Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
BECKER, Jean-Jacques ;TORDJMAN, Florence ;CUEUGNIET, Jean ;COLAS, François ;VALLANCE, Michel
Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
;France. Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies
;France. Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">La mission relative à la production d'électricité à partir de la biomasse dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain (ZNI) a porté sur le territoire des cinq DOM de Guyane, Martinique, Guadeloupe, Mayotte et La Réunion. Elle a analysé les coûts et les gisements de biomasse à court/ moyen terme pour une production d'électricité en base, sans chercher à déterminer la part de la biomasse dans les programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE). La situation de la Guyane, du fait de l'abondance de ses ressources en biomasse d'origine forestière, est assez différente de celle des autres DOM. La biomasse comme source d'énergie est marginale en Guyane avec une seule centrale à Kourou de 1,7 MW, ce qui représente moins de 1 % de la production électrique du département. La mission estime qu'il est souhaitable de chercher à atteindre les 40 MW prévus dans la première PPE (correspondant à peu près à 450 000 t de bois/an3) et formule des propositions pour la défriche, l'exploitation forestière, le développement parallèle des activités susceptibles de renforcer la sécurisation des projets biomasse. Développer la filière bois-énergie est un choix politique visant à hâter l'abandon des énergies fossiles et à stimuler l'emploi local: au minimum, un supplément annuel d'activité d'environ 30 M¤ pour la Guyane est attendu à l'horizon 2023 (450 000 t x 70 ¤), correspondant à la création d'au moins 700 emplois directs, sans compter les économies d'importation du fioul améliorant la balance commerciale. En Guadeloupe, Martinique, Mayotte et à La Réunion, îles caractérisées par leur forte densité de population et l'exiguïté de leurs surfaces agricoles, on ne peut identifier de filière bois basée sur l'exploitation de la forêt. Les gisements de biomasse valorisables pour la production d'énergie sont faibles. Quant aux superficies forestières, quasi inexistantes sur Mayotte, elles sont en grande majorité sous un statut de protection ou entre les mains de propriétaires privés peu actifs. Mayotte excepté, ce sont des îles où la culture de la canne à sucre est fortement implantée, avec des petits planteurs possédant ou louant de faibles surfaces d'exploitation (4 à 10 ha). La canne fournit un sous-produit, la bagasse, excédentaire par rapport aux besoins énergétiques des usines, qui a permis le développement de centrales électriques installées par des industriels de l'énergie à côté des sucreries. Cette biomasse est saisonnière et représente une faible part de la production électrique (en général moins de 10 %), le complément nécessaire pour faire fonctionner les centrales électriques toute l'année étant fourni par du charbon importé. Pour développer la biomasse énergie, l'opérateur industriel de ces centrales privilégie un scénario de substitution du charbon par de la biomasse importée sous forme de pellets de bois. En Martinique et à Marie-Galante, l'importation a soulevé l'hostilité des populations et des élus, mais a permis de préparer une stratégie de mobilisation systématique des déchets combustibles, devant pouvoir être valorisés à un coût de revient inférieur aux pellets importés, sans couvrir l'approvisionnement des moyens de production « pilotables » des systèmes électriques de ces territoires. Les importantes capacités installées de centrales à charbon et charbon/bagasse (90MW en Guadeloupe, 210 MW à la Réunion) nécessiteront un approvisionnement en biomasse, qui fait apparaître la substitution (sucre/énergie) comme une opportunité économique et budgétaire intéressante. La conversion progressive et partielle vers la biomasse permet dans ces deux îles de préserver tous les emplois non industriels du secteur sucrier, soit 90 % de ceux-ci. De ce fait, les nouvelles PPE de Guadeloupe et de La Réunion devraient prendre en compte des orientations favorables à la canne fibre qui pourraient augmenter significativement la place de la biomasse locale à l'horizon 2030. La Martinique pourrait aussi s'inspirer de ces deux modèles une fois qu'ils auront fait leurs preuves. Le développement de nouvelles capacités d'incinération des déchets ultimes après tri sélectif se heurte à de fortes oppositions des habitants et des élus. Les trois îles semblent avoir choisi la voie de la transformation en combustible solide de récupération (CSR). Étant donné la problématique généralisée des îles de devoir recourir à de la biomasse importée, il est souhaitable d'orienter ces CSR en priorité vers les installations biomasse ou biomasse/charbon existantes. A Mayotte, le projet de centrale biomasse prévu par la PPE initiale ne pourra être réalisé qu'à la condition d'importer la biomasse, et semble judicieuse d'un point de vue socioéconomique.</div>
Editeur
CGEDD
;CGEIET
Descripteur Urbamet
électricité
;biomasse
;source d'énergie
;forêt
;production d'énergie
Descripteur écoplanete
gisement
Thème
Ressources - Nuisances
Texte intégral
Ministère de la transition écologique et solidaire
Ministère de l'économie et des finances
Ministère de l'agriculture et de l'alimentation
N° 012218-01
N° 2018/08/CGE/SG
RAPPORT DE LA MISSION D'ÉVALUATION DES GISEMENTS ET DES MODES DE PRODUCTION DE LA BIOMASSE POUR LA PRODUCTION ELECTRIQUE DANS LES ZONES NON INTERCONNECTÉES
P
Ministère de la transition écologique et solidaire Jean-Jacques Becker Florence Tordjman
(version dans laquelle les éléments « confidentiel industrie » ont été retirés) établi par Ministère de l'économie et des finances Jean Cueugniet Ministère de l'agriculture et de l'alimentation François Colas Michel Vallance
U
Monsieur le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire Monsieur le ministre de l'économie et des finances Madame la ministre des Outre-Mer
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation
B
Rapport à
LI
Octobre 2018
É
N° 18047
2
Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
SOMMAIRE
SYNTHESE .................................................................................................................................... 5 TABLE DES RECOMMANDATIONS ................................................................................................ 10 1 Introduction .......................................................................................................................... 13 2 Contexte ............................................................................................................................... 15 2.1 Généralités ............................................................................................................................... 15
2.1.1 Les systèmes électriques des zones non interconnectées ........................................................ 15 2.1.2 La biomasse, peu utilisée actuellement dans les zones non interconnectées, fait l'objet d'objectifs ambitieux dans les programmations pluriannuelles de l'énergie ........................... 15 2.1.3 Les contraintes environnementales sur la biomasse énergie ................................................... 17 2.1.4 Les atouts de la biomasse ......................................................................................................... 17
2.2 Les filières de production d'électricité à partir de la biomasse ............................................... 17 2.3 La biomasse au coeur de ses contradictions ............................................................................. 20
2.3.1 La biodiversité ........................................................................................................................... 20 2.3.2 Le puits de carbone ................................................................................................................... 20 2.3.3 Un mauvais rapport qualité/prix du KWh biomasse qui n'est qu'apparent ............................. 21 2.3.4 Combustion et pollution de l'air ............................................................................................... 21 2.3.5 Biomasse énergie et filière bois ................................................................................................ 22
3 Construire et rationaliser le débat .......................................................................................... 23 3.1 Les éléments de cadrage économique ..................................................................................... 23 3.2 La biomasse et la question agricole.......................................................................................... 28
3.2.1 Le recyclage des déchets de l'agriculture ................................................................................. 28 3.2.2 Les cultures énergétiques ......................................................................................................... 28 3.2.3 Le cas particulier du défrichement en Guyane : surconsommation foncière et empreinte carbone. .................................................................................................................................... 29
3.3 Le bilan carbone et écologique ................................................................................................ 31
3.3.1 Le bilan carbone de l'exploitation de la biomasse .................................................................... 31 3.3.2 L'impact carbone du transport de biomasse ............................................................................ 33
3.4 La problématique de l'importation .......................................................................................... 34 3.5 Biomasse et emploi local .......................................................................................................... 35 3.6 Les acteurs économiques ......................................................................................................... 36 3.7 Contraintes administratives : lenteurs des processus de décisions et complexité des procédures................................................................................................................................ 37 4 Guyane : un potentiel de biomasse important qui reste à développer ..................................... 40
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées 4.1 La situation actuelle de la biomasse et le besoin identifié par la programmation pluriannuelle de l'énergie ............................................................................................................................... 41 4.2 La gestion du foncier et du domaine forestier ......................................................................... 43
4.2.1 Une bande littorale qui offre un potentiel de défriche intéressant pour la biomasse ............. 44 4.2.2 Un domaine forestier permanent dont le mode d'exploitation actuel ne permet pas de sécuriser un volume important de bois ................................................................................................... 47 4.2.3 Le potentiel économique de la filière bois en Guyane ............................................................. 48
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4.3 Les projets lancés et les projets à l'étude ................................................................................ 49 4.4 Les gisements de biomasse ...................................................................................................... 51
4.4.1 Les gisements connus et immédiatement exploitables ............................................................ 51 4.4.2 Sécuriser l'approvisionnement sur le long terme ..................................................................... 54
4.5 Les problématiques économiques et sociales .......................................................................... 56
4.5.1 Les coûts ................................................................................................................................... 56
4.5.1.1 4.5.1.2 Quelques coûts de référence de l'exploitation du bois ............................................................. 56 Synthèse sur les coûts (voir annexe 6)....................................................................................... 57
4.5.2 L'emploi. ................................................................................................................................... 58
4.6 La position des acteurs ............................................................................................................. 59 4.7 Recommandations sur la place de la biomasse dans la prochaine PPE de Guyane ................. 60 5 Martinique ............................................................................................................................ 62 5.1 Système électrique et objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie ................... 62 5.2 La PPE, polémique au sujet de la biomasse importée .............................................................. 63 6 Guadeloupe........................................................................................................................... 66 6.1 Options de la PPE et place de la biomasse ............................................................................... 67 6.2 Perspective de conversion des centrales - charbon existantes à la biomasse ......................... 69 6.3 Aspects économiques, environnementaux, agricoles et sociaux ............................................. 70
6.3.1 Sur le plan économique ............................................................................................................ 70 6.3.2 Sur le plan environnemental ..................................................................................................... 71 6.3.3 Impacts possibles sur le plan agricole ....................................................................................... 72 6.3.4 Impacts sur le plan social .......................................................................................................... 72 6.3.5 En conclusion ............................................................................................................................ 73
7 La Réunion ............................................................................................................................ 74 7.1 Les objectifs EnR de l'actuelle PPE ........................................................................................... 75 7.2 Place de la biomasse : un objectif ambitieux de substitution des énergies fossiles ................ 76 7.3 Le rôle de l'agriculture, des cultures de biomasse et les évolutions possibles de la culture de la canne à sucre seront déterminantes pour atteindre les objectifs d'autonomie énergétique. .... ..................................................................................................................................... 77 8 Mayotte ................................................................................................................................ 80
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées 8.1 Les objectifs de l'actuelle programmation pluriannuelle de l'énergie (2016-2018/2019-2023) . ..................................................................................................................................... 80 8.2 La réalisation d'une future centrale biomasse exigera de recourir à l'importation ................ 81 9 ANNEXES ............................................................................................................................... 83 9.1 Annexe 1 : Lettre de mission .................................................................................................... 83 9.2 Annexe 2 : Liste des personnes rencontrées ou consultées .................................................... 85 9.3 Annexe 3 : Le bilan carbone de la forêt .................................................................................... 88 9.4 Annexe 4 : Mix électrique des différents DOM étudiés (extraits des PPE des DOM concernés). ..................................................................................................................................... 94 9.5 Annexe 5 : Détail des éléments de cadrage économique présentés dans le rapport .............. 98 9.6 Annexe 6 : Coûts de fourniture du bois énergie en Guyane : .................................................. 99 9.7 Annexe 7. Position des acteurs rencontrés en Guyane sur la biomasse ................................ 102
9.7.1 L'ONF et les acteurs des filières agricoles et forestières ........................................................ 102 9.7.2 Les acteurs du secteur de l'énergie ........................................................................................ 102 9.7.3 Les élus de Guyane et la population ....................................................................................... 103 9.7.4 Les associations de protection de la nature ........................................................................... 103 9.7.5 Les établissements de recherche et les experts ..................................................................... 103
9.8 Annexe 8 : Spécificité de l'exploitation de la canne à sucre et du foncier en Guadeloupe ... 104 9.9 Annexe 9 : Liste des abréviations, acronymes et sigles.......................................................... 105
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
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SYNTHESE
Par lettre du 22 février 2018 le CGEDD, le CGAAER et le CGEIET1 ont été saisis d'une mission relative à la production d'électricité à partir de la biomasse dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain (ZNI). En accord avec les cabinets des ministres, la mission a restreint le champ de l'étude aux cinq DOM de Guyane, Martinique, Guadeloupe, Mayotte et La Réunion. Elle s'est partagée afin de réaliser un déplacement en Guyane et un autre en Martinique et Guadeloupe, les contacts avec La Réunion et Mayotte ayant eu lieu par mail ou téléphone. La mission a analysé les coûts et les gisements de biomasse à court/ moyen terme pour une production d'électricité en base, sans chercher à déterminer la part de la biomasse dans les programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE). Guyane La situation de la Guyane, du fait de l'abondance de ses ressources en biomasse d'origine forestière, est assez différente de celle des autres DOM. La biomasse comme source d'énergie est aujourd'hui marginale en Guyane avec une seule centrale à Kourou de 1,7 MW, ce qui représente moins de 1 % de la production électrique du département. La Guyane est à 95 % composée de forêts, mais on peut distinguer trois grandes zones. La zone littorale (600 000 ha, dont 400 000 boisés) où la défriche agricole ou urbaine est autorisée. La défriche agricole représente un potentiel annuel de 215 000 t de bois2 qui n'est actuellement pas utilisé, celui-ci étant brulé sur place. Le domaine forestier permanent (DFP, 2 400 000 ha) où l'exploitation à faible impact (EFI) est contrôlée par l'ONF. Cette activité prélève 77 000 t/an de bois d'oeuvre qui alimentent les scieries et produisent environ 30 000 t de sciages et 47 000 t de déchets de scieries, alors qu'on laisse sur place en forêt 150 000 t de connexes d'exploitation. La mission est très réservée sur la durabilité de ce mode d'exploitation qui nécessite un niveau de subventions publiques égal à la valeur du bois d'oeuvre sur pied. L'ONF accuse un déficit annuel de plus de 2 M. Le reste du domaine forestier (5,4 M ha) n'est pratiquement pas utilisé et ne dégage que très peu de revenu forestier.
La PPE de 2017 a prévu un objectif de puissance électrique biomasse de 16,7 MW en 2018, de 25 MW supplémentaires 2023 et de 20 MW supplémentaires en 2030. Bien que certains projets soient maintenant lancés, l'accroissement de capacité de 2018 ne s'est pas concrétisé pour plusieurs raisons : L'absence de ramassage de bois faute de centrale pour le brûler. La production de bois d'oeuvre modeste n'a pas permis le développement d'une filière bois énergie. Un problème de compétitivité de la biomasse. L'appréciation du coût d'accès à la biomasse en Guyane était fortement sous-évaluée jusqu'aux accords de Cayenne d'avril 2017.
1 2
Les acronymes figurent en annexe n°2 Dans l'ensemble du rapport, il s'agit de tonnes de bois à 45% d'humidité sur brut (i.e. 1 tonne de bois est constituée de 0.55 t de matière sèche ligneuse et de 0.45 t d'eau).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées L'insécurité des porteurs de projet quant à leurs plans d'approvisionnement reposant exclusivement sur la défriche agricole et l'exploitation forestière à faible impact. Les industriels se heurtent aux difficultés d'obtention de foncier pour des plantations ou cultures énergétiques. La lourdeur des procédures administratives et le fait que l'exploitation industrielle de la forêt est un sujet sensible.
Un accord a été passé en 2018 par l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA de Guyane) avec des énergéticiens pour valoriser le bois de défriche des futures petites exploitations agricoles. Dans ces conditions, la mission estime qu'il est souhaitable de chercher à atteindre les 40 MW prévus dans la première PPE (correspondant à peu près à 450 000 t de bois/an3) et formule les propositions urgentes suivantes : Pour la défriche : rendre obligatoire lors de la signature des baux emphytéotiques ou des concessions à destination agricole, sa réalisation au rythme indiqué par le récipiendaire, selon un cahier des charges imposé par la DAAF. Le bois extrait restant propriété de l'État est cédé aux usines biomasse. Négocier un protocole d'accord type avant la fin de l'année entre les énergéticiens présents en Guyane, la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG) et les organisations agricoles sur ce sujet. Ce dispositif est susceptible de garantir 100 000 à 200 000 t/an de biomasse forestière tout en permettant un contrôle effectif et physique de la défriche agricole. Pour l'exploitation forestière, mettre en place, hors du domaine forestier permanent, le mode d'exploitation étudié par l'Ademe et l'ONF en 2011 sur le site de Balata / Saut-Léodate. Ce mode consisterait à confier à un acheteur exclusif, sur un massif de 10 à 15 000 ha délimité par l'ONF, un contrat à long terme d'exploitation sélective de la forêt secondaire avec une coupe partielle du volume de bois lors de chaque passage. Le bilan CO2 de ce mode d'exploitation est plus favorable que celui d'une production électrique à partir de fioul au-delà d'une cinquantaine d'années d'exploitation. Potentiel: 200 000 t de biomasse/an. Développer parallèlement les activités susceptibles de renforcer la sécurisation des projets biomasse. D'une part, soutenir le projet d'utilisation des bois ennoyés de la retenue de Petit Saut (projet Triton) qui pourra fournir 200 000 t de bois/an. D'autre part, encourager des projets de plantations de diverses tailles sur la bande littorale, y compris au sein des exploitations agricoles, afin de fournir, à échéance de 10 ans, un potentiel de 500 000 t de biomasse/an correspondant à une surface utilisée de 10 000 ha.
3En
retenant une hypothèse de fonctionnement en base (7 000 h/an) et une consommation de 1,6 t de bois par MWh.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Mettre fin aux lourdeurs administratives d'attribution du foncier qui font renoncer les industriels à leurs projets et acter sans délai que les plantations sylvicoles ou énergétiques sont autorisées sur la bande littorale au même titre que les autres activités agricoles. L'inscrire dans le Schéma d'aménagement régional, dans le Programme régional forêt bois, dans le Schéma régional biomasse et dans la PPE. Transposer la directive 2016/0382 relative à la promotion des énergies renouvelables en veillant à conserver aux DOM le bénéfice de critères dérogatoires.
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Les calculs de la mission montrent que la biomasse est une énergie compétitive, par rapport au fioul (avec un pétrole à 75 par baril), dans des centrales électriques de taille suffisante (au moins 10 MW), en prenant en compte un avantage économique alloué au bois exploité au titre de l'emploi. 170 emplois forestiers et logistiques sont nécessaires pour approvisionner une centrale biomasse de 10 MW fonctionnant en base (correspondant à 110 000 t de bois livré). Développer la filière bois-énergie est un choix politique visant à hâter l'abandon des énergies fossiles et à stimuler l'emploi local : la mission n'est pas en mesure de chiffrer précisément ces retombées positives mais au minimum, un supplément annuel d'activité d'environ 30 M pour la Guyane est attendu à l'horizon 2023 (450 000 t x 70 ), correspondant à la création d'au moins 700 emplois directs, sans compter les économies d'importation du fioul améliorant la balance commerciale.
Guadeloupe, Martinique, Mayotte et La Réunion Les îles de Guadeloupe, Martinique, Mayotte et La Réunion sont caractérisées par leur forte densité de population et l'exiguïté de leurs surfaces agricoles. Quant aux superficies forestières, quasi inexistantes sur Mayotte, elles sont en grande majorité sous un statut de protection ou entre les mains de propriétaires privés peu actifs. On ne peut identifier de filière bois basée sur l'exploitation de la forêt dans aucune de ces îles. Dans un tel contexte, les gisements de biomasse valorisables pour la production d'énergie sont faibles. Cependant, Mayotte mise à part, ce sont des îles où la culture de la canne à sucre est fortement implantée, avec des petits planteurs possédant ou louant de faibles surfaces d'exploitation (4 à 10 ha, voire moins). La canne fournit un sous-produit, la bagasse, excédentaire par rapport aux besoins énergétiques des usines, qui a permis le développement de centrales électriques installées par des industriels de l'énergie à côté des sucreries. Cette biomasse est saisonnière et représente une faible part de la production électrique (en général moins de 10 %), le complément nécessaire pour faire fonctionner les centrales électriques toute l'année étant actuellement fourni par du charbon importé. Pour développer la biomasse énergie, l'opérateur industriel de ces centrales privilégie un scénario de substitution du charbon par de la biomasse importée sous forme de pellets de bois compte tenu des faibles potentiels de gisement locaux aujourd'hui disponibles dans les trois îles.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées En Martinique et à Marie-Galante, l'importation a soulevé l'hostilité des populations et des élus. Toutefois, elle permet à ces territoires insulaires de préparer une stratégie de mobilisation systématique des déchets combustibles. Ces déchets devraient pouvoir être valorisés à un coût de revient inférieur aux pellets importés, mais sont loin de couvrir l'approvisionnement des moyens de production « pilotables » des systèmes électriques de ces territoires. Deux voies de renforcement du gisement cannier ont été étudiées par les industriels avec l'appui de la recherche agronomique (Inra, Cirad). À la Réunion, il s'agit de sélectionner les cannes à sucre pour augmenter simultanément leur rendement/ha et leur teneur en fibre, sans perdre sur la quantité de sucre (Projet eRCANE). À la Guadeloupe (projet Rebecca) et à La Réunion (projet SYPECAR), il s'agit de substituer sur une partie de la sole cannière (correspondant à une part des excédents de sucre de canne raffiné en France et non concurrentiel depuis la fin des quotas sucriers) la culture de la canne à sucre par une canne énergie à fort rendement biomasse.
Il n'est pas certain que les scénarios d'extension de la sole cannière ou d'implantation de ces nouvelles cultures sur des friches existantes soient réalistes, étant donné la structure du foncier et le mode de faire valoir de ces îles, très défavorables à l'installation d'agriculteurs (sans compter la spéculation immobilière). Ce sont donc des cultures qui se substitueraient majoritairement à des surfaces aujourd'hui en canne à sucre, voire à des pâturages sous utilisés. Des assolements en rotation avec la banane seraient également possibles en Martinique et en Guadeloupe, étant donné les effets positifs de cette alternance culturale. Sur le plan social au sein de ces trois territoires, la substitution de cultures de canne-énergie ne transforme pas leurs structures foncières spécifiques ; en cas de crise du sucre ou de la banane entraînant une déprise, ce seraient des milliers d'emplois préservés. Les importantes capacités installées de centrales à charbon et charbon/bagasse (90MW en Guadeloupe, 210 MW à la Réunion) nécessiteront un approvisionnement en biomasse, qui fait apparaître la substitution (sucre/énergie) comme une opportunité économique et budgétaire intéressante. Les subventions agricoles actuelles (environ 2 200 /ha part UE et 2 600 /ha part nationale) seraient économisées pour les surfaces converties en canne fibre ainsi qu'une part de la prime bagasse prise en charge par la CSPE. La conversion progressive et partielle vers la biomasse permet dans ces deux îles de préserver tous les emplois non industriels du secteur sucrier, soit 90 % de ceux-ci. Ces cultures ne pourraient cependant pas être récoltées toute l'année, ni stockées aisément. La biomasse importée sous forme de pellets pourrait être une ressource complémentaire pour le fonctionnement en continu des centrales. De ce fait, les nouvelles PPE de Guadeloupe et de La Réunion devraient prendre en compte des orientations favorables à la canne fibre qui pourraient augmenter significativement la place de la biomasse locale à l'horizon 2030. La Martinique pourrait aussi s'inspirer de ces deux modèles une fois qu'ils auront fait leurs preuves.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Le développement de nouvelles capacités d'incinération des déchets ultimes après tri sélectif se heurte à de fortes oppositions des habitants et des élus. Les trois îles semblent avoir choisi la voie de la transformation en combustible solide de récupération (CSR). Étant donné la problématique généralisée des îles de devoir recourir à de la biomasse importée, il est souhaitable d'orienter ces CSR en priorité vers les installations biomasse ou biomasse/charbon existantes. A Mayotte, le projet de centrale biomasse prévu par la PPE initiale ne pourra être réalisé qu'à la condition d'importer la biomasse, faute de ressources locales suffisantes : cette option ne semble pas susciter de difficultés d'acceptabilité sociale dans son principe, et semble judicieuse d'un point de vue socioéconomique.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
TABLE DES RECOMMANDATIONS
Avertissement : l'ordre dans lequel sont récapitulées ci-dessous les recommandations du rapport ne correspond pas à une hiérarchisation de leur importance mais simplement à leur ordre d'apparition au fil des constats et analyses du rapport. Recommandation n° 1. Au ministère de l'agriculture et d'alimentation, au ministère de la transition écologique et solidaire, au ministère de l'action et des comptes publics et à la Commission de régulation de l'énergie : Créer de nouvelles procédures afin de réduire les délais d'instruction des dossiers biomasse, en visant un délai maximal de 24 mois à compter de la délivrance du permis de construire de la future centrale pour l'obtention de l'ensemble des autres autorisations ou avis administratifs nécessaires au projet. Simplifier la procédure en rendant opposable à la CRE et au ministère de l'action et des comptes publics l'avis de la cellule biomasse sur le futur plan d'approvisionnement d'un projet de centrale biomasse. Adapter en conséquence les codes de l'énergie et de l'environnement ............. 40 Au préfet de Guyane et à la Collectivité territoriale de Guyane : Sans attendre la finalisation de la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie, élaborer d'ici la fin de l'année 2018 le volet relatif à la biomasse qui aura valeur de prochain schéma régional. Clarifier le fait que les cultures et plantations énergétiques ou sylvicoles font partie des activités agricoles autorisées dans la zone agricole du schéma d'aménagement régional (SAR) et les encourager dans le programme régional de la forêt et du bois (PRFB) en cours d'adoption. .............. 43 Aux ministères de l'économie, des finances et de l'action et des comptes publics (DIE) : Mettre à jour en Guyane le cadastre et accélérer les procédures administratives de mise à disposition du foncier. Compléter dans le Code général de la propriété des personnes publiques les dispositions relatives à l'attribution du foncier en Guyane sur la faculté d'exercer des activités de plantations sylvicoles ou de cultures énergétiques. ....................................................................... 44 Au préfet de Guyane : Publier avant la fin 2018 le cahier des charges de la défriche agricole à faible impact en émission de gaz à effet de serre ; Identifier un service de la DAAF chargé de contrôler la mise en oeuvre du défrichement agricole suivant ces règles et de passer les marchés publics afférents. Rendre obligatoire la valorisation de la défriche agricole et urbaine par l'État et ses établissements publics, les collectivités, l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane, les agriculteurs et les personnes morales privées, selon le
Recommandation n° 2.
Recommandation n° 3.
Recommandation n° 4.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées cahier des charges de la DAAF. Organiser la collecte du bois énergie issu de cette défriche sur la base d'un accord-cadre avec les énergéticiens à compter de 2019. ..................................................... 45 Recommandation n° 5. Au ministère de l'agriculture et de l'alimentation et au ministère de l'action et des comptes publics : Introduire des clauses dans les cahiers des charges des concessions des terrains ou une clause résolutoire à la délivrance des baux emphytéotiques afin de rendre obligatoire le défrichement à faible impact en vue de la mise en valeur agricole des terres en Guyane lors de la cession de terres appartenant au domaine privé de l'État à des agriculteurs ou des personnes morales. Ces clauses préciseront que le bois de défriche reste propriété de l'Etat jusqu'à sa mise au bord de la route. Modifier le code général de la propriété des personnes publiques. ......................................................................... 46 Au préfet de Guyane (cellule biomasse) et à la Commission de régulation de l'énergie : Admettre des plans d'approvisionnement sécurisés seulement à hauteur de 75 % (hors bois de défriche) dès lors que le porteur de projet d'une centrale biomasse dispose d'un contrat avec l'Etat, l'EFPA de Guyane ou une collectivité locale sur des approvisionnements en bois de défriche. ......................................... 46 Au ministère de l'agriculture et de l'alimentation et aux ministères de l'économie des finances et des comptes et de l'action publique (DIE) : En Guyane, autoriser dans la bande littorale, hors domaine forestier permanent, l'attribution de contrats exclusifs à long terme d'exploitation forestière à des usines biomasse, sur des surfaces de 10 à 20 000 ha délimitées par l'ONF, permettant des coupes d'intensité modérée à but énergétique (sur le modèle Balata / Saut-Léodate étudié par l'Ademe en 2011). Le futur programme régional de la forêt et du bois devra inclure les projets ainsi identifiés............................ 56 Au préfet de Guyane : Revitaliser le comité de la filière bois associant l'ensemble des acteurs concernés, de l'amont à la deuxième transformation, afin d'élaborer et de décliner des stratégies de filière. ........................................................................................................... 60 A la Collectivité territoriale de Guyane : Soutenir grâce aux fonds de recherche et d'innovation les démarches scientifiques et techniques concernant les plantations de co-production bois d'oeuvre-bois énergie des institutions publiques en place, et des sociétés privées de conseil présentes sur ce secteur. ....................................................... 60 Au préfet de Martinique et à la Collectivité territoriale de Martinique : Veiller dans le plan régional de prévention et de gestion des déchets à
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Recommandation n° 6.
Recommandation n° 7.
Recommandation n° 8.
Recommandation n° 9.
Recommandation n° 10.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées définir les prescriptions techniques que devront respecter les CSR pour permettre une valorisation énergétique dans la centrale biomasse du Galion 2, en substitution à de la biomasse importée. ....................... 66 Recommandation n° 11. Au ministère de l'agriculture et de l'alimentation et au ministère de la transition écologique et solidaire : Soutenir, à travers leurs agences et instituts scientifiques et techniques, les travaux de recherche et développement et les expérimentations sur les utilisations énergétiques de la canne (sucrière et fibre), en associant les acteurs industriels, afin d'accélérer l'autonomie énergétique de l'île de La Réunion. Prévoir dans la future PPE une étude technique et financière sur la conversion charbon/canne fibre d'une unité charbon existante. ........................................................................................................... 79
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INTRODUCTION
Par lettre du 22 février 2018, les ministres de l'agriculture et de l'alimentation, de la transition écologique et solidaire et des Outre-Mer ont saisi les Vices - présidents du CGAAER, du CGEDD et du CGE afin de diligenter une mission pour évaluer les gisements de biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées (ZNI) au réseau électrique métropolitain. En accord avec les trois cabinets des ministres, le périmètre de la mission a été restreint aux cinq territoires d'outre-mer suivants : Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique et Mayotte. La mission a principalement étudié les gisements de biomasse solide transformée directement par combustion (bois, déchets de bois, déchets combustibles ménagers ou industriels, déchets verts, boues déshumidifiées de station d'épuration, déchets de canne, cultures énergétiques), ou ayant éventuellement subie un prétraitement (pelletisation, torréfaction). La problématique des biocarburants n'a pas été étudiée. La mission s'est efforcée de voir dans quelle mesure les objectifs biomasse visés par les PPE en vigueur étaient atteignables et socio économiquement acceptables en intégrant des composantes de prix du carbone ou de subvention à l'emploi. L'article 203 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi TECV) prévoit l'élaboration conjointe d'une programmation pluriannuelle de l'énergie par l'État et le territoire concerné (collectivité territoriale unique, département ou région). Cette même loi fixe à ces régions ultrapériphériques des objectifs ambitieux en matière d'intégration d'énergies renouvelables à hauteur de 50 % de la consommation d'ici 2020 et d'autonomie énergétique à l'horizon 2030. Les cinq départements d'outre-mer (DOM) ont réalisé entre 2016 et 2017 leur première programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) couvrant la période 2017/2023 (celle de la Martinique étant au stade de l'examen par le comité d'experts). Ils doivent élaborer cette année, une deuxième programmation s'étendant sur la période 2018 à 2030 : c'est dans ce cadre que la mission doit apporter un éclairage sur la place de la biomasse dans leur futur mix électrique. En effet, ces projets biomasse se sont heurtés à des difficultés - souvent d'acceptabilité locale - dans ces différents territoires qui ont conduit à des retards sur les objectifs initiaux fixés à cette filière dans les programmations pluriannuelles de l'énergie. Parallèlement, les schémas régionaux biomasse des DOM viennent d'être mis en chantier par les services déconcentrés de l'État, suite à la publication de la stratégie nationale (17 mars 2018), alors qu'ils auraient dû être finalisés un an plus tôt. Ces éléments n'ont donc pas toujours été disponibles pour alimenter les travaux de la mission. Cette stratégie nationale met en avant la production de biomasse agricole, le recyclage des sousproduits par l'économie circulaire, les différents gisements de déchets urbains et le développement de la filière bois. Pour les DOM, elle mentionne l'opportunité de plantations à vocation énergétique en Guyane, la forte interaction entre l'avenir de la production sucrière (et de rhum) et la pérennité d'un gisement local de biomasse pour les autres DOM et la nécessité de s'assurer de la certification environnementale des importations de bois énergie éventuellement envisagées (Mayotte). La réduction des importations d'énergies fossiles est clairement visée. Les Assises des Outre-mer ont aussi permis d'identifier quelques projets « biomasse-énergie » auxquels la mission s'est référée.
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La biomasse est la seule énergie renouvelable qui s'appuie sur des activités de production récurrente de matière première (agricole, sylvicole ou naturelle), de récolte et de transport, nécessitant une filière organisée et offrant des atouts singuliers en termes de création d'emplois pour les départements d'Outre-mer. Hormis le bilan d'émissions de gaz à effet de serre (GES), de nombreux autres externalités ou impacts doivent être considérés (qualité de l'air, usage des sols agricoles, biodiversité, concurrence avec d'autres usages alimentaires ou industriels...). Son coût de mise à disposition peut être élevé et le rendement énergétique de sa transformation en électricité faible. Par ailleurs, il s'agit de procédés de conversion conventionnels qui n'offrent probablement pas les mêmes perspectives de progrès que des filières plus innovantes comme le photovoltaïque (PV). Pour autant, la biomasse est à l'origine d'une production électrique pilotable pouvant utilement compléter des productions intermittentes (photovoltaïque, éolien). Pour mener sa réflexion, la mission s'est appuyée sur plusieurs rapports du CGAAER et du CGEDD et a eu également accès à de nombreuses publications scientifiques récentes sur des expérimentations menées en matière de cultures ou plantations énergétiques dans ces territoires. Elle a aussi procédé à de nombreux entretiens en métropole et par visio-conférence avec les services de l'État de ces cinq DOM dont la liste figure en annexe 2. Elle s'est également déplacée en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe. Trois membres de cette mission se sont rendus en Guyane du 11 au 17 juin 2018 ce qui leur a permis d'associer les acteurs locaux à cette réflexion : outre les services de l'État, ils ont rencontré les responsables des différents établissements publics, les entreprises porteuses de projets biomasse, (chefs d'entreprises du secteur du bois et de la forêt ou porteurs de projets de plantations ou d'agroforesterie), des chercheurs (CNRS et Cirad), des ONG. Les entretiens avec les élus de Guyane ont eu lieu à Paris et par audioconférence (notamment avec la Collectivité territoriale de Guyane). La mission a également pu constater le démarrage des travaux de terrassement de la deuxième centrale biomasse à Cacao. Elle est aussi allée avec l'ONF dans le massif forestier de Regina dans l'est Guyanais, près de Saint-Georges où elle a pu mesurer les conditions difficiles d'exploitation de la forêt et visiter la scierie d'Abiodis en cours de construction. Elle s'est aussi déplacée sur le site du barrage de PetitSaut (principal moyen actuel de production électrique de Guyane) dont le site pourrait accueillir un projet original de biomasse (voir ci-après au 3.3). Deux autres membres se sont rendus en Martinique et en Guadeloupe du 12 au 20 juin. Outre les représentants des services de l'État, ils ont également rencontré des élus locaux ainsi que les principaux acteurs économiques de l'agriculture et de l'énergie, des porteurs de projet biomasse, des ONG et des chercheurs (Inra). Dans le présent rapport, la mission après avoir rappelé le contexte particulier des systèmes électriques de ces zones non interconnectées (chapitre 2) et les éléments du débat souvent irrationnel qui entourent le sujet de la biomasse (chapitre 3), s'est attachée à identifier les options envisageables de mobilisation de la biomasse, localement ou non (i.e. importée de façon transitoire ou pérenne), en documentant les aspects liés à la performance économique (coûts, filières à développer), environnementale (CO2, énergie, durabilité de la ressource et biodiversité), sociale (emplois) et sanitaire (pollution de l'air, de l'eau, etc.) ainsi que la problématique des éventuels conflits d'usage (sols et sous-produits) de chacun des territoires concernés (chapitres 4 à 8).
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2.1 Généralités
2.1.1
CONTEXTE
Les systèmes électriques des zones non interconnectées
Les systèmes électriques des DOM, objets du présent rapport, Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion, territoires isolés du réseau électrique continental (ou « zones non interconnectées » -ZNI-) présentent des spécificités techniques et économiques qui justifient de recourir à des solutions adaptées. L'intégration des ENR nécessite des solutions spécifiques dans ces îles de petite taille pour maintenir l'équilibre entre l'offre et la demande électriques et la stabilité de leurs réseaux assurée par le gestionnaire (EDF-SEI4), parmi lesquelles le déploiement d'installations de stockages qui peuvent être financées au titre de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) au même titre que des installations de production d'électricité. Aujourd'hui, malgré la progression des énergies renouvelables, le mix énergétique de ces DOM reste très carboné, reposant essentiellement sur des moyens thermiques ainsi que sur de la production hydraulique dans les DOM qui en disposent (Guyane et Réunion). De grandes disparités existent entre ces territoires. Les moyens de pointe sont, dans la technologie actuelle, uniquement fournis par des turbines à carburants liquide ou gazeux. Comme combustible, l'éthanol est possible (turbine à combustion mise en service à La Réunion) mais non compétitif qu'il soit importé ou produit localement. Les sources d'énergie renouvelables intermittentes même avec une forte augmentation des moyens de stockage qui permettrait de disposer d'une alimentation minimale 24 heures sur 24, voire même de déporter les pointes de production aux heures de forte demande, ne peuvent pas, d'après EDF SEI, à elles seules stabiliser le réseau en fréquence et suffire en volume pour garantir l'équilibre offre/demande tout au long de l'année. Aussi, la loi prévoit un seuil de déconnexion des EnR intermittentes fixé forfaitairement aujourd'hui à 30 % de la consommation qu'il conviendrait d'augmenter et d'adapter à la situation de chaque collectivité territoriale comme le recommande la Commission de régulation de l'énergie (CRE). 2.1.2 La biomasse, peu utilisée actuellement dans les zones non interconnectées, fait l'objet d'objectifs ambitieux dans les programmations pluriannuelles de l'énergie
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi TECV) impose à l'État d'élaborer une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) avec les collectivités territoriales uniques (Guyane, Martinique), les régions (Guadeloupe, La Réunion) et le département (Mayotte).
4Les
territoires insulaires ont la particularité de former de « petits systèmes isolés » ne bénéficiant pas d'interconnexion à un réseau électrique continental, ou de façon limitée pour la Corse. C'est pourquoi EDF leur dédie une entité à part entière la Direction des Systèmes Énergétiques Insulaires (SEI). (Source EDF).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées La première PPE aux horizons 2018 et 2023 a été adoptée pour quatre DOM sur cinq, une difficulté étant survenue en Martinique à propos de la biomasse, du fait de l'opposition de la Collectivité territoriale de Martinique (CTM) au projet de centrale biomasse de la société 'Albioma, « Galion 2», essentiellement approvisionnée en biomasse importée5. Chaque PPE fixe, dans sa partie énergie électrique, des objectifs en puissance installée par source d'énergie primaire, détaillée pour les différentes EnR. Dans un contexte de demande électrique en stagnation pour trois îles (Réunion, Guadeloupe, Martinique) les échéances de renouvellement des moyens de production de forte puissance à énergie fossile sont un enjeu crucial à prendre en compte pour rendre possible une augmentation significative du taux de pénétration des EnR. Or, ces renouvellements ont tous été effectués au cours des cinq dernières années, par EDF, avec des augmentations de puissance souvent fortes, heureusement modulaires (batteries de moteurs diesel de 17 MW). Le prochain renouvellement de la centrale de Dégrad-des-Cannes en Guyane, mérite une attention toute particulière. Une centrale de capacité surdimensionnée pourrait justifier un maintien durable du fioul sur ce territoire et éventuellement freiner l'augmentation progressive des EnR et notamment de la biomasse qui a un process plus long pour se concrétiser. La confirmation ou non de perspectives importantes de développement effectif et rapide de centrales à biomasse devra nécessairement être prise en compte dans le dimensionnement retenu dans la prochaine PPE. Tableau 1 : Objectifs biomasse de la programmation pluriannuelle de l'énergie pour les cinq DOM Guadeloupe Guyane Puissance en MW en 10 2018 (part dans la (4 %) production électrique) Objectif 2023 (en MW) + 66 ** Objectif 2030 (en part 31 % de la production) 1,7 (1 %) + 40 28 % Martinique 40 (18 %)* Mayotte La Réunion 0 (0 %) 40 (9,5 %) +95 ** 50%
+ 11,4 (hors + 12 Galion 2) 32 %
* En incluant la centrale de Galion2 ** Il s'agit principalement de substitution de charbon par de la biomasse dans les centrales existantes Source : Mission et PPE
Le détail du mix électrique 2017 de chaque DOM figure en annexe n°4. S'agissant des zones non interconnectées, la CRE a plusieurs missions : elle évalue la pertinence des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables et calcule le montant des charges de service public de l'énergie dans ces territoires. Elle fixe aussi le niveau de compensation de chaque nouvelle unité de production, moyen de stockage, interconnexion ou action de maîtrise de l'énergie. C'est la raison pour laquelle, la CRE fixe à chacun des projets de centrale biomasse, le niveau de son tarif d'achat d'électricité par EDF-SEI : dans cette filière naissante, il n'y a pas eu encore d'appel d'offre, les contrats sont actuellement passés de gré à gré.
5
La PPE Martinique a finalement été approuvée par décret n°2018-852 du 5 octobre 2018.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées L'industriel qui présente un projet et un tarif le soumet à la CRE qui entame un débat contradictoire afin d'amener les composantes du prix du contrat au niveau d'un coût jugé normal pour la technologie et le mode d'approvisionnement en biomasse proposé. 2.1.3 Les contraintes environnementales sur la biomasse énergie
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Afin d'échapper aux contraintes du code de l'environnement, un grand nombre de projets de centrales à biomasse dans les DOM, affichent une puissance électrique de 5 MW ou moins, en particulier en Guyane, alors que des économies d'échelle importantes se font au palier de 10 MW6, par une réduction du coût d'installation. Ils échappent ainsi à l'enquête publique liée à la procédure d'autorisation d'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE), aux contraintes réglementaires les plus exigeantes sur le traitement des fumées (arrêté du 26 août 2013 relatif aux installations de combustion d'une puissance (thermique) supérieure ou égale à 20 MW soumise à autorisation au titre de la rubrique 2910 et de la rubrique 2961) entraînant à la fois des surcoûts et des pertes de puissance. Par ailleurs, l'ensemble des projets biomasse font face à l'insécurité juridique liée à la transposition de la directive ENR/2016/0382 (cf. § 3.7) concernant l'application des critères de durabilité aux régions ultrapériphériques. 2.1.4 Les atouts de la biomasse
La biomasse présente un certain nombre d'atouts pour les systèmes électriques des zones non interconnectées, qui sont : sa disponibilité prévisible en puissance garantie, sa capacité de stockage et de transport, sa capacité d'inertie pour maintenir la fréquence du réseau ; en sus, elle offre des externalités économiques et sociales intéressantes : support de nombreux emplois locaux pour la production du combustible, contribution à l'équilibre économique de filières agricoles (sucre) ou forestières fragiles en substitution de régimes d'aides de plus en plus contestés. En dépit de ces avantages, en tant qu'EnR, la biomasse apparaît comme une industrie assez coûteuse et peu susceptible d'évolution à la baisse sur le moyen et long terme. Le rendement de la conversion de la biomasse en énergie finale est assez mauvais, dans des régions tropicales peu industrialisés où la chaleur dissipée est difficilement valorisable7 et son utilisation pour produire du froid n'a pas été développée.
2.2 Les filières de production d'électricité à partir de la biomasse
La biomasse susceptible d'un usage énergétique est définie dans l'article L211-2 du code de l'énergie comme « la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l'agriculture, y compris les substances végétales et animales issues de la terre et de la mer, de la sylviculture et des industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers ».
La production d'électricité à partir de biomasse repose sur des technologies comparables à celles mobilisées pour les énergies fossiles (charbon, produits pétroliers, gaz naturel) visant une production
6Voir
le rapport du programme de recherche appliqué Rebecca2 mené de 2011 à 2016 par l'INRA et le Cirad et la société Quadran.
7Cette
chaleur peut être utilisée pour le séchage de la biomasse si celle-ci est très humide (comme la canne fibre) ou pour pouvoir envisager un stockage de longue durée.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées d'énergie mécanique à partir de chaleur, à savoir : la chaudière alimentant une turbine à vapeur, la turbine à combustion, le moteur thermique. La biomasse solide ne peut être utilisée directement que dans une chaudière ; pour pouvoir alimenter une turbine à combustion ou un moteur thermique, elle doit être transformée au préalable en combustible liquide ou gaz. Le pouvoir calorifique de la biomasse dépend fortement de son taux d'humidité. Pour pouvoir être utilisée dans un procédé thermochimique (combustion, gazéification), une biomasse très humide devra être au préalable séchée pour ramener son taux d'humidité à 50 % (sur brut). Elle peut également servir de matière première à un procédé biochimique produisant un combustible gazeux (biométhane) ou liquide (éthanol). De manière concrète, les filières suivantes sont actuellement présentes ou envisagées dans les DOM : - combustion de biomasse ligneuse solide dans une chaudière alimentant une turbine à vapeur, - combustion d'éthanol, produit à partir de sucres, dans une turbine à combustion, - combustion de biogaz (obtenu soit par gazéification thermochimique de biomasse ligneuse soit par méthanisation de biomasse humide) dans un moteur thermique. Les ressources locales en biomasse pour la production électrique peuvent prendre différentes formes : - coproduits/sous-produits d'une activité forestière, agricole, agro-industrielle ou d'entretien d'espaces naturels : biomasse forestière produite dans le cadre d'un défrichement, par exemple en vue d'une production agricole, d'opérations de sylviculture (éclaircies), comme coproduit d'une exploitation forestière de bois d'oeuvre (rémanents), résidus d'industries de première transformation du bois (connexes de scierie), ou produits en bois en fin de vie ; déchets agricoles : paille de canne à sucre, autres sous-produits (de la production de banane, déjections animales...) ; sous-produits de l'agro-industrie (bagasse, mélasse, vinasses...) ; déchets verts : ménagers, issus de l'entretien de parcs, gestion de la végétation en bord de route ou sous les lignes électriques ; - cultures à vocation énergétique : de biomasse solide : plantations d'espèces forestières à croissance rapide ou d'autres plantes ligneuses comme la canne énergétique, le napier, le bambou... de matières premières pour la production de combustibles « liquides » : plantes sucrières, plantes oléagineuses. La biomasse peut également être obtenue dans le cadre d'une stratégie d'importation. En matière de biocombustibles, on assiste au développement d'un important marché international de pellets de bois. Par ailleurs, un marché mondial du bioéthanol ou des huiles végétales existe de longue date.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Enfin les combustibles solides de récupération (CSR) sont une source potentielle d'énergie locale composée pour partie de biomasse. Ils sont fabriqués à partir des matières non recyclables et des refus de tri résultant de la collecte des déchets non dangereux, ménagers ou industriels. Ils constituent une alternative à la mise en décharge grâce à une préparation : déferraillage, broyage, tri optique des composés chlorés ou bromés répondant à des normes qui les fait sortir du statut de déchet. Le pouvoir calorifique inférieur (PCI) des CSR est élevé (supérieur à 12 MJ/t pour respecter la réglementation). Leur combustion peut se faire dans des fours particuliers avec traitement simplifié des fumées (autre catégorie d'installation classée pour la protection de l'environnement rubrique 2971 - que les incinérateurs rubrique 2771 -), permettant la génération d'électricité. Le marché des pellets de bois Les pellets de bois sont un vecteur d'énergie produit à partir de déchets de scieries (sciures, connexes) et de sous-produits d'exploitation forestière, dont les caractéristiques (humidité, densité énergétique, taille des particules, forme...) ont été standardisées (ISO 17225-2) pour en faire une « commodité » facilement échangeable sur le marché international. La production mondiale de pellets de bois a connu une croissance forte au cours des dix dernières années passant de 6 à 26 Mt entre 2006 et 2015. Les États-Unis sont le premier exportateur avec environ 5 Mt/an, alors que les principaux importateurs se situent en Europe, avec en tête le Royaume Uni, dans le cadre de la conversion à la biomasse de ses centrales électriques au charbon. Le prix mensuel à l'exportation à partir des États-Unis de pellets de bois se situait entre 115 et 160 /t en 2017 (Source : Département de l'énergie des Etats-Unis). Par rapport à l'exportation d'autres formes de bois (plaquettes, rondins...), les pellets, bien que plus coûteux, présentent de nombreux avantages tels qu'une plus forte densité énergétique, une facilité de manipulation et de stockage et une absence de risques sanitaires. Plusieurs acteurs se sont lancés récemment dans la production de pellets à partir de bois torréfié ou traité par explosion à la vapeur, ce qui augmente la friabilité du produit (et permet de l'utiliser plus facilement dans des centrales à charbon pulvérisé) et le rend hydrophobe (ce qui permet son stockage à l'air libre). Cette production reste encore embryonnaire aujourd'hui. Des réserves ont été exprimées par diverses parties prenantes sur le bilan environnemental de cette production, notamment celle localisée dans le sud-est des États-Unis, qui reposerait partiellement sur la récolte de bois, par coupe rase, dans des forêts naturelles feuillues. Enviva, le premier producteur américain de pellets, admet utiliser dans l'approvisionnement de ses usines environ 25% de bois ronds, mais il s'agirait de bois dégradé ne pouvant être valorisé comme bois d'oeuvre. Albioma, pour son usine du Galion, a mis en place le « système de diligence raisonnée » s'appliquant aux importateurs de bois dans l'UE et exige une certification de ses fournisseurs de pellets, imposant diverses exigences environnementales comme le maintien du stock de carbone et la protection de la biodiversité.
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2.3 La biomasse au coeur de ses contradictions
Plusieurs griefs ont été dressés contre la biomasse alors même que le bilan coûts/avantages n'a jamais été établi de manière objective et surtout avec une analyse multicritère. 2.3.1 La biodiversité
Toute utilisation de ressources naturelles est susceptible d'impacter des milieux sources et de porter atteinte à la biodiversité. C'est particulièrement ce qui est évoqué à propos de la biomasse qui pourrait être extraite de l'immense forêt guyanaise (8,3 M ha). Cependant, il faut relativiser au cas d'espèce les dommages occasionnés à la due proportion des surfaces qu'il serait proposé d'exploiter pour la production de biomasse. Tout au plus quelques dizaines de milliers d'hectares (source Ademe), moins d'un demi pour cent de la surface forestière. En regard, il faut envisager les dommages indirects irrémédiablement causés à la biodiversité par le changement climatique si rien n'est fait pour limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES), notamment dans le domaine de l'énergie. 2.3.2 Le puits de carbone
La plupart des projets industriels à partir de biomasse en discussion en Guyane ont une composante de leur approvisionnement basée sur une culture énergétique ou une plantation, voire une exploitation modérée et récurrente de la forêt naturelle (cf. 4.4.2. Guyane, expérience ONF/Ademe de Balata /Saut-Léodate), à proximité de l'usine. Ce choix industriel est fondé sur une rationalisation des coûts de mobilisation de la biomasse. Une maîtrise en propre d'une partie des approvisionnements de l'usine est exigée dans leur analyse de risques par les financeurs. Cette approche présente aussi des garanties de moindre impact environnemental : le chantier de récolte n'est plus mouvant sur la superficie forestière guyanaise, mais fixé sur une parcelle de quelques milliers d'ha, en zone de forêt secondarisée, voire en zone agricole. Il n'y a plus de routes forestières à ouvrir à l'infini, toujours plus chères, toujours plus loin dans la profondeur du massif. Le juge de paix, admis par tous, est le bilan carbone (méthode Ademe). Lorsqu'on part d'un terrain portant une couverture boisée à son apogée, qu'il faut d'abord exploiter, la plantation qui succède à la forêt naturelle, fera l'objet de coupes régulières (à courtes rotations) et stockera moins de CO2 dans la biomasse aérienne. On crée ainsi une dette carbone (par changement d'usage des sols)8. En définitive, grâce à une plus grande productivité de la biomasse plantée, la dette carbone pour ces modèles intensifs est tout à fait acceptable (150 à 450 g de CO2/KWh d'électricité produite, voir chapitre 3.3) en regard de l'hypothèse concurrente qui est le maintien de la puissance de base au fioul pour plusieurs décennies (650 à 850 g de CO2/KWh). Dans certaines configurations, le bilan net par rapport au fioul pourrait être positif dès 25 ans (plantation de bambou cf. projet Easywatt, plantation de canne-fibre cf. Rebecca).
8Et
non par combustion ou par pourrissement de la nécro masse, tout ceci s'annule avec la repousse, seul demeure le différentiel entre le stock de carbone de la nouvelle plantation et le stock initial. Ce différentiel est bien plus faible dans le cas où ce sont des forêts secondaires qui sont substituées.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées D'ailleurs la stabilité du stock de carbone de la forêt « primaire »9 n'est nullement acquis à long terme, des auteurs français, malgaches et anglo-saxons ont publié en 2016 dans le Journal of Ecology un article mettant en évidence une décroissance naturelle du stock de CO2 des forêts « primaires » tropicales non gérées sous l'effet défavorable du changement climatique. Ce déstockage est évalué, pour Madagascar, à un défrichement de 0,5 % par an de la surface forestière10. 2.3.3 Un mauvais rapport qualité/prix du KWh biomasse qui n'est qu'apparent
21
À priori, la production d'électricité par de la biomasse, avec des coûts de production supérieurs à 250 /MWh, souffre d'un bilan économique assez mitigé face à des combustibles fossiles encore peu affectés par la tarification carbone sur le marché ETS11. A titre de comparaison, la CRE a estimé12que le coût marginal du MWh fioul risquait de dépasser encore longtemps les 300 tout au long de la journée en Guyane (ce qui fait que les tarifs de rachat récemment accordés à de petites unités biomasse sont générateurs d'économies de CSPE), alors que, dans les îles, ce coût se situe autour de 150 hors période de pointe. Néanmoins la biomasse est génératrice d'emplois locaux, qu'on peut estimer au minimum à 1,5 emploi pour 1 000 t/an de biomasse locale produite, c'est-à-dire 2,5 emplois par GWh hors emploi usine, ce qui est un avantage non négligeable dans des DOM où le taux de chômage est supérieur à 20 %. En comptant les emplois directs, indirects et induits, le gisement d'emplois associé au développement de la biomasse locale dans les zones non interconnectées pèse plusieurs milliers d'unités. Contrairement à d'autres EnR moins onéreuses (solaire, éolien) au premier abord, elle a en outre l'avantage d'être pilotable, de contribuer à la stabilité du réseau et de pouvoir fonctionner en base : pour une fourniture d'électricité garantie 24 h sur 24. 2.3.4 Combustion et pollution de l'air
Le débat a été vif ces dernières années à propos de la place de la biomasse énergie, que ce soit en métropole ou dans certains DOM. Les populations et des associations environnementalistes peuvent être hostiles à une EnR qu'ils jugent polluante (en raison des particules fines) alors que les normes environnementales font que les installations récentes le sont très peu. L'information des citoyens sur le cycle du CO2 atmosphérique associé à l'utilisation de la biomasse ainsi que sur la nature des normes d'émissions de fumée des installations récentes demeure une tâche à considérer par les administrations, l'ONF et l'Ademe pour replacer le débat local sur ses véritables enjeux. Sur la base des valeurs limites d'émissions de polluants spécifiées dans l'arrêté du 26 août 2013 relatif aux installations de combustion d'une puissance (thermique) supérieure ou égale à 20 MW soumises
9Dans
le présent rapport, la mission utilise le terme de forêt « primaire » pour la forêt guyanaise, hors bande littorale, y compris celle qui est exploitée durablement.
10Journal
of Ecology 2016, 104, 703- 715 Vieilledent et al. Bioclimatic envelope models predict a decrease in tropical forest carbon stocks with climate change in Madagascar.
11La
production d'électricité est soumise au système européen de quotas négociables de CO2 de l'UE, et la tarification du CO2 sur ce marché est très inférieure à la valeur tutélaire du CO2 retenue par l'administration française et à la composante carbone incluse dans la TICPE.
12
Délibération CRE N° 2017 107 du 9 mai 2017 sur la prévision à 2022 et 2032 des coûts marginaux du MWh dans les ZNI.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées à autorisation au titre de la rubrique 2910 et de la rubrique 2931, qui s'appliquera dans les DOM à partir de 2020, et de l'arrêté du 3 août 2018 relatif aux installations ICPE soumises à déclaration au titre de la rubrique 2910 (puissance thermique comprise entre 1 et 20 MW) qui s'appliquera dans les DOM à partir du 20 décembre 2018, la mission constate que ( voir détail des calculs en annexe 5) : La biomasse serait à l'origine d'un surcoût au titre de la pollution de l'air de 5 à 17 /MWh par rapport à la solution fioul domestique ; Les installations biomasse de puissance inférieure à 20 MW thermique (soit de l'ordre de 5 MW électrique), envisagées en Guyane notamment, présenteraient des performances en matière de pollution de l'air équivalentes à celles du fioul lourd et légèrement inférieures à celles du charbon13 (de 6 /MWh) ; L'utilisation de biomasse dans des installations de puissance supérieure à 20 MW thermique (soit supérieures à 5 MW électrique) à la place de charbon ou de fioul lourd serait à l'origine d'un léger avantage socio-économique en matière de pollution de l'air : de 3 à 6 /MWh pour une substitution au charbon et de 10 à 13 /MWh pour une substitution au fioul lourd (soit de 2 à 8 /t bois à 45 % d'humidité et de 1 à 4 /t canne fibre à 65 % d'humidité).
-
2.3.5
Biomasse énergie et filière bois
Dans le modèle économique « standard », le bois énergie est un sous-produit bon marché de la filière bois d'oeuvre, que ce soit comme débouché complémentaire à la trituration pour le bois d'éclaircie ou par la valorisation énergétique des connexes d'exploitation du bois ou déchets de sciage, ces derniers correspondant en moyenne à 50 % du volume scié. Dans les DOM la filière bois d'oeuvre est extrêmement restreinte : dans les îles, en raison de la faible taille de la forêt exploitable (gérée malgré tout par l'ONF) et en Guyane, pour diverses raisons économiques dont la spécificité des essences forestières, l'étroitesse du marché intérieur et l'importance des coûts de main d'oeuvre comparés aux producteurs voisins de la zone tropicale. Les filières pâte à papier et trituration (panneaux de particules) n'existent pas. Pour toutes ces raisons, le développement de la filière biomasse doit se faire par lui-même, avec un modèle économique cohérent à trouver. Le même hectare de forêt ne peut pas conserver 100 % de sa biodiversité, 100 % de son stock de CO2 et apporter une contribution au développement économique de la Guyane et à la réduction des émissions de gaz à effets de serre (GES) de la production d'énergie électrique. Des choix doivent être faits pour concilier ces différents objectifs par ailleurs légitimes.
13
Centrales à énergies fossiles existantes ou envisagées sont toutes de forte puissance
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
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3
CONSTRUIRE ET RATIONALISER LE DEBAT
3.1 Les éléments de cadrage économique
La production d'électricité à partir de biomasse mérite d'être comparée aux autres filières de production présentes dans les DOM : moteur diesel fonctionnant au fioul lourd ou au fioul domestique, centrale au charbon pour les moyens fossiles, électricité photovoltaïque et éolienne en matière d'EnR (voir les détails de calcul en annexe 5). Le gaz naturel n'est pas encore utilisé dans ces territoires. La méthanisation est embryonnaire aux Antilles. Le dernier appel à projets de la CRE sur la production d'électricité photovoltaïque dans les DOM confirme qu'il s'agit à présent de la source d'énergie la plus compétitive en développement, avec des coûts moyens de 81,5 /MWh pour des installations au sol de puissance comprise entre 0,25 et 5 MWc et des coûts inférieurs à 200 /MWh pour des installations sur bâtiments et ombrières de parking. La prise en compte du CO2 renchérit ces coûts de production de 5,5/MWh14. Cette source d'énergie intermittente peut être complétée par des moyens de stockage de l'électricité permettant de lisser la production sur la journée et de contribuer à la couverture de la pointe du soir, mais au prix d'un renchérissement du coût moyen de l'électricité de 130 à180 /MWh (incluant le coût du CO2) dans les conditions actuelles, avec une division possible par deux de ce surcoût à l'horizon 2030. L'éolien reste une possibilité mais son potentiel est sans doute limité en raison de l'impact visuel dans les zones touristiques des Antilles et d'un régime de vent faible en Guyane. Pour autant, la question de la variabilité inter-journalière des productions photovoltaïque et éolienne reste entière ainsi que leur absence de contribution à la stabilité du réseau. Le mix de production doit donc comporter des moyens de production commandables, avec des machines tournantes, dans une proportion minimale d'au moins 50 % aujourd'hui, de 25 à 30 % à moyen terme selon EDF-SEI. La solution biomasse se compare donc aux autres moyens de production en base, essentiellement à base d'énergies fossiles15, pour fournir ce talon de production commandable. Même si dans un avenir éloigné on peut envisager de l'hydraulique en Guyane ou de la géothermie dans les Antilles, seuls le fioul, le charbon et le gaz sont envisageables à court ou moyen terme16. La comparaison économique des filières de production électrique présentée ci-dessous est effectuée dans une approche socio-économique, i.e. du point de vue de la collectivité nationale, avec en particulier une valorisation des émissions de CO2 à leur valeur tutélaire (prise ici à 100 /t de CO217), un taux d'actualisation public de 4,5 % et une absence de prise en compte des taxes et subventions.
14 15
Emissions de 0,055t CO2 / MWh (Source base carbone, Ademe) valorisées à 100 T/t Également géothermie dans les Antilles, éventuellement hydraulique en Guyane.
16 L'objectif
du Gouvernement d'arrêter la production d'électricité à partir de charbon d'ici la fin du quinquennat ne concerne que la métropole.
17 La valeur tutélaire du CO 2 de 100 /t a été fixée pour l'année 2030 par France Stratégie (rapport Quinet, 2013). Cette valeur fait l'objet d'une révision pour la mettre en cohérence avec l'objectif gouvernemental de neutralité carbone en 2050, ce qui pourrait conduire à un doublement de cette valeur à cet horizon. En conséquence, la mission a retenu la valeur moyenne de 100 /tCO2 sur la période 2020/2040, sur laquelle elle calcule des coûts moyens de production pour les différentes filières électriques.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Un paramètre clé de cette comparaison est le prix de l'énergie fossile, notamment le prix du pétrole brut, qui détermine les prix du fioul lourd et du fioul domestique. Il peut fluctuer de manière importante comme en attestent les évolutions sur les dernières années (cf. graphique en annexe 5). Une flambée des prix des combustibles fossiles n'est pas à exclure sur une fenêtre de 25 ans de contrat, tandis que la biomasse locale n'est nullement susceptible de telles variations. Une fourchette de 50 à 100 /baril (soit de 25 à 50 /MWh environ) est retenue dans les comparaisons qui suivent18 alors que pour le charbon, la fourchette est de 15 à 25 /MWh PCI. Les DOM font face à des situations contrastées en matière d'approvisionnement électrique. Aux Antilles et à La Réunion, la demande électrique est stagnante, voire décroissante à l'horizon 2030, d'où une demande faible voire nulle en nouveaux moyens de production de base : si on admet que les centrales actuelles n'arrivent pas en fin de vie dans un avenir proche, la rentabilité socio-économique du développement de la biomasse s'examine donc en substitution à des moyens de production existants, c'est-à-dire, en comparant le coût des solutions fondées sur deux sources majeures d'approvisionnement (canne fibre locale ou pellet importé) avec le coût marginal des moyens de production existants. La biomasse peut prendre deux formes : une importation de pellets de bois à un prix de marché actuel rendu centrale de l'ordre 180 /t et une production locale de canne fibre à un coût rendu centrale compris entre 50 /t et 60/t (source : projet de recherche Rebecca). En Martinique, la comparaison s'effectue avec les centrales à fioul lourd. Compte tenu des hypothèses sur les prix du pétrole et du CO2, leur coût marginal est compris entre 130 et 210 /MWh.
On en déduit que, pour concurrencer le fioul, la biomasse devrait être livrée à la centrale électrique à une fourchette de prix de 45 à 150 /t équivalent pellet, ce qui la rend peu rentable d'un point de vue socio-économique avec les hypothèses de prix de pétrole retenues par la mission. En Guadeloupe et à La Réunion, une première comparaison suppose que la production d'électricité à partir de biomasse s'effectue en substitution à du charbon dans une centrale Albioma existante. Une seconde comparaison porte sur une nouvelle centrale biomasse (type projet Quadran en Guadeloupe) qui remplace une production d'électricité au fioul lourd (centrale diesel type Jarry en Guadeloupe ou Port-Est à La Réunion). * Le coût marginal de production d'électricité à partir de charbon s'établit dans une fourchette de 190 à 230 /MWh. Le seuil de rentabilité de la biomasse rendu centrale électrique qui s'en déduit est compris dans une fourchette de 205 à 255 /t pellets19 , ou de 57 à 7220 /t de canne fibre fraîche (CF) à 65% d'humidité, ce qui permet d'envisager une rentabilité socioéconomique des deux options de conversion des usines existantes d'Albioma.
18 19 20
Le prix du pétrole a fluctué entre 55 et 65 /bl au premier semestre 2018. En retenant 0,82 t pellets par MWh et un coût CO2 de 25 /t pellets.
En supposant que l'utilisation de CF dans les centrales Albioma nécessite un investissement générant un coût fixe de 15 /MWh, qu'il faut 2.8 t de CF par MWh et en comptant un coût du CO2 de la CF de 5 /t.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau 16 de l'annexe 5 : Comparaison socio-économique en Guadeloupe et à La Réunion des filières de production électrique, substitution charbon dans les unités existantes.
[....]
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(*) Canne fibre à 65 % d'humidité
Source : Mission La canne fibre utilisée dans une centrale existante est équivalente au pellet importé pour un coût de la canne fibre rendue usine de 48 /t, ce qui peut justifier un débat sur l'importation versus production locale de biomasse (cf. supra, coût de production de 50- 60 /t pour la CF). * Le coût marginal de production d'électricité à partir de fioul lourd s'établit dans une fourchette de 130 à 185 /MWh, soit un seuil de rentabilité de la canne fibre compris dans une fourchette de 15 à 30 /t fraîche pour une centrale neuve. La biomasse apparaît rentable par rapport au fioul lourd en prenant en compte un avantage en termes de création ou de maintien d'emploi local qui peut être estimé entre 33 et 36 /t de canne fibre (voir chapitre 3.5 et annexe 5). En conclusion, la production de canne fibre est rentable sur le plan socio-économique pour remplacer le fioul et a fortiori pour remplacer le charbon. La Guyane fait face à une demande électrique en croissance soutenue et affiche des besoins importants en nouveaux moyens de production : le développement de la biomasse s'examine donc en substitution à de nouveaux moyens de production alternatifs, i.e. en comparant son coût avec le coût complet des moyens de production alternatifs. La principale alternative à la biomasse pour produire de l'électricité de base actuellement considérée en Guyane est une centrale diesel fonctionnant au fioul domestique. Le seuil de rentabilité du bois énergie (à 45 % d'humidité) rendu centrale électrique permettant de produire au même coût socioéconomique qu'avec le fioul est compris entre 40 et 80 /t bois brut. Le seuil de rentabilité de la canne fibre est de 45 à 70 /t de canne fibre fraîche (soit de 70 à 110 /t équivalent bois brut, sur la base du contenu énergétique). Tableau 2 : Comparaison socioéconomique fioul domestique/ bois. Comparaison /t FOD* économique (incluant le coût CO2) kg fioul/MWh Coût complet électricité /MWh 220 à 290 Prix acceptable bois livré centrale(*) /t brute 40 à 80 (1) 10 à 50 (2) 30 à 70 (3) Prix acceptable CF (**) livrée centrale (/t) 45 à 70 (1) 38 à 63 (4)
Moteurs diesel
750 à 1 100
220
*FOD : Fuel Oil Domestique
(*) Unité de 5 MW (**) Canne fibre à 65 % d'humidité, unité de 12 MW. (1) En l'absence de dette carbone i.e. sous-produits d'exploitation et connexes de scierie, bois de défriche, (2) En comptant la dette carbone de 0,3 tCO2/t bois correspondant au projet Balata (cf. infra 3.3.1)
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
(3) En comptant la dette carbone de 0,1 tCO2/t bois issu de plantations (inga, bambou, teck ...) situé sur une superficie à déboiser dans la bande littorale (voir Annexe 5) (4) En comptant la dette carbone de 0,07 tCO2/t CF correspondant à un projet canne fibre situé sur une superficie à déboiser dans la bande littorale (voir Annexe 5)
Le coût de production moyen du bois énergie (hors déchets de scierie) serait de l'ordre de 71 /t (voir chapitre 4.5.1). La prise en compte d'un avantage en matière d'emploi local estimé à 21 /t de bois (voir chapitre 3.5 et annexe 5) réduit ce coût à 50 /t, démontrant la rentabilité socio-économique de cette production en hypothèse médiane du prix de l'énergie fossile21. Les études sur les cultures énergétiques sont moins avancées en Guyane qu'en Guadeloupe. Les premiers éléments disponibles semblent indiquer que le coût de production du bois de plantation pourrait se situer dans une fourchette de 60 à 80 /t (voir annexe 6) et donc atteindre la rentabilité en prenant en compte l'impact emploi (20 /t). Le coût de production de la canne fibre peut être estimé à 40/t, ce qui est acceptable. Ces productions se feraient probablement dans de grandes structures, avec des conditions culturales plus difficiles et des rendements plus faibles que dans les Antilles. A Mayotte, de nouveaux moyens de production de base sont nécessaires d'ici 2023. Les moyens de production électrique à partir de biomasse (pellets importés pour l'essentiel compte tenu des faibles gisements locaux) se comparent à de nouvelles centrales avec des moteurs diesel, dont il convient de considérer le coût complet de production. Sur la base d'un coût de production déduit des références guyanaises (230 à 300 /MWh), le seuil de rentabilité socio-économique pour des pellets se situerait dans une fourchette de 130 à 220 /t (pour une unité d'une dizaine de MW), soit une filière proche de la rentabilité du point de vue de la collectivité. La production électrique thermique se caractérise par de fortes économies d'échelle : un doublement de la capacité n'augmente l'investissement que de 50 %, ce qui conduit à privilégier les unités de forte puissance. En revanche, le transport de la biomasse, si celle-ci est produite localement, augmente corrélativement le coût d'exploitation de la centrale, avec des impacts négatifs en termes de coûts et de nuisances liées au transport. Cet effet négatif ne s'observe pas en cas d'approvisionnement à partir de biomasse importée par voie maritime, la distance de transport entre le port et la centrale ne dépendant pas de la taille de la centrale. C'est pour cette raison que les unités d'Albioma reposant sur l'importation de combustibles (charbon ou biomasse), ont des capacités de 30 à 40 MW, alors que les projets de centrales reposant sur un approvisionnement à partir de biomasse locale (notamment en Guyane) ont des puissances de 5 à 15 MW. Ces puissances plus faibles s'expliquent également par les difficultés d'accès à une ressource garantie en biomasse locale, ce qui incite les promoteurs de projets à limiter les risques en réduisant leurs besoins en matière première. Enfin, la réglementation environnementale est également plus contraignante pour les unités de taille plus importante (au-delà de 20 MW thermique, soit environ 5MW électriques). Le coût fixe de production d'électricité en base à partir de bois énergie passe de 155 /MWh à 105 /MWh lorsqu'on augmente la puissance de 5 à 10 MW. Le choix d'une puissance de 5 MW se justifie donc si le passage à 10 MW augmente le coût moyen de transport du bois de l'ordre de 30 /t.
21
En limite pour Balata, qui affiche un coût de 60 /t moins 21 de subvention emploi, soit 39
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Les éléments fragmentaires disponibles sur le coût de transport de la biomasse semblent indiquer que ce coût correspond à une distance d'approvisionnement supérieure à 100 km. Il conviendrait donc de vérifier si le choix en faveur d'unités de faibles puissances est effectivement optimal du point de vue de la collectivité compte tenu des économies d'échelle en matière de production d'électricité, des coûts de transport de la biomasse (ainsi que des aspects « sécurité du système électrique »). La CRE qui traite des projets de centrales au coup par coup, en fonction des dossiers qui lui sont soumis, n'a pas de mandat explicite pour se saisir de la question, mais le ministre en charge de l'énergie pourrait cependant lui demander de l'examiner en se fondant sur les éléments économiques en sa possession. Albioma a mis en service une centrale de 40 MW alimenté à l'éthanol à La Réunion et la Collectivité territoriale de Martinique (CTM) se propose également d'examiner cette option dans la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie. Le prix de l'éthanol sur le marché mondial est compris entre 0,4 et 0,6 /l. Une production locale d'éthanol dans les DOM, à partir de canne à sucre, est proche de 1,6 /l. Une turbine à combustion (TAC) utilisée en base (7 000 h/an) afficherait un coût de production de l'électricité de 330 à 440 /MWh avec de l'éthanol acheté sur le marché mondial et de 800 /MWh sur la base d'un approvisionnement local. Cette solution ne présente donc guère d'intérêt. Cette solution apparaît également très coûteuse par rapport à l'utilisation de fioul domestique pour une production de pointe du moins dans le cas d'une production locale, dans la mesure où un coût de 1,6 /l d'éthanol équivaut à environ 3 000 /t de fioul domestique, ce qui est très élevé. L'éthanol importé présente un coût plus proche de celui du fioul domestique, mais son impact CO 2 peut être significatif s'il est produit à partir de maïs aux États-Unis (distillerie fonctionnant au charbon) ou de canne à sucre au Brésil (impact possible en matière de déforestation).
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3.2 La biomasse et la question agricole
3.2.1 Le recyclage des déchets de l'agriculture
La biomasse peut provenir de déchets agricoles déjà partiellement valorisés (paille de canne, bagasse excédentaire des distilleries) ou d'autres déchets verts compostables dont le retour à la terre est une option à considérer comme prioritaire dans une gestion à long terme de la fertilité des sols. Le choix de considérer ces sources comme des gisements de combustibles pour les centrales biomasse ne permet qu'un retour au sol très partiel sous forme de cendres essentiellement minérales. Dans le schéma régional biomasse de Guadeloupe, ces gisements ont donc été considérés comme très partiellement mobilisables. La mobilisation partielle des pailles de canne en particulier reçoit deux types d'objections des agriculteurs : la protection des rangs de canne qui entament leur repousse à la première pluie suivant la récolte lors du ratissage mécanique et la pratique de plus en plus répandue, du maintien du paillage pour limiter l'invasion des adventices en utilisant le moins possible de désherbants. Vu l'importance du gisement, ce point devra être traité expérimentalement à la Réunion pour pouvoir être tranché. En Martinique, où les trois quarts de la récolte de canne sont broyés pour le rhum, les bagasses excédentaires de distilleries représentent un petit gisement qui intéresse l'actuel exploitant de la centrale biomasse, mais elles peuvent également être épandues dans les champs après compostage. 3.2.2 Les cultures énergétiques
Lorsqu'il est envisagé une culture énergétique, en dehors de la Guyane où le foncier agricole se crée au fur à mesure de l'attribution de nouvelles terres, il faut le faire dans les îles selon deux scénarios : i) la substitution d'un pâturage ou d'une culture de rente (sucre ou banane) par la culture énergétique ou ii) la remise en culture de friches. C'est précisément ce qui a été modélisé en Guadeloupe par le volet économique du programme Rebecca, confié à l'Inra. Le résultat est le suivant : à condition d'être payée suffisamment aux planteurs, la culture énergétique provoque la déprise des autres spéculations par ordre de rentabilité croissante, d'abord l'élevage bovin, puis la canne à sucre puis la banane. Les activités maraîchères (vivrières) ne sont pas touchées par cette conversion. Pour le budget agricole et l'enveloppe de la politique agricole commune (PAC) de la France, ces surfaces converties sans subvention dégageraient des marges de manoeuvre de plusieurs millions d'euros (cf. chapitre 3.5). Naturellement pour le secteur sucrier, même si ce sont les surfaces en élevage qui sont de très loin les premières touchées par la déprise, ce scénario est inenvisageable car il diminuerait sensiblement les livraisons et accentuerait les problèmes présumés de rentabilité de l'usine. Néanmoins, il ouvrirait une brèche, une porte de sortie de crise (partielle) autre que la fuite en avant dans les aides d'État pour soutenir ce secteur.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées En Guadeloupe, le scénario de remise en culture de friches ne semble guère probable étant donné les difficultés (exposées notamment par le président de la Safer) pour mobiliser du foncier et installer des jeunes agriculteurs. Non que les 10 000 ha de friches répertoriés ne soient bien réels, mais ils sont « gelés » pour des successions, des indivisions, de la spéculation foncière, de l'habitat illicite, des planteurs fantômes domiciliés hors département, des retraités qui ne rendent pas leur bail, et parfois pour de vraies raisons de mauvaise accessibilité ou qualité des terres. Il est à craindre que la situation des deux autres grandes îles soit assez proche de ce point de vue (voir annexe n°8). Une dernière voie de production « agricole » de biomasse est l'agroforesterie, évoquée dans la plupart des régions visitées comme un nouvel itinéraire bénéfique pour l'élevage sur ces terres très ensoleillées. Il ne faut vraiment pas compter en tirer des tonnages substantiels pour alimenter les usines (moins de 20 000 t/an par île, à peine suffisant pour 1,5 MW), mais il convient de tenir compte de l'intérêt zootechnique et du maintien de la biodiversité apportés par ces techniques. Il serait judicieux d'en adopter une définition et un régime de gestion pouvant comprendre plusieurs modalités au sein et autour des parcelles (bocage), ouvrant droit à une aide à la plantation par le programme de développement rural (PDR) ou des mesures agro environnementales (MAE)22. Dans tous les cas inventoriés ci-dessus, la présence de culture énergétique en plein ou en mélange ne retire pas aux terrains concernés leur qualification de terres agricoles, ni à l'activité son qualificatif d'activité agricole. Dans le pire des cas (impossibilité de mobiliser des friches) la canne-fibre ne créera pas d'emploi agricole dans les îles à sucre, mais elle n'en détruira pas. L'avenir des sucreries est un autre sujet, un changement de stratégie passant par une réduction de production et des démarches Qualité sera nécessaire. Par ailleurs, la mission rappelle qu'il est possible de planter des parcelles agricoles avec des espèces forestières (exemple des peupliers et truffières), la sylviculture étant considérée comme une activité agricole. C'est une option que semblent redécouvrir les responsables institutionnels en Guyane et qui peut également être à l'origine d'une production de biomasse énergie. 3.2.3 Le cas particulier du défrichement en Guyane : surconsommation foncière et empreinte carbone.
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Réduire d'un tiers l'empreinte carbone causée par le défrichement est un objectif atteignable grâce à la structuration d'une filière biomasse en Guyane. La défriche représente environ 3 000 ha annuels (soit 0,0375 % du territoire) selon les données communiquées par la DGEC à la mission en juin 2018 dans le cadre du suivi de la mise en oeuvre du protocole de Kyoto. La répartition par destinations donne : défriche agricole (légale et illégale) 60 %, orpaillage illégal 25 %, infrastructures, urbanisation 15 %. D'après le suivi réalisé dans le cadre des accords de Kyoto, par satellite et par inventaire au sol sur des intervalles de 10 ans, le défrichement mesuré en Guyane représente l'énorme total de 3,6 millions de tonnes équivalent CO2/an soit près de 14 t par habitant.
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A l'instar de ce qui existe dans le PDR 2016- 2021 de Guyane
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Par comparaison à l'augmentation de la surface agricole utile (SAU) mesurée par ailleurs, soit 860 ha/an entre 2010 et 2016, il y a une déperdition de plus de 50% de la défriche agricole. Un meilleur contrôle a été mis en place aboutissant presque à une situation de gel des attributions foncières par la direction de l'immobilier de l'État. Les attributions par l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane se font sur un petit nombre de périmètres d'installation agricole, viabilisés au préalable par l'aménageur, selon des procédures de suivi qui éliminent « l'évaporation » de terres attribuées légalement. L'administration, en accord avec la Collectivité territoriale de Guyane (CTG), s'est fixée dans le cadre du schéma d'aménagement régional (SAR) une valeur cible de 1 000 ha d'attributions annuelles pour défrichement agricole, soit près de deux fois moins que pendant la dernière période examinée pour le suivi de Kyoto (2000 - 2009). Elle envisage l'adoption d'un cahier des charges du défrichement à faible impact (en cours de rédaction à la DAAF), qui prévoit la protection du carbone contenu dans les sols et donc la conservation de la qualité des sols défrichés ainsi que la récupération de l'essentiel de la biomasse aérienne pour la filière bois énergie (150 000 à 200 000 t/an de bois énergie pour 1 000 ha/an). L'élimination du brûlage direct sur les surfaces défrichées légalement et la restriction des surfaces attribuées au strict nécessaire aboutissent à une économie d'émissions de 1 million de tonnes23 équivalent CO2/an. Le bilan carbone de la production d'électricité dans les DOM pourrait également être amélioré par le développement de cultures énergétiques en Guyane et si une exportation pouvait être mise en place en direction des centrales biomasse des Antilles. L'immensité du territoire guyanais ne doit pas apparaître comme une source autorisée de gaspillage. Les chiffres précédemment donnés d'émissions de gaz à effet de serre le montrent. L'attribution du foncier pour l'agriculture entraine une défriche agricole qui doit donc être exemplaire. L'utilisation des meilleures terres doit lui être consacrée. L'urbanisation et les aménagements (voirie, zones industrielles, zones artisanales et commerciales) doivent se faire en concentrant les activités et en intensifiant l'occupation d'espaces en priorité sur les zones déjà dégradées. En conséquence, la consommation de terres en Guyane doit être mise sous stricte surveillance et contrôle. Sur le terrain agricole, une réduction d'un tiers de l'empreinte carbone du défrichement en Guyane peut être visée à l'horizon 2025 grâce à la mise en place d'une filière biomasse énergie structurée permettant de rationnaliser et de suivre physiquement les défrichements agricoles. Les entrepreneurs rencontrés se plaignent de la lourdeur des procédures pour obtenir du foncier, voire d'un gel en cours dans certaines zones, et disent par ailleurs qu'il y a de nombreuses implantations illégales : deux projets de centrales biomasse identifiés par la mission sont par exemple bloqués depuis plusieurs mois pour ce motif. À contrario, le préfet constate que la spéculation immobilière sur le foncier est forte et qu'un certain nombre d'acteurs réalisent des profits importants.
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Correspondant à 1 000 ha de surface agricole défrichée proprement avec substitution d'énergie fossile par la biomasse récupérée et réduction de la déperdition de carbone du sol, plus une réduction d'attribution de foncier agricole à hauteur de 1 000 ha
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
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3.3 Le bilan carbone et écologique
3.3.1 Le bilan carbone de l'exploitation de la biomasse
Les études du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) montrent que la quantité de carbone stockée dans l'atmosphère ne représente qu'une faible partie (environ 25 %, voir annexe n°9) du stockage total de carbone, inférieure à celle stockée par les surfaces forestières, ce qui conduit à être vigilant dans l'exploitation de la forêt. On considère généralement que le bilan carbone de la biomasse énergie est nul, dans la mesure où le CO2 dégagé lors de la combustion est égal à celui qui a été absorbé par la plante pendant des quelques dizaines d'années précédentes. Ceci est valable pour les cultures énergétiques effectuées sur un sol nu ou en friche à l'origine, (type canne fibre, canne flèche...) ou pour une production forestière durable dans une forêt aménagée24. La forêt primaire est un cas à part. D'une part, elle n'accroît plus le tonnage de carbone stocké car l'absorption de carbone par la fonction chlorophyllienne est égale à l'émission par le pourrissement des bois morts. D'autre part, elle contient beaucoup de carbone stocké dont un peu moins de la moitié dans le sol : il y a, selon l'Ademe, 200 t de C/ha au total (dont 123 t dans la matière sèche aérienne25). Pour dynamiser la production naturelle de la forêt, il faut réduire substantiellement sa biomasse aérienne, ce qui fait que le stock de carbone d'une forêt exploitée est inférieur au stock primaire, cela constitue une dette carbone. Après une première opération de coupe, la forêt entretenue redevient une forêt en croissance et elle absorbe du CO2, à hauteur de 4,5 t de MS/ha/an de biomasse totale (2.1 t C/ha/an) en Guyane26 ce qui montre que la durée d'exploitation est un paramètre important dans le bilan carbone. Une expérimentation réalisée sur 20 ha par l'ONF et l'Ademe dans la forêt guyanaise de Balata / Saut-Léodate montrait qu'une exploitation forestière dans laquelle on faisait une première coupe des plus gros bois, récupérant 160 t bois par ha (154 t CO2), puis où on revenait prélever l'accroissement tous les 25 ans (145 t de bois à chaque nouveau passage) aboutissait, sur 100 ans d'exploitation de la forêt en vue d'une production d'électricité à partir de biomasse, à un bilan carbone (883 g de CO2/kWh dont 90 % pour la dette carbone) équivalent à celui du fioul. L'ONF en concluait néanmoins : « Ce résultat amène deux enseignements importants : la biomasse issue de forêt naturelle est une ressource qui n'est qu'en partie « renouvelable » : la première rotation de coupe équivaut à la destruction d'un stock de carbone vieux de plusieurs siècles qui ne peut donc pas être intégralement reconstitué dans un laps de temps compatible avec un itinéraire de production économiquement rentable ;
24L'exploitation
du bois peut même être favorable en termes de GES si on fabrique du bois d'oeuvre (poutres, planches...) qui est stocké pendant des décennies voire des siècles dans des constructions ou des meubles.
25 Voir annexe 3 pour détail des calculs.
1 t de bois à 45 % d'humidité = 0,55 t de matière sèche, 1 t de matière sèche = 0,475 t
de carbone = 1,74 t de CO2.
26
Source : Inra, dispositif permanent de mesure de Paracou.
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32
Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Ce premier impact n'est qu'en partie amorti par l'accélération de la dynamique forestière qui permet lors des rotations suivantes de ne prélever que la production sans plus toucher au capital » L'étude proposait par ailleurs d'améliorer le mode d'exploitation (valorisation des bois endommagés, utilisation d'un porteur à la place du « skidder » utilisé dans l'expérimentation...) et préconisait un modèle optimisé, qui aboutissait à une valeur plus acceptable de 557 g CO2/kWh. La mission partage ces conclusions mais estime néanmoins que certaines hypothèses structurantes de l'étude pourraient encore être revues : sur le déstockage résultant d'un cycle d'exploitation : d'une part, les coupes suivantes après 25 ans auront un impact plus faible sur la biomasse présente (moins de casse, arbres avec moins de branches et plus de fût), et d'autre part, la dégradation progressive des connexes laissées sur place va enrichir le stock de carbone du sol (demi-vie = 10 ans). L'étude "par simplification" avait considéré une décomposition instantanée de toute la nécromasse en CO2. - l'étude ONF/ ADEME prend comme hypothèse un stock initial de plus de 400 t MS/ha de biomasse aérienne correspondant à une forêt primaire alors que ce type d'exploitation pourrait avantageusement être mis en place dans une forêt secondaire (zone littorale) avec une dette carbone réduite d'environ 25%. Les calculs de la mission figurant dans le tableau 3 ci-après montrent qu'une exploitation sur 50 ans dans la bande littorale est équivalente, en termes d'émissions de CO2, à l'utilisation du fioul. Sur 100 ans, elle conduit à des émissions de C02/kWh presque de moitié de celles du fioul. Tableau 3 : Comparatifs des bilans carbone de l'expérience de Balata / Saut-Léodate (Guyane) réalisée par l'ONF et l'Ademe (et calcul mission sur la base d'une exploitation en zone littorale). Bilans sur 100 ans Modèle testé 35 832 299 39 563 0,618 883 +7% 3,855 828 0 Référence = Modèle centrale fioul optimisé ONF/ADEME 21 293 178 25 025 0,391 557 - 33 % Calcul mission 15 970 133 19 701 0,308 438 -47%
Déstockage t CO2/an des 12 000 ha, amorti sur 100 ans Déstockage/ha (tCO2/ha) Bilan complet tonnes de CO2/an incluant l'exploitation forestière de 3731 t Soit t CO2/t (y compris extraction transport raffinage pour le fuel) Soit g CO2/kWh Bilan comparatif
La direction de l'ONF convient aujourd'hui que ce type d'exploitation forestière, trop impactant pour la forêt primaire, aurait effectivement sa place, hors du domaine forestier permanent, dans les espaces forestiers de la bande littorale27 (400 000 ha boisés dont 200 000 ha classés en vocation agricole par le Schéma d'aménagement régional, ceci n'étant pas un obstacle à une exploitation forestière préalable).
27
Ces forêts de la bande littorale déjà exploités au cours des deux derniers siècles sont des forêts secondaires dont le stock de carbone est d'environ deux tiers à la moitié de celui de la forêt primaire (Source : inventaires ONF).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Cela serait donc sans conséquence pour la labellisation PEFC (Programme for the Endorsement of Forest Certification Schemes) de la gestion du domaine forestier permanent (DFP) selon la méthode d'exploitation à faible impact, dite EFI, (voir infra : partie 4.2). Dans la défriche agricole, la situation est la pire si on défriche au bulldozer en brûlant toute la biomasse aérienne ou en la laissant pourrir en andains, car il ne reste presque plus rien audessus du sol, qui de plus est lessivé par les pluies. Le déstockage de carbone est alors compris entre 400 et 600 t de CO2/ha selon le degré de dégradation initiale du peuplement forestier (la défriche agricole affecte des forêts secondaires déjà parcourues par des exploitations intensives depuis la colonisation au 19e siècle). Le bilan est meilleur si on pratique la défriche à faible impact, en récupérant l'essentiel de la biomasse aérienne pour alimenter les centrales biomasse (substitution de carbone fossile) et en laissant une fine couche de branches broyées (mulch) pour protéger et nourrir le sol en carbone. Cette technique évite, au moins partiellement, le déstockage rapide des 200 à 300 t de CO2 contenus dans le sol. Parmi les pratiques agricoles, non seulement les prairies permanentes, mais aussi les plantations énergétiques à base de plantes à rhizomes (bambou, canne fibre) stockent rapidement beaucoup de carbone dans le sol. L'Ademe de Guyane a proposé la mise à disposition d'une feuille de calcul simple paramétrée par ses soins, qui établit un bilan carbone réaliste en fonction des valeurs énergétiques (rendement/ha/an, PCI) de la culture de biomasse envisagée. En effet, les données d'entrée sont adaptées au contexte forestier ou agricole de chaque projet et prennent en compte le nouveau stock de CO2 constitué en surface et dans le sol par la plantation ou la culture. La cellule biomasse de Guyane devrait utiliser cet outil car les valeurs par défaut tirées de la littérature générale aboutissent souvent à des conclusions erronées. 3.3.2 L'impact carbone du transport de biomasse
33
L'approvisionnement d'une unité de production d'électricité à partir de biomasse, sauf si elle repose sur la valorisation énergétique d'un coproduit d'une autre activité industrielle située à proximité de la centrale électrique (par exemple l'utilisation de la bagasse de la sucrerie ou des connexes de la scierie), implique souvent le transport de quantités importantes de matières premières, sur des distances parfois conséquentes pour une unité de taille significative. Dans les DOM, le transport terrestre de biomasse ne peut se faire que par la route, alors que l'importation de biomasse impliquera également un transport par voie maritime. Le transport par poids lourd est sensiblement plus émetteur (de l'ordre de 100 g de CO2/t.km) que le transport maritime qui est le mode le plus efficace énergétiquement (de l'ordre de 10 à 15 g de CO2/t.km pour les petits vraquiers susceptibles d'approvisionner les DOM, de 3 à 4 g de CO2/t.km pour les plus gros vraquiers)28. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) associées au transport de la biomasse pour l'alimentation d'une centrale électrique restent néanmoins d'un ordre de grandeur inférieur à celles qui sont évitées
28
Source : Guide méthodologique sur l'information CO2 des prestations de transport, DGITM-Ministère de la transition écologique et solidaire.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées en n'ayant pas recours à un combustible fossile. Ainsi les émissions moyennes d'un groupe diesel au fioul lourd se situent entre 600 et 750 g de CO2/kWh, cette valeur grimpe à 1 300 g de CO2/kWh pour une centrale à charbon de quelques dizaines de MW telle qu'on peut la trouver dans les DOM. Sachant qu'une centrale électrique à partir de biomasse consomme de 1,5 à 1,7 kg de bois brut (à 45 % d'humidité) par kWh, le transport de cette biomasse sur 50 km est à l'origine d'une émission de 7,5 à 8,5 g de CO2/kWh, soit 0,5 à 1,5 % des émissions d'une production d'électricité d'origine fossile. Ce bilan sera moins favorable pour un approvisionnement en canne énergétique dont la teneur en eau est plus élevée (typiquement 70 %), ce qui conduit à un doublement des tonnages transportés et des niveaux d'émissions précédemment cités, qui restent néanmoins faibles en proportion. L'approvisionnement des Antilles en pellets de bois en provenance du sud-est des Etats-Unis est à l'origine d'un trajet maritime de 2 500 à 3 000 km, soit des émissions de 25 à 45 g de CO2/kg. Sachant que la production d'un kWh électrique consomme 0.75 kg de pellet, le transport maritime du pellet est responsable d'une émission de 20 à 35 g de CO2/kWh électrique. Dans le cas de l'importation de pellets, les émissions de GES associées au transport terrestre de la biomasse aux États-Unis (transport de la matière première pour la production de pellets et ensuite des pellets vers un port) et au transport des pellets dans le DOM considéré doivent être prises en compte. Albioma fait état d'une émission totale « transports » de 72 g de CO2/kWh électrique pour un approvisionnement en pellets en provenance des États-Unis de ses unités de production de La Réunion. Une étude britannique29 étudie l'approvisionnement en pellets des centrales électriques du Royaume-Uni à partir des États-Unis et avance une émission de 50 à 55 g de CO2/kWh électrique correspondant aux activités de transport de biomasse. Ces éléments confirment que les niveaux d'émissions de GES associées au transport de la biomasse sont faibles comparées aux émissions de GES d'une production électrique d'origine fossile.
3.4 La problématique de l'importation
Le bois énergie dans le monde fait l'objet d'un marché assez ouvert, à des prix compétitifs, car il résulte souvent de l'exploitation de déchets de scieries quasi gratuits. Ces déchets sont séchés et compressés sous forme de pellets qui ont l'avantage de se stocker facilement et durablement sans fermenter s'ils sont conservés à l'abri de la pluie. L'importation de combustibles fossiles ou celle de pellets sont neutres sur le plan social car les deux alternatives ont un impact minime en matière d'emploi local. Vis-à-vis d'un approvisionnement de long terme de biomasse importée, l'Etat devrait adopter une approche économique valorisant le CO2 et la pollution locale à leurs valeurs tutélaires (rapport Quinet30) et tenant compte de l'acceptabilité du projet par la population locale. À court terme, il a été proposé de commencer à exploiter une centrale en Martinique avec du pellet importé pour pouvoir ensuite valoriser dans la centrale tous les petits gisements de biomasse locale. En Guyane, le bois est en général déjà disponible en grande quantité, donc l'importation ne peut être considérée qu'en tant que solution de secours comme garantie du plan d'approvisionnement pour les banques. Les élus de la CTG sont en effet opposés au principe de l'importation de biomasse comme solution pérenne et souhaitent une contribution majeure de la forêt Guyanaise à la filière biomasse.
29
Röder, Whittaker, Thornley, « How certain are greenhouse gas reductions from bioenergy? », Biomass & Bioenergy, 79, (2015).
30
« L'évaluation socio-économique des investissements publics », France Stratégie, 2013.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
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Aux Antilles et à la Réunion, la mise en place d'une filière d'approvisionnement en biomasse par des plantations peut prendre du temps. L'importation de pellets peut être une solution d'attente et une réponse à la saisonnalité de la récolte des cannes. À Mayotte, faute de foncier et de biomasse suffisants, la création d'une centrale biomasse ne peut reposer que sur de l'importation, mais à la condition que l'équation économique incluant la valorisation du CO2 à sa valeur tutélaire soit favorable.
3.5 Biomasse et emploi local
L'emploi est le principal atout d'une filière biomasse locale, et là encore la situation de la Guyane est spécifique. Le chapitre suivant, consacré à la Guyane, met en évidence que le développement plus intensif de la filière bois (bois d'oeuvre et bois énergie) apporterait 4,5 emplois directs pour 1 000 t de bois d'oeuvre récoltée31, dont un tiers dans l'exploitation forestière et le transport de bois rond (le reste en sciage, menuiserie...). Le développement d'une filière bois énergie seule permet la création de 1,5 emploi pour la production de 1 000 t/an de bois (qui correspondent à 650 MWh/an) induits par les volumes supplémentaires exploités. L'objectif de la PPE de 40 MW supplémentaires de biomasse en Guyane correspondrait à 280 000 MWh donc 450 000 t/an, soit près de 700 emplois. Selon une approche budgétaire, l'emploi créé vaudrait 14 000 /an, au cout équivalent à celui du RSA pour une famille avec 2 enfants, et donnerait au bois un avantage économique de 21 /t, soit une économie budgétaire d'environ 10 M/an (voir détail en annexe 5). Dans les autres DOM, faute d'accroissement prévisible de la SAU, la récolte de volumes conséquents de biomasse énergie peut se faire essentiellement par substitution d'une culture énergétique à une culture alimentaire, par exemple la canne sucrière largement subventionnée (65 /t toutes aides confondues pour la filière sucre32, plus 14,5 de prime bagasse). Le volet socio-économique de l'étude Rebecca en Guadeloupe a montré que les agriculteurs demanderont un prix de 50 à 60 /t de canne fibre (idem à La Réunion) garantissant le maintien voire une légère amélioration de leur revenu pour se lancer dans la production de biomasse énergie. Ce transfert d'une filière à l'autre semble neutre, en première approche, en termes d'emplois33, mais serait à l'origine d'une économie budgétaire pour l'Etat de 30 à 60% pour une substitution au charbon dans des unités existantes (Voir annexe 5) Une usine biomasse à canne fibre de 10 MW nécessite 210 000 t de canne fibre par an. Sur la base des rendements INRA cette production couvrira entre 1 500 et 2 000 ha. Le ratio est d'un emploi pour 4 ha, soit 400 à 500 emplois. Sur la base d'une valorisation économique (RSA évité de 14 ou 15 k/emploi créé), la canne fibre présente un avantage économique de 34 /t (voir annexe 5).
31 32 33
Graphique fourni par l'ONF et l'Interpro-bois, voir chapitre 4. Moyenne sur les 3 îles des subventions totales à la filière, divisées par la production
Pour 1000 ha de surface cultivée, la filière sucrière mobilise 250 emplois dans le secteur agricole et de 20 à 30 emplois industriels (sucrerie) ; sur cette même surface, la filière canne énergie mobiliserait le même nombre d'emplois agricoles (250) et de 10 à 15 emplois industriels (centrale électrique).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Si l'exploitation de la canne pour produire du sucre devait régresser pour des raisons économiques, la filière biomasse énergie permettrait alors de sauvegarder des centaines d'emplois à moindre coût pour la collectivité. Le remplacement du "pellet importé" par la canne fibre, compte tenu de son faible surcout (165 /MWh contre 150), permettrait d'économiser une grande partie des subventions à la canne à sucre (budget agricole et UE, prime "bagasse"). Les autres volumes de biomasse récoltée çà et là (essentiellement des déchets et sous-produits en faibles quantités) entraînent un faible nombre d'emplois nouveaux.
3.6 Les acteurs économiques
Malgré un certain consensus, les positions diffèrent légèrement entre les DOM où la biomasse remplacerait des cultures existantes (Guadeloupe, Martinique, La Réunion) et la Guyane où la problématique est plus celle de l'exploitation de la forêt pour créer de l'activité économique. Pour la profession agricole de Guadeloupe34 les menaces ressenties localement sur la pérennité d'un modèle économique reposant sur des aides considérables font entrevoir la canne-fibre comme une diversification rassurante, à revenu fixe. En revanche, l'argument sanitaire des terres polluées par la chlordécone n'est pas utilisable, la plupart des terrains touchés n'étant frappés d'aucune interdiction de culture, ni pour la canne, ni pour la banane. Néanmoins, le secteur sucrier stricto sensu, voire certains élus, sont très opposés aux projets de « canne énergie » qui entérinent pour eux une diminution jugée inacceptable de la production sucrière. La DIECCTE de Guadeloupe partage le sentiment d'une filière sucre confrontée à un déclin inexorable, si elle ne change pas de modèle de production, et estime intéressante la diversification apportée par l'apparition d'une filière « canne énergie ». Les élus des DOM estiment souvent que l'importation de biomasse n'est pas une solution pérenne, mais certains peuvent l'admettre à titre transitoire pour « lancer » la filière. À la Martinique, le projet Albioma du Galion a soulevé beaucoup d'hostilités pour sa disproportion avec les ressources locales et le contrat avec EDF stipule explicitement un objectif de 40 % de biomasse locale à atteindre progressivement par l'exploitant. La vice-présidente de la Collectivité territoriale de Guyane contactée est, elle, clairement défavorable à toute forme d'importation de biomasse et souhaite un développement de la filière bois guyanaise, créatrice d'emplois. Les représentants d'EDF-SEI dans les DOM et à Paris affichent une large ouverture vis à vis de la biomasse, qui offre une puissance garantie. Néanmoins, en pratique, par la conjugaison d'un souci louable d'assurer l'équilibre offre demande et d'un possible conflit d'intérêt35, EDF met en avant la difficulté de réalisation des projets biomasse et de montée en puissance de la filière, pour pousser des
34Représentants institutionnels (Safer,
SICA cannière, Chambre régionale d'agriculture) et dirigeants d'entreprises rencontrés
à Pointe à Pitre.
35EDF-PEI, filiale d'EDF, produit de l'électricité à partir de fioul tandis que ce sont des énergéticiens alternatifs comme Albioma
ou Voltalia qui proposent de produire de l'électricité à partir de biomasse.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées projets fioul ambitieux (notamment le renouvellement de la centrale Dégrad-des-Cannes à Cayenne) qui risquent de compromettre le développement ultérieur en centrale biomasse. Albioma qui est depuis longtemps avec ses centrales « 90 % charbon-10 % bagasse » un gros fournisseur d'électricité à prix concurrentiel, par rapport à la solution fioul, à La Réunion et en Guadeloupe, souhaite se désengager du charbon au profit de la biomasse. Une première usine 100 % biomasse de forte puissance vient d'être mise en service en Martinique au Galion. Les projets guyanais ont été jusqu'ici fortement freinés par la méfiance qu'inspire le contexte administratif et réglementaire local. De nombreux porteurs importants (Albioma, SARA) ont renoncé à leur projet, faute de retour rassurant. Ces lenteurs qui se comptent en année ont également un coût. Le soutien à la filière exige pour beaucoup des acteurs une simplification des procédures administratives devant entrainer une accélération du démarrage des projets. D'une manière générale, les procédures tant environnementales, qu'économiques et fiscales apparaissent trop longues et complexes. Les ONG rencontrées à Paris ou dans les DOM se montrent unanimement défavorables à l'exploitation de la biomasse forestière tirée de la forêt « primaire ». Elles estiment que les projets d'accords-cadres sur la « biomasse » entre énergéticiens et collectivités (envisagés par la mission en Guyane, voir partie 4.2) seraient un appel d'air amplificateur de la défriche. Le bilan gaz à effet de serre des cultures énergétiques ou plantations à croissance rapide leur parait a priori défavorable et selon FNE, n'a pas été suffisamment appuyé par des études dans le cadre de la stratégie nationale biomasse. En résumé, pour ces associations, la biomasse n'est pas l'énergie renouvelable la plus vertueuse. Ils disent s'appuyer sur certaines publications scientifiques de l'Inra, de l'IRD ou du Cirad, qui entretiennent le doute sur le bien-fondé de tous les schémas d'exploitation de biomasse forestière qu'ils ont pu analyser. La seule voie que les ONG envisagent pour utiliser la biomasse à des fins énergétiques est la récupération des déchets combustibles ou méthanisables (ex : les sargasses).
37
3.7 Contraintes administratives : lenteurs des processus de décisions et complexité des procédures
La majorité des acteurs économiques sollicités par la mission se sont plaints des difficultés rencontrées lors de l'instruction administrative et de la complexité de constitution des dossiers pour faire aboutir un projet biomasse, en particulier en Guyane. Compte tenu du nombre des autorisations administratives nécessaires et des instructions menées souvent en série et non en parallèle, des délais cumulés de plusieurs années ont pu être observés dans le passé, sans parvenir à faire émerger un projet, aboutissant parfois au renoncement des acteurs économiques. Les services locaux de l'État multiplient parfois les demandes de compléments de dossiers, donnant une impression de confusion ou de contraintes créées de toute pièce pour masquer leurs propres hésitations. Du permis de construire à la mise en chantier d'une centrale biomasse, une fois que le foncier a pu être obtenu, ce qui n'est pas toujours aisé en Guyane, le montage d'un dossier biomasse reste
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées complexe. En effet, le candidat doit obtenir un permis de construire démontrant le respect de la législation, y compris environnementale, recueillir l'avis consultatif de la cellule biomasse allant bien au-delà du simple examen sur son plan d'approvisionnement, obtenir l'autorisation administrative d'exploiter la future installation car celle-ci relève du régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) (plus ou moins contraignant en fonction de la taille de celle-ci), négocier le prix de son raccordement au réseau électrique avec EDF-SEI, puis se voir octroyer un tarif de rachat de l'électricité par la CRE et enfin se voir délivrer un agrément fiscal par la Direction générale des finances publiques (DGFiP) (instruction effectuée à Paris), indispensable pour finaliser le bouclage du financement de son dossier, sans omettre les négociations financières menées en parallèle avec les banques. Afin de prévenir ces difficultés, des « cellules biomasse » ont été créées pour faciliter l'instruction administrative locale des dossiers en regroupant sous l'autorité du préfet, les services de l'État ayant à prendre une décision ou formuler un avis sur ce sujet. En Guyane, la mission a eu plutôt le sentiment que la cellule biomasse n'avait pas toujours correctement assuré son rôle, du moins dans le passé. Les avis consultatifs sur les plans d'approvisionnement des projets ont parfois donné lieu à d'importants délais, sans doute en raison d'absence de politique claire du ministère de l'agriculture et de l'alimentation sur la question de la défriche agricole que l'administration ne semble pas bien contrôler : le cahier des charges de défriche à faible impact est en gestation depuis quatre ans. La surface agricole utile progresse très doucement au regard du foncier octroyé. Alors que la DAAF est déjà sollicitée par des porteurs de projets désireux d'effectuer des plantations sylvicoles ou de cultures à vocation énergétiques, celle-ci fait obstacle à toute instruction de dossier sur le fondement d'une « doctrine locale » dénuée de base légale et contraire au code rural et de la forêt (cf. projet de note de la cellule biomasse). Pour illustrer, le site internet de la DAAF de Guyane déclare « qu'un conflit (à notre sens théorique en raison de la réserve foncière existante) peut exister entre les terres réservées à l'agriculture et d'éventuelles CIVE (culture intermédiaire à vocation énergétique) ». Il indique, aussi que « la DAAF doit encore se forger une doctrine locale sur la question des CIVE ». Ce type d'hésitations sur la politique publique à mener ne peut pas permettre à des projets innovants aujourd'hui de se concrétiser. Il serait utile que les services déconcentrés de Guyane dont les effectifs sont limités, soient épaulés sur ces questions sensibles par les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et les services de la DGFiP sur les questions de maîtrise foncière. Force est de constater que les mêmes éléments d'un projet biomasse font l'objet par différents services de l'État d'analyses distinctes : par exemple, le plan d'approvisionnement du projet est étudié à la fois par la cellule biomasse et la CRE, puis par les banques. De même, les éléments relatifs à l'intérêt économique et à son intégration dans la politique du territoire et de développement durable font à la fois l'objet d'une instruction de la cellule biomasse, de la CRE (pour le plan d'approvisionnement et la partie économique), de la DGFiP jusqu'ici. La détermination des prix des combustibles (pour lesquels il n'existe pas de véritable marché) approvisionnant les centrales à biomasse constitue une difficulté : ceux-ci devraient résulter d'une négociation entre les acteurs économiques locaux et la CRE afin de faciliter l'émergence de nouvelles filières comme cela a été proposé par les accords de Cayenne d'avril 2017 pour le bois énergie. Ainsi tant qu'il n'existe pas réellement de marché, la mission estime que la solution de prix administrés pour chacun de ces combustibles présente un intérêt certain au moins de manière transitoire.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Pour la mission, il est urgent de simplifier les procédures d'instruction des dossiers biomasse dans les DOM afin que de la délivrance du permis de construire à la mise en service de la centrale, ne s'écoule pas un délai excédant 24 mois. Un encadrement plus précis des délais d'instructions est nécessaire, notamment au niveau de l'avis de la cellule biomasse qui ne devrait pas excéder trois mois, délai porté à cinq mois en cas de demande complémentaire d'information souhaitée (demande complémentaire limitée à une fois) ainsi que du délai de délivrance de la décision de la CRE sur le futur tarif de rachat d'électricité qui ne devrait pas excéder trois mois. Les textes règlementaires devraient être adaptés en conséquence. Raccourcir ces délais serait possible en renforçant la confiance mutuelle entre les différents services de l'État. La DGFiP a ainsi signalé à la mission, qu'à compter de 2018, elle reprendra à son compte l'analyse, effectuée par la CRE, des critères relatifs à l'intérêt économique des dossiers pour l'instruction de certains dossiers d'agréments fiscaux dans le cadre de la procédure de défiscalisation. Cette analyse sera faite en application des nouvelles dispositions du code général des impôts (issues de l'article 244 quater w du CGI VII deuxième alinéa en application de la loi de finances de 2017). De même, la mission estime que la CRE devrait pourvoir tenir compte du plan d'approvisionnement validé par la cellule biomasse, sans avoir à instruire de nouveau le sujet. Les codes de l'énergie et de l'environnement devraient être complétés en conséquence. Enfin, la mission souhaite attirer l'attention sur la nécessité de transposer sans délai, la directive révisée relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (ENR 2016/0382) adoptée en juin 2018 par le Conseil européen et notamment son article 26-9 bis qui ouvre la possibilité de dérogations pour les installations biomasse situées dans les régions ultra périphériques, en introduisant notamment des critères de durabilité ou d'efficacité énergétique différents, afin de permettre le développement de ce type de projets dans les DOM36.
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Ces dérogations seront pour des durées limitées et ces critères spécifiques devront faire l'objet d'une notification à la Commission
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
Recommandation n° 1.
Au ministère de l'agriculture et d'alimentation, au ministère de la transition écologique et solidaire, au ministère de l'action et des comptes publics et à la Commission de régulation de l'énergie : Créer de nouvelles procédures afin de réduire les délais d'instruction des dossiers biomasse, en visant un délai maximal de 24 mois à compter de la délivrance du permis de construire de la future centrale pour l'obtention de l'ensemble des autres autorisations ou avis administratifs nécessaires au projet. Simplifier la procédure en rendant opposable à la CRE et au ministère de l'action et des comptes publics l'avis de la cellule biomasse sur le futur plan d'approvisionnement d'un projet de centrale biomasse. Adapter en conséquence les codes de l'énergie et de l'environnement
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GUYANE : UN POTENTIEL DE BIOMASSE IMPORTANT QUI RESTE A DEVELOPPER
La Guyane est la deuxième plus grande région française37 (juste après la Nouvelle-Aquitaine) et la seule zone non interconnectée au réseau électrique métropolitain qui ne soit pas insulaire. Elle représente 15 % du territoire métropolitain, soit 8,3 millions d'hectares, soit la superficie du Portugal, pour 262 527 habitants. La Guyane a un important besoin de développement économique et social et partage les mêmes handicaps que les autres territoires ultra-marins. Elle dispose également d'atouts significatifs : ses ressources naturelles et minières, sa forêt, une biodiversité exceptionnelle38, une grande zone économique exclusive. L'accord de Guyane signé le 21 avril 2017 par les quatre parlementaires Guyanais, les présidents de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG) et de l'Association des maires de Guyane et par le préfet, au nom du Gouvernement, atteste de la volonté des pouvoirs publics d'agir en urgence et de permettre une stratégie de co-développement économique et social de cette région, à l'horizon de quinze ans. Les défis sont majeurs. Les projections de l'Insee prévoient à minima 420 000 habitants à l'horizon 2030 (soit un doublement de la population par rapport à 2015) et 700 000 habitants en 204039. La population est majoritairement concentrée sur le littoral. Si la densité reste très faible (3 personnes au km2 contre 103 en moyenne en France), le taux de croissance de la population est important, près de 4 % par an, engendrant d'importants besoins de logements et d'infrastructures, et ce d'autant plus
37
La Guyane fait partie des régions ultra - périphériques, dites RUP, de l'Union européenne. Elle est aussi régie par l'article 73 de la Constitution : la collectivité unique est devenue effective le 1er janvier 2016 en tant que collectivité territoriale de Guyane (CTG).
38
«La biodiversité, un des leviers du développement économique et social en Guyane » Rapport n° 010965-01 du CGEDD de mai 2017 de Geneviève Besse et Mauricette Steinfelder.
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Étude de Stéphane Granger « La Guyane, collectivité française et européenne d'Outre-Mer entre plusieurs mondes ». Source Insee publiée dans la Revue géopolitique de l'Union européenne, mars 2017.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées que la région attire des flux migratoires en provenance du Brésil, du Guyana, d'Haïti et du Surinam, difficiles à quantifier. Le développement de nouveaux moyens de production énergétique est dès lors indispensable pour satisfaire les besoins essentiels de la population et pour conforter la résilience du système électrique. En effet, la croissance démographique est principalement attendue dans la partie ouest de la région (vers Saint-Laurent-du-Maroni), le long du fleuve de l'Oyapock à l'est, et au sud, là où les moyens actuels de production d'énergie sont limités.
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4.1 La situation actuelle de la biomasse et le besoin identifié par la programmation pluriannuelle de l'énergie
La première programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de Guyane adoptée le 30 mars 2017 s'inscrit dans la suite des travaux menés au niveau territorial, notamment lors de la conférence régionale de l'énergie de 2014, sur le schéma d'aménagement régional (SAR), ainsi que sur le schéma régional climat air énergie (SCRAE) de 2012. Elle doit permettre de développer et valoriser les ressources locales et notamment l'hydraulique au fil de l'eau, la biomasse, et les autres énergies renouvelables (notamment le photovoltaïque). Elle doit aussi répondre aux trois impératifs suivants : - sécuriser l'approvisionnement énergétique dans le contexte du vieillissement des actuels outils de production et d'une importante croissance démographique, principalement localisée dans l'ouest ; - développer des solutions adaptées aux communes de l'intérieur ; - anticiper de futurs projets miniers sur le territoire. Le système énergétique Guyanais fait aussi face à trois contraintes spécifiques prises en compte dans les objectifs de développement des nouveaux moyens de production électriques contenus dans la programmation pluriannuelle de l'énergie : l'évolution rapide des zones de consommation nécessite des extensions et des renforcements du réseau électrique : une nouvelle spatialisation des outils de production est indispensable à terme comme l'a souligné la CRE dans sa note de janvier de 201840 ; le renouvellement des moyens de production de base : remplacement de la centrale thermique de Dégrad-des-Cannes sur l'île de Cayenne qui doit intervenir au plus tard en 2023, soit un besoin estimé par la PPE de 120 MW (en base et pointe) fondé sur l'étude de défaillance réalisée par le gestionnaire de réseau et associant une centrale photovoltaïque sans stockage de 10 MW; à noter qu'un moyen de production supplémentaire de base de 20 MW est aussi identifié comme nécessaire d'ici 2023 ; l'imprévisibilité de la part de production hydroélectrique très dépendante des conditions météorologiques ;
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40 «
Propositions de la Commission de régulation de l'énergie relatives aux Zones non interconnectées » Source Commission de régulation de l'énergie 18 janvier 2018.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées La Guyane se différencie des autres DOM, puisque la part de l'hydraulique dans son mix électrique lui permet d'ores et déjà de respecter l'objectif d'EnR pour 2020 fixé dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi TECV). En effet, le barrage hydraulique de Petit-Saut fournit en moyenne plus de la moitié de la production annuelle, dépendante toutefois du niveau d'hydraulicité (soit 55 % du mix électrique fin 2016). La filière photovoltaïque en développement compte pour 45 MWc à cette date. Les communes de l'intérieur doivent en revanche assurer leurs propres moyens de production à partir de systèmes électriques autonomes, financés par le fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACE) et dont l'exploitation est confiée à EDF. Dans ces communes isolées, la production électrique est assurée principalement par des moyens thermiques diesel ainsi que par des générateurs photovoltaïques comme à Saul ou à Kaw (centrale hybride photovoltaïque-diesel) ou par des centrales hydro-électriques comme à Saut-Maripa et à Saint-Georges. La PPE de la Guyane identifie les nouveaux moyens de production suivants (voir tableau n°4 ci-après), hors projets de développement de trois sites aurifères qui nécessiteraient à l'horizon 2025, entre 50 et 70 MW supplémentaires selon les premières estimations fournies par le MEDEF et hors besoins des communes de l'intérieur. Tableau n° 4 : Nouveaux moyens de production identifiés par la PPE actuelle pour la Guyane. Puissance État Installée en 2014 MW Grande hydraulique 114 Objectifs 20152018 0 +4,5 +15 +15 +8 +10 0 Objectifs 20192023 0 +12 +25 +10 +18 +10 +8 Total PPE 2023 0 +16,5 +40 +25 +26 +20 +8 Total Guyane 2023 114 21 41,7 30 50 20 +8 Objectifs 20242030 0 +13,5 +20 +15 +10 +10 +5 Total Guyane 2030 114 34,5 61,7 45 60 30 13
Petite 4,5 Hydraulique Biomasse 1,7
PV avec 5 stockage PV sans 34 stockage Éolien avec 0 stockage Déchets Total
Source : PPE
0
159,2 +52,5 +83 dont 39 dont 23 dont 28 MWc MWc MWc
+135,5 284,7 dont 51 dont 80 MWc MWc
+73,5 358,2 dont 25 dont 105 MWc MWc
Les coûts moyens de production de l'électricité sont élevés en Guyane comme dans les autres ZNI au réseau électrique métropolitain, du fait de la situation spécifique du parc de production électrique : 243 /MWh en 2013 (en comparaison, à la même date, 206 /MWh à La Réunion et 247 /MWh en Guadeloupe).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées La biomasse représente à l'horizon 2023 le potentiel le plus important en termes de développement. En retenant comme hypothèse qu'une centrale biomasse fonctionne en base, soit sur une durée annuelle de 7 000 heures, la cible de 40 MW équivaut à 280 000 MWh/an, soit un besoin annuel d'environ 450 000 tonnes de bois énergie à l'horizon 2023 et si l'on ajoute 20 MW d'ici 2030, soit 140 000 MWh/an, un besoin supplémentaire de 225 000 t de bois à cet horizon. Au total, répondre aux besoins identifiés début 2017 par la PPE suppose de pouvoir fournir au moins 675 000 t/an de bois énergie d'ici 2030 selon la mission41. La PPE doit être révisée dans les prochains mois. Son volet biomasse devrait valoir schéma régional de la biomasse pour la Guyane et tenir compte de la stratégie nationale récemment adoptée.
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Recommandation n° 2.
Au préfet de Guyane et à la Collectivité territoriale de Guyane : Sans attendre la finalisation de la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie, élaborer d'ici la fin de l'année 2018 le volet relatif à la biomasse qui aura valeur de prochain schéma régional. Clarifier le fait que les cultures et plantations énergétiques ou sylvicoles font partie des activités agricoles autorisées dans la zone agricole du schéma d'aménagement régional (SAR) et les encourager dans le programme régional de la forêt et du bois (PRFB) en cours d'adoption.
4.2 La gestion du foncier et du domaine forestier
La forêt guyanaise couvre près de 8 millions d'ha. Celle-ci renferme un patrimoine exceptionnel sur le plan de la biodiversité qui revêt une importance capitale : c'est la seule forêt «amazonienne européenne». Ce qui explique que les pouvoirs publics souhaitent un niveau élevé de protection de ce patrimoine. Du nord au sud de la Guyane plusieurs espaces doivent être distingués qui obéissent à des modalités de gestion différentes : - la bande littorale, - le domaine forestier permanent (DFP), - les zones naturelles protégées ou réservées qui n'ont pas vocation à faire l'objet d'exploitation forestière et représentent un espace de plus de 5,4 millions d'ha42.
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Sur la base 1,6 t bois à 45% d'humidité par MWh
42 Il s'agit
d'une part du parc amazonien de Guyane, d'autre part des massifs situés dans la zone intermédiaire et dans la zone dite de libre adhésion au parc amazonien.
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4.2.1
Une bande littorale qui offre un potentiel de défriche intéressant pour la biomasse
La bande littorale sur laquelle se concentre la grande partie de la population représente 782 000 ha avec près de 65 % de forêts43. L'ONF gère près de 400 000 ha dans cette zone. Cette bande littorale a vocation à faire l'objet d'aménagement urbain et rural pour répondre aux défis liés à la démographie. Le schéma d'aménagement régional (SAR) identifie 111 893 ha à vocation agricole alors que la surface agricole utile (SAU) estimée par la DAAF ne serait que de 32 000 ha en 2017. Le rythme de croissance de la SAU observé ces dernières années (860 ha/an) n'est pas très éloigné de l'objectif du SAR (qui est une croissance de 1 000 ha par an de la SAU pendant 20 ans). L'État est propriétaire de 56 % du total, le reste appartient à des propriétaires privés (29 %), l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane (4 %), la Collectivité territoriale de Guyane (1 %), les communes (1 %) : près de 24 521 ha ont déjà été mis à disposition d'agriculteurs par le biais de concessions ou baux emphytéotiques d'une durée moyenne de 18 ans. Les lots moyens sont de 19 ha. L'État a par ailleurs transféré à l'EPFA de Guyane 10 050 ha dont 6 081 ha ont été mis à la disposition d'agriculteurs. Une pression foncière importante s'exerce sur la bande littorale et ce d'autant plus que des installations ou activités illégales diminuent l'accès aux surfaces agricoles cultivables. L'attribution de foncier pour des projets est freinée par la méconnaissance des terres réellement disponibles, en raison d'un cadastre insuffisamment mis à jour au niveau local.
Recommandation n° 3.
Aux ministères de l'économie, des finances et de l'action et des comptes publics (DIE) : Mettre à jour en Guyane le cadastre et accélérer les procédures administratives de mise à disposition du foncier. Compléter dans le Code général de la propriété des personnes publiques les dispositions relatives à l'attribution du foncier en Guyane sur la faculté d'exercer des activités de plantations sylvicoles ou de cultures énergétiques.
L'objectif visé de développement agricole de défricher 1 000 ha par an (qui valoriserait comme biomasse un potentiel de 200 000 t de bois énergie par an) suppose de mettre en place un système efficient permettant de récupérer le bois qui est aujourd'hui au mieux laissé sur place, le plus souvent brûlé. La récupération de la biomasse lors de la défriche apparaît comme un enjeu majeur pour consolider la filière biomasse dans ce territoire. En effet, aujourd'hui la défriche est réalisée par brûlis qui apparaît comme l'itinéraire technique le plus répandu. Changer cet état de fait exige que des dispositions juridiques et techniques soient prises. Elles doivent être de nature coercitives et incitatives pour changer cette pratique et être en mesure de récupérer ces volumes de bois demain pour de la production électrique. La mission propose les mesures suivantes.
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Cette bande littorale referme des milieux naturels variés : des zones de forêts, mangroves, marais savanes, plages, roches, etc.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
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D'une part, qu'avant la fin de l'année 2018, la DAAF de Guyane procède à l'adoption du cahier des charges relatif à la défriche des terres respectueuse des sols (en gestation depuis plus de quatre ans) en vue de la mise en valeur des terres agricoles et diffuse ce texte largement auprès de l'ensemble des parties prenantes (agriculteurs installés, CTG, collectivités, l'EPFA, chambre d'agriculture, personnes morales concernées par la cession de foncier de l'État dont éventuellement les sociétés désireuses d'effectuer des plantations ou des cultures à vocation énergétique). D'autre part, que lors de l'attribution de terres du domaine privé de l'État en vue de leur mise en valeur agricole à des agriculteurs ou des personnes morales souhaitant exercer des activités agricoles, en application des articles L 5 141-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques, l'Etat introduise l'obligation pour le futur bénéficiaire de procéder au défrichement préalable du terrain, selon le rythme souhaité par le récipiendaire dans la concession ou dans une clause résolutoire à la délivrance du bail emphytéotique. Cette défriche devra respecter les règles du cahier des charges relatif à la défriche agricole arrêté par le préfet. Le bénéficiaire aurait l'obligation de remettre le bois de défriche - qui appartient encore à l'État - en bord de son terrain en vue de sa valorisation dans l'usine biomasse la plus proche. En cas de nonrespect de ces dispositions dans un délai n'excédant pas deux ans en cas de concession (ou d'un an en cas de bail emphytéotique), l'annulation de la cession serait prononcée ou le bail emphytéotique serait refusé. La mission propose également l'introduction d'une nouvelle disposition juridique pour conforter ce dispositif dans le code général de la propriété des personnes publiques. Ces dispositions devraient aussi trouver à s'appliquer lors du transfert de foncier privé de l'État aux collectivités locales. La mission propose également que l'État (la DAAF pour le compte de la direction de l'immobilier de l'État -DIE-) organise un marché public à bon de commande afin de faire réaliser par des entreprises qualifiées la défriche agricole (amenant le bois en bord de route) pour ceux qui ne souhaitent pas la faire eux-mêmes. Les bénéficiaires de baux, lorsqu'ils réalisent l'opération eux-mêmes, devraient être rémunérés pour amener le bois en bord de route, de façon à ce que la biomasse extraite (qui demeure propriété de l'État) puisse être mise à disposition des centrales selon les accords passés avec elles. Recommandation n° 4. Au préfet de Guyane : Publier avant la fin 2018 le cahier des charges de la défriche agricole à faible impact en émission de gaz à effet de serre ; Identifier un service de la DAAF chargé de contrôler la mise en oeuvre du défrichement agricole suivant ces règles et de passer les marchés publics afférents. Rendre obligatoire la valorisation de la défriche agricole et urbaine par l'État et ses établissements publics, les collectivités, l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane, les agriculteurs et les personnes morales privées, selon le cahier des charges de la DAAF. Organiser la collecte du bois énergie issu de cette défriche sur la base d'un accord-cadre avec les énergéticiens à compter de 2019. Un protocole d'accord cadre devrait être négocié avant la fin de l'année 2018 entre l'État, les énergéticiens présents en Guyane, la CTG et les organisations agricoles sur ce sujet. D'une part, les
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées énergéticiens devraient s'engager à valoriser dans leurs centrales biomasse une quantité de déchets issus de ces déboisements au prix fixé par le protocole d'accord cadre ; d'autre part, les chantiers de défriche devraient assurer une partie de l'approvisionnement des usines avec ces déchets sur le modèle du contrat passé entre l'EPFA de Guyane et certains énergéticiens dans le cas d'attribution d'un bail via une procédure classique d'aménagement. Cette même obligation de valorisation des défriches devrait être aussi être imposée à l'État (lors de l'entretien des deux routes nationales, à l'EPFA de Guyane pour des défriches en vue d'aménagements urbains ainsi qu'à certaines personnes morales (notamment le CNES ou EDF) à compter de 2019.
Recommandation n° 5.
Au ministère de l'agriculture et de l'alimentation et au ministère de l'action et des comptes publics : Introduire des clauses dans les cahiers des charges des concessions des terrains ou une clause résolutoire à la délivrance des baux emphytéotiques afin de rendre obligatoire le défrichement à faible impact en vue de la mise en valeur agricole des terres en Guyane lors de la cession de terres appartenant au domaine privé de l'État à des agriculteurs ou des personnes morales. Ces clauses préciseront que le bois de défriche reste propriété de l'Etat jusqu'à sa mise au bord de la route. Modifier le code général de la propriété des personnes publiques.
Cette activité est susceptible de garantir environ 215 t/ha44 sur au moins la moitié de la défriche annuelle45, soit un peu plus de 100 000 t/an de bois énergie. Cette disponibilité du gisement pourrait aussi conduire la CRE à assouplir son exigence sur le plan d'approvisionnement des énergéticiens dans la mesure où cette ressource serait en partie sécurisée sur plusieurs années.
Recommandation n° 6.
Au préfet de Guyane (cellule biomasse) et à la Commission de régulation de l'énergie : Admettre des plans d'approvisionnement sécurisés seulement à hauteur de 75 % (hors bois de défriche) dès lors que le porteur de projet d'une centrale biomasse dispose d'un contrat avec l'Etat, l'EFPA de Guyane ou une collectivité locale sur des approvisionnements en bois de défriche.
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Dont 15 tonnes de bois d'oeuvre
Le rythme actuel de croissance de la surface agricole utile est de 860 ha en dessous de l'objectif de 1000 ha. Par prudence, la mission a retenu le chiffre de 500 ha.
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4.2.2
Un domaine forestier permanent dont le mode d'exploitation actuel ne permet pas de sécuriser un volume important de bois
Actuellement, l'ONF est le seul gestionnaire du domaine forestier permanent (DFP), soit 2,4 millions d'ha soumis depuis 2008 au régime forestier. Sa valorisation se limite aujourd'hui à la récolte d'environ 5 tiges par ha tous les 65 ans, soit au total une récolte de 70 000 à 80 000 t de bois d'oeuvre par an en application de la charte d'exploitation à faible impact (EFI), essentiellement dans l'est de la Guyane soit dans les massifs de la forêt de Régina et Saint-Georges sur une superficie annuelle de l'ordre de 4 500 ha. Cette exploitation est limitée à la récolte de quelques espèces : l'acajou, le balata, l'angélique, la bagasse, le grignon, le gonfolo. Aujourd'hui, sur les coupes de bois d'oeuvre, faute de filière biomasse, les bris d'exploitation, les cloisonnements, les bois mis de côté lors de la réalisation des pistes sont laissés sur place par l'exploitant ce qui sur le plan carbone et environnemental est une aberration. L'ONF estime que pour une tonne de bois récoltée, trois sont abandonnées en forêt dont une partie serait récupérable et valorisable sous forme de bois énergie. Les équipes de l'ONF en Guyane ont donné à la mission les estimations suivantes sur le potentiel de bois énergie récupérable lié aux coupes de bois d'oeuvre : 4 500 ha/an et 30 t/ha (soit 135 000 t de bois énergie), auquel s'ajouterait le bois énergie lié aux emprises des routes forestières (20 000 t). La mission est prudente sur la valorisation à des conditions économiques satisfaisantes du bois énergie liée au bois d'oeuvre voir infra parties 4.4 et 4.5. L'activité de l'ONF est lourdement déficitaire en raison de l'importance des frais fixes engagés préalablement aux chantiers, études préalables, création des dessertes, études d'impact qui étaient jusqu'ici obligatoires pour l'élaboration des pistes forestières46, ce qui paraît à la mission une obligation juridique disproportionnée. Une partie de ces pistes n'est pas pérenne. La mission note avec satisfaction que dans le cadre de la mise en oeuvre des accords de Cayenne, le Gouvernement a décidé de procéder au relèvement du seuil de 3 à 30 km, (seuil applicable à compter de 2019), pour les projets d'itinéraires forestiers en Guyane soumis à une étude d'impact environnementale au cas par cas. Cependant, « les projets de dessertes forestières - en application du décret n°2018/23 d'avril 201847 devront figurer dans un schéma pluriannuel de desserte forestière annexé au Programme régional de la forêt et du bois... préparé par l'ONF » qui reste à adopter dans les meilleurs délais afin de régulariser la situation des dessertes réalisées en 2018 et bénéficier des aides communautaires. La complexité de l'exploitation sur place est aggravée par le relief tourmenté et les fortes intempéries durant plus d'une moitié de l'année. Le bois d'oeuvre est donc vendu très peu cher par l'ONF (26 /m3 soit 22 /t).
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En application de la directive 2011/92/UE modifiée, le décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes fixe les seuils au-delà desquels les projets sont soumis à étude d'impact environnementale.
47 Décret
no 2018-239 du 3 avril 2018 relatif à l'adaptation en Guyane des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Or l'objectif du Programme régional de la forêt et du bois (PRFB) est de passer d'ici quelques années à une récolte de bois d'oeuvre de 210 000 t par an au lieu des 70 000 actuelles. La mission est convaincue qu'il conviendra de se tourner vers d'autres modèles de gestion que l'exploitation à faible impact si l'on souhaite atteindre les objectifs de production fixés dans le PRFB. Ces modes d'exploitation (plantations, coupes plus intensives) également respectueux d'une gestion durable de la forêt, devront être positionnés sur de moindres superficies, prioritairement dans la bande littorale, à l'extérieur du DFP. En corollaire, cela sous-entend réfléchir à la diversification des débouchés du bois d'oeuvre et des espèces à récolter : pour la mission, ces objectifs sont prioritaires et doivent être partagés par l'ensemble de la filière dans le cadre de la commission régionale de la forêt et du bois. De plus, les secteurs de l'exploitation forestière et de la première transformation doivent investir en machines et outils de production pour pouvoir relever ce défi. La mission rappelle qu'un fonds d'aide de type POSEI48 a été par exemple prévu par les accords de Cayenne que la mission recommande d'activer. Il conviendra aussi d'envisager le recrutement et la formation de personnels supplémentaires pour l'exploitation forestière (conducteurs d'engins, bucherons, personnels pour les scieries) ce qui suppose de prévoir des formations et moyens adaptés. 4.2.3 Le potentiel économique de la filière bois en Guyane
La filière bois représente un chiffre d'affaires de 76 M/an avec 215 entreprises en 2016 et 830 emplois. Les principales activités sont : l'exploitation forestière (11 M), le sciage et rabotage de bois (40 M), les charpentes, la menuiserie extérieure, la construction (25 M). La balance commerciale est déficitaire en raison de l'importance des importations de meubles venant de métropole ou de Chine. L'ONF indique que sur le seul créneau de la première transformation (sciages, menuiserie du bâtiment, donc hors meubles et sièges) la balance commerciale est équilibrée avec 3 M d'export ou d'import. Il existe un certain potentiel de croissance sur la filière bois, d'une part en volume, et, d'autre part, en montée en gamme : une bonne partie du bois (qui est de qualité) est exportée brute pour être travaillée hors de la Guyane. Tableau 5 : Données statistiques sur l'échange des produits du bois en Guyane (en k).
Il existe sept entreprises d'exploitation dont la Société forestière Amazonia (SFA) qui possède près de 50 % de part de marché et est la seule certifiée PEFC. La rentabilité des entreprises est inégale : plus de la moitié vivotent tandis que certaines vivent très bien (dont la SFA qui enregistre une rentabilité de plus de 18 % grâce à une montée en gamme et des techniques de localisation en forêt
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POSEI (Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) : déclinaison de la Politique agricole commune dans les DOM
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées performantes). L'ONF fait réaliser l'exploitation de 30 % du bois d'oeuvre qui est livré aux acheteurs en bord de route forestière pour un coût de revient de 90 /m3 (en plus de la valeur d'achat sur pied de 26 /m3). Le développement rapide de la récolte de biomasse dans les prochaines années nécessitera une très forte augmentation de capacité de ce secteur clé accompagnée d'investissements très importants en matériels de chantier et de transport. Par ailleurs, les appels d'offre publics exigent le label PEFC qui ne garantit pas la provenance d'un bois de Guyane. Il conviendrait de s'interroger sur l'intérêt de cette certification et de privilégier le label « Bois guyanais respectueux de l'environnement » qui serait compatible avec les plantations de bois d'oeuvre. Les collectivités pourraient introduire ce label dans leurs appels d'offre pour une partie de la fourniture, ce qui permettrait de donner un débouché aux plantations guyanaises de bois d'oeuvre.
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4.3 Les projets lancés et les projets à l'étude
Selon la cellule biomasse, 8 à 9 centrales biomasse représentant 28 % de la production électrique guyanaise seraient créées d'ici 2023. À cette date, cela exigerait selon ces mêmes sources, de l'ordre de 500 000 t de bois par an, soit des investissements industriels à hauteur de 480 à 600 M et une perspective de créations de 700 emplois équivalents temps plein. Force est de constater qu'aujourd'hui, mi-2018, les projets de nouvelles centrales biomasse tardent à se concrétiser en raison notamment de lenteurs administratives d'instructions des dossiers au niveau des services administratifs locaux, mais aussi des difficultés des porteurs de projets à sécuriser leurs plans d'approvisionnement répondant aux exigences des services instructeurs (de la cellule biomasse ou de la CRE) et à celles des banques. Sur les 15 MW attendus dans la PPE en 2018, une nouvelle centrale biomasse est en construction près de Cacao d'un potentiel de 5,1 MW (projet porté par Voltalia, consommant 61 000 tonnes de bois par an dans son bilan prévisionnel) dont la mise en service était prévue en 2018, mais qui n'interviendra pas avant 2020. Une deuxième centrale portée par Abiodis de 3,6 MW située près de Saint-Georges vient d'obtenir son tarif d'achat et devrait être mise en service en 2019. Sa construction démarre également. En revanche, le projet de centrale biomasse situé à Monsinery, d'une puissance de 5,3 MW est actuellement en recherche de nouveaux acquéreurs, alors qu'elle aurait dû être mise en service en 2018. Ce dossier a subi de très importants délais d'instructions administratives, plus de six ans, si bien que la société Neon, bien qu'elle ait obtenu le tarif de vente de l'électricité par la CRE, a fini par renoncer à son projet. Il n'y a pas encore de repreneur officiellement identifié : les missionnés ont rencontré des entreprises intéressées par ce projet. Les missionnés ont aussi eu connaissance d'un projet très atypique sur le site du barrage de Petit-Saut (projet Triton), qui consisterait à récupérer le bois ennoyé de la forêt dans le site de la retenue du barrage actuel et qui conduirait à la construction d'une centrale biomasse sur la commune de Sinnamary d'une puissance de 9 MW. Le potentiel immergé (de l'ordre de 5,5 millions de m3 de bois) pourrait constituer l'approvisionnement de la centrale pendant sa durée de vie. Ce projet permettrait à la fois d'exploiter du bois d'oeuvre et de valoriser le bois énergie. La mise en service de la nouvelle
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées centrale située non loin du site d'approvisionnement, sous réserve de l'obtention des autorisations administratives nécessaires pourrait intervenir d'ici 2022. Par ailleurs, le projet Triton permettrait d'alimenter aussi en partie un projet de nouvelle centrale biomasse tri-génération dont la construction est envisagée à Kourou d'une puissance de 12 MW (avec deux tranches de 6 MW) qui pourraient être mises en service en 2021 et en 2023. Toutefois, la concrétisation de ce projet reste subordonnée à l'accord de l'administration pour délivrer le foncier nécessaire à la mise en oeuvre du projet d'agroforesterie qui sous-tend l'approvisionnement de cette centrale en biomasse : cet accord semble difficile à obtenir du fait de la réticence de la DAAF à considérer les activités de plantation ou d'agroforesterie comme des activités agricoles, ce qui est surprenant pour la mission49. Plusieurs autres projets ont été évoqués par divers porteurs de projets rencontrés par la mission en particulier un petit dossier de 0,5 MW situé près de Macouria sur le littoral et un deuxième d'une centrale de 5 MW, situé dans l'ouest à Mana, dont l'approvisionnement pourrait reposer sur des plantations de bambou. Un troisième situé près d'Iracoubo d'une puissance de 5,1 MW (pour sa première phase, avec une mise en service envisagée en 2022) dont là encore la source d'approvisionnement n'est pas identifiée (bois de défriche et canne fibre). Les dates de mises en service de ces différents projets ne sont pas encore connues. Dans tous ces cas, le message des porteurs de projets est clair : c'est la valorisation du bois énergie qui justifie l'exploitation du bois d'oeuvre dont les débouchés de valorisation ne sont pas toujours bien connus à ce stade. Mais la grande difficulté pour un certain nombre d'entre eux est de sécuriser leur approvisionnement d'où l'urgence d'avancer sur le schéma régional biomasse de la région. En effet, au vu de la production actuelle annuelle de bois d'oeuvre par l'ONF, même si selon ses propres hypothèses on pouvait valoriser demain l'ensemble du bois énergie lié à cette activité, cette ressource serait insuffisante pour satisfaire l'approvisionnement des futures centrales biomasse retenues dans la PPE. Dès lors, rechercher d'autres sources possibles de bois énergie et voir comment optimiser leur rendement, tout en respectant l'objectif d'une gestion durable de cette ressource est indispensable si l'on souhaite développer cette filière. Il y a urgence à passer aux actes vis-à-vis de l'évolution du système électrique. C'est à ce titre que la mission a été intéressée par les différents projets portés soit par des industriels, des start-up en lien souvent avec des organismes de recherche ou s'inspirant de réalisations dans d'autres pays équatoriaux. Il s'agit d'une part de développer des projets d'agro foresterie à grande échelle, d'autre part de réfléchir à des plantations sylvicoles ou de cultures qui pourraient être valorisées en énergie.
49
Le code général de la propriété publique prévoit uniquement la cession de foncier en vue de mise en valeur de terres agricoles au profit d'agriculteurs. Cette disposition n'interdit pas selon la mission la possibilité de réaliser des activités de plantations sylvicoles.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau n° 6 : Recensement des projets « biomasse » en juin 2018 Nom du projet /société/ Situation consortium Puissance installée en MW 1,7 5,1 3 9 18,8 Date de Objectif PPE mise en 2023 service biomasse en MW En service 2020 2019 2022 +40 Objectif PPE 2030 biomasse en MW
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Voltalia Voltalia Abiodis Triton Total des projets en cours Autres projets recensés par la mission : Non encore identifié Voltalia
Kourou Cacao Saint Georges Sinnamary
+20
Monsinéry Iracoubo(1ère tranche) Macouria AVEA Energie Mana Non identifié Saint Laurent du Maroni Projet trigénération Kourou Akuo Capacité des autres projets Capacité totale biomasse possible Source : mission.
5,3 5,1 0,5 5,1 10 12 38 56,8
? 2022 ? 2020
2021 2023?
-
41,7
61,7
4.4 Les gisements de biomasse
4.4.1 Les gisements connus et immédiatement exploitables
La première source de bois est celle issue de l'exploitation actuelle de bois d'oeuvre (soit 77 000 t en 2016) à faible impact (dite EFI), dans le domaine forestier permanent géré par l'ONF. Nous y distinguons deux sources : - la collecte des connexes d'exploitation du bois d'oeuvre qui sont actuellement abandonnées en forêt ; ces connexes représentent aujourd'hui environ 2 fois (voire 3 fois) le volume du bois d'oeuvre récolté, c'est-à-dire environ 154 000 t/an. Toutefois, du fait d'un fort coût de transport, cette récolte est limitée aux besoins des usines biomasse situées à immédiate proximité des massifs en exploitation (type SaintGeorges ou Cacao) ; - les connexes de scierie, soit 60 % du bois d'oeuvre sorti, c'est à dire environ 46 000 t : dont 20 000 utilisé par l'actuelle centrale de Kourou, le tonnage immédiatement disponible est donc de 26 000 t/an.
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L'exploitation à faible impact n'est en fait pas limitée en volume, le territoire sous contrôle de l'ONF (le domaine forestier permanent), étant très important. En suivant la prévision du PRFB, reprise par la PPE, de 210 000 m3 de bois d'oeuvre, les connexes d'exploitation pourraient représenter au moins 420 000 t/an et les connexes de scierie 126 000 t/an soit près de 80 000 t de connexes de scierie supplémentaires exploitables. Toutefois, le système d'exploitation est sous plusieurs contraintes, qui font que la mission est très réservée sur cet accroissement de volume sur le mode actuel de l'exploitation à faible impact. Premièrement, l'impact sur les milieux naturels de la sortie de tonnages importants de bois énergie est peu connu. Une première expérience grandeur nature démarre sur le massif forestier de SaintGeorges en domaine forestier permanent avec une exploitation de bois d'oeuvre couplée avec une exploitation de bois d'énergie. La scierie et l'usine électrique envisagent de démarrer dans les prochains mois et d'ores et déjà l'exploitant a constitué des stocks importants de bois énergie. Il serait utile de confier au Cirad ou à l'Inra un projet scientifique indépendant des exploitants qui puisse fournir à moyen terme des références sur les bilans environnementaux (biodiversité, bilan carbone...), économique et social de cette exploitation. L'éloignement des exploitations forestières de l'usine peut rendre non compétitive la collecte des connexes d'exploitation qui sont laissées sur place, les exploitants forestiers n'étant intéressés que par les plus belles tiges de bois d'oeuvre. Toutefois, la sortie de bois supplémentaire peut être rendue contractuelle par l'ONF à condition qu'elle soit adossée à un tarif de vente à l'exploitant de l'usine qui permette au moins à l'exploitant forestier de ne pas perdre d'argent. Le coût de création et de gestion des pistes est élevé (2,2 M/an pour la création financée à 75 % par le FEADER et à 25 % par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, plus 0,8 M pour l'entretien à charge de l'ONF) : il représente le même ordre de grandeur que le revenu tiré de la vente des bois sur pied par l'ONF. Faire reposer le modèle économique de cette exploitation forestière et son développement sur le triplement de ces aides n'apparaît pas à la mission comme une hypothèse raisonnable. De plus, ce modèle d'exploitation à faible impact sous-entend que cette exploitation doit conduire à aller de plus en plus loin en forêt, ouvrir des pistes de plus en plus éloignées du littoral ce qui rend les coûts de transport de plus en plus importants et dégrade continuellement la rentabilité du modèle. Enfin, l'absence de ligne électrique à proximité du massif forestier situé à l'Est de la Guyane est également un handicap, obligeant les exploitants à transporter le bois jusqu'à une scierie et/ou une centrale électrique reliée au réseau. Les coûts kilométriques de transport du bois énergie élevés grèvent d'autant la rentabilité du système. La mission propose que la localisation des futures centrales biomasse soit située le long de la façade littorale, le plus près possible des lieux de consommation, afin d'optimiser le système électrique. Au final, la mission estime que l'exploitation à faible impact dans le domaine forestier permanent ne pourra produire que 100 000 t de bois d'oeuvre, susceptible d'apporter 150 000 t de connexes d'exploitation et 60 000 t de connexes de scierie.
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Une seconde source de bois énergie est la valorisation des bois ennoyés dans la retenue du barrage de Petit Saut (350 km2), pour 150 00050 t/an de biomasse, déjà contractualisée51. En effet, les porteurs de projet escomptent récupérer entre 150 000 et 200 000 m3 de bois ennoyés par an pendant 25 ans, sur un potentiel estimé à plus de 5 millions de m3. Il est prévu de construire la scierie et l'usine électrique à proximité du barrage. Une troisième source de bois énergie est la valorisation des bois issus des défriches agricoles qui représente un enjeu majeur en termes de tonnage pour la filière biomasse. Ces défriches sont susceptibles de produire une vingtaine de tonnes de bois d'oeuvre par hectare. Certes ce sont de faibles tonnages, car il s'agit souvent de parcelles ayant déjà été exploitées, mais qu'il ne faut pas négliger. En revanche, la production de bois énergie peut être estimée en moyenne à 200 t/ha. Le schéma d'aménagement régional prévoit de mettre à disposition des agriculteurs 25 000 ha de forêt à valoriser en terres agricoles sur 25 ans. Sur les 1 000 ha défrichés par an, on peut en théorie tabler, sur un potentiel de 200 000 t de bois énergie. Il faudra compter sur une exploitation de la défriche volontariste (naissance de la filière, respect des processus et des chartes...). À ceci s'ajoute la valorisation des bois issus de la défriche urbaine qu'il convient de ne pas oublier. Il est difficile d'en évaluer le tonnage. Il y a de nombreuses installations illégales d'où il sera très difficile de récupérer la biomasse. Mais un effort important doit être mené sur ces terrains, certes souvent petits, mais par définition plus faciles d'accès que les terrains agricoles. L'État et surtout les collectivités locales ont un rôle important à jouer. En résumé, avec l'hypothèse revue d'une moyenne de coupe de bois d'oeuvre en exploitation à faible impact de 100 000 t/an (tonnage jamais atteint en Guyane depuis la fin des années 80 rappelons-le) donnant 150 000 t de connexes d'exploitation et 60 000 t de connexes de scierie, l'exploitation des bois ennoyés de Petit-Saut (réduit à 125 000 t/an pendant 25 ans) et l'exploitation du bois énergie issu de la défriche agricole que nous ramenons à 100 000 t/an vu les difficultés de la mise en oeuvre de sa collecte, alors les tonnages produits, 435 000 t/an, couvrent à peine les besoins en biomasse nécessaires à la production d'électricité pour les 41,7 MW de la PPE 2023 sur les 25 ans à venir (cf. tableau suivant). Cependant, compte tenu du rythme actuel observé dans la réalisation des centrales, on peut estimer qu'en 2023, seuls 29 MW seront en fait installés et qu'à cette date la sécurité d'approvisionnement de ces premières centrales est tout à fait réalisable à la condition que le projet Triton soit opérationnel.
50Chiffre
calculé d'après le document Voltalia diffusé en juin : connexes d'exploitation 130 000 t et connexes de scierie
20 000 t.
51(...).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau n°7 : Potentiel de biomasse forestière en Guyane Objectif de la filière Scénario optimiste 210 000 420 000 126 000 150 000 200 000 896 000 Hypothèse mission Scénario prudent prudente 100 000 150 000 60 000 125 000 100 000 435 000 pendant 25 maximum ans Pérennité de l'exploitation ou durée prévisible de l'exploitation pérenne montée en charge progressive pérenne sur 25 ans, augmentation possible sur 25 ans
En tonnes de bois humides
Potentiel Aujourd'hui
Bois d'oeuvre (1)
77 000
Connexes d'exploitation 154 000 forestière (2) Connexes de scierie 46 000
Bois morts du barrage de 0 Petit-Saut Défriche agricole TOTAL Puissance correspondante installée (MW) 0 200 000
(hypothèse : 7 000 h et 1,6 t de bois/ MWh)
18
80
39
(1) : cette donnée est présentée ici comme servant au calcul des deux lignes suivantes. (2) : les connexes d'exploitation représentent environ 3,5 fois le tonnage de bois d'oeuvre sorti. Les chiffres communément retenus de récupération sont de 1,5 à 2 fois le tonnage de bois d'oeuvre. La mission retient 1,5.
Source : mission
Afin de sécuriser la réalisation des 41,7 MW prévus en 2023, voire d'aller jusqu'aux 61,7 MW prévus en 2030, il faut conforter l'approvisionnement avec d'autres ressources d'autant qu'il convient d'anticiper dès maintenant l'arrêt de l'exploitation du bois ennoyé de Petit-Saut et de la défriche agricole qui devraient raisonnablement s'estomper au-delà de 2040. 4.4.2 Sécuriser l'approvisionnement sur le long terme
D'autres ressources de biomasse rapidement exploitables (au moins pour 200 000 t/an) pour la production d'énergie devraient donc être identifiées dès à présent. En accord avec le SAR de Guyane52, la mission précise qu'il n'est pas nécessaire de mobiliser des terres pour produire de la biomasse « cultivée », en dehors des espaces agricoles déjà définis dans le schéma. Ce principe est aussi celui retenu par la mission IGF, IGA, CGEDD, CGAAER sur le transfert du foncier de l'État en Guyane de février 2018. Ces espaces nous apparaissent comme suffisants : "Les espaces agricoles... représentent une superficie d'enveloppe totale de 199 458 ha, pour une SAU [surface agricole utile] attendue de 75 000 hectares à l'horizon 2030"53, même si aujourd'hui, la SAU n'est que de 32 000 ha en raison des retards observés de mise en valeur.
52
Le Schéma d'aménagement régional (SAR) a été approuvé par la Collectivité territoriale de Guyane et fait l'objet du décret n° 2016-931 du 6 juillet 2016.
53Citation
extraite du rapport de mission cité (page 238 du SAR) - Espace délimité en jaune sur les cartes du SAR).
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Ces autres sources possibles de biomasse pour la production d'énergie sont les suivantes. Il est possible d'imaginer des plantations à vocation uniquement énergétiques sur une superficie totale limitée à 10 000 ha utiles, mais spatialement bien répartie et située à proximité de futures centrales biomasse pour limiter les coûts de transport. Disposer d'une ressource dédiée, proche et stable à long terme est un élément fondamental de sécurisation des plans d'approvisionnement des projets en complément des sources de biomasse fatale. Le PRFB devrait prévoir le principe des plantations sans qu'il soit nécessaire d'ajouter un deuxième document de planification à l'instar du projet actuel de la DAAF qui imagine la création d'un « schéma de plantation » qui retarderait inutilement les décisions en la matière. Il s'agit essentiellement des projets déjà décrits de plantation d'inga, de bambous ou de cannes fibres. Des projets agricoles (par exemple sur le polder de Mana) de cultures énergétiques existent. Les rendements agricoles attendus pourraient être les suivants : - canne fibre : 80 t/ha par an à 65 % humidité- bambou : 50 t/ha par an à 45 % humidité, - inga : 30 t/ha par an à 45 % humidité.
On peut concevoir aussi des plantations de co-production bois d'oeuvre-bois énergie, pour 90 000 t/an pouvant atteindre 200 000 t/an selon la cellule biomasse, soit environ 10 000 ha. En fait, comme pour l'exploitation à faible impact, l'évaluation du gisement est délicate car elle dépend de la synergie entre bois d'oeuvre et bois d'énergie, qui permettrait de rendre compétitif le bois d'oeuvre à l'export ou son utilisation importante dans le bâti guyanais. Certaines plantations peuvent redonner une affectation à des terres agricoles dégradées (espèces fixatrices d'azote) et constituer un complément de revenu pour des agriculteurs. La société Mia a développé un projet près de Kourou. Il combine production de bois d'oeuvre (teck), production de bois énergie (inga), fourrages et plantation de caféiers et de cacaoyers. Une parcelle expérimentale de quatre hectares du Cirad est également en phase test avec le mélange de différentes essences suite à une déforestation complète, mais faite en préservant les sols (technique du mulch). Des travaux intéressants sont menés par les instituts de recherche présents en Guyane et par des sociétés privées (Solicaz). Il convient de conforter leur démarche à cette époque clé. La mission pense qu'il y a des projets qui ne demandent qu'à démarrer, mais qui ont besoin d'un appui technique, voire de recherche appliquée, immédiat et soutenu dans le temps. En revanche, le modèle économique de ces plantations innovantes n'est pas encore établi, en l'absence de subventions aux plantations d'au moins 50 % : la création d'un fonds ad hoc pourrait être envisagée. De même, des soutiens financiers limités pourraient être accordés pour encourager la réalisation d'opérations agroforesterie, qui seront beaucoup moins productives en bois (jusqu'à dix fois moins), mais qui permettront de bonifier les sols (plantations de haies, arbres de haute tige en plein champ, plantes de service fixatrices d'azote). Enfin, il convient d'attribuer à des industriels souhaitant créer une usine biomasse à l'intérieur de la bande littorale (hors domaine forestier permanent), des contrats exclusifs à long terme
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56
Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées d'exploitation forestière de « bois énergie » sur des massifs de 15 000 à 20 000 ha, délimités par l'ONF prévoyant la mise en oeuvre, sous son contrôle, de coupes d'intensité modérée 54 à rotation de 25 ans. Selon le modèle expérimenté par l'ONF et l'Ademe sur Balata / SautLéodate, ces contrats permettraient de sécuriser l'approvisionnement de centrales biomasse et de fournir immédiatement un volume annuel de 200 000 t de bois énergie, réparti en deux ou trois contrats pour des usines en cours d'instruction, demandeuses de bois énergie à très court terme. Il leur appartiendrait de financer (par la valorisation du bois d'oeuvre par exemple) la réalisation progressive (sur 25 ans) du réseau de pistes principales nécessaires (coût total environ 8 M pour 20 000 ha), y compris en mobilisant des aides du FEDER.
Recommandation n° 7.
Au ministère de l'agriculture et de l'alimentation et aux ministères de l'économie des finances et des comptes et de l'action publique (DIE) : En Guyane, autoriser dans la bande littorale, hors domaine forestier permanent, l'attribution de contrats exclusifs à long terme d'exploitation forestière à des usines biomasse, sur des surfaces de 10 à 20 000 ha délimitées par l'ONF, permettant des coupes d'intensité modérée à but énergétique (sur le modèle Balata / SautLéodate étudié par l'Ademe en 2011). Le futur programme régional de la forêt et du bois devra inclure les projets ainsi identifiés.
4.5 Les problématiques économiques et sociales
4.5.1 Les coûts 4.5.1.1 Quelques coûts de référence de l'exploitation du bois
Il convient de rappeler les ordres de grandeur de coûts fournis par l'ONF relativement à la production de bois d'oeuvre.
54
L'intensité modérée se définit par rapport aux modalités d'exploitation de la forêt guyanaise testée dans le dispositif Inra de Paracou.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau n°8 : Décomposition du prix par tonne de bois rendu scierie (source orale ONF (bois d'oeuvre) et source CRE / Voltalia (bois énergie)(on rappelle : 1 m³ = 1,15 t environ). Bois d'oeuvre Prix du bois sur pied (payé à l'ONF) Abattage Débusquage Débardage Cubage Créations de pistes 26 /m 10 15 15 10 15
3
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Bois énergie 8,20 /m3 7,47 19,11 9,41 2,49
Routes à camions (remboursées par l'UE 15 et la France) Transport TOTAL 25 à 45 environ 130 19,74 environ 70
D'après l'accord entre la préfecture de Cayenne et l'interprofession-bois du 2 avril 2017, les prix d'approvisionnement du bois énergie sont de : - 55 /t, départ scierie pour des plaquettes broyées issues des connexes de scierie, - 90 /t pour des plaquettes broyées issues d'exploitation forestière et livrées à la centrale. Toutefois, ce dernier cas semble un peu théorique pour l'instant, car le bois énergie issu de forêt sera sans doute stocké en rondins et broyé au fur à mesure dans les installations de la centrale biomasse. Il suppose que l'exploitant forestier dispose d'un broyeur, ce qui n'est en général pas le cas. Les différentes possibilités de production de biomasse énergie sont, comme indiqué ci-dessous, - la défriche agricole, - l'exploitation à faible impact de la forêt naturelle, - l'exploitation forestière par coupes sélectives à rotation de 25 ans, - les plantations de cultures énergétiques (canne fibre...) sans production de bois d'oeuvre, - la récupération de bois immergés (projet Triton), - l'agroforesterie.
4.5.1.2
Synthèse sur les coûts (voir annexe 6)
Compte tenu des gisements évoqués et de leurs coûts associés, il est possible d'évaluer un coût moyen du bois livré au parc de centrales biomasse (hors valorisation du CO2).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau 9 : Coût moyen du bois livré à la centrale biomasse incluant le broyage (10 /t). Gisement Défriche agricole Exploitation du domaine forestier permanent (connexes de scierie et d'exploitation) Exploitation type Balata Plantations à vocation énergétique Bois immergés Pellet importé (à PCI égal) Moyenne/ Total Sources : Voir annexe 6 L'essentiel des ressources de biomasse est disponible à un coût inférieur à 70 /t (soit 100 à 110 /MWh). Avec ces coûts, des centrales biomasse d'au moins 10 MW sont concurrentielles avec le projet de centrale de Degrad-des-Cannes. Les connexes d'exploitation forestière, issus de l'EFI, sont la ressource la plus onéreuse en raison du coût de transport et du tarif garanti par les accords de Cayenne. Dans ces conditions, les différentes filières évoquées ci-dessus peuvent être évaluées au plan économique ce qui permettra d'éclairer le débat sur les tarifs proposés par la Commission de régulation de l'énergie et sur lequel existent quelques divergences entre acteurs. 4.5.2 L'emploi. Volume annuel (t) 100 000 210 000 (100 000*0,6 + 150 000) 130 000(20 000 ha à 6,5 t/ha) 300 000 (10 000 ha à 30 t /ha) 125 000 t/an (pm) 865 000 Coût /t 65 80 60 65 à 75 pour du bois (80 à 90 pour de la canne fibre à PCI équivalent) 70 > 90 71,5 61 850 Coût total k 6 500 16 800 8 800 21 000 8 750
Les éléments fournis par l'ONF font état de 830 emplois directs actuellement liés à la filière bois, générant en outre 1 245 emplois indirects. Les éléments fournis par l'interprofession-bois de Guyane tendent à montrer que l'augmentation de volume de la filière (passage de 77 000 m3/an à 210 000 m3/an) conduirait à la création de 600 emplois.
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Figure 1 : Créations d'emplois par la filière bois (source présentation ONF). Cette projection est loin d'être uniquement due au développement de la biomasse énergie. L'objectif de récolter 210 000 m3 de bois d'oeuvre par l'exploitation à faible impact semble irréaliste. Néanmoins, même à volume de bois d'oeuvre constant, 150 000 t de connexes d'exploitation seront extraits de la forêt en plus du bois d'oeuvre pour approvisionner les centrales biomasse. La production, l'exploitation et le transport de la biomasse énergie entraîneront la création d'emplois en amont de la filière (exploitation, plantation, gestion) qui ne le seraient pas sinon. Il en est de même pour du bois issu de la défriche agricole ou urbaine et des plantations énergétiques. Le gisement en emplois correspondant est de 1,5 emploi pour 1 000 tonnes de bois exploité et livré. Les volumes envisagés précédemment, d'environ 500 000 t de bois énergie à terme conduisent à la création de 750 emplois environ, soit une économie potentielle de 10 M pour l'État sur le RSA (13 900 par an pour un couple au chômage avec deux enfants multiplié par nombre d'emplois créés). L'avantage économique de ces nouveaux emplois justifie un soutien maximal de la collectivité de 21 par tonne de bois exploitée ou 33 /MWh d'électricité.
4.6 La position des acteurs
Les missionnés ont réalisé de nombreuses interviews de toutes les catégories d'acteurs dont les propos sont reflétés dans l'annexe n°7. La mission retient les points saillants suivants. Il y a en Guyane une acceptabilité forte de l'utilisation durable du bois d'énergie issue de l'exploitation durable du bois d'oeuvre. Cette position est aussi vraie pour l'utilisation de la biomasse issue de la défriche, mais elle doit faire l'objet d'un suivi technique et administratif qui n'est pas encore en place.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées L'acceptation de la sylviculture ou de la culture de biomasse pour la production d'énergie sera peutêtre plus difficile et ce d'autant plus que les itinéraires techniques de celles-ci restent à construire. Toutefois, il convient de s'en préoccuper dès maintenant afin de pérenniser la filière biomasse. Une gouvernance plus partagée entre les différents acteurs serait un point d'amélioration de l'acceptabilité des différentes techniques de production de biomasse et donnerait plus de lisibilité à tous les acteurs. Loin de la hauteur des enjeux, les moyens mis à disposition par l'État au soutien de l'ensemble de la filière, de la recherche à l'agriculture en passant par l'exploitation forestière, y compris dans le suivi de son foncier et de ses tâches régaliennes de surveillance, sont unanimement décrits comme très insuffisants, particulièrement en ce qui concerne ses propres moyens humains. Le soutien à la filière passera pour beaucoup d'acteurs par une simplification des procédures administratives devant entraîner une accélération du démarrage des projets. D'une manière générale, les procédures tant environnementales, qu'économiques et fiscales apparaissent trop longues et complexes. Le soutien à la recherche et aux organismes de développement, mais aussi la poursuite de travaux de suivis aussi bien en exploitation durable de la forêt qu'en valorisation de la biomasse ou bien encore sur les techniques de restauration des terres dégradées, est souhaité par le plus grand nombre. La formation est un point important qu'il convient de promouvoir depuis l'exploitation forestière jusqu'à la sylviculture en passant par les métiers de l'énergie. Recommandation n° 8. Au préfet de Guyane : Revitaliser le comité de la filière bois associant l'ensemble des acteurs concernés, de l'amont à la deuxième transformation, afin d'élaborer et de décliner des stratégies de filière.
Recommandation n° 9.
A la Collectivité territoriale de Guyane : Soutenir grâce aux fonds de recherche et d'innovation les démarches scientifiques et techniques concernant les plantations de co-production bois d'oeuvre-bois énergie des institutions publiques en place, et des sociétés privées de conseil présentes sur ce secteur.
4.7 Recommandations sur la place de la biomasse dans la prochaine PPE de Guyane
En conclusion, la mission observe que les centrales à partir de biomasse se développent actuellement en Guyane mais à un rythme moins rapide que celui envisagé par la PPE. Toutefois, l'entrée en service progressive de ces installations va permettre d'assurer une meilleure spatialisation des moyens de production électrique et de consolider à terme le système. Ainsi, le mix énergétique de la Guyane pourrait se diversifier davantage et accroître encore la part des énergies renouvelables à un coût qui devrait rester maitrisé pour les finances publiques : au plus 20 /t (hors avantage CO2) pour 500 000 t
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées de biomasse, soit moins de 10 M. La biomasse n'est pas rentable en Guyane par rapport au fioul dans des centrales de moins de 10 MW, surtout si elles sont éloignées des chantiers d'exploitation qui l'approvisionnent (type centrale de Cacao). L'atteinte d'une nouvelle capacité installée de production électrique de 40 MW à partir de biomasse suppose que l'ensemble des projets actuellement identifiés se concrétise : cet objectif sera sans doute différé de quelques années par rapport à 2023. La mission estime qu'il est possible de le réaliser, mais à la condition de sécuriser davantage l'approvisionnement de ces projets. Cela suppose que l'exploitation des connexes d'exploitation et de scierie devienne systématique et que des volumes conséquents issus de la défriche agricole soient aussi utilisés. Sur le modèle de "Triton" à Petit-Saut qui bénéficie d'un approvisionnement garanti de très long terme avec les bois immergés du barrage (contrat passé avec l'ONF) les énergéticiens qui le demandent devraient pouvoir sécuriser jusqu'à 50 % de leur approvisionnement de long terme avec une ressource dédiée, complémentaire de cette biomasse fatale. Cela suppose de donner priorité au déblocage des négociations foncières en cours et de lever les obstacles administratifs qui ne sont pas irréductibles. Rendre obligatoire la défriche avant la mise en valeur agricole ou l'aménagement des terrains et structurer le service de collecte est l'enjeu prioritaire pour le succès de la filière. Cette activité devrait aussi contribuer à consolider plusieurs autres politiques publiques : maîtrise du foncier du domaine privé de l'État, développement agricole, filière bois et politique sociale du territoire. Il est en conséquent urgent de publier le cahier des charges de la DAAF sur la défriche agricole à faible impact avant la fin 2018 et de définir un prix énergie pour le bois issu de cette défriche. À plus long terme, la pérennité de l'activité de biomasse suppose que dès à présent les pouvoirs publics s'engagent sur les moyens de maintenir cet approvisionnement de manière durable. La mission préconise plusieurs solutions et recommande de les tester toutes de front. Les données sur les coûts évoquées plus haut militent pour rechercher d'autres modèles d'exploitation forestière que l'EFI. L'exploitation forestière type Balata pourrait être testée sur 50 000 ha divisés en permis d'exploitation de 10 à 20 000 ha. Le programme régional de la forêt et du bois devra identifier les superficies et les volumes d'exploitation correspondants. La mission estime que les activités de plantations liées à la biomasse doivent être considérées comme des activités agricoles et être encouragées par l'administration et par les collectivités, comme l'est la forêt en France métropolitaine. Elle propose d'acter que les plantations et les cultures énergétiques sont autorisées dans la bande littorale de 600 000 ha au même titre que les activités agricoles. Elles sont susceptibles d'apporter un supplément de revenu à des exploitants agricoles et de revaloriser certaines terres dégradées. L'ordre de grandeur de la surface à cultiver ou planter serait de 10 000 ha si on veut alimenter les 20 MW programmés à l'horizon 2030, cela selon différentes modalités : - l'exploitation mixte de bois d'oeuvre / bois énergie type MIA, - la culture de plantes énergétiques à croissance rapide type canne fibre, bambou, inga. Développer davantage la filière biomasse est aujourd'hui un choix politique, mais la réussite de ce pari suppose une coordination de l'ensemble des parties prenantes publiques et l'élaboration d'une véritable stratégie pour la filière bois.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
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MARTINIQUE
La collectivité territoriale de Martinique (CTM) se caractérise par sa petite taille (superficie de 1 128 km2) et sa forte densité de population (335 habitants par km2). La population (377 000 habitants en 2016) est en baisse depuis 2007 et les projections démographiques récentes de l'Insee tablent sur une poursuite de cette tendance à l'horizon 2030 quel que soit le scénario considéré. La forêt occupe de l'ordre de 40 % de la superficie mais celle-ci, aux trois quarts privée, n'est que très faiblement exploitée et ne peut constituer une source significative de bois énergie. La surface agricole utilisée par les exploitations agricoles (SAU), de l'ordre de 23 000 ha, comprend environ 30 % de surface toujours en herbe, utilisée pour de l'élevage bovin extensif. Les terres cultivées sont utilisées principalement pour la production de banane (25 % de la surface agricole utile) et la production de canne à sucre (17 % de la surface agricole utile), qui constituent les deux principales activités d'exportation, mais au prix d'importantes subventions européennes et nationales. Le territoire comprendrait environ 15 000 ha de landes et de friches et 7000 ha de surface toujours en herbe en dehors des exploitations agricoles, mais la mise en valeur de ces terres ne pourrait se faire que difficilement. Une éventuelle production agricole à vocation énergétique se ferait donc essentiellement en substitution d'une activité à vocation alimentaire préexistante.
5.1 Système électrique et objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie
Le système de production électrique (puissance installée d'environ 500 MW) est dominé par des centrales électriques à fioul lourd (moteurs diesel, dont 211 MW mis en service en 2014) complétées par des turbines à combustion pour satisfaire la demande de pointe. La gestion des déchets est à l'origine d'une faible production électrique (usine d'incinération et collecte/production de biogaz). Pour ce qui concerne les énergies renouvelables (EnR), le photovoltaïque (PV) est la filière la plus présente, avec 63 MW installés fin 2016. Cette situation devrait se modifier avec la mise en service de la centrale biomasse Galion 2 d'Albioma courant 2018, d'une puissance nette de 34 MW et amenée à fonctionner en base. La programmation pluriannuelle de l'énergie 2016/2023, tout récemment adoptée (octobre 2018) table sur une poursuite du développement des EnR intermittentes, éolien et surtout photovoltaïque (respectivement + 24 et + 93 MW à horizon 2023), complétées à hauteur de 40 MW par des installations de stockage de l'électricité et de la géothermie. Cette électricité d'origine géothermique serait en grande partie importée de l'ile de la Dominique. La valorisation thermique des déchets fournirait également une puissance additionnelle de 10 MW opérée en base.
La demande électrique est caractérisée par une faible variabilité saisonnière et une courbe de charge journalière présentant deux pointes de consommation, de niveau assez semblable, à midi et le soir. Le bilan prévisionnel établi par EDF-SEI table sur une légère décroissance de la consommation électrique à l'horizon 2030, compte tenu des prévisions démographiques et des actions de maitrise de la
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées demande d'électricité (MDE) qui devraient être amplifiées dans les prochaines années (scénario de MDE renforcée). Dans le scénario de maitrise de la demande d'électricité renforcée, considéré comme le plus probable, les besoins en capacités nouvelles sont quasi inexistants à l'horizon 2030. En l'absence de croissance de la consommation électrique de l'île, la montée en puissance de la production d'électricité à partir de biomasse se fera par diminution du recours aux capacités thermiques fossiles d'EDF.
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5.2 La PPE, polémique au sujet de la biomasse importée
La Collectivité territoriale de Martinique a confirmé à la mission son souhait de mettre l'accent sur la maîtrise de la demande d'électricité pour réduire la demande d'électricité et réduire en priorité la dépendance aux énergies fossiles dans le secteur des transports (en développant notamment les transports collectifs et le véhicule électrique). En matière de production d'électricité, les filières à privilégier seraient la géothermie, l'éolien, le photovoltaïque avec stockage. Toutefois, la CTM est opposée à des installations au sol présentant pourtant les coûts de production les plus faibles. La biomasse n'aurait pas sa place dans le mix énergétique (problèmes de pollution de l'air, de nuisances associées aux circulations de poids lourds...), et tout particulièrement la biomasse importée qui créerait une autre dépendance vis-à-vis de l'extérieur. Selon la CTM, le scénario de valorisation d'une partie des déchets incinérables (non traités dans la seule unité d'incinération existante) se ferait par transformation en combustible solide de récupération qui pourrait être utilisé, en association avec des déchets verts, dans de petites unités de production électrique. Dans ce contexte, à la mi-2018, les travaux sur le schéma régional biomasse (SRB) et la révision de la PPE n'avaient pas été lancés, la Collectivité territoriale de Martinique refusant de participer à ces exercices. En revanche, les travaux sur le schéma régional forêt bois (SRFB) et le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) viennent d'être lancés. Les travaux récents sur la mobilisation du gisement de biomasse locale visent essentiellement à consolider le schéma d'approvisionnement en biomasse locale de l'usine Galion 2 (actions réalisées sur financement Ademe et Albioma). Quelques petits projets de méthanisation de déchets agricoles avec production d'électricité sont également à l'étude, d'une puissance inférieure à 1MW.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau 10 : Répartition du gisement de biomasse locale identifié par Albioma pour approvisionner l'usine électrique du Galion en pourcentage de l'approvisionnement total (objectif de 40%) Bagasse Galion Bagasse distilleries Paille de canne Sorgho entre deux cycles de production de banane Gestion des haies 5% 5% 3,5 % À confirmer, difficulté signalée relative à l'acquisition du matériel de récolte (absence d'aides sur le matériel d'occasion) Essais non concluants Deux entrepreneurs identifiés ; difficulté : 5 à obtenir les subventions auprès de la CTM 10 % pour l'achat du matériel de récolte 5% L'ONF s'est mobilisé sur cette ressource
Forêts Partie ligneuse des déchets du centre de 3à5% valorisation organique (CVO) du Robert Bois d'élagage bord de route, sous les L'ONF serait également prêt à se mobiliser 2à3% lignes électriques sur cette ressource Essais sur 1,5 ha, sélection des meilleures Taillis à courte rotation 5% espèces (Forêt privée), à confirmer 33 à Total 40 % Source : Albioma
Albioma a mis en service la centrale biomasse Galion 2 de 34 MW, adossée à la sucrerie du Galion, qui livre toute sa bagasse à l'usine électrique durant la campagne sucrière et obtient en échange la vapeur (basse pression) dont elle a besoin pour fonctionner55. Cette ressource ne représente qu'environ 5 % des besoins de la centrale dont l'approvisionnement en biomasse locale devrait cependant passer à 40 % en 2023, le complément étant assuré par des importations de pellets de bois en provenance du Sud-Est des États-Unis. L'usine électrique consommerait environ 200 000 t/an d'équivalents pellets56. Un intéressement sur le combustible d'origine locale a été inscrit dans le contrat d'achat de l'électricité, les économies réalisées par rapport au combustible importé devant être réparties à 50/50 entre Albioma et EDF-SEI. L'approvisionnement de l'usine du Galion en pellets depuis le port de Fort-deFrance se fait par camions de 30 t de charge, roulant de nuit (20 rotations par nuit) et avec des tracteurs routiers euro 6 (souhait de passer à l'électrique dès que des modèles de tracteurs d'autonomie suffisante seront disponibles, probablement d'ici 2023). La posture négative de la CTM vis-à-vis de la biomasse énergie rend difficile la mobilisation des financements FEADER et FEDER, notamment pour aider des entrepreneurs prêts à s'engager dans les opérations de récolte de la biomasse ce qui est regrettable.
55
La sucrerie n'ayant pas réalisé à temps l'investissement prévu dans des moulins électriques, la centrale du Galion a livré de la vapeur haute pression à la sucrerie au cours de la campagne sucrière 2018, ce qui a réduit ses livraisons d'électricité sur le réseau.
56On parle d'équivalent pellet car les PCI par tonne sont différents
suivant les biomasses : les pellets ont un PCI de 4,7 MWh/t,
alors que le bois frais a un PCI de 2,5 MWh/t.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
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La mission propose de lancer un appel à projet spécifique aux Outre-mer pour permettre aux entreprises du secteur (des TPE) d'acheter du matériel de récolte de la biomasse. L'Ademe est favorable à cette proposition. La production de canne à sucre en Martinique est destinée à hauteur de 85 % à l'approvisionnement des distilleries agricoles (au nombre de sept) qui n'envisagent pas de mettre en place une production d'électricité à partir de bagasse (fonctionnement de la distillerie de 8 à 10 h par jour et hors weekend). La plupart des distilleries utilisent la bagasse pour la production de vapeur pour leur fonctionnement propre ou pour du compostage. Même si certaines (La Mauny, JM, Depaz) pourraient accepter de livrer leur excédent à l'usine du Galion, les quantités pouvant être mobilisées resteront somme toute faibles (10 000 t/an). L'ONF envisage de contribuer à la production de biomasse énergie locale en exploitant la forêt publique (objectif de 4 à 5 000 t/an) et en proposant à des propriétaires privés de gérer leurs parcelles (5 plans simples de gestion seraient en cours de réalisation) avec un objectif de 5 à 10 000 t/an. Ce bois énergie pourrait être disponible à 83 /t rendu usine sous forme de rondins (ajouter 10 /t pour le broyage), soit de l'ordre de 170 /t de MS. L'ONF ne juge pas réaliste la création de plantations de type taillis à courtes rotations. De l'ordre de 10 000 ha de terres seraient en friche en Martinique, mais de l'avis des interlocuteurs de la mission celles-ci semblent difficilement mobilisables pour un quelconque usage agricole (indivision, rétention spéculation foncière, qualité des terres). La gestion des déchets pourrait conduire à la production de 30 000 t de combustibles solides de récupération (source : SEEN, Albioma), à confirmer par les travaux en cours sur le Plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD). Albioma serait disposée à lancer une étude pour examiner la faisabilité technique et économique d'une utilisation des combustibles solides de récupération (CSR) dans son unité du Galion. L'alternative serait la combustion des CSR dans une unité de valorisation énergétique dédiée, mais un tel investissement ne pourrait être rentable qu'à partir de 20 MW thermiques, ce qui exige une ressource d'au minimum 40 000 t/an (source : SEMARDEL). En conséquence, il sera plus intéressant en Martinique, compte tenu des problèmes d'acceptabilité posés par la dépendance de l'unité du Galion à la biomasse importée, de s'orienter vers la combustion du CSR dans cette unité. Les investissements à consentir seraient de 30 à 35 % inférieurs à ceux nécessaires dans une unité de valorisation énergétique dédiée, dans la mesure où ils ne comprendraient pas les équipements en aval de la chaudière à CSR (turboalternateurs, système de condensation, poste d'évacuation de l'électricité...). Le prix de livraison du CSR à la centrale électrique devrait refléter le coût évité d'élimination de ce déchet qui reste à déterminer, la CSPE n'ayant pas vocation à financer la politique d'élimination des déchets. Il convient que les prescriptions techniques de ce CSR soient définies pour permettre cette valorisation dans l'unité Galion 2.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Recommandation n° 10. Au préfet de Martinique et à la Collectivité territoriale de Martinique : Veiller dans le plan régional de prévention et de gestion des déchets à définir les prescriptions techniques que devront respecter les CSR pour permettre une valorisation énergétique dans la centrale biomasse du Galion 2, en substitution à de la biomasse importée. En conclusion sur la place de la biomasse dans la production électrique en Martinique, on observe que la biomasse locale mobilisable plus les CSR, devraient permettre de produire à horizon 2023 de l'ordre de 100 GWh/an, soit de l'ordre de 6 % de la consommation d'électricité de l'île. D'après EDF-SEI, le système électrique aurait à terme besoin de 25 à 30 % d'électricité d'origine thermique pour assurer la stabilité du réseau. Il manquerait donc de 300 à 400 GWh/an d'EnR thermique pour garantir un mix 100 % EnR, soit de 40 à 50 MW fonctionnant en base. La valorisation des déchets hors CSR (incinération, biogaz) représente 5 MW, le complément devra donc être fourni soit par la géothermie (notamment en provenance de l'île de La Dominique) soit par de la biomasse importée soit (partiellement) par des cultures énergétiques locales57. Cette dernière piste a été très peu explorée en Martinique à ce jour (mis à part l'essai non concluant sur le sorgho implanté entre deux cycles bananiers) ; elle pourrait être reconsidérée, à la lumière des développements sur la canne fibre qui pourraient intervenir en Guadeloupe ou à La Réunion. La mission estime qu'il convient dans ce contexte de reconduire les objectifs biomasse de la PPE initiale en tenant compte de l'existence de Galion 2. La mise en service de la centrale biomasse alimentée par du pellet importé entraîne un surcoût de 50 /MWh aux conditions actuelles qui devrait aller en s'amenuisant avec la réduction du différentiel entre valeur tutélaire du CO2 et coût ETS. L'approvisionnement partiel en biomasse locale (40 % visé en 2023), moins coûteuse, pourrait contribuer à réduire en partie l'écart avec la solution fioul. L'éventuel démarrage d'une filière locale de canne énergie, pourrait renforcer l'approvisionnement local à coût équivalent au pellet importé (en incluant la charge CO2) avec des avantages économiques en création d'emploi et en stabilisation du tissu agricole.
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GUADELOUPE
La région Guadeloupe occupe une superficie de 1 628 km² et a une densité de population de 230 habitants par km2. La population (380 000 habitants en 2016) est projetée en baisse par l'Insee quel que soit le scénario considéré (- 8 % sur 2013/2030 dans la projection centrale). La forêt occupe de l'ordre de 45 % de la superficie de la région mais celle-ci n'est que très faiblement exploitée et ne peut constituer une source significative de bois énergie.
57Dans
un scénario maximaliste de développement de cultures énergétiques, la mise en place d'une rotation banane/canne fibre sur les 6 000 ha actuellement en banane permettrait de produire 90 000 t de MS (3 000 ha * 100 t/ha de canne fibre à 30 % de matière sèche), qui pourrait alimenter une unité de 13 MW fonctionnant en base et le basculement des 600 ha de surface en canne à sucre alimentant aujourd'hui la filière sucre en canne fibre serait à l'origine de 15 000 t MS supplémentaires (en tenant compte de la bagasse non produite), soit 2 MW supplémentaires en base.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées La SAU des exploitations agricoles, de l'ordre de 30 000 ha, comprend environ 30 % de surfaces toujours en herbe. Les terres cultivées sont utilisées principalement pour la production de canne à sucre (45 % de la SAU) et les cultures légumières et fruitières (dont environ 2 500 ha pour la banane). La production de sucre constitue la principale activité d'exportation, mais au prix d'importantes subventions européennes et nationales. Le territoire comprendrait environ 13 000 ha de landes et de friches et 17000 ha de surface toujours en herbe en dehors des exploitations agricoles dont la mise en valeur pour une production à vocation énergétique ferait face aux mêmes obstacles qu'en Martinique. Le système de production électrique (puissance installée d'environ 550 MW) est dominé par des centrales électriques à fioul lourd (moteurs diesel) d'EDF (211 MW installés en 2014) et les centrales charbon et charbon/bagasse d'Albioma (93 MW), fonctionnant en base et semi-base, complétées par des turbines à combustion (100 MW) pour satisfaire la demande de pointe. Pour ce qui concerne les énergies renouvelables (EnR), on note la présence d'une centrale géothermique de 14 MW et des installations hydrauliques de l'ordre de 10 MW. Les installations photovoltaïques (PV) représentent une puissance crête installée de 69 MW fin 2016, et les centrales éoliennes de l'ordre de 30 MW. La répartition spatiale de la production électrique est déséquilibrée par rapport à la consommation, Grande-Terre étant excédentaire et Basse-Terre déficitaire en électricité. La demande électrique, qui s'élève à 1 800 GWh/an en 2016, est caractérisée par une faible variabilité saisonnière et une courbe de charge journalière présentant deux pointes de consommation, de niveau assez semblable, à midi et le soir. Le bilan prévisionnel établi par EDF-SEI table sur une légère décroissance de la consommation électrique à l'horizon 2030, compte tenu des prévisions démographiques et des actions de maitrise de la demande d'électricité (MDE) qui devraient être amplifiées dans les prochaines années (scénario de MDE renforcée). Dans le scénario de MDE renforcé, considéré comme le plus probable, des besoins en capacités nouvelles de pointe pourraient apparaître à partir de 2023 en remplacement d'installations existantes.
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6.1 Options de la PPE et place de la biomasse
La PPE 2016-2023 a été adoptée en avril 2017 et sa révision a été lancée en avril 2018. Elle comporte des objectifs ambitieux de poursuite de développement des EnR. Tableau 11 : Programmation pluriannuelle de l'énergie de Guadeloupe.
Source : PPE
Par consensus entre la DAAF, la chambre d'agriculture, les communes, le photovoltaïque au sol est limité aux sites inutilisables par l'agriculture, (anciennes décharges, anciennes carrières, sols rocheux improductifs assez fréquents à Grande-Terre). Le photovoltaïque sur toiture ne se développe pas très
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées vite (quelques MW par an), jugé trop peu rémunérateur par les possesseurs de toitures importantes, notamment les agriculteurs. L'éolien est très restreint par la présence d'un radar militaire à Grande Terre sur la façade au vent et par la présence d'habitat diffus et d'intérêts paysagers et touristiques sur une bonne partie de GrandeTerre, côté Sud. Il a été développé surtout à Marie-Galante et à La Désirade. 80 MW seraient en développement en phase avec les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie d'après EDF-SEI, notamment dans le cadre d'opérations de « repowering » d'installations existantes. Dans ce contexte, il est peu probable que les énergies intermittentes, même avec stockage, puissent rapidement subvenir à l'essentiel des besoins. Ceci étant, si le coût de revient de l'électricité photovoltaïque continue à baisser, il faudra réexaminer les interdictions d'utilisation de terres potentiellement agricoles pour réaliser des installations photovoltaïques au sol, dans la mesure où une même surface permet de produire dix fois plus d'électricité si elle est équipée en panneaux solaires que si elle est utilisée pour une production de biomasse énergie. Les installations géothermiques ont été reprises par un groupe américain qui a fait ses preuves depuis un an (selon EDF). Celui-ci pourrait rapidement décider d'augmenter leur capacité à 20 puis 40 MW en base et à un coût entre 100 et 200 /MWh selon la PPE. Un projet d'importation d'électricité à partir d'installations géothermiques implantées sur l'ile de la Dominique, auquel les élus régionaux semblent favorables, a également été évoqué, mais celui-ci reste très incertain, notamment en raison des ravages du dernier cyclone. Le schéma régional de gestion des déchets prévoit la production de 60 000 à 70 000 tonnes/an de combustibles solides de récupération (CSR) qui seront disponibles pour une valorisation énergétique, qui pourraient représenter une puissance en base d'un peu moins de 10 MW. La nécessité d'assurer la stabilité en fréquence et l'inertie du réseau peut être atteinte, selon EDF, avec une part réservée aux productions thermiques (disposant de machines tournantes) aujourd'hui de plus de 50 %, à terme de 25 à 30 % de la production électrique. Dans le scénario volontariste de maîtrise de l'énergie renforcée, retenue par les acteurs, il faudrait disposer, dans une hypothèse de décarbonatation du parc électrique, de 80 à 100 MW de puissance thermique EnR, de préférence bien réparties spatialement entre plusieurs sources indépendantes. Cette puissance pourrait être fournie par la centrale géothermique de Bouillante, les centrales Albioma du Moule fonctionnant avec de la bagasse, des CSR et d'autres sources de biomasse. Ces moyens de production seraient susceptibles d'être complétés par une ou plusieurs centrales à partir de biomasse situées sur Basse-Terre pour assurer un équilibre spatial satisfaisant de la production. Les travaux sur le schéma régional biomasse (SRB) prévu par la loi TECV ont été lancés à l'automne 2017. Les éléments provisoires disponibles (rapport provisoire de mars 2018) font état d'un potentiel mobilisable à horizon 2028 (au-delà de la valorisation observée aujourd'hui) de 46 000 t de déchets issus des filières bois (y compris produits en fin de vie), 72 000 t de déchets agricoles et de 52 000 t d'autres bio-déchets (déchets et résidus de l'industrie agro-alimentaire, déchets verts, sous-produits de la gestion des eaux) susceptibles de produire 75 GWh/an d'électricité et 20 GWh/an de biogaz (soit
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées 8 GWh/an d'électricité, si cette forme de valorisation du biogaz était retenue). Ce gisement correspond à une capacité d'environ 12 MW fonctionnant en base. La filière bois est totalement à l'arrêt suite à la création du Parc national de Guadeloupe et aux contraintes financières de l'ONF (pas de possibilité d'investissements). Une forêt sans filière bois d'oeuvre et sans programme de plantations ne peut pas fournir de bois énergie à un coût intéressant. Le projet de SRB prévoit une production de cultures énergétiques à hauteur de 100 000 t/an en 2028, correspondant à une production d'électricité de 43 GWh/an (soit 6 MW installés en base). Celle-ci pourrait prendre la forme d'une production de canne fibre qui a été étudiée par le Cirad et l'Inra et dont 10 ha ont été mis en place par la société Quadran à Goyave, dans des terres à banane, afin d'être en mesure de multiplier rapidement trois variétés sélectionnées par le Cirad, très productives (150 t/ha à 70 % d'humidité sur ce site). Quadran considère également que les techniques de récolte mécanisée et de combustion de la canne fibre sont au point, ce qui lui permet d'envisager un projet de centrale de 12 MW en Basse-Terre à un horizon de quelques années.
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6.2 Perspective de conversion des centrales - charbon existantes à la biomasse
Albioma envisage la conversion de ses centrales électriques installées au Moule à la biomasse, en commençant par celle dite de Caraïbes énergie en 2020, puis des deux autres centrales en 2021 et 2022, avec l'objectif de se conformer aux exigences de l'arrêté du 26 août 2013 relatif aux installations de combustion d'une puissance (thermique) supérieure ou égale à 20 MW soumises à autorisation au titre de la rubrique 2910 et de la rubrique 2931, en matière de pollution de l'air. Si on considère que la bagasse déjà disponible au Moule, 4 à 5 mois/an équivaut à 10 MW lissés sur l'année, il resterait donc 80 MW charbon à substituer (soit 540 GWh/an). Compte tenu du gisement en déchets, sousproduits et CSR, il faudrait trouver un gisement de biomasse correspondant à 60 MW en base. Les études de l'Inra ont montré que la zone de production la plus favorable pour la canne fibre se situait à Basse-Terre, ce qui ne facilitera pas l'approvisionnement des unités Albioma situées à GrandeTerre. Même si de la canne fibre implantée à Basse-Terre pourrait être transportée jusqu'au Moule58, Albioma devra recourir à l'importation d'une quantité importante de biomasse, ce qui n'est pas considéré comme une solution pérenne par les élus d'après le Préfet. La question de la pérennité de l'ensemble des unités du Moule (dont deux ont été mises en service en 1998 et l'autre en 2011) peut donc se poser à la fin du contrat de fourniture avec EDF-SEI. Une autre option à explorer à l'horizon 2030 serait d'alimenter partiellement Le Moule avec de la biomasse (pellets) en provenance de Guyane, sachant qu'il faut ajouter le coût de la transformation en pellets (100 /t pellets) au coût de la biomasse livrée usine en Guyane (80 /t fraîche, soit 130 /t pellets)59. On aurait donc un combustible très cher (250 /t pellets avec transport) mais des coûts fixes bas, car les usines d'Albioma sont amorties et ne nécessitent que de petites adaptations pour accepter de la biomasse. On pourrait produire ainsi jusqu'à 200 GWh renouvelables supplémentaires sans nouvel équipement (avec un groupe de 30 MW existant).
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La sucrerie du Moule est en partie approvisionnée par de la canne sucrière cultivée à Basse-Terre. Il faut 1,6 t de bois pour produire une tonne de pellets.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
Parallèlement à la conversion des unités d'Albioma, la mission considère qu'il conviendrait de prévoir dans la révision de la PPE, la réalisation d'une ou deux centrales électriques d'une dizaine de MW alimentées à partir de plantations de canne fibre implantées à Basse-Terre pour équilibrer spatialement la production électrique en base sur le territoire. L'appel de EDF-SEI aux moyens de production d'EDF à Jarry de 210 MW est destiné à décroître au fur à mesure de leur substitution par les EnR, objectif atteignable en 15 ans. La mise en place de ces équipements très récents a été décidée en 2007, à un moment où on tablait encore sur une croissance démographique de l'île. C'est désormais une sécurité pour la Guadeloupe, qui a un coût comme une prime d'assurance, mais permet le développement, à un rythme plutôt lent des diverses EnR de substitution. La place future de la biomasse pourrait s'inscrire dans un mix énergétique décarboné que la mission envisage selon le tableau ci après. Tableau 12 : Mix électrique potentiel de la Guadeloupe à l'horizon 2030 satisfaisant l'objectif de 30 % de production thermique à partir d'EnR. VISION PROSPECTIVE DU MIX EN 2030 Géothermie locale Biomasse locale bagasse Biomasse locale (canne fibre) Biomasse locale (déchets bois et combustibles solides de récupération) Biomasse de Guyane (pellets) (sous réserve de faisabilité) Autres énergie (Éolien, PV, biogaz, TAC, géothermie importée....) Source Mission pour 2 000 GWh de conso 300 GWh 80 GWh + 10 GWh (Marie-Galante) 140 GWh 150 GWh 200 GWh 1 120 à 1320 GWh
6.3 Aspects économiques, environnementaux, agricoles et sociaux
6.3.1 Sur le plan économique
Le coût de la biomasse livrée usine en /MWh (part variable du MWh électrique) est le suivant dans les conditions actuelles : bagasse : 14,50 /t de canne fraîche payée au producteur soit pour un rendement de 120 KWh/t de canne, 120 /MWh électrique ; combustible solide de récupération (CSR), déchets bois, prix proche de zéro, voire négatif ; nécessite un investissement (four et cheminée, filtres) générant des coûts fixes élevés, peut être envisagé en substitution du charbon sur installation existante ; canne fibre - valeur pivot évaluée par simulation économique de l'Inra dans Rebecca 2 de 50 à 60 /t livrée usine dont 15 à 20 /t de récolte mécanisée et de transport (limité au
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées maximum par les choix d'implantation des usines), soit un coût de combustible à 150 à 180 /MWh électrique ; pellet de Guyane : 205 /MWh électrique60 ; pellet des États-Unis : 150 /MWh électrique mais risque d'octroi de mer au taux maximal de 30 % par décision éventuelle de la région.
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Pour comparer les options, il faut prendre en compte l'impact positif sur l'emploi de la canne fibre (100 /MWh) et des pellets de Guyane (30 /MWh), voir annexe 5), et la nature de l'usine, neuve ou existante. Les plans d'approvisionnement, validés avec le préfet et la CRE, s'appuieront successivement, par "ordre de mérite": - la biomasse fatale (CSR, déchets ligneux, bagasse de distillerie, déchets de bananeraie, bois de rebut, entretien d'espaces verts et d'espaces naturels) ; - la canne fibre et potentiellement la paille de canne ; - les pellets importés des USA ou d'ailleurs ; - les pellets de Guyane si disponibles. 6.3.2 Sur le plan environnemental
Il n'y a pas d'opposition en Guadeloupe à la valorisation des gisements de biomasse disponibles. La valeur culturelle de la canne la rend acceptable facilement comme culture énergétique. Le bilan carbone de la canne fibre, calculé par l'Inra, est très bon sur les sols agricoles ou sur les friches61. Le consensus social est en faveur de la protection de la forêt (au nom de la biodiversité). Le brûlage de CSR ne soulève pas d'opposition aujourd'hui, notamment si cela pouvait se faire au Moule chez Albioma, sans création d'usine supplémentaire. C'est l'importation de pellets qui peut faire débat, soit en raison de leur origine (Guyane) soit en raison de la forte volonté d'indépendance énergétique, telle qu'exprimée par les élus de Marie Galante (Mme Etzol). Mais leur bilan de gaz à effet de serre n'est guère pénalisé par le transport en bateau, celui-ci n'est pas rédhibitoire. Les récentes exigences des normes de traitement des fumées des usines à biomasse sont bien supérieures à celles imposées aux distilleries et aux sucreries existantes. La sucrerie de Marie-Galante est en dérogation jusqu'à la mise en service de l'usine électrique en projet sur le site. Les centrales du Moule vont être mises aux nouvelles normes notamment grâce au passage au 100 % biomasse. Contrairement au charbon, les cendres issues de biomasse ne nécessitent pas de traitement pour être rendues aux champs faisant économiser des intrants de synthèse. Le préfet de Guadeloupe et la Présidente de la Communauté de communes de Marie-Galante ont mentionné dans le protocole d'accord signé en avril 2018 avec les deux porteurs de projets, EDF et la
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/t (cf. 6.2.) plus 20 de transport, soit 250 /t, et 0,82 t pellet/ MWh
0.035 t CO2/MWh (thermique) de biomasse à comparer à 0.25 t CO2/MWh de fioul lourd (Source : Rebecca).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées CRE, que l'utilisation des sargasses à des fins énergétiques devait être envisagée très favorablement si elle était pertinente techniquement et économiquement. Si cette solution était pertinente, il pourrait être envisagé de construire une plate-forme de traitement des sargasses pour la Guadeloupe voire les îles voisines 62. La prochaine PPE devrait évaluer plus précisément la faisabilité technique et économique d'une valorisation énergétique des sargasses63. 6.3.3 Impacts possibles sur le plan agricole
Les cultures énergétiques telles que la canne fibre sont moins sensibles aux parasites et étouffent plus rapidement les adventices par leur fort potentiel de croissance. Peu exigeantes en produits phytosanitaires, elles peuvent jouer un rôle intéressant dans les assolements sur les zones à enjeux (périmètres de captage). La canne fibre peut se succéder à elle-même de très nombreuses années sur le modèle de la canne à sucre à condition de laisser les pailles au sol ou d'apporter du compost (résultat développé dans le programme de recherche appliqué Rebecca2 mené de 2011 à 2016 par l'Inra et le Cirad et la société Quadran). La rotation banane/canne est très favorable pour les deux cultures et peut être alternée dans des durées différentes en fonction des rendements économiques attendus. Partant de 2 500 ha de bananes, en très net recul depuis 10 ans (- 2 500 ha), on pourrait disposer de surfaces appréciables de canne fibre dans la région du centre. Les agriculteurs mettant en place cette rotation aimeraient pouvoir conserver les quotas en bananes correspondant à la production qu'ils auraient abandonnée plus de deux ans au profit d'une production énergétique. Selon la profession agricole, le ramassage des pailles de canne serait peu réalisable sur le plan pratique (risque d'abîmer les repousses), pierres volcaniques ou calcaires en affleurement, coût trop élevé comparé à la valeur thermique64, bien qu'il soit pratiqué de temps en temps par des éleveurs en mal de fourrage ou souhaitant limiter leurs coûts d'approvisionnement externe. 6.3.4 Impacts sur le plan social
La transformation de la biomasse en électricité est génératrice de plus d'emplois par GWh produit que toutes les autres sources d'énergie. On peut dans le cas de la structure des exploitations agricoles de Guadeloupe considérer qu'une production annuelle de 500 t de canne fibre mobilise un emploi agricole (cf. annexe 5). Cet effet net dans le cas d'une remise en culture de friches peut s'analyser comme un emploi sauvegardé dans le cas de déprise des terres à canne sucrière ou à banane par suite de nouvelles règles de marché qui seraient imposées, perspective que beaucoup d'interlocuteurs agricoles considèrent comme
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Voir le rapport sur les sargasses, CGAAER CGEDD 2016.
Le rapport CGAAER/CGDD estime le gisement annuel, pour la Martinique et la Guadeloupe, à 700 000 m3 de sargasses fraîches en année de crise et à 140 000 m3 les années dites intermédiaires, soient respectivement 9 000 et 1 700 tonnes de matières sèches organiques (MO). En retenant une hypothèse (favorable) de 0.2 tCH4 / t MO et un rendement électrique de 40%, ce gisement correspond à des productions électriques de respectivement 10 et 2 GWh/an (soit 0.3% et 0.06% de la consommation électrique des deux îles). Les sargasses ne semblent donc pouvoir contribuer que très modestement à l'approvisionnement électrique des Antilles.
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Une étude exploratoire d'Albioma chiffre le coût de collecte, de réception et de préparation au niveau de la centrale dans une fourchette de 80 à 120 /t de MS hors rémunération du planteur (à comparer à environ 150 /t MS pour la canne fibre)
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées inéluctable. Cependant, en Guadeloupe, les usines sucrières et leurs syndicats sont « vent debout » contre la canne fibre accusée d'être le fossoyeur potentiel de la filière : cette porte de sortie atténue la pression pouvant être exercée sur les pouvoirs publics en cas de crise répétée. Ceci étant, la substitution de la canne sucrière ou de la banane par une culture énergétique ne sera que très partielle, au plus 3 000 ha de canne fibre pour alimenter deux unités d'une dizaine de MW, à comparer à 13 000 ha de canne à sucre et 2 500 ha de banane. Les interlocuteurs du monde agricole, Président de chambre d'agriculture, Président de syndicats d'intérêt collectif agricole (SICA) cannière, Président de Safer, rencontrés par la mission, ont semblé très ouverts au contraire sur cette diversification énergétique offrant de nouvelles garanties à la profession. Avec la fin des quotas, le marché est à l'avantage des betteraviers par rapport aux producteurs de canne. En conséquence on peut anticiper un repli de quelques milliers d'hectares de la sole cannière, la filière se recentrant sur le débouché exclusif du sucre non raffiné et des sucres bio ou IGP (Marie-Galante). Il pourrait y avoir substitution, sans impact sur l'emploi agricole, de la canne à sucre par de la canne énergétique sur les surfaces intéressantes ayant un fort rendement matière et un faible rendement sucrier, comme celles de la région de Capesterre qui seront proches de l'usine électrique alors qu'elles sont les plus pénalisées par le transport vers la sucrerie du Moule sur Grande Terre. Les rhumeries, comme en Martinique, peuvent également se développer aux dépens de la production de sucre. 6.3.5 En conclusion
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Les ressources en biomasse de la Guadeloupe pour produire de l'énergie sont limitées, en particulier par le statut de conservation de sa forêt et sa faible superficie agricole. CSR et déchets ligneux divers représentent avec la bagasse tout au plus 30 MW de potentiel en base. La canne fibre apparaît comme un potentiel en biomasse exploitable à un coût socio-économique très intéressant compte tenu de son fort contenu en emploi (1 emploi pour 450 t de canne fibre) et de son potentiel de substitution progressive à des cultures d'exportation (banane, canne sucre) menacées car très dépendantes de subventions nationales et européennes. Ce scénario a été étudié par le programme "REBECCA. Grâce aux très forts rendements de la canne fibre, cette substitution pourrait se faire en réalisant des économies pour les finances publiques (chapitre 3.5) et sans perte de revenu ni d'emploi pour le secteur agricole et logistique (les emplois en sucrerie représentent un faible pourcentage du total de la filière). Le chiffrage des avantages écologiques (impact CO2) et socio-économiques (création d'emploi, subventions agricoles ou coût de RSA évité) de cette source de biomasse cultivée la rend compétitive par rapport au charbon et quasiment compétitive avec le fuel lourd (cf. 3.1).
Une première étape, d'ici à 2023, dans une optique volontariste de décarbonation du mix, pourrait consister, d'une part, à favoriser la substitution du charbon pour des pellets importés dans les unités existantes d'Albioma et, d'autre part, à lancer la filière canne fibre par la programmation d'une ou deux centrales d'une dizaine de MW en Basse Terre (type projet Quadran), qui concernerait au plus 3 000 ha de SAU (environ 800 emplois agricoles). Une deuxième étape pourrait être franchie à l'horizon 2030 par la substitution d'une partie des pellets importés par de la canne fibre, à condition de pouvoir mobiliser des terres sous-exploitées ou en friche
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées et de résoudre l'adaptation des unités industrielles existantes à la canne fibre (humidité et caramélisation des résidus sucrés). L'importation de pellets semble incontournable de façon à permettre le fonctionnement continu des centrales biomasse. En effet, la canne fibre est un intrant volumineux et difficile à stocker et sa récolte ne pourra pas avoir lieu sur un bon tiers de l'année en raison des difficultés d'accès des machines sur les parcelles. Il en est de même pour compléter l'approvisionnement au démarrage de la filière.
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LA REUNION
La mission ne s'est pas rendue dans ce territoire mais a procédé à une consultation des services administratifs locaux (SGAR, DEAL, DAAF, Ademe) engagés dans la révision de la PPE. La Réunion est une île volcanique de 2 512 km2 et a une densité de population de 330 habitants par km2. La population (841 000 habitants en 2013) est projetée en augmentation par l'Insee quel que soit le scénario considéré (+ 15 % sur 2013/2030 dans la projection centrale). La forêt occupe de l'ordre de 40 % de la superficie de la région mais celle-ci n'est que très faiblement exploitée et ne peut constituer une source significative de bois énergie. La surface agricole utilisée par les exploitations agricoles (SAU), de l'ordre de 42 000 ha, comprend environ 75 % de surfaces cultivées, dont 23 000 ha en canne à sucre. La production de sucre constitue la principale activité d'exportation, mais au prix d'importantes subventions européennes et nationales. Le territoire comprendrait environ 50 000 ha de landes et de friches probablement difficilement mobilisables pour une production énergétique. La demande électrique, qui s'élève à près de 3 000 GWh/an en 2016, est caractérisée par une faible variabilité saisonnière et une courbe de charge journalière présentant deux pointes de consommation à midi et le soir, dont l'importance relative dépend de la saison (ainsi la pointe du soir est supérieure à la pointe de midi pendant l'hiver austral). Le bilan prévisionnel établi par EDF-SEI table sur une croissance de la consommation électrique de 1,3 % à l'horizon 2023 (1,1 % sur 2023/2033) dans le scénario de maîtrise de la demande d'électricité (MDE) renforcée. Le système de production électrique (puissance installée d'environ 850 MW en 2016) est assez diversifié avec en base, les centrales charbon/bagasse d'Albioma (210 MW) et des centrales électriques à fioul lourd (moteurs diesel) d'EDF (211 MW mis en service en 2013), complétées par des turbines à combustion (80 MW) pour satisfaire la demande de pointe (notamment en hiver) et environ 140 MW de puissance hydraulique (fournissant 16 % de la production). Pour ce qui concerne les autres énergies renouvelables (EnR), on note le développement important du photovoltaïque (187 MW crête, 8,8 % de la production électrique totale) et une présence encore faible de l'éolien (15 MW installés). Le mix électrique reste dominé par les énergies fossiles et confronté à de fréquents aléas climatiques (cyclones).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées La production d'électricité à partir de bagasse est réalisée dans les deux unités d'Albioma, situées à proximité des sucreries de Bois-Rouge et du Gol. Elle représente 18 % de la production totale de ces unités (environ 8,5 % de la production totale d'électricité). Dans le scénario de maitrise de la demande d'énergie renforcée, des besoins en capacités nouvelles de pointe apparaîtraient dès 2019 (20 MW), puis encore de 40 MW vers 2021/2023.
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7.1 Les objectifs EnR de l'actuelle PPE
La PPE 2015/2023 a été validée par décret le 12 avril 2017. Sa révision est déjà engagée. La région n'a pas de compétence énergie, mais joue un rôle économique très actif dans le développement durable de son territoire qui a, de ce point de vue, une longueur d'avance sur les autres DOM. On peut citer le pôle de compétitivité Qualitropic qui soutient les activités de R&D sur la valorisation énergétique et biochimique de la canne à sucre et de la canne fibre. La PPE prévoit un développement important des EnR sur la période 2018/2023, notamment en matière de photovoltaïque, de biomasse et de valorisation énergétique des déchets. Tableau 13 : Programmation pluriannuelle de l'énergie à la Réunion.
Source : PPE
Si le solaire photovoltaïque dispose d'importantes marges de progression, en revanche, l'éolien ne se développe que lentement, au ralenti depuis plusieurs années, comme dans les autres îles, la loi littoral étant utilisée pour contrer les implantations de projets éoliens sur la frange côtière. De même qu'en Martinique et Guadeloupe, EDF a fait renouveler en 2013 les moyens thermiques existants au fioul avec une forte augmentation de puissance installée (toutefois il s'agit de batteries de moteurs diesel mobilisables séparément), dont le facteur de charge diminuera progressivement avec
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées le développement des EnR. Avec les installations d'Albioma en plus, la stabilité du réseau électrique parait bien assurée.
7.2 Place de la biomasse : un objectif ambitieux de substitution des énergies fossiles
Les travaux sur le schéma régional biomasse (SRB) ont été initiés en juin 2017. Des documents préliminaires (État des lieux, Document d'orientation) ont été produits fin 2017. On y trouve une première estimation du gisement potentiel de déchets et sous-produits des secteurs « urbain et collectivités », « industrie » et « agricole » d'une part, et de biomasse forestière (exploitation du bois et connexes de scierie, à hauteur de 6 000 tonnes de MS ou 30 GWh thermique), d'autre part. Le gisement total s'élèverait à 500 GWh/an thermique (dont 200 GWh pour les pailles de canne), soit de l'ordre de 125 GWh/an d'électricité. Une étude d'avant-projet réalisée par l'ONF pour Albioma en février 2018 fait état d'un gisement de bois énergie de 55 000 t/an, dont 10 000 t/an de coproduits de l'exploitation forestière, 40 000 t/an de coproduits de l'entretien des espaces naturels et 5 000 t/an de coproduits issus de la lutte contre les espèces invasives. Ce gisement semble pour une bonne part déjà inclus dans l'estimation réalisée dans le cadre des travaux du SRB. La filière de traitement des déchets, qui repose aujourd'hui massivement sur la mise en décharge, pourrait s'orienter vers la production de 200 000 t/an de combustibles solides de récupération (CSR) (130 000 t/an par le syndicat de traitement Ouest et Sud et 70 000 t/an par le syndicat de traitement Nord et Est) qui ferait l'objet d'une valorisation énergétique correspondant à une production d'électricité de 180 GWh/an (soit une puissance en base de 22 MW)65. Cette valorisation électrique peut se faire dans des unités dédiées ou dans les centrales électriques d'Albioma, moyennant des investissements qui ne comprendraient pas les équipements en aval de la chaudière à CSR (turboalternateurs, système de condensation, poste d'évacuation de l'électricité...). Cette seconde option serait moins coûteuse d'un point de vue socioéconomique et contribuerait à la substitution du charbon par une source d'énergie locale. En retenant l'estimation préliminaire d'investissement pour une centrale dédiée réalisée par le syndicat de traitement Ouest et Sud et en tablant sur une économie de 30 % par rapport à ce montant dans l'option Albioma, le coût de production socioéconomique de l'électricité serait égal à 160 /MWh en retenant un coût nul du CSR et de 90 /MWh en retenant un coût négatif du combustible solide de récupération de 65 /t (correspondant au coût évité de la mise en décharge, hors prise en compte de la taxe générale sur les activités polluantes). Le tonnage de CSR disponible pour une valorisation énergétique devrait diminuer dans le temps sous l'effet du plan de réduction des déchets à la source décidé par la région, malgré la croissance attendue de la population. La substitution du charbon dans les deux centrales charbon/bagasse d'Albioma (210 MW) porterait sur un volume d'électricité d'environ 1 200 GWh/an, soit 4 800 GWh/an thermique. L'utilisation du
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Les éléments d'informations utilisés dans cette section sont tirés du rapport du CGEDD « Gestion des déchets sur l'ile de La Réunion », juin 2018.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées gisement précédent identifié, incluant le combustible solide de récupération, correspond à 1 200 GWh/an thermique : il resterait donc à trouver 3 600 GWh/an thermique qui correspondent à environ 750 000 t/an d'équivalent pellets de bois ou 2,6 Mt/an de canne fibre à 65 % d'humidité. Par ailleurs, Albioma a mis en service une turbine à combustion de 4 MW au bioéthanol, reposant sur de l'importation en provenance de l'île Maurice qui rend possible l'incorporation d'éthanol produit localement par fermentation, puis distillation des mélasses de sucrerie. Au prix du rhum de sucrerie, les coûts de ces MWh « verts » sont extrêmement élevés selon la CRE et selon les calculs que la mission a pu effectuer. Le contrat d'achat limite fortement le recours à cette turbine à combustion destinée à couvrir les pointes du réseau (jusqu'à 600 h/an). Dans les projections à long terme vers l'autonomie complète vis à vis des énergies fossiles, en 2030, du fait de la limitation probable du potentiel des énergies intermittentes et hydraulique, ce sont les énergies de la mer et la géothermie qui sont susceptibles de limiter le recours à la biomasse dans le mix électrique. Les élus locaux ne ferment pas la porte à des importations de biomasse, même massives. Du fait de la capacité de production électrique existante pouvant être substituée par de la biomasse dans les centrales d'Albioma, et de la surcapacité possible à moyen long terme des moyens thermiques installés à La Réunion, il ne semble pas y avoir beaucoup de porteurs de projets alternatifs d'usine de biomasse. En tout cas, la PPE 2023 n'en fait pas mention et la mission n'en a pas recensé. La mission partage les orientations de l'actuelle PPE en matière de conversion progressive des centrales thermiques d'Albioma à la biomasse. Pour le futur, elle préconise de recourir à de la biomasse locale venant s'ajouter à une large part de biomasse importée. Le coût relativement élevé de la biomasse importée devrait permettre de rentabiliser l'exploitation de nombreux gisements de biomasse fatale.
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7.3 Le rôle de l'agriculture, des cultures de biomasse et les évolutions possibles de la culture de la canne à sucre seront déterminantes pour atteindre les objectifs d'autonomie énergétique.
L'Ademe a étudié pour la Réunion (en cours pour les autres DOM) un scénario 100 % EnR qui repose principalement sur la valorisation des bagasses et de la canne-fibre en tant que culture énergétique. Ce scénario n'est pas un plan d'action, mais un exercice de prospective destiné à éclairer les décideurs. En plus de la valorisation des déchets combustibles ou méthanisables facilement ou plus difficilement mobilisables sur le territoire (boues de station d'épuration, déjections animales des porcs et des bovins, gaspillage alimentaire, rebuts divers), ce scénario joue sur trois leviers : - la conversion progressive des variétés actuelles de canne à sucre cultivées à La Réunion vers des variétés ayant un contenu en fibre supérieur à 20 % (au lieu de 13 % actuellement) sans perte de teneur en sucre, et l'augmentation significative (+ 20 %) des rendements à l'hectare permettant de disposer de volumes conséquent de bagasse supplémentaire à surface cultivée constante (passer de 450 000 t à 600 000 t de MS) ; - la culture de canne fibre sur des terres en friche estimées à 10 000 ha récupérables (potentiel : 500 000 t de MS soit 500 GWh électrique) ;
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées la mobilisation partielle (33 %) des pailles de canne, par ramassage mécanisé au champ ; le gisement potentiel serait considérable (environ 12 t de MS/ha par an dont la moitié pourrait être collectée sans dégrader la qualité des sols66, soit un potentiel de 140 000 t de MS/an pour La Réunion). Le coût de collecte, de réception et de préparation au niveau de la centrale serait compris entre 80 et 120 /t de MS hors rémunération du planteur. La concurrence directe avec l'élevage pour qui la paille est un intrant local intéressant, les difficultés de mécanisation et la nécessité de ne pas compromettre la repousse des cannes67 entament la faisabilité de cette source d'approvisionnement.
Les expérimentations et travaux de recherche associant le Cirad concernant l'amélioration génétique de la canne à sucre et les usages énergétiques ou moléculaires de toutes les fractions de cette biomasse (projet eRCANE) sont en cours depuis longtemps à La Réunion et devraient donner lieu à des développements agricoles (avec TEREOS). La gazéification de la canne fibre est également évoquée comme source majeure de biocarburants dans le futur proche (travaux d'Engie en métropole). Le projet SYPECAR associant également le Cirad et ERCANE, a étudié la faisabilité d'une production d'électricité à partir de cultures énergétiques de canne fibre à La Réunion. Des coûts moyens de production de la canne fibre de 160 à 200 /t de MS (soit de 50 à 60 /t brute) seraient nécessaires pour inciter les agriculteurs à substituer de la canne fibre à de la canne sucrière. On retrouve donc les mêmes ordres de grandeur de coûts que ceux obtenus en Guadeloupe. Reste à déterminer à l'échelle de la Réunion, qui produit 80 % du sucre de canne des DOM, quel niveau de transfert peut avoir lieu entre la production sucrière destinée au raffinage en métropole (non rentable vis à vis des betteraves, malgré les niveaux de subvention accordés par l'Europe et l'État) et la production de canne fibre à visée uniquement énergétique. D'après les éléments fournis par la DAAF de La Réunion, un planteur de canne sucrière a perçu une recette moyenne de 78 /t de canne en 2017, dont 22 /t d'aides diverses au planteur et 56 /t payés par la sucrerie, qui, elle, bénéficie d'une aide à la transformation de 42 /t et de la prime bagasse, prise en charge par la CSPE, de 14,5 /t, soit une aide de 78,5 /t de canne (dont 65 % de subventions nationales et 35 % de subventions européennes). Sur la base d'un rendement de 80 t/ha de canne sucrière, ce soutien s'élève à 6 280 /ha de canne sucrière, dont 4 080 /ha sur le budget national. On peut considérer que les emplois soutenus grâce aux aides versées à la filière canne sucrière sont localisés pour 92 % dans le secteur amont (voir annexe 5). La substitution d'un hectare de canne sucrière conduirait à une économie budgétaire de 3 750 /ha68, et 2 200 /ha de subventions européennes. On peut envisager des économies de plusieurs dizaines de millions d'euros y compris en CSPE. Dans ces conditions, la substitution de canne fibre au charbon dans les centrales existantes d'Albioma présenterait un net avantage socio-économique sur le pellet importé et mériterait d'être privilégiée dans la stratégie régionale; l'écart de coût réel entre les deux combustibles rapporté au MWh est négligeable (165 pour la canne fibre, 150 pour le pellet). Ce scénario implique de demander à Albioma d'étudier techniquement et financièrement sur une première unité la conversion charbon/canne fibre.
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Source : Etude Albioma. Ce problème n'existe pas avant replantation soit une année sur cinq. En supposant que le soutien dont bénéficient les emplois industriels est maintenu. Dont CSPE 1160/ha pour 80t/ha
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Environ la moitié de la production de sucre réunionnaise (de l'ordre de 100 000 t/an) est raffinée en métropole et se trouve en situation de concurrence défavorable par rapport au sucre de betterave, le reste de la production étant valorisé sous forme de sucre roux sur des marchés plus rémunérateurs. La mobilisation en vue d'une production énergétique de la moitié de la sole cannière, conduirait à produire environ 1 Mt/an de canne fibre, soit près de 350 GWh/an, ce qui permettrait de substituer 25 %69 de la production électrique actuelle à partir de charbon par de la biomasse locale, sans perte d'emploi (hors usines à sucre représentant actuellement 500 emplois).
Recommandation n° 11. Au ministère de l'agriculture et de l'alimentation et au ministère de la transition écologique et solidaire : Soutenir, à travers leurs agences et instituts scientifiques et techniques, les travaux de recherche et développement et les expérimentations sur les utilisations énergétiques de la canne (sucrière et fibre), en associant les acteurs industriels, afin d'accélérer l'autonomie énergétique de l'île de La Réunion. Prévoir dans la future PPE une étude technique et financière sur la conversion charbon/canne fibre d'une unité charbon existante.
280 GWh/an déduction faite de la production électrique actuelle à partir de bagasse.
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MAYOTTE
Mayotte est une île située dans l'hémisphère sud, entre l'Afrique et Madagascar et s'étend sur près de 376 km2. Elle comptait selon le dernier recensement Insee de 2012, 212 645 habitants très inégalement répartis sur le territoire, principalement concentrés sur la bande littorale du nord-est (90 % de la population) et sur la Petite Terre, avec une densité de population très élevée. Ce territoire connaît une réelle croissance économique et démographique et fait face à des flux migratoires importants. Les besoins de développement d'infrastructures (logements, équipements des ménages) se traduisent dans l'augmentation de la demande d'électricité observée ces dernières années (et de la pointe électrique), en dépit d'actions incitatives en faveur de la maitrise de la demande d'électricité mises en place depuis plus de 13 ans. L'île qui était depuis le 31 mars 2011 un département et une région d'Outre-Mer (DROM) est devenue depuis le 1er janvier 2014 une région ultrapériphérique de l'Union européenne, éligible aux fonds européens. Mayotte ne dispose pas de compétence propre en matière d'énergie mais, en tant que zone non interconnectée, elle est tenue en application de l'article 203 de la loi TECV d'élaborer une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
8.1 Les objectifs de l'actuelle programmation pluriannuelle de l'énergie (2016-2018/2019-2023)
La première PPE de Mayotte a été publiée le 22 avril 2017. Comme dans les autres zones non interconnectées, ce texte prévoit d'engager ce département sur la voie de l'autonomie énergétique et envisage un ambitieux plan de développement des énergies renouvelables alors qu'aujourd'hui le mix électrique de Mayotte est dominé par les énergies fossiles : 94,4 % d'énergies fossiles et 5,6 % d'EnR, principalement du photovoltaïque (situation fin 2015). Mayotte est très dépendante de l'importation des hydrocarbures dont l'usage se répartit à 40 % pour la production de l'électricité et 60 % pour le secteur des transports : le coût de production de l'électricité est de fait supérieur à celui de la métropole et se situait selon la CRE en 2013 à hauteur de 371 /MWh. Le différentiel entre le coût de production et le prix de vente de l'électricité est pris en charge par la CSPE. La production électrique est aujourd'hui assurée par 17 moteurs diesel répartis sur l'ile de petite Terre (centrale des Bandamiers) et l'autre sur la Grande Terre (centrale de Longoni) et des installations photovoltaïques sans stockage à hauteur de 13 MWc. Compte tenu du déclassement de la centrale des Bandamiers en 2024, la PPE identifie un besoin de puissance supplémentaire de 44 MW d'ici la fin de 2023 et de 22 MW supplémentaires à l'échéance de 2028. La PPE préconise de couvrir une partie de ce besoin par un projet de centrale biomasse de 12 MW qui pourrait recourir pour son approvisionnement sur une part substantielle d'importation du combustible, ainsi que par un projet d'installations photovoltaïque avec stockage (11 MWc), le reste étant couvert soit par une centrale fonctionnant au fioul léger ou au gaz de pétrole liquéfié. La PPE indique qu'en cas de retard ou impossibilité de réaliser les capacités aux moyens d'EnR alors l'intégralité des besoins pourrait être couverte par les moyens fossiles.
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8.2 La réalisation d'une future centrale biomasse exigera de recourir à l'importation
La mission ne s'est pas rendue dans ce territoire mais a procédé à une consultation de l'ensemble des services administratifs locaux (SGAR, DEAL, DAAF, Ademe) qui ont entamé depuis la fin de l'année 2017 la révision de la PPE avec l'objectif d'aboutir d'ici la fin de l'année. Le projet de centrale biomasse semblerait constituer une piste sérieuse d'étude pour les services de l'État dans la mesure où désormais le porteur initial du projet (Albioma) aurait à nouveau manifesté auprès des services son intérêt à poursuivre son projet et de le voir aboutir d'ici 2022-23. De plus, une autre société pourrait aussi être intéressée par ce projet. Le potentiel d'approvisionnement en biomasse locale est en cours d'estimation par les services. La ressource en déchets verts serait très limitée (au maximum de l'ordre de 2 000 t par an), de même que les éventuels déchets liés à l'exploitation forestière ou à la récupération de boues de station d'épuration, soit au total un maximum de 5 % de l'approvisionnement de cette future centrale. En conséquence, la concrétisation de ce projet reposerait uniquement sur un schéma d'importation du combustible, de type des pellets, comme pour la centrale de Galion 2 en Martinique. Les élus locaux ne seraient pas opposés sur ce territoire au principe même de l'importation de bois ou pellets, mais au contraire favorables à l'émergence d'une autre source d'énergie dans le mix du territoire. De même, les associations environnementales qui assistent aux travaux en cours sur la future PPE n'auraient pas fait connaître leur opposition sur ce sujet. Pour apprécier l'intérêt économique de moyens de production électrique à partir de biomasse (pellets importés pour l'essentiel compte tenu des faibles possibilités de production locale de biomasse), il convient de les comparer à de nouvelles centrales avec des moteurs diesel à partir de leur coût complet de production. Sur la base d'un coût de production au fioul déduit des références guyanaises (230 à 300 /MWh), le prix d'opportunité socioéconomique des pellets se situerait dans une fourchette de 130 à 220 /t (pour une unité d'une dizaine de MW), soit une filière proche de la rentabilité du point de vue de la collectivité (coût actuel des pellets de 180 /t rendu usine).
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CGEDD
Jean-Jacques BECKER Ingénieur général des ponts des eaux et des forêts
CGE
Jean CUEUGNIET Ingénieur général des mines
CGAAER
François COLAS Inspecteur général des services vétérinaires
Florence TORDJMAN Inspectrice générale de l'administration et du développement durable
Michel VALLANCE Ingénieur général des ponts des eaux et des forêts
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ANNEXES
9.1 Annexe 1 : Lettre de mission
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9.2 Annexe 2 : Liste des personnes rencontrées ou consultées
Élus Sénateur de Guyane : M. Georges Patient Administrations Cabinet Ministère de l'agriculture et de l'alimentation : Vincent Abt Cabinet Ministère de la transition écologique et solidaire : Xavier Ploquin Cabinet Outre-Mer : Yohan Wayolle CGAAER : François Colas-Belcour CGEDD : Sylvie Alexandre, Bernard Buisson, René Cornec, Catherine Mir Ministère de la transition écologique et solidaire / DGEC : Virginie Schwarz, Pierre Fontaine, Olivier de Guibert Ministère de l'agriculture et de l'alimentation / DGPE : M. Alain Joly, délégué ministériel, Sylvain Réallon, Frédéric Granger, Léa Moliné, Claire Morlot Ministère de l'économie, des finances, DGE : Elodie Boudoin Ministère de l'économie, des finances, de l'action et des comptes publics /DGFIP : Édouard Marcus (chef de service fiscalité), M. Philippe Bourreau (chef de bureau DGFIP) Ademe : Remi Chabrillat, Guy Fabre, ONF Paris : Benoît Fraud, Patrick Falcone Commission de régulation de l'énergie : Catherine Edwige, Christophe Leininger, Cybèle Mollaret FNE : Adeline Favrel (chargée de mission forêt), Julie Marsaud (coordinatrice forêt) Entreprises Albioma : Fréderic Moyne (DG), David Agid, Pascal Langeron Voltalia : Gautier Le Maux, Mathieu Poupard EDF/ SEI : Christian Gosse, Fabrice Beck, Gherardi Claire Marie Société forestière de la CDC : Gilles Seigle, Jean Michel Servant CDC : M Hoffman, Dominique Mirada (Directeur des Outre-mer) Syndicat des EnR : Samy Engelstein, Jérôme Billery (DG Quadran) Vidéo -conférences avec les services de l'État et cellules biomasse : Mayotte Joël Duranton (DEAL), Bertrand Wybrecht (DAAF adjoint), Arnaud Benoît (SGAR, chargé de mission), Abdelaziz Ait Ichou (DEAL) Ademe : Fourtin, Antoine Coutine
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Martinique François Martin (DIECCTE), Romain Cadot (DEAL), Juliette Mouche (DAAF) Patrick Bourven (Directeur DREAL) La Réunion François Bellouard (SGAR adjoint) Benoît Herlemont (SGAR adjoint), Jérôme Dulot Personnes rencontrées en Guyane entre le 11 et 18 juin 2018 : Elus Hélène Sirder, Vice- Présidente Collectivité territoriale de Guyane (conférence téléphonique) Administrations Préfet : Patrice Faure SGAR : Yves Marie Renaud (SGAR adjoint), Florent Taberlet DEAL : Eric Vallée, Yann Sauvale DAAF : Gladys Bernard Cellule Biomasse : Hervé Moinecourt Etablissements publics Établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane : Boris Rotsen, Patrice Pierre Ademe : Suzanne Pons, Pierre Courtiade Grand Port Maritime : Lemoine Philippe (DG) ONF : Éric Dubois (directeur), Laurent Descroix, Sébastien Peillet, Ugo Coste CNES : Didier Faivre (Directeur) Établissements de recherche CNRS / Cirad : Jacques Beauchêne, Bruno Clair, Aurélie Autissier Entreprises EDF SEI : Augusto Soares dos Reis Interpro-bois : Grégory Nicolet Voltalia :Gautier Le Maux, Mathieu Poupard Société Forestière Amazonia : M. Nicolet Grégory Solicaz : Elodie Breunstein (DG) GDI Forest initiative : Etienne Vernet Société de conseil : Pierre Biava SEFEG : Hendrik Vemper (DG), Luc Bourdette (responsable exploitation), Jean Bernard SIMA PECAT : Stéphane Guerrere Akuo energy : Olivier Kremer (DG) MIA : Stéphane Maillet Verso consulting : Antoine Malik Madoui ONG WWF : Philippe Thibault Sepanguy : Rémi Giraud
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Personnes rencontrées en Guadeloupe du 12 au 20 juin 2018 Elus : Conseil régional Guadeloupe : Maguy Celigny (Vice-Présidente), Julien Laffont, Régis Desbonnes, Jérôme Dancoisne, Nicolas Pouget (EXPLICIT) Communauté de communes de Marie Galante : Mme Etzol (par téléphone) Administrations Préfet : Philippe Gustin SGAR : Mme Aurore Le Bonnec DEAL : Jean François Boyer (Directeur régional), Nicolas Rouget (DEAL adjoint) DAAF: Vincent Faucher (Directeur) Organismes professionnels Chambre d'agriculture : Patrick Sellin, Président Safer : Rodrigue Trèfle, Président, Yannick Boc Syndicats d'intérêt collectif agricole (SICA) de Marie Galante, SICA de Basse terre Etablissements de recherche Inra : Jean Marie Blazy Entreprises : EDF SEI : Jean Gabriel Faget Energreen : Michel Salgon, Jacques Simonnet Quadran Caraïbes: Manuel Vieille Grosjean (Directeur), Anna Lafont Personnes rencontrées en Martinique du 12 au 20 juin 2018 Elus : Collectivité territoriale de Martinique : Louis Boutrin (Vice-Président développement durable), Mme Pauletti, M. Villeron, M. Fannis Assaupamar : Joël Joseph-Merelix (Président) Administrations : DEAL : Patrick Bourven (Directeur), Nicolas Fourrier Douanes: Nadine Mollard (Chef du pôle action économique), Sophie Pivert Etablissements publics Ademe : Charlotte Gully ONF : Pierre Very (Directeur) Entreprises Avea energy : Jean Pierre Croisy, PDG SARA : Philippe Guy (DG), Henri Roche SEEN (concessionnaire traitement des déchets) : Lilian Fanget (DG), Denis Saint-Pe Albioma Antilles Guyane : Nicolas de Fontenay, DG Mathieu Jeannesson (Directeur approvisionnement Antilles et staff de l'usine Galion2) Rhumerie Saint James: Jean Claude Benoit (Directeur de la distillerie), Daniel Rapaille
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9.3 Annexe 3 : Le bilan carbone de la forêt
Généralités sur le bilan carbone de la biomasse Les études du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) montrent que la quantité de carbone stockée dans l'atmosphère ne représente qu'une faible partie du stockage total de carbone, inférieure à celle stockée dans les forêts (biomasse et sol), ce qui conduit à être vigilant dans l'exploitation de la forêt.
Figure 3 : Réservoir de carbone mondial (hors océan) en Gt de carbone. La forêt en climat tempéré Le bilan carbone de la biomasse est généralement considéré comme neutre dans les pays développés aux latitudes tempérées, dans la mesure où la plante absorbe du CO2 dans sa phase de croissance et le carbone est ensuite relâché lors de la combustion de la biomasse70.
Figure 4 : Évolution des stocks de carbone des réservoirs de carbone du sol, de la biomasse et de l'atmosphère dans le cas d'un boisement (gauche) ou d'un déboisement (droite). La durée indiquée de 20 ans correspond au cas d'une forêt en climat tempéré, et non à la forêt primaire71.
71
Etude ONF- ADEME (fig 26): Production de bois-énergie sur un massif forestier dédié à cette vocation en Guyane. Etude de cas en forêt de Balata Saut Léodate, Hervé Quezel et al, 2011. 71 Etude ONF- ADEME (fig 26): Production de bois-énergie sur un massif forestier dédié à cette vocation en Guyane. Etude de cas en forêt de Balata Saut Léodate, Hervé Quezel et al, 2011.
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Le bilan est aussi neutre pour les cultures énergétiques que l'on peut faire sur un sol nu au départ. La quantité totale stockée (végétation + sol) augmente avec l'âge des peuplements (quelques t de carbone/ha au début du peuplement jusqu'à plus de 100 t en fin d'évolution) et avec le type de plantations (45 t de carbone/ha pour le Douglas, environ 85 t de carbone pour le hêtre ou le sapin), ceci pour la France métropolitaine. La forêt guyanaise Le stock de carbone dans une forêt naturelle atteint une valeur limite : les forêts très âgées non exploitées ne sont plus en croissance et leur métabolisme respiratoire rejette autant de CO2 que leur métabolisme photosynthétique en absorbe. Une étude du Ministère de l'agriculture de 2006 indique que la forêt primaire guyanaise contient environ 165 tC/ha (soit 350 t Matière sèche - MS) de végétation aérienne, plus 95 tC/ha de nécromasse (litière, arbres morts) et de racines et matières organiques du sol, soit 260 tC/ha. L'Ademe propose des valeurs nettement inférieures et considère que la destruction de la forêt primaire libère le carbone stocké dans la biomasse et le sol avec les ordres de grandeur suivants (une tonne de MS contient 0,475 t C) : la forêt tropicale contient au départ 200 t de carbone/ha, c'est-à-dire 123 tC /ha de biomasse aérienne (241,5 t de MS/ha de biomasse plus 18,5 t MS/ha de nécromasse) et 77 t C dans le sol. Les études sur le bilan carbone de l'exploitation de la forêt guyanaise Les types d'exploitation mis en place ou envisagés en Guyane (voir chapitre 4) sont les suivants. - La coupe pratiquée actuellement par l'ONF (EFI : exploitation à faible impact) ne prélève en moyenne que les cinq plus beaux arbres à l'ha soit 25 t/ha emportées (14 t MS). L'exploitation peut sans doute être considérée comme neutre en carbone, le rythme de régénération étant voisin de celui de la coupe. Les dégâts collatéraux et les houppiers laissent environ 42 t MS de nécromasse qui va lentement se transformer en CO2 (demi-vie de 10ans). - Une expérimentation conduite par l'ONF et l'ADEME en 2011 a consisté à exploiter une surface de 12 000 ha dans la forêt de Balata / Saut-Léodate, ayant un potentiel de production de 1 600 000 t de bois sur 25 ans, dans le cadre du protocole suivant : définition de 25 parcelles, exploitées tous 25 ans ; prélèvement sur chaque parcelle d'environ 40 tiges/ha (120 m3/ha pour la première coupe et 100 m3/ha pour les suivantes), soit donc une production annuelle nette moyenne de 4 à 5 m3/ha. La récupération comme biomasse énergie du bois mort laissé sur place après l'EFI ou une coupe sélective a un bilan neutre et est évidemment intéressante sur le plan carbone (mais elle l'est rarement sur le plan économique). L'ONF a analysé de manière détaillé le bilan carbone de l'exploitation (création des pistes, carburant consommé pour la coupe et pour le transport...) et de la transformation du massif forestier dans le cadre d'une exploitation sur 100 ans (4 rotations de 25 ans) ;
Forêt naturelle Biomasse(t MS) 403,7
Forêt exploitée en bois énergie 226,1
Bilan - 177,6
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Nécromasse (t MS) Total (t MS) Equivalent Carbone (t C)
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18,5 422,2 200,5 24,7 250,8 119,1 + 6,2 -171,4 - 81,4
Source : Contenu Carbone de la forêt (Tableau extrait de l'étude ONF-ADEME)
Figure 5 : Répartition des émissions de carbone calculées sur le cas d'étude de Balata / Saut-Léodate intégrant la diminution massique du couvert forestier.
Figure 6 : Répartition des émissions de carbone calculées sur le cas d'étude de Balata / Saut-Léodate hors diminution du couvert forestier. Sur 100 ans, le bilan est de 1,05 tonne de CO2 émise par tonne de matière sèche produite. Suivant les ratios de conversion de l'étude72, on arrive à 883 g de CO2 par kWh électrique, valeur voisine de celle du fioul (828g). A la lumière de ces résultats, l'ONF propose un mode d'exploitation optimisé avec moins de casse lors des récoltes et avec l'utilisation d'un porteur à la place d'un « skidder ». Le gain est assez sensible, conduisant à une réduction de 35% de la dette carbone et donc un coût CO2 de 557 g/kWh au lieu des 883 g initiaux
L'étude ONF/ ADEME conduit au tableau suivant sur la base des 12 000 ha considérés.
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Ratio de 0,8366 t MS par MWh électrique, soit environ 1,6 t de bois à 45% d'humidité
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Commentaires de la mission : Le choix d'un calcul sur 100 ans a un sens mais reste néanmoins arbitraire. L'Ademe le justifie par une référence à « une durée généralement considérée du carbone dans l'atmosphère » qui n'a qu'un rapport éloigné. Le tableau ci-après montre que cette durée d'exploitation est primordiale dans le calcul : on détruit un capital initial pour avoir ensuite une exploitation vertueuse, mais la première conséquence est le relâchement dans l'atmosphère (sur 25 ans dans l'exemple73) d'une grande quantité de CO2. les surfaces forestières proches du littoral ont déjà été exploitées ou défrichées partiellement, puis laissées à l'abandon. Leur contenu carbone n'est plus celui d'une forêt primaire : on peut sans doute estimer qu'il est réduit de 25 à 33% (inventaires ONF). Un autre type d'exploitation forestière de ces surfaces de la bande littorale que dans le massif forestier permanent constitue donc une piste à privilégier.
-
Si on garde la durée de 100 ans d'exploitation, avec le modèle optimisé ONF appliqué à la bande littorale, le kWh électrique ne dégagerait que 438 g de CO2 par kWh, nettement moins que le fioul74. Il faut donc une cinquantaine d'années d'exploitation pour que la production d'électricité à partir de bois dégage un bilan CO2 positif par rapport à la solution fioul.
73
Le protocole prévoit l'exploitation successive de 25 parcelles (une par an) instaurant un régime permanent au bout de 25 ans
74
Cette valeur est voisine de celle qu'on obtiendrait avec le modèle ONF/ ADEME initial mais sur une durée d'exploitation de 200 ans.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau 20 : Bilan carbone selon la durée d'exploitation sur le cas d'étude de Balata / Saut-Léodate. 100 ans 100 ans Durée exploitation 1 an 100 ans ONF 200 ans mission optimisé Coût destruction forêt primaire (tC) 81,4 81,4 48,3 36,2 81,4 Coût construction routes (tC) 4,4 4,4 4,4 4,4 4,4 Coût exploitation forestière (tC) 1,2 4 4 4 7,8 Total tonnes de C/ha 87 89,8 56,7 44,6 93,6 Bois produit (t de MS) 90 312 312 312 608 Coût tC/ t bois utile 0,967 0,288 0,182 0,143 0,154 Cout t CO2/ t MS utile 3,544 1,055 0,666 0,524 0,564 Coût g de C/kWh électrique 809 241 152 120 129 Coût g de CO2/KWh électrique 2965 883 557 438 472 * Hypothèse reprise de l'étude de 0,8366 t MS (soit environ 1,6 t bois) par MWh électrique Gisement envisageable de la défriche agricole. On peut voir sur la figure suivante du CITEPA que 5,5 Mt de CO2 sont dégagées annuellement en raison du déboisement (souvent illégal) de la forêt guyanaise, ce qui signifie qu'il y avait là un gisement de biomasse récupérable sur près de 7 000 ha par an. Aujourd'hui, le rythme de défriche s'est réduit à environ 3000 ha/an, soit des émissions de 3,6 Mt CO2/an.
Figure 7 : Histogramme des émissions de gaz à effet de serre dues aux déboisements, données par Région pour les années 2008 et 2009 (source : CITEPA / MEDDTL inventaire CCNUCC). Nota : Certains peuvent s'étonner que le bilan carbone soit si mauvais pour l'exploitation de la forêt primaire, alors qu'il est considéré comme neutre pour celle de la forêt tempérée. L'explication tient à un changement d'état, la forêt pour "pousser" de manière optimale ayant besoin d'une réduction du stock de bois à l'ha, et du fait du rythme de croissance (4 à 15 t MS/ha/an selon les espèces et les milieux), la succession de coupes à intervalles réguliers aboutit à un stock moyen réduit, équivalent à un déstockage de CO2 par comparaison à une forêt inexploitée. A l'inverse, une forêt inexploitée finit par ne plus stocker de CO2 (gains = pertes par mortalité et décomposition), voire à déstocker sous l'effet du changement climatique et des accidents naturels (ouragans, incendies, attaques parasitaires ou dépérissements de grande envergure).
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Figure 8 : Contenu en carbone des réservoirs sol et végétation en forêts tropicale et tempérée. Source Club carbone forêt Bois www.cdeeclimat.com d'après données GIEC 2000. (Il faut diviser par 3,66 pour avoir des valeurs en t de carbone/ha).
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9.4 Annexe 4 : Mix électrique des différents DOM étudiés (extraits des PPE des DOM concernés).
Guadeloupe
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Martinique
La Réunion
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La Guyane
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9.5 Annexe 5 : Détail des éléments de cadrage économique présentés dans le rapport
[.....]
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9.6 Annexe 6 : Coûts de fourniture du bois énergie en Guyane :
Les différentes filières évoquées dans le rapport peuvent être évaluées au plan économique ce qui permettra d'éclairer le débat sur les tarifs proposés par la Commission de régulation de l'énergie et sur lequel existent de larges divergences entre acteurs suivant leur position. 1 - Coûts estimés de la défriche agricole Cette activité de récupération de la biomasse fatale est peu développée à ce jour, alors qu'elle permettrait de valoriser à la fois le bois d'oeuvre et le bois énergie. On a indiqué plus haut que la part du bois d'oeuvre était relativement réduite (20 t/ha). Dans la décomposition des prix donnée en 4.5.1, on économise le prix de 26 payé à l'ONF (puisque l'ONF ne touche actuellement rien sur la défriche) et une grande partie des autres coûts (cubage, routes, pistes, transport), conduisant à un prix de revient d'environ 40 /t (pour un bois que la scierie est susceptible d'acheter une centaine d'euros). On estime pouvoir récupérer 200 t/ha de connexes d'exploitation (bois énergie) valant de l'ordre de 90 /t en incluant le broyage, si on suit les accords de Cayenne. Néanmoins, la mission considère que les accords de Cayenne n'ont pas lieu de s'appliquer pour la défriche agricole pour laquelle il n'y a pas de redevance ONF. La mission considère que par rapport au bois d'oeuvre estimé ci-dessus, le coût de collecte sera plus élevé (car tout le petit bois plus long à manipuler doit être sorti), donc environ 50 /t hors broyage. Ces coûts sont cohérents avec ceux de l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane qui a proposé aux opérateurs de projets biomasse des tarifs de 11 000 /ha pour la défriche (c'est à dire préparation, nivelage du champ, enfouissement du mulch et retrait des souches) en échange du bois dans un schéma où l'agriculteur n'a plus à défricher le champ mais ne touche plus non plus le fruit de la vente du bois. Le prix résultant pour l'usine biomasse serait au maximum de 50 /t environ : hors transport et hors broyage (11 000 pour 220 t). Avec ces hypothèses la centrale biomasse peut récupérer sur la défriche agricole 200 t/ha à un prix de base de 65 /t (..). 2 - Coûts estimés du bois énergie provenant de l'exploitation à faible impact Cette activité existe déjà mais trouve ses limites du fait des coûts de création de pistes et des distances de débusquage, ce qui rend le bois d'oeuvre scié relativement peu compétitif. L'augmentation du nombre de tiges par ha (passer à 7) obligerait les exploitants à prendre des grumes moins belles pour le bois d'oeuvre et augmenterait légèrement le potentiel de bois énergie. On a estimé ci-dessus le potentiel à 100 000 t de bois d'oeuvre associées à 150 000 t de connexes car la récolte de ces connexes à un coût acceptable n'est envisageable que sur les massifs en exploitation à proximité de centrales, avec des frais de transport de bois énergie qui restent modérés (type CACAO, Abiodis).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Suivant les accords de Cayenne, l'exploitation à faible impact conduit à un coût moyen d'approvisionnement pour la centrale biomasse de 80 /t75 dont 10 facturé par l'ONF. 3 - Coûts estimés du bois énergie provenant de plantations pures (TCR), mixtes (bois d'oeuvre + bois énergie) ou de coupes forestières dédiées Les retours d'expérience sur les plantations sont très faibles. Dans le cadre de l'expérimentation ForesTreeCulture2 (Cirad, Inra, ONF) qui concerne de la Bagasse, du Cèdre et du Teck, le coût de plantation se monte à 10 000 /ha, alors que la récolte estimée est de 15 m3/ha.an en moyenne pendant 25 ans (75 % bois énergie et 25 % bois d'oeuvre). En intégrant un supplément de revenu grâce au bois d'oeuvre, le coût résultant de la fourniture du bois énergie reste d'une cinquantaine d'euros par m3, ce qui rend l'exploitation difficilement compétitive. Néanmoins et tout en indiquant que le contexte est différent, l'étude cite également le même type d'exploitation au Brésil (AMCEL AMAPA) avec des coûts 5 fois moindres et des rendements 2 fois plus élevés. L'expérimentation de plantation d'ingas affirme pouvoir fournir du bois énergie à 55 /t en bord de route (soit 70 à 75 avec transport et broyage). Dans un autre projet, le coût moyen de production de bambous est estimé à 66 /t y compris le broyage mais hors transport (faible car micro- centrale à proximité immédiate). Le cas le plus documenté techniquement est celui de l'expérimentation Ademe-ONF sur Balata / SautLéodate de 2011, qui fait état d'un coût de 37 /t (40 2018) pour une mise à disposition du bois en bord de route, donc avant transport et broyage. La vente séparée d'un petit volume de bois d'oeuvre à une scierie pourra financer les créations et entretiens du réseau de pistes à camion sur ces massifs concédés pour 25 ans à un seul exploitant qui ne seront pas équipés par l'ONF. Dans le cadre d'une exploitation en zone littorale donc plus proche des centrales que pour l'exploitation à faible impact, les coûts de transport devraient rester modérés et conduire à un coût de 60 /t pour du bois livré à la scierie ou à la centrale (transport + broyage). Une autre source (...) faisant étant de 75 /t pour l'exploitation d'un massif dédié au bois énergie. 4 - Coût estimé de la biomasse issue des cultures énergétiques (type canne fibre) Pour les plantations à vocation énergétique, un porteur de projet contacté par la mission a fait état d'un coût de 77 /t. Dans les îles avec des structures foncières éclatées, mais des conditions de terrains plus conventionnelles et plus riches qu'en Guyane, mises en valeur selon un modèle de petits planteurs organisés en syndicats d'intérêt collectif agricole (SICA), l'étude économique de l'INRA (projet Rebecca mené avec la société Quadran et le Cirad) donne 40 /t pour la biomasse sur pied et 55 /t pour de la biomasse récoltée, livrée.(conclusions identiques des études à la Réunion) Le projet Quadran de production d'électricité en Guadeloupe à partir de cultures de biomasse repose en amont sur une start-up Energreen qui prévoit un approvisionnement mixte de défriche et de culture énergétique. Cette start-up est aussi associée à d'autres porteurs de projet en Guyane, notamment Voltalia à Iracoubo. Celle-ci a été aidée par le FEADER en Guadeloupe et en Guyane pour développer les références techniques de la multiplication sous serre et de la maîtrise agronomique de cette culture. De même que 10 ha sont présents en Guadeloupe pour être prêts à un déploiement par
75 Pour 100 t de bois d'oeuvre exploité, on dispose de 150 t de bois énergie à 90/t et 60 t de déchets de scierie à 55/t (départ
scierie) soit 65/t livrée. Donc 16 800 pour 210 t de biomasse = 80/t
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées boutures à l'échelle industrielle (mise en service prévue en 2021), un hectare est en place en Guyane (Iracoubo) pour être repiqué l'année prochaine sur 10 ha. On assistera certainement en Guyane à un mode de culture différent basé en partie sur des grandes surfaces attribuées à un seul exploitant ou une société, avec recours à la main d'oeuvre salariée. Le ratio d'un emploi (direct ou indirect) par 500 t de cannes demande à être affiné dans cette configuration totalement différente, sur de moins bons sols à priori. Dans le cas de la Guyane, le foncier et l'exploitation forestière de la défriche ne sont pas les principaux facteurs de coûts, l'essentiel étant dans les difficultés de la récolte liée au terrain : 20 /t pour la récolte + 10 pour le broyage + 10 pour les frais de culture, plantation, soit un coût total estimé à 40 /t. En Guyane, les frais de transport seront réduits (usine au milieu de son foncier) mais compte tenu du climat et des nécessités d'approvisionnement continu, il y a lieu de prévoir certains frais de séchage et de stockage de cette biomasse sucrée, très humide, en plus du broyage. On avoisine effectivement les 50 /t pour un combustible prêt à l'emploi. Compte tenu du pouvoir calorifique inférieur, on trouve des ordres de grandeur de coûts élevés, voisins de 150 /MWh, mais en l'absence de retours d'expérience, il est difficile de donner des éléments plus précis. 5 - Les plantations d'agroforesterie La mission a rencontré plusieurs sociétés intéressées par le développement de ces techniques en Guyane. Il s'agirait de soutenir plusieurs projets pilotes dans différentes régions afin de valider les itinéraires techniques et les cultures les plus adaptées ; le bois apporterait aux agriculteurs des revenus complémentaires à l'élevage pratiqué sur ces terres. . La mission note qu'existent des moyens financiers actuellement inemployés par l'État ou la Collectivité territoriale de Guyane réservés au développement de « pratiques innovantes » (800 000 sont inscrits dans le programme de développement rural de Guyane et inutilisés mi-juin). 6 - L'exploitation du bois immergé de petit saut (projet Triton) Le projet Triton est autonome (exploitation forestière + centrale), les opérations d'extraction sont totalement aquatiques. Ce projet est optimisé dans la mesure où la centrale est en bord de lac, et proche du réseau électrique. Voltalia et Triton sont arrivés à un accord sur la base d'un prix de livraison du bois énergie dans la fourchette basse des différents scenarios d'approvisionnement des centrales biomasse en Guyane. 7 - Le bois importé : 180 /t de pellets, soit 100 /t eq bois à 45% humidité Le bois importé (au moins 100 /t livré usine en PCI équivalent) revient généralement plus cher que la biomasse forestière de Guyane.
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9.7 Annexe 7. Position des acteurs rencontrés en Guyane sur la biomasse
9.7.1 L'ONF et les acteurs des filières agricoles et forestières
L'ONF dispose de 80 agents en Guyane, essentiellement pour l'exploitation du domaine forestier permanent (2,2 millions ha) et pour la surveillance générale partout sur le territoire. La Direction de l'ONF voit surtout la Guyane comme un centre de coûts et évite d'y mettre trop de moyens (la Guyane représente 30 % du domaine forestier français mais 1 % des effectifs de l'ONF). Malgré la recette de 26 /t pour le bois sur pied, l'ONF perd en effet de l'argent en Guyane en raison des frais de repérage, de vérification des coupes, de gestion des pistes, et des activités de surveillance de la zone. Au total sur un budget de 8 M, l'ONF accuse un déficit de plus de 2 M, que le ministère de l'économie et des finances lui demande de réduire. Sur le mode de gestion de l'exploitation à faible impact, les avis sont partagés. L'ONF ne serait pas hostile à une augmentation des rendements (passer de 5 à 7 tiges exploitées à l'hectare, ce qui diminuerait proportionnellement le coût) mais sans expliquer comment il y parviendra avec ses moyens actuels. Les scieurs ne sont pas tous d'accord. Les forêts sont très anciennes avec des bois présentant de fortes contraintes au sciage et plus on sort de tiges de bois d'oeuvre, moins le rendement en bois scié est bon, il y a alors plus de connexes de scierie. Certains affirment même ne pas être certains que dans 65 ans, on aura la même ressource à disposition. La profession du bois reconnaît que le marché du bois d'oeuvre est tiré par le marché local et celui des Antilles, qui représentent 99 % des exports alors qu'il existe des marchés de bois d'oeuvre en devenir (ameublement) sur l'Asie qui achètent du bois scié. La profession aimerait voir se développer le bois d'oeuvre mais n'est pas organisée : l'Interprofession bois n'a apparemment que très peu de relais à l'export. 9.7.2 Les acteurs du secteur de l'énergie
L'Ademe estime qu'une dynamique sur le sujet est enclenchée. Elle est favorable à l'idée de lancer des projets d'agroforesterie ou de plantations de cultures à vocation énergétique adaptées aux conditions du territoire. Elle estime aussi que l'État doit soutenir financièrement les entreprises de la première transformation pour qu'elles investissent en machines-outils (notamment en broyeurs mobiles, camions, etc.). L'Ademe plaide aussi pour que la cellule biomasse soit renforcée sur le plan des effectifs et notamment qu'un profil économique rejoigne celle-ci. EDF affirme être avant tout préoccupée par son rôle de responsable global de la sécurité et de l'adéquation offre-demande et est donc favorable aux projets jugés nécessaires dans le cadre de l'accroissement régulier de la population qui permettent d'assurer la résilience du système. Dans ce contexte, le renouvellement de la centrale de Dégrad-des-Cannes est un enjeu important car son surdimensionnement pourrait obérer les objectifs fixés en matière d'EnR. EDF/SEI soutient le projet Triton mais sera cependant vigilante sur le fait que cette activité future n'engendre pas de nuisances d'exploitation du barrage. Le syndicat des EnR est plus réservé sur la place de la biomasse en Guyane en comparaison du photovoltaïque : les lenteurs d'instruction des premiers dossiers, les coûts de montage des dossiers, et les conditions économiques difficiles aujourd'hui pour exploiter la forêt rendent le syndicat prudent sur la filière en Guyane. Il souhaite une simplification urgente des procédures.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées 9.7.3 Les élus de Guyane et la population
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Les collectivités territoriales apportent leur appui à la production d'énergie à partir de biomasse avec retombées sociales et protection de l'environnement. Les élus sont partagés entre un constat d'humilité (la gestion de l'électricité, c'est compliqué : ce qu'on demande à l'État, c'est de nous fournir une électricité disponible dans tous les foyers) et un regret de ne pas être assez impliqués dans les prises de décisions. Ils insistent sur la lenteur administrative ce qui provoque l'insécurité des projets ainsi que sur une réglementation excessive de la part de la France et de l'Union européenne, source d'insécurité pour les projets. En revanche, ils sont opposés à l'idée d'importer du bois, sauf exception (Mana). Il n'y a pas d'opposition de principe de la part de la population sur l'exploitation forestière. La biomasse doit être créatrice d'emplois, sinon elle n'a pas sa place comme source d'énergie. Elle pourrait apporter une réponse partielle au besoin social. 9.7.4 Les associations de protection de la nature
La mission a rencontré à Paris FNE, qui avait une position étayée mais assez négative vis-à-vis de la biomasse énergie, ainsi qu'une délégation d'associations de protection de la nature en Guyane qui a surtout posé des questions, cherchant peut-être des arguments pour ensuite contrer les projets. Selon FNE, l'exploitation de bois d'oeuvre ne peut se faire que sous un régime de durabilité. La collecte des connexes d'exploitation forestière est proscrite car les sols sont très fragiles et les connexes doivent rester en place afin de protéger les sols. Les nouvelles pistes favorisent l'orpaillage illégal et le braconnage. Les industriels ne compensent jamais et ne sont pas enclins à éviter et réduire leur impact sur la forêt. Les terres agricoles ne peuvent pas servir à cultiver des productions énergétiques encore moins pour les terres nouvellement défrichées qui ont par essence un bilan carbone très négatif. La reconquête de terres dévalorisées est à privilégier. Il est nécessaire de suivre la qualité de l'air des usines électriques. L'importation de bois énergie est à proscrire. 9.7.5 Les établissements de recherche et les experts
La forêt est exploitée de façon très ancienne Il y a des traces de peuplement amérindien à peu près partout : la forêt est modelée par les hommes plus qu'on ne le pensait. Il faut conduire de nouvelles études et faire de la recherche sur les bois utilisables et leur transformation (ameublement par exemple). Il y a des bois de petits diamètres (< 20 cm) méconnus et donc inexploités. Il y a également des richesses d'usages du bois méconnues dans bien d'autres domaines : cosmétologie, insecticide, pharmacie, bois à usages très spécialisés (lutherie par exemple). Les sols sont très pauvres et la pousse très lente. La dimension qualité des sols est très importante. Si on laisse les connexes d'exploitation inférieures à 10 cm de diamètre sur place, on rend au sol ce qui est intéressant, mais des études sont à mener (pédologie, cycle du carbone..). Certains modèles d'agroforesterie en projet n'existent nulle part, et il faut donc passer par des phases de tests. Il faut aussi faire des tests en grandeur nature sur la forêt naturelle comme sur la forêt jardinée. Les représentants du CNRS et du Cirad insistent sur leur manque de moyens et plaident pour un renforcement significatif de ceux-ci.
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9.8 Annexe 8 : Spécificité de l'exploitation de la canne à sucre et du foncier en Guadeloupe
L'exploitation cannière offre cette particularité de pouvoir être exercée avec seulement un peu de foncier, sans siège d'exploitation, sans gros matériel agricole en propre et sans avance des frais de culture et de récolte, grâce au rôle des syndicats d'intérêt collectif agricole (SICA). Tous les travaux peuvent être sous traités à des entreprises de travaux agricoles. Il est notoire en Guadeloupe que de nombreux «planteurs de canne» sont des doubles actifs exerçant une autre activité rémunérée à titre principal. Certains résident même en métropole ou aux États-Unis. D'autres travaillent tellement à l'économie qu'ils obtiennent des rendements catastrophiques ( 50 %). D'autres dans les communes touristiques ou périphériques de Pointe à Pitre laissent leur terre en friche en attendant le changement de plan local d'urbanisme qui permettra de multiplier sa valeur par 200. Les agriculteurs en fin de carrière ne libèrent pas leur foncier et continuent de l'exploiter de cette manière, en « sous-traitance totale ». Cela n'empêche pas de toucher les aides européennes (Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei)) qui sont pratiquement des aides couplées, de soutien au revenu. Cette situation pose un problème pour installer des jeunes autres que des descendants d'agriculteurs. La DAAF essaie d'y mettre bon ordre, ce qui est particulièrement périlleux car cela représente une immense majorité « d'agriculteurs ». De plus environ 700 planteurs sont en fermage dans les 38 groupements fonciers agricoles (GFA) créés par le département de Guadeloupe pour éviter la spéculation foncière. Ces GFA sont en principe dominés par la Société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG) qui détient 60 % des parts et a confié leur gérance à la Caisse régionale de Crédit agricole. Dans les faits ce sont les fermiers propriétaires des 40 % de parts restantes qui gèrent le GFA à leur manière. Les arriérés de loyers seraient très importants ! Des surfaces en fermage sont occupées par des habitations. Lors de l'installation d'un jeune, le GFA tarde très longtemps à obtempérer par la signature d'un bail. La Safer serait en voie d'obtenir la gérance des GFA pour pouvoir enfin mener une politique transparente d'installation. Dans ce contexte, les terres en friche, estimées à environ 10 000 ha, désignées au cadastre après enquête de la Safer et de la DAAF, peuvent difficilement être récupérées. Les rares procédures ayant abouti ont duré 7 ans. Il y a un risque avéré d'effondrement des effectifs d'exploitants agricoles suite à ce régime très dysfonctionnel.
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9.9 Annexe 9 : Liste des abréviations, acronymes et sigles
Abréviation, acronyme, sigle Signification Ademe bl CCNUCC CF CGAAER CGEDD CGEIET Cirad CITEPA CIVE CNES CNRS CRE CSPE CSR CTG CTM DAAF DEAL DFP DGEC DIE DIECCTE DOM Euro Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie baril Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques Canne fibre Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux Conseil général de l'environnement et du développement durable Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique Culture intermédiaire à vocation énergétique Centre national d'études spatiales Centre national de la recherche scientifique Commission de régulation de l'énergie Contribution au service public de l'électricité Combustible solide de récupération Collectivité territoriale de Guyane Collectivité territoriale de Martinique Direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement Domaine forestier permanent Direction générale de l'énergie et du climat Direction de l'immobilier de l'État Direction des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Département et région d'outre-mer
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Abréviation, acronyme, sigle Signification EDF-SEI EFI EnR ENSTIB EPFA FACE FEADER FEDER FNE GES GFA GIEC h ha i. e. ICPE IGA IGF IGP Inra Insee IRD J kg Loi TECV m M MAA MAE MDE MEDEF MS Direction des systèmes énergétiques insulaires d'EDF Exploitation forestière à faible impact Énergie renouvelable École nationale supérieure des technologies et industries du bois Établissement public foncier et d'aménagement Fonds d'amortissement des charges d'électrification Fonds européen agricole pour le développement rural Fonds européen de développement régional France nature environnement Gaz à effet de serre Groupement foncier agricole Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat heure hectare c'est-à-dire Installations classées pour la protection de l'environnement Inspection générale de l'administration Inspection générale des finances Indication géographique protégée Institut national de la recherche agronomique Institut national de la statistique et des études économiques Institut de recherche pour le développement joule kilogramme Loi de transition énergétique pour la croissance verte mètre Méga Ministère de l'agriculture et de l'alimentation Mesures agro-environnementales Maîtrise de la demande en énergie Mouvement des entreprises de France Matière sèche
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Abréviation, acronyme, sigle Signification MTES ONF ONG PAC PCI PDR PEFC PIB POSEI PPE PRFB PRPGD PV RSA RUP Safer SAR SARA SAU SFA SGAR SICA SNBC SRB SRFB STEP t TAC TCR tep TGAP Ministère de la Transition écologique et solidaire Office national des forêts Organisation non gouvernementale Politique agricole commune Pouvoir calorifique inférieur Programme de développement rural Programme de reconnaissance des certifications forestières (Programme for the Endorsement of Forest Certification Schemes) Produit intérieur brut Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité Programmation pluriannuelle de l'énergie Programme régional de la forêt et du bois Plan régional de prévention et de gestion des déchets Photovoltaïque Revenu de solidarité active Région ultrapériphérique Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Schéma d'aménagement régional Société anonyme de la raffinerie des Antilles Surface agricole utile Société forestière amazonia Secrétaire général pour les affaires régionales Société d'intérêt collectif agricole Stratégie nationale bas carbone Schéma régional biomasse Stratégie régionale pour la forêt et le bois Station d'épuration tonne Turbine à combustion Taillis à courte rotation tonne équivalent-pétrole Taxe générale sur les activités polluantes
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Abréviation, acronyme, sigle Signification UE VLE W Wc Wh ZNI Union européenne Valeurs limites d'émissions watt watt-crête watt-heure Zone non interconnectée
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(ATTENTION: OPTION llisation PEFC (Programme for the Endorsement of Forest Certification Schemes) de la gestion du domaine forestier permanent (DFP) selon la méthode d'exploitation à faible impact, dite EFI, (voir infra : partie 4.2). Dans la défriche agricole, la situation est la pire si on défriche au bulldozer en brûlant toute la biomasse aérienne ou en la laissant pourrir en andains, car il ne reste presque plus rien audessus du sol, qui de plus est lessivé par les pluies. Le déstockage de carbone est alors compris entre 400 et 600 t de CO2/ha selon le degré de dégradation initiale du peuplement forestier (la défriche agricole affecte des forêts secondaires déjà parcourues par des exploitations intensives depuis la colonisation au 19e siècle). Le bilan est meilleur si on pratique la défriche à faible impact, en récupérant l'essentiel de la biomasse aérienne pour alimenter les centrales biomasse (substitution de carbone fossile) et en laissant une fine couche de branches broyées (mulch) pour protéger et nourrir le sol en carbone. Cette technique évite, au moins partiellement, le déstockage rapide des 200 à 300 t de CO2 contenus dans le sol. Parmi les pratiques agricoles, non seulement les prairies permanentes, mais aussi les plantations énergétiques à base de plantes à rhizomes (bambou, canne fibre) stockent rapidement beaucoup de carbone dans le sol. L'Ademe de Guyane a proposé la mise à disposition d'une feuille de calcul simple paramétrée par ses soins, qui établit un bilan carbone réaliste en fonction des valeurs énergétiques (rendement/ha/an, PCI) de la culture de biomasse envisagée. En effet, les données d'entrée sont adaptées au contexte forestier ou agricole de chaque projet et prennent en compte le nouveau stock de CO2 constitué en surface et dans le sol par la plantation ou la culture. La cellule biomasse de Guyane devrait utiliser cet outil car les valeurs par défaut tirées de la littérature générale aboutissent souvent à des conclusions erronées. 3.3.2 L'impact carbone du transport de biomasse
33
L'approvisionnement d'une unité de production d'électricité à partir de biomasse, sauf si elle repose sur la valorisation énergétique d'un coproduit d'une autre activité industrielle située à proximité de la centrale électrique (par exemple l'utilisation de la bagasse de la sucrerie ou des connexes de la scierie), implique souvent le transport de quantités importantes de matières premières, sur des distances parfois conséquentes pour une unité de taille significative. Dans les DOM, le transport terrestre de biomasse ne peut se faire que par la route, alors que l'importation de biomasse impliquera également un transport par voie maritime. Le transport par poids lourd est sensiblement plus émetteur (de l'ordre de 100 g de CO2/t.km) que le transport maritime qui est le mode le plus efficace énergétiquement (de l'ordre de 10 à 15 g de CO2/t.km pour les petits vraquiers susceptibles d'approvisionner les DOM, de 3 à 4 g de CO2/t.km pour les plus gros vraquiers)28. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) associées au transport de la biomasse pour l'alimentation d'une centrale électrique restent néanmoins d'un ordre de grandeur inférieur à celles qui sont évitées
28
Source : Guide méthodologique sur l'information CO2 des prestations de transport, DGITM-Ministère de la transition écologique et solidaire.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées en n'ayant pas recours à un combustible fossile. Ainsi les émissions moyennes d'un groupe diesel au fioul lourd se situent entre 600 et 750 g de CO2/kWh, cette valeur grimpe à 1 300 g de CO2/kWh pour une centrale à charbon de quelques dizaines de MW telle qu'on peut la trouver dans les DOM. Sachant qu'une centrale électrique à partir de biomasse consomme de 1,5 à 1,7 kg de bois brut (à 45 % d'humidité) par kWh, le transport de cette biomasse sur 50 km est à l'origine d'une émission de 7,5 à 8,5 g de CO2/kWh, soit 0,5 à 1,5 % des émissions d'une production d'électricité d'origine fossile. Ce bilan sera moins favorable pour un approvisionnement en canne énergétique dont la teneur en eau est plus élevée (typiquement 70 %), ce qui conduit à un doublement des tonnages transportés et des niveaux d'émissions précédemment cités, qui restent néanmoins faibles en proportion. L'approvisionnement des Antilles en pellets de bois en provenance du sud-est des Etats-Unis est à l'origine d'un trajet maritime de 2 500 à 3 000 km, soit des émissions de 25 à 45 g de CO2/kg. Sachant que la production d'un kWh électrique consomme 0.75 kg de pellet, le transport maritime du pellet est responsable d'une émission de 20 à 35 g de CO2/kWh électrique. Dans le cas de l'importation de pellets, les émissions de GES associées au transport terrestre de la biomasse aux États-Unis (transport de la matière première pour la production de pellets et ensuite des pellets vers un port) et au transport des pellets dans le DOM considéré doivent être prises en compte. Albioma fait état d'une émission totale « transports » de 72 g de CO2/kWh électrique pour un approvisionnement en pellets en provenance des États-Unis de ses unités de production de La Réunion. Une étude britannique29 étudie l'approvisionnement en pellets des centrales électriques du Royaume-Uni à partir des États-Unis et avance une émission de 50 à 55 g de CO2/kWh électrique correspondant aux activités de transport de biomasse. Ces éléments confirment que les niveaux d'émissions de GES associées au transport de la biomasse sont faibles comparées aux émissions de GES d'une production électrique d'origine fossile.
3.4 La problématique de l'importation
Le bois énergie dans le monde fait l'objet d'un marché assez ouvert, à des prix compétitifs, car il résulte souvent de l'exploitation de déchets de scieries quasi gratuits. Ces déchets sont séchés et compressés sous forme de pellets qui ont l'avantage de se stocker facilement et durablement sans fermenter s'ils sont conservés à l'abri de la pluie. L'importation de combustibles fossiles ou celle de pellets sont neutres sur le plan social car les deux alternatives ont un impact minime en matière d'emploi local. Vis-à-vis d'un approvisionnement de long terme de biomasse importée, l'Etat devrait adopter une approche économique valorisant le CO2 et la pollution locale à leurs valeurs tutélaires (rapport Quinet30) et tenant compte de l'acceptabilité du projet par la population locale. À court terme, il a été proposé de commencer à exploiter une centrale en Martinique avec du pellet importé pour pouvoir ensuite valoriser dans la centrale tous les petits gisements de biomasse locale. En Guyane, le bois est en général déjà disponible en grande quantité, donc l'importation ne peut être considérée qu'en tant que solution de secours comme garantie du plan d'approvisionnement pour les banques. Les élus de la CTG sont en effet opposés au principe de l'importation de biomasse comme solution pérenne et souhaitent une contribution majeure de la forêt Guyanaise à la filière biomasse.
29
Röder, Whittaker, Thornley, « How certain are greenhouse gas reductions from bioenergy? », Biomass & Bioenergy, 79, (2015).
30
« L'évaluation socio-économique des investissements publics », France Stratégie, 2013.
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Aux Antilles et à la Réunion, la mise en place d'une filière d'approvisionnement en biomasse par des plantations peut prendre du temps. L'importation de pellets peut être une solution d'attente et une réponse à la saisonnalité de la récolte des cannes. À Mayotte, faute de foncier et de biomasse suffisants, la création d'une centrale biomasse ne peut reposer que sur de l'importation, mais à la condition que l'équation économique incluant la valorisation du CO2 à sa valeur tutélaire soit favorable.
3.5 Biomasse et emploi local
L'emploi est le principal atout d'une filière biomasse locale, et là encore la situation de la Guyane est spécifique. Le chapitre suivant, consacré à la Guyane, met en évidence que le développement plus intensif de la filière bois (bois d'oeuvre et bois énergie) apporterait 4,5 emplois directs pour 1 000 t de bois d'oeuvre récoltée31, dont un tiers dans l'exploitation forestière et le transport de bois rond (le reste en sciage, menuiserie...). Le développement d'une filière bois énergie seule permet la création de 1,5 emploi pour la production de 1 000 t/an de bois (qui correspondent à 650 MWh/an) induits par les volumes supplémentaires exploités. L'objectif de la PPE de 40 MW supplémentaires de biomasse en Guyane correspondrait à 280 000 MWh donc 450 000 t/an, soit près de 700 emplois. Selon une approche budgétaire, l'emploi créé vaudrait 14 000 /an, au cout équivalent à celui du RSA pour une famille avec 2 enfants, et donnerait au bois un avantage économique de 21 /t, soit une économie budgétaire d'environ 10 M/an (voir détail en annexe 5). Dans les autres DOM, faute d'accroissement prévisible de la SAU, la récolte de volumes conséquents de biomasse énergie peut se faire essentiellement par substitution d'une culture énergétique à une culture alimentaire, par exemple la canne sucrière largement subventionnée (65 /t toutes aides confondues pour la filière sucre32, plus 14,5 de prime bagasse). Le volet socio-économique de l'étude Rebecca en Guadeloupe a montré que les agriculteurs demanderont un prix de 50 à 60 /t de canne fibre (idem à La Réunion) garantissant le maintien voire une légère amélioration de leur revenu pour se lancer dans la production de biomasse énergie. Ce transfert d'une filière à l'autre semble neutre, en première approche, en termes d'emplois33, mais serait à l'origine d'une économie budgétaire pour l'Etat de 30 à 60% pour une substitution au charbon dans des unités existantes (Voir annexe 5) Une usine biomasse à canne fibre de 10 MW nécessite 210 000 t de canne fibre par an. Sur la base des rendements INRA cette production couvrira entre 1 500 et 2 000 ha. Le ratio est d'un emploi pour 4 ha, soit 400 à 500 emplois. Sur la base d'une valorisation économique (RSA évité de 14 ou 15 k/emploi créé), la canne fibre présente un avantage économique de 34 /t (voir annexe 5).
31 32 33
Graphique fourni par l'ONF et l'Interpro-bois, voir chapitre 4. Moyenne sur les 3 îles des subventions totales à la filière, divisées par la production
Pour 1000 ha de surface cultivée, la filière sucrière mobilise 250 emplois dans le secteur agricole et de 20 à 30 emplois industriels (sucrerie) ; sur cette même surface, la filière canne énergie mobiliserait le même nombre d'emplois agricoles (250) et de 10 à 15 emplois industriels (centrale électrique).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Si l'exploitation de la canne pour produire du sucre devait régresser pour des raisons économiques, la filière biomasse énergie permettrait alors de sauvegarder des centaines d'emplois à moindre coût pour la collectivité. Le remplacement du "pellet importé" par la canne fibre, compte tenu de son faible surcout (165 /MWh contre 150), permettrait d'économiser une grande partie des subventions à la canne à sucre (budget agricole et UE, prime "bagasse"). Les autres volumes de biomasse récoltée çà et là (essentiellement des déchets et sous-produits en faibles quantités) entraînent un faible nombre d'emplois nouveaux.
3.6 Les acteurs économiques
Malgré un certain consensus, les positions diffèrent légèrement entre les DOM où la biomasse remplacerait des cultures existantes (Guadeloupe, Martinique, La Réunion) et la Guyane où la problématique est plus celle de l'exploitation de la forêt pour créer de l'activité économique. Pour la profession agricole de Guadeloupe34 les menaces ressenties localement sur la pérennité d'un modèle économique reposant sur des aides considérables font entrevoir la canne-fibre comme une diversification rassurante, à revenu fixe. En revanche, l'argument sanitaire des terres polluées par la chlordécone n'est pas utilisable, la plupart des terrains touchés n'étant frappés d'aucune interdiction de culture, ni pour la canne, ni pour la banane. Néanmoins, le secteur sucrier stricto sensu, voire certains élus, sont très opposés aux projets de « canne énergie » qui entérinent pour eux une diminution jugée inacceptable de la production sucrière. La DIECCTE de Guadeloupe partage le sentiment d'une filière sucre confrontée à un déclin inexorable, si elle ne change pas de modèle de production, et estime intéressante la diversification apportée par l'apparition d'une filière « canne énergie ». Les élus des DOM estiment souvent que l'importation de biomasse n'est pas une solution pérenne, mais certains peuvent l'admettre à titre transitoire pour « lancer » la filière. À la Martinique, le projet Albioma du Galion a soulevé beaucoup d'hostilités pour sa disproportion avec les ressources locales et le contrat avec EDF stipule explicitement un objectif de 40 % de biomasse locale à atteindre progressivement par l'exploitant. La vice-présidente de la Collectivité territoriale de Guyane contactée est, elle, clairement défavorable à toute forme d'importation de biomasse et souhaite un développement de la filière bois guyanaise, créatrice d'emplois. Les représentants d'EDF-SEI dans les DOM et à Paris affichent une large ouverture vis à vis de la biomasse, qui offre une puissance garantie. Néanmoins, en pratique, par la conjugaison d'un souci louable d'assurer l'équilibre offre demande et d'un possible conflit d'intérêt35, EDF met en avant la difficulté de réalisation des projets biomasse et de montée en puissance de la filière, pour pousser des
34Représentants institutionnels (Safer,
SICA cannière, Chambre régionale d'agriculture) et dirigeants d'entreprises rencontrés
à Pointe à Pitre.
35EDF-PEI, filiale d'EDF, produit de l'électricité à partir de fioul tandis que ce sont des énergéticiens alternatifs comme Albioma
ou Voltalia qui proposent de produire de l'électricité à partir de biomasse.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées projets fioul ambitieux (notamment le renouvellement de la centrale Dégrad-des-Cannes à Cayenne) qui risquent de compromettre le développement ultérieur en centrale biomasse. Albioma qui est depuis longtemps avec ses centrales « 90 % charbon-10 % bagasse » un gros fournisseur d'électricité à prix concurrentiel, par rapport à la solution fioul, à La Réunion et en Guadeloupe, souhaite se désengager du charbon au profit de la biomasse. Une première usine 100 % biomasse de forte puissance vient d'être mise en service en Martinique au Galion. Les projets guyanais ont été jusqu'ici fortement freinés par la méfiance qu'inspire le contexte administratif et réglementaire local. De nombreux porteurs importants (Albioma, SARA) ont renoncé à leur projet, faute de retour rassurant. Ces lenteurs qui se comptent en année ont également un coût. Le soutien à la filière exige pour beaucoup des acteurs une simplification des procédures administratives devant entrainer une accélération du démarrage des projets. D'une manière générale, les procédures tant environnementales, qu'économiques et fiscales apparaissent trop longues et complexes. Les ONG rencontrées à Paris ou dans les DOM se montrent unanimement défavorables à l'exploitation de la biomasse forestière tirée de la forêt « primaire ». Elles estiment que les projets d'accords-cadres sur la « biomasse » entre énergéticiens et collectivités (envisagés par la mission en Guyane, voir partie 4.2) seraient un appel d'air amplificateur de la défriche. Le bilan gaz à effet de serre des cultures énergétiques ou plantations à croissance rapide leur parait a priori défavorable et selon FNE, n'a pas été suffisamment appuyé par des études dans le cadre de la stratégie nationale biomasse. En résumé, pour ces associations, la biomasse n'est pas l'énergie renouvelable la plus vertueuse. Ils disent s'appuyer sur certaines publications scientifiques de l'Inra, de l'IRD ou du Cirad, qui entretiennent le doute sur le bien-fondé de tous les schémas d'exploitation de biomasse forestière qu'ils ont pu analyser. La seule voie que les ONG envisagent pour utiliser la biomasse à des fins énergétiques est la récupération des déchets combustibles ou méthanisables (ex : les sargasses).
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3.7 Contraintes administratives : lenteurs des processus de décisions et complexité des procédures
La majorité des acteurs économiques sollicités par la mission se sont plaints des difficultés rencontrées lors de l'instruction administrative et de la complexité de constitution des dossiers pour faire aboutir un projet biomasse, en particulier en Guyane. Compte tenu du nombre des autorisations administratives nécessaires et des instructions menées souvent en série et non en parallèle, des délais cumulés de plusieurs années ont pu être observés dans le passé, sans parvenir à faire émerger un projet, aboutissant parfois au renoncement des acteurs économiques. Les services locaux de l'État multiplient parfois les demandes de compléments de dossiers, donnant une impression de confusion ou de contraintes créées de toute pièce pour masquer leurs propres hésitations. Du permis de construire à la mise en chantier d'une centrale biomasse, une fois que le foncier a pu être obtenu, ce qui n'est pas toujours aisé en Guyane, le montage d'un dossier biomasse reste
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées complexe. En effet, le candidat doit obtenir un permis de construire démontrant le respect de la législation, y compris environnementale, recueillir l'avis consultatif de la cellule biomasse allant bien au-delà du simple examen sur son plan d'approvisionnement, obtenir l'autorisation administrative d'exploiter la future installation car celle-ci relève du régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) (plus ou moins contraignant en fonction de la taille de celle-ci), négocier le prix de son raccordement au réseau électrique avec EDF-SEI, puis se voir octroyer un tarif de rachat de l'électricité par la CRE et enfin se voir délivrer un agrément fiscal par la Direction générale des finances publiques (DGFiP) (instruction effectuée à Paris), indispensable pour finaliser le bouclage du financement de son dossier, sans omettre les négociations financières menées en parallèle avec les banques. Afin de prévenir ces difficultés, des « cellules biomasse » ont été créées pour faciliter l'instruction administrative locale des dossiers en regroupant sous l'autorité du préfet, les services de l'État ayant à prendre une décision ou formuler un avis sur ce sujet. En Guyane, la mission a eu plutôt le sentiment que la cellule biomasse n'avait pas toujours correctement assuré son rôle, du moins dans le passé. Les avis consultatifs sur les plans d'approvisionnement des projets ont parfois donné lieu à d'importants délais, sans doute en raison d'absence de politique claire du ministère de l'agriculture et de l'alimentation sur la question de la défriche agricole que l'administration ne semble pas bien contrôler : le cahier des charges de défriche à faible impact est en gestation depuis quatre ans. La surface agricole utile progresse très doucement au regard du foncier octroyé. Alors que la DAAF est déjà sollicitée par des porteurs de projets désireux d'effectuer des plantations sylvicoles ou de cultures à vocation énergétiques, celle-ci fait obstacle à toute instruction de dossier sur le fondement d'une « doctrine locale » dénuée de base légale et contraire au code rural et de la forêt (cf. projet de note de la cellule biomasse). Pour illustrer, le site internet de la DAAF de Guyane déclare « qu'un conflit (à notre sens théorique en raison de la réserve foncière existante) peut exister entre les terres réservées à l'agriculture et d'éventuelles CIVE (culture intermédiaire à vocation énergétique) ». Il indique, aussi que « la DAAF doit encore se forger une doctrine locale sur la question des CIVE ». Ce type d'hésitations sur la politique publique à mener ne peut pas permettre à des projets innovants aujourd'hui de se concrétiser. Il serait utile que les services déconcentrés de Guyane dont les effectifs sont limités, soient épaulés sur ces questions sensibles par les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et les services de la DGFiP sur les questions de maîtrise foncière. Force est de constater que les mêmes éléments d'un projet biomasse font l'objet par différents services de l'État d'analyses distinctes : par exemple, le plan d'approvisionnement du projet est étudié à la fois par la cellule biomasse et la CRE, puis par les banques. De même, les éléments relatifs à l'intérêt économique et à son intégration dans la politique du territoire et de développement durable font à la fois l'objet d'une instruction de la cellule biomasse, de la CRE (pour le plan d'approvisionnement et la partie économique), de la DGFiP jusqu'ici. La détermination des prix des combustibles (pour lesquels il n'existe pas de véritable marché) approvisionnant les centrales à biomasse constitue une difficulté : ceux-ci devraient résulter d'une négociation entre les acteurs économiques locaux et la CRE afin de faciliter l'émergence de nouvelles filières comme cela a été proposé par les accords de Cayenne d'avril 2017 pour le bois énergie. Ainsi tant qu'il n'existe pas réellement de marché, la mission estime que la solution de prix administrés pour chacun de ces combustibles présente un intérêt certain au moins de manière transitoire.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Pour la mission, il est urgent de simplifier les procédures d'instruction des dossiers biomasse dans les DOM afin que de la délivrance du permis de construire à la mise en service de la centrale, ne s'écoule pas un délai excédant 24 mois. Un encadrement plus précis des délais d'instructions est nécessaire, notamment au niveau de l'avis de la cellule biomasse qui ne devrait pas excéder trois mois, délai porté à cinq mois en cas de demande complémentaire d'information souhaitée (demande complémentaire limitée à une fois) ainsi que du délai de délivrance de la décision de la CRE sur le futur tarif de rachat d'électricité qui ne devrait pas excéder trois mois. Les textes règlementaires devraient être adaptés en conséquence. Raccourcir ces délais serait possible en renforçant la confiance mutuelle entre les différents services de l'État. La DGFiP a ainsi signalé à la mission, qu'à compter de 2018, elle reprendra à son compte l'analyse, effectuée par la CRE, des critères relatifs à l'intérêt économique des dossiers pour l'instruction de certains dossiers d'agréments fiscaux dans le cadre de la procédure de défiscalisation. Cette analyse sera faite en application des nouvelles dispositions du code général des impôts (issues de l'article 244 quater w du CGI VII deuxième alinéa en application de la loi de finances de 2017). De même, la mission estime que la CRE devrait pourvoir tenir compte du plan d'approvisionnement validé par la cellule biomasse, sans avoir à instruire de nouveau le sujet. Les codes de l'énergie et de l'environnement devraient être complétés en conséquence. Enfin, la mission souhaite attirer l'attention sur la nécessité de transposer sans délai, la directive révisée relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (ENR 2016/0382) adoptée en juin 2018 par le Conseil européen et notamment son article 26-9 bis qui ouvre la possibilité de dérogations pour les installations biomasse situées dans les régions ultra périphériques, en introduisant notamment des critères de durabilité ou d'efficacité énergétique différents, afin de permettre le développement de ce type de projets dans les DOM36.
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Ces dérogations seront pour des durées limitées et ces critères spécifiques devront faire l'objet d'une notification à la Commission
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Recommandation n° 1.
Au ministère de l'agriculture et d'alimentation, au ministère de la transition écologique et solidaire, au ministère de l'action et des comptes publics et à la Commission de régulation de l'énergie : Créer de nouvelles procédures afin de réduire les délais d'instruction des dossiers biomasse, en visant un délai maximal de 24 mois à compter de la délivrance du permis de construire de la future centrale pour l'obtention de l'ensemble des autres autorisations ou avis administratifs nécessaires au projet. Simplifier la procédure en rendant opposable à la CRE et au ministère de l'action et des comptes publics l'avis de la cellule biomasse sur le futur plan d'approvisionnement d'un projet de centrale biomasse. Adapter en conséquence les codes de l'énergie et de l'environnement
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GUYANE : UN POTENTIEL DE BIOMASSE IMPORTANT QUI RESTE A DEVELOPPER
La Guyane est la deuxième plus grande région française37 (juste après la Nouvelle-Aquitaine) et la seule zone non interconnectée au réseau électrique métropolitain qui ne soit pas insulaire. Elle représente 15 % du territoire métropolitain, soit 8,3 millions d'hectares, soit la superficie du Portugal, pour 262 527 habitants. La Guyane a un important besoin de développement économique et social et partage les mêmes handicaps que les autres territoires ultra-marins. Elle dispose également d'atouts significatifs : ses ressources naturelles et minières, sa forêt, une biodiversité exceptionnelle38, une grande zone économique exclusive. L'accord de Guyane signé le 21 avril 2017 par les quatre parlementaires Guyanais, les présidents de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG) et de l'Association des maires de Guyane et par le préfet, au nom du Gouvernement, atteste de la volonté des pouvoirs publics d'agir en urgence et de permettre une stratégie de co-développement économique et social de cette région, à l'horizon de quinze ans. Les défis sont majeurs. Les projections de l'Insee prévoient à minima 420 000 habitants à l'horizon 2030 (soit un doublement de la population par rapport à 2015) et 700 000 habitants en 204039. La population est majoritairement concentrée sur le littoral. Si la densité reste très faible (3 personnes au km2 contre 103 en moyenne en France), le taux de croissance de la population est important, près de 4 % par an, engendrant d'importants besoins de logements et d'infrastructures, et ce d'autant plus
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La Guyane fait partie des régions ultra - périphériques, dites RUP, de l'Union européenne. Elle est aussi régie par l'article 73 de la Constitution : la collectivité unique est devenue effective le 1er janvier 2016 en tant que collectivité territoriale de Guyane (CTG).
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«La biodiversité, un des leviers du développement économique et social en Guyane » Rapport n° 010965-01 du CGEDD de mai 2017 de Geneviève Besse et Mauricette Steinfelder.
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Étude de Stéphane Granger « La Guyane, collectivité française et européenne d'Outre-Mer entre plusieurs mondes ». Source Insee publiée dans la Revue géopolitique de l'Union européenne, mars 2017.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées que la région attire des flux migratoires en provenance du Brésil, du Guyana, d'Haïti et du Surinam, difficiles à quantifier. Le développement de nouveaux moyens de production énergétique est dès lors indispensable pour satisfaire les besoins essentiels de la population et pour conforter la résilience du système électrique. En effet, la croissance démographique est principalement attendue dans la partie ouest de la région (vers Saint-Laurent-du-Maroni), le long du fleuve de l'Oyapock à l'est, et au sud, là où les moyens actuels de production d'énergie sont limités.
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4.1 La situation actuelle de la biomasse et le besoin identifié par la programmation pluriannuelle de l'énergie
La première programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de Guyane adoptée le 30 mars 2017 s'inscrit dans la suite des travaux menés au niveau territorial, notamment lors de la conférence régionale de l'énergie de 2014, sur le schéma d'aménagement régional (SAR), ainsi que sur le schéma régional climat air énergie (SCRAE) de 2012. Elle doit permettre de développer et valoriser les ressources locales et notamment l'hydraulique au fil de l'eau, la biomasse, et les autres énergies renouvelables (notamment le photovoltaïque). Elle doit aussi répondre aux trois impératifs suivants : - sécuriser l'approvisionnement énergétique dans le contexte du vieillissement des actuels outils de production et d'une importante croissance démographique, principalement localisée dans l'ouest ; - développer des solutions adaptées aux communes de l'intérieur ; - anticiper de futurs projets miniers sur le territoire. Le système énergétique Guyanais fait aussi face à trois contraintes spécifiques prises en compte dans les objectifs de développement des nouveaux moyens de production électriques contenus dans la programmation pluriannuelle de l'énergie : l'évolution rapide des zones de consommation nécessite des extensions et des renforcements du réseau électrique : une nouvelle spatialisation des outils de production est indispensable à terme comme l'a souligné la CRE dans sa note de janvier de 201840 ; le renouvellement des moyens de production de base : remplacement de la centrale thermique de Dégrad-des-Cannes sur l'île de Cayenne qui doit intervenir au plus tard en 2023, soit un besoin estimé par la PPE de 120 MW (en base et pointe) fondé sur l'étude de défaillance réalisée par le gestionnaire de réseau et associant une centrale photovoltaïque sans stockage de 10 MW; à noter qu'un moyen de production supplémentaire de base de 20 MW est aussi identifié comme nécessaire d'ici 2023 ; l'imprévisibilité de la part de production hydroélectrique très dépendante des conditions météorologiques ;
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Propositions de la Commission de régulation de l'énergie relatives aux Zones non interconnectées » Source Commission de régulation de l'énergie 18 janvier 2018.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées La Guyane se différencie des autres DOM, puisque la part de l'hydraulique dans son mix électrique lui permet d'ores et déjà de respecter l'objectif d'EnR pour 2020 fixé dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi TECV). En effet, le barrage hydraulique de Petit-Saut fournit en moyenne plus de la moitié de la production annuelle, dépendante toutefois du niveau d'hydraulicité (soit 55 % du mix électrique fin 2016). La filière photovoltaïque en développement compte pour 45 MWc à cette date. Les communes de l'intérieur doivent en revanche assurer leurs propres moyens de production à partir de systèmes électriques autonomes, financés par le fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACE) et dont l'exploitation est confiée à EDF. Dans ces communes isolées, la production électrique est assurée principalement par des moyens thermiques diesel ainsi que par des générateurs photovoltaïques comme à Saul ou à Kaw (centrale hybride photovoltaïque-diesel) ou par des centrales hydro-électriques comme à Saut-Maripa et à Saint-Georges. La PPE de la Guyane identifie les nouveaux moyens de production suivants (voir tableau n°4 ci-après), hors projets de développement de trois sites aurifères qui nécessiteraient à l'horizon 2025, entre 50 et 70 MW supplémentaires selon les premières estimations fournies par le MEDEF et hors besoins des communes de l'intérieur. Tableau n° 4 : Nouveaux moyens de production identifiés par la PPE actuelle pour la Guyane. Puissance État Installée en 2014 MW Grande hydraulique 114 Objectifs 20152018 0 +4,5 +15 +15 +8 +10 0 Objectifs 20192023 0 +12 +25 +10 +18 +10 +8 Total PPE 2023 0 +16,5 +40 +25 +26 +20 +8 Total Guyane 2023 114 21 41,7 30 50 20 +8 Objectifs 20242030 0 +13,5 +20 +15 +10 +10 +5 Total Guyane 2030 114 34,5 61,7 45 60 30 13
Petite 4,5 Hydraulique Biomasse 1,7
PV avec 5 stockage PV sans 34 stockage Éolien avec 0 stockage Déchets Total
Source : PPE
0
159,2 +52,5 +83 dont 39 dont 23 dont 28 MWc MWc MWc
+135,5 284,7 dont 51 dont 80 MWc MWc
+73,5 358,2 dont 25 dont 105 MWc MWc
Les coûts moyens de production de l'électricité sont élevés en Guyane comme dans les autres ZNI au réseau électrique métropolitain, du fait de la situation spécifique du parc de production électrique : 243 /MWh en 2013 (en comparaison, à la même date, 206 /MWh à La Réunion et 247 /MWh en Guadeloupe).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées La biomasse représente à l'horizon 2023 le potentiel le plus important en termes de développement. En retenant comme hypothèse qu'une centrale biomasse fonctionne en base, soit sur une durée annuelle de 7 000 heures, la cible de 40 MW équivaut à 280 000 MWh/an, soit un besoin annuel d'environ 450 000 tonnes de bois énergie à l'horizon 2023 et si l'on ajoute 20 MW d'ici 2030, soit 140 000 MWh/an, un besoin supplémentaire de 225 000 t de bois à cet horizon. Au total, répondre aux besoins identifiés début 2017 par la PPE suppose de pouvoir fournir au moins 675 000 t/an de bois énergie d'ici 2030 selon la mission41. La PPE doit être révisée dans les prochains mois. Son volet biomasse devrait valoir schéma régional de la biomasse pour la Guyane et tenir compte de la stratégie nationale récemment adoptée.
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Recommandation n° 2.
Au préfet de Guyane et à la Collectivité territoriale de Guyane : Sans attendre la finalisation de la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie, élaborer d'ici la fin de l'année 2018 le volet relatif à la biomasse qui aura valeur de prochain schéma régional. Clarifier le fait que les cultures et plantations énergétiques ou sylvicoles font partie des activités agricoles autorisées dans la zone agricole du schéma d'aménagement régional (SAR) et les encourager dans le programme régional de la forêt et du bois (PRFB) en cours d'adoption.
4.2 La gestion du foncier et du domaine forestier
La forêt guyanaise couvre près de 8 millions d'ha. Celle-ci renferme un patrimoine exceptionnel sur le plan de la biodiversité qui revêt une importance capitale : c'est la seule forêt «amazonienne européenne». Ce qui explique que les pouvoirs publics souhaitent un niveau élevé de protection de ce patrimoine. Du nord au sud de la Guyane plusieurs espaces doivent être distingués qui obéissent à des modalités de gestion différentes : - la bande littorale, - le domaine forestier permanent (DFP), - les zones naturelles protégées ou réservées qui n'ont pas vocation à faire l'objet d'exploitation forestière et représentent un espace de plus de 5,4 millions d'ha42.
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Sur la base 1,6 t bois à 45% d'humidité par MWh
42 Il s'agit
d'une part du parc amazonien de Guyane, d'autre part des massifs situés dans la zone intermédiaire et dans la zone dite de libre adhésion au parc amazonien.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
4.2.1
Une bande littorale qui offre un potentiel de défriche intéressant pour la biomasse
La bande littorale sur laquelle se concentre la grande partie de la population représente 782 000 ha avec près de 65 % de forêts43. L'ONF gère près de 400 000 ha dans cette zone. Cette bande littorale a vocation à faire l'objet d'aménagement urbain et rural pour répondre aux défis liés à la démographie. Le schéma d'aménagement régional (SAR) identifie 111 893 ha à vocation agricole alors que la surface agricole utile (SAU) estimée par la DAAF ne serait que de 32 000 ha en 2017. Le rythme de croissance de la SAU observé ces dernières années (860 ha/an) n'est pas très éloigné de l'objectif du SAR (qui est une croissance de 1 000 ha par an de la SAU pendant 20 ans). L'État est propriétaire de 56 % du total, le reste appartient à des propriétaires privés (29 %), l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane (4 %), la Collectivité territoriale de Guyane (1 %), les communes (1 %) : près de 24 521 ha ont déjà été mis à disposition d'agriculteurs par le biais de concessions ou baux emphytéotiques d'une durée moyenne de 18 ans. Les lots moyens sont de 19 ha. L'État a par ailleurs transféré à l'EPFA de Guyane 10 050 ha dont 6 081 ha ont été mis à la disposition d'agriculteurs. Une pression foncière importante s'exerce sur la bande littorale et ce d'autant plus que des installations ou activités illégales diminuent l'accès aux surfaces agricoles cultivables. L'attribution de foncier pour des projets est freinée par la méconnaissance des terres réellement disponibles, en raison d'un cadastre insuffisamment mis à jour au niveau local.
Recommandation n° 3.
Aux ministères de l'économie, des finances et de l'action et des comptes publics (DIE) : Mettre à jour en Guyane le cadastre et accélérer les procédures administratives de mise à disposition du foncier. Compléter dans le Code général de la propriété des personnes publiques les dispositions relatives à l'attribution du foncier en Guyane sur la faculté d'exercer des activités de plantations sylvicoles ou de cultures énergétiques.
L'objectif visé de développement agricole de défricher 1 000 ha par an (qui valoriserait comme biomasse un potentiel de 200 000 t de bois énergie par an) suppose de mettre en place un système efficient permettant de récupérer le bois qui est aujourd'hui au mieux laissé sur place, le plus souvent brûlé. La récupération de la biomasse lors de la défriche apparaît comme un enjeu majeur pour consolider la filière biomasse dans ce territoire. En effet, aujourd'hui la défriche est réalisée par brûlis qui apparaît comme l'itinéraire technique le plus répandu. Changer cet état de fait exige que des dispositions juridiques et techniques soient prises. Elles doivent être de nature coercitives et incitatives pour changer cette pratique et être en mesure de récupérer ces volumes de bois demain pour de la production électrique. La mission propose les mesures suivantes.
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Cette bande littorale referme des milieux naturels variés : des zones de forêts, mangroves, marais savanes, plages, roches, etc.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
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D'une part, qu'avant la fin de l'année 2018, la DAAF de Guyane procède à l'adoption du cahier des charges relatif à la défriche des terres respectueuse des sols (en gestation depuis plus de quatre ans) en vue de la mise en valeur des terres agricoles et diffuse ce texte largement auprès de l'ensemble des parties prenantes (agriculteurs installés, CTG, collectivités, l'EPFA, chambre d'agriculture, personnes morales concernées par la cession de foncier de l'État dont éventuellement les sociétés désireuses d'effectuer des plantations ou des cultures à vocation énergétique). D'autre part, que lors de l'attribution de terres du domaine privé de l'État en vue de leur mise en valeur agricole à des agriculteurs ou des personnes morales souhaitant exercer des activités agricoles, en application des articles L 5 141-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques, l'Etat introduise l'obligation pour le futur bénéficiaire de procéder au défrichement préalable du terrain, selon le rythme souhaité par le récipiendaire dans la concession ou dans une clause résolutoire à la délivrance du bail emphytéotique. Cette défriche devra respecter les règles du cahier des charges relatif à la défriche agricole arrêté par le préfet. Le bénéficiaire aurait l'obligation de remettre le bois de défriche - qui appartient encore à l'État - en bord de son terrain en vue de sa valorisation dans l'usine biomasse la plus proche. En cas de nonrespect de ces dispositions dans un délai n'excédant pas deux ans en cas de concession (ou d'un an en cas de bail emphytéotique), l'annulation de la cession serait prononcée ou le bail emphytéotique serait refusé. La mission propose également l'introduction d'une nouvelle disposition juridique pour conforter ce dispositif dans le code général de la propriété des personnes publiques. Ces dispositions devraient aussi trouver à s'appliquer lors du transfert de foncier privé de l'État aux collectivités locales. La mission propose également que l'État (la DAAF pour le compte de la direction de l'immobilier de l'État -DIE-) organise un marché public à bon de commande afin de faire réaliser par des entreprises qualifiées la défriche agricole (amenant le bois en bord de route) pour ceux qui ne souhaitent pas la faire eux-mêmes. Les bénéficiaires de baux, lorsqu'ils réalisent l'opération eux-mêmes, devraient être rémunérés pour amener le bois en bord de route, de façon à ce que la biomasse extraite (qui demeure propriété de l'État) puisse être mise à disposition des centrales selon les accords passés avec elles. Recommandation n° 4. Au préfet de Guyane : Publier avant la fin 2018 le cahier des charges de la défriche agricole à faible impact en émission de gaz à effet de serre ; Identifier un service de la DAAF chargé de contrôler la mise en oeuvre du défrichement agricole suivant ces règles et de passer les marchés publics afférents. Rendre obligatoire la valorisation de la défriche agricole et urbaine par l'État et ses établissements publics, les collectivités, l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane, les agriculteurs et les personnes morales privées, selon le cahier des charges de la DAAF. Organiser la collecte du bois énergie issu de cette défriche sur la base d'un accord-cadre avec les énergéticiens à compter de 2019. Un protocole d'accord cadre devrait être négocié avant la fin de l'année 2018 entre l'État, les énergéticiens présents en Guyane, la CTG et les organisations agricoles sur ce sujet. D'une part, les
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées énergéticiens devraient s'engager à valoriser dans leurs centrales biomasse une quantité de déchets issus de ces déboisements au prix fixé par le protocole d'accord cadre ; d'autre part, les chantiers de défriche devraient assurer une partie de l'approvisionnement des usines avec ces déchets sur le modèle du contrat passé entre l'EPFA de Guyane et certains énergéticiens dans le cas d'attribution d'un bail via une procédure classique d'aménagement. Cette même obligation de valorisation des défriches devrait être aussi être imposée à l'État (lors de l'entretien des deux routes nationales, à l'EPFA de Guyane pour des défriches en vue d'aménagements urbains ainsi qu'à certaines personnes morales (notamment le CNES ou EDF) à compter de 2019.
Recommandation n° 5.
Au ministère de l'agriculture et de l'alimentation et au ministère de l'action et des comptes publics : Introduire des clauses dans les cahiers des charges des concessions des terrains ou une clause résolutoire à la délivrance des baux emphytéotiques afin de rendre obligatoire le défrichement à faible impact en vue de la mise en valeur agricole des terres en Guyane lors de la cession de terres appartenant au domaine privé de l'État à des agriculteurs ou des personnes morales. Ces clauses préciseront que le bois de défriche reste propriété de l'Etat jusqu'à sa mise au bord de la route. Modifier le code général de la propriété des personnes publiques.
Cette activité est susceptible de garantir environ 215 t/ha44 sur au moins la moitié de la défriche annuelle45, soit un peu plus de 100 000 t/an de bois énergie. Cette disponibilité du gisement pourrait aussi conduire la CRE à assouplir son exigence sur le plan d'approvisionnement des énergéticiens dans la mesure où cette ressource serait en partie sécurisée sur plusieurs années.
Recommandation n° 6.
Au préfet de Guyane (cellule biomasse) et à la Commission de régulation de l'énergie : Admettre des plans d'approvisionnement sécurisés seulement à hauteur de 75 % (hors bois de défriche) dès lors que le porteur de projet d'une centrale biomasse dispose d'un contrat avec l'Etat, l'EFPA de Guyane ou une collectivité locale sur des approvisionnements en bois de défriche.
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Dont 15 tonnes de bois d'oeuvre
Le rythme actuel de croissance de la surface agricole utile est de 860 ha en dessous de l'objectif de 1000 ha. Par prudence, la mission a retenu le chiffre de 500 ha.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
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4.2.2
Un domaine forestier permanent dont le mode d'exploitation actuel ne permet pas de sécuriser un volume important de bois
Actuellement, l'ONF est le seul gestionnaire du domaine forestier permanent (DFP), soit 2,4 millions d'ha soumis depuis 2008 au régime forestier. Sa valorisation se limite aujourd'hui à la récolte d'environ 5 tiges par ha tous les 65 ans, soit au total une récolte de 70 000 à 80 000 t de bois d'oeuvre par an en application de la charte d'exploitation à faible impact (EFI), essentiellement dans l'est de la Guyane soit dans les massifs de la forêt de Régina et Saint-Georges sur une superficie annuelle de l'ordre de 4 500 ha. Cette exploitation est limitée à la récolte de quelques espèces : l'acajou, le balata, l'angélique, la bagasse, le grignon, le gonfolo. Aujourd'hui, sur les coupes de bois d'oeuvre, faute de filière biomasse, les bris d'exploitation, les cloisonnements, les bois mis de côté lors de la réalisation des pistes sont laissés sur place par l'exploitant ce qui sur le plan carbone et environnemental est une aberration. L'ONF estime que pour une tonne de bois récoltée, trois sont abandonnées en forêt dont une partie serait récupérable et valorisable sous forme de bois énergie. Les équipes de l'ONF en Guyane ont donné à la mission les estimations suivantes sur le potentiel de bois énergie récupérable lié aux coupes de bois d'oeuvre : 4 500 ha/an et 30 t/ha (soit 135 000 t de bois énergie), auquel s'ajouterait le bois énergie lié aux emprises des routes forestières (20 000 t). La mission est prudente sur la valorisation à des conditions économiques satisfaisantes du bois énergie liée au bois d'oeuvre voir infra parties 4.4 et 4.5. L'activité de l'ONF est lourdement déficitaire en raison de l'importance des frais fixes engagés préalablement aux chantiers, études préalables, création des dessertes, études d'impact qui étaient jusqu'ici obligatoires pour l'élaboration des pistes forestières46, ce qui paraît à la mission une obligation juridique disproportionnée. Une partie de ces pistes n'est pas pérenne. La mission note avec satisfaction que dans le cadre de la mise en oeuvre des accords de Cayenne, le Gouvernement a décidé de procéder au relèvement du seuil de 3 à 30 km, (seuil applicable à compter de 2019), pour les projets d'itinéraires forestiers en Guyane soumis à une étude d'impact environnementale au cas par cas. Cependant, « les projets de dessertes forestières - en application du décret n°2018/23 d'avril 201847 devront figurer dans un schéma pluriannuel de desserte forestière annexé au Programme régional de la forêt et du bois... préparé par l'ONF » qui reste à adopter dans les meilleurs délais afin de régulariser la situation des dessertes réalisées en 2018 et bénéficier des aides communautaires. La complexité de l'exploitation sur place est aggravée par le relief tourmenté et les fortes intempéries durant plus d'une moitié de l'année. Le bois d'oeuvre est donc vendu très peu cher par l'ONF (26 /m3 soit 22 /t).
46
En application de la directive 2011/92/UE modifiée, le décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes fixe les seuils au-delà desquels les projets sont soumis à étude d'impact environnementale.
47 Décret
no 2018-239 du 3 avril 2018 relatif à l'adaptation en Guyane des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Or l'objectif du Programme régional de la forêt et du bois (PRFB) est de passer d'ici quelques années à une récolte de bois d'oeuvre de 210 000 t par an au lieu des 70 000 actuelles. La mission est convaincue qu'il conviendra de se tourner vers d'autres modèles de gestion que l'exploitation à faible impact si l'on souhaite atteindre les objectifs de production fixés dans le PRFB. Ces modes d'exploitation (plantations, coupes plus intensives) également respectueux d'une gestion durable de la forêt, devront être positionnés sur de moindres superficies, prioritairement dans la bande littorale, à l'extérieur du DFP. En corollaire, cela sous-entend réfléchir à la diversification des débouchés du bois d'oeuvre et des espèces à récolter : pour la mission, ces objectifs sont prioritaires et doivent être partagés par l'ensemble de la filière dans le cadre de la commission régionale de la forêt et du bois. De plus, les secteurs de l'exploitation forestière et de la première transformation doivent investir en machines et outils de production pour pouvoir relever ce défi. La mission rappelle qu'un fonds d'aide de type POSEI48 a été par exemple prévu par les accords de Cayenne que la mission recommande d'activer. Il conviendra aussi d'envisager le recrutement et la formation de personnels supplémentaires pour l'exploitation forestière (conducteurs d'engins, bucherons, personnels pour les scieries) ce qui suppose de prévoir des formations et moyens adaptés. 4.2.3 Le potentiel économique de la filière bois en Guyane
La filière bois représente un chiffre d'affaires de 76 M/an avec 215 entreprises en 2016 et 830 emplois. Les principales activités sont : l'exploitation forestière (11 M), le sciage et rabotage de bois (40 M), les charpentes, la menuiserie extérieure, la construction (25 M). La balance commerciale est déficitaire en raison de l'importance des importations de meubles venant de métropole ou de Chine. L'ONF indique que sur le seul créneau de la première transformation (sciages, menuiserie du bâtiment, donc hors meubles et sièges) la balance commerciale est équilibrée avec 3 M d'export ou d'import. Il existe un certain potentiel de croissance sur la filière bois, d'une part en volume, et, d'autre part, en montée en gamme : une bonne partie du bois (qui est de qualité) est exportée brute pour être travaillée hors de la Guyane. Tableau 5 : Données statistiques sur l'échange des produits du bois en Guyane (en k).
Il existe sept entreprises d'exploitation dont la Société forestière Amazonia (SFA) qui possède près de 50 % de part de marché et est la seule certifiée PEFC. La rentabilité des entreprises est inégale : plus de la moitié vivotent tandis que certaines vivent très bien (dont la SFA qui enregistre une rentabilité de plus de 18 % grâce à une montée en gamme et des techniques de localisation en forêt
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POSEI (Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) : déclinaison de la Politique agricole commune dans les DOM
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées performantes). L'ONF fait réaliser l'exploitation de 30 % du bois d'oeuvre qui est livré aux acheteurs en bord de route forestière pour un coût de revient de 90 /m3 (en plus de la valeur d'achat sur pied de 26 /m3). Le développement rapide de la récolte de biomasse dans les prochaines années nécessitera une très forte augmentation de capacité de ce secteur clé accompagnée d'investissements très importants en matériels de chantier et de transport. Par ailleurs, les appels d'offre publics exigent le label PEFC qui ne garantit pas la provenance d'un bois de Guyane. Il conviendrait de s'interroger sur l'intérêt de cette certification et de privilégier le label « Bois guyanais respectueux de l'environnement » qui serait compatible avec les plantations de bois d'oeuvre. Les collectivités pourraient introduire ce label dans leurs appels d'offre pour une partie de la fourniture, ce qui permettrait de donner un débouché aux plantations guyanaises de bois d'oeuvre.
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4.3 Les projets lancés et les projets à l'étude
Selon la cellule biomasse, 8 à 9 centrales biomasse représentant 28 % de la production électrique guyanaise seraient créées d'ici 2023. À cette date, cela exigerait selon ces mêmes sources, de l'ordre de 500 000 t de bois par an, soit des investissements industriels à hauteur de 480 à 600 M et une perspective de créations de 700 emplois équivalents temps plein. Force est de constater qu'aujourd'hui, mi-2018, les projets de nouvelles centrales biomasse tardent à se concrétiser en raison notamment de lenteurs administratives d'instructions des dossiers au niveau des services administratifs locaux, mais aussi des difficultés des porteurs de projets à sécuriser leurs plans d'approvisionnement répondant aux exigences des services instructeurs (de la cellule biomasse ou de la CRE) et à celles des banques. Sur les 15 MW attendus dans la PPE en 2018, une nouvelle centrale biomasse est en construction près de Cacao d'un potentiel de 5,1 MW (projet porté par Voltalia, consommant 61 000 tonnes de bois par an dans son bilan prévisionnel) dont la mise en service était prévue en 2018, mais qui n'interviendra pas avant 2020. Une deuxième centrale portée par Abiodis de 3,6 MW située près de Saint-Georges vient d'obtenir son tarif d'achat et devrait être mise en service en 2019. Sa construction démarre également. En revanche, le projet de centrale biomasse situé à Monsinery, d'une puissance de 5,3 MW est actuellement en recherche de nouveaux acquéreurs, alors qu'elle aurait dû être mise en service en 2018. Ce dossier a subi de très importants délais d'instructions administratives, plus de six ans, si bien que la société Neon, bien qu'elle ait obtenu le tarif de vente de l'électricité par la CRE, a fini par renoncer à son projet. Il n'y a pas encore de repreneur officiellement identifié : les missionnés ont rencontré des entreprises intéressées par ce projet. Les missionnés ont aussi eu connaissance d'un projet très atypique sur le site du barrage de Petit-Saut (projet Triton), qui consisterait à récupérer le bois ennoyé de la forêt dans le site de la retenue du barrage actuel et qui conduirait à la construction d'une centrale biomasse sur la commune de Sinnamary d'une puissance de 9 MW. Le potentiel immergé (de l'ordre de 5,5 millions de m3 de bois) pourrait constituer l'approvisionnement de la centrale pendant sa durée de vie. Ce projet permettrait à la fois d'exploiter du bois d'oeuvre et de valoriser le bois énergie. La mise en service de la nouvelle
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées centrale située non loin du site d'approvisionnement, sous réserve de l'obtention des autorisations administratives nécessaires pourrait intervenir d'ici 2022. Par ailleurs, le projet Triton permettrait d'alimenter aussi en partie un projet de nouvelle centrale biomasse tri-génération dont la construction est envisagée à Kourou d'une puissance de 12 MW (avec deux tranches de 6 MW) qui pourraient être mises en service en 2021 et en 2023. Toutefois, la concrétisation de ce projet reste subordonnée à l'accord de l'administration pour délivrer le foncier nécessaire à la mise en oeuvre du projet d'agroforesterie qui sous-tend l'approvisionnement de cette centrale en biomasse : cet accord semble difficile à obtenir du fait de la réticence de la DAAF à considérer les activités de plantation ou d'agroforesterie comme des activités agricoles, ce qui est surprenant pour la mission49. Plusieurs autres projets ont été évoqués par divers porteurs de projets rencontrés par la mission en particulier un petit dossier de 0,5 MW situé près de Macouria sur le littoral et un deuxième d'une centrale de 5 MW, situé dans l'ouest à Mana, dont l'approvisionnement pourrait reposer sur des plantations de bambou. Un troisième situé près d'Iracoubo d'une puissance de 5,1 MW (pour sa première phase, avec une mise en service envisagée en 2022) dont là encore la source d'approvisionnement n'est pas identifiée (bois de défriche et canne fibre). Les dates de mises en service de ces différents projets ne sont pas encore connues. Dans tous ces cas, le message des porteurs de projets est clair : c'est la valorisation du bois énergie qui justifie l'exploitation du bois d'oeuvre dont les débouchés de valorisation ne sont pas toujours bien connus à ce stade. Mais la grande difficulté pour un certain nombre d'entre eux est de sécuriser leur approvisionnement d'où l'urgence d'avancer sur le schéma régional biomasse de la région. En effet, au vu de la production actuelle annuelle de bois d'oeuvre par l'ONF, même si selon ses propres hypothèses on pouvait valoriser demain l'ensemble du bois énergie lié à cette activité, cette ressource serait insuffisante pour satisfaire l'approvisionnement des futures centrales biomasse retenues dans la PPE. Dès lors, rechercher d'autres sources possibles de bois énergie et voir comment optimiser leur rendement, tout en respectant l'objectif d'une gestion durable de cette ressource est indispensable si l'on souhaite développer cette filière. Il y a urgence à passer aux actes vis-à-vis de l'évolution du système électrique. C'est à ce titre que la mission a été intéressée par les différents projets portés soit par des industriels, des start-up en lien souvent avec des organismes de recherche ou s'inspirant de réalisations dans d'autres pays équatoriaux. Il s'agit d'une part de développer des projets d'agro foresterie à grande échelle, d'autre part de réfléchir à des plantations sylvicoles ou de cultures qui pourraient être valorisées en énergie.
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Le code général de la propriété publique prévoit uniquement la cession de foncier en vue de mise en valeur de terres agricoles au profit d'agriculteurs. Cette disposition n'interdit pas selon la mission la possibilité de réaliser des activités de plantations sylvicoles.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau n° 6 : Recensement des projets « biomasse » en juin 2018 Nom du projet /société/ Situation consortium Puissance installée en MW 1,7 5,1 3 9 18,8 Date de Objectif PPE mise en 2023 service biomasse en MW En service 2020 2019 2022 +40 Objectif PPE 2030 biomasse en MW
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Voltalia Voltalia Abiodis Triton Total des projets en cours Autres projets recensés par la mission : Non encore identifié Voltalia
Kourou Cacao Saint Georges Sinnamary
+20
Monsinéry Iracoubo(1ère tranche) Macouria AVEA Energie Mana Non identifié Saint Laurent du Maroni Projet trigénération Kourou Akuo Capacité des autres projets Capacité totale biomasse possible Source : mission.
5,3 5,1 0,5 5,1 10 12 38 56,8
? 2022 ? 2020
2021 2023?
-
41,7
61,7
4.4 Les gisements de biomasse
4.4.1 Les gisements connus et immédiatement exploitables
La première source de bois est celle issue de l'exploitation actuelle de bois d'oeuvre (soit 77 000 t en 2016) à faible impact (dite EFI), dans le domaine forestier permanent géré par l'ONF. Nous y distinguons deux sources : - la collecte des connexes d'exploitation du bois d'oeuvre qui sont actuellement abandonnées en forêt ; ces connexes représentent aujourd'hui environ 2 fois (voire 3 fois) le volume du bois d'oeuvre récolté, c'est-à-dire environ 154 000 t/an. Toutefois, du fait d'un fort coût de transport, cette récolte est limitée aux besoins des usines biomasse situées à immédiate proximité des massifs en exploitation (type SaintGeorges ou Cacao) ; - les connexes de scierie, soit 60 % du bois d'oeuvre sorti, c'est à dire environ 46 000 t : dont 20 000 utilisé par l'actuelle centrale de Kourou, le tonnage immédiatement disponible est donc de 26 000 t/an.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
L'exploitation à faible impact n'est en fait pas limitée en volume, le territoire sous contrôle de l'ONF (le domaine forestier permanent), étant très important. En suivant la prévision du PRFB, reprise par la PPE, de 210 000 m3 de bois d'oeuvre, les connexes d'exploitation pourraient représenter au moins 420 000 t/an et les connexes de scierie 126 000 t/an soit près de 80 000 t de connexes de scierie supplémentaires exploitables. Toutefois, le système d'exploitation est sous plusieurs contraintes, qui font que la mission est très réservée sur cet accroissement de volume sur le mode actuel de l'exploitation à faible impact. Premièrement, l'impact sur les milieux naturels de la sortie de tonnages importants de bois énergie est peu connu. Une première expérience grandeur nature démarre sur le massif forestier de SaintGeorges en domaine forestier permanent avec une exploitation de bois d'oeuvre couplée avec une exploitation de bois d'énergie. La scierie et l'usine électrique envisagent de démarrer dans les prochains mois et d'ores et déjà l'exploitant a constitué des stocks importants de bois énergie. Il serait utile de confier au Cirad ou à l'Inra un projet scientifique indépendant des exploitants qui puisse fournir à moyen terme des références sur les bilans environnementaux (biodiversité, bilan carbone...), économique et social de cette exploitation. L'éloignement des exploitations forestières de l'usine peut rendre non compétitive la collecte des connexes d'exploitation qui sont laissées sur place, les exploitants forestiers n'étant intéressés que par les plus belles tiges de bois d'oeuvre. Toutefois, la sortie de bois supplémentaire peut être rendue contractuelle par l'ONF à condition qu'elle soit adossée à un tarif de vente à l'exploitant de l'usine qui permette au moins à l'exploitant forestier de ne pas perdre d'argent. Le coût de création et de gestion des pistes est élevé (2,2 M/an pour la création financée à 75 % par le FEADER et à 25 % par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, plus 0,8 M pour l'entretien à charge de l'ONF) : il représente le même ordre de grandeur que le revenu tiré de la vente des bois sur pied par l'ONF. Faire reposer le modèle économique de cette exploitation forestière et son développement sur le triplement de ces aides n'apparaît pas à la mission comme une hypothèse raisonnable. De plus, ce modèle d'exploitation à faible impact sous-entend que cette exploitation doit conduire à aller de plus en plus loin en forêt, ouvrir des pistes de plus en plus éloignées du littoral ce qui rend les coûts de transport de plus en plus importants et dégrade continuellement la rentabilité du modèle. Enfin, l'absence de ligne électrique à proximité du massif forestier situé à l'Est de la Guyane est également un handicap, obligeant les exploitants à transporter le bois jusqu'à une scierie et/ou une centrale électrique reliée au réseau. Les coûts kilométriques de transport du bois énergie élevés grèvent d'autant la rentabilité du système. La mission propose que la localisation des futures centrales biomasse soit située le long de la façade littorale, le plus près possible des lieux de consommation, afin d'optimiser le système électrique. Au final, la mission estime que l'exploitation à faible impact dans le domaine forestier permanent ne pourra produire que 100 000 t de bois d'oeuvre, susceptible d'apporter 150 000 t de connexes d'exploitation et 60 000 t de connexes de scierie.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
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Une seconde source de bois énergie est la valorisation des bois ennoyés dans la retenue du barrage de Petit Saut (350 km2), pour 150 00050 t/an de biomasse, déjà contractualisée51. En effet, les porteurs de projet escomptent récupérer entre 150 000 et 200 000 m3 de bois ennoyés par an pendant 25 ans, sur un potentiel estimé à plus de 5 millions de m3. Il est prévu de construire la scierie et l'usine électrique à proximité du barrage. Une troisième source de bois énergie est la valorisation des bois issus des défriches agricoles qui représente un enjeu majeur en termes de tonnage pour la filière biomasse. Ces défriches sont susceptibles de produire une vingtaine de tonnes de bois d'oeuvre par hectare. Certes ce sont de faibles tonnages, car il s'agit souvent de parcelles ayant déjà été exploitées, mais qu'il ne faut pas négliger. En revanche, la production de bois énergie peut être estimée en moyenne à 200 t/ha. Le schéma d'aménagement régional prévoit de mettre à disposition des agriculteurs 25 000 ha de forêt à valoriser en terres agricoles sur 25 ans. Sur les 1 000 ha défrichés par an, on peut en théorie tabler, sur un potentiel de 200 000 t de bois énergie. Il faudra compter sur une exploitation de la défriche volontariste (naissance de la filière, respect des processus et des chartes...). À ceci s'ajoute la valorisation des bois issus de la défriche urbaine qu'il convient de ne pas oublier. Il est difficile d'en évaluer le tonnage. Il y a de nombreuses installations illégales d'où il sera très difficile de récupérer la biomasse. Mais un effort important doit être mené sur ces terrains, certes souvent petits, mais par définition plus faciles d'accès que les terrains agricoles. L'État et surtout les collectivités locales ont un rôle important à jouer. En résumé, avec l'hypothèse revue d'une moyenne de coupe de bois d'oeuvre en exploitation à faible impact de 100 000 t/an (tonnage jamais atteint en Guyane depuis la fin des années 80 rappelons-le) donnant 150 000 t de connexes d'exploitation et 60 000 t de connexes de scierie, l'exploitation des bois ennoyés de Petit-Saut (réduit à 125 000 t/an pendant 25 ans) et l'exploitation du bois énergie issu de la défriche agricole que nous ramenons à 100 000 t/an vu les difficultés de la mise en oeuvre de sa collecte, alors les tonnages produits, 435 000 t/an, couvrent à peine les besoins en biomasse nécessaires à la production d'électricité pour les 41,7 MW de la PPE 2023 sur les 25 ans à venir (cf. tableau suivant). Cependant, compte tenu du rythme actuel observé dans la réalisation des centrales, on peut estimer qu'en 2023, seuls 29 MW seront en fait installés et qu'à cette date la sécurité d'approvisionnement de ces premières centrales est tout à fait réalisable à la condition que le projet Triton soit opérationnel.
50Chiffre
calculé d'après le document Voltalia diffusé en juin : connexes d'exploitation 130 000 t et connexes de scierie
20 000 t.
51(...).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau n°7 : Potentiel de biomasse forestière en Guyane Objectif de la filière Scénario optimiste 210 000 420 000 126 000 150 000 200 000 896 000 Hypothèse mission Scénario prudent prudente 100 000 150 000 60 000 125 000 100 000 435 000 pendant 25 maximum ans Pérennité de l'exploitation ou durée prévisible de l'exploitation pérenne montée en charge progressive pérenne sur 25 ans, augmentation possible sur 25 ans
En tonnes de bois humides
Potentiel Aujourd'hui
Bois d'oeuvre (1)
77 000
Connexes d'exploitation 154 000 forestière (2) Connexes de scierie 46 000
Bois morts du barrage de 0 Petit-Saut Défriche agricole TOTAL Puissance correspondante installée (MW) 0 200 000
(hypothèse : 7 000 h et 1,6 t de bois/ MWh)
18
80
39
(1) : cette donnée est présentée ici comme servant au calcul des deux lignes suivantes. (2) : les connexes d'exploitation représentent environ 3,5 fois le tonnage de bois d'oeuvre sorti. Les chiffres communément retenus de récupération sont de 1,5 à 2 fois le tonnage de bois d'oeuvre. La mission retient 1,5.
Source : mission
Afin de sécuriser la réalisation des 41,7 MW prévus en 2023, voire d'aller jusqu'aux 61,7 MW prévus en 2030, il faut conforter l'approvisionnement avec d'autres ressources d'autant qu'il convient d'anticiper dès maintenant l'arrêt de l'exploitation du bois ennoyé de Petit-Saut et de la défriche agricole qui devraient raisonnablement s'estomper au-delà de 2040. 4.4.2 Sécuriser l'approvisionnement sur le long terme
D'autres ressources de biomasse rapidement exploitables (au moins pour 200 000 t/an) pour la production d'énergie devraient donc être identifiées dès à présent. En accord avec le SAR de Guyane52, la mission précise qu'il n'est pas nécessaire de mobiliser des terres pour produire de la biomasse « cultivée », en dehors des espaces agricoles déjà définis dans le schéma. Ce principe est aussi celui retenu par la mission IGF, IGA, CGEDD, CGAAER sur le transfert du foncier de l'État en Guyane de février 2018. Ces espaces nous apparaissent comme suffisants : "Les espaces agricoles... représentent une superficie d'enveloppe totale de 199 458 ha, pour une SAU [surface agricole utile] attendue de 75 000 hectares à l'horizon 2030"53, même si aujourd'hui, la SAU n'est que de 32 000 ha en raison des retards observés de mise en valeur.
52
Le Schéma d'aménagement régional (SAR) a été approuvé par la Collectivité territoriale de Guyane et fait l'objet du décret n° 2016-931 du 6 juillet 2016.
53Citation
extraite du rapport de mission cité (page 238 du SAR) - Espace délimité en jaune sur les cartes du SAR).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
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Ces autres sources possibles de biomasse pour la production d'énergie sont les suivantes. Il est possible d'imaginer des plantations à vocation uniquement énergétiques sur une superficie totale limitée à 10 000 ha utiles, mais spatialement bien répartie et située à proximité de futures centrales biomasse pour limiter les coûts de transport. Disposer d'une ressource dédiée, proche et stable à long terme est un élément fondamental de sécurisation des plans d'approvisionnement des projets en complément des sources de biomasse fatale. Le PRFB devrait prévoir le principe des plantations sans qu'il soit nécessaire d'ajouter un deuxième document de planification à l'instar du projet actuel de la DAAF qui imagine la création d'un « schéma de plantation » qui retarderait inutilement les décisions en la matière. Il s'agit essentiellement des projets déjà décrits de plantation d'inga, de bambous ou de cannes fibres. Des projets agricoles (par exemple sur le polder de Mana) de cultures énergétiques existent. Les rendements agricoles attendus pourraient être les suivants : - canne fibre : 80 t/ha par an à 65 % humidité- bambou : 50 t/ha par an à 45 % humidité, - inga : 30 t/ha par an à 45 % humidité.
On peut concevoir aussi des plantations de co-production bois d'oeuvre-bois énergie, pour 90 000 t/an pouvant atteindre 200 000 t/an selon la cellule biomasse, soit environ 10 000 ha. En fait, comme pour l'exploitation à faible impact, l'évaluation du gisement est délicate car elle dépend de la synergie entre bois d'oeuvre et bois d'énergie, qui permettrait de rendre compétitif le bois d'oeuvre à l'export ou son utilisation importante dans le bâti guyanais. Certaines plantations peuvent redonner une affectation à des terres agricoles dégradées (espèces fixatrices d'azote) et constituer un complément de revenu pour des agriculteurs. La société Mia a développé un projet près de Kourou. Il combine production de bois d'oeuvre (teck), production de bois énergie (inga), fourrages et plantation de caféiers et de cacaoyers. Une parcelle expérimentale de quatre hectares du Cirad est également en phase test avec le mélange de différentes essences suite à une déforestation complète, mais faite en préservant les sols (technique du mulch). Des travaux intéressants sont menés par les instituts de recherche présents en Guyane et par des sociétés privées (Solicaz). Il convient de conforter leur démarche à cette époque clé. La mission pense qu'il y a des projets qui ne demandent qu'à démarrer, mais qui ont besoin d'un appui technique, voire de recherche appliquée, immédiat et soutenu dans le temps. En revanche, le modèle économique de ces plantations innovantes n'est pas encore établi, en l'absence de subventions aux plantations d'au moins 50 % : la création d'un fonds ad hoc pourrait être envisagée. De même, des soutiens financiers limités pourraient être accordés pour encourager la réalisation d'opérations agroforesterie, qui seront beaucoup moins productives en bois (jusqu'à dix fois moins), mais qui permettront de bonifier les sols (plantations de haies, arbres de haute tige en plein champ, plantes de service fixatrices d'azote). Enfin, il convient d'attribuer à des industriels souhaitant créer une usine biomasse à l'intérieur de la bande littorale (hors domaine forestier permanent), des contrats exclusifs à long terme
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées d'exploitation forestière de « bois énergie » sur des massifs de 15 000 à 20 000 ha, délimités par l'ONF prévoyant la mise en oeuvre, sous son contrôle, de coupes d'intensité modérée 54 à rotation de 25 ans. Selon le modèle expérimenté par l'ONF et l'Ademe sur Balata / SautLéodate, ces contrats permettraient de sécuriser l'approvisionnement de centrales biomasse et de fournir immédiatement un volume annuel de 200 000 t de bois énergie, réparti en deux ou trois contrats pour des usines en cours d'instruction, demandeuses de bois énergie à très court terme. Il leur appartiendrait de financer (par la valorisation du bois d'oeuvre par exemple) la réalisation progressive (sur 25 ans) du réseau de pistes principales nécessaires (coût total environ 8 M pour 20 000 ha), y compris en mobilisant des aides du FEDER.
Recommandation n° 7.
Au ministère de l'agriculture et de l'alimentation et aux ministères de l'économie des finances et des comptes et de l'action publique (DIE) : En Guyane, autoriser dans la bande littorale, hors domaine forestier permanent, l'attribution de contrats exclusifs à long terme d'exploitation forestière à des usines biomasse, sur des surfaces de 10 à 20 000 ha délimitées par l'ONF, permettant des coupes d'intensité modérée à but énergétique (sur le modèle Balata / SautLéodate étudié par l'Ademe en 2011). Le futur programme régional de la forêt et du bois devra inclure les projets ainsi identifiés.
4.5 Les problématiques économiques et sociales
4.5.1 Les coûts 4.5.1.1 Quelques coûts de référence de l'exploitation du bois
Il convient de rappeler les ordres de grandeur de coûts fournis par l'ONF relativement à la production de bois d'oeuvre.
54
L'intensité modérée se définit par rapport aux modalités d'exploitation de la forêt guyanaise testée dans le dispositif Inra de Paracou.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau n°8 : Décomposition du prix par tonne de bois rendu scierie (source orale ONF (bois d'oeuvre) et source CRE / Voltalia (bois énergie)(on rappelle : 1 m³ = 1,15 t environ). Bois d'oeuvre Prix du bois sur pied (payé à l'ONF) Abattage Débusquage Débardage Cubage Créations de pistes 26 /m 10 15 15 10 15
3
57
Bois énergie 8,20 /m3 7,47 19,11 9,41 2,49
Routes à camions (remboursées par l'UE 15 et la France) Transport TOTAL 25 à 45 environ 130 19,74 environ 70
D'après l'accord entre la préfecture de Cayenne et l'interprofession-bois du 2 avril 2017, les prix d'approvisionnement du bois énergie sont de : - 55 /t, départ scierie pour des plaquettes broyées issues des connexes de scierie, - 90 /t pour des plaquettes broyées issues d'exploitation forestière et livrées à la centrale. Toutefois, ce dernier cas semble un peu théorique pour l'instant, car le bois énergie issu de forêt sera sans doute stocké en rondins et broyé au fur à mesure dans les installations de la centrale biomasse. Il suppose que l'exploitant forestier dispose d'un broyeur, ce qui n'est en général pas le cas. Les différentes possibilités de production de biomasse énergie sont, comme indiqué ci-dessous, - la défriche agricole, - l'exploitation à faible impact de la forêt naturelle, - l'exploitation forestière par coupes sélectives à rotation de 25 ans, - les plantations de cultures énergétiques (canne fibre...) sans production de bois d'oeuvre, - la récupération de bois immergés (projet Triton), - l'agroforesterie.
4.5.1.2
Synthèse sur les coûts (voir annexe 6)
Compte tenu des gisements évoqués et de leurs coûts associés, il est possible d'évaluer un coût moyen du bois livré au parc de centrales biomasse (hors valorisation du CO2).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau 9 : Coût moyen du bois livré à la centrale biomasse incluant le broyage (10 /t). Gisement Défriche agricole Exploitation du domaine forestier permanent (connexes de scierie et d'exploitation) Exploitation type Balata Plantations à vocation énergétique Bois immergés Pellet importé (à PCI égal) Moyenne/ Total Sources : Voir annexe 6 L'essentiel des ressources de biomasse est disponible à un coût inférieur à 70 /t (soit 100 à 110 /MWh). Avec ces coûts, des centrales biomasse d'au moins 10 MW sont concurrentielles avec le projet de centrale de Degrad-des-Cannes. Les connexes d'exploitation forestière, issus de l'EFI, sont la ressource la plus onéreuse en raison du coût de transport et du tarif garanti par les accords de Cayenne. Dans ces conditions, les différentes filières évoquées ci-dessus peuvent être évaluées au plan économique ce qui permettra d'éclairer le débat sur les tarifs proposés par la Commission de régulation de l'énergie et sur lequel existent quelques divergences entre acteurs. 4.5.2 L'emploi. Volume annuel (t) 100 000 210 000 (100 000*0,6 + 150 000) 130 000(20 000 ha à 6,5 t/ha) 300 000 (10 000 ha à 30 t /ha) 125 000 t/an (pm) 865 000 Coût /t 65 80 60 65 à 75 pour du bois (80 à 90 pour de la canne fibre à PCI équivalent) 70 > 90 71,5 61 850 Coût total k 6 500 16 800 8 800 21 000 8 750
Les éléments fournis par l'ONF font état de 830 emplois directs actuellement liés à la filière bois, générant en outre 1 245 emplois indirects. Les éléments fournis par l'interprofession-bois de Guyane tendent à montrer que l'augmentation de volume de la filière (passage de 77 000 m3/an à 210 000 m3/an) conduirait à la création de 600 emplois.
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Figure 1 : Créations d'emplois par la filière bois (source présentation ONF). Cette projection est loin d'être uniquement due au développement de la biomasse énergie. L'objectif de récolter 210 000 m3 de bois d'oeuvre par l'exploitation à faible impact semble irréaliste. Néanmoins, même à volume de bois d'oeuvre constant, 150 000 t de connexes d'exploitation seront extraits de la forêt en plus du bois d'oeuvre pour approvisionner les centrales biomasse. La production, l'exploitation et le transport de la biomasse énergie entraîneront la création d'emplois en amont de la filière (exploitation, plantation, gestion) qui ne le seraient pas sinon. Il en est de même pour du bois issu de la défriche agricole ou urbaine et des plantations énergétiques. Le gisement en emplois correspondant est de 1,5 emploi pour 1 000 tonnes de bois exploité et livré. Les volumes envisagés précédemment, d'environ 500 000 t de bois énergie à terme conduisent à la création de 750 emplois environ, soit une économie potentielle de 10 M pour l'État sur le RSA (13 900 par an pour un couple au chômage avec deux enfants multiplié par nombre d'emplois créés). L'avantage économique de ces nouveaux emplois justifie un soutien maximal de la collectivité de 21 par tonne de bois exploitée ou 33 /MWh d'électricité.
4.6 La position des acteurs
Les missionnés ont réalisé de nombreuses interviews de toutes les catégories d'acteurs dont les propos sont reflétés dans l'annexe n°7. La mission retient les points saillants suivants. Il y a en Guyane une acceptabilité forte de l'utilisation durable du bois d'énergie issue de l'exploitation durable du bois d'oeuvre. Cette position est aussi vraie pour l'utilisation de la biomasse issue de la défriche, mais elle doit faire l'objet d'un suivi technique et administratif qui n'est pas encore en place.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées L'acceptation de la sylviculture ou de la culture de biomasse pour la production d'énergie sera peutêtre plus difficile et ce d'autant plus que les itinéraires techniques de celles-ci restent à construire. Toutefois, il convient de s'en préoccuper dès maintenant afin de pérenniser la filière biomasse. Une gouvernance plus partagée entre les différents acteurs serait un point d'amélioration de l'acceptabilité des différentes techniques de production de biomasse et donnerait plus de lisibilité à tous les acteurs. Loin de la hauteur des enjeux, les moyens mis à disposition par l'État au soutien de l'ensemble de la filière, de la recherche à l'agriculture en passant par l'exploitation forestière, y compris dans le suivi de son foncier et de ses tâches régaliennes de surveillance, sont unanimement décrits comme très insuffisants, particulièrement en ce qui concerne ses propres moyens humains. Le soutien à la filière passera pour beaucoup d'acteurs par une simplification des procédures administratives devant entraîner une accélération du démarrage des projets. D'une manière générale, les procédures tant environnementales, qu'économiques et fiscales apparaissent trop longues et complexes. Le soutien à la recherche et aux organismes de développement, mais aussi la poursuite de travaux de suivis aussi bien en exploitation durable de la forêt qu'en valorisation de la biomasse ou bien encore sur les techniques de restauration des terres dégradées, est souhaité par le plus grand nombre. La formation est un point important qu'il convient de promouvoir depuis l'exploitation forestière jusqu'à la sylviculture en passant par les métiers de l'énergie. Recommandation n° 8. Au préfet de Guyane : Revitaliser le comité de la filière bois associant l'ensemble des acteurs concernés, de l'amont à la deuxième transformation, afin d'élaborer et de décliner des stratégies de filière.
Recommandation n° 9.
A la Collectivité territoriale de Guyane : Soutenir grâce aux fonds de recherche et d'innovation les démarches scientifiques et techniques concernant les plantations de co-production bois d'oeuvre-bois énergie des institutions publiques en place, et des sociétés privées de conseil présentes sur ce secteur.
4.7 Recommandations sur la place de la biomasse dans la prochaine PPE de Guyane
En conclusion, la mission observe que les centrales à partir de biomasse se développent actuellement en Guyane mais à un rythme moins rapide que celui envisagé par la PPE. Toutefois, l'entrée en service progressive de ces installations va permettre d'assurer une meilleure spatialisation des moyens de production électrique et de consolider à terme le système. Ainsi, le mix énergétique de la Guyane pourrait se diversifier davantage et accroître encore la part des énergies renouvelables à un coût qui devrait rester maitrisé pour les finances publiques : au plus 20 /t (hors avantage CO2) pour 500 000 t
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées de biomasse, soit moins de 10 M. La biomasse n'est pas rentable en Guyane par rapport au fioul dans des centrales de moins de 10 MW, surtout si elles sont éloignées des chantiers d'exploitation qui l'approvisionnent (type centrale de Cacao). L'atteinte d'une nouvelle capacité installée de production électrique de 40 MW à partir de biomasse suppose que l'ensemble des projets actuellement identifiés se concrétise : cet objectif sera sans doute différé de quelques années par rapport à 2023. La mission estime qu'il est possible de le réaliser, mais à la condition de sécuriser davantage l'approvisionnement de ces projets. Cela suppose que l'exploitation des connexes d'exploitation et de scierie devienne systématique et que des volumes conséquents issus de la défriche agricole soient aussi utilisés. Sur le modèle de "Triton" à Petit-Saut qui bénéficie d'un approvisionnement garanti de très long terme avec les bois immergés du barrage (contrat passé avec l'ONF) les énergéticiens qui le demandent devraient pouvoir sécuriser jusqu'à 50 % de leur approvisionnement de long terme avec une ressource dédiée, complémentaire de cette biomasse fatale. Cela suppose de donner priorité au déblocage des négociations foncières en cours et de lever les obstacles administratifs qui ne sont pas irréductibles. Rendre obligatoire la défriche avant la mise en valeur agricole ou l'aménagement des terrains et structurer le service de collecte est l'enjeu prioritaire pour le succès de la filière. Cette activité devrait aussi contribuer à consolider plusieurs autres politiques publiques : maîtrise du foncier du domaine privé de l'État, développement agricole, filière bois et politique sociale du territoire. Il est en conséquent urgent de publier le cahier des charges de la DAAF sur la défriche agricole à faible impact avant la fin 2018 et de définir un prix énergie pour le bois issu de cette défriche. À plus long terme, la pérennité de l'activité de biomasse suppose que dès à présent les pouvoirs publics s'engagent sur les moyens de maintenir cet approvisionnement de manière durable. La mission préconise plusieurs solutions et recommande de les tester toutes de front. Les données sur les coûts évoquées plus haut militent pour rechercher d'autres modèles d'exploitation forestière que l'EFI. L'exploitation forestière type Balata pourrait être testée sur 50 000 ha divisés en permis d'exploitation de 10 à 20 000 ha. Le programme régional de la forêt et du bois devra identifier les superficies et les volumes d'exploitation correspondants. La mission estime que les activités de plantations liées à la biomasse doivent être considérées comme des activités agricoles et être encouragées par l'administration et par les collectivités, comme l'est la forêt en France métropolitaine. Elle propose d'acter que les plantations et les cultures énergétiques sont autorisées dans la bande littorale de 600 000 ha au même titre que les activités agricoles. Elles sont susceptibles d'apporter un supplément de revenu à des exploitants agricoles et de revaloriser certaines terres dégradées. L'ordre de grandeur de la surface à cultiver ou planter serait de 10 000 ha si on veut alimenter les 20 MW programmés à l'horizon 2030, cela selon différentes modalités : - l'exploitation mixte de bois d'oeuvre / bois énergie type MIA, - la culture de plantes énergétiques à croissance rapide type canne fibre, bambou, inga. Développer davantage la filière biomasse est aujourd'hui un choix politique, mais la réussite de ce pari suppose une coordination de l'ensemble des parties prenantes publiques et l'élaboration d'une véritable stratégie pour la filière bois.
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MARTINIQUE
La collectivité territoriale de Martinique (CTM) se caractérise par sa petite taille (superficie de 1 128 km2) et sa forte densité de population (335 habitants par km2). La population (377 000 habitants en 2016) est en baisse depuis 2007 et les projections démographiques récentes de l'Insee tablent sur une poursuite de cette tendance à l'horizon 2030 quel que soit le scénario considéré. La forêt occupe de l'ordre de 40 % de la superficie mais celle-ci, aux trois quarts privée, n'est que très faiblement exploitée et ne peut constituer une source significative de bois énergie. La surface agricole utilisée par les exploitations agricoles (SAU), de l'ordre de 23 000 ha, comprend environ 30 % de surface toujours en herbe, utilisée pour de l'élevage bovin extensif. Les terres cultivées sont utilisées principalement pour la production de banane (25 % de la surface agricole utile) et la production de canne à sucre (17 % de la surface agricole utile), qui constituent les deux principales activités d'exportation, mais au prix d'importantes subventions européennes et nationales. Le territoire comprendrait environ 15 000 ha de landes et de friches et 7000 ha de surface toujours en herbe en dehors des exploitations agricoles, mais la mise en valeur de ces terres ne pourrait se faire que difficilement. Une éventuelle production agricole à vocation énergétique se ferait donc essentiellement en substitution d'une activité à vocation alimentaire préexistante.
5.1 Système électrique et objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie
Le système de production électrique (puissance installée d'environ 500 MW) est dominé par des centrales électriques à fioul lourd (moteurs diesel, dont 211 MW mis en service en 2014) complétées par des turbines à combustion pour satisfaire la demande de pointe. La gestion des déchets est à l'origine d'une faible production électrique (usine d'incinération et collecte/production de biogaz). Pour ce qui concerne les énergies renouvelables (EnR), le photovoltaïque (PV) est la filière la plus présente, avec 63 MW installés fin 2016. Cette situation devrait se modifier avec la mise en service de la centrale biomasse Galion 2 d'Albioma courant 2018, d'une puissance nette de 34 MW et amenée à fonctionner en base. La programmation pluriannuelle de l'énergie 2016/2023, tout récemment adoptée (octobre 2018) table sur une poursuite du développement des EnR intermittentes, éolien et surtout photovoltaïque (respectivement + 24 et + 93 MW à horizon 2023), complétées à hauteur de 40 MW par des installations de stockage de l'électricité et de la géothermie. Cette électricité d'origine géothermique serait en grande partie importée de l'ile de la Dominique. La valorisation thermique des déchets fournirait également une puissance additionnelle de 10 MW opérée en base.
La demande électrique est caractérisée par une faible variabilité saisonnière et une courbe de charge journalière présentant deux pointes de consommation, de niveau assez semblable, à midi et le soir. Le bilan prévisionnel établi par EDF-SEI table sur une légère décroissance de la consommation électrique à l'horizon 2030, compte tenu des prévisions démographiques et des actions de maitrise de la
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées demande d'électricité (MDE) qui devraient être amplifiées dans les prochaines années (scénario de MDE renforcée). Dans le scénario de maitrise de la demande d'électricité renforcée, considéré comme le plus probable, les besoins en capacités nouvelles sont quasi inexistants à l'horizon 2030. En l'absence de croissance de la consommation électrique de l'île, la montée en puissance de la production d'électricité à partir de biomasse se fera par diminution du recours aux capacités thermiques fossiles d'EDF.
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5.2 La PPE, polémique au sujet de la biomasse importée
La Collectivité territoriale de Martinique a confirmé à la mission son souhait de mettre l'accent sur la maîtrise de la demande d'électricité pour réduire la demande d'électricité et réduire en priorité la dépendance aux énergies fossiles dans le secteur des transports (en développant notamment les transports collectifs et le véhicule électrique). En matière de production d'électricité, les filières à privilégier seraient la géothermie, l'éolien, le photovoltaïque avec stockage. Toutefois, la CTM est opposée à des installations au sol présentant pourtant les coûts de production les plus faibles. La biomasse n'aurait pas sa place dans le mix énergétique (problèmes de pollution de l'air, de nuisances associées aux circulations de poids lourds...), et tout particulièrement la biomasse importée qui créerait une autre dépendance vis-à-vis de l'extérieur. Selon la CTM, le scénario de valorisation d'une partie des déchets incinérables (non traités dans la seule unité d'incinération existante) se ferait par transformation en combustible solide de récupération qui pourrait être utilisé, en association avec des déchets verts, dans de petites unités de production électrique. Dans ce contexte, à la mi-2018, les travaux sur le schéma régional biomasse (SRB) et la révision de la PPE n'avaient pas été lancés, la Collectivité territoriale de Martinique refusant de participer à ces exercices. En revanche, les travaux sur le schéma régional forêt bois (SRFB) et le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) viennent d'être lancés. Les travaux récents sur la mobilisation du gisement de biomasse locale visent essentiellement à consolider le schéma d'approvisionnement en biomasse locale de l'usine Galion 2 (actions réalisées sur financement Ademe et Albioma). Quelques petits projets de méthanisation de déchets agricoles avec production d'électricité sont également à l'étude, d'une puissance inférieure à 1MW.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau 10 : Répartition du gisement de biomasse locale identifié par Albioma pour approvisionner l'usine électrique du Galion en pourcentage de l'approvisionnement total (objectif de 40%) Bagasse Galion Bagasse distilleries Paille de canne Sorgho entre deux cycles de production de banane Gestion des haies 5% 5% 3,5 % À confirmer, difficulté signalée relative à l'acquisition du matériel de récolte (absence d'aides sur le matériel d'occasion) Essais non concluants Deux entrepreneurs identifiés ; difficulté : 5 à obtenir les subventions auprès de la CTM 10 % pour l'achat du matériel de récolte 5% L'ONF s'est mobilisé sur cette ressource
Forêts Partie ligneuse des déchets du centre de 3à5% valorisation organique (CVO) du Robert Bois d'élagage bord de route, sous les L'ONF serait également prêt à se mobiliser 2à3% lignes électriques sur cette ressource Essais sur 1,5 ha, sélection des meilleures Taillis à courte rotation 5% espèces (Forêt privée), à confirmer 33 à Total 40 % Source : Albioma
Albioma a mis en service la centrale biomasse Galion 2 de 34 MW, adossée à la sucrerie du Galion, qui livre toute sa bagasse à l'usine électrique durant la campagne sucrière et obtient en échange la vapeur (basse pression) dont elle a besoin pour fonctionner55. Cette ressource ne représente qu'environ 5 % des besoins de la centrale dont l'approvisionnement en biomasse locale devrait cependant passer à 40 % en 2023, le complément étant assuré par des importations de pellets de bois en provenance du Sud-Est des États-Unis. L'usine électrique consommerait environ 200 000 t/an d'équivalents pellets56. Un intéressement sur le combustible d'origine locale a été inscrit dans le contrat d'achat de l'électricité, les économies réalisées par rapport au combustible importé devant être réparties à 50/50 entre Albioma et EDF-SEI. L'approvisionnement de l'usine du Galion en pellets depuis le port de Fort-deFrance se fait par camions de 30 t de charge, roulant de nuit (20 rotations par nuit) et avec des tracteurs routiers euro 6 (souhait de passer à l'électrique dès que des modèles de tracteurs d'autonomie suffisante seront disponibles, probablement d'ici 2023). La posture négative de la CTM vis-à-vis de la biomasse énergie rend difficile la mobilisation des financements FEADER et FEDER, notamment pour aider des entrepreneurs prêts à s'engager dans les opérations de récolte de la biomasse ce qui est regrettable.
55
La sucrerie n'ayant pas réalisé à temps l'investissement prévu dans des moulins électriques, la centrale du Galion a livré de la vapeur haute pression à la sucrerie au cours de la campagne sucrière 2018, ce qui a réduit ses livraisons d'électricité sur le réseau.
56On parle d'équivalent pellet car les PCI par tonne sont différents
suivant les biomasses : les pellets ont un PCI de 4,7 MWh/t,
alors que le bois frais a un PCI de 2,5 MWh/t.
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La mission propose de lancer un appel à projet spécifique aux Outre-mer pour permettre aux entreprises du secteur (des TPE) d'acheter du matériel de récolte de la biomasse. L'Ademe est favorable à cette proposition. La production de canne à sucre en Martinique est destinée à hauteur de 85 % à l'approvisionnement des distilleries agricoles (au nombre de sept) qui n'envisagent pas de mettre en place une production d'électricité à partir de bagasse (fonctionnement de la distillerie de 8 à 10 h par jour et hors weekend). La plupart des distilleries utilisent la bagasse pour la production de vapeur pour leur fonctionnement propre ou pour du compostage. Même si certaines (La Mauny, JM, Depaz) pourraient accepter de livrer leur excédent à l'usine du Galion, les quantités pouvant être mobilisées resteront somme toute faibles (10 000 t/an). L'ONF envisage de contribuer à la production de biomasse énergie locale en exploitant la forêt publique (objectif de 4 à 5 000 t/an) et en proposant à des propriétaires privés de gérer leurs parcelles (5 plans simples de gestion seraient en cours de réalisation) avec un objectif de 5 à 10 000 t/an. Ce bois énergie pourrait être disponible à 83 /t rendu usine sous forme de rondins (ajouter 10 /t pour le broyage), soit de l'ordre de 170 /t de MS. L'ONF ne juge pas réaliste la création de plantations de type taillis à courtes rotations. De l'ordre de 10 000 ha de terres seraient en friche en Martinique, mais de l'avis des interlocuteurs de la mission celles-ci semblent difficilement mobilisables pour un quelconque usage agricole (indivision, rétention spéculation foncière, qualité des terres). La gestion des déchets pourrait conduire à la production de 30 000 t de combustibles solides de récupération (source : SEEN, Albioma), à confirmer par les travaux en cours sur le Plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD). Albioma serait disposée à lancer une étude pour examiner la faisabilité technique et économique d'une utilisation des combustibles solides de récupération (CSR) dans son unité du Galion. L'alternative serait la combustion des CSR dans une unité de valorisation énergétique dédiée, mais un tel investissement ne pourrait être rentable qu'à partir de 20 MW thermiques, ce qui exige une ressource d'au minimum 40 000 t/an (source : SEMARDEL). En conséquence, il sera plus intéressant en Martinique, compte tenu des problèmes d'acceptabilité posés par la dépendance de l'unité du Galion à la biomasse importée, de s'orienter vers la combustion du CSR dans cette unité. Les investissements à consentir seraient de 30 à 35 % inférieurs à ceux nécessaires dans une unité de valorisation énergétique dédiée, dans la mesure où ils ne comprendraient pas les équipements en aval de la chaudière à CSR (turboalternateurs, système de condensation, poste d'évacuation de l'électricité...). Le prix de livraison du CSR à la centrale électrique devrait refléter le coût évité d'élimination de ce déchet qui reste à déterminer, la CSPE n'ayant pas vocation à financer la politique d'élimination des déchets. Il convient que les prescriptions techniques de ce CSR soient définies pour permettre cette valorisation dans l'unité Galion 2.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Recommandation n° 10. Au préfet de Martinique et à la Collectivité territoriale de Martinique : Veiller dans le plan régional de prévention et de gestion des déchets à définir les prescriptions techniques que devront respecter les CSR pour permettre une valorisation énergétique dans la centrale biomasse du Galion 2, en substitution à de la biomasse importée. En conclusion sur la place de la biomasse dans la production électrique en Martinique, on observe que la biomasse locale mobilisable plus les CSR, devraient permettre de produire à horizon 2023 de l'ordre de 100 GWh/an, soit de l'ordre de 6 % de la consommation d'électricité de l'île. D'après EDF-SEI, le système électrique aurait à terme besoin de 25 à 30 % d'électricité d'origine thermique pour assurer la stabilité du réseau. Il manquerait donc de 300 à 400 GWh/an d'EnR thermique pour garantir un mix 100 % EnR, soit de 40 à 50 MW fonctionnant en base. La valorisation des déchets hors CSR (incinération, biogaz) représente 5 MW, le complément devra donc être fourni soit par la géothermie (notamment en provenance de l'île de La Dominique) soit par de la biomasse importée soit (partiellement) par des cultures énergétiques locales57. Cette dernière piste a été très peu explorée en Martinique à ce jour (mis à part l'essai non concluant sur le sorgho implanté entre deux cycles bananiers) ; elle pourrait être reconsidérée, à la lumière des développements sur la canne fibre qui pourraient intervenir en Guadeloupe ou à La Réunion. La mission estime qu'il convient dans ce contexte de reconduire les objectifs biomasse de la PPE initiale en tenant compte de l'existence de Galion 2. La mise en service de la centrale biomasse alimentée par du pellet importé entraîne un surcoût de 50 /MWh aux conditions actuelles qui devrait aller en s'amenuisant avec la réduction du différentiel entre valeur tutélaire du CO2 et coût ETS. L'approvisionnement partiel en biomasse locale (40 % visé en 2023), moins coûteuse, pourrait contribuer à réduire en partie l'écart avec la solution fioul. L'éventuel démarrage d'une filière locale de canne énergie, pourrait renforcer l'approvisionnement local à coût équivalent au pellet importé (en incluant la charge CO2) avec des avantages économiques en création d'emploi et en stabilisation du tissu agricole.
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GUADELOUPE
La région Guadeloupe occupe une superficie de 1 628 km² et a une densité de population de 230 habitants par km2. La population (380 000 habitants en 2016) est projetée en baisse par l'Insee quel que soit le scénario considéré (- 8 % sur 2013/2030 dans la projection centrale). La forêt occupe de l'ordre de 45 % de la superficie de la région mais celle-ci n'est que très faiblement exploitée et ne peut constituer une source significative de bois énergie.
57Dans
un scénario maximaliste de développement de cultures énergétiques, la mise en place d'une rotation banane/canne fibre sur les 6 000 ha actuellement en banane permettrait de produire 90 000 t de MS (3 000 ha * 100 t/ha de canne fibre à 30 % de matière sèche), qui pourrait alimenter une unité de 13 MW fonctionnant en base et le basculement des 600 ha de surface en canne à sucre alimentant aujourd'hui la filière sucre en canne fibre serait à l'origine de 15 000 t MS supplémentaires (en tenant compte de la bagasse non produite), soit 2 MW supplémentaires en base.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées La SAU des exploitations agricoles, de l'ordre de 30 000 ha, comprend environ 30 % de surfaces toujours en herbe. Les terres cultivées sont utilisées principalement pour la production de canne à sucre (45 % de la SAU) et les cultures légumières et fruitières (dont environ 2 500 ha pour la banane). La production de sucre constitue la principale activité d'exportation, mais au prix d'importantes subventions européennes et nationales. Le territoire comprendrait environ 13 000 ha de landes et de friches et 17000 ha de surface toujours en herbe en dehors des exploitations agricoles dont la mise en valeur pour une production à vocation énergétique ferait face aux mêmes obstacles qu'en Martinique. Le système de production électrique (puissance installée d'environ 550 MW) est dominé par des centrales électriques à fioul lourd (moteurs diesel) d'EDF (211 MW installés en 2014) et les centrales charbon et charbon/bagasse d'Albioma (93 MW), fonctionnant en base et semi-base, complétées par des turbines à combustion (100 MW) pour satisfaire la demande de pointe. Pour ce qui concerne les énergies renouvelables (EnR), on note la présence d'une centrale géothermique de 14 MW et des installations hydrauliques de l'ordre de 10 MW. Les installations photovoltaïques (PV) représentent une puissance crête installée de 69 MW fin 2016, et les centrales éoliennes de l'ordre de 30 MW. La répartition spatiale de la production électrique est déséquilibrée par rapport à la consommation, Grande-Terre étant excédentaire et Basse-Terre déficitaire en électricité. La demande électrique, qui s'élève à 1 800 GWh/an en 2016, est caractérisée par une faible variabilité saisonnière et une courbe de charge journalière présentant deux pointes de consommation, de niveau assez semblable, à midi et le soir. Le bilan prévisionnel établi par EDF-SEI table sur une légère décroissance de la consommation électrique à l'horizon 2030, compte tenu des prévisions démographiques et des actions de maitrise de la demande d'électricité (MDE) qui devraient être amplifiées dans les prochaines années (scénario de MDE renforcée). Dans le scénario de MDE renforcé, considéré comme le plus probable, des besoins en capacités nouvelles de pointe pourraient apparaître à partir de 2023 en remplacement d'installations existantes.
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6.1 Options de la PPE et place de la biomasse
La PPE 2016-2023 a été adoptée en avril 2017 et sa révision a été lancée en avril 2018. Elle comporte des objectifs ambitieux de poursuite de développement des EnR. Tableau 11 : Programmation pluriannuelle de l'énergie de Guadeloupe.
Source : PPE
Par consensus entre la DAAF, la chambre d'agriculture, les communes, le photovoltaïque au sol est limité aux sites inutilisables par l'agriculture, (anciennes décharges, anciennes carrières, sols rocheux improductifs assez fréquents à Grande-Terre). Le photovoltaïque sur toiture ne se développe pas très
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées vite (quelques MW par an), jugé trop peu rémunérateur par les possesseurs de toitures importantes, notamment les agriculteurs. L'éolien est très restreint par la présence d'un radar militaire à Grande Terre sur la façade au vent et par la présence d'habitat diffus et d'intérêts paysagers et touristiques sur une bonne partie de GrandeTerre, côté Sud. Il a été développé surtout à Marie-Galante et à La Désirade. 80 MW seraient en développement en phase avec les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie d'après EDF-SEI, notamment dans le cadre d'opérations de « repowering » d'installations existantes. Dans ce contexte, il est peu probable que les énergies intermittentes, même avec stockage, puissent rapidement subvenir à l'essentiel des besoins. Ceci étant, si le coût de revient de l'électricité photovoltaïque continue à baisser, il faudra réexaminer les interdictions d'utilisation de terres potentiellement agricoles pour réaliser des installations photovoltaïques au sol, dans la mesure où une même surface permet de produire dix fois plus d'électricité si elle est équipée en panneaux solaires que si elle est utilisée pour une production de biomasse énergie. Les installations géothermiques ont été reprises par un groupe américain qui a fait ses preuves depuis un an (selon EDF). Celui-ci pourrait rapidement décider d'augmenter leur capacité à 20 puis 40 MW en base et à un coût entre 100 et 200 /MWh selon la PPE. Un projet d'importation d'électricité à partir d'installations géothermiques implantées sur l'ile de la Dominique, auquel les élus régionaux semblent favorables, a également été évoqué, mais celui-ci reste très incertain, notamment en raison des ravages du dernier cyclone. Le schéma régional de gestion des déchets prévoit la production de 60 000 à 70 000 tonnes/an de combustibles solides de récupération (CSR) qui seront disponibles pour une valorisation énergétique, qui pourraient représenter une puissance en base d'un peu moins de 10 MW. La nécessité d'assurer la stabilité en fréquence et l'inertie du réseau peut être atteinte, selon EDF, avec une part réservée aux productions thermiques (disposant de machines tournantes) aujourd'hui de plus de 50 %, à terme de 25 à 30 % de la production électrique. Dans le scénario volontariste de maîtrise de l'énergie renforcée, retenue par les acteurs, il faudrait disposer, dans une hypothèse de décarbonatation du parc électrique, de 80 à 100 MW de puissance thermique EnR, de préférence bien réparties spatialement entre plusieurs sources indépendantes. Cette puissance pourrait être fournie par la centrale géothermique de Bouillante, les centrales Albioma du Moule fonctionnant avec de la bagasse, des CSR et d'autres sources de biomasse. Ces moyens de production seraient susceptibles d'être complétés par une ou plusieurs centrales à partir de biomasse situées sur Basse-Terre pour assurer un équilibre spatial satisfaisant de la production. Les travaux sur le schéma régional biomasse (SRB) prévu par la loi TECV ont été lancés à l'automne 2017. Les éléments provisoires disponibles (rapport provisoire de mars 2018) font état d'un potentiel mobilisable à horizon 2028 (au-delà de la valorisation observée aujourd'hui) de 46 000 t de déchets issus des filières bois (y compris produits en fin de vie), 72 000 t de déchets agricoles et de 52 000 t d'autres bio-déchets (déchets et résidus de l'industrie agro-alimentaire, déchets verts, sous-produits de la gestion des eaux) susceptibles de produire 75 GWh/an d'électricité et 20 GWh/an de biogaz (soit
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées 8 GWh/an d'électricité, si cette forme de valorisation du biogaz était retenue). Ce gisement correspond à une capacité d'environ 12 MW fonctionnant en base. La filière bois est totalement à l'arrêt suite à la création du Parc national de Guadeloupe et aux contraintes financières de l'ONF (pas de possibilité d'investissements). Une forêt sans filière bois d'oeuvre et sans programme de plantations ne peut pas fournir de bois énergie à un coût intéressant. Le projet de SRB prévoit une production de cultures énergétiques à hauteur de 100 000 t/an en 2028, correspondant à une production d'électricité de 43 GWh/an (soit 6 MW installés en base). Celle-ci pourrait prendre la forme d'une production de canne fibre qui a été étudiée par le Cirad et l'Inra et dont 10 ha ont été mis en place par la société Quadran à Goyave, dans des terres à banane, afin d'être en mesure de multiplier rapidement trois variétés sélectionnées par le Cirad, très productives (150 t/ha à 70 % d'humidité sur ce site). Quadran considère également que les techniques de récolte mécanisée et de combustion de la canne fibre sont au point, ce qui lui permet d'envisager un projet de centrale de 12 MW en Basse-Terre à un horizon de quelques années.
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6.2 Perspective de conversion des centrales - charbon existantes à la biomasse
Albioma envisage la conversion de ses centrales électriques installées au Moule à la biomasse, en commençant par celle dite de Caraïbes énergie en 2020, puis des deux autres centrales en 2021 et 2022, avec l'objectif de se conformer aux exigences de l'arrêté du 26 août 2013 relatif aux installations de combustion d'une puissance (thermique) supérieure ou égale à 20 MW soumises à autorisation au titre de la rubrique 2910 et de la rubrique 2931, en matière de pollution de l'air. Si on considère que la bagasse déjà disponible au Moule, 4 à 5 mois/an équivaut à 10 MW lissés sur l'année, il resterait donc 80 MW charbon à substituer (soit 540 GWh/an). Compte tenu du gisement en déchets, sousproduits et CSR, il faudrait trouver un gisement de biomasse correspondant à 60 MW en base. Les études de l'Inra ont montré que la zone de production la plus favorable pour la canne fibre se situait à Basse-Terre, ce qui ne facilitera pas l'approvisionnement des unités Albioma situées à GrandeTerre. Même si de la canne fibre implantée à Basse-Terre pourrait être transportée jusqu'au Moule58, Albioma devra recourir à l'importation d'une quantité importante de biomasse, ce qui n'est pas considéré comme une solution pérenne par les élus d'après le Préfet. La question de la pérennité de l'ensemble des unités du Moule (dont deux ont été mises en service en 1998 et l'autre en 2011) peut donc se poser à la fin du contrat de fourniture avec EDF-SEI. Une autre option à explorer à l'horizon 2030 serait d'alimenter partiellement Le Moule avec de la biomasse (pellets) en provenance de Guyane, sachant qu'il faut ajouter le coût de la transformation en pellets (100 /t pellets) au coût de la biomasse livrée usine en Guyane (80 /t fraîche, soit 130 /t pellets)59. On aurait donc un combustible très cher (250 /t pellets avec transport) mais des coûts fixes bas, car les usines d'Albioma sont amorties et ne nécessitent que de petites adaptations pour accepter de la biomasse. On pourrait produire ainsi jusqu'à 200 GWh renouvelables supplémentaires sans nouvel équipement (avec un groupe de 30 MW existant).
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La sucrerie du Moule est en partie approvisionnée par de la canne sucrière cultivée à Basse-Terre. Il faut 1,6 t de bois pour produire une tonne de pellets.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
Parallèlement à la conversion des unités d'Albioma, la mission considère qu'il conviendrait de prévoir dans la révision de la PPE, la réalisation d'une ou deux centrales électriques d'une dizaine de MW alimentées à partir de plantations de canne fibre implantées à Basse-Terre pour équilibrer spatialement la production électrique en base sur le territoire. L'appel de EDF-SEI aux moyens de production d'EDF à Jarry de 210 MW est destiné à décroître au fur à mesure de leur substitution par les EnR, objectif atteignable en 15 ans. La mise en place de ces équipements très récents a été décidée en 2007, à un moment où on tablait encore sur une croissance démographique de l'île. C'est désormais une sécurité pour la Guadeloupe, qui a un coût comme une prime d'assurance, mais permet le développement, à un rythme plutôt lent des diverses EnR de substitution. La place future de la biomasse pourrait s'inscrire dans un mix énergétique décarboné que la mission envisage selon le tableau ci après. Tableau 12 : Mix électrique potentiel de la Guadeloupe à l'horizon 2030 satisfaisant l'objectif de 30 % de production thermique à partir d'EnR. VISION PROSPECTIVE DU MIX EN 2030 Géothermie locale Biomasse locale bagasse Biomasse locale (canne fibre) Biomasse locale (déchets bois et combustibles solides de récupération) Biomasse de Guyane (pellets) (sous réserve de faisabilité) Autres énergie (Éolien, PV, biogaz, TAC, géothermie importée....) Source Mission pour 2 000 GWh de conso 300 GWh 80 GWh + 10 GWh (Marie-Galante) 140 GWh 150 GWh 200 GWh 1 120 à 1320 GWh
6.3 Aspects économiques, environnementaux, agricoles et sociaux
6.3.1 Sur le plan économique
Le coût de la biomasse livrée usine en /MWh (part variable du MWh électrique) est le suivant dans les conditions actuelles : bagasse : 14,50 /t de canne fraîche payée au producteur soit pour un rendement de 120 KWh/t de canne, 120 /MWh électrique ; combustible solide de récupération (CSR), déchets bois, prix proche de zéro, voire négatif ; nécessite un investissement (four et cheminée, filtres) générant des coûts fixes élevés, peut être envisagé en substitution du charbon sur installation existante ; canne fibre - valeur pivot évaluée par simulation économique de l'Inra dans Rebecca 2 de 50 à 60 /t livrée usine dont 15 à 20 /t de récolte mécanisée et de transport (limité au
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées maximum par les choix d'implantation des usines), soit un coût de combustible à 150 à 180 /MWh électrique ; pellet de Guyane : 205 /MWh électrique60 ; pellet des États-Unis : 150 /MWh électrique mais risque d'octroi de mer au taux maximal de 30 % par décision éventuelle de la région.
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Pour comparer les options, il faut prendre en compte l'impact positif sur l'emploi de la canne fibre (100 /MWh) et des pellets de Guyane (30 /MWh), voir annexe 5), et la nature de l'usine, neuve ou existante. Les plans d'approvisionnement, validés avec le préfet et la CRE, s'appuieront successivement, par "ordre de mérite": - la biomasse fatale (CSR, déchets ligneux, bagasse de distillerie, déchets de bananeraie, bois de rebut, entretien d'espaces verts et d'espaces naturels) ; - la canne fibre et potentiellement la paille de canne ; - les pellets importés des USA ou d'ailleurs ; - les pellets de Guyane si disponibles. 6.3.2 Sur le plan environnemental
Il n'y a pas d'opposition en Guadeloupe à la valorisation des gisements de biomasse disponibles. La valeur culturelle de la canne la rend acceptable facilement comme culture énergétique. Le bilan carbone de la canne fibre, calculé par l'Inra, est très bon sur les sols agricoles ou sur les friches61. Le consensus social est en faveur de la protection de la forêt (au nom de la biodiversité). Le brûlage de CSR ne soulève pas d'opposition aujourd'hui, notamment si cela pouvait se faire au Moule chez Albioma, sans création d'usine supplémentaire. C'est l'importation de pellets qui peut faire débat, soit en raison de leur origine (Guyane) soit en raison de la forte volonté d'indépendance énergétique, telle qu'exprimée par les élus de Marie Galante (Mme Etzol). Mais leur bilan de gaz à effet de serre n'est guère pénalisé par le transport en bateau, celui-ci n'est pas rédhibitoire. Les récentes exigences des normes de traitement des fumées des usines à biomasse sont bien supérieures à celles imposées aux distilleries et aux sucreries existantes. La sucrerie de Marie-Galante est en dérogation jusqu'à la mise en service de l'usine électrique en projet sur le site. Les centrales du Moule vont être mises aux nouvelles normes notamment grâce au passage au 100 % biomasse. Contrairement au charbon, les cendres issues de biomasse ne nécessitent pas de traitement pour être rendues aux champs faisant économiser des intrants de synthèse. Le préfet de Guadeloupe et la Présidente de la Communauté de communes de Marie-Galante ont mentionné dans le protocole d'accord signé en avril 2018 avec les deux porteurs de projets, EDF et la
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/t (cf. 6.2.) plus 20 de transport, soit 250 /t, et 0,82 t pellet/ MWh
0.035 t CO2/MWh (thermique) de biomasse à comparer à 0.25 t CO2/MWh de fioul lourd (Source : Rebecca).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées CRE, que l'utilisation des sargasses à des fins énergétiques devait être envisagée très favorablement si elle était pertinente techniquement et économiquement. Si cette solution était pertinente, il pourrait être envisagé de construire une plate-forme de traitement des sargasses pour la Guadeloupe voire les îles voisines 62. La prochaine PPE devrait évaluer plus précisément la faisabilité technique et économique d'une valorisation énergétique des sargasses63. 6.3.3 Impacts possibles sur le plan agricole
Les cultures énergétiques telles que la canne fibre sont moins sensibles aux parasites et étouffent plus rapidement les adventices par leur fort potentiel de croissance. Peu exigeantes en produits phytosanitaires, elles peuvent jouer un rôle intéressant dans les assolements sur les zones à enjeux (périmètres de captage). La canne fibre peut se succéder à elle-même de très nombreuses années sur le modèle de la canne à sucre à condition de laisser les pailles au sol ou d'apporter du compost (résultat développé dans le programme de recherche appliqué Rebecca2 mené de 2011 à 2016 par l'Inra et le Cirad et la société Quadran). La rotation banane/canne est très favorable pour les deux cultures et peut être alternée dans des durées différentes en fonction des rendements économiques attendus. Partant de 2 500 ha de bananes, en très net recul depuis 10 ans (- 2 500 ha), on pourrait disposer de surfaces appréciables de canne fibre dans la région du centre. Les agriculteurs mettant en place cette rotation aimeraient pouvoir conserver les quotas en bananes correspondant à la production qu'ils auraient abandonnée plus de deux ans au profit d'une production énergétique. Selon la profession agricole, le ramassage des pailles de canne serait peu réalisable sur le plan pratique (risque d'abîmer les repousses), pierres volcaniques ou calcaires en affleurement, coût trop élevé comparé à la valeur thermique64, bien qu'il soit pratiqué de temps en temps par des éleveurs en mal de fourrage ou souhaitant limiter leurs coûts d'approvisionnement externe. 6.3.4 Impacts sur le plan social
La transformation de la biomasse en électricité est génératrice de plus d'emplois par GWh produit que toutes les autres sources d'énergie. On peut dans le cas de la structure des exploitations agricoles de Guadeloupe considérer qu'une production annuelle de 500 t de canne fibre mobilise un emploi agricole (cf. annexe 5). Cet effet net dans le cas d'une remise en culture de friches peut s'analyser comme un emploi sauvegardé dans le cas de déprise des terres à canne sucrière ou à banane par suite de nouvelles règles de marché qui seraient imposées, perspective que beaucoup d'interlocuteurs agricoles considèrent comme
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Voir le rapport sur les sargasses, CGAAER CGEDD 2016.
Le rapport CGAAER/CGDD estime le gisement annuel, pour la Martinique et la Guadeloupe, à 700 000 m3 de sargasses fraîches en année de crise et à 140 000 m3 les années dites intermédiaires, soient respectivement 9 000 et 1 700 tonnes de matières sèches organiques (MO). En retenant une hypothèse (favorable) de 0.2 tCH4 / t MO et un rendement électrique de 40%, ce gisement correspond à des productions électriques de respectivement 10 et 2 GWh/an (soit 0.3% et 0.06% de la consommation électrique des deux îles). Les sargasses ne semblent donc pouvoir contribuer que très modestement à l'approvisionnement électrique des Antilles.
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Une étude exploratoire d'Albioma chiffre le coût de collecte, de réception et de préparation au niveau de la centrale dans une fourchette de 80 à 120 /t de MS hors rémunération du planteur (à comparer à environ 150 /t MS pour la canne fibre)
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées inéluctable. Cependant, en Guadeloupe, les usines sucrières et leurs syndicats sont « vent debout » contre la canne fibre accusée d'être le fossoyeur potentiel de la filière : cette porte de sortie atténue la pression pouvant être exercée sur les pouvoirs publics en cas de crise répétée. Ceci étant, la substitution de la canne sucrière ou de la banane par une culture énergétique ne sera que très partielle, au plus 3 000 ha de canne fibre pour alimenter deux unités d'une dizaine de MW, à comparer à 13 000 ha de canne à sucre et 2 500 ha de banane. Les interlocuteurs du monde agricole, Président de chambre d'agriculture, Président de syndicats d'intérêt collectif agricole (SICA) cannière, Président de Safer, rencontrés par la mission, ont semblé très ouverts au contraire sur cette diversification énergétique offrant de nouvelles garanties à la profession. Avec la fin des quotas, le marché est à l'avantage des betteraviers par rapport aux producteurs de canne. En conséquence on peut anticiper un repli de quelques milliers d'hectares de la sole cannière, la filière se recentrant sur le débouché exclusif du sucre non raffiné et des sucres bio ou IGP (Marie-Galante). Il pourrait y avoir substitution, sans impact sur l'emploi agricole, de la canne à sucre par de la canne énergétique sur les surfaces intéressantes ayant un fort rendement matière et un faible rendement sucrier, comme celles de la région de Capesterre qui seront proches de l'usine électrique alors qu'elles sont les plus pénalisées par le transport vers la sucrerie du Moule sur Grande Terre. Les rhumeries, comme en Martinique, peuvent également se développer aux dépens de la production de sucre. 6.3.5 En conclusion
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Les ressources en biomasse de la Guadeloupe pour produire de l'énergie sont limitées, en particulier par le statut de conservation de sa forêt et sa faible superficie agricole. CSR et déchets ligneux divers représentent avec la bagasse tout au plus 30 MW de potentiel en base. La canne fibre apparaît comme un potentiel en biomasse exploitable à un coût socio-économique très intéressant compte tenu de son fort contenu en emploi (1 emploi pour 450 t de canne fibre) et de son potentiel de substitution progressive à des cultures d'exportation (banane, canne sucre) menacées car très dépendantes de subventions nationales et européennes. Ce scénario a été étudié par le programme "REBECCA. Grâce aux très forts rendements de la canne fibre, cette substitution pourrait se faire en réalisant des économies pour les finances publiques (chapitre 3.5) et sans perte de revenu ni d'emploi pour le secteur agricole et logistique (les emplois en sucrerie représentent un faible pourcentage du total de la filière). Le chiffrage des avantages écologiques (impact CO2) et socio-économiques (création d'emploi, subventions agricoles ou coût de RSA évité) de cette source de biomasse cultivée la rend compétitive par rapport au charbon et quasiment compétitive avec le fuel lourd (cf. 3.1).
Une première étape, d'ici à 2023, dans une optique volontariste de décarbonation du mix, pourrait consister, d'une part, à favoriser la substitution du charbon pour des pellets importés dans les unités existantes d'Albioma et, d'autre part, à lancer la filière canne fibre par la programmation d'une ou deux centrales d'une dizaine de MW en Basse Terre (type projet Quadran), qui concernerait au plus 3 000 ha de SAU (environ 800 emplois agricoles). Une deuxième étape pourrait être franchie à l'horizon 2030 par la substitution d'une partie des pellets importés par de la canne fibre, à condition de pouvoir mobiliser des terres sous-exploitées ou en friche
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées et de résoudre l'adaptation des unités industrielles existantes à la canne fibre (humidité et caramélisation des résidus sucrés). L'importation de pellets semble incontournable de façon à permettre le fonctionnement continu des centrales biomasse. En effet, la canne fibre est un intrant volumineux et difficile à stocker et sa récolte ne pourra pas avoir lieu sur un bon tiers de l'année en raison des difficultés d'accès des machines sur les parcelles. Il en est de même pour compléter l'approvisionnement au démarrage de la filière.
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LA REUNION
La mission ne s'est pas rendue dans ce territoire mais a procédé à une consultation des services administratifs locaux (SGAR, DEAL, DAAF, Ademe) engagés dans la révision de la PPE. La Réunion est une île volcanique de 2 512 km2 et a une densité de population de 330 habitants par km2. La population (841 000 habitants en 2013) est projetée en augmentation par l'Insee quel que soit le scénario considéré (+ 15 % sur 2013/2030 dans la projection centrale). La forêt occupe de l'ordre de 40 % de la superficie de la région mais celle-ci n'est que très faiblement exploitée et ne peut constituer une source significative de bois énergie. La surface agricole utilisée par les exploitations agricoles (SAU), de l'ordre de 42 000 ha, comprend environ 75 % de surfaces cultivées, dont 23 000 ha en canne à sucre. La production de sucre constitue la principale activité d'exportation, mais au prix d'importantes subventions européennes et nationales. Le territoire comprendrait environ 50 000 ha de landes et de friches probablement difficilement mobilisables pour une production énergétique. La demande électrique, qui s'élève à près de 3 000 GWh/an en 2016, est caractérisée par une faible variabilité saisonnière et une courbe de charge journalière présentant deux pointes de consommation à midi et le soir, dont l'importance relative dépend de la saison (ainsi la pointe du soir est supérieure à la pointe de midi pendant l'hiver austral). Le bilan prévisionnel établi par EDF-SEI table sur une croissance de la consommation électrique de 1,3 % à l'horizon 2023 (1,1 % sur 2023/2033) dans le scénario de maîtrise de la demande d'électricité (MDE) renforcée. Le système de production électrique (puissance installée d'environ 850 MW en 2016) est assez diversifié avec en base, les centrales charbon/bagasse d'Albioma (210 MW) et des centrales électriques à fioul lourd (moteurs diesel) d'EDF (211 MW mis en service en 2013), complétées par des turbines à combustion (80 MW) pour satisfaire la demande de pointe (notamment en hiver) et environ 140 MW de puissance hydraulique (fournissant 16 % de la production). Pour ce qui concerne les autres énergies renouvelables (EnR), on note le développement important du photovoltaïque (187 MW crête, 8,8 % de la production électrique totale) et une présence encore faible de l'éolien (15 MW installés). Le mix électrique reste dominé par les énergies fossiles et confronté à de fréquents aléas climatiques (cyclones).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées La production d'électricité à partir de bagasse est réalisée dans les deux unités d'Albioma, situées à proximité des sucreries de Bois-Rouge et du Gol. Elle représente 18 % de la production totale de ces unités (environ 8,5 % de la production totale d'électricité). Dans le scénario de maitrise de la demande d'énergie renforcée, des besoins en capacités nouvelles de pointe apparaîtraient dès 2019 (20 MW), puis encore de 40 MW vers 2021/2023.
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7.1 Les objectifs EnR de l'actuelle PPE
La PPE 2015/2023 a été validée par décret le 12 avril 2017. Sa révision est déjà engagée. La région n'a pas de compétence énergie, mais joue un rôle économique très actif dans le développement durable de son territoire qui a, de ce point de vue, une longueur d'avance sur les autres DOM. On peut citer le pôle de compétitivité Qualitropic qui soutient les activités de R&D sur la valorisation énergétique et biochimique de la canne à sucre et de la canne fibre. La PPE prévoit un développement important des EnR sur la période 2018/2023, notamment en matière de photovoltaïque, de biomasse et de valorisation énergétique des déchets. Tableau 13 : Programmation pluriannuelle de l'énergie à la Réunion.
Source : PPE
Si le solaire photovoltaïque dispose d'importantes marges de progression, en revanche, l'éolien ne se développe que lentement, au ralenti depuis plusieurs années, comme dans les autres îles, la loi littoral étant utilisée pour contrer les implantations de projets éoliens sur la frange côtière. De même qu'en Martinique et Guadeloupe, EDF a fait renouveler en 2013 les moyens thermiques existants au fioul avec une forte augmentation de puissance installée (toutefois il s'agit de batteries de moteurs diesel mobilisables séparément), dont le facteur de charge diminuera progressivement avec
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées le développement des EnR. Avec les installations d'Albioma en plus, la stabilité du réseau électrique parait bien assurée.
7.2 Place de la biomasse : un objectif ambitieux de substitution des énergies fossiles
Les travaux sur le schéma régional biomasse (SRB) ont été initiés en juin 2017. Des documents préliminaires (État des lieux, Document d'orientation) ont été produits fin 2017. On y trouve une première estimation du gisement potentiel de déchets et sous-produits des secteurs « urbain et collectivités », « industrie » et « agricole » d'une part, et de biomasse forestière (exploitation du bois et connexes de scierie, à hauteur de 6 000 tonnes de MS ou 30 GWh thermique), d'autre part. Le gisement total s'élèverait à 500 GWh/an thermique (dont 200 GWh pour les pailles de canne), soit de l'ordre de 125 GWh/an d'électricité. Une étude d'avant-projet réalisée par l'ONF pour Albioma en février 2018 fait état d'un gisement de bois énergie de 55 000 t/an, dont 10 000 t/an de coproduits de l'exploitation forestière, 40 000 t/an de coproduits de l'entretien des espaces naturels et 5 000 t/an de coproduits issus de la lutte contre les espèces invasives. Ce gisement semble pour une bonne part déjà inclus dans l'estimation réalisée dans le cadre des travaux du SRB. La filière de traitement des déchets, qui repose aujourd'hui massivement sur la mise en décharge, pourrait s'orienter vers la production de 200 000 t/an de combustibles solides de récupération (CSR) (130 000 t/an par le syndicat de traitement Ouest et Sud et 70 000 t/an par le syndicat de traitement Nord et Est) qui ferait l'objet d'une valorisation énergétique correspondant à une production d'électricité de 180 GWh/an (soit une puissance en base de 22 MW)65. Cette valorisation électrique peut se faire dans des unités dédiées ou dans les centrales électriques d'Albioma, moyennant des investissements qui ne comprendraient pas les équipements en aval de la chaudière à CSR (turboalternateurs, système de condensation, poste d'évacuation de l'électricité...). Cette seconde option serait moins coûteuse d'un point de vue socioéconomique et contribuerait à la substitution du charbon par une source d'énergie locale. En retenant l'estimation préliminaire d'investissement pour une centrale dédiée réalisée par le syndicat de traitement Ouest et Sud et en tablant sur une économie de 30 % par rapport à ce montant dans l'option Albioma, le coût de production socioéconomique de l'électricité serait égal à 160 /MWh en retenant un coût nul du CSR et de 90 /MWh en retenant un coût négatif du combustible solide de récupération de 65 /t (correspondant au coût évité de la mise en décharge, hors prise en compte de la taxe générale sur les activités polluantes). Le tonnage de CSR disponible pour une valorisation énergétique devrait diminuer dans le temps sous l'effet du plan de réduction des déchets à la source décidé par la région, malgré la croissance attendue de la population. La substitution du charbon dans les deux centrales charbon/bagasse d'Albioma (210 MW) porterait sur un volume d'électricité d'environ 1 200 GWh/an, soit 4 800 GWh/an thermique. L'utilisation du
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Les éléments d'informations utilisés dans cette section sont tirés du rapport du CGEDD « Gestion des déchets sur l'ile de La Réunion », juin 2018.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées gisement précédent identifié, incluant le combustible solide de récupération, correspond à 1 200 GWh/an thermique : il resterait donc à trouver 3 600 GWh/an thermique qui correspondent à environ 750 000 t/an d'équivalent pellets de bois ou 2,6 Mt/an de canne fibre à 65 % d'humidité. Par ailleurs, Albioma a mis en service une turbine à combustion de 4 MW au bioéthanol, reposant sur de l'importation en provenance de l'île Maurice qui rend possible l'incorporation d'éthanol produit localement par fermentation, puis distillation des mélasses de sucrerie. Au prix du rhum de sucrerie, les coûts de ces MWh « verts » sont extrêmement élevés selon la CRE et selon les calculs que la mission a pu effectuer. Le contrat d'achat limite fortement le recours à cette turbine à combustion destinée à couvrir les pointes du réseau (jusqu'à 600 h/an). Dans les projections à long terme vers l'autonomie complète vis à vis des énergies fossiles, en 2030, du fait de la limitation probable du potentiel des énergies intermittentes et hydraulique, ce sont les énergies de la mer et la géothermie qui sont susceptibles de limiter le recours à la biomasse dans le mix électrique. Les élus locaux ne ferment pas la porte à des importations de biomasse, même massives. Du fait de la capacité de production électrique existante pouvant être substituée par de la biomasse dans les centrales d'Albioma, et de la surcapacité possible à moyen long terme des moyens thermiques installés à La Réunion, il ne semble pas y avoir beaucoup de porteurs de projets alternatifs d'usine de biomasse. En tout cas, la PPE 2023 n'en fait pas mention et la mission n'en a pas recensé. La mission partage les orientations de l'actuelle PPE en matière de conversion progressive des centrales thermiques d'Albioma à la biomasse. Pour le futur, elle préconise de recourir à de la biomasse locale venant s'ajouter à une large part de biomasse importée. Le coût relativement élevé de la biomasse importée devrait permettre de rentabiliser l'exploitation de nombreux gisements de biomasse fatale.
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7.3 Le rôle de l'agriculture, des cultures de biomasse et les évolutions possibles de la culture de la canne à sucre seront déterminantes pour atteindre les objectifs d'autonomie énergétique.
L'Ademe a étudié pour la Réunion (en cours pour les autres DOM) un scénario 100 % EnR qui repose principalement sur la valorisation des bagasses et de la canne-fibre en tant que culture énergétique. Ce scénario n'est pas un plan d'action, mais un exercice de prospective destiné à éclairer les décideurs. En plus de la valorisation des déchets combustibles ou méthanisables facilement ou plus difficilement mobilisables sur le territoire (boues de station d'épuration, déjections animales des porcs et des bovins, gaspillage alimentaire, rebuts divers), ce scénario joue sur trois leviers : - la conversion progressive des variétés actuelles de canne à sucre cultivées à La Réunion vers des variétés ayant un contenu en fibre supérieur à 20 % (au lieu de 13 % actuellement) sans perte de teneur en sucre, et l'augmentation significative (+ 20 %) des rendements à l'hectare permettant de disposer de volumes conséquent de bagasse supplémentaire à surface cultivée constante (passer de 450 000 t à 600 000 t de MS) ; - la culture de canne fibre sur des terres en friche estimées à 10 000 ha récupérables (potentiel : 500 000 t de MS soit 500 GWh électrique) ;
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées la mobilisation partielle (33 %) des pailles de canne, par ramassage mécanisé au champ ; le gisement potentiel serait considérable (environ 12 t de MS/ha par an dont la moitié pourrait être collectée sans dégrader la qualité des sols66, soit un potentiel de 140 000 t de MS/an pour La Réunion). Le coût de collecte, de réception et de préparation au niveau de la centrale serait compris entre 80 et 120 /t de MS hors rémunération du planteur. La concurrence directe avec l'élevage pour qui la paille est un intrant local intéressant, les difficultés de mécanisation et la nécessité de ne pas compromettre la repousse des cannes67 entament la faisabilité de cette source d'approvisionnement.
Les expérimentations et travaux de recherche associant le Cirad concernant l'amélioration génétique de la canne à sucre et les usages énergétiques ou moléculaires de toutes les fractions de cette biomasse (projet eRCANE) sont en cours depuis longtemps à La Réunion et devraient donner lieu à des développements agricoles (avec TEREOS). La gazéification de la canne fibre est également évoquée comme source majeure de biocarburants dans le futur proche (travaux d'Engie en métropole). Le projet SYPECAR associant également le Cirad et ERCANE, a étudié la faisabilité d'une production d'électricité à partir de cultures énergétiques de canne fibre à La Réunion. Des coûts moyens de production de la canne fibre de 160 à 200 /t de MS (soit de 50 à 60 /t brute) seraient nécessaires pour inciter les agriculteurs à substituer de la canne fibre à de la canne sucrière. On retrouve donc les mêmes ordres de grandeur de coûts que ceux obtenus en Guadeloupe. Reste à déterminer à l'échelle de la Réunion, qui produit 80 % du sucre de canne des DOM, quel niveau de transfert peut avoir lieu entre la production sucrière destinée au raffinage en métropole (non rentable vis à vis des betteraves, malgré les niveaux de subvention accordés par l'Europe et l'État) et la production de canne fibre à visée uniquement énergétique. D'après les éléments fournis par la DAAF de La Réunion, un planteur de canne sucrière a perçu une recette moyenne de 78 /t de canne en 2017, dont 22 /t d'aides diverses au planteur et 56 /t payés par la sucrerie, qui, elle, bénéficie d'une aide à la transformation de 42 /t et de la prime bagasse, prise en charge par la CSPE, de 14,5 /t, soit une aide de 78,5 /t de canne (dont 65 % de subventions nationales et 35 % de subventions européennes). Sur la base d'un rendement de 80 t/ha de canne sucrière, ce soutien s'élève à 6 280 /ha de canne sucrière, dont 4 080 /ha sur le budget national. On peut considérer que les emplois soutenus grâce aux aides versées à la filière canne sucrière sont localisés pour 92 % dans le secteur amont (voir annexe 5). La substitution d'un hectare de canne sucrière conduirait à une économie budgétaire de 3 750 /ha68, et 2 200 /ha de subventions européennes. On peut envisager des économies de plusieurs dizaines de millions d'euros y compris en CSPE. Dans ces conditions, la substitution de canne fibre au charbon dans les centrales existantes d'Albioma présenterait un net avantage socio-économique sur le pellet importé et mériterait d'être privilégiée dans la stratégie régionale; l'écart de coût réel entre les deux combustibles rapporté au MWh est négligeable (165 pour la canne fibre, 150 pour le pellet). Ce scénario implique de demander à Albioma d'étudier techniquement et financièrement sur une première unité la conversion charbon/canne fibre.
66 67 68
Source : Etude Albioma. Ce problème n'existe pas avant replantation soit une année sur cinq. En supposant que le soutien dont bénéficient les emplois industriels est maintenu. Dont CSPE 1160/ha pour 80t/ha
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Environ la moitié de la production de sucre réunionnaise (de l'ordre de 100 000 t/an) est raffinée en métropole et se trouve en situation de concurrence défavorable par rapport au sucre de betterave, le reste de la production étant valorisé sous forme de sucre roux sur des marchés plus rémunérateurs. La mobilisation en vue d'une production énergétique de la moitié de la sole cannière, conduirait à produire environ 1 Mt/an de canne fibre, soit près de 350 GWh/an, ce qui permettrait de substituer 25 %69 de la production électrique actuelle à partir de charbon par de la biomasse locale, sans perte d'emploi (hors usines à sucre représentant actuellement 500 emplois).
Recommandation n° 11. Au ministère de l'agriculture et de l'alimentation et au ministère de la transition écologique et solidaire : Soutenir, à travers leurs agences et instituts scientifiques et techniques, les travaux de recherche et développement et les expérimentations sur les utilisations énergétiques de la canne (sucrière et fibre), en associant les acteurs industriels, afin d'accélérer l'autonomie énergétique de l'île de La Réunion. Prévoir dans la future PPE une étude technique et financière sur la conversion charbon/canne fibre d'une unité charbon existante.
280 GWh/an déduction faite de la production électrique actuelle à partir de bagasse.
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MAYOTTE
Mayotte est une île située dans l'hémisphère sud, entre l'Afrique et Madagascar et s'étend sur près de 376 km2. Elle comptait selon le dernier recensement Insee de 2012, 212 645 habitants très inégalement répartis sur le territoire, principalement concentrés sur la bande littorale du nord-est (90 % de la population) et sur la Petite Terre, avec une densité de population très élevée. Ce territoire connaît une réelle croissance économique et démographique et fait face à des flux migratoires importants. Les besoins de développement d'infrastructures (logements, équipements des ménages) se traduisent dans l'augmentation de la demande d'électricité observée ces dernières années (et de la pointe électrique), en dépit d'actions incitatives en faveur de la maitrise de la demande d'électricité mises en place depuis plus de 13 ans. L'île qui était depuis le 31 mars 2011 un département et une région d'Outre-Mer (DROM) est devenue depuis le 1er janvier 2014 une région ultrapériphérique de l'Union européenne, éligible aux fonds européens. Mayotte ne dispose pas de compétence propre en matière d'énergie mais, en tant que zone non interconnectée, elle est tenue en application de l'article 203 de la loi TECV d'élaborer une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
8.1 Les objectifs de l'actuelle programmation pluriannuelle de l'énergie (2016-2018/2019-2023)
La première PPE de Mayotte a été publiée le 22 avril 2017. Comme dans les autres zones non interconnectées, ce texte prévoit d'engager ce département sur la voie de l'autonomie énergétique et envisage un ambitieux plan de développement des énergies renouvelables alors qu'aujourd'hui le mix électrique de Mayotte est dominé par les énergies fossiles : 94,4 % d'énergies fossiles et 5,6 % d'EnR, principalement du photovoltaïque (situation fin 2015). Mayotte est très dépendante de l'importation des hydrocarbures dont l'usage se répartit à 40 % pour la production de l'électricité et 60 % pour le secteur des transports : le coût de production de l'électricité est de fait supérieur à celui de la métropole et se situait selon la CRE en 2013 à hauteur de 371 /MWh. Le différentiel entre le coût de production et le prix de vente de l'électricité est pris en charge par la CSPE. La production électrique est aujourd'hui assurée par 17 moteurs diesel répartis sur l'ile de petite Terre (centrale des Bandamiers) et l'autre sur la Grande Terre (centrale de Longoni) et des installations photovoltaïques sans stockage à hauteur de 13 MWc. Compte tenu du déclassement de la centrale des Bandamiers en 2024, la PPE identifie un besoin de puissance supplémentaire de 44 MW d'ici la fin de 2023 et de 22 MW supplémentaires à l'échéance de 2028. La PPE préconise de couvrir une partie de ce besoin par un projet de centrale biomasse de 12 MW qui pourrait recourir pour son approvisionnement sur une part substantielle d'importation du combustible, ainsi que par un projet d'installations photovoltaïque avec stockage (11 MWc), le reste étant couvert soit par une centrale fonctionnant au fioul léger ou au gaz de pétrole liquéfié. La PPE indique qu'en cas de retard ou impossibilité de réaliser les capacités aux moyens d'EnR alors l'intégralité des besoins pourrait être couverte par les moyens fossiles.
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8.2 La réalisation d'une future centrale biomasse exigera de recourir à l'importation
La mission ne s'est pas rendue dans ce territoire mais a procédé à une consultation de l'ensemble des services administratifs locaux (SGAR, DEAL, DAAF, Ademe) qui ont entamé depuis la fin de l'année 2017 la révision de la PPE avec l'objectif d'aboutir d'ici la fin de l'année. Le projet de centrale biomasse semblerait constituer une piste sérieuse d'étude pour les services de l'État dans la mesure où désormais le porteur initial du projet (Albioma) aurait à nouveau manifesté auprès des services son intérêt à poursuivre son projet et de le voir aboutir d'ici 2022-23. De plus, une autre société pourrait aussi être intéressée par ce projet. Le potentiel d'approvisionnement en biomasse locale est en cours d'estimation par les services. La ressource en déchets verts serait très limitée (au maximum de l'ordre de 2 000 t par an), de même que les éventuels déchets liés à l'exploitation forestière ou à la récupération de boues de station d'épuration, soit au total un maximum de 5 % de l'approvisionnement de cette future centrale. En conséquence, la concrétisation de ce projet reposerait uniquement sur un schéma d'importation du combustible, de type des pellets, comme pour la centrale de Galion 2 en Martinique. Les élus locaux ne seraient pas opposés sur ce territoire au principe même de l'importation de bois ou pellets, mais au contraire favorables à l'émergence d'une autre source d'énergie dans le mix du territoire. De même, les associations environnementales qui assistent aux travaux en cours sur la future PPE n'auraient pas fait connaître leur opposition sur ce sujet. Pour apprécier l'intérêt économique de moyens de production électrique à partir de biomasse (pellets importés pour l'essentiel compte tenu des faibles possibilités de production locale de biomasse), il convient de les comparer à de nouvelles centrales avec des moteurs diesel à partir de leur coût complet de production. Sur la base d'un coût de production au fioul déduit des références guyanaises (230 à 300 /MWh), le prix d'opportunité socioéconomique des pellets se situerait dans une fourchette de 130 à 220 /t (pour une unité d'une dizaine de MW), soit une filière proche de la rentabilité du point de vue de la collectivité (coût actuel des pellets de 180 /t rendu usine).
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CGEDD
Jean-Jacques BECKER Ingénieur général des ponts des eaux et des forêts
CGE
Jean CUEUGNIET Ingénieur général des mines
CGAAER
François COLAS Inspecteur général des services vétérinaires
Florence TORDJMAN Inspectrice générale de l'administration et du développement durable
Michel VALLANCE Ingénieur général des ponts des eaux et des forêts
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ANNEXES
9.1 Annexe 1 : Lettre de mission
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9.2 Annexe 2 : Liste des personnes rencontrées ou consultées
Élus Sénateur de Guyane : M. Georges Patient Administrations Cabinet Ministère de l'agriculture et de l'alimentation : Vincent Abt Cabinet Ministère de la transition écologique et solidaire : Xavier Ploquin Cabinet Outre-Mer : Yohan Wayolle CGAAER : François Colas-Belcour CGEDD : Sylvie Alexandre, Bernard Buisson, René Cornec, Catherine Mir Ministère de la transition écologique et solidaire / DGEC : Virginie Schwarz, Pierre Fontaine, Olivier de Guibert Ministère de l'agriculture et de l'alimentation / DGPE : M. Alain Joly, délégué ministériel, Sylvain Réallon, Frédéric Granger, Léa Moliné, Claire Morlot Ministère de l'économie, des finances, DGE : Elodie Boudoin Ministère de l'économie, des finances, de l'action et des comptes publics /DGFIP : Édouard Marcus (chef de service fiscalité), M. Philippe Bourreau (chef de bureau DGFIP) Ademe : Remi Chabrillat, Guy Fabre, ONF Paris : Benoît Fraud, Patrick Falcone Commission de régulation de l'énergie : Catherine Edwige, Christophe Leininger, Cybèle Mollaret FNE : Adeline Favrel (chargée de mission forêt), Julie Marsaud (coordinatrice forêt) Entreprises Albioma : Fréderic Moyne (DG), David Agid, Pascal Langeron Voltalia : Gautier Le Maux, Mathieu Poupard EDF/ SEI : Christian Gosse, Fabrice Beck, Gherardi Claire Marie Société forestière de la CDC : Gilles Seigle, Jean Michel Servant CDC : M Hoffman, Dominique Mirada (Directeur des Outre-mer) Syndicat des EnR : Samy Engelstein, Jérôme Billery (DG Quadran) Vidéo -conférences avec les services de l'État et cellules biomasse : Mayotte Joël Duranton (DEAL), Bertrand Wybrecht (DAAF adjoint), Arnaud Benoît (SGAR, chargé de mission), Abdelaziz Ait Ichou (DEAL) Ademe : Fourtin, Antoine Coutine
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Martinique François Martin (DIECCTE), Romain Cadot (DEAL), Juliette Mouche (DAAF) Patrick Bourven (Directeur DREAL) La Réunion François Bellouard (SGAR adjoint) Benoît Herlemont (SGAR adjoint), Jérôme Dulot Personnes rencontrées en Guyane entre le 11 et 18 juin 2018 : Elus Hélène Sirder, Vice- Présidente Collectivité territoriale de Guyane (conférence téléphonique) Administrations Préfet : Patrice Faure SGAR : Yves Marie Renaud (SGAR adjoint), Florent Taberlet DEAL : Eric Vallée, Yann Sauvale DAAF : Gladys Bernard Cellule Biomasse : Hervé Moinecourt Etablissements publics Établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane : Boris Rotsen, Patrice Pierre Ademe : Suzanne Pons, Pierre Courtiade Grand Port Maritime : Lemoine Philippe (DG) ONF : Éric Dubois (directeur), Laurent Descroix, Sébastien Peillet, Ugo Coste CNES : Didier Faivre (Directeur) Établissements de recherche CNRS / Cirad : Jacques Beauchêne, Bruno Clair, Aurélie Autissier Entreprises EDF SEI : Augusto Soares dos Reis Interpro-bois : Grégory Nicolet Voltalia :Gautier Le Maux, Mathieu Poupard Société Forestière Amazonia : M. Nicolet Grégory Solicaz : Elodie Breunstein (DG) GDI Forest initiative : Etienne Vernet Société de conseil : Pierre Biava SEFEG : Hendrik Vemper (DG), Luc Bourdette (responsable exploitation), Jean Bernard SIMA PECAT : Stéphane Guerrere Akuo energy : Olivier Kremer (DG) MIA : Stéphane Maillet Verso consulting : Antoine Malik Madoui ONG WWF : Philippe Thibault Sepanguy : Rémi Giraud
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Personnes rencontrées en Guadeloupe du 12 au 20 juin 2018 Elus : Conseil régional Guadeloupe : Maguy Celigny (Vice-Présidente), Julien Laffont, Régis Desbonnes, Jérôme Dancoisne, Nicolas Pouget (EXPLICIT) Communauté de communes de Marie Galante : Mme Etzol (par téléphone) Administrations Préfet : Philippe Gustin SGAR : Mme Aurore Le Bonnec DEAL : Jean François Boyer (Directeur régional), Nicolas Rouget (DEAL adjoint) DAAF: Vincent Faucher (Directeur) Organismes professionnels Chambre d'agriculture : Patrick Sellin, Président Safer : Rodrigue Trèfle, Président, Yannick Boc Syndicats d'intérêt collectif agricole (SICA) de Marie Galante, SICA de Basse terre Etablissements de recherche Inra : Jean Marie Blazy Entreprises : EDF SEI : Jean Gabriel Faget Energreen : Michel Salgon, Jacques Simonnet Quadran Caraïbes: Manuel Vieille Grosjean (Directeur), Anna Lafont Personnes rencontrées en Martinique du 12 au 20 juin 2018 Elus : Collectivité territoriale de Martinique : Louis Boutrin (Vice-Président développement durable), Mme Pauletti, M. Villeron, M. Fannis Assaupamar : Joël Joseph-Merelix (Président) Administrations : DEAL : Patrick Bourven (Directeur), Nicolas Fourrier Douanes: Nadine Mollard (Chef du pôle action économique), Sophie Pivert Etablissements publics Ademe : Charlotte Gully ONF : Pierre Very (Directeur) Entreprises Avea energy : Jean Pierre Croisy, PDG SARA : Philippe Guy (DG), Henri Roche SEEN (concessionnaire traitement des déchets) : Lilian Fanget (DG), Denis Saint-Pe Albioma Antilles Guyane : Nicolas de Fontenay, DG Mathieu Jeannesson (Directeur approvisionnement Antilles et staff de l'usine Galion2) Rhumerie Saint James: Jean Claude Benoit (Directeur de la distillerie), Daniel Rapaille
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9.3 Annexe 3 : Le bilan carbone de la forêt
Généralités sur le bilan carbone de la biomasse Les études du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) montrent que la quantité de carbone stockée dans l'atmosphère ne représente qu'une faible partie du stockage total de carbone, inférieure à celle stockée dans les forêts (biomasse et sol), ce qui conduit à être vigilant dans l'exploitation de la forêt.
Figure 3 : Réservoir de carbone mondial (hors océan) en Gt de carbone. La forêt en climat tempéré Le bilan carbone de la biomasse est généralement considéré comme neutre dans les pays développés aux latitudes tempérées, dans la mesure où la plante absorbe du CO2 dans sa phase de croissance et le carbone est ensuite relâché lors de la combustion de la biomasse70.
Figure 4 : Évolution des stocks de carbone des réservoirs de carbone du sol, de la biomasse et de l'atmosphère dans le cas d'un boisement (gauche) ou d'un déboisement (droite). La durée indiquée de 20 ans correspond au cas d'une forêt en climat tempéré, et non à la forêt primaire71.
71
Etude ONF- ADEME (fig 26): Production de bois-énergie sur un massif forestier dédié à cette vocation en Guyane. Etude de cas en forêt de Balata Saut Léodate, Hervé Quezel et al, 2011. 71 Etude ONF- ADEME (fig 26): Production de bois-énergie sur un massif forestier dédié à cette vocation en Guyane. Etude de cas en forêt de Balata Saut Léodate, Hervé Quezel et al, 2011.
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Le bilan est aussi neutre pour les cultures énergétiques que l'on peut faire sur un sol nu au départ. La quantité totale stockée (végétation + sol) augmente avec l'âge des peuplements (quelques t de carbone/ha au début du peuplement jusqu'à plus de 100 t en fin d'évolution) et avec le type de plantations (45 t de carbone/ha pour le Douglas, environ 85 t de carbone pour le hêtre ou le sapin), ceci pour la France métropolitaine. La forêt guyanaise Le stock de carbone dans une forêt naturelle atteint une valeur limite : les forêts très âgées non exploitées ne sont plus en croissance et leur métabolisme respiratoire rejette autant de CO2 que leur métabolisme photosynthétique en absorbe. Une étude du Ministère de l'agriculture de 2006 indique que la forêt primaire guyanaise contient environ 165 tC/ha (soit 350 t Matière sèche - MS) de végétation aérienne, plus 95 tC/ha de nécromasse (litière, arbres morts) et de racines et matières organiques du sol, soit 260 tC/ha. L'Ademe propose des valeurs nettement inférieures et considère que la destruction de la forêt primaire libère le carbone stocké dans la biomasse et le sol avec les ordres de grandeur suivants (une tonne de MS contient 0,475 t C) : la forêt tropicale contient au départ 200 t de carbone/ha, c'est-à-dire 123 tC /ha de biomasse aérienne (241,5 t de MS/ha de biomasse plus 18,5 t MS/ha de nécromasse) et 77 t C dans le sol. Les études sur le bilan carbone de l'exploitation de la forêt guyanaise Les types d'exploitation mis en place ou envisagés en Guyane (voir chapitre 4) sont les suivants. - La coupe pratiquée actuellement par l'ONF (EFI : exploitation à faible impact) ne prélève en moyenne que les cinq plus beaux arbres à l'ha soit 25 t/ha emportées (14 t MS). L'exploitation peut sans doute être considérée comme neutre en carbone, le rythme de régénération étant voisin de celui de la coupe. Les dégâts collatéraux et les houppiers laissent environ 42 t MS de nécromasse qui va lentement se transformer en CO2 (demi-vie de 10ans). - Une expérimentation conduite par l'ONF et l'ADEME en 2011 a consisté à exploiter une surface de 12 000 ha dans la forêt de Balata / Saut-Léodate, ayant un potentiel de production de 1 600 000 t de bois sur 25 ans, dans le cadre du protocole suivant : définition de 25 parcelles, exploitées tous 25 ans ; prélèvement sur chaque parcelle d'environ 40 tiges/ha (120 m3/ha pour la première coupe et 100 m3/ha pour les suivantes), soit donc une production annuelle nette moyenne de 4 à 5 m3/ha. La récupération comme biomasse énergie du bois mort laissé sur place après l'EFI ou une coupe sélective a un bilan neutre et est évidemment intéressante sur le plan carbone (mais elle l'est rarement sur le plan économique). L'ONF a analysé de manière détaillé le bilan carbone de l'exploitation (création des pistes, carburant consommé pour la coupe et pour le transport...) et de la transformation du massif forestier dans le cadre d'une exploitation sur 100 ans (4 rotations de 25 ans) ;
Forêt naturelle Biomasse(t MS) 403,7
Forêt exploitée en bois énergie 226,1
Bilan - 177,6
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Nécromasse (t MS) Total (t MS) Equivalent Carbone (t C)
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18,5 422,2 200,5 24,7 250,8 119,1 + 6,2 -171,4 - 81,4
Source : Contenu Carbone de la forêt (Tableau extrait de l'étude ONF-ADEME)
Figure 5 : Répartition des émissions de carbone calculées sur le cas d'étude de Balata / Saut-Léodate intégrant la diminution massique du couvert forestier.
Figure 6 : Répartition des émissions de carbone calculées sur le cas d'étude de Balata / Saut-Léodate hors diminution du couvert forestier. Sur 100 ans, le bilan est de 1,05 tonne de CO2 émise par tonne de matière sèche produite. Suivant les ratios de conversion de l'étude72, on arrive à 883 g de CO2 par kWh électrique, valeur voisine de celle du fioul (828g). A la lumière de ces résultats, l'ONF propose un mode d'exploitation optimisé avec moins de casse lors des récoltes et avec l'utilisation d'un porteur à la place d'un « skidder ». Le gain est assez sensible, conduisant à une réduction de 35% de la dette carbone et donc un coût CO2 de 557 g/kWh au lieu des 883 g initiaux
L'étude ONF/ ADEME conduit au tableau suivant sur la base des 12 000 ha considérés.
72
Ratio de 0,8366 t MS par MWh électrique, soit environ 1,6 t de bois à 45% d'humidité
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Commentaires de la mission : Le choix d'un calcul sur 100 ans a un sens mais reste néanmoins arbitraire. L'Ademe le justifie par une référence à « une durée généralement considérée du carbone dans l'atmosphère » qui n'a qu'un rapport éloigné. Le tableau ci-après montre que cette durée d'exploitation est primordiale dans le calcul : on détruit un capital initial pour avoir ensuite une exploitation vertueuse, mais la première conséquence est le relâchement dans l'atmosphère (sur 25 ans dans l'exemple73) d'une grande quantité de CO2. les surfaces forestières proches du littoral ont déjà été exploitées ou défrichées partiellement, puis laissées à l'abandon. Leur contenu carbone n'est plus celui d'une forêt primaire : on peut sans doute estimer qu'il est réduit de 25 à 33% (inventaires ONF). Un autre type d'exploitation forestière de ces surfaces de la bande littorale que dans le massif forestier permanent constitue donc une piste à privilégier.
-
Si on garde la durée de 100 ans d'exploitation, avec le modèle optimisé ONF appliqué à la bande littorale, le kWh électrique ne dégagerait que 438 g de CO2 par kWh, nettement moins que le fioul74. Il faut donc une cinquantaine d'années d'exploitation pour que la production d'électricité à partir de bois dégage un bilan CO2 positif par rapport à la solution fioul.
73
Le protocole prévoit l'exploitation successive de 25 parcelles (une par an) instaurant un régime permanent au bout de 25 ans
74
Cette valeur est voisine de celle qu'on obtiendrait avec le modèle ONF/ ADEME initial mais sur une durée d'exploitation de 200 ans.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau 20 : Bilan carbone selon la durée d'exploitation sur le cas d'étude de Balata / Saut-Léodate. 100 ans 100 ans Durée exploitation 1 an 100 ans ONF 200 ans mission optimisé Coût destruction forêt primaire (tC) 81,4 81,4 48,3 36,2 81,4 Coût construction routes (tC) 4,4 4,4 4,4 4,4 4,4 Coût exploitation forestière (tC) 1,2 4 4 4 7,8 Total tonnes de C/ha 87 89,8 56,7 44,6 93,6 Bois produit (t de MS) 90 312 312 312 608 Coût tC/ t bois utile 0,967 0,288 0,182 0,143 0,154 Cout t CO2/ t MS utile 3,544 1,055 0,666 0,524 0,564 Coût g de C/kWh électrique 809 241 152 120 129 Coût g de CO2/KWh électrique 2965 883 557 438 472 * Hypothèse reprise de l'étude de 0,8366 t MS (soit environ 1,6 t bois) par MWh électrique Gisement envisageable de la défriche agricole. On peut voir sur la figure suivante du CITEPA que 5,5 Mt de CO2 sont dégagées annuellement en raison du déboisement (souvent illégal) de la forêt guyanaise, ce qui signifie qu'il y avait là un gisement de biomasse récupérable sur près de 7 000 ha par an. Aujourd'hui, le rythme de défriche s'est réduit à environ 3000 ha/an, soit des émissions de 3,6 Mt CO2/an.
Figure 7 : Histogramme des émissions de gaz à effet de serre dues aux déboisements, données par Région pour les années 2008 et 2009 (source : CITEPA / MEDDTL inventaire CCNUCC). Nota : Certains peuvent s'étonner que le bilan carbone soit si mauvais pour l'exploitation de la forêt primaire, alors qu'il est considéré comme neutre pour celle de la forêt tempérée. L'explication tient à un changement d'état, la forêt pour "pousser" de manière optimale ayant besoin d'une réduction du stock de bois à l'ha, et du fait du rythme de croissance (4 à 15 t MS/ha/an selon les espèces et les milieux), la succession de coupes à intervalles réguliers aboutit à un stock moyen réduit, équivalent à un déstockage de CO2 par comparaison à une forêt inexploitée. A l'inverse, une forêt inexploitée finit par ne plus stocker de CO2 (gains = pertes par mortalité et décomposition), voire à déstocker sous l'effet du changement climatique et des accidents naturels (ouragans, incendies, attaques parasitaires ou dépérissements de grande envergure).
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Figure 8 : Contenu en carbone des réservoirs sol et végétation en forêts tropicale et tempérée. Source Club carbone forêt Bois www.cdeeclimat.com d'après données GIEC 2000. (Il faut diviser par 3,66 pour avoir des valeurs en t de carbone/ha).
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9.4 Annexe 4 : Mix électrique des différents DOM étudiés (extraits des PPE des DOM concernés).
Guadeloupe
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Martinique
La Réunion
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La Guyane
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9.5 Annexe 5 : Détail des éléments de cadrage économique présentés dans le rapport
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9.6 Annexe 6 : Coûts de fourniture du bois énergie en Guyane :
Les différentes filières évoquées dans le rapport peuvent être évaluées au plan économique ce qui permettra d'éclairer le débat sur les tarifs proposés par la Commission de régulation de l'énergie et sur lequel existent de larges divergences entre acteurs suivant leur position. 1 - Coûts estimés de la défriche agricole Cette activité de récupération de la biomasse fatale est peu développée à ce jour, alors qu'elle permettrait de valoriser à la fois le bois d'oeuvre et le bois énergie. On a indiqué plus haut que la part du bois d'oeuvre était relativement réduite (20 t/ha). Dans la décomposition des prix donnée en 4.5.1, on économise le prix de 26 payé à l'ONF (puisque l'ONF ne touche actuellement rien sur la défriche) et une grande partie des autres coûts (cubage, routes, pistes, transport), conduisant à un prix de revient d'environ 40 /t (pour un bois que la scierie est susceptible d'acheter une centaine d'euros). On estime pouvoir récupérer 200 t/ha de connexes d'exploitation (bois énergie) valant de l'ordre de 90 /t en incluant le broyage, si on suit les accords de Cayenne. Néanmoins, la mission considère que les accords de Cayenne n'ont pas lieu de s'appliquer pour la défriche agricole pour laquelle il n'y a pas de redevance ONF. La mission considère que par rapport au bois d'oeuvre estimé ci-dessus, le coût de collecte sera plus élevé (car tout le petit bois plus long à manipuler doit être sorti), donc environ 50 /t hors broyage. Ces coûts sont cohérents avec ceux de l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane qui a proposé aux opérateurs de projets biomasse des tarifs de 11 000 /ha pour la défriche (c'est à dire préparation, nivelage du champ, enfouissement du mulch et retrait des souches) en échange du bois dans un schéma où l'agriculteur n'a plus à défricher le champ mais ne touche plus non plus le fruit de la vente du bois. Le prix résultant pour l'usine biomasse serait au maximum de 50 /t environ : hors transport et hors broyage (11 000 pour 220 t). Avec ces hypothèses la centrale biomasse peut récupérer sur la défriche agricole 200 t/ha à un prix de base de 65 /t (..). 2 - Coûts estimés du bois énergie provenant de l'exploitation à faible impact Cette activité existe déjà mais trouve ses limites du fait des coûts de création de pistes et des distances de débusquage, ce qui rend le bois d'oeuvre scié relativement peu compétitif. L'augmentation du nombre de tiges par ha (passer à 7) obligerait les exploitants à prendre des grumes moins belles pour le bois d'oeuvre et augmenterait légèrement le potentiel de bois énergie. On a estimé ci-dessus le potentiel à 100 000 t de bois d'oeuvre associées à 150 000 t de connexes car la récolte de ces connexes à un coût acceptable n'est envisageable que sur les massifs en exploitation à proximité de centrales, avec des frais de transport de bois énergie qui restent modérés (type CACAO, Abiodis).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Suivant les accords de Cayenne, l'exploitation à faible impact conduit à un coût moyen d'approvisionnement pour la centrale biomasse de 80 /t75 dont 10 facturé par l'ONF. 3 - Coûts estimés du bois énergie provenant de plantations pures (TCR), mixtes (bois d'oeuvre + bois énergie) ou de coupes forestières dédiées Les retours d'expérience sur les plantations sont très faibles. Dans le cadre de l'expérimentation ForesTreeCulture2 (Cirad, Inra, ONF) qui concerne de la Bagasse, du Cèdre et du Teck, le coût de plantation se monte à 10 000 /ha, alors que la récolte estimée est de 15 m3/ha.an en moyenne pendant 25 ans (75 % bois énergie et 25 % bois d'oeuvre). En intégrant un supplément de revenu grâce au bois d'oeuvre, le coût résultant de la fourniture du bois énergie reste d'une cinquantaine d'euros par m3, ce qui rend l'exploitation difficilement compétitive. Néanmoins et tout en indiquant que le contexte est différent, l'étude cite également le même type d'exploitation au Brésil (AMCEL AMAPA) avec des coûts 5 fois moindres et des rendements 2 fois plus élevés. L'expérimentation de plantation d'ingas affirme pouvoir fournir du bois énergie à 55 /t en bord de route (soit 70 à 75 avec transport et broyage). Dans un autre projet, le coût moyen de production de bambous est estimé à 66 /t y compris le broyage mais hors transport (faible car micro- centrale à proximité immédiate). Le cas le plus documenté techniquement est celui de l'expérimentation Ademe-ONF sur Balata / SautLéodate de 2011, qui fait état d'un coût de 37 /t (40 2018) pour une mise à disposition du bois en bord de route, donc avant transport et broyage. La vente séparée d'un petit volume de bois d'oeuvre à une scierie pourra financer les créations et entretiens du réseau de pistes à camion sur ces massifs concédés pour 25 ans à un seul exploitant qui ne seront pas équipés par l'ONF. Dans le cadre d'une exploitation en zone littorale donc plus proche des centrales que pour l'exploitation à faible impact, les coûts de transport devraient rester modérés et conduire à un coût de 60 /t pour du bois livré à la scierie ou à la centrale (transport + broyage). Une autre source (...) faisant étant de 75 /t pour l'exploitation d'un massif dédié au bois énergie. 4 - Coût estimé de la biomasse issue des cultures énergétiques (type canne fibre) Pour les plantations à vocation énergétique, un porteur de projet contacté par la mission a fait état d'un coût de 77 /t. Dans les îles avec des structures foncières éclatées, mais des conditions de terrains plus conventionnelles et plus riches qu'en Guyane, mises en valeur selon un modèle de petits planteurs organisés en syndicats d'intérêt collectif agricole (SICA), l'étude économique de l'INRA (projet Rebecca mené avec la société Quadran et le Cirad) donne 40 /t pour la biomasse sur pied et 55 /t pour de la biomasse récoltée, livrée.(conclusions identiques des études à la Réunion) Le projet Quadran de production d'électricité en Guadeloupe à partir de cultures de biomasse repose en amont sur une start-up Energreen qui prévoit un approvisionnement mixte de défriche et de culture énergétique. Cette start-up est aussi associée à d'autres porteurs de projet en Guyane, notamment Voltalia à Iracoubo. Celle-ci a été aidée par le FEADER en Guadeloupe et en Guyane pour développer les références techniques de la multiplication sous serre et de la maîtrise agronomique de cette culture. De même que 10 ha sont présents en Guadeloupe pour être prêts à un déploiement par
75 Pour 100 t de bois d'oeuvre exploité, on dispose de 150 t de bois énergie à 90/t et 60 t de déchets de scierie à 55/t (départ
scierie) soit 65/t livrée. Donc 16 800 pour 210 t de biomasse = 80/t
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées boutures à l'échelle industrielle (mise en service prévue en 2021), un hectare est en place en Guyane (Iracoubo) pour être repiqué l'année prochaine sur 10 ha. On assistera certainement en Guyane à un mode de culture différent basé en partie sur des grandes surfaces attribuées à un seul exploitant ou une société, avec recours à la main d'oeuvre salariée. Le ratio d'un emploi (direct ou indirect) par 500 t de cannes demande à être affiné dans cette configuration totalement différente, sur de moins bons sols à priori. Dans le cas de la Guyane, le foncier et l'exploitation forestière de la défriche ne sont pas les principaux facteurs de coûts, l'essentiel étant dans les difficultés de la récolte liée au terrain : 20 /t pour la récolte + 10 pour le broyage + 10 pour les frais de culture, plantation, soit un coût total estimé à 40 /t. En Guyane, les frais de transport seront réduits (usine au milieu de son foncier) mais compte tenu du climat et des nécessités d'approvisionnement continu, il y a lieu de prévoir certains frais de séchage et de stockage de cette biomasse sucrée, très humide, en plus du broyage. On avoisine effectivement les 50 /t pour un combustible prêt à l'emploi. Compte tenu du pouvoir calorifique inférieur, on trouve des ordres de grandeur de coûts élevés, voisins de 150 /MWh, mais en l'absence de retours d'expérience, il est difficile de donner des éléments plus précis. 5 - Les plantations d'agroforesterie La mission a rencontré plusieurs sociétés intéressées par le développement de ces techniques en Guyane. Il s'agirait de soutenir plusieurs projets pilotes dans différentes régions afin de valider les itinéraires techniques et les cultures les plus adaptées ; le bois apporterait aux agriculteurs des revenus complémentaires à l'élevage pratiqué sur ces terres. . La mission note qu'existent des moyens financiers actuellement inemployés par l'État ou la Collectivité territoriale de Guyane réservés au développement de « pratiques innovantes » (800 000 sont inscrits dans le programme de développement rural de Guyane et inutilisés mi-juin). 6 - L'exploitation du bois immergé de petit saut (projet Triton) Le projet Triton est autonome (exploitation forestière + centrale), les opérations d'extraction sont totalement aquatiques. Ce projet est optimisé dans la mesure où la centrale est en bord de lac, et proche du réseau électrique. Voltalia et Triton sont arrivés à un accord sur la base d'un prix de livraison du bois énergie dans la fourchette basse des différents scenarios d'approvisionnement des centrales biomasse en Guyane. 7 - Le bois importé : 180 /t de pellets, soit 100 /t eq bois à 45% humidité Le bois importé (au moins 100 /t livré usine en PCI équivalent) revient généralement plus cher que la biomasse forestière de Guyane.
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9.7 Annexe 7. Position des acteurs rencontrés en Guyane sur la biomasse
9.7.1 L'ONF et les acteurs des filières agricoles et forestières
L'ONF dispose de 80 agents en Guyane, essentiellement pour l'exploitation du domaine forestier permanent (2,2 millions ha) et pour la surveillance générale partout sur le territoire. La Direction de l'ONF voit surtout la Guyane comme un centre de coûts et évite d'y mettre trop de moyens (la Guyane représente 30 % du domaine forestier français mais 1 % des effectifs de l'ONF). Malgré la recette de 26 /t pour le bois sur pied, l'ONF perd en effet de l'argent en Guyane en raison des frais de repérage, de vérification des coupes, de gestion des pistes, et des activités de surveillance de la zone. Au total sur un budget de 8 M, l'ONF accuse un déficit de plus de 2 M, que le ministère de l'économie et des finances lui demande de réduire. Sur le mode de gestion de l'exploitation à faible impact, les avis sont partagés. L'ONF ne serait pas hostile à une augmentation des rendements (passer de 5 à 7 tiges exploitées à l'hectare, ce qui diminuerait proportionnellement le coût) mais sans expliquer comment il y parviendra avec ses moyens actuels. Les scieurs ne sont pas tous d'accord. Les forêts sont très anciennes avec des bois présentant de fortes contraintes au sciage et plus on sort de tiges de bois d'oeuvre, moins le rendement en bois scié est bon, il y a alors plus de connexes de scierie. Certains affirment même ne pas être certains que dans 65 ans, on aura la même ressource à disposition. La profession du bois reconnaît que le marché du bois d'oeuvre est tiré par le marché local et celui des Antilles, qui représentent 99 % des exports alors qu'il existe des marchés de bois d'oeuvre en devenir (ameublement) sur l'Asie qui achètent du bois scié. La profession aimerait voir se développer le bois d'oeuvre mais n'est pas organisée : l'Interprofession bois n'a apparemment que très peu de relais à l'export. 9.7.2 Les acteurs du secteur de l'énergie
L'Ademe estime qu'une dynamique sur le sujet est enclenchée. Elle est favorable à l'idée de lancer des projets d'agroforesterie ou de plantations de cultures à vocation énergétique adaptées aux conditions du territoire. Elle estime aussi que l'État doit soutenir financièrement les entreprises de la première transformation pour qu'elles investissent en machines-outils (notamment en broyeurs mobiles, camions, etc.). L'Ademe plaide aussi pour que la cellule biomasse soit renforcée sur le plan des effectifs et notamment qu'un profil économique rejoigne celle-ci. EDF affirme être avant tout préoccupée par son rôle de responsable global de la sécurité et de l'adéquation offre-demande et est donc favorable aux projets jugés nécessaires dans le cadre de l'accroissement régulier de la population qui permettent d'assurer la résilience du système. Dans ce contexte, le renouvellement de la centrale de Dégrad-des-Cannes est un enjeu important car son surdimensionnement pourrait obérer les objectifs fixés en matière d'EnR. EDF/SEI soutient le projet Triton mais sera cependant vigilante sur le fait que cette activité future n'engendre pas de nuisances d'exploitation du barrage. Le syndicat des EnR est plus réservé sur la place de la biomasse en Guyane en comparaison du photovoltaïque : les lenteurs d'instruction des premiers dossiers, les coûts de montage des dossiers, et les conditions économiques difficiles aujourd'hui pour exploiter la forêt rendent le syndicat prudent sur la filière en Guyane. Il souhaite une simplification urgente des procédures.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées 9.7.3 Les élus de Guyane et la population
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Les collectivités territoriales apportent leur appui à la production d'énergie à partir de biomasse avec retombées sociales et protection de l'environnement. Les élus sont partagés entre un constat d'humilité (la gestion de l'électricité, c'est compliqué : ce qu'on demande à l'État, c'est de nous fournir une électricité disponible dans tous les foyers) et un regret de ne pas être assez impliqués dans les prises de décisions. Ils insistent sur la lenteur administrative ce qui provoque l'insécurité des projets ainsi que sur une réglementation excessive de la part de la France et de l'Union européenne, source d'insécurité pour les projets. En revanche, ils sont opposés à l'idée d'importer du bois, sauf exception (Mana). Il n'y a pas d'opposition de principe de la part de la population sur l'exploitation forestière. La biomasse doit être créatrice d'emplois, sinon elle n'a pas sa place comme source d'énergie. Elle pourrait apporter une réponse partielle au besoin social. 9.7.4 Les associations de protection de la nature
La mission a rencontré à Paris FNE, qui avait une position étayée mais assez négative vis-à-vis de la biomasse énergie, ainsi qu'une délégation d'associations de protection de la nature en Guyane qui a surtout posé des questions, cherchant peut-être des arguments pour ensuite contrer les projets. Selon FNE, l'exploitation de bois d'oeuvre ne peut se faire que sous un régime de durabilité. La collecte des connexes d'exploitation forestière est proscrite car les sols sont très fragiles et les connexes doivent rester en place afin de protéger les sols. Les nouvelles pistes favorisent l'orpaillage illégal et le braconnage. Les industriels ne compensent jamais et ne sont pas enclins à éviter et réduire leur impact sur la forêt. Les terres agricoles ne peuvent pas servir à cultiver des productions énergétiques encore moins pour les terres nouvellement défrichées qui ont par essence un bilan carbone très négatif. La reconquête de terres dévalorisées est à privilégier. Il est nécessaire de suivre la qualité de l'air des usines électriques. L'importation de bois énergie est à proscrire. 9.7.5 Les établissements de recherche et les experts
La forêt est exploitée de façon très ancienne Il y a des traces de peuplement amérindien à peu près partout : la forêt est modelée par les hommes plus qu'on ne le pensait. Il faut conduire de nouvelles études et faire de la recherche sur les bois utilisables et leur transformation (ameublement par exemple). Il y a des bois de petits diamètres (< 20 cm) méconnus et donc inexploités. Il y a également des richesses d'usages du bois méconnues dans bien d'autres domaines : cosmétologie, insecticide, pharmacie, bois à usages très spécialisés (lutherie par exemple). Les sols sont très pauvres et la pousse très lente. La dimension qualité des sols est très importante. Si on laisse les connexes d'exploitation inférieures à 10 cm de diamètre sur place, on rend au sol ce qui est intéressant, mais des études sont à mener (pédologie, cycle du carbone..). Certains modèles d'agroforesterie en projet n'existent nulle part, et il faut donc passer par des phases de tests. Il faut aussi faire des tests en grandeur nature sur la forêt naturelle comme sur la forêt jardinée. Les représentants du CNRS et du Cirad insistent sur leur manque de moyens et plaident pour un renforcement significatif de ceux-ci.
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9.8 Annexe 8 : Spécificité de l'exploitation de la canne à sucre et du foncier en Guadeloupe
L'exploitation cannière offre cette particularité de pouvoir être exercée avec seulement un peu de foncier, sans siège d'exploitation, sans gros matériel agricole en propre et sans avance des frais de culture et de récolte, grâce au rôle des syndicats d'intérêt collectif agricole (SICA). Tous les travaux peuvent être sous traités à des entreprises de travaux agricoles. Il est notoire en Guadeloupe que de nombreux «planteurs de canne» sont des doubles actifs exerçant une autre activité rémunérée à titre principal. Certains résident même en métropole ou aux États-Unis. D'autres travaillent tellement à l'économie qu'ils obtiennent des rendements catastrophiques ( 50 %). D'autres dans les communes touristiques ou périphériques de Pointe à Pitre laissent leur terre en friche en attendant le changement de plan local d'urbanisme qui permettra de multiplier sa valeur par 200. Les agriculteurs en fin de carrière ne libèrent pas leur foncier et continuent de l'exploiter de cette manière, en « sous-traitance totale ». Cela n'empêche pas de toucher les aides européennes (Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei)) qui sont pratiquement des aides couplées, de soutien au revenu. Cette situation pose un problème pour installer des jeunes autres que des descendants d'agriculteurs. La DAAF essaie d'y mettre bon ordre, ce qui est particulièrement périlleux car cela représente une immense majorité « d'agriculteurs ». De plus environ 700 planteurs sont en fermage dans les 38 groupements fonciers agricoles (GFA) créés par le département de Guadeloupe pour éviter la spéculation foncière. Ces GFA sont en principe dominés par la Société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG) qui détient 60 % des parts et a confié leur gérance à la Caisse régionale de Crédit agricole. Dans les faits ce sont les fermiers propriétaires des 40 % de parts restantes qui gèrent le GFA à leur manière. Les arriérés de loyers seraient très importants ! Des surfaces en fermage sont occupées par des habitations. Lors de l'installation d'un jeune, le GFA tarde très longtemps à obtempérer par la signature d'un bail. La Safer serait en voie d'obtenir la gérance des GFA pour pouvoir enfin mener une politique transparente d'installation. Dans ce contexte, les terres en friche, estimées à environ 10 000 ha, désignées au cadastre après enquête de la Safer et de la DAAF, peuvent difficilement être récupérées. Les rares procédures ayant abouti ont duré 7 ans. Il y a un risque avéré d'effondrement des effectifs d'exploitants agricoles suite à ce régime très dysfonctionnel.
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9.9 Annexe 9 : Liste des abréviations, acronymes et sigles
Abréviation, acronyme, sigle Signification Ademe bl CCNUCC CF CGAAER CGEDD CGEIET Cirad CITEPA CIVE CNES CNRS CRE CSPE CSR CTG CTM DAAF DEAL DFP DGEC DIE DIECCTE DOM Euro Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie baril Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques Canne fibre Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux Conseil général de l'environnement et du développement durable Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique Culture intermédiaire à vocation énergétique Centre national d'études spatiales Centre national de la recherche scientifique Commission de régulation de l'énergie Contribution au service public de l'électricité Combustible solide de récupération Collectivité territoriale de Guyane Collectivité territoriale de Martinique Direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement Domaine forestier permanent Direction générale de l'énergie et du climat Direction de l'immobilier de l'État Direction des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Département et région d'outre-mer
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Abréviation, acronyme, sigle Signification EDF-SEI EFI EnR ENSTIB EPFA FACE FEADER FEDER FNE GES GFA GIEC h ha i. e. ICPE IGA IGF IGP Inra Insee IRD J kg Loi TECV m M MAA MAE MDE MEDEF MS Direction des systèmes énergétiques insulaires d'EDF Exploitation forestière à faible impact Énergie renouvelable École nationale supérieure des technologies et industries du bois Établissement public foncier et d'aménagement Fonds d'amortissement des charges d'électrification Fonds européen agricole pour le développement rural Fonds européen de développement régional France nature environnement Gaz à effet de serre Groupement foncier agricole Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat heure hectare c'est-à-dire Installations classées pour la protection de l'environnement Inspection générale de l'administration Inspection générale des finances Indication géographique protégée Institut national de la recherche agronomique Institut national de la statistique et des études économiques Institut de recherche pour le développement joule kilogramme Loi de transition énergétique pour la croissance verte mètre Méga Ministère de l'agriculture et de l'alimentation Mesures agro-environnementales Maîtrise de la demande en énergie Mouvement des entreprises de France Matière sèche
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Abréviation, acronyme, sigle Signification MTES ONF ONG PAC PCI PDR PEFC PIB POSEI PPE PRFB PRPGD PV RSA RUP Safer SAR SARA SAU SFA SGAR SICA SNBC SRB SRFB STEP t TAC TCR tep TGAP Ministère de la Transition écologique et solidaire Office national des forêts Organisation non gouvernementale Politique agricole commune Pouvoir calorifique inférieur Programme de développement rural Programme de reconnaissance des certifications forestières (Programme for the Endorsement of Forest Certification Schemes) Produit intérieur brut Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité Programmation pluriannuelle de l'énergie Programme régional de la forêt et du bois Plan régional de prévention et de gestion des déchets Photovoltaïque Revenu de solidarité active Région ultrapériphérique Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Schéma d'aménagement régional Société anonyme de la raffinerie des Antilles Surface agricole utile Société forestière amazonia Secrétaire général pour les affaires régionales Société d'intérêt collectif agricole Stratégie nationale bas carbone Schéma régional biomasse Stratégie régionale pour la forêt et le bois Station d'épuration tonne Turbine à combustion Taillis à courte rotation tonne équivalent-pétrole Taxe générale sur les activités polluantes
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Abréviation, acronyme, sigle Signification UE VLE W Wc Wh ZNI Union européenne Valeurs limites d'émissions watt watt-crête watt-heure Zone non interconnectée
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INVALIDE) (ATTENTION: OPTION ra : partie 4.2). Dans la défriche agricole, la situation est la pire si on défriche au bulldozer en brûlant toute la biomasse aérienne ou en la laissant pourrir en andains, car il ne reste presque plus rien audessus du sol, qui de plus est lessivé par les pluies. Le déstockage de carbone est alors compris entre 400 et 600 t de CO2/ha selon le degré de dégradation initiale du peuplement forestier (la défriche agricole affecte des forêts secondaires déjà parcourues par des exploitations intensives depuis la colonisation au 19e siècle). Le bilan est meilleur si on pratique la défriche à faible impact, en récupérant l'essentiel de la biomasse aérienne pour alimenter les centrales biomasse (substitution de carbone fossile) et en laissant une fine couche de branches broyées (mulch) pour protéger et nourrir le sol en carbone. Cette technique évite, au moins partiellement, le déstockage rapide des 200 à 300 t de CO2 contenus dans le sol. Parmi les pratiques agricoles, non seulement les prairies permanentes, mais aussi les plantations énergétiques à base de plantes à rhizomes (bambou, canne fibre) stockent rapidement beaucoup de carbone dans le sol. L'Ademe de Guyane a proposé la mise à disposition d'une feuille de calcul simple paramétrée par ses soins, qui établit un bilan carbone réaliste en fonction des valeurs énergétiques (rendement/ha/an, PCI) de la culture de biomasse envisagée. En effet, les données d'entrée sont adaptées au contexte forestier ou agricole de chaque projet et prennent en compte le nouveau stock de CO2 constitué en surface et dans le sol par la plantation ou la culture. La cellule biomasse de Guyane devrait utiliser cet outil car les valeurs par défaut tirées de la littérature générale aboutissent souvent à des conclusions erronées. 3.3.2 L'impact carbone du transport de biomasse
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L'approvisionnement d'une unité de production d'électricité à partir de biomasse, sauf si elle repose sur la valorisation énergétique d'un coproduit d'une autre activité industrielle située à proximité de la centrale électrique (par exemple l'utilisation de la bagasse de la sucrerie ou des connexes de la scierie), implique souvent le transport de quantités importantes de matières premières, sur des distances parfois conséquentes pour une unité de taille significative. Dans les DOM, le transport terrestre de biomasse ne peut se faire que par la route, alors que l'importation de biomasse impliquera également un transport par voie maritime. Le transport par poids lourd est sensiblement plus émetteur (de l'ordre de 100 g de CO2/t.km) que le transport maritime qui est le mode le plus efficace énergétiquement (de l'ordre de 10 à 15 g de CO2/t.km pour les petits vraquiers susceptibles d'approvisionner les DOM, de 3 à 4 g de CO2/t.km pour les plus gros vraquiers)28. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) associées au transport de la biomasse pour l'alimentation d'une centrale électrique restent néanmoins d'un ordre de grandeur inférieur à celles qui sont évitées
28
Source : Guide méthodologique sur l'information CO2 des prestations de transport, DGITM-Ministère de la transition écologique et solidaire.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées en n'ayant pas recours à un combustible fossile. Ainsi les émissions moyennes d'un groupe diesel au fioul lourd se situent entre 600 et 750 g de CO2/kWh, cette valeur grimpe à 1 300 g de CO2/kWh pour une centrale à charbon de quelques dizaines de MW telle qu'on peut la trouver dans les DOM. Sachant qu'une centrale électrique à partir de biomasse consomme de 1,5 à 1,7 kg de bois brut (à 45 % d'humidité) par kWh, le transport de cette biomasse sur 50 km est à l'origine d'une émission de 7,5 à 8,5 g de CO2/kWh, soit 0,5 à 1,5 % des émissions d'une production d'électricité d'origine fossile. Ce bilan sera moins favorable pour un approvisionnement en canne énergétique dont la teneur en eau est plus élevée (typiquement 70 %), ce qui conduit à un doublement des tonnages transportés et des niveaux d'émissions précédemment cités, qui restent néanmoins faibles en proportion. L'approvisionnement des Antilles en pellets de bois en provenance du sud-est des Etats-Unis est à l'origine d'un trajet maritime de 2 500 à 3 000 km, soit des émissions de 25 à 45 g de CO2/kg. Sachant que la production d'un kWh électrique consomme 0.75 kg de pellet, le transport maritime du pellet est responsable d'une émission de 20 à 35 g de CO2/kWh électrique. Dans le cas de l'importation de pellets, les émissions de GES associées au transport terrestre de la biomasse aux États-Unis (transport de la matière première pour la production de pellets et ensuite des pellets vers un port) et au transport des pellets dans le DOM considéré doivent être prises en compte. Albioma fait état d'une émission totale « transports » de 72 g de CO2/kWh électrique pour un approvisionnement en pellets en provenance des États-Unis de ses unités de production de La Réunion. Une étude britannique29 étudie l'approvisionnement en pellets des centrales électriques du Royaume-Uni à partir des États-Unis et avance une émission de 50 à 55 g de CO2/kWh électrique correspondant aux activités de transport de biomasse. Ces éléments confirment que les niveaux d'émissions de GES associées au transport de la biomasse sont faibles comparées aux émissions de GES d'une production électrique d'origine fossile.
3.4 La problématique de l'importation
Le bois énergie dans le monde fait l'objet d'un marché assez ouvert, à des prix compétitifs, car il résulte souvent de l'exploitation de déchets de scieries quasi gratuits. Ces déchets sont séchés et compressés sous forme de pellets qui ont l'avantage de se stocker facilement et durablement sans fermenter s'ils sont conservés à l'abri de la pluie. L'importation de combustibles fossiles ou celle de pellets sont neutres sur le plan social car les deux alternatives ont un impact minime en matière d'emploi local. Vis-à-vis d'un approvisionnement de long terme de biomasse importée, l'Etat devrait adopter une approche économique valorisant le CO2 et la pollution locale à leurs valeurs tutélaires (rapport Quinet30) et tenant compte de l'acceptabilité du projet par la population locale. À court terme, il a été proposé de commencer à exploiter une centrale en Martinique avec du pellet importé pour pouvoir ensuite valoriser dans la centrale tous les petits gisements de biomasse locale. En Guyane, le bois est en général déjà disponible en grande quantité, donc l'importation ne peut être considérée qu'en tant que solution de secours comme garantie du plan d'approvisionnement pour les banques. Les élus de la CTG sont en effet opposés au principe de l'importation de biomasse comme solution pérenne et souhaitent une contribution majeure de la forêt Guyanaise à la filière biomasse.
29
Röder, Whittaker, Thornley, « How certain are greenhouse gas reductions from bioenergy? », Biomass & Bioenergy, 79, (2015).
30
« L'évaluation socio-économique des investissements publics », France Stratégie, 2013.
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Aux Antilles et à la Réunion, la mise en place d'une filière d'approvisionnement en biomasse par des plantations peut prendre du temps. L'importation de pellets peut être une solution d'attente et une réponse à la saisonnalité de la récolte des cannes. À Mayotte, faute de foncier et de biomasse suffisants, la création d'une centrale biomasse ne peut reposer que sur de l'importation, mais à la condition que l'équation économique incluant la valorisation du CO2 à sa valeur tutélaire soit favorable.
3.5 Biomasse et emploi local
L'emploi est le principal atout d'une filière biomasse locale, et là encore la situation de la Guyane est spécifique. Le chapitre suivant, consacré à la Guyane, met en évidence que le développement plus intensif de la filière bois (bois d'oeuvre et bois énergie) apporterait 4,5 emplois directs pour 1 000 t de bois d'oeuvre récoltée31, dont un tiers dans l'exploitation forestière et le transport de bois rond (le reste en sciage, menuiserie...). Le développement d'une filière bois énergie seule permet la création de 1,5 emploi pour la production de 1 000 t/an de bois (qui correspondent à 650 MWh/an) induits par les volumes supplémentaires exploités. L'objectif de la PPE de 40 MW supplémentaires de biomasse en Guyane correspondrait à 280 000 MWh donc 450 000 t/an, soit près de 700 emplois. Selon une approche budgétaire, l'emploi créé vaudrait 14 000 /an, au cout équivalent à celui du RSA pour une famille avec 2 enfants, et donnerait au bois un avantage économique de 21 /t, soit une économie budgétaire d'environ 10 M/an (voir détail en annexe 5). Dans les autres DOM, faute d'accroissement prévisible de la SAU, la récolte de volumes conséquents de biomasse énergie peut se faire essentiellement par substitution d'une culture énergétique à une culture alimentaire, par exemple la canne sucrière largement subventionnée (65 /t toutes aides confondues pour la filière sucre32, plus 14,5 de prime bagasse). Le volet socio-économique de l'étude Rebecca en Guadeloupe a montré que les agriculteurs demanderont un prix de 50 à 60 /t de canne fibre (idem à La Réunion) garantissant le maintien voire une légère amélioration de leur revenu pour se lancer dans la production de biomasse énergie. Ce transfert d'une filière à l'autre semble neutre, en première approche, en termes d'emplois33, mais serait à l'origine d'une économie budgétaire pour l'Etat de 30 à 60% pour une substitution au charbon dans des unités existantes (Voir annexe 5) Une usine biomasse à canne fibre de 10 MW nécessite 210 000 t de canne fibre par an. Sur la base des rendements INRA cette production couvrira entre 1 500 et 2 000 ha. Le ratio est d'un emploi pour 4 ha, soit 400 à 500 emplois. Sur la base d'une valorisation économique (RSA évité de 14 ou 15 k/emploi créé), la canne fibre présente un avantage économique de 34 /t (voir annexe 5).
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Graphique fourni par l'ONF et l'Interpro-bois, voir chapitre 4. Moyenne sur les 3 îles des subventions totales à la filière, divisées par la production
Pour 1000 ha de surface cultivée, la filière sucrière mobilise 250 emplois dans le secteur agricole et de 20 à 30 emplois industriels (sucrerie) ; sur cette même surface, la filière canne énergie mobiliserait le même nombre d'emplois agricoles (250) et de 10 à 15 emplois industriels (centrale électrique).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Si l'exploitation de la canne pour produire du sucre devait régresser pour des raisons économiques, la filière biomasse énergie permettrait alors de sauvegarder des centaines d'emplois à moindre coût pour la collectivité. Le remplacement du "pellet importé" par la canne fibre, compte tenu de son faible surcout (165 /MWh contre 150), permettrait d'économiser une grande partie des subventions à la canne à sucre (budget agricole et UE, prime "bagasse"). Les autres volumes de biomasse récoltée çà et là (essentiellement des déchets et sous-produits en faibles quantités) entraînent un faible nombre d'emplois nouveaux.
3.6 Les acteurs économiques
Malgré un certain consensus, les positions diffèrent légèrement entre les DOM où la biomasse remplacerait des cultures existantes (Guadeloupe, Martinique, La Réunion) et la Guyane où la problématique est plus celle de l'exploitation de la forêt pour créer de l'activité économique. Pour la profession agricole de Guadeloupe34 les menaces ressenties localement sur la pérennité d'un modèle économique reposant sur des aides considérables font entrevoir la canne-fibre comme une diversification rassurante, à revenu fixe. En revanche, l'argument sanitaire des terres polluées par la chlordécone n'est pas utilisable, la plupart des terrains touchés n'étant frappés d'aucune interdiction de culture, ni pour la canne, ni pour la banane. Néanmoins, le secteur sucrier stricto sensu, voire certains élus, sont très opposés aux projets de « canne énergie » qui entérinent pour eux une diminution jugée inacceptable de la production sucrière. La DIECCTE de Guadeloupe partage le sentiment d'une filière sucre confrontée à un déclin inexorable, si elle ne change pas de modèle de production, et estime intéressante la diversification apportée par l'apparition d'une filière « canne énergie ». Les élus des DOM estiment souvent que l'importation de biomasse n'est pas une solution pérenne, mais certains peuvent l'admettre à titre transitoire pour « lancer » la filière. À la Martinique, le projet Albioma du Galion a soulevé beaucoup d'hostilités pour sa disproportion avec les ressources locales et le contrat avec EDF stipule explicitement un objectif de 40 % de biomasse locale à atteindre progressivement par l'exploitant. La vice-présidente de la Collectivité territoriale de Guyane contactée est, elle, clairement défavorable à toute forme d'importation de biomasse et souhaite un développement de la filière bois guyanaise, créatrice d'emplois. Les représentants d'EDF-SEI dans les DOM et à Paris affichent une large ouverture vis à vis de la biomasse, qui offre une puissance garantie. Néanmoins, en pratique, par la conjugaison d'un souci louable d'assurer l'équilibre offre demande et d'un possible conflit d'intérêt35, EDF met en avant la difficulté de réalisation des projets biomasse et de montée en puissance de la filière, pour pousser des
34Représentants institutionnels (Safer,
SICA cannière, Chambre régionale d'agriculture) et dirigeants d'entreprises rencontrés
à Pointe à Pitre.
35EDF-PEI, filiale d'EDF, produit de l'électricité à partir de fioul tandis que ce sont des énergéticiens alternatifs comme Albioma
ou Voltalia qui proposent de produire de l'électricité à partir de biomasse.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées projets fioul ambitieux (notamment le renouvellement de la centrale Dégrad-des-Cannes à Cayenne) qui risquent de compromettre le développement ultérieur en centrale biomasse. Albioma qui est depuis longtemps avec ses centrales « 90 % charbon-10 % bagasse » un gros fournisseur d'électricité à prix concurrentiel, par rapport à la solution fioul, à La Réunion et en Guadeloupe, souhaite se désengager du charbon au profit de la biomasse. Une première usine 100 % biomasse de forte puissance vient d'être mise en service en Martinique au Galion. Les projets guyanais ont été jusqu'ici fortement freinés par la méfiance qu'inspire le contexte administratif et réglementaire local. De nombreux porteurs importants (Albioma, SARA) ont renoncé à leur projet, faute de retour rassurant. Ces lenteurs qui se comptent en année ont également un coût. Le soutien à la filière exige pour beaucoup des acteurs une simplification des procédures administratives devant entrainer une accélération du démarrage des projets. D'une manière générale, les procédures tant environnementales, qu'économiques et fiscales apparaissent trop longues et complexes. Les ONG rencontrées à Paris ou dans les DOM se montrent unanimement défavorables à l'exploitation de la biomasse forestière tirée de la forêt « primaire ». Elles estiment que les projets d'accords-cadres sur la « biomasse » entre énergéticiens et collectivités (envisagés par la mission en Guyane, voir partie 4.2) seraient un appel d'air amplificateur de la défriche. Le bilan gaz à effet de serre des cultures énergétiques ou plantations à croissance rapide leur parait a priori défavorable et selon FNE, n'a pas été suffisamment appuyé par des études dans le cadre de la stratégie nationale biomasse. En résumé, pour ces associations, la biomasse n'est pas l'énergie renouvelable la plus vertueuse. Ils disent s'appuyer sur certaines publications scientifiques de l'Inra, de l'IRD ou du Cirad, qui entretiennent le doute sur le bien-fondé de tous les schémas d'exploitation de biomasse forestière qu'ils ont pu analyser. La seule voie que les ONG envisagent pour utiliser la biomasse à des fins énergétiques est la récupération des déchets combustibles ou méthanisables (ex : les sargasses).
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3.7 Contraintes administratives : lenteurs des processus de décisions et complexité des procédures
La majorité des acteurs économiques sollicités par la mission se sont plaints des difficultés rencontrées lors de l'instruction administrative et de la complexité de constitution des dossiers pour faire aboutir un projet biomasse, en particulier en Guyane. Compte tenu du nombre des autorisations administratives nécessaires et des instructions menées souvent en série et non en parallèle, des délais cumulés de plusieurs années ont pu être observés dans le passé, sans parvenir à faire émerger un projet, aboutissant parfois au renoncement des acteurs économiques. Les services locaux de l'État multiplient parfois les demandes de compléments de dossiers, donnant une impression de confusion ou de contraintes créées de toute pièce pour masquer leurs propres hésitations. Du permis de construire à la mise en chantier d'une centrale biomasse, une fois que le foncier a pu être obtenu, ce qui n'est pas toujours aisé en Guyane, le montage d'un dossier biomasse reste
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées complexe. En effet, le candidat doit obtenir un permis de construire démontrant le respect de la législation, y compris environnementale, recueillir l'avis consultatif de la cellule biomasse allant bien au-delà du simple examen sur son plan d'approvisionnement, obtenir l'autorisation administrative d'exploiter la future installation car celle-ci relève du régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) (plus ou moins contraignant en fonction de la taille de celle-ci), négocier le prix de son raccordement au réseau électrique avec EDF-SEI, puis se voir octroyer un tarif de rachat de l'électricité par la CRE et enfin se voir délivrer un agrément fiscal par la Direction générale des finances publiques (DGFiP) (instruction effectuée à Paris), indispensable pour finaliser le bouclage du financement de son dossier, sans omettre les négociations financières menées en parallèle avec les banques. Afin de prévenir ces difficultés, des « cellules biomasse » ont été créées pour faciliter l'instruction administrative locale des dossiers en regroupant sous l'autorité du préfet, les services de l'État ayant à prendre une décision ou formuler un avis sur ce sujet. En Guyane, la mission a eu plutôt le sentiment que la cellule biomasse n'avait pas toujours correctement assuré son rôle, du moins dans le passé. Les avis consultatifs sur les plans d'approvisionnement des projets ont parfois donné lieu à d'importants délais, sans doute en raison d'absence de politique claire du ministère de l'agriculture et de l'alimentation sur la question de la défriche agricole que l'administration ne semble pas bien contrôler : le cahier des charges de défriche à faible impact est en gestation depuis quatre ans. La surface agricole utile progresse très doucement au regard du foncier octroyé. Alors que la DAAF est déjà sollicitée par des porteurs de projets désireux d'effectuer des plantations sylvicoles ou de cultures à vocation énergétiques, celle-ci fait obstacle à toute instruction de dossier sur le fondement d'une « doctrine locale » dénuée de base légale et contraire au code rural et de la forêt (cf. projet de note de la cellule biomasse). Pour illustrer, le site internet de la DAAF de Guyane déclare « qu'un conflit (à notre sens théorique en raison de la réserve foncière existante) peut exister entre les terres réservées à l'agriculture et d'éventuelles CIVE (culture intermédiaire à vocation énergétique) ». Il indique, aussi que « la DAAF doit encore se forger une doctrine locale sur la question des CIVE ». Ce type d'hésitations sur la politique publique à mener ne peut pas permettre à des projets innovants aujourd'hui de se concrétiser. Il serait utile que les services déconcentrés de Guyane dont les effectifs sont limités, soient épaulés sur ces questions sensibles par les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et les services de la DGFiP sur les questions de maîtrise foncière. Force est de constater que les mêmes éléments d'un projet biomasse font l'objet par différents services de l'État d'analyses distinctes : par exemple, le plan d'approvisionnement du projet est étudié à la fois par la cellule biomasse et la CRE, puis par les banques. De même, les éléments relatifs à l'intérêt économique et à son intégration dans la politique du territoire et de développement durable font à la fois l'objet d'une instruction de la cellule biomasse, de la CRE (pour le plan d'approvisionnement et la partie économique), de la DGFiP jusqu'ici. La détermination des prix des combustibles (pour lesquels il n'existe pas de véritable marché) approvisionnant les centrales à biomasse constitue une difficulté : ceux-ci devraient résulter d'une négociation entre les acteurs économiques locaux et la CRE afin de faciliter l'émergence de nouvelles filières comme cela a été proposé par les accords de Cayenne d'avril 2017 pour le bois énergie. Ainsi tant qu'il n'existe pas réellement de marché, la mission estime que la solution de prix administrés pour chacun de ces combustibles présente un intérêt certain au moins de manière transitoire.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Pour la mission, il est urgent de simplifier les procédures d'instruction des dossiers biomasse dans les DOM afin que de la délivrance du permis de construire à la mise en service de la centrale, ne s'écoule pas un délai excédant 24 mois. Un encadrement plus précis des délais d'instructions est nécessaire, notamment au niveau de l'avis de la cellule biomasse qui ne devrait pas excéder trois mois, délai porté à cinq mois en cas de demande complémentaire d'information souhaitée (demande complémentaire limitée à une fois) ainsi que du délai de délivrance de la décision de la CRE sur le futur tarif de rachat d'électricité qui ne devrait pas excéder trois mois. Les textes règlementaires devraient être adaptés en conséquence. Raccourcir ces délais serait possible en renforçant la confiance mutuelle entre les différents services de l'État. La DGFiP a ainsi signalé à la mission, qu'à compter de 2018, elle reprendra à son compte l'analyse, effectuée par la CRE, des critères relatifs à l'intérêt économique des dossiers pour l'instruction de certains dossiers d'agréments fiscaux dans le cadre de la procédure de défiscalisation. Cette analyse sera faite en application des nouvelles dispositions du code général des impôts (issues de l'article 244 quater w du CGI VII deuxième alinéa en application de la loi de finances de 2017). De même, la mission estime que la CRE devrait pourvoir tenir compte du plan d'approvisionnement validé par la cellule biomasse, sans avoir à instruire de nouveau le sujet. Les codes de l'énergie et de l'environnement devraient être complétés en conséquence. Enfin, la mission souhaite attirer l'attention sur la nécessité de transposer sans délai, la directive révisée relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (ENR 2016/0382) adoptée en juin 2018 par le Conseil européen et notamment son article 26-9 bis qui ouvre la possibilité de dérogations pour les installations biomasse situées dans les régions ultra périphériques, en introduisant notamment des critères de durabilité ou d'efficacité énergétique différents, afin de permettre le développement de ce type de projets dans les DOM36.
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Ces dérogations seront pour des durées limitées et ces critères spécifiques devront faire l'objet d'une notification à la Commission
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
Recommandation n° 1.
Au ministère de l'agriculture et d'alimentation, au ministère de la transition écologique et solidaire, au ministère de l'action et des comptes publics et à la Commission de régulation de l'énergie : Créer de nouvelles procédures afin de réduire les délais d'instruction des dossiers biomasse, en visant un délai maximal de 24 mois à compter de la délivrance du permis de construire de la future centrale pour l'obtention de l'ensemble des autres autorisations ou avis administratifs nécessaires au projet. Simplifier la procédure en rendant opposable à la CRE et au ministère de l'action et des comptes publics l'avis de la cellule biomasse sur le futur plan d'approvisionnement d'un projet de centrale biomasse. Adapter en conséquence les codes de l'énergie et de l'environnement
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GUYANE : UN POTENTIEL DE BIOMASSE IMPORTANT QUI RESTE A DEVELOPPER
La Guyane est la deuxième plus grande région française37 (juste après la Nouvelle-Aquitaine) et la seule zone non interconnectée au réseau électrique métropolitain qui ne soit pas insulaire. Elle représente 15 % du territoire métropolitain, soit 8,3 millions d'hectares, soit la superficie du Portugal, pour 262 527 habitants. La Guyane a un important besoin de développement économique et social et partage les mêmes handicaps que les autres territoires ultra-marins. Elle dispose également d'atouts significatifs : ses ressources naturelles et minières, sa forêt, une biodiversité exceptionnelle38, une grande zone économique exclusive. L'accord de Guyane signé le 21 avril 2017 par les quatre parlementaires Guyanais, les présidents de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG) et de l'Association des maires de Guyane et par le préfet, au nom du Gouvernement, atteste de la volonté des pouvoirs publics d'agir en urgence et de permettre une stratégie de co-développement économique et social de cette région, à l'horizon de quinze ans. Les défis sont majeurs. Les projections de l'Insee prévoient à minima 420 000 habitants à l'horizon 2030 (soit un doublement de la population par rapport à 2015) et 700 000 habitants en 204039. La population est majoritairement concentrée sur le littoral. Si la densité reste très faible (3 personnes au km2 contre 103 en moyenne en France), le taux de croissance de la population est important, près de 4 % par an, engendrant d'importants besoins de logements et d'infrastructures, et ce d'autant plus
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La Guyane fait partie des régions ultra - périphériques, dites RUP, de l'Union européenne. Elle est aussi régie par l'article 73 de la Constitution : la collectivité unique est devenue effective le 1er janvier 2016 en tant que collectivité territoriale de Guyane (CTG).
38
«La biodiversité, un des leviers du développement économique et social en Guyane » Rapport n° 010965-01 du CGEDD de mai 2017 de Geneviève Besse et Mauricette Steinfelder.
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Étude de Stéphane Granger « La Guyane, collectivité française et européenne d'Outre-Mer entre plusieurs mondes ». Source Insee publiée dans la Revue géopolitique de l'Union européenne, mars 2017.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées que la région attire des flux migratoires en provenance du Brésil, du Guyana, d'Haïti et du Surinam, difficiles à quantifier. Le développement de nouveaux moyens de production énergétique est dès lors indispensable pour satisfaire les besoins essentiels de la population et pour conforter la résilience du système électrique. En effet, la croissance démographique est principalement attendue dans la partie ouest de la région (vers Saint-Laurent-du-Maroni), le long du fleuve de l'Oyapock à l'est, et au sud, là où les moyens actuels de production d'énergie sont limités.
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4.1 La situation actuelle de la biomasse et le besoin identifié par la programmation pluriannuelle de l'énergie
La première programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de Guyane adoptée le 30 mars 2017 s'inscrit dans la suite des travaux menés au niveau territorial, notamment lors de la conférence régionale de l'énergie de 2014, sur le schéma d'aménagement régional (SAR), ainsi que sur le schéma régional climat air énergie (SCRAE) de 2012. Elle doit permettre de développer et valoriser les ressources locales et notamment l'hydraulique au fil de l'eau, la biomasse, et les autres énergies renouvelables (notamment le photovoltaïque). Elle doit aussi répondre aux trois impératifs suivants : - sécuriser l'approvisionnement énergétique dans le contexte du vieillissement des actuels outils de production et d'une importante croissance démographique, principalement localisée dans l'ouest ; - développer des solutions adaptées aux communes de l'intérieur ; - anticiper de futurs projets miniers sur le territoire. Le système énergétique Guyanais fait aussi face à trois contraintes spécifiques prises en compte dans les objectifs de développement des nouveaux moyens de production électriques contenus dans la programmation pluriannuelle de l'énergie : l'évolution rapide des zones de consommation nécessite des extensions et des renforcements du réseau électrique : une nouvelle spatialisation des outils de production est indispensable à terme comme l'a souligné la CRE dans sa note de janvier de 201840 ; le renouvellement des moyens de production de base : remplacement de la centrale thermique de Dégrad-des-Cannes sur l'île de Cayenne qui doit intervenir au plus tard en 2023, soit un besoin estimé par la PPE de 120 MW (en base et pointe) fondé sur l'étude de défaillance réalisée par le gestionnaire de réseau et associant une centrale photovoltaïque sans stockage de 10 MW; à noter qu'un moyen de production supplémentaire de base de 20 MW est aussi identifié comme nécessaire d'ici 2023 ; l'imprévisibilité de la part de production hydroélectrique très dépendante des conditions météorologiques ;
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Propositions de la Commission de régulation de l'énergie relatives aux Zones non interconnectées » Source Commission de régulation de l'énergie 18 janvier 2018.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées La Guyane se différencie des autres DOM, puisque la part de l'hydraulique dans son mix électrique lui permet d'ores et déjà de respecter l'objectif d'EnR pour 2020 fixé dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi TECV). En effet, le barrage hydraulique de Petit-Saut fournit en moyenne plus de la moitié de la production annuelle, dépendante toutefois du niveau d'hydraulicité (soit 55 % du mix électrique fin 2016). La filière photovoltaïque en développement compte pour 45 MWc à cette date. Les communes de l'intérieur doivent en revanche assurer leurs propres moyens de production à partir de systèmes électriques autonomes, financés par le fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACE) et dont l'exploitation est confiée à EDF. Dans ces communes isolées, la production électrique est assurée principalement par des moyens thermiques diesel ainsi que par des générateurs photovoltaïques comme à Saul ou à Kaw (centrale hybride photovoltaïque-diesel) ou par des centrales hydro-électriques comme à Saut-Maripa et à Saint-Georges. La PPE de la Guyane identifie les nouveaux moyens de production suivants (voir tableau n°4 ci-après), hors projets de développement de trois sites aurifères qui nécessiteraient à l'horizon 2025, entre 50 et 70 MW supplémentaires selon les premières estimations fournies par le MEDEF et hors besoins des communes de l'intérieur. Tableau n° 4 : Nouveaux moyens de production identifiés par la PPE actuelle pour la Guyane. Puissance État Installée en 2014 MW Grande hydraulique 114 Objectifs 20152018 0 +4,5 +15 +15 +8 +10 0 Objectifs 20192023 0 +12 +25 +10 +18 +10 +8 Total PPE 2023 0 +16,5 +40 +25 +26 +20 +8 Total Guyane 2023 114 21 41,7 30 50 20 +8 Objectifs 20242030 0 +13,5 +20 +15 +10 +10 +5 Total Guyane 2030 114 34,5 61,7 45 60 30 13
Petite 4,5 Hydraulique Biomasse 1,7
PV avec 5 stockage PV sans 34 stockage Éolien avec 0 stockage Déchets Total
Source : PPE
0
159,2 +52,5 +83 dont 39 dont 23 dont 28 MWc MWc MWc
+135,5 284,7 dont 51 dont 80 MWc MWc
+73,5 358,2 dont 25 dont 105 MWc MWc
Les coûts moyens de production de l'électricité sont élevés en Guyane comme dans les autres ZNI au réseau électrique métropolitain, du fait de la situation spécifique du parc de production électrique : 243 /MWh en 2013 (en comparaison, à la même date, 206 /MWh à La Réunion et 247 /MWh en Guadeloupe).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées La biomasse représente à l'horizon 2023 le potentiel le plus important en termes de développement. En retenant comme hypothèse qu'une centrale biomasse fonctionne en base, soit sur une durée annuelle de 7 000 heures, la cible de 40 MW équivaut à 280 000 MWh/an, soit un besoin annuel d'environ 450 000 tonnes de bois énergie à l'horizon 2023 et si l'on ajoute 20 MW d'ici 2030, soit 140 000 MWh/an, un besoin supplémentaire de 225 000 t de bois à cet horizon. Au total, répondre aux besoins identifiés début 2017 par la PPE suppose de pouvoir fournir au moins 675 000 t/an de bois énergie d'ici 2030 selon la mission41. La PPE doit être révisée dans les prochains mois. Son volet biomasse devrait valoir schéma régional de la biomasse pour la Guyane et tenir compte de la stratégie nationale récemment adoptée.
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Recommandation n° 2.
Au préfet de Guyane et à la Collectivité territoriale de Guyane : Sans attendre la finalisation de la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie, élaborer d'ici la fin de l'année 2018 le volet relatif à la biomasse qui aura valeur de prochain schéma régional. Clarifier le fait que les cultures et plantations énergétiques ou sylvicoles font partie des activités agricoles autorisées dans la zone agricole du schéma d'aménagement régional (SAR) et les encourager dans le programme régional de la forêt et du bois (PRFB) en cours d'adoption.
4.2 La gestion du foncier et du domaine forestier
La forêt guyanaise couvre près de 8 millions d'ha. Celle-ci renferme un patrimoine exceptionnel sur le plan de la biodiversité qui revêt une importance capitale : c'est la seule forêt «amazonienne européenne». Ce qui explique que les pouvoirs publics souhaitent un niveau élevé de protection de ce patrimoine. Du nord au sud de la Guyane plusieurs espaces doivent être distingués qui obéissent à des modalités de gestion différentes : - la bande littorale, - le domaine forestier permanent (DFP), - les zones naturelles protégées ou réservées qui n'ont pas vocation à faire l'objet d'exploitation forestière et représentent un espace de plus de 5,4 millions d'ha42.
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Sur la base 1,6 t bois à 45% d'humidité par MWh
42 Il s'agit
d'une part du parc amazonien de Guyane, d'autre part des massifs situés dans la zone intermédiaire et dans la zone dite de libre adhésion au parc amazonien.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
4.2.1
Une bande littorale qui offre un potentiel de défriche intéressant pour la biomasse
La bande littorale sur laquelle se concentre la grande partie de la population représente 782 000 ha avec près de 65 % de forêts43. L'ONF gère près de 400 000 ha dans cette zone. Cette bande littorale a vocation à faire l'objet d'aménagement urbain et rural pour répondre aux défis liés à la démographie. Le schéma d'aménagement régional (SAR) identifie 111 893 ha à vocation agricole alors que la surface agricole utile (SAU) estimée par la DAAF ne serait que de 32 000 ha en 2017. Le rythme de croissance de la SAU observé ces dernières années (860 ha/an) n'est pas très éloigné de l'objectif du SAR (qui est une croissance de 1 000 ha par an de la SAU pendant 20 ans). L'État est propriétaire de 56 % du total, le reste appartient à des propriétaires privés (29 %), l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane (4 %), la Collectivité territoriale de Guyane (1 %), les communes (1 %) : près de 24 521 ha ont déjà été mis à disposition d'agriculteurs par le biais de concessions ou baux emphytéotiques d'une durée moyenne de 18 ans. Les lots moyens sont de 19 ha. L'État a par ailleurs transféré à l'EPFA de Guyane 10 050 ha dont 6 081 ha ont été mis à la disposition d'agriculteurs. Une pression foncière importante s'exerce sur la bande littorale et ce d'autant plus que des installations ou activités illégales diminuent l'accès aux surfaces agricoles cultivables. L'attribution de foncier pour des projets est freinée par la méconnaissance des terres réellement disponibles, en raison d'un cadastre insuffisamment mis à jour au niveau local.
Recommandation n° 3.
Aux ministères de l'économie, des finances et de l'action et des comptes publics (DIE) : Mettre à jour en Guyane le cadastre et accélérer les procédures administratives de mise à disposition du foncier. Compléter dans le Code général de la propriété des personnes publiques les dispositions relatives à l'attribution du foncier en Guyane sur la faculté d'exercer des activités de plantations sylvicoles ou de cultures énergétiques.
L'objectif visé de développement agricole de défricher 1 000 ha par an (qui valoriserait comme biomasse un potentiel de 200 000 t de bois énergie par an) suppose de mettre en place un système efficient permettant de récupérer le bois qui est aujourd'hui au mieux laissé sur place, le plus souvent brûlé. La récupération de la biomasse lors de la défriche apparaît comme un enjeu majeur pour consolider la filière biomasse dans ce territoire. En effet, aujourd'hui la défriche est réalisée par brûlis qui apparaît comme l'itinéraire technique le plus répandu. Changer cet état de fait exige que des dispositions juridiques et techniques soient prises. Elles doivent être de nature coercitives et incitatives pour changer cette pratique et être en mesure de récupérer ces volumes de bois demain pour de la production électrique. La mission propose les mesures suivantes.
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Cette bande littorale referme des milieux naturels variés : des zones de forêts, mangroves, marais savanes, plages, roches, etc.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
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D'une part, qu'avant la fin de l'année 2018, la DAAF de Guyane procède à l'adoption du cahier des charges relatif à la défriche des terres respectueuse des sols (en gestation depuis plus de quatre ans) en vue de la mise en valeur des terres agricoles et diffuse ce texte largement auprès de l'ensemble des parties prenantes (agriculteurs installés, CTG, collectivités, l'EPFA, chambre d'agriculture, personnes morales concernées par la cession de foncier de l'État dont éventuellement les sociétés désireuses d'effectuer des plantations ou des cultures à vocation énergétique). D'autre part, que lors de l'attribution de terres du domaine privé de l'État en vue de leur mise en valeur agricole à des agriculteurs ou des personnes morales souhaitant exercer des activités agricoles, en application des articles L 5 141-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques, l'Etat introduise l'obligation pour le futur bénéficiaire de procéder au défrichement préalable du terrain, selon le rythme souhaité par le récipiendaire dans la concession ou dans une clause résolutoire à la délivrance du bail emphytéotique. Cette défriche devra respecter les règles du cahier des charges relatif à la défriche agricole arrêté par le préfet. Le bénéficiaire aurait l'obligation de remettre le bois de défriche - qui appartient encore à l'État - en bord de son terrain en vue de sa valorisation dans l'usine biomasse la plus proche. En cas de nonrespect de ces dispositions dans un délai n'excédant pas deux ans en cas de concession (ou d'un an en cas de bail emphytéotique), l'annulation de la cession serait prononcée ou le bail emphytéotique serait refusé. La mission propose également l'introduction d'une nouvelle disposition juridique pour conforter ce dispositif dans le code général de la propriété des personnes publiques. Ces dispositions devraient aussi trouver à s'appliquer lors du transfert de foncier privé de l'État aux collectivités locales. La mission propose également que l'État (la DAAF pour le compte de la direction de l'immobilier de l'État -DIE-) organise un marché public à bon de commande afin de faire réaliser par des entreprises qualifiées la défriche agricole (amenant le bois en bord de route) pour ceux qui ne souhaitent pas la faire eux-mêmes. Les bénéficiaires de baux, lorsqu'ils réalisent l'opération eux-mêmes, devraient être rémunérés pour amener le bois en bord de route, de façon à ce que la biomasse extraite (qui demeure propriété de l'État) puisse être mise à disposition des centrales selon les accords passés avec elles. Recommandation n° 4. Au préfet de Guyane : Publier avant la fin 2018 le cahier des charges de la défriche agricole à faible impact en émission de gaz à effet de serre ; Identifier un service de la DAAF chargé de contrôler la mise en oeuvre du défrichement agricole suivant ces règles et de passer les marchés publics afférents. Rendre obligatoire la valorisation de la défriche agricole et urbaine par l'État et ses établissements publics, les collectivités, l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane, les agriculteurs et les personnes morales privées, selon le cahier des charges de la DAAF. Organiser la collecte du bois énergie issu de cette défriche sur la base d'un accord-cadre avec les énergéticiens à compter de 2019. Un protocole d'accord cadre devrait être négocié avant la fin de l'année 2018 entre l'État, les énergéticiens présents en Guyane, la CTG et les organisations agricoles sur ce sujet. D'une part, les
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées énergéticiens devraient s'engager à valoriser dans leurs centrales biomasse une quantité de déchets issus de ces déboisements au prix fixé par le protocole d'accord cadre ; d'autre part, les chantiers de défriche devraient assurer une partie de l'approvisionnement des usines avec ces déchets sur le modèle du contrat passé entre l'EPFA de Guyane et certains énergéticiens dans le cas d'attribution d'un bail via une procédure classique d'aménagement. Cette même obligation de valorisation des défriches devrait être aussi être imposée à l'État (lors de l'entretien des deux routes nationales, à l'EPFA de Guyane pour des défriches en vue d'aménagements urbains ainsi qu'à certaines personnes morales (notamment le CNES ou EDF) à compter de 2019.
Recommandation n° 5.
Au ministère de l'agriculture et de l'alimentation et au ministère de l'action et des comptes publics : Introduire des clauses dans les cahiers des charges des concessions des terrains ou une clause résolutoire à la délivrance des baux emphytéotiques afin de rendre obligatoire le défrichement à faible impact en vue de la mise en valeur agricole des terres en Guyane lors de la cession de terres appartenant au domaine privé de l'État à des agriculteurs ou des personnes morales. Ces clauses préciseront que le bois de défriche reste propriété de l'Etat jusqu'à sa mise au bord de la route. Modifier le code général de la propriété des personnes publiques.
Cette activité est susceptible de garantir environ 215 t/ha44 sur au moins la moitié de la défriche annuelle45, soit un peu plus de 100 000 t/an de bois énergie. Cette disponibilité du gisement pourrait aussi conduire la CRE à assouplir son exigence sur le plan d'approvisionnement des énergéticiens dans la mesure où cette ressource serait en partie sécurisée sur plusieurs années.
Recommandation n° 6.
Au préfet de Guyane (cellule biomasse) et à la Commission de régulation de l'énergie : Admettre des plans d'approvisionnement sécurisés seulement à hauteur de 75 % (hors bois de défriche) dès lors que le porteur de projet d'une centrale biomasse dispose d'un contrat avec l'Etat, l'EFPA de Guyane ou une collectivité locale sur des approvisionnements en bois de défriche.
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Dont 15 tonnes de bois d'oeuvre
Le rythme actuel de croissance de la surface agricole utile est de 860 ha en dessous de l'objectif de 1000 ha. Par prudence, la mission a retenu le chiffre de 500 ha.
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4.2.2
Un domaine forestier permanent dont le mode d'exploitation actuel ne permet pas de sécuriser un volume important de bois
Actuellement, l'ONF est le seul gestionnaire du domaine forestier permanent (DFP), soit 2,4 millions d'ha soumis depuis 2008 au régime forestier. Sa valorisation se limite aujourd'hui à la récolte d'environ 5 tiges par ha tous les 65 ans, soit au total une récolte de 70 000 à 80 000 t de bois d'oeuvre par an en application de la charte d'exploitation à faible impact (EFI), essentiellement dans l'est de la Guyane soit dans les massifs de la forêt de Régina et Saint-Georges sur une superficie annuelle de l'ordre de 4 500 ha. Cette exploitation est limitée à la récolte de quelques espèces : l'acajou, le balata, l'angélique, la bagasse, le grignon, le gonfolo. Aujourd'hui, sur les coupes de bois d'oeuvre, faute de filière biomasse, les bris d'exploitation, les cloisonnements, les bois mis de côté lors de la réalisation des pistes sont laissés sur place par l'exploitant ce qui sur le plan carbone et environnemental est une aberration. L'ONF estime que pour une tonne de bois récoltée, trois sont abandonnées en forêt dont une partie serait récupérable et valorisable sous forme de bois énergie. Les équipes de l'ONF en Guyane ont donné à la mission les estimations suivantes sur le potentiel de bois énergie récupérable lié aux coupes de bois d'oeuvre : 4 500 ha/an et 30 t/ha (soit 135 000 t de bois énergie), auquel s'ajouterait le bois énergie lié aux emprises des routes forestières (20 000 t). La mission est prudente sur la valorisation à des conditions économiques satisfaisantes du bois énergie liée au bois d'oeuvre voir infra parties 4.4 et 4.5. L'activité de l'ONF est lourdement déficitaire en raison de l'importance des frais fixes engagés préalablement aux chantiers, études préalables, création des dessertes, études d'impact qui étaient jusqu'ici obligatoires pour l'élaboration des pistes forestières46, ce qui paraît à la mission une obligation juridique disproportionnée. Une partie de ces pistes n'est pas pérenne. La mission note avec satisfaction que dans le cadre de la mise en oeuvre des accords de Cayenne, le Gouvernement a décidé de procéder au relèvement du seuil de 3 à 30 km, (seuil applicable à compter de 2019), pour les projets d'itinéraires forestiers en Guyane soumis à une étude d'impact environnementale au cas par cas. Cependant, « les projets de dessertes forestières - en application du décret n°2018/23 d'avril 201847 devront figurer dans un schéma pluriannuel de desserte forestière annexé au Programme régional de la forêt et du bois... préparé par l'ONF » qui reste à adopter dans les meilleurs délais afin de régulariser la situation des dessertes réalisées en 2018 et bénéficier des aides communautaires. La complexité de l'exploitation sur place est aggravée par le relief tourmenté et les fortes intempéries durant plus d'une moitié de l'année. Le bois d'oeuvre est donc vendu très peu cher par l'ONF (26 /m3 soit 22 /t).
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En application de la directive 2011/92/UE modifiée, le décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes fixe les seuils au-delà desquels les projets sont soumis à étude d'impact environnementale.
47 Décret
no 2018-239 du 3 avril 2018 relatif à l'adaptation en Guyane des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Or l'objectif du Programme régional de la forêt et du bois (PRFB) est de passer d'ici quelques années à une récolte de bois d'oeuvre de 210 000 t par an au lieu des 70 000 actuelles. La mission est convaincue qu'il conviendra de se tourner vers d'autres modèles de gestion que l'exploitation à faible impact si l'on souhaite atteindre les objectifs de production fixés dans le PRFB. Ces modes d'exploitation (plantations, coupes plus intensives) également respectueux d'une gestion durable de la forêt, devront être positionnés sur de moindres superficies, prioritairement dans la bande littorale, à l'extérieur du DFP. En corollaire, cela sous-entend réfléchir à la diversification des débouchés du bois d'oeuvre et des espèces à récolter : pour la mission, ces objectifs sont prioritaires et doivent être partagés par l'ensemble de la filière dans le cadre de la commission régionale de la forêt et du bois. De plus, les secteurs de l'exploitation forestière et de la première transformation doivent investir en machines et outils de production pour pouvoir relever ce défi. La mission rappelle qu'un fonds d'aide de type POSEI48 a été par exemple prévu par les accords de Cayenne que la mission recommande d'activer. Il conviendra aussi d'envisager le recrutement et la formation de personnels supplémentaires pour l'exploitation forestière (conducteurs d'engins, bucherons, personnels pour les scieries) ce qui suppose de prévoir des formations et moyens adaptés. 4.2.3 Le potentiel économique de la filière bois en Guyane
La filière bois représente un chiffre d'affaires de 76 M/an avec 215 entreprises en 2016 et 830 emplois. Les principales activités sont : l'exploitation forestière (11 M), le sciage et rabotage de bois (40 M), les charpentes, la menuiserie extérieure, la construction (25 M). La balance commerciale est déficitaire en raison de l'importance des importations de meubles venant de métropole ou de Chine. L'ONF indique que sur le seul créneau de la première transformation (sciages, menuiserie du bâtiment, donc hors meubles et sièges) la balance commerciale est équilibrée avec 3 M d'export ou d'import. Il existe un certain potentiel de croissance sur la filière bois, d'une part en volume, et, d'autre part, en montée en gamme : une bonne partie du bois (qui est de qualité) est exportée brute pour être travaillée hors de la Guyane. Tableau 5 : Données statistiques sur l'échange des produits du bois en Guyane (en k).
Il existe sept entreprises d'exploitation dont la Société forestière Amazonia (SFA) qui possède près de 50 % de part de marché et est la seule certifiée PEFC. La rentabilité des entreprises est inégale : plus de la moitié vivotent tandis que certaines vivent très bien (dont la SFA qui enregistre une rentabilité de plus de 18 % grâce à une montée en gamme et des techniques de localisation en forêt
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POSEI (Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) : déclinaison de la Politique agricole commune dans les DOM
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées performantes). L'ONF fait réaliser l'exploitation de 30 % du bois d'oeuvre qui est livré aux acheteurs en bord de route forestière pour un coût de revient de 90 /m3 (en plus de la valeur d'achat sur pied de 26 /m3). Le développement rapide de la récolte de biomasse dans les prochaines années nécessitera une très forte augmentation de capacité de ce secteur clé accompagnée d'investissements très importants en matériels de chantier et de transport. Par ailleurs, les appels d'offre publics exigent le label PEFC qui ne garantit pas la provenance d'un bois de Guyane. Il conviendrait de s'interroger sur l'intérêt de cette certification et de privilégier le label « Bois guyanais respectueux de l'environnement » qui serait compatible avec les plantations de bois d'oeuvre. Les collectivités pourraient introduire ce label dans leurs appels d'offre pour une partie de la fourniture, ce qui permettrait de donner un débouché aux plantations guyanaises de bois d'oeuvre.
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4.3 Les projets lancés et les projets à l'étude
Selon la cellule biomasse, 8 à 9 centrales biomasse représentant 28 % de la production électrique guyanaise seraient créées d'ici 2023. À cette date, cela exigerait selon ces mêmes sources, de l'ordre de 500 000 t de bois par an, soit des investissements industriels à hauteur de 480 à 600 M et une perspective de créations de 700 emplois équivalents temps plein. Force est de constater qu'aujourd'hui, mi-2018, les projets de nouvelles centrales biomasse tardent à se concrétiser en raison notamment de lenteurs administratives d'instructions des dossiers au niveau des services administratifs locaux, mais aussi des difficultés des porteurs de projets à sécuriser leurs plans d'approvisionnement répondant aux exigences des services instructeurs (de la cellule biomasse ou de la CRE) et à celles des banques. Sur les 15 MW attendus dans la PPE en 2018, une nouvelle centrale biomasse est en construction près de Cacao d'un potentiel de 5,1 MW (projet porté par Voltalia, consommant 61 000 tonnes de bois par an dans son bilan prévisionnel) dont la mise en service était prévue en 2018, mais qui n'interviendra pas avant 2020. Une deuxième centrale portée par Abiodis de 3,6 MW située près de Saint-Georges vient d'obtenir son tarif d'achat et devrait être mise en service en 2019. Sa construction démarre également. En revanche, le projet de centrale biomasse situé à Monsinery, d'une puissance de 5,3 MW est actuellement en recherche de nouveaux acquéreurs, alors qu'elle aurait dû être mise en service en 2018. Ce dossier a subi de très importants délais d'instructions administratives, plus de six ans, si bien que la société Neon, bien qu'elle ait obtenu le tarif de vente de l'électricité par la CRE, a fini par renoncer à son projet. Il n'y a pas encore de repreneur officiellement identifié : les missionnés ont rencontré des entreprises intéressées par ce projet. Les missionnés ont aussi eu connaissance d'un projet très atypique sur le site du barrage de Petit-Saut (projet Triton), qui consisterait à récupérer le bois ennoyé de la forêt dans le site de la retenue du barrage actuel et qui conduirait à la construction d'une centrale biomasse sur la commune de Sinnamary d'une puissance de 9 MW. Le potentiel immergé (de l'ordre de 5,5 millions de m3 de bois) pourrait constituer l'approvisionnement de la centrale pendant sa durée de vie. Ce projet permettrait à la fois d'exploiter du bois d'oeuvre et de valoriser le bois énergie. La mise en service de la nouvelle
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées centrale située non loin du site d'approvisionnement, sous réserve de l'obtention des autorisations administratives nécessaires pourrait intervenir d'ici 2022. Par ailleurs, le projet Triton permettrait d'alimenter aussi en partie un projet de nouvelle centrale biomasse tri-génération dont la construction est envisagée à Kourou d'une puissance de 12 MW (avec deux tranches de 6 MW) qui pourraient être mises en service en 2021 et en 2023. Toutefois, la concrétisation de ce projet reste subordonnée à l'accord de l'administration pour délivrer le foncier nécessaire à la mise en oeuvre du projet d'agroforesterie qui sous-tend l'approvisionnement de cette centrale en biomasse : cet accord semble difficile à obtenir du fait de la réticence de la DAAF à considérer les activités de plantation ou d'agroforesterie comme des activités agricoles, ce qui est surprenant pour la mission49. Plusieurs autres projets ont été évoqués par divers porteurs de projets rencontrés par la mission en particulier un petit dossier de 0,5 MW situé près de Macouria sur le littoral et un deuxième d'une centrale de 5 MW, situé dans l'ouest à Mana, dont l'approvisionnement pourrait reposer sur des plantations de bambou. Un troisième situé près d'Iracoubo d'une puissance de 5,1 MW (pour sa première phase, avec une mise en service envisagée en 2022) dont là encore la source d'approvisionnement n'est pas identifiée (bois de défriche et canne fibre). Les dates de mises en service de ces différents projets ne sont pas encore connues. Dans tous ces cas, le message des porteurs de projets est clair : c'est la valorisation du bois énergie qui justifie l'exploitation du bois d'oeuvre dont les débouchés de valorisation ne sont pas toujours bien connus à ce stade. Mais la grande difficulté pour un certain nombre d'entre eux est de sécuriser leur approvisionnement d'où l'urgence d'avancer sur le schéma régional biomasse de la région. En effet, au vu de la production actuelle annuelle de bois d'oeuvre par l'ONF, même si selon ses propres hypothèses on pouvait valoriser demain l'ensemble du bois énergie lié à cette activité, cette ressource serait insuffisante pour satisfaire l'approvisionnement des futures centrales biomasse retenues dans la PPE. Dès lors, rechercher d'autres sources possibles de bois énergie et voir comment optimiser leur rendement, tout en respectant l'objectif d'une gestion durable de cette ressource est indispensable si l'on souhaite développer cette filière. Il y a urgence à passer aux actes vis-à-vis de l'évolution du système électrique. C'est à ce titre que la mission a été intéressée par les différents projets portés soit par des industriels, des start-up en lien souvent avec des organismes de recherche ou s'inspirant de réalisations dans d'autres pays équatoriaux. Il s'agit d'une part de développer des projets d'agro foresterie à grande échelle, d'autre part de réfléchir à des plantations sylvicoles ou de cultures qui pourraient être valorisées en énergie.
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Le code général de la propriété publique prévoit uniquement la cession de foncier en vue de mise en valeur de terres agricoles au profit d'agriculteurs. Cette disposition n'interdit pas selon la mission la possibilité de réaliser des activités de plantations sylvicoles.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau n° 6 : Recensement des projets « biomasse » en juin 2018 Nom du projet /société/ Situation consortium Puissance installée en MW 1,7 5,1 3 9 18,8 Date de Objectif PPE mise en 2023 service biomasse en MW En service 2020 2019 2022 +40 Objectif PPE 2030 biomasse en MW
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Voltalia Voltalia Abiodis Triton Total des projets en cours Autres projets recensés par la mission : Non encore identifié Voltalia
Kourou Cacao Saint Georges Sinnamary
+20
Monsinéry Iracoubo(1ère tranche) Macouria AVEA Energie Mana Non identifié Saint Laurent du Maroni Projet trigénération Kourou Akuo Capacité des autres projets Capacité totale biomasse possible Source : mission.
5,3 5,1 0,5 5,1 10 12 38 56,8
? 2022 ? 2020
2021 2023?
-
41,7
61,7
4.4 Les gisements de biomasse
4.4.1 Les gisements connus et immédiatement exploitables
La première source de bois est celle issue de l'exploitation actuelle de bois d'oeuvre (soit 77 000 t en 2016) à faible impact (dite EFI), dans le domaine forestier permanent géré par l'ONF. Nous y distinguons deux sources : - la collecte des connexes d'exploitation du bois d'oeuvre qui sont actuellement abandonnées en forêt ; ces connexes représentent aujourd'hui environ 2 fois (voire 3 fois) le volume du bois d'oeuvre récolté, c'est-à-dire environ 154 000 t/an. Toutefois, du fait d'un fort coût de transport, cette récolte est limitée aux besoins des usines biomasse situées à immédiate proximité des massifs en exploitation (type SaintGeorges ou Cacao) ; - les connexes de scierie, soit 60 % du bois d'oeuvre sorti, c'est à dire environ 46 000 t : dont 20 000 utilisé par l'actuelle centrale de Kourou, le tonnage immédiatement disponible est donc de 26 000 t/an.
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L'exploitation à faible impact n'est en fait pas limitée en volume, le territoire sous contrôle de l'ONF (le domaine forestier permanent), étant très important. En suivant la prévision du PRFB, reprise par la PPE, de 210 000 m3 de bois d'oeuvre, les connexes d'exploitation pourraient représenter au moins 420 000 t/an et les connexes de scierie 126 000 t/an soit près de 80 000 t de connexes de scierie supplémentaires exploitables. Toutefois, le système d'exploitation est sous plusieurs contraintes, qui font que la mission est très réservée sur cet accroissement de volume sur le mode actuel de l'exploitation à faible impact. Premièrement, l'impact sur les milieux naturels de la sortie de tonnages importants de bois énergie est peu connu. Une première expérience grandeur nature démarre sur le massif forestier de SaintGeorges en domaine forestier permanent avec une exploitation de bois d'oeuvre couplée avec une exploitation de bois d'énergie. La scierie et l'usine électrique envisagent de démarrer dans les prochains mois et d'ores et déjà l'exploitant a constitué des stocks importants de bois énergie. Il serait utile de confier au Cirad ou à l'Inra un projet scientifique indépendant des exploitants qui puisse fournir à moyen terme des références sur les bilans environnementaux (biodiversité, bilan carbone...), économique et social de cette exploitation. L'éloignement des exploitations forestières de l'usine peut rendre non compétitive la collecte des connexes d'exploitation qui sont laissées sur place, les exploitants forestiers n'étant intéressés que par les plus belles tiges de bois d'oeuvre. Toutefois, la sortie de bois supplémentaire peut être rendue contractuelle par l'ONF à condition qu'elle soit adossée à un tarif de vente à l'exploitant de l'usine qui permette au moins à l'exploitant forestier de ne pas perdre d'argent. Le coût de création et de gestion des pistes est élevé (2,2 M/an pour la création financée à 75 % par le FEADER et à 25 % par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, plus 0,8 M pour l'entretien à charge de l'ONF) : il représente le même ordre de grandeur que le revenu tiré de la vente des bois sur pied par l'ONF. Faire reposer le modèle économique de cette exploitation forestière et son développement sur le triplement de ces aides n'apparaît pas à la mission comme une hypothèse raisonnable. De plus, ce modèle d'exploitation à faible impact sous-entend que cette exploitation doit conduire à aller de plus en plus loin en forêt, ouvrir des pistes de plus en plus éloignées du littoral ce qui rend les coûts de transport de plus en plus importants et dégrade continuellement la rentabilité du modèle. Enfin, l'absence de ligne électrique à proximité du massif forestier situé à l'Est de la Guyane est également un handicap, obligeant les exploitants à transporter le bois jusqu'à une scierie et/ou une centrale électrique reliée au réseau. Les coûts kilométriques de transport du bois énergie élevés grèvent d'autant la rentabilité du système. La mission propose que la localisation des futures centrales biomasse soit située le long de la façade littorale, le plus près possible des lieux de consommation, afin d'optimiser le système électrique. Au final, la mission estime que l'exploitation à faible impact dans le domaine forestier permanent ne pourra produire que 100 000 t de bois d'oeuvre, susceptible d'apporter 150 000 t de connexes d'exploitation et 60 000 t de connexes de scierie.
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Une seconde source de bois énergie est la valorisation des bois ennoyés dans la retenue du barrage de Petit Saut (350 km2), pour 150 00050 t/an de biomasse, déjà contractualisée51. En effet, les porteurs de projet escomptent récupérer entre 150 000 et 200 000 m3 de bois ennoyés par an pendant 25 ans, sur un potentiel estimé à plus de 5 millions de m3. Il est prévu de construire la scierie et l'usine électrique à proximité du barrage. Une troisième source de bois énergie est la valorisation des bois issus des défriches agricoles qui représente un enjeu majeur en termes de tonnage pour la filière biomasse. Ces défriches sont susceptibles de produire une vingtaine de tonnes de bois d'oeuvre par hectare. Certes ce sont de faibles tonnages, car il s'agit souvent de parcelles ayant déjà été exploitées, mais qu'il ne faut pas négliger. En revanche, la production de bois énergie peut être estimée en moyenne à 200 t/ha. Le schéma d'aménagement régional prévoit de mettre à disposition des agriculteurs 25 000 ha de forêt à valoriser en terres agricoles sur 25 ans. Sur les 1 000 ha défrichés par an, on peut en théorie tabler, sur un potentiel de 200 000 t de bois énergie. Il faudra compter sur une exploitation de la défriche volontariste (naissance de la filière, respect des processus et des chartes...). À ceci s'ajoute la valorisation des bois issus de la défriche urbaine qu'il convient de ne pas oublier. Il est difficile d'en évaluer le tonnage. Il y a de nombreuses installations illégales d'où il sera très difficile de récupérer la biomasse. Mais un effort important doit être mené sur ces terrains, certes souvent petits, mais par définition plus faciles d'accès que les terrains agricoles. L'État et surtout les collectivités locales ont un rôle important à jouer. En résumé, avec l'hypothèse revue d'une moyenne de coupe de bois d'oeuvre en exploitation à faible impact de 100 000 t/an (tonnage jamais atteint en Guyane depuis la fin des années 80 rappelons-le) donnant 150 000 t de connexes d'exploitation et 60 000 t de connexes de scierie, l'exploitation des bois ennoyés de Petit-Saut (réduit à 125 000 t/an pendant 25 ans) et l'exploitation du bois énergie issu de la défriche agricole que nous ramenons à 100 000 t/an vu les difficultés de la mise en oeuvre de sa collecte, alors les tonnages produits, 435 000 t/an, couvrent à peine les besoins en biomasse nécessaires à la production d'électricité pour les 41,7 MW de la PPE 2023 sur les 25 ans à venir (cf. tableau suivant). Cependant, compte tenu du rythme actuel observé dans la réalisation des centrales, on peut estimer qu'en 2023, seuls 29 MW seront en fait installés et qu'à cette date la sécurité d'approvisionnement de ces premières centrales est tout à fait réalisable à la condition que le projet Triton soit opérationnel.
50Chiffre
calculé d'après le document Voltalia diffusé en juin : connexes d'exploitation 130 000 t et connexes de scierie
20 000 t.
51(...).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau n°7 : Potentiel de biomasse forestière en Guyane Objectif de la filière Scénario optimiste 210 000 420 000 126 000 150 000 200 000 896 000 Hypothèse mission Scénario prudent prudente 100 000 150 000 60 000 125 000 100 000 435 000 pendant 25 maximum ans Pérennité de l'exploitation ou durée prévisible de l'exploitation pérenne montée en charge progressive pérenne sur 25 ans, augmentation possible sur 25 ans
En tonnes de bois humides
Potentiel Aujourd'hui
Bois d'oeuvre (1)
77 000
Connexes d'exploitation 154 000 forestière (2) Connexes de scierie 46 000
Bois morts du barrage de 0 Petit-Saut Défriche agricole TOTAL Puissance correspondante installée (MW) 0 200 000
(hypothèse : 7 000 h et 1,6 t de bois/ MWh)
18
80
39
(1) : cette donnée est présentée ici comme servant au calcul des deux lignes suivantes. (2) : les connexes d'exploitation représentent environ 3,5 fois le tonnage de bois d'oeuvre sorti. Les chiffres communément retenus de récupération sont de 1,5 à 2 fois le tonnage de bois d'oeuvre. La mission retient 1,5.
Source : mission
Afin de sécuriser la réalisation des 41,7 MW prévus en 2023, voire d'aller jusqu'aux 61,7 MW prévus en 2030, il faut conforter l'approvisionnement avec d'autres ressources d'autant qu'il convient d'anticiper dès maintenant l'arrêt de l'exploitation du bois ennoyé de Petit-Saut et de la défriche agricole qui devraient raisonnablement s'estomper au-delà de 2040. 4.4.2 Sécuriser l'approvisionnement sur le long terme
D'autres ressources de biomasse rapidement exploitables (au moins pour 200 000 t/an) pour la production d'énergie devraient donc être identifiées dès à présent. En accord avec le SAR de Guyane52, la mission précise qu'il n'est pas nécessaire de mobiliser des terres pour produire de la biomasse « cultivée », en dehors des espaces agricoles déjà définis dans le schéma. Ce principe est aussi celui retenu par la mission IGF, IGA, CGEDD, CGAAER sur le transfert du foncier de l'État en Guyane de février 2018. Ces espaces nous apparaissent comme suffisants : "Les espaces agricoles... représentent une superficie d'enveloppe totale de 199 458 ha, pour une SAU [surface agricole utile] attendue de 75 000 hectares à l'horizon 2030"53, même si aujourd'hui, la SAU n'est que de 32 000 ha en raison des retards observés de mise en valeur.
52
Le Schéma d'aménagement régional (SAR) a été approuvé par la Collectivité territoriale de Guyane et fait l'objet du décret n° 2016-931 du 6 juillet 2016.
53Citation
extraite du rapport de mission cité (page 238 du SAR) - Espace délimité en jaune sur les cartes du SAR).
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Ces autres sources possibles de biomasse pour la production d'énergie sont les suivantes. Il est possible d'imaginer des plantations à vocation uniquement énergétiques sur une superficie totale limitée à 10 000 ha utiles, mais spatialement bien répartie et située à proximité de futures centrales biomasse pour limiter les coûts de transport. Disposer d'une ressource dédiée, proche et stable à long terme est un élément fondamental de sécurisation des plans d'approvisionnement des projets en complément des sources de biomasse fatale. Le PRFB devrait prévoir le principe des plantations sans qu'il soit nécessaire d'ajouter un deuxième document de planification à l'instar du projet actuel de la DAAF qui imagine la création d'un « schéma de plantation » qui retarderait inutilement les décisions en la matière. Il s'agit essentiellement des projets déjà décrits de plantation d'inga, de bambous ou de cannes fibres. Des projets agricoles (par exemple sur le polder de Mana) de cultures énergétiques existent. Les rendements agricoles attendus pourraient être les suivants : - canne fibre : 80 t/ha par an à 65 % humidité- bambou : 50 t/ha par an à 45 % humidité, - inga : 30 t/ha par an à 45 % humidité.
On peut concevoir aussi des plantations de co-production bois d'oeuvre-bois énergie, pour 90 000 t/an pouvant atteindre 200 000 t/an selon la cellule biomasse, soit environ 10 000 ha. En fait, comme pour l'exploitation à faible impact, l'évaluation du gisement est délicate car elle dépend de la synergie entre bois d'oeuvre et bois d'énergie, qui permettrait de rendre compétitif le bois d'oeuvre à l'export ou son utilisation importante dans le bâti guyanais. Certaines plantations peuvent redonner une affectation à des terres agricoles dégradées (espèces fixatrices d'azote) et constituer un complément de revenu pour des agriculteurs. La société Mia a développé un projet près de Kourou. Il combine production de bois d'oeuvre (teck), production de bois énergie (inga), fourrages et plantation de caféiers et de cacaoyers. Une parcelle expérimentale de quatre hectares du Cirad est également en phase test avec le mélange de différentes essences suite à une déforestation complète, mais faite en préservant les sols (technique du mulch). Des travaux intéressants sont menés par les instituts de recherche présents en Guyane et par des sociétés privées (Solicaz). Il convient de conforter leur démarche à cette époque clé. La mission pense qu'il y a des projets qui ne demandent qu'à démarrer, mais qui ont besoin d'un appui technique, voire de recherche appliquée, immédiat et soutenu dans le temps. En revanche, le modèle économique de ces plantations innovantes n'est pas encore établi, en l'absence de subventions aux plantations d'au moins 50 % : la création d'un fonds ad hoc pourrait être envisagée. De même, des soutiens financiers limités pourraient être accordés pour encourager la réalisation d'opérations agroforesterie, qui seront beaucoup moins productives en bois (jusqu'à dix fois moins), mais qui permettront de bonifier les sols (plantations de haies, arbres de haute tige en plein champ, plantes de service fixatrices d'azote). Enfin, il convient d'attribuer à des industriels souhaitant créer une usine biomasse à l'intérieur de la bande littorale (hors domaine forestier permanent), des contrats exclusifs à long terme
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées d'exploitation forestière de « bois énergie » sur des massifs de 15 000 à 20 000 ha, délimités par l'ONF prévoyant la mise en oeuvre, sous son contrôle, de coupes d'intensité modérée 54 à rotation de 25 ans. Selon le modèle expérimenté par l'ONF et l'Ademe sur Balata / SautLéodate, ces contrats permettraient de sécuriser l'approvisionnement de centrales biomasse et de fournir immédiatement un volume annuel de 200 000 t de bois énergie, réparti en deux ou trois contrats pour des usines en cours d'instruction, demandeuses de bois énergie à très court terme. Il leur appartiendrait de financer (par la valorisation du bois d'oeuvre par exemple) la réalisation progressive (sur 25 ans) du réseau de pistes principales nécessaires (coût total environ 8 M pour 20 000 ha), y compris en mobilisant des aides du FEDER.
Recommandation n° 7.
Au ministère de l'agriculture et de l'alimentation et aux ministères de l'économie des finances et des comptes et de l'action publique (DIE) : En Guyane, autoriser dans la bande littorale, hors domaine forestier permanent, l'attribution de contrats exclusifs à long terme d'exploitation forestière à des usines biomasse, sur des surfaces de 10 à 20 000 ha délimitées par l'ONF, permettant des coupes d'intensité modérée à but énergétique (sur le modèle Balata / SautLéodate étudié par l'Ademe en 2011). Le futur programme régional de la forêt et du bois devra inclure les projets ainsi identifiés.
4.5 Les problématiques économiques et sociales
4.5.1 Les coûts 4.5.1.1 Quelques coûts de référence de l'exploitation du bois
Il convient de rappeler les ordres de grandeur de coûts fournis par l'ONF relativement à la production de bois d'oeuvre.
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L'intensité modérée se définit par rapport aux modalités d'exploitation de la forêt guyanaise testée dans le dispositif Inra de Paracou.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau n°8 : Décomposition du prix par tonne de bois rendu scierie (source orale ONF (bois d'oeuvre) et source CRE / Voltalia (bois énergie)(on rappelle : 1 m³ = 1,15 t environ). Bois d'oeuvre Prix du bois sur pied (payé à l'ONF) Abattage Débusquage Débardage Cubage Créations de pistes 26 /m 10 15 15 10 15
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Bois énergie 8,20 /m3 7,47 19,11 9,41 2,49
Routes à camions (remboursées par l'UE 15 et la France) Transport TOTAL 25 à 45 environ 130 19,74 environ 70
D'après l'accord entre la préfecture de Cayenne et l'interprofession-bois du 2 avril 2017, les prix d'approvisionnement du bois énergie sont de : - 55 /t, départ scierie pour des plaquettes broyées issues des connexes de scierie, - 90 /t pour des plaquettes broyées issues d'exploitation forestière et livrées à la centrale. Toutefois, ce dernier cas semble un peu théorique pour l'instant, car le bois énergie issu de forêt sera sans doute stocké en rondins et broyé au fur à mesure dans les installations de la centrale biomasse. Il suppose que l'exploitant forestier dispose d'un broyeur, ce qui n'est en général pas le cas. Les différentes possibilités de production de biomasse énergie sont, comme indiqué ci-dessous, - la défriche agricole, - l'exploitation à faible impact de la forêt naturelle, - l'exploitation forestière par coupes sélectives à rotation de 25 ans, - les plantations de cultures énergétiques (canne fibre...) sans production de bois d'oeuvre, - la récupération de bois immergés (projet Triton), - l'agroforesterie.
4.5.1.2
Synthèse sur les coûts (voir annexe 6)
Compte tenu des gisements évoqués et de leurs coûts associés, il est possible d'évaluer un coût moyen du bois livré au parc de centrales biomasse (hors valorisation du CO2).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau 9 : Coût moyen du bois livré à la centrale biomasse incluant le broyage (10 /t). Gisement Défriche agricole Exploitation du domaine forestier permanent (connexes de scierie et d'exploitation) Exploitation type Balata Plantations à vocation énergétique Bois immergés Pellet importé (à PCI égal) Moyenne/ Total Sources : Voir annexe 6 L'essentiel des ressources de biomasse est disponible à un coût inférieur à 70 /t (soit 100 à 110 /MWh). Avec ces coûts, des centrales biomasse d'au moins 10 MW sont concurrentielles avec le projet de centrale de Degrad-des-Cannes. Les connexes d'exploitation forestière, issus de l'EFI, sont la ressource la plus onéreuse en raison du coût de transport et du tarif garanti par les accords de Cayenne. Dans ces conditions, les différentes filières évoquées ci-dessus peuvent être évaluées au plan économique ce qui permettra d'éclairer le débat sur les tarifs proposés par la Commission de régulation de l'énergie et sur lequel existent quelques divergences entre acteurs. 4.5.2 L'emploi. Volume annuel (t) 100 000 210 000 (100 000*0,6 + 150 000) 130 000(20 000 ha à 6,5 t/ha) 300 000 (10 000 ha à 30 t /ha) 125 000 t/an (pm) 865 000 Coût /t 65 80 60 65 à 75 pour du bois (80 à 90 pour de la canne fibre à PCI équivalent) 70 > 90 71,5 61 850 Coût total k 6 500 16 800 8 800 21 000 8 750
Les éléments fournis par l'ONF font état de 830 emplois directs actuellement liés à la filière bois, générant en outre 1 245 emplois indirects. Les éléments fournis par l'interprofession-bois de Guyane tendent à montrer que l'augmentation de volume de la filière (passage de 77 000 m3/an à 210 000 m3/an) conduirait à la création de 600 emplois.
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Figure 1 : Créations d'emplois par la filière bois (source présentation ONF). Cette projection est loin d'être uniquement due au développement de la biomasse énergie. L'objectif de récolter 210 000 m3 de bois d'oeuvre par l'exploitation à faible impact semble irréaliste. Néanmoins, même à volume de bois d'oeuvre constant, 150 000 t de connexes d'exploitation seront extraits de la forêt en plus du bois d'oeuvre pour approvisionner les centrales biomasse. La production, l'exploitation et le transport de la biomasse énergie entraîneront la création d'emplois en amont de la filière (exploitation, plantation, gestion) qui ne le seraient pas sinon. Il en est de même pour du bois issu de la défriche agricole ou urbaine et des plantations énergétiques. Le gisement en emplois correspondant est de 1,5 emploi pour 1 000 tonnes de bois exploité et livré. Les volumes envisagés précédemment, d'environ 500 000 t de bois énergie à terme conduisent à la création de 750 emplois environ, soit une économie potentielle de 10 M pour l'État sur le RSA (13 900 par an pour un couple au chômage avec deux enfants multiplié par nombre d'emplois créés). L'avantage économique de ces nouveaux emplois justifie un soutien maximal de la collectivité de 21 par tonne de bois exploitée ou 33 /MWh d'électricité.
4.6 La position des acteurs
Les missionnés ont réalisé de nombreuses interviews de toutes les catégories d'acteurs dont les propos sont reflétés dans l'annexe n°7. La mission retient les points saillants suivants. Il y a en Guyane une acceptabilité forte de l'utilisation durable du bois d'énergie issue de l'exploitation durable du bois d'oeuvre. Cette position est aussi vraie pour l'utilisation de la biomasse issue de la défriche, mais elle doit faire l'objet d'un suivi technique et administratif qui n'est pas encore en place.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées L'acceptation de la sylviculture ou de la culture de biomasse pour la production d'énergie sera peutêtre plus difficile et ce d'autant plus que les itinéraires techniques de celles-ci restent à construire. Toutefois, il convient de s'en préoccuper dès maintenant afin de pérenniser la filière biomasse. Une gouvernance plus partagée entre les différents acteurs serait un point d'amélioration de l'acceptabilité des différentes techniques de production de biomasse et donnerait plus de lisibilité à tous les acteurs. Loin de la hauteur des enjeux, les moyens mis à disposition par l'État au soutien de l'ensemble de la filière, de la recherche à l'agriculture en passant par l'exploitation forestière, y compris dans le suivi de son foncier et de ses tâches régaliennes de surveillance, sont unanimement décrits comme très insuffisants, particulièrement en ce qui concerne ses propres moyens humains. Le soutien à la filière passera pour beaucoup d'acteurs par une simplification des procédures administratives devant entraîner une accélération du démarrage des projets. D'une manière générale, les procédures tant environnementales, qu'économiques et fiscales apparaissent trop longues et complexes. Le soutien à la recherche et aux organismes de développement, mais aussi la poursuite de travaux de suivis aussi bien en exploitation durable de la forêt qu'en valorisation de la biomasse ou bien encore sur les techniques de restauration des terres dégradées, est souhaité par le plus grand nombre. La formation est un point important qu'il convient de promouvoir depuis l'exploitation forestière jusqu'à la sylviculture en passant par les métiers de l'énergie. Recommandation n° 8. Au préfet de Guyane : Revitaliser le comité de la filière bois associant l'ensemble des acteurs concernés, de l'amont à la deuxième transformation, afin d'élaborer et de décliner des stratégies de filière.
Recommandation n° 9.
A la Collectivité territoriale de Guyane : Soutenir grâce aux fonds de recherche et d'innovation les démarches scientifiques et techniques concernant les plantations de co-production bois d'oeuvre-bois énergie des institutions publiques en place, et des sociétés privées de conseil présentes sur ce secteur.
4.7 Recommandations sur la place de la biomasse dans la prochaine PPE de Guyane
En conclusion, la mission observe que les centrales à partir de biomasse se développent actuellement en Guyane mais à un rythme moins rapide que celui envisagé par la PPE. Toutefois, l'entrée en service progressive de ces installations va permettre d'assurer une meilleure spatialisation des moyens de production électrique et de consolider à terme le système. Ainsi, le mix énergétique de la Guyane pourrait se diversifier davantage et accroître encore la part des énergies renouvelables à un coût qui devrait rester maitrisé pour les finances publiques : au plus 20 /t (hors avantage CO2) pour 500 000 t
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées de biomasse, soit moins de 10 M. La biomasse n'est pas rentable en Guyane par rapport au fioul dans des centrales de moins de 10 MW, surtout si elles sont éloignées des chantiers d'exploitation qui l'approvisionnent (type centrale de Cacao). L'atteinte d'une nouvelle capacité installée de production électrique de 40 MW à partir de biomasse suppose que l'ensemble des projets actuellement identifiés se concrétise : cet objectif sera sans doute différé de quelques années par rapport à 2023. La mission estime qu'il est possible de le réaliser, mais à la condition de sécuriser davantage l'approvisionnement de ces projets. Cela suppose que l'exploitation des connexes d'exploitation et de scierie devienne systématique et que des volumes conséquents issus de la défriche agricole soient aussi utilisés. Sur le modèle de "Triton" à Petit-Saut qui bénéficie d'un approvisionnement garanti de très long terme avec les bois immergés du barrage (contrat passé avec l'ONF) les énergéticiens qui le demandent devraient pouvoir sécuriser jusqu'à 50 % de leur approvisionnement de long terme avec une ressource dédiée, complémentaire de cette biomasse fatale. Cela suppose de donner priorité au déblocage des négociations foncières en cours et de lever les obstacles administratifs qui ne sont pas irréductibles. Rendre obligatoire la défriche avant la mise en valeur agricole ou l'aménagement des terrains et structurer le service de collecte est l'enjeu prioritaire pour le succès de la filière. Cette activité devrait aussi contribuer à consolider plusieurs autres politiques publiques : maîtrise du foncier du domaine privé de l'État, développement agricole, filière bois et politique sociale du territoire. Il est en conséquent urgent de publier le cahier des charges de la DAAF sur la défriche agricole à faible impact avant la fin 2018 et de définir un prix énergie pour le bois issu de cette défriche. À plus long terme, la pérennité de l'activité de biomasse suppose que dès à présent les pouvoirs publics s'engagent sur les moyens de maintenir cet approvisionnement de manière durable. La mission préconise plusieurs solutions et recommande de les tester toutes de front. Les données sur les coûts évoquées plus haut militent pour rechercher d'autres modèles d'exploitation forestière que l'EFI. L'exploitation forestière type Balata pourrait être testée sur 50 000 ha divisés en permis d'exploitation de 10 à 20 000 ha. Le programme régional de la forêt et du bois devra identifier les superficies et les volumes d'exploitation correspondants. La mission estime que les activités de plantations liées à la biomasse doivent être considérées comme des activités agricoles et être encouragées par l'administration et par les collectivités, comme l'est la forêt en France métropolitaine. Elle propose d'acter que les plantations et les cultures énergétiques sont autorisées dans la bande littorale de 600 000 ha au même titre que les activités agricoles. Elles sont susceptibles d'apporter un supplément de revenu à des exploitants agricoles et de revaloriser certaines terres dégradées. L'ordre de grandeur de la surface à cultiver ou planter serait de 10 000 ha si on veut alimenter les 20 MW programmés à l'horizon 2030, cela selon différentes modalités : - l'exploitation mixte de bois d'oeuvre / bois énergie type MIA, - la culture de plantes énergétiques à croissance rapide type canne fibre, bambou, inga. Développer davantage la filière biomasse est aujourd'hui un choix politique, mais la réussite de ce pari suppose une coordination de l'ensemble des parties prenantes publiques et l'élaboration d'une véritable stratégie pour la filière bois.
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MARTINIQUE
La collectivité territoriale de Martinique (CTM) se caractérise par sa petite taille (superficie de 1 128 km2) et sa forte densité de population (335 habitants par km2). La population (377 000 habitants en 2016) est en baisse depuis 2007 et les projections démographiques récentes de l'Insee tablent sur une poursuite de cette tendance à l'horizon 2030 quel que soit le scénario considéré. La forêt occupe de l'ordre de 40 % de la superficie mais celle-ci, aux trois quarts privée, n'est que très faiblement exploitée et ne peut constituer une source significative de bois énergie. La surface agricole utilisée par les exploitations agricoles (SAU), de l'ordre de 23 000 ha, comprend environ 30 % de surface toujours en herbe, utilisée pour de l'élevage bovin extensif. Les terres cultivées sont utilisées principalement pour la production de banane (25 % de la surface agricole utile) et la production de canne à sucre (17 % de la surface agricole utile), qui constituent les deux principales activités d'exportation, mais au prix d'importantes subventions européennes et nationales. Le territoire comprendrait environ 15 000 ha de landes et de friches et 7000 ha de surface toujours en herbe en dehors des exploitations agricoles, mais la mise en valeur de ces terres ne pourrait se faire que difficilement. Une éventuelle production agricole à vocation énergétique se ferait donc essentiellement en substitution d'une activité à vocation alimentaire préexistante.
5.1 Système électrique et objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie
Le système de production électrique (puissance installée d'environ 500 MW) est dominé par des centrales électriques à fioul lourd (moteurs diesel, dont 211 MW mis en service en 2014) complétées par des turbines à combustion pour satisfaire la demande de pointe. La gestion des déchets est à l'origine d'une faible production électrique (usine d'incinération et collecte/production de biogaz). Pour ce qui concerne les énergies renouvelables (EnR), le photovoltaïque (PV) est la filière la plus présente, avec 63 MW installés fin 2016. Cette situation devrait se modifier avec la mise en service de la centrale biomasse Galion 2 d'Albioma courant 2018, d'une puissance nette de 34 MW et amenée à fonctionner en base. La programmation pluriannuelle de l'énergie 2016/2023, tout récemment adoptée (octobre 2018) table sur une poursuite du développement des EnR intermittentes, éolien et surtout photovoltaïque (respectivement + 24 et + 93 MW à horizon 2023), complétées à hauteur de 40 MW par des installations de stockage de l'électricité et de la géothermie. Cette électricité d'origine géothermique serait en grande partie importée de l'ile de la Dominique. La valorisation thermique des déchets fournirait également une puissance additionnelle de 10 MW opérée en base.
La demande électrique est caractérisée par une faible variabilité saisonnière et une courbe de charge journalière présentant deux pointes de consommation, de niveau assez semblable, à midi et le soir. Le bilan prévisionnel établi par EDF-SEI table sur une légère décroissance de la consommation électrique à l'horizon 2030, compte tenu des prévisions démographiques et des actions de maitrise de la
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées demande d'électricité (MDE) qui devraient être amplifiées dans les prochaines années (scénario de MDE renforcée). Dans le scénario de maitrise de la demande d'électricité renforcée, considéré comme le plus probable, les besoins en capacités nouvelles sont quasi inexistants à l'horizon 2030. En l'absence de croissance de la consommation électrique de l'île, la montée en puissance de la production d'électricité à partir de biomasse se fera par diminution du recours aux capacités thermiques fossiles d'EDF.
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5.2 La PPE, polémique au sujet de la biomasse importée
La Collectivité territoriale de Martinique a confirmé à la mission son souhait de mettre l'accent sur la maîtrise de la demande d'électricité pour réduire la demande d'électricité et réduire en priorité la dépendance aux énergies fossiles dans le secteur des transports (en développant notamment les transports collectifs et le véhicule électrique). En matière de production d'électricité, les filières à privilégier seraient la géothermie, l'éolien, le photovoltaïque avec stockage. Toutefois, la CTM est opposée à des installations au sol présentant pourtant les coûts de production les plus faibles. La biomasse n'aurait pas sa place dans le mix énergétique (problèmes de pollution de l'air, de nuisances associées aux circulations de poids lourds...), et tout particulièrement la biomasse importée qui créerait une autre dépendance vis-à-vis de l'extérieur. Selon la CTM, le scénario de valorisation d'une partie des déchets incinérables (non traités dans la seule unité d'incinération existante) se ferait par transformation en combustible solide de récupération qui pourrait être utilisé, en association avec des déchets verts, dans de petites unités de production électrique. Dans ce contexte, à la mi-2018, les travaux sur le schéma régional biomasse (SRB) et la révision de la PPE n'avaient pas été lancés, la Collectivité territoriale de Martinique refusant de participer à ces exercices. En revanche, les travaux sur le schéma régional forêt bois (SRFB) et le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) viennent d'être lancés. Les travaux récents sur la mobilisation du gisement de biomasse locale visent essentiellement à consolider le schéma d'approvisionnement en biomasse locale de l'usine Galion 2 (actions réalisées sur financement Ademe et Albioma). Quelques petits projets de méthanisation de déchets agricoles avec production d'électricité sont également à l'étude, d'une puissance inférieure à 1MW.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau 10 : Répartition du gisement de biomasse locale identifié par Albioma pour approvisionner l'usine électrique du Galion en pourcentage de l'approvisionnement total (objectif de 40%) Bagasse Galion Bagasse distilleries Paille de canne Sorgho entre deux cycles de production de banane Gestion des haies 5% 5% 3,5 % À confirmer, difficulté signalée relative à l'acquisition du matériel de récolte (absence d'aides sur le matériel d'occasion) Essais non concluants Deux entrepreneurs identifiés ; difficulté : 5 à obtenir les subventions auprès de la CTM 10 % pour l'achat du matériel de récolte 5% L'ONF s'est mobilisé sur cette ressource
Forêts Partie ligneuse des déchets du centre de 3à5% valorisation organique (CVO) du Robert Bois d'élagage bord de route, sous les L'ONF serait également prêt à se mobiliser 2à3% lignes électriques sur cette ressource Essais sur 1,5 ha, sélection des meilleures Taillis à courte rotation 5% espèces (Forêt privée), à confirmer 33 à Total 40 % Source : Albioma
Albioma a mis en service la centrale biomasse Galion 2 de 34 MW, adossée à la sucrerie du Galion, qui livre toute sa bagasse à l'usine électrique durant la campagne sucrière et obtient en échange la vapeur (basse pression) dont elle a besoin pour fonctionner55. Cette ressource ne représente qu'environ 5 % des besoins de la centrale dont l'approvisionnement en biomasse locale devrait cependant passer à 40 % en 2023, le complément étant assuré par des importations de pellets de bois en provenance du Sud-Est des États-Unis. L'usine électrique consommerait environ 200 000 t/an d'équivalents pellets56. Un intéressement sur le combustible d'origine locale a été inscrit dans le contrat d'achat de l'électricité, les économies réalisées par rapport au combustible importé devant être réparties à 50/50 entre Albioma et EDF-SEI. L'approvisionnement de l'usine du Galion en pellets depuis le port de Fort-deFrance se fait par camions de 30 t de charge, roulant de nuit (20 rotations par nuit) et avec des tracteurs routiers euro 6 (souhait de passer à l'électrique dès que des modèles de tracteurs d'autonomie suffisante seront disponibles, probablement d'ici 2023). La posture négative de la CTM vis-à-vis de la biomasse énergie rend difficile la mobilisation des financements FEADER et FEDER, notamment pour aider des entrepreneurs prêts à s'engager dans les opérations de récolte de la biomasse ce qui est regrettable.
55
La sucrerie n'ayant pas réalisé à temps l'investissement prévu dans des moulins électriques, la centrale du Galion a livré de la vapeur haute pression à la sucrerie au cours de la campagne sucrière 2018, ce qui a réduit ses livraisons d'électricité sur le réseau.
56On parle d'équivalent pellet car les PCI par tonne sont différents
suivant les biomasses : les pellets ont un PCI de 4,7 MWh/t,
alors que le bois frais a un PCI de 2,5 MWh/t.
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La mission propose de lancer un appel à projet spécifique aux Outre-mer pour permettre aux entreprises du secteur (des TPE) d'acheter du matériel de récolte de la biomasse. L'Ademe est favorable à cette proposition. La production de canne à sucre en Martinique est destinée à hauteur de 85 % à l'approvisionnement des distilleries agricoles (au nombre de sept) qui n'envisagent pas de mettre en place une production d'électricité à partir de bagasse (fonctionnement de la distillerie de 8 à 10 h par jour et hors weekend). La plupart des distilleries utilisent la bagasse pour la production de vapeur pour leur fonctionnement propre ou pour du compostage. Même si certaines (La Mauny, JM, Depaz) pourraient accepter de livrer leur excédent à l'usine du Galion, les quantités pouvant être mobilisées resteront somme toute faibles (10 000 t/an). L'ONF envisage de contribuer à la production de biomasse énergie locale en exploitant la forêt publique (objectif de 4 à 5 000 t/an) et en proposant à des propriétaires privés de gérer leurs parcelles (5 plans simples de gestion seraient en cours de réalisation) avec un objectif de 5 à 10 000 t/an. Ce bois énergie pourrait être disponible à 83 /t rendu usine sous forme de rondins (ajouter 10 /t pour le broyage), soit de l'ordre de 170 /t de MS. L'ONF ne juge pas réaliste la création de plantations de type taillis à courtes rotations. De l'ordre de 10 000 ha de terres seraient en friche en Martinique, mais de l'avis des interlocuteurs de la mission celles-ci semblent difficilement mobilisables pour un quelconque usage agricole (indivision, rétention spéculation foncière, qualité des terres). La gestion des déchets pourrait conduire à la production de 30 000 t de combustibles solides de récupération (source : SEEN, Albioma), à confirmer par les travaux en cours sur le Plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD). Albioma serait disposée à lancer une étude pour examiner la faisabilité technique et économique d'une utilisation des combustibles solides de récupération (CSR) dans son unité du Galion. L'alternative serait la combustion des CSR dans une unité de valorisation énergétique dédiée, mais un tel investissement ne pourrait être rentable qu'à partir de 20 MW thermiques, ce qui exige une ressource d'au minimum 40 000 t/an (source : SEMARDEL). En conséquence, il sera plus intéressant en Martinique, compte tenu des problèmes d'acceptabilité posés par la dépendance de l'unité du Galion à la biomasse importée, de s'orienter vers la combustion du CSR dans cette unité. Les investissements à consentir seraient de 30 à 35 % inférieurs à ceux nécessaires dans une unité de valorisation énergétique dédiée, dans la mesure où ils ne comprendraient pas les équipements en aval de la chaudière à CSR (turboalternateurs, système de condensation, poste d'évacuation de l'électricité...). Le prix de livraison du CSR à la centrale électrique devrait refléter le coût évité d'élimination de ce déchet qui reste à déterminer, la CSPE n'ayant pas vocation à financer la politique d'élimination des déchets. Il convient que les prescriptions techniques de ce CSR soient définies pour permettre cette valorisation dans l'unité Galion 2.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Recommandation n° 10. Au préfet de Martinique et à la Collectivité territoriale de Martinique : Veiller dans le plan régional de prévention et de gestion des déchets à définir les prescriptions techniques que devront respecter les CSR pour permettre une valorisation énergétique dans la centrale biomasse du Galion 2, en substitution à de la biomasse importée. En conclusion sur la place de la biomasse dans la production électrique en Martinique, on observe que la biomasse locale mobilisable plus les CSR, devraient permettre de produire à horizon 2023 de l'ordre de 100 GWh/an, soit de l'ordre de 6 % de la consommation d'électricité de l'île. D'après EDF-SEI, le système électrique aurait à terme besoin de 25 à 30 % d'électricité d'origine thermique pour assurer la stabilité du réseau. Il manquerait donc de 300 à 400 GWh/an d'EnR thermique pour garantir un mix 100 % EnR, soit de 40 à 50 MW fonctionnant en base. La valorisation des déchets hors CSR (incinération, biogaz) représente 5 MW, le complément devra donc être fourni soit par la géothermie (notamment en provenance de l'île de La Dominique) soit par de la biomasse importée soit (partiellement) par des cultures énergétiques locales57. Cette dernière piste a été très peu explorée en Martinique à ce jour (mis à part l'essai non concluant sur le sorgho implanté entre deux cycles bananiers) ; elle pourrait être reconsidérée, à la lumière des développements sur la canne fibre qui pourraient intervenir en Guadeloupe ou à La Réunion. La mission estime qu'il convient dans ce contexte de reconduire les objectifs biomasse de la PPE initiale en tenant compte de l'existence de Galion 2. La mise en service de la centrale biomasse alimentée par du pellet importé entraîne un surcoût de 50 /MWh aux conditions actuelles qui devrait aller en s'amenuisant avec la réduction du différentiel entre valeur tutélaire du CO2 et coût ETS. L'approvisionnement partiel en biomasse locale (40 % visé en 2023), moins coûteuse, pourrait contribuer à réduire en partie l'écart avec la solution fioul. L'éventuel démarrage d'une filière locale de canne énergie, pourrait renforcer l'approvisionnement local à coût équivalent au pellet importé (en incluant la charge CO2) avec des avantages économiques en création d'emploi et en stabilisation du tissu agricole.
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GUADELOUPE
La région Guadeloupe occupe une superficie de 1 628 km² et a une densité de population de 230 habitants par km2. La population (380 000 habitants en 2016) est projetée en baisse par l'Insee quel que soit le scénario considéré (- 8 % sur 2013/2030 dans la projection centrale). La forêt occupe de l'ordre de 45 % de la superficie de la région mais celle-ci n'est que très faiblement exploitée et ne peut constituer une source significative de bois énergie.
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un scénario maximaliste de développement de cultures énergétiques, la mise en place d'une rotation banane/canne fibre sur les 6 000 ha actuellement en banane permettrait de produire 90 000 t de MS (3 000 ha * 100 t/ha de canne fibre à 30 % de matière sèche), qui pourrait alimenter une unité de 13 MW fonctionnant en base et le basculement des 600 ha de surface en canne à sucre alimentant aujourd'hui la filière sucre en canne fibre serait à l'origine de 15 000 t MS supplémentaires (en tenant compte de la bagasse non produite), soit 2 MW supplémentaires en base.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées La SAU des exploitations agricoles, de l'ordre de 30 000 ha, comprend environ 30 % de surfaces toujours en herbe. Les terres cultivées sont utilisées principalement pour la production de canne à sucre (45 % de la SAU) et les cultures légumières et fruitières (dont environ 2 500 ha pour la banane). La production de sucre constitue la principale activité d'exportation, mais au prix d'importantes subventions européennes et nationales. Le territoire comprendrait environ 13 000 ha de landes et de friches et 17000 ha de surface toujours en herbe en dehors des exploitations agricoles dont la mise en valeur pour une production à vocation énergétique ferait face aux mêmes obstacles qu'en Martinique. Le système de production électrique (puissance installée d'environ 550 MW) est dominé par des centrales électriques à fioul lourd (moteurs diesel) d'EDF (211 MW installés en 2014) et les centrales charbon et charbon/bagasse d'Albioma (93 MW), fonctionnant en base et semi-base, complétées par des turbines à combustion (100 MW) pour satisfaire la demande de pointe. Pour ce qui concerne les énergies renouvelables (EnR), on note la présence d'une centrale géothermique de 14 MW et des installations hydrauliques de l'ordre de 10 MW. Les installations photovoltaïques (PV) représentent une puissance crête installée de 69 MW fin 2016, et les centrales éoliennes de l'ordre de 30 MW. La répartition spatiale de la production électrique est déséquilibrée par rapport à la consommation, Grande-Terre étant excédentaire et Basse-Terre déficitaire en électricité. La demande électrique, qui s'élève à 1 800 GWh/an en 2016, est caractérisée par une faible variabilité saisonnière et une courbe de charge journalière présentant deux pointes de consommation, de niveau assez semblable, à midi et le soir. Le bilan prévisionnel établi par EDF-SEI table sur une légère décroissance de la consommation électrique à l'horizon 2030, compte tenu des prévisions démographiques et des actions de maitrise de la demande d'électricité (MDE) qui devraient être amplifiées dans les prochaines années (scénario de MDE renforcée). Dans le scénario de MDE renforcé, considéré comme le plus probable, des besoins en capacités nouvelles de pointe pourraient apparaître à partir de 2023 en remplacement d'installations existantes.
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6.1 Options de la PPE et place de la biomasse
La PPE 2016-2023 a été adoptée en avril 2017 et sa révision a été lancée en avril 2018. Elle comporte des objectifs ambitieux de poursuite de développement des EnR. Tableau 11 : Programmation pluriannuelle de l'énergie de Guadeloupe.
Source : PPE
Par consensus entre la DAAF, la chambre d'agriculture, les communes, le photovoltaïque au sol est limité aux sites inutilisables par l'agriculture, (anciennes décharges, anciennes carrières, sols rocheux improductifs assez fréquents à Grande-Terre). Le photovoltaïque sur toiture ne se développe pas très
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées vite (quelques MW par an), jugé trop peu rémunérateur par les possesseurs de toitures importantes, notamment les agriculteurs. L'éolien est très restreint par la présence d'un radar militaire à Grande Terre sur la façade au vent et par la présence d'habitat diffus et d'intérêts paysagers et touristiques sur une bonne partie de GrandeTerre, côté Sud. Il a été développé surtout à Marie-Galante et à La Désirade. 80 MW seraient en développement en phase avec les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie d'après EDF-SEI, notamment dans le cadre d'opérations de « repowering » d'installations existantes. Dans ce contexte, il est peu probable que les énergies intermittentes, même avec stockage, puissent rapidement subvenir à l'essentiel des besoins. Ceci étant, si le coût de revient de l'électricité photovoltaïque continue à baisser, il faudra réexaminer les interdictions d'utilisation de terres potentiellement agricoles pour réaliser des installations photovoltaïques au sol, dans la mesure où une même surface permet de produire dix fois plus d'électricité si elle est équipée en panneaux solaires que si elle est utilisée pour une production de biomasse énergie. Les installations géothermiques ont été reprises par un groupe américain qui a fait ses preuves depuis un an (selon EDF). Celui-ci pourrait rapidement décider d'augmenter leur capacité à 20 puis 40 MW en base et à un coût entre 100 et 200 /MWh selon la PPE. Un projet d'importation d'électricité à partir d'installations géothermiques implantées sur l'ile de la Dominique, auquel les élus régionaux semblent favorables, a également été évoqué, mais celui-ci reste très incertain, notamment en raison des ravages du dernier cyclone. Le schéma régional de gestion des déchets prévoit la production de 60 000 à 70 000 tonnes/an de combustibles solides de récupération (CSR) qui seront disponibles pour une valorisation énergétique, qui pourraient représenter une puissance en base d'un peu moins de 10 MW. La nécessité d'assurer la stabilité en fréquence et l'inertie du réseau peut être atteinte, selon EDF, avec une part réservée aux productions thermiques (disposant de machines tournantes) aujourd'hui de plus de 50 %, à terme de 25 à 30 % de la production électrique. Dans le scénario volontariste de maîtrise de l'énergie renforcée, retenue par les acteurs, il faudrait disposer, dans une hypothèse de décarbonatation du parc électrique, de 80 à 100 MW de puissance thermique EnR, de préférence bien réparties spatialement entre plusieurs sources indépendantes. Cette puissance pourrait être fournie par la centrale géothermique de Bouillante, les centrales Albioma du Moule fonctionnant avec de la bagasse, des CSR et d'autres sources de biomasse. Ces moyens de production seraient susceptibles d'être complétés par une ou plusieurs centrales à partir de biomasse situées sur Basse-Terre pour assurer un équilibre spatial satisfaisant de la production. Les travaux sur le schéma régional biomasse (SRB) prévu par la loi TECV ont été lancés à l'automne 2017. Les éléments provisoires disponibles (rapport provisoire de mars 2018) font état d'un potentiel mobilisable à horizon 2028 (au-delà de la valorisation observée aujourd'hui) de 46 000 t de déchets issus des filières bois (y compris produits en fin de vie), 72 000 t de déchets agricoles et de 52 000 t d'autres bio-déchets (déchets et résidus de l'industrie agro-alimentaire, déchets verts, sous-produits de la gestion des eaux) susceptibles de produire 75 GWh/an d'électricité et 20 GWh/an de biogaz (soit
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées 8 GWh/an d'électricité, si cette forme de valorisation du biogaz était retenue). Ce gisement correspond à une capacité d'environ 12 MW fonctionnant en base. La filière bois est totalement à l'arrêt suite à la création du Parc national de Guadeloupe et aux contraintes financières de l'ONF (pas de possibilité d'investissements). Une forêt sans filière bois d'oeuvre et sans programme de plantations ne peut pas fournir de bois énergie à un coût intéressant. Le projet de SRB prévoit une production de cultures énergétiques à hauteur de 100 000 t/an en 2028, correspondant à une production d'électricité de 43 GWh/an (soit 6 MW installés en base). Celle-ci pourrait prendre la forme d'une production de canne fibre qui a été étudiée par le Cirad et l'Inra et dont 10 ha ont été mis en place par la société Quadran à Goyave, dans des terres à banane, afin d'être en mesure de multiplier rapidement trois variétés sélectionnées par le Cirad, très productives (150 t/ha à 70 % d'humidité sur ce site). Quadran considère également que les techniques de récolte mécanisée et de combustion de la canne fibre sont au point, ce qui lui permet d'envisager un projet de centrale de 12 MW en Basse-Terre à un horizon de quelques années.
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6.2 Perspective de conversion des centrales - charbon existantes à la biomasse
Albioma envisage la conversion de ses centrales électriques installées au Moule à la biomasse, en commençant par celle dite de Caraïbes énergie en 2020, puis des deux autres centrales en 2021 et 2022, avec l'objectif de se conformer aux exigences de l'arrêté du 26 août 2013 relatif aux installations de combustion d'une puissance (thermique) supérieure ou égale à 20 MW soumises à autorisation au titre de la rubrique 2910 et de la rubrique 2931, en matière de pollution de l'air. Si on considère que la bagasse déjà disponible au Moule, 4 à 5 mois/an équivaut à 10 MW lissés sur l'année, il resterait donc 80 MW charbon à substituer (soit 540 GWh/an). Compte tenu du gisement en déchets, sousproduits et CSR, il faudrait trouver un gisement de biomasse correspondant à 60 MW en base. Les études de l'Inra ont montré que la zone de production la plus favorable pour la canne fibre se situait à Basse-Terre, ce qui ne facilitera pas l'approvisionnement des unités Albioma situées à GrandeTerre. Même si de la canne fibre implantée à Basse-Terre pourrait être transportée jusqu'au Moule58, Albioma devra recourir à l'importation d'une quantité importante de biomasse, ce qui n'est pas considéré comme une solution pérenne par les élus d'après le Préfet. La question de la pérennité de l'ensemble des unités du Moule (dont deux ont été mises en service en 1998 et l'autre en 2011) peut donc se poser à la fin du contrat de fourniture avec EDF-SEI. Une autre option à explorer à l'horizon 2030 serait d'alimenter partiellement Le Moule avec de la biomasse (pellets) en provenance de Guyane, sachant qu'il faut ajouter le coût de la transformation en pellets (100 /t pellets) au coût de la biomasse livrée usine en Guyane (80 /t fraîche, soit 130 /t pellets)59. On aurait donc un combustible très cher (250 /t pellets avec transport) mais des coûts fixes bas, car les usines d'Albioma sont amorties et ne nécessitent que de petites adaptations pour accepter de la biomasse. On pourrait produire ainsi jusqu'à 200 GWh renouvelables supplémentaires sans nouvel équipement (avec un groupe de 30 MW existant).
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La sucrerie du Moule est en partie approvisionnée par de la canne sucrière cultivée à Basse-Terre. Il faut 1,6 t de bois pour produire une tonne de pellets.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées
Parallèlement à la conversion des unités d'Albioma, la mission considère qu'il conviendrait de prévoir dans la révision de la PPE, la réalisation d'une ou deux centrales électriques d'une dizaine de MW alimentées à partir de plantations de canne fibre implantées à Basse-Terre pour équilibrer spatialement la production électrique en base sur le territoire. L'appel de EDF-SEI aux moyens de production d'EDF à Jarry de 210 MW est destiné à décroître au fur à mesure de leur substitution par les EnR, objectif atteignable en 15 ans. La mise en place de ces équipements très récents a été décidée en 2007, à un moment où on tablait encore sur une croissance démographique de l'île. C'est désormais une sécurité pour la Guadeloupe, qui a un coût comme une prime d'assurance, mais permet le développement, à un rythme plutôt lent des diverses EnR de substitution. La place future de la biomasse pourrait s'inscrire dans un mix énergétique décarboné que la mission envisage selon le tableau ci après. Tableau 12 : Mix électrique potentiel de la Guadeloupe à l'horizon 2030 satisfaisant l'objectif de 30 % de production thermique à partir d'EnR. VISION PROSPECTIVE DU MIX EN 2030 Géothermie locale Biomasse locale bagasse Biomasse locale (canne fibre) Biomasse locale (déchets bois et combustibles solides de récupération) Biomasse de Guyane (pellets) (sous réserve de faisabilité) Autres énergie (Éolien, PV, biogaz, TAC, géothermie importée....) Source Mission pour 2 000 GWh de conso 300 GWh 80 GWh + 10 GWh (Marie-Galante) 140 GWh 150 GWh 200 GWh 1 120 à 1320 GWh
6.3 Aspects économiques, environnementaux, agricoles et sociaux
6.3.1 Sur le plan économique
Le coût de la biomasse livrée usine en /MWh (part variable du MWh électrique) est le suivant dans les conditions actuelles : bagasse : 14,50 /t de canne fraîche payée au producteur soit pour un rendement de 120 KWh/t de canne, 120 /MWh électrique ; combustible solide de récupération (CSR), déchets bois, prix proche de zéro, voire négatif ; nécessite un investissement (four et cheminée, filtres) générant des coûts fixes élevés, peut être envisagé en substitution du charbon sur installation existante ; canne fibre - valeur pivot évaluée par simulation économique de l'Inra dans Rebecca 2 de 50 à 60 /t livrée usine dont 15 à 20 /t de récolte mécanisée et de transport (limité au
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées maximum par les choix d'implantation des usines), soit un coût de combustible à 150 à 180 /MWh électrique ; pellet de Guyane : 205 /MWh électrique60 ; pellet des États-Unis : 150 /MWh électrique mais risque d'octroi de mer au taux maximal de 30 % par décision éventuelle de la région.
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Pour comparer les options, il faut prendre en compte l'impact positif sur l'emploi de la canne fibre (100 /MWh) et des pellets de Guyane (30 /MWh), voir annexe 5), et la nature de l'usine, neuve ou existante. Les plans d'approvisionnement, validés avec le préfet et la CRE, s'appuieront successivement, par "ordre de mérite": - la biomasse fatale (CSR, déchets ligneux, bagasse de distillerie, déchets de bananeraie, bois de rebut, entretien d'espaces verts et d'espaces naturels) ; - la canne fibre et potentiellement la paille de canne ; - les pellets importés des USA ou d'ailleurs ; - les pellets de Guyane si disponibles. 6.3.2 Sur le plan environnemental
Il n'y a pas d'opposition en Guadeloupe à la valorisation des gisements de biomasse disponibles. La valeur culturelle de la canne la rend acceptable facilement comme culture énergétique. Le bilan carbone de la canne fibre, calculé par l'Inra, est très bon sur les sols agricoles ou sur les friches61. Le consensus social est en faveur de la protection de la forêt (au nom de la biodiversité). Le brûlage de CSR ne soulève pas d'opposition aujourd'hui, notamment si cela pouvait se faire au Moule chez Albioma, sans création d'usine supplémentaire. C'est l'importation de pellets qui peut faire débat, soit en raison de leur origine (Guyane) soit en raison de la forte volonté d'indépendance énergétique, telle qu'exprimée par les élus de Marie Galante (Mme Etzol). Mais leur bilan de gaz à effet de serre n'est guère pénalisé par le transport en bateau, celui-ci n'est pas rédhibitoire. Les récentes exigences des normes de traitement des fumées des usines à biomasse sont bien supérieures à celles imposées aux distilleries et aux sucreries existantes. La sucrerie de Marie-Galante est en dérogation jusqu'à la mise en service de l'usine électrique en projet sur le site. Les centrales du Moule vont être mises aux nouvelles normes notamment grâce au passage au 100 % biomasse. Contrairement au charbon, les cendres issues de biomasse ne nécessitent pas de traitement pour être rendues aux champs faisant économiser des intrants de synthèse. Le préfet de Guadeloupe et la Présidente de la Communauté de communes de Marie-Galante ont mentionné dans le protocole d'accord signé en avril 2018 avec les deux porteurs de projets, EDF et la
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/t (cf. 6.2.) plus 20 de transport, soit 250 /t, et 0,82 t pellet/ MWh
0.035 t CO2/MWh (thermique) de biomasse à comparer à 0.25 t CO2/MWh de fioul lourd (Source : Rebecca).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées CRE, que l'utilisation des sargasses à des fins énergétiques devait être envisagée très favorablement si elle était pertinente techniquement et économiquement. Si cette solution était pertinente, il pourrait être envisagé de construire une plate-forme de traitement des sargasses pour la Guadeloupe voire les îles voisines 62. La prochaine PPE devrait évaluer plus précisément la faisabilité technique et économique d'une valorisation énergétique des sargasses63. 6.3.3 Impacts possibles sur le plan agricole
Les cultures énergétiques telles que la canne fibre sont moins sensibles aux parasites et étouffent plus rapidement les adventices par leur fort potentiel de croissance. Peu exigeantes en produits phytosanitaires, elles peuvent jouer un rôle intéressant dans les assolements sur les zones à enjeux (périmètres de captage). La canne fibre peut se succéder à elle-même de très nombreuses années sur le modèle de la canne à sucre à condition de laisser les pailles au sol ou d'apporter du compost (résultat développé dans le programme de recherche appliqué Rebecca2 mené de 2011 à 2016 par l'Inra et le Cirad et la société Quadran). La rotation banane/canne est très favorable pour les deux cultures et peut être alternée dans des durées différentes en fonction des rendements économiques attendus. Partant de 2 500 ha de bananes, en très net recul depuis 10 ans (- 2 500 ha), on pourrait disposer de surfaces appréciables de canne fibre dans la région du centre. Les agriculteurs mettant en place cette rotation aimeraient pouvoir conserver les quotas en bananes correspondant à la production qu'ils auraient abandonnée plus de deux ans au profit d'une production énergétique. Selon la profession agricole, le ramassage des pailles de canne serait peu réalisable sur le plan pratique (risque d'abîmer les repousses), pierres volcaniques ou calcaires en affleurement, coût trop élevé comparé à la valeur thermique64, bien qu'il soit pratiqué de temps en temps par des éleveurs en mal de fourrage ou souhaitant limiter leurs coûts d'approvisionnement externe. 6.3.4 Impacts sur le plan social
La transformation de la biomasse en électricité est génératrice de plus d'emplois par GWh produit que toutes les autres sources d'énergie. On peut dans le cas de la structure des exploitations agricoles de Guadeloupe considérer qu'une production annuelle de 500 t de canne fibre mobilise un emploi agricole (cf. annexe 5). Cet effet net dans le cas d'une remise en culture de friches peut s'analyser comme un emploi sauvegardé dans le cas de déprise des terres à canne sucrière ou à banane par suite de nouvelles règles de marché qui seraient imposées, perspective que beaucoup d'interlocuteurs agricoles considèrent comme
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Voir le rapport sur les sargasses, CGAAER CGEDD 2016.
Le rapport CGAAER/CGDD estime le gisement annuel, pour la Martinique et la Guadeloupe, à 700 000 m3 de sargasses fraîches en année de crise et à 140 000 m3 les années dites intermédiaires, soient respectivement 9 000 et 1 700 tonnes de matières sèches organiques (MO). En retenant une hypothèse (favorable) de 0.2 tCH4 / t MO et un rendement électrique de 40%, ce gisement correspond à des productions électriques de respectivement 10 et 2 GWh/an (soit 0.3% et 0.06% de la consommation électrique des deux îles). Les sargasses ne semblent donc pouvoir contribuer que très modestement à l'approvisionnement électrique des Antilles.
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Une étude exploratoire d'Albioma chiffre le coût de collecte, de réception et de préparation au niveau de la centrale dans une fourchette de 80 à 120 /t de MS hors rémunération du planteur (à comparer à environ 150 /t MS pour la canne fibre)
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées inéluctable. Cependant, en Guadeloupe, les usines sucrières et leurs syndicats sont « vent debout » contre la canne fibre accusée d'être le fossoyeur potentiel de la filière : cette porte de sortie atténue la pression pouvant être exercée sur les pouvoirs publics en cas de crise répétée. Ceci étant, la substitution de la canne sucrière ou de la banane par une culture énergétique ne sera que très partielle, au plus 3 000 ha de canne fibre pour alimenter deux unités d'une dizaine de MW, à comparer à 13 000 ha de canne à sucre et 2 500 ha de banane. Les interlocuteurs du monde agricole, Président de chambre d'agriculture, Président de syndicats d'intérêt collectif agricole (SICA) cannière, Président de Safer, rencontrés par la mission, ont semblé très ouverts au contraire sur cette diversification énergétique offrant de nouvelles garanties à la profession. Avec la fin des quotas, le marché est à l'avantage des betteraviers par rapport aux producteurs de canne. En conséquence on peut anticiper un repli de quelques milliers d'hectares de la sole cannière, la filière se recentrant sur le débouché exclusif du sucre non raffiné et des sucres bio ou IGP (Marie-Galante). Il pourrait y avoir substitution, sans impact sur l'emploi agricole, de la canne à sucre par de la canne énergétique sur les surfaces intéressantes ayant un fort rendement matière et un faible rendement sucrier, comme celles de la région de Capesterre qui seront proches de l'usine électrique alors qu'elles sont les plus pénalisées par le transport vers la sucrerie du Moule sur Grande Terre. Les rhumeries, comme en Martinique, peuvent également se développer aux dépens de la production de sucre. 6.3.5 En conclusion
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Les ressources en biomasse de la Guadeloupe pour produire de l'énergie sont limitées, en particulier par le statut de conservation de sa forêt et sa faible superficie agricole. CSR et déchets ligneux divers représentent avec la bagasse tout au plus 30 MW de potentiel en base. La canne fibre apparaît comme un potentiel en biomasse exploitable à un coût socio-économique très intéressant compte tenu de son fort contenu en emploi (1 emploi pour 450 t de canne fibre) et de son potentiel de substitution progressive à des cultures d'exportation (banane, canne sucre) menacées car très dépendantes de subventions nationales et européennes. Ce scénario a été étudié par le programme "REBECCA. Grâce aux très forts rendements de la canne fibre, cette substitution pourrait se faire en réalisant des économies pour les finances publiques (chapitre 3.5) et sans perte de revenu ni d'emploi pour le secteur agricole et logistique (les emplois en sucrerie représentent un faible pourcentage du total de la filière). Le chiffrage des avantages écologiques (impact CO2) et socio-économiques (création d'emploi, subventions agricoles ou coût de RSA évité) de cette source de biomasse cultivée la rend compétitive par rapport au charbon et quasiment compétitive avec le fuel lourd (cf. 3.1).
Une première étape, d'ici à 2023, dans une optique volontariste de décarbonation du mix, pourrait consister, d'une part, à favoriser la substitution du charbon pour des pellets importés dans les unités existantes d'Albioma et, d'autre part, à lancer la filière canne fibre par la programmation d'une ou deux centrales d'une dizaine de MW en Basse Terre (type projet Quadran), qui concernerait au plus 3 000 ha de SAU (environ 800 emplois agricoles). Une deuxième étape pourrait être franchie à l'horizon 2030 par la substitution d'une partie des pellets importés par de la canne fibre, à condition de pouvoir mobiliser des terres sous-exploitées ou en friche
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées et de résoudre l'adaptation des unités industrielles existantes à la canne fibre (humidité et caramélisation des résidus sucrés). L'importation de pellets semble incontournable de façon à permettre le fonctionnement continu des centrales biomasse. En effet, la canne fibre est un intrant volumineux et difficile à stocker et sa récolte ne pourra pas avoir lieu sur un bon tiers de l'année en raison des difficultés d'accès des machines sur les parcelles. Il en est de même pour compléter l'approvisionnement au démarrage de la filière.
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LA REUNION
La mission ne s'est pas rendue dans ce territoire mais a procédé à une consultation des services administratifs locaux (SGAR, DEAL, DAAF, Ademe) engagés dans la révision de la PPE. La Réunion est une île volcanique de 2 512 km2 et a une densité de population de 330 habitants par km2. La population (841 000 habitants en 2013) est projetée en augmentation par l'Insee quel que soit le scénario considéré (+ 15 % sur 2013/2030 dans la projection centrale). La forêt occupe de l'ordre de 40 % de la superficie de la région mais celle-ci n'est que très faiblement exploitée et ne peut constituer une source significative de bois énergie. La surface agricole utilisée par les exploitations agricoles (SAU), de l'ordre de 42 000 ha, comprend environ 75 % de surfaces cultivées, dont 23 000 ha en canne à sucre. La production de sucre constitue la principale activité d'exportation, mais au prix d'importantes subventions européennes et nationales. Le territoire comprendrait environ 50 000 ha de landes et de friches probablement difficilement mobilisables pour une production énergétique. La demande électrique, qui s'élève à près de 3 000 GWh/an en 2016, est caractérisée par une faible variabilité saisonnière et une courbe de charge journalière présentant deux pointes de consommation à midi et le soir, dont l'importance relative dépend de la saison (ainsi la pointe du soir est supérieure à la pointe de midi pendant l'hiver austral). Le bilan prévisionnel établi par EDF-SEI table sur une croissance de la consommation électrique de 1,3 % à l'horizon 2023 (1,1 % sur 2023/2033) dans le scénario de maîtrise de la demande d'électricité (MDE) renforcée. Le système de production électrique (puissance installée d'environ 850 MW en 2016) est assez diversifié avec en base, les centrales charbon/bagasse d'Albioma (210 MW) et des centrales électriques à fioul lourd (moteurs diesel) d'EDF (211 MW mis en service en 2013), complétées par des turbines à combustion (80 MW) pour satisfaire la demande de pointe (notamment en hiver) et environ 140 MW de puissance hydraulique (fournissant 16 % de la production). Pour ce qui concerne les autres énergies renouvelables (EnR), on note le développement important du photovoltaïque (187 MW crête, 8,8 % de la production électrique totale) et une présence encore faible de l'éolien (15 MW installés). Le mix électrique reste dominé par les énergies fossiles et confronté à de fréquents aléas climatiques (cyclones).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées La production d'électricité à partir de bagasse est réalisée dans les deux unités d'Albioma, situées à proximité des sucreries de Bois-Rouge et du Gol. Elle représente 18 % de la production totale de ces unités (environ 8,5 % de la production totale d'électricité). Dans le scénario de maitrise de la demande d'énergie renforcée, des besoins en capacités nouvelles de pointe apparaîtraient dès 2019 (20 MW), puis encore de 40 MW vers 2021/2023.
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7.1 Les objectifs EnR de l'actuelle PPE
La PPE 2015/2023 a été validée par décret le 12 avril 2017. Sa révision est déjà engagée. La région n'a pas de compétence énergie, mais joue un rôle économique très actif dans le développement durable de son territoire qui a, de ce point de vue, une longueur d'avance sur les autres DOM. On peut citer le pôle de compétitivité Qualitropic qui soutient les activités de R&D sur la valorisation énergétique et biochimique de la canne à sucre et de la canne fibre. La PPE prévoit un développement important des EnR sur la période 2018/2023, notamment en matière de photovoltaïque, de biomasse et de valorisation énergétique des déchets. Tableau 13 : Programmation pluriannuelle de l'énergie à la Réunion.
Source : PPE
Si le solaire photovoltaïque dispose d'importantes marges de progression, en revanche, l'éolien ne se développe que lentement, au ralenti depuis plusieurs années, comme dans les autres îles, la loi littoral étant utilisée pour contrer les implantations de projets éoliens sur la frange côtière. De même qu'en Martinique et Guadeloupe, EDF a fait renouveler en 2013 les moyens thermiques existants au fioul avec une forte augmentation de puissance installée (toutefois il s'agit de batteries de moteurs diesel mobilisables séparément), dont le facteur de charge diminuera progressivement avec
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées le développement des EnR. Avec les installations d'Albioma en plus, la stabilité du réseau électrique parait bien assurée.
7.2 Place de la biomasse : un objectif ambitieux de substitution des énergies fossiles
Les travaux sur le schéma régional biomasse (SRB) ont été initiés en juin 2017. Des documents préliminaires (État des lieux, Document d'orientation) ont été produits fin 2017. On y trouve une première estimation du gisement potentiel de déchets et sous-produits des secteurs « urbain et collectivités », « industrie » et « agricole » d'une part, et de biomasse forestière (exploitation du bois et connexes de scierie, à hauteur de 6 000 tonnes de MS ou 30 GWh thermique), d'autre part. Le gisement total s'élèverait à 500 GWh/an thermique (dont 200 GWh pour les pailles de canne), soit de l'ordre de 125 GWh/an d'électricité. Une étude d'avant-projet réalisée par l'ONF pour Albioma en février 2018 fait état d'un gisement de bois énergie de 55 000 t/an, dont 10 000 t/an de coproduits de l'exploitation forestière, 40 000 t/an de coproduits de l'entretien des espaces naturels et 5 000 t/an de coproduits issus de la lutte contre les espèces invasives. Ce gisement semble pour une bonne part déjà inclus dans l'estimation réalisée dans le cadre des travaux du SRB. La filière de traitement des déchets, qui repose aujourd'hui massivement sur la mise en décharge, pourrait s'orienter vers la production de 200 000 t/an de combustibles solides de récupération (CSR) (130 000 t/an par le syndicat de traitement Ouest et Sud et 70 000 t/an par le syndicat de traitement Nord et Est) qui ferait l'objet d'une valorisation énergétique correspondant à une production d'électricité de 180 GWh/an (soit une puissance en base de 22 MW)65. Cette valorisation électrique peut se faire dans des unités dédiées ou dans les centrales électriques d'Albioma, moyennant des investissements qui ne comprendraient pas les équipements en aval de la chaudière à CSR (turboalternateurs, système de condensation, poste d'évacuation de l'électricité...). Cette seconde option serait moins coûteuse d'un point de vue socioéconomique et contribuerait à la substitution du charbon par une source d'énergie locale. En retenant l'estimation préliminaire d'investissement pour une centrale dédiée réalisée par le syndicat de traitement Ouest et Sud et en tablant sur une économie de 30 % par rapport à ce montant dans l'option Albioma, le coût de production socioéconomique de l'électricité serait égal à 160 /MWh en retenant un coût nul du CSR et de 90 /MWh en retenant un coût négatif du combustible solide de récupération de 65 /t (correspondant au coût évité de la mise en décharge, hors prise en compte de la taxe générale sur les activités polluantes). Le tonnage de CSR disponible pour une valorisation énergétique devrait diminuer dans le temps sous l'effet du plan de réduction des déchets à la source décidé par la région, malgré la croissance attendue de la population. La substitution du charbon dans les deux centrales charbon/bagasse d'Albioma (210 MW) porterait sur un volume d'électricité d'environ 1 200 GWh/an, soit 4 800 GWh/an thermique. L'utilisation du
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Les éléments d'informations utilisés dans cette section sont tirés du rapport du CGEDD « Gestion des déchets sur l'ile de La Réunion », juin 2018.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées gisement précédent identifié, incluant le combustible solide de récupération, correspond à 1 200 GWh/an thermique : il resterait donc à trouver 3 600 GWh/an thermique qui correspondent à environ 750 000 t/an d'équivalent pellets de bois ou 2,6 Mt/an de canne fibre à 65 % d'humidité. Par ailleurs, Albioma a mis en service une turbine à combustion de 4 MW au bioéthanol, reposant sur de l'importation en provenance de l'île Maurice qui rend possible l'incorporation d'éthanol produit localement par fermentation, puis distillation des mélasses de sucrerie. Au prix du rhum de sucrerie, les coûts de ces MWh « verts » sont extrêmement élevés selon la CRE et selon les calculs que la mission a pu effectuer. Le contrat d'achat limite fortement le recours à cette turbine à combustion destinée à couvrir les pointes du réseau (jusqu'à 600 h/an). Dans les projections à long terme vers l'autonomie complète vis à vis des énergies fossiles, en 2030, du fait de la limitation probable du potentiel des énergies intermittentes et hydraulique, ce sont les énergies de la mer et la géothermie qui sont susceptibles de limiter le recours à la biomasse dans le mix électrique. Les élus locaux ne ferment pas la porte à des importations de biomasse, même massives. Du fait de la capacité de production électrique existante pouvant être substituée par de la biomasse dans les centrales d'Albioma, et de la surcapacité possible à moyen long terme des moyens thermiques installés à La Réunion, il ne semble pas y avoir beaucoup de porteurs de projets alternatifs d'usine de biomasse. En tout cas, la PPE 2023 n'en fait pas mention et la mission n'en a pas recensé. La mission partage les orientations de l'actuelle PPE en matière de conversion progressive des centrales thermiques d'Albioma à la biomasse. Pour le futur, elle préconise de recourir à de la biomasse locale venant s'ajouter à une large part de biomasse importée. Le coût relativement élevé de la biomasse importée devrait permettre de rentabiliser l'exploitation de nombreux gisements de biomasse fatale.
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7.3 Le rôle de l'agriculture, des cultures de biomasse et les évolutions possibles de la culture de la canne à sucre seront déterminantes pour atteindre les objectifs d'autonomie énergétique.
L'Ademe a étudié pour la Réunion (en cours pour les autres DOM) un scénario 100 % EnR qui repose principalement sur la valorisation des bagasses et de la canne-fibre en tant que culture énergétique. Ce scénario n'est pas un plan d'action, mais un exercice de prospective destiné à éclairer les décideurs. En plus de la valorisation des déchets combustibles ou méthanisables facilement ou plus difficilement mobilisables sur le territoire (boues de station d'épuration, déjections animales des porcs et des bovins, gaspillage alimentaire, rebuts divers), ce scénario joue sur trois leviers : - la conversion progressive des variétés actuelles de canne à sucre cultivées à La Réunion vers des variétés ayant un contenu en fibre supérieur à 20 % (au lieu de 13 % actuellement) sans perte de teneur en sucre, et l'augmentation significative (+ 20 %) des rendements à l'hectare permettant de disposer de volumes conséquent de bagasse supplémentaire à surface cultivée constante (passer de 450 000 t à 600 000 t de MS) ; - la culture de canne fibre sur des terres en friche estimées à 10 000 ha récupérables (potentiel : 500 000 t de MS soit 500 GWh électrique) ;
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées la mobilisation partielle (33 %) des pailles de canne, par ramassage mécanisé au champ ; le gisement potentiel serait considérable (environ 12 t de MS/ha par an dont la moitié pourrait être collectée sans dégrader la qualité des sols66, soit un potentiel de 140 000 t de MS/an pour La Réunion). Le coût de collecte, de réception et de préparation au niveau de la centrale serait compris entre 80 et 120 /t de MS hors rémunération du planteur. La concurrence directe avec l'élevage pour qui la paille est un intrant local intéressant, les difficultés de mécanisation et la nécessité de ne pas compromettre la repousse des cannes67 entament la faisabilité de cette source d'approvisionnement.
Les expérimentations et travaux de recherche associant le Cirad concernant l'amélioration génétique de la canne à sucre et les usages énergétiques ou moléculaires de toutes les fractions de cette biomasse (projet eRCANE) sont en cours depuis longtemps à La Réunion et devraient donner lieu à des développements agricoles (avec TEREOS). La gazéification de la canne fibre est également évoquée comme source majeure de biocarburants dans le futur proche (travaux d'Engie en métropole). Le projet SYPECAR associant également le Cirad et ERCANE, a étudié la faisabilité d'une production d'électricité à partir de cultures énergétiques de canne fibre à La Réunion. Des coûts moyens de production de la canne fibre de 160 à 200 /t de MS (soit de 50 à 60 /t brute) seraient nécessaires pour inciter les agriculteurs à substituer de la canne fibre à de la canne sucrière. On retrouve donc les mêmes ordres de grandeur de coûts que ceux obtenus en Guadeloupe. Reste à déterminer à l'échelle de la Réunion, qui produit 80 % du sucre de canne des DOM, quel niveau de transfert peut avoir lieu entre la production sucrière destinée au raffinage en métropole (non rentable vis à vis des betteraves, malgré les niveaux de subvention accordés par l'Europe et l'État) et la production de canne fibre à visée uniquement énergétique. D'après les éléments fournis par la DAAF de La Réunion, un planteur de canne sucrière a perçu une recette moyenne de 78 /t de canne en 2017, dont 22 /t d'aides diverses au planteur et 56 /t payés par la sucrerie, qui, elle, bénéficie d'une aide à la transformation de 42 /t et de la prime bagasse, prise en charge par la CSPE, de 14,5 /t, soit une aide de 78,5 /t de canne (dont 65 % de subventions nationales et 35 % de subventions européennes). Sur la base d'un rendement de 80 t/ha de canne sucrière, ce soutien s'élève à 6 280 /ha de canne sucrière, dont 4 080 /ha sur le budget national. On peut considérer que les emplois soutenus grâce aux aides versées à la filière canne sucrière sont localisés pour 92 % dans le secteur amont (voir annexe 5). La substitution d'un hectare de canne sucrière conduirait à une économie budgétaire de 3 750 /ha68, et 2 200 /ha de subventions européennes. On peut envisager des économies de plusieurs dizaines de millions d'euros y compris en CSPE. Dans ces conditions, la substitution de canne fibre au charbon dans les centrales existantes d'Albioma présenterait un net avantage socio-économique sur le pellet importé et mériterait d'être privilégiée dans la stratégie régionale; l'écart de coût réel entre les deux combustibles rapporté au MWh est négligeable (165 pour la canne fibre, 150 pour le pellet). Ce scénario implique de demander à Albioma d'étudier techniquement et financièrement sur une première unité la conversion charbon/canne fibre.
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Source : Etude Albioma. Ce problème n'existe pas avant replantation soit une année sur cinq. En supposant que le soutien dont bénéficient les emplois industriels est maintenu. Dont CSPE 1160/ha pour 80t/ha
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Environ la moitié de la production de sucre réunionnaise (de l'ordre de 100 000 t/an) est raffinée en métropole et se trouve en situation de concurrence défavorable par rapport au sucre de betterave, le reste de la production étant valorisé sous forme de sucre roux sur des marchés plus rémunérateurs. La mobilisation en vue d'une production énergétique de la moitié de la sole cannière, conduirait à produire environ 1 Mt/an de canne fibre, soit près de 350 GWh/an, ce qui permettrait de substituer 25 %69 de la production électrique actuelle à partir de charbon par de la biomasse locale, sans perte d'emploi (hors usines à sucre représentant actuellement 500 emplois).
Recommandation n° 11. Au ministère de l'agriculture et de l'alimentation et au ministère de la transition écologique et solidaire : Soutenir, à travers leurs agences et instituts scientifiques et techniques, les travaux de recherche et développement et les expérimentations sur les utilisations énergétiques de la canne (sucrière et fibre), en associant les acteurs industriels, afin d'accélérer l'autonomie énergétique de l'île de La Réunion. Prévoir dans la future PPE une étude technique et financière sur la conversion charbon/canne fibre d'une unité charbon existante.
280 GWh/an déduction faite de la production électrique actuelle à partir de bagasse.
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MAYOTTE
Mayotte est une île située dans l'hémisphère sud, entre l'Afrique et Madagascar et s'étend sur près de 376 km2. Elle comptait selon le dernier recensement Insee de 2012, 212 645 habitants très inégalement répartis sur le territoire, principalement concentrés sur la bande littorale du nord-est (90 % de la population) et sur la Petite Terre, avec une densité de population très élevée. Ce territoire connaît une réelle croissance économique et démographique et fait face à des flux migratoires importants. Les besoins de développement d'infrastructures (logements, équipements des ménages) se traduisent dans l'augmentation de la demande d'électricité observée ces dernières années (et de la pointe électrique), en dépit d'actions incitatives en faveur de la maitrise de la demande d'électricité mises en place depuis plus de 13 ans. L'île qui était depuis le 31 mars 2011 un département et une région d'Outre-Mer (DROM) est devenue depuis le 1er janvier 2014 une région ultrapériphérique de l'Union européenne, éligible aux fonds européens. Mayotte ne dispose pas de compétence propre en matière d'énergie mais, en tant que zone non interconnectée, elle est tenue en application de l'article 203 de la loi TECV d'élaborer une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
8.1 Les objectifs de l'actuelle programmation pluriannuelle de l'énergie (2016-2018/2019-2023)
La première PPE de Mayotte a été publiée le 22 avril 2017. Comme dans les autres zones non interconnectées, ce texte prévoit d'engager ce département sur la voie de l'autonomie énergétique et envisage un ambitieux plan de développement des énergies renouvelables alors qu'aujourd'hui le mix électrique de Mayotte est dominé par les énergies fossiles : 94,4 % d'énergies fossiles et 5,6 % d'EnR, principalement du photovoltaïque (situation fin 2015). Mayotte est très dépendante de l'importation des hydrocarbures dont l'usage se répartit à 40 % pour la production de l'électricité et 60 % pour le secteur des transports : le coût de production de l'électricité est de fait supérieur à celui de la métropole et se situait selon la CRE en 2013 à hauteur de 371 /MWh. Le différentiel entre le coût de production et le prix de vente de l'électricité est pris en charge par la CSPE. La production électrique est aujourd'hui assurée par 17 moteurs diesel répartis sur l'ile de petite Terre (centrale des Bandamiers) et l'autre sur la Grande Terre (centrale de Longoni) et des installations photovoltaïques sans stockage à hauteur de 13 MWc. Compte tenu du déclassement de la centrale des Bandamiers en 2024, la PPE identifie un besoin de puissance supplémentaire de 44 MW d'ici la fin de 2023 et de 22 MW supplémentaires à l'échéance de 2028. La PPE préconise de couvrir une partie de ce besoin par un projet de centrale biomasse de 12 MW qui pourrait recourir pour son approvisionnement sur une part substantielle d'importation du combustible, ainsi que par un projet d'installations photovoltaïque avec stockage (11 MWc), le reste étant couvert soit par une centrale fonctionnant au fioul léger ou au gaz de pétrole liquéfié. La PPE indique qu'en cas de retard ou impossibilité de réaliser les capacités aux moyens d'EnR alors l'intégralité des besoins pourrait être couverte par les moyens fossiles.
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8.2 La réalisation d'une future centrale biomasse exigera de recourir à l'importation
La mission ne s'est pas rendue dans ce territoire mais a procédé à une consultation de l'ensemble des services administratifs locaux (SGAR, DEAL, DAAF, Ademe) qui ont entamé depuis la fin de l'année 2017 la révision de la PPE avec l'objectif d'aboutir d'ici la fin de l'année. Le projet de centrale biomasse semblerait constituer une piste sérieuse d'étude pour les services de l'État dans la mesure où désormais le porteur initial du projet (Albioma) aurait à nouveau manifesté auprès des services son intérêt à poursuivre son projet et de le voir aboutir d'ici 2022-23. De plus, une autre société pourrait aussi être intéressée par ce projet. Le potentiel d'approvisionnement en biomasse locale est en cours d'estimation par les services. La ressource en déchets verts serait très limitée (au maximum de l'ordre de 2 000 t par an), de même que les éventuels déchets liés à l'exploitation forestière ou à la récupération de boues de station d'épuration, soit au total un maximum de 5 % de l'approvisionnement de cette future centrale. En conséquence, la concrétisation de ce projet reposerait uniquement sur un schéma d'importation du combustible, de type des pellets, comme pour la centrale de Galion 2 en Martinique. Les élus locaux ne seraient pas opposés sur ce territoire au principe même de l'importation de bois ou pellets, mais au contraire favorables à l'émergence d'une autre source d'énergie dans le mix du territoire. De même, les associations environnementales qui assistent aux travaux en cours sur la future PPE n'auraient pas fait connaître leur opposition sur ce sujet. Pour apprécier l'intérêt économique de moyens de production électrique à partir de biomasse (pellets importés pour l'essentiel compte tenu des faibles possibilités de production locale de biomasse), il convient de les comparer à de nouvelles centrales avec des moteurs diesel à partir de leur coût complet de production. Sur la base d'un coût de production au fioul déduit des références guyanaises (230 à 300 /MWh), le prix d'opportunité socioéconomique des pellets se situerait dans une fourchette de 130 à 220 /t (pour une unité d'une dizaine de MW), soit une filière proche de la rentabilité du point de vue de la collectivité (coût actuel des pellets de 180 /t rendu usine).
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CGEDD
Jean-Jacques BECKER Ingénieur général des ponts des eaux et des forêts
CGE
Jean CUEUGNIET Ingénieur général des mines
CGAAER
François COLAS Inspecteur général des services vétérinaires
Florence TORDJMAN Inspectrice générale de l'administration et du développement durable
Michel VALLANCE Ingénieur général des ponts des eaux et des forêts
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ANNEXES
9.1 Annexe 1 : Lettre de mission
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9.2 Annexe 2 : Liste des personnes rencontrées ou consultées
Élus Sénateur de Guyane : M. Georges Patient Administrations Cabinet Ministère de l'agriculture et de l'alimentation : Vincent Abt Cabinet Ministère de la transition écologique et solidaire : Xavier Ploquin Cabinet Outre-Mer : Yohan Wayolle CGAAER : François Colas-Belcour CGEDD : Sylvie Alexandre, Bernard Buisson, René Cornec, Catherine Mir Ministère de la transition écologique et solidaire / DGEC : Virginie Schwarz, Pierre Fontaine, Olivier de Guibert Ministère de l'agriculture et de l'alimentation / DGPE : M. Alain Joly, délégué ministériel, Sylvain Réallon, Frédéric Granger, Léa Moliné, Claire Morlot Ministère de l'économie, des finances, DGE : Elodie Boudoin Ministère de l'économie, des finances, de l'action et des comptes publics /DGFIP : Édouard Marcus (chef de service fiscalité), M. Philippe Bourreau (chef de bureau DGFIP) Ademe : Remi Chabrillat, Guy Fabre, ONF Paris : Benoît Fraud, Patrick Falcone Commission de régulation de l'énergie : Catherine Edwige, Christophe Leininger, Cybèle Mollaret FNE : Adeline Favrel (chargée de mission forêt), Julie Marsaud (coordinatrice forêt) Entreprises Albioma : Fréderic Moyne (DG), David Agid, Pascal Langeron Voltalia : Gautier Le Maux, Mathieu Poupard EDF/ SEI : Christian Gosse, Fabrice Beck, Gherardi Claire Marie Société forestière de la CDC : Gilles Seigle, Jean Michel Servant CDC : M Hoffman, Dominique Mirada (Directeur des Outre-mer) Syndicat des EnR : Samy Engelstein, Jérôme Billery (DG Quadran) Vidéo -conférences avec les services de l'État et cellules biomasse : Mayotte Joël Duranton (DEAL), Bertrand Wybrecht (DAAF adjoint), Arnaud Benoît (SGAR, chargé de mission), Abdelaziz Ait Ichou (DEAL) Ademe : Fourtin, Antoine Coutine
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Martinique François Martin (DIECCTE), Romain Cadot (DEAL), Juliette Mouche (DAAF) Patrick Bourven (Directeur DREAL) La Réunion François Bellouard (SGAR adjoint) Benoît Herlemont (SGAR adjoint), Jérôme Dulot Personnes rencontrées en Guyane entre le 11 et 18 juin 2018 : Elus Hélène Sirder, Vice- Présidente Collectivité territoriale de Guyane (conférence téléphonique) Administrations Préfet : Patrice Faure SGAR : Yves Marie Renaud (SGAR adjoint), Florent Taberlet DEAL : Eric Vallée, Yann Sauvale DAAF : Gladys Bernard Cellule Biomasse : Hervé Moinecourt Etablissements publics Établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane : Boris Rotsen, Patrice Pierre Ademe : Suzanne Pons, Pierre Courtiade Grand Port Maritime : Lemoine Philippe (DG) ONF : Éric Dubois (directeur), Laurent Descroix, Sébastien Peillet, Ugo Coste CNES : Didier Faivre (Directeur) Établissements de recherche CNRS / Cirad : Jacques Beauchêne, Bruno Clair, Aurélie Autissier Entreprises EDF SEI : Augusto Soares dos Reis Interpro-bois : Grégory Nicolet Voltalia :Gautier Le Maux, Mathieu Poupard Société Forestière Amazonia : M. Nicolet Grégory Solicaz : Elodie Breunstein (DG) GDI Forest initiative : Etienne Vernet Société de conseil : Pierre Biava SEFEG : Hendrik Vemper (DG), Luc Bourdette (responsable exploitation), Jean Bernard SIMA PECAT : Stéphane Guerrere Akuo energy : Olivier Kremer (DG) MIA : Stéphane Maillet Verso consulting : Antoine Malik Madoui ONG WWF : Philippe Thibault Sepanguy : Rémi Giraud
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Personnes rencontrées en Guadeloupe du 12 au 20 juin 2018 Elus : Conseil régional Guadeloupe : Maguy Celigny (Vice-Présidente), Julien Laffont, Régis Desbonnes, Jérôme Dancoisne, Nicolas Pouget (EXPLICIT) Communauté de communes de Marie Galante : Mme Etzol (par téléphone) Administrations Préfet : Philippe Gustin SGAR : Mme Aurore Le Bonnec DEAL : Jean François Boyer (Directeur régional), Nicolas Rouget (DEAL adjoint) DAAF: Vincent Faucher (Directeur) Organismes professionnels Chambre d'agriculture : Patrick Sellin, Président Safer : Rodrigue Trèfle, Président, Yannick Boc Syndicats d'intérêt collectif agricole (SICA) de Marie Galante, SICA de Basse terre Etablissements de recherche Inra : Jean Marie Blazy Entreprises : EDF SEI : Jean Gabriel Faget Energreen : Michel Salgon, Jacques Simonnet Quadran Caraïbes: Manuel Vieille Grosjean (Directeur), Anna Lafont Personnes rencontrées en Martinique du 12 au 20 juin 2018 Elus : Collectivité territoriale de Martinique : Louis Boutrin (Vice-Président développement durable), Mme Pauletti, M. Villeron, M. Fannis Assaupamar : Joël Joseph-Merelix (Président) Administrations : DEAL : Patrick Bourven (Directeur), Nicolas Fourrier Douanes: Nadine Mollard (Chef du pôle action économique), Sophie Pivert Etablissements publics Ademe : Charlotte Gully ONF : Pierre Very (Directeur) Entreprises Avea energy : Jean Pierre Croisy, PDG SARA : Philippe Guy (DG), Henri Roche SEEN (concessionnaire traitement des déchets) : Lilian Fanget (DG), Denis Saint-Pe Albioma Antilles Guyane : Nicolas de Fontenay, DG Mathieu Jeannesson (Directeur approvisionnement Antilles et staff de l'usine Galion2) Rhumerie Saint James: Jean Claude Benoit (Directeur de la distillerie), Daniel Rapaille
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9.3 Annexe 3 : Le bilan carbone de la forêt
Généralités sur le bilan carbone de la biomasse Les études du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) montrent que la quantité de carbone stockée dans l'atmosphère ne représente qu'une faible partie du stockage total de carbone, inférieure à celle stockée dans les forêts (biomasse et sol), ce qui conduit à être vigilant dans l'exploitation de la forêt.
Figure 3 : Réservoir de carbone mondial (hors océan) en Gt de carbone. La forêt en climat tempéré Le bilan carbone de la biomasse est généralement considéré comme neutre dans les pays développés aux latitudes tempérées, dans la mesure où la plante absorbe du CO2 dans sa phase de croissance et le carbone est ensuite relâché lors de la combustion de la biomasse70.
Figure 4 : Évolution des stocks de carbone des réservoirs de carbone du sol, de la biomasse et de l'atmosphère dans le cas d'un boisement (gauche) ou d'un déboisement (droite). La durée indiquée de 20 ans correspond au cas d'une forêt en climat tempéré, et non à la forêt primaire71.
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Etude ONF- ADEME (fig 26): Production de bois-énergie sur un massif forestier dédié à cette vocation en Guyane. Etude de cas en forêt de Balata Saut Léodate, Hervé Quezel et al, 2011. 71 Etude ONF- ADEME (fig 26): Production de bois-énergie sur un massif forestier dédié à cette vocation en Guyane. Etude de cas en forêt de Balata Saut Léodate, Hervé Quezel et al, 2011.
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Le bilan est aussi neutre pour les cultures énergétiques que l'on peut faire sur un sol nu au départ. La quantité totale stockée (végétation + sol) augmente avec l'âge des peuplements (quelques t de carbone/ha au début du peuplement jusqu'à plus de 100 t en fin d'évolution) et avec le type de plantations (45 t de carbone/ha pour le Douglas, environ 85 t de carbone pour le hêtre ou le sapin), ceci pour la France métropolitaine. La forêt guyanaise Le stock de carbone dans une forêt naturelle atteint une valeur limite : les forêts très âgées non exploitées ne sont plus en croissance et leur métabolisme respiratoire rejette autant de CO2 que leur métabolisme photosynthétique en absorbe. Une étude du Ministère de l'agriculture de 2006 indique que la forêt primaire guyanaise contient environ 165 tC/ha (soit 350 t Matière sèche - MS) de végétation aérienne, plus 95 tC/ha de nécromasse (litière, arbres morts) et de racines et matières organiques du sol, soit 260 tC/ha. L'Ademe propose des valeurs nettement inférieures et considère que la destruction de la forêt primaire libère le carbone stocké dans la biomasse et le sol avec les ordres de grandeur suivants (une tonne de MS contient 0,475 t C) : la forêt tropicale contient au départ 200 t de carbone/ha, c'est-à-dire 123 tC /ha de biomasse aérienne (241,5 t de MS/ha de biomasse plus 18,5 t MS/ha de nécromasse) et 77 t C dans le sol. Les études sur le bilan carbone de l'exploitation de la forêt guyanaise Les types d'exploitation mis en place ou envisagés en Guyane (voir chapitre 4) sont les suivants. - La coupe pratiquée actuellement par l'ONF (EFI : exploitation à faible impact) ne prélève en moyenne que les cinq plus beaux arbres à l'ha soit 25 t/ha emportées (14 t MS). L'exploitation peut sans doute être considérée comme neutre en carbone, le rythme de régénération étant voisin de celui de la coupe. Les dégâts collatéraux et les houppiers laissent environ 42 t MS de nécromasse qui va lentement se transformer en CO2 (demi-vie de 10ans). - Une expérimentation conduite par l'ONF et l'ADEME en 2011 a consisté à exploiter une surface de 12 000 ha dans la forêt de Balata / Saut-Léodate, ayant un potentiel de production de 1 600 000 t de bois sur 25 ans, dans le cadre du protocole suivant : définition de 25 parcelles, exploitées tous 25 ans ; prélèvement sur chaque parcelle d'environ 40 tiges/ha (120 m3/ha pour la première coupe et 100 m3/ha pour les suivantes), soit donc une production annuelle nette moyenne de 4 à 5 m3/ha. La récupération comme biomasse énergie du bois mort laissé sur place après l'EFI ou une coupe sélective a un bilan neutre et est évidemment intéressante sur le plan carbone (mais elle l'est rarement sur le plan économique). L'ONF a analysé de manière détaillé le bilan carbone de l'exploitation (création des pistes, carburant consommé pour la coupe et pour le transport...) et de la transformation du massif forestier dans le cadre d'une exploitation sur 100 ans (4 rotations de 25 ans) ;
Forêt naturelle Biomasse(t MS) 403,7
Forêt exploitée en bois énergie 226,1
Bilan - 177,6
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Nécromasse (t MS) Total (t MS) Equivalent Carbone (t C)
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18,5 422,2 200,5 24,7 250,8 119,1 + 6,2 -171,4 - 81,4
Source : Contenu Carbone de la forêt (Tableau extrait de l'étude ONF-ADEME)
Figure 5 : Répartition des émissions de carbone calculées sur le cas d'étude de Balata / Saut-Léodate intégrant la diminution massique du couvert forestier.
Figure 6 : Répartition des émissions de carbone calculées sur le cas d'étude de Balata / Saut-Léodate hors diminution du couvert forestier. Sur 100 ans, le bilan est de 1,05 tonne de CO2 émise par tonne de matière sèche produite. Suivant les ratios de conversion de l'étude72, on arrive à 883 g de CO2 par kWh électrique, valeur voisine de celle du fioul (828g). A la lumière de ces résultats, l'ONF propose un mode d'exploitation optimisé avec moins de casse lors des récoltes et avec l'utilisation d'un porteur à la place d'un « skidder ». Le gain est assez sensible, conduisant à une réduction de 35% de la dette carbone et donc un coût CO2 de 557 g/kWh au lieu des 883 g initiaux
L'étude ONF/ ADEME conduit au tableau suivant sur la base des 12 000 ha considérés.
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Ratio de 0,8366 t MS par MWh électrique, soit environ 1,6 t de bois à 45% d'humidité
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Commentaires de la mission : Le choix d'un calcul sur 100 ans a un sens mais reste néanmoins arbitraire. L'Ademe le justifie par une référence à « une durée généralement considérée du carbone dans l'atmosphère » qui n'a qu'un rapport éloigné. Le tableau ci-après montre que cette durée d'exploitation est primordiale dans le calcul : on détruit un capital initial pour avoir ensuite une exploitation vertueuse, mais la première conséquence est le relâchement dans l'atmosphère (sur 25 ans dans l'exemple73) d'une grande quantité de CO2. les surfaces forestières proches du littoral ont déjà été exploitées ou défrichées partiellement, puis laissées à l'abandon. Leur contenu carbone n'est plus celui d'une forêt primaire : on peut sans doute estimer qu'il est réduit de 25 à 33% (inventaires ONF). Un autre type d'exploitation forestière de ces surfaces de la bande littorale que dans le massif forestier permanent constitue donc une piste à privilégier.
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Si on garde la durée de 100 ans d'exploitation, avec le modèle optimisé ONF appliqué à la bande littorale, le kWh électrique ne dégagerait que 438 g de CO2 par kWh, nettement moins que le fioul74. Il faut donc une cinquantaine d'années d'exploitation pour que la production d'électricité à partir de bois dégage un bilan CO2 positif par rapport à la solution fioul.
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Le protocole prévoit l'exploitation successive de 25 parcelles (une par an) instaurant un régime permanent au bout de 25 ans
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Cette valeur est voisine de celle qu'on obtiendrait avec le modèle ONF/ ADEME initial mais sur une durée d'exploitation de 200 ans.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Tableau 20 : Bilan carbone selon la durée d'exploitation sur le cas d'étude de Balata / Saut-Léodate. 100 ans 100 ans Durée exploitation 1 an 100 ans ONF 200 ans mission optimisé Coût destruction forêt primaire (tC) 81,4 81,4 48,3 36,2 81,4 Coût construction routes (tC) 4,4 4,4 4,4 4,4 4,4 Coût exploitation forestière (tC) 1,2 4 4 4 7,8 Total tonnes de C/ha 87 89,8 56,7 44,6 93,6 Bois produit (t de MS) 90 312 312 312 608 Coût tC/ t bois utile 0,967 0,288 0,182 0,143 0,154 Cout t CO2/ t MS utile 3,544 1,055 0,666 0,524 0,564 Coût g de C/kWh électrique 809 241 152 120 129 Coût g de CO2/KWh électrique 2965 883 557 438 472 * Hypothèse reprise de l'étude de 0,8366 t MS (soit environ 1,6 t bois) par MWh électrique Gisement envisageable de la défriche agricole. On peut voir sur la figure suivante du CITEPA que 5,5 Mt de CO2 sont dégagées annuellement en raison du déboisement (souvent illégal) de la forêt guyanaise, ce qui signifie qu'il y avait là un gisement de biomasse récupérable sur près de 7 000 ha par an. Aujourd'hui, le rythme de défriche s'est réduit à environ 3000 ha/an, soit des émissions de 3,6 Mt CO2/an.
Figure 7 : Histogramme des émissions de gaz à effet de serre dues aux déboisements, données par Région pour les années 2008 et 2009 (source : CITEPA / MEDDTL inventaire CCNUCC). Nota : Certains peuvent s'étonner que le bilan carbone soit si mauvais pour l'exploitation de la forêt primaire, alors qu'il est considéré comme neutre pour celle de la forêt tempérée. L'explication tient à un changement d'état, la forêt pour "pousser" de manière optimale ayant besoin d'une réduction du stock de bois à l'ha, et du fait du rythme de croissance (4 à 15 t MS/ha/an selon les espèces et les milieux), la succession de coupes à intervalles réguliers aboutit à un stock moyen réduit, équivalent à un déstockage de CO2 par comparaison à une forêt inexploitée. A l'inverse, une forêt inexploitée finit par ne plus stocker de CO2 (gains = pertes par mortalité et décomposition), voire à déstocker sous l'effet du changement climatique et des accidents naturels (ouragans, incendies, attaques parasitaires ou dépérissements de grande envergure).
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Figure 8 : Contenu en carbone des réservoirs sol et végétation en forêts tropicale et tempérée. Source Club carbone forêt Bois www.cdeeclimat.com d'après données GIEC 2000. (Il faut diviser par 3,66 pour avoir des valeurs en t de carbone/ha).
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9.4 Annexe 4 : Mix électrique des différents DOM étudiés (extraits des PPE des DOM concernés).
Guadeloupe
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Martinique
La Réunion
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La Guyane
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9.5 Annexe 5 : Détail des éléments de cadrage économique présentés dans le rapport
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9.6 Annexe 6 : Coûts de fourniture du bois énergie en Guyane :
Les différentes filières évoquées dans le rapport peuvent être évaluées au plan économique ce qui permettra d'éclairer le débat sur les tarifs proposés par la Commission de régulation de l'énergie et sur lequel existent de larges divergences entre acteurs suivant leur position. 1 - Coûts estimés de la défriche agricole Cette activité de récupération de la biomasse fatale est peu développée à ce jour, alors qu'elle permettrait de valoriser à la fois le bois d'oeuvre et le bois énergie. On a indiqué plus haut que la part du bois d'oeuvre était relativement réduite (20 t/ha). Dans la décomposition des prix donnée en 4.5.1, on économise le prix de 26 payé à l'ONF (puisque l'ONF ne touche actuellement rien sur la défriche) et une grande partie des autres coûts (cubage, routes, pistes, transport), conduisant à un prix de revient d'environ 40 /t (pour un bois que la scierie est susceptible d'acheter une centaine d'euros). On estime pouvoir récupérer 200 t/ha de connexes d'exploitation (bois énergie) valant de l'ordre de 90 /t en incluant le broyage, si on suit les accords de Cayenne. Néanmoins, la mission considère que les accords de Cayenne n'ont pas lieu de s'appliquer pour la défriche agricole pour laquelle il n'y a pas de redevance ONF. La mission considère que par rapport au bois d'oeuvre estimé ci-dessus, le coût de collecte sera plus élevé (car tout le petit bois plus long à manipuler doit être sorti), donc environ 50 /t hors broyage. Ces coûts sont cohérents avec ceux de l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane qui a proposé aux opérateurs de projets biomasse des tarifs de 11 000 /ha pour la défriche (c'est à dire préparation, nivelage du champ, enfouissement du mulch et retrait des souches) en échange du bois dans un schéma où l'agriculteur n'a plus à défricher le champ mais ne touche plus non plus le fruit de la vente du bois. Le prix résultant pour l'usine biomasse serait au maximum de 50 /t environ : hors transport et hors broyage (11 000 pour 220 t). Avec ces hypothèses la centrale biomasse peut récupérer sur la défriche agricole 200 t/ha à un prix de base de 65 /t (..). 2 - Coûts estimés du bois énergie provenant de l'exploitation à faible impact Cette activité existe déjà mais trouve ses limites du fait des coûts de création de pistes et des distances de débusquage, ce qui rend le bois d'oeuvre scié relativement peu compétitif. L'augmentation du nombre de tiges par ha (passer à 7) obligerait les exploitants à prendre des grumes moins belles pour le bois d'oeuvre et augmenterait légèrement le potentiel de bois énergie. On a estimé ci-dessus le potentiel à 100 000 t de bois d'oeuvre associées à 150 000 t de connexes car la récolte de ces connexes à un coût acceptable n'est envisageable que sur les massifs en exploitation à proximité de centrales, avec des frais de transport de bois énergie qui restent modérés (type CACAO, Abiodis).
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Suivant les accords de Cayenne, l'exploitation à faible impact conduit à un coût moyen d'approvisionnement pour la centrale biomasse de 80 /t75 dont 10 facturé par l'ONF. 3 - Coûts estimés du bois énergie provenant de plantations pures (TCR), mixtes (bois d'oeuvre + bois énergie) ou de coupes forestières dédiées Les retours d'expérience sur les plantations sont très faibles. Dans le cadre de l'expérimentation ForesTreeCulture2 (Cirad, Inra, ONF) qui concerne de la Bagasse, du Cèdre et du Teck, le coût de plantation se monte à 10 000 /ha, alors que la récolte estimée est de 15 m3/ha.an en moyenne pendant 25 ans (75 % bois énergie et 25 % bois d'oeuvre). En intégrant un supplément de revenu grâce au bois d'oeuvre, le coût résultant de la fourniture du bois énergie reste d'une cinquantaine d'euros par m3, ce qui rend l'exploitation difficilement compétitive. Néanmoins et tout en indiquant que le contexte est différent, l'étude cite également le même type d'exploitation au Brésil (AMCEL AMAPA) avec des coûts 5 fois moindres et des rendements 2 fois plus élevés. L'expérimentation de plantation d'ingas affirme pouvoir fournir du bois énergie à 55 /t en bord de route (soit 70 à 75 avec transport et broyage). Dans un autre projet, le coût moyen de production de bambous est estimé à 66 /t y compris le broyage mais hors transport (faible car micro- centrale à proximité immédiate). Le cas le plus documenté techniquement est celui de l'expérimentation Ademe-ONF sur Balata / SautLéodate de 2011, qui fait état d'un coût de 37 /t (40 2018) pour une mise à disposition du bois en bord de route, donc avant transport et broyage. La vente séparée d'un petit volume de bois d'oeuvre à une scierie pourra financer les créations et entretiens du réseau de pistes à camion sur ces massifs concédés pour 25 ans à un seul exploitant qui ne seront pas équipés par l'ONF. Dans le cadre d'une exploitation en zone littorale donc plus proche des centrales que pour l'exploitation à faible impact, les coûts de transport devraient rester modérés et conduire à un coût de 60 /t pour du bois livré à la scierie ou à la centrale (transport + broyage). Une autre source (...) faisant étant de 75 /t pour l'exploitation d'un massif dédié au bois énergie. 4 - Coût estimé de la biomasse issue des cultures énergétiques (type canne fibre) Pour les plantations à vocation énergétique, un porteur de projet contacté par la mission a fait état d'un coût de 77 /t. Dans les îles avec des structures foncières éclatées, mais des conditions de terrains plus conventionnelles et plus riches qu'en Guyane, mises en valeur selon un modèle de petits planteurs organisés en syndicats d'intérêt collectif agricole (SICA), l'étude économique de l'INRA (projet Rebecca mené avec la société Quadran et le Cirad) donne 40 /t pour la biomasse sur pied et 55 /t pour de la biomasse récoltée, livrée.(conclusions identiques des études à la Réunion) Le projet Quadran de production d'électricité en Guadeloupe à partir de cultures de biomasse repose en amont sur une start-up Energreen qui prévoit un approvisionnement mixte de défriche et de culture énergétique. Cette start-up est aussi associée à d'autres porteurs de projet en Guyane, notamment Voltalia à Iracoubo. Celle-ci a été aidée par le FEADER en Guadeloupe et en Guyane pour développer les références techniques de la multiplication sous serre et de la maîtrise agronomique de cette culture. De même que 10 ha sont présents en Guadeloupe pour être prêts à un déploiement par
75 Pour 100 t de bois d'oeuvre exploité, on dispose de 150 t de bois énergie à 90/t et 60 t de déchets de scierie à 55/t (départ
scierie) soit 65/t livrée. Donc 16 800 pour 210 t de biomasse = 80/t
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées boutures à l'échelle industrielle (mise en service prévue en 2021), un hectare est en place en Guyane (Iracoubo) pour être repiqué l'année prochaine sur 10 ha. On assistera certainement en Guyane à un mode de culture différent basé en partie sur des grandes surfaces attribuées à un seul exploitant ou une société, avec recours à la main d'oeuvre salariée. Le ratio d'un emploi (direct ou indirect) par 500 t de cannes demande à être affiné dans cette configuration totalement différente, sur de moins bons sols à priori. Dans le cas de la Guyane, le foncier et l'exploitation forestière de la défriche ne sont pas les principaux facteurs de coûts, l'essentiel étant dans les difficultés de la récolte liée au terrain : 20 /t pour la récolte + 10 pour le broyage + 10 pour les frais de culture, plantation, soit un coût total estimé à 40 /t. En Guyane, les frais de transport seront réduits (usine au milieu de son foncier) mais compte tenu du climat et des nécessités d'approvisionnement continu, il y a lieu de prévoir certains frais de séchage et de stockage de cette biomasse sucrée, très humide, en plus du broyage. On avoisine effectivement les 50 /t pour un combustible prêt à l'emploi. Compte tenu du pouvoir calorifique inférieur, on trouve des ordres de grandeur de coûts élevés, voisins de 150 /MWh, mais en l'absence de retours d'expérience, il est difficile de donner des éléments plus précis. 5 - Les plantations d'agroforesterie La mission a rencontré plusieurs sociétés intéressées par le développement de ces techniques en Guyane. Il s'agirait de soutenir plusieurs projets pilotes dans différentes régions afin de valider les itinéraires techniques et les cultures les plus adaptées ; le bois apporterait aux agriculteurs des revenus complémentaires à l'élevage pratiqué sur ces terres. . La mission note qu'existent des moyens financiers actuellement inemployés par l'État ou la Collectivité territoriale de Guyane réservés au développement de « pratiques innovantes » (800 000 sont inscrits dans le programme de développement rural de Guyane et inutilisés mi-juin). 6 - L'exploitation du bois immergé de petit saut (projet Triton) Le projet Triton est autonome (exploitation forestière + centrale), les opérations d'extraction sont totalement aquatiques. Ce projet est optimisé dans la mesure où la centrale est en bord de lac, et proche du réseau électrique. Voltalia et Triton sont arrivés à un accord sur la base d'un prix de livraison du bois énergie dans la fourchette basse des différents scenarios d'approvisionnement des centrales biomasse en Guyane. 7 - Le bois importé : 180 /t de pellets, soit 100 /t eq bois à 45% humidité Le bois importé (au moins 100 /t livré usine en PCI équivalent) revient généralement plus cher que la biomasse forestière de Guyane.
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9.7 Annexe 7. Position des acteurs rencontrés en Guyane sur la biomasse
9.7.1 L'ONF et les acteurs des filières agricoles et forestières
L'ONF dispose de 80 agents en Guyane, essentiellement pour l'exploitation du domaine forestier permanent (2,2 millions ha) et pour la surveillance générale partout sur le territoire. La Direction de l'ONF voit surtout la Guyane comme un centre de coûts et évite d'y mettre trop de moyens (la Guyane représente 30 % du domaine forestier français mais 1 % des effectifs de l'ONF). Malgré la recette de 26 /t pour le bois sur pied, l'ONF perd en effet de l'argent en Guyane en raison des frais de repérage, de vérification des coupes, de gestion des pistes, et des activités de surveillance de la zone. Au total sur un budget de 8 M, l'ONF accuse un déficit de plus de 2 M, que le ministère de l'économie et des finances lui demande de réduire. Sur le mode de gestion de l'exploitation à faible impact, les avis sont partagés. L'ONF ne serait pas hostile à une augmentation des rendements (passer de 5 à 7 tiges exploitées à l'hectare, ce qui diminuerait proportionnellement le coût) mais sans expliquer comment il y parviendra avec ses moyens actuels. Les scieurs ne sont pas tous d'accord. Les forêts sont très anciennes avec des bois présentant de fortes contraintes au sciage et plus on sort de tiges de bois d'oeuvre, moins le rendement en bois scié est bon, il y a alors plus de connexes de scierie. Certains affirment même ne pas être certains que dans 65 ans, on aura la même ressource à disposition. La profession du bois reconnaît que le marché du bois d'oeuvre est tiré par le marché local et celui des Antilles, qui représentent 99 % des exports alors qu'il existe des marchés de bois d'oeuvre en devenir (ameublement) sur l'Asie qui achètent du bois scié. La profession aimerait voir se développer le bois d'oeuvre mais n'est pas organisée : l'Interprofession bois n'a apparemment que très peu de relais à l'export. 9.7.2 Les acteurs du secteur de l'énergie
L'Ademe estime qu'une dynamique sur le sujet est enclenchée. Elle est favorable à l'idée de lancer des projets d'agroforesterie ou de plantations de cultures à vocation énergétique adaptées aux conditions du territoire. Elle estime aussi que l'État doit soutenir financièrement les entreprises de la première transformation pour qu'elles investissent en machines-outils (notamment en broyeurs mobiles, camions, etc.). L'Ademe plaide aussi pour que la cellule biomasse soit renforcée sur le plan des effectifs et notamment qu'un profil économique rejoigne celle-ci. EDF affirme être avant tout préoccupée par son rôle de responsable global de la sécurité et de l'adéquation offre-demande et est donc favorable aux projets jugés nécessaires dans le cadre de l'accroissement régulier de la population qui permettent d'assurer la résilience du système. Dans ce contexte, le renouvellement de la centrale de Dégrad-des-Cannes est un enjeu important car son surdimensionnement pourrait obérer les objectifs fixés en matière d'EnR. EDF/SEI soutient le projet Triton mais sera cependant vigilante sur le fait que cette activité future n'engendre pas de nuisances d'exploitation du barrage. Le syndicat des EnR est plus réservé sur la place de la biomasse en Guyane en comparaison du photovoltaïque : les lenteurs d'instruction des premiers dossiers, les coûts de montage des dossiers, et les conditions économiques difficiles aujourd'hui pour exploiter la forêt rendent le syndicat prudent sur la filière en Guyane. Il souhaite une simplification urgente des procédures.
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées 9.7.3 Les élus de Guyane et la population
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Les collectivités territoriales apportent leur appui à la production d'énergie à partir de biomasse avec retombées sociales et protection de l'environnement. Les élus sont partagés entre un constat d'humilité (la gestion de l'électricité, c'est compliqué : ce qu'on demande à l'État, c'est de nous fournir une électricité disponible dans tous les foyers) et un regret de ne pas être assez impliqués dans les prises de décisions. Ils insistent sur la lenteur administrative ce qui provoque l'insécurité des projets ainsi que sur une réglementation excessive de la part de la France et de l'Union européenne, source d'insécurité pour les projets. En revanche, ils sont opposés à l'idée d'importer du bois, sauf exception (Mana). Il n'y a pas d'opposition de principe de la part de la population sur l'exploitation forestière. La biomasse doit être créatrice d'emplois, sinon elle n'a pas sa place comme source d'énergie. Elle pourrait apporter une réponse partielle au besoin social. 9.7.4 Les associations de protection de la nature
La mission a rencontré à Paris FNE, qui avait une position étayée mais assez négative vis-à-vis de la biomasse énergie, ainsi qu'une délégation d'associations de protection de la nature en Guyane qui a surtout posé des questions, cherchant peut-être des arguments pour ensuite contrer les projets. Selon FNE, l'exploitation de bois d'oeuvre ne peut se faire que sous un régime de durabilité. La collecte des connexes d'exploitation forestière est proscrite car les sols sont très fragiles et les connexes doivent rester en place afin de protéger les sols. Les nouvelles pistes favorisent l'orpaillage illégal et le braconnage. Les industriels ne compensent jamais et ne sont pas enclins à éviter et réduire leur impact sur la forêt. Les terres agricoles ne peuvent pas servir à cultiver des productions énergétiques encore moins pour les terres nouvellement défrichées qui ont par essence un bilan carbone très négatif. La reconquête de terres dévalorisées est à privilégier. Il est nécessaire de suivre la qualité de l'air des usines électriques. L'importation de bois énergie est à proscrire. 9.7.5 Les établissements de recherche et les experts
La forêt est exploitée de façon très ancienne Il y a des traces de peuplement amérindien à peu près partout : la forêt est modelée par les hommes plus qu'on ne le pensait. Il faut conduire de nouvelles études et faire de la recherche sur les bois utilisables et leur transformation (ameublement par exemple). Il y a des bois de petits diamètres (< 20 cm) méconnus et donc inexploités. Il y a également des richesses d'usages du bois méconnues dans bien d'autres domaines : cosmétologie, insecticide, pharmacie, bois à usages très spécialisés (lutherie par exemple). Les sols sont très pauvres et la pousse très lente. La dimension qualité des sols est très importante. Si on laisse les connexes d'exploitation inférieures à 10 cm de diamètre sur place, on rend au sol ce qui est intéressant, mais des études sont à mener (pédologie, cycle du carbone..). Certains modèles d'agroforesterie en projet n'existent nulle part, et il faut donc passer par des phases de tests. Il faut aussi faire des tests en grandeur nature sur la forêt naturelle comme sur la forêt jardinée. Les représentants du CNRS et du Cirad insistent sur leur manque de moyens et plaident pour un renforcement significatif de ceux-ci.
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9.8 Annexe 8 : Spécificité de l'exploitation de la canne à sucre et du foncier en Guadeloupe
L'exploitation cannière offre cette particularité de pouvoir être exercée avec seulement un peu de foncier, sans siège d'exploitation, sans gros matériel agricole en propre et sans avance des frais de culture et de récolte, grâce au rôle des syndicats d'intérêt collectif agricole (SICA). Tous les travaux peuvent être sous traités à des entreprises de travaux agricoles. Il est notoire en Guadeloupe que de nombreux «planteurs de canne» sont des doubles actifs exerçant une autre activité rémunérée à titre principal. Certains résident même en métropole ou aux États-Unis. D'autres travaillent tellement à l'économie qu'ils obtiennent des rendements catastrophiques ( 50 %). D'autres dans les communes touristiques ou périphériques de Pointe à Pitre laissent leur terre en friche en attendant le changement de plan local d'urbanisme qui permettra de multiplier sa valeur par 200. Les agriculteurs en fin de carrière ne libèrent pas leur foncier et continuent de l'exploiter de cette manière, en « sous-traitance totale ». Cela n'empêche pas de toucher les aides européennes (Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei)) qui sont pratiquement des aides couplées, de soutien au revenu. Cette situation pose un problème pour installer des jeunes autres que des descendants d'agriculteurs. La DAAF essaie d'y mettre bon ordre, ce qui est particulièrement périlleux car cela représente une immense majorité « d'agriculteurs ». De plus environ 700 planteurs sont en fermage dans les 38 groupements fonciers agricoles (GFA) créés par le département de Guadeloupe pour éviter la spéculation foncière. Ces GFA sont en principe dominés par la Société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG) qui détient 60 % des parts et a confié leur gérance à la Caisse régionale de Crédit agricole. Dans les faits ce sont les fermiers propriétaires des 40 % de parts restantes qui gèrent le GFA à leur manière. Les arriérés de loyers seraient très importants ! Des surfaces en fermage sont occupées par des habitations. Lors de l'installation d'un jeune, le GFA tarde très longtemps à obtempérer par la signature d'un bail. La Safer serait en voie d'obtenir la gérance des GFA pour pouvoir enfin mener une politique transparente d'installation. Dans ce contexte, les terres en friche, estimées à environ 10 000 ha, désignées au cadastre après enquête de la Safer et de la DAAF, peuvent difficilement être récupérées. Les rares procédures ayant abouti ont duré 7 ans. Il y a un risque avéré d'effondrement des effectifs d'exploitants agricoles suite à ce régime très dysfonctionnel.
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9.9 Annexe 9 : Liste des abréviations, acronymes et sigles
Abréviation, acronyme, sigle Signification Ademe bl CCNUCC CF CGAAER CGEDD CGEIET Cirad CITEPA CIVE CNES CNRS CRE CSPE CSR CTG CTM DAAF DEAL DFP DGEC DIE DIECCTE DOM Euro Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie baril Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques Canne fibre Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux Conseil général de l'environnement et du développement durable Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique Culture intermédiaire à vocation énergétique Centre national d'études spatiales Centre national de la recherche scientifique Commission de régulation de l'énergie Contribution au service public de l'électricité Combustible solide de récupération Collectivité territoriale de Guyane Collectivité territoriale de Martinique Direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement Domaine forestier permanent Direction générale de l'énergie et du climat Direction de l'immobilier de l'État Direction des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Département et région d'outre-mer
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Abréviation, acronyme, sigle Signification EDF-SEI EFI EnR ENSTIB EPFA FACE FEADER FEDER FNE GES GFA GIEC h ha i. e. ICPE IGA IGF IGP Inra Insee IRD J kg Loi TECV m M MAA MAE MDE MEDEF MS Direction des systèmes énergétiques insulaires d'EDF Exploitation forestière à faible impact Énergie renouvelable École nationale supérieure des technologies et industries du bois Établissement public foncier et d'aménagement Fonds d'amortissement des charges d'électrification Fonds européen agricole pour le développement rural Fonds européen de développement régional France nature environnement Gaz à effet de serre Groupement foncier agricole Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat heure hectare c'est-à-dire Installations classées pour la protection de l'environnement Inspection générale de l'administration Inspection générale des finances Indication géographique protégée Institut national de la recherche agronomique Institut national de la statistique et des études économiques Institut de recherche pour le développement joule kilogramme Loi de transition énergétique pour la croissance verte mètre Méga Ministère de l'agriculture et de l'alimentation Mesures agro-environnementales Maîtrise de la demande en énergie Mouvement des entreprises de France Matière sèche
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Abréviation, acronyme, sigle Signification MTES ONF ONG PAC PCI PDR PEFC PIB POSEI PPE PRFB PRPGD PV RSA RUP Safer SAR SARA SAU SFA SGAR SICA SNBC SRB SRFB STEP t TAC TCR tep TGAP Ministère de la Transition écologique et solidaire Office national des forêts Organisation non gouvernementale Politique agricole commune Pouvoir calorifique inférieur Programme de développement rural Programme de reconnaissance des certifications forestières (Programme for the Endorsement of Forest Certification Schemes) Produit intérieur brut Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité Programmation pluriannuelle de l'énergie Programme régional de la forêt et du bois Plan régional de prévention et de gestion des déchets Photovoltaïque Revenu de solidarité active Région ultrapériphérique Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Schéma d'aménagement régional Société anonyme de la raffinerie des Antilles Surface agricole utile Société forestière amazonia Secrétaire général pour les affaires régionales Société d'intérêt collectif agricole Stratégie nationale bas carbone Schéma régional biomasse Stratégie régionale pour la forêt et le bois Station d'épuration tonne Turbine à combustion Taillis à courte rotation tonne équivalent-pétrole Taxe générale sur les activités polluantes
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Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées Abréviation, acronyme, sigle Signification UE VLE W Wc Wh ZNI Union européenne Valeurs limites d'émissions watt watt-crête watt-heure Zone non interconnectée
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INVALIDE)