Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer

LAVARDE, Patrick ; BUY, Carol ; THIBAULT, Henri-Luc

Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable ; France. Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">Le dispositif des certificats d'économie de produits phytosanitaires (CEPP) expérimenté en métropole depuis 2016 destiné à favoriser la réduction de l'utilisation de ces produits, repose sur des actions standardisées estimées, par une commission spécialisée d'experts, en unités de compte : nombre de doses unités (NODU). À un NODU économisé correspond globalement un CEPP. Si dans le dispositif expérimental, tous les acteurs de la sphère agricole sont fondés à soumettre des fiches actions, ce sont aux distributeurs de produits phyto-pharmaceutiques qualifiés d'«obligés» du dispositif que sont fixés, au terme d'une période de cinq ans donnée, des objectifs de diffusion de ces actions. Leur réalisation permet aux obligés d'obtenir des CEPP acquis soit directement via les actions qu'ils mettent en oeuvre directement soit indirectement auprès des acteurs non distributeurs du dispositif qualifiés d'« éligibles ». La non atteinte des objectifs en fin de période se traduit par une sanction financière à l'encontre des « obligés ». La loi EGALIM du 30 octobre 2018 a prévu la pérennisation du dispositif CEPP avant la fin de la période expérimentale en 2021, en l'étendant aux Outre-mer. Le nouveau dispositif étend la notion d'« obligés », supprime celle d' « éligibles » et modifie le régime de sanctions en cas de non-respect des obligations. Les particularités de la production agricole Outre-mer font que, voisine de 335 tonnes en 2017, la consommation globale de produits phytopharmaceutiques peut apparaître modeste au regard de la consommation métropolitaine d'environ 73 000 tonnes, rapportée à l'unité de surface agricole ; mais elle place certains départements, comme la Réunion, dans le trio de tête des plus gros consommateurs français d'herbicides. Cette réalité comme la sensibilité des populations Outre-mer à la question phytosanitaire plaide pour une action déterminée de réduction de l'usage de ces produits que certaines filières, à l'image de la filière banane, ont d'ailleurs engagé avec succès depuis plusieurs années. La situation est plus complexe dans la filière canne à sucre où la lutte contre l'enherbement reste problématique et pour les cultures de diversification ne relevant pas de filières organisées et souffrant souvent d'un manque de formation des agriculteurs. La distribution de produits phytosanitaires est, par ailleurs, dans ces territoires le fait d'un nombre limité d'acteurs, et les alternatives à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques sont variables selon les filières et selon les protections que les agriculteurs souhaitent apporter. Il n'est pas envisageable de transposer en l'état aux Outre-mer le dispositif de certificats d'économie de produits phytosanitaires expérimenté en métropole et en cours de révision. Des adaptations devront, en conséquence, lui être apportées. Les objectifs de réduction de la distribution de produits phytosanitaires estimés en NODU devront alors concerner l'ensemble des distributeurs, mais être définis, en s'inspirant de la méthodologie retenue pour la métropole, en concertation avec les acteurs concernés. Ils devraient valoir pour une première période test de quatre ans à courir à partir de 2022. La gestion du dispositif adapté gagnera à être connectée au système métropolitain, mais les échanges de CEPP entre obligés ne devraient concerner que les acteurs d'un même département d'Outre-mer (DROM) dans la mesure où les impacts des produits phytosanitaires sont territorialisés. Il reste que ces adaptations du dispositif CEPP aux Outre-mer n'auront de sens que jumelées à des mesures d'accompagnement fortes. Elles concerneront notamment l'appui au réseau d'expérimentation et d'appui technique, le renforcement de la formation sur les techniques alternatives aux produits phytosanitaires, l'instauration d'une conditionnalité « phytosanitaire » à l'octroi de certaines aides du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), le suivi collectif et l'évaluation en continu des dispositions arrêtées.</div>
Editeur
CGEDD ; CGAAER
Descripteur Urbamet
expérimentation ; agriculture
Descripteur écoplanete
produit phytosanitaire ; traitement phytosanitaire ; pesticide
Thème
Ressources - Nuisances ; Environnement - Paysage
Texte intégral
MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION Rapport CGEDD n° 012594-01, CGAAER n° 18133 établi par Patrick LAVARDE (CGEDD) Carol BUY et Henri-Luc THIBAULT (CGAAER) P U B Juin 2019 LI Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer É Les auteurs attestent qu'aucun des éléments de leurs activités passées ou présentes n'a affecté leur impartialité dans la rédaction de ce rapport Statut de communication Préparatoire à une décision administrative Non communicable Communicable (données confidentielles occultées) Communicable $ PUBLIÉ Sommaire Résumé.................................................................................................................................................5 Introduction.......................................................................................................................................8 1. Le dispositif expérimental de certificats d'économies de produits phytosanitaires va être pérennisé et étendu aux Outre-mer.......................................9 1.1. Un dispositif expérimenté en métropole........................................................................................9 1.1.1. Un dispositif inspiré des certificats d'économie d'énergie qui s'inscrit dans le plan Écophyto 2.............................................................................................................................................9 1.1.2. L'expérimentation des CEPP a été engagée en métropole..............................................10 1.2. Le dispositif des CEPP est pérennisé et étendu aux Outre-mer...........................................15 1.2.1. Le périmètre des obligés est étendu.........................................................................................16 1.2.2. Des obligations intermédiaires sont fixées............................................................................16 1.2.3. La notion d'éligible disparaît......................................................................................................17 1.2.4. De nouvelles modalités qui restent à préciser, sanctionneront le non-respect des obligations..........................................................................................................................................17 1.2.5. Le dispositif des CEPP sera étendu aux Outre-mer............................................................18 2. L'utilisation des produits phytosanitaires dans les productions agricoles ultramarines................................................................................................................................19 2.1. La production agricole des Outre-mer est dominée par les cultures tropicales...........19 2.1.1. La canne à sucre est la principale culture des Outre-mer en termes de surfaces.19 2.1.2. La banane antillaise destinée à l'exportation est une filière bien structurée........20 2.1.3. Les cultures de diversification végétale sont très variées et peu organisées..........21 2.2. L'utilisation des produits phytosanitaires dans les cultures ultramarines.....................21 2.2.1. Les cultures d'Outre-mer sont dans un contexte phytosanitaire particulier..........21 2.2.2. Les ventes de produits phytosanitaires dans les Outre-mer..........................................22 2.2.3. Les quantités de substances phytopharmaceutiques utilisées dans les différentes productions........................................................................................................................................26 2.2.4. Les techniques disponibles pour diminuer l'utilisation des produits phytosanitaires et les résultats obtenus.................................................................................28 3. L'extension des CEPP aux Outre-mer nécessite d'adapter le dispositif et de l'accompagner.............................................................................................................................36 3.1. Le dispositif des CEPP doit être adapté aux spécificités des outre-mer...........................36 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 1/137 PUBLIÉ 3.1.1. Une partie des actions standardisées déjà publiée peut s'appliquer en Outre-mer .................................................................................................................................................................36 3.1.2. Des actions standardisées spécifiques sont à élaborer pour les cultures tropicales .................................................................................................................................................................37 3.1.3. L'évaluation des actions standardisées pourrait être adaptée.....................................38 3.1.4. Les distributeurs devraient pouvoir contribuer à des programmes..........................40 3.1.5. La période pour établir l'obligation de réalisation des actions d'économies de phytosanitaires serait de quatre ans.......................................................................................40 3.1.6. Peu nombreux dans les Outre-mer, tous les distributeurs seront obligés du dispositif de CEPP............................................................................................................................41 3.1.7. L'obligation en fin de période pour les Outre-mer sera déterminée en référence à la méthode utilisée pour déterminer l'obligation nationale.........................................42 3.1.8. La gestion des CEPP ultramarins pourra suivre le cadre national sauf en ce qui concerne les cessions entre obligés..........................................................................................44 3.2. Les points d'attention et les mesures d'accompagnement indispensables qui conditionnent la mise en oeuvre du dispositif des CEPP en Outre-mer...........................45 3.2.1. Soutenir le réseau d'expérimentation et d'appui technique..........................................45 3.2.2. Renforcer la formation sur les techniques alternatives aux phytosanitaires.........46 3.2.3. Utiliser la conditionnalité des aides pour favoriser l'adoption des actions de réduction des phytosanitaires....................................................................................................46 3.2.4. Renforcer les contrôles sur les achats et les utilisations des produits phytosanitaires.................................................................................................................................48 3.2.5. Assurer dans chacun des Outre-mer un suivi collectif du dispositif des CEPP.......48 3.2.6. Évaluer l'efficacité du dispositif des CEPP sur l'utilisation des phytosanitaires...49 Conclusion........................................................................................................................................51 Annexes..............................................................................................................................................53 1. Lettre de mission........................................................................................................................55 2. Liste des personnes rencontrées..........................................................................................57 3. Le dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE).............................................62 4. Les ventes et la distribution des produits phytosanitaires dans les Outre-mer. 63 4.1. Les ventes de produits phytopharmaceutiques semblent diminuer dans les DOM à la différence de la métropole.................................................................................................................63 4.1.1. Les ventes de produits phytosanitaires ne diminuent pas à l'échelle nationale....63 4.1.2. La collecte des données de ventes est propre à chacun des DROM.............................65 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 2/137 PUBLIÉ 4.1.3. Même si les ventes diminuent, les DROM restent d'importants consommateurs d'herbicides par hectare...............................................................................................................66 4.2. Les distributeurs de produits phytosanitaires...........................................................................72 4.2.1. Le secteur du négoce privé est majoritaire dans la vente des produits phytosanitaires.................................................................................................................................72 4.2.2. Les coopératives ont une activité plus étendue que la distribution de produits phytosanitaires.................................................................................................................................73 4.3. Les impacts liés à l'utilisation des produits phytosanitaires................................................74 4.3.1. Les ventes de substances actives par classe de risque......................................................74 4.3.2. Les indicateurs de pression sur la qualité des eaux...........................................................74 4.4. Les ventes et les utilisations des substances actives dans les différents Outre-mer...79 4.4.1. La Martinique....................................................................................................................................79 4.4.2. La Guadeloupe...................................................................................................................................84 4.4.3. La Réunion..........................................................................................................................................85 5. Les productions agricoles dans les Outre-mer et l'utilisation des phytosanitaires...........................................................................................................................86 5.1. La canne à sucre......................................................................................................................................88 5.1.1. La première culture en termes de surfaces...........................................................................88 5.1.2. L'utilisation des produits phytosanitaires ne semble pas diminuer en culture de canne à sucre.....................................................................................................................................90 5.1.3. L'enjeu des herbicides.....................................................................................................................91 5.2. La culture de la banane........................................................................................................................95 5.2.1. L'évolution des ventes de produits phytosanitaires liées à la filière « banane »....96 5.3. Les filières de diversification végétale........................................................................................100 6. Les résultats obtenus en matière de réduction de l'usage des phytosanitaires par les réseaux DEPHY mis en place dans les Outre-mer.........................................101 6.1. Les réseaux de fermes DEPHY........................................................................................................101 6.1.1. Les réseaux par culture et leurs résultats...........................................................................102 6.2. Les sites EXPE........................................................................................................................................109 6.2.1. Canne à sucre à La Réunion......................................................................................................109 6.2.2. Maraîchage de plein champ à La Réunion.........................................................................109 6.2.3. Systèmes diversifiés ultramarins en Guadeloupe.............................................................109 6.2.4. Horticulture à La Réunion.........................................................................................................110 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 3/137 PUBLIÉ 7. Les techniques pour réduire l'utilisation des phytosanitaires en Outre-mer...111 7.1. La culture de la banane......................................................................................................................111 7.1.1. L'utilisation des phytosanitaires a diminué........................................................................111 7.1.2. Plusieurs techniques sont disponibles pour réduire l'usage des herbicides et fongicides..........................................................................................................................................112 7.1.3. Des techniques nouvelles offrent un potentiel...................................................................116 7.2. La culture de la canne.........................................................................................................................117 7.2.1. L'enjeu des traitements herbicides.........................................................................................117 7.2.2. Les alternatives aux herbicides...............................................................................................118 7.2.3. Les perspectives limitées de la culture biologique de la canne..................................120 7.3. Les cultures de diversification........................................................................................................121 7.3.1. L'utilisation des produits phytosantaires reste modérée compte tenu du contexte climatique.........................................................................................................................................121 7.3.2. Les mesures pour réduire les usages des phytosanitaires............................................122 8. Des actions standardisées éligibles aux CEPP adaptées aux Outre-mer.............126 8.1. Des CEPP sont attribués après mise en oeuvre d'actions standardisées.......................126 8.2. Une partie des actions standardisées déjà éligibles à l'attribution de CEPP pourrait être appliquée dans les Outre-mer, le cas échéant après adaptation.............................128 8.2.1. Les actions applicables sans modifications........................................................................128 8.2.2. Les actions applicables sous réserve d'adaptations.......................................................129 8.3. Des actions standardisées spécifiques aux Outre-mer sont à élaborer.........................130 8.3.1. Les actions adaptées aux Outre-mer inspirées d'actions déjà labellisées.............130 8.3.2. Les actions dont la mise en oeuvre serait spécifique aux Outre-mer.......................130 8.4. Des adaptations sont à apporter au processus des fiches actions...................................132 8.5. L'intérêt des programmes.................................................................................................................134 9. Glossaire des sigles et acronymes......................................................................................136 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 4/137 PUBLIÉ Résumé Largement inspiré du dispositif de certificats d'économie d'énergie (CEE), le dispositif des certificats d'économie de produits phytosanitaires (CEPP) est expérimenté en métropole depuis 2016. Il ambitionne de favoriser la réduction de l'utilisation de ces produits que le premier plan ECOPHYTO, arrivé à terme en 2015, n'avait pas permis d'enregistrer. Il repose sur des actions standardisées à la mise en oeuvre desquelles sont attachées des espérances de réduction d'utilisation de produits phytosanitaires estimées, par une commission spécialisée d'experts, en unités de compte : nombre de doses unités (NODU). À un NODU économisé correspond globalement un CEPP. Si dans le dispositif expérimental, tous les acteurs de la sphère agricole sont fondés à soumettre des fiches actions, ce sont aux distributeurs de produits phyto pharmaceutiques qualifiés d'«obligés» du dispositif que sont fixés, au terme d'une période de cinq ans donnée, des objectifs de diffusion de ces actions. Leur réalisation permet aux obligés d'obtenir des CEPP acquis soit directement via les actions qu'ils mettent en oeuvre directement soit indirectement auprès des acteurs non distributeurs du dispositif qualifiés d'« éligibles ». La non atteinte des objectifs en fin de période se traduit par une sanction financière à l'encontre des « obligés ». À la fin de la période expérimentale fixée au 31 décembre 2021, le dispositif de CEPP devait être évalué. L'adoption de la loi EGALIM du 30 octobre 2018 a sensiblement modifié cette programmation en prévoyant notamment la pérennisation du dispositif CEPP avant la fin de la période expérimentale, sans son évaluation, et en l'étendant aux Outre-mer. C'est par ordonnance prise au cours de la mission de préfiguration aux Outre-mer du dispositif CEPP confiée au CGEDD et au CGAAER, que les contours du nouveau dispositif ont été arrêtés en modifiant la nature et l'économie. Il étend notamment la notion d'« obligés », supprime celle d'« éligibles » et modifie le régime de sanctions en cas de non-respect des obligations. Dans ce contexte mouvant, l'extension aux Outre-mer du dispositif CEPP se doit d'être appréhendée au regard de la spécificité de la production agricole de ces territoires, de leur consommation globale de produits phytosanitaires, des modes de distribution de ces produits et des alternatives existantes à leur usage. La production agricole Outre-mer est d'abord une production en milieu tropical de plantes soit tropicales soit issues d'autres milieux. Il en résulte des problématiques propres s'agissant de la conduite des cultures et de leur protection vis-à-vis de leurs concurrents - adventices par exemple ou de leurs ennemis. Ces particularités font que si, voisine de 335 tonnes en 2017, la consommation globale de produits phytopharmaceutiques peut apparaître modeste au regard de la consommation métropolitaine d'environ 73 000 tonnes, rapportée à l'unité de surface agricole, elle place certains départements, la Réunion par exemple, dans le trio de tête des plus gros consommateurs français d'herbicides. Cette réalité comme la sensibilité des populations Outre-mer à la question phytosanitaire plaide pour une action déterminée de réduction de l'usage de ces produits que certaines filières, à l'image de la filière banane, ont d'ailleurs engagé avec succès depuis plusieurs années. La situation est plus complexe dans la filière canne à sucre où la lutte contre l'enherbement reste problématique et pour les cultures de diversification ne relevant pas de filières organisées et souffrant souvent d'un manque de formation des agriculteurs. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 5/137 PUBLIÉ La distribution de produits phytosanitaires est, par ailleurs, dans ces territoires le fait d'un nombre limité d'acteurs, certains attachés à une filière voire, au sein d'une filière, à une catégorie de produits et avec des rapports au conseil très différenciés. Ceci emporte bien entendu des conséquences sur la capacité de ces distributeurs à intégrer des objectifs de réduction de distribution de produits phytopharmaceutiques. Enfin, les alternatives à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques sont variables selon les filières et selon les protections que les agriculteurs souhaitent apporter. L'absence actuelle de variétés de bananiers résistants à la cercosporiose noire aux Antilles rend, par exemple, incertaine à court terme la diminution de l'usage de fongicides pour lutter contre cette maladie. Ce paysage contrasté fait qu'il n'est pas envisageable de transposer en l'état aux Outre-mer le dispositif de certificats d'économie de produits phytosanitaires expérimenté en métropole et en cours de révision. Des adaptations devront, en conséquence, lui être apportées. S'il existe par exemple quelques actions standardisées à caractère générique retenues dans le dispositif métropolitain susceptibles d'être adoptées en Outre-mer à l'image de produits de biocontrôle ou de pulvérisateurs plus performants, l'évaluation de l'espérance de diminution de produits phytosanitaires à laquelle elles pourraient conduire en milieu tropical reste à réaliser et à organiser. C'est également à l'élaboration d'un catalogue d'actions propres aux cultures tropicales qu'il faudra s'atteler dans les meilleurs délais, si possible avant fin 2019. Qu'il s'agisse des actions génériques ou propres, c'est, dans le prolongement, à une commission technique intégrant des compétences tropicales qu'il faudra confier le soin d'estimer les économies potentielles de produits phytosanitaires exprimées en NODU à attendre de ces actions. Au-delà, il conviendra que des programmes transversaux de formation, de recherche et de diffusion de l'innovation puissent faire l'objet d'attribution de CEPP. Les objectifs de réduction de la distribution de produits phytosanitaires estimés en NODU devront alors concerner l'ensemble des distributeurs, mais être définis, en s'inspirant de la méthodologie retenue pour la métropole, en concertation avec les acteurs concernés. Ils devraient valoir pour une première période test de quatre ans à courir à partir de 2022. La gestion du dispositif adapté gagnera enfin à être connectée au système métropolitain, mais les échanges de CEPP entre obligés ne devraient concerner que les acteurs d'un même département d'Outre-mer (DROM) dans la mesure où les impacts des produits phytosanitaires sont territorialisés. Il reste que ces adaptations du dispositif CEPP aux Outre-mer n'auront de sens que jumelées à des mesures d'accompagnement fortes. Elles concerneront notamment l'appui au réseau d'expérimentation et d'appui technique, le renforcement de la formation sur les techniques alternatives aux produits phytosanitaires, l'instauration d'une conditionnalité « phytosanitaire » à l'octroi de certaines aides du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), le suivi collectif et l'évaluation en continu des dispositions arrêtées. C'est à ces conditions qu'au moins aux Antilles et à la Réunion, une extension du dispositif CEPP pourrait être envisagée. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 6/137 PUBLIÉ Liste des recommandations Recommandation 1.Lancer avant la fin 2019 un appel à proposition d'actions standardisées propre aux Outre-mer ; faire évaluer ces propositions par la commission d'évaluation existante complétée par des experts des cultures tropicales. La commission vérifiera que les dotations de CEPP de la douzaine d'actions standardisées déjà publiées et applicables dans les Outre-mer sont pertinentes en conditions tropicales..................................................................................39 Recommandation 2.Examiner la faisabilité de lancer, dans tout ou partie des Outre-mer, des programmes (formation, innovation, contrôle des équipements...) éligibles aux CEPP, en complément des actions standardisées.40 Recommandation 3.Après avoir clarifié la situation des distributeurs mahorais, notifier à tous les distributeurs exerçant dans les Outre-mer le nombre de CEPP à acquérir au terme d'une première période test de quatre ans. Le niveau de l'obligation et sa répartition éventuelle entre famille de produits seront déterminés après concertation avec les acteurs concernés.......................................43 Recommandation 4.La gestion des CEPP ultramarins s'inscrira dans le processus national. Cependant, à la différence de la métropole, un obligé ne pourra acquérir des CEPP qu'auprès d'autres obligés exerçant leur activité de distribution dans le même DROM........................................................................................44 Recommandation 5.Lier l'extension du dispositif des CEPP en Outre-mer à l'adoption de mesures d'accompagnement fortes. Conditionner par exemple une partie des aides publiques, notamment du POSEI, à la mise en place d'actions visant à réduire l'utilisation des produits phytosanitaires. Renforcer la formation et soutenir financièrement, via les aides nationales et le FEADER, les actions d'expérimentation et de diffusion des techniques alternatives aux pesticides......................................................................................................................................48 Recommandation 6.Mettre en place dans chacun des Outre-mer un dispositif de suivi des CEPP inscrit dans le comité d'orientation stratégique et de développement agricole (COSDA) et associant l'ensemble des parties prenantes. Procéder en fin de période d'obligation à une évaluation de l'impact des CEPP sur l'utilisation effective des produits phytosanitaires et en tirer les conséquences en matière de pérennisation du dispositif...........................................50 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 7/137 PUBLIÉ Introduction Depuis le Grenelle de l'environnement, les pouvoirs publics mettent en oeuvre des politiques visant à réduire l'utilisation des produits phytosanitaires. Le premier plan Écophyto n'a pas atteint cet objectif. Il a été alors décidé d'instituer un dispositif plus contraignant de certificats inspiré d'une mesure déjà mise en oeuvre dans le secteur de l'énergie. C'est ainsi qu'un dispositif de certificats d'économie de produits phytosanitaires (CEPP) est expérimenté en métropole depuis 2016. Une loi votée en 2018 a prévu de pérenniser le dispositif sur l'ensemble du territoire national et d'étendre son application aux Outre-mer. Par lettre du 26 novembre 2018, les ministres en charge de la transition écologique et solidaire, de l'agriculture et de l'alimentation, ainsi que des Outre-mer, ont chargé le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de conduire une mission conjointe dans le but de préparer l'application du dispositif des CEPP pérennisé dans les Outre-mer. La lettre de mission (annexe 1) demande notamment d'identifier les adaptations nécessaires du dispositif en vigueur pour prendre en compte les spécificités des Outre-mer dans les textes réglementaires et dans l'organisation technique et administrative. En raison de contraintes matérielles, les missionnaires n'ont pas été en mesure de se rendre dans les différents départements ultramarins pour mener à bien cette mission, ce qui aurait été souhaitable. Ils ont néanmoins pu rencontrer certaines parties prenantes concernées des Outre-mer à l'occasion de déplacements qu'elles ont effectués en métropole et sinon lors de séances en visio-conférence. Que tous ceux qui ont bien voulu apporter leur contribution et qui sont répertoriés en annexe 2 soient ici remerciés pour leur disponibilité. Dans un premier temps, le présent rapport rappelle la genèse et le concept des CEPP ainsi que les modalités de mise en oeuvre de son expérimentation en métropole. Ensuite, il présente les productions agricoles ultramarines, les ventes et les utilisations des produits phytosanitaires sur les différentes cultures. Enfin, le rapport formule des propositions sur les modalités et les conditions de l'extension du dispositif des CEPP dans les Outre-mer. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 8/137 PUBLIÉ 1. Le dispositif expérimental de certificats d'économies de produits phytosanitaires va être pérennisé et étendu aux Outre-mer Le dispositif de certificats d'économies de produits phytosanitaires (CEPP) a été expérimenté en métropole dans le cadre du deuxième plan Écophyto. Il est appelé à devenir pérenne sur l'ensemble du territoire national et donc à s'appliquer dans les Outre-mer. 1.1. Un dispositif expérimenté en métropole 1.1.1. Un dispositif inspiré des certificats d'économie d'énergie qui s'inscrit dans le plan Écophyto 2 La mise en place des certificats d'économies de produits phytosanitaires a été recommandée en 2013 par une mission conjointe du CGAAER, du CGEDD et de l'Inspection générale des finances (IGF) relative à la fiscalité des produits phytosanitaires1. Un tel dispositif de régulation par les quantités était considéré comme une alternative ou un complément à une taxe pour résoudre le problème des externalités négatives associées à l'usage des phytosanitaires. Ce dispositif s'inspirait de celui des certificats d'économie d'énergie (CEE) mis en place depuis 2006 pour contribuer à la maîtrise de l'énergie dans tous les secteurs de l'économie et présenté en annexe 3. Les modalités pratiques de fonctionnement d'un dispositif de CEPP ont été proposées par une mission conjointe IGF-CGAAER-CGEDD dont le rapport a été publié en juillet 2014 2. Le dispositif expérimental de CEPP s'inscrivait dans le cadre de l'élaboration d'une nouvelle version du plan Écophyto pour la période 2016-2021 préparée par une mission confiée par le Premier ministre au député Dominique Potier qui a recommandé que l'expérimentation de ces certificats soit mise en place comme un des moyens pour accélérer la diffusion des techniques de réduction des usages des pesticides3. La mise en place de l'expérimentation des CEPP a été inscrite dans l'article 55 de la loi d'avenir n° 2014-1170 pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAF) adoptée par le parlement le 13 octobre 2014. Le plan Écophyto 2, publié le 20 octobre 2015, a prévu dans son axe 1 que le dispositif expérimental de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques serait mis en place dans tout l'hexagone pour cinq ans à compter de 2016. À l'époque, la plupart des observateurs ont considéré les CEPP comme la principale nouveauté et le fer de lance du plan Écophyto 2 dans la mesure où il s'agit de la seule mesure fixant une obligation. 1 Rapport n° 2013-M-044-03 pour l'IGF, n° 13065 pour le CGAAER et n° 008976-01 pour le CGEDD. CGAAER-CGEDD-IGF, Préfiguration de la mise en oeuvre des certificats d'économie de produits phytosanitaires en agriculture (CEPP), juillet 2014. POTIER Dominique, Rapport au Premier ministre, Pesticides et agroécologie, les champs du possible, novembre 2014. 2 3 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 9/137 PUBLIÉ Le dispositif expérimental des CEPP a été encadré par l'ordonnance n° 2015-1244 du 7 octobre 2015 précisée par le décret n° 2016-1166 du 26 août 2016. L'expérimentation est ainsi entrée dans sa phase opérationnelle en septembre 2016. Cependant, le 28 décembre 2016, le Conseil d'État a annulé l'ordonnance du 7 octobre 2015 pour des motifs de procédure. Le Parlement a rapidement rétabli le dispositif en adoptant, le 20 mars 2017, la loi n° 2017-348 relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du bio-contrôle dont l'article 11 fixe de manière plus complète le cadre législatif de l'expérimentation des CEPP. Les modalités précises de mise en oeuvre des nouvelles dispositions législatives ont été fixées dans le décret n° 2017-590 du 20 avril 2017. 1.1.2. L'expérimentation des CEPP a été engagée en métropole L'expérimentation en métropole d'un dispositif de certificats d'économie de produits phytosanitaires a été mise en place pour une période allant du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2022. Les personnes concernées par l'expérimentation sont celles qui vendent, en métropole, à des utilisateurs professionnels, des produits phytopharmaceutiques utilisés à des fins agricoles, à l'exception des traitements de semences, des produits de biocontrôle et des produits utilisés exclusivement dans le cadre des programmes de lutte obligatoire. Ces personnes, dénommées les « obligés », sont tenues de mettre en place, dans les exploitations agricoles, des actions reconnues visant à la réalisation d'économies de produits phytopharmaceutiques ou de faciliter la mise en oeuvre de telles actions. Les personnes, autres que les obligés, qui exercent une activité de conseil aux agriculteurs et qui mettent en place des actions labellisées visant à la réalisation d'économies de produits phytopharmaceutiques peuvent obtenir en contrepartie des CEPP sur la base du volontariat. Ces personnes sont dénommées les "éligibles". Les personnes, autres que les obligés, qui exercent une activité de conseil aux agriculteurs et qui mettent en place des actions labellisées visant à la réalisation d'économies de produits phytopharmaceutiques peuvent obtenir, en contrepartie, des CEPP sur la base du volontariat. Ces personnes sont dénommées les « éligibles ». Les CEPP sont attribués après mise en oeuvre d'actions standardisées. Les actions concourant aux économies de produits phytopharmaceutiques réalisées par les obligés ou les éligibles sont conformes à des actions standardisées qui peuvent être proposées par tous les acteurs qui le souhaitent4. 4 Les premières fiches actions ont été proposées par des acteurs économiques qui y voyaient des opportunités de marché (presque toutes les solutions disponibles de biocontrôle ont été labellisées) et se trouvaient sous la pression des distributeurs qui menaçaient de ne pas référencer des solutions « non CEPP compatibles ». Les instituts techniques se sont peu mobilisés pour des raisons « politiques », mais par exemple Terre Inovia a proposé des actions concernant les légumineuses sous couvert du colza, à la demande des professionnels. Des coopératives ou négoces tournés vers l'agroécologie ont également produit des fiches actions et des chambres d'agriculture commencent à le faire. Par exemple, la chambre d'agriculture des Hauts-de-France propose à partir d'un Dephy Expé de fournir une panoplie d'actions techniques aux acteurs qui vont faire le conseil stratégique. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 10/137 PUBLIÉ Entre juin 2015 et fin décembre 2018, 293 fiches de propositions d'actions élémentaires ont été reçues dont 165 émanant de structures de biocontrôle, 36 de coopératives ou du négoce, 34 d'instituts techniques et 15 d'entreprises d'agroéquipement. Les propositions d'actions sont soumises à un comité d'évaluation indépendant mis en place en 2015 et composé majoritairement d'experts venant des organismes scientifiques et notamment de l'Institut national agronomique (INRA). La mission n'a pas constaté que des experts ayant une pratique de terrain (conseillers en retraite par exemple) soient associés au comité d'évaluation, ce qui permettrait de bénéficier du retour d'expérience des réalités du terrain. Le nombre de CEPP attribué à la mise en place de l'action est fonction de son potentiel de réduction de l'usage et de l'impact des produits phytopharmaceutiques, de sa facilité de mise en oeuvre, de son bilan économique et de son potentiel de déploiement5. De façon générale, l'obtention d'un CEPP correspond à la diminution attendue d'une dose NODU par une pratique. Les actions qui ont un fort impact peuvent bénéficier d'un bonus de CEPP6. Au sein du comité d'évaluation, les experts se sont accordés assez facilement sur les volumes de CEPP à attribuer à une action donnée, en fonction de la littérature et de retours d'expériences. La difficulté principale vient des variations liées aux contextes géographiques. Les experts de profil scientifique ont exprimé des craintes sur les incertitudes associées aux modalités de mise en oeuvre des actions et ils cherchent à éviter les effets d'aubaine 7. De ce fait, ils ont eu tendance à attribuer des volumes de CEPP minorés et ils peuvent être conduits à réviser le nombre de CEPP attribué à une action. Au début de ses travaux, en 2015, la commission demandait aux acteurs qui proposaient des actions standardisées de convertir en NODU les économies de produits phytosanitaires induites par chaque pratique et exprimées en IFT8. La conversion se basait sur une publication de Urruty et al. qui fournit des taux de conversion des IFT en NODU qui sont supérieurs à 1 9. Ce ratio est lié au fait que les produits commerciaux, bases de calcul de l'IFT, peuvent contenir plusieurs molécules de substances actives et donc qu'une application de produit commercial représente en réalité parfois plus d'une 5 Deux arrêtés du 27 avril 2017 définissent, d'une part, la méthodologie de calcul et la valeur des doses unités de référence des substances actives phytopharmaceutiques et, d'autre part, la méthodologie d'évaluation des actions standardisées d'économie de produits phytopharmaceutiques. L'attribution d'une valeur de CEPP est faite selon une notion de « bienveillance » comparable à celle prise en compte dans la procédure d'évaluation d'un médicament (le médicament s'insère dans une procédure de soins et apporte une valeur grande, moyenne, petite au patient, méritant son remboursement ou non). La transposition de cette approche en agronomie fait qu'au-delà de l'homologation, les experts s'intéressent au service agronomique rendu pour la protection des cultures. Selon le président du comité d'évaluation, les effets d'aubaine (valorisation de pratiques déjà mises en place) sont estimés à 10 % du volume de CEPP attribués en 2017 (biocontrôle, variétés). L'indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires (IFT) est un indicateur de suivi de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques qui comptabilise le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d'une campagne culturale. Cet indicateur peut être calculé pour un ensemble de parcelles, une exploitation ou un territoire. Il peut également être décliné par grandes catégories de produits (herbicides, fongicides, insecticides et acaricides, autres produits). Nicolas Urruty, Jean Boiffin, Hervé Guyomard, Tanguy Deveaud, Usage des pesticides en agriculture : effets des changements d'usage des sols sur les variations de l'indicateur NODU, NESE n° 39, avril 2015, pp. 165-185 6 7 8 9 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 11/137 PUBLIÉ dose maximale de substances actives sur un hectare (NODU). Pour autant, les coefficients sont assez proches de 110. Ces conversions d'IFT en NODU induisaient une incompréhension dans la mesure où toutes les fiches soumises à l'avis de la commission présentaient des économies de produits phytosanitaires en IFT. Il était contraignant et artificiel pour les auteurs de les convertir en NODU puisqu'ils décrivaient toujours des usages précis sur des cultures précises. Par ailleurs, le tableau fourni par Urruty et al. ne comporte pas l'ensemble des cultures d'ores et déjà représentées dans les actions CEPP. La commission a donc décidé de retenir l'IFT pour le calcul de la valeur en CEPP, considérant que cet indicateur est le plus représentatif de la valeur d'effet de la pratique pour l'usage considéré. 1.1.2.1. 49 actions standardisées sont actuellement publiées Début 2019, 49 actions standardisées avaient été approuvées par arrêté ministériel11. Elles portent sur des produits de bio contrôle, des variétés résistantes ou tolérantes aux bio agresseurs, des outils d'aide à la décision, le conseil ou l'investissement dans du matériel permettant de limiter sensiblement ou d'éviter le recours aux produits phytopharmaceutiques et la mise en place de nouvelles pratiques agronomiques pour des systèmes de cultures économes. Les actions peuvent être spécifiques à une culture ou plus génériques. Elles couvrent l`ensemble des systèmes de cultures présents en France métropolitaine : 28 les grandes cultures, 18 la viticulture, 16 les cultures légumières, 14 l'arboriculture, 11 l'horticulture. Pour chaque action standardisée sont définis la nature de l'action, les pièces justifiant de la réalisation de l'action à transmettre à l'occasion de la demande de CEPP, celles à archiver et à tenir à la disposition des agents chargés des contrôles, le nombre de CEPP auquel elle ouvre droit annuellement et, le cas échéant, le nombre d'années durant lesquelles l'action ouvre droit à la délivrance de certificats. La définition des éléments de preuve est parfois difficile lorsqu'il n'y a pas de factures (dates de semis, mulch...) ou des détournements possibles (paillage utilisable pour des usages autres que l'activité agricole). 1.1.2.2. Les obligations assignées aux distributeurs L'obligation pour chaque distributeur, exprimée en nombre de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, est déterminée pour les obligés qui ont réalisé au moins cinq années civiles complètes de vente au 31 décembre 2015, sur la base de la moyenne des ventes de la période 2011 à 2015 en excluant l'année au cours de laquelle les ventes ont été les plus faibles et l'année au cours de laquelle elles ont été les plus élevées, telles qu'enregistrées dans la banque nationale des ventes réalisées par les distributeurs de produits phytosanitaires (BNV-D), administrée par l'Ineris pour 10 Tous produits phytosanitaires confondus, le coefficient est de 1, 1 pour le blé dur, l'orge, le maïs grain et la vigne et de 1,2 pour le blé tendre et le colza. L'écart le plus important est relevé pour les produits autres (non herbicides, non fongicides, non insecticides) avec un coefficient de 1,4. Le comité d'évaluation a effectué un important travail préalablement à la mise en place opérationnelle des fiches (définition, format, auteur, type de document, granulométrie, regroupement...). Sur près de 300 propositions d'actions, la moitié a été acceptée puis regroupée sur des thématiques (ex : la fiche « soufre » regroupe huit propositions). 11 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 12/137 PUBLIÉ l'Agence française pour la biodiversité au titre de la redevance pour pollutions diffuses 12. Les données de vente sont ensuite exprimées en nombre de doses unités (NODU) qui est l'indicateur de suivi du plan Écophyto. L'obligation de réalisation d'actions de chaque obligé au terme de la période d'expérimentation qui se termine le 31 décembre 2021 est égale à 20 % de sa référence des ventes. En 2017, 1 157 entreprises étaient obligées du dispositif de CEPP pour un total de 16,6 millions d'obligations de certificats à obtenir par la mise en place d'actions standardisées. Les 50 premières entreprises représentent 52 % des obligations de l'ensemble des obligés. Plus de 80 % des obligations portent sur les 200 distributeurs les plus importants. 1.1.2.3. Après un démarrage satisfaisant, le dispositif plafonne Les demandes de délivrance de CEPP sont faites via un téléservice au plus tard trois mois après la fin de l'année de mise en oeuvre de l'action correspondante. La comptabilité des certificats obtenus par chaque obligé ou éligible est tenue par leur inscription au registre national informatisé des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques géré directement par la direction générale de l'alimentation (DGAL)13. À compter de 2018, le ministre chargé de l'agriculture publie chaque année, avant le 1er juillet, un bilan de la mise en oeuvre de l'expérimentation du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques au cours de l'année précédente. En complément, un dispositif de suivi annuel individuel des actions réalisées a été mis en place dès la première année afin de vérifier le respect d'une trajectoire de réduction compatible avec l'obligation fixée. Au titre de 2017, première année pleine de fonctionnement du dispositif avec une vingtaine d'actions standardisées agréées, 398 entreprises ont fait des déclarations, ce qui représente 11 % des obligés. Ces entreprises ont obtenu 1,8 million de CEPP, soit 16 % de leurs obligations à l'horizon 2021. Toutefois, sur l'ensemble des entreprises obligées, les CEPP obtenus représentent seulement 10,8 % de l'obligation totale. Il n'y a pas de différence significative selon la taille des entreprises14. Trois actions standardisées ont fourni les deux tiers des CEPP délivrés15. Pour l'année 2018, 308 obligés différents ont déclaré 2 432 actions correspondant à une demande de 2,1 millions de CEPP. Six actions standardisées ont fourni les deux tiers des CEPP. Il est probable qu'à 12 Pour les obligés qui n'ont pas réalisé cinq années civiles complètes de vente au 31 décembre 2015, la référence des ventes est égale à la moyenne des ventes des années civiles entières d'activité, en excluant les valeurs nulles. Pour les obligés qui n'ont pas d'année complète de vente au 31 décembre 2015 et qui ont réalisé au moins une année complète de vente au 31 décembre 2018, la référence des ventes est égale à la moyenne des ventes des années civiles complètes d'activité sur la période 2016 à 2018, en excluant les valeurs nulles. À la fin de la campagne d'enregistrement pour l'année 2017 aucune entreprise de conseil ne participait au dispositif en qualité d'éligible. Les 50 premières entreprises ont acquis 12 % de leurs obligations à horizon 2021, les 51e à 200 e entreprises 9 % et les entreprises suivantes 10 %. 31 % des CEPP correspondent à la lutte contre l'oïdium au moyen d'un produit de biocontrôle à base de soufre, 22 % à l'utilisation de variétés de blé tendre assez résistantes aux bioagresseurs à la verse, 13 % à la substitution de produits anti-limaces à base de métaldéhyde par des produits molluscides d'origine naturelle. 13 14 15 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 13/137 PUBLIÉ l'issue des vérifications, le nombre de CEPP attribué soit inférieur à celui de l'année 2017 16. Ce résultat traduit un repli significatif de la dynamique de mise en place du dispositif alors que les actions standardisées disponibles sont plus nombreuses. Ce repli pourrait s'expliquer par une certaine démobilisation des distributeurs dans le contexte d'incertitude sur la compatibilité entre les CEPP et la séparation des activités de vente et de conseil. Certains distributeurs n'ont également sans doute pas perçu l'intérêt ni la nécessité de procéder à des déclarations d'actions leur permettant d'obtenir des CEPP qui ne compteront plus pour satisfaire leur obligation en 2021 à la suite de l'arrêt de l'expérimentation (voir ci-après). 1.1.2.4. Une pénalité financière dans le cas où l'objectif ne serait pas atteint En fin de période d'expérimentation, les obligés devaient justifier de l'accomplissement de leurs obligations soit par la production de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques obtenus par la mise en place d'actions visant à la réduction de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques, soit par l'acquisition de CEPP auprès d'autres obligés ou d'éligibles. À l'issue d'une procédure contradictoire, les obligés qui, au 31 décembre 2021, fin de la période d'expérimentation, n'auraient pas satisfait à l'obligation qui leur avait été notifiée étaient censés verser au Trésor public une pénalité proportionnelle au nombre de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques manquants pour atteindre l'objectif17. Le montant unitaire de la pénalité forfaitaire par CEPP manquant par rapport à l'obligation notifiée à un obligé était fixé à cinq euros. 1.1.2.5. Des contrôles sont réalisés sur l'effectivité des actions déclarées La plupart des demandes de délivrance de CEPP par les obligés s'effectue sans transmission de documents justificatifs qui doivent être conservés par l'entreprise en cas de contrôle. De ce fait, la réalisation de contrôles est essentielle pour garantir l'efficacité du dispositif. Effectués par les services régionaux de l'alimentation des directions régionales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt, les contrôles ont pour objet de vérifier l'existence et la cohérence des pièces justificatives énoncées dans l'action standardisée ayant conduit à la délivrance de CEPP18. Ils portent sur un panel représentatif de la diversité des actions mises en oeuvre par l'entreprise contrôlée. Les contrôles CEPP sont généralement menés conjointement avec ceux portant sur la mise en marché et l'utilisation des intrants dans le domaine des productions végétales. Sur 46 contrôles réalisés en 2018, 20 cas de non-conformité ont été constatés. Les causes principales de non-conformités sont une déclaration supérieure au réalisé, une vente qui n'a pas été effectuée à 16 Toutes les actions déclarées n'étaient pas encore validées fin mai 2019. Une action représentant 388 000 CEPP (fiche 2017-009) devrait être invalidée, ce qui conduirait à accorder moins de 1,8 million de CEPP au titre de l'année 2018. Le montant total des sommes qu'une même personne physique ou morale peut être tenue de verser à ce titre ne peut excéder cinq millions d'euros. Un vade-mecum d'inspection en date du 24 octobre 2018 précise la méthodologie de contrôle pour chacune des actions standardisées et pour chaque point de contrôle. 17 18 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 14/137 PUBLIÉ un utilisateur final donc des quantités déclarées supérieures à la vente, une erreur de déclaration de produit ou une erreur de conversion. Après envoi du rapport de contrôle à la cellule CEPP de la direction générale de l'alimentation (DGAL), le nombre de CEPP détenus par l'obligé est diminué de l'écart constaté entre le nombre de certificats obtenus et le nombre de certificats correspondant à la réalité des justificatifs. Selon la note de service DGAL/SDQSPV/2019-359 du 30 avril 2019, une centaine de contrôles devrait être effectuée en 2019 avec une répartition régionale liée au nombre d'obligés. Au regard du taux élevé de non-conformités, l'augmentation du nombre de contrôles est justifiée. 1.1.2.6. L'évaluation prévue n'aura pas lieu Enfin, il était prévu par la loi du 20 mars 2017 sus-citée qu'une évaluation intermédiaire de l'expérimentation de l'obligation de mise en place d'actions visant à la réalisation d'économies de produits phytopharmaceutiques soit effectuée sur les bilans des années 2017 et 2018 et rendue publique avant le 1er janvier 2020. L'évaluation finale de l'expérimentation devait quant à elle être réalisée et rendue publique avant le 31 décembre 2022. Sans attendre l'évaluation intermédiaire, il a été décidé en 2018 par voie législative de pérenniser le dispositif des CEPP sur l'ensemble du territoire national. 1.2. Le dispositif des CEPP est pérennisé et étendu aux Outre-mer L'article 88 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous a habilité le gouvernement à légiférer par ordonnance dans un délai de six mois pour, d'une part, séparer les activités de vente et de conseil et, d'autre part, réformer le régime d'expérimentation des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques19. Pour ce qui concerne les CEPP, l'habilitation vise à transformer l'expérimentation en régime permanent à périodes successives, avec des adaptations, et à prévoir l'application du dispositif en Outre-mer. La consultation du public sur le projet d'ordonnance organisée en février 2019 n'a pas suscité de réactions issues des Outre-mer. Le texte de l'ordonnance a été adopté par le conseil des ministres le 10 avril 2019. L'ordonnance n° 2019-361 relative à l'indépendance des activités de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques a été publiée le 24 avril 2019. 19 L'ordonnance précise (article 1er ­ 2°) que l'incompatibilité entre la vente de produits phytosanitaires et le conseil ne fait pas obstacle à ce que les personnes qui exercent des activités de vente promeuvent, mettent en place ou facilitent la mise en oeuvre des actions visant à la réduction de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques dans le cadre du dispositif des CEPP. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 15/137 PUBLIÉ 1.2.1. Le périmètre des obligés est étendu L'ordonnance élargit le périmètre des obligés pour concerner l'ensemble des personnes mentionnées au IV de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, soit celles auprès desquelles la redevance pour pollutions diffuses est exigible. À, compter du 1 er janvier 2022, seront concernés, non seulement les distributeurs de produits phytopharmaceutiques lors de la vente à l'utilisateur final, mais également les prestataires de service en traitement de semences ainsi que les agriculteurs achetant des produits phytopharmaceutiques ou des semences traitées à l'étranger. L'ensemble des produits phytopharmaceutiques utilisables en agriculture sera ainsi concerné par l'obligation à l'exception des produits de biocontrôle20. Les ventes à des professionnels de produits pour des usages non agricoles sont également concernées. 1.2.2. Des obligations intermédiaires sont fixées Lors de l'expérimentation, l'obligation était fixée en fin de période, soit au 31 décembre 2021. Le dispositif étant devenu pérenne, mais la nouvelle période ne commençant qu'au 1 er janvier 2022, l'obligation doit être revue pour les années 2020 et 2021. Chaque obligé qui a réalisé au moins une année civile complète de vente au 31 décembre 2018 se verra ainsi notifier, avant le 31 décembre 2019, l'obligation de réalisation d'actions qui lui incombe pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020, puis pour la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021. L'obligation pour l'année 2020 est fixée à 12 % des ventes de référence, soit 60 % de l'obligation de 2021. Ensuite, à compter du 1er janvier 2022, la notification de l'obligation portera sur chaque période successive d'une durée fixée par décret en Conseil d'État, dans la limite de quatre ans et non plus de cinq ans comme dans l'expérimentation. Les obligés pourront dorénavant déclarer les actions mises en oeuvre pour obtenir des CEPP du 1er avril de l'année de mise en oeuvre de l'action correspondante jusqu'au 31 mars de l'année suivante, ceci afin d'éviter les chevauchements entre campagnes de rattachement pour les déclarations faites au premier trimestre. En 2019, 2020 et à l'issue de chaque période d'obligation de réalisation d'actions, un bilan de la mise en oeuvre du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques sera publié. Un premier décret sera pris rapidement notamment pour donner une base réglementaire à la notification auprès des obligés en métropole de leur obligation de réalisation d'actions au titre de l'année 2020 et de l'année 202121. Un autre décret sera élaboré dans un second temps pour traiter de la pérennisation à partir de 2022. Il devra préciser notamment les modalités de calcul des obligations pour l'ensemble des produits utilisables en agriculture, la durée des périodes pluriannuelles, la référence des ventes et l'objectif fixé. 20 Certains produits notamment certains désherbants qui ont des usages mixtes, portant à la fois sur des usages agricoles et des usages en jardin, sont actuellement exclus du dispositif expérimental faute de connaître leur destination. Ils seront inclus à partir de 2022 puisque leur usage sera uniquement professionnel. Les autres évolutions apportées par ce décret sont soit une mise en conformité avec l'ordonnance (suppression des éligibles, suppression de la pénalité financière), soit des ajustements techniques (période de déclaration, période d'échange de CEPP, cas des transferts partiels en cas de cession partielle d'activité). 21 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 16/137 PUBLIÉ 1.2.3. La notion d'éligible disparaît La catégorie des « éligibles » est supprimée, de même que l'évaluation du dispositif. De nombreux interlocuteurs de la mission regrettent que les conseillers qui vont se développer indépendamment des distributeurs ne puissent plus être considérés comme éligibles alors qu'ils seront des acteurs clés de la diffusion des actions standardisées d'économies de produits phytosanitaires. Plutôt que d'avoir un dispositif transparent d'échange de CEPP entre obligés et éligibles qui soit organisé sur la plate-forme de gestion des CEPP, il est probable que les transactions « grises » vont se multiplier entre distributeurs, conseillers et agriculteurs pour récupérer des justificatifs permettant d'obtenir des CEPP. 1.2.4. De nouvelles modalités qui restent à préciser, sanctionneront le non-respect des obligations L'évaluation de l'atteinte des obligations prévue au L. 254-2 s'appuie sur l'état du compte des obligés au 1er juillet de l'année qui suit la fin de la période d'obligation. En cas de non-respect de l'obligation notifiée d'acquisition de CEPP, la pénalité par CEPP manquant à l'échéance d'une période d'obligation de réalisation d'actions qui était prévue dans la phase d'expérimentation est supprimée. Elle sera remplacée par une évolution de la certification des entreprises agréées pour la vente ou l'application de produits phytosanitaires qui tiendra compte dorénavant des moyens mis en oeuvre pour atteindre les obligations fixées dans le cadre du dispositif des CEPP. De même, la certification des entreprises agréées pour le conseil tiendra compte de la contribution effective au dispositif des CEPP. L'abandon de la sanction financière est contestée par certaines parties prenantes qui y voient un risque pour l'efficacité, voire l'existence même du dispositif des CEPP22. Les modalités d'application de ces nouvelles dispositions qui ne figurent pas dans le premier décret d'application de l'ordonnance, devront être soigneusement précisées. Elles sont créatrices d'incertitude pour l'activité de distribution de produits phytosanitaires, mais également pour l'effectivité du respect de leurs obligations par les obligés du dispositif des CEPP. Il reste également à clarifier la sanction qui sera appliquée aux agriculteurs qui s'approvisionnent sans passer par un distributeur en cas de non-respect de leur obligation. Le non renouvellement voire la suspension du Certiphyto serait une modalité à examiner. 22 Le député Dominique Potier, qui a préfiguré le plan Écophyto 2 a indiqué le 22 mai 2019 qu'il formait un recours pour excès de pouvoir contre l'ordonnance du 24 avril 2019 dans la mesure où « A contrario des engagements exprimés à plusieurs reprises dans l'hémicycle, l'ordonnance, en supprimant toute sanction, renonce de fait aux CEPP, sans que cela ait fait l'objet d'un débat par le Parlement ». Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 17/137 PUBLIÉ 1.2.5. Le dispositif des CEPP sera étendu aux Outre-mer La mise en oeuvre dans les Outre-mer concernés (Guadeloupe, Martinique, Mayotte, La Réunion, Guyane) interviendra au plus tard le 1er janvier 202323. Les mesures d'adaptation aux conditions particulières de ces collectivités seront définies par décret. Le texte appelé à traiter des modalités de la pérennisation du dispositif des CEPP à partir de 2022 pourrait inclure les dispositions relatives à l'extension aux Outre-mer. Au terme de ses investigations et avant d'examiner les modalités selon lesquelles le dispositif des CEPP pourra être étendu aux Outre-mer, la mission craint que les ajustements apportés à l'occasion de la pérennisation du dispositif des CEPP n'en affaiblissent l'intérêt alors même qu'il était considéré comme le levier le plus efficace du plan Écophyto 2 pour contribuer effectivement à l'objectif de réduction de l'usage des phytosanitaires. Ainsi, la suppression des éligibles paraît peu opportune alors qu'est souhaité le développement d'un conseil indépendant. La suppression de la sanction financière en cas de non-respect de l'obligation d'acquisition de CEPP impose de déterminer rapidement et précisément la sanction qui sera appliquée aux distributeurs, ainsi qu'aux agriculteurs qui s'approvisionnent sans passer par un distributeur, en cas de non-respect de leur obligation d'obtention de CEPP. À défaut, la crédibilité du dispositif pérenne de CEPP en serait affectée. 23 L'article 3 du titre II de l'ordonnance indique que l'extension des CEPP ne s'applique pas à Saint-Martin. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 18/137 PUBLIÉ 2. L'utilisation des produits phytosanitaires productions agricoles ultramarines dans les 2.1. La production agricole des Outre-mer est dominée par les cultures tropicales L'agriculture ultramarine porte, d'une part, sur des cultures spécifiques aux Outre-mer (banane, canne à sucre, ananas...), le plus souvent pérennes ou à cycles pluriannuels, et, d'autre part, des cultures communes avec la métropole (légumes), mais produites dans les conditions du milieu tropical. La canne à sucre, les cultures de diversification maraîchères et fruitières, ainsi que la banane aux Antilles, sont les principales productions végétales des départements d'Outre-mer. Tableau 1 : Surfaces en 2017 des cultures végétales dans les Outre-mer (source : Agreste) SAU (ha) 22 000 30 239 42 000 32 724 8 717 135 680 Surfaces (ha) canne 3 915 12 400 22 700 157 39 172 % SAU 18 41 54 0 29 Surfaces (ha) banane 5 000 2 453 880 8 333 Surfaces (ha) % SAU diversification % SAU 23 3 644 17 8 3 412 11 5 300 13 3 13 380 41 6 460 74 6 32 196 24 Martinique Guadeloupe La Réunion Guyane Mayotte Total Le degré d'organisation des filières est très hétérogène, allant d'une structuration forte (une seule union de producteurs pour la banane destinée à l'exportation vers la métropole et l'Europe) à très faible (les cultures de diversification essentiellement écoulées sur le marché local) ou intermédiaire (canne), avec des variations selon les territoires. De ce fait, les dispositifs de conseil aux producteurs sont eux aussi hétérogènes. L'agriculture ultramarine bénéficie de plus de 600 millions d'euros de soutiens annuels de la part des pouvoirs publics européens et nationaux sous différentes formes (aides directes aux producteurs, allègements de charges, fiscalité réduite) pour permettre aux cultures des Outre-mer de rester rentables pour les producteurs malgré des coûts de main d'oeuvre plus élevés et des normes de production plus contraignantes que dans les pays tiers (voir annexe 5). 2.1.1. La canne à sucre est la principale culture des Outre-mer en termes de surfaces Principale culture des Outre-mer en termes de surfaces, la canne à sucre est principalement produite à La Réunion ainsi qu'aux Antilles. Elle occupe plus de la moitié de la surface agricole utile (SAU) de La Réunion et plus de 40 % en Guadeloupe (18 % en Martinique). La sucrerie utilise respectivement 95 % et 90 % des volumes produits à La Réunion et en Guadeloupe où les exploitations de petite taille (7,6 ha à La Réunion, 3,2 ha en Guadeloupe) ont généralement d'autres activités agricoles (élevage, maraîchage, horticulture). En revanche, en Martinique où 85 % de la production est destinée au rhum, les exploitations sont plus importantes (23,3 ha en moyenne). Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 19/137 PUBLIÉ La canne est importante pour l'économie des trois départements les plus concernés. Elle assure environ 22 000 emplois directs. Les produits de la canne (sucre et rhum) représentent le premier poste d'exportation en Guadeloupe et plus de 30 % des exportations totales à La Réunion. Toutefois, la production ultramarine de sucre ne représente que 6 % de la production française métropolitaine de sucre et le rhum agricole ultramarin ne correspond qu'à 13 % de la consommation de l'Union européenne. L'appui technique aux planteurs est notamment assuré par les centres techniques de la canne à sucre (CTCS) présents aux Antilles et La Réunion, mais l'innovation vient surtout d'eRCane qui est un centre de recherche à La Réunion dédié à la valorisation de la canne à sucre et soutenu par les industriels. Doté de 75 M annuels, le plan de soutien à la filière financé par le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) a pour priorité de maintenir la production, par le maintien de la surface cannière, dans un environnement difficile. 2.1.2. La banane antillaise destinée à l'exportation est une filière bien structurée La banane est cultivée dans tous les Outre-mer sous une multitude de variétés destinées à une consommation soit en légume, soit en fruit. La banane destinée à l'exportation n'est cultivée qu'aux Antilles sur environ 8 000 hectares par moins de 900 exploitations, le plus souvent spécialisées dans cette seule culture, sur une surface moyenne de 14 ha en Martinique et de moins de 5 ha en Guadeloupe. La filière est le premier employeur privé des Antilles françaises avec environ 10 000 emplois directs. La production subit de fortes variations inter annuelles dues aux impacts des cyclones, des sécheresses et des problématiques sanitaires. Elle est faible à l'échelle mondiale et ne représente que moins de 5 % de l'approvisionnement de l'Union européenne. Après une crise économique et sociale à la fin des années 2000, la filière s'est bien structurée. Des organisations de producteurs (BANAMART en Martinique et LPG en Guadeloupe), fédérées au sein de l'Union des groupements de producteurs de banane (UGPBAN), regroupent la production et commercialisent plus de 95 % de la production antillaise. Un institut technique, l'IT2, a été créé fin 2008 par les professionnels de la filière banane pour mettre au point et faciliter la vulgarisation d'itinéraires techniques. Pour compenser des coûts de production élevés, un plan de soutien à la filière, le plan « banane durable », a été mis en place à partir de 2008. La mise en oeuvre du plan bénéficie pour la période 2016-2020 d'un appui structurel essentiel du POSEI (programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) qui contribue à hauteur de 129,1 M par an à la rentabilité des exploitations et au maintien de l'emploi agricole 24. La plupart des producteurs antillais ont signé la charte du plan « banane durable II », mais les plus petits planteurs rechignent à le faire25. 24 L'aide du POSEI représente environ 50 centimes d'euro par kilogramme pour la banane qui se vend au consommateur environ 1 euro le kilogramme. Une centaine de planteurs en Martinique n'aurait pas adhéré au plan « banane durable II ». Ils ont le plus souvent moins de 5 ha et représentent environ 10 % de la production. 25 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 20/137 PUBLIÉ Depuis la mise en place du plan banane durable, cette filière est désormais considérée comme un exemple de structuration horizontale et verticale de la production, ainsi que de maîtrise environnementale. 2.1.3. Les cultures de diversification végétale sont très variées et peu organisées Les filières des fruits et légumes, du maraîchage, de l'arboriculture, de la floriculture et des plantes aromatiques, à parfum et médicinales des départements d'Outre-mer (et riz en Guyane) sont appelées filières de « diversification végétale » par opposition avec les filières d'exportation (canne à sucre et banane). Elles occupent sur l'ensemble des DROM une surface totale du même ordre de grandeur que celle de la canne à sucre, mais sont localisées à plus de 60 % en Guyane et à Mayotte où elles dominent. La production est surtout destinée aux marchés locaux. Seuls quelques produits sont également exportés vers la métropole, comme le melon des Antilles ou des quantités plus modestes de fruits tropicaux comme l'ananas, la mangue, les fruits de la passion et litchis de La Réunion. Riches d'une très grande diversité de produits, ces filières sont peu organisées même si des organisations de producteurs se sont créées et commercialisent aujourd'hui une partie des produits (moins d'un tiers de la production à La Réunion par exemple). Globalement, ces structures rencontrent des difficultés face à des producteurs qui sont réticents au regroupement et dont l'encadrement technique reste faible. Le plan de soutien pour les cultures de diversification qui bénéficie annuellement de 14 M sur le POSEI auxquels s'ajoutent 12,5 M de crédits du budget national, vise à améliorer la structuration de ces filières en soutenant les interprofessions ou structures à caractère interprofessionnel agréées par l'État. 2.2. L'utilisation des produits phytosanitaires dans les cultures ultramarines 2.2.1. Les cultures d'Outre-mer sont dans un contexte phytosanitaire particulier Produire en agriculture tropicale n'est pas produire en agriculture métropolitaine. L'absence d'hiver fait que les adventices poussent de manière continue et les conditions climatiques sont le plus souvent favorables à la pousse (ensoleillement, température, pluviométrie). La pression des maladies et bioagresseurs (locaux ou introduits) est exacerbée par les conditions tropicales humides avec de fortes variations inter-annuelles. Les variations sont également géographiques, car les situations climatiques au sein de certains territoires ultramarins sont contrastées26. La palette de solutions de traitements chimiques est moins étoffée en Outre-mer qu'en métropole : 30 % des besoins en solutions phytosanitaires seraient couverts en moyenne pour toutes les cultures d'Outre-mer pour 80 % en métropole27. Il existe des variations fortes selon les cultures : si le taux de couverture est de 60 % pour la banane, des cultures comme l'ananas ou l'igname ne disposent que 26 Par exemple, La Réunion présente des zones montagneuses atteignant 3 000 m d'altitude, une côte Est qui subit de fortes précipitations allant jusqu'à plus de 3 000 mm par an, alors que la côte Ouest est plus sèche avec une pluviométrie annuelle inférieure à 1 000 mm. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 21/137 PUBLIÉ d'un seul produit phytosanitaire autorisé (ce qui a entraîné une chute vertigineuse de la production d'ananas). L'accès aux substances chimiques est également réduit par comparaison avec certains pays tiers, l'étroitesse des marchés dans les Outre-mer n'incitant pas les firmes phytopharmaceutiques à engager les démarches nécessaires à l'homologation de produits au niveau national ou de substances actives au niveau européen28. Les productions agricoles des Outre-mer français doivent respecter les conditions générales de l'Union européenne, alors qu'elles y sont totalement marginales 29. Les conditions de production dans les Outre-mer sont ainsi plus encadrées que dans les pays tiers de l'Union européenne qui sont leurs concurrents. Cette contrainte est mise en avant, tant par les producteurs de banane30 que de canne à sucre31, pour appeler l'attention sur la nécessité de prendre en compte le contexte particulier des cultures tropicales. 2.2.2. Les ventes de produits phytosanitaires dans les Outre-mer 2.2.2.1. Les DROM sont aux premiers rangs nationaux pour les quantités de substances actives vendues par unité de surface, à savoir surtout des herbicides Les ventes de produits phytosanitaires dans les DROM sont connues à partir des déclarations auprès des offices de l'eau que les distributeurs effectuent dans la banque nationale des ventes (BNV-D). Exprimées en quantités de substances actives (QSA), elles sont probablement sous-estimées pour des raisons techniques exposées en annexe 4. Elles ne tiennent évidemment pas compte des 27 Source : Sébastien Zanoletti, IT2, audition par la délégation sénatoriale à l'Outre-mer, 17 mars 2016 La législation européenne ne fait pas de distinction entre les pays de l'UE et leurs territoires ultramarins. Les autorisations sont accordées au vu d'un dossier préparé par une firme qui fabrique des produits phytosanitaires. Si cette entreprise demande des usages propres aux territoires ultramarins, elle obtiendra l'autorisation pour ces usages, à la condition que les données nécessaires aient été apportées. Par exemple, si La Réunion représente 80 % de la production européenne de sucre de canne et le tiers de la production de sucre spéciaux roux non raffinés, elle ne pèse que moins de 1 % de la production européenne de sucre raffiné. Par exemple, pour la banane, environ 7 traitements sont réalisés par an aux Antilles, mais 65 au Costa Rica et une quarantaine en Afrique et en Équateur. De plus, dans ces pays l'épandage aérien continue à être pratiqué ­ même pour le bio ­ alors qu'il est interdit dans les Outre-mer français. Enfin certaines substances peuvent y être utilisées alors qu'elles sont interdites dans l'UE. Ainsi, les plantations de bananes Chiquita au Costa Rica, certifiées ISO 14 000 et Rain Forest Alliance, sont traitées trois fois par an avec des produits interdits - respectivement en 2008 et 2003 - en Europe, le cadusafos et le terbufos (source : CIRAD lors d'une audition au Sénat le 24 mars 2016). L'itinéraire technique nécessaire à la culture la canne à sucre a été mis à mal par le retrait de substances actives telles que l'asulame, sans que les méthodes alternatives soient bien implantées et mises en oeuvre, ou sans que des méthodes de réduction de dose ou de traitement à bas volume puissent être suffisamment testées et approuvées. Cette situation impacte la production avec, par exemple, une diminution de 40 % de la production de canne à sucre en Martinique pour la campagne 2019 en cours qui serait principalement liée à l'état d'enherbement des parcelles. 28 29 30 31 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 22/137 PUBLIÉ importations non déclarées en provenance de pays tiers mises en avant par certains interlocuteurs de la mission32. De ce fait, il est possible que les quantités de produits vendus répertoriées par les dispositifs officiels sous estiment les quantités réellement utilisées sans qu'il soit possible d'évaluer cet écart. Avec toutes ces précautions, il semble que l'on puisse cependant dégager les grandes tendances suivantes analysées de manière plus détaillée en annexe 4 : · Comme le montre le tableau ci-après, les quantités vendues de substances actives à usages agricoles ont diminué entre 2015 et 2017 sur l'ensemble des départements ultramarins (hors Mayotte), ce qui est à confirmer sur longue période : 335 tonnes en 2017 pour 424 tonnes en 2015 (proche du niveau des ventes de 2011. Cette tendance diverge par rapport à la situation nationale. Tableau 2 : Ventes totales de produits phytosanitaires à usages agricoles en kg de substances actives En kg de SA Martinique Guadeloupe La Réunion Guyane DOM 2015 67 297 148 598 197 954 10 670 423 608 2016 60 757 102 586 194 743 12 603 369 641 2017 54 719 81 614 188 767 10 842 335 369 Cependant, rapporté à la surface agricole utile, les quantités de substances actives par hectare de SAU utilisées en Outre-mer sont significatives à La Réunion et aux Antilles par comparaison avec celles d'autres départements parmi les plus gros consommateurs33. · La diminution de la quantité de substances actives (QSA) vendue est due à la baisse des herbicides, plus nette aux Antilles. Tableau 3 : Ventes de produits phytosanitaires par catégories (F= fongicides, H= herbicides, I= insecticides) en kg de substances actives (source : BNV-D) 32 Les Outre-mer sont plus ou moins poreux aux importations de produits phytosanitaires en provenance des pays tiers : la Guadeloupe vis-à-vis de la Dominique (notamment en exploitant les failles du contrôle à Marie-Galante), la Martinique face à Sainte-Lucie, la Guyane vis-à-vis du Suriname et du Brésil, Mayotte face aux Comores et La Réunion à l'égard de Madagascar. En soustrayant arbitrairement un montant de 20 % pour les usages autorisés en jardin (EAJ) dont la part dans les Outre-mer est supérieure à celle de métropole, la QSA/ha SAU atteint 3,6 kg/ha à La Réunion, ce qui est d'un niveau comparable à la Marne ou à la Somme où l'indicateur est de respectivement 5,0 et 4,3 kg/ha. Avec respectivement 3,6 kg/ha et 2,6 kg/ha, la Guadeloupe et, à un degré moindre, la Martinique sont également des utilisateurs significatifs de pesticides. 33 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 23/137 PUBLIÉ · Les herbicides représentent plus de 80 % de la QSA totale vendue dans les DOM, alors que les ventes de fongicides et celles d'insecticides contribuent, selon les années, respectivement à 12 à 15 % et 3 à 4 % des ventes totales34. Le glyphosate arrive en tête des ventes, avec une moyenne de 44 % pour l'ensemble des Outre-mer en 2017. Avec des quantités entre 1,2 et 1,3 kg/ha SAU, les Antilles et la Réunion sont aux premiers rangs des départements français pour l'utilisation de cet herbicide. Il y a donc un enjeu propre au glyphosate dans les DOM qui devra être pris en compte dans le plan de sortie prévue dans les prochaines années. Figure 1 : Ventes par catégories de produits phytosanitaires en 2017 De plus, des herbicides à « emploi autorisé dans les jardins » (EAJ) seraient utilisés pour des usages agricoles. En effet, la part des ventes EAJ est, en moyenne, de 14 % dans les DOM, soit bien supérieure à la moyenne métropolitaine35. En Guyane, elle représente près de la moitié des ventes. Il semble que l'on puisse attribuer cette différence au fait que beaucoup de petits agriculteurs ultramarins qui n'ont pas le « Certiphyto », se sont approvisionnés jusqu'alors en produits EAJ. 34 Selon les données communiquées par la DAAF, Mayotte ferait exception puisque les herbicides ne représentent que 6 % du total (41 % insecticides, 35 % molluscides et 18 % fongicide) et seulement 2 % si l'on ne considère que les usages agricoles professionnels. Tout produit phytopharmaceutique porte soit la mention « emploi autorisé dans les jardins » (EAJ), soit la mention « emploi agricole uniquement ». La mention EAJ est accordée aux produits qui présentent des garanties de moindre dangerosité à leur utilisation par des non-professionnels. 35 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 24/137 PUBLIÉ 2.2.2.2. En dehors de la banane, la distribution des phytosanitaires est dominée par les négoces En 2017, 78 distributeurs ont déclaré des ventes de produits phytosanitaires dans la BNV-D : 42 à la Réunion, 19 en Guadeloupe, 14 en Martinique, 3 en Guyane. Il faut ajouter deux distributeurs à Mayotte. Le secteur est concentré et dominé par les entreprises de négoce privé (voir annexe 4). En Martinique, 5 distributeurs représentent 96 % du montant de la redevance pollution diffuse dont 40 % pour la coopérative bananière. En Guadeloupe, le négoce acquitte les 3/4 de la redevance. En Guyane, le négoce leader acquitte 95 % du montant total de la redevance due par les trois négociants distributeurs. À La Réunion, les 10 premiers distributeurs contribuent pour 93 % de la redevance qui est acquittée pour les 2/3 par des négoces. Pour la filière banane aux Antilles, les coopératives LPG et BANAMART distribuent des herbicides ainsi que des fongicides autorisés sur la banane. Dans le secteur de la canne à sucre, les quatre coopératives de Guadeloupe distribuent les volumes les plus importants d'herbicides liés à cette culture, mais également des quantités importantes de glyphosate. L'activité des coopératives de La Réunion est plus diversifiée sur l'ensemble des productions végétales (canne à sucre, cultures maraîchères, arboriculture), avec une activité allant de la fourniture de phytosanitaires, mais également de matériels, aliments, plants et semences auprès des professionnels et des particuliers. 2.2.2.3. Les phytosanitaires affectent ponctuellement la qualité des eaux ultramarines Les produits classés cancérigènes, mutagènes et toxiques représentent 13 % des quantités de substances actives vendues en 2017. Ils sont en nette diminution depuis 2010, notamment du fait du non-renouvellement de certaines substances au niveau européen. Le retrait du glufosinate d'ammonium fin 2017 va accroître cette tendance36. Les impacts des produits phytopharmaceutiques ne peuvent actuellement être appréciés que sur le seul compartiment « eau » qui fait l'objet d'un suivi régulier dans le cadre des directives européennes37. Ils sont détaillés en annexe 4. L'indice de présence de pesticides dans les cours d'eau (IPCE), qui rend compte des impacts des produits phytopharmaceutiques sur le milieu aquatique, a diminué de 29 % pour les Antilles et la Réunion entre 2008 et 2016. Il subsiste néanmoins des situations non conformes. Par exemple, parmi les 13 substances pour lesquelles une norme de qualité environnementale (NQE) est disponible au sein des 52 molécules phytopharmaceutiques détectées dans les cours d'eau de Martinique, la chlordécone interdite d'usage ne respecte pas la NQE en moyenne annuelle 38. Quelques dépassements ponctuels de la NQE sont également observés pour quatre autres 36 Cette molécule représentait 48,6 % des substances classées toxiques vendues en Martinique en 2017. Un suivi des pesticides dans l'air a commencé, mais les résultats ne sont pas encore disponibles. En ce qui concerne les sols, Le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a élaboré une carte de pollution des sols de la Martinique et de la Guadeloupe par la chlordécone dont les données qui apparaissent parcellaires, portent sur des substances aujourd'hui interdites, et cependant persistantes dans l'environnement. 37 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 25/137 PUBLIÉ substances : les herbicides 2,4-D et pendiméthaline, le fongicide thiabenzole, l'insecticide imidaclopride et enfin le diuron qui est désormais interdit. En ce qui concerne les eaux destinées à la consommation humaine, deux captages à La Réunion sont classés en mauvais état en raison d'un dépassement de la norme en atrazine, herbicide interdit d'utilisation depuis 2003. Dans un forage de Guyane, le formaldéhyde (fongicide/bactéricide) est détecté à des concentrations supérieures à la valeur seuil pour l'ensemble des pesticides. 2.2.3. Les quantités de substances phytopharmaceutiques utilisées dans les différentes productions L'évaluation des quantités de substances phytopharmaceutiques utilisées par chacune des filières est difficile, car si certaines substances ne sont autorisées que pour une culture, d'autres peuvent être utilisées sur plusieurs productions. À titre d'exemple, plus de la moitié des ventes de substances réalisées en Martinique sont des traitements généraux herbicides (comme le glyphosate et le 2,4-D) utilisables sur toutes les cultures (voir annexe 4). Les tendances d'évolution sont présentées ci-après pour les deux cultures structurantes, canne à sucre et banane, qui présentent des évolutions contrastées. 2.2.3.1. Les quantités de pesticides ont diminué en production de banane Le graphique ci-dessous montre une baisse régulière des quantités de substances actives utilisées depuis le lancement du premier plan banane durable. Les quantités d'insecticides sont devenues très faibles (non visibles sur le graphique). Les herbicides restent majoritairement les plus utilisés devant les fongicides. En effet, la lutte contre les adventices requiert des quantités importantes d'herbicides. Si les deux substances utilisées de manière spécifique sur la banane représentent en Martinique moins de 7 % de la QSA herbicides, il est difficile de rapporter l'usage du glyphosate (plus de 80 % de la QSA vendue) sur la culture de la banane compte tenu de son utilisation générale sur de nombreuses autres cultures. Outre le désherbage, la lutte contre les maladies fongiques et notamment les cercosporioses des bananiers reste une problématique majeure aux Antilles. Les fongicides représentent 5,3 % de la QSA vendue auxquels s'ajoutent des fongicides post-récolte pour 1,3 % de la QSA. La pression liée aux insecticides et nématicides est en baisse. Le volume de l'insecticide fosthiazate principalement utilisé en banane a diminué progressivement d'un tiers depuis 2013. 38 L'état environnemental des cours d'eau est caractérisé par leurs états écologique et chimique, pour lesquels la directive cadre sur l'eau définit des normes de qualité environnementale (NQE). Les NQE correspondent à une concentration moyenne annuelle à ne pas dépasser pour l'état écologique des cours d'eau et une concentration maximale admissible à ne pas dépasser pour l'état chimique. Ces normes sont définies au niveau national dans l'arrêté du 27 juillet 2018 (modifiant l'arrêté du 25 janvier 2010) relatif aux méthodes et critères d'évaluation de l'état écologique, de l'état chimique et du potentiel écologique des eaux de surface. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 26/137 PUBLIÉ Figure 2 : Évolution de la consommation de substances actives (kg) par les producteurs de banane antillais (source : UGPBAN) La diminution de l'utilisation des produits phytosanitaires dans la culture de la banane correspond à l'un des objectifs du plan « banane durable ». Les deux organisations de producteurs reconnues dans le secteur de la banane, LPG et BANAMART, jouent un rôle clé dans la mise en oeuvre de cet objectif en apportant leur appui pour améliorer les pratiques des planteurs afin de réduire l'usage des phytosanitaires. Lors du premier plan, entre 2008 et 2013, les quantités de matières actives par hectare ont ainsi diminué de 51 % en Martinique et de 35 % en Guadeloupe. Un nouvel objectif de baisse de l'utilisation des produits phytosanitaires de 25 % supplémentaires a été fixé à l'horizon 2020 par le deuxième plan banane durable39. 2.2.3.2. Les quantités de produits phytosanitaires ne semblent pas diminuer en culture de canne à sucre Les ventes de substances actives pour les usages majoritairement liés à la culture de la canne à sucre sont en moyenne de l'ordre de 150 tonnes par an, mais elles présentent des fluctuations très significatives d'une année sur l'autre, de telle sorte qu'il est difficile de mettre en évidence une tendance d'évolution40. En moyenne triennale la tendance serait à la hausse et plutôt à la stabilité en moyenne mobile (voir annexe 5). Il faut y ajouter une part des ventes de glyphosate qui est à usage de traitements généraux. Toutes les substances les plus vendues pour une utilisation en culture de canne à sucre sont des herbicides dont le 2,4-D qui représente environ la moitié des tonnages (voir tableau 3 en annexe 5). Outre les herbicides autorisés sur la canne, le glyphosate qui est multi usages, est aussi très utilisé pour la préparation du sol avant plantation, en jet dirigé sur cultures installées ou pour l'entretien des bordures de chemin. Le paysage des substances actives autorisées évolue régulièrement. Après le 39 La diminution des quantités de substances actives utilisées de même qu'un recours accru aux plantes de services sont des indicateurs de suivi du deuxième plan « banane durable ». Les ventes pour des usages en canne à sucre ont varié de 112 t en 2009 à 199 t en 2015. 40 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 27/137 PUBLIÉ retrait de l'autorisation de l'asulame qui était très utilisé, cinq autres herbicides sélectifs de la canne verront leur autorisation expirer en 2019 (voir tableau 5 en annexe 5). Les traitements insecticides et fongicides sont quasi absents dans la culture de la canne. En effet, les variétés sélectionnées sont tolérantes aux maladies et des solutions biologiques existent pour lutter contre les ravageurs. Le principal enjeu dans la culture de la canne à sucre consiste donc à réduire l'utilisation des herbicides et à améliorer les pratiques pour diminuer les surdosages (2,4-D). À la différence de la banane, la mission a constaté l'absence d'objectif explicite de baisse d'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans le plan de soutien à la filière qui a pour première priorité de maintenir la production. 2.2.4. Les techniques disponibles pour diminuer l'utilisation des produits phytosanitaires et les résultats obtenus Sous l'impulsion des organismes techniques présents dans les Outre-mer, des actions visant à réduire l'utilisation des produits phytosanitaires ont été mises au point et expérimentées sur les principales cultures tropicales. L'effet de ces méthodes sur l'utilisation des phytosanitaires est généralement mesuré à l'aide de l'indice de fréquence de traitement (IFT). Cet indicateur permet de suivre à l'échelle de la parcelle ou de l'exploitation le nombre de doses homologuées utilisées par hectare et par campagne. Les résultats obtenus en matière de réduction des utilisations de produits phytosanitaires peuvent être appréciés globalement à l'aide des enquêtes sur les pratiques culturales. Cependant ces enquêtes sont antérieures au plan Écophyto 2 et leurs résultats qui portent sur une campagne donnée, peuvent être affectés par des situations conjoncturelles notamment climatiques41. Les réseaux DEPHY qui conduisent des actions visant à réduire l'utilisation des phytosanitaires, sont également une source d'information pour apprécier l'efficacité des techniques alternatives sur la diminution des IFT42. Comme le montre l'annexe 6, tous systèmes de cultures confondus, les exploitations DEPHY ultramarines ont vu leur IFT hors biocontrôle baisser en moyenne de 37 % entre leur entrée dans le réseau (2011-2012) et la moyenne des années 2014-2015-2017. 2.2.4.1. Les techniques pour diminuer les fongicides et les herbicides en culture de banane Si, en culture de banane, les fongicides sont minoritaires en quantités de substances actives, ils sont dominants pour ce qui concerne les fréquences de traitement. À la différence des IFT herbicides et insecticides, l'IFT fongicides n'a pas diminué même si le biocontrôle a augmenté. 41 Les prochains résultats d'enquêtes culturales seront disponibles en 2020. Le réseau de démonstration et de production de références FERME regroupe des agriculteurs engagés dans une démarche volontaire de réduction des pesticides. Le réseau d'expérimentations EXPE rassemble des projets testant des systèmes de culture fortement économes en pesticides. 42 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 28/137 PUBLIÉ Figure 3 : Évolution de l'IFT moyen de la banane en Guadeloupe (source : enquêtes pratiques culturales) Selon la dernière enquête disponible sur les pratiques culturales réalisée en 2015 aux Antilles, l'IFT moyen de la culture de la banane, hors produits de biocontrôle, serait de43 : · 7,82 en Martinique dont 5,8 pour les fongicides et 2,0 pour les herbicides ; · 6,6 en Guadeloupe dont 4,9 pour l'IFT fongicides et 1,7 pour les herbicides. L'utilisation de plants de bananes issus de culture in vitro et indemnes de nématodes est généralisée, de même que la mise en jachère qui permet un assainissement des sols. Encouragé par une mesure agroenvironnementale, le piégeage de masse des charançons du bananier à l'aide de phéromones permet de ralentir efficacement l'infestation d'une parcelle ou d'un groupe de parcelles sans traitement insecticide durant les premières années de la plantation de banane. Ainsi, l'IFT insecticides et nématicides est devenu marginal. Les deux priorités concernent donc la mise au point et la diffusion de techniques alternatives pour, d'une part, lutter contre les cercosporioses et diminuer l'usage des fongicides et, d'autre part, lutter contre les adventices et réduire l'utilisation d'herbicides. À ces techniques pourrait venir s'ajouter à terme la production biologique de banane qui commence à se mettre en place44. 43 Selon les enquêtes sur les pratiques culturales, l'IFT de la banane est le plus faible de ceux des cultures fruitières (35 pour la pomme, 19 pour la pêche, 12 pour la prune et l'abricot, 10,5 pour la cerise). 44 Pourtant encouragée par des aides à la conversion et maintien, elle se trouve handicapée par les conditions de concurrence avec les pays tiers et ne devrait pas dépasser 1 % de la production à l'horizon 2020. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 29/137 PUBLIÉ Les mesures préventives de lutte contre les cercosporioses consistent à couper toutes les feuilles lors de la récolte, à bien gérer l'humidité de la parcelle et limiter la densité de plantation. Lorsque la cercosporiose est présente, l'effeuillage sanitaire est pratiqué pour éliminer régulièrement les feuilles portant des nécroses. Au-delà de la généralisation de ces méthodes, deux techniques nouvelles offrent un potentiel pour réduire significativement les utilisations de fongicides : la plantation de variétés tolérantes aux cercosporioses noire et jaune, telle la CIRAD 925 qui commence à être implantée depuis 2017, mais qui souffre encore de défauts rédhibitoires pour satisfaire les exigences à l'export45 ; l'utilisation de levures pour protéger les bananes en post-récolte contre les maladies de conservation et qui pourrait se substituer totalement aux fongicides de synthèse46. Pour réduire l'utilisation des herbicides, les plantes de couverture représentent des techniques très intéressantes. Comme le montre la figure ci-dessous, la surface couverte a fortement progressé au cours des dernières années sous l'impulsion du second plan banane durable qui a fixé un objectif de 25 % pour le taux de couverture permanente du sol en 2020. En 2017, de l'ordre de 37 % de la sole de bananeraies en production et environ 22 % des surfaces en inter cultures étaient couverts en Guadeloupe et Martinique. Il reste donc des marges de progression pour la diffusion, notamment auprès des plus petits planteurs, de cette technique efficace, ce d'autant plus qu'elle est soutenue par des mesures agro-environnementales (voir annexe 7)47. 45 Sensible au noircissement sous l'effet du toucher, la Cirad 925 doit être commercialisée en sachet, ce qui n'est pas dans les habitudes d'achat. L'UGPBAN a racheté en métropole au groupe Pomona des mûrisseries qui seraient adaptées aux conditions de conservation de la nouvelle variété «925 ». Cette pratique nouvelle est actuellement mise en oeuvre sur quelques dizaines de tonnes de fruits exportés. Son bilan économique serait positif, ce qui laisse augurer une bonne diffusion. La proportion des producteurs ayant des couverts végétaux sur leur exploitation varie selon la taille des exploitations. Si 91 % des planteurs produisant plus de 1 000 tonnes de bananes avaient des couverts en 2017, ils n'étaient plus que 19 % pour ceux produisant moins de 500 tonnes. 46 47 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 30/137 PUBLIÉ Figure 4 : Évolution des surfaces couvertes en culture de banane (source : IT2) Grâce aux plantes de service et à l'entretien mécanique des rangs, le groupe DEPHY de Martinique a baissé son IFT herbicides de manière continue pour atteindre un niveau très bas (0,4 en 2017 pour un IFT initial de 2,4). En revanche son IFT fongicides a augmenté (voir annexe 6). 2.2.4.2. Les techniques pour réduire l'utilisation des herbicides en culture de canne à sucre La canne à sucre est une culture qui reçoit des applications de produits phytosanitaires à des niveaux comparables à ceux des grandes cultures métropolitaines les moins traitées. Toutefois et même si ces données sont à considérer avec précaution, il semblerait selon les enquêtes sur les pratiques culturales, que son indice de fréquence de traitement aurait le plus augmenté en valeur relative. Figure 5 : Évolution de l'IFT total entre les enquêtes pratiques culturales 2011 et 2014 Les IFT des cultures de canne à sucre se composent très majoritairement d'herbicides. En effet, les traitements insecticides sont quasi-absents des cultures vannières, car des solutions biologiques existent telles que le champignon du genre Beauveria pour lutter contre le ver blanc et les trichogrammes dans la lutte contre le foreur des tiges. De même, aucun traitement fongicide n'est nécessaire, car les variétés de canne sélectionnées sont résistantes aux maladies. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 31/137 PUBLIÉ Selon l'enquête « pratiques culturales » réalisée en Guadeloupe et à La Réunion sur la campagne 2014, l'IFT moyen en herbicides était de : · · 2,4 en Guadeloupe pour un IFT total de 2,6 ; 3,43 à La Réunion pour un IFT total de 4,8 (dont 1,4 de rodenticides pour lutter contre les rongeurs)48. Les méthodes alternatives aux herbicides détaillées en annexe 7 percolent à un rythme encore insuffisamment rapide au regard des besoins. Elles consistent, d'une part, en certaines pratiques de désherbage qui ont déjà fait leurs preuves comme l'épaillage, le fanage de la paille ou le désherbage mécanique et, d'autre part, en l'implantation de plantes intercalaires ou de couvertures végétales entre deux cycles de canne : Le désherbage mécanique de l'inter-rang au moyen d'outils adaptés qui sont disponibles, est efficace sur les graminées sans rhizome, le désherbage chimique n'étant plus effectué que sur le rang. Selon l'enquête pratiques culturales de 2014, le désherbage mécanique était pratiqué sur le quart des surfaces en Guadeloupe qui dispose de mesures agroenvironnementales pour soutenir ces techniques. En revanche, seulement 1 % de la surface cannière de La Réunion était désherbée mécaniquement. Cette technique offre un potentiel de réduction de l'IFT herbicides de 30 à 40 %. Le fanage de la paille consiste à répartir de façon homogène sur la parcelle le lit de paille restant après la récolte afin de réduire l'enherbement pendant les trois premiers mois de la culture. Il permet de réduire l'IFT de 10 à 30 %. L'épaillage consiste à arracher les feuilles sèches ou déchaussées pendant la période végétative ou à enlever et tronçonner les feuilles sèches adhérentes aux tiges récoltées puis à les répartir de façon homogène sur l'inter-rang pour assurer une bonne couverture du sol. Exigeante en main-d'oeuvre, cette technique a un coût élevé et ne présente pas de bénéfice économique à court terme malgré le soutien apporté par des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) en vigueur à La Réunion et en Guadeloupe (voir annexe 7). Des paillages biodégradables pré-troués en cours de test chez des producteurs pourraient offrir une alternative à l'épaillage notamment lorsqu'il y a concurrence avec les besoins de l'élevage. L'épaillage présente un potentiel de réduction de l'IFT de 30 à 50 %. Le semis de plantes de service dans l'inter-rang après la plantation de la canne ou la récolte permet de maîtriser les adventices et d'apporter d'autres services (protection contre l'érosion, amélioration de la fertilité du sol...) 49. Cette technique n'exonère pas du traitement chimique du rang en post levée ou de son désherbage manuel. Les résultats expérimentaux montrent un potentiel de réduction de l'IFT variant de 30 à 70 % selon les contextes de sols et de reliefs. 48 Les produits homologués pour la canne représentent un IFT de 2,82 (1,45 en pré-levée et 1,37 en post-levée), alors que les traitements généraux (glyphosate, glufosinate) pèsent pour 0,59 IFT. De plus, la couverture végétale constante de la parcelle entre la dernière récolte et la plantation pour limiter son enherbement pourrait théoriquement permettre de réduire de 100 % l'IFT herbicides pendant la période de transition. 49 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 32/137 PUBLIÉ Comme le détaille l'annexe 6, sur les trois réseaux de fermes DEPHY à dominante canne à sucre, l'IFT herbicide a diminué de 17 % entre l'état initial et la moyenne des années 2014-2015-2017. La baisse a surtout été significative pour le réseau de La Réunion 50. L'utilisation combinée de différents leviers présentés ci-dessus (épaillage, arrachage manuel, désherbage mécanique, choix variétal) explique ce résultat51. Dans certaines conditions expérimentales, l'institut eRcane a montré que ces techniques (légumineuses intercalaires, désherbage mécanique de l'inter rang) pouvaient induire des réductions de l'IFT herbicides allant jusqu'à 50 %. Pour les raisons présentées en annexe 7 qui tiennent notamment aux contraintes de l'appareil industriel et aux faibles perspectives de valorisation, il semble que la culture biologique de la canne, pourtant encouragée en Guadeloupe et en Guyane, n'offre pas de perspectives significatives pour faire diminuer les utilisations des phytosanitaires. 2.2.4.3. Les techniques pour réduire l'usage des phytosanitaires dans les cultures de diversification La mission n'a pas eu connaissance d'études permettant d'évaluer les utilisations de produits phytosanitaires sur les productions fruitières tropicales, seule la banane étant concernée par l'enquête sur les pratiques culturales. Les seules données publiques concernent deux réseaux de fermes DEPHY. Celui dédié à la culture de mangue a vu chuter son IFT hors biocontrôle de 64 % entre l'état initial et la moyenne 2015-2017 à la suite de l'arrêt des herbicides après installation d'un couvert végétal, de la baisse régulière des insecticides grâce au piégeage des mouches des fruits et de la forte diminution des fongicides au bénéfice du biocontrôle (voir annexe 6). En revanche, le réseau en culture d'ananas de Martinique n'a pas atteint ses objectifs de réduction d'IFT. En revanche, des données de l'enquête sur les pratiques culturales datant de la campagne 2013 sont disponibles pour les légumes (voir les valeurs d'IFT en annexe 7). À La Réunion, l'IFT total pour les quatre légumes (carotte, choux, salade, tomate) pour lesquels des données sont disponibles est un peu inférieur à celui de la métropole52. Aux Antilles, les cultures de salade, de choux et de tomate étaient moins traitées qu'en moyenne nationale53. En revanche, le melon cultivé par de plus grandes exploitations et destiné à l'exportation serait 2,5 fois plus traité en Guadeloupe qu'en moyenne nationale. Figure 6 : IFT total en cultures de légumes (source : enquête pratiques culturales 2013) 50 Au sein du réseau de La Réunion, la baisse d'utilisation des herbicides a été régulière entre 2010 et la période 2014-2016 pour atteindre environ 40 % en moyenne avant de connaître une inversion de tendance en 2017. Cependant, en 2017 (dès 2016 en Martinique), les IFT ont de nouveau augmenté de manière significative en raison de conditions climatiques défavorables qui ont induit des traitements herbicides de post levée plus fréquents. Pour ce qui concerne les légumes, l'enquête sur les pratiques culturales réalisée en 2013 fournit au niveau national des informations pour sept cultures de légumes (carotte, choux, fraise, melon, poireau, salade et tomate). La seule donnée disponible pour la Guyane concerne les choux avec un IFT de 2,88 comparable à celui de la Martinique. Aucune donnée n'existe pour Mayotte. 51 52 53 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 33/137 PUBLIÉ Les traitements insecticides et fongicides dominent sur le melon et la tomate, alors que la salade et le chou reçoivent principalement des insecticides. Ainsi, les insecticides représentent 60 % de l'IFT total à La Réunion, soit le double de la métropole, ce qui s'explique par le climat chaud et humide qui favorise plusieurs cycles de ravageurs dans l'année. La plupart des cultures de diversification sont très en retard quant au recours à des techniques destinées à réduire les phytosanitaires. Pourtant, différentes techniques alternatives aux phytosanitaires sont plus ou moins disponibles ou en cours de test dans les différents Outre-mer : · · · · · l'utilisation des produits de biocontrôle, les filets protecteurs contre les insectes, l'utilisation de plantes de services pour lutter contre certains champignons, les associations de plantes pour lutter contre des ravageurs aériens, la mise en place de plantes de couverture ou d'un paillis dans l'inter-rang, de même que le désherbage mécanique sur l'inter-rang qui peuvent être pratiqués pour certaines cultures maraîchères ou certaines cultures fruitières et spécialisées. Ces différentes pratiques sont encore peu répandues, même lorsqu'elles sont soutenues par une mesure agro-environnementale (voir annexe 7). Le manque d'organisation des différentes filières concernées, lié à la réticence des producteurs locaux au regroupement, ainsi que la faiblesse du soutien technique, ne favorisent pas l'adoption d'itinéraires moins consommateurs de produits phytosanitaires54. De plus, le plan de soutien du POSEI n'affiche aucun objectif de réduction des utilisations de phytosanitaires, mais plutôt celui de faciliter l'accès aux intrants (produits phytosanitaires, semences). 54 La culture du melon, qui est la plus traitée, est celle qui fait le plus appel aux techniques alternatives : auxiliaires sur près de 80 % des surfaces, désherbage mécanique sur la moitié des surfaces et utilisation de films de culture sur 80 % des surfaces. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 34/137 PUBLIÉ Les deux réseaux de fermes DEPHY en cultures légumières créés en Martinique et en Guyane sont trop récents pour que des résultats soient disponibles quant à l'atteinte des objectifs ambitieux de baisse d'IFT envisagés par la mise en place de méthodes alternatives portant sur la gestion de l'enherbement, l'utilisation de plantes pièges à insectes et la mise en place de paillage. Cette analyse montre que l'agriculture ultramarine présente des spécificités par rapport à celle de la métropole en termes de cultures, de conditions de pression phytosanitaire et d'organisation. L'utilisation des produits phytosanitaires par unité de surface y est importante, surtout pour les herbicides. Sous l'impulsion du plan de soutien à la filière, suite à la crise du chlordecone, une diminution significative des quantités de substances actives utilisées a été constatée pour la banane, ce qui n'est pas le cas pour la canne à sucre. Les techniques disponibles et les résultats constatés au sein des réseaux DEPHY ouvrent la possibilité de concevoir des actions adaptées aux Outre-mer qui visent à réduire l'utilisation des pesticides et ouvrent droit à l'attribution de CEPP. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 35/137 PUBLIÉ 3. L'extension des CEPP aux Outre-mer nécessite d'adapter le dispositif et de l'accompagner La pérennisation du dispositif des CEPP sur l'ensemble du territoire national d'ici 2023 ne peut s'envisager par une simple transposition aux Outre-mer des mesures expérimentées en métropole et non évaluées. Ces territoires présentent, en effet, des spécificités fortes et notamment des cultures qui leur sont propres qui justifient de veiller tout particulièrement aux conditions de mise en oeuvre du dispositif et de l'accompagner. Le test d'un dispositif adapté avant sa pérennisation serait, dans cette perspective, bienvenu. 3.1. Le dispositif des CEPP doit être adapté aux spécificités des outre-mer Les principaux paramètres qui régissent le dispositif des CEPP actuellement expérimenté en métropole sont à examiner afin d'identifier les points qui peuvent être appliqués dans les Outre-mer comme en métropole, ceux qui ne le peuvent pas et ceux qui nécessitent des dispositions particulières pour s'adapter aux conditions ultramarines. 3.1.1. Une partie des actions standardisées déjà publiée peut s'appliquer en Outremer Plus de la moitié des 49 actions actuellement labellisées pour ouvrir droit à l'attribution de CEPP s'appliquent à des cultures qui ne sont pas présentes dans les Outre-mer. En revanche, la plupart des autres actions sont susceptibles d'être appliquées dans les Outre-mer, le cas échéant après des adaptations. Dans tous les cas, il conviendra que la commission d'évaluation, dotée des compétences spécifiques pour apprécier l'applicabilité aux Outre-mer des actions étudiées, vérifie que les espérances de réduction d'utilisation de produits phytosanitaires sont pertinentes et transposables pour une mise en oeuvre de ces actions en conditions tropicales. L'annexe 8 identifie 12 actions standardisées qui peuvent, selon les missionnaires, être considérées comme génériques et susceptibles d'une mise en application dans les Outre-mer sans adaptation majeure. Elles concernent essentiellement des produits de biocontrôle qui sont déjà disponibles ou pourraient être proposés localement si la demande émergeait55. Cette même annexe mentionne les adaptations ou levées de conditions qui sont préalables à la mise en oeuvre dans les Outre-mer de 6 autres actions déjà publiées. 55 Les produits de biocontrôle peuvent être utilisés, car ils ont une autorisation de mise sur le marché (AMM) nationale. Cependant, il reste des réserves sur leur efficacité en milieu tropical, sur la durée d'approvisionnement et leurs impacts sur l'environnement spécifique des Outre-mer (hot spot de la biodiversité menacée par des micro-organismes importés). Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 36/137 PUBLIÉ 3.1.2. Des actions standardisées spécifiques sont à élaborer pour les cultures tropicales Des pratiques ou techniques permettant de réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques sont actuellement plus ou moins disponibles selon les Outre-mer. Selon des modalités appropriées, elles pourraient être reconnues comme des actions spécifiques aux Outre-mer et éligibles à l'attribution de CEPP. L'annexe 8 présente 2 actions qui s'inspirent d'actions déjà labellisées en métropole (filets antiinsectes et certification environnementale des exploitations) auxquelles pourrait être ajouté un volet Outre-mer. Cette même annexe détaille ensuite des actions qui ne sont pertinentes que pour les cultures de banane et de canne à sucre et qui devront faire l'objet de fiches autonomes : · Pour ce qui concerne la banane : Lutte contre le charançon du bananier au moyen de diffuseurs de phéromones pour la confusion sexuelle. Réduction des traitements fongicides au moyen de variétés de banane peu sensibles à la cercosporiose. Réduction des traitements herbicides en associant des couverts à base de plantes de services avec les cultures de banane. · Pour ce qui concerne la canne à sucre (réduction des traitements herbicides) : Association de couverts à base de plantes de services avec les cultures de canne, soit en inter-cultures, soit sur l'inter-rang. Gestion de la répartition des pailles de canne en faisant appel à du matériel adapté de fanage pour maintenir un couvert suffisant. Pratique de l'épaillage qui supprime le traitement de rattrapage en post-levée de la canne. Certaines de ces techniques pourraient également s'appliquer aux cultures de diversification (voir annexe 8). Les spécialistes des cultures tropicales souhaiteraient que soient également retenues des actions systémiques combinant plusieurs techniques élémentaires, y compris en associant des méthodes d'optimisation de produits phytopharmaceutiques et des méthodes de substitution à ces derniers de techniques alternatives, au moins dans une phase transitoire56. 56 Par exemple, le désherbage en bananeraie combinerait des solutions mécaniques, manuelles, des méthodes de biocontrôle et de chimie conventionnelles. De même, un programme de traitement intégré pourrait associer des préparations biologiques (levures, huiles végétales, stimulateurs de défenses naturelles) en complément de la lutte chimique afin de limiter l'apparition de résistances tout en diminuant l'utilisation de pesticides. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 37/137 PUBLIÉ Enfin, étant donné les très faibles quantités de phytosanitaires utilisées pour des usages non agricoles professionnels et pour le traitement de semences, la mission n'a pas examiné la possibilité d'actions standardisées sur ces aspects qui ne sont pas des enjeux significatifs pour la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires et donc pour l'extension des CEPP aux Outre-mer57. De nombreux acteurs du réseau technique présents dans les Outre-mer et qui s'inscrivent notamment dans la dynamique de coopération des réseaux d'innovation et de transfert agronomique (RITA), disposent des capacités pour proposer des actions pertinentes et argumentées d'économies de produits phytosanitaires58. Ainsi que cela s'est produit en métropole, des fournisseurs de solutions de biocontrôle ou d'agroéquipements sont également susceptibles de proposer des actions permettant de réduire l'utilisation des phytosanitaires59. Afin d'initier une dynamique, il conviendrait de lancer avant la fin de l'année 2019 un premier appel à proposition d'actions standardisées qui soit propre aux Outre-mer et d'en assurer une large publicité afin de lui donner de la visibilité dans les territoires et auprès des acteurs concernés. Ainsi, des actions standardisées adaptées aux cultures des Outre-mer pourraient être disponibles dès le démarrage de la première période d'obligation qui aura valeur de test. Dans un second temps, de nouvelles propositions d'actions relatives aux Outre-mer pourraient être recueillies au fil de l'eau dans le cadre de l'appel à contributions national ouvert de manière permanente. 3.1.3. L'évaluation des actions standardisées pourrait être adaptée La mission propose que l'évaluation des propositions d'actions standardisées s'appuie sur la commission existante dans la mesure où certaines actions s'appliquent de manière indistincte sur l'ensemble du territoire national. En revanche, il sera indispensable de compléter la commission avec des experts des cultures tropicales préférentiellement issus des organismes scientifiques, en premier lieu du CIRAD, afin notamment d'adapter les dotations en CEPP à attribuer à ces actions eu égard aux conditions spécifiques de l'Outre-mer. Le président de la commission pourra décider de la faire fonctionner avec un sous-groupe d'experts spécialisés sur les Outre-mer qui serait chargé d'instruire les propositions d'actions spécifiques aux cultures tropicales. La proposition finale d'approbation de ces actions et surtout le nombre de CEPP attribué devraient néanmoins rester de la compétence de la commission plénière afin d'assurer la cohérence d'ensemble. 57 Les ventes de produits EAJ sont importantes, mais pour des usages amateurs et non professionnels. Les deux cultures principales ne font pas appel à des semences, mais à des plants. Mis en place après les états généraux de l'Outre-mer de 2009, les RITA qui sont co-présidés par les collectivités et l'État ont une activité variable selon les territoires (très peu d'activités en Martinique, mais un vrai dynamisme en Guyane et à Mayotte). D'abord axés sur les filières de diversification, ils se sont élargis depuis 2015 à la filière canne à sucre (La Réunion et Guadeloupe). Les RITA ont bénéficié de transferts financiers à hauteur d'environ 1 M par an à Mayotte en Guadeloupe et en Guyane pour des actions concernant notamment la lutte contre l'enherbement et la promotion des plantes de service, la lutte biologique contre les ravageurs. Par exemple « la Coccinelle », bio fabrique détenue par des organisations de producteurs, qui propose à La Réunion une dizaine de réponses adaptées aux ravageurs locaux en substitution aux insecticides. 58 59 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 38/137 PUBLIÉ L'extension des CEPP aux Outre-mer sera l'occasion pour la commission de s'interroger sur les adaptations à apporter à sa méthode d'évaluation d'une action standardisée qui repose sur trois composantes : son effet sur la réduction d'usage et d'impacts, son potentiel de déploiement, sa facilité de mise en oeuvre et son bilan économique. Pour déterminer le nombre de CEPP à attribuer en contrepartie de l'économie de produits phytosanitaires escomptée de la mise en oeuvre d'une action standardisée, la commission devra faire établir des coefficients de conversion entre IFT et NODU, au moins pour les deux cultures tropicales principales, en s'inspirant de la méthode établie par Urruty et al60. Pour quantifier les actions destinées à réduire les impacts, la commission devra réviser la méthode qu'elle a suivie pour estimer la part des contaminations au sein de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les Outre-mer et l'adapter au contexte des exploitations ultramarines61. En effet, les impacts dans les Outre-mer doivent être distingués de ceux de la métropole. Il serait également pertinent de les distinguer pour chacun des DROM, mais le faible nombre de CEPP qui en résulterait pourrait conduire la commission à une approche globalisée. Par ailleurs, une action proposée pour devenir une action standardisée éligible à l'attribution de CEPP peut d'ores et déjà avoir été déployée sur une partie du gisement potentiel d'application. Dans ce cas un coefficient d'abattement doit être appliqué au nombre de CEPP attribué pour la mise en place de l'action afin de limiter les effets d'aubaine. Considérant l'hétérogénéité de la mise en oeuvre de certaines techniques entre les différents territoires, la commission pourrait être conduite à utiliser des coefficients d'abattement différenciés et à attribuer ainsi un nombre différent de CEPP pour une même action selon le DROM où elle est réalisée. Recommandation 1. Lancer avant la fin 2019 un appel à proposition d'actions standardisées propre aux Outre-mer ; faire évaluer ces propositions par la commission d'évaluation existante complétée par des experts des cultures tropicales. La commission vérifiera que les dotations de CEPP de la douzaine d'actions standardisées déjà publiées et applicables dans les Outre-mer sont pertinentes en conditions tropicales. 60 Les propositions d'actions standardisées évaluent l'économie de produits phytosanitaires sur la base de l'IFT qui est un indicateur de réduction d'usage. Toutefois, l'IFT ne prend pas en compte les caractéristiques des produits et notamment leur toxicité ou leur persistance dans l'environnement d'où l'intérêt d'avoir recours au NODU. La commission a estimé que les contaminations représentent 3 % du NODU national, soit un nombre de doses perdues dans l'environnement et causant des contaminations de 2,5 millions de doses à l'échelle nationale. Avec 250 000 exploitations de plus de 20 ha cela représente en moyenne 10 certificats par exploitation (soit 1 certificat par classe et par exploitation). 61 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 39/137 PUBLIÉ 3.1.4. Les distributeurs devraient pouvoir contribuer à des programmes Une partie significative des distributeurs ultramarins font de la vente de produits phytosanitaires sans conseil associé. Cette tendance pourrait encore s'accentuer avec la séparation à venir de la vente et du conseil. Il est donc assez probable que des distributeurs soient conduits à acquérir des justificatifs de mise en oeuvre d'actions standardisées auprès des agriculteurs ou d'acteurs du conseil afin d'obtenir les CEPP leur permettant de satisfaire à leurs obligations. Par ailleurs, la mise en oeuvre d'actions de réduction de l'utilisation des phytosanitaires éligibles à l'attribution de CEPP sera sans doute difficile, au moins au cours de la première période, notamment pour les cultures de diversification et auprès des plus petits producteurs et planteurs. À l'instar de ce qui est pratiqué dans le dispositif des certificats d'économie d'énergie (voir annexe 8), il pourrait être opportun de favoriser la mise en place de programmes centrés sur la formation et l'appui technique auprès des producteurs les moins avancés en matière de maîtrise des produits phytosanitaires voire sur le contrôle et le réglage des matériels de pulvérisation. Ces programmes seraient financés par les distributeurs. Ceux-ci recevraient des CEPP en contrepartie. Ce serait une manière simple de soutenir l'action technique à apporter aux producteurs pour les inciter à réduire leur utilisation de produits phytosanitaires, notamment pour les cultures de diversification. En contribuant financièrement à ces programmes, les distributeurs et notamment les plus petits d'entre eux pourraient continuer leur activité tout en satisfaisant aux obligations liées aux CEPP. Un appel à programmes dédié aux Outre-mer serait lancé au début de chaque période d'obligation. La commission d'évaluation des actions standardisées assurerait l'évaluation des propositions reçues. Elle aurait notamment à déterminer le nombre de CEPP attribué à un programme donné et à fixer le montant de la contribution financière permettant d'obtenir l'attribution d'un CEPP. Pour éviter une disjonction trop forte entre le nombre de CEPP attribués au cours d'une période et la diminution effective de l'utilisation des phytosanitaires, la part des CEPP susceptible d'être attribuée à des programmes au cours d'une période pourrait être limitée à la part estimée de l'utilisation des phytosanitaires dans les cultures de diversification au sein de chacun des Outre-mer. Ce dispositif de programme serait particulièrement adapté à la situation de la Guyane et de Mayotte si les CEPP devaient s'y appliquer. Recommandation 2. Examiner la faisabilité de lancer, dans tout ou partie des Outre-mer, des programmes (formation, innovation, contrôle des équipements...) éligibles aux CEPP, en complément des actions standardisées. 3.1.5. La période pour établir l'obligation de réalisation des actions d'économies de phytosanitaires serait de quatre ans Compte tenu de la variabilité interannuelle de l'utilisation des phytosanitaires qui est accentuée dans les Outre-mer par les conditions climatiques plus contrastées qu'en métropole et qui s'exercent sur des surfaces plus réduites, la mission considère qu'il est indispensable de retenir une période de quatre ans, soit le maximum autorisé par l'ordonnance, pour établir les obligations de réalisation d'actions qui incomberont aux obligés ultramarins. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 40/137 PUBLIÉ Si une durée inférieure à quatre ans était retenue pour le dispositif pérennisé, il conviendrait que le décret en Conseil d'État prévoie explicitement qu'à titre dérogatoire chaque période successive soit d'une durée de quatre ans pour les DROM. Ce même décret devra prévoir qu'à l'issue de la première période quadriennale, les modalités d'application du dispositif en Outre-mer puissent être révisées en fonction des résultats de l'évaluation (voir ci-après). La première période d'obligation aura ainsi valeur de test de faisabilité. Il serait souhaitable que cette première période d'application des CEPP dans les Outre-mer débute le 1er janvier 2022, soit concomitamment à la nouvelle période du dispositif national pérennisé, ce d'autant plus si les périodes devaient être d'une durée identique entre la métropole et les Outre-mer afin que le dispositif soit synchrone sur l'ensemble du territoire. 3.1.6. Peu nombreux dans les Outre-mer, tous les distributeurs seront obligés du dispositif de CEPP Les situations de départ sont différentes entre les futurs obligés. Certains distributeurs sont plus en avance que d'autres en matière de diffusion des bonnes pratiques voire en capacité à en diffuser. Il serait dans l'absolu pertinent de retenir des objectifs différenciés d'acquisition de CEPP. Il ne parait cependant pas possible pour la mission de déterminer des taux d'efforts différenciés, ce qui nécessiterait de disposer de critères permettant de classer les obligés par catégorie homogène et de disposer des résultats obtenus antérieurement par chaque distributeur pour inciter ses clients à réduire leur utilisation de produits phytosanitaires. Certains distributeurs peuvent, par ailleurs, être spécialisés dans la distribution d'un seul type de produit à l'exemple des fongicides contre la cercosporiose du bananier aux Antilles. Il serait donc également pertinent de déterminer des objectifs de réduction différenciés selon l'activité et le type de produits vendus par les distributeurs et l'existence ou non d'alternatives. Enfin, certains distributeurs ne commercialisent que très peu de produits phytopharmaceutiques et n'auront que peu d'impacts sur la réduction globale de leur utilisation. Compte tenu des dispositions législatives et des règles de la concurrence, la mission voit cependant mal comment les exclure du dispositif. Au regard de ce qui précède et en dépit de ses interrogations, la mission propose que le périmètre des obligés soit identique à celui en vigueur en métropole. L'obligation concernera donc tous les distributeurs ultramarins qui ont réalisé au moins quatre années civiles complètes de vente au 31 décembre de l'année (N-1) précédant la mise en application des CEPP dans les Outre-mer. Comme cela est présenté en annexe 4, le nombre d'obligés ultramarins sera limité. Dans la pratique, une trentaine d'entreprises devrait être actives sur un potentiel maximal inférieur à 80. La Réunion sera le département qui comptera le plus grand nombre d'obligés et la Guyane le plus faible. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 41/137 PUBLIÉ Lors de l'élaboration du décret devra notamment être clarifiée la situation des distributeurs de produits phytosanitaires qui vendent à des utilisateurs finaux à Mayotte. En effet, conformément à l'article L. 213-14 CE, le fait générateur de la redevance pour pollution diffuse (RPD) en Outre-mer est l'existence d'un office de l'eau62. Comme il n'a pas été créé d'office de l'eau à Mayotte, la redevance n'a pu être établie sur ce territoire. En conséquence, les distributeurs mahorais ne sont pas redevables de la RPD et ils n'ont donc pas l'obligation de déclarer leurs ventes de phytosanitaires sur la banque nationale des ventes réalisées par les distributeurs (BNV-D). S'ils sont potentiellement obligés du dispositif des CEPP, ils semblent de fait exclus des obligations d'acquisition de CEPP faute de pouvoir répondre aux obligations prévues par le IV de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement. 3.1.7. L'obligation en fin de période pour les Outre-mer sera déterminée en référence à la méthode utilisée pour déterminer l'obligation nationale L'objectif de réduction des NODU usages agricoles et, le cas échéant, traitement de semences et des jardins, espaces verts, infrastructures (JEVI) professionnels sera déterminé pour les distributeurs des Outre-mer en s'inspirant autant que possible de la méthode d'ensemble en vigueur pour le dispositif national pérennisé. L'effort de réduction de chaque obligé, exprimé en nombre de CEPP à acquérir, sera proportionnel à son NODU de référence calculé sur la base de ses ventes au sein du NODU global de référence de l'ensemble des Outre-mer notamment dans le cas où la durée de la période d'obligation et/ou l'objectif de réduction seraient différents entre les Outre-mer et la métropole. La référence sera égale à la moyenne des ventes des années N-4 à N-1 en excluant l'année au cours de laquelle les ventes ont été les plus faibles et l'année au cours de laquelle elles ont été les plus élevées, telles qu'enregistrées dans la banque nationale des ventes réalisées par les distributeurs de produits phytosanitaires. L'objectif de réduction macro-économique au terme de la première période d'application du dispositif dans les Outre-mer qui sera ensuite appliqué à chacun des obligés peut être déterminé selon deux méthodes. La première méthode consiste à évaluer un gisement potentiel d'économies de produits phytosanitaires en appliquant aux surfaces couvertes par chacune des cultures principales un gain en IFT résultant de la mise en oeuvre des actions standardisées identifiées pondérée par le taux de diffusion des techniques considérées. Ce gisement exprimé en IFT pourra être assimilé à un nombre de NODU selon la convention adoptée par la commission d'évaluation des fiches standardisées (voir plus haut). Au vu des données disponibles pour apprécier l'économie d'IFT (voir annexe 7) et le taux de diffusion des actions standardisées potentielles, et compte tenu de leurs incertitudes, cette méthode « scientifique » qui avait été utilisée en 2014 pour la métropole par la mission IGF-CGAAERCGEDD, semble à ce stade difficile à appliquer dans le contexte ultramarin. 62 La section du code l'environnement dédiée à Mayotte (article L. 652.1 et suivants CE) n'exclut pas Mayotte des dispositions relatives aux offices de l'eau prévus par les articles L. 231-14 et suivants du code. En conséquence, l'article L. 213-14 CE s'applique, notamment son II qui indique que « Sur proposition du comité de l'eau et de la biodiversité... l'office établit et perçoit auprès des personnes publiques ou privées des redevances pour... pollutions diffuses... ». Les modalités de calcul des redevances perçues par les offices de l'eau relèvent de l'article L. 213-14-2. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 42/137 PUBLIÉ Une seconde méthode plus empirique consiste à vérifier la faisabilité de la mise en oeuvre dans les Outre-mer du niveau d'obligation fixé à l'échelon national pour une période donnée compte tenu des techniques et des retours d'expérience disponibles. À ce stade, l'obligation qui sera arrêtée au niveau national à partir de 2022 n'est pas connue, ce qui ne permet pas à la mission d'en examiner la pertinence au regard de la situation des Outre-mer. En culture de banane, la plupart des interlocuteurs de la mission considèrent que l'objectif de baisse de 25 % de l'usage des phytopharmaceutiques en conditions climatiques "normales" fixé par le plan banane durable n° 2 à l'horizon 2020 est accessible et certains estiment que la marge de réduction de l'usage des herbicides pourrait être de l'ordre de 40 % à horizon de cinq ans. Sous réserve d'une diffusion accélérée des techniques disponibles et en cours de mise au point, un objectif de baisse significative de l'IFT paraît faisable pour les herbicides. Dépendant très fortement des conditions climatiques sur la période, l'objectif de baisse est a priori moins évident à atteindre pour les fongicides tant que la variété résistante à la cercosporiose ne sera pas largement diffusée, ce qu'une fiche standardisée pourrait favoriser. Les professionnels de la canne à sucre estiment qu'une réduction de 20 % de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques sur 5 ans n'est pas réaliste dans les conditions actuelles. Pourtant, plusieurs techniques efficaces pour réduire l'utilisation des herbicides sont disponibles et les résultats obtenus par les réseaux DEPHY montrent qu'un objectif de réduction de l'ordre de 15 % sur quatre ans pourrait être atteint sous réserve d'accélérer la diffusion et de combiner les techniques alternatives à faire labelliser comme actions standardisées CEPP. La palette de solutions déjà disponibles ou à ajouter aux fiches actions fait qu'un objectif de baisse limitée semble techniquement faisable pour les cultures de diversification à condition que l'ensemble du réseau technique se mobilise pour diffuser les techniques alternatives. Compte tenu de ces considérations, la mission propose que l'obligation de réalisation d'actions de chaque obligé ultramarin pour la première période de référence de quatre années soit déterminée à l'issue d'une concertation avec les acteurs locaux concernés et en référence à la méthodologie utilisée pour déterminer l'obligation nationale. Les modalités d'appréciation du respect de l'obligation d'acquisition d'un volume de CEPP au terme d'une période donnée ne sont pas spécifiques aux Outre-mer. Elles seront donc identiques à celles en vigueur sur l'ensemble du territoire national. Elles conduiront, selon des conditions qui restent à préciser, à la non reconduction de l'agrément donné à l'exercice de l'activité de distribution de produits phytopharmaceutiques en cas de non atteinte de l'objectif d'acquisition de CEPP. Recommandation 3. Après avoir clarifié la situation des distributeurs mahorais, notifier à tous les distributeurs exerçant dans les Outre-mer le nombre de CEPP à acquérir au terme d'une première période test de quatre ans. Le niveau de l'obligation et sa répartition éventuelle entre famille de produits seront déterminés après concertation avec les acteurs concernés. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 43/137 PUBLIÉ 3.1.8. La gestion des CEPP ultramarins pourra suivre le cadre national sauf en ce qui concerne les cessions entre obligés Le faible nombre d'obligés dans les DROM et l'existence d'un téléservice ne justifient pas de mettre en place des modalités de gestion des CEPP propres aux Outre-mer. Après mise en oeuvre des actions standardisées ou, le cas échéant, contribution à un programme, les demandes de délivrance de CEPP seront faites par les distributeurs des Outre-mer selon les mêmes modalités que les obligés métropolitains via le téléservice du registre national informatisé des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques géré par la DGAL et ce, au plus tard, trois mois après la fin de l'année de mise en oeuvre de l'action correspondante. Le contrôle de conformité in itinere de la réalisation des actions standardisées pour lesquelles des certificats ont été demandés sera conduit par les services régionaux de l'alimentation des directions de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (DAAF). Il consistera à vérifier les pièces ou modes de preuve de la réalisation de l'action telles qu'elles sont prévues par les fiches adoptées par arrêté ministériel. Cette mission nouvelle inquiète les services ultramarins rencontrés par la mission qui se sentent démunis pour ce faire. À l'occasion de la pérennisation du dispositif des CEPP et de son extension aux Outre-mer, il est souhaitable que la DGAL s'assure que la note d'instruction sur les contrôles peut être commune à l'ensemble du territoire, ce qui devrait être le cas dans la mesure où les contrôles de conformité ne paraissent pas présenter de caractéristiques spécifiques aux Outremer. Toutefois, il est nécessaire que les agents concernés des services ultramarins soient collectivement formés à ces contrôles. Les modalités de justification par les obligés de l'accomplissement de leurs obligations en fin de période par la production de CEPP obtenus par la mise en place d'actions visant à la réduction de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques ou par l'acquisition de CEPP auprès d'autres obligés ne présentent pas non plus de caractéristiques particulières nécessitant un traitement particulier pour les obligés ultramarins. Cependant, la mission considère qu'il convient de strictement encadrer la possibilité d'acquérir des CEPP auprès d'autres obligés pour des raisons de cohérence avec l'objectif de réduction des impacts qui est nécessairement territorialisé. Ainsi, pour satisfaire à ses obligations, un obligé ne devra présenter que des CEPP obtenus par des actions qu'il aura directement mises en oeuvre ou qu'il aura acquis auprès d'autres obligés exerçant leur activité de distribution au sein du même DROM. Recommandation 4. La gestion des CEPP ultramarins s'inscrira dans le processus national. Cependant, à la différence de la métropole, un obligé ne pourra acquérir des CEPP qu'auprès d'autres obligés exerçant leur activité de distribution dans le même DROM. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 44/137 PUBLIÉ 3.2. Les points d'attention et les mesures d'accompagnement indispensables qui conditionnent la mise en oeuvre du dispositif des CEPP en Outre-mer. Le déploiement du dispositif de CEPP en Outre-mer nécessite d'être soutenu par le réseau d'appui technique, suivi au sein de la gouvernance agroécologique régionale et évalué in fine. La conditionnalité des aides publiques et les contrôles sont des leviers à mobiliser pour l'accompagner. Sans adoption de ces mesures d'accompagnement, la mission doute fortement de la faisabilité et de l'intérêt pour l'Outre-mer d'un dispositif CEPP même amendé par rapport à celui envisagé pour la métropole. 3.2.1. Soutenir le réseau d'expérimentation et d'appui technique D'une manière générale, dans les DROM, le réseau de distributeurs de produits phytopharmaceutiques ne semble pas en capacité de porter seul le dispositif des CEPP. En effet, les distributeurs, peu nombreux, sont généralement peu impliqués dans les actions de conseil aux exploitants. Cette situation conduit les acteurs des filières à considérer qu'il serait à la fois plus efficace et plus efficient de s'appuyer sur les acteurs du développement et du conseil tels que les SICA, chambres d'agriculture, acteurs du RITA, voire sur le réseau technique des industriels sucriers et rhumiers pour ce qui concerne la canne. Une telle orientation n'est cependant pas conforme à l'ordonnance qui a, de plus, supprimé la notion d'éligibles qui aurait pu permettre à ces acteurs de jouer, en toute transparence, un rôle actif dans la mise en oeuvre des CEPP qu'ils auraient ensuite cédés aux obligés. Les professionnels, notamment ceux de la filière canne à sucre, ont également mis en avant un désengagement financier de l'État dans l'appui à la recherche et à la diffusion d'itinéraires techniques alternatifs. Un des facteurs-clés de la réussite du dispositif des CEPP réside dans la capacité à tester et adapter des techniques économes en produits phytosanitaires puis à en favoriser le transfert aux agriculteurs, directement ou par l'intermédiaire de coopératives d'utilisation de matériel en commun (CUMA) ou des entreprises de travaux agricoles notamment pour les matériels de désherbage mécanique. La mission considère donc qu'il est nécessaire de poursuivre le soutien financier aux actions expérimentales conduites par les instituts techniques présents dans les Outre-mer et d'en favoriser l'appropriation par les agriculteurs notamment au travers des réseaux DEPHY et des groupes 30 00063. 63 Mis en place dans le cadre du plan Écophyto 2, les groupes 30 000 sont constitués d'agriculteurs qui se regroupent pour mettre en place des systèmes et des techniques économes en produits phytopharmaceutiques déjà testés et éprouvés par le réseau DEPHY ou par d'autres acteurs. L'objectif consiste à impliquer 30 000 exploitations dans ces démarches pour 3 000 engagées dans les réseaux DEPHY. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 45/137 PUBLIÉ Le cas échéant, un dispositif incitatif pourrait également être mis en place pour soutenir la mobilisation des opérateurs techniques des Outre-mer dans la démarche des CEPP. À l'instar des agriculteurs qui monnaient leurs factures auprès des distributeurs obligés pour leur permettre d'obtenir des CEPP, les acteurs techniques pourraient également le faire si la rédaction d'une fiche d'action standardisée validée donnait droit à une attribution de CEPP64. Afin que cette mesure reste neutre sur l'objectif final, l'obligation globale d'acquisition de CEPP fixée aux distributeurs en fin de première période serait majorée d'un volume de CEPP supplémentaire correspondant à celui généré par la production du nombre attendu de fiches actions. 3.2.2. Renforcer la formation sur les techniques alternatives aux phytosanitaires Le constat général est que les agriculteurs ultramarins ne sont pas assez formés, sensibilisés et accompagnés sur les problématiques de santé végétale. Sauf lorsqu'ils y sont contraints pour bénéficier des aides publiques comme dans le secteur de la banane d'exportation, ils rechignent à s'entourer de conseils pour raisonner leurs pratiques. Ainsi, l'enquête sur les pratiques culturales a montré qu'une faible proportion des agriculteurs impliqués dans les cultures de diversification (moins de 20 % en Guadeloupe par exemple) faisait appel aux distributeurs ou aux techniciens des organisations de producteurs pour raisonner les traitements phytosanitaires. La formation de base et continue des agriculteurs ultramarins est une priorité, de même qu'un accompagnement de qualité par des conseillers eux-mêmes formés aux techniques alternatives aux produits phytosanitaires. De plus, une sensibilisation renforcée des agriculteurs ultramarins aux risques pour leur santé contribuera à les faire réfléchir sur une moindre utilisation des produits phytosanitaires. 3.2.3. Utiliser la conditionnalité des aides pour favoriser l'adoption des actions de réduction des phytosanitaires La réalisation et la diffusion d'un catalogue d'actions, d'assemblages de mesures ou programmes réputés favoriser la réduction de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques ne suffiront pas à elles seules et de façon quasi spontanée à produire les résultats escomptés. Des dispositifs incitatifs devront, en conséquence, être déployés pour en assurer l'appropriation puis l'adoption par les acteurs concernés. C'est d'abord aux agriculteurs, utilisateurs finaux des produits phytopharmaceutiques, qu'il conviendra de s'intéresser. Parce qu'ils sont les premiers exposés aux risques encourus, parce qu'ils supportent les coûts liés à l'utilisation de ces produits, parce qu'en liaison avec les organisations professionnelles et les réseaux dédiés, ils ont déjà participé - ainsi que l'attestent l'évolution des quantités de substances actives vendues Outre-mer et celui des IFT pour la banane ­ à la baisse de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans ces territoires, ils doivent être considérés comme les moteurs du changement de pratiques. 64 L'attribution de 500 CEPP pour une action qui seraient valorisés 5 l'unité (référence de la pénalité antérieure) couvrirait environ les deux tiers du coût mensuel d'un ingénieur. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 46/137 PUBLIÉ Pour amplifier l'action déjà mise en oeuvre par les membres des réseaux DEPHY, les missionnés suggèrent de lier un pourcentage ­ qui pourrait être de l'ordre de 15 à 20 % ­ des aides du programme d'options spécifique pour lutter contre l'éloignement et l'insularité (POSEI) allouées aux producteurs à la mise en place par ces derniers d'une ou plusieurs des actions standardisées ou la participation à un ou plusieurs des programmes retenus dans le « catalogue » évoqué précédemment. Les participants aux réseaux DEPHY avec objectif de réduction des utilisations de produits phytosanitaires seraient bénéficiaires de droit de cette allocation conditionnelle. Ce sont les organisations professionnelles qui auraient la responsabilité de « certifier » à l'ordonnateur des aides POSEI la réalité des actions adoptées par les agriculteurs pour diminuer l'utilisation des produits phytosanitaires et à en estimer l'effet en termes de NODU économisé. Ce mécanisme pourra s'appuyer sur le retour d'expérience de la filière banane. Il pourra également tenir compte de l'expérimentation, en cours de démarrage à La Réunion, de la conditionnalité des aides économiques à la production de canne au respect d'un itinéraire technique arrêté par la profession et contrôlé par des professionnels certifiés par l'administration. Mais ce sont également les organisations professionnelles qu'il conviendra de viser. Celles, bien sûr attachées à des filières de production telles que les coopératives de planteurs de canne à sucre, les groupements de producteurs de banane qui, pour certaines d'entre elles, associent actuellement vente de produits phytopharmaceutiques et conseils aux agriculteurs, mais également celles à vocation plus transversale et non distributrices de ces produits comme les chambres d'agriculture. Les enjeux liés à la promotion de l'agroécologie, afin de repenser à la fois les pratiques agricoles pour plus de durabilité, notamment pour la diminution des produits phytosanitaires, mais aussi les modalités d'accompagnement des agriculteurs dans le changement de leurs pratiques, devraient être inscrits dans la politique des filières, à l'image de ce qui a été engagé par la filière bananière dans le cadre du plan « banane durable ». De l'avis de la mission et en prévision de la séparation prochaine de la vente et du conseil, une articulation plus étroite des aides publiques accordées à ces organismes avec leur investissement humain et matériel en matière de promotion de mesures, d'itinéraires techniques et d'actions de sensibilisation favorisant un moindre recours à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, devrait être recherchée. Au-delà des dispositions et de moyens mobilisés dans le cadre du plan Écophyto II+, ceci devrait concerner toutes les aides nationales et notamment celles du compte d'affectation spécial pour le développement agricole et rural (CASDAR), mais si possible aussi les aides européennes, en particulier celles du Fonds européen pour le développement agricole (FEADER). Sur ces guichets, une fraction d'environ 15 % des ressources mobilisables pourrait être conditionnée à la réalisation des actions de promotion d'une moindre utilisation des phytosanitaires. À l'image de ce qui a été suggéré pour les agriculteurs, les organismes bénéficiaires de ces crédits conditionnels devront les justifier en décrivant les activités engagées pour réduire les phytosanitaires et les effets escomptés en matière de réduction de NODU. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 47/137 PUBLIÉ 3.2.4. Renforcer les contrôles sur les achats et les utilisations des produits phytosanitaires Outre les contrôles de conformité des déclarations d'actions standardisées qui pourront être faits par les services de l'alimentation des DAAF selon la méthode mise en place en métropole, la mission considère que la lutte contre les fraudes dans le commerce, les usages et la fiscalité des produits phytosanitaires est une condition nécessaire pour accompagner la mise en place des CEPP dans les Outre-mer. Au regard de la situation des Outre-mer rappelée par de nombreux interlocuteurs, la mission estime indispensable de renforcer les contrôles sur les utilisations illégales de produits (voire de contrefaçons de produits) qui ne sont pas autorisés en France, mais le sont dans des pays tiers, ou qui ont été retirés de la vente en France. Les contrôles doivent également porter sur les mésusages, les détournements d'usage et les mélanges. Le dispositif pérenne des CEPP inclut dorénavant les agriculteurs qui s'approvisionnent en direct sans passer par un circuit de distribution agréé en France, y compris à l'importation, et qui sont de ce fait redevables de la redevance pour pollution diffuse. La mise en oeuvre de leur obligation en matière de CEPP nécessite qu'ils soient enregistrés dans la BNV-D et qu'ils déclarent leurs achats. Cela implique au préalable que les contrôles relatifs à ces circuits d'approvisionnement direct, notamment par importation, soient organisés et intensifiés afin d'identifier les agriculteurs qui ne déclarent pas la RPD. Ces questions ne sont pas spécifiques aux Outre-mer, mais elles y sont sensibles. La pérennisation du dispositif des CEPP et son extension aux Outre-mer sont l'occasion de diffuser une instruction conjointe des ministères en charge de l'écologie, de l'économie et de l'agriculture dans la mesure où dans les Outre-mer les contrôles doivent mobiliser de manière coordonnée les services des DAAF, des douanes et des offices de l'eau. Recommandation 5. Lier l'extension du dispositif des CEPP en Outre-mer à l'adoption de mesures d'accompagnement fortes. Conditionner par exemple une partie des aides publiques, notamment du POSEI, à la mise en place d'actions visant à réduire l'utilisation des produits phytosanitaires. Renforcer la formation et soutenir financièrement, via les aides nationales et le FEADER, les actions d'expérimentation et de diffusion des techniques alternatives aux pesticides. 3.2.5. Assurer dans chacun des Outre-mer un suivi collectif du dispositif des CEPP Les services, organisations et acteurs rencontrés par la mission n'ont pas manqué d'exprimer leurs interrogations voire leurs doutes quant à l'intérêt d'étendre aux Outre-mer le dispositif des CEPP expérimenté et maintenant généralisé en métropole. Ces doutes portent, d'abord, sur la sophistication du dispositif, ressentie comme décalée par rapport à la nécessaire intelligibilité des messages à diffuser aux acteurs de la profession agricole et notamment aux agriculteurs. Les doutes s'étendent à la faisabilité quant au rôle assigné aux distributeurs, mais, également, au regard de l'ampleur des actions de suivi et de contrôle que parait générer un tel mécanisme. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 48/137 PUBLIÉ Dans ce contexte, la mission considère qu'il faut intégrer et responsabiliser l'ensemble des acteurs de la profession agricole et non les seuls distributeurs quant aux enjeux de la baisse de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques en Outre-mer. L'appréciation des progrès en matière de réduction de l'utilisation des produits phyto pharmaceutiques et des conditions nécessaires pour atteindre cet objectif devra, certes, concerner l'Outre-mer dans sa globalité mais, également, faire l'objet d'un examen pour chacune des collectivités territoriales qui le composent étant donnée la diversité des situations. Le bilan national annuel de la mise en oeuvre au cours de l'année précédente du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques sur l'ensemble du territoire devra présenter la situation dans chacun des DROM. Au-delà, la mission propose qu'un comité de suivi des CEPP soit mis en place dans chacun des Outremer afin d'assurer, avec une périodicité au moins annuelle, un suivi local des actions réalisées. Le comité devra notamment vérifier que la trajectoire d'attribution de CEPP est compatible avec l'obligation fixée en fin de période et analyser la cohérence entre les CEPP attribués et l'évolution effective de l'utilisation des produits phytosanitaires. Il est souhaitable que ce comité, qui devra associer l'ensemble des parties prenantes, s'inscrive dans la gouvernance régionale existante pour des raisons de cohérence et afin d'éviter de multiplier les instances. Le comité d'orientation stratégique et de développement agricole (COSDA) paraît le mieux placé à cet effet puisqu'il est le cadre structurant de la gouvernance notamment des questions d'agroécologie, du suivi du plan Écophyto, de la recherche et des réseaux d'innovation et de transfert agronomique (RITA)65. 3.2.6. Évaluer l'efficacité du dispositif des CEPP sur l'utilisation des phytosanitaires La mise en oeuvre du dispositif des CEPP repose sur une obligation de moyens. Il est donc nécessaire de contrôler ex post l'efficacité des actions afin de s'assurer in fine que la montée en puissance du dispositif des certificats se traduit par une réduction effective de l'utilisation des produits phytosanitaires. À cet effet, des indicateurs de performance et d'impact du dispositif des CEPP devront être construits à l'image, par exemple, de ceux développés dans le plan « banane durable ». L'évaluation consistera tout d'abord à analyser périodiquement l'impact du dispositif des CEPP sur la diffusion des bonnes pratiques d'utilisation des phytosanitaires. Ainsi les enquêtes sur les pratiques culturales devraient mesurer le taux de diffusion des principales pratiques qui font l'objet de fiches actions standardisées. 65 Le comité d'orientation stratégique et de développement agricole (COSDA) installé dans chacun des DROM est chargé de définir et de valider les grandes orientations politiques de développement agricole, agro-industriel et rural, communes à l'État et à chacune des collectivités ultramarines pour la mise en oeuvre des programmes de l'Union Européenne. L'une (ou plusieurs) de ses sections spécialisées est chargée notamment des questions d'agroécologie, du suivi du plan Écophyto, de la recherche et des réseaux d'innovation et de transfert agronomique (RITA). La recherche de cohérence entre les différentes sections du COSDA apparaît nécessaire afin d'optimiser les différentes actions, qu'elles relèvent de l'agroécologie ou de la recherche et de la formation. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 49/137 PUBLIÉ Le second niveau d'évaluation consistera à vérifier que la réduction effective de l'utilisation de produits phytosanitaires liée à la mise en oeuvre d'une pratique est conforme à la valeur forfaitaire mentionnée dans la fiche d'action standardisée qui pourra être révisée si nécessaire. À cet effet, il faudrait organiser en s'appuyant notamment sur les RITA un dispositif permettant de recueillir ces informations pour les cultures spécifiques aux Outre-mer, la banane et la canne en premier lieu. Enfin, l'évaluation globale de l'impact du mécanisme des CEPP sur l'utilisation effective des produits phytosanitaires devra être réalisée en fin de période quadriennale, à l'échelle de chacun des DROM, en utilisant les données disponibles. La réduction théorique du NODU au sein du DROM sera appréciée à partir du fichier des CEPP attribués et comparée à l'évolution réelle constatée du NODU à partir des ventes déclarées. Les écarts entre l'évolution théorique et l'évolution réelle du NODU devront être analysés et expertisés en tenant compte des paramètres influents. Il serait intéressant de compléter l'analyse globale par une analyse par filière pour mettre en évidence des dynamiques différentes66. Cette évaluation ex-post est indispensable pour améliorer les modalités de détermination de l'obligation lors d'une nouvelle période quadriennale. Recommandation 6. Mettre en place dans chacun des Outre-mer un dispositif de suivi des CEPP inscrit dans le comité d'orientation stratégique et de développement agricole (COSDA) et associant l'ensemble des parties prenantes. Procéder en fin de période d'obligation à une évaluation de l'impact des CEPP sur l'utilisation effective des produits phytosanitaires et en tirer les conséquences en matière de pérennisation du dispositif. 66 Cette analyse par filière prolongerait la démarche qui a été initiée au sein de la filière banane dans le cadre du deuxième plan banane durable. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 50/137 PUBLIÉ Conclusion La plupart des interlocuteurs ultramarins rencontrés par la mission ont découvert grâce à elle le dispositif des CEPP. Ils ne semblaient pas avoir anticipé sa mise en place dans les Outre-mer. Ils se sont montrés généralement réticents à l'application des CEPP, mettant plutôt en avant l'insuffisance des solutions de traitement et les conditions de concurrence avec les pays tiers. Dans le cas particulier de la filière banane qui s'est engagée dans la réduction des pesticides, la position est dubitative quant à l'intérêt d'ajouter un dispositif contraignant à une orientation déjà prise par la profession. Sans évolution des dispositions législatives, il n'est pas envisageable de ne pas appliquer le dispositif des CEPP sur l'ensemble du territoire national. À l'issue de ses travaux, la mission considère que l'amplification de l'objectif de réduction de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques aux Antilles et à La Réunion semble pertinent au regard des volumes de produits phytosanitaires utilisés par unité de surface et faisable au vu des capacités locales à diffuser des techniques alternatives. Le recours au dispositif CEPP pour atteindre cet objectif est envisageable dans ces territoires sous réserve de l'adapter et d'adopter des mesures d'accompagnement ad hoc. La mission est beaucoup plus réservée pour la Guyane et Mayotte. En effet, compte tenu de la faible surface cultivée en Guyane hors cultures vivrières et des quantités de produits phytopharmaceutiques utilisées légalement, on peut s'interroger sur la nécessité et la faisabilité de mettre en oeuvre un tel dispositif dans ce département. Sans adaptation législative, il ne semble toutefois pas possible d'exempter ce territoire du dispositif des CEPP. Il en serait de même pour Mayotte si la condition liée à la déclaration de la redevance pour pollution diffuse était levée. L'extension du dispositif des CEPP dans les Outre-mer devrait reposer à la fois : · sur des éléments communs avec le système métropolitain, adaptés le cas échéant aux conditions locales (actions standardisées génériques, méthode d'évaluation des actions standardisées) ; · sur un socle propre aux Outre-mer dans leur ensemble (fiches actions spécifiques aux cultures tropicales, objectif de réduction) ; · et, sur des modalités spécifiques à chacun des Outre-mer pour prendre en compte la composante territoriale (cession de CEPP entre obligés). Compte tenu de l'hétérogénéité entre les filières de l'organisation de la production et de l'appui technique apporté à des agriculteurs souvent peu formés et qui cultivent des exploitations souvent de petite taille, la réussite de la mise en place des CEPP nécessitera un accompagnement important notamment de la part des structures de développement technique et des services de l'État. Sans cet accompagnement, le dispositif CEPP non seulement ne produira pas les effets escomptés, mais il sera perçu par les acteurs ultra-marins comme un nouvel exemple de mesure technocratique conçue en métropole sans réelle prise en compte des réalités et des acteurs des Outre-mer. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 51/137 PUBLIÉ Dans ce contexte et eu égard, de surcroît, aux incertitudes actuelles quant aux conséquences de la séparation du conseil et de la vente de produits phytosanitaires, la mission estime indispensable d'associer rapidement les représentants des parties prenantes les plus directement concernées (négoces et coopératives) à la préparation des textes réglementaires. Il lui paraît également nécessaire d'anticiper dès maintenant la mise au point d'actions standardisées pour les Outre-mer afin que les acteurs locaux disposent des outils et se soient préparés afin d'être opérationnels dès le début de la première période d'obligation d'acquisition de CEPP et ce quel que soit l'issue du processus d'extension du dispositif CEPP aux Outre-mer. Carol BUY Patrick LAVARDE Henri-Luc THIBAULT Inspectrice générale de la santé publique vétérinaire Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 52/137 PUBLIÉ Annexes Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 53/137 PUBLIÉ Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 54/137 PUBLIÉ 1. Lettre de mission Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 55/137 PUBLIÉ Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 56/137 PUBLIÉ 2. Liste des personnes rencontrées Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail LAVILLE Jérôme Adjoint au chef de l'unité des décisions de la direction des autorisations de mise sur le marché Association Réunionnaise pour la Modernisation de l'Économie Fruitière, Maraîchère et Horticole DAMBREVILLE INSA Alain Guillaume Président Directeur technique, animateur RITA et délégué ACTA pour l'Océan indien Assemblée permanente des chambres d'agriculture BRUN Virginie Responsable de la cellule nationale DEPHY Centre international de recherche agronomique pour le développement THEVENIN Jean-Marc Coordinateur national des RITA Comité spécialisé canne à sucre de l'ODEADOM CHARABIE DAMOISEAU PANELLE PREVOT CERALINE THIBAULT LARAVINE GUILBOT BELLASSEE MAURANYAPIN PIMBEL BARLETT Véronique Hervé Miguel Ernest Justin Florent Isodore Nadège Patrick Jean-Pierre Carole Thomas Représentant professionnel Guadeloupe Représentant professionnel Guadeloupe Représentant professionnel Guyane Représentant professionnel Guyane Représentant professionnel Martinique Représentant professionnel La Réunion Représentant professionnel La Réunion CTCS (La Réunion) CTCS (Martinique) CTCS (Guadeloupe) Conseil Interprofessionnel du Rhum traditionnel des départements d'Outre-mer id Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 57/137 PUBLIÉ CANTORNE Jean-Claude Comité spécialisé banane ODEADOM De LACAZE MARRAUD des GROTTES GLORIANNE MONTEUX HERY Marc Nicolas Louis-Félix Pierre Marcus Représentant professionnel Guadeloupe Représentant professionnel Martinique Représentant professionnel Martinique BANAMART LPG eRCANE SIEGMUND MARION MANSUY Bernard Daniel Alizé Directeur Chef du service techniques culturales Ingénieur des techniques culturales Directions de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Guadeloupe CABIROL Émilie Cheffe de l'unité productions végétales au service de l'alimentation Service de l'alimentation Service d'économie agricole Service d'information statistique et économique Directeur adjoint Chef de projet Écophyto Contrôleur « produits phytosanitaires » au SRAL Directeur Directeur adjoint Chef du service de l'alimentation Pôle protection de l'environnement au SRAL Cheffe du service de l`alimentation LASSALLE RESON ROUSSEAU Guyane Jean-Philippe Marlene Thierry VAN VAERENBERGH Chris LAPLACE BIENVENU Damien Yohan Martinique HELPIN PFISTER IOTTI HATEAU Jacques Vincent Jean Bertrand Loïse Réunion de VALICOURT Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 58/137 PUBLIÉ DEBENAY Bruno Responsable de l'unité santé des végétaux MAILLARY Ludovic Chargé de l'amélioration des pratiques phytosanitaires au service de l'alimentation Chef du pôle agriculture durable au service territoires et innovation Chef de l'unité santé et protection végétale au service de l'alimentation Chargée de mission Écophyto et surveillance biologique du territoire CASTANIER Christophe Mayotte ABDOUL-KARIME Anli-Liachouroutu Marion MICHEL Florine RASOLOFOARISON Adjointe au chef du service de l'alimentation Institut national de l'environnement et des risques MALHERBE Laure Responsable de l'unité Instrumentation et exploitation de la donnée Institut national de la recherche agronomique HUYGHE BLANCK Christian Maud Directeur scientifique agriculture, président de la commission d'évaluation des actions CEPP Chargée de projet CEPP Institut technique tropical (IT2) DURAL DAGUIER David Marie Directeur Responsable santé végétale pour la filière banane Responsable « systèmes innovants », Coordinateur des réseaux DEPHY cultures tropicales GERVAIS Laurent Lycée agricole de Coconi (Mayotte) BOUVARD Yves Ingénieur surveillance biologique du territoire Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 59/137 PUBLIÉ SOULEBELLE Juliette Chargée de mission Écophyto "Transfert" RITA Innoveg Ministère de l'agriculture et de l'alimentation Direction générale de l'alimentation TRIDON Alain Chef du service des actions sanitaires en production primaire Adjoint à la sous-directrice de la qualité, de la santé et de la protection des végétaux Chef du bureau des semences et de la protection intégrée des cultures Adjoint au chef du bureau des semences et de la protection intégrée des cultures Délégué ministériel aux Outre-mer Adjoint au délégué ministériel aux Outremer CLAQUIN Pierre JACQUIAU Laurent MALTERRE Direction JOLY générale de la BERNICOT performance économique et environnementale des entreprises Frédéric Alain Jean Ministère des Outre-mer Direction générale des Outre-mer MARTRENCHAR Arnaud Adjoint au sous-directeur des politiques publiques Adjoint au chef du bureau des politiques rurales, agricoles et maritimes JUNOT Olivier Office de développement agricole des Outre-mer DEPERROIS GRASSART CHEVILLON GOURVENNEC Hervé Laurence Sandrine Valérie Directeur général Cheffe du service grandes cultures Cheffe du pôle canne-sucre-rhum Cheffe du service productions de diversification Offices de l'eau Guadeloupe LABAN Dominique Directeur Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 60/137 PUBLIÉ VINCENT Cédric Responsable des interventions économiques Directrice adjointe Directeur adjoint Service Interventions financières redevances Directeur Direction de la gouvernance de l'eau Guyane Martinique INIMOD MANGEOT LOUIS-JOSEPH Myriane Loïc Stéphane Réunion SAM YIN YANG PAYET Gilbert Damien Sociologues Institut des sciences politiques de Paris Ecole supérieure d'agriculture d'Angers AULAGNIER Alexis Doctorant au Centre de sociologie des organisations Di BIANCO Soazig Chargée de recherche au laboratoire de recherches en sciences sociales Union des producteurs de banane de Guadeloupe et Martinique RUELLE ZANOLETTI Philippe Sébastien Directeur général UGPBAN / FRUIDOR Directeur innovation et développement durable Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 61/137 PUBLIÉ 3. Le dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE) Régi par les dispositions des articles L. 221-1 à L .221-11 et L. 222-1 à L. 222-9 du code de l'énergie, le dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE) : - repose sur une obligation imposée aux fournisseurs d'énergie (« obligés » ) de réaliser, sur une période donnée, des actions génératrices d'économies d'énergie qui bénéficient de l'attribution de CEE proportionnels aux économies potentielles (1 CEE = 1 kWh cumac67 d'énergie finale) ; - les obligés choisissent librement les actions qu'ils vont mettre en place (prime pour l'acquisition d'un équipement, bon d'achat, diagnostic gratuit, etc.) et reçoivent, en contrepartie, des certificats lorsque ces actions ont eu un rôle actif et incitatif dans la réalisation par le consommateur de travaux d'économies d'énergie. Les obligés peuvent aussi acquérir des certificats auprès d'autres acteurs, appelés les «éligibles», comme les collectivités territoriales ; - des arrêtés approuvent les opérations standardisées d'économie d'énergie qui sont détaillées dans des fiches actions standardisées. Les arrêtés déterminent, notamment, les montants forfaitaires d'économies d'énergie en kWh cumac associés à chaque opération ; - pour une opération d'économies d'énergie donnée, les CEE correspondants sont attribués par un service à compétence nationale rattaché à la irection générale de l'énergie et du climat (DGEC). Les certificats délivrés sont ensuite matérialisés par leur inscription sur un compte individuel ouvert dans le registre national des certificats d'économies d'énergie ; - en fin de période, les vendeurs d'énergie obligés doivent justifier de l'accomplissement de leurs obligations par la détention d'un montant de certificats au moins équivalent à ces obligations. En cas de non-respect de leurs obligations, les obligés sont tenus de verser une pénalité libératoire par CEE manquant. 67 Le terme « cumac » correspond à la contraction de « cumulé » et « actualisé ». Ainsi, le montant de kWh cumac économisé suite à l'installation d'un appareil performant d'un point de vue énergétique correspond à la somme des économies d'énergie annuelles réalisées durant la durée de vie de ce produit. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 62/137 PUBLIÉ 4. Les ventes et la distribution des produits phytosanitaires dans les Outre-mer 4.1. Les ventes de produits phytopharmaceutiques semblent diminuer dans les DOM à la différence de la métropole 4.1.1. Les ventes de produits phytosanitaires ne diminuent pas à l'échelle nationale Les ventes de produits phytosanitaires sont suivies au travers des déclarations faites par les distributeurs dans la base de données des ventes de produits phytosanitaires (BNV-D) placée sous la responsabilité de l'agence française de la biodiversité et utilisée par l'agence de l'eau Artois-Picardie pour calculer la redevance pour pollution diffuse (RPD) perçue par les agences de l'eau 68. Les données de ventes sont exprimées en quantité de substances actives (QSA). Figure 1 : Évolution des ventes de pesticides (source : SoeS, 2017) L'état des lieux des ventes et des achats de produits phytopharmaceutiques établi par le Commissariat général au développement durable informe qu'en 2017, la quantité totale de substances actives vendues (QSA) en France s'est élevée à 71 200 tonnes, dont 5 % concernent les produits « emploi autorisés dans les jardins » (EAJ)69. 20 % du total vendu sont des substances potentiellement préoccupantes pour la santé humaine. 68 Depuis 2012, la gestion de la RPD est mutualisée en métropole entre les six agences de l'eau via l'agence ArtoisPicardie qui est en lien avec l'INERIS chargé d'administrer la ENV-d dans le cadre d'une convention avec l'AFB. D'après les données de la banque nationale des ventes réalisées par les distributeurs de produits phytopharmaceutiques (BNV-D). 69 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 63/137 PUBLIÉ En tendance, sur la période 2009-2017, les données montrent une augmentation globale de chaque type d'usage de substances actives, à l'exception des ventes de nématicides et rodenticides (-17 %), ce malgré une diminution de la SAU de 1 % et la progression de l'agriculture biologique. La figure ci-après montre que dans la plupart des anciennes régions de métropole les ventes ont augmenté entre 2008 et 2016 ou sont au mieux restées stables. Figure 2 : Évolution par région des ventes de produits phytosanitaires (source : Ineris) La dernière note disponible de suivi du plan Écophyto indique qu'après une légère baisse en 2015, le NODU pour les usages agricoles est resté stable en 2016 (+0,3 % par rapport à 2015), mais la hausse est nette par rapport à la situation observée au lancement du plan Écophyto en 2009 (+10,5 %)70. Le NODU triennal moyen 2014-2016 est de 95,2 millions. Il se décompose en 41 % d'herbicides, 36 % de fongicides, 11 % d'insecticides, 8 % d'autres produits (molluscides, rodenticides...) et 4 % de substances type régulateur de croissance. 70 Calculé à partir des données de vente des distributeurs de produits phytopharmaceutiques, le NODU correspond à un nombre de traitements « moyens » appliqués annuellement sur l'ensemble des cultures, à l'échelle nationale. Il s'affranchit des substitutions de substances actives par de nouvelles substances efficaces à plus faible dose puisque, pour chaque substance, la quantité appliquée est rapportée à une dose unité (DU) qui lui est propre. Ainsi, rapporté à la surface agricole utile (SAU), le NODU permet de déterminer le nombre moyen de traitements par hectare. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 64/137 PUBLIÉ Comme le montre le graphique ci-dessous, la valeur triennale 2014-2016 du NODU a augmenté de 12,4 % par rapport à celle de la période 2009-2011, alors que dans le même temps celle de la QSA a augmenté de 15 %. Il convient de noter que ces données sont antérieures au début de mise en place des CEPP. Figure 3 : Évolution de la valeur moyenne triennale du NODU usages agricoles Par ailleurs, depuis 2015, les quantités de substances actives vendues en métropole sont disponibles de façon fiable, à l'échelle du code postal des acheteurs finaux, ce qui permet d'avoir une meilleure appréciation de l'utilisation géographique des phytosanitaires à partir de la BNV-D. En ce qui concerne les achats pour usage agricole, 21 départements en totalisent plus de la moitié71. Enfin, les enquêtes sur les pratiques culturales qui sont effectuées régulièrement par sondage, permettent de connaître les pratiques phytosanitaires et d'actualiser les indices de fréquence de traitement (IFT) pour les principales cultures. 4.1.2. La collecte des données de ventes est propre à chacun des DROM Dans les DROM, le contexte de collecte des données est différent puisque les distributeurs déclarent leurs ventes sous forme de bilans aux offices de l'eau. Les données issues de la BNV-D exprimées en quantité de substances actives (QSA) ont été exploitées par la mission pour chacun des Outre-mer. Elles sont probablement sous-estimées, compte tenu des éléments suivants : · Les distributeurs des DROM déclarent leurs ventes sous forme de bilans aux offices de l'eau et l'acheteur final n'est pas toujours indiqué. Ainsi, l'asulame (herbicide utilisé massivement sur la canne à sucre) était importé jusqu'à l'arrêt en 2018 de la dérogation par Agro-Antilles, dont le siège est en Guadeloupe, mais environ 10 tonnes étaient vendues en Martinique . 71 La Gironde, avec plus de 3 400 tonnes de substances actives (cultures permanentes 122 500 ha) est le 1er, puis la Marne (2 800 t pour 558 000 ha), la Somme (2 000 t pour 465 300 ha et 1er producteur de pommes de terre) et le Gard (cultures permanentes 66 000 ha, 1 900 t). Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 65/137 PUBLIÉ · La collecte des déclarations des distributeurs est assurée par l'office de l'eau de chaque DROM, et non de manière mutualisée comme en métropole où l'agence de l'eau Artois-Picardie est prestataire des autres agences pour ce service. Mayotte est un autre cas particulier, car le département ne disposant pas d'un office de l'eau, les distributeurs ne sont en conséquence pas assujettis à la redevance pour pollutions diffuses. Des données pour ce département sont directement collectées par la DAAF de Mayotte. Les substances actives en usage dérogatoire, ne sont pas forcément référencées dans la BNV-D. Ainsi, l'asulame (utilisé sur la canne à sucre), tout en ayant été vendu jusqu'à fin 2017, échappe à la redevance. C'est la DAAF de Guadeloupe qui s'est chargée de « récupérer » les données auprès du principal importateur pour les Antilles et d'ajuster les QSA vendues en Martinique et en Guadeloupe. Des distributeurs métropolitains vendent dans les DROM, mais ces ventes ne sont pas comptabilisées dans ces départements. Enfin, les « importations » frauduleuses, quoique difficilement quantifiables, pourraient être significatives notamment en Guyane et à Mayotte. Les limites de l'indicateur QSA · · · Les différentes substances actives sont appliquées à des concentrations différentes à l'hectare selon les catégories de produits phytosanitaires. Par exemple les nématicides sont appliqués à raison de 3-4 kg SA/ha alors que les fongicides sont appliqués entre 100 et 400 g/ha. L'asulame ou le S metolachlore s'appliquent de 3,6 kg/ha à 1,5 kg/ha, à des doses bien supérieures à l'isoxaflutole (100 g/ha) ou au prosulfuron (15 g/ha). Compte tenu de l'agrégation en kg de SA de produits qui s'utilisent à des doses de grandeur variable, l'indicateur QSA ne permet pas d'appréhender les effets de substitution par de nouvelles SA plus efficaces à plus faible dose, ce qui peut conduire à surestimer une tendance à la diminution de l'utilisation de produits phytosanitaires. Cette évaluation n'est rendue possible que par l'indicateur NODU qui n'est pas disponible pour les cultures des Outre-mer. Enfin, les QSA vendues ou achetées ne reflètent également pas le lieu, la quantité appliquée ou la période d'application des traitements (possibilité de constitution de stocks...). Cet indicateur garde cependant sa pertinence pour une estimation globale des tendances de consommation. 4.1.3. Même si les ventes diminuent, les DROM restent d'importants consommateurs d'herbicides par hectare Avec toutes ces précautions, il semble que l'on puisse cependant dégager les grandes tendances suivantes : · Les départements d'Outre-mer, avec des QSA comprises entre 11 tonnes (Guyane) et moins de 200 tonnes pour la Réunion, ne font pas partie des départements où sont vendues et consommées les quantités de substances actives les plus importantes en valeur absolue de consommation totale (cf. ci-dessus pour la Gironde et la Marne). Les départements d'Outre-mer ont vu une diminution des quantités de substances actives vendues entre 2015 et 2017 qui est à confirmer sur longue période : 423, 6 tonnes de substances actives vendues en 2015 (proche du niveau des ventes de 2011) et 335,3 tonnes en 2017 pour l'ensemble des départements ultramarins (hors Mayotte). · Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 66/137 PUBLIÉ Tableau 1 : Ventes totales de produits phytosanitaires en kg de substances actives En kg de SA Martinique Guadeloupe La Réunion Guyane DOM 2015 67 297 148 598 197 954 10 670 423 608 2016 60 757 102 586 194 743 12 603 369 641 2017 54 719 81 614 188 767 10 842 335 369 Figure 4 : Évolution des ventes de substances actives entre 2015 et 2017 · La diminution de la quantité de substances actives (QSA) exprimée en kg est essentiellement due à la baisse des herbicides (H), plus nette aux Antilles : Tableau 2 : Ventes de produits phytosanitaires par catégories (F= fongicides, H= herbicides, I= insecticides) en kg de substances actives (source : BNV-D) Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 67/137 PUBLIÉ Figure 5 : Évolution des ventes de QSA par catégorie de produits phytosanitaires · Cependant, rapportées à la surface agricole utile et en soustrayant arbitrairement un montant de 20 % pour les usages autorisés en jardin (EAJ) dont la part est supérieure à celle de la métropole, les quantités de substances actives par hectare de SAU vont de 0,27 kg /ha pour la Guyane à 3,6 kg/ha pour La Réunion. Si l'on compare ces données à celles d'autres départements parmi les gros consommateurs (Marne et Somme avec respectivement 5,0 et 4,3 kg/ha), cet indicateur montre que les quantités de produits phytosanitaires utilisées en Outre-mer sont significatives à La Réunion et aux Antilles. Tableau 3 : Quantité de substances actives vendues en 2017 par unité de surface (source : BNV-D) Martinique Guadeloupe La Réunion Guyane QSA (kg) 54 719 81 614 188 767 10 842 QSA-20 % EAJ 43 774 65 290 151 013 8 674 SAU (ha) 22 000 25 183 42 000 32 724 QSA/SAU 2,49 3,24 4,49 0,33 Q SA-EAJ/SAU 1,99 2,59 3,60 0,27 · La pression liée aux herbicides (H) est toujours la plus importante, représentant plus de 80 % de la QSA totale vendue dans les DOM. Pour le solde, les ventes de fongicides sont de 3 à 4 fois supérieures à celles des insecticides selon les années, respectivement 12 à 15 % contre 3 à 4 %72. Le glyphosate arrive en tête des ventes, avec une moyenne de 44 % pour l'ensemble des Outre-mer. 72 Selon les données communiquées par la DAAF, Mayotte ferait exception puisque les herbicides ne représentent que 6 % du total (41 % insecticides, 35 % molluscides et 18 % fongicide) et seulement 2 % si l'on ne considère que les usages agricoles professionnels. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 68/137 PUBLIÉ Tableau 4 : Ventes de glyphosate et d'autres herbicides en 2017 (en kg de SA) Glyphosate/ Herbicides 62 % 48 % 34 % 92 % 44 % Martinique Guadeloupe La Réunion Guyane Total DOM Autres herbicides 17 408 34 137 97 023 811 149 379 Glyphosate 28 540 30 911 50 589 8 941 118 981 Total herbicides 45 948 65 048 147 612 9 752 268 361 Figure 6 : Ventes par catégories de produits phytosanitaires en 2017 Figure 7 : Ventes de glyphosate et d'autres herbicides en 2017 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 69/137 PUBLIÉ La part du glyphosate parmi les herbicides vendus varie d'une région à l'autre (de 18 % en exPicardie à plus de 65 % en PACA et 90 % en Guyane). En 2017, la moyenne nationale des achats rapportée à la SAU est de 0,3 kg de glyphosate acheté par hectare, avec un maximum de 1,08 kg/ha en Gironde. La Réunion et la Martinique se classent parmi les départements les plus consommateurs de glyphosate en 2017, comme le souligne une publication de « Générations futures », les portant respectivement en 2e et 3e position. Si 28 740 kg de glyphosate ont été vendus en Martinique, il s'agit cependant de la plus faible vente observée depuis 2010. Rapporté à la SAU, l'indicateur Glyph'awards porte la Martinique au 3e rang avec 1,14 kg/ha. Toutefois, cet indicateur fait porter sur la SAU l'ensemble des usages, dont celui des zones non agricoles73 . Même si cet indicateur est donc biaisé, il y a cependant un enjeu propre au Glyphosate dans les DOM, qui devra être pris en compte dans le contexte actuel de sortie prévue dans les trois ou cinq prochaines années74. · Des herbicides EAJ sont utilisés pour des usages agricoles Tout produit phytopharmaceutique porte soit la mention « emploi autorisé dans les jardins » (EAJ), soit la mention « emploi agricole uniquement ». La mention EAJ est accordée aux produits qui présentent des garanties de moindre dangerosité à leur utilisation par des non-professionnels. La loi Labbé du 6 février 2014 qui encadre l'utilisation des produits phytopharmaceutiques sur l'ensemble du territoire national interdit de nombreux usages de produits phytopharmaceutiques à l'ensemble des personnes publiques (État, collectivités territoriales, établissements publics) depuis le 1er janvier 201775. Cette interdiction a été étendue aux particuliers depuis le 1er janvier 2019. Tous les produits phytopharmaceutiques sont concernés, hormis les produits de bio contrôle, les produits d'agriculture biologique et les produits qualifiés « à faible risque », étiquetés EAJ76. La part d'herbicides EAJ dans les DOM est en moyenne de 14 %, soit bien supérieure à la moyenne métropolitaine. En Guyane, elle représente près de la moitié des ventes. 73 Il est vrai que certains agriculteurs peuvent utiliser des produits EAJ, mais la majorité de ces produits sont probablement utilisés sur des terrains non agricoles, du moins dans ces deux départements. Or, la part de glyphosate autorisé en jardin (produit EAJ) dans les DOM est élevée, représentant entre 25 % (La Réunion), 30 et 35 % (Martinique et Guadeloupe) et 50 % pour la Guyane, des ventes en 2017. À noter que depuis le 15 décembre 2018, près de 132 spécialités contenant du glyphosate et pour lesquelles le renouvellement d'AMM n'a pas été demandé, ont perdu leur autorisation. Cette liste comprend 65 produits dédiés aux particuliers et 67 produits de la gamme professionnelle. Pour ces derniers, la fin de vente et distribution est fixée au 15 mars 2019 et la fin d'utilisation des produits et stocks au 15 juin 2019. Les produits amateurs n'ont pas de délai de grâce. Cependant, les AMM des produits EAJ qui ne sont plus accessibles aux particuliers n'ont pas été retirées à l'occasion de l'entrée en application de l'interdiction du 1/1/2019, mais les produits sont interdits de vente aux particuliers et d'utilisation par ces particuliers (mentionné comme tel sur ephy). Cette interdiction concerne l'entretien des espaces verts, des voiries, des promenades et des forêts, ouverts ou accessibles au public. Certains espaces ne sont pas visés (cimetières, terrains de sport minéralisés). Les produits EAJ qui continuent à être vendus aux particuliers, sont les produits qui sont à la fois EAJ et biocontrôle ou UAB ou faible risque. C'est une vente non assistée, car il n'y a pas besoin de Certiphyto pour les particuliers (par contre le distributeur doit être agréé pour la distribution de produits destinés aux non professionnels). Les produits EAJ peuvent continuer à être utilisés par des professionnels ayant le Certiphyto, pour tous secteurs (cf. avis aux opérateurs du 22/12/2018). 74 75 76 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 70/137 PUBLIÉ Il semble que l'on puisse attribuer cette différence au fait que beaucoup de petits agriculteurs dans les DOM qui n'ont pas le « Certiphyto », se sont approvisionnés jusqu'alors en produits EAJ. Ce contexte est préoccupant, notamment en Guyane, les achats illicites dans les pays voisins étant probablement importants et l'interdiction des produits EAJ, sans un accompagnement technique suffisant, pouvant inciter à s'approvisionner davantage dans des conditions frauduleuses, plutôt que de se soumettre à l'examen « Certiphyto ». Tableau 5 : Ventes d'herbicides en 2017 (en kg SA) Herbicides professionnels 36 001 55 717 135 171 5 084 231 975 Martinique Guadeloupe La Réunion Guyane Total Herbicides EAJ 9 946 9 331 12 441 4 668 36 386 H EAJ/ H total 22 % 14 % 8% 48 % 14 % Figure 8 : Ventes d'herbicides à usage professionnels et EAJ en 2017 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 71/137 PUBLIÉ 4.2. Les distributeurs de produits phytosanitaires En 2017, 78 distributeurs ont déclaré des ventes de produits phytosanitaires et sont donc enregistrés dans la BNV-D : 42 à la Réunion, 19 en Guadeloupe, 14 en Martinique, 3 en Guyane. Hors déclaration dans la BNVD, il faut ajouter deux distributeurs à Mayotte, l'un (Agrikagna) à destination des professionnels et le second (M. Bricolage) pour les produits EAJ. La plupart de ces distributeurs n'ont qu'un seul établissement. La concentration s'est opérée surtout aux Antilles et en Guyane. Figure 9 : Nombre d'établissements déclarant des ventes de produits phytosanitaires dans la BNV-D (source Ineris) 4.2.1. Le secteur du négoce privé est majoritaire dans la vente des produits phytosanitaires Tableau 6 : Part du négoce et des coopératives dans le montant de RPD à verser en 2017 (source : BNV-D) En % Guadeloupe Guyane Martinique La Réunion Part négoce 75 100 60 66 Part coopératives 25 0 40 34 Part top 10 95 100 100 93 Part top 5 82 100 96 66 Comme l'indique le tableau 6, la distribution des produits phytosanitaires est dominée par les entreprises de négoce privé. Le secteur est concentré puisqu'une part très majoritaire des ventes est assurée par les cinq premiers distributeurs dans chacun des DROM, voire un seul en Guyane. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 72/137 PUBLIÉ En Martinique, 5 distributeurs représentent 96 % du montant de la redevance pollution diffuse. Le secteur coopératif représenté par BANAMART est le premier contributeur pour 40 % de la redevance totale. Il est suivi par Phytocenter puis SCIC, la SICA CERCOBAN et SCIM SE. En Guyane, le Bâtiment guyanais à Matoury acquitte 95 % du montant total de la redevance due par les trois négociants distributeurs. Le secteur coopératif est inexistant. À La Réunion, les 10 premiers distributeurs contribuent pour 93 % de la redevance77, les 5 premiers en assurant les deux tiers. Le négoce est dominant avec 2/3 du montant de la redevance acquittée. La coopérative agricole du Nord-Est (CANE) est le premier contributeur coopératif, puis la coopérative Les Avirons associée à AGRIDEV et adossée au réseau de magasins Gamm vert depuis 1994, enfin, la coopérative SICALAIT78. À noter que la société coopérative agricole VIVEA et la Fredon sont distributeurs de quantités négligeables (quelques centimes en termes de redevances). En Guadeloupe, le négoce acquitte les 3/4 de la redevance. La coopérative SICAGRA est le 2e gros contributeur de la redevance, derrière la SAS Blandin-Agrosystem. Agro-Antilles distribue uniquement l'asulam (43 760 l et le dicamba 1 848 l). 4.2.2. Les coopératives ont une activité plus étendue que la distribution de produits phytosanitaires Le secteur coopératif intervient dans l'approvisionnement des différentes filières en intrants, dont la distribution des produits phytosanitaires, ainsi que dans la structuration des productions et leur mise sur le marché. Pour la filière banane aux Antilles, les SICA LPG et BANAMART sont distributeurs en 2017 des herbicides79 ainsi que des fongicides autorisés sur la banane80. Dans le secteur de la canne à sucre, les 4 coopératives de Guadeloupe (SICADEG ; SICAGRA ; SICAMA ; UDCAG) distribuent les volumes les plus importants d'herbicides liés à cette culture, à savoir le 2,4-D et l'asulame (jusqu'en 2017), mais également des quantités importantes de glyphosate. L'activité des coopératives de La Réunion est plus diversifiée. Les coopératives CANE et Les Avirons interviennent sur l'ensemble des productions végétales (canne à sucre, cultures maraîchères, arboriculture), avec une activité allant de la fourniture de phytosanitaires, mais également de matériels, aliments, plants et semences auprès des professionnels et des particuliers. Elles sont regroupées au sein de l'Union réunionnaise des coopératives agricoles (URCOPA) et participent avec les instituts Armeflhor et eRcane, à divers évènements de formation des agriculteurs dans le cadre des réseaux RITA. 77 Le principal intervenant, la société COROI, est un importateur qui revend aux distributeurs, notamment les coopératives, les produits à usage agricole. Il ne distribue directement que des produits EAJ. Gamm vert est une filiale du groupe INVIVO pour laquelle la coopérative des Avirons a obtenu la franchise de l'enseigne. Glyphosate, notamment le Touchdown, et le glufosinate d'ammonium BASTA, ainsi que le diquat (Reglone) ­ sachant que ces deux dernières substances actives ont vu leur AMM retiré, l'une fin 2017 et l'autre courant 2019). Notamment RECTO (Thiazole), utilisé en traitement post récolte ; par ailleurs, si les coopératives acquittent la redevance pour les fongicides de lutte contre la cercosporiose, le volume le plus important de propiconazole (TILT) est vendu par la SICA CERCOBAN. Cette dernière sera retirée du marché fin 2019. 78 79 80 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 73/137 PUBLIÉ 4.3. Les impacts liés à l'utilisation des produits phytosanitaires 4.3.1. Les ventes de substances actives par classe de risque Le tableau ci-dessous indique la répartition par classes de risque des près de 336 tonnes de substances actives de produits phytosanitaires vendues en 2017 sur l'ensemble des DOM. Tableau 7 : Les produits phytosanitaires vendus en 2017 en Outre-mer par classe de risque En tonnes Cancérigènes, mutagènes et toxiques Substances organiques Substances minérales Autres Herbicides 20,8 234,0 12,0 Fongicides 22,69 7,80 4,33 17,66 Insecticides 1,56 3,94 9,44 Total 45,05 245,75 4,33 39,10 Les ventes de substances organiques classées « dangereuses pour l'environnement » restent toujours très importantes. Elles représentent en 2017 plus de 245 tonnes, soit 70 % des ventes de substances actives. Cette catégorie regroupe des herbicides tels que le glyphosate et le 2,4-D ainsi que des fongicides utilisés sur la banane comme le propiconazole et le diféconazole. Les produits classés cancérigènes, mutagènes et toxiques représentent 45 tonnes de substances actives vendues en 2017 soit 13 % des ventes. Ils sont en nette diminution depuis 2010, notamment du fait du non-renouvellement de certaines substances au niveau européen. Le retrait du glufosinate d'ammonium fin 2017, dont la part représentait en Martinique 48,6 % des substances classées toxiques en 2017, accroîtra cette tendance. Les ventes de substances minérales sont très faibles, inférieures à 1 % des ventes. Ces ventes correspondent essentiellement à la vente de cuivre (bouillie bordelaise) utilisé comme fongicide sur la banane. La catégorie « autres » correspond principalement : · aux ventes d'asulame pour les herbicides (11 tonnes sur les 12 tonnes vendues en 2017), · aux ventes de soufre pour les fongicides, · aux ventes d'huiles de vaseline et colza pour les insecticides. 4.3.2. Les indicateurs de pression sur la qualité des eaux Les impacts des produits phytopharmaceutiques ne peuvent actuellement être appréciés que sur le seul compartiment eau qui fait l'objet d'un suivi régulier dans le cadre des directives européennes. Un suivi des pesticides dans l'air a commencé, mais les résultats ne sont pas encore disponibles. En ce qui concerne les sols, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a élaboré une carte de pollution des sols de la Martinique et de la Guadeloupe par le chlordécone dont les données, qui apparaissent parcellaires, portent sur des substances aujourd'hui interdites, mais cependant persistantes dans l'environnement. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 74/137 PUBLIÉ 4.3.2.1. Les eaux destinées à la consommation humaine En Martinique, les analyses réalisées par l'ARS au niveau des 35 captages (eaux brutes) et à la distribution (eaux traitées) mettent en évidence la détection de molécules de substances phytopharmaceutiques : AMPA, bromacil, chlordécone, diuron, HCH béta, glyphosate, hexazinone, thiabendazole. Les mesures mises en place (abandon des captages contaminés, amélioration des traitements et mise en place des périmètres de protection) permettent d'assurer que l'ensemble des eaux analysées destinées à la consommation humaine est conforme à la réglementation, malgré des détections ponctuelles de pesticides. Selon l'ARS de Martinique, la tendance à une diminution du nombre de molécules présentes se confirmait en 2017. Il faut signaler que la chlordécone, polluant « historique », représente 40 % des détections (soit 9 détections sur les 22) sur eaux brutes. À La Réunion, les herbicides utilisés sur la canne à sucre sont le premier poste de consommation de pesticides avec des impacts modérés, mais réels, sur la qualité des eaux (Martin et al., 2013). Ainsi, deux captages sont classés en mauvais état en raison d'un dépassement de la norme en atrazine, herbicide interdit d'utilisation depuis 200381. Le captage Puits du baril (formation volcanique du littoral La Fournaise) est concerné par une modification du traitement (dilution) vis-à-vis de la contamination par le S-métolachlore (herbicide utilisé dans la culture de canne à sucre, mais également sur la culture d'ananas). 4.3.2.2. Les eaux de rivière Le suivi de l'état chimique et écologique des masses d'eau de surface est réalisé dans chacun des DROM par l'Office de l'eau (ODE), sauf à Mayotte où il n'y a pas d'ODE. Les différentes molécules recherchées sur ces stations correspondent à celles définies à l'échelon national en application de la directive cadre sur l'eau, complétées par arrêté préfectoral pour ajouter une liste spécifique incluant des polluants « historiques » dont l'usage est dorénavant interdit. L'indice de présence de pesticides dans les cours d'eau (IPCE) rend compte des impacts des produits phytopharmaceutiques sur le milieu aquatique. Il est calculé à partir des concentrations des substances à usage phytopharmaceutique mesurées dans les cours d'eau. Dans les Outre-mer, l'IPCE n'est disponible que pour les Antilles et la Réunion. Entre 2008 et 2016, il a diminué de 29 %. Figure 10 : Évolution de l'indice de présence de pesticides dans les cours d'eau des Outre-mer 81 Il s'agit du captage Les Cafés (Formations volcaniques du littoral nord) et du forage de la Salette (Formation du littoral de Pierrefonds à Saint-Pierre). Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 75/137 PUBLIÉ En Martinique Si l'on prend l'exemple de la Martinique, 22 stations de surveillance sont en place pour assurer le suivi des eaux de surface. Pour l'année 2017, elles ont permis d'identifier 52 molécules présentes dans les eaux qui peuvent résulter d'un usage phytopharmaceutique. Figure 11 : Fréquence de détection des principales molécules de pesticides détectées dans les eaux de surface en Martinique (Source : ODE, 2017) Les 52 molécules peuvent se diviser ainsi : · La famille des polluants « historiques », est issue de substances actives désormais interdites d'usage : chloracétone et ses métabolites, 2-hydroxy-atrazine, HCH Bêta, métolachlore (ESA, OXA), roténone, diuron, carbendazime, terbutryne. Cumulés, ils représentent plus de la moitié des résidus phytosanitaires retrouvés dans les eaux de surfaces. Ces molécules sont persistantes dans l'environnement et présentent des fréquences de détection particulièrement fortes. Les concentrations moyennes annuelles varient cependant, les concentrations les plus importantes concernant la chlordécone. La famille des herbicides, en particulier le 2,4-D et le glyphosate et son dérivé l'AMPA, herbicide utilisé pour les traitements généraux, dont les fréquences de détection sont élevées, respectivement 42 % (glyphosate) et 64 % (AMPA). Ces détections dans les rivières sont en progression (+16 % pour le Glyphosate et +6 % pour l'AMPA entre 2016 et 2017). Pour les autres molécules (asulame, S-metolachlore, glufosinate, dicamba, métribuzine), utilisées essentiellement sur les plantations de canne à sucre et en moindre mesure en banane et ananas, les fréquences de détection restent faibles (< 10 % des détections) ainsi que les concentrations moyennes annuelles, à l'exception de l'asulame de façon ponctuelle. · Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 76/137 PUBLIÉ · La famille des fongicides post-récolte (azoxystrobine (23 % de détection), imazalil (16 % de détection) et thiabendazole (12 % de détection) dont la détection est ponctuelle et les concentrations moyennes annuelles en nette diminution, ce qui témoigne du travail mené par la filière banane, l'institut technique (IT2) et l'Office de l'Eau de Martinique, avec l'installation de matériel conforme pour le traitement post-récolte sur les exploitations. La famille des fongicides utilisés contre la cercosporiose : diféconazole et propiconazole, sont faiblement retrouvés sur les stations du réseau (4 et 5 % de détection) à des concentrations moyennes annuelles respectivement de 0 0017 et 0.0015 µg/l. Ces faibles détections et faibles concentrations confirment les efforts menés dans le cadre du plan banane durable vis-à-vis du traitement des bananiers avec la mise en place de méthodes prophylactiques efficaces. · Sur les 52 molécules détectées, seule la chlordécone ne respecte pas la norme de qualité environnementale (NQE) parmi les 13 substances pour lesquelles une NQE est disponible82. Sinon, seuls quelques dépassements de la NQE sont observés pour les quatre autres substances (2,4-D, thiabenzole, pendiméthaline, imidaclopride et diuron). Cinq substances présentent des normes de qualité environnementale pour l'évaluation de l'état écologique des masses d'eau de surface, spécifiques à la Martinique : Tableau 8 : Les substances utilisées pour évaluer l'état écologique des masses d'eau Concentration moyenne annuelle en 2017 (µg/L) 0.105 Commentaire Nombre de Substance active NQE Moyenne annuelle dépassement de (µg/L) la NQE sur l'année 2,4-D 2.2 2 Herbicide Chlordécone 0.000005 173 0.471 Glyphosate AMPA Thiabendazole 28 452 1.2 0 0 1 0.049 0.093 0.014 Moyenne annuelle supérieure à la NQE et de très nombreux dépassements Herbicide Origines diverses Fongicide 82 L'état environnemental des cours d'eau est caractérisé par leurs états écologique et chimique, pour lesquels la directive cadre sur l'eau définit des normes de qualité environnementale (NQE). Les NQE correspondent à une concentration moyenne annuelle à ne pas dépasser pour l'état écologique des cours d'eau et une concentration maximale admissible à ne pas dépasser pour l'état chimique. Ces normes sont définies au niveau national dans l'arrêté du 27 juillet 2018 (modifiant l'arrêté du 25 janvier 2010) relatif aux méthodes et critères d'évaluation de l'état écologique, de l'état chimique et du potentiel écologique des eaux de surface. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 77/137 PUBLIÉ Quatre substances présentent une norme de qualité environnementale de l'état écologique qui ne permet pas l'évaluation des masses d'eau en Martinique, car elles ne sont pas spécifiques au bassin (ajoutées à titre informatif) : Tableau 9 : Substances dotées d'une NQE et non utilisées pour évaluer l'état écologique des masses d'eau Substance active NQE Moyenne annuelle (µg/L) 0.95 0.02 3.3 0.2 Nombre de Concentration dépassement de la moyenne annuelle NQE sur l'année en 2017 (µg/L) 0 2 0 2 0.026 0.0003 0,00015 0.00049 Commentaire Azoxystrobine Pendiméthaline Biphényle Imidaclopride Fongicide Herbicide (canne) Fongicide Insecticide Quatre substances qui sont toutes désormais interdites, présentent des normes de qualité environnementale pour l'évaluation de l'état chimique des masses d'eaux de surfaces : Tableau 10 : Substances utilisées pour évaluer l'état chimique des masses d'eau Substance active NQE NQE Nombre de Moyenne Moyenne Concentration dépassement annuelle en 2017 annuelle Maximale de la NQE sur (µg/L) l'année (µg/L) Admissible (µg/L) 1 0.065 0.2 0.3 4 0.34 1.8 1 0 0 7 0 Trace (NQ) Trace (NQ) 0.0015 0.0004 Concentration Maximale en 2017 (µg/L) Simazine Terbutryne Diuron Isoproturo n Trace (NQ) Trace (NQ) 0.06 0.027 En Guyane En Guyane, aucun dépassement de NQE n'a été constaté sur les eaux de surface, mais certaines substances retirées du marché restent encore quantifiées comme le métolachlor interdit en France depuis 2003, le diuron depuis 2008, le paraquat depuis 2007 ainsi que le diazinon depuis 2011. Dans les eaux souterraines, deux substances phytopharmaceutiques ont été retrouvées dans des forages. La 2-hydroxy atrazine, molécule issue de la dégradation de l'herbicide atrazine, est présente à des concentrations inférieures aux valeurs seuils. En revanche, le formaldéhyde (fongicide/bactéricide) est détecté à des concentrations inférieures à la valeur seuil spécifique à cette molécule, mais au-dessus de la valeur seuil pour l'ensemble des pesticides, famille à laquelle il appartient. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 78/137 PUBLIÉ 4.4. Les ventes et les utilisations des substances actives dans les différents Outre-mer 4.4.1. La Martinique 65,4 tonnes de substances actives ont été vendues en 2017 en Martinique, 95 % concernent 20 molécules. Il s'agit du plus faible niveau de ventes enregistré depuis 2010 (source DAAF Martinique). Depuis 2010, la quantité de produits vendus pour un usage non professionnel (EAJ) varie entre 11 et 19.5 tonnes. Néanmoins, depuis le pic de 2013 (19,5 tonnes), la part que constituent ces produits EAJ a tendance à diminuer. En 2017, la part des ventes d'EAJ en Martinique, représente près de 17 % des ventes totales, soit 11 tonnes de substances actives. La part des produits phytopharmaceutiques à usage professionnel, « Emploi Agricole Uniquement », qui ne sont accessibles qu'aux personnes titulaires du « Certiphyto », est en baisse de 14,4 tonnes par rapport à 2010 pour atteindre 54 tonnes en 2017. Figure 12 : Ventes de substances actives pour un usage professionnel ou EAJ (Sources : BNVD 2010-2017 et importations depuis 2014) Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 79/137 PUBLIÉ La pression des herbicides est la plus importante en Martinique, représentant plus de 80 % des ventes depuis 2014. Le glyphosate est la substance la plus utilisée avec 43,6 % des ventes, suivi par l'asulam, deuxième substance la plus vendue (11,7 % de la QSA vendue, mais n'ayant plus bénéficié de dérogation en 2018) et du 2,4-D, troisième substance la plus vendue (6.9 % de la QSA vendue). Les ventes des principales substances sont en baisse ou stagnent en 2017, excepté pour trois substances : le S métolachlore (herbicide canne à sucre et ananas), le pendimethaline (herbicide canne à sucre et maraîchage) et le fluopyram, nouvelle molécule fongicide mise sur le marché et commercialisée en 2016 en Martinique. S'agissant du glyphosate, on observe une baisse globale de ses ventes, mais plus marquée pour les EAJ. C'est en effet la principale molécule vendue en « EAJ ». En 2017, les ventes représentaient 9,5 tonnes soit 84,6 % des ventes de ces produits EAJ. Le glyphosate EAJ représentait 14,5 % de la QSA totale produits EAJ et professionnels confondus (source DAAF). La culture de la canne à sucre génère les plus grosses quantités de substances actives vendues (glyphosate mis à part), soit 24 % des ventes. Vient ensuite la pression exercée par la culture de la banane, qui représente 12 % des ventes en 2017 (source DAAF), alors que cette culture est, de loin, la première culture de la Martinique, avec 5 000 ha de surfaces cultivées et 23 % de la SAU. Elle est essentiellement portée par les fongicides de lutte contre les cercosporioses. Les trois principales molécules utilisées sont le difénoconazole, le propiconazole et le fluopyram. À noter également que le glufosinate d'ammonium, utilisé principalement en banane, a connu une réduction assez importante de près de 50 % depuis 2014. Cette baisse significative s'explique par le développement de la pratique des plantes de couverture (via le plan banane durable). Par ailleurs, cette substance a été retirée du marché fin 2017 (source DAAF Martinique). Quelques fongicides post-récolte de la banane sont présents en bas de classement (imazalil et azoxystrobine). Ils représentent moins de 1 % des substances vendues. Par ailleurs, le thiabendazole (fongicide post-récolte) sort du classement des 20 substances les plus vendues en 2017, sa QSA ayant chuté de moitié par rapport à 2016. Trois autres fongicides sont vendus en Martinique : le soufre (1.8 % QSA vendues), le Mancozèbe (1.4 % QSA vendues) et le sulfate de cuivre (0.8 % QSA vendues), ils concernent les cultures de diversification (agrumes, maraîchage et notamment production sous serre). Deux de ces fongicides sont utilisables en agriculture biologique et sont de plus en plus utilisés. La pression exercée par les insecticides est faible en Martinique, représentant 4 % des ventes de substances actives vendues en 2017. Une seule substance figure dans le classement, le fosthiazate (6e substance la plus vendue, 2.7 % de la QSA vendue). Cette substance est un insecticide et nématicide utilisé en banane. Le tonnage vendu de cette substance a diminué de moitié depuis 2012, et témoigne des efforts réalisés dans le cadre du Plan Banane durable (source DAAF). Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 80/137 PUBLIÉ Tableau 11 : Évolution des ventes depuis 2012 des 20 substances actives les plus vendues en Martinique en 2017 (Sources : BNVD 2012-2017 et importations depuis 2014) Substances actives Glyphosate Asulam * 2,4-D Glufosinate d'ammonium S Métolachlore (12 % 1R 88 % 1S) Pendimethaline Fosthiazate 2012 2013 2014 2015 2016 2017 28 540 (43,6 %) 7 676 (11,7 %) 4 530,5 (6,9 %) 4 158 (6,3 %) 4 120,8 (6,2 %) 2 326 (3,5 %) 1 794 (2,7 %) 1 703 (2,6 %) 1 185 (1,8 %) 1 100,5 (1,6 %) 914,8 (1,4 %) 789,5 (1,2 %) 632,72 (0,9 %) 550,02 (0,8 %) 494 (0,7 %) 465,18 (0,7 %) 442 (0,6 %) Quantité de QSA vendue kg / an 30 539 41 759 33 938 34 638 34 218 11 064 4 701 Interdit 10 392 10 736 7 468 0 4 023 5 545 5 935 4 711 Évolution Usage Herbicide (Traitements généraux) Herbicide (Canne à sucre) Herbicide (Canne à sucre ; traitements généraux) Herbicide (Banane ; Agrumes) Retrait fin 2017 Herbicide (Canne à sucre ; Ananas) Herbicide (Canne à sucre ; Maraîchage) Insecticide / Nématicide (Banane) Fongicide (Banane) Fongicide (Maraîchage/Verger) Fongicide (Banane) Fongicide (Maraîchage ; Agrumes) Fongicide (Banane) Herbicide (Traitements généraux) Fongicide (Utilisable en AB) (Maraîchage) Herbicide (Banane) Herbicide (Canne à sucre, traitements généraux) Fongicide (Banane) 8 927 8 419 8 020 6 464 4 479 3 031 4 249 3 652 4 254 3 844 277 3 091 868 2 968 4-163 1 186 1 600 1 129 253 526 1036 10 625 1 424 2 474 2 341 1 067 1 055 1 014 525 217 1 227 5 306 2 240 2 719 2 063 1 157 1 629 1 474 549 588 1 062 490 407 1 942 2 077 1 891 911 1 550 1 169 285 551 488 512 398 323 Difénoconazole 1 930 Soufre pour pulvérisation (micronise) Propiconazole Mancozèbe Fluopyram Triclopyr Cuivre du sulfate de cuivre Diquat dibromide Dicamba * Trifloxystrobine 402 315 1 120 245 476 930 148 0 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 81/137 PUBLIÉ 427,3 Herbicide (0,6 %) (Canne à sucre) 335,1 Fongicide post-récolte Imazalil 1 035 816 849 602 435 (0,5 %) (Banane) 270,15 Fongicide post-récolte Azoxystrobine 435 455 475 370 287 (0,4 %) (Banane) Légende : les substances utilisables en agriculture biologique ou en biocontrôle sont en vert ; * pour les substances dont au moins une partie est importée de Guadeloupe (DAAF Martinique) Mésotrione 265 518 436 475 450 Figure 13 : Part des dix substances les plus vendues dans le total des ventes 2017 En conclusion, la répartition des ventes de QSA par filière serait la suivante : Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 82/137 PUBLIÉ Figure 14 : Répartition des ventes de QSA par filière en 2017 (source DAAF) Le développement des produits de biocontrôle Les produits de biocontrôle comprennent en particulier les macro/micro-organismes, les médiateurs chimiques (piégeage par phéromones ou kairomones) et les substances d'origine végétale, animale ou minérale. La plupart de ces produits ne sont pas soumis à une déclaration de vente systématique et n'apparaissent pas dans la BNVD de manière exhaustive. Toutefois, en 2017, la part des produits de biocontrôle représente 3,8 % des ventes de produits phytosanitaires, cette part est en hausse de 30 % par rapport à 2016. Les produits de biocontrôle ont connu une nette augmentation en 2013 avec l'homologation de Bacillus subtilis (fongicide contre la cercosporiose de la banane). En 2017, les ventes sont en augmentation pour le soufre pour pulvérisation (fongicide utilisé en maraîchage) et le cuivre du sulfate de cuivre (fongicide utilisé en banane). Figure 15 : Évolution de la part de bio-contrôle entre 2012 et 2017 (Sources : BNVD 2012-2017) Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 83/137 PUBLIÉ 4.4.2. La Guadeloupe La Guadeloupe a vendu 82,8 tonnes de substances actives en 2017 dont les 10 premières figurent dans le tableau ci-dessous : Tableau 12 : Les dix substances actives les plus vendues en Guadeloupe en 2017 Figure 16 : Part des substances actives dans les ventes 2017 en Guadeloupe L'essentiel des ventes concerne les herbicides utilisés dans les différentes filières de production. Mis à part le glyphosate, la culture de la canne à sucre génère les ventes les plus importantes de substances actives. Seuls des herbicides sont encore utilisés notamment pour des désherbages précoces en pré levée. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 84/137 PUBLIÉ 4.4.3. La Réunion Culture pivot de l'île, avec 60 % de la surface agricole, la canne à sucre consomme une grande partie des herbicides. L'évolution des QSA entre 2009 et 2015 montre l'effort réalisé en matière de diminution des insecticides, d'une part, et l'augmentation des produits de biocontrôle, d'autre part. Figure 17 : Évolution des ventes de produits phytosanitaires à la Réunion en QSA (source : BNV-D) Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 85/137 PUBLIÉ 5. Les productions agricoles dans l'utilisation des phytosanitaires les Outre-mer et La canne à sucre et la banane sont les deux grandes filières qui structurent l'agriculture des départements d'Outre-mer, mais les cultures de diversification sont également très présentes. Tableau 1 : Les principales cultures dans les Outre-mer en 201783 nombre planteurs 168 3 820 2 984 70 nombre planteurs 365 500 production (t) 208 000 700 000 1 800 000 9 844 production (t) 193 000 62 674 5 000 2,7 % % SAU 17 % 14 % 14 071 3 472 10 599 2% 30 239 11 % 9% 2% 42 000 13 % 6% 1623 36 529 32 157 4 372 84 900 52 750 8 000 nombre production producteurs (t) Surfaces ha SAU (ha) Canne à sucre Martinique Guadeloupe La Réunion Guyane 3 915 12 400 22 700 157 22 000 30 239 42 000 32 724 % SAU 18 % 41 % 54 % 0,5 % % SAU 23 % 8% Surfaces ha SAU (ha) Banane Martinique Guadeloupe La Réunion Guyane Diversification Martinique cultures légumières tubercules légumes frais cultures fruitières Guadeloupe cultures légumières cultures fruitières La Réunion cultures légumières 880 5 000 2 453 22 000 30 239 42 000 32 724 Surfaces ha SAU (ha) 3 644 3 144 440 2 704 500 3 412 2 844 568 5 300 2 400 22 002 83 Les surfaces au sein de la SAU qui ne sont pas détaillées dans le tableau correspondent aux surfaces toujours en herbe, aux cultures fourragères et aux jachères rotationnelles. Les cultures fruitières excluent la banane d'exportation. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 86/137 PUBLIÉ tubercules légumes frais cultures fruitières Guyane cultures légumières tubercules légumes frais cultures fruitières Mayotte cultures légumières tubercules légumes cultures fruitières 130 2 076 2 900 13 380 7880 6 680 1 200 5 500 6 460 3 789 2 167 3 622 2 671 9 710 8 717 17 % 74 % 48 000 58 000 32 724 7% 41 % 24 % 997 32 150 119 730 61 730 34 730 Si la ''banane export'' est limitée aux Antilles, cette culture est importante dans tous les DOM du fait de l'importance de ce fruit, sous sa multitude de variétés destinées à une consommation soit en légume, soit en fruit. De son côté, la canne est valorisée en sucre ou distillée pour produire du rhum. Les cultures vivrières, à base de tubercules et de racines (manioc, igname, taro) sont également très présentes, particulièrement à Mayotte et en Guyane. La diversité agro climatique, particulièrement marquée dans les îles, et le recours à des équipements sous forme de serres ou d'ombrières permettent un large choix de cultures qui produisent des légumes tempérés et tropicaux, une gamme de fruits très diversifiée, des cultures florales ainsi que diverses cultures d'épices ou plantes à parfum, sur des superficies dépassant parfois quelques centaines d'hectares (agrumes, melon, ananas) ou qui restent plus limitées à quelques hectares ou dizaines d'hectares par espèce. Parmi les particularités des productions végétales tropicales, il faut relever la très forte prédominance des cultures pérennes ou à cycles pluriannuels. Le nombre d'exploitations agricoles, qui a beaucoup baissé dans la plupart des DOM lors des dernières décennies, affiche une quasi stabilité depuis 2010 et est estimé à environ 28 000 exploitations. Il faut noter en complément l'existence de plusieurs milliers de ménages agricoles dépendant en partie de productions agricoles auto-consommées et qui ne sont pas répertoriés comme exploitants agricoles, en particulier à Mayotte. L'agriculture ultramarine bénéficie de plus de 600 millions d'euros de soutiens annuels de la part des pouvoirs publics sous différentes formes (aides directes aux producteurs, allègements de charges, fiscalité réduite). La gestion des financements est confiée à différents organismes (ODEADOM, ASP, FAM et collectivités) et leur origine est multiple (UE, État, collectivités territoriales), avec trois sources principales. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 87/137 PUBLIÉ Le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) : Instauré pour la première fois en 1992, le POSEI est la déclinaison de la politique agricole commune pour l'ensemble des régions ultrapériphériques européennes. Le POSEI-France fixe comme objectifs l'amélioration de l'approvisionnement des DOM en produits agricoles essentiels, le maintien des filières historiques d'export et l'amélioration de l'auto-approvisionnement local par le soutien des productions de diversification. La mise en oeuvre des orientations stratégiques s'appuie sur des mesures transversales (développement de réseaux technico-économiques, suivi-évaluation des filières, assistance technique) et des mesures en faveur des exploitants pour accroître les volumes, améliorer la qualité et la compétitivité des exploitations (aides) et d'incitation à s'organiser, se structurer se moderniser. Le secteur de la banane mobilise environ 129 M (21 % des soutiens globaux et 41 % du POSEI), qui sont versés aux producteurs martiniquais et guadeloupéens, en fonction de la production réalisée et des références historiques, avec 97 millions pour la Martinique et 32 pour la Guadeloupe. Le secteur de la canne bénéficie de 75 M et les cultures de diversification de 14 M auxquels s'ajoutent 12,5 M de crédits du budget national. Les crédits européens du second pilier de la PAC (FEADER) Ils financent le 3e programme de développement rural portant sur la période 2014-2020. Pour la période, ils s'élèvent à 66 M, soit 11 % des soutiens. Ils doivent obligatoirement être accompagnés d'une contrepartie nationale (15 % Antilles et Guyane, 25 % pour la Réunion et Mayotte). Les investissements physiques constituent une part importante des sommes versées, suivies par les actions d'information. Les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) font partie de ces dispositifs et constituent une part visible, avec un pourcentage élevé de producteurs adhérant à ce dispositif. Des crédits nationaux Les programmes nationaux de soutien à l'agriculture d'un montant de 227 M sont focalisés en grande partie sur la filière canne-sucre-rhum (aides nationales sucre à hauteur de 115 M et fiscalité réduite sur le rhum (100 M). Les DOM bénéficient également d'un régime d'allègement et d'exonération des cotisations sociales et diverses autres aides (24 M euros). 5.1. La canne à sucre 5.1.1. La première culture en termes de surfaces La canne à sucre est principalement produite à La Réunion ainsi qu'en Guadeloupe et Martinique. Elle occupe plus de la moitié de la SAU de La Réunion et plus de 40 % en Guadeloupe (18 % en Martinique) où elle représente la première culture en termes de surfaces exploitées et de nombre d'exploitants84. Sauf en Martinique (23,3 ha en moyenne), les exploitations sont de petite taille (7,6 ha à La Réunion, 3,2 en Guadeloupe) et les exploitants ont généralement d'autres activités agricoles (élevage, maraîchage, horticulture). 84 La surface cannière a diminué en Guadeloupe passant de 14 528 ha en 2006 à 12 400 en 2017, alors que la production totale s'est maintenue avec des variations interannuelles. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 88/137 PUBLIÉ Si 85 % de la production est destinée au rhum en Martinique, la proportion est inverse en Guadeloupe et à La Réunion où la sucrerie utilise respectivement 90 % et 95 % des volumes produits. La production de sucre ultramarine représente 6 % de la production française métropolitaine de sucre. Le rhum agricole produit ne correspond qu'à 13 % de la consommation de l'Union européenne. Dans les trois départements les plus concernés, la culture de la canne assure environ 22 000 emplois directs. En Guadeloupe, les produits de la canne (sucre et rhum) représentent le premier poste d'exportation. À La Réunion, le sucre représente la moitié des exportations de produits alimentaires qui pèsent eux-mêmes pour plus de 60 % des exportations totales de l'île. Tableau 2 : Données sur la culture de la canne à sucre Surfaces nombre production ha SAU (ha) % SAU planteurs (t) Martinique La Réunion Guyane 3 915 22 700 157 22 000 25 183 42 000 32 724 18 49 54 0 168 3 820 2 984 70 208 000 700 000 1 800 000 9 844 Guadeloupe 12 400 destination 85 % Distillerie 10 % Distillerie 5 % Distillerie rendements t/ha 53 56 79 63 Le plan de soutien à la filière a pour première priorité de maintenir la production, par le maintien de la SAU cannière, dans un environnement difficile : différentiel de compétitivité entre industries sucrières continentales et celles des DOM, concurrence des pays-tiers tant dans le secteur sucrier que pour les distilleries, ce qui conduit à une politique de régime d'aides non découplées. A la différence de la banane, il n'affiche pas d'objectif en matière de diminution de l'utilisation des phytosanitaires. Les indicateurs portent sur les seules évaluations de la SAU et des volumes de production. Dans le cadre du plan, une aide financière est versée aux sociétés sucrières qui acceptent en contrepartie des engagements en matière de paiement des cannes et de réalisation d'actions de modernisation. Le montant de l'aide annuelle du POSEI est de 59,2 M par an. Les distilleries de rhum agricole bénéficient quant à elles d'une aide estimée à 5,7 M par an. Par ailleurs, une aide à la tonne livrée est versée directement aux producteurs de canne pour un montant de 10M annuels. L'appui technique est notamment assuré par les centres techniques de la canne à sucre (CTCS) présents aux Antilles et La Réunion, mais l'innovation vient surtout d'eRCane qui est un centre de recherche dédié à la valorisation de la canne à sucre soutenu par les industriels85. 85 eRCane a succédé en 2009 au Centre d'études de recherche et de formation (CERF) sous forme d'un groupement d'intérêt économique dont les membres sont les deux sociétés sucrières réunionnaises qui font partie du groupe Tereos. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 89/137 PUBLIÉ 5.1.2. L'utilisation des produits phytosanitaires ne semble pas diminuer en culture de canne à sucre La canne à sucre est une culture qui nécessite des applications de produits phytosanitaires à des niveaux comparables à ceux de des grandes cultures métropolitaines. Schéma 1 : Surfaces et indices de fréquence de traitements pour les principales cultures (source : données Agreste. Échelles log-log) Pour l'ensemble des DOM, les ventes de substances actives pour les usages majoritairement liés à la culture de la canne à sucre montrent des fluctuations significatives d'une année sur l'autre, de telle sorte qu'il est difficile de mettre en évidence une tendance à la baisse (voir tableau 3)86. 86 La mission ne dispose pas des données de ventes pour 2018. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 90/137 PUBLIÉ Tableau 3 : Évolution des ventes de substances actives pour des usages liés majoritairement à la culture de la canne - (Sources : Ineris/BNV-D et ANSES) 5.1.3. L'enjeu des herbicides Dans la culture de la canne, les traitements insecticides et fongicides sont quasi absents. En effet, les variétés de canne sont sélectionnées tolérantes aux maladies (charbon, gommose, échaudure). Des solutions biologiques existent pour lutter contre les ravageurs : le BETEL, champignon du genre beauveria, est utilisé dans la lutte contre le ver blanc (lutte obligatoire) et les trichogrammes (miniguêpes) dans la lutte contre le foreur des tiges. Comme le montre le tableau 3, toutes les substances les plus vendues pour une utilisation en culture de canne à sucre sont des herbicides. À ce jour, 53 produits herbicides sont autorisés sur la canne à sucre, les 12 produits de référence listés ci-dessous correspondant à 11 substances actives. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 91/137 PUBLIÉ Tableau 4 : Produits de référence utilisables pour le désherbage de la canne à sucre (liste non exhaustive et hors produits disposant d'une AMM « traitements généraux » (source ANSES) Substance S-metolachlore Mesotrione Mesotrione+ icosulfuron Mesotrione+Setolachlore benoxacor Fluroxypyr 2,4-D Dicamba Dicamba prosulfuron Pendimethaline Isoxaflutole Métribuzine Péthoxamid + Appellation commerciale MERCANTOR GOLD (prélevée) CALLISTO (post levée) ELUMIS (post levée ) CAMIX (prélevée et post-levée précoce) STARANE HD, STARANE 200 (post-levée) CHARDOL 600, DICOPUR 600 (postlevée) BANVEL 4 S (post-levée) + CASPER (post-levée, 31/10/2019) PROWL 400 (prélevée) MERLIN (prélevée) SENCORAL ULTRADISPERSIBLE (pré et post-levée précoce) SUCCESSOR PRO fin d'utilisation Parmi les herbicides utilisables pour la canne à sucre, la substance active 2,4-D est la plus vendue (62,8 tonnes en 2017 pour l'ensemble des DOM), sous les deux produits de référence qui sont des produits sélectifs utilisés en pré ou post levée. Les autres substances actives très utilisées sont le S métolachlore, la metribuzine et la pendiméthaline (voir tableau 3). Le paysage des substances actives autorisées évolue régulièrement, avec la disparition de molécules sélectives telles que l'asulame (AZULOX) qui n'a pas bénéficié de dérogation en 2018 après le retrait de son autorisation. L'approbation de cinq autres herbicides -S-metolachlore, isoxaflutole, metribuzine, dicamba, nicosulfuron ­ expirera au cours de l'année 2019 (voir tableau 5). Trois de ces substances ne sont pas candidates à la substitution (S-metolachlore, isoxaflutole et Dicamba). Ces suppressions de molécules ont ou auront un impact sur l'évolution des volumes des ventes des différentes substances actives (report sur d'autres molécules et constitution de stocks...). Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 92/137 PUBLIÉ Tableau 5 : Information sur les substances actives (source : présentation Anses au comité sectoriel canne à sucre de l'Odeadom du 25 mars 2019) Substance active Isoxaflutole (H) S-metolachlore (H) Metribuzine (H) Dicamba (H) Nicosulfuron (H) Prosulfuron (H) Pendimethaline (H) Fluroxypyr (H) 2,4-D (H) Mesotrione (H) Pethoxamid (H) Asulame (H) Helicoverpa armigera nucleopolyhedrovirus (I) Date d'approbation 01/10/2003 01/04/2005 01/10/2007 01/01/2009 01/01/2009 01/05/2017 01/09/2017 01/01/2012 01/01/2016 01/06/2017 01/12/2018 Date d'expiration 31/07/2019 31/07/2019 31/07/2019 31/12/2019 31/12/2019 30/04/2024 31/08/2024 31/12/2024 31/12/2030 31/05/2032 30/11/2033 Candidate à la substitution non non oui non oui oui oui non non non non ? non Toujours en attente de la décision UE 01/06/2013 31/05/2023 Outre les herbicides autorisés sur la canne, un désherbant total multi-usages, le glyphosate, est aussi utilisé en culture de canne à sucre (préparation du sol avant plantation sur friche ou précédent cultural, ou en jet dirigé sur cultures installées), ou pour l'entretien des bordures de chemin. Des dizaines de produits commerciaux contiennent du glyphosate, à des concentrations diverses, avec différentes doses de référence selon les usages, y compris non professionnels. Les estimations d'utilisation sur la canne à sucre varient de 9 l/ha à 5 l/ha (DEPHY), le manuel de bonnes pratiques conseillant 7 l/ha. Les débroussaillants à base de triclopyr sont formulés parfois avec de l'aminopyralid (produits GARLON XL et L60 ou 2,4-D NORONCE). Ils sont sélectifs de la canne à sucre, mais ne sont pas homologués pour le désherbage de la canne. Leur vocation est l'entretien des prairies embroussaillées ou celui des chemins et des bordures de champ. Enfin, le glufosinate d'ammonium de BAYER (produit BASTA), autre désherbant très utilisé, a été retiré du marché en 2017. Si l'on prend l'exemple de La Réunion, le glyphosate, désherbant non sélectif, et le 2,4-D sont les plus utilisés, pratiquement à parts égales (autour de 50 tonnes chacun). Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 93/137 PUBLIÉ Tableau 6 : Évolution des ventes d'herbicides à La Réunion en kg SA (source BNV-D) 2015 Total herbicides dont Glyphosate 158 132 54 469 2016 153 286 50 129 2017 147 612 50 589 Pour un IFT Herbicides calculé à partir des ventes de 3,48 doses homologuées /ha pour les herbicides « canne », le 2,4-D en représente la moitié (1,78). L'enquête sur les pratiques culturales de 2014 a estimé quant à elle qu'environ un tiers de la quantité totale de glyphosate vendue à La Réunion était utilisée pour la culture de la canne à sucre (voir figure 1 ci-dessous) 87. Ce ratio est cependant sous-estimé dans la mesure où, d'une part, le détail entre traitement dirigé dans le champ et traitement des bords de champ n'est pas accessible et, d'autre part, cette estimation est basée sur une enquête sur les parcelles qui ne tient pas compte des voies cannières. Toutefois, la superposition entre les résultats de l'enquête sur les pratiques culturales en 2014 et les ventes montrent un écart important pour le 2,4D, si on compare l'IFT calculé à partir de la surface ou celui calculé à partir de l'enquête, ce qui laisse supposer un dépassement de la dose autorisée. Figure 1 : Répartition de l'IFT entre les herbicides utilisés en culture de canne à sucre en 2014 à La Réunion (source : enquête sur les pratiques culturales) La sélection variétale contre les maladies fongiques et l'absence de ravageurs ou l'existence de solutions alternatives font que la problématique du désherbage est prépondérante dans la culture de la canne à sucre où le principal enjeu consiste à réduire l'utilisation des herbicides et à améliorer les pratiques pour diminuer les surdosages (2,4-D). L'absence d'objectifs explicites de baisse 87 AFPP, 23e conférence du COLUMA, Journées internationales sur la lutte contre les mauvaises herbes, Dijon 6-7-8 décembre 2016 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 94/137 PUBLIÉ d'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les plans de développement de la canne à sucre peut constituer un handicap. 5.2. La culture de la banane La banane export est cultivée en Martinique (5 000 ha et 23 % de la SAU concernée) et en Guadeloupe (2 453 ha et 8 % de la SAU). Pour la Martinique, cette filière représente 30 % des surfaces agricoles cultivées (sole en production et jachères), faisant de celle-ci le premier produit agricole destiné à l'exportation. Pour la Guadeloupe, la culture de la banane occupe le 3 e rang en termes de surface après la canne à sucre et les prairies. Moins de 900 exploitations cultivent de la banane (365 en Martinique et 500 en Guadeloupe) sur une surface moyenne de 14 ha en Martinique et de moins de 5 ha en Guadeloupe. En Martinique, plus de la moitié des exploitations présente une surface en bananes inférieure à 15ha. Seules 8,6 % cultivent plus de 80 ha de bananes (jachères exclues). C'est une filière fortement spécialisée puisque seulement 6,5 % des exploitations déclarent une activité agricole secondaire (canne à sucre, élevage, maraîchagemaraichage). La production moyenne annuelle est de l'ordre de 250 000 tonnes avec de fortes variations dues aux impacts des cyclones, des sécheresses et des problématiques sanitaires (par exemple l'apparition de la cercosporiose noire 2010 en Martinique et en 2012 en Guadeloupe). La banane constitue la principale production du secteur agricole antillais et représente en valeur plus de 70 % de la production végétale de Martinique. Elle joue un rôle essentiel dans l'économie insulaire dans la mesure où elle est le premier employeur privé des Antilles françaises avec environ 10 000 emplois directs. Toutefois, cette production est faible à l'échelle mondiale et elle ne représente que moins de 5 % de l'approvisionnement de l'Union européenne. Après une crise économique et sociale à la fin de la première décennie des années 2000, la filière s'est bien structurée. Des organisations de producteurs (BANAMART en Martinique et LPG en Guadeloupe), fédérées au sein de l'Union des producteurs antillais (UGPBAN), regroupent la production et commercialisent plus de 95 % de la production antillaise. Un institut technique, l'IT2, a été créé fin 2008 par les professionnels de la filière banane pour mettre au point et faciliter la vulgarisation d'itinéraires techniques88. Pour compenser des coûts de production élevés, un plan de soutien à la filière a été mis en place à partir de 2008. Le premier plan « banane durable » 2008-2013, qui avait pour but d'inscrire la filière dans une démarche de durabilité, affichait notamment parmi ses cinq objectifs l'ambition de réduire de 50 % l'usage des pesticides. Cet objectif a été presque atteint puisque les quantités de matières actives par hectare ont diminué de 51 % en Martinique et de 35 % en Guadeloupe. 88 L'IT2 regroupe une quinzaine de structures professionnelles de Martinique et de Guadeloupe intervenant dans la production de bananes et de cultures de diversification. Il est adossé au réseau des instituts des filières animales et végétales depuis 2010 (ACTA). Il est hébergé directement par les organisations de producteurs et par les organismes de recherche publique (BANAMART en Martinique, le CIRAD en Guadeloupe et l'UGPBAN à Rungis). Sa mission est d'apporter des solutions techniques efficaces et durables dans les domaines considérés prioritaires par les professionnels, en intervenant à l'aide de sa propre équipe et en établissant des contrats de collaboration avec les organismes de recherche. C'est un acteur des RITA (réseaux d'innovation et de transfert agricole). Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 95/137 PUBLIÉ Dans la continuité, un second plan banane durable a été lancé pour la période 2016-2020. Il comprend des mesures variées, notamment pour améliorer les pratiques de cultures pour réduire l'usage des phytosanitaires. La mise en oeuvre du plan bénéficie d'un appui structurel essentiel du POSEI (programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) qui contribue à hauteur de 129,1 M par an à la rentabilité des exploitations et au maintien de l'emploi agricole89. Les deux organisations de producteurs reconnues dans le secteur de la banane, LPG et BANAMART, jouent un rôle clé dans la mise en oeuvre du plan « banane durable 2 ». Elles apportent leur appui pour améliorer les pratiques des planteurs qui doivent adhérer et commercialiser leur production auprès de l'unique organisation de producteurs de Martinique ou Guadeloupe pour bénéficier de l'aide. Les exploitations font l'objet de visites périodiques de la part de leurs services techniques qui organisent la production autour d'un cahier des charges promouvant notamment « la définition de techniques culturales respectueuses de l'environnement »90. Conformément à ces plans, une partie de la sole bananière fait aujourd'hui l'objet de mise en jachère permettant un assainissement des sols. Par ailleurs, des progrès ont été accomplis en termes de gestion de l'enherbement avec une diminution du recours aux herbicides et un développement de la gestion mécanique de l'enherbement au sein des exploitations. Les pièges à charançons sont désormais utilisés dans le cadre d'une lutte sans impact pour l'environnement. L'effeuillage sanitaire est pratiqué contre la cercosporiose noire. En matière de traitements post-récolte, des équipements ont permis de réduire les rejets et des travaux sont conduits afin de disposer d'un nouveau produit homologué en agriculture biologique. Depuis la mise en place du plan banane durable, cette filière est désormais considérée comme un exemple de structuration horizontale et verticale de la production, ainsi que de maîtrise environnementale. 5.2.1. L'évolution des ventes de produits phytosanitaires liées à la filière « banane » Le tableau ci-après présente les principales substances phytosanitaires qui sont utilisées dans la production de la banane. Si certaines ne sont autorisées que pour cette culture d'autres peuvent être utilisées sur d'autres productions, ce qui rend difficile l`évaluation des quantités de substances utilisées par la filière. 89 Néanmoins, la nécessité pour chaque planteur d'atteindre une production au moins égale à 80 % de sa référence individuelle, afin de conserver ses droits historiques, fixe pour certains un objectif de rendement élevé dans des conditions climatiques et sanitaires difficiles. Les services techniques des organisations de producteurs utilisent une fiche de suivi des exploitations qui leur sert de base à l'établissement de recommandations en vue d'améliorer les pratiques de chaque planteur. Chaque année l'organisation de producteurs rend compte de son engagement dans les actions du plan banane durable à l'organisme payeur. L'ODEADOM vérifie une fois par an sur place auprès de l'organisation de producteurs les éléments du suivi technique des actions effectuées. 90 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 96/137 PUBLIÉ Tableau 7 : Évolution des QSA autorisées sur la banane (mais également pour d'autres usages) vendues dans les DOM - Source : Ineris/BNV-d (consultation 18/03/2019) et ANSES91 Substance active 2009 Herbicide glyphosate diquat pelargonic acid fluazifop-P isoxaben oryzalin Nématicide fosthiazate Fongicide, bactéricide difenoconazole propiconazole azoxystrobine fluopyram Bacillus subtilis trifloxystrobine imazalil thiabendazole acibenzolar-s-méthyl Candida oleophila strain O fenpropidin Insecticide, acaricide Spinosad* Huile essentielle d'orange douce* Bacillus thuringiensis subsp. Kurstaki* Beauveria bassiana strain NPP111B005* 84 129 267 5 337 126 466 77 384 54 483 68 566 69 1 048 75 27 1 872 960 495 3 822 730 3 406 1 461 619 1 1 213 1 513 4 1 125 4 895 1 391 665 9 1 1 211 1 330 12 10 1 880 1 057 15 240 3 234 745 1 101 20 5 556 1 985 1 190 584 823 1 443 1 117 27 4 085 1 305 1 550 377 311 20 769 621 48 2 178 1 632 1 233 259 415 1 027 866 13 2 717 1 854 1 138 289 894 413 846 729 36 2 168 1 282 1 040 851 746 601 541 445 22 0,1 4 286 3 030 4 204 4 936 4 967 2 872 3 402 2 697 2 354 100 733 7 312 619 134 055 5 762 494 1 128 053 3 227 583 4 51 122 738 3 256 2 487 2 60 140 357 3 470 2 577 2 39 117 223 2 925 6 428 3 4 131 194 3 701 19 510 3 29 126 839 2 850 176 499 6 118 981 3 393 986 553 2 2010 Vente kg substance active/an ­ tous usages confondus 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 *Produits de bio contrôle 91 Les données bancarisées sont issues des déclarations des distributeurs. Les quantités de produits et substances présentes ne sont représentatives de la dernière année de vente déclarée que fin juin, et proches de l'exhaustivité que fin septembre. Il est prudent d'en tenir compte lors de l'utilisation des données extraites. Les quantités des années précédentes peuvent aussi évoluer en fonction des versements de bilans et registres rectifiés, notamment suite aux contrôles des déclarations. Les quantités ne sont figées que lorsque trois années se sont écoulées après l'année de vente. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 97/137 PUBLIÉ Le graphique ci-dessous présente l'évolution des quantités de substances actives utilisées de 2006 à 2017 pour la banane92. Il montre une baisse régulière des utilisations depuis le lancement du premier plan banane durable. Les quantités d'insecticides sont devenues très faibles (non visibles sur le graphique). Les herbicides restent majoritairement les plus utilisés devant les fongicides. Figure 2 : Évolution de la consommation totale en substances actives (kg) par les producteurs de banane antillais Même si, dans la filière bananes, le débroussaillage et l'entretien mécanisé des inter-rangs, ainsi que les couverts végétaux, se sont développés, la pression des herbicides reste importante93. Le glyphosate représente en 2016, plus de 80 % de la QSA vendue, mais il est difficile de rapporter son usage sur la filière « banane », compte tenu de son utilisation générale sur de nombreuses autres cultures. Les deux herbicides utilisés de manière spécifique sur la banane représentent en Martinique moins de 7 % de la QSA herbicides de la filière banane (source DAAF 2016, note de suivi du plan Écophyto, 2016). 92 À noter pour l'année 2017, le passage du cyclone MARIA en septembre a impacté l'utilisation de produits phytopharmaceutiques en Guadeloupe et en Martinique pour la culture de bananes. La sole bananière de Guadeloupe a été détruite à 100 % et celle de la Martinique à 70 %. Ainsi, les fongicides post-récolte sont réduits à hauteur de la production restante. Les fongicides contre les cercosporioses baissent du fait de la baisse des surfaces mais augmentent à l'hectare sur les surfaces conservées qui sont fragilisées. Les herbicides augmentent du fait de l'entrée de lumière liée à la destruction du feuillage des bananiers qui augmente les adventices. La très grande quantité de matière organique au sol favorise le charançon. En 2017, les surfaces sous couverts végétaux en bananeraie concernaient 37 % de la sole en production. Les couverts végétaux en jachère représentent, eux, 22 % des surfaces en inter-culture. Quant à la proportion de producteurs ayant des couverts végétaux sur leur exploitation, elle est de 31 % (+7 % par rapport à l'année précédente). Source : Note d'information IT2 en date 12/06/2018 « Répartition des couverts végétaux au sein de la filière BGM en 2017 » NI_IT2_2018_BAN_SDCI. 93 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 98/137 PUBLIÉ La pression liée aux insecticides et nématicides est en baisse. La molécule principalement vendue, l'insecticide fosthiazate (2,9 % de la QSA totale vendue en 2016) utilisé en banane, a vu son volume diminuer progressivement d'un tiers depuis 2013. Cette réduction témoigne des efforts réalisés dans le cadre du plan banane durable dans la lutte contre les nématodes de la banane 94. À noter également l'évolution positive de l'insecticide utilisé en agriculture biologique, le spinosad. Outre le désherbage, le principal autre problème reste la lutte contre les maladies fongiques. En effet, les cercosporioses des bananiers (Mycosphaerella musicola et M. fijiensis) restent des problématiques majeures aux Antilles. L'efficacité de la lutte impose une action collective qui doit permettre une diminution de la production d'inoculum par les feuilles attaquées. Lors des années à faible pluviométrie, les pratiques prophylactiques d'élimination des feuilles les plus malades et des traitements antifongiques ciblés permettent un contrôle satisfaisant de ces maladies. Les fongicides utilisés pour le traitement contre la cercosporiose représentent 5,3 % de la QSA vendue en 2016, les principaux étant le difénocanazole et le propiconazole, la trifloxystrobine restant moins utilisée. Les fongicides post-récolte correspondent à 1,3 % de la QSA en 2016 : thiabendazole, imazalil et azoxystrobine. Si, en quantités de substances actives, les fongicides sont minoritaires, il n'en est pas de même pour ce qui concerne les fréquences de traitement. En effet, selon l'enquête pratiques culturales de 2015, l'IFT fongicides présente une valeur de 5,8 contre 3,2 pour l'IFT herbicides. Des évolutions dans la liste des substances actives sont en cours95. Elles auront un impact sur l'évolution des ventes : · Le non renouvellement du propiconazole (TILT) qui sert à lutter contre les attaques fongiques (cercosporioses) est inscrit dans le règlement 2018/1865 de la Commission du 28/11/2018. Les États membres devaient retirer les autorisations aux produits contenant cette substance au plus tard le 19/06/2019, avec un délai pour l'utilisation jusqu'au 19/12/2019. Une décision de retrait de l'Imazalil (Fungaflor 75C), utilisée en traitement post récolte, est également en cours, avec une date limite pour le stockage et l'utilisation des stocks au 06/05/2019. Enfin, l'approbation de l'herbicide diquat ne sera se verra pas renouvelée (Règlement UE 2018/1532 du 12/10/2018). · · 94 La pression des nématodes est en effet majoritairement maitrisée par la combinaison de l'utilisation des vitro plants avec des jachères assainissantes et des rotations culturales. Le glufosinate d'ammonium de BAYER (BASTA), désherbant utilisé en banane, a connu une réduction assez constante, avant d'être retiré en octobre 2017, avec une fin de commercialisation au 24 janvier 2018 et une fin d'utilisation au 24 octobre 2018. Les producteurs ont anticipé l'année 2018 dans leurs commandes fin 2017. C'était un produit classé CMR-T (cancérigène, mutagènes et toxique). Sa part représentait en Martinique 47,8 % des substances classées toxiques en 2016 (source DAAF, note de suivi Écophyto 2016). 95 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 99/137 PUBLIÉ 5.3. Les filières de diversification végétale Les filières des fruits et légumes, du maraîchage, de l'arboriculture, de la floriculture et des plantes aromatiques, à parfum et médicinales des départements d'Outre-mer (et riz en Guyane), appelées filières de « diversification végétale » par opposition avec les filières d'exportation (canne à sucre et banane), sont à la fois riches d'une très grande diversité de produits et parmi les filières agricoles les moins organisées. Elles sont soumises à une sévère concurrence régionale et internationale. La production est surtout destinée aux marchés locaux. Seuls quelques produits sont également exportés vers la métropole, comme le melon des Antilles de même que des quantités plus modestes de fruits tropicaux comme l'ananas, la mangue, les fruits de la passion et litchis de La Réunion. Les dispositifs de soutien prévus dans le POSEI France visent à renforcer le degré de structuration de ces filières. Des organisations de producteurs et groupements de producteurs se sont créés et commercialisent aujourd'hui une partie des produits de la diversification végétale (moins d'un tiers de la production à La Réunion par exemple). Globalement, ces structures rencontrent des difficultés face à des producteurs qui sont réticents au regroupement96. L'encadrement technique des producteurs reste faible. Le plan de soutien pour les cultures de diversification bénéficie annuellement de 14 M sur le POSEI auxquels s'ajoutent 12,5 M de crédits du budget national. L'aide vise à améliorer la structuration des filières de diversification végétale en soutenant l'existence des démarches interprofessionnelles. Les bénéficiaires sont les interprofessions ou structures à caractère interprofessionnel agréées par l'État dans les filières végétales, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à La Réunion. Le manque d'organisation des différentes filières et la faiblesse du soutien technique ne favorisent pas la diffusion et l'adoption d'itinéraires techniques moins consommateurs de produits phytosanitaires. De plus, le plan de soutien n'affiche aucun objectif de réduction des utilisations de phytosanitaires. Pourtant, la pression des traitements phytosanitaires est importante sur certaines de ces cultures, telles que le melon des Antilles (exporté pour 95 % de la production et dont l'IFT est de 21 soit 2,5 fois plus que la moyenne nationale) et la tomate pour lesquels les traitements insecticides et fongicides sont majoritaires97. 96 À Mayotte, la coopérative maraîchère COOPAC regroupe seulement 18 producteurs sur les 200 qui pratiquent les cultures légumières. Le programme de soutien aux filières de diversification affiche plutôt un objectif de faciliter l'accès aux intrants (produits phytosanitaires, semences). 97 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 100/137 PUBLIÉ 6. Les résultats obtenus en matière de réduction de l'usage des phytosanitaires par les réseaux DEPHY mis en place dans les Outre-mer Les deux dispositifs de réseaux DEPHY sont présents dans les Outre-mer. Le réseau de démonstration et de production de références FERME regroupe des agriculteurs engagés dans une démarche volontaire de réduction des pesticides. Le réseau d'expérimentations EXPE rassemble des projets testant des systèmes de culture fortement économes en pesticides. Ces réseaux conduisent des actions visant à réduire l'utilisation des phytosanitaires dont les résultats sont mesurés en IFT. Déterminé pour chaque parcelle, l'IFT est agrégé à l'échelle de l'exploitation pour le système de culture en distinguant les familles de produits. 6.1. Les réseaux de fermes DEPHY Il existe trois réseaux DEPHY Ferme pour la canne à sucre (Guadeloupe, Martinique, Réunion), un pour la banane (Martinique), deux pour les fruits (mangue à La Réunion, ananas en Martinique) et deux plus récents pour le maraichage (Guyane, Martinique). Sur 39 exploitations entrées dans le réseau DEPHY en 2012 et toujours présentes en 2017, près de 53 % ont réduit leur IFT hors biocontrôle d'au moins 5 % entre leur entrée dans le réseau et la moyenne des années 2014-2015-2017. Tous systèmes confondus, la baisse moyenne de l'IFT hors biocontrôle est de 37 % entre l'entrée dans le réseau et la moyenne des années 2014-2015-201798. 98 Source : Le réseau Dephy Ferme, novembre 2018. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 101/137 PUBLIÉ Les exploitations qui ont intégré le réseau DEPHY plus récemment présentent quant à elles une réduction moyenne de 18 % de leur IFT entre l'entrée dans le réseau et l'année 2017. Ces résultats varient d'une culture à l'autre : -38 % en canne à sucre, -27 % en mangue, -9 % en banane, mais +9 % en ananas. 6.1.1. Les réseaux par culture et leurs résultats Des résultats sur l`évolution des IFT par culture ne sont disponibles que pour la canne sucre, la banane, la mangue et l'ananas. 6.1.1.1. Canne à sucre Les adventices sont considérées comme le principal concurrent de la culture de canne à sucre avec des pertes de rendement pouvant aller jusqu'à 400 kg/ha/jour. Réseau Guadeloupe Constitué en 2012, le réseau de 12 fermes à dominante canne à sucre est animé par la chambre d'agriculture. Les thématiques du projet collectif sont notamment de : - identifier et favoriser l'émergence d'une végétation spontanée qui pourrait être maitrisée dans les inter-rangs ; - maîtriser les associations de cultures, les interactions des plantes et leurs bénéfices (jardin créole...) ; - développer des paillages naturels pour réduire l'enherbement. Le réseau s'est assigné un objectif de baisse de l'IFT de 23 % sur 5 ans. Réseau Martinique Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 102/137 PUBLIÉ Créé en 2013, le réseau de 11 fermes est animé par la chambre. Ses principales thématiques visent à diminuer l'usage des herbicides et améliorer les itinéraires techniques et le choix variétal tout en augmentant la production de cannes. Il s'est également fixé un objectif de réduction de l'IFT de 25 % sur cinq ans. Réseau La Réunion Le réseau canne à sucre de la Réunion a été créé en 2011. Il compte 12 agriculteurs répartis sur toute l'île (8 réengagés par rapport au groupe initial de 9 plus 4 nouveaux agriculteurs qui ont rejoint le groupe). La surface totale engagée est de 113 ha. L'animation est assurée par la chambre d'agriculture. Il s'est fixé un objectif de réduction de l'IFT de 20 % sur cinq ans en mobilisant plusieurs leviers pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires : les variétés adaptées, le paillage du sol, l'étalonnage du pulvérisateur, l'adaptation des traitements aux adventices présentes (réduction doses, pré-levée, localisé, etc.), le désherbage précoce ou mécanique. Résultats des 9 exploitations impliquées au démarrage du réseau Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 103/137 PUBLIÉ Une réduction effective de l'utilisation des herbicides Globalement sur les trois réseaux, l'IFT herbicide a diminué de 17 % entre l'état initial et la moyenne des années 2014-2015-2017 pour les exploitations « historiques » des trois réseaux (19 exploitations). La baisse a surtout été significative pour le réseau de La Réunion99. Ce résultat résulte de l'utilisation combinée de différents leviers : épaillage, arrachage manuel, désherbage mécanique, choix variétal. Cependant, en 2017 (dès 2016 en Martinique), les IFT ont de nouveau augmenté de manière significative en raison de conditions climatiques défavorables qui ont induit des traitements herbicides de post levée plus fréquents. Pour les 14 exploitations entrées plus récemment dans les réseaux, la réduction de l'IFT est de 38 % entre leur entrée dans le réseau et l'année 2017 (IFT hors biocontrôle de 1,8 en 2017). 6.1.1.2. Banane Créé en Martinique en 2012, le réseau de 10 fermes en culture de banane export est animé par la chambre d'agriculture. Il vise à réduire l'emploi des herbicides d'au moins 25 % en atteignant 50 % de couvert végétal (plantes de couverture et couvert spontané). 99 Au sein du réseau de La Réunion, la baisse d'utilisation des herbicides a été régulière entre 2010 et la période 2014-2016 pour atteindre environ 40 % en moyenne avant de connaître une inversion de tendance en 2017. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 104/137 PUBLIÉ L'IFT herbicides a baissé de manière continue pour atteindre un niveau très bas en 2017. Les plantes de service et l'entretien mécanique des rangs contribuent à cette baisse. Cette stratégie, couplée à la généralisation des jachères enherbées et au piégeage du charançon de la banane, a permis d'arrêter l'utilisation des nématicides et insecticides dans le réseau. En revanche les fongicides restent utilisés pour lutter contre la cercosporiose qui est une maladie des feuilles très répandue aux Antilles. L'arrivée de la cercosporiose noire, couplée à l'arrêt des traitements aériens et des conditions climatiques défavorables, ont eu pour conséquence une augmentation des IFT fongicides sur l'ensemble des cultures de banane aux Antilles qui n'a pas épargné les exploitations du réseau DEPHY. Évolution des IFT pour 6 producteurs « anciens » du réseau Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 105/137 PUBLIÉ Pour cinq producteurs plus récemment entrés dans le réseau, l'IFT global a diminué de 9 % entre leur entrée dans le réseau et l'année 2017. 6.1.1.3. Cultures fruitières Réseau Mangue à La Réunion Le réseau de fermes en culture de mangue a été créé en 2012 sous l'animation de la chambre d'agriculture. Il a pour objectif de mettre en oeuvre des pratiques agro-écologiques innovantes vers le développement de la mangue « bio ». Constitué au départ de 9 exploitations couvrant 28,5 hectares, le groupe s'est élargi en 2016 à 14 exploitations couvrant 42,5 hectares (sur 350 ha de vergers sur la façade Ouest de l'île, regroupant 90 producteurs). L'objectif de 60 % de réduction de l'usage des pesticides sur cinq ans était significatif. Il s'est concrétisé par l'adoption de techniques de protection phytosanitaire non chimiques : - utilisation de piégeage massif des mouches des fruits, - battage des inflorescences pour déterminer les seuils de traitements, - arrêt d'utilisation des herbicides. L'objectif de baisse de l'IFT hors biocontrôle des exploitations ayant intégré le réseau dès l'origine a été atteint. L'utilisation d'herbicides a totalement cessé depuis 2014 à la suite de l`installation d'une couverture végétale permanente afin de préserver l'activité de la faune auxiliaire et favoriser la lutte biologique par conservation. Depuis 2015, l'IFT insecticide a également fortement diminué grâce au déploiement du piégeage des mouches des fruits et des méthodes de prophylaxie combinées. Toutefois, en 2017, les IFT biocontrôle à usage insecticide ont augmenté en lien avec l'arrivée d'une nouvelle mouche des fruits particulièrement redoutée et toujours présente en 2018. Les IFT fongicides diminuent régulièrement. Le passage de certains produits à base de soufre sur la liste « Nodu-vert » explique en partie la forte baisse de l'IFT fongicide et l'augmentation de l`IFT biocontrôle en 2017. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 106/137 PUBLIÉ La baisse des IFT hors biocontrôle est également constatée chez les producteurs entrés plus récemment dans le réseau (-27 % entre l'entrée dans le réseau et l'année 2017). Réseau ananas en Martinique Créé en 2011, le réseau de 13 fermes de culture d'ananas et de cultures maraîchères et vivrières est animé par la chambre d'agriculture. Dans un contexte de production d'ananas en chute, le réseau s'est fixé l'objectif de réduire de 15 % son IFT sur 5 ans en mettant en oeuvre des méthodes alternatives pour les principaux problèmes sanitaires notamment par utilisation de plantes de services. L'objectif de réduction des phytosanitaires n'est pas atteint puisque les résultats pour l'année 2017, à considérer avec prudence, font ressortir une augmentation d'au moins 20 % des IFT (hors biocontrôle) pour cinq producteurs présents depuis l'origine du réseau et de 9 % pour cinq producteurs nouvellement entrés dans le réseau. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 107/137 PUBLIÉ 6.1.1.4. Cultures maraîchères Les deux réseaux ont été mis en place trop récemment pour que des résultats soient disponibles. Réseau Martinique Créé en 2016, le réseau de 11 fermes de cultures de légumes de plein champ est animé par la chambre d'agriculture. Il a pour objectif de diminuer de 42 % sur cinq ans l'utilisation des produits phytosanitaires par la mise en place de méthodes alternatives économiquement viables portant sur la gestion de l'enherbement, l'utilisation de plantes pièges et la mise en place de paillage. Réseau Guyane Animé par l'EPLEFPA de la Guyane, un groupe de 9 fermes de maraîchage sous abri et plein champ a été constitué en 2018. Il se fixe l'objectif de maintenir un IFT proche de zéro. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 108/137 PUBLIÉ 6.2. Les sites EXPE Entre 2012 et 2018, le réseau DEPHY EXPE a réuni quatre projets d'expérimentation destinés à concevoir, tester et évaluer des systèmes de culture visant une forte réduction de l'usage des pesticides en cultures tropicales : trois projets à la Réunion (canne à sucre, maraichage de plein champ, horticulture) et un projet en Guadeloupe sur les systèmes diversifiés100. Dans le cadre du plan Écophyto 2, deux projets nouveaux ont été sélectionnés pour la période 2018-2023. Le premier porte sur l'évaluation de systèmes de culture innovants de banane biologique, le second sur des systèmes de production tropicaux avec zéro pesticide de synthèse. 6.2.1. Canne à sucre à La Réunion Le projet piloté par l'institut ERcane étudie la faisabilité technico-agronomique de nouvelles pratiques afin de mettre au point des stratégies de lutte contre l'enherbement pour limiter l'usage des herbicides. Le projet expérimente différents systèmes de culture innovants et économes en herbicides Intégrant le désherbage mécanique, la gestion optimale du paillis (fanage, épaillage), les variétés, les plantes de couvertures sur l'inter rang et les couverts végétaux entre deux cycles de canne. Dans certaines conditions d'expérimentation, les techniques ont montré des réductions de l'IFT Herbicides allant jusqu'à 50 % (légumineuses intercalaires, désherbage mécanique de l'inter rang). Des étapes de mécanisation des pratiques et l'évaluation économique des systèmes, en cours, faciliteront par la suite la diffusion et l'acceptabilité des techniques par les planteurs. 6.2.2. Maraîchage de plein champ à La Réunion Sur l'île de la Réunion, la culture de la tomate de plein champ est un enjeu économique important, mais cette culture souffre d'un déficit de solutions de traitement autres que chimiques. Outre les ravageurs telluriques, les producteurs doivent faire face à une mouche de la famille des Tephritidae inféodée à la famille des solanacées. Le projet piloté par Armeflhor a pour finalité de valoriser et adapter sur la culture de tomates les résultats de lutte contre la mouche acquis sur cucurbitacées et de poursuivre les expérimentations pour mettre à disposition des producteurs réunionnais des techniques culturales alternatives efficaces et viables. Malgré les intérêts du dispositif dans les systèmes de culture, il est difficile de maintenir des rendements dans la moyenne locale en diminuant les IFT, les pertes pouvant être supérieures à 30 %. Les travaux sont à poursuivre. 6.2.3. Systèmes diversifiés ultramarins en Guadeloupe Le projet piloté par l'EPLEFPA de Guadeloupe vise à proposer des solutions alternatives aux herbicides adaptées aux exploitations guadeloupéennes de petits systèmes mixtes diversifiés. Les objectifs sont de concevoir des techniques culturales alternatives aux herbicides, de mécaniser les techniques alternatives connues pour la gestion des adventices, de réduire l'IFT de moitié pour 100 Cellule d'animation nationale DEPHY Écophyto, 2017. Réseau DEPHY EXPE - Présentation des projets et des sites dans la filière cultures tropicales ­ Recueil de fiches descriptives, 63 p. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 109/137 PUBLIÉ les cultures où l'utilisation d'herbicides est autorisée et de réduire de moitié le temps de travail consacré à la gestion des adventices pour les cultures «orphelines». Des innovations techniques disponibles pour la gestion des adventices (plantes de couverture, mulching, traitements localisés) sont expérimentées dans un réseau d'essais répartis sur des cultures de canne à sucre et d'igname. Les essais ont montré que le paillage permet de diviser par cinq les opérations de désherbage manuel avec des rendements doublés, par rapport à des parcelles témoins sans mulch. 6.2.4. Horticulture à La Réunion Porté par l'INRA (UMR Institut Sophia Agrobiotech) avec l'Institut ASTREDHOR, le projet porte sur quatre modèles de cultures ornementales conduites sous serre en protection intégrée : gerbera fleurs coupées, rosier fleurs coupées, pelargonium plantes en pot, gerbera plantes en pots. Les travaux conduits permettent de développer une gamme d'outils d'aide à la décision pour suivre, enregistrer et comprendre les dynamiques des bioagresseurs/biodéfenseurs. Un bénéfice particulier est apporté aux pratiques faisant appel à un diagnostic phytosanitaire avant prise de décision, notamment grâce au suivi de protocoles d'échantillonnage. Les outils prototypés par la recherche et l'expérimentation serviront d'appui à la mise en oeuvre d'un conseil de terrain privilégiant les méthodes alternatives101. 101 Dans les cultures ornementales, il existe encore de nombreuses impasses techniques (lutte contre le thrips, par exemple) et l'utilisation de pesticides reste encore très importante. Le développement des résistances a pour conséquence, à la Réunion, une aggravation marquée des dégâts, liés en particulier à deux familles de ravageurs, les thrips et les acariens. Il convient donc d'identifier les leviers utilisables pour lever les verrous existants de la protection intégrée. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 110/137 PUBLIÉ 7. Les techniques pour réduire phytosanitaires en Outre-mer l'utilisation des Sous l'impulsion des organismes techniques présents dans les Outre-mer des actions visant à réduire l'utilisation des produits phytosanitaires ont été mises au point et expérimentées sur les principales cultures tropicales. Ces organismes et leurs réseaux de même que les organisations professionnelles auxquelles ils sont liés se sont attachés à diffuser et à faire connaître - essentiellement sous forme documentaire ­ les pratiques innovantes et à mettre en valeur les résultats. Dans les documents, souvent riches et bien documentés, l'effet de la mise en place de ces méthodes sur l'utilisation des phytosanitaires est généralement mesuré à l'aide de l'indice de fréquence de traitement (IFT). Cet indicateur permet de suivre à l'échelle de la parcelle ou de l'exploitation le nombre de doses homologuées utilisées par hectare et par campagne. 7.1. La culture de la banane 7.1.1. L'utilisation des phytosanitaires a diminué D'importants et constants efforts ont été consentis pour réduire l'utilisation des phytosanitaires, à travers notamment les différents plans « Banane durable », avec un appui apporté par l'IT2 et le CIRAD. La baisse de l'utilisation des produits phytosanitaires est manifeste depuis le lancement du premier plan Banane durable en 2008 qui a permis d'obtenir de meilleurs résultats que le plan Écophyto à l'échelle nationale. Comme le montre la figure ci-après, elle s'est concrétisée par la quasi-disparition du recours aux nématicides et insecticides. L'apparition de la cercosporiose noire à partir de 2010 et les traitements post-récolte des bananes ont nécessité cependant un emploi toujours important de fongicides. Selon l'évaluation du plan, en Martinique, les quantités de matières actives par hectare ont diminué de 51 % entre 2006 et 2013, essentiellement par réduction des herbicides. En Guadeloupe, la diminution a été limitée à 35 % notamment par un moindre recours aux nématicides102. Figure 1 : Évolution de la consommation de substances actives par hectare de bananeraies aux Antilles 102 Centre d'études et de prospective, analyse n° 83, septembre 2015. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 111/137 PUBLIÉ L'enquête sur les pratiques culturales réalisée en 2015 aux Antilles a relevé un IFT hors produits de biocontrôle de : - 7,82 en Martinique dont 5,8 pour les fongicides et 2,0 pour les herbicides ; - 6,6 en Guadeloupe dont 4,9 pour l'IFT fongicides et 1,7 pour les herbicides (en baisse). La diminution des quantités de substances actives utilisées et le recours accru aux plantes de services sont des indicateurs de suivi du plan Banane durable n° 2 engagé en 2015 et auquel adhèrent la plupart des planteurs antillais103. Un objectif de baisse de l'utilisation des produits phytosanitaires de 25 % supplémentaires a été fixé par ce plan à l'horizon 2020. Les aides communautaires du POSEI en soutien à la production (129 M par an) et du FEADER pour promouvoir la recherche et de nouveaux itinéraires techniques constituent un levier majeur pour inciter les acteurs de la filière à agir et atteindre ainsi les objectifs du plan. 7.1.2. Plusieurs techniques sont disponibles pour réduire l'usage des herbicides et fongicides La diminution de l'utilisation des produits phytosanitaires dans la culture de la banane a été obtenue par l'utilisation de plusieurs techniques. Outre les jachères et l'usage de vitroplants qui sont généralisés, le monitoring de la cercosporiose, le piégeage des charançons et la couverture végétale du sol sont ceux qui ont le plus contribué à cet objectif, malgré des taux de pénétration qui restent minoritaires dans les exploitations. L'enquête « pratiques culturales » présente le taux de pénétration des différentes techniques dans les exploitations bananières de Guadeloupe en 2014 : Figure 2 : Taux de diffusion des techniques dans les exploitations bananières de Guadeloupe 103 La plupart des producteurs ont signé la charte du plan Banane durable II, mais les plus petits planteurs rechignent à le faire (une centaine en Martinique, le plus souvent avec moins de 5 ha, qui représentent environ 10 % de la production). Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 112/137 PUBLIÉ Les résultats issus de cette même enquête ne sont pas supérieurs en Martinique puisque seulement 23 % des exploitations avaient recours aux plantes de service contre 40 % en Guadeloupe. Toutefois, 48 % des exploitations de plus de 80 ha avaient adopté cette technique. Ces solutions techniques sont en cours de diffusion dans les différents types de structures de production. 7.1.2.1. La lutte contre la cercosporiose La lutte contre la cercosporiose s'appuie sur des pratiques culturales préventives et curatives pour réduire la pression parasitaire sachant que les traitements chimiques n'agissent que sur les jeunes stades d'évolution. Afin de limiter la population de champignons, les mesures préventives consistent à couper toutes les feuilles lors de la récolte, à bien gérer l'humidité de la parcelle et assurer son aération (densité de plantation de 1 650 à 1 850 pieds/ha, entretien des lisières), à détruire les bananiers isolés. Lorsque la cercosporiose est présente, il faut régulièrement éliminer les feuilles portant des nécroses pour éliminer les champignons en visant le maintien à la récolte d'une feuille fonctionnelle par main de bananes, avec un minimum de six feuilles, pour éviter le risque de maturation avancée du régime. 7.1.2.2. Le piégeage des charançons du bananier Le charançon noir du bananier est un insecte phytophage inféodé aux bananiers qui est l'un des ravageurs les plus importants de cette culture. Un seul produit nématicide à action insecticide secondaire est homologué contre le charançon du bananier. C'est pourquoi la lutte biologique est recommandée au moyen de pièges à phéromones. Les charançons mâles produisent des phéromones d'agrégation qui attirent les autres mâles et les femelles. Les pièges sont constitués d'un diffuseur de phéromone (la sordidine qui est un mélange de synthèse de quatre isomères qui reproduit artificiellement les phéromones des charançons) et de synergisant (susbtance qui améliore l'efficacité de la phéromone) placé dans une boite. Les charançons adultes attirés par la phéromone se noient (pièges à eau savonneuse) ou restent emprisonnés (pièges secs à collerette). Un piège capture les charançons dans un rayon de 15 mèétres. Les piègespiéges doivent être entretenus et suivis régulièrement tous les quinze jours. Le piégeage de masse permet de ralentir efficacement l'infestation d'une parcelle ou d'un groupe de parcelles. Il s'ensuit une absence de traitement insecticide durant les premières années de la plantation de banane (2 à 5 ans). En Martinique et en Guadeloupe, une MAEC vise à inciter les planteurs de banane à mettre en oeuvre cette méthode de lutte alternative contre le charançon du bananier. 7.1.2.3. Les couverts végétaux Les plantes de couverture représentent des techniques très intéressantes pour réduire l'utilisation des herbicides. En 2017, 3 083 hectares étaient couverts en Guadeloupe et Martinique, soit 32,8 % des surfaces en jachères et en bananeraies (de l'ordre de 37 % de la sole de bananeraies en production et environ 22 % des surfaces en inter-culture). La surface couverte a fortement progressé au cours des dernières années comme le montre la figure ci-dessous. Le plan banane durable a fixé un objectif de 25 % pour le taux de couverture permanente du sol en 2020 qui est donc déjà dépassé. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 113/137 PUBLIÉ Figure 3 : Évolution des surfaces couvertes en bananeraies (source : IT2) La proportion des producteurs ayant des couvertsconverts végétaux sur leur exploitation était de 31 % en 2017. Ce taux varie selon la taille des exploitations. Si 91 % des planteurs produisant plus de 1 000 tonnes de bananes avaient des couverts, ils n'étaient plus que 19 % pour ceux produisant moins de 500 tonnes. Il reste donc des marges de progression pour la diffusion de cette technique efficace. La figure ci-dessous montre la répartition des couverts végétaux entre ceux gérés mécaniquement et ceux qui sont basés sur des plantes de services : Figure 4 : Répartition des couverts végétaux entre gestion mécanique et plantes de services (source IT2) Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 114/137 PUBLIÉ Face au coût important du sarclage manuel, la gestion mécanisée de l'enherbement est la pratique la plus répandue. Elle se fait soit par débroussaillage qui nécessite un matériel peu coûteux, mais est délicat à réaliser dans les jeunes bananeraies, soit par gyrobroyage dans les zones mécanisables dans le grand rang, ce qui est plus coûteux, mais optimise le temps de travaux. La gestion mécanisée de l'enherbement gestion mécanisée de l'enherbement progresse grâce à l'action des cellules d'appui à l'installation des couverts et aux prestataires associés qui commencent à prendre leur rythme de croisière. La diversité de matériels disponibles et les mesures financières incitatives (achat groupé via l'organisation de producteurs, subventions dédiées aux matériels vertueux, MAEC) concourent également à ce bilan. En particulier, une MAEC soutient en Guadeloupe et en Martinique l'implantation de plantes de service sur les jachères sanitaires qui sont dorénavant pratiquées de manière courante dans la culture de la banane 104. Une autre MAEC aide Une autre MAEC aide à la mise en place d'un couvert herbacé sur les inter-rangs, voire sur l'ensemble de la parcelle. Ainsi, les couverts à base de plantes de services semées, implantées ou accompagnées progressent. En période de jachère, les plantes de services permettent d'avoir un enherbement maîtrisé et de contrôler les populations de nématodes, de limiter l'érosion, de créer de la porosité biologique et de restructurer le profil du sol, d'augmenter le taux de matière organique et de favoriser l'activité biologique des bactéries et des champignons du sol. Sous bananeraie, les plantes de service doivent permettre de maîtriser les adventices sans concurrencer le bananier pour la nutrition et l'eau. Les plantes les plus utilisées sont les brachiarias 105. Les légumineuses des genres Crotalaria, Sesbania ou Cajanus cajan (pois d'Angole) sont intéressantes, car elles fixent l'azote atmosphérique et le restituent au sol. Les surfaces en Desmodium progressent, car cette légumineuse pérenne qui semble capable de survivre à l'ombre des bananiers, est bien adaptée en intercalaire. En revanche, l'arachide pérenne est en régression en raison de son coût et des exigences liées à son installation et son entretien. Des plantes locales ont été sélectionnées pour leur vitesse d'installation et leur couvert monospécifique, mais la difficulté réside dans leur diffusion, car les graines ne sont pas disponibles sur le marché. Par exemple, l'installation du petit mouron en bananeraie, associé à l'application d'herbicides en « ultra bas volume » permet de réduire de façon spectaculaire les quantités d'herbicides. Des plantes domestiquées à semer avant ou après implantation des bananiers, dans le rang ou sur toute la surface, sont en cours d'évaluation (par exemple des légumineuses comme Néonotonia wightii cv Cooper et Stylosanthes guianensis cv Guianensis). L'utilisation de plantes de services en mélange (graminées et légumineuses) crée une synergie et multiplie les bénéfices que chacune des plantes apporte106. 104 La MAEC attribue en Martinique une aide de 653 /ha/an pour l'implantation de plantes de service en jachère de banane. Son montant est porté à 881 /ha/an en Guadeloupe où le cahier des charges demande également de doubler les pièges à charançons sur la parcelle durant l'année de jachère et d'augmenter la fréquence d'effeuillage au-delà des exigences réglementaires, afin de ne pas augmenter le nombre de traitements fongicides chimiques contre la cercosporiose. La plante fourragère la plus utilisée est Brachiaria decumbens qui permet d'assainir le sol, de restaurer sa structure et sa fertilité tout en empêchant la croissance des adventices. D'autres espèces sont en cours d'évaluation comme B. ruziziensis à croissance plus rapide qui conviendrait pour des jachères courtes, ou B. brizantha dont le fourrage est appétant et qui conviendrait en jachère longue. Exemple de mélange : B. decumbens ou B.ruziziensis plus Crotalaria ou Sesbania. 105 106 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 115/137 PUBLIÉ 7.1.3. Des techniques nouvelles offrent un potentiel D'autres méthodes qui ne sont pas encore diffusables à grande échelle permettent d'envisager de nouvelles perspectives de réduction de l'usage des produits phytosanitaires, notamment de fongicides. 7.1.3.1. L'utilisation de variétés de bananiers résistantes / tolérantes à la cercosporiose Pour limiter les quantités de fongicides et après plus de 15 ans d'effort de sélection, le CIRAD a obtenu la première variété tolérante aux cercosporioses noire et jaune, la Cirad 925, qui commence à être implantée depuis 2017107. Cette variété souffre encore de défauts rédhibitoires pour satisfaire les exigences à l'export et les producteurs exigent que les nouvelles variétés se conservent dans les mêmes conditions que les Cavendish qui sont des produits normés. Sensibles au noircissement sous l'effet du toucher, la Cirad 925 doit être commercialisée en sachet, ce qui n'est pas dans les habitudes d'achat 108. Ces variétés nouvelles ne peuvent pas être améliorées, car il s'agit de plantes triploïdes et donc naturellement stériles. 7.1.3.2. L'utilisation de levures en traitement post récolte La levure candida oleophila souche o. utilisée pour protéger les bananes en post-récolte contre les maladies de conservation (fusarium, colletotrichum, etc.) pourrait se substituerait totalement aux fongicides de synthèse. Elle est pulvérisée sur les fruits avec le même équipement que celui utilisé pour les fongicides conventionnels. Cette pratique nouvelle est actuellement mise en oeuvre sur quelques dizaines de tonnes de fruits exportés. Son bilan économique serait positif, ce qui laisse augurer une bonne diffusion. 7.1.3.3. La production de banane biologique Marqués par le traumatisme lié à la chlordécone, certains planteurs antillais souhaitent aller vers la production d'une banane « bio » susceptible d'occuper de nouveaux segments de marché. Une centaine d'hectares serait en cours de conversion (60 ha en Martinique et 40 ha en Guadeloupe) avec la perspective de produire environ 2 000 tonnes de bananes bio à l'horizon 2020, soit moins de 1 % de la production annuelle moyenne des deux îles 109. Passée la phase de conversion, la variété Cirad 925 sera la première banane produite respectant le cahier des charges réglementaire AB de l'UE. 107 Le nom « 925 » témoigne du nombre très important d'hybrides qu'il a fallu développer avant de trouver cette variété exceptionnelle. Depuis l'arrivée de la cercosporiose noire aux Antilles et l'interdiction du traitement aérien, l'UGPBAN a racheté en métropole au groupe Pomona des mûrisseries qui seraient adaptées aux conditions de conservation de la nouvelle variété «925 » résistante à la cercosporiose. La conversion à la banane biologique bénéficie en Guadeloupe d'une aide de 2 600 /ha/an et le maintien de 2 000 /ha/an. Ces montants sont respectivement de 1 946 et 1 800 pour la conversion en Martinique et en Guadeloupe et de respectivement 1 560 et 900 pour le maintien. En Guyane, ils sont de 900 pour la conversion et 472 pour le maintien. 108 109 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 116/137 PUBLIÉ Cependant, le développement de la production de banane bio aux Antilles est handicapé par la concurrence de pays tiers comme la République dominicaine ou au Brésil où il serait beaucoup plus aisé de produire en agriculture biologique que dans les Outre-mer français. Selon les planteurs antillais, la République dominicaine bénéfice d'avantages compétitifs majeurs. Elle emploie une main d'oeuvre, notamment haïtienne, à des coûts en moyenne 16 fois moins élevés. Ses planteurs peuvent traiter les bananeraies bénéficiant d'un label biologique avec des produits qui ne sont pas homologués dans l'UE. Au final, les simulations montrent que, pour compenser ces écarts, il faudrait augmenter de 50 % l'aide à l'hectare dont bénéficient les producteurs de bananes européens. 7.2. La culture de la canne 7.2.1. L'enjeu des traitements herbicides Les IFT des cultures de canne à sucre sont stables et bas, du niveau du blé dur en métropole. Ils se composent essentiellement d'herbicides110. En effet, les traitements insecticides sont quasi-absents des cultures cannières, car des solutions biologiques existent telles que le champignon du genre Beauveria pour lutter contre le ver blanc et les trichogrammes dans la lutte contre le foreur des tiges. De même, aucun traitement fongicide n'est nécessaire, car les variétés de canne sélectionnées sont résistantes aux maladies. En revanche, la canne qui est une graminée, souffre de la concurrence des autres graminées qui foisonnent dans la zone tropicale111. Plus la concurrence est précoce, intense et prolongée, plus les pertes de production sont significatives. À partir du deuxième mois de culture, la perte de rendement dans une parcelle totalement enherbée est de 300 à 500 kg/ha/jour. Cependant, au-delà de quatre mois, si le couvert est bien fermé, la levée de mauvaises herbes n'a plus d'incidence sur la production de canne, sauf pour les lianes (liseron fleur-rouge, liane toupie, margose...) qui germent tardivement et se développent au-dessus de la culture gênant ainsi la récolte et causant des pertes de production importantes. Selon l'enquête « pratiques culturales » réalisée en Guadeloupe et à La Réunion sur la campagne 2014, l'IFT moyen en herbicides était de : · 2,4 en Guadeloupe pour un IFT total de 2,6 ; · 3,43 à La Réunion pour un IFT total de 4,8 (dont 1,4 de rodenticides pour lutter contre les rongeurs). Si l'on prend l'exemple de La Réunion, l'IFT herbicides présente une dispersion autour de la moyenne qui s'explique par les nombreuses zones agroclimatiques de l`île (IFT moyen de 3,04 au Sud et à l'Ouest pour 4,32 à l'Est), mais également par les pratiques culturales des planteurs. L'IFT varie également selon que les pailles sont exportées pour l'élevage (IFT 4,6) ou laissées sur place (IFT 3,4). Les produits homologués pour la canne représentent un IFT de 2,82 (1,45 en pré-levée et 1,37 en post-levée), alors que les traitements généraux (glyphosate, glufosinate) pèsent pour 110 Si la canne à sucre est réputée comme peu exigeante en pesticides chimiques, son désherbage demande encore de grandes quantités d'herbicides, ce qui place la Réunion aux premiers rangs des départements français classés selon leur consommation de glyphosate par hectare de SAU. À La Réunion, environ 210 espèces de mauvaises herbes ont été recensées et plus d'une centaine peuvent être présentes dans les parcelles de canne. 111 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 117/137 PUBLIÉ 0,59 IFT. Les deux tiers des herbicides sont épandus en plein sur les parcelles. Les substances actives non sélectives de la culture (comme le glyphosate) sont principalement utilisées aux abords de parcelle (66 %) ou en localisé (20 %) voire sur l'inter-rang. La pratique consistant à mélanger plusieurs produits est très répandue pour élargir le spectre d'efficacité tout en réduisant les doses appliquées. 7.2.2. Les alternatives aux herbicides Les méthodes alternatives aux herbicides sont, d'une part, certaines pratiques de désherbage qui ont déjà fait leurs preuves comme l'épaillage, le fanage de la paille ou le désherbage mécanique et, d'autre part, l'implantation de plantes intercalaires ou de couvertures végétales entre deux cycles de canne qui nécessitent encore des expérimentations avant d'être généralisées112. Ces méthodes s'appliquent principalement sur l'inter-rang et restent difficiles à mettre en oeuvre sur le rang. Le travail sur la mécanisation du désherbage et les couverts végétaux a démarré plus tardivement qu'en banane. Objet d'expérimentations par les organismes et réseaux spécialisés, les techniques qui permettraient de réduire l'utilisation des herbicides percolent progressivement dans le milieu, mais à un rythme encore insuffisamment rapide au regard des besoins. L'accompagnement technique des planteurs dont le niveau moyen de formation reste faible est une priorité soulignée par la plupart des responsables rencontrés par la mission. L'absence d'objectifs explicites de baisse d'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les plans de développement de la canne à sucre ne fournit pas d'incitation à la différence de la banane. 7.2.2.1. Le désherbage mécanique de l'inter-rang Le désherbage est effectué avec un outil adapté comme une bineuse, une herse étrille ou une herse à disques113. Il est adapté aux parcelles avec peu ou sans paille et en absence de risque d'érosion. Il ne peut être pratiqué qu'au cours des premiers mois du cycle de la canne. Il nécessite une augmentation du temps de travail et un investissement en matériel. Efficace sur les graminées sans rhizome, il offre un potentiel de réduction de l'IFT herbicides de 30 à 40 %, le désherbage chimique n'étant plus effectué que sur le rang. Des outils mécaniques sont disponibles, mais ils sont encore peu utilisés. La diffusion large de ces techniques se heurte à la nature des sols souvent pierreux, aux terrains en pente et au parcellaire morcelé114. Le coût de l'ordre de 50-60 k est gérable pour les plus gros planteurs. Pour les plus petits producteurs, il est préférable que l'un d'entre eux achète une machine et assure de la prestation de service pour les autres en l'absence de pratique de l'utilisation de matériels en commun. Le marché en cultures industrielles semble suffisant (Antilles, La Réunion) pour que des entreprises de métropole puissent s'y intéresser et organiser un service après vente local qui n'existe pas pour des machines importées de pays tiers. 112 Antoir, Goebel, Le Bellec et al., les bonnes pratiques de désherbage de la canne à sucre ­ Ile de La Réunion, 2016. L'utilisation de disques est à éviter en présence d'espèces à stolons, rhizomes ou tubercules (petit-chiendent, oumine...), car le soutils favoriseraient la propagation des adventices. Des entreprises comme Energreen France ont mis sur le marché une gamme de machines automotrices porteoutils, radiocommandées et guidées à distance, qui sont étudiées pour le travail dans les fortes pentes et les zones dangereuses. 113 114 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 118/137 PUBLIÉ Selon l'enquête pratiques culturales, le désherbage mécanique n'était pratiqué en 2014 que par 3 % des planteurs sur 1 % de la surface cannière de La Réunion, mais sur le quart des surfaces en Guadeloupe. Les résultats de la prochaine enquête seront intéressants à observer pour mesurer la progression de cette technique à la suite de l'interdiction de l`asulame qui était la seule substance herbicide sélective de la canne en post-levée des graminées. En Guadeloupe, trois MAEC apportent une aide pour réduire le nombre d'opérations de désherbage réalisées par des herbicides et augmenter la part du désherbage mécanique et manuel de la canne à sucre. La première mesure (672 /ha/an) consiste à supprimer totalement l'usage des herbicides dans la culture de la canne. La deuxième mesure (600 /ha/an) vise à limiter le désherbage chimique uniquement à la pré-levée. La troisième mesure (300 /ha/an) vise à remplacer le deuxième désherbage de post-levée réalisé avec des herbicides par un désherbage réalisé soit manuellement (arrachage à la main ou extraction avec la pioche) ou avec un outil de désherbage (débroussailleuse)115. En Martinique, une MAEC apporte une aide uniquement à ce désherbage manuel ou mécanique de « rattrapage », hors prélevée et post levée. 7.2.2.2. Le fanage de la paille Cette opération consiste à répartir de façon homogène sur la parcelle le lit de paille restant après la récolte. Le paillis réduit l'enherbement de 70 % pendant les trois premiers mois de la culture, mais il augmente le temps de travail et ne maîtrise pas toutes les mauvaises herbes. Il permet de réduire l'IFT de 10 à 30 %. Selon l'enquête pratiques culturales à La Réunion, l'IFT moyen est de 4,6 lorsque les pailles sont exportées, alors qu'il est de 3,4 dans le cas où les pailles sont laissées sur place. 7.2.2.3. L'épaillage L`épaillage se pratique traditionnellement dans les petites et moyennes exploitations. Il consiste à arracher manuellement ou à l'aide d'une faucille les feuilles sèches ou déchaussées pendant la période végétative et à les plaquer au sol. À cette occasion, les mauvaises herbes (notamment les lianes) sont arrachées manuellement et déposées sur le paillis. Il peut être également pratiqué sur les paquets de cannes coupées à la base qui sont passées dans un peigne, ce qui permet d'enlever les feuilles sèches adhérentes aux tiges puis de les tronçonner. Dans les deux cas, la paille ne doit pas être exportée et les feuilles sèches réparties de façon homogène sur l'inter-rang pour assurer une bonne couverture du sol. L'épaillage présente un potentiel de réduction de l'IFT de 30 à 50 %. 115 Le deuxième désherbage chimique de post-levée permet de lutter contre des adventices récalcitrantes contre lesquelles il est souvent difficile de lutter avec un produit phytosanitaire classique. Tel est le cas de l'herbe à riz qui se développe de façon fulgurante, en parulie sur les sols profonds à basse et moyenne altitude, et colonise très rapidement le milieu à partir du moment où les conditions pluviométriques sont favorables. De par sa vitesse de levée et un cycle de reproduction court, elle tend à se pérenniser dans les parcelles, avec un ensemencement annuel en graines très important. L'herbe de Guinée est également un problème important, car elle s'insère dans les touffes de canne et repart avec vigueur en même temps que celle-ci. Difficilement décelée lors du premier désherbage, son éradication n'en est que plus complexe par la suite. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 119/137 PUBLIÉ L'épaillage est exigeant en main-d'oeuvre et celle-ci est difficile à trouver compte tenu de la pénibilité de la tâche (conditions climatiques, fortes pentes, adventices de type liane ou à rhizome difficiles à arracher). Son coût est élevé et il ne présente pas de bénéfice économique à court terme malgé le soutien apporté par des MAEC en vigueur à La Réunion et en Guadeloupe116. Des tests sont en cours chez des producteurs pour évaluer la résistance de paillages biodégradables prétroués et l`alimentation des pieds de canne, en vue de proposer une alternative à l'épaillage notamment lorsqu'il y a concurrence avec les besoins de l'élevage. 7.2.2.4. Des plantes intercalaires de service après plantation Le semis de plantes de service dans l'inter-rang après la plantation de la canne ou la récolte permet de maîtriser les adventices et d'apporter d'autres services (protection contre l'érosion, amélioration de la fertilité du sol...). Les résultats expérimentaux montrent un potentiel de réduction de l'IFT variant de 30 à 70 % selon les contextes (plantes sélectionnées, zone pédoclimatique, adventices présentes)117. Cette méthode nécessite un accompagnement technique et des surfaces conséquentes. Elle ne pourra pas être employée dans tous les contextes de sols et de reliefs. Elle n'exonère pas du traitement chimique du rang en post levée ou de son desherbage manuel. 7.2.2.5. La couverture végétale avant plantation Cette technique consiste à assurer une couverture constante de la parcelle entre la dernière récolte et la plantation pour notamment limiter son enherbement. La couverture végétale avec une ou plusieurs plantes de service concurrence les mauvaises herbes en se substituant à des faux-semis mécaniques qui laissent le sol à nu avec des risques induits d'érosion. La réduction potentielle de l'IFT et l'effet sur la maîtrise de certaines adventices restent à évaluer dans le cadre des expérimentations en cours (réduction théorique de 100 % de l'IFT herbicides pendant la période de transition). 7.2.3. Les perspectives limitées de la culture biologique de la canne La production mondiale actuelle de sucre biologique venant de la canne, il pourrait être envisagé de convertir une partie de la surface cannière ultramarine. Malgré la mise en place d'aides à la conversion, les perspectives de développement semblent limitées118. En effet, la production actuelle vient principalement du Brésil qui bénéficie d'avantages très nets par rapport aux Outre-mer français. Le foncier y est beaucoup plus disponible, le climat brésilien est moins humide car plus continental, les coûts de main d'oeuvre sont beaucoup plus bas. En outre, l'appareil industriel des sucreries brésiliennes s'est spécialisé pour permettre de la production de sucre « bio ». 116 Le montant de l'aide est de 675 /ha/an à La Réunion, diminué à 180 /ha/an en cas d'épaillage mécanique. L'aide est de 672 /ha/an en Guadeloupe. Des expérimentations ont même montré qu'il serait possible de produire la canne plantée avec zéro phytosanitaire et sans perte de rendement par recours aux plantes de couverture, mais avec des charges deux fois plus élevées. L'aide à la conversion est en Guadeloupe de 1 200 /ha/an et l'aide au maintien de 900 /ha/an. En Guyane, les montants sont de 900 pour la conversion et 472 pour le maintien. Cette mesure n'est pas mise en place dans les autres Outre-mer et notamment à La Réunion. 117 118 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 120/137 PUBLIÉ Ce ne pourrait pas être le cas dans les DOM, car les quantités de canne produites sont trop faibles pour permettre l'alimentation en flux continu d'une sucrerie spécialement dédiée à la fabrication de sucre « bio »119. L'absence d'un outil industriel dédié nécessiterait donc de concentrer dans le temps, en début ou en fin de campagne conventionnelle, la production de sucre biologique, mais les conséquences sur l'organisation en amont seraient fortes et sans doute peu acceptables par les exploitants canniers. De plus, la fertilisation organique, le désherbage manuel, la concentration de la production sur un temps limité engendrent des baisses de rendement qu'il faudrait compenser par une meilleure valorisation120. 7.3. Les cultures de diversification 7.3.1. L'utilisation des produits phytosantaires reste modérée compte tenu du contexte climatique Selon l'enquête sur les pratiques culturales réalisée en 2013, les données disponibles sur les IFT totaux pour sept légumes sont les suivantes121 : Tableau 1 : IFT total pour les cultures de légumes (source : enquête pratiques culturales 2013) Guyane Carotte Choux Fraise Melon Poireau Salade Tomate 1,7 3,93 0,49 4 3,04 10,04 2,86 Martinique 0,6 2,65 La Réunion 4,9 4,68 France 8,02 3,95 6,37 6,25 7,79 3,69 10,3 Comme le montre la figure ci-dessous, les cultures de salade, de choux et de tomate étaient moins traitées aux Antilles qu'en moyenne nationale. À La Réunion où les traitements sont plus importants, l'IFT total pour quatre légumes (tomate, carotte, chou, salade) reste inférieur à celui de la métropole. 119 En moyenne, une sucrerie réunionnaise broie 8 000 tonnes de canne par jour. Un planteur réunionnais livrant en moyenne 10 tonnes de canne par jour, il faudrait mobiliser huit cents planteurs pour permettre à une sucrerie de tourner une journée en bio. À titre d'exemple, l'île Maurice a tenté l'expérience du bio dans les années 90. Un organisme de certification agronomique a suivi trois propriétés qui se sont converties au bio. Leur production maximale a atteint 558 tonnes, puis elle a été divisée par deux au bout d'un an, avant de chuter à 116 tonnes en 1998, ce qui a conduit à l'arrêt de la production. D'autres essais ont également été tentés à Marie-Galante, avec les mêmes résultats. Aucune donnée n'existe pour Mayotte. 120 121 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 121/137 PUBLIÉ En revanche, le melon destiné à l'exportation et cultivé par des grandes exploitations est beaucoup plus traité en Guadeloupe qu'en moyenne nationale. Figure 5 : IFT total en cultures de légumes (source : enquête pratiques culturales 2013) Les traitements insecticides et fongicides dominent sur le melon et la tomate, alors que la salade et le chou reçoivent principalement des insecticides. Ainsi, les insecticides représentent 60 % de l'IFT total à La Réunion contre 33 % en métropole (IFT de 3,6 contre 2,1), en raison du climat chaud et humide qui favorise plusieurs cycles de ravageurs dans l'année. La mission n'a pas eu connaissance d'études permettant d'évaluer les utilisations de produits phytosanitaires sur les productions fruitières, seule la banane ayant été concernée par l'enquête sur les pratiques culturales. La réduction des usages de phytosanitaires en cultures de diversification se fait en partie d'ellemême par la disparition de solutions de traitement chimique en cultures générales sachant que des produits adaptés ne peuvent être homologués faute d'un marché suffisant, ce qui peut conduire à une baisse des surfaces cultivées (ex. ananas). 7.3.2. Les mesures pour réduire les usages des phytosanitaires La plupart des cultures de diversification sont très en retard quant au recours à des techniques destinées à réduire les phytosanitaires122. Le manque d'organisation des différentes filières concernées, lié à la réticence au regroupement des producteurs locaux, ne favorise pas l'adoption d'itinéraires techniques moins consommateurs de produits phytosanitaires123. Il est donc souhaitable que des techniques alternatives disponibles soient davantage diffusées tels les filets protecteurs ou les produits de biocontrôle. 122 La culture du melon qui est la plus traitée est celle qui fait le plus appel aux techniques alternatives : auxiliaires sur près de 80 % des surfaces, désherbage mécanique sur la moitié des surfaces et utilisation de films de culture sur 80 % des surfaces. Moins d'un tiers de la production relève de filières organisées à La Réunion. À Mayotte, la coopérative maraichère COOPAC regroupe seulement 18 producteurs sur les 200 qui pratiquent les cultures légumières. 123 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 122/137 PUBLIÉ 7.3.2.1. L'utilisation de plantes de services La méthode des plantes de service est aussi utilisée pour lutter contre certains champignons. Un grand nombre de plantes de service émettent par leurs racines des substances dotées de propriétés bactéricides. Par exemple, le CIRAD travaille actuellement sur l'oignon pays pour limiter le développement d'une bactérie qui entrave la culture des solanacées (la tomate, le piment et l'aubergine) en Martinique et en Guadeloupe. Les résultats de ces travaux sont en cours de transfert auprès des agriculteurs. En Guadeloupe, une MAEC aide l'implantation de plantes de service en jachère maraichère. 7.3.2.2. Les associations de plantes Les associations de plantes permettent aussi de lutter contre des ravageurs aériens. Le basilic à grandes feuilles permet par exemple de repousser les mouches blanches qui transmettent les virus de la tomate. Le maïs sert aussi de plante piège contre les noctuelles des cultures maraîchères. Une association entre tomate et oignon de pays avec des plants intercalés de sorte que les racines de chaque plante soient à proximité, permet de lutter contre le flétrissement bactérien et évite des traitements phytosanitaires. Cette pratique est soutenue par une MAEC en Martinique. En Guadeloupe, une MAEC vise à soutenir la pratique du jardin créole qui consiste à associer des cultures à objectifs différents (alimentaire, médicinale, ornementale et plante de bordure) sans aucun traitement phytosanitaire124. 7.3.2.3. Le développement du biocontrôle À La Réunion, l'enquête « pratiques culturales » montrait qu'en 2014, l'utilisation des produits de biocontrôle restait encore limitée. Par exemple sur la tomate qui est la culture légumière la plus pratiquée, l'IFT biocontrôle était de 0,5 sur un IFT de 5,9 pour le hors-sol et inférieur à 0,1 en plein champ pour un IFT total de 11,3. Dans ce contexte, des stratégies de lutte contre les ravageurs et maladies des cultures favorisant le recours aux produits de biocontrôle ont été développées. Selon ARMELFLHor, les usages non couverts seraient ainsi passés, au cours des cinq dernières années, de 80 % à 50 % et 75 % des essais auraient concerné des produits de biocontrôle. La technique du piégeage à base d'attractif alimentaire qui permet de capturer une grande partie des mouches tropicales, ravageurs d'importance pour les cultures fruitières (mangues, agrumes, goyaves, nèfles...), est homologuée depuis 2013 à La Réunion où elle est soutenue par une MAEC qui attribue une aide de 442 /ha/an. De même, le recours aux produits de biocontrôle et plus généralement la suppression des traitements phytosanitaires hors herbicides en maraîchage est soutenue en Guadeloupe par une MAEC qui accorde une aide de 516 /ha/an125. 124 L'engagement dans cette opération soutenue à hauteur de 2 042 /ha/an consiste à implanter 12 espèces végétales sur un maximum de 0,5 ha sans emploi de traitement phytosanitaire. Les plantes doivent être réparties sur la surface engagée selon le schéma suivant : 40 à 60 % de plantes alimentaires, 5 à 20 % de plantes ornementales, 5 à 20 % de plantes médicinales, 1 à 5 % de plantes de bordures. Chaque classe citée doit comporter au moins 3 espèces différentes permettant d'arriver à une biodiversité sur la surface engagée d'au moins 3*4=12 espèces. Dans le cas où le système maraîcher est conduit sans aucun produit phytosanitaire de synthèse l'aide est de 1 800 /ha/an. 125 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 123/137 PUBLIÉ Des perspectives importantes de développement de l'utilisation des solutions de biocontrôle existent dans l'ensemble des Outre-mer pour contrôler les insectes dans les cultures fruitières et maraîchères. 7.3.2.4. La maîtrise de l'enherbement La mise en place de plantes de couverture ou d'un paillis dans l'inter-rang est possible pour certaines cultures maraîchères ou pour certaines cultures fruitières et spécialisées (fraises, ananas, fruit de la passion, café...). Le gain en IFT est très variable, respectivement de 20 à 100 % et de 20 à 50 %. Le désherbage mécanique sur l`inter-rang est également envisageable sur les cultures pérennes, maraîchères et spécialisées. Le gain en IFT varie de 20 à 50 %. S'il est envisageable que la maîtrise de l'enherbement puisse être obtenue sans recours aux produits phytopharmaceutiques sur les cultures fruitières, notamment arboricoles, il n'en est pas de même pour les cultures légumières qui nécessitent encore pour certaines la poursuite de recherches et d'expérimentations ciblées. L'enquête « pratiques culturales » à La Réunion a par exemple montré que la pratique du paillage sous la culture n'était mise en oeuvre que par 48 % des producteurs de salade et seulement 19 % des producteurs de choux et 13 % de tomate de plein champ126. Pourtant des mesures agroenvironnementales (MAEC) existent dans certains Outre-mer pour soutenir la réduction de l'utilisation des herbicides dans les cultures pérennes (arboriculture fruitière) et celles plantées en cultures spécialisées (banane, café, fruit de la passion, palmiste, chouchou) ou en maraîchage. Elles connaissent un succès limité. Par exemple, à La Réunion, la MAEC qui attribue une aide en contrepartie d'une absence totale de traitement herbicide sur le couvert enherbé (rang et/ou inter rang) ou d'un traitement réduit sur le rang, n'est souscrite que sur environ 10 % des surfaces127. De même, la MAEC qui vise à l'insertion d'auxiliaires pour la régulation biologique des ravageurs sur les mêmes cultures avec interdiction des traitements herbicides, n'a été souscrite que par trois exploitants sur 8 hectares. C'est également le cas pour la MAEC qui vise à supprimer le recours aux herbicides sur les inter-rangs en maraîchage par la gestion mécanique de l'enherbement ou la pose de paillage végétal et qui n'est souscrite que par cinq exploitants sur 6 hectares. En Martinique, une MAEC soutient la mise en place de plantes à croissance rapide entre deux cultures avant de les laisser au sol en tant que paillage afin de réduire l'utilisation des herbicides en début de culture. Une autre mesure apporte une aide à l'implantation et à l'entretien manuel de plantes de couverture sous verger. 126 La pose de films sur la culture pour protéger des ravageurs est quant à elle presque totalement absente. À La Réunion, la MAEC en version "enherbement total" a été souscrite par 95 exploitants pour 332 ha et la version « enherbement partiel avec traitement des inter-rangs » seulement par 15 exploitants pour 42 ha. 127 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 124/137 PUBLIÉ En Guadeloupe, plusieurs MAEC visent à supprimer ou limiter l'utilisation des herbicides128. Une première mesure aide à supprimer totalement l'utilisation de traitements herbicides de synthèse en remplaçant l'ensemble des désherbages chimiques par une combinaison de désherbages manuels et mécaniques. Une deuxième mesure accorde une aide pour limiter à un traitement par cycle de production l'utilisation d'herbicides en maraîchage et cultures fruitières par le développement du désherbage manuel et du sarclage mécanique. 7.3.2.5. L'utilisation des filets anti insectes En Guyane, une MAEC est mise en place concernant des filets spécifiques pour ananas. 128 Pour l'absence de traitement herbicide, l'aide annuelle est de 900 /ha en cultures fruitières et de 1 200 /ha en cultures maraîchères et vivrières. En cas de traitement limité, l'aide est de 771 /ha en cultures fruitières et 900 /ha en maraîchage. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 125/137 PUBLIÉ 8. Des actions standardisées éligibles aux CEPP adaptées aux Outremer 8.1. Des CEPP sont attribués après mise en oeuvre d'actions standardisées Le dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) repose sur la mobilisation des obligés pour mettre en place des actions standardisées visant à la réalisation d'économies de produits phytopharmaceutiques ou pour en faciliter la mise en oeuvre. Afin d'élargir au maximum le champ de ces actions standardisées, un appel à contribution permanent invite tous les opérateurs du monde agricole à proposer de nouvelles actions129. Toutes les actions permettant de réduire l'usage et l'impact des produits phytopharmaceutiques dans les usages agricoles peuvent faire l'objet d'une fiche action130. Elles portent sur des produits de bio contrôle, des variétés résistantes ou tolérantes aux bio agresseurs, des outils d'aide à la décision, le conseil ou l'investissement dans du matériel permettant de limiter sensiblement ou d'éviter le recours aux produits phytopharmaceutiques et la mise en place de nouvelles pratiques agronomiques pour des systèmes de cultures économes. Dans la mesure où l'expérimentation du dispositif des CEPP concernait uniquement les personnes qui vendent à des utilisateurs professionnels, en métropole, des produits phytopharmaceutiques utilisés à des fins agricoles, à l'exception des traitements de semences, aucune action standardisée n'a encore été proposée pour réduire les phytosanitaires pour des usages non agricoles ou pour le traitement de semences qui sont concernés par la pérennisation du dispositif et son extension aux Outre-mer. Pour chaque action standardisée, sont définis : la nature de l'action, les pièces justifiant la réalisation de l'action à transmettre à l'occasion de la demande de CEPP, les pièces à archiver et à tenir à la disposition des agents chargés des contrôles, le nombre annuel des CEPP et le nombre d'années durant lesquelles l'action ouvre droit à la délivrance de certificats. Les propositions sont évaluées par une commission indépendante d'experts animée par le directeur scientifique de l'INRA en charge de l'agriculture, avant d'être publiées par arrêté du ministère chargé de l'agriculture. L'évaluation d'une action standardisée tient compte de son effet sur la réduction d'usage et d'impacts, de son potentiel de déploiement, de sa facilité de mise en oeuvre et de son bilan économique131. 129 Initié en juin 2015 puis reconduit en novembre 2016, l'appel à contribution est consultable sur le site internet du registre national informatisé des CEPP (https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/boagri/document_administratif-b051718c-7bae-44a7-816d-1efb1a63ee6f). Les actions qui permettent de réduire les impacts sont celles qui visent à réduire les pertes de produits phytopharmaceutiques qui n'ont pas atteint leur cible et les contaminations induites au-delà des obligations imposées par la réglementation. Deux arrêtés du 27 avril 2017 définissent, d'une part, la méthodologie de calcul et la valeur des doses unités de référence des substances actives phytopharmaceutiques et, d'autre part, la méthodologie d'évaluation des actions standardisées d'économie de produits phytopharmaceutiques. 130 131 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 126/137 PUBLIÉ Au début de ses travaux, en 2015, la commission demandait aux acteurs qui proposaient des actions standardisées de convertir en NODU les économies de produits phytosanitaires induites par chaque pratique et exprimées en IFT. La conversion se basait sur une publication de Urruty et al. qui fournit des taux de conversion des IFT en NODU qui sont supérieurs à 1132. Ce ratio est lié au fait que les produits commerciaux, bases de calcul de l'IFT, peuvent contenir plusieurs molécules de substances actives et donc qu'une application de produit commercial représente en réalité parfois plus d'une dose maximale de substances actives sur un hectare (NODU). Pour autant les coefficients sont assez proches de 1133. Ces conversions d'IFT en NODU induisaient une incompréhension dans la procédure dans la mesure où toutes les fiches soumises à l'avis de la commission présentaient des économies de produits phytosanitaires en IFT. Il était contraignant et artificiel pour les auteurs de les convertir en NODU puisqu'ils décrivaient toujours des usages précis sur des cultures précises. Par ailleurs, le tableau fourni par Urruty et al. ne comporte pas l'ensemble des cultures d'ores et déjà représentées dans les actions CEPP. La commission a donc décidé de retenir l'IFT pour le calcul de la valeur en CEPP, considérant que cet indicateur est le plus représentatif de la valeur d'effet de la pratique pour l'usage considéré. La liste des actions standardisées d'économie de produits phytopharmaceutiques est actualisée régulièrement par arrêté134. Au premier semestre 2019, 49 actions standardisées étaient publiées. Elles se ventilent ainsi : mise en oeuvre de nouvelles pratiques agronomiques : 3 actions (9 références) ; utilisation de variétés résistantes ou tolérantes aux maladies : 2 actions (208 variétés) ; abonnement à des outils d'aide à la décision : 5 actions (12 références) ; recours à des méthodes alternatives (équipements ou produits de biocontrôle par exemple) : 20 actions (198 références) ; actions permettant de réduire les quantités utilisées (équipements performants ou adjuvants par exemple) : 6 actions (126 références). 132 Nicolas Urrity, Jean Boiffin, Hervé Guyomard, Tanguy Deveaud, Usage des pesticides en agriculture : effets des changements d'usage des sols sur les variations de l'indicateur NODU, NESE n° 39, avril 2015, pp. 165-185. Tous produits phytosanitaires confondus, le coefficient est de 1, 1 pour le blé dur, l'orge, le maïs grain et la vigne et de 1,2 pour le blé tendre et le colza. L'écart le plus important est relevé pour les produits autres (non herbicides, non fongicides, non insecticides) avec un coefficient de 1,4. Le dernier arrêté portant modification de l'arrêté du 9 mai 2017 définissant les actions standardisées d'économie de produits phytopharmaceutiques date du 5 décembre 2018. Il comporte notamment trois nouvelles actions standardisées, deux actions dont les nouvelles versions entrent en vigueur au 1 er janvier 2019 et cinq actions déjà publiées auxquelles sont ajoutées des références commerciales. 133 134 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 127/137 PUBLIÉ Les actions peuvent être spécifiques à une culture ou plus génériques. Elles couvrent l'ensemble des systèmes de cultures présents en France métropolitaine : 28 les grandes cultures, 18 la viticulture, 16 les cultures légumières, 14 l'arboriculture, 11 l'horticulture. Afin d'obtenir des certificats, les obligés du dispositif des CEPP télédéclarent à l'administration, via une plate-forme internet dédiée, les actions conformes aux actions standardisées arrêtées par le ministre chargé de l'agriculture qu'ils ont mises en oeuvre ou facilitées dans le cadre du dispositif CEPP135. Chaque obligé dispose d'un espace personnalisé qui permet notamment de simuler des actions pour estimer le nombre de certificats générés, de déclarer les actions réalisées, de consulter l'état des certificats obtenus, d'échanger les certificats obtenus entre obligés et d'accéder à une messagerie pour échanger avec l'administration. 8.2. Une partie des actions standardisées déjà éligibles à l'attribution de CEPP pourrait être appliquée dans les Outre-mer, le cas échéant après adaptation Plus de la moitié des actions actuellement labellisées pour ouvrir droit à l'attribution de CEPP s'appliquent à des cultures qui ne sont pas présentes dans les Outre-mer. En revanche, les autres actions sont susceptibles d'être appliquées dans les Outre-mer, le cas échéant après des adaptations. Dans tous les cas, il conviendra que la commission d'évaluation vérifie que les espérances de réduction d'utilisation de produits phytosanitaires sont pertinentes et transposables pour une mise en oeuvre de ces ations en conditions tropicales. 8.2.1. Les actions applicables sans modifications Certaines actions standardisées peuvent être considérées comme génériques et susceptibles d'une mise en application dans les Outre-mer sans adaptation. Elles concernent essentiellement des produits de biocontrôle qui sont déjà disponibles ou pourraient être proposés localement si la demande émergeait136 : - Action n° 2017-007 : Lutter contre les maladies fongiques au moyen d'un stimulateur de défense des plantes. - Action n° 2017-008 : Lutter contre divers bioagresseurs au moyen d'un produit de biocontrôle à base de soufre. - Action n° 2017-022 : Réduire l'utilisation d'anti-limace en plein au moyen d'un épandeur adapté. - Action n° 2017-023 : Substituer des produits anti-limaces à base de métaldéhyde par des produits de biocontrôle molluscicides d'origine naturelle. 135 L'annexe de l'arrêté du 3 mai 2017 relatif aux modalités de demande de délivrance de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques présente les modèles d'attestation sur l'honneur qui sont à joindre, dans certains cas, lors de la déclaration d'actions dans le registre national informatisé des CEPP. Les produits de biocontrôle peuvent être utilisés, car ils ont une AMM nationale. Cependant, il reste des réserves sur leur efficacité en milieu tropical, sur la durée d'approvisionnement et leurs impacts sur l'environnement spécifique des Outre-mer (hot spot de la biodiversité menacée par des micro-organismes importés). 136 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 128/137 PUBLIÉ - Action 2017-027 : Lutter contre les nématodes pathogènes en cultures légumières au moyen d'un produit de biocontrôle. - Action n° 2017-028 : Lutter contre divers champignons pathogènes du feuillage au moyen d'un produit de biocontrôle. - Action n° 2018-034 : Lutter contre les chenilles phytophages au moyen d'un produit de biocontrôle contenant du Bacillus thuringiensis. - Action n° 2018-036 : Désinfecter partiellement le sol au moyen d'un film de solarisation. - Action n° 2018-038 Lutter contre les insectes piqueurs au moyen d'un produit de biocontrôle à base d'huile minérale. - Action n° 2018-042 : Lutter contre les aleurodes sous abris au moyen d'un micro-organisme de biocontrôle (à combiner avec des auxiliaires produits localement). - Action n° 2018-043 : Lutter contre divers ravageurs sous abris au moyen d'une substance naturelle de biocontrôle (à combiner avec des auxiliaires produits localement). - Action n° 2018-044 : Réduire les traitements fongicides et insecticides en culture au moyen d'une huile essentielle de biocontrôle. 8.2.2. Les actions applicables sous réserve d'adaptations Quelques actions nécessitent des adaptations ou la levée de conditions préalables pour être mises en oeuvre dans les Outre-mer : - Action n° 2017-002 : Réduire la dose d'herbicide au moyen de la pulvérisation confinée. L'adaptation consiste à disposer d'une buse adaptée au désherbage de la canne à sucre. - Action n° 2017-030 : Désherber les cultures en rang au moyen d'un outil de désherbage mécanique. L'adaptation consiste à inclure des outils adaptés à la culture de la canne à sucre et de la banane. - Action n° 2017-031 : Réduire les doses d'herbicides au moyen d'agroéquipements permettant l'application localisée sur le rang. L'adaptation consiste à inclure des outils adaptés à la culture de la canne à sucre et de la banane. - Action n° 2018-039 : Lutter contre les insectes piqueurs au moyen d'une poudre minérale de biocontrôle. L'adaptation consiste à accorder pour certains des Outre-mer une dérogation d'usage pour l'expérimentation de certains produits pour lutter contre le psylle et les mouches des fruits et des légumes. - Action n° 2018-041 : Lutter contre les mouches dans les vergers au moyen de pièges listés comme produits de biocontrôle. L'adaptation consiste à homologuer des piéges adaptés aux différents types de mouches des fruits, ce qui n'est pas encore fait dans tous les Outre-mer. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 129/137 PUBLIÉ - Action n° 2018-046 : Lutter contre les lépidoptères ravageurs en cultures maraîchères au moyen d'un baculovirus. L'adaptation consiste à effectuer les associations entre baculovirus et ravageurs présents dans les Outre-mer. 8.3. Des actions standardisées spécifiques aux Outre-mer sont à élaborer Des pratiques ou techniques permettant de réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques sont actuellement plus ou moins disponibles selon les Outre-mer. Elles pourraient être reconnues comme des actions spécifiques aux Outre-mer éligibles à l'attribution de CEPP. Certaines de ces actions s'inspirent d'actions déjà labellisées en métropole auxquelles pourrait être ajouté un volet Outremer. D'autres actions qui ne semblent pertinentes que pour une mise en oeuvre dans les Outre-mer, feraient l'objet de fiches autonomes. 8.3.1. Les actions adaptées aux Outre-mer inspirées d'actions déjà labellisées - L'action n° 2017-001 qui est centrée sur l'utilisation de filets anti-insectes pour protéger les vergers de pommiers contre le carpocapse devrait être étendue et couvrir l'utilisation de filets de protection contre les psylles vecteurs du greening des agrumes (HLB) ou de protection contre les mouches des fruits tropicaux137. Le cas échéant, cette action pourrait également être étendue à l'utilisation de filets contre certains ravageurs des cultures légumières (tomate, choux, cucurbitacées) en milieu tropical. - L'action n° 2017-012 (Diminuer l'utilisation de produits phytopharmaceutiques en recourant à une certification environnementale des exploitations viticoles) pourrait être étendue aux exploitations de cultures fruitières, spécialisées ou sous-serre des Outre-mer en adaptant un cahier des charges HVE aux cultures tropicales. 8.3.2. Les actions dont la mise en oeuvre serait spécifique aux Outre-mer Des actions spécifiques sont à labelliser au moins pour les deux cultures principales des Outre-mer qui leur sont spécifiques. Pour ce qui concerne la banane, outre le contrôle mécanique de l'enherbement à inclure dans l'action n° 2017-030, trois actions sont prioritaires : - Lutter contre le charançon du bananier (Cosmopilites sordidus) au moyen de diffuseurs de phéromones pour la confusion sexuelle (la mise en oeuvre de cette technique suppose la délivrance d'une AMM pour un usage de la sordidine en piégeage de masse, alors qu'elle est uniquement acceptée dans le cadre de la surveillance des populations ou monitoring138). - Réduire les traitements fongicides au moyen de variétés de banane peu sensibles à la cercosporiose. - Réduire les traitements herbicides en associant des couverts à base de plantes de service avec les cultures de banane. 137 Dans certains cas, l'usage des filets éviterait un usage illégal d'insecticide faute de produits homologués. La sordidine est utilisée par les mâles pour attirer à distance vers le bananier les mâles et les femelles de charançons pour favoriser la prise alimentaire et les accouplements. L'effet attractif du composé phéromonal est synergisé par des substances issues du bananier. 138 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 130/137 PUBLIÉ Pour ce qui concerne la canne, outre le désherbage mécanique de l'inter-rang et le traitement limité au rang avec du matériel adapté (à inclure dans les actions n° 2017-030 et 031), trois actions sont prioritaires pour réduire l'usage des herbicides : - Réduire les traitements herbicides en associant des couverts à base de plantes de services avec les cultures de canne, soit en inter-cultures, soit sur l'inter-rang. - Réduire les traitements herbicides par une gestion de la répartition des pailles de canne faisant appel à du matériel adapté de fanage pour maintenir un couvert suffisant. - Réduire les traitements herbicides en pratiquant l'épaillage qui supprime le traitement de rattrapage en post levée de la canne. Par ailleurs, une action permettant d'éviter tout mésusage pourrait être retenue, le cas échéant, sachant qu'il n'y pas d'usage d'insecticides sur la canne à sucre : - Lutter contre le foreur de la canne à sucre (Chilo sacchariphagus) au moyen de lâchers de trichogrammes ou par des plantes attractives (Erianthus sp.). Certaines des techniques précédentes pourraient également s'appliquer aux cultures de diversification : - Réduire les traitements herbicides en implantant des plantes de service pour gérer l'enherbement sur l'inter-rang voire sur le rang, en inter-culture ou en association . - Réduire les traitements herbicides par la mise en place d'un paillis dans l'inter-rang en maraîchage ou certaines cultures fruitières et spécialisées (fraises, ananas, fruit de la passion, café, banane) par achat de paille de canne ou de paillage biodégradable. - Réduire les traitements herbicides en maintenant un inter rang enherbé et fauché avec un matériel permettant de rejeter la fauche sur le rang de plantation en vergers. - Réduire le risque sanitaire par utilisation de semences et de plants sains, résistants ou tolérants, en substitution à des semences fermières139 . Les évolutions qui permettent une baisse significative des produits phytosanitaires résultent le plus souvent d'une combinaison de pratiques. C'est pourquoi les spécialistes des cultures tropicales souhaiteraient que soient également retenues des actions systémiques combinant plusieurs techniques élémentaires, y compris en associant des méthodes d'optimisation de produits phytopharmaceutiques et des méthodes de substitution à ces derniers de techniques alternatives, au moins dans une phase transitoire. Par exemple, le désherbage en bananeraie combinerait des solutions mécaniques, manuelles, des méthodes de biocontrôle et de chimie conventionnelles. De même, un programme de traitement intégré pourrait associer des préparations biologiques (levures, huiles végétales, stimulateurs de défenses naturelles) en complément de la lutte chimique afin de limiter l'apparition de résistances tout en diminuant l'utilisation de pesticides. 139 L'accès à des semences adaptées peut se poser, car les semences prometteuses proviennent le plus souvent de pays tiers et ne sont pas inscrites au catalogue européen ou national. L'importation et l'utilisation de ces semences ne sont pas autorisés dans les Outre-mer français soumis à la réglementation communautaire. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 131/137 PUBLIÉ Enfin, il conviendra d'examiner le moment venu les adaptations éventuelles au contexte ultramarin qui seraient à apporter aux actions standardisées qui seront labellisées pour réduire les usages non agricoles des phytosanitaires mis en oeuvre par des professionnels et pour le traitement des semences qui sont dorénavant inclus dans le dispositif pérennisé des CEPP. Étant donné les faibles quantités de phytosanitaires utilisées pour des usages non agricoles professionnels et pour le traitement de semences, la mission n'a pas examiné ces aspects qui ne sont pas des enjeux significatifs pour la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires dans les Outre-mer140. 8.4. Des adaptations sont à apporter au processus des fiches actions Le plan Écophyto 2 prévoyait (point 27.7 de l'axe 5) que « des fiches type d'économie de produits phytopharmaceutiques seront construites via le RITA, pour préparer une éventuelle généralisation des CEPP dans les DOM à l'issue de l'expérimentation prévue à l'action 1.1 ». Au vu du retour d'expérience de la métropole, le dispositif d'appel à contribution mis en place pour inviter tous les opérateurs qui le souhaitent à proposer de nouvelles actions standardisées visant à la réalisation d'économies de produits phytopharmaceutiques semble mieux adapté qu'un dispositif qui serait limité à une seule catégorie d'opérateurs. De nombreux acteurs du réseau technique présents dans les Outre-mer et qui s'inscrivent notamment dans la dynamique de coopération des RITA, disposent des capacités pour proposer des actions pertinentes et argumentées d'économies de produits phytosanitaires 141 . C'est notamment le cas de : - l'institut eRCane et les centres techniques (CTCS) pour la canne à sucre142, - l'institut technique tropical (IT2) notamment pour la banane, - l'institut ARMEFLHor pour les cultures de diversification, - les chambres d'agriculture qui animent notamment les réseaux Dephy. Ainsi que cela s'est produit en métropole, des fournisseurs de solutions de biocontrôle ou d'agroéquipements sont également susceptibles de proposer des actions permettant de réduire l'utilisation des phytosanitaires143. 140 Les ventes de produits EAJ sont importantes, mais pour des usages amateurs et non professionnels. Les deux cultures principales ne font pas appel à des semences, mais à des plants. Mis en place après les États généraux de l'Outre-mer de 2009, les RITA qui sont co-présidés par les collectivités et l'État ont une activité variable selon les territoires (très peu d'activités en Martinique, mais un vrai dynamisme en Guyane et à Mayotte). D'abord axés sur les filières de diversification, ils se sont élargis depuis 2015 à la filière canne à sucre (La Réunion et Guadeloupe). Les RITA ont bénéficié de transferts financiers à hauteur d'environ 1 M par an à Mayotte en Guadeloupe et en Guyane pour des actions concernant notamment la lutte contre l'enherbement et la promotion des plantes de service, la lutte biologique contre les ravageurs. eRcane est un centre de recherche et d'expérimentation dédié à la valorisation de la canne à sucre qui a succédé en 2009 au centre d'études de recherche et de formation (CERF) sous la forme d'un groupement d'intérêt économique dont les membres sont les deux sociétés sucrières réunionnaises du groupe Terreos. Par exemple « la Coccinelle », biofabrique détenue par des organisations de producteurs, qui propose à La Réunion une dizaine de réponses adaptées aux ravageurs locaux en substitution aux insecticides. 141 142 143 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 132/137 PUBLIÉ Afin d'initier une dynamique, il conviendrait de lancer un premier appel à contribution propre aux Outre-mer et d'en assurer une large publicité afin de lui donner de la visibilité dans les territoires et auprès des acteurs concernés. Dans un second temps, de nouvelles propositions relatives aux Outremer pourraient être recueillies au fil de l'eau dans le cadre d'un appel à contribution national ouvert de manière permanente. Le cas échéant, un dispositif incitatif pourrait être mis en place pour soutenir la mobilisation des opérateurs techniques des Outre-mer. À l'instar des agriculteurs qui monnaient leurs factures auprès des distributeurs obligés pour leur permettre d'obtenir des CEPP, les acteurs techniques pourraient également le faire auprès de ces mêmes distributeurs si la rédaction d'une fiche d'action standardisée validée donnait droit à une attribution de CEPP144. Afin que cette mesure reste neutre sur l'objectif final, l'obligation globale d'acquisition de CEPP fixée aux distributeurs en fin de première période serait majorée d'un volume de CEPP supplémentaires correspondant à celui généré par la production du nombre attendu de fiches actions. La mission propose que l'évaluation des propositions d'actions standardisées s'appuie sur la commission existante dans la mesure où certaines actions s'appliquent de manière indistincte sur l'ensemble du territoire national. En revanche, il sera indispensable de compléter la commission avec des experts des cultures tropicales préférentiellement issus des organismes scientifiques et en premier lieu du CIRAD. Le président de la commission pourra décider de la faire fonctionner avec un sous groupe d'experts spécialisés sur les Outre-mer qui serait chargé d'instruire les propositions d'actions spécifiques aux cultures tropicales. La proposition finale d'approbation de ces actions et surtout le nombre de CEPP attribué devraient néanmoins rester de la compétence de la commission plénière afin d'assurer la cohérence d'ensemble. L'extension des CEPP aux Outre-mer sera l'occasion pour la commission de s'interroger sur les adaptations à apporter à sa méthode d'évaluation d'une action standardisée qui repose sur trois composantes : son effet sur la réduction d'usage et d'impacts, son potentiel de déploiement, sa facilité de mise en oeuvre et son bilan économique. Pour déterminer le nombre de CEPP à attribuer en contrepartie de l'économie de produits phytosanitaires escomptée de la mise en oeuvre d'une action standardisée, la commission pourra étendre aux cultures tropicales la méthode qu'elle applique pour les cultures de métropole en retenant l'IFT qui est utilisé lors de l'élaboration des fiches actions 145. Pour autant, la commission pourrait inciter à faire établir des coefficients de conversion entre IFT et NODU pour les deux cultures tropicales principales en s'inspirant de la méthode établie par Urruty et al. afin de confirmer que cette assimilation est pertinente. Pour quantifier les actions destinées à réduire les impacts, la commission devra réviser la méthode qu'elle a suivie afin d'estimer la part des contaminations propres aux Outre-mer au sein de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et l'adapter au contexte des exploitations ultramarines146. En effet, les impacts dans les Outre-mer doivent être distingués de ceux de la 144 L'attribution de 500 CEPP pour une action qui seraient valorisés 5 l'unité (référence de la pénalité antérieure) couvrirait environ les deux tiers du coût mensuel d'un ingénieur. L'IFT est un indicateur de réduction d'usage qui ne prend pas en compte les caractéristiques des produits et notamment leur toxicité ou leur persistance dans l'environnement. La commission a estimé que les contaminations représentent 3 % du NODU national, soit un nombre de doses perdues dans l'environnement et causant des contaminations de 2,5 millions de doses à l'échelle nationale. Avec 250 000 exploitations de plus de 20 ha cela représente en moyenne 10 certificats par exploitation (soit 1 certificat par classe et par exploitation). 145 146 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 133/137 PUBLIÉ métropole. Il serait également pertinent de les distinguer pour chacun des DROM, mais le faible nombre de CEPP qui en résulterait pourrait conduire la commission à une approche globalisée. Par ailleurs, une action proposée pour devenir une action standardisée éligible à l'attribution de CEPP peut d'ores et déjà avoir été déployée sur une partie du gisement potentiel d'application. Dans ce cas, un coefficient d'abattement doit être appliqué au nombre de CEPP attribué pour la mise en place de l'action afin de limiter les effets d'aubaine. Considérant l'hétérogénéité de la mise en oeuvre de certaines techniques entre les différents territoires, la commission pourrait être conduite à utiliser des coefficients d'abattement différenciés et à attribuer ainsi un nombre différent de CEPP pour une même action selon le DROM où elle est réalisée. 8.5. L'intérêt des programmes Une partie des distributeurs en Outre-mer fait de la vente de produits phytosanitraires sans conseil associé et cette tendance devrait s'accentuer avec la séparation de la vente et du conseil. Il est donc assez probable qu'une partie significative des distributeurs soit conduite à acquérir des justificatifs de mise en oeuvre d'actions standardisées auprès des agriculteurs ou d'acteurs du conseil afin d'obtenir les CEPP leur permettant de satisfaire à leurs obligations. Par ailleurs, la mise en oeuvre d'actions de réduction de l'utilisation des phytosanitaires éligibles à l'attribution de CEPP sera sans doute difficile, au moins au cours de la première période, notamment pour les cultures de diversification et auprès des plus petits producteurs et planteurs. À l'instar de ce qui est pratiqué dans le dispositif des certificats d'économie d'énergie (voir encadré suivant), il pourrait donc être opportun de favoriser la mise en place de programmes centrés sur la formation et l'appui technique auprès des producteurs les moins avancés en matière de maîtrise des produits phytosanitaires. Ces programmes seraient financés par les distributeurs. Ceux-ci recevraient des CEPP en contrepartie. Ce serait une manière simple de soutenir l'action technique à apporter aux producteurs pour les inciter à réduire leurs utilisations de produits phytosanitaires, notamment pour les cultures de diversification. En contribuant financièrement à ces programmes, les distributeurs et notamment les plus petits d'entre eux pourraient continuer leur activité tout en satisfaisant aux obligations liées aux CEPP. Un appel à programmes dédié aux Outre-mer serait lancé au début de chaque période. La commission d'évaluation des actions standardisées assurerait l'évaluation des propositions reçues. Elle aura notamment à déterminer le nombre de CEPP attribué à un programme donné et à fixer le montant de la contribution financière permettant d'obtenir l'attribution d'un CEPP. Pour éviter une disjonction trop forte entre le nombre de CEPP attribués au cours d'une période et la diminution effective de l'utilisation des phytosanitaires, la part des CEPP susceptible d'être attribuée à des programmes au cours d'une période quadriennale pourrait être limitée à la part estimée de l'utilisation des phytosanitaires dans les cultures de diversification au sein de chacun des Outre-mer. Les programmes du dispositif des certificats d'économie d'énergie Depuis la deuxième période du dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE), le versement d'une contribution financière à des programmes d'information, de formation et d'innovation en Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 134/137 PUBLIÉ faveur de la maîtrise de la demande énergétique, ou de réduction de la précarité énergétique permet de se voir délivrer des CEE. Des appels à programmes sont diffusés périodiquement et les programmes retenus sont définis par arrêtés du ministre chargé de l'énergie. Pour les programmes, les certificats sont délivrés pour des actions n'entraînant pas directement un gain d'efficacité énergétique. Ils sont encadrés en maintenant un facteur de proportionnalité suffisamment exigeant, en imposant une participation de l'État à la gouvernance des programmes, en limitant l'obtention de certificats par le biais des programmes à un certain pourcentage de l'obligation nationale d'économies d'énergie147. La demande de CEE portant sur un programme comporte la justification que les fonds ont été versés par le demandeur à la maîtrise d'ouvrage du programme apportée par une attestation sur l'honneur délivrée par le maître d'ouvrage du programme148. 147 Pour la quatrième période du dispositif des CEE, l'enveloppe maximale pour des programmes a été fixée à 200 TWh cumac. Lorsque le demandeur est lui-même maître d'ouvrage du programme, la justification que les dépenses ont été réglées est apportée par une attestation sur l'honneur cosignée par un expert comptable ou un commissaire aux comptes. 148 Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 135/137 PUBLIÉ 9. Glossaire des sigles et acronymes Acronyme AMM ARS BNV-D CASDAR CTCS CEE CEPP CGAAER CGEDD CIRAD CUMA DAAF DGAL DROM EAJ FEADER IFT IGF INRA IPCE IT2 JEVI LAAF Signification Autorisation de mise sur le marché Agence régionale de santé Banque nationale des ventes réalisées par les distributeurs Compte d'affectation spécial « Développement agricole et rural » Centre technique de la canne à sucre Certificat d'économie d'énergie Certificats d'économie de produits phytosanitaires Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux Conseil général de l'environnement et du développement durable Centre international de recherche agronomique pour le développement Coopérative d'utilisation de matériel en commun Direction de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt Direction générale de l'alimentation Département et région d'Outre-mer Emploi autorisé dans les jardins Fonds européen agricole pour le développement rural Indice de fréquence de traitement Inspection générale des finances Institut national agronomique Indice de présence de pesticides dans les cours d'eau Institut technique tropical Jardins, espaces verts, infrastructures Loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 136/137 PUBLIÉ MAEC NQE NODU POSEI QSA RPD RITA SAU UGPBAN Mesures agro-environnementales et climatiques Norme de qualité environnementale Nombre de doses unités Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité Quantité de substances actives Redevance pour pollution diffuse Réseau d'innovation et de transfert agronomique Surface agricole utile Union des groupements de producteurs de banane Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer Page 137/137 PUBLIÉ

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