attentes de l'INVS et des acteurs de la santé, et d'autre part celles des acteurs du transport. Suivant où l'on place le curseur du compromis, on est susceptible de bloquer tout nouveau projet routier... Le champ d'application de cette note n'est également pas clairement défini : toutes les infrastructures nouvelles sont concernées, mais pour les projets de réaménagement, des discussions sont en cours pour savoir s'il faut fixer un seuil pour réaliser une étude d'impact air et santé. La position classique des acteurs de la santé est de demander systématiquement une étude d'impact complète, y compris pour des petits aménagements (pose de murs anti-bruit par exemple).
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A l'origine, cette note s'adresse aux projets routiers. Toutefois, dans le cadre des projets de transports, comme ceux de tramways, des études d'impact doivent également être réalisées. Par conséquent, les maîtres d'ouvrage pourraient être potentiellement intéressés par une telle méthodologie. Les études d'impact Les données d'entrée d'une étude d'impact sont essentiellement le trafic attendu sur l'infrastructure, ainsi que les milieux traversés par l'infrastructure. L'étude d'impact s'intéresse alors aussi bien à l'émission de polluants à l'échappement qu'à l'émission de particules due à l'usure des moteurs ou des freins, qu'à la remise en suspension de particules sur la voie, ainsi qu'à tout ce qui est lié avec le trafic (par exemple, le salage des routes induit une pollution par le mercure). La monétarisation est incluse dans les études d'impact, via le rapport Boiteux et la circulaire associée. Toutefois, pour les émissions de gaz à effet de serre et les impacts sanitaires de la pollution de l'air, cette monétarisation se base sur des calculs extrêmement plus grossiers que la modélisation réalisée en termes d'impacts, ce qui rend actuellement son utilisation critiquable. Dans les études d'impact, sont notamment différenciés de manière fine les types de véhicules considérés, les milieux traversés. Pour les gros projets, une évaluation des risques sanitaires (ERS) est conduite. Cette évaluation consiste à estimer l'augmentation du nombre de cas de crises d'asthme, de cancers, etc. due à la nouvelle infrastructure de transport. Une étude de santé sur la qualité de l'air porte non seulement sur les conséquences de l'inhalation des particules, mais également d'ingestion après dépôts particulaires sur les cultures (par exemple, dans le cas de jardins particuliers, on estime que 20% de l'alimentation des riverains peut être impactée par les particules). Il existe cependant de nombreuses incertitudes sur les études, qui ne permettent pas d'aboutir à des résultats très précis, contrairement par exemple aux études d'impact sur la biodiversité, qui peuvent démontrer à coup sûr les dommages causés à une espèce classée. Le dossier de l'étude d'impact est réalisé par le maître d'ouvrage. Ils sont réalisés par les bureaux d'études (un CETE ou un bureau d'études privé en général). Ceux-ci suivent la méthodologie décrite dans les différentes notes méthodologiques. Celle-ci s'impose à tous les projets portés par les services de l'Etat. En pratique, on constate que les autres acteurs s'en servent également, car il s'agit du seul document existant qui indique une méthodologie claire. Des acteurs clés de cette étude d'impact sont les AASQA (associations agrées de surveillance de la qualité de l'air), comme Airparif en Ile-de-France, qui détiennent la connaissance des territoires. Cette étude d'impact est alors examinée par l'autorité environnementale (DREAL ou CGDD) et de santé (ARS). L'étude d'impact doit notamment prendre en compte le PPA (plan de protection de l'atmosphère) du territoire considéré. Le PPA couvre toutes les origines possibles de la pollution de l'air, comme les transports, les industries, le chauffage urbain... Lors de l'évaluation des projets, on prend en compte la pollution de l'air existant préalablement au projet, qui peut déjà en elle-même dépasser les seuils prescrits, ce qui peut parfois poser problème. Le projet POLTERGES Le projet POLTERGES est un état des lieux porté par le CGDD et l'ADEME sur la qualité de l'air en lien avec les transports. Son champ d'études est très large, et malheureusement le bureau d'études qui travaillait dessus a rendu un travail trop vague pour être véritablement exploitable.
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Les autres impacts sur la santé Outre les impacts liés à la qualité de l'air, peuvent également être cités ceux liés au bruit et à la pollution de l'eau. En ce qui concerne l'eau, cette problématique doit être considérée à part, car mieux traitée depuis la directive cadre sur l'eau. En ce qui concerne l'activité physique, une étude réalisée par Airparif (association de surveillance de la qualité de l'air en Ile-de-France) a permis d'établir que les individus sont plus exposés à la pollution de l'air dans l'habitacle des véhicules qu'en utilisant leur vélo. Les PDU (plans de déplacements urbains) Les PDU (plans de déplacements urbains) doivent normalement comporter une évaluation environnementale, y compris en ce qui concerne la qualité de l'air. Toutefois se pose la limite de l'évaluation des modes doux en terme de trafic, très difficile à réaliser. Ces évaluations environnementales sont obligatoires depuis 2006. Un travail d'analyse sur les premières évaluations a été effectué par le Certu ; il en est ressorti que leur qualité était moyenne. Celle-ci s'est beaucoup améliorée depuis, comme en témoigne par exemple l'évaluation environnementale du PDU de Lille. Les solutions à la pollution atmosphérique En matière de qualité de l'air, il existe très peu de mesures de résorption, contrairement au bruit (où il existe par exemple les murs anti-bruit). Les marges de manoeuvre de l'aménageur sont donc limitées. On peut jouer un peu sur la quantité de trafic, sur la vitesse de circulation, sur la dispersion des polluants (via la végétation, ou éventuellement des murs anti-bruit...), sur l'exposition des populations... On peut également jouer sur la partie mobilité plutôt qu'infrastructure, avec la mise en place de mesures incitatives, de transports en communs, de péages urbains, voire la création de ZAPA. Les ZAPA sont mise en oeuvre au niveau communal ou intercommunal. Avec elles émerge un autre enjeu, celui de la liberté de circulation, qui implique de développer en amont les transports en commun. Contacts Pour des questions plus précises sur la monétarisation, et notamment la pondération dans la comparaison entre les différents impacts, il peut être intéressant de s'adresser à des personnes habituées à avoir une vision d'ensemble des dossiers d'impacts, comme Virginie Billon (CETE de Lyon, qui a travaillé sur le dossier de l'A45 Lyon-St. Etienne) ou Marc Lansiart et Amandine Bommel-Orsini (CGDD).
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Laurent Jardinier
Date : mercredi 30 novembre 2011 Lieu : Certu Durée : 1h Présentation Laurent Jardinier travaille au Certu depuis un peu plus d'un an. Il a auparavant occupé deux postes au CETE de Lyon où il travaillait déjà dans le domaine des transports. Actuellement il est chargé de mission « approche systémique de la mobilité ». Son poste est à l'interface avec le département recherche, et consiste également à travailler sur des sujets émergents ou compliqués, peu traités par son département de rattachement, Déplacements durables. En ce moment, il travaille sur les modes actifs et leurs effets bénéfiques sur la santé. Ce sujet est très intéressant car nouveau, mais surtout cela peut être la première occasion de vanter les bénéfices de la ville et des systèmes de transport, qui sont généralement considérés comme des sources de nuisances. Les études sur l'activité physique Beaucoup d'études ont été réalisées en Amérique du Nord. En France, elles commencent à s'y intéresser. L'étude RECORD de Basile Chaix (Inserm), les études ELIANE (etude des liens entre activité physique, nutrition et l'environnement) ou Activité de Jean-Michel Oppert (Inserm) en sont la manifestation. Pour l'instant, les études conduites en France ont permis de valider les résultats démontrés en Amérique du Nord. Aujourd'hui on est désormais capable quantifier les effets de l'activité physique sur la santé. Cependant, les résultats qui résultent de ces enquêtes sont relativement confinés dans la sphère médicale. Les démarches adoptées par les acteurs de la santé sont très descendantes : le ministère de la santé fait des campagnes de publicité. Mais ces démarches sont suivies de peu de résultats, car les collectivités ne se sont pas encore emparées du problème. C'est ici que se situe l'importance du MEDDTL, et notamment du Certu, qui sont capables de fournir les outils adéquats aux collectivités. Il y a une vraie complémentarité entre les outils du Certu et les enquêtes réalisées par l'Inserm. Ces deux services essaient de travailler à l'utilisation conjointe de ces deux ressources. Les résultats de ces études Certaines de ces études permettent d'aboutir à des préconisations sur la mise en oeuvre de mesures pour favoriser l'activité physiques. Par exemple, la présence de parcs à proximité du domicile incite à la marche. On peut alors en déduire ce que l'on peut faire. Il faut noter que certains aménagements peuvent entrer en conflit avec d'autres politiques (par exemple, l'implantation de bancs publics), ce qui complexifie la tâche pour les collectivités. Il peut également être intéressant pour les collectivités de disposer de cartes de marchabilité de quartiers, afin d'identifier les lieus propices à l'activité physique. Toutefois, les outils nécessaires à leur réalisation ne sont pas encore développés.
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En 2012, un enjeu fort dans le domaine de l'activité physique est d'arriver à tirer les informations et résultats issus du monde de la santé pour les intégrer à celui de la mobilité, des transports et du développement durable. Par exemple, actuellement, les résultats des enquêtes ménages ne sont pas assez croisés avec ceux des enquêtes urbaines. Une tentative allant dans ce sens a été réalisée sur Lyon, en s'intéressant aux personnes qui réalisent les 30 minutes de marche recommandées par jour. Il a été montré que le résultat discriminant était le lieu de résidence des personnes. Les études d'impact Actuellement, on est encore au début de l'émergence de la problématique. Or, toute personne qui utilise les transports en commun marche. Par conséquent, lors d'une étude d'impact pour un projet de tramway par exemple, il pourrait être intéressant de valoriser cette activité physique, qui serait alors bénéfique au projet. Ce n'est pour l'instant pas le cas. Il existe un outil, développé par l'OMS, pour valoriser l'activité physique : HEAT. En France, cet outil pour le vélo est étudié par le Certu (Muriel Mariotto). On essaie de tester l'outil en France, et notamment à Lyon, mais pour l'instant, l'outil n'intéresse pas vraiment les collectivités. Les modèles sur la marche et sur le vélo sont balbutiants. Il est difficile de faire des statistiques de trafic de déplacement, car on dispose de trop peu de données, notamment pour le vélo où la part modale est faible. Au Certu, Virginie Lasserre a travaillé sur le modèle multimodal de Chambéry lorsqu'elle était au CETE de Lyon. D'une manière schématique, on peut considérer un triptyque : environnement mobilité santé. Celui-ci peut se lire dans plusieurs sens : la mobilité modifie l'environnement qui détériore la santé, ou l'environnement est favorable à la mobilité qui améliore la santé.... L'IPP (indice pollution population) est un indicateur sanitaire. Dans le cadre des études d'impact, il s'agit de croiser pollution et population. Le principal défaut de la méthodologie utilisée actuellement est qu'elle se base sur les cartes d'habitation, mais ne tient pas compte des schémas d'activité de la population. On essaie également de travailler sur des « sani-comparateurs ». Il s'agirait d'estimer l'exposition aux polluants en fonction du territoire traversé et des modes de transport utilisés. La monétarisation Pour l'instant, on se limite aux études d'impact. Mais il y a une volonté forte de continuer jusqu'à la monétarisation. C'est nécessaire et inévitable. Pour une fois, il pourra s'agir de bénéfices à créditer au bilan des projets. Les études suivies en 2012 Le Certu soutient le projet RECORD, réalisé par l'Inserm (Basile Chaix). Un état de l'art des travaux de recherche sur la santé sera également réalisé. La mise au point d'outils de diagnostic et d'évaluation des systèmes de transport sur la santé (concernant aussi bien l'activité physique que les émissions de polluants ou la pollution sonore) sera poursuivie. Enfin, il s'agira d'améliorer les enquêtes ménages pour y inclure des questions portant sur ces pistes de réflexion. Toutes ces actions se feront via le RST, en y associant les CETE. La question de la mise en oeuvre sera également étudiée de près. A ce titre, il est essentiel de sensibiliser les collectivités locales afin qu'elles s'y impliquent, car ce sont elles qui ont la main sur les
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transports locaux et sur l'urbanisme. Quelques villes commencent à se préoccuper de la problématique santé (et non plus seulement pollution), mais c'est encore balbutiant. Le Certu organisera probablement un colloque DUE (déplacement urbanisme environnement) parlant de la santé. Cela aura l'avantage de mettre un grand nombre d'acteurs autour de la table, aussi bien des techniques des transports, des techniques de la santé et des acteurs locaux. Prendre la problématique déplacement urbanisme environnement sous l'angle de la santé permet d'aborder les trois thèmes de manière transversale. Les acteurs au niveau national En ce qui concerne le domaine des transports, la DGITM (Nadine Asconchilo) y travaille depuis quelques années. C'est également le cas du Certu (Frédéric Murard) au département voirie pour la conception des espaces. La problématique au niveau national est aujourd'hui principalement portée par le domaine de la santé. Il s'agit plutôt de messages descendants, issus du ministère de la santé (via de nombreux plans, au titre desquels le plan national santé et environnement, le plan nutrition santé... qui font la promotion des modes actifs). Au niveau local, les services déconcentrés ne sont au final pas véritablement impliqués puisqu'ils n'ont pas le pouvoir. D'autre part, le ministère de la santé n'arrivera pas à lui seul à convaincre les collectivités territoriales de la mise en oeuvre de cette politique. Le MEDDTL a ainsi un vrai rôle à jouer.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Marie-Paule Thaveau
Date : mercredi 30 novembre 2011 Lieu : Certu Durée : 1h Introduction Marie-Paule Thaveau est chargée d'études au Certu sur le thème des nuisances sonores depuis mai 2011. Auparavant, elle a travaillé sur la problématique du bruit à la DDT de l'Ain pendant 9 mois. Selon elle, le lien entre bruit et santé n'est pas encore suffisamment pris en compte par les services de l'Etat, bien qu'il s'agisse d'une thématique essentielle. Sur ce domaine, le Certu travaille en partenariat avec l'administration centrale, le Setra, les CETE... Aujourd'hui, le Certu est confronté aux exigences d'une directive européenne de 2002 (sur l'évaluation et la gestion du bruit dans l'environnement), transposée dans le droit français en 20052006. Dans cette directive se trouvaient des obligations d'échéance, notamment pour la réalisation de cartes de bruit, qui n'ont pas été tenues. Un contentieux est donc en cours avec l'Union Européenne. Ces cartes doivent prendre en compte le bruit provenant de la route, du fer, des aéroports et des ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement). Parallèlement à cette exigence européenne, il existe une obligation française de classement sonore des voies. Sa mise en place doit se faire au niveau départemental, et il est nécessaire de déployer un outil pour arriver à cet objectif. L'objectif global de ces missions est donc de réaliser un état des lieux du bruit, en réalisant des cartes, et en repérant les points noirs de bruits, dans le but d'améliorer les conditions de vie des gens soumis à ces nuisances sonores. L'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) est impliquée dans ces missions. La transversalité de la problématique du bruit La directive européenne de 2002 amène également la notion de « zone calme », qui tend à rapprocher bruit et santé. Toutefois, selon Marie-Paule Thaveau, il manque au niveau des services de l'Etat une chaîne de suivi sur les travaux portant sur le bruit, chacun ayant tendance à travailler dans son coin. Il y aurait cependant un intérêt majeur à essayer de définir des indicateurs globaux, voire des méthodologies globales pour conduire le citoyen à une meilleure prise en compte du bruit dans l'environnement. Il ne faudrait pas prendre en compte le volume sonore du bruit en valeur absolue uniquement, mais également s'intéresser aux variations du bruit. Par exemple, même si une voiture est dotée d'un moteur silencieux, son conducteur pourra toujours klaxonner à 23h... D'où l'importance de considérer également l'aspect sociétal du développement durable. La transversalité de la thématique du bruit peut transparaître dans certaines politiques. Par exemple, pour réduire les embouteillages, et pour éviter les désagréments aux gens la journée, on préfère livrer les commerces en ville de nuit. Le problème est que les opérations de livraison peuvent
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causer des nuisances sonores au moment où les gens y sont le plus sensibles. Une démarche de mise en place d'un label est en cours, afin de certifier que la problématique du bruit est respectée (aussi bien de la part du conducteur, de l'engin ou du lieu de livraison). Selon Marie-Paule Thaveau, cette démarche transversale n'est que trop peu souvent mise en application. Le suivi des politiques publiques Selon Marie-Paule Thaveau, il existe un manque de suivi des politiques publiques. Celles-ci sont souvent décidées au plus haut niveau, avec beaucoup de bonne volonté, mais la question de leur applicabilité n'est pratiquement jamais abordée. Il faudrait systématiquement réaliser un suivi et un bilan de ces politiques publiques, ou du déploiement des outils associés, afin de pouvoir le cas échéant les ajuster. Pour le bruit, les réglementations française et européenne manquent de cohérence. Le nombre très important de strates administratives en France, associé à une certaine méfiance de la législation européenne contribuent à ajouter de la difficulté. Par exemple, les objectifs français vis-àvis de l'Union Européenne concernant le bruit sont basés sur le découpage intercommunal. Or celuici change beaucoup ces dernières années, ce qui rend difficile le suivi des indicateurs. Parallèlement à cela, les objectifs en terme de bruit ne sont pas assez ambitieux. On réalise des cartes sonores, une évaluation, et éventuellement un plan de prévention, mais il faudrait aller plus loin... Etat des lieux actuel Aujourd'hui, en terme de cartographie du bruit, on est en France à environ 50% de la population couverte. Pour les plans de prévention du bruit, ce pourcentage tombe à 10%. Ces plans de prévention recensent un certain nombre d'actions à réaliser afin de réduire le bruit sur les points noirs identifiés, et donc de repasser sous les seuils fixés par les normes. Ces mesures peuvent par exemple être la mise en place de murs anti-bruit, la création d'une zone 30... Emergence de la thématique bruit et santé La thématique bruit et santé a émergé grâce à l'OMS. Il faut toutefois distinguer deux notions de bruit distinctes, selon qu'on se place dans le domaine des transports, ou dans celui de la santé. Quand on parle du bruit pour les transports, on parle toujours du bruit en façade des bâtiments. Quand on parle du bruit pour la santé, il s'agit du bruit à l'intérieur de ces bâtiments. Le seuil de gène n'est pas du tout le même dans les deux cas (environ 70 dB en façade, contre environ 30 dB à l'intérieur). De plus, en abordant la problématique sous l'aspect santé, on s'intéresse souvent aux personnes sensibles (comme les enfants, malades et personnes âgées) dans l'idée que si l'on élimine les nuisances pour les plus faibles, on traite aussi le problème pour les plus fortes. Or certains acteurs avancent que cette approche est éventuellement infaisable, pour des raisons techniques et économiques, d'autant plus que ces catégories de personnes sensibles peuvent être minoritaires dans certaines zones. Le volet économique est très important, et il faut garder en tête que le bruit doit idéalement être traité aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des bâtiments, d'autant plus qu'en isolant extérieurement un bâtiment, on augmente l'importance ressentie du bruit intérieur. En ce qui concerne des données factuelles et quantifiées sur les impacts du bruit sur la santé, un rapport de l'OMS, publié en 2011, Burden of disease from environmental noise Quantification of
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healthy life years lost in Europe, permet de quantifier la perte d'espérance de vie en bonne santé due au bruit. Ce rapport démontre également que le bruit est gênant au niveau de la santé dès qu'il dépasse 30 dB, et qu'il existe une interaction forte avec le stress. Un autre rapport de l'OMS, Night noise guideline for Europe, s'intéresse également de manière quantifiée à cette thématique. Bibliographie La problématique n'est pas nouvelle, dès les années 60, elle était identifiée, mais le passage à la pratique a du mal à se concrétiser. On peut citer les ouvrages suivants : Les effets du bruit sur la santé (ministère des affaires sociales et de la santé) Les nuisances environnementales des transports : résultats d'une enquête nationale (les colletions de l'INRETS) Bruit des transports - Etat et perspectives scientifiques (Faburel, Polack, Beaumont) Noise as a public health problem (INRETS) Les études d'impact Lorsque l'on fait des nouvelles infrastructures de transport, il faut impérativement avoir à l'esprit la problématique du bruit très en amont. L'estimation des impacts sonores n'est pas, à ce stade, forcément facile, mais elle est nécessaire. A cause du caractère polémique du sujet, dans le cas d'une comparaison de différents projets, il est particulièrement important d'être précis, et de faire les mêmes hypothèses (et donc quelque part d'utiliser les mêmes méthodes). Les modélisations réalisées actuellement se basent sur les bâtiments présents sur la zone d'étude, mais il est difficile de faire le lien entre ces bâtiments et la population qui vie dedans afin d'estimer vraiment le nombre de personnes exposées au bruit. Le CETE de Lyon tente de croiser ces données liées aux bâtiments avec celles des impôts pour avoir une estimation du nombre de personnes exposées. Toutefois, il n'est pas encore envisageable d'aller plus loin en modélisant les activités de ces personnes, tout comme leur catégorie (plus ou moins sensible au bruit). Même lorsque l'on met en place des dispositifs de protection, on ne sait pas toujours bien suivre et dresser un bilan de ces dispositifs, ainsi que de la perception du bruit derrière les protections. On a également du mal à coupler isolation thermique et phonique sur les bâtiments, car ce ne sont pas les mêmes financements qui rentrent en jeu... Ces études d'impact sont obligatoires pour les projets portés par l'Etat. En général, le maître d'ouvrage fait appel à un bureau d'études pour les réaliser. Le contenu et la méthodologie sont très cadrés. La DREAL gère le fonctionnement de ces études d'impact. La démarche de concertation Si on veut rendre plus pertinentes les études d'impact, il faut mettre autour de la table tous les acteurs, en fonction de leurs compétences. Il faut une gouvernance technique le plus participative possible. Aujourd'hui, les associations ont de plus en plus de poids, et certains citoyens brillants participent aux débats. Il faudrait les impliquer plus en amont des projets. Il ne fait pas négliger l'avis des citoyens, qui sont capables d'apporter vis-à-vis du projet des arguments pertinents. Aujourd'hui, il est obligatoire de rendre publiques un grand nombre d'informations, dont les cartes de bruit, ce qui complique le débat et renforce la participation de la population en parallèle du
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renforcement de ses compétences. En effet, plus les gens sont informés, plus ils se sentent partie prenante. Les impacts du transport sur la santé Selon Marie-Paule Thaveau, les impacts sur l'air et sur l'eau sont prépondérants, puisqu'ils sont liés directement à un risque d'absorption par l'organisme de polluant (que ce soit par inhalation ou par ingestion). Les impacts du bruit ne sont pas non plus à négliger. Il est particulièrement important de chercher à voir les conséquences d'une thématique sur l'autre. D'après elle, on a beaucoup nuit par voie indirecte en ne prenant pas assez bien en compte ces interactions. La monétarisation Un chiffrage des mesures sera réalisé via les plans de prévention du bruit. Ce chiffrage est difficile à réaliser, car il nécessite de trouver les financements nécessaires pour résorber les points noirs du bruit. En revanche, il n'y a pas de chiffrage direct de la santé.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Raymond Del Perugia
Date : mardi 29 novembre 2011 Lieu : Direction de la Voirie et des Déplacements Mairie de Paris, 42 rue du Louvre Durée : 1h Présentation M. Del Perugia est chef de la subdivision des déplacements en libre-service à la Direction de la Voirie et des Déplacements (DVD) de la Ville de Paris. Santé et Vélib' Le Vélib' n'est pas, en tant que tel, considéré comme un moyen de faire du sport. Il est dans sa large majorité utilisé pour des déplacements courts. De plus, il faut savoir qu'à distance égale parcourue, l'usage du vélo conduit à une dépense d'énergie moindre que celle permise par la marche à pied. Etudes menées avant la mise en place de Vélib' Aujourd'hui à Paris, environ 40 % des déplacements se font à pied, et 3% des déplacements se font à vélo. Parmi ces 3%, 35 % sont désormais réalisés en Vélib'. Avant l'arrivée de Vélib, seuls 2% des déplacements étaient réalisés en vélo à Paris. L'arrivée du projet a donc permis une augmentation de 50% de ce mode de transport. A l'issue des élections municipales de 2001, le conseil municipal de Paris a vu l'arrivée d'une coalition entre les socialistes et les verts, d'où un axe écologique particulièrement développé par la municipalité, notamment en vue de favoriser les modes de transport doux, dans le but de réduire la pollution atmosphérique à Paris. Entre 2001 et 2004, de nombreux aménagements pour favoriser les cyclistes (par exemple, des pistes cyclables) ont été réalisés. Toutefois, malgré ces aménagements, l'utilisation du vélo comme moyen de déplacement ne changeait pas, et stagnait à 2%. La Ville de Paris a alors missionné un cabinet, qui a diagnostiqué plusieurs freins à l'usage du vélo à Paris. Les trois freins principaux sont le besoin d'espace de stockage, la nécessité de facilités pour entretenir les vélos, et la peur de s'insérer dans une circulation urbaine extrêmement dense. Un système de Vélo en Libre-Service (VLS) serait ainsi particulièrement approprié, car il permettrait de s'affranchir des deux premiers freins. Parallèlement, le projet Vélo'v, développé par la Ville de Lyon, mis en place en 2005, et dont les premiers résultats ont été particulièrement satisfaisants, a été l'élément déclencheur du lancement de Vélib' à Paris. Financement du projet Vélib' Deux types de financement étaient possibles : en régie sur fonds propres, ou en coordination avec une société privée (marché public, partenariat public privé, délégation de service public...). Le choix de la ville de Paris s'est porté sur le deuxième type de financement, en couplant le marché de
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Vélib' avec celui du renouvellement du marché des mobiliers urbains et d'information (MUI). Sur ces MUI, 50% des messages sont à caractère institutionnel, et 50% de la publicité. Les deux marchés sont passés pour une durée de 10 ans. Les coûts d'investissement étaient estimés à 80 millions d'euros pour la mise en place du service de VLS, et de 20 millions d'euros pour le renouvellement des MUI, auxquels s'ajoutent les frais d'entretien, estimés entre 30 et 40 millions d'euros par an pour le service de VLS. Ces sommes sont à comparer avec les recettes publicitaires, qui s'élèvent entre 50 et 60 millions d'euros par an. En 2005, une procédure de dialogue compétitif a été lancée, notamment pour aider la Ville de Paris à définir précisément les critères du service de VLS qu'elle voulait déployer. Trois sociétés y ont participé : Clear Channel, Decaux, ainsi qu'un troisième groupement. A l'issue de ce dialogue compétitif, Clear Channel a remporté l'offre. Mais Decaux a trouvé une faille et a fait annuler le marché fin 2006. Un deuxième marché a été lancé fin 2006 dans des délais très courts, afin d'ouvrir le service à l'été 2007, pour pouvoir bénéficier des retombées avant la fin de la mandature, en 2008. Cette foisci, il s'agissait d'un marché de service, les caractéristiques de l'offre ayant pu être définies grâce à la procédure de dialogue compétitif du premier marché. Notifié le 20 février 2007, il a été remporté par la société Decaux. L'inauguration du Vélib' a eu lieu mi-juillet 2007 par le Maire de Paris Bertrand Delanoë. Tandis que l'issue du dialogue compétitif était assez serrée, le marché de service a été largement remporté par Decaux proposant un maillage très dense : 20 600 vélos pour 1 451 stations, contre 14 000 vélos pour 1 000 stations pour Clear Channel ; il faut noter que ces deux offres respectaient les préconisations de l'APUR (minimum 750 stations et 8 000 vélos). Au final, Vélib' a nécessité un investissement de 90 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 20 millions pour le renouvellement des MUI, portant le total à 110 millions d'euros d'investissement. Les frais de fonctionnement peuvent être estimés de 30 à 40 millions d'euros par an, et les recettes publicitaires, entre 50 et 60 millions d'euros par an. La société Decaux peut donc être supposée légèrement déficitaire sur ces 10 années de contrat (2007-2017), mais avec Vélib' c'est l'image du plus grand service de VLS au monde que s'est offert Decaux, 2e groupe mondial dans son domaine d'activité. Bilan Il est difficile d'avoir des indicateurs précis et pertinents pour tirer un bilan fiable et objectif de Vélib'. Avec un lancement mi-2007, le nombre de déplacement enregistré par Vélib' en 2007 a été de 13 millions. Ce chiffre s'est ensuite élevé à 28 millions en 2008, 26 millions en 2009 et 25 millions en 2010. Pour 2011, on devrait frôler les 30 millions de déplacements, puisque fin octobre, les déplacements cumulés s'élevaient à 26,5 millions. Vélib' a dont atteint un rythme d'environ 3 millions de déplacement par mois. Aujourd'hui, 18 000 Vélib' sont en circulation, et Vélib' rapporte annuellement 15 millions d'euros à la Ville de Paris. Le succès de Vélib' est également dû aux caractéristiques de la Ville de Paris : Paris est petit, Paris est plat, et la météo relativement clémente, surtout en 2011. Malheureusement il est difficile de s'intéresser à d'autres indicateurs. Le succès et la mesure du nombre de trajets en voiture évités avec les Vélib sont en effet difficilement mesurables. Limites et pistes d'amélioration
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Contrairement à Berlin, qui compte à peu près la même population que Paris mais dispose de 10 fois plus d'espace, à Paris les limites physiques (densité) sont particulièrement présentes : tout se fait au détriment de quelque chose. Concernant Vélib', l'implantation des stations se fait le plus souvent au détriment du stationnement. La Ville de Paris a eu beaucoup de mal à terminer le déploiement de Vélib', projet lancé en 3 vagues, à cause de la diminution du nombre de places de stationnement ou de livraison, souvent négociées par les maires d'arrondissements, soucieux de satisfaire leur électorat. Pour développer les éléments de substitution, la Ville a lancé une politique de stationnement dans les parcs souterrains en tant que « puits à voitures ». Parmi les pistes d'amélioration qui peuvent être envisagées, on peut citer l'augmentation du nombre de stations, ainsi que l'agrandissement des stations existantes. Mais la taille des stations est souvent limitée par la place disponible, et les stations les plus grandes devraient également se trouver dans les zones les plus denses. L'implantation d'un certain nombre de stations de Velib' (un quart du total) avait dû être revue suite à l'intervention des architectes des bâtiments de France, et décalées dans des rues adjacentes, avec moins de place disponible... La Ville de Paris a négocié avec Decaux la location de tranches supplémentaires de 5 stations pour pouvoir faire face au développement urbain et ainsi augmenter l'offre de Velib'. C'est ainsi que les stations ont été implantées dans les communes périphériques de la Ville de Paris. Toutefois, contrairement aux stations d'origine, celles-ci sont financées en totalité par la Ville de Paris. La régulation est difficile, car le mouvement pendulaire est très important, représentant 37% des déplacements. Ainsi la régulation artificielle est indispensable, mais limitée par l'offre de Decaux, qui doit opérer à moyens constants La Ville est satisfaite de la rapidité de l'offre de Decaux et de ce partenariat, même si une gestion en régie permettrait certainement une régulation artificielle plus importante. Decaux est jugée sur 6 critères (stations vides, pleines, propreté, état des vélos, etc...) permettant d'appliquer des pénalités ou des intéressements. Toutefois la société s'en sort particulièrement bien pour l'instant, même si la régulation reste un des problèmes principaux. Vélib' en tant que politique de santé publique ? A l'origine, la refonte des modes de déplacements à Paris, en faveur d'une diminution de la pollution atmosphérique, a été motivée par des préoccupations de santé publique. Cette politique de déplacements ne se borne pas à Vélib' mais est beaucoup plus large, puisqu'elle vise à inciter les gens à modifier leurs modes de transport. Elle est couplée aux pistes cyclables et sites propres pour vélos, mais également à d'autres projets de transports en communs comme le tramway, les couloirs de bus... Toutefois, le lien direct avec la santé n'est que peu mis en avant et considéré comme « légèrement artificiel ». Il existe un programme de création d'axes dédiés aux circulations douces, où 200 km restent encore à créer dans Paris intra-muros d'ici les prochaines élections municipales, en 2014. De plus, la politique de stationnement des deux roues, motorisés ou non, avec la création de nouveaux parcs de stationnement, est en plein essor actuellement à Paris. Conclusion « Le Vélib a redonné une vraie place au vélo dans la Ville de Paris. Il a véritablement permis de changer son image. Nous sommes actuellement à 3% des déplacements réalisés en vélos, et même si c'est désormais un large succès reconnu, nous pouvons encore augmenter cette proportion ». (Nota :
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c'est l'Observatoire des Déplacements du Service de la Mobilité de la Direction de la Voirie et des Déplacements qui effectue ces mesures.
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GCT Santé & Transport Master d'Action Publique Compte-rendu d'entretien Luc Baumstark
Date : mercredi 30 novembre 2011 Lieu : par téléphone Durée : 1h30 Présentation Luc Baumstark est le doyen de la faculté de sciences économiques à l'Université de Lyon. A la fin des années 80, il effectue une thèse en économie des transports, en liaison avec le rapport Boiteux 1. Au début des années 90, on constate une montée de l'environnement dans les préoccupations, et des travaux européens sont réalisés sur la problématique des externalités environnementales. Il est recruté comme chargé de mission au CGP/CAS, chargé de l'économie de l'environnement et des services publics. Il réalise des travaux pour le ministère de l'équipement et pour le premier ministre. Recruté ensuite à l'Université de Lyon, il travaille pour enrichir le calcul économique standard. Puis il s'intéresse à l'économie de la santé, avec en particulier la valeur de la vie humaine, sujet qui intéresse les secteurs du transport (questions de sécurité) et celui de la santé publique. En 2008, il intègre une commission d'économistes pour intégrer une analyse clinique dans les études économiques.
Emergence du rapport Boiteux Il effectue un travail de prospective (intitulé Perspective 2000) au début des 90, alors que la question de l'environnement était un point de crispation qui ralentissait les projets d'infrastructures : quelle valeur la collectivité donne à ces infrastructures et à l'environnement ? Il existait des désaccords entre Bercy et le Ministère des Transports sur les outils et les réflexions. Bercy souhaitait remettre sur la table les modalités d'évaluation des projets d'infrastructure : quel TRI choisir, débat entre calcul économique et analyse multi-critères... Il y avait un réel besoin de s'accorder sur la doctrine. Marcel Boiteux a été choisi pour travailler sur ces questions lorsque des tensions fortes sont apparues, notamment sur les projets RATP/SNCF, qui avaient des TRI assez faibles, sur lesquels la direction générale des routes, très puissante, pouvait contester. De plus, c'est une personnalité extérieure au domaine des transports, donc mieux acceptée. Le rapport Boiteux 1 était assez succinct, et servait surtout à faire l'état des lieux sur plusieurs sujets : la valeur du temps, la valeur de la vie humaine... C'est à ce moment qu'est apparue la question de l'effet de serre. La commission Boiteux 2 (commission mixte) traite entre autres de la montée en puissance du domaine de l'environnement, et en particulier les effets liés à la pollution atmosphérique. En interne
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se pose un débat entre deux postures différentes, suscitant des interrogations fortes (Ministère de l'Environnement et M. Gayssot) d'un groupe qui souhaitait défendre le transport urbain. Des critiques très fortes sur les outils sont formulées, les valeurs attribuées au bruit et à l'environnement sont jugées trop faibles, et émerge alors la nécessité d'une reprise du rapport Boiteux 1. Plusieurs commissions sont établies, une par thème : prix de l'énergie, effet de serre (prix du carbone, avec des réflexions déjà menées dans d'autres instances), bruit, effets de coupure... Le lobby environnemental s'est senti floué, car ces éléments ne changeaient pas beaucoup le résultat sur la rentabilité du projet, d'où une crise, car ceux qui avaient lancé la commande étaient frustrés. Réinjection de la valeur de la vie humaine en expliquant que la valeur statistique de la vie humaine utilisée était trop faible. Concernant la question du bruit : c'est une nuisance mal ressentie par la population. La valorisation de ces effets est faible dans les études au regard de la valorisation faite par la population. De nouvelles études sont menées, mais ne sont pas extrêmement poussées. Le problème est que les évaluateurs n'ont pas toutes les données utiles, par exemple le tracé de l'itinéraire n'est pas forcément connu à l'avance, alors que le calcul des niveaux de bruit dépend du calage de l'infrastructure. Le rapport Boiteux 2, intéressant fortement la Commission Européenne, joue le rôle d'interface entre des interrogations scientifiques, avec une traduction économique et montre comment passer du chiffrage à des outils à mettre en oeuvre dans les évaluations. Ce dernier est facile à faire pour la sécurité routière, mais bien plus difficile pour le bruit... De nombreux travaux s'inscrivent alors dans la continuité du rapport Boiteux 2, qu'on appelle parfois « Boiteux 3 », même si M. Boiteux ne les dirigera sans doute pas. Une suite a déjà eu lieu, en s'interrogeant notamment sur le taux d'actualisation à considérer : les écologistes disent qu'il ne faut pas actualiser, certains pensent que le taux d'actualisation public n'a pas d'intérêt (travailler avec les obligations USA à 30 ans par exemple)... Le taux d'actualisation à l'époque était à 8%, sans risque. Des interrogations se posent sur la valeur carbone qu'il faut réactualiser en fonction des durcissements de la législation européenne. Comment donner une évaluation économique à la biodiversité ? Hostilité parfois marquée aux analyses coûts-bénéfices, critique sur la valeur du temps trop importante, études jugées technocratiques... le vrai enjeu des 15 dernières années est que le calcul économique n'est plus porté par l'Administration, les rapports type Boiteux doivent permettre de laisser une pertinence à ce calcul économique. Si on oublie les grandes thématiques (effet de serre...), on risque des critiques. Ces approches sont nécessaires, mais il faut être sérieux et en faire d'autres. Boiteux 2 est un maillon. Il ne serait peut-être pas possible aujourd'hui de traiter autant d'aspects différents que dans ce rapport. L'importance de la monétarisation Il faut distinguer le fait de faire des études (ex : études sur le paysage) et de passer à une étude sur un projet, comment concrètement dans le calcul vous prenez cet aspect en compte ? Aujourd'hui, de fait, le poids des calculs coûts/avantages dans le processus de décision est faible. La loi l'impose pour certains projets, donc c'est fait, mais elles ont un poids modeste dans la décision. Ces études sont difficiles à présenter, mal reçues par les élus, les associations... c'est une approche contestée.
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Je reste un fervent partisan de cette méthode, les analyses multicritères ne donnent pas des résultats clairs pour mieux éclairer la décision publique. C'est la culture française qui fait que ces études économiques. Il y a un vrai challenge sur cette question. Fondamentalement, les attentes ne vont pas dans le sens d'un développement du calcul économique, on fait des études d'impact. Par contre, monétariser les effets constatés dans une étude d'impact apparaît comme une aberration pour certains.
Les approches utilisées dans le rapport Boiteux et la perte de qualité de vie Le premier rapport Boiteux exprime différentes méthodes (ex : écarts de salaires, approches en termes de coût, approche en termes de perte de production en cas de mort à 35 ans). Les valeurs sont assez faibles, donc d'autres outils sont utilisés. Par exemple, en cas de mort, on regarde la perte de consommation de ressources. Il existe également des approches sur des marchés parallèles : quel effort doit faire une collectivité pour éviter une mort supplémentaire ? L'aspect de la sécurité routière a été surtout considéré. Après, la valorisation des accidents est sous-estimée. Derrière ça se pose la question sur la qualité de la vie : perte de mobilité pour les blessés graves... Le rapport souligne qu'il y a besoin de travaux complémentaires. Dans le domaine de la santé, on utilise une méthode qualitative pour estimer la perte de qualité de vie. Les assureurs ont des grilles (et il existe même des grilles concurrentes parfois entre assureurs) pour caler le degré d'invalidité des gens, qui sont utilisées devant les tribunaux pour aider le juge à décider du montant des indemnités. Ces grilles ne sont pas monétarisées. Des économistes ont cherché à valoriser ces grilles, en pondérant avec la valeur de la vie humaine sur une échelle de 0 à 1 (0 = mort, 1 = vie en parfaite santé) en se basant sur ces grilles pour estimer des dégradations irréversibles de la qualité de vie. Cette méthode notamment utilisée en Grande-Bretagne. On regarde les dépenses publiques à faire pour obtenir une certaine qualité et la collectivité décide si le montant de l'investissement est raisonnable. La Direction à la Sécurité de la Circulation Routière est assez intéressée pour transférer cette méthode sur les investissements de sécurité routière. Le CAS réfléchit aussi à pondérer la valeur de la VH par la qualité de vie. Avec l'amélioration des soins, on décède moins mais on vit dans des conditions de vie dégradées. On sous-estime ces pertes de qualité de vie. C'est un sujet sur lequel il y a un vrai intérêt à travailler. La pertinence des thématiques retenues pour le GCT La pollution atmosphérique est en passe d'être réglée, avec des engagements très forts, des normes... La qualité de l'air s'est améliorée, on a fait des efforts sur les métaux... La conclusion de Boiteux 2 est que si on arrivait à des valeurs faibles pour la pollution, c'est que la situation s'est améliorée. Si on va vers la voiture électrique dans les centres-villes, on va encore améliorer la situation. Autres questions sur la congestion... Coût social élevé, comment l'internaliser ? Péages urbains, etc. Comment assurer une mobilité à un coût acceptable ?
Quelles perspectives pour un rapport Boiteux 3 ? Il serait intéressant de dire quels sont les éléments du débat sur les grands impacts sur la santé, les impacts en voie d'être réglés, ceux amenés à se développer... dans quels domaines faut-il
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progresser en termes de recherche ? Pour un rapport Boiteux 3, ne pas remettre en cause certains éléments sur lesquels on tournerait en rond (pollution atmosphérique par exemple). Aujourd'hui, on pourrait aussi s'intéresser à la question suivante : comment l'évolution des systèmes d'aide à la conduite dans les voitures peut-elle améliorer la sécurité routière ?
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