Options (Les) de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande
MÜLLER-LHOSE, Lena
Auteur moral
France. Ministère de la transition écologique et solidaire
;Office franco-allemand pour la transition énergétique
;Allemagne. Bundesministerium für Wirtschaft und Energie
Auteur secondaire
Résumé
Dans le contexte de l'émergence des énergies renouvelables, de l'autoconsommation et de la mobilité électrique, la "flexibilité" ou "adaptation de l'injection et du soutirage d'électricité en réaction à un signal externe" sous forme de "systèmes de stockage, pilotage de la demande, autoconsommation ou centrales virtuelles", prend toute sa dimension afin de lisser la production et conserver l'équilibre du réseau électrique.<br />Les intervenants de la conférence, outre la question de la flexibilité et ses options, enrichissent le débat en étudiant l'aspect réglementaire, technique (déploiement du réseau, mise en place de plateforme de marché local de gestion des congestions du réseau ou encore de centrale virtuelle pour l'amélioration des services systèmes réseau) et économique ("équilibre permanent du réseau", soumission d'énergie d'équilibrage à appel d'offre).
Editeur
Office franco-allemand pour la transition énergétique
Descripteur Urbamet
flexibilité
;réseau de distribution d'électricité
;stockage d'énergie
;produit
;transition énergétique
Descripteur écoplanete
réglementation
Thème
Ressources - Nuisances
Texte intégral
SYNTHÈSE DE CONFÉRENCE
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Février 2019
Auteure : Lena Müller-Lohse, OFATE · lena.muller-lohse@developpement-durable.gouv.fr
Soutenu par :
Soutenu par :
Soutenu
Résumé
Cette synthèse présente les principaux résultats de la conférence sur les options de flexibilisation au service de la transition énergétique (voir le programme de la conférence). Cette manifestation organisée par l'Office francoallemand pour la transition énergétique (OFATE) s'est déroulée le 27 septembre 2018 dans les locaux de l'université Paris-Dauphine. Cette conférence a été l'occasion pour les participants d'échanger sur les thématiques suivantes : l'importance de la flexibilité (chapitre I), le cadre réglementaire des options de flexibilisation (chapitre II), l'optimisation des infrastructures du réseau (chapitre III), les services système fournis par les énergies renouvelables (chapitre IV) et la gestion de la demande (chapitre V). Les présentations (en anglais) des intervenants à cette conférence sont téléchargeables sur le site internet de l'OFATE. Les enregistrements sonores de ces interventions et de la table ronde sont consultables après connexion à l'espace réservé aux membres. La présente synthèse n'est pas une transcription littérale de ces interventions. Elle reprend en revanche les sujets abordés en les examinant plus en détail dans le contexte franco-allemand.
Disclaimer
Le présent texte a été rédigé par l'Office franco-allemand pour la transition énergétique (OFATE). La rédaction a été effectuée avec le plus grand soin. L'OFATE décline toute responsabilité quant à l'exactitude et l'exhaustivité des informations contenues dans ce document. Tous les éléments de texte et les éléments graphiques sont soumis à la loi sur le droit d'auteur et/ou d'autres droits de protection. Ces éléments ne peuvent être reproduits, en partie ou entièrement, que suite à l'autorisation écrite de l'auteur ou de l'éditeur. Ceci vaut en particulier pour la reproduction, l'édition, la traduction, le traitement, l'enregistrement et la lecture au sein de banques de données ou autres médias et systèmes électroniques. L'OFATE n'a aucun contrôle sur les sites vers lesquels les liens qui se trouvent dans ce document peuvent vous mener. Un lien vers un site externe ne peut engager la responsabilité de l'OFATE concernant le contenu du site, son utilisation ou ses effets.
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
2
Sommaire
I. II. Introduction au thème de la flexibilité Cadre réglementaire des options de flexibilisation 4 6 6 9 11 11 12 14 14 16 18 19 20 23
II.1 France II.2 Allemagne III. Optimisation des infrastructures du réseau III.1 Options de flexibilisation du réseau III.2 Des options de flexibilisation à l'échelle locale, nationale ou européenne ? IV. Participation des énergies renouvelables aux services système IV.1 La réserve secondaire en Allemagne et en France IV.2 Le projet REstable : centrale virtuelle pour l'amélioration des services système réseau IV.3 Le projet enera : plateforme de marché local de gestion des congestions du réseau IV.4 Modèles d'affaires du stockage V. Gestion de la demande
VI. Flexibilité : à la recherche du mix optimal
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
3
I. Introduction au thème de la flexibilité
Interventions : - La flexibilité : importance et potentiels pour les systèmes énergétiques d'aujourd'hui et demain Nouredine Hadjsaid, professeur, Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP) - Flexibilité : la nécessité d'une meilleure coordination Mathieu Gimenez, analyste senior, Compass Lexecon Toutes les présentations (en anglais) et les enregistrements sonores des intervenants à cette conférence sont téléchargeables sur le site Internet de l'OFATE. La flexibilité désigne l'adaptation de l'injection et du soutirage d'électricité en réaction à un signal externe. Elle permet de lisser les courtes variations de la production et de la consommation d'électricité pour maintenir à tout moment l'équilibre indispensable entre production et consommation du système électrique. Dans le contexte de la transformation de ce système (développement des énergies renouvelables [EnR], nouvelles consommations électriques comme les véhicules électriques, etc.), les mesures visant à le flexibiliser revêtent une importance de plus en plus cruciale. Selon les scénarios, si la consommation d'énergie finale est appelée à décroître d'ici 2040, la demande d'électricité devrait en revanche doubler sur la même période. Cette hausse repose sur la décarbonation planifiée des différentes filières du secteur de l'énergie et s'accompagne de lourds impacts sur le système électrique. C'est ce qu'explique Nouredine Hadjsaid (Grenoble INP) dans son intervention introductive sur le thème de la flexibilité. Les installations EnR décentralisées et variables (parcs éoliens et centrales photovoltaïques) complexifie le travail des gestionnaires de réseaux garants de la sécurité d'approvisionnement. La France compte ainsi quelque 1 400 000 unités de production décentralisées, d'une puissance installée cumulée d'environ 25 000 MW . L'augmentation de la part des injections décentralisées peut induire des restrictions locales et des fluctuations de tension sur le réseau de distribution. Il est certes possible de calculer le productible d'une source d'EnR. Toutefois, sa production réelle peut présenter, dans certains cas, des écarts importants du fait de sa variabilité. Cette situation entraîne alors des phénomènes de congestion, en particulier à l'échelon local. Une des mesures pour y remédier consiste à agrandir le réseau. Ceci nécessite cependant d'engager de lourds investissements. La flexibilité peut aussi revêtir différentes formes : systèmes de stockage, pilotage de la demande, autoconsommation ou centrales virtuelle. Celles-ci peuvent permettre de réduire les coûts d'extension du réseau, voire de les éviter totalement. Selon Nouredine Hadjsaid, cela se justifie notamment en cas de saturations du réseau d'une durée de seulement quelques minutes par an. A cet égard, les investissements liés au renforcement du réseau seraient, selon lui, sans commune mesure avec ces surcharges fortement limitées dans le temps. La variabilité est aussi de plus en plus à la consommation, par exemple à l'utilisation des voitures électriques. Afin de maintenir l'équilibre des Nouredine Hadjsaid, deux côtés et réagir à ces évolutions, les gestionnaires de réseaux doiGrenoble INP vent disposer d'un certain nombre d'options de flexibilisation.
La flexibilisation permet de réduire les coûts d'extension du réseau, voire de les éviter totalement.
Pour renforcer la sécurité d'approvisionnement de l'Europe, une des initiatives a consisté à bâtir un cadre commun destiné à établir le bilan de la qualité du système électrique, relate Mathieu Gimenez (Compass Lexecon). A notamment été mis au point un critère de calcul de l'estimation de défaillance en puissance (Loss of Load Expectation, LOLE). Cet indicateur permet de mesurer la sécurité d'approvisionnement et d'élaborer un standard de fiabilité. Fon-
1
État du parc à fin juin 2018.
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
4
dée sur une méthodologie commune, l'évaluation de la production électrique relève de l'association des gestionnaires de réseaux de transport européens (ENTSO-E) et de l'Agence européenne de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER). Du fait de l'essor des énergies renouvelables variables, la flexibilisation gagne en importance afin de pouvoir lisser les fluctuations à tout moment par des injections ou des soutirages. Malgré l'intérêt porté à la flexibilisation du système énergétique européen, aucune démarche structurée en ce sens n'aurait été mise en place à l'heure actuelle, d'après Mathieu Gimenez. Dans de nombreux pays européens, la flexibilité ne s'avèrerait pas encore intéressante, car leur parc de centrales conventionnelles suffit à constamment alimenter le réseau en énergie. Autre difficulté : les différents critères d'évaluation des besoins de flexibilisation appliqués en Europe et la rémunération financière des sources de flexibilisation. L'étude de plusieurs publications des gestionnaires de réseaux de transport (GRT), des agences de l'énergie et d'organismes de recherche menée par Compass Lexecon a permis de déterminer les modalités de calcul des besoins de flexibilisation. Il en ressort, qu'en effet, seule une poignée d'entre elles les quantifie, la plupart mettant l'accent sur les moyens (systèmes de stockage, gestion de la demande, etc.). Pour Mathieu Gimenez, les besoins de flexibilisa2 tion peuvent être identifiés d'une manière différente, par exemple par l'analyse de la charge résiduelle (cf. figure 1).
Figure 1 Représentation des besoins de flexibilisation au moyen de la charge résiduelle (avec 50 % d'énergies renouvelables). Source : présentation de Mathieu Gimenez, Compass Lexecon (2018). Par ailleurs, l'Europe présente de fortes disparités en matière de rémunération des options de flexibilisation. Mathieu Gimenez identifie quatre sources de rémunération. Marché de l'énergie : offre d'énergie ou évitement de la consommation électrique, par exemple en périodes de pointe de consommation ; marché d'équilibrage : mise à disposition du gestionnaire de réseau de transport ou du distributeur d'énergie d'une offre ou d'une demande d'énergie modifiable en vue de fournir des services système supplémentaires (maintien de la fréquence et de la tension, par exemple) ;
2
La différence entre les besoins d'électricité et la production des sources d'énergie variables est appelée charge résiduelle.
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
5
réseau : gestion active de la consommation au niveau local par ajustement de la demande ou stockage, maîtrise des investissements dans le réseau grâce à l'effacement des pics de consommation et réduction des congestions ; marché de capacité : mesures d'effacement de consommation et de capacités de stockage en remplacement de la mobilisation des moyens de production conventionnels.
II. Cadre réglementaire des options de flexibilisation
Interventions : - Cadre réglementaire des options de flexibilité en France : état des lieux et évolution Pierre Jérémie, chef du bureau « Marchés de l'électricité », ministère de la Transition énergétique et solidaire (MTES) - La flexibilité dans le système électrique : un aperçu Christine Müller, chargée de mission Questions économiques de la régulation de l'énergie, Agence fédérale allemande des réseaux (BNetzA)
II.1 France
Dans son intervention, Pierre Jérémie (MTES) est revenu sur le cadre réglementaire des options de flexibilisation en 3 France, en particulier sur la gestion de la demande (Demand Response, DR ). Ce cadre repose, d'une part, sur le pilotage de la consommation résidentielle par déplacement de la charge ou renoncement de consommation. Le consommateur résidentiel est ainsi incité à diminuer sa facture en actionnant les trois leviers suivants. Signal prix : par exemple, il est encouragé à mettre en marche sa machine à laver lorsque le prix de l'électricité est faible. En France, dans certains tarifs, le tarif d'utilisation du réseau intégré au prix de l'électricité dépend de l'heure : on distingue le tarif nocturne est moins cher que le tarif diurne. Il module ainsi volontairement sa demande ; Des signaux de fréquence automatiques : par exemple, déclenchement nocturne du chauffe-eau ;
Des tiers : par exemple, les opérateurs d'effacement. D'autre part, il est possible de réguler les processus de production industriels pour optimiser ainsi les coûts d'achat d'énergie. Ceci a le plus souvent lieu grâce aux systèmes de contrôle internes ou externes gérés par ces agrégateurs. En accroissant l'élasticité du prix de l'électricité, la modulation de la consommation introduit davantage de flexibilité dans le système électrique tout en améliorant la maîtrise des pointes de consommation. La gestion de la demande constitue un élément à part entière de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) Elle facilite l'intégration d'une part croissante d'EnR dans le système électrique et contribue à garantir l'approvisionnement en électricité. Pour le critère de panne du système électrique, la PPE a fixé un délai annuel 5 moyen de trois heures . Par ailleurs, la modulation de la consommation devrait renforcer la maîtrise de la demande en énergie. L'objectif inscrit dans la PPE vise à réduire la consommation d'énergie finale de 12,6 % d'ici 2023 par rap6 port à 2012, année de référence .
4
Dans son intervention, Pierre Jérémie emploie essentiellement le terme de « Demand Response » (DR). On parle aussi de gestion de la charge, d'effacement, de charges pilotables et de gestion de la demande (Demand Side Management, DSM). 4 La loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTCEV) prévoit de réviser la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) tous les cinq ans. La dernière révision est intervenue en janvier 2019 : Projet PPE pour consultation (consultable ici) et synthèse (consultable ici). 5 Article D. 141-12-6 de la PPE. 6 La révision de la PPE publiée après la conférence définit de nouveaux objectifs : baisse de la consommation d'énergie finale de 6,6 % d'ici 2023 (par rapport à 2012) et de 20 % d'ici 2030.
3
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
6
Le Code de l'énergie établit le cadre réglementaire de l'effacement de consommation d'électricité , son article L271-1 en donnant une définition : « un effacement de consommation d'électricité se définit comme l'action visant à baisser temporairement, sur sollicitation ponctuelle envoyée à un ou plusieurs consommateurs finals par un opérateur d'effacement ou un fournisseur d'électricité, le niveau de soutirage effectif d'électricité sur les réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité d'un ou de plusieurs sites de consommation, par rapport à un programme prévisionnel de consommation ou à une consommation estimée. » Cet article pose les principes fondamentaux ci-après de l'effacement en France : 1. liberté de choix entre les mesures d'effacement commandées par un fournisseur ou gérées par un opérateur d'effacement ; 2. libre participation de l'effacement à tous les marchés de l'électricité (marchés des réserves de puissance, d'énergie d'ajustement, d'énergie et de capacité) ; 3. l'opérateur d'effacement peut valoriser la flexibilité du client sans autorisation préalable du fournisseur 9 d'électricité dont dépend l'installation ; Pour plus de détails sur les 4. rémunération de l'énergie proposée à l'effacement, c'est-à-dire que la charge ef- sources de rémunération, facée est considérée comme un produit. voir I Introduction au thème de la flexibilité. Dans son intervention, Pierre Jérémie a détaillé la rémunération de l'effacement en précisant le niveau du montant que l'opérateur d'effacement est tenu de verser au client qui réduit sa charge.
8
7
Figure 2 Rémunération des charges pilotables. Source : présentation de Pierre Jérémie, MTES (2018). Au départ, le périmètre d'équilibre A (BRP A) est à l'équilibre (cf. fig. 2). En cas d'effacement à l'initiative de l'opérateur d'effacement (DR activation), le client diminue sa consommation électrique. Le périmètre d'équilibre BRP A est alors
Titre 7 Effacement de consommation d`électricité (consultable ici). En français, la notion d'effacement désigne tous les types de gestion de la charge visant une réduction de la charge. En allemand, la notion de « gestion de la charge » (Lastmanagement) recouvre aussi l'activation d'une charge et peut donc également désigner une augmentation de la consommation d'électricité. Pour plus de détails sur l'effacement, voir la note de synthèse de l'OFATE L'effacement et la gestion de la demande en France et en Allemagne d'avril 2017. 9 RTE corrige automatiquement les périmètres d'équilibre des acteurs. Cf. ici.
7 8
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
7
corrigé et l'excédent d'énergie vendu. Lors de la vente de cet effacement sur le marché de l'énergie, par exemple, le fournisseur reçoit une compensation directement de l'opérateur d'effacement ou indirectement du consommateur 10 pour le compte de l'opérateur. Son montant est calculé sur la base d'un prix de référence et de la quantité effacée . Les règles détaillées de fixation du montant de cette compensation sont définies dans le Code de l'énergie à l'article 11 R.271-8 et dans le mécanisme de Notification d'Échange de Blocs d'Effacement (NEBEF) . Le cadre réglementaire français comprend deux régimes d'aide destinés à favoriser le développement de l'effacement. Le premier, annuel, repose sur les appels d'offres effacement et distingue installations de petite puissance (< 1 MW) et de grande puissance (> 1 MW). La rémunération est garantie par un contrat d'écart compensatoire appelé « Contract for Difference » (CfD) qui complète celle obtenue sur le marché de capacité. L'objectif visé est double : éviter une rémunération excessive et inciter à participer au marché. Auparavant, un autre mécanisme de 12 soutien régi par la loi Brottes permettait de calculer le prix d'un mégawatt effectivement effacé. Aujourd'hui, ce dernier a été remplacé par le prix de la charge théoriquement interruptible. Pour Pierre Jérémy, l'objectif n'est en fait pas tant de maximiser l'effacement que de mettre à disposition des capacités d'effacement. Objectif (en MW) 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Volume annuel des appels d'offres effacement 2 200 2 500 2 900 2 000 1 800 2 000 Dont < 1 MW 300 500 800 1 000 1 300 1 500 Dont > 1 MW 1 900 2 000 2 100 1 000 500 500 En 2018, les appels d'offres effacement ont permis d'attribuer un volume total de 733 MW (34 MW pour les installations de petite puissance [< 1 MW] et 699 MW pour les unités de grande puissance [> 1 MW]), bien en deçà du volume des appels d'offres fixé à 2 200 MW (cf. tableau 1).
Tableau 1 : Objectifs de développement du volume des appels d'offres effacement. Source : présentation de Pierre Jérémie, MTES (2018). Mise en forme : OFATE. Le second régime d'aide consiste à valoriser les externalités liées aux économies d'énergie réalisables par effacement. L'article L271-3 autorise la répartition dégressive des versements compensatoires lorsque l'effacement conduit à des économies d'énergie significatives : dès qu'un effacement est associé à des économies d'énergie, l'agrégateur d'effacement et le gestionnaire de réseaux de transport peuvent se partager ces versements. Les modalités d'application de cette disposition ont été définies dans un décret publié fin mars 2017. Il s'agit d'un versement mutualisé organisé par décret. Portant sur une aide d'État, ce décret doit encore être autorisé par la Commission européenne avant son entrée en vigueur définitive.
10 11
La jurisprudence a reconnu la nécessité d'une telle compensation : cf. la décision CE n 387506 du 13 mai 2016. On trouvera les règles du NEBEF sur le site Internet de RTE (ici) ; leur dernière révision date de 2018 (NEBEF 3.1). 12 La loi Brottes de 2013 a posé le cadre de la participation des opérateurs d'effacement et des gros consommateurs industriels aux marchés d'équilibrage. Pour plus de détails : Assemblée Nationale 2016 : 17 et suiv. (ici).
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
8
Les marchés de l'énergie et de capacité ont été progressivement ouverts à l'effacement sur plusieurs années. Équilibrage Énergie Le marché d'équilibrage13 est ouvert à l'effacement depuis 2003 pour les installations industrielles et depuis 2007 pour les petites installations. En 2017, un volume d'effacement horaire moyen de 726 MW a été mis aux enchères et 26 GWh ont été effectivement activés. Depuis 2014, participation des charges pilotables en tant que ressource au marché de l'énergie. En 2017, un volume d'effacement total de 40 GWh a été vendu sur le marché. Optimisation du portefolio des fournisseurs (achat/vente). Capacité Ouverture des réserves et des services système à l'effacement. Réserves primaire et secondaire (depuis mi-2014) : 80 MW de charges interruptibles en 2017. Mécanisme d'ajustement (MA)14 (depuis 2011) : environ 500 MW en 2017. Depuis 2017(instauration du mécanisme de capacité), participation des charges pilotables en tant que ressource. En 2018, un volume d'effacement de 2 GW a été certifié dans le cadre du mécanisme de capacité15. Optimisation du portefolio par la réduction de l'engagement pour les fournisseurs. En 2018, environ 700 MW.
Marché
Portefolio
Tableau 2 : Ouverture des marchés de l'énergie et de capacité à l'effacement. Source : présentation de Pierre Jérémie, MTES (2018). Mise en forme : OFATE. Avec 2 300 MW/°C , la France présente la thermosensibilité la plus élevée en Europe. À titre de comparaison, dans l'ensemble des États membres de l'UE, celle-ci est égale à 5 000 MW/°C. Selon la température extérieure, la pointe de 17 consommation peut varier considérablement. Il est impossible de maintenir un tel niveau de charge en réserve. D'après Pierre Jérémie, il faut donc recourir à d'autres méthodes telles que le marché de capacité instauré en France er le 1 janvier 2017. Le prix de capacité reflète les coûts de sécurité de l'approvisionnement de l'année de livraison. Le niveau de sécurité d'approvisionnement est égal pour tous les consommateurs. Le consommateur peut toutefois faire valoriser ses capacités d'effacement et décider de diminuer son niveau de consommation. Les capacités d'effacement peuvent participer au marché de capacité français de deux manières. Effacement implicite : les consommateurs peuvent opter pour des prix dynamiques ou des tarifs d'utilisation du réseau les encourageant à diminuer leur consommation en périodes de pointe de charge et ainsi à réduire leur obligation de capacité induite pour leur fournisseur ; effacement explicite : les consommateurs peuvent, seuls ou avec l'aide d'un opérateur d'effacement, proposer leur volume d'effacement sur le marché. Leurs capacités doivent alors être mises à disposition en périodes de pointe de consommation.
16
II.2 Allemagne
Dans son intervention, Christine Müller (Agence fédérale allemande des réseaux, BNetzA) établit une distinction entre le recours aux moyens de flexibilisation liés au marché et ceux liés au réseau. Cette distinction découle de la diversité des conditions concurrentielles, techniques et réglementaires. Une même source de flexibilité peut ainsi être mobilisée différemment.
13
Pour plus de détails sur le marché d'équilibrage français, voir la note de synthèse de l'OFATE Les réserves de puissance et les marchés d'ajustement en France et en Allemagne d'août 2015. 14 La réserve tertiaire est appelée via le MA. 15 Le fournisseur détient lui-même des charges flexibles propres pouvant être mises à disposition ; celles-ci sont alors traitées et certifiées comme des installations de production. 16 Autrement dit, en hiver, la consommation d'électricité à 19 h augmente de 2 300 MW chaque fois que la température perd 1 °C. 17 RTE publie régulièrement des bilans prévisionnels de l'équilibre offre-demande d'électricité en France (consultable ici). Un aperçu des pointes de consommation est disponible ici.
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
9
Flexibilité liée au marché Pour le marché, la flexibilité s'explique par l'évolution de la production et de la consommation en réaction à un signal externe (prix du marché). Depuis 2004, la volatilité des prix des marchés day-ahead et d'équilibrage n'a pas évolué significativement face à l'essor des EnR. Le constat est identique pour l'énergie d'équilibrage. La BNetzA en conclut que le marché allemand de l'énergie ne présente actuellement aucun manque de flexibilité. Il serait plutôt en mesure de lisser les variations de la production grâce aux options de flexibilisation disponibles. Ces dernières étant suffisantes, la nécessité d'intervenir n'a donc pas lieu d'être. Pour la BNetzA, il faut cependant engager une discussion les conditions égales pour une mise en concurrence pour les options de flexibilité indispensables à long terme. Flexibilité liée au réseau Le renforcement des réseaux de transport et de distribution est privilégié pour accompagner le rythme de développement des EnR. Sur certains tronçons du réseau, il peut néanmoins y avoir des périodes pendant lesquelles les infrastructures en place ne suffisent plus temporairement ou même durablement. Il apparaît alors des phénomènes de saturation dont la solution passe par la flexibilité en fonction des besoins du réseau. Autrement dit, les besoins de flexibilité sont liés à la présence concrète d'une congestion du réseau. On distingue deux niveaux : au niveau des réseaux de transport, le redispatching représente une option de flexibilisation pour éviter les saturations tant que les réseaux électriques ne peuvent plus être étendus ;
au niveau des réseaux de distribution, le développement du réseau est plus avancé même si des congestions peuvent survenir. Si l'on tient compte du fait que l'Allemagne compte 880 gestionnaires de réseaux de distribution (GRD), les besoins de flexibilité du réseau sont en revanche bien plus hétérogènes. Le nord et l'est du pays concentrent une grande partie des centrales de production EnR alors que la charge locale y est relativement faible. Dans d'autres régions, la forte simultanéité de la charge (induite par les pompes à chaleur ou la mobilité électrique, par exemple) peut s'avérer cruciale. Il est impératif de procéder à une analyse des réseaux de distribution pour identifier les points concrets à flexibiliser. Du fait de la diversité de situations du réseau, il est impossible de normaliser cette démarche. La BNetzA propose donc une boîte à outils flexibilité : c'est-à-dire que le gestionnaire du réseau peut choisir, quelles options de flexibilisation sont adaptées pour chaque situation du réseau. Dans son intervention, Christine Müller distingue les congestions induites par la production de celles liées à la charge : les congestions induites par la production sont provoquées par l'injection des EnR sur les réseaux haute et moyenne tension. Pour les supprimer, la puissance injectée des installations EnR est souvent écrêtée. La flexibilisation du réseau peut aussi passer par le recours aux charges flexibles ou au stockage ; les saturations créées par la charge résulteront à terme, en particulier en basse tension, de l'utilisation simultanée accrue du réseau, par exemple par une part importante de véhicules électriques. Les solutions envisagées ont pour but de limiter les coûts de développement du réseau et parallèlement de garantir l'intégration du véhicule électrique dans le système électrique. La recharge des véhicules électriques pourrait faire l'objet d'un pilotage en fonction des impératifs du réseau sans perdre en confort. Si un consommateur souhaite cependant expressément utiliser le réseau sans restriction, il devra accepter de payer plus cher. Le pilotage intelligent des consommations permettrait de limiter les besoins supplémentaires requis de développement du réseau.
18
Le rapport sur la flexibilité de la BNetzA examine les besoins et options de gestion active des congestions du réseau envisageables à l'avenir par les gestionnaires de réseaux.
18
Paru en avril 2017. Il est également disponible en anglais ici.
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
10
Tous les gestionnaires de réseaux de distribution qui pratiquent la flexibilisation doivent respecter le principe de séparation (unbundling). Ceci pour éviter les conflits d'intérêts au détriment des utilisateurs du réseau ou des concurrents. Par ailleurs, les installations, propriété du GRD ou exploitées par celui-ci, ne peuvent pas fournir de capacités de flexibilisation du réseau (systèmes de stockage, par exemple). Christine Müller rappelle aussi la nécessité de garantir une transparence suffisante. Ainsi, la transparence de l'information devrait-elle englober l'obligation pour le gestionnaire de réseau de rendre publics les services activés et les versements compensatoires correspondants. La réglementation actuelle incite davantage les gestionnaires de réseaux de distribution à investir dans la construction de nouvelles lignes électriques. Les coûts d'écrêtement de la production EnR ne sont en outre soumis à aucun dispositif d'incitation à l'efficacité. Des mesures encourageant les gestionnaires de réseaux à adopter des solutions efficaces technologiquement neutres sont pourtant indispensables.
III.Optimisation des infrastructures du réseau
Interventions : - Les solutions de flexibilité au service de l'optimisation des infrastructures de réseau Cédric Léonard, chef du pôle « Études économiques », Réseau de Transport d'Électricité (RTE) - Table ronde : Échelle locale, nationale ou européenne : à quel maillage du réseau les options de flexibilité doivent-elles intervenir ? avec la participation de Youssef Chraïbi, directeur Transition énergétique et innovation, Gaz Électricité de Grenoble (GEG) ; Antoine Guillou, conseiller Réseaux et marchés, Union française de l'électricité (ufe) ; Holger Loew, responsable Technique et infrastructure, Fédération allemande des EnR (BEE) ; Tobias Weißbach, chef d'équipe Produits et questions de fond, TransnetBW Toutes les présentations (en anglais) et les enregistrements sonores des intervenants à cette conférence sont téléchargeables sur le site Internet de l'OFATE.
III.1 Options de flexibilisation du réseau
Cédric Léonard (RTE) a présenté le travail gestionnaire d'électricité. Tous les deux ans, RTE établit des scénarios 19 prospectifs sur l'évolution du réseau électrique. Dans son dernier rapport paru en septembre 2017 , quatre scénarios ont été étudiés en s'appuyant sur différentes hypothèses : développement des EnR, consommation, avenir du nucléaire, trajectoire du prix des combustibles et du CO2, choix énergétiques des pays voisins et interconnexions transfrontalières. L'objectif est d'appréhender l'impact de ces choix sur le réseau et, partant, de mieux évaluer les coûts d'investissement afférents. L'adaptation du réseau réclamant du temps, il est impératif, aux yeux de Cédric Léonard, d'agir le plus rapidement possible. Les options de flexibilisation permettent d'éviter d'engager des mesures de consolidation ou d'extension, et donc de limiter le coût des investissements dans le réseau de transport. Une grande partie des solutions de flexibilisation est déjà techniquement réalisable (mesures de réduction de la charge, redispatching et stockage par le biais des véhicules électriques, par exemple).
Une grande partie des solutions de flexibilisation est déjà techniquement réalisable.
Cédric Léonard, RTE
Le coût marginal des EnR variables comme le photovoltaïque et l'éolien étant quasiment nul, la dépréciation de chaque mégawattheure écrêté issu de ces filières s'avère donc élevée. D'un point de vue économique, l'écrêtement peut, selon Cédric Léonard, se révéler intéressant pour le système électrique, notamment pour les besoins
19
Une synthèse de ce rapport est également consultable ici.
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
11
d'ajustement entre offre et demande en temps réel et pour la maîtrise des contraintes du réseau. Le recours à ces options de flexibilisation ne s'accompagne pas d'impacts significatifs sur la part des EnR dans le mix électrique. Le « dynamic line rating » en temps réel permet de surveiller la capacité de transit des lignes électriques. Cette capacité dépend des facteurs externes ; ainsi, le vent ou les températures ambiantes froides refroidissent les lignes qui peuvent alors transporter des volumes d'électricité plus importants. En optimisant l'usage de l'écrêtement et du dynamic line rating, il est possible de diminuer considérablement les coûts d'investissement. De plus, la structure des coûts évolue : si les coûts d'investissement dans le réseau sont très élevés sans faire appel aux mesures de flexibilité (CAPEX), ils sont minimisés lorsque celles-ci sont mises en oeuvre (CAPEX et OPEX). Selon Cédric Léonard, il est plus rapide de mettre en place des solutions de flexibilisation que de réaménager ou d'agrandir le réseau. Elles pourraient se révéler utiles en cas d'incertitude sur la poursuite de la transition énergétique (croissance de la demande, développement des EnR) et sur l'évolution des saturations du réseau.
III.2 Des options de flexibilisation à l'échelle locale, nationale ou européenne ?
À quels échelons du système électrique la flexibilité est-elle utilisée ? C'est la réglementation qui le décide selon Holger Loew (BEE). Il justifie la nécessité des marchés de flexibilité en évoquant une perspective : la variabilité de la courbe de production d'énergie renouvelable. Le développement des EnR accentue les creux et les pics de production. Plus ces pics s'amplifient, plus le prix de l'électricité tend vers le nul. Les périodes de creux de la production imposent de leur côté de redémarrer des centrales traditionnelles pour faire face à la demande. D'après Holger Loew, c'est seulement lors de ces épisodes que ces centrales pourront encore se refinancer. Une situation à même d'entraîner une nouvelle flambée des prix. Pour l'heure, il est question d'intégrer les EnR. Pourtant, à un certain moment, on ne parlera plus d'intégration, mais de transformation systémique. Autrement dit, la grandeur de référence actuelle la production en base des centrales électriques) aura disparu. Elle sera alors remplacée par les EnR qui deviendront la nouvelle référence et fixeront le prix. La Holger Loew, BEE flexibilité constituera une caractéristique essentielle de ce système.
À quels échelons du système électrique la flexibilité est-elle utilisée ? C'est la réglementation qui le décide.
Pour Tobias Weißbach de TransnetBW, gestionnaire de réseaux de transport en Allemagne, toutes les mailles du réseau requièrent de la flexibilité. Aujourd'hui déjà, elle joue un rôle majeur en permettant de garantir l'équilibrage du réseau. Ces dernières années, l'Allemagne a pris un nombre croissant de mesures de redispatching. Rien qu'en 2017, elles ont coûté 1,4 milliard d'euros. Compte tenu des volumes en jeu, c'est sur le réseau de transport que les besoins de flexibilité se font le plus sentir. Cependant, les réseaux de distribution n'en sont pas non plus exempts, car ces besoins ne cessent de croître. Pour l'heure, ils sont encore couverts, notamment par les centrales conventionnelles. Avec la sortie du nucléaire et l'abandon programmé du charbon, cette situation est appelée à évoluer. Car plus le nombre de centrales conventionnelles mis définitivement à l'arrêt augmente, plus les sources d'énergie décentralisées doivent être utilisées pour répondre aux besoins de flexibilité. Youssef Chraïbi de GEG, l'un des gestionnaires de réseau de distribution français, souligne la diversité des intérêts et des défis posés aux acteurs des différents échelons du réseau. Face à l'incertitude actuelle qui règne autour de l'organisation du système électrique de demain, il est important d'envisager les mailles du réseau dans leur globalité pour faire émerger des synergies.
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
12
Antoine Guillou (ufe) revient sur la flexibilité en l'examinant sous l'angle européen. L'évolution des besoins de flexibilité à tous les niveaux du réseau est incertaine et il est difficile de les estimer au fil du temps. Les pays européens ne présentent pas les mêmes conditions : ni les surcharges du réseau, ni la part des EnR ne sont identiques partout. Un constat qui pose la question de l'organisation d'un marché européen censé coordonner les différents systèmes, c'est-à-dire équilibrer du mieux possible offre et demande par la flexibilisation. Holger Loew (BEE) estime que, malgré ces difficultés, il faut considérer la situation du réseau à l'échelle européenne en citant l'exemple de l'éolien : le nord de l'Europe concentre les sites les plus ventés. Lorsque les vents sont forts, la production d'énergie est abondante sans que l'infrastructure du réseau soit en mesure de la transporter en totalité. Une grande partie est donc seulement disponible localement. Selon lui, on assistera alors à une régionalisation des prix. Ils seront mécaniquement plus bas en zone éolienne, car des mesures de flexibilisation seront possibles pendant de nombreux jours de l'année. Youssef Chraïbi (GEG) plaide en faveur d'une tarification équilibrée entre les régions à forte production EnR et celles aux conditions météorologiques moins favorisées. Selon lui, il ne faudrait pas en effet que les habitants des régions sans ou à faibles capacités de production renouvelable se retrouvent pénalisés. Reste à imaginer les contours d'un tel système européen (de péréquation).
L'intégration d'un nombre croissant de véhicules électriques et l'essor de l'autoconsommation impacteront fortement le réseau à l'avenir.
Youssef Chraïbi (GEG)
De même, l'intégration d'un nombre croissant de véhicules électriques et l'essor de l'autoconsommation impacteront fortement le réseau à l'avenir. Youssef Chraïbi se pose la question de savoir si ces deux facteurs auront tendance à diminuer les investissements dans le réseau ou à les rendre nécessaires. Le développement du réseau est en lui-même une option de flexibilisation, et de nombreuses études estiment qu'il s'agit d'ailleurs de l'option la plus efficace et la plus avantageuse sur le plan financier, précise Tobias Weißbach (TransnetBW). Le plan de développement du réseau de TransnetBW comporte des options de flexibilisation (complémentaires) comme le power-to-gas et la gestion de la demande, c'est-à-dire que sa concrétisation passe par la mise en oeuvre d'(autres) options de flexibilisation.
Youssef Chraïbi a aussi évoqué le thème du numérique et de son impact sur la flexibilité, car il permet de mieux comprendre le réseau, notamment ses contraintes. Tobias Weißbach considère que c'est le facteur primordial pour accompagner ces mutations en citant l'exemple de la réserve de puissance : le réseau de distribution concentre 35 % de la réserve de puissance préqualifiée. Elle est fournie à 97 % par des installations de petite puissance, dont la production est mutualisée par les agrégateurs pour atteindre les volumes minimaux. Sans l'aide du numérique, cette agrégation de la production est impossible.
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
13
IV. Participation des énergies renouvelables aux services système
Interventions : - Les services système fournis par les énergies renouvelables : les défis des gestionnaires de réseaux de transport et de distribution Kerstin Pienisch, International Business Development, Next Kraftwerke
- REstable : un projet franco-allemand pour l'amélioration des services système réseau Marc Jedliczka, directeur, Hespul
- Plateforme de marché local pour gérer des congestions sur le réseau en Allemagne Philippe Vassilopoulos, Director Product Development, EPEX SPOT - Modèles d`affaires du stockage pour la fourniture de services système en France Pierre Guerrier, directeur du développement, Sun'R Toutes les présentations (en anglais) et les enregistrements sonores des intervenants à cette conférence sont téléchargeables sur le site Internet de l'OFATE.
IV.1 La réserve secondaire en Allemagne et en France
Dans son intervention, Kerstin Pienisch (Next Kraftwerke) a comparé la réserve secondaire en Allemagne et en France du point de vue d'un agrégateur. Elle précise d'abord que les centrales EnR sont parfaitement à même de 21 fournir des capacités de réserve secondaire .
20
Figure 3 Fourniture de capacités de réserve secondaire par une centrale virtuelle. Source : présentation de Kerstin Pienisch, Next Kraftwerke (2018). La courbe verte de la figure 3 représente les besoins de flexibilité du GRT transmis à la centrale virtuelle sous forme de signal. En l'occurrence, il s'agit de besoins de flexibilité négative, c'est-à-dire que l'offre d'électricité sur le réseau
22
20
Formant une réserve, l'énergie d'équilibrage lisse les fluctuations du courant sur le réseau. Elle est mobilisable en quelques secondes (réserve primaire), en cinq minutes (réserve secondaire) ou en 15 minutes (réserve-minute ou tertiaire). 21 Les installations EnR peuvent participer à la réserve secondaire et à la réserve-minute sur le marché d'équilibrage. Plus de détails sur les conditions, voir : BNetzA 2017, Festlegung zu den Ausschreibungsbedingungen und Veröffentlichungspflichten (documents en allemand).
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
14
est supérieure à la demande. La centrale virtuelle réagit à ce signal, comme l'indiquent les trois points d'appel de la figure. Le premier nécessite le retrait de 30 MW et donc la déconnexion de 235 installations de production. Le deuxième et le troisième requièrent la suppression de 50 et 60 MW respectivement, et par conséquent la mise à l'arrêt de davantage d'unités pour répondre aux besoins de flexibilité du GRT. Deux conditions préalables doivent être remplies. 1. Il faut libéraliser le marché de la réserve secondaire et autoriser les installations de production décentralisées à y participer. Parallèlement, cette libéralisation induit la hausse du nombre de fournisseurs.
Figure 4 Évolution du marché d'équilibrage allemand entre 2010 et 2017. Source : présentation de Kerstin Pienisch, Next Kraftwerke (2018). L'Allemagne a libéralisé le marché d'équilibrage pour les installations EnR en 2012. La courbe bleue de la figure 4 indique le nombre de fournisseurs d'énergie d'équilibrage. En 2010, le pays en comptait moins de 40 ; en 2017, ce chiffre avoisinait les 90. Les colonnes de la figure représentent les coûts de disponibilité et d'activation des capacités d'énergie d'équilibrage. On constate que, depuis 2012, les coûts de flexibilisation ont chuté tandis que le nombre de fournisseurs a progressé. 2. Les coûts d'opportunité des opérateurs d'effacement doivent être couverts. La majeure partie des centrales énergétiques décentralisées sont soutenus, c'est-à-dire qu'elles perçoivent un soutien financier. Lorsqu'elles proposent des capacités de flexibilisation et se déconnectent du réseau, par exemple, il faut leur garantir une compensation pour couvrir le soutien non perçu. C'est la seule manière d'inciter à fournir des capacités de flexibilisation.
Sur le marché d'équilibrage, on distingue deux types d'activation : Activation au prorata : toutes les installations proposant des capacités de flexibilisation voient simultanément une partie de leurs capacités activées, y compris celles qui ne couvrent pas leurs coûts d'opportunité. Pour les unités soutenus, une telle activation présente un risque, ce qui explique qu'elles n'y participent pas ;
22
Les centrales virtuelles peuvent agréger la production de différents types d'installations : centrales photovoltaïques, parcs éoliens, unités de méthanisation, mais aussi batteries et consommateurs d'électricité.
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
15
activation par merit order : les centrales dont les coûts d'activation sont les moins importants sont les premières activées. Elles se rémunèrent avec leur offre d'activation et le prix proposé couvre leurs coûts d'opportunité. Ce mécanisme permet de réduire les coûts pour le système parce que seules les centrales les plus avantageuses sont activées. Produit : réserve secondaire Accès Type d'activation Allemagne Libéralisé > 1 MW France Non libéralisé > 120 MW pour le parc installé > 50 MW pour les nouvelles unités Au prorata
Merit order
Tableau 3 Réserve secondaire en Allemagne et en France. Source : présentation de Kerstin Pienisch, Next Kraftwerke (2018). Mise en forme : OFATE. L'Allemagne a libéralisé le marché de la réserve secondaire pour toutes les centrales virtuelles dont la puissance agrégée est supérieure à 1 MW. Leur activation s'effectue selon le principe du merit order. La France, en revanche, ne l'a pas libéralisé. Les centrales existantes d'une puissance installée de plus de 120 MW et les nouvelles unités d'une puissance installée dépassant 50 MW ont l'obligation de participer à ce marché. Elles ne sont pas agrégées, mais décomptées individuellement, et activées au prorata. Cela signifie que les installations EnR ne peuvent pas y participer. Selon Marc Jedliczka (Hespul), cette exclusion constitue un frein au développement des EnR puisque les exploitants ne peuvent pas bénéficier de revenus supplémentaires par ce biais. Une situation probablement appelée à évoluer si l'on en croit Kerstin Pienisch (Next Kraftwerke) : différentes initiatives d'harmonisation émergent au niveau européen comme le projet PICASSO. Initié notamment par la France et l'Allemagne, et soutenu par plusieurs GRT européens, il vise la mise en place d'une plateforme commune d'appel de capacités de réserve secondaire.
IV.2 Projet REstable : centrale virtuelle pour l'amélioration des services système réseau
L'objectif du projet franco-germano-portugais REstable est d'optimiser l'interaction des zones de réglage européennes. Pour ce faire, une centrale virtuelle est développée, qui proposera des services système pour la totalité du réseau électrique européen. Les EnR fourniront l'intégralité de l'électricité. Ce projet vise à démontrer que le réseau présente une stabilité suffisante et que, à tout moment, les EnR sont disponibles dans tout le réseau européen pour fournir des services système. Même s'il n'est pas encore achevé, Marc Jedliczka (Hespul) en a néanmoins présenté les premiers résultats au cours de son intervention. Ce projet comprend uniquement des parcs éoliens et des centrales photovoltaïques (installations de production d'énergie variable) dont la production varie selon les conditions météorologiques. Ces installations sont situées dans différentes zones géographiques aux conditions climatiques hétérogènes (fluctuation des conditions de vent et de l'ensoleillement). L'objectif à long terme est de produire de l'électricité 100 % renouvelable. L'enjeu est de calculer avec fiabilité le productible total de ces sources d'énergie variables (cf. figure 5, point 1). Dans le cadre de ce projet, le productible de chaque centrale EnR est établi. Il est ainsi possible de quantifier la flexibilité réelle et de l'ajuster aux conditions réelles du marché. Le développement d'algorithmes de marché permet de mieux valoriser le productible de la centrale virtuelle en optimisant la coordination des offres sur les marchés de l'énergie (cf. figure 5, point 2). Les centrales virtuelles favorisent l'agrégation d'installations de production renouvelable hétérogènes. Le défi réside dans la synchronisation de ces technologies hétérogènes (cf. figure 5, point 3).
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
16
Figure 5 Chaîne d'intervenants du projet REstable. Source : présentation de Marc Jedliczka, Hespul (2018). Au total, cinq cas d'applications ont été définis : réserve (FCR) ; primaire
réserve secondaire automatique (FRR) ; réserve secondaire manuelle (manual FRR) ; réserve 23 (RR) ; tertiaire
régulation de tension pour la gestion locale des congestions.
Figure 6 Cas d'application. Source : présentation de Marc Jedliczka, Hespul (2018).
Ces cinq cas d'application font l'objet d'essais en Allemagne, en France et au Portugal, qui portent sur une puissance totale d'environ 530 MW éoliens et photovoltaïques.
En Allemagne, on parle de réserve minute (Minutenreserve). En France, la réserve tertiaire est appelée via le mécanisme d'ajustement (MA) et se divise en réserves contractualisées et réserves non contractualisées. La réserve contractualisée est composée de trois types de réserves : réserve rapide, réserve complémentaire et partie pour les consommateurs.
23
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
17
Un premier essai a démontré que le fonctionnement de la centrale virtuelle renouvelable est quasi identique à celui d'une centrale électrique virtuelle conventionnelle puisqu'il correspond à près de 98 % des attentes techniques du marché. D'autres essais doivent suivre.
IV.3 Projet enera : plateforme de marché local de gestion des congestions du réseau
La puissance installée éolienne et photovoltaïque actuelle de l'Allemagne avoisine les 105 GW. Les variations de la production de ces installations peuvent induire des congestions sur le réseau. Pour mieux les gérer, une des solutions consiste à mettre en place une plateforme de marché pour les options de flexibilité. Directeur du développement des produits de la bourse européenne de l'électricité EPEX SPOT, organisatrice du marché de gros de l'électricité, Philippe Vassilopoulos a présenté cette plateforme au cours de son intervention. Celle-ci vise à agréger et proposer des options de flexibilisation locales. Sur ce marché, les gestionnaires de réseaux peuvent acheter de la flexibilité pour diminuer le nombre de saturations sur les réseaux de transport ou de distribution. Elle entend créer un espace économique assorti de signaux prix à l'échelon local afin de pouvoir localiser les problèmes et identifier le meilleur niveau de commercialisation d'options de flexibilisation. À terme, les gestionnaires de réseaux seront en mesure de résoudre ces phénomènes de congestion avec une grande fiabilité et à coût intéressant. Objectif 24 L'objectif du projet enera est double : intégrer les EnR par le biais de la plateforme et s'attaquer efficacement au problème de la surcharge du réseau. Il doit permettre d'identifier des solutions concrètes au sein de la région modéli25 sée (en l'occurrence une région venteuse du nord de l'Allemagne ) qui, ensuite, pourront être déployées à plus grande échelle. Éléments clés Il convient de souligner que les compétences doivent être clairement définies, notamment le rôle dévolu aux gestionnaires de réseaux de transport, aux gestionnaires de réseaux de distribution, aux opérateurs d'effacement et au marché de gros. En outre, une solution de marché ne serait efficace, que s'il y a une situation de concurrence suffisante et une congestion réelle. Organisation Le marché intérieur sur lequel les acteurs peuvent échanger librement coexistera avec les marchés locaux. Ces derniers sont limités à certaines zones. Les acteurs peuvent soumettre des offres aux gestionnaires de réseaux sur ces marchés locaux. Grâce aux signaux prix, la transparence du mécanisme de marché permet d'attribuer les options de flexibilisation locales avec efficacité. Une de ces options consiste par exemple à déconnecter des éoliennes, opération qui s'avère néanmoins coûteuse. Parmi les autres sources de flexibilité figurent notamment les unités de méthanisation, le power-to-gas et les batteries de stockage d'énergie. La production électrique de ces sources flexibles est alors acheminée là où elle est le plus indispensable pour éviter toute surcharge du réseau. Agissant en tant qu'intermédiaire neutre entre gestionnaires de réseaux à la recherche de flexibilité et fournisseurs d'options de flexibilisation, EPEX SPOT surveille la formation des prix. Fonctionnement Cette plateforme fonctionne selon trois phases illustrées par un système de feux tricolores (cf. figure 7) :
24
Le projet enera est un démonstrateur financé par le programme de soutien du ministère fédéral allemand de l'Économie et de l'Énergie (BMWi)
,,Schaufenster intelligente Energie Digitale Agenda für die Energiewende" (SINTEG) (Vitrines régionales de l'énergie intelligente Feuille de route
de la digitalisation de la transition énergétique). 25 Ce projet est implanté en Frise orientale, région concentrant le plus grand nombre d'éoliennes offshore raccordées au réseau électrique allemand.
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
18
dans la « phase verte », le réseau ne présente aucune congestion et un échange libre est donc possible ; en « phase jaune », qu'EPEX SPOT souhaiterait initier avec l'aide de la plateforme de marché local, le marché interagit avec le réseau. Des solutions de décongestion des réseaux de transport et de distribution aussi efficaces que possible sont présentées ; la « phase rouge » signale la présence de congestions en raison, par exemple, du surplus de production éolienne. Dans ce cas, un signal de diminution de la puissance des parcs éoliens est envoyé à leurs exploitants. Malgré cet écrêtement, ils continuent d'être rémunérés, comme c'est la règle en Allemagne. Très coûteux, ce mécanisme est actionné de plus en plus fréquemment.
Figure 7 Système de feux tricolores. Source : présentation de Philippe Vassilopoulos, EPEX SPOT (2018). Une phase de démonstration sur deux ans de 2019 à 2020 succédera à la mise en oeuvre en 2018 afin de tester le concept.
IV.4 Modèles d'affaires du stockage
Dans son intervention, Pierre Guerrier (Sun'R) cite plusieurs types de stockage en énumérant leurs avantages et inconvénients : le stockage centralisé : il garantit une grande capacité de stockage. Il rend néanmoins le développement du réseau indispensable ; le stockage in situ autorise certes l'autoconsommation, mais il n'est pas justifié sur le plan économique. En outre, l'autoconsommation soulève la question du financement du réseau ;
selon Pierre Guerrier, le stockage territorial constitue la solution idéale : il permet l'autoconsommation collective et la mutualisation des investissements. La majorité des installations de production renouvelable étant raccordée au réseau de distribution, c'est au niveau local que la flexibilité est la plus nécessaire. Le stockage de l'électricité permet d'assurer l'équilibre entre injection et consommation. Pour démontrer l'éventuelle valeur ajoutée du stockage territorial pour le réseau de distribution, les limitations du réseau doivent être analysées et l'éventuelle décongestion du réseau par le stockage prouvée. Par ailleurs, il faut identifier les sites adaptés d'implantation de systèmes de stockage. Sun'R a réalisé deux projets de stockage territorial de nature et de taille différentes :
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
19
une unité de stockage permanente (petite centrale STEP) fournissant des services au réseau de distribution et autorisant à terme le développement d'EnR au sein de ce réseau local ; un dispositif de stockage intermédiaire (batterie d'une capacité de près de 8 MWh) destiné à aider le réseau local actuellement en difficulté à intégrer les EnR dans les prochaines années.
IV. Gestion de la demande
Interventions : - L'effacement en France et son intégration sur le marché de capacité Florent Gibet, ingénieur Développement et opérations, BHC Energy - Flexibilité : la nécessité d'une meilleure coordination Mathieu Gimenez, analyste senior, Compass Lexecon Toutes les présentations (en anglais) et les enregistrements sonores des intervenants à cette conférence sont téléchargeables sur le site Internet de l'OFATE. Florent Gibet (BHC Energy) estime que l'effacement est une solution à la forte thermosensibilité de la France et pour gérer ses pointes de consommation. En outre, il peut générer des revenus supplémentaires issus de la flexibilisation de la consommation.
26
Figure 8 Effacement et équilibrage du réseau. Source : présentation de Florent Gibet, BHC Energy (2018). La figure 8 illustre le fonctionnement de l'effacement. RTE veille à l'équilibre permanent du réseau. Pour pouvoir le garantir, RTE collabore avec des opérateurs d'effacement tels que BHC Energy. Lorsque la production est inférieure à la consommation, RTE envoie un signal de déconnexion des charges à l'opérateur d'effacement. Ce dernier le retransmet à ses clients pour qu'ils réduisent leur consommation et rétablir ainsi l'équilibre.
26
Autres synonymes fréquemment employés : Demand Response (DR), gestion de la charge, charges pilotables et de gestion de la demande (De-
mand Side Management, DSM).
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
20
L'effacement de ces charges est valorisé selon divers mécanismes ou sur différents marchés (cf. figure 9) : services système (réserve primaire et secondaire) ; réserve manuelle (réserve tertiaire) ; marché de capacité ; marché de l'énergie.
Figure 9 Valorisation de l'effacement de charges. Source : présentation de Florent Gibet, BHC Energy (2018). Dans son intervention, Florent Gibet a détaillé le marché de capacité (cf. figure 10) : Suivant l'importance de leur portefeuille, les fournisseurs d'électricité sont tenus de détenir un certain nombre de certificats. Ils peuvent se les procurer auprès des fournisseurs de certificats de capacité, tels que les exploitants de centrale électrique ou les opérateurs d'effacement. Les charges effaçables peuvent aussi faire l'objet de certificats de capacité dont la valeur est calculée à la bourse de l'électricité EPEX SPOT. Le coût de ces certificats est répercuté sur les consommateurs. Pour les clients thermosensibles, il peut être d'autant plus élevé.
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
21
Figure 10 Le marché de capacité français. Source : présentation de Florent Gibet, BHC Energy (2018). Le marché de capacité concerne uniquement les mois d'hiver de janvier à mars et de novembre à décembre. Il concerne entre 10 et 25 jours par an en cas de pics de consommation, lorsque la demande d'électricité est particulièrement élevée et que les fournisseurs de certificats de capacité doivent pouvoir mettre à disposition les capacités vendues. Florent Gibet prend l'exemple d'une papeterie dont le volume d'effacement théorique est de 26 MW. Ses contraintes techniques sont les suivantes : elle peut effacer sa consommation entre deux heures et huit heures ; cet effacement est soumis à un délai de mise en route de 60 à 90 minutes ; elle peut s'engager sur une opération d'effacement par jour et deux au maximum par semaine ; elle n'est pas disponible en août.
Elle présente ainsi les qualités requises pour participer aux appels d'offres effacement et Pour plus de détails sur les au mécanisme de capacité. Outre à ces mécanismes, elle peut aussi prendre part au mé- appels d'offres effacement, 27 canisme NEBEF . Elle dispose d'une obligation de capacité de 28 MW. À 18 500 /MW le voir la section II Cadre prix d'achat de capacité, le coût total de cette obligation s'établit à 518 000 . Dans cet réglementaire des options exemple et selon les contraintes recensées, son volume d'effacement théorique est de de flexibilisation. 18 MW. Sa capacité certifiée est donc assortie d'une rémunération totale de 333 000 . L'effacement est donc l'occasion pour les consommateurs obligés de s'acquitter de montants importants du fait de ce mécanisme de capacité de compenser ces coûts. Le volume d'effacement doit passer à 5 GW d'ici 2018 . Actuellement, il ne représente que 2 GW parce que le niveau de rémunération des mesures d'effacement est trop bas. Il faudrait un prix d'achat de capacité de l'ordre de 30 000 à 60 000 /MW (alors qu'il n'est que de 18 500 /MW, cf. exemple), d'après Florent Gibet. Dans son intervention, Mathieu Gimenez (Compass Lexecon) revient plus en détail sur l'hétérogénéité de la valorisation financière de la flexibilité en Europe en prenant l'exemple de l'effacement.
28
27 28
Délibération de la CRE du 11 février 2016 (ici). Voir le mémo de l'OFATE sur la PPE (ici).
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
22
Figure 11 Exemple de l'effacement en Europe. Source : présentation de Mathieu Gimenez, Compass Lexecon (2018). En France, Finlande, Irlande et au Royaume-Uni, la quasi-totalité des marchés (marchés de capacité, de l'énergie, des 29 réserves de puissance et de l'énergie d'ajustement ) sont ouverts à l'effacement (cf. figure 11). En Europe centrale et du Nord, cette ouverture s'opère lentement. Néanmoins, sa rémunération sur les marchés se révèle en partie difficile. En Europe de l'Est et du Sud, les marchés tendent plutôt à être fermés à l'effacement. Mathieu Gimenez estime qu'il faut une démarche coordonnée de calcul et de rémunération des besoins de flexibilité. Ceci passe par un rapprochement des définitions, grandeurs de mesure et autres méthodes de quantification, en particulier au niveau européen. Par ailleurs, les approches européennes concernant la rémunération des options de flexibilisation doivent poursuivre leur coordination pour créer les bonnes incitations.
V. Flexibilité : à la recherche du mix optimal
Interventions : - Table ronde : Comment les options de flexibilité peuvent-elles être utilisées ou développées de manière rentable à court, moyen et long terme ? avec Andreas Graf, chargé de mission Politique énergétique européenne, Agora Energiewende ; Benjamin Huriet, responsable Nouveaux marchés & innovation, Boralex ; Christine Müller, chargée de mission Questions économiques de la régulation de l'énergie, Agence fédérale allemande des réseaux (BNetzA) ; Marcel Steinbach, chef de service Commerce énergétique, Fédération allemande des industries de l'énergie et de l'eau (BDEW) Toutes les présentations (en anglais) et les enregistrements sonores des intervenants à cette conférence sont téléchargeables sur le site Internet de l'OFATE.
29
Les réserves de puissance sont mobilisées dans la zone de réglage lorsque les prévisions présentent des écarts. L'énergie d'ajustement est activée dans le groupe bilan lorsque des écarts sont diagnostiqués.
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
23
Marcel Steinbach (BDEW) souligne le bon fonctionnement des options de flexibilisation du marché. Le véritable problème réside dans la situation des revenus de la flexibilité. Pour un investisseur, il s'avère, selon lui, extrêmement difficile d'investir par exemple dans une batterie intervenant sur un des marchés de la flexibilité. Cette flexibilité pourrait être proposée sur le marché spot ; mais celui-ci est très concurrentiel. La situation des gains tirés de la fourniture d'énergie d'équilibrage Marcel Steinbach (BDEW) serait également mauvaise. En comparaison de 2007, les possibilités de gains sur le marché d'équilibrage ont chuté d'un tiers et les volumes mobilisés ont été divisés par deux. En optimisant le marché spot, l'énergie d'équilibrage devient moins nécessaire. Le système étant actuellement en pleine reconstruction, il est difficile de pronostiquer l'évolution des gains potentiels. Il serait possible de soumettre davantage d'énergie d'équilibrage à appels d'offres pour gagner en sécurité. La flexibilisation pourrait permettre de fournir cette énergie supplémentaire. La tendance est cependant à la poursuite de la baisse des volumes soumis à appels d'offres.
La situation des revenus de la flexibilité pose problème.
Selon Benjamin Huriet (Boralex), les systèmes de stockage sont des instruments de court terme. S'ils peuvent être activés pendant quelques minutes pour la mise à disposition d'énergie d'équilibrage, ils ne constituent pas cependant une solution à long terme pour la valorisation de la production injectée dans la durée. Outre le stockage, Benjamin Huriet évoque l'intégration sectorielle, en particulier le power-to-gas, comme option de flexibilisation envisageable à moyen terme. À long terme, les secteurs doivent converger. Les solutions telles le power-to-x s'accompagnent toutefois d'une hausse du prix de l'énergie. Marcel Steinbach (BDEW) cite le prix modéré de l'énergie sur le marché de gros allemand. Se pose alors la question de savoir si les consommateurs seront disposés à accepter un alourdissement de leur facture énergétique dans les années à venir. En outre, le cadre réglementaire de l'intégration sectorielle n'est pas encore clairement défini. Ce qu'illustre Marcel Steinbach en prenant l'exemple d'un véhicule électrique : pour fournir de la flexibilité, il peut être soit rechargé, soit déchargé. On peut s'interroger sur l'identité du futur décisionnaire en la matière : est-ce le consommateur ou une instance centrale qui prendra la décision ? Pour l'heure, cette question n'est pas encore tranchée. Aux yeux d'Andreas Graf (Agora Energiewende), le marché européen représente l'option de flexibilisation la plus importante et la plus avantageuse. À cet effet, l'harmonisation du cadre réglementaire européen, en cours, est indispensable. On assiste à un renforcement de l'institutionnalisation de l'interaction entre gestionnaires de réseaux de distribution et gestionnaires de réseaux de transport. Mais il n'y a toujours pas de solutions définitives.
L'électricité est appelée à jouer un rôle bien plus important à l'avenir.
Andreas Graf, Agora Energiewende
Toujours selon Andreas Graf, l'électricité jouera un rôle bien plus important à l'avenir que dans le passé. Le problème en Allemagne est que la transition énergétique est financée par le biais du prix de l'électricité. À terme, il est indispensable que les coûts, aujourd'hui répercutés sur le prix de l'électricité soient supportés par les autres secteurs. Le prix du CO2 serait selon lui une piste envisageable.
Les options de flexibilisation au service de la transition énergétique : services système, réseaux et gestion de la demande Synthèse de la conférence de l'OFATE du 27 septembre 2018
24