Rapport d'enquête technique sur la réaction exothermique accidentelle survenue au sein du site industriel Chanel situé à Compiègne (60) le 06 janvier 2023

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">Rapport de l'enquête réalisée par le BEA-RI suite à la réaction exothermique accidentelle survenue au sein du site industriel Chanel, site classé SEVESO seuil bas, situé à Compiègne, le 6 janvier 2023. Après une analyse des circonstances dans lesquelles l'accident est survenu, le BEA-RI retient comme cause première l'établissement simultané de plusieurs circuits d'alimentation en eau qui a conduit à réunir les conditions d'une réaction exothermique non maîtrisée. Ces conditions sont le mélange et la chauffe à une température de l'ordre de 60°C de deux produits incompatibles non dilués. L'enquête permet de tirer deux enseignements de sécurité : l'importance pour les documentations technique et commerciale d'alerter les utilisateurs sur les mélanges à ne pas réaliser ou les conditions qui ne doivent pas être atteintes dans le cadre d'un mélange à risque ; l'attention à apporter à la gestion des modes de maintenance et de marche d'un équipement à risque lorque les parties distinctes du même équipement peuvent être exploitées dans un mode différent. Le BEA-RI recommande à la société qui produit et commercialise les deux détergents utilisés par l'exploitant de préciser dans les documentations technique et commerciale de ces produits les conditions dans lesquelles ils peuvent être utilisés avec un autre produit de la gamme, les précautions à prendre et les éventuelles conditions dan lesquelles un emballement de réaction est succeptible d'intervenir. Le BEA-RI émet les recommandations suivantes à l'exploitant du site : sécuriser le fait qu'il y ait bien de l'eau dans la cuve, en quantité suffisante, au moment où les détergents sont introduits ; sécuriser le fait qu'une opération de nettoyage ne puisse avoir lieu que lorsque que le circuit d'alimentation en eau de la cuve à nettoyer est correctement établi ; interdire la possibilité de forcer une vanne qui a une influence sur une opération automatique en cours ; s'assurer que les vapeurs émanant de l'évent ou de la soupape ne soient pas dirigées vers l'espace de travail.</div>
Editeur
BEA-RI
Descripteur Urbamet
enquête ; site industriel ; accident ; polluant
Descripteur écoplanete
directive Seveso ; industrie cosmétologique
Thème
Ressources - Nuisances
Texte intégral
, ? ? ? ? ? ? ? ? , . ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? . ? ? ? ? Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 20/06/2023 Appui à l?expertise de l?incident survenu sur le site de Chanel à Compiègne le 6 janvier 2023 BEA-RI (ID Modèle = 454988) Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 2 sur 31 PRÉAMBULE Le présent document a été réalisé au titre de la mission d?appui aux pouvoirs publics confiée à l?Ineris, en vertu des dispositions de l?article R131-36 du Code de l?environnement. La responsabilité de l'Ineris ne peut pas être engagée, directement ou indirectement, du fait d?inexactitudes, d?omissions ou d?erreurs ou tous faits équivalents relatifs aux informations utilisées. L?exactitude de ce document doit être appréciée en fonction des connaissances disponibles et objectives et, le cas échéant, de la réglementation en vigueur à la date d?établissement du document. Par conséquent, l?Ineris ne peut pas être tenu responsable en raison de l?évolution de ces éléments postérieurement à cette date. La mission ne comporte aucune obligation pour l?Ineris d?actualiser ce document après cette date. Au vu de ses missions qui lui incombent, l'Ineris, n?est pas décideur. Les avis, recommandations, préconisations ou équivalent qui seraient proposés par l?Ineris dans le cadre des missions qui lui sont confiées, ont uniquement pour objectif de conseiller le décideur dans sa prise de décision. Par conséquent, la responsabilité de l'Ineris ne peut pas se substituer à celle du décideur qui est donc notamment seul responsable des interprétations qu?il pourrait réaliser sur la base de ce document. Tout destinataire du document utilisera les résultats qui y sont inclus intégralement ou sinon de manière objective. L?utilisation du document sous forme d'extraits ou de notes de synthèse s?effectuera également sous la seule et entière responsabilité de ce destinataire. Il en est de même pour toute autre modification qui y serait apportée. L'Ineris dégage également toute responsabilité pour chaque utilisation du document en dehors de l?objet de la mission. Nom de la Direction en charge du rapport : DIRECTION GENERALE Rédaction : PETIT Lucas Vérification : VILLEMUR CLAIRE; DELBAERE THIERRY; CHAUMETTE SYLVAIN Approbation : Document approuvé le 20/06/2023 par BOUET REMY Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 3 sur 31 Table des matières 1 Introduction......................................................................................................................................5 1.1 Déontologie..............................................................................................................................5 1.2 Contexte ..................................................................................................................................5 1.3 Réunions d?échange et échantillons........................................................................................5 1.3.1 Réunions d?échange............................................................................................................5 1.3.2 Echantillons fournis à l?Ineris ...............................................................................................5 2 Description de l?évènement et de l?installation concernée...............................................................6 2.1 Procédé de nettoyage de la cuve ............................................................................................6 2.2 Description de l?évènement .....................................................................................................7 2.3 Premières hypothèses.............................................................................................................8 3 Etude de l?Ineris...............................................................................................................................9 3.1 Demande du BEA-RI ...............................................................................................................9 3.2 Echantillons fournis à l?Ineris ...................................................................................................9 3.3 Etude expérimentale..............................................................................................................10 3.3.1 Démarche ..........................................................................................................................10 3.3.2 Simulation des scénarii en calorimètre VSP2....................................................................10 3.3.3 Méthode d?essai.................................................................................................................10 3.3.4 Scénario 1..........................................................................................................................11 3.3.5 Scénario 2..........................................................................................................................15 3.3.6 Scénario 3..........................................................................................................................17 3.3.7 Scénario 4..........................................................................................................................20 3.3.8 Comparaison des scénarios accidentels ...........................................................................22 3.3.9 Analyses complémentaires en calorimètre DSC ...............................................................24 3.3.10 Analyses de gaz issus de la réaction.................................................................................28 4 Conclusion.....................................................................................................................................30 5 Références ....................................................................................................................................31 Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 4 sur 31 Table des illustrations Figure 1 ? Enregistrement de la température du mélange et de la pression dans la cuve pendant l?événement (pression en mbar sur l?ordonnée gauche et température en °C sur l?ordonnée droite) .....7 Figure 2 - Photos des échantillons reçus à l?Ineris ................................................................................10 Figure 3 ? Photographie et schéma du calorimètre VSP2 ....................................................................11 Figure 4 ? Courbe de résultats de l?essai en VSP2 sur le scénario 1 ...................................................12 Figure 5 ? Zoom sur l?emballement 1 ....................................................................................................13 Figure 6 ? Zoom sur l?emballement 2 ....................................................................................................13 Figure 7 - Courbe de résultats de l?essai en VSP2 sur le scénario 2 ....................................................16 Figure 8 - Courbe de résultats de l?essai en VSP2 sur le scénario 3 ....................................................18 Figure 9 ? Zoom sur l?emballement .......................................................................................................19 Figure 10 - Courbe de résultats de l?essai en VSP2 sur le scénario 4 ..................................................21 Figure 11 ? Comparaison des vitesses de montée en température selon les scénarii accidentels ......22 Figure 12 - Comparaison des vitesses de montée en quantité de gaz selon les scénarii accidentels..23 Figure 13. Schéma et photographie du calorimètre à balayage différentiel DSC..................................24 Figure 14 ? Thermogramme de l?essai DSC sur le détergent ...............................................................25 Figure 15 ? Thermogramme de l?essai DSC sur l?oxydant ....................................................................25 Figure 16 ? Thermogramme de l?essai DSC sur le mélange détergent + oxydant................................26 Figure 17 - Thermogramme de l?essai DSC sur le mélange détergent + oxydant + carbopol gélifié ....26 Figure 18 - Vues intérieure et extérieure de l?ARSST ...........................................................................28 Figure 19 - Courbe de résultats de l?essai en ARSST sur le scénario 1 ...............................................29 Liste des tableaux Tableau 1 ? Caractéristiques des produits utilisés dans la cuve.............................................................6 Tableau 2 ? Composition du mélange de nettoyage...............................................................................6 Tableau 3 - Références et caractéristiques des échantillons fournis ......................................................9 Tableau 4 ? Quantités des produits pour l?étude du scénario 1 en VSP2.............................................12 Tableau 5 ? Paramètres issus de l?essai en VSP2 sur le scénario 1 ....................................................14 Tableau 6 ? Quantités des produits pour l?essai VSP2 sur le scénario 2..............................................15 Tableau 7 - Paramètres issus de l?essai en VSP2 sur le scénario 2 .....................................................16 Tableau 8 ? Quantités des produits pour l?essai VSP2 sur le scénario 2..............................................17 Tableau 9 - Paramètres issus de l?essai en VSP2 sur le scénario 2 .....................................................20 Tableau 10 - Paramètres issus de l?essai en VSP2 sur le scénario 4 ...................................................21 Tableau 11 ? Pics de vitesses enregistrés sur les trois essais .............................................................23 Tableau 12 ? Résultats des analyses DSC...........................................................................................25 Tableau 13 ? Résultats des analyses de gaz dilués à l?azote ...............................................................29 Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 5 sur 31 1 Introduction 1.1 Déontologie L?Ineris n?a jamais réalisé d?études pour le site Chanel à Compiègne en lien avec le procédé décrit dans cette étude. 1.2 Contexte Le 6 janvier 2023, une réaction chimique incontrôlée a eu lieu dans une cuve de la société Chanel, située à Compiègne, dont l?activité consiste en la fabrication de parfums et produits cosmétiques. La réaction a donné lieu à une montée rapide en température et en pression dans la cuve dont une soupape de sécurité, tarée à 2,5 bar, a permis la mitigation du phénomène de montée en pression par libération des gaz issus de la réaction. L?ouverture de la soupape a donné lieu à un dégagement gazeux dans l?atelier, incommodant des employés présents à proximité. L?incident s?est déroulé en début d?opération de trempage dont l?objectif est le nettoyage de la cuve, à la suite de la production d?une formule, en utilisant un mélange d?un produit détergent et d?un produit oxydant puissant dilué dans de l?eau et chauffé à 60 °C. Le jour de l?incident, une dérive technique s?est produite sur l?injection de l?eau de dilution dans le mélange. De plus, une seconde dérive s?est déroulée la veille de l?évènement au niveau d?une vanne dite « poudre » qui s?est bouchée. Cette dérive a impliqué la présence potentielle d?un résidu, issu de la production, en fond de cuve sous la pale d?agitation : du Carbopol qui est une matière très acide et qui gélifie au contact de l?eau. A la suite de cet évènement, une enquête technique a été ouverte par le BEA-RI (Bureau d?Enquêtes et d?Analyses sur les Risques Industriels). Au vu du contexte et des premières informations, l?enquête s?est rapidement orientée vers l?hypothèse d?une réaction d?incompatibilité entre les deux produits de nettoyage. Le BEA-RI a missionné l?Ineris afin de confirmer par des analyses le caractère incompatible des produits mis en jeu. Le contenu et les résultats de l?étude réalisée par l?Ineris font l?objet du présent rapport. 1.3 Réunions d?échange et échantillons 1.3.1 Réunions d?échange Une réunion d?échange s?est déroulée entre l?Ineris et Chanel afin de clarifier le déroulement des évènements lors de l?incident et de définir au mieux l?étude expérimentale. Des réunions d?échanges ont eu lieu entre l?Ineris et le BEA-RI au cours de l?enquête. 1.3.2 Echantillons fournis à l?Ineris Les échantillons qui ont permis de réaliser l?étude expérimentale à l?Ineris ont été fournis par Chanel. Les informations concernant ces échantillons sont détaillées en partie 2.1 du rapport. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 6 sur 31 2 Description de l?évènement et de l?installation concernée 2.1 Procédé de nettoyage de la cuve La cuve impliquée dans l?incident de Chanel est utilisée pour une production utilisant une préparation de Carbopol, un acide sous forme de poudre qui gélifie au contact de l?eau. A la suite d?une production, une opération de nettoyage est menée dans la cuve. Du fait de la nature de la formule (gel), le nettoyage ne peut être réalisé à l?eau seule et doit être fait à l?aide de deux produits de nettoyage, un détergent ainsi qu?un oxydant. Le tableau 1 présente les caractéristiques de ces produits de nettoyage ainsi que du produit Carbopol issues des Fiches de Données de Sécurité (FDS) fournies par Chanel. Tableau 1 ? Caractéristiques des produits utilisés dans la cuve Nom commercial Composition (% massique) Mentions de dangers 100371? KOPHANIOS CIP MAXI LF Détergent Polymères à base d?alcool gras éthoxylé (CAS 166736-08-9) 10-25 % Hydroxyde de potassium (CAS 1310-58-3) 2,5 ? 10 % 2-hexyldecan-1-ol (CAS 52609-19-5) 2,5-10 % Sel tétrasodium (CAS 3794-83-0) 0-2,5 % H290 - Peut être corrosif pour les métaux H302 - Nocif en cas d'ingestion H314 - Provoque des brûlures de la peau et de graves lésions des yeux 101138 ? KOPHANIOS OXY Oxydant Peroxyde d?hydrogène (CAS 7722-84-1) 35-50 % H302 - Nocif en cas d'ingestion H315 - Provoque une irritation cutanée H318 - Provoque de graves lésions des yeux H335 - Peut irriter les voies respiratoires Carbopol Sodium carboxyméthyl cellulose (CAS 9004-32-4) Non dangereux La cuve a un volume utile de 2 500 L. Les quantités de produits utilisées dans la recette de nettoyage sont présentées en tableau 2. Tableau 2 ? Composition du mélange de nettoyage Produit Masse (kg) Fraction massique (%) Eau 2 300 95,4 Détergent 75 3,1 Oxydant 35 1,5 Total 2 410 100 Le protocole suivi par Chanel pour le nettoyage de la cuve est le suivant : - Remplissage de la cuve en détergent et en oxydant ; - Remplissage de la cuve en eau et chauffe simultanée jusqu?à 60 °C ; - Mise en route de l?émulseur et de l?agitateur jusqu?à obtention d?une certaine viscosité du mélange. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 7 sur 31 2.2 Description de l?évènement Le 6 janvier, une recette de nettoyage a été démarrée par Chanel. Toutefois, un problème technique s?est produit empêchant le remplissage en eau de la cuve lors de la deuxième étape. La chauffe du mélange détergent/oxydant a toutefois été engagée jusqu?à la température de consigne de 60 °C. D?après l?enregistrement donné par l?instrumentation (voir figure 1), à cette température, le mélange non dilué est rapidement monté en température et a donné lieu à un emballement de réaction jusqu?à une température d?environ 120 °C. La pression mesurée dans la cuve a suivi la même cinétique que la température et est montée jusqu?à une pression de 3 bar relatif. Le graphique présenté en figure 1 présente l?enregistrement de la température et de la pression dans la cuve au cours de l?événement. Figure 1 ? Enregistrement de la température du mélange et de la pression dans la cuve pendant l?événement (pression en mbar sur l?ordonnée gauche et température en °C sur l?ordonnée droite) Après avoir atteint la valeur maximale, la pression est immédiatement redescendue du fait de l?ouverture de la soupape de sécurité dont la pression d?ouverture est de 2,5 bar relatif. Au moment où l?emballement s?est produit et où la soupape a déchargé les gaz sous pression, des employés étaient présents dans l?atelier et ont présenté des symptômes de picotements, gênes respiratoires et/ou céphalées. La sortie de la soupape s?évacuant directement à proximité de la cuve, en intérieur, les employés ont pu être en contact direct avec les gaz et/ou vapeurs potentiellement irritants et/ou toxiques qui ont été déchargés. La dépressurisation de la cuve a été suivie d?une baisse de la température plutôt rapide, pouvant correspondre à un phénomène de condensation de vapeurs formées lors de l?emballement, impliquant un refroidissement. Cette hypothèse est d?autant plus crédible que la température du mélange, constitué en partie d?eau, a dépassé les 100 °C pendant l?emballement. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 8 sur 31 2.3 Premières hypothèses Le dysfonctionnement de l?injection d?eau dans la cuve au moment de la mise en chauffe du mélange détergent/oxydant semble être à l?origine de l?évènement. Une éventuelle incompatibilité entre les deux produits concentrés a donc été suspectée en premier lieu. Mais, comme expliqué en introduction, un deuxième dysfonctionnement s?est produit sur cette cuve la veille de l?opération de nettoyage. Une vanne « poudre » s?est bouchée ce qui a pu avoir comme effet la présence d?un reliquat de produit sous la pale de l?agitateur, en fond de cuve. Le produit en question est du Carbopol gélifié avec de l?eau en quantité inconnue. Ainsi, l?incompatibilité entre ce produit et les deux autres a également été suspectée. Concernant la première hypothèse, l?analyse de la composition du détergent et de l?oxydant permettent d?apporter des arguments en faveur d?une incompatibilité. En effet, l?oxydant est composé de 35 à 50% (d?après les FDS fournies) de peroxyde d?hydrogène. Cette substance, de formule H2O2 est un produit comburant qui peut se présenter sous différents grades. Le peroxyde d?hydrogène a la particularité de se décomposer de manière naturelle en donnant de l?eau et du dioxygène selon une réaction de dismutation schématisée par l?équation chimique suivante [1] : 2 H2O2(l) ?2 H2O(l) + O2(g) C?est une réaction exothermique, c?est-à-dire qui libère de l?énergie, dont l?enthalpie est égale à 2 882 kJ/kg(H2O2). La dismutation du peroxyde d?hydrogène se fait de manière naturelle et lente dans des conditions de stabilisation dites normales. Les solutions commerciales sont préparées avec des agents stabilisants permettant de complexer ou d?absorber les impuretés en solution. Ces agents stabilisants sont par exemple des phosphates, stanates ou silicates de sodium. La décomposition du peroxyde d?hydrogène peut être significativement catalysée par : - La contamination par des substances solubles incompatibles même à très faible teneur (quelques ppm). Les sels métalliques sont en particulier des catalyseurs de cette décomposition (cuivre, chrome, fer, vanadium?) mais aussi les substances organiques ; - L?augmentation de la température ; - Une variation (à la hausse) du pH ; - Une augmentation de la pression. Le détergent est constitué, entre autres, d?hydroxyde de potassium (KOH) qui est une substance incompatible avec le peroxyde d?hydrogène donc susceptible de catalyser sa réaction. Enfin, le chauffage du mélange à 60 °C lors de l?opération de nettoyage a vraisemblablement également contribué aux effets observés en déclenchant et en accélérant la dismutation du peroxyde d?hydrogène. Concernant la montée en pression, elle peut directement être reliée à la formation de dioxygène engendrée par la décomposition du peroxyde d?hydrogène. A savoir qu?une solution concentrée à 35-50 % est susceptible de générer (pour une conversion totale) entre 110 et 130 L de dioxygène pour 1 L de solution (à température ambiante et pression atmosphérique). Pour 35 kg de solution de peroxyde d?hydrogène mise en oeuvre lors de l?évènement, cela correspond à un volume potentiel de dioxygène de 4,4 à 6,3 m3. De plus, compte tenu de la montée en température brutale jusqu?à environ 120 °C enregistrée lors de l?évènement, de la vapeur a vraisemblablement été générée en plus de gaz incondensables. D?après leur composition, les deux produits ont une température d?ébullition autour de 100 °C ce qui, à plus haute température, participe à l?augmentation de la pression dans la cuve. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 9 sur 31 3 Etude de l?Ineris 3.1 Demande du BEA-RI Au regard des premières constatations, l?enquête s?est orientée vers l?hypothèse d?une réaction d?incompatibilité entre le produit détergent et le produit oxydant sans dilution de l?eau. La question d?une potentielle contamination au résidu de Carbopol gélifié devait également être investiguée. Enfin, la nature des gaz générés lors de l?incident, qui ont incommodé des victimes, a également été posée. Le BEA-RI a ainsi missionné l?Ineris afin de répondre aux questions suivantes : - Peut-on recréer la réaction observée lors de l?incident avec : o un mélange des deux produits de nettoyage impliqués, o un mélange des deux produits impliqués avec le gélifiant à la valeur de dilution (Carbopol /eau) telle que mise en oeuvre dans la recette, o le produit oxydant (peroxyde d?hydrogène) seul ? - Quelle est la nature des gaz émis lors de la réaction ? Le déroulement de l?étude réalisée à l?Ineris et les résultats obtenus sont présentés dans cette partie du rapport. 3.2 Echantillons fournis à l?Ineris Les échantillons utilisés pour l?étude expérimentale ont été récupérés par l?Ineris le 31/01/2023 sur le site de Chanel Compiègne. Les informations concernant les divers échantillons reçus et testés sont résumées dans le tableau 3. Les photographies des échantillons sont présentées en figure 2. Tableau 3 - Références et caractéristiques des échantillons fournis Echantillon Fournisseur Date de réception Référence Ineris Aspect 100371? KOPHANIOS CIP MAXI LF Détergent Anios 31/01/2023 23AF908 Liquide 101138 ? KOPHANIOS OXY Oxydant Anios 31/01/2023 23AF909 Liquide Carbopol - 31/01/2023 23AF910 Poudre Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 10 sur 31 a. Echantillon de détergent b. Echantillon d?oxydant reconditionné en flacon spécifique pour peroxyde d?hydrogène c. Echantillon de carbopol Figure 2 - Photos des échantillons reçus à l?Ineris 3.3 Etude expérimentale 3.3.1 Démarche Afin de répondre à la demande du BEA-RI, l?Ineris a réalisé différents essais pour reproduire l?événement observé lors de l?incident chez Chanel, l?évaluer et mieux le comprendre. Des premiers essais ont, dans un premier temps, été réalisés dans un calorimètre pseudo-adiabatique VSP2. L?objectif de ces essais était de simuler le procédé de nettoyage de Chanel selon différents scénarii, en conditions normales et dégradées, sur les mélanges suivants : - scénario 1 : mélange détergent + oxydant (conditions anormales de procédé) - scénario 2 :mélange détergent + oxydant + eau (conditions normales de procédé) ; - scénario 3 : mélange détergent + oxydant + Carbopol gélifié (conditions anormales de procédé) ; - scénario 4 : oxydant seul. Les conditions opératoires décrites en chapitre 2.1 ont été reproduites pour les essais. Des analyses en calorimètre différentiel DSC ont également été réalisées sur les produits de nettoyage seuls et mélangés dans certaines conditions, afin d?étudier leur stabilité thermique. Enfin, un essai en calorimètre ARSST a été fait avec pour objectif de reproduire la réaction observée lors de l?incident et d?analyser les gaz émis. 3.3.2 Simulation des scénarii en calorimètre VSP2 3.3.3 Méthode d?essai La simulation du procédé de nettoyage selon plusieurs scénarios (accidentels et normal) a été réalisée en calorimètre VSP2 (Vent Sizing Package). Le Vent Sizing Package II (VSP2) est un calorimètre pseudo-adiabatique. Il est destiné à l?étude d?emballements de réactions dans le but d?obtenir les données nécessaires au dimensionnement d?évents de sécurité, c?est-à-dire les vitesses d?élévation de température et/ou de pression en fonction du temps et/ou de la température. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 11 sur 31 Les conditions de mise en oeuvre d?un procédé ou les dérives de celui-ci sont reproduites dans une cellule métallique cylindrique d?environ 110 ml sous agitation, elle-même placée dans une enceinte de confinement de 4 litres en acier inoxydable qui présente une pression de service de 130 bar (Cf. figure 3). Le chauffage de l?échantillon est assuré par une résistance chauffante directement en contact avec la cellule. Le VSP permet la réalisation d?emballements en conditions adiabatiques grâce à une autre résistance chauffante, qui englobe la cellule de mesure et constitue le four de garde. Pour rappel, les conditions adiabatiques sont réunies s?il n?y a aucun échange thermique entre l?échantillon et l?environnent extérieur, c?est-à-dire si la totalité de l?énergie dégagée par la réaction est entièrement accumulée au sein de l?échantillon. En pratique, cette condition est difficilement réalisable expérimentalement, c?est pourquoi, on parle plutôt de mesures pseudo-adiabatiques. En VSP, l?adiabaticité est approchée grâce au système de régulation de température qui maintient la température du four de garde égale à la température de l?échantillon. Il est possible de réaliser dans cet appareil des essais en cellule ouverte ou en cellule fermée. Dans le cas où l?échantillon est introduit dans une cellule fermée, la pression dans l?enceinte de confinement est régulée tout au long de l?expérience afin d?éviter l?éclatement ou l?écrasement de celle-ci. La température de l?échantillon et la pression dans la cellule de mesure (lors d?essais en cellule fermée) ou dans l?enceinte de confinement (lors d?essais en cellule ouverte) sont mesurées et enregistrées au cours de l?essai. Figure 3 ? Photographie et schéma du calorimètre VSP2 De cette façon il est possible de : - Mesurer l?évolution de la température du milieu et de la pression dans la cellule ou l?enceinte de confinement avec les vitesses associées ; - Evaluer la montée en température adiabatique (?Tad) ; - Estimer l?enthalpie (?Hr) à partir d?hypothèses sur la capacité calorifique du mélange ; - Estimer le volume de gaz généré par un emballement de réaction. 3.3.4 Scénario 1 Le scénario 1 correspond au scénario accidentel lié à l?incident de Chanel avec les deux produits de nettoyage et selon les conditions de chauffe normales. Les quantités de produits ont été définies conformément aux proportions massiques mises en jeu dans le procédé de Chanel et sont décrites dans le tableau 4. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 12 sur 31 Tableau 4 ? Quantités des produits pour l?étude du scénario 1 en VSP2 Produit Masse (g) Fraction massique (%) Détergent 11,62 31,8 Oxydant 24,90 68,2 Total 36,52 100 Le petit volume d?échantillon éprouvé (36,52 g ? 36 mL) comparé au volume de la cellule (110 mL), correspond au volume minimal pouvant être testé en VSP2, tout en se rapprochant des conditions de remplissage très faibles (environ 4%) mises en oeuvre dans la cuve lors de l?incident. Une cellule fermée a été utilisée pour cet essai. Les différentes étapes du mode opératoire de l?essai sont les suivantes : - Préparation de la cellule avec le détergent et l?oxydant ; - Montage du VSP2, test de fuite et inertage à l?azote ; - Lancement de l?essai : activation du four auxiliaire jusqu?à 60 °C et de l?agitation magnétique à 250 rpm ; - Activation du four de garde pour le maintien à 60 °C en conditions adiabatiques ; - Maintien dans ces conditions jusqu?à stabilité de la température et de la pression. La figure 4 représente les profils de températures du mélange et de pression dans la cellule au cours de l?essai. Les figures 5 et 6 sont des zooms sur les deux phénomènes observés. Figure 4 ? Courbe de résultats de l?essai en VSP2 sur le scénario 1 Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 13 sur 31 Figure 5 ? Zoom sur l?emballement 1 Figure 6 ? Zoom sur l?emballement 2 Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 14 sur 31 Plusieurs étapes peuvent être observé sur ces graphiques : ? Etape 1 : La montée en température est due à la chauffe imposée par le four auxiliaire jusqu?à 60 °C. On observe en même temps une montée en pression progressive et qui s?accélère de manière exponentielle. Cette montée en pression peut être expliquée par l?augmentation de la vapeur saturante du milieu avec la température et potentiellement à la génération de gaz par une réaction. ? Etape 2 : Une fois la température de consigne atteinte, le four auxiliaire est coupé et le four de garde activé pour maintenir des conditions pseudo-adiabatiques. Immédiatement, une exothermie est détectée. La température augmente de manière accélérée jusqu?à s?emballer rapidement, en moins de 2 min, atteignant une température maximale de 148 °C. La pression suit la même cinétique d?évolution jusqu?à une pression maximale de 24 bar relatif. A la température maximale, on observe une diminution de la température et de la pression avant une stabilisation. Ce phénomène peut être dû à un mécanisme de condensation de vapeurs contre les parois de la cellule dont la température n?est pas immédiatement équilibrée avec celle du milieu, impliquant un refroidissement. ? Etape 3 : Une fois l?emballement de réaction terminé, les conditions pseudo-adiabatiques sont maintenues. Au bout de quelques minutes, on observe une montée en température très lente, signe d?un nouveau phénomène thermique. La vitesse de montée en température commence à s?accélérer significativement autour de 200 °C, suivie par la pression. Un second emballement est finalement observé, avec des température et pression maximales de 260 °C et 42 bar relatif. La cinétique de ce phénomène est si rapide que la compensation de pression n?a pas pu suivre et la cellule a éclaté, ce qui a donné lieu ensuite à une diminution rapide de la pression (purge automatique de l?enceinte) et de la température. Les paramètres d?intérêt issus de cet essai sont présentés en tableau 5. Tableau 5 ? Paramètres issus de l?essai en VSP2 sur le scénario 1 Emballement 1 Emballement 2 Total Température onset (°C) 57 148 Température maximale (°C) 148 260 Montée en température adiabatique ?T (°C) 91 112 203 Pression maximale (bar relatif) 24 42,8 Différence de pression ?P (bar) 24 18,8 42,8 Enthalpie estimée ?H *1 (J/g) 319 390 709 Volume de gaz estimé ?V *2 (L/kg) 40 27 68 *1 L?enthalpie de la réaction (en J/g de mélange) est calculée à l?aide de la formule suivante : ?H = Cp*?T Avec Cp la chaleur massique du mélange, qui est estimée, sur la base des chaleurs massiques et des fractions massiques des différents constituants et d?une loi de mélange, à 3,5 J/g.K. *2 Le volume de gaz est estimé à partir de la pression au pic de l?emballement, de la température moyenne entre celle du milieu et l?ambiante et de la loi des gaz parfaits. Il s?agit du mélange de gaz et vapeur au pic de l?emballement. Le volume de gaz incondensable résiduel en fin d?essai n?a pas pu être estimé du fait de l?éclatement de la cellule. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 15 sur 31 Cet essai permet de mettre en évidence un emballement de réaction qui démarre immédiatement à 60 °C et dont la cinétique est relativement rapide et comparable à l?évènement observé lors de l?incident de Chanel (cf. figure 1). Il met en évidence en plus de cela une réaction secondaire qui donne lieu à un emballement à partir d?environ 200 °C. Cette réaction n?a pas pu être mesurée dans sa totalité du fait de l?éclatement de la cellule mais présente une cinétique et une intensité significative. Enfin, l?essai met en évidence une forte génération de gaz et de vapeurs au cours des deux emballements observés. 3.3.5 Scénario 2 Le scénario 2 consiste à reproduire le procédé de nettoyage en conditions normales selon le même protocole que Chanel. L?objectif étant de vérifier que, dans ces conditions, aucune réaction similaire à celle observée lors de l?essai 1 ne se produit. Les quantités de produits ont été définies conformément aux proportions massiques mises en jeu dans le procédé de Chanel et sont décrites dans le tableau 6. Tableau 6 ? Quantités des produits pour l?essai VSP2 sur le scénario 2 Produit Masse (g) Fraction massique (%) Eau 73,62 95,5 Détergent 2,40 3,1 Oxydant 1,12 1,5 Total 77,15 100 Une cellule fermée a été utilisée pour cet essai. Les différentes étapes du mode opératoire de l?essai sont les suivantes : - Préparation de la cellule avec le détergent, l?oxydant et l?eau ; - Montage du VSP2, test de fuite et inertage à l?azote ; - Lancement de l?essai : activation du four auxiliaire jusqu?à 60 °C et de l?agitation magnétique à 250 rpm ; - Activation du four de garde pour le maintien à 60 °C en conditions adiabatiques ; - Maintien dans ces conditions jusqu?à stabilité de la température et de la pression. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 16 sur 31 La figure 7 représente les profils de températures du mélange et de pression dans la cellule au cours de l?essai. Figure 7 - Courbe de résultats de l?essai en VSP2 sur le scénario 2 Sur le graphique, on observe que la température du milieu augmente en suivant la rampe de chauffe jusqu?à 60°C sans accélération. La pression quant à elle augmente linéairement d?abord puis de manière accélérée à partir d?environ 50 °C. Cette montée en pression, dont le profil est similaire à celle de l?essai sur le scénario 1, mais avec une cinétique plus lente, semble témoigner de l?occurrence d?une réaction. Cette réaction ne s?accompagne pas d?un auto-échauffement (ou d?une exothermie) probablement en raison de la forte proportion massique de l?eau dans le mélange qui agit comme tampon thermique. Une fois à 60 °C, la mise en conditions pseudo-adiabatiques est démarrée et laissée pendant environ 60 min. Aucune montée en température et en pression n?est observée pendant cette durée. Le refroidissement est ensuite démarré jusqu?à la température ambiante. La pression résiduelle en fin d?essai est de 3,2 bar relatif, signe que des gaz incondensables se sont formés. Les paramètres d?intérêt issus de cet essai sont présentés en tableau 7. Tableau 7 - Paramètres issus de l?essai en VSP2 sur le scénario 2 Pression maximale (bar relatif) 4,2 Pression finale (bar relatif) 3,2 Volume de gaz estimé ?V (L/kg) 1,38 Aucun emballement de réaction ni phénomène thermique n?a été observé lors de cet essai qui a consisté à simuler les conditions normales de la recette de nettoyage suivies par Chanel. La comparaison de ces résultats à ceux de l?essai sur le scénario 1 met en exergue le fait que l?absence de l?eau dans le mélange lors du lancement du procédé est à l?origine de l?emballement de réaction observé lors de l?incident. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 17 sur 31 3.3.6 Scénario 3 Le scénario 3 consiste à reproduire le scénario 1 mais avec présence d?une préparation de Carbopol gélifié dans de l?eau afin d?évaluer l?influence de ce produit sur la stabilité du mélange des deux autres, sans eau de dilution. La quantité de produit résiduel potentiellement présente dans la cuve lors du nettoyage réalisé par Chanel étant inconnue, le ratio de Carbopol et d?eau utilisé lors de la précédente recette a été suivi pour l?essai. Ce ratio, fourni par Chanel, est le suivant : - Eau de produit : 36,32 kg ; - Carbopol Ultrez 20 Polymer : 0,75 kg. Les quantités de produits utilisées lors de cet essai sont décrites en tableau 8. Tableau 8 ? Quantités des produits pour l?essai VSP2 sur le scénario 2 Produit Masse (g) Fraction massique (%) Détergent 18,61 51 Oxydant 8,69 23,8 Carbopol gélifié 9,20 25,2 Total 36,50 100 Une cellule fermée a été utilisée pour cet essai. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 18 sur 31 Les différentes étapes du mode opératoire de l?essai sont les suivantes : - Préparation du Carbopol gélifié avec de l?eau selon les proportions données par Chanel ; - Préparation de la cellule avec le détergent, l?oxydant et le Carbopol gélifié ; - Montage du VSP2, test de fuite et inertage à l?azote ; - Lancement de l?essai : activation du four auxiliaire jusqu?à 60 °C et de l?agitation magnétique à 250 rpm ; - Activation du four de garde pour le maintien à 60 °C en conditions adiabatiques ; - Maintien dans ces conditions jusqu?à stabilité de la température et de la pression. La figure 8 représente les profils de températures du mélange et de pression dans la cellule au cours de l?essai. La figure 9 est un zoom sur le phénomène observé. Figure 8 - Courbe de résultats de l?essai en VSP2 sur le scénario 3 Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 19 sur 31 Figure 9 ? Zoom sur l?emballement Plusieurs étapes peuvent être observées sur ces graphiques : ? Etape 1 : La montée en température est due à la chauffe imposée par le four auxiliaire jusqu?à 60 °C. On observe en même temps une montée en pression progressive et qui accélère de manière exponentielle. Cette montée en pression peut être expliquée par l?augmentation de la vapeur saturante du milieu avec la température et potentiellement à la génération de gaz par une réaction. ? Etape 2 : Une fois la température de consigne atteinte, le four auxiliaire est coupé et le four de garde activé pour maintenir des conditions pseudo-adiabatiques. Le même phénomène que lors de l?essai sur le scénario 1 est observé. Une exothermie est détectée dès 60 °C. La température augmente de manière accélérée jusqu?à s?emballer rapidement, en moins de 3 min, atteignant une température maximale de 136 °C. La pression suit la même cinétique d?évolution jusqu?à une pression maximale de 21,5 bar relatif. A la température maximale, on observe une diminution de la température et de la pression avant de se stabiliser. Ce phénomène peut être dû à un mécanisme de condensation de vapeurs contre la cellule dont la température n?est pas immédiatement équilibrée avec celle du milieu, impliquant un refroidissement. Le système est ensuite maintenu en conditions pseudo-adiabatiques pendant environ 100 min mais aucun phénomène exothermique n?est observé, contrairement à l?essai 1. ? Etape 3 : Le four auxiliaire est redémarré afin de forcer la chauffe du milieu et d?aller rechercher le second phénomène thermique observé lors de l?essai 1. A environ 150 °C, une exothermie est détectée et le four auxiliaire est de nouveau coupé pour se replacer en conditions pseudo-adiabatiques. ? Etape 4 : La montée en température due à l?exothermie se fait de manière assez lente, sur environ 90 min, jusqu?à 178 °C où la température se stabilise. Pendant cette étape, la pression, après une phase de stabilisation, diminue lentement. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 20 sur 31 ? Etape 5 : Le four auxiliaire est de nouveau redémarré. La température augmente de manière non linéaire avant de se stabiliser. A haute température, la puissance du four n?est plus suffisante pour chauffer le milieu. Elle est donc programmée au maximum pour relancer cette montée en température. La pression suit l?évolution de la température en même temps. Finalement, à 230 °C, comme aucune exothermie n?est mesurée, le four auxiliaire et le four de garde sont coupés pour lancer le refroidissement. Les paramètres d?intérêt issus de cet essai sont présentés en tableau 9. Tableau 9 - Paramètres issus de l?essai en VSP2 sur le scénario 2 Température onset (°C) 60 Température maximale (°C) 136,5 Montée adiabatique ?T (°C) 76,5 Pression maximale (bars relatifs) 21,6 Pression finale (bars relatifs) 3,2 Enthalpie estimée ?H (J/g) 268 Volume de gaz incondensables estimé ?V (L/kg) 6,6 Cet essai met en évidence un emballement de réaction dont le profil est comparable à celui observé lors de l?essai sur le scénario 1. Une exothermie démarre immédiatement à 60 °C avec une cinétique relativement rapide. La montée en température adiabatique est légèrement inférieure à celle du scénario 1. Cela peut s?expliquer par l?ajout d?eau, dans la formule du Carbopol gélifié, qui dilue l?ensemble du mélange. En revanche, le second emballement du scénario 1 n?a pas été observé sur cet essai. Une comparaison plus fine des deux scénarios est décrite en chapitre 3.3.8. 3.3.7 Scénario 4 Le scénario 4 consiste à reproduire le procédé de nettoyage de Chanel avec seulement l?oxydant. L?objectif de cet essai est de voir si la dérive sur l?injection d?eau peut mener au même évènement observé lors de l?incident avec seulement ce produit, sans utilisation du détergent. Les différentes étapes du mode opératoire de l?essai sont les suivantes : - Préparation de la cellule avec 35 g d?oxydant ; - Montage du VSP2, test de fuite et inertage à l?azote ; - Lancement de l?essai : activation du four auxiliaire jusqu?à 60 °C et de l?agitation magnétique à 250 rpm ; - Activation du four de garde pour le maintien à 60 °C en conditions adiabatiques ; - Maintien dans ces conditions jusqu?à stabilité de la température et de la pression. Pour cet essai, une cellule ouverte a été utilisée du fait de la quantité de solution de peroxyde d?hydrogène utilisée qui, en cas de décomposition, est susceptible de libérer un important volume de gaz et de vapeurs et donc de générer des pressions supérieures à celles admises en cellule fermée. La figure 10 représente les profils de températures du mélange et de pression dans la cellule au cours de l?essai. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 21 sur 31 Figure 10 - Courbe de résultats de l?essai en VSP2 sur le scénario 4 Sur le graphique, on observe que la température du milieu augmente en suivant la rampe de chauffe jusqu?à 60°C, sans accélération. La pression suit cette évolution linéaire avec la température. Une fois la température de consigne atteinte, le four auxiliaire est coupé et le système maintenu en conditions pseudo-adiabatiques par le four de garde. Une exothermie est détectée et donne lieu à une augmentation lente de la température qui accélère progressivement pour donner lieu, au bout d?environ 20 min, à un emballement de réaction jusqu?à une température maximale de 122 °C. La pression suit le même profil exponentiel que la température. Une fois l?emballement terminé, les conditions pseudo-adiabatiques sont maintenues pendant environ 135 min. Aucun phénomène exothermique n?est détecté pendant cet intervalle de temps. La température tend même à baisser, probablement du fait d?un volume résiduel liquide trop faible dans la cellule. Les paramètres d?intérêt issus de cet essai sont présentés en tableau 10. Tableau 10 - Paramètres issus de l?essai en VSP2 sur le scénario 4 Température onset (°C) 60 Température maximale (°C) 148 Montée adiabatique ?T (°C) 62 Pression finale (bars relatifs) 1,3 Enthalpie estimée ?H (J/g) 217 Volume de gaz incondensables estimé ?V (L/kg) 138 Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 22 sur 31 Cet essai met en évidence un emballement de réaction dont le profil est comparable à ceux observés lors des essais sur les scénarios 1 et 3 mais qui a une cinétique bien plus lente. Une exothermie démarre immédiatement à 60 °C et l?emballement a lieu au bout d?environ 20 min. La pression suit la même évolution exponentielle que la température pendant l?emballement. La mesure de pression ne peut, quant à elle, être comparée avec celle des essais 1 et 3. En effet, une cellule ouverte a été utilisée, ce qui implique un ciel gazeux bien plus volumineux qu?en cellule fermée, de l?ordre de 4 L. La montée en température adiabatique de 62 °C est nettement inférieure à celle mesurée lors des deux autres essais. Cela peut s?expliquer par le fait que la pression est plus faible et qu?un phénomène de changement de phase (ébullition) endothermique se produit. Le volume de gaz incondensables estimé par masse de mélange, sur la base de la pression résiduelle dans l?enceinte du VSP2 en fin d?essai, est quant à lui bien plus élevé, de l?ordre de 138 L/kg. 3.3.8 Comparaison des scénarios accidentels Les essais réalisés sur les scénarios accidentels 1, 3 et 4 ont permis de reproduire l?évènement observé lors de l?incident de Chanel. Les mêmes observations ont été faites sur les 3 essais, une montée en température dès 60 °C, une fois l?étape de chauffe du mélange ou produit terminée, qui mène à un emballement de réaction de manière plus ou moins rapide en fonction des produits éprouvés. Afin de mieux comparer les résultats obtenus lors de ces essais et de mettre en évidence les interactions chimiques entre les produits, il est intéressant de comparer plus finement la cinétique des phénomènes observés. Les figures 11 et 12 représentent les profils de montée en température (?? ??) et en quantité de gaz (?? ??) en fonction de la température du milieu. Figure 11 ? Comparaison des vitesses de montée en température selon les scénarii accidentels Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 23 sur 31 Figure 12 - Comparaison des vitesses de montée en quantité de gaz selon les scénarii accidentels Le tableau 11 synthétise les vitesses maximales enregistrées pour chaque essai. Tableau 11 ? Pics de vitesses enregistrés sur les trois essais Essai scénario 1 Essai scénario 3 Essai scénario 4 dT/dt (°C/min)max 1 430 347 20 dn/dt (mol/min)max 0,78 0,09 0,06 La comparaison sur ces données cinétiques met en exergue l?effet catalytique du détergent sur la réaction de décomposition de la solution oxydante de peroxyde d?hydrogène. On observe un facteur de 71,5 entre les vitesses maximales de montée en température et un facteur 13 entre les vitesses maximales de montée en quantité de gaz. Concernant l?essai sur le scénario 3 avec présence de Carbopol gélifié, les cinétiques sont plus lentes que sur celles mesurées sur le scénario 1. On observe tout de même un effet catalytique de la réaction en comparant avec les cinétiques du scénario 4. Cet effet est cependant moins important qu?avec seulement les deux produits de nettoyage. La présence de Carbopol gélifié ne semble donc pas catalyser davantage la réaction, mais au contraire diminuer les effets par rapport à l?effet catalytique du détergent seul. Cela peut s?expliquer par l?ajout d?eau issu de la formule qui a pour effet de diluer le mélange et de faire tampon thermique. Finalement, le scénario majorant retenu parmi les trois correspond au mélange du détergent et de l?oxydant qui, d?après les résultats de ces essais, présentent une incompatibilité. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 24 sur 31 3.3.9 Analyses complémentaires en calorimètre DSC Des analyses thermiques en calorimètre différentiel à balayage (DSC) ont été réalisées sur différents échantillons afin d?en étudier la stabilité thermique et de mieux comprendre les résultats obtenus sur les essais en VSP2. Le calorimètre DSC (Differential Scanning Calorimeter) mesure la différence de flux thermique dégagé entre un échantillon et une référence, lorsqu'ils sont placés dans un four et soumis à une loi de chauffe linéaire (isotherme ou rampe). Les résultats sont présentés sous forme de thermogrammes représentant la température de l?échantillon en abscisse et le flux de chaleur (en mW) en ordonnée. Un événement thermique tel qu'une transition de phase, un changement de chaleur spécifique ou une réaction chimique, se traduit par un pic sur le signal de l'acquisition de données. Ce pic peut être au- dessus ou au-dessous de la ligne de base traduisant respectivement une exothermie ou une endothermie. L'amplitude de ce pic correspond à la puissance thermique libérée et sa surface représente l'énergie associée. Figure 13. Schéma et photographie du calorimètre à balayage différentiel DSC Pour réaliser l?analyse, quelques milligrammes d?échantillon à tester sont introduits dans un creuset en acier inox de 30 microlitres qui est ensuite scellé, puis placé dans le four du DSC. Une rampe de chauffe de la température ambiante jusqu?à 400°C est appliquée, à 5°C/min. Quatre analyses ont été réalisées sur les échantillons suivants : - Détergent seul ; - Oxydant seul ; - Mélange détergent/oxydant selon les proportions massiques du scénario 1 ; - Mélange détergent/oxydant/carbopol gélifié selon les proportions massiques du scénario 3. Les résultats des analyses sont reportés dans le tableau 12. Les thermogrammes obtenus sont présentés sur les figures 14 à 17. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 25 sur 31 Tableau 12 ? Résultats des analyses DSC Essai Conditions expérimentales Observations 1 Détergent 1 phénomène exothermique de faible intensité moyenne et à température élevée observé (cf. figure 14) : - -25,5 J/g à 165 °C 2 Oxydant 1 phénomène exothermique de forte intensité et à basse température observé (cf. figure 15) : - -673 J/g à 68°C 3 Détergent + oxidant 2 phénomènes exothermiques d?intensité moyenne et élevée dont un à basse température observés (cf. figure 16) : - -179 J/g à 40°C - -577 J/g à 149 °C 4 Détergent + oxidant + Carbopol gélifié 2 phénomènes exothermiques d?intensités moyennes dont un à basse température observés (cf. figure 17) : - -160 J/g à 49°C - -358 J/g à 151 °C Figure 14 ? Thermogramme de l?essai DSC sur le détergent Figure 15 ? Thermogramme de l?essai DSC sur l?oxydant Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 26 sur 31 Figure 16 ? Thermogramme de l?essai DSC sur le mélange détergent + oxydant Figure 17 - Thermogramme de l?essai DSC sur le mélange détergent + oxydant + carbopol gélifié Les résultats de l?analyse thermique sur le détergent seul mettent en évidence une stabilité thermique du détergent, qui ne semble se décomposer qu?à partir de 165 °C en libérant une faible quantité d?énergie. Cette décomposition peut être associée à une polymérisation du constituant polymère de sa composition. En revanche, l?oxydant présente, dans les conditions de l?essai, une instabilité à basse température. Il se décompose, selon la réaction de dismutation du peroxyde d?hydrogène, libérant une Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 27 sur 31 forte quantité d?énergie de 673 J/g. La décomposition se fait en un temps et aucune réaction secondaire n?est ensuite mesurée. Les essais sur les mélanges des produits mettent en évidence deux phénomènes exothermiques. Le premier semble correspondre au même que celui de l?oxydant seul d?une intensité plus faible. Un second phénomène se déroule ensuite à plus haute température, vers 150 °C avec une plus grande quantité d?énergie libérée. L?essai sur le mélange détergent/oxydant met en exergue un probable phénomène d?interaction entre les deux produits qui modifie le mécanisme réactionnel de la décomposition du peroxyde d?hydrogène de l?oxydant, en le rendant plus complexe. Des études calorimétriques réalisées sur des mélanges de peroxyde d?hydrogène avec des contaminants organiques (propanone, 2-butanol) vont dans le sens de cette hypothèse [2][3]. De plus, cet essai permet d?expliquer ce qui a été observé lors de l?essai sur le scénario 1 en VSP2. La seconde réaction, après le premier emballement, correspond à ce deuxième phénomène observé en DSC. La montée en température adiabatique due au premier emballement a été suffisante pour initier la seconde réaction, à 148 °C, de manière lente avant son emballement à plus haute température. L?essai sur le mélange avec le Carbopol gélifié met en évidence le même profil thermique que sans le produit, avec des énergies inférieures (notamment sur la seconde réaction). Cette observation permet de soutenir l?argument selon lequel ce produit n?impacte pas la réactivité des deux autres mélanges, mais tend plutôt à en diminuer les effets. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 28 sur 31 3.3.10 Analyses de gaz issus de la réaction Pour répondre à la dernière question du BEA-RI relative à la nature des gaz émis, un essai complémentaire a été réalisé avec analyse de gaz. Pour réaliser l?analyse de gaz, il a été émis l?hypothèse que la réaction observée lors de l?incident de Chanel consistait en la décomposition du peroxyde d?hydrogène constituant l?oxydant. Dès lors, les produits de réaction attendus sont l?eau et le dioxygène gazeux. Pour s?en assurer, l?Ineris a reproduit la réaction selon le scénario 1, en s?assurant que seul le premier emballement se déroule comme lors de l?incident de Chanel. L?essai a été conduit dans le calorimètre pseudo-adiabatique ARSST. En fin d?essai, les gaz incondensables issus de la réaction ont été prélevés en sac Tedlar pour être analysés à l?aide de l?analyseur de gaz HORIBA PG-250, qui permet de mesurer les gaz SO2, CO, CO2 et O2 par capteur infrarouge non-dispersif (NDIR) et par capteur galvanique. Le calorimètre ARSST (Advanced Reactive System Screening Tool) est un calorimètre « pseudo- adiabatique », qui permet de reproduire et d?étudier des réactions en conditions proches des conditions adiabatiques, c?est-à-dire sans échange thermique entre l?échantillon et le milieu extérieur. Environ 10 g de produit à analyser est introduit dans une cellule de test ouverte en verre de 10 mL calorifugée, entourée d?une résistance chauffante et placée dans une enceinte en acier inoxydable de 490 ml servant d?enveloppe protectrice et qui peut être mise sous pression (cf. figure 18). L?appareil peut être utilisé selon plusieurs modes de programmation. Le mode le plus utilisé est le « single ramp-polynomial control », au cours duquel l?échantillon est soumis à une rampe de chauffe, de la température ambiante à une température maximale de 400°C, à généralement 2°C/min (la puissance de chauffe suit un polynôme W = A + BT +CT2 (T : température de l?échantillon en °C, W : puissance de chauffe en Watts)). La rampe de chauffe est maintenue pendant la réaction, de manière à compenser les pertes de chaleur et se placer en conditions proches de l?adiabaticité. La déviation de la vitesse de montée en température par rapport à la rampe de chauffe permet de mettre en évidence l?exothermie (ou l?endothermie) liée à la réaction. La température de la cellule et la pression de l?enceinte de confinement sont enregistrées en fonction du temps grâce à un thermocouple et un capteur de pression. Figure 18 - Vues intérieure et extérieure de l?ARSST Les différentes étapes du mode opératoire de l?essai sont les suivantes : - Préparation de la cellule avec un échantillon de 10 g de détergent et d?oxydant selon les proportions massiques du scénario 1 ; - Montage de l?ARSST, test de fuite et inertage à l?azote ; - Lancement de l?essai : activation de la rampe de chauffe à 2 °C/min et de l?agitation magnétique à 250 rpm ; - Une fois le premier emballement passé, le four est immédiatement coupé. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 29 sur 31 La figure 19 représente les profils de températures du mélange et de pression dans l?enceinte au cours de l?essai. Figure 19 - Courbe de résultats de l?essai en ARSST sur le scénario 1 En fin d?essai, une fois le milieu refroidi, l?ARSST est purgé dans le ballon Tedlar pour capter les gaz. Environ 360 mL de gaz ont été captés, complétés par un volume de 9 019 mL d?azote. Le ballon a ensuite été vidé dans l?appareil HORIBA pour analyser les gaz issus de la réactions, dilués à l?azote. Aucune trace de CO2 ni de SO2 n?a été mesurée. Le tableau 13 résume les résultats des analyses des gaz issus de la réaction reproduite en ARSST et dilués avec de l?azote. Tableau 13 ? Résultats des analyses de gaz dilués à l?azote O2 CO Concentration (%) 3,9 0,01713 Volume estimé (mL) 366 1,6 Volume par masse de mélange réactionnel (L/kg) 37 0,16 Ces analyses permettent donc de confirmer le fait que la réaction génère principalement du dioxygène comme produit gazeux. Cela n?explique cependant pas les symptômes observés chez les victimes présents à proximité de la cuve lorsque celle-ci a déchargé les gaz sous pression dans l?atelier. Le dioxygène n?est en effet pas une matière toxique. Cependant, en forte concentration, il peut être à l?origine d?hyperoxie qui peut mener à des symptômes proches de ceux observés. Comme expliqué précédemment, 35 kg de solution de peroxyde d?hydrogène est susceptible de libérer 4,4 m3 de dioxygène. Mais les essais réalisés ont montré qu?il est probable que la réaction n?ait pas été complète lors de l?évènement survenu chez Chanel. Une autre explication plus probable sur les symptômes observés serait la libération, en plus du dioxygène, de vapeurs de peroxyde d?hydrogène. En effet, comme précisé en tableau 1, le produit oxydant dispose de la mention de danger H335 - Peut irriter les voies respiratoires. Les températures mesurées dans la cuve lors de l?incident sont suffisantes pour générer des vapeurs du mélange aqueux de produits de nettoyage, donc de peroxyde d?hydrogène, ensuite déchargées dans l?atelier. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 30 sur 31 4 Conclusion Le 6 janvier 2023, une réaction chimique incontrôlée a eu lieu dans une cuve de la société Chanel, située à Compiègne. La réaction s?est déroulée lors d?une phase de nettoyage de la cuve à partir de deux produits de nettoyage, un détergent et un oxydant, normalement dilués à l?eau avant d?être chauffés à 60 °C. Le jour de l?incident, l?eau de dilution, représentant 95 % (en masse) du mélange, n?a pas été injectée dans la cuve. La réaction s?est donc déroulée entre le produit détergent et oxydant, une fois la température à 60 °C et a donné lieu à un emballement de réaction avec une montée rapide en température et en pression. La soupape de sécurité, tarée à 2,5 bar relatif s?est ouverte, libérant les gaz sous pression à l?extérieur de la cuve où des employés se trouvaient et ont été incommodés. Le BEA-RI a missionné l?Ineris afin d?étudier l?hypothèse d?une réaction d?incompatibilité entre le produit détergent et le produit oxydant dans les conditions d?utilisation de Chanel. L?influence d?un produit utilisé dans la même cuve la veille, du Carbopol gélifié, et potentiellement présent en quantités résiduelles en fond de cuve, du fait d?une vanne défaillante, devait également être investiguée. L?Ineris a conduit une étude calorimétrique avec pour objectif de reproduire la réaction qui s?est déroulée lors de l?évènement selon trois scénarios accidentels et de les comparer au scénario normal selon lequel le procédé de nettoyage est réalisé, avec l?eau. Des essais ont donc été réalisés en calorimètre pseudo-adiabatique VSP2 en suivant les conditions opératoires (chauffe à 60 °C) de Chanel sur : un mélange de détergent et d?oxydant ; le mélange normal de détergent, d?oxydant et d?eau ; un mélange de détergent et d?oxydant avec une fraction de Carbopol gélifié ; et l?oxydant seul composé de peroxyde d?hydrogène. Ces essais ont permis de reproduire la réaction observée lors de l?incident pour les trois scénarii accidentels où l?eau était absente. L?essai réalisé en conditions normales, avec ajout d?eau de dilution, n?a montré aucun phénomène thermique pendant la phase à 60 °C. La comparaison des résultats sur les trois scénarios accidentels, à la fois des montées en température adiabatique et des vitesses de montée en température et en pression, a permis de catégoriser les scénarios par ordre de criticité. Ainsi, la réaction observée sur l?oxydant seul est la moins violente et la plus lente alors que celle avec le mélange de détergent de d?oxydant est la plus violente et rapide. Ce constat permet d?affirmer qu?une interaction a lieu entre le détergent et l?oxydant qui semble catalyser la réaction de décomposition observée sur l?oxydant seul. Concernant l?essai sur le troisième scénario, la présence de Carbopol gélifié, potentiellement présent dans la cuve le jour de l?incident, ne conduit pas à une interaction complémentaire mais a davantage un rôle de dilution qui ralentit la cinétique de l?évènement thermique. Des analyses complémentaires en calorimètre DSC ont permis de confirmer que l?oxydant, composé de peroxyde d?hydrogène, est instable et se décompose à basse température, alors que le détergent est relativement stable jusqu?à haute température. De plus, une analyse faite sur le mélange de détergent et d?oxydant semble mettre en évidence une interaction chimique entre les deux produits qui complexifie le mécanisme réactionnel de la décomposition du peroxyde d?hydrogène, qui se produit selon deux réactions, une à basse température et une autour de 150 °C. Cette réaction secondaire a d?ailleurs été observée sur l?essai en VSP2 réalisé sur le même mélange, avec un second emballement de réaction. L?analyse sur le mélange avec ajout de Carbopol gélifié confirme la nature inerte du produit vis-à-vis de la réactivité du mélange. Finalement, des analyses de gaz ont été réalisées sur un essai complémentaire en calorimètre pseudo- adiabatique ARSST où a été reproduit la réaction sur le détergent et l?oxydant. Comme attendu, ces analyses ont montré la prédominance de dioxygène dans le ciel gazeux du calorimètre après emballement de la réaction. Ce gaz provient de la décomposition du peroxyde d?hydrogène, composé du produit oxydant. Les effets toxiques observés sur les employés situés à proximité de la cuve au moment de l?incident, lorsque les gaz ont été rejetés dans l?atelier, pourraient s?expliquer par la génération, en plus de dioxygène, de vapeurs de peroxyde d?hydrogène irritantes pour les voies respiratoires et formées avec la montée en température au-delà de 100 °C du mélange liquide dans la cuve. Ineris - 219822 - 2769890 - v3.0 Page 31 sur 31 5 Références [1] Ineris. Note relative au peroxyde d?hydrogène en solution aqueuse. 2014 [2] Y.Sun et al. Reaction hazard and mechanism study of H2O2 oxidation of 2-butanol to methyl ethyl ketone using DSC, Phi-TEC II and GC-MS. Journal of Loss Prevention in the Process Industries 66 (2020) 104177. [3] S-H Wu et al. Thermal hazard analyses and incompatible reaction evaluation of hydrogen peroxide by DSC. J Therm Anal Calorim (2010) 102:563?568

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