Rapport d'enquête technique sur plusieurs explosions survenues à l'intérieur d'un bâtiment de fabrication de nitrocellulose au sein de la société Manuco le 3 août 2022 (24)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">
;<p style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm">Rapport de l'enquête réalisée par le<a href="http://portail2-documentation.e2.rie.gouv.fr/exl-php/navi/mpd_recherche_experte/notice/1#top"><font size="4" style="font-size: 14pt"> </font></a>BEA-RI sur les explosions survenues en moins d'une minute à l'intérieur d'un bâtiment de fabrication de nitrocellulose au sein de la société MANUCO le 3 août 2022. La plateforme était alors en arrêt estival et des ouvriers de plusieurs entreprises sous-traitantes travaillaient sur différents chantiers au sein du bâtiment. A l'issue de l'enquête, le BEA-RI a émis des recommandations à l'attention de l'exploitant tant sur le plan technique que sur le plan organisationnel.</p>
;</div>
Editeur
BEA-RI
Descripteur Urbamet
enquête
;accident
;explosion
;sous-traitant
;travaux
Descripteur écoplanete
analyse du risque
Thème
Ressources - Nuisances
;Equipements
Texte intégral
Inspection générale de l?environnement
et du développement durable
Bureau d?enquêtes et d?analyses
sur les risques industriels
Rapport d?enquête
Sur plusieurs explosions survenues à
l?intérieur d?un bâtiment de
fabrication de nitrocellulose au sein de
la société Manuco (24) le 3 août 2022
Rapport d?enquête sur plusieurs explosions survenues à l?intérieur d?un bâtiment de fabrication de nitrocellulose au
sein de la société MANUCO le 3 août 2022 ? Bergerac (24)
N° MTECT-BEARI-2023-007
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Bordereau documentaire
Organisme auteur : Bureau d?enquêtes et d?analyses sur les risques industriels (BEA-RI)
Titre du document : Rapport d?enquête technique sur plusieurs explosions survenues à l?intérieur d?un
bâtiment de fabrication de nitrocellulose au sein de la société Manuco le 3 août 2022 (24)
N° : MTECT-BEARI-2023-007
Date du rapport : 15 novembre 2023
Proposition de mots-clés : explosion, nitrocellulose, travaux, sous-traitance.
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Avertissement
L?enquête technique faisant l?objet du présent rapport est réalisée dans le cadre des articles L. 501-1 à
L. 501-19 du Code de l?Environnement.
Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents. Sans préjudice, le cas échéant, de
l?enquête judiciaire qui peut être ouverte, elle consiste à collecter et analyser les informations utiles, à
déterminer les circonstances et les causes certaines ou possibles de l?évènement, de l?accident ou de
l?incident et, s?il y a lieu, à établir des recommandations de sécurité. Elle ne vise pas à déterminer des
responsabilités.
En conséquence, l?utilisation de ce rapport à d?autres fins que la prévention pourrait conduire à des
interprétations erronées.
Au titre de ce rapport on entend par :
- Cause de l?accident : toute action ou événement de nature technique ou organisationnelle, volontaire
ou involontaire, active ou passive, ayant conduit à la survenance de l?accident. Elle peut être établie par
les éléments collectés lors de l?enquête, ou supposée de manière indirecte. Dans ce cas le rapport
d?enquête le précise explicitement ;
- Facteur contributif : élément qui, sans être déterminant, a pu jouer un rôle dans la survenance ou dans
l?aggravation de l?accident ;
- Enseignement de sécurité : élément de retour d?expérience tiré de l?analyse de l?évènement. Il peut
s?agir de pratiques à développer car de nature à éviter ou limiter les conséquences d?un accident, ou à
éviter car pouvant favoriser la survenance de l?accident ou aggraver ses conséquences ;
- Recommandation de sécurité : proposition d?amélioration de la sécurité formulée par le BEA-RI, sur la
base des informations rassemblées dans le cadre de l?enquête de sécurité, en vue de prévenir des
accidents ou des incidents. Cette recommandation est adressée, au moment de la parution du rapport
définitif, à une personne physique ou morale qui dispose de deux mois à réception, pour faire part au
BEA des suites qu?elle entend y donner. La réponse est publiée sur le site du BEA-RI.
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Synthèse
L?incident a eu lieu le mercredi 3 août 2022 vers 13h50, alors que la plateforme au sein de laquelle est
situé l?établissement MANUCO, situé boulevard Charles GARAUD à Bergerac (24), est en arrêt annuel
estival depuis une semaine. L?atelier de production à l?origine de l?accident était arrêté quant à lui depuis
fin juin.
Les ouvriers de plusieurs entreprises sous-traitantes travaillent sur différents chantiers au sein du
bâtiment. Lors du raccordement de deux tuyauteries, un ouvrier utilise une clé à chocs pour visser un
boulon. Une première explosion survient à cet instant, projetant les ouvriers au sol et soufflant une partie
du mur en brique qui se trouve à proximité.
En moins d?une minute, plusieurs explosions se produisent et soufflent au fur et à mesure de leur
propagation différents outils de production, la toiture et certaines parties des murs du bâtiment. Un
incendie survient à l?issue de celles-ci, et complique l?intervention des secours, qui dénombreront sept
blessés légers et un blessé grave. Le plan d?opération interne est déclenché.
Aucune pollution environnementale des eaux et des sols n?a été constatée.
A l?issue de l?enquête, le BEA-RI a émis des recommandations à l?attention de l?exploitant :
Au plan technique
Le BEA-RI recommande de :
? Retirer et décontaminer les équipements, matériels et canalisations abandonnés dans le cadre
du process pour éviter tous risques de dépôt de poussières de nitrocellulose et de mettre en
place une procédure de gestion des appareils inutilisés ;
? Intégrer les contraintes de nettoyage dans la conception des canalisations et des équipements
afin de réduire le phénomène de dépôt de nitrocellulose ;
? De réduire au maximum le stockage de produits finis et de déchets dans le bâtiment concerné
en privilégiant les zones de stockage dévolues à cet effet.
Au plan organisationnel
Le BEA-RI recommande de :
? Renforcer la préparation des interventions hors d'eau sur la base d'une analyse de risque qui
identifie les mesures techniques et organisationnelles à mettre en oeuvre (durée de l'intervention,
modalités de nettoyage et de consignation des installations, mesures de prévention ou mesures
compensatoires, définition de la mission de surveillant, ?) pour garantir la sécurité des
opérateurs et des installations ;
? Inclure dans les procédures de consignation, la vérification croisée entre la maintenance et la
production, de l?état de nettoyage des circuits consignés ;
? Conduire une réflexion sur les risques nouveaux induits par le changement climatique, et en
particulier le phénomène de canicule, sur les activités du site et en vue d'adapter les pratiques
et les consignes de sécurité ;
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? Renforcer la sensibilisation des intervenants (opérateurs et sous-traitants) sur l?incidence des
conditions de séchage de la nitrocellulose vis-à-vis de sa stabilité, notamment lorsque le séchage
et/ou le taux d?humidité n?est pas contrôlé comme lors des opérations de maintenance ;
? Renforcer la surveillance des sous-traitants afin de s?assurer du respect des consignes du permis
de travail et sensibiliser les personnels de MANUCO quant aux responsabilités qui sont les leurs
concernant la vigilance de l?application de ces consignes.
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Sommaire
I. Rappel sur l?enquête de sécurité .............................................................................................................. 8
II. Constats immédiats et engagement de l?enquête ............................................................................... 8
II.1 Les circonstances de l?accident ........................................................................................................................... 8
II.2 Le bilan de l?accident ............................................................................................................................................ 9
II.3 Les mesures prises après l?accident .................................................................................................................... 9
II.4 L?engagement et l?organisation de l?enquête ..................................................................................................10
III. Contextualisation ...................................................................................................................................... 10
III.1 L?entreprise ............................................................................................................................................................10
III.1.1 Présentation de l?entreprise ............................................................................................................ 10
III.1.2 Présentation de l?activité ................................................................................................................. 11
III.1.3 L?environnement du site .................................................................................................................. 11
III.2 L?installation ..........................................................................................................................................................12
III.2.1 Le fonctionnement ........................................................................................................................... 12
III.2.2 L?équipement .................................................................................................................................... 12
III.2.3 Situation de l?installation au moment de l?accident .................................................................... 13
IV. Compte-rendu des investigations menées........................................................................................... 14
IV.1 Reconnaissance de terrain .................................................................................................................................14
IV.2 Intervention de l?inspection des installations classées ................................................................................14
IV.3 Expertise de l?INERIS ...........................................................................................................................................14
V. Déroulement de l?évènement ................................................................................................................. 15
V.1 Déclenchement de l?évènement ........................................................................................................................15
V.2 La succession d?explosions .................................................................................................................................16
V.3 L?intervention des secours publics ....................................................................................................................17
VI. Conclusions sur le scénario de l?événement ........................................................................................ 18
VI.1 Le scénario ............................................................................................................................................................18
VI.2 Analyse de l?INERIS .............................................................................................................................................21
VII. Facteurs contributifs ................................................................................................................................ 23
VII.1 Les équipements abandonnés ......................................................................................................................... 23
VII.2 Les procédures de nettoyage des installations ........................................................................................... 24
VII.2.1 Nettoyage interne des canalisations ............................................................................................. 24
VII.2.2 Nettoyage des fines dans l?atelier ............................................................................................. 25
VII.3 Le rôle des personnels de MANUCO durant les travaux de maintenance ............................................. 26
VII.4 Les conditions de travail et le sentiment des intervenants vis-à-vis du risque ...................................... 26
VII.5 L?absence de notion de dangerosité du bâtiment et des opérations ..................................................... 26
VII.6 Les températures caniculaires sévissant depuis plusieurs jours ............................................................... 28
VII.7 Les stockages de produits finis dans l?atelier ............................................................................................... 28
VIII. Enseignements de sécurité .................................................................................................................... 29
VIII.1 La suppression des matériels abandonnés .................................................................................................. 29
VIII.2 Améliorer le process de nettoyage de l?atelier .......................................................................................... 29
VIII.3 La prévention des risques lors des opérations de maintenance ............................................................. 29
VIII.4 L?information des intervenants ..................................................................................................................... 30
VIII.5 Anticiper le réchauffement climatique sur les périodes de maintenance ............................................ 30
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IX. Recommandations de sécurité ............................................................................................................... 31
IX.1 À destination de l?exploitant .............................................................................................................................31
IX.1.1 Au plan technique ............................................................................................................................ 31
IX.1.2 Au plan organisationnel ................................................................................................................... 31
X. Annexes ....................................................................................................................................................... 32
Annexe 1 Rapport d?essais de l?INERIS ............................................................................................................... 33
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Rapport d?enquête
Sur plusieurs explosions survenues à l?intérieur d?un bâtiment de
fabrication de nitrocellulose au sein de la société MANUCO à
Bergerac (24) le 3 août 2022
I. Rappel sur l?enquête de sécurité
L?enquête technique faisant l?objet du présent rapport est réalisée dans le cadre des articles L. 501-1 à
L. 501-19 du Code de l?Environnement. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents.
Sans préjudice, le cas échéant, de l?enquête judiciaire qui peut être ouverte, elle consiste à collecter et
analyser les informations utiles, à déterminer les circonstances et les causes certaines ou possibles de
l?évènement, de l?accident ou de l?incident et, s?il y a lieu, à établir des recommandations de sécurité.
Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités. En conséquence, l?utilisation de ce rapport à d?autres
fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
II. Constats immédiats et engagement de l?enquête
II.1 Les circonstances de l?accident
L?incident a eu lieu le mercredi 3 août 2022 vers 13h50, alors que la plateforme au sein de laquelle est
situé l?établissement MANUCO, situé boulevard Charles GARAUD à Bergerac (24), est en arrêt annuel
estival depuis une semaine. L?atelier de production à l?origine de l?accident était arrêté quant à lui depuis
fin juin.
Les ouvriers de plusieurs entreprises sous-traitantes travaillent sur différents chantiers au sein du
bâtiment. Alors que trois ouvriers raccordent deux tuyauteries au moyen de brides à écrous afin de
mettre en service un nouveau bac de récupération des M eaux blanches1 N, un ouvrier, en haut d?un
escabeau, utilise une clé à chocs pour visser un boulon. Une première explosion survient à cet instant,
projetant les ouvriers au sol et soufflant une partie du mur en brique qui se trouve à proximité.
En moins d?une minute, plusieurs explosions se produisent en se déplaçant, selon les témoignages, vers
le mur opposé sur la largeur du bâtiment, et soufflant au fur et à mesure de leur propagation différents
outils de production, la toiture et certaines parties des murs du bâtiment.
Le plan d?opération interne est déclenché et les sapeurs-pompiers sont immédiatement prévenus.
1 Les eaux blanches sont un mélange d?eau et de nitrocellulose qui permettent de transporter le produit d?un atelier ou d?un
équipement à l?autre en sécurité.
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II.2 Le bilan de l?accident
Les secours ont dénombré sept blessés légers et un blessé grave, ce dernier ayant été victime des
projections de pièces métalliques produites par l?effet de souffle de l?explosion.
Au bout de deux jours, cinq blessés étaient sortis de l?hôpital.
Le bâtiment a subi des dégâts importants au niveau des murs et une partie de la toiture a été soufflée.
De nombreux outils de production ont été fortement endommagés, et un incendie a pris naissance,
détruisant un stockage d?emballages.
Un container maritime contenant environ 1 tonne d'échantillon de nitrocellulose montre des signes
d'une élévation de pression interne soit par explosion soit par combustion rapide vraisemblablement
initiée par la perforation de ce dernier par effet missile.
Aucune pollution environnementale des eaux et des sols n?a été constatée.
II.3 Les mesures prises après l?accident
À la suite de l?accident, le bâtiment a été condamné et des scellés judiciaires ont été posés.
Un stockage de plus de 2 tonnes de nitrocellulose présent dans l?atelier, n?a pas réagi, bien qu?impacté
par un éclat métallique perforant. Il a été déplacé et mis en sécurité dans les jours qui ont suivi
Figure 1 : Sens probable de propagation des explosions au sein du bâtiment concerné (Source BEA-RI)
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l?événement. Les sols du bâtiment sont restés sous arrosage à l?eau afin d?humidifier toute trace
éventuelle de nitrocellulose présente au sol.
Un arrêté préfectoral de mesures d?urgence (APMU) a été pris par le Préfet en date du 5 août 2022. Il
visait la mise en sécurité du bâtiment (arrosage, évacuation de la nitrocellulose présente) mais aussi la
gestion des eaux d?extinction incendie, la vérification et remise à niveau des moyens en eau d?extinction
et l?arrêt de toute opération sur les équipements contenant ou ayant contenu de la nitrocellulose au
sein du site MANUCO.
II.4 L?engagement et l?organisation de l?enquête
Au vu des circonstances et du contexte de l?accident, le directeur du bureau d?enquêtes et d?analyses
sur les risques industriels (BEA-RI) a décidé de l?ouverture d?une enquête technique après en avoir
informé le directeur général de la prévention des risques.
Les enquêteurs techniques du BEA-RI se sont rendus sur site à deux reprises, et ont fait appel à des
experts de l?INERIS dans le domaine de la pyrotechnie, de la résistance des structures et des explosions
afin de déterminer les quantités de nitrocellulose ayant réagi au regard des dégâts observés.
Ils ont recueilli les témoignages et les déclarations des acteurs impliqués dans l?évènement et dans sa
gestion. Ils ont eu, consécutivement à ces entretiens et aux réunions techniques organisées par la suite,
communication des pièces et documents nécessaires à leur enquête.
III. Contextualisation
III.1 L?entreprise
III.1.1 Présentation de l?entreprise
La société MANUCO exploite des installations de fabrication de nitrocellulose énergétique (NCE2) à
haute performance, situées au coeur de la plateforme industrielle de Bergerac. La nitrocellulose est
ensuite vendue aux industries militaires et civiles dans une vingtaine de pays à travers le monde pour
différents domaines d?applications (défense, explosifs civils, produits pyrotechniques, ?).
La nitrocellulose énergétique est majoritairement utilisée par les fabricants de poudre de chasse et de
poudre militaire. MANUCO exporte environ 90 % de sa production.
La superficie de la plateforme est de 135 ha et la surface bâtimentaire de MANUCO est de 25 000m²
environ. Chaque bâtiment possède un numéro permettant de l?identifier sur la plateforme.
Au mois d?août 2021, la société EURENCO, qui détenait déjà 50% de MANUCO, a indiqué par voie de
presse l?acquisition de cette dernière par le biais d?une fusion acquisition à effet du 1er octobre 2022.
L?effectif sur site de MANUCO est composé de 85 salariés, pour un chiffre d?affaire annuel de 24 millions
d?euros. L?effectif cumulé des sociétés EURENCO et MANUCO est d?environ 240 employés. L?entreprise
fait appel régulièrement à des prestataires de service, pouvant conduire à augmenter largement cet
effectif.
2 La nitrocellulose industrielle, à la différence de la NCE, concerne les laques, vernis, etc?
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III.1.2 Présentation de l?activité
La nitrocellulose est le résultat d?une réaction chimique (nitration) exothermique entre la cellulose et
l?acide nitrique. Suivant le degré de substitution du niveau d?azote et de polymérisation (viscosité), il
existe plusieurs types de nitrocellulose dont la nitrocellulose énergétique (NCE - coton poudre) qui se
caractérisent par un taux d?azote supérieur à 11,5%. Un taux inférieur caractérise la nitrocellulose
M industrielle N (NCI ? coton azotique).
Le fonctionnement du site est encadré par l?arrêté préfectoral n° BE-2022-07-01 du 7 juillet 2022.
L?établissement MANUCO était classé SEVESO seuil haut au titre de la rubrique 4441 (liquides
comburants) depuis 2015 suite au transfert du "parc acides" de EURENCO vers MANUCO. Cependant,
depuis la modification du règlement CLP du 19 mai 2020 publié le 11 août 2020, MANUCO est classé
SEVESO seuil haut au titre de la rubrique 4110.2 (substances et mélanges liquides toxiques) et SEVESO
seuil bas au titre de la rubrique 4130 (substances et mélanges liquides toxiques) et 4160 (Substances et
mélanges réagissant violemment au contact de l'eau).
Par ailleurs, les installations exploitées par MANUCO relèvent du régime de l?autorisation au titre des
rubriques 1450-1 et 3410.d de la nomenclature des installations classées pour la protection de
l?environnement (ICPE) et du régime de la déclaration pour 3 autres rubriques.
III.1.3 L?environnement du site
À l?ouest du site se trouve une zone d?habitations groupées en allant vers le centre-ville de Bergerac. Les
plus proches habitations se situent à environ 30 m des limites de la plateforme de Bergerac. Mais la
plateforme étant de dimension importante, ces habitations sont situées à plusieurs centaines de mètres
du lieu de l?accident.
Des habitations plus éparses sont situées au nord-ouest des installations de MANUCO. Au nord et au sud
se trouvent principalement des zones cultivées. À l?est, se situe une zone commerciale.
Figure 2 : Vue de l?entrée de la plateforme MANUCO EURENCO (Source BEA-RI)
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III.2 L?installation
III.2.1 Le fonctionnement
Le procédé de fabrication de la nitrocellulose comprend différentes étapes :
Figure 3 : Process de fabrication de la nitrocellulose énergétique (Source BEARI)
Le bâtiment objet de l?accident, permettait la réalisation de la quatrième étape du schéma ci-dessus.
Cette étape consiste à raffiner le produit, c?est-à-dire à lui donner la finesse désirée par le client, puis à
le conditionner avant envoi aux clients.
L?organisation de la production au sein de la société MANUCO repose sur deux ateliers, chacun sous la
responsabilité d?un responsable de la production :
? 1 chef d?atelier secteur M Finissage N intégrant les activités du bâtiment concerné par l?accident ;
? 1 chef d?atelier secteur M Acides N comprenant la gestion du parc acides notamment.
Ces chefs d?atelier sont rattachés hiérarchiquement au responsable de production et encadrent 5 chefs
d?équipe en subordonnés directs. Chaque équipe comprend 6 à 7 opérateurs.
III.2.2 L?équipement
Le bâtiment concerné s?étend sur une surface de 6 850m² et mesure 137m de longueur pour 50m de
largeur.
Il regroupe les équipements de finition et de conditionnement de la nitrocellulose énergétique (NCE)
dont notamment le raffinage de cette dernière. Le raffinage consiste à retravailler la matière par une
succession d?épaississeurs et de raffineurs pour réduire la dimension des fibres par cisaillement
mécanique.
La nitrocellulose, en provenance de l?atelier M stabilisation N, situé dans un bâtiment proche, arrive dans
le bâtiment dans sa partie M Est N (du côté où se sont produites les explosions) par le biais de canalisations
M d?eaux blanches N.
A leur arrivée dans le bâtiment, les eaux blanches sont stockées dans des bacs tampon puis orientées
vers les raffineurs et épaississeurs qui sont en charge de hâcher les fibres afin d?affiner le produit. Il en
ressort une pâte, qui est ensuite transportée vers les bacs M eaux blanches N. Le mélange est ensuite
essoré et séché jusqu?à la concentration souhaitée.
Les résidus de nitrocellulose sont placés dans des contenants spéciaux (fûts bleus sous eau) et évacués
au brûloir du site.
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Le bâtiment regroupe des opérations dans lesquelles la nitrocellulose est soit en suspension dans l?eau
soit avec des taux d?humidité tels, qu?elle est considérée comme stable. Le bâtiment n?est pas considéré
comme relevant de la réglementation sur le risque pyrotechnique au titre du code du travail, du code
de la défense ou encore du code de l?environnement.
III.2.3 Situation de l?installation au moment de l?accident
Suite à une fuite sur un échangeur à l?atelier dénitration, en amont du process, une partie de l?activité
au sein du bâtiment était à l?arrêt depuis le 25 juin et le nettoyage succinct des installations de raffinage
avait été réalisé le 30 juin, en attendant une éventuelle reprise d?activité avant les travaux de
maintenance annuelle des installations.
Cet arrêt partiel a été maintenu jusqu?au mercredi 20 juillet. La pièce de rechange n?ayant pas été reçue
à cette date, le nettoyage de l?atelier par les personnels de M la production N a été finalisé les jeudi 21 et
vendredi 22 juillet.
Les opérateurs suivent alors une check-list reprenant les différentes actions à réaliser permettant la mise
à l?arrêt des installations. Une fois que les équipements sont considérés propres et prêts pour recevoir
les travaux de maintenance, ces derniers sont consignés. Pour cela, des cadenas de consignation sont
alors posés et un cahier de consignation est rempli et signé par chaque intervenant.
Les consignations de l?atelier ont été réalisées le vendredi 22 juillet, permettant de rendre ce dernier à
l?équipe M maintenance N avant le début des travaux.
Les travaux de maintenance estivaux étaient planifiés entre le 25 juillet et le 15 août 2022, et les travaux
à réaliser durant cette période avaient été définis longtemps auparavant, plusieurs réunions
préparatoires ayant eu lieu depuis le début de l?année. Ces réunions étaient pilotées par le responsable
maintenance et travaux neufs et pouvaient réunir le responsable production, les 2 chefs d?atelier
concernés, la direction de l?établissement, les personnels du service maintenance et la responsable HSE,
ainsi que, en fonction des sujets, toutes autres personnes impliquées dans la réalisation des travaux.
Le service maintenance prend, à l?issue des travaux de nettoyage et de la consignation du 22 juillet,
l?installation en l?état et débute les travaux à réaliser avec les entreprises sous-traitantes. Un chef d?atelier
et un chef d?équipe du service production sont présents tous les jours sur site afin d?apporter toutes
précisions concernant le fonctionnement ou la sécurité des installations.
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IV. Compte-rendu des investigations menées
IV.1 Reconnaissance de terrain
Les enquêteurs techniques du BEA-RI se sont rendus sur site le jeudi 4 août 2022, où ils ont pu rencontrer
les représentants de la société MANUCO et réaliser une première visite de l?extérieur du bâtiment
concerné en présence de l?officier de police judiciaire en charge de l?enquête, de l?inspection des
installations classées, de l?OCLAESP3, de l?inspection du travail et de la police judiciaire de Bordeaux.
Les auditions des premiers témoins et personnels intervenants ont débuté le lundi 8 août par les services
de police judiciaire.
Puis, les différents services se sont retrouvés à nouveau le mardi 9 août afin d?inspecter l?intérieur du
bâtiment concerné par l?accident et tenter de comprendre la cinétique et les causes des explosions. Le
SDIS, l?inspection des installations classées en charge du suivi du site, deux experts de l?INERIS, les polices
judiciaires et scientifiques et l?OCLAESP étaient présents lors de cette seconde journée sur site.
Ils ont pu visiter les installations sinistrées qui avait été mises en sécurité pour permettre les expertises.
Il a été possible d?échanger sur le fonctionnement du site et son activité, de préciser la chronologie de
l?intervention le jour du sinistre, de visiter le bâtiment et de constater les dégâts occasionnés.
IV.2 Intervention de l?inspection des installations classées
L?inspection des installations classées a fait part aux enquêteurs des éléments dont elle avait
connaissance en matière d?exploitation et de suivi de ce site.
Au-delà des mesures d?urgence prises par l?inspection des installations classées à l?issue des premières
visites de site après l?accident, et citées en début de rapport, deux autres arrêtés préfectoraux ont été
pris dans les mois qui ont suivi l?accident :
? L'arrêté préfectoral de mise en demeure du 14 octobre 2022 visait les points qui semblaient avoir
contribué à l'accident, à savoir le défaut de nettoyage et la conservation d'un équipement
inutilisé ;
? L'arrêté préfectoral complémentaire du 8 novembre 2022 est venu modifier l'arrêté préfectoral
de mesures d?urgence concernant les conditions de reprise de l?activité.
IV.3 Expertise de l?INERIS
Deux experts de l?INERIS, spécialisés dans le domaine de la pyrotechnie et de la résistance des structures
aux explosions, ont accompagné les inspecteurs du BEA-RI sur site afin de les appuyer dans la
compréhension du phénomène survenu et des effets qui en ont résulté.
Les experts de l?INERIS ont dû se déplacer une seconde fois sur site, le mercredi 17 août, pour réaliser
des prélèvements de la nitrocellulose encore présente au sein du bâtiment sinistré.
3 Office central de lutte contre les atteintes à l?environnement et à la santé publique
Rapport d?enquête sur plusieurs explosions survenues à l?intérieur d?un bâtiment de fabrication de nitrocellulose au
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Dans la continuité des constats conjoints dressés lors de ces différentes visites, le BEA-RI a mandaté
l?expertise de l?INERIS sur les points suivants :
? Estimer la quantité de nitrocellulose énergétique nécessaire au regard des dégâts visuels
constatés sur les plans bâtimentaire, en intégrant les effets missiles des projectiles retrouvés aux
abords du bâtiment concerné, et de la surpression engendrée par les dégâts causés en équivalent
TNT ;
? Définir la sensibilité en fonction du mode de séchage, au choc, friction et à la température de la
nitrocellulose énergétique par des essais ou via la bibliographie, notamment au vue des
conditions météo ayant précédé l?accident ;
? Déterminer si le contact de nitrocellulose énergétique avec du butanol fort (inscription présente
sur la cuve eaux blanches nouvellement installée) peut conduire à une réaction exothermique ;
? Déterminer si le contact de nitrocellulose énergétique avec le produit cuivré graisseux retrouvé
sur site peut conduire à une réaction exothermique.
Le rapport établi par l?INERIS a été rendu au BEA-RI le 10 août 2023. Il est joint en annexe du rapport
d?enquête.
V. Déroulement de l?évènement
V.1 Déclenchement de l?évènement
Le mercredi 3 août 2022 vers 13h50, alors que l?activité de production au sein du bâtiment est à l?arrêt
depuis le 25 juin pour laisser place aux travaux de maintenance annuelle, des ouvriers de plusieurs
entreprises sous-traitantes travaillent sur différents chantiers.
Plusieurs interventions étaient en cours au moment de l'accident à l?intérieur du bâtiment :
? En partie nord du bâtiment, le remplacement d'une cuve de récupération des eaux blanches et
le raccordement des canalisations de cette dernière. Il s?agissait d?une opération de
raccordement mécanique, c?est-à-dire bride à bride avec raccords à boulons ;
? Le remplacement des tresses4 des 4 bacs relais au rez-de-chaussée permettant l?étanchéité de
ces derniers ;
? Le remplacement de tresses sur tête des raffineurs. La semaine précédente, tous les carters
avaient été retirés ainsi que les tresses, et les ouvriers procédaient au remontage avec des joints
neufs ;
? Une intervention sur le raffineur 1, situé au plus près des anciennes cuves eaux blanches ayant
totalement explosé. L?opération consistait à resserrer les cosses électriques de l?appareil.
Ces interventions se réalisaient sans outillage électrique, hormis le chantier de remplacement de la cuve
pour lequel l?utilisation d?une clé à choc à alimentation autonome était prévue. Les appareils de
production étaient hors tension (consignés).
4 Les tresses permettent d?assurer l?étanchéité et correspondent à des joints.
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Les travaux de remplacement de la cuve eaux blanches, étaient planifiés sur une période de 3 semaines,
de fin juillet à la mi-août 2022 :
? La cuve à installer, qui était une cuve de récupération stockée sur le site de MANUCO depuis
plusieurs années, a tout d?abord été récupérée début juillet par la société sous-traitante 1 pour
être transformée et préparée ;
? La première semaine de la période de maintenance (25 au 29 juillet), une autre société sous-
traitante appelée 2 dans le présent rapport, a déposé les anciennes tuyauteries. N?ayant pas
rencontré de difficultés, elle a réalisé ces opérations en 4 jours. Une semaine était planifiée pour
réaliser ce travail ;
? Le mardi 2 août au matin, la découpe des canalisations et des pieds de l?ancienne cuve avait eu
lieu avant qu?elle soit sortie des locaux au moyen d?une grue de levage. Du fait des actions de
découpage et de manutention, cette opération avait été identifiée comme la plus à risque ;
? La nouvelle cuve transformée a été mise en place le mardi 2 août après-midi ;
? Le mercredi 3 août après-midi, deux ouvriers de l?entreprise sous-traitante 1 raccordent les
canalisations de la nouvelle cuve eaux blanches et un personnel de MANUCO surveille
l?opération. C?est durant cette étape que l?accident survient. Les personnels de la société sous-
traitante 1 avaient reçu un accueil sécurité préalablement à l?intervention et signé un permis de
travail indiquant le risque de présence de nitrocellulose et l?application des mesures de sécurité
à adopter (travail sous eau, arrosage continu, sol et équipement mouillés en permanence).
Un employé de la société sous-traitante 1, positionné en haut d?un escabeau pour pouvoir raccorder
l?ancienne et la nouvelle tuyauterie au moyen de brides à écrous, utilise alors une clé à chocs afin de
terminer le serrage des boulons.
Son autre collègue se dirigeait à ce moment-là vers l?extérieur du bâtiment par la porte située à l?entrée
nord afin d?aller chercher du matériel dans leur camion stationné à proximité.
Une première explosion est survenue à cet instant, projetant les ouvriers au sol et soufflant une partie
du mur en brique latéral situé à proximité.
V.2 La succession d?explosions
En moins d?une minute, quatre explosions5 seront ressenties d?après les témoignages recueillis, espacées
de 10 à 20 secondes chacune, en se déplaçant vers le mur opposé (au sud), sur la largeur du bâtiment, et
soufflant au fur et à mesure les canalisations de l?atelier et différents outils de production, une partie de
la toiture et certaines parties des murs du bâtiment.
Au moment de l?explosion :
? 3 ouvriers de la société sous-traitante 2 intervenaient sur le raffineur 4 alors qu?un autre
personnel de MANUCO resserrait les cosses du bornier du raffineur 1 ;
? Un dernier ouvrier de la société sous-traitante 2 travaillait sur l?un des bacs relais situé à quelques
mètres du raffineur 4.
5 Le nombre d?explosions a pu être plus important, comme l?indique l?INERIS dans son rapport, car les bruits ont pu se confondre
lors de la cinétique rapide du phénomène.
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D?après les témoignages recueillis, vu de l?extérieur, la seconde explosion libère une forte surpression
qui déforme le bâtiment, qui semble gonfler sous l?effet de souffle. La troisième explosion est perçue
comme la plus violente et souffle la toiture du bâtiment.
C?est à l?issue de la quatrième et dernière explosion entendue, que les observateurs extérieurs
apercevront un début d?incendie puis rapidement des flammes et de la fumée sortant du bâtiment.
Durant ce temps, la majorité des ouvriers évacuent l?atelier dans la direction opposée à l?explosion
initiale. Ils sont cependant rattrapés par les explosions successives qui se dirigent du nord vers le sud.
Ceux qui arrivent à sortir sont rassemblés au niveau d?un bâtiment situé à proximité, et sont pris en
charge par un responsable de MANUCO. L?un des ouvriers est gravement blessé.
Le BEA-RI n?a pu établir la succession d?explosions que d?après les témoignages recueillis.
Figure 4 : Positionnement des différents opérateurs au moment de la première explosion (Source BEA-RI)
V.3 L?intervention des secours publics
Le centre de traitement des appels des sapeurs-pompiers reçoit l?alerte le 3 août à 13h50 et engage les
premiers moyens à 13h53.
Les principales actions des sapeurs-pompiers ont été de prendre en charge les blessés, de rechercher
l?ouvrier manquant à l?appel, d?attaquer le sinistre afin de limiter la propagation aux bâtiments adjacents,
dont l?un contenait un stockage de 8 tonnes d?huile et de réaliser un périmètre de sécurité au vu du
caractère explosif de la nitrocellulose.
L?incendie sera considéré comme éteint à 18h48 et l?intervention terminée à 22h55.
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VI. Conclusions sur le scénario de l?événement
VI.1 Le scénario
L?explosion initiale s?est produite au moment du raccordement de l?une des nouvelles canalisations
M eaux blanches N à l?ancienne canalisation qui avait été découpée la semaine précédente.
Ce raccordement était réalisé en hauteur à l?aide d?un escabeau, par un ouvrier de la société sous-
traitante 1, qui tenait la canalisation à raccorder en équilibre sur son épaule. L?ouvrier était déjà intervenu
chez MANUCO mais ne connaissait pas ce bâtiment avant ces travaux.
Les deux canalisations se sont entrechoquées plusieurs fois avant de faire coïncider les deux brides. Afin
de visser les brides entre elles, l?opérateur a utilisé une clé à chocs, outil électroportatif. L?ensemble des
témoignages indiquent que la première explosion a eu lieu durant cette opération et à cet endroit.
L?analyse des résidus présents dans les canalisations (cf. annexe I) a permis d'établir qu'il s'agissait de
nitrocellulose qui n'avait pas été évacuée lors des procédures de rinçage avant travaux et qui, du fait de
la vague de chaleur que connaissait la région, se trouvait un état de séchage avancé.
Du fait de la grande réactivité de la nitrocellulose, due notamment aux conditions de séchage, il est
possible que l?échauffement d?un des boulons en cours de serrage (grippage) puisse être à l?origine de
l?échauffement générateur de l?inflammation de la nitrocellulose, et par effet mèche, de la première
explosion survenue quelques mètres plus loin dans la canalisation.
L?opérateur de MANUCO, qui était présent en surveillance à quelques mètres, a vu une flamme mais n?a
pas eu le temps de prendre le tuyau d?arrosage posé au sol et s?est retrouvé projeté à terre par
l?explosion.
Photo 1 : Zone d?échauffement à l?origine de
l?explosion initiale, avec vue de la nouvelle cuve eaux
blanches qui était en cours de raccordement
Photo 2 : Boulons retrouvés à proximité qui servaient à
raccorder les deux brides entre elles.
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Photos 3 et 4 : Vue rapprochée des 2 tuyauteries en cours de raccordement avec les boulons manquants
À l?issue de cette première explosion, 3 autres seront perçues par les témoins. L?analyse approfondie
mettra en avant d?autres points présentant des dégâts. Le scénario de propagation des explosions et
leur chronologie n?ont pu être déterminés avec exactitude. Néanmoins, les témoignages et les éléments
relevés sur place permettent d?envisager deux modes de propagation des explosions.
Le premier consiste à l?explosion par sympathie et/ou par transmission de l?onde de chaleur au sein des
tuyauteries où vont se succéder des périodes de combustion plus ou moins rapides et des
déflagrations/détonations.
Le second mode de propagation serait lié à la projection de débris dont l?impact serait suffisant pour
échauffer de la nitrocellulose et en fonction des conditions, cette combustion pourrait évoluer en
déflagration/détonation.
Photo 5 : Projectile en acier retrouvé à plus de 30 mètres
du bâtiment
Photo 6 : Vue des dégâts du bâtiment avec vision de
la façade intérieure côté Sud
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Photo 7 : Vue de l'intérieur du container maritime qui
présente des déformations globales de l'ensemble des parois.
Photo 8 : Impact d?un effet missile sur la porte du
container ayant traversé celle-ci.
L?événement initiateur est donc un choc ou un échauffement de la nitrocellulose séchée contenue dans
une canalisation d?eaux blanches lors d?une opération de maintenance. Cet évènement initie une
propagation à divers équipements qui contiennent également des restes de nitrocellulose sèche.
Dans un second temps, une M échantillothèque N contenant des centaines d?échantillons (sous eau)
totalisant plusieurs centaines de kilos de nitrocellulose était présente dans l?angle Sud du bâtiment au
sein d?un container maritime. Un petit local de stockage contenant des saches plastiques et des
étiquettes, qui ont contribué à l?apport de combustible pour l?incendie, était situé juste à côté du
container maritime.
Photo 9 : A droite, le container maritime qui servait
M d?échantillotèque N et à gauche, un local de stockage des
emballages et étiquettes des produits.
Photo 10 : Vue du local de stockage des saches
plastiques et étiquettes après l?incendie
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VI.2 Analyse de l?INERIS
Dans un premier temps, un contenant de graisse cuivrée a été retrouvé à l?endroit du raccordement des
canalisations. Il a été demandé à l?INERIS de vérifier si la réaction entre la nitrocellulose et la graisse
cuivrée avait pu être l?élément amorceur. Les études bibliographiques n?ont pas déterminé d?influence
significative à court terme de ce produit sur la nitrocellulose.
Photo 11 : Graisse cuivrée retrouvée à proximité du point
d?origine de l?explosion
Photo 12 : Joint de la bride de liaison des canalisations
La cuve M eaux blanches N qui était en cours de remplacement, contenait une inscription M butanol fort N
sur sa face extérieure. De la même manière, il n?a pas été démontré d?incompatibilité entre ce type de
produit et la nitrocellulose, écartant de fait un mélange de produit incompatible ayant pu initier la
réaction.
La température d?auto-inflammation de la nitrocellulose énergétique connue par la majorité des
employés interrogés de MANUCO était d?environ 170°C. Cette température est celle déterminée par le
laboratoire interne de l?entreprise dans le cadre des essais clients du produit fini et vendu.
Les différentes recherches bibliographiques réalisées par l?INERIS ont démontré que la nitrocellulose
avait :
? Une faible sensibilité à la friction ;
? Une forte sensibilité à l?impact ;
? Et concernant la sensibilité thermique, l?évaporation de l?eau ainsi que le temps de séchage ont
un effet déstabilisant en réduisant l?énergie nécessaire pour atteindre un échauffement auto-
entretenu de la nitrocellulose.
Températures recommandées de ne pas dépasser pour du stockage de nitrocellulose (NC)
NC seule NC + eau NC + éthanol NC + Isopropanol
54,5°C 45,1°C 47,2°C 50,4°C
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Ces données indiquent que la nitrocellulose ayant séché après mouillage à l?eau peut s?enflammer dès
que les températures extérieures sont supérieures à 45°C. Les conditions de séchage lent sous eau / acide
sont les plus déstabilisantes pour la nitrocellulose.
A partir des éléments du rapport de l?INERIS et des constatations réalisées, il est probable que la
propagation du phénomène se soit produite par différents moyens :
? Par effet M missiles N par percussion de différents équipements présents dans l?atelier ;
? Par propagation de l?onde de choc / chaleur au-travers des canalisations vides ;
? Par activation thermique des fines de nitrocellulose.
Un cumul de ces différents modes de transmission est fortement probable.
Dans un second temps, il a été demandé à l?INERIS de déterminer les quantités nécessaires de
nitrocellulose ayant permis de produire les dégâts observés, en prenant en compte l?intensité des dégâts
sur les matériaux et les équipements, les distances de projection des effets missiles, les bris de vitres et
ceci, selon différents scénarii possibles de lieux d?accumulation de la nitrocellulose.
Les conclusions de l?INERIS conduisent à arrêter des quantités de nitrocellulose équivalentes à environ
0,6 à 1,8 kg (selon la nature du produit : dense ou en fibres peu denses) qui auraient pu réagir par
déflagration/détonation dans les tronçons de canalisation DN150 en acier et DN200 en PVC.
Une quantité de nitrocellulose de l?ordre de 1 kg serait susceptible d?avoir réagi quant à elle dans la cuve
abandonnée ayant généré l?explosion la plus importante.
Les conditions de température et d?humidité avant et pendant l?accident vont dans le sens d?une
nitrocellulose fortement déstabilisée, en sachant que des quantités non négligeables de nitrocellulose
étaient présentes dans des réseaux d?eaux filtrées.
Les analyses détaillées de l?INERIS sont consultables dans le rapport annexé au présent document.
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VII. Facteurs contributifs
On peut noter différents facteurs ayant contribué à la survenue de la situation rencontrée et aux dégâts
occasionnés :
VII.1 Les équipements abandonnés
La présence d?équipements ou de canalisations anciennes qui ne sont plus utilisés dans le process,
parfois depuis de nombreuses années, a contribué à la propagation de la première explosion au sein de
l?atelier de fabrication.
La présence de ces équipements semble être caractérisée par deux raisons principales :
? Une culture de conservation de l?entreprise dans l?éventualité d?une ré-utilisation ultérieure ;
? Le coût du démantèlement lié à la difficulté de décontamination de la nitrocellulose et à la
nécessité d?arrêter la production durant la période nécessaire à ces travaux.
Ces équipements et canalisations inutilisés et sans eau contenaient des fines de nitrocellulose séchées
avec le temps, aussi bien à l?extérieur qu?à l?intérieur de ces derniers et continuaient à être contaminés
par les poussières de nitrocellulose qui se déposaient quotidiennement.
La troisième explosion survenue lors de l?accident fût la plus violente, et a été localisée au niveau d?un
ancien équipement, imposant, totalisant environ 12m². Cet équipement n?était plus utilisé depuis plus
d?une quinzaine d?années. Cette cuve à ciel ouvert, reposant à 2,20m de hauteur par rapport au sol,
mesurait 3,90m de longueur par 3m de largeur pour 1,60m de hauteur. Elle possédait une épaisseur de
3mm et servait à séparer par décantation la nitrocellulose des eaux blanches. Elle avait été déconnectée
du process et arrosée pour la dernière fois il y a plusieurs années d?après les témoignages recueillis. Elle
n?était pas nettoyée régulièrement depuis.
Les fines de nitrocellulose se sont ainsi accumulées durant ces nombreuses années à l?intérieur de celle-
ci, et ont séché naturellement. Ces conditions de séchage dans l?atelier ont été accentuées durant la
période caniculaire de cet été 2022.
Photo 13 : Vue d?ensemble de l?atelier et de la cuve
non raccordée après l?explosion, qui n?était plus
utilisée depuis plus d?une quinzaine d?années
Photo 14 : Vue des éléments restants de la cuve non
raccordée au reste de l?installation
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On peut noter également que les équipements et canalisations en acier ont constitué de véritables
projectiles acérés au moment des différentes explosions. Nous avons pu constater des chemins de
câbles tranchés en deux ou des murs de l?atelier criblés d?impacts par exemple. Les conséquences
auraient pu être plus graves si ces pièces métalliques avaient atteint les parties vitales des ouvriers
présents.
Photo 15 : Chemin de câbles tranché par un projectile
avec impact dans le mur
Photo 16 : Impacts d?éclats métalliques dans un des
murs du bâtiment
VII.2 Les procédures de nettoyage des installations
VII.2.1 Nettoyage interne des canalisations
Lorsque le process est en fonctionnement, l?eau circulant dans les canalisations supprime le risque
d?auto-inflammation du produit. Le niveau de risque n?est plus le même lorsque les installations sont en
maintenance et que les canalisations ne sont plus en eau.
Or, avec le temps, des microcavités et des dépôts de rouille (oxydes de fer) se créent à l?intérieur des
canalisations en acier dans lesquelles circulent les eaux blanches. Ces microcavités et cette couche de
rouille piègent la nitrocellulose qui n?est ainsi pas évacuée lors des opérations de rinçage, lors de la mise
hors eau des équipements.
Photo 17 : Reste de nitrocellulose présent dans les
canalisations de transport des eaux blanches
Photo 18 : État intérieur d?une canalisation PVC
transportant des eaux blanches
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Photo 19 : État intérieur d?une canalisation acier
transportant des eaux blanches après l?explosion
Photo 20 : État intérieur d?une canalisation PVC
transportant des eaux blanches
Les procédures internes prévoient en effet de rincer les canalisations à l?eau sans pression jusqu?à ce que
l?eau soit claire et ne présente plus d?aspect pâteux ou chargé. Ce procédé est insuffisant pour retirer la
totalité de la nitrocellulose piégée dans les microcavités ou les résidus de rouille mais également dans
les longues canalisations en PVC ou en acier inoxydable, qui sont néanmoins moins exposées à ce risque.
Plusieurs facteurs ont amplifié le risque et conduit à l?accident :
? La longue période d?arrêt du process entre la fin du mois de juin et la fin du mois de juillet ;
? Les conditions de température caniculaires les dernières semaines précédant les travaux qui ont
contribué à abaisser le taux d?humidité de la nitrocellulose présente dans les canalisations en
travaux. Des quantités importantes de nitrocellulose ont été observées sur les canalisations non
détruites par les explosions comme le montrent les photos, ce qui soulève des questionnements
relatifs à la méthodologie de nettoyage de ces dernières avant travaux ;
? L?absence de mouillage de l?intérieur de la conduite.
VII.2.2 Nettoyage des fines dans l?atelier
Les fines de nitrocellulose se déposent partout et les opérateurs mènent un combat permanent pour les
éliminer et maintenir l?atelier en sécurité. La principale mesure de sécurité consistait à mouiller les sols
afin d?éviter un allumage (un blocage de roue d?un chariot à titre d?exemple, pouvant générer un
échauffement suffisant). De même les fines s?accumulent également dans toutes les parties difficilement
accessibles.
Des analyses de risques sont réalisées par MANUCO en amont de travaux à venir, qui prévoit
systématiquement le travail sous eau en cas de présence de nitrocellulose. Cependant, d?après les
témoignages recueillis et la situation rencontrée lors de cet accident, seuls les sols étaient régulièrement
arrosés.
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VII.3 Le rôle des personnels de MANUCO durant les travaux de maintenance
Durant les travaux de maintenance, des employés de MANUCO étaient présents sur la zone des travaux
auprès des entreprises sous-traitantes. Au-delà des responsables maintenance, HSE, ou encore des chefs
d?atelier ou d?équipe, qui passaient sur le chantier de façon occasionnelle et/ou aléatoire, les personnels
de MANUCO présents en permanence étaient souvent des opérateurs certes qualifiés mais embauchés
depuis moins d?un an et donc disposant d?une expérience limitée.
L?intitulé du poste occupé par ces derniers était M surveillant N et ils avaient deux objectifs :
? Intervenir à l?aide d?un tuyau d?arrosage à proximité en cas d?incendie de fines de nitrocellulose ;
? S?assurer que l?environnement de travail était dégagé et correct pour les travaux.
Aussi, leur rôle d?encadrement vis-à-vis des sous-traitants était limité.
Bien que les sous-traitants aient été informés des risques et des actions de prévention à mettre en oeuvre
par le biais du permis de travail et de l?analyse des risques, un arrosage continu d?une canalisation en
hauteur, et tout particulièrement de l?intérieur, tout en réalisant des actions de raccordement, semble
difficile à réaliser. Le surveillant de MANUCO, situé à quelques mètres des travaux, n?est pas intervenu
pour corriger les pratiques mises en oeuvre. La méconnaissance des risques ou encore la difficulté
d?application des mesures préconisées peuvent donc être soulevés, car les prescriptions du permis de
travail sur l?arrosage n?ont pas été respectées par les sous-traitants ni remise en cause par les différents
personnels de MANUCO présents à différents moments de la journée dans l?atelier.
VII.4 Les conditions de travail et le sentiment des intervenants vis-à-vis du risque
Le planning des actions de maintenance à réaliser sur ces trois semaines était chargé car il y avait
beaucoup de chantiers à gérer sur le site et des travaux se sont ajoutés au fur et à mesure, sans
augmenter la période de temps pour les réaliser.
Plusieurs incidents mettant en jeu la sécurité avaient eu lieu lors de la première semaine de travail au
sein des sous-traitants présents sur le secteur M Acide N, ce qui avait conduit à un arrêt des chantiers afin
de refaire un point relatif à la sécurité.
Les fortes températures de cet été 2022 compliquaient également le respect du calendrier de
maintenance car elles mettaient les ouvriers à l?épreuve et les horaires de travail avaient été adaptés au
mieux de ce qui pouvait être fait dans le cadre d?un plan fortes chaleurs (l?entreprise EURENCO ne
pouvait débuter toute activité sur le site avant 6h du matin).
Ces conditions et cette charge de travail importante dans des délais contraints avaient été remontées à
la direction du site. Cependant, l?atelier du bâtiment concerné n?étant pas considéré comme le plus
sensible des chantiers et la reprise de la production devant avoir lieu au milieu du mois d?août, il était
impératif que ces travaux soient réalisés dans les délais impartis.
VII.5 L?absence de notion de dangerosité du bâtiment et des opérations
Le bâtiment concerné n?était ni situé en zone pyrotechnique ni classé ATEX, ce dernier ne contribuant
pas à produire des atmosphères explosibles.
De plus, en période normale de fonctionnement, il n?y a pas ou peu de nitrocellulose sèche présente
dans les différents procédés de fabrication à cet endroit du site, les canalisations de transport étant
remplies en eau.
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Cependant, ceci n?est plus le cas durant la période de maintenance car les canalisations des eaux
blanches n?étaient plus alimentées en eau.
Bien que les canalisations aient été rincées à l?eau selon une procédure établie, des résidus de
nitrocellulose, parfois en quantité importante, restent présents dans les canalisations asséchées,
notamment piégés dans les microcavités et par les dépôts de rouille s?étant formés dans les canalisations
acier particulièrement.
D?après les témoignages recueillis, les travaux qui étaient en cours dans le bâtiment concerné n?étaient
pas considérés comme les plus sensibles au regard des autres chantiers sur le site (tels que le M parc
acides N et la nitration), notamment depuis que les canalisations de raccordement de la cuve eaux
blanches avaient été découpées, ce qui semblait constituer la phase la plus dangereuse de ce chantier.
Les entretiens menés par le BEA-RI ont montré que les personnels d?encadrement avaient connaissance
que les températures d?amorçage de la nitrocellulose séchée à l?air libre étaient basses mais sans
connaître précisément ces valeurs. Les personnels de l?entreprise sont bien entendu sensibilisés aux
dangers générés par la nitrocellulose et l?incidence de la température extérieure sur les conditions de
stockage. La température d?auto-inflammation du produit fini, à la connaissance de la majorité des
personnels interrogés, était élevée (entre 100 et 170°C). Elle correspondait à la température déterminée
par le laboratoire interne de l?entreprise dans le cadre des essais clients du produit fini et vendu.
Or, la nitrocellulose est un matériau énergétique qui peut également s?auto-échauffer : la nitrocellulose
se décompose naturellement très faiblement à température ambiante mais cette décomposition
s?accélère si la température ambiante augmente, et si le volume augmente (phénomène présent pour le
charbon et les peroxydes par exemple).
Les recherches bibliographiques de l?INERIS concernant les limites de stockage de la nitrocellulose ayant
séché à l?air libre ont montré que la température de décomposition accélérée se situe autour de 45°C
dans des conditions déstabilisantes, comme du séchage lent de plusieurs jours et la multiplicité des
cycles de mouillage/séchage. Ces conditions sont cohérentes avec l?épisode caniculaire de l?été 2022 et
cette plage de température de 45°C est proche de la valeur de 38°C relevée dans l?air (et à l?ombre) le
jour de l?accident.
Ces différents éléments conduisent à un sentiment de manque de conscience globale de la chaîne
hiérarchique de l?entreprise des dangers générés par la nitrocellulose dans le cas d?un séchage à l?air
libre :
? De sa température de décomposition accélérée, proche des températures caniculaires ayant sévi
sur le territoire à cette période ;
? Des quantités nécessaires finalement peu importantes comme cela a été relevé par l?INERIS,
permettant de générer les effets constatés.
De plus, le fait que le bâtiment n?était pas celui considéré comme le plus à risque d?après les témoignages
recueillis de l?ensemble des parties, et les travaux considérés comme les plus sensibles ayant été réalisés
la veille, ont pu également contribuer à une baisse de vigilance concernant la sécurité nécessaire en
présence de nitrocellulose séchée à l?air libre dans les conditions de température que nous connaissions
à cette période.
Rapport d?enquête sur plusieurs explosions survenues à l?intérieur d?un bâtiment de fabrication de nitrocellulose au
sein de la société MANUCO le 3 août 2022 ? Bergerac (24)
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VII.6 Les températures caniculaires sévissant depuis plusieurs jours
Bien que ce facteur a déjà été soulevé plus haut, il est nécessaire d?insister sur les relevés de températures
de météo France durant le mois précédent l?accident, qui font état de températures caniculaires
(dépassant parfois 40°C). Les conditions de travail sous équipement individuel de protection devenaient
de plus en plus difficiles durant cette période à cause des températures journalières. Ces conditions
peuvent contribuer à abaisser le niveau de protection ou diminuer le niveau de vigilance.
Les horaires de travail avaient été modifiés en débutant plus tôt le matin mais les horaires d?ouverture
du site d?EURENCO limitaient cette flexibilité.
La longue période d?arrêt des installations semble avoir contribué à assécher les résidus de nitrocellulose
permettant d?amorcer la réaction de combustion, les températures étant très proches des valeurs
mentionnées par l'INERIS dans son rapport et issues de la littérature scientifique.
VII.7 Les stockages de produits finis dans l?atelier
Le BEA-RI a enfin constaté la présence de 2,6 tonnes de nitrocellulose conditionnés en fûts craft et en
fûts métalliques (produit fini) qui se trouvaient dans le bâtiment à proximité de la partie ou se sont
produites les explosions. Cette nitrocellulose était stockée à un taux d?humidité suffisant et ce stockage
a été atteint par un éclat lors de l?explosion sans réagir.
En effet, lorsque MANUCO lance une session de fabrication de nitrocellulose, elle ne possède pas la
capacité de réaliser celle-ci à 100 kilos près. L?entreprise ne livre au client que des palettes entières de
produit fini et il reste alors des reliquats de production.
De plus, lors de la fin d?une production, les opérateurs font tomber des galettes de nitrocellulose qui
restent collées dans les essoreuses. Ces reliquats étaient ainsi stockés dans le bâtiment concerné en
attendant de repasser dans le process.
Il est légitime de s?interroger sur les conséquences supplémentaires qu?il y aurait pu avoir si ce stockage
avait participé par effet domino à l?explosion. Ces fûts ont été évacués vers l?entrepôt de stockage le
lundi 8 août afin de contribuer à la sécurisation du bâtiment post-accident et ce, d?autant que la
nitrocellulose présente dans l?échantillothèque était stockée dans les même conditions d?humidité et a
réagi.
Photos 21 et 22 : Stockage de 2,6 t de nitrocellulose présent dans la zone d?explosion du bâtiment.
Rapport d?enquête sur plusieurs explosions survenues à l?intérieur d?un bâtiment de fabrication de nitrocellulose au
sein de la société MANUCO le 3 août 2022 ? Bergerac (24)
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VIII. Enseignements de sécurité
VIII.1 La suppression des matériels abandonnés
La présence de matériel abandonné dans l?atelier a conduit notamment à l?explosion la plus violente.
L?analyse à postériori a montré que le matériel qui a explosé n?était pas le seul inutilisé à être présent
dans l?atelier. Ces matériels, même lorsqu?ils font l?objet d?un nettoyage lors de leur arrêt, sont à l?origine
d?accumulation de poussières de nitrocellulose. Ils sont parfois encore raccordés aux circuits d?eaux
blanches, ce qui complexifie inutilement la perception du fonctionnement de l?atelier pour les
intervenants. L?arrêté préfectoral du 14 octobre 2022 avait déjà prescrit le retrait des matériels inutilisés
dans le bâtiment concerné.
Leur retrait doit donc devenir une pratique systématique. En complément, une procédure de réexamen
régulier, à minima annuelle, des matériels inutilisés (équipements en test non concluant, modifications
temporaires de process, etc) doit être mise en place afin de vérifier que leur conservation en l?état reste
nécessaire.
VIII.2 Améliorer le process de nettoyage de l?atelier
Nous avons pu constater de nombreux dépôts de nitrocellulose dans les canalisations et appareils
présents dans le bâtiment.
Les canalisations en acier utilisées pour le transport des eaux blanches facilitent d?autant plus ces dépôts
lorsqu?elles sont atteintes par la rouille et que des microcavités apparaissent avec le temps.
Le BEA-RI a constaté que de nombreuses canalisations possédaient peu de pente permettant un
écoulement gravitaire efficace. Des pentes plus adaptées doivent permettre d?améliorer la vidange
complète des canalisations.
Ces dépôts de nitrocellulose deviennent dangereux lorsque la canalisation n?est plus alimentée en eau
comme c?est le cas lors des phases de maintenance, et les conditions de séchage, comme l?a relevé
l?INERIS, font diminuer la température de décomposition auto-accélérée.
Les constatations réalisées amènent à préconiser un nettoyage à l?eau sous pression des canalisations
avant les opérations de maintenance afin de déloger plus efficacement la nitrocellulose piégée dans ces
dernières. L?utilisation d?acier inoxydable en lieu et place d?acier au carbone est à privilégier au vue des
phénomènes de piégeage constatés sur l?acier au carbone.
Enfin, lorsque cela est possible, l?utilisation de canalisations en PE (polyéthylène) ou en PVC non
seulement évitent comme dans le cas de l?acier inoxydable les dépôts mais également diminue les
blessures éventuelles pouvant être provoquées par les effets missiles des pièces métalliques projetées
lors d?une explosion.
VIII.3 La prévention des risques lors des opérations de maintenance
La mise hors eau du circuit des eaux blanches rend les opérations de maintenance sur ces circuits
doublement dangereux. Tout d?abord, les conditions de séchage de la nitrocellulose contenue dans ces
circuits la rendent particulièrement sensible (cf. analyse INERIS) et d?autre part, la configuration même
du circuit de transport et ses matériaux constitutifs tend à créer des dépôts de nitrocellulose susceptible
de réagir.
Rapport d?enquête sur plusieurs explosions survenues à l?intérieur d?un bâtiment de fabrication de nitrocellulose au
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Dans ce contexte, un atelier, et surtout un circuit de canalisations permettant la circulation du produit,
qui, en fonctionnement normal, présente un risque faible, se révèle dans les phases d?entretien plus
risqué.
Les opérations de maintenance doivent donc, dans ce cadre, faire l?objet d?une étude particulière, tant
dans l?analyse des méthodes de maintenance que de la surveillance lors de l?exécution. Ces études
doivent être tracées dans les documents de maintenance mais également dans ceux établis au titre de
la protection des travailleurs. Il convient de renforcer le respect des procédures existantes par les sous-
traitants et de mettre à disposition de ces derniers les moyens d?arrosage adaptés aux situations
rencontrées, notamment lors de travail en hauteur.
VIII.4 L?information des intervenants
Du fait des conditions de séchage, la nitrocellulose présente lors des opérations de maintenance a des
caractéristiques de stabilité différentes du produit fini, notamment en matière de stabilité thermique et
de température de décomposition accélérée.
Les enquêteurs du BEA-RI ayant constaté que la quasi-totalité des intervenants n?en n?avait pas
conscience, une information de l?ensemble des intervenants sur ces caractéristiques semble nécessaire.
Dans un second temps, les ouvriers des entreprises sous-traitantes ne semblaient pas disposer d?une
connaissance accrue du site, cette dernière se limitant à une information des process sur leur seule zone
d?intervention. Cette absence de formation globale sur les différentes zones du site et leurs spécificités
pourraient être préjudiciable lors de la survenue d?un accident majeur.
VIII.5 Anticiper le réchauffement climatique sur les périodes de maintenance
Les effets du réchauffement climatique devant s?accentuer dans les années à venir et notamment la
récurrence d?épisodes caniculaires, une réflexion doit être menée concernant l?adaptation des
processus de maintenance à ces fortes chaleurs voire le décalage des périodes de maintenance hors des
périodes caniculaires pour les installations qui présentent des risques d?auto-inflammation ou d?auto-
décomposition à des températures proches de celles susceptibles d?être atteintes.
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IX. Recommandations de sécurité
IX.1 À destination de l?exploitant
IX.1.1 Au plan technique
Le BEA-RI recommande de :
? Retirer et décontaminer les équipements, matériels et canalisations abandonnés dans le cadre
du process pour éviter tous risques de dépôt de poussières de nitrocellulose et de mettre en
place une procédure de gestion des appareils inutilisés ;
? Intégrer les contraintes de nettoyage dans la conception des canalisations et des équipements
afin de réduire le phénomène de dépôt de nitrocellulose ;
? De réduire au maximum le stockage de produits finis et de déchets dans le bâtiment concerné
en privilégiant les zones de stockage dévolues à cet effet.
IX.1.2 Au plan organisationnel
Le BEA-RI recommande de :
? Renforcer la préparation des interventions hors d'eau sur la base d'une analyse de risque qui
identifie les mesures techniques et organisationnelles à mettre en oeuvre (durée de l'intervention,
modalités de nettoyage et de consignation des installations, mesures de prévention ou mesures
compensatoires, définition de la mission de surveillant, ?) pour garantir la sécurité des
opérateurs et des installations ;
? Inclure dans les procédures de consignation, la vérification croisée entre la maintenance et la
production, de l?état de nettoyage des circuits consignés ;
? Conduire une réflexion sur les risques nouveaux induits par le changement climatique, et en
particulier le phénomène de canicule, sur les activités du site et en vue d'adapter les pratiques
et les consignes de sécurité ;
? Renforcer la sensibilisation des intervenants (opérateurs et sous-traitants) sur l?incidence des
conditions de séchage de la nitrocellulose vis-à-vis de sa stabilité, notamment lorsque le séchage
et/ou le taux d?humidité n?est pas contrôlé comme lors des opérations de maintenance ;
? Renforcer la surveillance des sous-traitants afin de s?assurer du respect des consignes du permis
de travail et sensibiliser les personnels de MANUCO quant aux responsabilités qui sont les leurs
concernant la vigilance de l?application de ces consignes.
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X. Annexes
Annexe 1 Rapport d?essais de l?INERIS ............................................................................................................... 33
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Annexe 1 Rapport d?essais de l?INERIS
Ineris - 209316 - 2769588 - v3.0
14/11/2023
Appui à l'expertise de l'accident survenu dans un atelier de
nitrocellulose exploitée par la société Manuco le 3 août
2022 à Bergerac (24)
(ID Modèle = 454913)
Ineris - 209316 - 2769588 - v3.0
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PRÉAMBULE
Le présent document a été réalisé au titre de la mission d?appui aux pouvoirs publics confiée à l?Ineris,
en vertu des dispositions de l?article R131-36 du Code de l?environnement.
La responsabilité de l'Ineris ne peut pas être engagée, directement ou indirectement, du fait
d?inexactitudes, d?omissions ou d?erreurs ou tous faits équivalents relatifs aux informations utilisées.
L?exactitude de ce document doit être appréciée en fonction des connaissances disponibles et objectives
et, le cas échéant, de la réglementation en vigueur à la date d?établissement du document. Par
conséquent, l?Ineris ne peut pas être tenu responsable en raison de l?évolution de ces éléments
postérieurement à cette date. La mission ne comporte aucune obligation pour l?Ineris d?actualiser ce
document après cette date.
Au vu de ses missions qui lui incombent, l'Ineris, n?est pas décideur. Les avis, recommandations,
préconisations ou équivalent qui seraient proposés par l?Ineris dans le cadre des missions qui lui sont
confiées, ont uniquement pour objectif de conseiller le décideur dans sa prise de décision. Par
conséquent, la responsabilité de l'Ineris ne peut pas se substituer à celle du décideur qui est donc
notamment seul responsable des interprétations qu?il pourrait réaliser sur la base de ce document. Tout
destinataire du document utilisera les résultats qui y sont inclus intégralement ou sinon de manière
objective. L?utilisation du document sous forme d'extraits ou de notes de synthèse s?effectuera également
sous la seule et entière responsabilité de ce destinataire. Il en est de même pour toute autre modification
qui y serait apportée. L'Ineris dégage également toute responsabilité pour chaque utilisation du
document en dehors de l?objet de la mission.
Nom de la Direction en charge du rapport : DIRECTION GENERALE
Rédaction : LE-ROUX Benjamin - HEUDIER LAURE; PESSINA FLORENT
Vérification : CHAUMETTE SYLVAIN; LEPRETTE EMMANUEL; BODIN-REMOND SYLVIE
Approbation : Document approuvé le 14/11/2023 par BOUET REMY
Liste des personnes ayant participé à l?étude :
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Table des matières
Glossaire .................................................................................................................................................6
1 Introduction......................................................................................................................................7
1.1 Déontologie..............................................................................................................................7
1.2 Contexte ..................................................................................................................................7
1.3 Visite et réunions d?échanges..................................................................................................7
3 Description de l?installation concernée et informations sur l?événement .........................................8
3.1 Description générale du site et de l?installation concernée......................................................8
3.2 Description succincte de l?événement .....................................................................................9
4 Réponses aux questions posées par le BEA-RI............................................................................11
4.1 Question N°1 du BEA-RI - Estimation des quantités de nitrocellulose énergétique ayant pu
réagir 11
4.1.1 Synthèse des principaux dégâts de surpression ou projection de fragments sur les
équipements du process et le bâtiment et estimation des lieux potentiels de décharge d?explosion
11
4.1.2 Estimation de la quantité de nitrocellulose énergétique probable mise en jeu à différents
endroits du process .......................................................................................................................18
4.1.3 Estimation de la quantité de nitrocellulose énergétique dans la canalisation en acier
reliant la cuve « eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3 ...............................................................23
4.1.4 Conclusion .........................................................................................................................24
4.2 Question N°2 du BEA-RI - Etude de la sensibilité de la nitrocellulose énergétique ..............24
4.2.1 Sensibilité aux stimuli mécaniques et stabilité thermique des résidus prélevés................24
4.2.2 Impact du séchage de la NC sur sa stabilité et sensibilité.................................................28
4.3 Etude du contact de la nitrocellulose énergétique avec d?autres produits : butanol fort,
produits cuivré graisseux...................................................................................................................30
4.3.1 Question N°3 du BEA-RI ...................................................................................................30
4.3.2 Question N°4 du BEA-RI ...................................................................................................30
5 Conclusion.....................................................................................................................................31
6 Annexes.........................................................................................................................................32
7 Références ....................................................................................................................................33
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Table des Figures
Figure 1 : Bâtiment et zone de l?accident sur le process de raffinage (en rouge) ...................................8
Figure 2 : Description de la chaine de raffinage du bâtiment, en respectant la disposition spatiale des
éléments, le flux de circulation du mélange eau/NC. En Bleu le réseau d?eaux blanches non filtrées, et
en Orange le réseau d?eaux blanches filtrées. ........................................................................................9
Figure 3 : Photo post accident de la canalisation en cours de raccordement .......................................10
Figure 4 : Dégâts en façade Nord du bâtiment......................................................................................11
Figure 5 : Dégâts en façade Sud du bâtiment .......................................................................................12
Figure 6 : Perforations du mur en briques .............................................................................................12
Figure 7 : Projection de fragments au Sud du bâtiment ........................................................................13
Figure 8 : Projections de fragments.......................................................................................................13
Figure 9 : Dégâts subis par la couverture de toiture ? partie Nord........................................................13
Figure 10 : Dégâts subis par la couverture de toiture ? partie Sud .......................................................14
Figure 11 : Principaux dégâts liés aux effets de surpression ou de projection de fragments observés sur
les équipements du process..................................................................................................................14
Figure 12 : Principaux dégâts liés aux effets de surpression ou de projection de fragments observés sur
les équipements du process ? partie Est du bâtiment - vue du dessus ................................................15
Figure 13 : Rupture de la canalisation DN150 reliant la cuve « eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3
...............................................................................................................................................................15
Figure 14 : Endommagement des battants et rupture de la vitre du bac de récupération 2 et rupture de
la canalisation reliant ce bac aux tamiseurs ..........................................................................................16
Figure 15 : Endommagement des tamiseurs et des canalisations acier, PVC associées.....................16
Figure 16 : Rupture sur tout le long de la canalisations PVC reliant les tamiseurs à la cuve « eaux
blanches » n°2.......................................................................................................................................16
Figure 17 : Rupture de la tuyauterie entre la cuve « eaux blanches » n°2 et le décanteur et perforation
de celle-ci (à gauche) et déformation et nombreuses perforations du décanteur (à droite) ..................17
Figure 18 : Dommages subis par la cuve non raccordée......................................................................17
Figure 19 : Dommages subis par le container.......................................................................................17
Figure 20 : Lieux potentiels de décharge d?explosion ? Bâtiment ? partie Est vue du dessus..............18
Figure 21 : Vitesse de détonation en fonction de la nature et de la densité de la nitrocellulose...........20
Figure 22 : Emplacement des prélèvements 1, 2 et 3 ...........................................................................25
Figure 23 : Photo après prélèvement (1)...............................................................................................25
Figure 24 : Photo après prélèvement (2)...............................................................................................26
Figure 25 : Photo avant et après prélèvement (3) .................................................................................26
Figure 26 : Emplacement du prélèvement 4..........................................................................................27
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Résumé
Ce rapport a pour objet de répondre à une sollicitation du BEA-RI faite à l?Ineris. Celui-ci concerne
l'enquête sur un accident survenu dans un atelier de fabrication de nitrocellulose sur le site de la société
Manuco, situé sur la commune de Bergerac (24), survenu le 03 août 2022.
L?objet de ce rapport consiste à répondre aux questions posées par le BEA-RI relatives à :
? L?estimation des niveaux de surpression, de la masse équivalente de TNT et de la quantité de
nitrocellulose énergétique nécessaire au regard des dégâts visuels constatés sur le plan
bâtimentaire, en intégrant les effets missiles des projectiles retrouvés aux abords du bâtiment ;
? La définition de la sensibilité de la nitrocellulose énergétique, au choc, à la friction et à la
température par des essais ou via la bibliographie, en fonction du mode de séchage,
notamment au vu des conditions météo ayant précédé l?accident ;
? La détermination si le contact de nitrocellulose énergétique avec du butanol fort (inscription
présente sur la cuve eaux blanches nouvellement installée) peut conduire à une réaction
exothermique ;
? La détermination si le contact de nitrocellulose énergétique avec le produit cuivré graisseux
retrouvé sur site peut conduire à une réaction exothermique.
Pour citer ce document, utilisez le lien ci-après :
Institut national de l?environnement industriel et des risques, Verneuil-en-Halatte : Ineris - 209316 -
2769588 - v3.0, 14/11/2023.
Mots-clés :
Explosion, nitrocellulose
Ineris - 209316 - 2769588 - v3.0
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Glossaire
BEA-RI Bureau d'enquêtes et d'analyses - Risques industriels
Ineris Institut national de l?environnement industriel et des risques
NC Nitrocellulose
Ineris - 209316 - 2769588 - v3.0
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1 Introduction
1.1 Déontologie
L?Ineris n?a jamais réalisé d?études pour le compte du site de fabrication de Bergerac de la société
Manuco.
1.2 Contexte
La société Manuco, filiale d?Eurenco depuis 2021 produit sur son site de Bergerac, installation classée
Seveso Seuil Haut, de la nitrocellulose énergétique principalement à destination du secteur de la
Défense, et de la Chimie des laques et peintures.
Le 3 août 2022, une succession d?explosions s?est produite au sein d?un des bâtiments de fabrication
du site. Le bâtiment concerné est un bâtiment dans lequel se déroulent des opérations de post nitration,
notamment de traitement de la fibre et de fixation par chauffage.
À la suite de l?accident, le BEA-RI a invité l?Ineris en tant qu?expert technique lors de l?enquête sur site
du 9 août, puis a missionné l?Ineris par courriel en date du 24 septembre 2022 afin de répondre à
plusieurs questions. Le courriel de demande est présenté en Annexe 1 de ce rapport.
Les questions portent sur :
? Estimer les niveaux de surpression, de la masse équivalente de TNT et de la quantité de
nitrocellulose énergétique nécessaire au regard des dégâts visuels constatés sur le plan
bâtimentaire, en intégrant les effets missiles des projectiles retrouvés aux abords du bâtiment ;
? Définir la sensibilité de la nitrocellulose énergétique au choc, à la friction et à la température
par des essais ou via la bibliographie, en fonction du mode de séchage, notamment au vu des
conditions météorologiques ayant précédé l?accident ;
? Déterminer si le contact de nitrocellulose énergétique avec du butanol fort (inscription présente
sur la cuve eaux blanches nouvellement installée) peut conduire à une réaction exothermique ;
? Déterminer si le contact de nitrocellulose énergétique avec le produit cuivré graisseux retrouvé
sur site peut conduire à une réaction exothermique.
1.3 Visite et réunions d?échanges
Pour cette analyse, l?Ineris a réalisé une visite du site de Manuco en présence du BEA-RI, du SDIS, de
l?inspection des installations classées en charge du suivi du site, de la police judiciaires et scientifiques
et l?OCLAESP1 le 9 août 2022. L?Ineris s?est également rendu sur site le 17 août 2022 afin de prélever
des échantillons en plusieurs points de la partie Est du bâtiment incriminé.
1 Office central de lutte contre les atteintes à l?environnement et à la santé publique
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3 Description de l?installation concernée et informations sur
l?événement
3.1 Description générale du site et de l?installation concernée
La société Manuco, filiale de la société Eurenco, produit sur son site de Bergerac, site de l?ancienne
Poudrerie nationale de Bergerac, de la nitrocellulose énergétique pour des applications Défense ou
pour des applications civiles (comme les filtres, laques et peintures).
Le site est une installation classée autorisée et « SEVESO Seuil Haut » pour les rubriques au titre de la
rubrique 4441 (liquides comburants), et de la rubrique 4110.2 (substances et mélanges liquides
toxiques) et « Seuil Bas » pour la rubrique 4130 (substances et mélanges liquides toxiques) de la
nomenclature des installations classées.
La nitrocellulose énergétique est produite à base de linters de coton ou de pulpe de bois. La production
s?effectue en continu, 24h/24, 7j/7. Le procédé consiste en la nitration de rouleaux de cellulose dans
des réacteurs contenant un mélange d?acide sulfonitrique. Ensuite, la cellulose nitrée devenue
nitrocellulose (NC), est essorée en essoreuse centrifuge pour la séparer de la phase liquide et lavée à
contre-courant avec de l?eau. Enfin, la NC est densifiée sous forme d?une pâte plus visqueuse en
autoclave. La pâte de NC est ensuite raffinée par une succession d?épaississeur et raffineur
(cisaillement mécanique). La viscosité est ensuite encore une fois ajustée par cuisson, où des
carbonates sont également ajoutés pour neutraliser toutes traces d?acide libre encore présent dans
l?eau et ainsi augmenter la stabilité de la nitrocellulose. A la fin du procédé et lors de son
conditionnement, la nitrocellulose contient encore 30 % d?eau. Le maintien sous eau, ou sous alcool,
permet de stabiliser la nitrocellulose, qui à l?état sec devient très sensible et peut s?auto-enflammer à
basse température.
L?accident a eu lieu dans un bâtiment de fabrication de nitrocellulose. Adjacent à un autre bâtiment
servant au stockage de fûts vides, le bâtiment incriminé regroupe l?ensemble des activités ayant lieu
après l?étape de nitration, c?est-à-dire les équipements de finition et de conditionnement de la
nitrocellulose. L?évènement a plus précisément eu lieu sur le process de raffinage situé en partie Est du
bâtiment (encart en rouge sur la Figure 1) et séparé du reste du process par une large travée de
circulation.
Figure 1 : Bâtiment et zone de l?accident sur le process de raffinage (en rouge)
La Figure 2 présente le process de l?activité de raffinage située en partie Est du bâtiment incriminé. Elle
permet de se représenter visuellement et dans l?espace la disposition des éléments intervenants de
l?activité de raffinage en fonctionnement normal. On distingue 3 réseaux de circulation de mélange
eau/NC :
- Le réseau de production : il s?agit du réseau principal transportant la NC post nitration à travers les
différentes étapes de fabrication. A l?endroit de l?accident il s?agit de l?étape de raffinage qui consiste
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en une succession d?étapes de malaxage/hachage par raffineurs et de concentration par
épaississeurs fonctionnant par centrifugation.
- Le réseau dit d?« eaux blanches non filtrées » : il s?agit du réseau d?eau récupérée après passage
dans les épaississeurs Cette eau va ensuite dans les tamiseurs. Cette eau contient les fibres de
NC les plus fines issues du réseau principal.
- Le réseau dit d?« eaux blanches filtrées »: il s?agit du réseau d?eau récupérée après passage dans
les tamiseurs. Cette eau est remise dans le circuit principal en amont du raffinage. Cette eau est
celle avec le moins de concentration en nitrocellulose de tout le réseau, et contient les fibres de NC
les plus fines de tout le réseau. Il est à noter que l?eau concentrée en fibres à l?issue du tamisage
est réinjectée dans le circuit principal en aval de l?épaississeur 1.
* Conformément au diagramme « PID » fourni par la société Manuco, cette cuve est reliée au reste du process. D?après les
informations transmises par l?exploitant, cette cuve n?est dans les faits plus connectée au reste du process.
Figure 2 : Description de la chaine de raffinage du bâtiment, en respectant la disposition spatiale des
éléments, le flux de circulation du mélange eau/NC. En Bleu le réseau d?eaux blanches non filtrées, et
en Orange le réseau d?eaux blanches filtrées.
3.2 Description succincte de l?événement
Depuis le 25 juin 2022, la partie nitration en amont est en arrêt technique ; puis le 22 juillet 2022 est
effectuée la procédure d?arrêt pour maintenance d?été.
Dans le cadre des interventions prévues sur la partie raffinage, la cuve d?eaux blanches n°1 est
remplacée, et les raffineurs en maintenance.
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Le 3 août 2022, vers 13h50, lors du raccordement des brides de la canalisation existante connectée à
l?épaississeur 3 avec la nouvelle canalisation reliée à la nouvelle cuve n°1 (voir la Figure 3), une
explosion se produit. Par la suite, plusieurs explosions et combustions ont eu lieu sur plusieurs réseaux
de canalisation d?eau mélangée à la NC, et au sein de certaines cuves et appareils connectés à ces
réseaux.
Figure 3 : Photo post accident de la canalisation en cours de raccordement
Il est à noter qu?au moment de l?accident des sections de canalisation sont démontées. Les principaux
changements comparés à la Figure 2 sont :
- les raffineurs entre les épaississeurs n° 3 et n°2 ne sont pas connectés entre eux ;
- l?épaississeur n°3 n?est pas connecté au dernier raffineur.
Ancie
nne ca
nalis
atio
n
Nouve
lle
ca
nalis
atio
n
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4 Réponses aux questions posées par le BEA-RI
4.1 Question N°1 du BEA-RI - Estimation des quantités de nitrocellulose
énergétique ayant pu réagir
La première question posée par le BEA-RI concerne l?estimation des niveaux de surpression, de la
masse équivalente de TNT et de la quantité de nitrocellulose énergétique nécessaire au regard des
dégâts visuels constatés sur le plan bâtimentaire, en intégrant les effets missiles des projectiles
retrouvés aux abords du bâtiment.
Afin d?apporter des éléments de réponse, l?Ineris présente en premier lieu une synthèse des principaux
dégâts liés aux effets de surpression observés sur les équipements du process et sur le bâtiment. Sur
cette base, une estimation des lieux potentiels de décharge d?explosion sur le process a été réalisée.
Enfin, l?Ineris a estimé la quantité de nitrocellulose énergétique probable ayant réagi à différents endroits
du process.
4.1.1 Synthèse des principaux dégâts de surpression ou projection de fragments sur
les équipements du process et le bâtiment et estimation des lieux potentiels de
décharge d?explosion
Les principaux dégâts de surpression ou liés à des projections de fragments observés sur le
bâtiment sont les suivants :
Façade Nord du bâtiment :
- rupture totale des enfilades vitrées sur une dizaine de mètres, et partielle sur environ 30 m avec
projection à une dizaine de mètres ;
- rupture des menuiseries vitrées ;
- rupture localisée de murs en briques.
Figure 4 : Dégâts en façade Nord du bâtiment
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Façade Sud :
- rupture totale des enfilades vitrées sur environ 70 m avec projection à quelques mètres du mur ;
- rupture des menuiseries vitrées sur environ 70 à 100 m ;
- nombreuses perforations des murs en briques ;
- présence de nombreux fragments en acier à l?extérieur jusqu?à 30 m de la façade au droit du
mur et environ 60 m de la zone d?explosion.
Figure 5 : Dégâts en façade Sud du bâtiment
Figure 6 : Perforations du mur en briques
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Figure 7 : Projection de fragments au Sud du bâtiment
Figure 8 : Projections de fragments
Couverture de toiture :
- Côté Nord : bardage totalement arraché sur 4 à 5 m au droit des tamiseurs et partiellement
arraché sur une vingtaine de mètres ;
Figure 9 : Dégâts subis par la couverture de toiture ? partie Nord
Projectile en acier à
environ 70 m
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- Côté Sud : bardage totalement arraché sur une quinzaine à une vingtaine de mètres au droit
de la cuve non raccordée et partiellement arraché ou déformé sur une grande longueur de
toiture (environ 70 m).
Figure 10 : Dégâts subis par la couverture de toiture ? partie Sud
Les principaux dégâts de surpression ou liés à des projections de fragments observés sur les
équipements du process sont représentés sur les
Figure 11 et Figure 12, et illustrés au travers des photographies suivantes.
Figure 11 : Principaux dégâts liés aux effets de surpression ou de projection de fragments observés
sur les équipements du process
Rupture de la
canalisation DN150
reliant la cuve « eaux
blanches » n°1 à
l?épaississeur n°3
Endommagement du
bac de récupération 2
et rupture de la
canalisation reliant le
bac aux tamiseurs
Endommagement des
tamiseurs et des canalisations
acier, PVC connectées en aval
Rupture sur tout le long de la canalisations PVC reliant le tamiseur à la cuve
« eaux blanches » n°2
Rupture de la canalisation
entre la cuve « eaux
blanche » n° 2 et le décanteur
Déformation et
rupture de la
cuve non
raccordée
Nombreuses perforations
et déformation de la cuve
« eaux blanches » n°2
: élément présentant des dommages très significatifs dont des ruptures
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Figure 12 : Principaux dégâts liés aux effets de surpression ou de projection de fragments observés
sur les équipements du process ? partie Est du bâtiment - vue du dessus
Figure 13 : Rupture de la canalisation DN150 reliant la cuve « eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3
Rupture de la canalisation
DN150 reliant la cuve « eaux
blanches » n°1 à
l?épaississeur 3
Façade Nord
Endommagement des tamiseurs
et canalisations acier, PVC
associées
Endommagement du bac
de récupération n°2 et
rupture de la canalisation
reliant ce bac aux
tamiseurs
Rupture sur tout le long de la canalisation
PVC reliant les tamiseurs à la cuve « eaux
blanches » n°2
Déformation / rupture de la cuve
non raccordée
Nombreuses perforations et
déformation du décanteur
Rupture de la canalisation entre la cuve
« eaux blanches » n°2 et le décanteur
Perforation de la paroi avant du container
Et déformation / gonflement des parois du container
pouvant être dû soit à des effets de surpression
interne ou à l?effet de l?incendie interne
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Figure 14 : Endommagement des battants et rupture de la vitre du bac de récupération 2 et rupture de
la canalisation reliant ce bac aux tamiseurs
Figure 15 : Endommagement des tamiseurs et des canalisations acier, PVC associées
Figure 16 : Rupture sur tout le long de la canalisations PVC reliant les tamiseurs à la cuve « eaux
blanches » n°2
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Figure 17 : Rupture de la tuyauterie entre la cuve « eaux blanches » n°2 et le décanteur et perforation
de celle-ci (à gauche) et déformation et nombreuses perforations du décanteur (à droite)
Figure 18 : Dommages subis par la cuve non raccordée
Figure 19 : Dommages subis par le container
De l?analyse qualitative de l?ensemble de ces principaux dommages sur les équipements du process et
sur le bâtiment, il est possible d?identifier 6 lieux de décharges potentiels d?explosion sur le process.
Ceux-ci sont présentés sur la figure ci-après. Il est à noter que le container de 20 pieds, situé au Sud-
Est du bâtiment, pourrait être un autre lieu de décharge d?explosion. Toutefois le gonflement observé
de ces parois pourrait également être la conséquence d?un incendie interne.
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Figure 20 : Lieux potentiels de décharge d?explosion ? Bâtiment ? partie Est vue du dessus
4.1.2 Estimation de la quantité de nitrocellulose énergétique probable mise en jeu à
différents endroits du process
L?Ineris a estimé la quantité de nitrocellulose énergétique probable ayant réagi à différents endroits du
process. L?étude de l?Ineris s?est focalisée en accord avec le BEA-RI sur les parties suivantes :
- la cuve non raccordée ;
- la canalisation en PVC reliant les tamiseurs à la cuve « eaux blanches » n°2 ;
- la canalisation en acier reliant la cuve « eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3.
Pour ce faire, l?Ineris a dans un premier temps estimé au regard des différents dégâts sur le bâtiment
et sur les équipements du process les niveaux de surpression susceptibles d?avoir été engendrés par
les décharges d?explosion. L?Ineris a également complété cette analyse par l?évaluation des effets
missiles des projectiles retrouvés dans ou aux abords du bâtiment.
4.1.2.1 Estimation de la quantité de nitrocellulose énergétique probable au niveau de la cuve non
raccordée
D?après les informations transmises par Manuco, la cuve est une cuve métallique à double paroi de
dimensions approximatives 3,90 m x 3 m par 1,60 m de haut posée sur un support métallique à 2,20 m
du sol.
L?analyse des dégâts montre que la cuve a subi une forte explosion interne, comme l?illustre la Figure
18. En l?absence de plan de la cuve et de données mécaniques associées, les dégâts observés sur la
cuve sont difficilement exploitables afin d?en déduire le niveau de surpression interne atteint lors de
l?explosion. Aussi l?Ineris a tenté d?estimer ce niveau de surpression interne à une quantité de produits
ayant réagi, à partir des dégâts constatés sur le bâtiment ou les équipements situés à proximité de la
cuve, que l?on suppose donc être produits par l?explosion de la cuve.
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4.1.2.1.1 Analyse des projections des fragments de la cuve
Les photographies en Figure 6, Figure 7, Figure 8 et Figure 17 illustrent les dégâts engendrés par la
projection de fragments, provenant vraisemblablement de la cuve, située à proximité.
Des fragments ont perforé le décanteur et la canalisation entre le décanteur et la cuve « eaux blanches »
n°2. Les calculs basés sur le modèle d?impact semi-empirique IMFRA2 montrent que :
- pour qu?un fragment de 2 à 4 cm de côté perfore la paroi en inox du décanteur, sa vitesse
d?impact doit être de l?ordre de 140 à 170 m/s ;
- pour qu?un fragment de 1,5 cm de côté perfore la canalisation reliant le décanteur et la cuve
« eaux blanches » n°2 (de 2 à 3,5 mm), sa vitesse d?impact doit être de l?ordre de 140 à 230 m/s.
D?autres fragments ont été retrouvés à l?extérieur du bâtiment à une distance de 30 m au droit de cuve
et pouvant aller jusque 60 m. Parmi eux, certains ont traversé le mur en briques situé à 10 m, d?autres
ont sans doute été projetés vers le haut et traversé la toiture.
En supposant que le fragment d?environ 1 kg (dimensions approximatives de 50 cm de long, 10 cm de
large) et 3 mm d?acier (épaisseur de la cuve non raccordée) retrouvé à 30 m au droit du mur en brique
a traversé le mur, on détermine que sa vitesse d?impact a dû être au moins de 200 m/s (vitesse
nécessaire pour traverser le mur en brique). Pour pouvoir ensuite être projeté à la distance de 30 m, sa
vitesse initiale devait être supérieure ou égale à 204 m/s, ce qui correspond à une énergie cinétique
initiale de l?ordre de 20 800 J.
En supposant que le fragment de l?ordre de 20 cm sur 20 cm (fragment en acier de 1 kg environ)
retrouvé à 60 m de la cuve, a traversé la toiture, on calcule, en considérant un angle d?éjection par
rapport à l?horizontale de 30 à 60°, une vitesse initiale de 60 à 120 m/s nécessaire pour atteindre la
distance de projection de 60 m.
Ainsi, l?analyse des dégâts montre que la vitesse d?éjection des fragments a dû être de l?ordre
de 60 à 230 m/s. On peut alors en déduire que l?impulsion communiquée aux fragments
d?enveloppe serait de l?ordre de 1400 à 4700 Pa.s.
Ensuite, 3 hypothèses ont été considérées pour remonter à une masse de nitrocellulose ayant réagi, en
tenant compte de la nature du produit et la conception de la cuve (double paroi) :
? Hypothèse n°1 : la masse de nitrocellulose ayant réagi est supposée être initialement en contact
avec les fragments projetés
? Hypothèse n°2 : scénario d?éclatement de la cuve à la suite d?une montée en pression due à
une explosion interne en fond de cuve
? Hypothèse n°3 : scénario d?éclatement de la cuve à la suite d?une montée en pression due à
une explosion interne dans l?espace entre les 2 parois de la cuve
Concernant la nature du produit, d?après les enseignements tirés de la bibliographie (cf. point 3) :
- une fois initiée, la décomposition de la nitrocellulose peut transiter en détonation ;
- la vitesse de décomposition et l?énergie libérée dépendent de l?état physico-chimique du produit
(cf.Figure 21) :
o la nitrocellulose à 14% densifiée (1 500 kg/m3) présente une vitesse de détonation de
l?ordre de 6000 m/s et une énergie de l?ordre de 6000 kJ/kg ;
o la nitrocellulose fibreuse peu dense (170 kg/m3) présente une vitesse de détonation de
l?ordre de 2000 m/s et une énergie de l?ordre de 3000 kJ/kg.
2 Omega 23 - Résistance des structures industrielles à l?impact de projectiles d?origine accidentelle | Ineris (mars 2018)
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Figure 21 : Vitesse de détonation en fonction de la nature et de la densité de la nitrocellulose3
Hypothèse n°1 : détonation d?une masse de nitrocellulose initialement en contact avec les
fragments projetés
Nous avons vu précédemment que les fragments de cuve projetés ont dû subir une impulsion de l?ordre
de 4 700 Pa.s. L?impulsion est définie comme étant l?intégrale de la surpression en fonction du temps.
En cas de détonation, en première approche, on peut donc calculer l?impulsion I à partir de la
surpression maximale engendrée par la détonation DPmax et de la durée de détonation tdétonation, à partir
de la relation suivante :
I=1/2 x DPmax x tdétonation
En cas de détonation, la surpression est supposée constante au sein de la nitrocellulose, et égale à la
surpression maximale théorique (Chapman-Jouguet).
La durée de la détonation peut se calculer à l?aide du rapport entre la dimension caractéristique de la
quantité de nitrocellulose réagissant et la vitesse de détonation.
En cas de détonation de nitrocellulose 14% densifiée (i.e. le produit fini), la pression de détonation
serait de 24 300 bar au sein de la nitrocellulose, et la vitesse de détonation de 6 000 m/s. Ainsi,
l?impulsion de 4 700 Pa.s peut être atteinte pour une masse de nitrocellulose supérieure à 80 g.
En cas de détonation de fibres de nitrocellulose peu denses, la pression de détonation serait de
1 530 bar au sein de la nitrocellulose, et la vitesse de détonation de 2 000 m/s. Ainsi, l?impulsion de
4 700 Pa.s peut être atteinte pour une masse de nitrocellulose supérieure à 1 300 g.
L?analyse de l?hypothèse n°1 montre que la détonation d?une quantité de nitrocellulose
relativement limitée (entre 80 et 1300 g) permettrait d?engendrer une impulsion suffisante pour
projeter des fragments de la cuve en contact avec la nitrocellulose aux distances observées.
3 OFFICE OF NAVAL RESEARCH ARLINGTON VA, « Detonation, Proceedings » (Symposium (International) on
Detonation, Pasadena, California, 1970), https://apps.dtic.mil/sti/citations/AD0751413.
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Hypothèse 2 : Scénario d?éclatement de la cuve à la suite d?une montée en pression due à une
explosion interne en fond de cuve
En raison du manque d?informations sur la cinétique de libération de l?énergie, nous n?avons pas pu
étudier l?influence de l?ouverture sur la pressurisation de la cuve en cas de réaction de la nitrocellulose
présente dans la cuve. De plus, en cas de réaction très rapide (type détonation), l?ouverture de la cuve
n?aurait pas d?influence sur la pressurisation de la cuve, car la détonation est un phénomène beaucoup
plus rapide que la rupture de la cuve. Le calcul a donc été réalisé en supposant la cuve fermée :
? En considérant une vitesse de dépressurisation du volume de gaz sous pression de l?ordre de
500 à 1 000 m/s (vitesse du son dans les gaz très chauds), la durée de dépressurisation
maximale (longueur de détente de l?ordre de 2 m) serait de l?ordre de 6 à 12 ms.
? En considérant une durée de dépressurisation moyenne de l?ordre de 10 ms, on calcule alors
une surpression interne dans la cuve de l?ordre de 2,8 à 9,5 bar engendrant l?impulsion cible de
1 400 à 4 700 Pa.s déduite des distances de projection observées.
? En assimilant le gaz contenu dans la cuve au moment de la rupture à de l?air (gamma = 1,4),
l?énergie de pression associée (13 à 47 MJ) correspondrait à une masse équivalente de TNT
de 2,8 à 10 kg (4).
? En cas de détonation de NC 14% densifiée (6 000 kJ/kg), une masse de l?ordre de 2,2 kg
serait suffisante.
? En cas de détonation de fibres de NC peu dense (3 000 kJ/kg), une masse de l?ordre de
4,4 kg serait suffisante.
Ainsi, l?analyse de l?hypothèse n°2 montre qu?en cas de montée en pression de la cuve à la suite
d?une détonation interne de nitrocellulose, la détonation de quelques kilogrammes de
nitrocellulose dans la cuve permettrait d?engendrer une impulsion suffisante pour projeter les
fragments de cuve aux distances observées.
Hypothèse 3 : Scénario d?éclatement à la suite d?une explosion interne dans l?espace entre les 2
parois de la cuve
En l?absence d?information sur la distance entre les 2 parois de la cuve, nous avons supposé un espace
de l?ordre de quelques cm (typiquement 5 cm), supposé clos :
? En considérant une vitesse de dépressurisation du volume de gaz sous pression de l?ordre de
500 à 1000 m/s (vitesse du son dans les gaz très chauds), la durée de dépressurisation
maximale (dimension caractéristique de l?ordre de 0,4m) serait de l?ordre de 2 ms.
? On calcule alors une surpression interne dans l?espace entre les parois de l?ordre de 14 à 47 bar
engendrant l?impulsion cible de 1 400 à 4 700 Pa.s.
? En assimilant le gaz contenu dans la cuve au moment de la rupture à de l?air (gamma = 1,4),
l?énergie de pression associée (1 à 3,7 MJ) correspond à une masse équivalente de TNT de
0,23 à 0,78 kg.
? En cas de détonation de NC 14% densifiée (6 000 kJ/kg), une masse de l?ordre de 0,180 kg
serait suffisante
? En cas de détonation de fibres de NC peu dense (3 000 kJ/kg), une masse de l?ordre de
0,360 kg serait suffisante
L?analyse de cette hypothèse montre que la détonation de quelques centaines de grammes de
nitrocellulose dans l?espace (supposé clos) entre les parois de la cuve permettrait d?engendrer
une impulsion suffisante pour projeter les fragments de paroi aux distances observées.
4 Energie de détonation du TNT de 4,69 MJ/kg.
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4.1.2.1.2 Analyse des dégâts liés aux effets de surpression observés sur le bâtiment
Dégâts observés sur la toiture du bâtiment :
La photographie en Figure 10 illustre les dégâts observés au niveau de la toiture du bâtiment au droit
de la cuve non raccordée.
La toiture du bâtiment se trouve à 8-10 m de hauteur ; le fond de cuve se trouve donc à 6-8 m des
bardages en toiture les plus proches.
La totalité des bardages a été arrachée au droit de la cuve, sur environ 10 m de part et d?autre de la
cuve, ce qui implique, d?après le retour d?expérience de l?Ineris, un niveau de surpression supérieur à
50-100 mbar sur cette zone. La mise en oeuvre de l?abaque de décroissance de la surpression en
fonction de l?éloignement en cas de détonation de TNT montre qu?une telle fourchette de surpression
correspondrait à la détonation d?une masse de TNT comprise entre 140 et 840 g. On en déduit alors, à
partir de l?énergie de détonation de la nitrocellulose, qu?une masse de fibres de NC supérieure à 200 g
à 1,3 kg, ou une masse de NC à 14% supérieure à 650 g, aurait pu produire un tel niveau de
surpression.
Au-delà de 60 m de la cuve, on constate que les bardages n?ont pas été endommagés, aussi le niveau
de surpression devait être inférieur à la trentaine de mbar au-delà de 60 m. On en déduit une masse de
TNT inférieure à 5,7 kg, une masse de fibres de NC inférieure à 9 kg, et une masse de NC à 14%
inférieure à 4,5 kg.
Dégâts observés sur la façade Sud :
La photographie en Figure 5 illustre les dégâts observés sur la façade Sud du bâtiment.
On constate la rupture des enfilades vitrées situées en partie haute de la façade jusqu?à environ 60 m
de la cuve, ce qui implique, d?après le retour d?expérience de l?Ineris, une surpression de l?ordre de 15
à 20 mbar à 60 m. On peut donc déduire de ces dégâts une masse de TNT comprise entre 1,8 et 2,5 kg,
une masse de fibres de NC comprise entre 2,8 et 3,9 kg, ou encore une masse de NC à 14% comprise
entre 1,4 à 2 kg.
On constate également que le mur de remplissage en briques creuses d?environ 7 cm d?épaisseur, situé
à 10 m au droit de la cuve, a résisté aux effets de surpression, ce qui implique, selon les méthodes
forfaitaires5 et les calculs menés par l?Ineris, un niveau de surpression inférieur à environ 150 mbar. On
en déduit alors une masse de TNT inférieure à 1 kg, une masse de fibres de NC inférieure à 1,6 kg, ou
encore une masse de NC à 14% inférieure à 0,8 kg
L?analyse des dégâts observés sur la toiture et la façade Sud du bâtiment montre que la
détonation de l?ordre du kilogramme de NC dans la cuve non raccordée permettrait d?engendrer
les dégâts de surpression observés.
4.1.2.2 Estimation de la quantité de nitrocellulose énergétique dans la canalisation PVC reliant les
tamiseurs à la cuve « eaux blanches » n°2
Les photographies en Figure 16 montrent que la canalisation en PVC de DN 200 a été entièrement
détruite (en miettes, pas de fragments retrouvés) sur une longueur de 30 m environ, ce qui laisse penser
que la nitrocellulose a dû détoner à l?intérieur de la canalisation.
5 Formalisation du savoir et des outils dans le domaine des risques majeurs (DRA-35) La résistance des
structures aux actions accidentelles ? Ineris DRA-2007-N° 46055/77288 en date du 10/01/2007.
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Pour une telle canalisation en PVC présentant un diamètre interne de 200 mm, et une épaisseur de
4 mm, la pression de rupture6 a été estimée à 17 bar (en considérant une contrainte limite du PVC de
40 MPa). Toutefois, la canalisation ayant été entièrement réduite en miettes, la surpression a sans doute
été supérieure.
Afin d?estimer la quantité minimale de produit qui aurait réagi dans la canalisation DN 200 en PVC, nous
avons considéré que la totalité du volume interne du tronçon de canalisation détruit7 (soit 0,9 m3) a été
pressurisé par les gaz de détonation sous 17 bar. L?énergie de pression associée s?élève alors à
5 340 kJ8.
En considérant une détonation du produit fini dans la canalisation, on calcule, à l?aide de l?énergie de
détonation de la nitrocellulose à 14% de 6 211 kJ/kg, qu?une masse de NC à 14% de 860 g serait
nécessaire pour libérer une telle énergie. En considérant une masse volumique de l?ordre de 1500kg/m3
pour le produit fini, on calcule qu?une telle quantité répartie uniformément sur les 30 m de longueur
représenterait une épaisseur de l?ordre de 1 mm.
En considérant la détonation des fibres de NC (peu dense), présentant une énergie de décomposition
de l?ordre de 3 000 kJ/kg, on calcule une masse de fibres de 1,780 kg. En considérant une masse
volumique de l?ordre de 170 kg/m3, une telle quantité répartie uniformément sur les 30 m de longueur
représenterait une épaisseur de fibres de l?ordre de 7 mm.
4.1.3 Estimation de la quantité de nitrocellulose énergétique dans la canalisation en
acier reliant la cuve « eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3
Les photographies en Figure 13 illustrent les dégâts constatés sur la canalisation en acier reliant la cuve
« eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3.
D?après les observations, un tronçon de canalisation DN 150 de 5 m de longueur a été totalement
détruit, vraisemblablement à la suite de la détonation d?un dépôt de nitrocellulose dans la canalisation.
Etant donné le diamètre interne (150 mm), l?épaisseur supposée de l?ordre de 2 mm et la contrainte de
ruine de l?acier Inox 304 L de l?ordre de 500 à 670 MPa, la pression de rupture de cette canalisation a
été estimée de l?ordre de 130 à 180 bar. Sa destruction implique donc que sur le tronçon détruit, la
surpression interne a dû être supérieure ou égale à 130 à 180 bar.
Le tronçon de canalisation de 5 m de long et 150 mm de diamètre interne présente un volume interne
de 0,09 m3 environ. En considérant que tout ce volume est pressurisé sous 180 bar (respectivement
130 bar) par des gaz de détonation (?=1,3), on calcule une énergie de pression 5 300 kJ
(respectivement 3 800 kJ). Une telle énergie peut être libérée par la détonation :
? d?une masse de 850 g (respectivement 620 g) de nitrocellulose à 14%, ce qui représenterait
une épaisseur de 3,5 mm (respectivement 2 mm) sur les 5 m de longueur en considérant le
fond de canalisation uniformément rempli (comme avec un liquide) ,
? d?une masse fibres de NC de 1,767 kg (respectivement 1,27 kg), ce qui représenterait une
épaisseur de fibres de 26 mm (respectivement 21 mm) sur les 5 m de longueur en considérant
le fond de canalisation uniformément rempli (comme avec un liquide).
6 Pression uniformément répartie sur les parois internes d?un cylindre creux d?épaisseur e et de rayon R :
P=?xe/R ? contrainte.
7 Canalisation présentant un diamètre interne de 200 mm, tronçon de 30 m de long.
8 Energie de pression = énergie de Brode = DP x V /(?-1) avec DP la surpression dans le tronçon de volume V,
et ? le rapport des chaleurs spécifiques des gaz de détonation, considéré égal à 1,3.
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4.1.4 Conclusion
L?analyse des projections des fragments de la cuve non raccordée a permis d?estimer la quantité de
nitrocellulose susceptible d?avoir détoné dans la cuve, en considérant trois hypothèses de modélisation
d?explosion interne. Les résultats de cette analyse montrent que, selon les hypothèses retenues, la
détonation d?une quantité de nitrocellulose allant d?une quantité relativement limitée à quelques
kilogrammes dans la cuve serait suffisante pour engendrer les effets de projection observés. L?analyse
des dégâts observés sur la toiture et la façade Sud du bâtiment montre que la détonation d?une masse
de nitrocellulose de l?ordre du kilogramme dans la cuve permettrait d?engendrer les dégâts de
surpression observés. Ainsi, les différentes analyses convergent vers une quantité de l?ordre de
1 kg de nitrocellulose ayant susceptible d?avoir réagi dans la cuve non raccordée.
L?analyse des dégâts observés sur la canalisation DN 200 en PVC en acier montre qu?une
quantité de nitrocellulose de l?ordre de 0,86 kg à 1,78 kg (selon la nature du produit : dense ou en
fibres peu denses) a dû réagir dans ces tronçons de canalisation.
Enfin l?analyse des dégâts observés sur le tronçon de la canalisation DN 150 en acier montre
qu?une quantité de nitrocellulose de l?ordre de 0,62 kg à 1,76 kg (selon la nature du produit : dense
ou en fibres peu denses) a dû réagir dans ce tronçon de canalisation.
4.2 Question N°2 du BEA-RI - Etude de la sensibilité de la nitrocellulose
énergétique
La seconde question posée par le BEA-RI concerne la définition de la sensibilité de la nitrocellulose
énergétique au choc, à la friction et à la température par des essais ou via la bibliographie, en fonction
du mode de séchage, notamment au vu des conditions météo ayant précédé l?accident.
Dans un premier temps, l?Ineris s?est attaché à étudier la sensibilité aux stimuli mécaniques et la stabilité
thermique d?échantillons prélevés le 17 août. Puis les résultats ont été comparés aux données de la
littérature. Enfin, un état de l?art de l?effet du séchage de la NC a été effectué et sera mis en parallèle
des conditions météorologiques et d?opération du bâtiment.
4.2.1 Sensibilité aux stimuli mécaniques et stabilité thermique des résidus prélevés
Lors de l?enquête, des résidus fibreux ou solides ont été observés dans la partie inférieure de la paroi
intérieure de plusieurs canalisations tubulaires démontées ou endommagées, en partie extérieure de
jonctions de canalisations et sur des brides démontées ou endommagées.
En particulier, la canalisation des « eaux blanches filtrées » contenait un tapis d?épaisseur estimée entre
0,5 mm et 1 cm de fibres blanches mais grises en surface.
Des prélèvements ont alors été effectués pour connaître la nature de ces fibres et leur sensibilité de
manière comparée à la NC connue en tant que produit fini.
Les 3 premiers prélèvements ont été réalisés à l?étage sous le tamiseur tels qu?illustrés sur la Figure 22.
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Figure 22 : Emplacement des prélèvements 1, 2 et 3
Figure 23 : Photo après prélèvement (1)
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Figure 24 : Photo après prélèvement (2)
Figure 25 : Photo avant et après prélèvement (3)
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Le prélèvement 4 a lieu sur la face interne d?un ensemble de canalisation démonté avant l?incident et
sans traces apparentes de combustion.
Figure 26 : Emplacement du prélèvement 4
Les 4 échantillons ont été soumis à une analyse calorimétrique par DSC, et aux tests de sensibilité à
l?impact et à la friction selon les moyens d?essai définis par le Manuel ONU d?épreuves et critères. Les
rapports sont présentés en Annexe 2 à 6.
Dans le cadre des tests de sensibilité à l?impact et à la friction, les échantillons testés ont été placés à
40 °C pendant 1h avant essai, pour reproduire les conditions environnementales lors de l?accident et
éviter de tester des échantillons réhumidifiés par les pompiers et l?environnement de stockage à l?Ineris.
prélèvement Energie de
décomposition
Energie minimale de
réaction à l?impact
Energie minimale de
réaction à la friction
1 3 600 J/g Non testé Non testé
2 3 410 J/g Non testé Non testé
3 2 240 J/g 3 J 324 N
4 2 980 J/g 4 J 360 N
La littérature confirme que les valeurs mesurées d?énergie de décomposition correspondent à
de la NC à haute nitration (>12,5 %, type ?coton-poudre?).
On observe que l?échantillon de NC prélevé à l?intérieur du tube PVC a une énergie notablement plus
faible : 1 seul essai de DSC à 3 mg a été réalisé sur une masse de prélèvement de l?ordre du gramme
non homogène. La représentativité est questionnable.
Il est également possible que la densité apparente ait une influence comme le cas de l?énergie
d?explosion mesurable en bombe calorimétrique.
La littérature confirme que les valeurs mesurées de sensibilité correspondent à de la NC : très
faible sensibilité à l?épreuve de friction (autour de 350 N), sensibilité notable à l?impact (3 J).
De même il est logique que la NC dense du tube démonté (Prélèvement 4) soit moins sensible au
frottement que la NC fibreuse qui est moins dense, située à l?intérieur du tube PVC (Prélèvement 3).
La faible sensibilité à la friction de la NC n?est qu?apparente : comme la cellulose, la
nitrocellulose peut produire en son sein ou avec d?autres matériaux des décharges
électrostatiques (triboélectricité) pouvant aboutir à son initiation, tout particulièrement sur de la
NC déstabilisée et/ou sèche.
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Etant une fibre, la génération de charge par friction est facilitée (augmentation de la surface). Bien que
neutre sur l?échelle de la triboélectricité, le coton peut produire des décharges électrostatiques par
frottement avec lui-même : la probabilité est réduite en présence d?humidité. La NC est connue pour
avoir une meilleure capacité à générer des charges et donc des décharges électrostatiques, car elle est
employée dans des dispositifs de nano génération d?électricité9. De plus, la sensibilité de la NC varie
énormément de 0.061 J en non confiné à 3.1 J en confiné et densifié10. A titre de comparaison, les gaz
inflammables s?enflamment généralement entre 0.001 J et 0.050 J et les poussières non fines
s?enflamment autour de 0.1 J.
La sensibilité des résidus est telle qu?attendue en comparaison avec la NC en tant que produit fini.
A titre de comparaison, 3 Joules de sensibilité à l?impact correspondent à un projectile de 60 g à 10 m/s,
ou à une masse de 200 g qui tombe de 1,5 m ; c?est une valeur faible, très facilement atteignable avec
un marteau manuellement.
4.2.2 Impact du séchage de la NC sur sa stabilité et sensibilité
Un état de l?art a été réalisé pour lister les paramètres influant significativement sur la sensibilité de la
NC et étant pertinent dans le cadre cet accident.
Toutes traces d?acides dans l?eau, notamment provenant d?acide nitrique libre au sein des fibres
de NC déstabilisent la NC.
Pour rappel, à cette étape du raffinage la présence d?acide libre dans les fibres demeure, tant que
l?étape suivante de cuisson n?est pas réalisée : ce qui peut provoquer des inflammations spontanées à
causes d?échauffement locaux par auto décomposition (hydrolyse par l?acide libre des groupes nitro qui
conduit à libération d?acide nitrique hydrolysant d?autre groupe nitro, le tout produisant de la chaleur).
De plus, il est connu que l?humidification par l?eau a un impact sur la stabilité de la NC après
séchage en réduisant l?énergie nécessaire à une décomposition de manière autoentretenue. Selon les
essais réalisés par Katoh et al.11, la température de décomposition de la NC sèche est de 150 °C, alors
que pour la NC mouillée à 2-2.5 % en masse d?eau, cette température de décomposition baisse de
45 °C à 105 °C. De même certains minéraux présents dans les eaux de ville stabilisent ou déstabilisent
la NC après séchage. Pour Guo et al.12, la température de décomposition auto-accélérée (SADT,
calculée) de produit fini comportant une majorité de NC passe de 117 °C sèche à 100 °C humidifiée
avec de l?eau.
9 Hao-Yang Mi et al., « High-Performance Flexible Triboelectric Nanogenerator Based on Porous Aerogels and
Electrospun Nanofibers for Energy Harvesting and Sensitive Self-Powered Sensing », Nano Energy 48 (1 juin
2018): 327?36, https://doi.org/10.1016/j.nanoen.2018.03.050; Hisham Mattar et al., « Nitrocellulose: Structure,
Synthesis, Characterization, and Applications », no 3 (2020).
10 Thomas H. Pratt, Electrostatic Ignitions of Fires and Explosions (John Wiley & Sons, 2010); D.C. Agouridis, T.M.
Gayle, et W.H. Griest, « Development of the Prototype Munitions Case Moisture Meter, Model ORNL-1. Final
Report », 24 février 1993, https://doi.org/10.2172/10173144; Basil T. and Sheffield Oliver E. Fedoroff,
Encyclopedia of Explosives and Related Items Patr 2700 Volume 4 (Picatinny Arsenal, 1969), 4; Thomas M.
Klapötke, Energetic Materials Encyclopedia, Energetic Materials Encyclopedia (De Gruyter, 2018),
https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/9783110442922/html.
11 Katsumi Katoh et al., « Thermal Behavior of Nitrocellulose with Inorganic Salts and Their Mechanistic Action »,
Propellants, Explosives, Pyrotechnics 35, no 5 (2010): 461?67, https://doi.org/10.1002/prep.200900074; Katsumi
Katoh et al., « Effect of Industrial Water Components on Thermal Stability of Nitrocellulose », Journal of Thermal
Analysis and Calorimetry 99, no 1 (1 janvier 2010): 159?64, https://doi.org/10.1007/s10973-009-0492-7; Katsumi
Katoh et al., « Influence of Water on the Thermal Stability of Nitrocellulose », s. d., 6.
12 Song Guo et al., « Study on the Influence of Moisture Content on Thermal Stability of Propellant », Journal of
Hazardous Materials 168, no 1 (30 août 2009): 536?41, https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2009.02.073.
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La stabilité thermique de la NC est également aggravée avec le temps de séchage. En effet, pour
Chai et al.13 qui ont étudié la variation du temps de séchage et du pourcentage d?eau dans la NC de
départ, plus le séchage est lent plus la température de décomposition auto-accélérée (SADT, calculée)
diminue, jusqu?à descendre à 43.5 °C pour 45 h de séchage à 60 °C. De même ils démontrent que la
répétition de cycle d?humidification/séchage réduit cette température de décomposition auto-accélérée
(SADT, calculée). Dans l?étude de l?influence des différents liquides employés pour stabiliser la NC en
stockage, Wei et al.14 concluent que l?eau, l?isopropanol et l?éthanol abaissent l?énergie nécessaire à
une décomposition de manière autoentretenue de la NC après séchage et recommandent de ne pas
dépasser les températures suivantes pour du stockage :
NC seule NC + eau NC + éthanol NC + isopropanol
54,5 °C 45,1 °C 47,2 °C 50,4 °C
Il est important de noter que toutes les études sur la NC sont réalisées sur des produits finis, et que
l?accident étudié ici concerne des résidus de fabrication. Néanmoins les prélèvements ont pu prouver
un comportement de ces résidus identique à la NC sous de forme produit fini. Ces études sont donc
tout à fait applicables à ces résidus.
Comme il s?agit de résidus de NC post nitration ayant une réactivité semblable à de la NC à haute
nitration, les résidus de NC restant après arrêt de la production ont subi un séchage depuis l?eau avec
présence d?acide nitrique.
Du fait des conditions météorologiques où des températures de 38 °C ont été relevées par Météofrance
le 3 août 2023 à 16 h 00 et de l?arrêt de la production à cet endroit depuis le 25 juin 2023, les résidus
de NC présents dans les canalisations ont subi :
- un séchage lent de plusieurs jours,
- potentiellement des cycles de séchage/humidification.
Au moment de l?accident, les résidus de NC sont donc sensibles à une initiation d?origine
mécanique, ou d?origine thermique pouvant résulter d?un échauffement local.
Il est également connu que la température de décomposition auto-accélérée diminue avec la quantité
de produit (effet confinant).
Les résidus présents en grande quantité, notamment dans la canalisation des « eaux blanches
filtrées », sont donc plus vulnérables que les autres à une initiation d?origine thermique.
Un confinement modéré de la NC suffit après inflammation à provoquer une décomposition. Le
confinement des gaz de réaction issus de la décomposition de la NC accélère la décomposition de la
NC jusqu?à dépasser un simple régime de combustion et atteindre une déflagration voire une détonation,
générant alors des ondes de chocs.
Les résidus présents dans des canalisations, notamment en métal pour lesquels la résistance à
la pression est plus importante comparé au canalisation PVC et favorisant le confinement, sont
donc plus susceptibles d?entrer dans des régimes de décompositions engendrant les effets les
plus destructeurs (déflagration et détonation).
13 Hua Chai et al., « Experimental Study on the Effect of Storage Conditions on Thermal Stability of
Nitrocellulose », Applied Thermal Engineering 180 (5 novembre 2020): 115871,
https://doi.org/10.1016/j.applthermaleng.2020.115871.
14 Wei, Rui Chao, Shen Shi Huang, Zhi Wang, Yu He, Richard Yuen, et Jian Wang. « Estimation on the Safe
Storage Temperature of Nitrocellulose with Different Humectants ». Propellants, Explosives, Pyrotechnics 43,
no 11 (2018): 1122-28. https://doi.org/10.1002/prep.201800149.
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Nous n?avons pas pu déterminer l?influence de la taille des fibres de NC, ni l?influence du vieillissement
de la NC en eau dans les conditions de production sur la stabilité de la NC. Néanmoins, un début de
réponse peut être apporté en comparant la température de début de décomposition de la NC dans la
littérature à celle des résidus étudiés ici : on observe une baisse d?environ 10 °C par rapport à la valeur
moyenne de 165 °C relevée dans la littérature sur des essais comparables.
Malgré l?absence de données sur la totalité des propriétés physico-chimique des résidus de NC, les
paramètres étudiés précédemment sont les plus impactants. En l?occurrence, ici leur influence va dans
le même sens d?une déstabilisation de la NC.
4.3 Etude du contact de la nitrocellulose énergétique avec d?autres produits :
butanol fort, produits cuivré graisseux
4.3.1 Question N°3 du BEA-RI
La troisième question posée par le BEA-RI concerne le contact de nitrocellulose énergétique avec du
butanol fort (inscription présente sur la cuve eaux blanches nouvellement installée) et sa capacité à
conduire à une réaction exothermique ;
La NC est stabilisée dans les alcools. Il est même recommandé de stocker la NC en eau ou en alcool.
Le Butan-2-ol, le n-btanol et l?isobutanol ont été étudiés comme solvant dans les années 30-40 dans les
processus de mise en forme de la NC en laques, sans remarques sur une quelconque incompatibilité.
Il n?y a donc pas d?incompatibilité chimique connue entre la NC et le butanol pouvant conduire à une
réaction exothermique.
4.3.2 Question N°4 du BEA-RI
La quatrième question posée par le BEA-RI concerne le contact de nitrocellulose énergétique avec le
produit cuivré graisseux retrouvé sur site et sa capacité à conduire à une réaction exothermique.
En l?absence de connaissance sur la composition chimique exacte et dans l?incapacité de réaliser une
étude expérimentale de la stabilité du mélange, l?Ineris a effectué des recherches en se basant sur des
graisses cuivrées similaires : la présence de particules métalliques peut abaisser la stabilité thermique
de la NC, néanmoins aucune incompatibilité chimique pouvant induire un échauffement de la NC
notable n?est connue dans une échelle de temps de l?ordre de l?heure ou quelques jours.
Manuco a produit une étude de stabilité dans un rapport daté du 18/08/2022. Ainsi nous confirmons
qu?une graisse cuivrée, la rouille ou un joint n?a pas d?influence significative à court terme sur de la NC.
En revanche, nous émettons une réserve sur la méthodologie employée : les essais réalisés ne sont
pas représentatifs d?un effet sur plusieurs mois et années, et la ou les techniques de mesure de l?effet
du vieillissement ne sont pas décrites (pesée, analyse spectrométrie IR? ?).
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Page 31 sur 54
5 Conclusion
A la demande du BEA-RI, l?Ineris a répondu à 4 questions en appui à l?analyse de l?accident survenu
dans un atelier de production de nitrocellulose sur le site de Manuco à Bergerac, le 07 aout 2022.
Ces questions portaient sur :
? Estimation des niveaux de surpression, de la masse équivalente de TNT et de la quantité de
nitrocellulose énergétique nécessaire au regard des dégâts visuels constatés sur le plan
bâtimentaire, en intégrant les effets missiles des projectiles retrouvés aux abords du bâtiment ;
? Définir la sensibilité de la nitrocellulose énergétique au choc, à la friction et à la température
par des essais ou via la bibliographie, en fonction du mode de séchage, notamment au vu des
conditions météo ayant précédé l?accident ;
? Déterminer si le contact de nitrocellulose énergétique avec du butanol fort (inscription présente
sur la cuve eaux blanches nouvellement installée) peut conduire à une réaction exothermique ;
? Déterminer si le contact de nitrocellulose énergétique avec le produit cuivré graisseux retrouvé
sur site peut conduire à une réaction exothermique.
L?Ineris a estimé la quantité de nitrocellulose énergétique susceptible d?avoir réagi à différents endroits
du process sur la base des différents dégâts observés sur le bâtiment et sur les équipements du
process. A la demande du BEA-RI, l?Ineris s?est concentré sur la canalisation DN150 en acier reliant la
cuve « eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3, sur la canalisation en PVC DN200 reliant les tamiseurs
à la cuve « eaux blanches » n°2 et sur la cuve non raccordée. Les différentes analyses menées
semblent indiquer qu?une quantité de nitrocellulose de l?ordre de quelques 0,6 à 1,8 kg (selon la nature
du produit : dense ou en fibres peu denses) aurait pu réagir dans les tronçons de canalisation DN150
en acier et DN200 en PVC. Une quantité de nitrocellulose de l?ordre de 1 kg serait susceptible d?avoir
réagi dans la cuve non raccordée.
L?Ineris a estimé que les résidus fibreux dans et sur les différentes canalisations sont bel et bien de la
nitrocellulose, possédant la même sensibilité et réactivité que la nitrocellulose connue et étudiée sous
forme de produit fini. Ces résidus sont sensibles aux sollicitations mécaniques, notamment impact, et à
l?échauffement. L?aspect fibreux de la nitrocellulose, tel qu?observé dans certaines canalisations,
accentue le risque de décharge électrostatique et d?échauffement local. Une fois la nitrocellulose
localement initiée, le confinement en canalisation permet une propagation rapide. De même, ce
confinement accentue les effets, vers des explosions plus destructrices et génératrices de fragments à
plus hautes énergies, ce qui accroît le risque d?effets dominos.
Plusieurs études scientifiques montrent que des températures dans la plage de 43-45°C peuvent
théoriquement suffire pour initier une combustion de nitrocellulose de manière auto entretenue, si cette
dernière est lentement séchée depuis l?eau : on peut donc en conclure que, avec les températures
caniculaires et du fait de quantités non négligeables de nitrocellulose relevées dans des réseaux d?eaux
filtrées, l?opération de maintenance s?est déroulée en présence de nitrocelluloses fortement
déstabilisées.
Il n?existe pas d?incompatibilité chimique avec les éléments en contact - à savoir le butanol et la graisse
cuivrée - avec la nitrocellulose au moment de la maintenance pouvant expliquer à elle seule la réaction
observée à l?endroit de l?intervention.
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6 Annexes
Liste des annexes :
- Annexe 1 : Sollicitation du BEA-RI en date du 24 septembre 2022 ? 1 page ;
- Annexe 2 : Fiche d?essais à l?épreuve de frottement : prélèvement 3 ? 2 pages ;
- Annexe 3 : Fiche d?essais à l?épreuve d?impact : prélèvement 3 ? 2 pages ;
- Annexe 4 : Fiche d?essais à l?épreuve de frottement : prélèvement 4 ? 2 pages ;
- Annexe 5 : Fiche d?essais à l?épreuve d?impact : prélèvement 4 ? 2 pages ;
- Annexe 6 : Compte rendu d'essais DSC ? 5 pages.
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Page 33 sur 54
7 Références
Agouridis, D.C., T.M. Gayle, et W.H. Griest. « Development of the Prototype Munitions Case Moisture
Meter, Model ORNL-1. Final Report », 24 février 1993. https://doi.org/10.2172/10173144.
Chai, Hua, Qiangling Duan, Huiqi Cao, Mi Li, Kaixuan Qi, Jinhua Sun, et Xiaoli Yang. « Experimental
Study on the Effect of Storage Conditions on Thermal Stability of Nitrocellulose ». Applied
Thermal Engineering 180 (5 novembre 2020): 115871.
https://doi.org/10.1016/j.applthermaleng.2020.115871.
Guo, Song, Qingsong Wang, Jinhua Sun, Xin Liao, et Ze-shan Wang. « Study on the Influence of
Moisture Content on Thermal Stability of Propellant ». Journal of Hazardous Materials 168, no
1 (30 août 2009): 536?41. https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2009.02.073.
Katoh, Katsumi, Eiko Higashi, Katsuyuki Nakano, Shunsuke Ito, Yusuke Wada, Junichi Kasamatsu,
Hiroshi Miya, Masaaki Yamamoto, et Yuji Wada. « Thermal Behavior of Nitrocellulose with
Inorganic Salts and Their Mechanistic Action ». Propellants, Explosives, Pyrotechnics 35, no 5
(2010): 461?67. https://doi.org/10.1002/prep.200900074.
Katoh, Katsumi, Shunsuke Ito, Yuji Ogata, Jun-ichi Kasamatsu, Hiroshi Miya, Masaaki Yamamoto, et
Yuji Wada. « Effect of Industrial Water Components on Thermal Stability of Nitrocellulose ».
Journal of Thermal Analysis and Calorimetry 99, no 1 (1 janvier 2010): 159?64.
https://doi.org/10.1007/s10973-009-0492-7.
Katoh, Katsumi, Tsutomu Soramoto, Eiko Higashi, Shuhei Kawaguchi, Kosuke Kumagae, Shunsuke Ito,
Yuji Wada, Katsuyuki Nakano, et Mitsuru Arai. « Influence of Water on the Thermal Stability of
Nitrocellulose », s. d., 6.
Klapötke, Thomas M. Energetic Materials Encyclopedia. Energetic Materials Encyclopedia. De Gruyter,
2018. https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/9783110442922/html.
Mattar, Hisham, Zahraa Baz, Ahmed Saleh, Ahmed S A Shalaby, Ahmed Elsayed Azzazy, Hesham
Salah, et Ibrahim Ismail. « Nitrocellulose: Structure, Synthesis, Characterization, and
Applications », no 3 (2020).
Mi, Hao-Yang, Xin Jing, Qifeng Zheng, Liming Fang, Han-Xiong Huang, Lih-Sheng Turng, et Shaoqin
Gong. « High-Performance Flexible Triboelectric Nanogenerator Based on Porous Aerogels
and Electrospun Nanofibers for Energy Harvesting and Sensitive Self-Powered Sensing ».
Nano Energy 48 (1 juin 2018): 327?36. https://doi.org/10.1016/j.nanoen.2018.03.050.
OFFICE OF NAVAL RESEARCH ARLINGTON VA. « Detonation, Proceedings ». Pasadena, California,
1970. https://apps.dtic.mil/sti/citations/AD0751413.
Oliver E. Fedoroff, Basil T. and Sheffield. Encyclopedia of Explosives and Related Items Patr 2700
Volume 4. Picatinny Arsenal, 1969.
Pratt, Thomas H. Electrostatic Ignitions of Fires and Explosions. John Wiley & Sons, 2010.
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Annexe 1
Sollicitation du BEA-RI en date du 22 septembre 2022
1 page
Inspection générale de l?environnement
et du développement durable
Bureau d?Enquêtes et d?Analyses
sur les risques industriels
Mél : bea-ri@developpement-durable.gouv.fr
Tour Sequoia
1, place Carpeaux - La Défense
92055 LA DÉFENSE CEDEX
https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/le-bureau-d-enquetes-et-d-analyses-sur-les-risques-a3081.html
,
·
·
·
·
.
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Annexe 2
Fiche d?essais à l?épreuve de frottement : prélèvement 3
2 pages
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Annexe 3
Fiche d?essais à l?épreuve d?impact : prélèvement 3
2 pages
Ineris - 209316 - 2769588 - v3.0
Annexe 4
Fiche d?essais à l?épreuve de frottement : prélèvement 4
2 pages
Ineris - 209316 - 2769588 - v3.0
Annexe 5
Fiche d?essais à l?épreuve d?impact : prélèvement 4
2 pages
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Annexe 6
Compte rendu d'essais DSC
5 pages
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 1 | 5
Nom du RA N. APCHIN Client SANOFI
Date de renseignement de la fiche 12/10/2022 Demande de travail faite par le RA Oui Non
Code Prestation 209316 Contribution Labo 209316
Fiche de sécurité (FDS) disponible Oui Non Remarques :
Rédacteur / Opérateur : Peggy GRUEZ
Nature des Produits
N° d?échantillon
(Léopard)
Quantité ou volume
(g ou ml)
Famille de produit ou
remarques
Résidu de nitrocellulose 1 ? Tube démonté 22A1E002-1 3 mg Explosif
Résidu de nitrocellulose 2 ? Tube PVC 22A1E002-2 3 mg Explosif
Résidu de nitrocellulose 3 ? Résidu tube
accident n°1
22A1E002-3 3 mg Explosif
Résidu de nitrocellulose 4 ? Résidu tube
accident n°2
22A1E002-4 3 mg Explosif
Essai n° : Nom du produit Masse d?échantillon (mg) Condition de chauffe
DSC-4903 Tube démonté 2,2 De 30 à 400°C à 5°C/min
DSC-4904 Tube PVC 2,9 De 30 à 400°C à 5°C/min
DSC-4905 Tube accident n°1 2,4 De 30 à 400°C à 5°C/min
DSC-4906 Tube accident n°2 2,7 De 30 à 400°C à 5°C/min
DSC 131 EVO :
Creusets utilisés : Inox fermé Inox ouvert Autre
Gaz utilisé : Azote Air Autre
Rampe de chauffe : 5°C/min Autre
Température maximale : 400°C 500°C Autre
Balance utilisée n° :M-AE-0019
Description de l?équipement
Le calorimètre 131 Evo
Le calorimètre DSC (Differential Scanning Calorimeter) mesure la différence de flux thermique dégagé entre
un échantillon et une référence, lorsqu'ils sont placés dans un four et soumis à une loi de chauffe linéaire de
la température ambiante à 400°C. Les résultats sont présentés sous forme de courbes appelée thermogramme.
La température du four (en °C) est en abscisse et le flux de chaleur (en mW) en ordonnée. Un événement
thermique tel qu'une transition de phase, un changement de chaleur spécifique, une réaction ou une
décomposition chimique, se traduit par un pic sur le signal de l'acquisition de données (Figure 2). Ce pic peut
être au-dessus ou au-dessous de la ligne de base traduisant respectivement une exothermie ou une endothermie.
L'amplitude de ce pic correspond à la puissance thermique libérée et sa surface représente l'énergie associée.
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 2 | 5
De cette façon, on peut :
- Mettre facilement en évidence tous phénomènes endothermiques ou exothermiques,
- Déterminer les températures auxquelles ont lieu ces phénomènes,
- Déterminer l'énergie associée à l?évènement thermique en intégrant la surface du pic.
Figure 1 : Schéma et cliché photographique du calorimètre à balayage différentiel DSC 131 EVO.
Figure 2 : Exemple de thermogramme obtenu en DSC.
Mode opératoire
L?échantillon à analyser a été introduit dans un creuset d?un volume de 30 µL. Le creuset a ensuite été placé
dans un four et soumis à une chauffe de 5°C/min de la température ambiante jusqu?à 400°C.
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 3 | 5
Courbes et Interprétations
DSC-4903
L?essai est réalisé avec 2,2 mg de résidu de nitrocellulose issu du tube démonté introduit dans un creuset inox
F30 fermé sous air de l?ambiante à 400°C avec une rampe de chauffe de 5°C/min.
Figure 3 : Thermogramme de l?essai sur le résidu de nitrocellulose issu du tube démonté.
DSC-4904
L?essai est réalisé avec 2,9 mg de résidu de nitrocellulose issu du tube PVC introduit dans un creuset inox F30
fermé sous air de l?ambiante à 400°C avec une rampe de chauffe de 5°C/min.
Figure 4 : Thermogramme de l?essai sur le résidu de nitrocellulose issu du tube PVC.
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 4 | 5
DSC-4905
L?essai est réalisé avec 2,4 mg de résidu de nitrocellulose issu du tube accident n°1 introduit dans un creuset
inox F30 fermé sous air de l?ambiante à 400°C avec une rampe de chauffe de 5°C/min.
Figure 5 : Thermogramme de l?essai sur le résidu de nitrocellulose issu du tube accident n°1.
DSC-4906
L?essai est réalisé avec 2,7 mg de résidu de nitrocellulose issu du tube accident n°2 introduit dans un creuset
inox F30 fermé sous air de l?ambiante à 400°C avec une rampe de chauffe de 5°C/min.
Figure 6 : Thermogramme de l?essai sur le résidu de nitrocellulose issu du tube accident n°2.
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 5 | 5
Essai
Masse initiale
(mg)
Plage de
température (°C)
Energie
dégagée (J/g) *
Observations
DSC-4903 2,2 156,0/208,2 2982 ± 142
On observe une exothermie initiée vers
156°C et finissant vers 208°C avec une
enthalpie totale de l?ordre de -2982 J/g.
DSC-4904 2,9 155,8/214,7 2260 ± 80
On observe une exothermie initiée vers
156°C et finissant vers 215°C avec une
enthalpie totale de l?ordre de -2260 J/g.
DSC-4905 2,4 152,9/208,4 3560 ± 155
On observe une exothermie initiée vers
153°C et finissant vers 208°C avec une
enthalpie totale de l?ordre de -3560 J/g.
DSC-4906 2,7 157,0/206,5 3420 ±132
On observe une exothermie initiée vers
157°C et finissant vers 207°C avec une
enthalpie totale de l?ordre de -3420 J/g.
Tableau 1 : Résultats des essais en DSC.
* L?incertitude de la mesure est liée à la précision de la pesée ± 0,1 mg.
En défaut d?air, on admet qu?une réaction thermique commence à devenir conséquente, en termes d?énergie
libérée, à partir de -300 J/g.
Ces observations permettent d?admettre une réaction conséquente, en termes d?énergie libérée, des produits à
partir d?environ 155°C.
Institut national de l?environnement industriel et des risques
Parc technologique Alata ? BP 2 ? F-60550 Verneuil-en-Halatte
03 44 55 66 77 ? ineris@ineris.fr ? www.ineris.fr
P a g e 34 | 34
Bureau d?enquêtes et d?Analyses
sur les Risques Industriels
MTE / IGEDD / BEA-RI
Tour Séquoïa
92055 La Défense Cedex
+33 1 40 81 21 22
bea-ri.igedd@developpement-durable.gouv.fr
https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/bea-ri-r549.html
(ATTENTION: OPTION 50 reliant la cuve « eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3
Rupture de la canalisation
DN150 reliant la cuve « eaux
blanches » n°1 à
l?épaississeur 3
Façade Nord
Endommagement des tamiseurs
et canalisations acier, PVC
associées
Endommagement du bac
de récupération n°2 et
rupture de la canalisation
reliant ce bac aux
tamiseurs
Rupture sur tout le long de la canalisation
PVC reliant les tamiseurs à la cuve « eaux
blanches » n°2
Déformation / rupture de la cuve
non raccordée
Nombreuses perforations et
déformation du décanteur
Rupture de la canalisation entre la cuve
« eaux blanches » n°2 et le décanteur
Perforation de la paroi avant du container
Et déformation / gonflement des parois du container
pouvant être dû soit à des effets de surpression
interne ou à l?effet de l?incendie interne
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Figure 14 : Endommagement des battants et rupture de la vitre du bac de récupération 2 et rupture de
la canalisation reliant ce bac aux tamiseurs
Figure 15 : Endommagement des tamiseurs et des canalisations acier, PVC associées
Figure 16 : Rupture sur tout le long de la canalisations PVC reliant les tamiseurs à la cuve « eaux
blanches » n°2
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Figure 17 : Rupture de la tuyauterie entre la cuve « eaux blanches » n°2 et le décanteur et perforation
de celle-ci (à gauche) et déformation et nombreuses perforations du décanteur (à droite)
Figure 18 : Dommages subis par la cuve non raccordée
Figure 19 : Dommages subis par le container
De l?analyse qualitative de l?ensemble de ces principaux dommages sur les équipements du process et
sur le bâtiment, il est possible d?identifier 6 lieux de décharges potentiels d?explosion sur le process.
Ceux-ci sont présentés sur la figure ci-après. Il est à noter que le container de 20 pieds, situé au Sud-
Est du bâtiment, pourrait être un autre lieu de décharge d?explosion. Toutefois le gonflement observé
de ces parois pourrait également être la conséquence d?un incendie interne.
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Figure 20 : Lieux potentiels de décharge d?explosion ? Bâtiment ? partie Est vue du dessus
4.1.2 Estimation de la quantité de nitrocellulose énergétique probable mise en jeu à
différents endroits du process
L?Ineris a estimé la quantité de nitrocellulose énergétique probable ayant réagi à différents endroits du
process. L?étude de l?Ineris s?est focalisée en accord avec le BEA-RI sur les parties suivantes :
- la cuve non raccordée ;
- la canalisation en PVC reliant les tamiseurs à la cuve « eaux blanches » n°2 ;
- la canalisation en acier reliant la cuve « eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3.
Pour ce faire, l?Ineris a dans un premier temps estimé au regard des différents dégâts sur le bâtiment
et sur les équipements du process les niveaux de surpression susceptibles d?avoir été engendrés par
les décharges d?explosion. L?Ineris a également complété cette analyse par l?évaluation des effets
missiles des projectiles retrouvés dans ou aux abords du bâtiment.
4.1.2.1 Estimation de la quantité de nitrocellulose énergétique probable au niveau de la cuve non
raccordée
D?après les informations transmises par Manuco, la cuve est une cuve métallique à double paroi de
dimensions approximatives 3,90 m x 3 m par 1,60 m de haut posée sur un support métallique à 2,20 m
du sol.
L?analyse des dégâts montre que la cuve a subi une forte explosion interne, comme l?illustre la Figure
18. En l?absence de plan de la cuve et de données mécaniques associées, les dégâts observés sur la
cuve sont difficilement exploitables afin d?en déduire le niveau de surpression interne atteint lors de
l?explosion. Aussi l?Ineris a tenté d?estimer ce niveau de surpression interne à une quantité de produits
ayant réagi, à partir des dégâts constatés sur le bâtiment ou les équipements situés à proximité de la
cuve, que l?on suppose donc être produits par l?explosion de la cuve.
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4.1.2.1.1 Analyse des projections des fragments de la cuve
Les photographies en Figure 6, Figure 7, Figure 8 et Figure 17 illustrent les dégâts engendrés par la
projection de fragments, provenant vraisemblablement de la cuve, située à proximité.
Des fragments ont perforé le décanteur et la canalisation entre le décanteur et la cuve « eaux blanches »
n°2. Les calculs basés sur le modèle d?impact semi-empirique IMFRA2 montrent que :
- pour qu?un fragment de 2 à 4 cm de côté perfore la paroi en inox du décanteur, sa vitesse
d?impact doit être de l?ordre de 140 à 170 m/s ;
- pour qu?un fragment de 1,5 cm de côté perfore la canalisation reliant le décanteur et la cuve
« eaux blanches » n°2 (de 2 à 3,5 mm), sa vitesse d?impact doit être de l?ordre de 140 à 230 m/s.
D?autres fragments ont été retrouvés à l?extérieur du bâtiment à une distance de 30 m au droit de cuve
et pouvant aller jusque 60 m. Parmi eux, certains ont traversé le mur en briques situé à 10 m, d?autres
ont sans doute été projetés vers le haut et traversé la toiture.
En supposant que le fragment d?environ 1 kg (dimensions approximatives de 50 cm de long, 10 cm de
large) et 3 mm d?acier (épaisseur de la cuve non raccordée) retrouvé à 30 m au droit du mur en brique
a traversé le mur, on détermine que sa vitesse d?impact a dû être au moins de 200 m/s (vitesse
nécessaire pour traverser le mur en brique). Pour pouvoir ensuite être projeté à la distance de 30 m, sa
vitesse initiale devait être supérieure ou égale à 204 m/s, ce qui correspond à une énergie cinétique
initiale de l?ordre de 20 800 J.
En supposant que le fragment de l?ordre de 20 cm sur 20 cm (fragment en acier de 1 kg environ)
retrouvé à 60 m de la cuve, a traversé la toiture, on calcule, en considérant un angle d?éjection par
rapport à l?horizontale de 30 à 60°, une vitesse initiale de 60 à 120 m/s nécessaire pour atteindre la
distance de projection de 60 m.
Ainsi, l?analyse des dégâts montre que la vitesse d?éjection des fragments a dû être de l?ordre
de 60 à 230 m/s. On peut alors en déduire que l?impulsion communiquée aux fragments
d?enveloppe serait de l?ordre de 1400 à 4700 Pa.s.
Ensuite, 3 hypothèses ont été considérées pour remonter à une masse de nitrocellulose ayant réagi, en
tenant compte de la nature du produit et la conception de la cuve (double paroi) :
? Hypothèse n°1 : la masse de nitrocellulose ayant réagi est supposée être initialement en contact
avec les fragments projetés
? Hypothèse n°2 : scénario d?éclatement de la cuve à la suite d?une montée en pression due à
une explosion interne en fond de cuve
? Hypothèse n°3 : scénario d?éclatement de la cuve à la suite d?une montée en pression due à
une explosion interne dans l?espace entre les 2 parois de la cuve
Concernant la nature du produit, d?après les enseignements tirés de la bibliographie (cf. point 3) :
- une fois initiée, la décomposition de la nitrocellulose peut transiter en détonation ;
- la vitesse de décomposition et l?énergie libérée dépendent de l?état physico-chimique du produit
(cf.Figure 21) :
o la nitrocellulose à 14% densifiée (1 500 kg/m3) présente une vitesse de détonation de
l?ordre de 6000 m/s et une énergie de l?ordre de 6000 kJ/kg ;
o la nitrocellulose fibreuse peu dense (170 kg/m3) présente une vitesse de détonation de
l?ordre de 2000 m/s et une énergie de l?ordre de 3000 kJ/kg.
2 Omega 23 - Résistance des structures industrielles à l?impact de projectiles d?origine accidentelle | Ineris (mars 2018)
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Figure 21 : Vitesse de détonation en fonction de la nature et de la densité de la nitrocellulose3
Hypothèse n°1 : détonation d?une masse de nitrocellulose initialement en contact avec les
fragments projetés
Nous avons vu précédemment que les fragments de cuve projetés ont dû subir une impulsion de l?ordre
de 4 700 Pa.s. L?impulsion est définie comme étant l?intégrale de la surpression en fonction du temps.
En cas de détonation, en première approche, on peut donc calculer l?impulsion I à partir de la
surpression maximale engendrée par la détonation DPmax et de la durée de détonation tdétonation, à partir
de la relation suivante :
I=1/2 x DPmax x tdétonation
En cas de détonation, la surpression est supposée constante au sein de la nitrocellulose, et égale à la
surpression maximale théorique (Chapman-Jouguet).
La durée de la détonation peut se calculer à l?aide du rapport entre la dimension caractéristique de la
quantité de nitrocellulose réagissant et la vitesse de détonation.
En cas de détonation de nitrocellulose 14% densifiée (i.e. le produit fini), la pression de détonation
serait de 24 300 bar au sein de la nitrocellulose, et la vitesse de détonation de 6 000 m/s. Ainsi,
l?impulsion de 4 700 Pa.s peut être atteinte pour une masse de nitrocellulose supérieure à 80 g.
En cas de détonation de fibres de nitrocellulose peu denses, la pression de détonation serait de
1 530 bar au sein de la nitrocellulose, et la vitesse de détonation de 2 000 m/s. Ainsi, l?impulsion de
4 700 Pa.s peut être atteinte pour une masse de nitrocellulose supérieure à 1 300 g.
L?analyse de l?hypothèse n°1 montre que la détonation d?une quantité de nitrocellulose
relativement limitée (entre 80 et 1300 g) permettrait d?engendrer une impulsion suffisante pour
projeter des fragments de la cuve en contact avec la nitrocellulose aux distances observées.
3 OFFICE OF NAVAL RESEARCH ARLINGTON VA, « Detonation, Proceedings » (Symposium (International) on
Detonation, Pasadena, California, 1970), https://apps.dtic.mil/sti/citations/AD0751413.
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Hypothèse 2 : Scénario d?éclatement de la cuve à la suite d?une montée en pression due à une
explosion interne en fond de cuve
En raison du manque d?informations sur la cinétique de libération de l?énergie, nous n?avons pas pu
étudier l?influence de l?ouverture sur la pressurisation de la cuve en cas de réaction de la nitrocellulose
présente dans la cuve. De plus, en cas de réaction très rapide (type détonation), l?ouverture de la cuve
n?aurait pas d?influence sur la pressurisation de la cuve, car la détonation est un phénomène beaucoup
plus rapide que la rupture de la cuve. Le calcul a donc été réalisé en supposant la cuve fermée :
? En considérant une vitesse de dépressurisation du volume de gaz sous pression de l?ordre de
500 à 1 000 m/s (vitesse du son dans les gaz très chauds), la durée de dépressurisation
maximale (longueur de détente de l?ordre de 2 m) serait de l?ordre de 6 à 12 ms.
? En considérant une durée de dépressurisation moyenne de l?ordre de 10 ms, on calcule alors
une surpression interne dans la cuve de l?ordre de 2,8 à 9,5 bar engendrant l?impulsion cible de
1 400 à 4 700 Pa.s déduite des distances de projection observées.
? En assimilant le gaz contenu dans la cuve au moment de la rupture à de l?air (gamma = 1,4),
l?énergie de pression associée (13 à 47 MJ) correspondrait à une masse équivalente de TNT
de 2,8 à 10 kg (4).
? En cas de détonation de NC 14% densifiée (6 000 kJ/kg), une masse de l?ordre de 2,2 kg
serait suffisante.
? En cas de détonation de fibres de NC peu dense (3 000 kJ/kg), une masse de l?ordre de
4,4 kg serait suffisante.
Ainsi, l?analyse de l?hypothèse n°2 montre qu?en cas de montée en pression de la cuve à la suite
d?une détonation interne de nitrocellulose, la détonation de quelques kilogrammes de
nitrocellulose dans la cuve permettrait d?engendrer une impulsion suffisante pour projeter les
fragments de cuve aux distances observées.
Hypothèse 3 : Scénario d?éclatement à la suite d?une explosion interne dans l?espace entre les 2
parois de la cuve
En l?absence d?information sur la distance entre les 2 parois de la cuve, nous avons supposé un espace
de l?ordre de quelques cm (typiquement 5 cm), supposé clos :
? En considérant une vitesse de dépressurisation du volume de gaz sous pression de l?ordre de
500 à 1000 m/s (vitesse du son dans les gaz très chauds), la durée de dépressurisation
maximale (dimension caractéristique de l?ordre de 0,4m) serait de l?ordre de 2 ms.
? On calcule alors une surpression interne dans l?espace entre les parois de l?ordre de 14 à 47 bar
engendrant l?impulsion cible de 1 400 à 4 700 Pa.s.
? En assimilant le gaz contenu dans la cuve au moment de la rupture à de l?air (gamma = 1,4),
l?énergie de pression associée (1 à 3,7 MJ) correspond à une masse équivalente de TNT de
0,23 à 0,78 kg.
? En cas de détonation de NC 14% densifiée (6 000 kJ/kg), une masse de l?ordre de 0,180 kg
serait suffisante
? En cas de détonation de fibres de NC peu dense (3 000 kJ/kg), une masse de l?ordre de
0,360 kg serait suffisante
L?analyse de cette hypothèse montre que la détonation de quelques centaines de grammes de
nitrocellulose dans l?espace (supposé clos) entre les parois de la cuve permettrait d?engendrer
une impulsion suffisante pour projeter les fragments de paroi aux distances observées.
4 Energie de détonation du TNT de 4,69 MJ/kg.
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4.1.2.1.2 Analyse des dégâts liés aux effets de surpression observés sur le bâtiment
Dégâts observés sur la toiture du bâtiment :
La photographie en Figure 10 illustre les dégâts observés au niveau de la toiture du bâtiment au droit
de la cuve non raccordée.
La toiture du bâtiment se trouve à 8-10 m de hauteur ; le fond de cuve se trouve donc à 6-8 m des
bardages en toiture les plus proches.
La totalité des bardages a été arrachée au droit de la cuve, sur environ 10 m de part et d?autre de la
cuve, ce qui implique, d?après le retour d?expérience de l?Ineris, un niveau de surpression supérieur à
50-100 mbar sur cette zone. La mise en oeuvre de l?abaque de décroissance de la surpression en
fonction de l?éloignement en cas de détonation de TNT montre qu?une telle fourchette de surpression
correspondrait à la détonation d?une masse de TNT comprise entre 140 et 840 g. On en déduit alors, à
partir de l?énergie de détonation de la nitrocellulose, qu?une masse de fibres de NC supérieure à 200 g
à 1,3 kg, ou une masse de NC à 14% supérieure à 650 g, aurait pu produire un tel niveau de
surpression.
Au-delà de 60 m de la cuve, on constate que les bardages n?ont pas été endommagés, aussi le niveau
de surpression devait être inférieur à la trentaine de mbar au-delà de 60 m. On en déduit une masse de
TNT inférieure à 5,7 kg, une masse de fibres de NC inférieure à 9 kg, et une masse de NC à 14%
inférieure à 4,5 kg.
Dégâts observés sur la façade Sud :
La photographie en Figure 5 illustre les dégâts observés sur la façade Sud du bâtiment.
On constate la rupture des enfilades vitrées situées en partie haute de la façade jusqu?à environ 60 m
de la cuve, ce qui implique, d?après le retour d?expérience de l?Ineris, une surpression de l?ordre de 15
à 20 mbar à 60 m. On peut donc déduire de ces dégâts une masse de TNT comprise entre 1,8 et 2,5 kg,
une masse de fibres de NC comprise entre 2,8 et 3,9 kg, ou encore une masse de NC à 14% comprise
entre 1,4 à 2 kg.
On constate également que le mur de remplissage en briques creuses d?environ 7 cm d?épaisseur, situé
à 10 m au droit de la cuve, a résisté aux effets de surpression, ce qui implique, selon les méthodes
forfaitaires5 et les calculs menés par l?Ineris, un niveau de surpression inférieur à environ 150 mbar. On
en déduit alors une masse de TNT inférieure à 1 kg, une masse de fibres de NC inférieure à 1,6 kg, ou
encore une masse de NC à 14% inférieure à 0,8 kg
L?analyse des dégâts observés sur la toiture et la façade Sud du bâtiment montre que la
détonation de l?ordre du kilogramme de NC dans la cuve non raccordée permettrait d?engendrer
les dégâts de surpression observés.
4.1.2.2 Estimation de la quantité de nitrocellulose énergétique dans la canalisation PVC reliant les
tamiseurs à la cuve « eaux blanches » n°2
Les photographies en Figure 16 montrent que la canalisation en PVC de DN 200 a été entièrement
détruite (en miettes, pas de fragments retrouvés) sur une longueur de 30 m environ, ce qui laisse penser
que la nitrocellulose a dû détoner à l?intérieur de la canalisation.
5 Formalisation du savoir et des outils dans le domaine des risques majeurs (DRA-35) La résistance des
structures aux actions accidentelles ? Ineris DRA-2007-N° 46055/77288 en date du 10/01/2007.
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Pour une telle canalisation en PVC présentant un diamètre interne de 200 mm, et une épaisseur de
4 mm, la pression de rupture6 a été estimée à 17 bar (en considérant une contrainte limite du PVC de
40 MPa). Toutefois, la canalisation ayant été entièrement réduite en miettes, la surpression a sans doute
été supérieure.
Afin d?estimer la quantité minimale de produit qui aurait réagi dans la canalisation DN 200 en PVC, nous
avons considéré que la totalité du volume interne du tronçon de canalisation détruit7 (soit 0,9 m3) a été
pressurisé par les gaz de détonation sous 17 bar. L?énergie de pression associée s?élève alors à
5 340 kJ8.
En considérant une détonation du produit fini dans la canalisation, on calcule, à l?aide de l?énergie de
détonation de la nitrocellulose à 14% de 6 211 kJ/kg, qu?une masse de NC à 14% de 860 g serait
nécessaire pour libérer une telle énergie. En considérant une masse volumique de l?ordre de 1500kg/m3
pour le produit fini, on calcule qu?une telle quantité répartie uniformément sur les 30 m de longueur
représenterait une épaisseur de l?ordre de 1 mm.
En considérant la détonation des fibres de NC (peu dense), présentant une énergie de décomposition
de l?ordre de 3 000 kJ/kg, on calcule une masse de fibres de 1,780 kg. En considérant une masse
volumique de l?ordre de 170 kg/m3, une telle quantité répartie uniformément sur les 30 m de longueur
représenterait une épaisseur de fibres de l?ordre de 7 mm.
4.1.3 Estimation de la quantité de nitrocellulose énergétique dans la canalisation en
acier reliant la cuve « eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3
Les photographies en Figure 13 illustrent les dégâts constatés sur la canalisation en acier reliant la cuve
« eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3.
D?après les observations, un tronçon de canalisation DN 150 de 5 m de longueur a été totalement
détruit, vraisemblablement à la suite de la détonation d?un dépôt de nitrocellulose dans la canalisation.
Etant donné le diamètre interne (150 mm), l?épaisseur supposée de l?ordre de 2 mm et la contrainte de
ruine de l?acier Inox 304 L de l?ordre de 500 à 670 MPa, la pression de rupture de cette canalisation a
été estimée de l?ordre de 130 à 180 bar. Sa destruction implique donc que sur le tronçon détruit, la
surpression interne a dû être supérieure ou égale à 130 à 180 bar.
Le tronçon de canalisation de 5 m de long et 150 mm de diamètre interne présente un volume interne
de 0,09 m3 environ. En considérant que tout ce volume est pressurisé sous 180 bar (respectivement
130 bar) par des gaz de détonation (?=1,3), on calcule une énergie de pression 5 300 kJ
(respectivement 3 800 kJ). Une telle énergie peut être libérée par la détonation :
? d?une masse de 850 g (respectivement 620 g) de nitrocellulose à 14%, ce qui représenterait
une épaisseur de 3,5 mm (respectivement 2 mm) sur les 5 m de longueur en considérant le
fond de canalisation uniformément rempli (comme avec un liquide) ,
? d?une masse fibres de NC de 1,767 kg (respectivement 1,27 kg), ce qui représenterait une
épaisseur de fibres de 26 mm (respectivement 21 mm) sur les 5 m de longueur en considérant
le fond de canalisation uniformément rempli (comme avec un liquide).
6 Pression uniformément répartie sur les parois internes d?un cylindre creux d?épaisseur e et de rayon R :
P=?xe/R ? contrainte.
7 Canalisation présentant un diamètre interne de 200 mm, tronçon de 30 m de long.
8 Energie de pression = énergie de Brode = DP x V /(?-1) avec DP la surpression dans le tronçon de volume V,
et ? le rapport des chaleurs spécifiques des gaz de détonation, considéré égal à 1,3.
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4.1.4 Conclusion
L?analyse des projections des fragments de la cuve non raccordée a permis d?estimer la quantité de
nitrocellulose susceptible d?avoir détoné dans la cuve, en considérant trois hypothèses de modélisation
d?explosion interne. Les résultats de cette analyse montrent que, selon les hypothèses retenues, la
détonation d?une quantité de nitrocellulose allant d?une quantité relativement limitée à quelques
kilogrammes dans la cuve serait suffisante pour engendrer les effets de projection observés. L?analyse
des dégâts observés sur la toiture et la façade Sud du bâtiment montre que la détonation d?une masse
de nitrocellulose de l?ordre du kilogramme dans la cuve permettrait d?engendrer les dégâts de
surpression observés. Ainsi, les différentes analyses convergent vers une quantité de l?ordre de
1 kg de nitrocellulose ayant susceptible d?avoir réagi dans la cuve non raccordée.
L?analyse des dégâts observés sur la canalisation DN 200 en PVC en acier montre qu?une
quantité de nitrocellulose de l?ordre de 0,86 kg à 1,78 kg (selon la nature du produit : dense ou en
fibres peu denses) a dû réagir dans ces tronçons de canalisation.
Enfin l?analyse des dégâts observés sur le tronçon de la canalisation DN 150 en acier montre
qu?une quantité de nitrocellulose de l?ordre de 0,62 kg à 1,76 kg (selon la nature du produit : dense
ou en fibres peu denses) a dû réagir dans ce tronçon de canalisation.
4.2 Question N°2 du BEA-RI - Etude de la sensibilité de la nitrocellulose
énergétique
La seconde question posée par le BEA-RI concerne la définition de la sensibilité de la nitrocellulose
énergétique au choc, à la friction et à la température par des essais ou via la bibliographie, en fonction
du mode de séchage, notamment au vu des conditions météo ayant précédé l?accident.
Dans un premier temps, l?Ineris s?est attaché à étudier la sensibilité aux stimuli mécaniques et la stabilité
thermique d?échantillons prélevés le 17 août. Puis les résultats ont été comparés aux données de la
littérature. Enfin, un état de l?art de l?effet du séchage de la NC a été effectué et sera mis en parallèle
des conditions météorologiques et d?opération du bâtiment.
4.2.1 Sensibilité aux stimuli mécaniques et stabilité thermique des résidus prélevés
Lors de l?enquête, des résidus fibreux ou solides ont été observés dans la partie inférieure de la paroi
intérieure de plusieurs canalisations tubulaires démontées ou endommagées, en partie extérieure de
jonctions de canalisations et sur des brides démontées ou endommagées.
En particulier, la canalisation des « eaux blanches filtrées » contenait un tapis d?épaisseur estimée entre
0,5 mm et 1 cm de fibres blanches mais grises en surface.
Des prélèvements ont alors été effectués pour connaître la nature de ces fibres et leur sensibilité de
manière comparée à la NC connue en tant que produit fini.
Les 3 premiers prélèvements ont été réalisés à l?étage sous le tamiseur tels qu?illustrés sur la Figure 22.
Ineris - 209316 - 2769588 - v3.0
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Figure 22 : Emplacement des prélèvements 1, 2 et 3
Figure 23 : Photo après prélèvement (1)
Ineris - 209316 - 2769588 - v3.0
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Figure 24 : Photo après prélèvement (2)
Figure 25 : Photo avant et après prélèvement (3)
Ineris - 209316 - 2769588 - v3.0
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Le prélèvement 4 a lieu sur la face interne d?un ensemble de canalisation démonté avant l?incident et
sans traces apparentes de combustion.
Figure 26 : Emplacement du prélèvement 4
Les 4 échantillons ont été soumis à une analyse calorimétrique par DSC, et aux tests de sensibilité à
l?impact et à la friction selon les moyens d?essai définis par le Manuel ONU d?épreuves et critères. Les
rapports sont présentés en Annexe 2 à 6.
Dans le cadre des tests de sensibilité à l?impact et à la friction, les échantillons testés ont été placés à
40 °C pendant 1h avant essai, pour reproduire les conditions environnementales lors de l?accident et
éviter de tester des échantillons réhumidifiés par les pompiers et l?environnement de stockage à l?Ineris.
prélèvement Energie de
décomposition
Energie minimale de
réaction à l?impact
Energie minimale de
réaction à la friction
1 3 600 J/g Non testé Non testé
2 3 410 J/g Non testé Non testé
3 2 240 J/g 3 J 324 N
4 2 980 J/g 4 J 360 N
La littérature confirme que les valeurs mesurées d?énergie de décomposition correspondent à
de la NC à haute nitration (>12,5 %, type ?coton-poudre?).
On observe que l?échantillon de NC prélevé à l?intérieur du tube PVC a une énergie notablement plus
faible : 1 seul essai de DSC à 3 mg a été réalisé sur une masse de prélèvement de l?ordre du gramme
non homogène. La représentativité est questionnable.
Il est également possible que la densité apparente ait une influence comme le cas de l?énergie
d?explosion mesurable en bombe calorimétrique.
La littérature confirme que les valeurs mesurées de sensibilité correspondent à de la NC : très
faible sensibilité à l?épreuve de friction (autour de 350 N), sensibilité notable à l?impact (3 J).
De même il est logique que la NC dense du tube démonté (Prélèvement 4) soit moins sensible au
frottement que la NC fibreuse qui est moins dense, située à l?intérieur du tube PVC (Prélèvement 3).
La faible sensibilité à la friction de la NC n?est qu?apparente : comme la cellulose, la
nitrocellulose peut produire en son sein ou avec d?autres matériaux des décharges
électrostatiques (triboélectricité) pouvant aboutir à son initiation, tout particulièrement sur de la
NC déstabilisée et/ou sèche.
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Etant une fibre, la génération de charge par friction est facilitée (augmentation de la surface). Bien que
neutre sur l?échelle de la triboélectricité, le coton peut produire des décharges électrostatiques par
frottement avec lui-même : la probabilité est réduite en présence d?humidité. La NC est connue pour
avoir une meilleure capacité à générer des charges et donc des décharges électrostatiques, car elle est
employée dans des dispositifs de nano génération d?électricité9. De plus, la sensibilité de la NC varie
énormément de 0.061 J en non confiné à 3.1 J en confiné et densifié10. A titre de comparaison, les gaz
inflammables s?enflamment généralement entre 0.001 J et 0.050 J et les poussières non fines
s?enflamment autour de 0.1 J.
La sensibilité des résidus est telle qu?attendue en comparaison avec la NC en tant que produit fini.
A titre de comparaison, 3 Joules de sensibilité à l?impact correspondent à un projectile de 60 g à 10 m/s,
ou à une masse de 200 g qui tombe de 1,5 m ; c?est une valeur faible, très facilement atteignable avec
un marteau manuellement.
4.2.2 Impact du séchage de la NC sur sa stabilité et sensibilité
Un état de l?art a été réalisé pour lister les paramètres influant significativement sur la sensibilité de la
NC et étant pertinent dans le cadre cet accident.
Toutes traces d?acides dans l?eau, notamment provenant d?acide nitrique libre au sein des fibres
de NC déstabilisent la NC.
Pour rappel, à cette étape du raffinage la présence d?acide libre dans les fibres demeure, tant que
l?étape suivante de cuisson n?est pas réalisée : ce qui peut provoquer des inflammations spontanées à
causes d?échauffement locaux par auto décomposition (hydrolyse par l?acide libre des groupes nitro qui
conduit à libération d?acide nitrique hydrolysant d?autre groupe nitro, le tout produisant de la chaleur).
De plus, il est connu que l?humidification par l?eau a un impact sur la stabilité de la NC après
séchage en réduisant l?énergie nécessaire à une décomposition de manière autoentretenue. Selon les
essais réalisés par Katoh et al.11, la température de décomposition de la NC sèche est de 150 °C, alors
que pour la NC mouillée à 2-2.5 % en masse d?eau, cette température de décomposition baisse de
45 °C à 105 °C. De même certains minéraux présents dans les eaux de ville stabilisent ou déstabilisent
la NC après séchage. Pour Guo et al.12, la température de décomposition auto-accélérée (SADT,
calculée) de produit fini comportant une majorité de NC passe de 117 °C sèche à 100 °C humidifiée
avec de l?eau.
9 Hao-Yang Mi et al., « High-Performance Flexible Triboelectric Nanogenerator Based on Porous Aerogels and
Electrospun Nanofibers for Energy Harvesting and Sensitive Self-Powered Sensing », Nano Energy 48 (1 juin
2018): 327?36, https://doi.org/10.1016/j.nanoen.2018.03.050; Hisham Mattar et al., « Nitrocellulose: Structure,
Synthesis, Characterization, and Applications », no 3 (2020).
10 Thomas H. Pratt, Electrostatic Ignitions of Fires and Explosions (John Wiley & Sons, 2010); D.C. Agouridis, T.M.
Gayle, et W.H. Griest, « Development of the Prototype Munitions Case Moisture Meter, Model ORNL-1. Final
Report », 24 février 1993, https://doi.org/10.2172/10173144; Basil T. and Sheffield Oliver E. Fedoroff,
Encyclopedia of Explosives and Related Items Patr 2700 Volume 4 (Picatinny Arsenal, 1969), 4; Thomas M.
Klapötke, Energetic Materials Encyclopedia, Energetic Materials Encyclopedia (De Gruyter, 2018),
https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/9783110442922/html.
11 Katsumi Katoh et al., « Thermal Behavior of Nitrocellulose with Inorganic Salts and Their Mechanistic Action »,
Propellants, Explosives, Pyrotechnics 35, no 5 (2010): 461?67, https://doi.org/10.1002/prep.200900074; Katsumi
Katoh et al., « Effect of Industrial Water Components on Thermal Stability of Nitrocellulose », Journal of Thermal
Analysis and Calorimetry 99, no 1 (1 janvier 2010): 159?64, https://doi.org/10.1007/s10973-009-0492-7; Katsumi
Katoh et al., « Influence of Water on the Thermal Stability of Nitrocellulose », s. d., 6.
12 Song Guo et al., « Study on the Influence of Moisture Content on Thermal Stability of Propellant », Journal of
Hazardous Materials 168, no 1 (30 août 2009): 536?41, https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2009.02.073.
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Page 29 sur 54
La stabilité thermique de la NC est également aggravée avec le temps de séchage. En effet, pour
Chai et al.13 qui ont étudié la variation du temps de séchage et du pourcentage d?eau dans la NC de
départ, plus le séchage est lent plus la température de décomposition auto-accélérée (SADT, calculée)
diminue, jusqu?à descendre à 43.5 °C pour 45 h de séchage à 60 °C. De même ils démontrent que la
répétition de cycle d?humidification/séchage réduit cette température de décomposition auto-accélérée
(SADT, calculée). Dans l?étude de l?influence des différents liquides employés pour stabiliser la NC en
stockage, Wei et al.14 concluent que l?eau, l?isopropanol et l?éthanol abaissent l?énergie nécessaire à
une décomposition de manière autoentretenue de la NC après séchage et recommandent de ne pas
dépasser les températures suivantes pour du stockage :
NC seule NC + eau NC + éthanol NC + isopropanol
54,5 °C 45,1 °C 47,2 °C 50,4 °C
Il est important de noter que toutes les études sur la NC sont réalisées sur des produits finis, et que
l?accident étudié ici concerne des résidus de fabrication. Néanmoins les prélèvements ont pu prouver
un comportement de ces résidus identique à la NC sous de forme produit fini. Ces études sont donc
tout à fait applicables à ces résidus.
Comme il s?agit de résidus de NC post nitration ayant une réactivité semblable à de la NC à haute
nitration, les résidus de NC restant après arrêt de la production ont subi un séchage depuis l?eau avec
présence d?acide nitrique.
Du fait des conditions météorologiques où des températures de 38 °C ont été relevées par Météofrance
le 3 août 2023 à 16 h 00 et de l?arrêt de la production à cet endroit depuis le 25 juin 2023, les résidus
de NC présents dans les canalisations ont subi :
- un séchage lent de plusieurs jours,
- potentiellement des cycles de séchage/humidification.
Au moment de l?accident, les résidus de NC sont donc sensibles à une initiation d?origine
mécanique, ou d?origine thermique pouvant résulter d?un échauffement local.
Il est également connu que la température de décomposition auto-accélérée diminue avec la quantité
de produit (effet confinant).
Les résidus présents en grande quantité, notamment dans la canalisation des « eaux blanches
filtrées », sont donc plus vulnérables que les autres à une initiation d?origine thermique.
Un confinement modéré de la NC suffit après inflammation à provoquer une décomposition. Le
confinement des gaz de réaction issus de la décomposition de la NC accélère la décomposition de la
NC jusqu?à dépasser un simple régime de combustion et atteindre une déflagration voire une détonation,
générant alors des ondes de chocs.
Les résidus présents dans des canalisations, notamment en métal pour lesquels la résistance à
la pression est plus importante comparé au canalisation PVC et favorisant le confinement, sont
donc plus susceptibles d?entrer dans des régimes de décompositions engendrant les effets les
plus destructeurs (déflagration et détonation).
13 Hua Chai et al., « Experimental Study on the Effect of Storage Conditions on Thermal Stability of
Nitrocellulose », Applied Thermal Engineering 180 (5 novembre 2020): 115871,
https://doi.org/10.1016/j.applthermaleng.2020.115871.
14 Wei, Rui Chao, Shen Shi Huang, Zhi Wang, Yu He, Richard Yuen, et Jian Wang. « Estimation on the Safe
Storage Temperature of Nitrocellulose with Different Humectants ». Propellants, Explosives, Pyrotechnics 43,
no 11 (2018): 1122-28. https://doi.org/10.1002/prep.201800149.
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Page 30 sur 54
Nous n?avons pas pu déterminer l?influence de la taille des fibres de NC, ni l?influence du vieillissement
de la NC en eau dans les conditions de production sur la stabilité de la NC. Néanmoins, un début de
réponse peut être apporté en comparant la température de début de décomposition de la NC dans la
littérature à celle des résidus étudiés ici : on observe une baisse d?environ 10 °C par rapport à la valeur
moyenne de 165 °C relevée dans la littérature sur des essais comparables.
Malgré l?absence de données sur la totalité des propriétés physico-chimique des résidus de NC, les
paramètres étudiés précédemment sont les plus impactants. En l?occurrence, ici leur influence va dans
le même sens d?une déstabilisation de la NC.
4.3 Etude du contact de la nitrocellulose énergétique avec d?autres produits :
butanol fort, produits cuivré graisseux
4.3.1 Question N°3 du BEA-RI
La troisième question posée par le BEA-RI concerne le contact de nitrocellulose énergétique avec du
butanol fort (inscription présente sur la cuve eaux blanches nouvellement installée) et sa capacité à
conduire à une réaction exothermique ;
La NC est stabilisée dans les alcools. Il est même recommandé de stocker la NC en eau ou en alcool.
Le Butan-2-ol, le n-btanol et l?isobutanol ont été étudiés comme solvant dans les années 30-40 dans les
processus de mise en forme de la NC en laques, sans remarques sur une quelconque incompatibilité.
Il n?y a donc pas d?incompatibilité chimique connue entre la NC et le butanol pouvant conduire à une
réaction exothermique.
4.3.2 Question N°4 du BEA-RI
La quatrième question posée par le BEA-RI concerne le contact de nitrocellulose énergétique avec le
produit cuivré graisseux retrouvé sur site et sa capacité à conduire à une réaction exothermique.
En l?absence de connaissance sur la composition chimique exacte et dans l?incapacité de réaliser une
étude expérimentale de la stabilité du mélange, l?Ineris a effectué des recherches en se basant sur des
graisses cuivrées similaires : la présence de particules métalliques peut abaisser la stabilité thermique
de la NC, néanmoins aucune incompatibilité chimique pouvant induire un échauffement de la NC
notable n?est connue dans une échelle de temps de l?ordre de l?heure ou quelques jours.
Manuco a produit une étude de stabilité dans un rapport daté du 18/08/2022. Ainsi nous confirmons
qu?une graisse cuivrée, la rouille ou un joint n?a pas d?influence significative à court terme sur de la NC.
En revanche, nous émettons une réserve sur la méthodologie employée : les essais réalisés ne sont
pas représentatifs d?un effet sur plusieurs mois et années, et la ou les techniques de mesure de l?effet
du vieillissement ne sont pas décrites (pesée, analyse spectrométrie IR? ?).
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5 Conclusion
A la demande du BEA-RI, l?Ineris a répondu à 4 questions en appui à l?analyse de l?accident survenu
dans un atelier de production de nitrocellulose sur le site de Manuco à Bergerac, le 07 aout 2022.
Ces questions portaient sur :
? Estimation des niveaux de surpression, de la masse équivalente de TNT et de la quantité de
nitrocellulose énergétique nécessaire au regard des dégâts visuels constatés sur le plan
bâtimentaire, en intégrant les effets missiles des projectiles retrouvés aux abords du bâtiment ;
? Définir la sensibilité de la nitrocellulose énergétique au choc, à la friction et à la température
par des essais ou via la bibliographie, en fonction du mode de séchage, notamment au vu des
conditions météo ayant précédé l?accident ;
? Déterminer si le contact de nitrocellulose énergétique avec du butanol fort (inscription présente
sur la cuve eaux blanches nouvellement installée) peut conduire à une réaction exothermique ;
? Déterminer si le contact de nitrocellulose énergétique avec le produit cuivré graisseux retrouvé
sur site peut conduire à une réaction exothermique.
L?Ineris a estimé la quantité de nitrocellulose énergétique susceptible d?avoir réagi à différents endroits
du process sur la base des différents dégâts observés sur le bâtiment et sur les équipements du
process. A la demande du BEA-RI, l?Ineris s?est concentré sur la canalisation DN150 en acier reliant la
cuve « eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3, sur la canalisation en PVC DN200 reliant les tamiseurs
à la cuve « eaux blanches » n°2 et sur la cuve non raccordée. Les différentes analyses menées
semblent indiquer qu?une quantité de nitrocellulose de l?ordre de quelques 0,6 à 1,8 kg (selon la nature
du produit : dense ou en fibres peu denses) aurait pu réagir dans les tronçons de canalisation DN150
en acier et DN200 en PVC. Une quantité de nitrocellulose de l?ordre de 1 kg serait susceptible d?avoir
réagi dans la cuve non raccordée.
L?Ineris a estimé que les résidus fibreux dans et sur les différentes canalisations sont bel et bien de la
nitrocellulose, possédant la même sensibilité et réactivité que la nitrocellulose connue et étudiée sous
forme de produit fini. Ces résidus sont sensibles aux sollicitations mécaniques, notamment impact, et à
l?échauffement. L?aspect fibreux de la nitrocellulose, tel qu?observé dans certaines canalisations,
accentue le risque de décharge électrostatique et d?échauffement local. Une fois la nitrocellulose
localement initiée, le confinement en canalisation permet une propagation rapide. De même, ce
confinement accentue les effets, vers des explosions plus destructrices et génératrices de fragments à
plus hautes énergies, ce qui accroît le risque d?effets dominos.
Plusieurs études scientifiques montrent que des températures dans la plage de 43-45°C peuvent
théoriquement suffire pour initier une combustion de nitrocellulose de manière auto entretenue, si cette
dernière est lentement séchée depuis l?eau : on peut donc en conclure que, avec les températures
caniculaires et du fait de quantités non négligeables de nitrocellulose relevées dans des réseaux d?eaux
filtrées, l?opération de maintenance s?est déroulée en présence de nitrocelluloses fortement
déstabilisées.
Il n?existe pas d?incompatibilité chimique avec les éléments en contact - à savoir le butanol et la graisse
cuivrée - avec la nitrocellulose au moment de la maintenance pouvant expliquer à elle seule la réaction
observée à l?endroit de l?intervention.
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6 Annexes
Liste des annexes :
- Annexe 1 : Sollicitation du BEA-RI en date du 24 septembre 2022 ? 1 page ;
- Annexe 2 : Fiche d?essais à l?épreuve de frottement : prélèvement 3 ? 2 pages ;
- Annexe 3 : Fiche d?essais à l?épreuve d?impact : prélèvement 3 ? 2 pages ;
- Annexe 4 : Fiche d?essais à l?épreuve de frottement : prélèvement 4 ? 2 pages ;
- Annexe 5 : Fiche d?essais à l?épreuve d?impact : prélèvement 4 ? 2 pages ;
- Annexe 6 : Compte rendu d'essais DSC ? 5 pages.
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7 Références
Agouridis, D.C., T.M. Gayle, et W.H. Griest. « Development of the Prototype Munitions Case Moisture
Meter, Model ORNL-1. Final Report », 24 février 1993. https://doi.org/10.2172/10173144.
Chai, Hua, Qiangling Duan, Huiqi Cao, Mi Li, Kaixuan Qi, Jinhua Sun, et Xiaoli Yang. « Experimental
Study on the Effect of Storage Conditions on Thermal Stability of Nitrocellulose ». Applied
Thermal Engineering 180 (5 novembre 2020): 115871.
https://doi.org/10.1016/j.applthermaleng.2020.115871.
Guo, Song, Qingsong Wang, Jinhua Sun, Xin Liao, et Ze-shan Wang. « Study on the Influence of
Moisture Content on Thermal Stability of Propellant ». Journal of Hazardous Materials 168, no
1 (30 août 2009): 536?41. https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2009.02.073.
Katoh, Katsumi, Eiko Higashi, Katsuyuki Nakano, Shunsuke Ito, Yusuke Wada, Junichi Kasamatsu,
Hiroshi Miya, Masaaki Yamamoto, et Yuji Wada. « Thermal Behavior of Nitrocellulose with
Inorganic Salts and Their Mechanistic Action ». Propellants, Explosives, Pyrotechnics 35, no 5
(2010): 461?67. https://doi.org/10.1002/prep.200900074.
Katoh, Katsumi, Shunsuke Ito, Yuji Ogata, Jun-ichi Kasamatsu, Hiroshi Miya, Masaaki Yamamoto, et
Yuji Wada. « Effect of Industrial Water Components on Thermal Stability of Nitrocellulose ».
Journal of Thermal Analysis and Calorimetry 99, no 1 (1 janvier 2010): 159?64.
https://doi.org/10.1007/s10973-009-0492-7.
Katoh, Katsumi, Tsutomu Soramoto, Eiko Higashi, Shuhei Kawaguchi, Kosuke Kumagae, Shunsuke Ito,
Yuji Wada, Katsuyuki Nakano, et Mitsuru Arai. « Influence of Water on the Thermal Stability of
Nitrocellulose », s. d., 6.
Klapötke, Thomas M. Energetic Materials Encyclopedia. Energetic Materials Encyclopedia. De Gruyter,
2018. https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/9783110442922/html.
Mattar, Hisham, Zahraa Baz, Ahmed Saleh, Ahmed S A Shalaby, Ahmed Elsayed Azzazy, Hesham
Salah, et Ibrahim Ismail. « Nitrocellulose: Structure, Synthesis, Characterization, and
Applications », no 3 (2020).
Mi, Hao-Yang, Xin Jing, Qifeng Zheng, Liming Fang, Han-Xiong Huang, Lih-Sheng Turng, et Shaoqin
Gong. « High-Performance Flexible Triboelectric Nanogenerator Based on Porous Aerogels
and Electrospun Nanofibers for Energy Harvesting and Sensitive Self-Powered Sensing ».
Nano Energy 48 (1 juin 2018): 327?36. https://doi.org/10.1016/j.nanoen.2018.03.050.
OFFICE OF NAVAL RESEARCH ARLINGTON VA. « Detonation, Proceedings ». Pasadena, California,
1970. https://apps.dtic.mil/sti/citations/AD0751413.
Oliver E. Fedoroff, Basil T. and Sheffield. Encyclopedia of Explosives and Related Items Patr 2700
Volume 4. Picatinny Arsenal, 1969.
Pratt, Thomas H. Electrostatic Ignitions of Fires and Explosions. John Wiley & Sons, 2010.
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Annexe 1
Sollicitation du BEA-RI en date du 22 septembre 2022
1 page
Inspection générale de l?environnement
et du développement durable
Bureau d?Enquêtes et d?Analyses
sur les risques industriels
Mél : bea-ri@developpement-durable.gouv.fr
Tour Sequoia
1, place Carpeaux - La Défense
92055 LA DÉFENSE CEDEX
https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/le-bureau-d-enquetes-et-d-analyses-sur-les-risques-a3081.html
,
·
·
·
·
.
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Annexe 2
Fiche d?essais à l?épreuve de frottement : prélèvement 3
2 pages
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Annexe 3
Fiche d?essais à l?épreuve d?impact : prélèvement 3
2 pages
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Annexe 4
Fiche d?essais à l?épreuve de frottement : prélèvement 4
2 pages
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Annexe 5
Fiche d?essais à l?épreuve d?impact : prélèvement 4
2 pages
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Annexe 6
Compte rendu d'essais DSC
5 pages
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 1 | 5
Nom du RA N. APCHIN Client SANOFI
Date de renseignement de la fiche 12/10/2022 Demande de travail faite par le RA Oui Non
Code Prestation 209316 Contribution Labo 209316
Fiche de sécurité (FDS) disponible Oui Non Remarques :
Rédacteur / Opérateur : Peggy GRUEZ
Nature des Produits
N° d?échantillon
(Léopard)
Quantité ou volume
(g ou ml)
Famille de produit ou
remarques
Résidu de nitrocellulose 1 ? Tube démonté 22A1E002-1 3 mg Explosif
Résidu de nitrocellulose 2 ? Tube PVC 22A1E002-2 3 mg Explosif
Résidu de nitrocellulose 3 ? Résidu tube
accident n°1
22A1E002-3 3 mg Explosif
Résidu de nitrocellulose 4 ? Résidu tube
accident n°2
22A1E002-4 3 mg Explosif
Essai n° : Nom du produit Masse d?échantillon (mg) Condition de chauffe
DSC-4903 Tube démonté 2,2 De 30 à 400°C à 5°C/min
DSC-4904 Tube PVC 2,9 De 30 à 400°C à 5°C/min
DSC-4905 Tube accident n°1 2,4 De 30 à 400°C à 5°C/min
DSC-4906 Tube accident n°2 2,7 De 30 à 400°C à 5°C/min
DSC 131 EVO :
Creusets utilisés : Inox fermé Inox ouvert Autre
Gaz utilisé : Azote Air Autre
Rampe de chauffe : 5°C/min Autre
Température maximale : 400°C 500°C Autre
Balance utilisée n° :M-AE-0019
Description de l?équipement
Le calorimètre 131 Evo
Le calorimètre DSC (Differential Scanning Calorimeter) mesure la différence de flux thermique dégagé entre
un échantillon et une référence, lorsqu'ils sont placés dans un four et soumis à une loi de chauffe linéaire de
la température ambiante à 400°C. Les résultats sont présentés sous forme de courbes appelée thermogramme.
La température du four (en °C) est en abscisse et le flux de chaleur (en mW) en ordonnée. Un événement
thermique tel qu'une transition de phase, un changement de chaleur spécifique, une réaction ou une
décomposition chimique, se traduit par un pic sur le signal de l'acquisition de données (Figure 2). Ce pic peut
être au-dessus ou au-dessous de la ligne de base traduisant respectivement une exothermie ou une endothermie.
L'amplitude de ce pic correspond à la puissance thermique libérée et sa surface représente l'énergie associée.
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 2 | 5
De cette façon, on peut :
- Mettre facilement en évidence tous phénomènes endothermiques ou exothermiques,
- Déterminer les températures auxquelles ont lieu ces phénomènes,
- Déterminer l'énergie associée à l?évènement thermique en intégrant la surface du pic.
Figure 1 : Schéma et cliché photographique du calorimètre à balayage différentiel DSC 131 EVO.
Figure 2 : Exemple de thermogramme obtenu en DSC.
Mode opératoire
L?échantillon à analyser a été introduit dans un creuset d?un volume de 30 µL. Le creuset a ensuite été placé
dans un four et soumis à une chauffe de 5°C/min de la température ambiante jusqu?à 400°C.
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 3 | 5
Courbes et Interprétations
DSC-4903
L?essai est réalisé avec 2,2 mg de résidu de nitrocellulose issu du tube démonté introduit dans un creuset inox
F30 fermé sous air de l?ambiante à 400°C avec une rampe de chauffe de 5°C/min.
Figure 3 : Thermogramme de l?essai sur le résidu de nitrocellulose issu du tube démonté.
DSC-4904
L?essai est réalisé avec 2,9 mg de résidu de nitrocellulose issu du tube PVC introduit dans un creuset inox F30
fermé sous air de l?ambiante à 400°C avec une rampe de chauffe de 5°C/min.
Figure 4 : Thermogramme de l?essai sur le résidu de nitrocellulose issu du tube PVC.
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 4 | 5
DSC-4905
L?essai est réalisé avec 2,4 mg de résidu de nitrocellulose issu du tube accident n°1 introduit dans un creuset
inox F30 fermé sous air de l?ambiante à 400°C avec une rampe de chauffe de 5°C/min.
Figure 5 : Thermogramme de l?essai sur le résidu de nitrocellulose issu du tube accident n°1.
DSC-4906
L?essai est réalisé avec 2,7 mg de résidu de nitrocellulose issu du tube accident n°2 introduit dans un creuset
inox F30 fermé sous air de l?ambiante à 400°C avec une rampe de chauffe de 5°C/min.
Figure 6 : Thermogramme de l?essai sur le résidu de nitrocellulose issu du tube accident n°2.
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 5 | 5
Essai
Masse initiale
(mg)
Plage de
température (°C)
Energie
dégagée (J/g) *
Observations
DSC-4903 2,2 156,0/208,2 2982 ± 142
On observe une exothermie initiée vers
156°C et finissant vers 208°C avec une
enthalpie totale de l?ordre de -2982 J/g.
DSC-4904 2,9 155,8/214,7 2260 ± 80
On observe une exothermie initiée vers
156°C et finissant vers 215°C avec une
enthalpie totale de l?ordre de -2260 J/g.
DSC-4905 2,4 152,9/208,4 3560 ± 155
On observe une exothermie initiée vers
153°C et finissant vers 208°C avec une
enthalpie totale de l?ordre de -3560 J/g.
DSC-4906 2,7 157,0/206,5 3420 ±132
On observe une exothermie initiée vers
157°C et finissant vers 207°C avec une
enthalpie totale de l?ordre de -3420 J/g.
Tableau 1 : Résultats des essais en DSC.
* L?incertitude de la mesure est liée à la précision de la pesée ± 0,1 mg.
En défaut d?air, on admet qu?une réaction thermique commence à devenir conséquente, en termes d?énergie
libérée, à partir de -300 J/g.
Ces observations permettent d?admettre une réaction conséquente, en termes d?énergie libérée, des produits à
partir d?environ 155°C.
Institut national de l?environnement industriel et des risques
Parc technologique Alata ? BP 2 ? F-60550 Verneuil-en-Halatte
03 44 55 66 77 ? ineris@ineris.fr ? www.ineris.fr
P a g e 34 | 34
Bureau d?enquêtes et d?Analyses
sur les Risques Industriels
MTE / IGEDD / BEA-RI
Tour Séquoïa
92055 La Défense Cedex
+33 1 40 81 21 22
bea-ri.igedd@developpement-durable.gouv.fr
https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/bea-ri-r549.html
INVALIDE) (ATTENTION: OPTION eurs
et canalisations acier, PVC
associées
Endommagement du bac
de récupération n°2 et
rupture de la canalisation
reliant ce bac aux
tamiseurs
Rupture sur tout le long de la canalisation
PVC reliant les tamiseurs à la cuve « eaux
blanches » n°2
Déformation / rupture de la cuve
non raccordée
Nombreuses perforations et
déformation du décanteur
Rupture de la canalisation entre la cuve
« eaux blanches » n°2 et le décanteur
Perforation de la paroi avant du container
Et déformation / gonflement des parois du container
pouvant être dû soit à des effets de surpression
interne ou à l?effet de l?incendie interne
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Figure 14 : Endommagement des battants et rupture de la vitre du bac de récupération 2 et rupture de
la canalisation reliant ce bac aux tamiseurs
Figure 15 : Endommagement des tamiseurs et des canalisations acier, PVC associées
Figure 16 : Rupture sur tout le long de la canalisations PVC reliant les tamiseurs à la cuve « eaux
blanches » n°2
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Figure 17 : Rupture de la tuyauterie entre la cuve « eaux blanches » n°2 et le décanteur et perforation
de celle-ci (à gauche) et déformation et nombreuses perforations du décanteur (à droite)
Figure 18 : Dommages subis par la cuve non raccordée
Figure 19 : Dommages subis par le container
De l?analyse qualitative de l?ensemble de ces principaux dommages sur les équipements du process et
sur le bâtiment, il est possible d?identifier 6 lieux de décharges potentiels d?explosion sur le process.
Ceux-ci sont présentés sur la figure ci-après. Il est à noter que le container de 20 pieds, situé au Sud-
Est du bâtiment, pourrait être un autre lieu de décharge d?explosion. Toutefois le gonflement observé
de ces parois pourrait également être la conséquence d?un incendie interne.
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Figure 20 : Lieux potentiels de décharge d?explosion ? Bâtiment ? partie Est vue du dessus
4.1.2 Estimation de la quantité de nitrocellulose énergétique probable mise en jeu à
différents endroits du process
L?Ineris a estimé la quantité de nitrocellulose énergétique probable ayant réagi à différents endroits du
process. L?étude de l?Ineris s?est focalisée en accord avec le BEA-RI sur les parties suivantes :
- la cuve non raccordée ;
- la canalisation en PVC reliant les tamiseurs à la cuve « eaux blanches » n°2 ;
- la canalisation en acier reliant la cuve « eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3.
Pour ce faire, l?Ineris a dans un premier temps estimé au regard des différents dégâts sur le bâtiment
et sur les équipements du process les niveaux de surpression susceptibles d?avoir été engendrés par
les décharges d?explosion. L?Ineris a également complété cette analyse par l?évaluation des effets
missiles des projectiles retrouvés dans ou aux abords du bâtiment.
4.1.2.1 Estimation de la quantité de nitrocellulose énergétique probable au niveau de la cuve non
raccordée
D?après les informations transmises par Manuco, la cuve est une cuve métallique à double paroi de
dimensions approximatives 3,90 m x 3 m par 1,60 m de haut posée sur un support métallique à 2,20 m
du sol.
L?analyse des dégâts montre que la cuve a subi une forte explosion interne, comme l?illustre la Figure
18. En l?absence de plan de la cuve et de données mécaniques associées, les dégâts observés sur la
cuve sont difficilement exploitables afin d?en déduire le niveau de surpression interne atteint lors de
l?explosion. Aussi l?Ineris a tenté d?estimer ce niveau de surpression interne à une quantité de produits
ayant réagi, à partir des dégâts constatés sur le bâtiment ou les équipements situés à proximité de la
cuve, que l?on suppose donc être produits par l?explosion de la cuve.
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4.1.2.1.1 Analyse des projections des fragments de la cuve
Les photographies en Figure 6, Figure 7, Figure 8 et Figure 17 illustrent les dégâts engendrés par la
projection de fragments, provenant vraisemblablement de la cuve, située à proximité.
Des fragments ont perforé le décanteur et la canalisation entre le décanteur et la cuve « eaux blanches »
n°2. Les calculs basés sur le modèle d?impact semi-empirique IMFRA2 montrent que :
- pour qu?un fragment de 2 à 4 cm de côté perfore la paroi en inox du décanteur, sa vitesse
d?impact doit être de l?ordre de 140 à 170 m/s ;
- pour qu?un fragment de 1,5 cm de côté perfore la canalisation reliant le décanteur et la cuve
« eaux blanches » n°2 (de 2 à 3,5 mm), sa vitesse d?impact doit être de l?ordre de 140 à 230 m/s.
D?autres fragments ont été retrouvés à l?extérieur du bâtiment à une distance de 30 m au droit de cuve
et pouvant aller jusque 60 m. Parmi eux, certains ont traversé le mur en briques situé à 10 m, d?autres
ont sans doute été projetés vers le haut et traversé la toiture.
En supposant que le fragment d?environ 1 kg (dimensions approximatives de 50 cm de long, 10 cm de
large) et 3 mm d?acier (épaisseur de la cuve non raccordée) retrouvé à 30 m au droit du mur en brique
a traversé le mur, on détermine que sa vitesse d?impact a dû être au moins de 200 m/s (vitesse
nécessaire pour traverser le mur en brique). Pour pouvoir ensuite être projeté à la distance de 30 m, sa
vitesse initiale devait être supérieure ou égale à 204 m/s, ce qui correspond à une énergie cinétique
initiale de l?ordre de 20 800 J.
En supposant que le fragment de l?ordre de 20 cm sur 20 cm (fragment en acier de 1 kg environ)
retrouvé à 60 m de la cuve, a traversé la toiture, on calcule, en considérant un angle d?éjection par
rapport à l?horizontale de 30 à 60°, une vitesse initiale de 60 à 120 m/s nécessaire pour atteindre la
distance de projection de 60 m.
Ainsi, l?analyse des dégâts montre que la vitesse d?éjection des fragments a dû être de l?ordre
de 60 à 230 m/s. On peut alors en déduire que l?impulsion communiquée aux fragments
d?enveloppe serait de l?ordre de 1400 à 4700 Pa.s.
Ensuite, 3 hypothèses ont été considérées pour remonter à une masse de nitrocellulose ayant réagi, en
tenant compte de la nature du produit et la conception de la cuve (double paroi) :
? Hypothèse n°1 : la masse de nitrocellulose ayant réagi est supposée être initialement en contact
avec les fragments projetés
? Hypothèse n°2 : scénario d?éclatement de la cuve à la suite d?une montée en pression due à
une explosion interne en fond de cuve
? Hypothèse n°3 : scénario d?éclatement de la cuve à la suite d?une montée en pression due à
une explosion interne dans l?espace entre les 2 parois de la cuve
Concernant la nature du produit, d?après les enseignements tirés de la bibliographie (cf. point 3) :
- une fois initiée, la décomposition de la nitrocellulose peut transiter en détonation ;
- la vitesse de décomposition et l?énergie libérée dépendent de l?état physico-chimique du produit
(cf.Figure 21) :
o la nitrocellulose à 14% densifiée (1 500 kg/m3) présente une vitesse de détonation de
l?ordre de 6000 m/s et une énergie de l?ordre de 6000 kJ/kg ;
o la nitrocellulose fibreuse peu dense (170 kg/m3) présente une vitesse de détonation de
l?ordre de 2000 m/s et une énergie de l?ordre de 3000 kJ/kg.
2 Omega 23 - Résistance des structures industrielles à l?impact de projectiles d?origine accidentelle | Ineris (mars 2018)
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Figure 21 : Vitesse de détonation en fonction de la nature et de la densité de la nitrocellulose3
Hypothèse n°1 : détonation d?une masse de nitrocellulose initialement en contact avec les
fragments projetés
Nous avons vu précédemment que les fragments de cuve projetés ont dû subir une impulsion de l?ordre
de 4 700 Pa.s. L?impulsion est définie comme étant l?intégrale de la surpression en fonction du temps.
En cas de détonation, en première approche, on peut donc calculer l?impulsion I à partir de la
surpression maximale engendrée par la détonation DPmax et de la durée de détonation tdétonation, à partir
de la relation suivante :
I=1/2 x DPmax x tdétonation
En cas de détonation, la surpression est supposée constante au sein de la nitrocellulose, et égale à la
surpression maximale théorique (Chapman-Jouguet).
La durée de la détonation peut se calculer à l?aide du rapport entre la dimension caractéristique de la
quantité de nitrocellulose réagissant et la vitesse de détonation.
En cas de détonation de nitrocellulose 14% densifiée (i.e. le produit fini), la pression de détonation
serait de 24 300 bar au sein de la nitrocellulose, et la vitesse de détonation de 6 000 m/s. Ainsi,
l?impulsion de 4 700 Pa.s peut être atteinte pour une masse de nitrocellulose supérieure à 80 g.
En cas de détonation de fibres de nitrocellulose peu denses, la pression de détonation serait de
1 530 bar au sein de la nitrocellulose, et la vitesse de détonation de 2 000 m/s. Ainsi, l?impulsion de
4 700 Pa.s peut être atteinte pour une masse de nitrocellulose supérieure à 1 300 g.
L?analyse de l?hypothèse n°1 montre que la détonation d?une quantité de nitrocellulose
relativement limitée (entre 80 et 1300 g) permettrait d?engendrer une impulsion suffisante pour
projeter des fragments de la cuve en contact avec la nitrocellulose aux distances observées.
3 OFFICE OF NAVAL RESEARCH ARLINGTON VA, « Detonation, Proceedings » (Symposium (International) on
Detonation, Pasadena, California, 1970), https://apps.dtic.mil/sti/citations/AD0751413.
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Hypothèse 2 : Scénario d?éclatement de la cuve à la suite d?une montée en pression due à une
explosion interne en fond de cuve
En raison du manque d?informations sur la cinétique de libération de l?énergie, nous n?avons pas pu
étudier l?influence de l?ouverture sur la pressurisation de la cuve en cas de réaction de la nitrocellulose
présente dans la cuve. De plus, en cas de réaction très rapide (type détonation), l?ouverture de la cuve
n?aurait pas d?influence sur la pressurisation de la cuve, car la détonation est un phénomène beaucoup
plus rapide que la rupture de la cuve. Le calcul a donc été réalisé en supposant la cuve fermée :
? En considérant une vitesse de dépressurisation du volume de gaz sous pression de l?ordre de
500 à 1 000 m/s (vitesse du son dans les gaz très chauds), la durée de dépressurisation
maximale (longueur de détente de l?ordre de 2 m) serait de l?ordre de 6 à 12 ms.
? En considérant une durée de dépressurisation moyenne de l?ordre de 10 ms, on calcule alors
une surpression interne dans la cuve de l?ordre de 2,8 à 9,5 bar engendrant l?impulsion cible de
1 400 à 4 700 Pa.s déduite des distances de projection observées.
? En assimilant le gaz contenu dans la cuve au moment de la rupture à de l?air (gamma = 1,4),
l?énergie de pression associée (13 à 47 MJ) correspondrait à une masse équivalente de TNT
de 2,8 à 10 kg (4).
? En cas de détonation de NC 14% densifiée (6 000 kJ/kg), une masse de l?ordre de 2,2 kg
serait suffisante.
? En cas de détonation de fibres de NC peu dense (3 000 kJ/kg), une masse de l?ordre de
4,4 kg serait suffisante.
Ainsi, l?analyse de l?hypothèse n°2 montre qu?en cas de montée en pression de la cuve à la suite
d?une détonation interne de nitrocellulose, la détonation de quelques kilogrammes de
nitrocellulose dans la cuve permettrait d?engendrer une impulsion suffisante pour projeter les
fragments de cuve aux distances observées.
Hypothèse 3 : Scénario d?éclatement à la suite d?une explosion interne dans l?espace entre les 2
parois de la cuve
En l?absence d?information sur la distance entre les 2 parois de la cuve, nous avons supposé un espace
de l?ordre de quelques cm (typiquement 5 cm), supposé clos :
? En considérant une vitesse de dépressurisation du volume de gaz sous pression de l?ordre de
500 à 1000 m/s (vitesse du son dans les gaz très chauds), la durée de dépressurisation
maximale (dimension caractéristique de l?ordre de 0,4m) serait de l?ordre de 2 ms.
? On calcule alors une surpression interne dans l?espace entre les parois de l?ordre de 14 à 47 bar
engendrant l?impulsion cible de 1 400 à 4 700 Pa.s.
? En assimilant le gaz contenu dans la cuve au moment de la rupture à de l?air (gamma = 1,4),
l?énergie de pression associée (1 à 3,7 MJ) correspond à une masse équivalente de TNT de
0,23 à 0,78 kg.
? En cas de détonation de NC 14% densifiée (6 000 kJ/kg), une masse de l?ordre de 0,180 kg
serait suffisante
? En cas de détonation de fibres de NC peu dense (3 000 kJ/kg), une masse de l?ordre de
0,360 kg serait suffisante
L?analyse de cette hypothèse montre que la détonation de quelques centaines de grammes de
nitrocellulose dans l?espace (supposé clos) entre les parois de la cuve permettrait d?engendrer
une impulsion suffisante pour projeter les fragments de paroi aux distances observées.
4 Energie de détonation du TNT de 4,69 MJ/kg.
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4.1.2.1.2 Analyse des dégâts liés aux effets de surpression observés sur le bâtiment
Dégâts observés sur la toiture du bâtiment :
La photographie en Figure 10 illustre les dégâts observés au niveau de la toiture du bâtiment au droit
de la cuve non raccordée.
La toiture du bâtiment se trouve à 8-10 m de hauteur ; le fond de cuve se trouve donc à 6-8 m des
bardages en toiture les plus proches.
La totalité des bardages a été arrachée au droit de la cuve, sur environ 10 m de part et d?autre de la
cuve, ce qui implique, d?après le retour d?expérience de l?Ineris, un niveau de surpression supérieur à
50-100 mbar sur cette zone. La mise en oeuvre de l?abaque de décroissance de la surpression en
fonction de l?éloignement en cas de détonation de TNT montre qu?une telle fourchette de surpression
correspondrait à la détonation d?une masse de TNT comprise entre 140 et 840 g. On en déduit alors, à
partir de l?énergie de détonation de la nitrocellulose, qu?une masse de fibres de NC supérieure à 200 g
à 1,3 kg, ou une masse de NC à 14% supérieure à 650 g, aurait pu produire un tel niveau de
surpression.
Au-delà de 60 m de la cuve, on constate que les bardages n?ont pas été endommagés, aussi le niveau
de surpression devait être inférieur à la trentaine de mbar au-delà de 60 m. On en déduit une masse de
TNT inférieure à 5,7 kg, une masse de fibres de NC inférieure à 9 kg, et une masse de NC à 14%
inférieure à 4,5 kg.
Dégâts observés sur la façade Sud :
La photographie en Figure 5 illustre les dégâts observés sur la façade Sud du bâtiment.
On constate la rupture des enfilades vitrées situées en partie haute de la façade jusqu?à environ 60 m
de la cuve, ce qui implique, d?après le retour d?expérience de l?Ineris, une surpression de l?ordre de 15
à 20 mbar à 60 m. On peut donc déduire de ces dégâts une masse de TNT comprise entre 1,8 et 2,5 kg,
une masse de fibres de NC comprise entre 2,8 et 3,9 kg, ou encore une masse de NC à 14% comprise
entre 1,4 à 2 kg.
On constate également que le mur de remplissage en briques creuses d?environ 7 cm d?épaisseur, situé
à 10 m au droit de la cuve, a résisté aux effets de surpression, ce qui implique, selon les méthodes
forfaitaires5 et les calculs menés par l?Ineris, un niveau de surpression inférieur à environ 150 mbar. On
en déduit alors une masse de TNT inférieure à 1 kg, une masse de fibres de NC inférieure à 1,6 kg, ou
encore une masse de NC à 14% inférieure à 0,8 kg
L?analyse des dégâts observés sur la toiture et la façade Sud du bâtiment montre que la
détonation de l?ordre du kilogramme de NC dans la cuve non raccordée permettrait d?engendrer
les dégâts de surpression observés.
4.1.2.2 Estimation de la quantité de nitrocellulose énergétique dans la canalisation PVC reliant les
tamiseurs à la cuve « eaux blanches » n°2
Les photographies en Figure 16 montrent que la canalisation en PVC de DN 200 a été entièrement
détruite (en miettes, pas de fragments retrouvés) sur une longueur de 30 m environ, ce qui laisse penser
que la nitrocellulose a dû détoner à l?intérieur de la canalisation.
5 Formalisation du savoir et des outils dans le domaine des risques majeurs (DRA-35) La résistance des
structures aux actions accidentelles ? Ineris DRA-2007-N° 46055/77288 en date du 10/01/2007.
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Pour une telle canalisation en PVC présentant un diamètre interne de 200 mm, et une épaisseur de
4 mm, la pression de rupture6 a été estimée à 17 bar (en considérant une contrainte limite du PVC de
40 MPa). Toutefois, la canalisation ayant été entièrement réduite en miettes, la surpression a sans doute
été supérieure.
Afin d?estimer la quantité minimale de produit qui aurait réagi dans la canalisation DN 200 en PVC, nous
avons considéré que la totalité du volume interne du tronçon de canalisation détruit7 (soit 0,9 m3) a été
pressurisé par les gaz de détonation sous 17 bar. L?énergie de pression associée s?élève alors à
5 340 kJ8.
En considérant une détonation du produit fini dans la canalisation, on calcule, à l?aide de l?énergie de
détonation de la nitrocellulose à 14% de 6 211 kJ/kg, qu?une masse de NC à 14% de 860 g serait
nécessaire pour libérer une telle énergie. En considérant une masse volumique de l?ordre de 1500kg/m3
pour le produit fini, on calcule qu?une telle quantité répartie uniformément sur les 30 m de longueur
représenterait une épaisseur de l?ordre de 1 mm.
En considérant la détonation des fibres de NC (peu dense), présentant une énergie de décomposition
de l?ordre de 3 000 kJ/kg, on calcule une masse de fibres de 1,780 kg. En considérant une masse
volumique de l?ordre de 170 kg/m3, une telle quantité répartie uniformément sur les 30 m de longueur
représenterait une épaisseur de fibres de l?ordre de 7 mm.
4.1.3 Estimation de la quantité de nitrocellulose énergétique dans la canalisation en
acier reliant la cuve « eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3
Les photographies en Figure 13 illustrent les dégâts constatés sur la canalisation en acier reliant la cuve
« eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3.
D?après les observations, un tronçon de canalisation DN 150 de 5 m de longueur a été totalement
détruit, vraisemblablement à la suite de la détonation d?un dépôt de nitrocellulose dans la canalisation.
Etant donné le diamètre interne (150 mm), l?épaisseur supposée de l?ordre de 2 mm et la contrainte de
ruine de l?acier Inox 304 L de l?ordre de 500 à 670 MPa, la pression de rupture de cette canalisation a
été estimée de l?ordre de 130 à 180 bar. Sa destruction implique donc que sur le tronçon détruit, la
surpression interne a dû être supérieure ou égale à 130 à 180 bar.
Le tronçon de canalisation de 5 m de long et 150 mm de diamètre interne présente un volume interne
de 0,09 m3 environ. En considérant que tout ce volume est pressurisé sous 180 bar (respectivement
130 bar) par des gaz de détonation (?=1,3), on calcule une énergie de pression 5 300 kJ
(respectivement 3 800 kJ). Une telle énergie peut être libérée par la détonation :
? d?une masse de 850 g (respectivement 620 g) de nitrocellulose à 14%, ce qui représenterait
une épaisseur de 3,5 mm (respectivement 2 mm) sur les 5 m de longueur en considérant le
fond de canalisation uniformément rempli (comme avec un liquide) ,
? d?une masse fibres de NC de 1,767 kg (respectivement 1,27 kg), ce qui représenterait une
épaisseur de fibres de 26 mm (respectivement 21 mm) sur les 5 m de longueur en considérant
le fond de canalisation uniformément rempli (comme avec un liquide).
6 Pression uniformément répartie sur les parois internes d?un cylindre creux d?épaisseur e et de rayon R :
P=?xe/R ? contrainte.
7 Canalisation présentant un diamètre interne de 200 mm, tronçon de 30 m de long.
8 Energie de pression = énergie de Brode = DP x V /(?-1) avec DP la surpression dans le tronçon de volume V,
et ? le rapport des chaleurs spécifiques des gaz de détonation, considéré égal à 1,3.
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4.1.4 Conclusion
L?analyse des projections des fragments de la cuve non raccordée a permis d?estimer la quantité de
nitrocellulose susceptible d?avoir détoné dans la cuve, en considérant trois hypothèses de modélisation
d?explosion interne. Les résultats de cette analyse montrent que, selon les hypothèses retenues, la
détonation d?une quantité de nitrocellulose allant d?une quantité relativement limitée à quelques
kilogrammes dans la cuve serait suffisante pour engendrer les effets de projection observés. L?analyse
des dégâts observés sur la toiture et la façade Sud du bâtiment montre que la détonation d?une masse
de nitrocellulose de l?ordre du kilogramme dans la cuve permettrait d?engendrer les dégâts de
surpression observés. Ainsi, les différentes analyses convergent vers une quantité de l?ordre de
1 kg de nitrocellulose ayant susceptible d?avoir réagi dans la cuve non raccordée.
L?analyse des dégâts observés sur la canalisation DN 200 en PVC en acier montre qu?une
quantité de nitrocellulose de l?ordre de 0,86 kg à 1,78 kg (selon la nature du produit : dense ou en
fibres peu denses) a dû réagir dans ces tronçons de canalisation.
Enfin l?analyse des dégâts observés sur le tronçon de la canalisation DN 150 en acier montre
qu?une quantité de nitrocellulose de l?ordre de 0,62 kg à 1,76 kg (selon la nature du produit : dense
ou en fibres peu denses) a dû réagir dans ce tronçon de canalisation.
4.2 Question N°2 du BEA-RI - Etude de la sensibilité de la nitrocellulose
énergétique
La seconde question posée par le BEA-RI concerne la définition de la sensibilité de la nitrocellulose
énergétique au choc, à la friction et à la température par des essais ou via la bibliographie, en fonction
du mode de séchage, notamment au vu des conditions météo ayant précédé l?accident.
Dans un premier temps, l?Ineris s?est attaché à étudier la sensibilité aux stimuli mécaniques et la stabilité
thermique d?échantillons prélevés le 17 août. Puis les résultats ont été comparés aux données de la
littérature. Enfin, un état de l?art de l?effet du séchage de la NC a été effectué et sera mis en parallèle
des conditions météorologiques et d?opération du bâtiment.
4.2.1 Sensibilité aux stimuli mécaniques et stabilité thermique des résidus prélevés
Lors de l?enquête, des résidus fibreux ou solides ont été observés dans la partie inférieure de la paroi
intérieure de plusieurs canalisations tubulaires démontées ou endommagées, en partie extérieure de
jonctions de canalisations et sur des brides démontées ou endommagées.
En particulier, la canalisation des « eaux blanches filtrées » contenait un tapis d?épaisseur estimée entre
0,5 mm et 1 cm de fibres blanches mais grises en surface.
Des prélèvements ont alors été effectués pour connaître la nature de ces fibres et leur sensibilité de
manière comparée à la NC connue en tant que produit fini.
Les 3 premiers prélèvements ont été réalisés à l?étage sous le tamiseur tels qu?illustrés sur la Figure 22.
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Figure 22 : Emplacement des prélèvements 1, 2 et 3
Figure 23 : Photo après prélèvement (1)
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Figure 24 : Photo après prélèvement (2)
Figure 25 : Photo avant et après prélèvement (3)
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Le prélèvement 4 a lieu sur la face interne d?un ensemble de canalisation démonté avant l?incident et
sans traces apparentes de combustion.
Figure 26 : Emplacement du prélèvement 4
Les 4 échantillons ont été soumis à une analyse calorimétrique par DSC, et aux tests de sensibilité à
l?impact et à la friction selon les moyens d?essai définis par le Manuel ONU d?épreuves et critères. Les
rapports sont présentés en Annexe 2 à 6.
Dans le cadre des tests de sensibilité à l?impact et à la friction, les échantillons testés ont été placés à
40 °C pendant 1h avant essai, pour reproduire les conditions environnementales lors de l?accident et
éviter de tester des échantillons réhumidifiés par les pompiers et l?environnement de stockage à l?Ineris.
prélèvement Energie de
décomposition
Energie minimale de
réaction à l?impact
Energie minimale de
réaction à la friction
1 3 600 J/g Non testé Non testé
2 3 410 J/g Non testé Non testé
3 2 240 J/g 3 J 324 N
4 2 980 J/g 4 J 360 N
La littérature confirme que les valeurs mesurées d?énergie de décomposition correspondent à
de la NC à haute nitration (>12,5 %, type ?coton-poudre?).
On observe que l?échantillon de NC prélevé à l?intérieur du tube PVC a une énergie notablement plus
faible : 1 seul essai de DSC à 3 mg a été réalisé sur une masse de prélèvement de l?ordre du gramme
non homogène. La représentativité est questionnable.
Il est également possible que la densité apparente ait une influence comme le cas de l?énergie
d?explosion mesurable en bombe calorimétrique.
La littérature confirme que les valeurs mesurées de sensibilité correspondent à de la NC : très
faible sensibilité à l?épreuve de friction (autour de 350 N), sensibilité notable à l?impact (3 J).
De même il est logique que la NC dense du tube démonté (Prélèvement 4) soit moins sensible au
frottement que la NC fibreuse qui est moins dense, située à l?intérieur du tube PVC (Prélèvement 3).
La faible sensibilité à la friction de la NC n?est qu?apparente : comme la cellulose, la
nitrocellulose peut produire en son sein ou avec d?autres matériaux des décharges
électrostatiques (triboélectricité) pouvant aboutir à son initiation, tout particulièrement sur de la
NC déstabilisée et/ou sèche.
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Etant une fibre, la génération de charge par friction est facilitée (augmentation de la surface). Bien que
neutre sur l?échelle de la triboélectricité, le coton peut produire des décharges électrostatiques par
frottement avec lui-même : la probabilité est réduite en présence d?humidité. La NC est connue pour
avoir une meilleure capacité à générer des charges et donc des décharges électrostatiques, car elle est
employée dans des dispositifs de nano génération d?électricité9. De plus, la sensibilité de la NC varie
énormément de 0.061 J en non confiné à 3.1 J en confiné et densifié10. A titre de comparaison, les gaz
inflammables s?enflamment généralement entre 0.001 J et 0.050 J et les poussières non fines
s?enflamment autour de 0.1 J.
La sensibilité des résidus est telle qu?attendue en comparaison avec la NC en tant que produit fini.
A titre de comparaison, 3 Joules de sensibilité à l?impact correspondent à un projectile de 60 g à 10 m/s,
ou à une masse de 200 g qui tombe de 1,5 m ; c?est une valeur faible, très facilement atteignable avec
un marteau manuellement.
4.2.2 Impact du séchage de la NC sur sa stabilité et sensibilité
Un état de l?art a été réalisé pour lister les paramètres influant significativement sur la sensibilité de la
NC et étant pertinent dans le cadre cet accident.
Toutes traces d?acides dans l?eau, notamment provenant d?acide nitrique libre au sein des fibres
de NC déstabilisent la NC.
Pour rappel, à cette étape du raffinage la présence d?acide libre dans les fibres demeure, tant que
l?étape suivante de cuisson n?est pas réalisée : ce qui peut provoquer des inflammations spontanées à
causes d?échauffement locaux par auto décomposition (hydrolyse par l?acide libre des groupes nitro qui
conduit à libération d?acide nitrique hydrolysant d?autre groupe nitro, le tout produisant de la chaleur).
De plus, il est connu que l?humidification par l?eau a un impact sur la stabilité de la NC après
séchage en réduisant l?énergie nécessaire à une décomposition de manière autoentretenue. Selon les
essais réalisés par Katoh et al.11, la température de décomposition de la NC sèche est de 150 °C, alors
que pour la NC mouillée à 2-2.5 % en masse d?eau, cette température de décomposition baisse de
45 °C à 105 °C. De même certains minéraux présents dans les eaux de ville stabilisent ou déstabilisent
la NC après séchage. Pour Guo et al.12, la température de décomposition auto-accélérée (SADT,
calculée) de produit fini comportant une majorité de NC passe de 117 °C sèche à 100 °C humidifiée
avec de l?eau.
9 Hao-Yang Mi et al., « High-Performance Flexible Triboelectric Nanogenerator Based on Porous Aerogels and
Electrospun Nanofibers for Energy Harvesting and Sensitive Self-Powered Sensing », Nano Energy 48 (1 juin
2018): 327?36, https://doi.org/10.1016/j.nanoen.2018.03.050; Hisham Mattar et al., « Nitrocellulose: Structure,
Synthesis, Characterization, and Applications », no 3 (2020).
10 Thomas H. Pratt, Electrostatic Ignitions of Fires and Explosions (John Wiley & Sons, 2010); D.C. Agouridis, T.M.
Gayle, et W.H. Griest, « Development of the Prototype Munitions Case Moisture Meter, Model ORNL-1. Final
Report », 24 février 1993, https://doi.org/10.2172/10173144; Basil T. and Sheffield Oliver E. Fedoroff,
Encyclopedia of Explosives and Related Items Patr 2700 Volume 4 (Picatinny Arsenal, 1969), 4; Thomas M.
Klapötke, Energetic Materials Encyclopedia, Energetic Materials Encyclopedia (De Gruyter, 2018),
https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/9783110442922/html.
11 Katsumi Katoh et al., « Thermal Behavior of Nitrocellulose with Inorganic Salts and Their Mechanistic Action »,
Propellants, Explosives, Pyrotechnics 35, no 5 (2010): 461?67, https://doi.org/10.1002/prep.200900074; Katsumi
Katoh et al., « Effect of Industrial Water Components on Thermal Stability of Nitrocellulose », Journal of Thermal
Analysis and Calorimetry 99, no 1 (1 janvier 2010): 159?64, https://doi.org/10.1007/s10973-009-0492-7; Katsumi
Katoh et al., « Influence of Water on the Thermal Stability of Nitrocellulose », s. d., 6.
12 Song Guo et al., « Study on the Influence of Moisture Content on Thermal Stability of Propellant », Journal of
Hazardous Materials 168, no 1 (30 août 2009): 536?41, https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2009.02.073.
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La stabilité thermique de la NC est également aggravée avec le temps de séchage. En effet, pour
Chai et al.13 qui ont étudié la variation du temps de séchage et du pourcentage d?eau dans la NC de
départ, plus le séchage est lent plus la température de décomposition auto-accélérée (SADT, calculée)
diminue, jusqu?à descendre à 43.5 °C pour 45 h de séchage à 60 °C. De même ils démontrent que la
répétition de cycle d?humidification/séchage réduit cette température de décomposition auto-accélérée
(SADT, calculée). Dans l?étude de l?influence des différents liquides employés pour stabiliser la NC en
stockage, Wei et al.14 concluent que l?eau, l?isopropanol et l?éthanol abaissent l?énergie nécessaire à
une décomposition de manière autoentretenue de la NC après séchage et recommandent de ne pas
dépasser les températures suivantes pour du stockage :
NC seule NC + eau NC + éthanol NC + isopropanol
54,5 °C 45,1 °C 47,2 °C 50,4 °C
Il est important de noter que toutes les études sur la NC sont réalisées sur des produits finis, et que
l?accident étudié ici concerne des résidus de fabrication. Néanmoins les prélèvements ont pu prouver
un comportement de ces résidus identique à la NC sous de forme produit fini. Ces études sont donc
tout à fait applicables à ces résidus.
Comme il s?agit de résidus de NC post nitration ayant une réactivité semblable à de la NC à haute
nitration, les résidus de NC restant après arrêt de la production ont subi un séchage depuis l?eau avec
présence d?acide nitrique.
Du fait des conditions météorologiques où des températures de 38 °C ont été relevées par Météofrance
le 3 août 2023 à 16 h 00 et de l?arrêt de la production à cet endroit depuis le 25 juin 2023, les résidus
de NC présents dans les canalisations ont subi :
- un séchage lent de plusieurs jours,
- potentiellement des cycles de séchage/humidification.
Au moment de l?accident, les résidus de NC sont donc sensibles à une initiation d?origine
mécanique, ou d?origine thermique pouvant résulter d?un échauffement local.
Il est également connu que la température de décomposition auto-accélérée diminue avec la quantité
de produit (effet confinant).
Les résidus présents en grande quantité, notamment dans la canalisation des « eaux blanches
filtrées », sont donc plus vulnérables que les autres à une initiation d?origine thermique.
Un confinement modéré de la NC suffit après inflammation à provoquer une décomposition. Le
confinement des gaz de réaction issus de la décomposition de la NC accélère la décomposition de la
NC jusqu?à dépasser un simple régime de combustion et atteindre une déflagration voire une détonation,
générant alors des ondes de chocs.
Les résidus présents dans des canalisations, notamment en métal pour lesquels la résistance à
la pression est plus importante comparé au canalisation PVC et favorisant le confinement, sont
donc plus susceptibles d?entrer dans des régimes de décompositions engendrant les effets les
plus destructeurs (déflagration et détonation).
13 Hua Chai et al., « Experimental Study on the Effect of Storage Conditions on Thermal Stability of
Nitrocellulose », Applied Thermal Engineering 180 (5 novembre 2020): 115871,
https://doi.org/10.1016/j.applthermaleng.2020.115871.
14 Wei, Rui Chao, Shen Shi Huang, Zhi Wang, Yu He, Richard Yuen, et Jian Wang. « Estimation on the Safe
Storage Temperature of Nitrocellulose with Different Humectants ». Propellants, Explosives, Pyrotechnics 43,
no 11 (2018): 1122-28. https://doi.org/10.1002/prep.201800149.
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Nous n?avons pas pu déterminer l?influence de la taille des fibres de NC, ni l?influence du vieillissement
de la NC en eau dans les conditions de production sur la stabilité de la NC. Néanmoins, un début de
réponse peut être apporté en comparant la température de début de décomposition de la NC dans la
littérature à celle des résidus étudiés ici : on observe une baisse d?environ 10 °C par rapport à la valeur
moyenne de 165 °C relevée dans la littérature sur des essais comparables.
Malgré l?absence de données sur la totalité des propriétés physico-chimique des résidus de NC, les
paramètres étudiés précédemment sont les plus impactants. En l?occurrence, ici leur influence va dans
le même sens d?une déstabilisation de la NC.
4.3 Etude du contact de la nitrocellulose énergétique avec d?autres produits :
butanol fort, produits cuivré graisseux
4.3.1 Question N°3 du BEA-RI
La troisième question posée par le BEA-RI concerne le contact de nitrocellulose énergétique avec du
butanol fort (inscription présente sur la cuve eaux blanches nouvellement installée) et sa capacité à
conduire à une réaction exothermique ;
La NC est stabilisée dans les alcools. Il est même recommandé de stocker la NC en eau ou en alcool.
Le Butan-2-ol, le n-btanol et l?isobutanol ont été étudiés comme solvant dans les années 30-40 dans les
processus de mise en forme de la NC en laques, sans remarques sur une quelconque incompatibilité.
Il n?y a donc pas d?incompatibilité chimique connue entre la NC et le butanol pouvant conduire à une
réaction exothermique.
4.3.2 Question N°4 du BEA-RI
La quatrième question posée par le BEA-RI concerne le contact de nitrocellulose énergétique avec le
produit cuivré graisseux retrouvé sur site et sa capacité à conduire à une réaction exothermique.
En l?absence de connaissance sur la composition chimique exacte et dans l?incapacité de réaliser une
étude expérimentale de la stabilité du mélange, l?Ineris a effectué des recherches en se basant sur des
graisses cuivrées similaires : la présence de particules métalliques peut abaisser la stabilité thermique
de la NC, néanmoins aucune incompatibilité chimique pouvant induire un échauffement de la NC
notable n?est connue dans une échelle de temps de l?ordre de l?heure ou quelques jours.
Manuco a produit une étude de stabilité dans un rapport daté du 18/08/2022. Ainsi nous confirmons
qu?une graisse cuivrée, la rouille ou un joint n?a pas d?influence significative à court terme sur de la NC.
En revanche, nous émettons une réserve sur la méthodologie employée : les essais réalisés ne sont
pas représentatifs d?un effet sur plusieurs mois et années, et la ou les techniques de mesure de l?effet
du vieillissement ne sont pas décrites (pesée, analyse spectrométrie IR? ?).
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5 Conclusion
A la demande du BEA-RI, l?Ineris a répondu à 4 questions en appui à l?analyse de l?accident survenu
dans un atelier de production de nitrocellulose sur le site de Manuco à Bergerac, le 07 aout 2022.
Ces questions portaient sur :
? Estimation des niveaux de surpression, de la masse équivalente de TNT et de la quantité de
nitrocellulose énergétique nécessaire au regard des dégâts visuels constatés sur le plan
bâtimentaire, en intégrant les effets missiles des projectiles retrouvés aux abords du bâtiment ;
? Définir la sensibilité de la nitrocellulose énergétique au choc, à la friction et à la température
par des essais ou via la bibliographie, en fonction du mode de séchage, notamment au vu des
conditions météo ayant précédé l?accident ;
? Déterminer si le contact de nitrocellulose énergétique avec du butanol fort (inscription présente
sur la cuve eaux blanches nouvellement installée) peut conduire à une réaction exothermique ;
? Déterminer si le contact de nitrocellulose énergétique avec le produit cuivré graisseux retrouvé
sur site peut conduire à une réaction exothermique.
L?Ineris a estimé la quantité de nitrocellulose énergétique susceptible d?avoir réagi à différents endroits
du process sur la base des différents dégâts observés sur le bâtiment et sur les équipements du
process. A la demande du BEA-RI, l?Ineris s?est concentré sur la canalisation DN150 en acier reliant la
cuve « eaux blanches » n°1 à l?épaississeur 3, sur la canalisation en PVC DN200 reliant les tamiseurs
à la cuve « eaux blanches » n°2 et sur la cuve non raccordée. Les différentes analyses menées
semblent indiquer qu?une quantité de nitrocellulose de l?ordre de quelques 0,6 à 1,8 kg (selon la nature
du produit : dense ou en fibres peu denses) aurait pu réagir dans les tronçons de canalisation DN150
en acier et DN200 en PVC. Une quantité de nitrocellulose de l?ordre de 1 kg serait susceptible d?avoir
réagi dans la cuve non raccordée.
L?Ineris a estimé que les résidus fibreux dans et sur les différentes canalisations sont bel et bien de la
nitrocellulose, possédant la même sensibilité et réactivité que la nitrocellulose connue et étudiée sous
forme de produit fini. Ces résidus sont sensibles aux sollicitations mécaniques, notamment impact, et à
l?échauffement. L?aspect fibreux de la nitrocellulose, tel qu?observé dans certaines canalisations,
accentue le risque de décharge électrostatique et d?échauffement local. Une fois la nitrocellulose
localement initiée, le confinement en canalisation permet une propagation rapide. De même, ce
confinement accentue les effets, vers des explosions plus destructrices et génératrices de fragments à
plus hautes énergies, ce qui accroît le risque d?effets dominos.
Plusieurs études scientifiques montrent que des températures dans la plage de 43-45°C peuvent
théoriquement suffire pour initier une combustion de nitrocellulose de manière auto entretenue, si cette
dernière est lentement séchée depuis l?eau : on peut donc en conclure que, avec les températures
caniculaires et du fait de quantités non négligeables de nitrocellulose relevées dans des réseaux d?eaux
filtrées, l?opération de maintenance s?est déroulée en présence de nitrocelluloses fortement
déstabilisées.
Il n?existe pas d?incompatibilité chimique avec les éléments en contact - à savoir le butanol et la graisse
cuivrée - avec la nitrocellulose au moment de la maintenance pouvant expliquer à elle seule la réaction
observée à l?endroit de l?intervention.
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6 Annexes
Liste des annexes :
- Annexe 1 : Sollicitation du BEA-RI en date du 24 septembre 2022 ? 1 page ;
- Annexe 2 : Fiche d?essais à l?épreuve de frottement : prélèvement 3 ? 2 pages ;
- Annexe 3 : Fiche d?essais à l?épreuve d?impact : prélèvement 3 ? 2 pages ;
- Annexe 4 : Fiche d?essais à l?épreuve de frottement : prélèvement 4 ? 2 pages ;
- Annexe 5 : Fiche d?essais à l?épreuve d?impact : prélèvement 4 ? 2 pages ;
- Annexe 6 : Compte rendu d'essais DSC ? 5 pages.
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7 Références
Agouridis, D.C., T.M. Gayle, et W.H. Griest. « Development of the Prototype Munitions Case Moisture
Meter, Model ORNL-1. Final Report », 24 février 1993. https://doi.org/10.2172/10173144.
Chai, Hua, Qiangling Duan, Huiqi Cao, Mi Li, Kaixuan Qi, Jinhua Sun, et Xiaoli Yang. « Experimental
Study on the Effect of Storage Conditions on Thermal Stability of Nitrocellulose ». Applied
Thermal Engineering 180 (5 novembre 2020): 115871.
https://doi.org/10.1016/j.applthermaleng.2020.115871.
Guo, Song, Qingsong Wang, Jinhua Sun, Xin Liao, et Ze-shan Wang. « Study on the Influence of
Moisture Content on Thermal Stability of Propellant ». Journal of Hazardous Materials 168, no
1 (30 août 2009): 536?41. https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2009.02.073.
Katoh, Katsumi, Eiko Higashi, Katsuyuki Nakano, Shunsuke Ito, Yusuke Wada, Junichi Kasamatsu,
Hiroshi Miya, Masaaki Yamamoto, et Yuji Wada. « Thermal Behavior of Nitrocellulose with
Inorganic Salts and Their Mechanistic Action ». Propellants, Explosives, Pyrotechnics 35, no 5
(2010): 461?67. https://doi.org/10.1002/prep.200900074.
Katoh, Katsumi, Shunsuke Ito, Yuji Ogata, Jun-ichi Kasamatsu, Hiroshi Miya, Masaaki Yamamoto, et
Yuji Wada. « Effect of Industrial Water Components on Thermal Stability of Nitrocellulose ».
Journal of Thermal Analysis and Calorimetry 99, no 1 (1 janvier 2010): 159?64.
https://doi.org/10.1007/s10973-009-0492-7.
Katoh, Katsumi, Tsutomu Soramoto, Eiko Higashi, Shuhei Kawaguchi, Kosuke Kumagae, Shunsuke Ito,
Yuji Wada, Katsuyuki Nakano, et Mitsuru Arai. « Influence of Water on the Thermal Stability of
Nitrocellulose », s. d., 6.
Klapötke, Thomas M. Energetic Materials Encyclopedia. Energetic Materials Encyclopedia. De Gruyter,
2018. https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/9783110442922/html.
Mattar, Hisham, Zahraa Baz, Ahmed Saleh, Ahmed S A Shalaby, Ahmed Elsayed Azzazy, Hesham
Salah, et Ibrahim Ismail. « Nitrocellulose: Structure, Synthesis, Characterization, and
Applications », no 3 (2020).
Mi, Hao-Yang, Xin Jing, Qifeng Zheng, Liming Fang, Han-Xiong Huang, Lih-Sheng Turng, et Shaoqin
Gong. « High-Performance Flexible Triboelectric Nanogenerator Based on Porous Aerogels
and Electrospun Nanofibers for Energy Harvesting and Sensitive Self-Powered Sensing ».
Nano Energy 48 (1 juin 2018): 327?36. https://doi.org/10.1016/j.nanoen.2018.03.050.
OFFICE OF NAVAL RESEARCH ARLINGTON VA. « Detonation, Proceedings ». Pasadena, California,
1970. https://apps.dtic.mil/sti/citations/AD0751413.
Oliver E. Fedoroff, Basil T. and Sheffield. Encyclopedia of Explosives and Related Items Patr 2700
Volume 4. Picatinny Arsenal, 1969.
Pratt, Thomas H. Electrostatic Ignitions of Fires and Explosions. John Wiley & Sons, 2010.
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Annexe 1
Sollicitation du BEA-RI en date du 22 septembre 2022
1 page
Inspection générale de l?environnement
et du développement durable
Bureau d?Enquêtes et d?Analyses
sur les risques industriels
Mél : bea-ri@developpement-durable.gouv.fr
Tour Sequoia
1, place Carpeaux - La Défense
92055 LA DÉFENSE CEDEX
https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/le-bureau-d-enquetes-et-d-analyses-sur-les-risques-a3081.html
,
·
·
·
·
.
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Annexe 2
Fiche d?essais à l?épreuve de frottement : prélèvement 3
2 pages
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Annexe 3
Fiche d?essais à l?épreuve d?impact : prélèvement 3
2 pages
Ineris - 209316 - 2769588 - v3.0
Annexe 4
Fiche d?essais à l?épreuve de frottement : prélèvement 4
2 pages
Ineris - 209316 - 2769588 - v3.0
Annexe 5
Fiche d?essais à l?épreuve d?impact : prélèvement 4
2 pages
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Annexe 6
Compte rendu d'essais DSC
5 pages
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 1 | 5
Nom du RA N. APCHIN Client SANOFI
Date de renseignement de la fiche 12/10/2022 Demande de travail faite par le RA Oui Non
Code Prestation 209316 Contribution Labo 209316
Fiche de sécurité (FDS) disponible Oui Non Remarques :
Rédacteur / Opérateur : Peggy GRUEZ
Nature des Produits
N° d?échantillon
(Léopard)
Quantité ou volume
(g ou ml)
Famille de produit ou
remarques
Résidu de nitrocellulose 1 ? Tube démonté 22A1E002-1 3 mg Explosif
Résidu de nitrocellulose 2 ? Tube PVC 22A1E002-2 3 mg Explosif
Résidu de nitrocellulose 3 ? Résidu tube
accident n°1
22A1E002-3 3 mg Explosif
Résidu de nitrocellulose 4 ? Résidu tube
accident n°2
22A1E002-4 3 mg Explosif
Essai n° : Nom du produit Masse d?échantillon (mg) Condition de chauffe
DSC-4903 Tube démonté 2,2 De 30 à 400°C à 5°C/min
DSC-4904 Tube PVC 2,9 De 30 à 400°C à 5°C/min
DSC-4905 Tube accident n°1 2,4 De 30 à 400°C à 5°C/min
DSC-4906 Tube accident n°2 2,7 De 30 à 400°C à 5°C/min
DSC 131 EVO :
Creusets utilisés : Inox fermé Inox ouvert Autre
Gaz utilisé : Azote Air Autre
Rampe de chauffe : 5°C/min Autre
Température maximale : 400°C 500°C Autre
Balance utilisée n° :M-AE-0019
Description de l?équipement
Le calorimètre 131 Evo
Le calorimètre DSC (Differential Scanning Calorimeter) mesure la différence de flux thermique dégagé entre
un échantillon et une référence, lorsqu'ils sont placés dans un four et soumis à une loi de chauffe linéaire de
la température ambiante à 400°C. Les résultats sont présentés sous forme de courbes appelée thermogramme.
La température du four (en °C) est en abscisse et le flux de chaleur (en mW) en ordonnée. Un événement
thermique tel qu'une transition de phase, un changement de chaleur spécifique, une réaction ou une
décomposition chimique, se traduit par un pic sur le signal de l'acquisition de données (Figure 2). Ce pic peut
être au-dessus ou au-dessous de la ligne de base traduisant respectivement une exothermie ou une endothermie.
L'amplitude de ce pic correspond à la puissance thermique libérée et sa surface représente l'énergie associée.
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 2 | 5
De cette façon, on peut :
- Mettre facilement en évidence tous phénomènes endothermiques ou exothermiques,
- Déterminer les températures auxquelles ont lieu ces phénomènes,
- Déterminer l'énergie associée à l?évènement thermique en intégrant la surface du pic.
Figure 1 : Schéma et cliché photographique du calorimètre à balayage différentiel DSC 131 EVO.
Figure 2 : Exemple de thermogramme obtenu en DSC.
Mode opératoire
L?échantillon à analyser a été introduit dans un creuset d?un volume de 30 µL. Le creuset a ensuite été placé
dans un four et soumis à une chauffe de 5°C/min de la température ambiante jusqu?à 400°C.
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 3 | 5
Courbes et Interprétations
DSC-4903
L?essai est réalisé avec 2,2 mg de résidu de nitrocellulose issu du tube démonté introduit dans un creuset inox
F30 fermé sous air de l?ambiante à 400°C avec une rampe de chauffe de 5°C/min.
Figure 3 : Thermogramme de l?essai sur le résidu de nitrocellulose issu du tube démonté.
DSC-4904
L?essai est réalisé avec 2,9 mg de résidu de nitrocellulose issu du tube PVC introduit dans un creuset inox F30
fermé sous air de l?ambiante à 400°C avec une rampe de chauffe de 5°C/min.
Figure 4 : Thermogramme de l?essai sur le résidu de nitrocellulose issu du tube PVC.
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 4 | 5
DSC-4905
L?essai est réalisé avec 2,4 mg de résidu de nitrocellulose issu du tube accident n°1 introduit dans un creuset
inox F30 fermé sous air de l?ambiante à 400°C avec une rampe de chauffe de 5°C/min.
Figure 5 : Thermogramme de l?essai sur le résidu de nitrocellulose issu du tube accident n°1.
DSC-4906
L?essai est réalisé avec 2,7 mg de résidu de nitrocellulose issu du tube accident n°2 introduit dans un creuset
inox F30 fermé sous air de l?ambiante à 400°C avec une rampe de chauffe de 5°C/min.
Figure 6 : Thermogramme de l?essai sur le résidu de nitrocellulose issu du tube accident n°2.
INERIS Compte Rendu d?Essais LSPC DRA/SUPP/MERC
P a g e 5 | 5
Essai
Masse initiale
(mg)
Plage de
température (°C)
Energie
dégagée (J/g) *
Observations
DSC-4903 2,2 156,0/208,2 2982 ± 142
On observe une exothermie initiée vers
156°C et finissant vers 208°C avec une
enthalpie totale de l?ordre de -2982 J/g.
DSC-4904 2,9 155,8/214,7 2260 ± 80
On observe une exothermie initiée vers
156°C et finissant vers 215°C avec une
enthalpie totale de l?ordre de -2260 J/g.
DSC-4905 2,4 152,9/208,4 3560 ± 155
On observe une exothermie initiée vers
153°C et finissant vers 208°C avec une
enthalpie totale de l?ordre de -3560 J/g.
DSC-4906 2,7 157,0/206,5 3420 ±132
On observe une exothermie initiée vers
157°C et finissant vers 207°C avec une
enthalpie totale de l?ordre de -3420 J/g.
Tableau 1 : Résultats des essais en DSC.
* L?incertitude de la mesure est liée à la précision de la pesée ± 0,1 mg.
En défaut d?air, on admet qu?une réaction thermique commence à devenir conséquente, en termes d?énergie
libérée, à partir de -300 J/g.
Ces observations permettent d?admettre une réaction conséquente, en termes d?énergie libérée, des produits à
partir d?environ 155°C.
Institut national de l?environnement industriel et des risques
Parc technologique Alata ? BP 2 ? F-60550 Verneuil-en-Halatte
03 44 55 66 77 ? ineris@ineris.fr ? www.ineris.fr
P a g e 34 | 34
Bureau d?enquêtes et d?Analyses
sur les Risques Industriels
MTE / IGEDD / BEA-RI
Tour Séquoïa
92055 La Défense Cedex
+33 1 40 81 21 22
bea-ri.igedd@developpement-durable.gouv.fr
https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/bea-ri-r549.html
INVALIDE)