Évaluation du dispositif réglementant l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des lieux accueillant des personnes vulnérables

AUJOLLET, Yvan ; GERVAIS, Valérie ; MOCHEL, France ; LARGUIER, Michel ; LIEBERT, Françoise

Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable ; France. Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux ; France. Inspection générale des affaires sociales
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">L'utilisation des produits phytopharmaceutiques (PPP) suscite de plus en plus d'inquiétude. L'État se doit de veiller à la protection des personnes vulnérables qui y sont exposées. Pour ces raisons, la mission avait pour objectif d'évaluer le dispositif réglementant l'utilisation de ces produits à proximité des établissements sensibles, d'éclairer la décision quant aux mesures à prendre, et de faire des propositions pour la protection des riverains de parcelles traitées dans le cadre de la loi EGALIM (ou loi Agriculture et Alimentation). Au regard du cadre européen, des recommandations sont formulées pour harmoniser la réglementation et simplifier l'accès du public aux listes de produits cités. La protection des établissements hébergeant des personnes vulnérables, prévue par l'article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime, repose sur des arrêtés préfectoraux pris sur la base d'une instruction de la Direction Générale de l'Alimentation (DGAL). Pour renforcer l'efficacité du dispositif, la mission recommande qu'une circulaire interministérielle demande aux préfets de revoir le contenu de ces arrêtés préfectoraux. Cette circulaire fixera les distances minimales de non traitement, la combinaison des mesures de protection, un élargissement de la liste des établissements sensibles et des obligations d'information du public. Le volet phytosanitaire de la loi EGALIM met en place à partir du 1er janvier 2020 un dispositif de protection des riverains s'appuyant sur des chartes départementales. Des chartes existent déjà sur le plan local, départemental ou régional. Sur la base de cette expérience positive, il serait souhaitable que le préfet entérine des chartes départementales, sur la base de critères de validation définis dans le décret d'application de la loi EGALIM.En s'inspirant du dispositif PhytoSignal de Nouvelle Aquitaine, il faudrait généraliser le principe d'un guichet unique régional, au sein des ARS, pour recueillir les déclarations de dérives et d'exposition des personnes, les analyser et informer les autres acteurs, notamment les DRAAF, des dérives avérées en vue de réalisation de contrôles. La mission propose de mobiliser les moyens pour faire des parcelles proches des zones habitées et des établissements sensibles une priorité et un territoire d'excellence pour la réduction des dérives et des risques. Au total, sont présentées quatorze recommandations. Les leviers pour financer ces mesures sont examinés, Enfin, trois scénarios sont proposés afin d'aider à la prise de décision. Quel que soit le scénario retenu, la mission insiste sur l'importance de mettre en place une stratégie de maîtrise des risques comportant une analyse d'impact de la non-connaissance de la distribution de ces risques sur la prise de décision, en particulier concernant l'exposition des riverains.</div>
Editeur
CGEDD ; IGAS ; CGAAER
Descripteur Urbamet
cadre juridique ; aspect juridique ; sociologie ; impact ; agriculture ; établissement public
Descripteur écoplanete
produit phytosanitaire ; effet sur la santé ; protection des personnes ; pesticide ; prévention des risques ; réglementation
Thème
Cadre juridique ; Ressources - Nuisances ; Santé
Texte intégral
MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE MINISTÈRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE, ET DE L'ALIMENTATION Conseil général de l'environnement et du développement durable CGEDD n° 012475-01 Inspection générale des affaires sociales IGAS n° 2018-96 Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux CGAAER n° 18107 Inspecteur de l'administration du développement durable Membre du CGEDD Valérie Gervais Membre de l'IGAS U B Mars 2019 P Membre de l'IGAS France Mochel LI Tome I Yvan Aujollet Évaluation du dispositif réglementant l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des lieux accueillant des personnes vulnérables Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Membre du CGAAER É Michel Larguier Françoise Liébert Inspectrice générale santé publique vétérinaire Membre du CGAAER 2 / 82 PUBLIÉ Sommaire 1. 1.1. La complexité et le manque de lisibilité du dispositif en rendent difficile la mise en oeuvre ......................... 13 Des définitions complexes et un accès difficile à l'information ......................................................................... 13 La définition des pesticides et des produits phytopharmaceutiques (PPP) ................................................... 13 1.1.1. 1.1.2. Une simplification indispensable de l'accès aux listes de produits ...................................................................... 16 1.1.3. Personnes vulnérables, personnes présentes, résidents, riverains : des notions à préciser ............................... 18 1.2. Une réglementation nationale à simplifier et à compléter ..................................................................................... 19 1.2.1. Un cadre européen qui vise une réduction des risques et des effets des pesticides sur la santé humaine ........ 19 1.2.2. Une évolution réglementaire de l'obligation de résultat complétée avec de plus en plus d'obligations de moyens ........................................................................................................................................................................... 20 1.2.3. Une réglementation nationale complexe et peu lisible qui néglige l'obligation d'information du public prévue par la directive ................................................................................................................................................................ 21 1.2.4. Une clarification nécessaire de la réglementation sur les dérogations ................................................................ 24 1.2.5. Une nécessaire simplification des textes ............................................................................................................. 25 2. Le dispositif pour la protection des établissements accueillant des personnes vulnérables doit être renforcé ......................................................................................................................................................................... 27 2.1. La France continentale est presque totalement couverte par les arrêtés préfectoraux ......................................... 27 2.2. Des arrêtés pris sur la base d'une instruction de la DGAL sujette à interprétation ................................................ 27 2.3. Des projets d'arrêtés souvent proposés d'après un modèle régional ..................................................................... 28 2.4. Une consultation publique d'une durée limitée quand elle a eu lieu et peu de concertation ................................ 29 2.5. Des rédactions complexes et hétérogènes.............................................................................................................. 30 2.6. Une interprétation minimaliste de l'instruction de la DGAL ................................................................................... 31 2.6.1. ll n'existe quasiment jamais de distance de non traitement 24h/24 et 7j/7 à proximité des établissements accueillant des personnes vulnérables. .......................................................................................................................... 31 2.6.2. Les spécificités des arrêtés ne relèvent pas d'une adaptation à des situations locales ....................................... 32 2.7. Une circulaire interministérielle aux préfets pour des résultats plus efficaces ...................................................... 34 2.8. Des mesures difficiles à contrôler, une surveillance manquant de réactivité et un système de sanctions imparfait ........................................................................................................................................................................................ 35 2.8.1. L'organisation des inspections ............................................................................................................................. 35 2.8.2. La programmation des inspections des DRAAF-SRAL ........................................................................................... 36 2.8.3. Les constats des inspecteurs de terrain ............................................................................................................... 37 2.8.4. Renforcer les contrôles sur les pulvérisateurs et les suites données aux signalements de dérive ...................... 38 3. Les attentes pour la protection des riverains conduisent à élargir le champ de la réflexion ......................... 41 3.1. Les études en cours sur l'exposition des personnes ............................................................................................... 41 3.2. La comparaison avec la protection de l'environnement ......................................................................................... 43 3.3. La fixation par l'ANSES de zones de non-traitement à proximité des riverains dans les autorisation de mise sur le marché des PPP : ........................................................................................................................................................ 44 3 / 82 PUBLIÉ 3.4. La loi EGALIM élargit la protection aux riverains ................................................................................................ 44 3.4.1. Les nouvelles exigences de la loi EGALIM renvoient à des chartes départementales ......................................... 44 3.4.2. Les chartes existantes sont bénéfiques mais diverses dans leur portée .............................................................. 45 3.4.3. Les facteurs clefs de succès pour les chartes départementales prévues par la loi EGALIM ................................. 47 3.4.4. Les conditions d'une bonne application de la loi EGALIM .................................................................................... 50 3.5. Le cas des applicateurs professionnels dans les jardins, les espaces végétalisés et les infrastructures ............ 51 3.6 Retour d'expérience européen................................................................................................................................. 53 4. Réduire davantage l'exposition des riverains et des personnes vulnérables ...................................................... 55 4.1. Repenser la collecte et la diffusion d'information .................................................................................................. 55 4.1.1. Une priorité : mettre en place des moyens simples d'informations des riverains ............................................... 55 4.1.2. La phytopharmacovigilance est un dispositif à renforcer afin de répondre aux inquiétudes des riverains et de mesurer les effets des PPP sur le territoire .................................................................................................................... 56 4.1.2.1. Le cadre européen impose la mise en place d'un dispositif. ............................................................................. 56 4.1.2.2. PhytoSignal : un exemple probant, pour l'instant limité à une région .............................................................. 56 4.1.2.3. Le dispositif national de phytopharmacovigilance piloté par l'ANSES peine à être connu ............................... 58 4.1.3. Ouvrir l'accès des registres de traitements aux chercheurs sous couvert de l'anonymat ................................... 60 4.2. Faire des exploitations proches des zones habitées une priorité et un territoire d'excellence pour réduire les risques ............................................................................................................................................................................ 61 4.2.1. Des mesures renforcées pour réduire l'exposition des lieux sensibles ................................................................ 61 4.2.1.1. Stimuler les alternatives aux produits de synthèse dans les parcelles jouxtant des établissements et des riverains .......................................................................................................................................................................... 61 4.2.1.2. Supprimer dans les itinéraires techniques les substances actives préoccupantes pour la santé ..................... 62 4.2.1.3. Moderniser le parc de pulvérisateurs, développer leur réglage, leur contrôle, et les bonnes pratiques de pulvérisation ................................................................................................................................................................... 63 4.2.1.4. Réduire les quantités de produits appliqués pour réduire les dérives .............................................................. 65 4.2.1.5. Déployer les obstacles physiques aux dérives : haies, filets, adjuvants. ........................................................... 65 4.2.2. 4.2.2.1. Financer les mesures de réduction des risques .............................................................................................. 66 Financements liés à la politique agricole commune et écoconditionnalité ............................................. 66 4.2.2.2. Financements liés à la redevance pour pollutions diffuses ............................................................................... 69 4.2.2.3. Autres financements ......................................................................................................................................... 69 4.2.2.4. Des pistes d'avenir pour les financements ........................................................................................................ 70 4.3. La prise en compte dans les plans d'urbanisme de la problématique liée à la juxtaposition des zones habitées et des zones agricoles ......................................................................................................................................................... 72 4.3.1. Les documents d'urbanisme peuvent servir de levier pour protéger les futurs riverains ................................... 72 4.3.2. Cartographie à l'aide du système d'information géographique (SIG) .................................................................. 74 5. Une prospective avec des scénarios possibles pour réduire l'exposition des riverains...................................... 76 4 / 82 PUBLIÉ Résumé L'utilisation des produits phytopharmaceutiques (PPP) suscite de plus en plus d'inquiétude. L'État se doit de veiller à la protection des personnes vulnérables qui y sont exposées. Pour ces raisons, les ministres en charge de l'écologie, de la santé et de l'agriculture ont confié au Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable (CGEDD), à l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) et au Conseil Général de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Espaces Ruraux (CGAAER) une mission conjointe pour évaluer le dispositif réglementant l'utilisation de ces produits à proximité des établissements sensibles, éclairer la décision quant aux mesures à prendre, et faire des propositions pour la protection des riverains de parcelles traitées dans le cadre de la loi EGALIM. Afin d'avoir une vision aussi complète que possible, la mission a effectué 60 entretiens avec un grand nombre d'acteurs : agences et établissements dans le domaine de la santé, de la recherche, syndicats agricoles, organisations professionnelles agricoles et non agricoles, syndicats industriels, associations de riverains et environnementales, élus locaux, gendarmerie et police, administrations centrales et services déconcentrés. La mission a ainsi entendu à la fois l'anxiété des riverains et l'inquiétude des producteurs qui subissent des réactions hostiles. La mission a examiné la possibilité d'évaluer les mesures de protection adoptées au regard des études scientifiques conduites sur l'exposition des personnes. Il apparaît que les enquêtes achevées ne permettent pas de répondre aux questions posées. Plusieurs études importantes sur l'exposition sont en cours ou en projet. Mais leurs résultats ne seront pas connus avant plusieurs années, et il n'est pas garanti que leurs conclusions permettent d'arbitrer les mesures à prendre. Pour mener son analyse et pour formuler ses recommandations sur les mesures de protection, la mission s'est basée notamment sur ses entretiens avec les experts et sur le prolongement à donner aux dispositions prévues par le plan ECOPHYTO 2+. En lien avec les obligations européennes pour la protection des personnes exposées aux PPP, les réglementations destinées à réguler l'utilisation de ces produits montrent une volonté du législateur de compléter l'obligation de résultat (interdiction des dérives1) par des obligations de moyens de plus en plus précises. Mais ces textes apparaissent complexes, enchevêtrés et peu lisibles. Au regard du cadre européen qui vise une réduction des risques et des effets sur la santé humaine, la mission formule des recommandations pour harmoniser la réglementation, et simplifier l'accès du public aux listes de produits cités dans ces textes. La protection des établissements hébergeant des personnes vulnérables est prévue par l'article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime et repose sur des arrêtés préfectoraux. Ces arrêtés ont été pris sur la base d'une instruction de la Direction Générale de l'Alimentation (DGAL) en 2016. Hormis les Landes et les DOM, tous les départements ont publié un arrêté préfectoral ou sont sur le point de le faire. Les arrêtés découlent d'un modèle régional élaboré par chaque Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF). Ils ont été pris sans réelle concertation en dehors de la période légale de consultation publique, d'ailleurs parfois absente. La mission présente une typologie de ces arrêtés qui apparaissent relativement hétérogènes. Mais cette hétérogénéité est faiblement liée aux particularités locales. Sur le fond, les arrêtés ne s'écartent pas sensiblement de la note de service de la DGAL. Mais ils en font une interprétation minimaliste, sans combiner les mesures de protection. Pour renforcer l'efficacité du dispositif, la mission recommande qu'une circulaire interministérielle demande aux préfets de revoir le 1 La dérive d'un produit phytopharmaceutique est l'entraînement de ce produit hors de la parcelle ou de la zone traitée. 5 / 82 PUBLIÉ contenu des arrêtés préfectoraux pour la protection des établissements. Cette circulaire fixera les distances minimales de non traitement (dont une ZNT systématique d'au moins 5 m sans dérogation), la combinaison des mesures de protection, un élargissement de la liste des établissements sensibles et des obligations d'information du public. Le volet phytosanitaire de la loi EGALIM met en place à partir du 1er janvier 2020 un dispositif spécifique de protection des riverains s'appuyant sur des chartes départementales. Des chartes existent déjà à un niveau très local, départemental ou régional. La mission a pris note des effets positifs de ces démarches pour la compréhension mutuelle et l'apaisement des relations entre producteurs et riverains. Sur la base de cette expérience, la mission formule une recommandation concernant l'entérinement par le préfet des chartes départementales, sur la base de critères de validation définis dans le décret d'application de la loi EGALIM (mesures allant au-delà de la règlementation, présence de dispositifs de pilotage et de suivi, d'information et de règlement des différends, signataires des chartes). Un sujet récurrent est la nécessité de prévoir et d'organiser des moyens simples d'information entre les agriculteurs, les maires des communes et les riverains avant et au moment des traitements phytosanitaires. La mission a constaté à la fois le grand nombre d'appels de particuliers sur les pratiques agricoles observées, le faible nombre de dérives de PPP effectives parmi les signalements enregistrés, et la difficulté pour les acteurs concernés de trouver les bons interlocuteurs. En s'inspirant du modèle du dispositif PhytoSignal de Nouvelle Aquitaine, la mission propose de généraliser à tout le territoire le principe d'un guichet unique régional pour recueillir les déclarations de dérives de produits phytopharmaceutiques et d'exposition des personnes, et les analyser. Ce dispositif serait placé au sein des ARS, chargées de centraliser les signalements. Après examen, elles informeront les autres acteurs, en particulier les DRAAF, sur les dérives avérées en vue de la réalisation de contrôles. Outre les suites à donner aux déclarations de dérives, la mission suggère dans le pilotage des inspections programmables des DRAAF de donner une plus grande priorité aux exploitations situées près des lieux d'habitation, et de mettre l'accent sur le contrôle obligatoire des pulvérisateurs. Des mesures sont présentées pour rendre vérifiables a posteriori le respect des distances de non traitement. La mission propose de mobiliser les moyens pour faire des parcelles proches des zones habitées et des établissements sensibles une priorité et un territoire d'excellence pour la réduction des dérives et des risques. Il est préconisé dans ces zones sensibles de : stimuler les alternatives aux produits de synthèse : conversion à l'agriculture biologique, implantation de variétés résistantes2, produits de biocontrôle, robots désherbeurs... supprimer dans les itinéraires techniques agricoles3 les substances actives préoccupantes pour la santé : interdiction des produits cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) et des perturbateurs endocriniens (PE) pour lesquelles existent des substitutions, imposer un conseil technique spécifique sur les substitutions... moderniser le parc des pulvérisateurs, développer leur réglage, leur contrôle et les bonnes pratiques de pulvérisation, interdire immédiatement la vente des pulvérisateurs présentant le plus 2 Les variétés résistantes de plantes ont été sélectionnées pour présenter des mécanismes de défense contre les agents pathogènes qui réduisent fortement leur croissance sur le végétal ou dans celui-ci. 3 L'itinéraire technique agricole est le choix d'une combinaison logique et ordonnée de pratiques agricoles pour conduire une culture en fonction de l'objectif fixé. Ces pratiques concernent le choix des variétés, le travail du sol, le semis ou l'implantation, la protection des cultures, la fertilisation, l'irrigation, la récolte, etc. 6 / 82 PUBLIÉ de risque de dérive et mettre fin avec un dispositif d'accompagnement à leur utilisation près des zones sensibles ; réduire les quantités de produits appliqués pour réduire les dérives : implantation de cultures plus faiblement consommatrices en intrants, 30 000 fermes DEPHY... déployer les obstacles physiques aux dérives : haies, filets, adjuvants, mener des expérimentations pour créer des référentiels techniques et alimenter les procédures d'autorisation. Les leviers pour financer ces mesures sont examinés. La mission propose de donner la priorité aux exploitants situés dans ces zones pour les financements nationaux, et de défendre cette logique de zones sensibles dans le cadre de la future PAC. Elle suggère d'élargir et de renforcer les actions éligibles aux aides financières pour englober davantage de moyens de réduction des dérives. Dans une logique ensemblière, les démarches de type plans alimentaires territoriaux, circuits courts et production locale doivent soutenir financièrement les actions permettant de réduire les dérives dans les zones périurbaines. En lien avec la profession agricole et les associations, la prise en compte dans les documents d'urbanisme de mesures évitant l'installation de nouveaux habitants ou personnes vulnérables à proximité des parcelles traitées est aussi un levier à développer. L'intérêt des outils SIG permettant de localiser les zones sensibles est souligné. Enfin, trois scénarios sont proposés afin d'aider à la prise de décision. Quel que soit le scénario retenu, s'agissant d'une prise de décision en univers incertain, l'efficacité des mesures de protection étant difficile à évaluer dans l'état actuel des connaissances, la mission insiste sur l'importance de mettre en place une stratégie de maîtrise des risques comportant une analyse d'impact de la non-connaissance de la distribution de ces risques sur la prise de décision, en particulier concernant l'exposition des riverains. 7 / 82 PUBLIÉ 8 / 82 PUBLIÉ Liste des recommandations regroupées par type d'actions SIMPLIFIER ET RENDRE COHÉRENTS R1. Simplifier sur le site de l'ANSES (E-PHY), l'accès aux listes de substances actives et produits alternatifs aux produits de synthèse, et aux listes de substances actives et produits préoccupants. R2. Harmoniser dans les articles du code rural et de la pêche maritime les catégories de produits bénéficiant de dérogations aux interdictions et restrictions d'emploi. R3. Simplifier la réglementation et mettre en cohérence l'ensemble des textes concernant ce domaine géré en interministériel. RENFORCER LA SÉCURITÉ R4. Adresser aux préfets une circulaire interministérielle recommandant une distance minimale de non-traitement sans aucune dérogation possible à proximité des établissements hébergeant les personnes vulnérables et des instructions complémentaires plus protectrices quant aux dispositions des arrêtés. CONTRÔLER R5. Renforcer les moyens administratifs et juridiques des DRAAF-SRAL afin de leur permettre d'être plus efficaces dans l'exercice de leurs missions de contrôle. RENDRE CRÉDIBLES LES CHARTES DÉPARTEMENTALES R6. Prévoir l'entérinement par le préfet des chartes départementales, sur la base de critères de validation définis dans le décret d'application de la loi EGALIM. R7. Inciter les préfets, en cas d'absence de charte départementale dans un délai d'un an, à élargir l'arrêté préfectoral réglementant l'utilisation des PPP à proximité des établissements accueillant des personnes vulnérables à l'ensemble des zones habitées, dans l'intérêt de la santé publique. R8. Prévoir dans le décret d'application de l'article 83-III de la loi EGALIM un bilan à trois ans de la mise en oeuvre des chartes départementales et des arrêtés préfectoraux. R9. Prévoir et organiser dans les chartes ou les arrêtés préfectoraux des moyens simples d'information entre les agriculteurs, les maires et les riverains à l'approche et au moment des périodes de traitement de PPP. 9 / 82 PUBLIÉ GÉRER LES DÉCLARATIONS DE DÉRIVES R10. Organiser au niveau régional sur tout le territoire un guichet unique de recueil des déclarations de dérives de PPP et d'exposition des personnes, sur le modèle du dispositif PhytoSignal en Nouvelle Aquitaine. Relier ces guichets uniques au dispositif de phytopharmacovigilance de l'ANSES. FAIRE DES ZONES SENSIBLES UNE PRIORITÉ R12. Faire des parcelles proches des zones sensibles une priorité pour la réduction des risques de dérive : stimuler les alternatives aux produits de synthèse, supprimer les substances actives préoccupantes pour la santé, moderniser le parc de pulvérisateurs, réduire les quantités de produits, déployer les obstacles physiques aux dérives. R13. Examiner les moyens d'attribuer les aides et les actions à conduire contre les dérives en priorité vers les exploitations situées dans les zones sensibles (PAC, financements nationaux), élargir les actions éligibles à ces aides et sensibiliser les financeurs à ces enjeux. FACILITER L'EXPLOITATION DES DONNÉES R11. Permettre l'accès aux registres de traitements dans les exploitations agricoles aux chercheurs et scientifiques dans le cadre de recherches liées à l'exposition des personnes aux PPP. Étendre la durée de l'archivage des registres de traitements de 5 à 10 ans minimum. R14. Utiliser les SIG dans les DRAAF afin de : cartographier les zones riveraines selon les enjeux ; évaluer les budgets d'accompagnement à la mise en place de bonnes pratiques agricoles (protection intégrée). 10 / 82 PUBLIÉ Introduction En application du plan d'actions sur les produits phytopharmaceutiques publié le 25 avril 2018, le CGEDD, l'IGAS et le CGAAER ont été saisis le 3 août dernier par les trois ministres de tutelle pour une mission d'évaluation des arrêtés préfectoraux réglementant l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des lieux et établissements accueillant des personnes vulnérables. Cette mission s'inscrit dans la continuité du rapport CGAER-CGEDD-IGAS de 2017 sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Les objectifs formulés par la lettre de mission sont les suivants : - établir une typologie des arrêtés préfectoraux pris en application de l'art L.253-7-1 du CRPM ; - « évaluer la pertinence et l'efficacité globale du dispositif ainsi que son niveau de mise en oeuvre au regard de l'objectif de protection instauré par la loi » ; - « proposer, sur la base de cette évaluation, les améliorations qui seraient souhaitables, notamment les adaptations de la réglementation en vigueur ». L'article L.253-7-1 qui fixe les modalités réglementaires du dispositif de protection des établissements avec des personnes vulnérables a été introduit par la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Suite à la constatation de symptômes touchant de nombreux enfants dans une école en Gironde, et la mise en cause de traitements appliqués sur les vignes voisines, très médiatisées en 2014, le législateur a souhaité renforcer la protection des établissements avec des personnes vulnérables. Plus récemment la loi EGALIM, promulguée le 30 octobre 2018 élargit le champ de mesures de protection en l'étendant aux riverains dans son article 83. À la demande des commanditaires, la mission a intégré ce nouvel élément dans le périmètre de ses travaux. Les questions évaluatives posées ont conduit la mission à examiner tous les éléments composant le dispositif de manière à pouvoir apprécier au mieux sa qualité. Pour avoir une vision complète, la mission a fondé son travail sur l'analyse des dires d'experts et des témoignages des acteurs rencontrés. Elle a conduit 60 entretiens et rencontré environ 150 personnes. En premier lieu elle a réalisé un examen minutieux des différents textes sur lesquels il s'appuie. En effet la complexité du sujet est reflétée par le foisonnement de la réglementation aux différents niveaux : européen, national et régional ou départemental, avec un enchevêtrement de dispositifs, de définitions, de champs d'application qui ne se recoupent jamais entièrement. La mission s'est informée sur les différentes enquêtes ou études en cours pour mesurer l'exposition des riverains aux produits phytopharmaceutiques. Leurs résultats sont attendus pour la fin 2019 et au-delà, sans garantie d'apporter des éléments opérationnels pour l'évaluation des mesures de protection. Ces incertitudes non levées sur les risques existants ne permettent pas de donner une réponse précise sur l'efficacité du dispositif. Sur la base d'observations, d'échanges et dans le prolongement des mesures prévues dans le plan ECOPHYTO 2+, la mission a surtout recherché les bonnes pratiques permettant de limiter l'exposition des personnes vulnérables aux produits phytopharmaceutiques. Par ailleurs, si le risque lié à l'exposition des PPP continue d'être analysé par différentes études, la perception de risque, réel ou faussé, est bien présente sur le territoire et crée des tensions entre riverains et agriculteurs. Cette situation a été prise en compte en vue de retrouver des relations apaisées entre les parties prenantes, notamment par le biais des chartes départementales prévues par la loi EGALIM. Le cas des applicateurs professionnels dans les jardins, les espaces végétalisés et les infrastructures, opérant dans un contexte urbanisé dense, a été abordé. Toutefois, les particularités de ce domaine d'activité nécessitent une réflexion distincte, sans remettre en cause la cohérence avec les usages agricoles des produits de protection des plantes. 11 / 82 PUBLIÉ Enfin, il est utile de rappeler que quel que soit le système mis en oeuvre, la protection des cultures contre les bioagresseurs reste nécessaire à la protection de la santé publique. Un exemple récent vient le rappeler : le rappel de sachets de haricots surgelés en raison d'une mauvaise maîtrise du désherbage entraînant la présence de graines d'une plante hautement toxique (Datura stramonium). 12 / 82 PUBLIÉ 1. La complexité et le manque de lisibilité du dispositif en rendent difficile la mise en oeuvre Le dispositif actuel de protection des personnes repose sur le Règlement CE 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et sur la directive 2009/128/CE instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. Ces textes sont mis en oeuvre principalement avec : · le Livre 2 titre V du code rural et de la pêche maritime (CRPM) relatif à la protection des végétaux, en particulier le chapitre III sur la mise sur le marché et l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ; · la loi EGALIM adoptée le 2 octobre 2018, qui modifie l'article L253-8 du CRPM pour fixer des mesures relatives aux produits phytopharmaceutiques, notamment à l'égard de la protection des riverains ; · les arrêtés pris aux niveaux national et départemental quant à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Ces différents textes imposent des interdictions et des restrictions d'emploi des produits phytopharmaceutiques dans le but de protéger les personnes. Ils ont été élaborés au fil du temps et ont des logiques reposant sur des références différentes ce qui peut conduire à certaines redondances ou incohérences. Ces textes introduisent des distinctions qui intéressent : - soit l'applicateur des produits : professionnel (exploitant agricole, employé d'une entreprise agréée ou d'une structure non agréée (mairies, SNCF, golfs, parcs de loisir...) ou non professionnel (particulier) ; - soit le propriétaire (public ­ privé) du terrain traité qui effectue ou commande les traitements ; - soit les personnes exposées (applicateurs, ouvriers agricoles, groupes de personnes vulnérables, riverains, public, promeneurs) ; - soit le lieu : la parcelle traitée ou les zones à proximité de la parcelle traitée. 1.1. Des définitions complexes et un accès difficile à l'information 1.1.1. La définition des pesticides et des produits phytopharmaceutiques (PPP) Le présent rapport emploie une série de termes spécifiques, dont les définitions sont précisées par la réglementation. Pour éviter toute ambiguïté, ces définitions vont être rappelées dans ce chapitre. Le mot de pesticide est employé dans le langage courant, mais il s'agit d'un vocable polysémique. La définition retenue ici est celle l'article 3 de la directive 2009/128/CE pour une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable : « Aux fins de la présente directive, on entend par [...] « pesticide » : a) un produit phytopharmaceutique au sens du règlement (CE) no 1107/2009 ; b) un produit biocide comme défini dans la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 concernant la mise sur le marché des produits biocides. » 13 / 82 PUBLIÉ L'annexe 3 précise les différentes catégories de pesticides et leur articulation selon les réglementations communautaire et nationales. Les produits phytopharmaceutiques, qui sont l'objet de ce rapport, sont définis par l'article 2 du règlement 1107/2009 : « Le présent règlement s'applique aux produits, sous la forme dans laquelle ils sont livrés à l'utilisateur, composés de substances actives, phytoprotecteurs ou synergistes, ou en contenant, et destinés à l'un des usages suivants : a) protéger les végétaux ou les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou prévenir l'action de ceux-ci, sauf si ces produits sont censés être utilisés principalement pour des raisons d'hygiène plutôt que pour la protection des végétaux ou des produits végétaux ; b) exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, telles les substances, autres que les substances nutritives, exerçant une action sur leur croissance ; c) assurer la conservation des produits végétaux, pour autant que ces substances ou produits ne fassent pas l'objet de dispositions communautaires particulières concernant les agents conservateurs ; d) détruire les végétaux ou les parties de végétaux indésirables, à l'exception des algues à moins que les produits ne soient appliqués sur le sol ou l'eau pour protéger les végétaux ; e) freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux, à l'exception des algues à moins que les produits ne soient appliqués sur le sol ou l'eau pour protéger les végétaux. Ces produits sont dénommés « produits phytopharmaceutiques ». » Les produits phytopharmaceutiques sont souvent désignés par leur fonction : insecticides, fongicides, herbicides, acaricides, nématicides, rodenticides, taupicides, défanants, stimulateurs de défense des plantes, substances de croissance, etc. Ils peuvent être aussi désignés par leur nature : produit de synthèse, produit de biocontrôle ou substances de base ; ou bien comme des produits utilisables en agriculture biologique. L'annexe 6 sur les produits alternatifs aux produits de synthèse précise les définitions correspondantes. Le rapport recourt également aux notions suivantes définies dans l'article 3 du règlement 1107/2009 : « substances : les éléments chimiques et leurs composés tels qu'ils se présentent à l'état naturel ou tels qu'ils sont produits par l'industrie, y compris toute impureté résultant inévitablement du procédé de fabrication » ; « substance préoccupante : toute substance intrinsèquement capable de provoquer un effet néfaste pour l'homme, les animaux ou l'environnement et contenue ou produite dans un produit phytopharmaceutique à une concentration suffisante pour risquer de provoquer un tel effet. » Le rapport IGAS-CGEDD-CGAAER de décembre 2017 sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques examine ainsi une liste de substances préoccupantes. « préparations : les mélanges ou les solutions composés de deux ou plusieurs substances destinés à être utilisés comme produits phytopharmaceutiques ou adjuvants »; « mise sur le marché : la détention en vue de la vente à l'intérieur de la Communauté, y compris l'offre en vue de la vente ou toute autre forme de cession, à titre gratuit ou onéreux, ainsi que la vente, la distribution et les autres formes de cession proprement dites, sauf la restitution au vendeur précédent. La mise en libre pratique sur le territoire de la Communauté constitue une mise sur le marché au sens du présent règlement; « autorisation d'un produit phytopharmaceutique : acte administratif par lequel l'autorité compétente d'un État membre autorise la mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique sur son territoire. » 14 / 82 PUBLIÉ Tableau des différentes catégories de produits utilisés en zone agricole ou non agricole Source : Ministère de la transition écologique et solidaire, Ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Les substances qui entrent dans la composition des produits phytopharmaceutiques sont également utilisées pour la fabrication de nombreux autres produits qui composent la catégorie des pesticides. Aussi les études réalisées pour mesurer l'exposition des personnes à ces différentes substances, et leur impact sur la santé, sont-elles rendues très complexes et leurs résultats difficiles à analyser. Enfin, la mission observe qu'un nombre élevé de substances actives sont désormais interdites d'emploi en protection des plantes alors qu'elles sont toujours autorisées dans les biocides (cf. l'annexe 5 sur les substances actives dans les produits biocides) parfois dans l'environnement proche des personnes pour des usages domestiques : biphenthrine, brodifacoum, carbendazime, chloralose, chlorophacinone, difenacoum, diuron, fipronil, imidaclopride, métam-sodium, monolinuron, perméthrine, terbuthryne, thiacloprid, thiamethoxam, zinèbe... Dans ce contexte, la mission souligne l'intérêt et les enjeux des travaux en cours au sein de l'ANSES pour évaluer et maîtriser les risques liés aux produits biocides présents dans les différents compartiments : cosmétiques, air intérieur, vêtements, peintures, jouets, meubles... 15 / 82 PUBLIÉ 1.1.2. Une simplification indispensable de l'accès aux listes de produits L'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des établissements hébergeant des personnes vulnérables fait l'objet de restrictions définies par l'article L.253-7-1 du code rural et de la pêche maritime (détaillées plus loin dans le rapport). Mais il est précisé que ces exigences ne concernent pas les « produits à faible risque ou dont le classement ne présente que certaines phrases de risque4 déterminées par l'autorité administrative ». Selon le règlement 1107/2009 (art. 47), un produit « à faible risque » doit satisfaire les conditions suivantes : - des mesures spécifiques d'atténuation des risques ne se révèlent pas nécessaires à la suite d'une évaluation des risques ; - les substances actives, phytoprotecteurs et synergistes à faible risque qu'il contient ont été approuvés ; - il ne contient pas de substance préoccupante ; - il est suffisamment efficace ; - il ne provoque pas de souffrances ou de douleurs inacceptables chez les vertébrés à combattre ; - ses coformulants sont acceptables (ne figurant pas à l'annexe III du règlement). L'information concernant ces produits n'est pas facile d'accès (cf. l'annexe 6 sur les produits alternatifs aux produits de synthèse) : la liste des substances actives à faible risque est courte, et elle n'est accessible que par la base de données « Pesticides » de l'Union européenne. En janvier 2019, elle ne comporte que 13 substances, essentiellement des souches de micro-organismes utilisés en lutte biologique. la liste des produits phytopharmaceutiques à faible risque au sens du règlement 1107/2009 n'est accessible par la base de données E-PHY de l'ANSES qu'en passant par des critères de sélection. Les phrases de risque évoquées par l'article L.253-7-1 et qui permettent d'utiliser certains produits comme s'ils étaient classés « à faible risque » sont précisées par l'arrêté ministériel du 10 mars 2016 : « les produits sont utilisables comme les produits à « faible risque » si leur étiquette comporte exclusivement une ou plusieurs des phrases de risques suivantes : R50, R51, R52, R53, R54, R55, R56, R57, R58, R59 ou une ou plusieurs des mentions de danger suivantes : H400, H410, H411, H412, H413, EUH059 ». La mission observe que l'accès aux listes des phrases de risques est très difficile pour les non spécialistes, que les listes disponibles sont peu lisibles et encore moins compréhensibles. Ainsi, l'arrêté ministériel du 10 mars 20165 ne donne pas la signification des sigles ; il renvoie à l'arrêté ministériel du 9 novembre 20046, qui, dans l'article 26 du titre VIII portant sur la description de l'étiquetage, renvoie lui-même à deux textes : - l'arrêté ministériel du 20 avril 1994 (dont les dispositions ont été abrogées...) ; 4 Les phrases de risques définissent la nature des risques particuliers attribués aux substances et préparations dangereuses. Elles sont normalisées par la réglementation, et elles peuvent porter sur les risques physiques (incendie, explosion...), ou toxiques pour la santé humaine ou l'environnement. 5 https:/www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032259611&categorieLien=id 6 définissant les critères de classification et les conditions d'étiquetage et d'emballage des préparations dangereuses et transposant la directive 1999/45/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 1999, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, à l'emballage et à l'étiquetage des préparations dangereuses (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000005872402) 16 / 82 PUBLIÉ - l'annexe VI partie 3, du règlement (CE) n° 1272 / 2008 portant sur la classification et étiquetage harmonisés pour certaines substances dangereuses : la liste des mentions de danger H sont présentées dans une partie 1.1.2.1.2 Codes des mentions de danger en page 451 et le tableau présentant la liste des classifications et des étiquetages harmonisés des substances dangereuses figure ensuite, de la page 460 à la page 2014. De façon plus générale, l'ensemble des acteurs (riverains, utilisateurs, inspecteurs, etc.) peut aussi avoir besoin d'un accès simple à l'information sur les substances actives classées cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR) et perturbateurs endocriniens (PE). La mission observe les mêmes difficultés d'accès à l'information pour les personnes cherchant à mettre en oeuvre les dérogations aux interdictions et aux restrictions d'emploi fixées par les articles L.253-7 et L.2538 III du CRPM. Ces dispositions conduisent à chercher les listes de produits de biocontrôle, de produits à faible risque, de produits composés uniquement de substances de base, et de produits autorisés en agriculture biologique (cf. l'annexe 4 sur les dérogations aux interdictions d'emploi et aux restrictions d'usage dans les lieux fréquentés par le public, les enfants et les lieux d'habitation). La mission considère la simplification de l'accès à l'information pour le plus grand nombre comme un impératif pour améliorer le fonctionnement du dispositif. Pour pallier ces difficultés, la mission propose de recourir à la base de données E-PHY de l'ANSES, ce qui présente plusieurs avantages : - éviter des surcoûts en s'appuyant sur un outil existant, géré par des spécialistes aptes à mettre à la portée du public les données utiles ; - réduire également les risques d'absence ou d'erreurs de mises à jour, sachant qu'E-PHY est une extraction de la base de données employée par l'ANSES pour ses travaux. R1. Simplifier sur le site de l'ANSES (E-PHY), l'accès aux listes de substances actives et produits alternatifs aux produits de synthèse, et aux listes de substances actives et produits préoccupants. La base de données E-PHY de l'ANSES, qui présente le catalogue des produits phytopharmaceutiques autorisés en France, doit ainsi permettre un accès immédiat aux listes de produits bénéficiant de dérogations aux interdictions et restrictions fixés par les articles L.253-7, L.253-7-1 et L.253-8 III du code rural et de la pêche maritime. Plutôt que de passer par des critères de sélection, il est proposé d'afficher dès la page d'accueil des liens vers les listes de : produits de biocontrôle ; produits à faible risque ; produits composés uniquement de substances de base ; produits autorisés en agriculture biologique. De même, des liens directs doivent donner les listes de : substances actives classées CMR ou perturbateur endocrinien ; substances préoccupantes ; produits ayant les classements toxicologiques cités par l'article L.253-7-1 ; classes de dangers en les décodant. 17 / 82 PUBLIÉ 1.1.3. Personnes vulnérables, personnes présentes, résidents, riverains : des notions à préciser Les groupes vulnérables sont définis à l'article 3 du règlement 1107/2009 : « des personnes nécessitant une attention particulière dans le contexte de l'évaluation des effets aigus et chroniques des produits phytopharmaceutiques sur la santé. Font partie de ces groupes les femmes enceintes et les femmes allaitantes, les enfants à naître, les nourrissons et les enfants, les personnes âgées et habitants fortement exposés aux pesticides sur le long terme ». Dans le cadre des procédures de délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, l'exposition des personnes est évaluée en respectant les consignes du guide d'évaluation 7 de l'EFSA 8 . La méthodologie décrite permet d'évaluer l'exposition des opérateurs, des travailleurs agricoles, des personnes présentes et des résidents, pour les enfants et pour les adultes. Les critères d'acceptation d'un produit sont définis par le règlement 1107/2009, en particulier l'absence d'effet néfaste pour l'homme, et d'effet inacceptable pour l'environnement. En pratique, l'exposition évaluée est comparée à une valeur toxicologique de référence. Si le produit phytopharmaceutique n'est pas conforme à cette valeur de référence, l'autorisation de mise sur le marché n'est pas accordée. Parmi les personnes exposées, les personnes présentes et les résidents sont définis comme suit dans le guide de l'EFSA : « Bystanders are: persons who could be located within or directly adjacent to the area where PPP pplication or treatment is in process or has recently been completed; whose presence is quite incidental and unrelated to work involving PPPs, but whose position might lead them to be exposed during a short period of time (acute exposure); and who take no action to avoid or control exposure. Residents are: persons who live, work or attend school or any other institution adjacent to an area that is or has been treated with a PPP; whose presence is quite incidental and unrelated to work involving PPPs but whose position might lead them to be exposed; who take no action to avoid or control exposure; and who might be in the location for up to 24 hours per day (longer term exposure).» La traduction proposée est la suivante : les personnes présentes sont des personnes qui pourraient se trouver à l'intérieur ou à proximité immédiate de la zone où l'application ou le traitement avec des produits phytopharmaceutiques est en cours ou a été récemment terminé ; dont la présence est assez fortuite et sans rapport avec des travaux impliquant des produits phytopharmaceutiques, mais dont la position pourrait les exposer pendant une courte période (exposition aiguë) ; et qui ne prennent aucune mesure pour éviter ou contrôler l'exposition. les résidents sont des personnes qui vivent, travaillent ou fréquentent l'école ou toute autre institution adjacente à une zone qui est ou a été traitée avec un produit phytopharmaceutique ; dont la présence est assez fortuite et sans rapport avec le travail impliquant des produits phytopharmaceutiques mais dont la position pourrait les exposer ; qui ne prennent aucune mesure pour éviter ou contrôler l'exposition ; et qui pourraient être sur les lieux jusqu'à 24 heures par jour (exposition à long terme). 7 Guidance on the assessment of exposure of operators, workers, residents and bystanders in risk assessment for plant protection products. European Food Safety Authority. EFSA Journal 2014;12(10):3874. 24 April 2015. 8 EFSA : European Food Safety Authority ­ Autorité européenne de sécurité des aliments. 18 / 82 PUBLIÉ Dans le présent rapport, le terme de riverains est employé pour désigner les personnes habitant des lieux situés à proximité de parcelles traitées, au sens de l'article 83 de la loi EGALIM : « l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d'agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. » Toutefois, le Comité de suivi des autorisations de mise sur le marché de l'ANSES (CSAMM), dans son procèsverbal des réunions des 19 et 20 septembre 2018 souligne : « Le CSAMM a d'abord noté l'existence d'imprécisions dans les définitions des « personnes concernées » par l'exposition. La notion de riverain est floue au plan juridique. La notion de résident est précise mais recouvre des situations très variées quant aux distances possibles d'exposition. [...] Par ailleurs, les notions de « personnes présentes » et de résidents ainsi que de riverains sont inséparables de celle « d'espace concerné », ce qui peut poser des problèmes de droit. [...] Au total, on peut distinguer au moins quatre cas en fonction de la présence réelle ou probable de personnes en proximité de traitements : Zones de résidence publique de personnes avec présence permanente (écoles, EHPAD, hôpitaux...) ; Zones de résidence privée (pavillons, entreprises et zones Industrielles...) avec présence variable ; Chemins et sentiers privés avec présence non autorisée ; Passages privés avec autorisation ou droit de passage. » En mars 2019, l'ANSES a indiqué à la mission : « pas de définition à ce stade : nécessité de disposer du cadrage général réglementaire (mesure de gestion, définition, mesures d'atténuation...). » Les définitions des riverains et des autres personnes exposées doivent donc être clarifiées et précisées, notamment dans la perspective de conflits judiciarisés. Ainsi, les services juridiques de la SNCF9 estiment que la notion de « bâtiments habités » n'est pas définie dans la réglementation. Toutefois, d'autres réglementations donnent des définitions de notions approchantes à l'une desquelles on peut renvoyer ou dont on peut s'inspirer : la notion fiscale des bâtiments imposables à la taxe d'habitation ; la définition du code de la construction et de l'habitation (art. R. 111-1-1).10 1.2. Une réglementation nationale à simplifier et à compléter 1.2.1. Un cadre européen qui vise une réduction des risques et des effets des pesticides sur la santé humaine La directive 2009/128/CE instaure un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. Elle impose aux États-membres de veiller à ce que l'utilisation de pesticides soit restreinte ou interdite dans certaines zones spécifiques. Des mesures 9 SNCF Réseau utilise des herbicides pour le désherbage des voies ferrées et des pistes latérales pour des raisons de sécurité ferroviaire et des personnes (personnels et voyageurs). 10 Cf. Lien internet : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000021048627&cidTexte=LEGITEXT000006074096&date Texte=20130604 19 / 82 PUBLIÉ appropriées de gestion des risques sont prises et l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à faible risque sont envisagées en premier lieu (art. 12). Les zones spécifiques en question sont notamment les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables : entre autres, les parcs et les jardins publics, les terrains de sports et de loisirs, les terrains scolaires et les terrains de jeux pour enfants, ainsi qu'à proximité immédiate des établissements de soins. Ainsi, la réglementation européenne prévoit-elle clairement une réduction des risques et des effets de l'utilisation des pesticides sur la santé humaine. Elle évoque plus particulièrement la nécessité de prendre des mesures dans des lieux fréquentés par des personnes vulnérables ou vis-à-vis de personnes qui peuvent être exposées régulièrement aux pesticides. La directive 2009/128/CE prévoit en outre : de parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable en réduisant les risques et les effets des pesticides sur la santé humaine, et en encourageant le recours à la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et à des méthodes ou techniques de substitution, telles que les moyens non chimiques alternatifs (art.1) ; · la possibilité pour les États-membres d'appliquer le principe de précaution à la limitation ou à l'interdiction des pesticides dans des circonstances ou des zones spécifiques (art2) ; · des plans d'action nationaux pour fixer des objectifs quantitatifs, des cibles, des mesures et des calendriers en vue de réduire les risques et les effets de l'utilisation des pesticides sur la santé humaine et l'environnement et d'encourager l'élaboration et l'introduction de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et de méthodes ou de techniques de substitution en vue de réduire la dépendance à l'égard de l'utilisation des pesticides (art .4) ; · la mise en place des mesures nécessaires pour informer le public et promouvoir et faciliter des programmes d'information et de sensibilisation et la disponibilité d'informations précises et équilibrées concernant les pesticides pour le grand public, notamment les risques et les éventuels effets aigus et chroniques pour la santé humaine, les organismes non cibles et l'environnement résultant de leur utilisation (art.7.1) ; · des systèmes de collecte d'informations sur les cas d'empoisonnements aigus par des pesticides, ainsi que le cas échéant sur les développements d'un empoisonnement chronique, parmi les groupes pouvant être exposés régulièrement aux pesticides, comme les utilisateurs, les travailleurs agricoles ou les personnes vivant à proximité des zones d'épandage de pesticides (art. 7.2). Par ailleurs, la directive interdit les traitements par aéronefs (art. 9). Des dérogations peuvent être délivrées dans des conditions encadrées (transposée à l'art. L.253-6 CRPM). 1.2.2. Une évolution réglementaire de l'obligation de résultat complétée avec de plus en plus d'obligations de moyens La préoccupation du législateur de protéger les personnes des dérives de produits phytopharmaceutiques est ancienne. Ainsi, l'arrêté du 25 février 1975 fixant les dispositions relatives à l'application des produits antiparasitaires à usage agricole précise les exigences suivantes : « Article 2 : Sans préjudice des dispositions prévues par les arrêtés pris en application du code de la santé publique, toutes précautions doivent être respectées par les utilisateurs pour éviter l'entraînement des 20 / 82 PUBLIÉ produits vers les lieux énumérés ci-dessous, quelle que soit l'évolution des conditions météorologiques durant les traitements : a) Habitations, parcs et jardins ; [...] i) D'une façon générale, toutes propriétés et biens appartenant à des tiers. » Le point a) montre bien qu'il y avait dès 1975 une réglementation destinée à protéger les habitants riverains cités dans l'article 3 du règlement 1107/2009. Cet arrêté de 1975 a été abrogé par l'arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. La formulation est alors devenue : « Article 2 : Quelle que soit l'évolution des conditions météorologiques durant l'utilisation des produits, des moyens appropriés doivent être mis en oeuvre pour éviter leur entraînement hors de la parcelle ou de la zone traitée. Les produits ne peuvent être utilisés en pulvérisation ou poudrage que si le vent a un degré d'intensité inférieur ou égal à 3 sur l'échelle de Beaufort. » La formulation est devenue plus globale, mais le sens est le même : tout moyen doit être utilisé pour éviter que le traitement ne se disperse au-delà de la zone traitée donc éviter la dérive vers les habitations riveraines. Cet arrêté a été abrogé par l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, dont l'article 2 reprend le texte ci-dessus au mot près11. Manifestement, le législateur a considéré qu'un dispositif réglementaire fondé sur la seule obligation de résultat comme jusqu'en 2005, ne satisfaisait pas complètement les objectifs de protection des personnes exposées. La réglementation a évolué pour compléter cette obligation de résultat (absence de dérive du traitement au-delà de la zone traitée 12) par une obligation de moyens en imposant de plus en plus de mesures de protection : prise en compte de la vitesse du vent, mesures décrites par les arrêtés préfectoraux pour la protection des établissements, dispositions de la loi EGALIM envers les riverains avec des chartes départementales (cf. ci-dessous) 1.2.3. Une réglementation nationale complexe et peu lisible qui néglige l'obligation d'information du public prévue par la directive Au niveau national, les mesures prévues par la directive 2009/128/CE sont mises en oeuvre principalement avec : l'article L. 253-7 du CRPM qui prévoit que « (...) l'autorité administrative peut interdire ou encadrer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans des zones particulières, et notamment : 1° Sans préjudice des mesures prévues à l'article L. 253-7-1, les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables au sens de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 ; (...) ». l'arrêté du 27 juin 2011 relatif à l'interdiction d'utilisation de certains produits mentionnés à l'article L. 253-1 du CRPM dans des lieux fréquentés par le grand public ou des groupes de personnes vulnérables. Cet arrêté interdit l'utilisation des produits mentionnés à l'article L.253-1 CRPM 11 Arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants 12 Par convention, les termes habituellement utilisés (absence de dérive) le seront également dans le reste du rapport. 21 / 82 PUBLIÉ bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché, à l'exception des produits à faible risque ou ceux ne comportant que certaines phrases de risques [ici : ceux pouvant être toxiques pour les organismes aquatiques] : - dans tous les lieux extérieurs des établissements accueillant des enfants13 ; - à moins de 50 mètres des établissements de soins14 « sans que cette interdiction s'applique au-delà de la limite foncière de ces derniers ». l'article L. 253-7-1 du CRPM pour l'utilisation des mêmes produits phytopharmaceutiques dans et à proximité de ces mêmes lieux reprend ces interdictions de manière un peu différente que dans l'AM de 2011 puisqu'il prévoit l'interdiction d'utiliser ces produits dans les espaces habituellement fréquentés par les enfants autour des écoles, garderies, et dans les espaces verts. À proximité des lieux précédents ainsi qu'à proximité des établissements de santé et de soins, il permet l'utilisation de ces mêmes produits si des mesures de protection adaptées sont mises en oeuvre. Lorsque de telles mesures ne peuvent pas être mises en place, l'autorité administrative détermine une distance minimale adaptée en deçà de laquelle il est interdit d'utiliser ces produits à proximité de ces lieux : « À l'exclusion des produits à faible risque ou dont le classement ne présente que certaines phrases de risque déterminées par l'autorité administrative : 1° L'utilisation des produits mentionnés à l'article L. 253-1 est interdite dans les cours de récréation et espaces habituellement fréquentés par les élèves dans l'enceinte des établissements scolaires, dans les espaces habituellement fréquentés par les enfants dans l'enceinte des crèches, des haltesgarderies et des centres de loisirs ainsi que dans les aires de jeux destinées aux enfants dans les parcs, jardins et espaces verts ouverts au public ; 2° L'utilisation des produits mentionnés au même article L. 253-1 à proximité des lieux mentionnés au 1° du présent article ainsi qu'à proximité des centres hospitaliers et hôpitaux, des établissements de santé privés, des maisons de santé, des maisons de réadaptation fonctionnelle, des établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées et des établissements qui accueillent des personnes adultes handicapées ou des personnes atteintes de pathologie grave est subordonnée à la mise en place de mesures de protection adaptées telles que des haies, des équipements pour le traitement ou des dates et horaires de traitement permettant d'éviter la présence de personnes vulnérables lors du traitement. Lorsque de telles mesures ne peuvent pas être mises en place, l'autorité administrative détermine une distance minimale adaptée en deçà de laquelle il est interdit d'utiliser ces produits à proximité de ces lieux. En cas de nouvelle construction d'un établissement mentionné au présent article à proximité d'exploitations agricoles, le porteur de projet prend en compte la nécessité de mettre en place des mesures de protection physique. Les conditions d'application du présent article sont fixées par voie réglementaire. » 13 « cours de récréation et espaces habituellement fréquentés par les élèves dans l'enceinte des établissements scolaires ; espaces habituellement fréquentés par les enfants dans l'enceinte des crèches, des haltes-garderies et des centres de loisirs ; aires de jeux destinées aux enfants dans les parcs, jardins et espaces verts ouverts au public. » 14 « centres hospitaliers et hôpitaux ; établissements de santé privés ; maisons de santé, maisons de réadaptation fonctionnelle ; établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées ; établissements qui accueillent des personnes adultes handicapées ou des personnes atteintes de pathologie grave » 22 / 82 PUBLIÉ par ailleurs, la loi « LABBÉ »(II de l'art L 253-7) et l'arrêté ministériel du 27 juin 2011 viennent compléter ce dispositif sur d'autres aspects qui sont examinés en annexe 13. enfin, la loi EGALIM du 30 octobre 2018 prévoit des mesures de protection pour les personnes habitant à proximité des zones susceptibles d'être traitées avec un produit phytopharmaceutique, ce qui constitue un progrès en élargissant l'obligation de moyens, à la protection de toutes les personnes dans leurs lieux d'habitation (Cf. point 2.1). En résumé, le dispositif réglementaire comporte : un niveau communautaire qui évoque les groupes vulnérables dans le règlement (CE) n°1107/2009 d'application directe pour les États-membres, et les sites hébergeant des personnes vulnérables dans la directive 2009/128/CE ; un niveau national qui prévoit dans le CRPM des obligations envers les sites hébergeant des groupes vulnérables et, depuis la loi EGALIM, des obligations en vue de la protection des personnes vivant à proximité des zones traitées. Pour se conformer pleinement aux réglementations européennes, il reste à prévoir la mise en place des mesures nécessaires pour informer le public (cf. article 7.1 de la directive 2009/128 (CE). Ce dispositif règlementaire est complété par des plans nationaux et régionaux : Le plan interministériel ECOPHYTO 2 prévu par l'article L.253-6 CRPM fixe un objectif de réduction des quantités de PPP. La France est le seul État-membre a avoir adopté un tel objectif, les autres Etats membres ont plutôt opté pour une réduction des risques. En France l'objectif est de réduire le recours aux produits phytopharmaceutiques de 50% d'ici 2025, par de nombreux moyens dont l'amélioration des techniques d'application des produits phytopharmaceutiques et le développement de méthodes alternatives à leur utilisation. Le plan d'actions interministériel sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides a été publié le 25 avril 2018, et vient compléter le plan ECOPHYTO 2. La question des pesticides est également abordée à travers le plan national santé environnement 3 (PNSE3) (2015-2019) conformément à l'article L. 1311 du code de la santé publique et ses déclinaisons régionales. Le plan national santé environnement (qui gagnerait à associer les DRAAF dans la mise en oeuvre des Plans régionaux de santé) a pour ambition d'établir une feuille de route gouvernementale pour réduire l'impact des altérations de l'environnement sur la santé de la population française. Il est mis en oeuvre en lien avec le plan cancer, le plan santé travail ou Ecophyto, ainsi qu'avec la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Dans le cadre des actions conduites pour réduire l'impact sur la santé de l'utilisation des substances chimiques, il comprend de nombreuses actions concernant les pesticides : l'axe 1 porte sur les enjeux de santé posés par les pathologies en lien avec l'environnement. Les actions 13 et 14 ont permis d'identifier deux pesticides comme perturbateur endocrinien (isoprodione en 2015 et chlortoluron en 2016). l'axe 2 est relatif aux enjeux de connaissance des expositions (cf. point 3.1). 23 / 82 PUBLIÉ 1.2.4. Une clarification nécessaire de la réglementation sur les dérogations Les articles L.253-7, L.253-7-1 et L.253-8 III du code rural et de la pêche maritime fixent des interdictions d'emploi et des restrictions d'usage des produits phytopharmaceutiques dans et à proximité des lieux fréquentés par le public, les enfants et les lieux d'habitation. Ces mêmes articles fixent des dérogations selon les cas pour autoriser l'emploi de certaines catégories de produits. · pour l'article L.253-7, les dérogations concernent : o les produits de biocontrôle figurant sur une liste établie par l'autorité administrative ; o les produits qualifiés à faible risque selon le règlement n° 1107/2009 ; o les produits dont l'usage est autorisé dans le cadre de l'agriculture biologique ; · pour l'article L.253-7-1, les produits avec dérogation d'emploi sont : o les produits à faible risque ; o les produits dont le classement ne présente que certaines phrases de risque ; · pour l'article L.253-8 III, les produits cités sont : o les produits de biocontrôle mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 253-6 ; o les produits composés uniquement de substances de base ; o les produits composés uniquement de substances à faible risque au sens du règlement (CE) n° 1107/2009. L'annexe 4 détaille ces prescriptions sur les dérogations aux interdictions d'emploi et aux restrictions d'usage des produits phytopharmaceutiques dans les zones sensibles. La mission constate la difficulté d'appréhender globalement ces textes car les différentes catégories de produits cités varient fortement selon les cas. Cette hétérogénéité des articles contraste avec la volonté principale du législateur : permettre l'emploi de produits présentant peu de risques pour les personnes. Pour ces raisons, la recommandation suivante est formulée : R2. Harmoniser dans les articles du code rural et de la pêche maritime les catégories de produits bénéficiant de dérogations aux interdictions et restrictions d'emploi. Pour simplifier leur mise en oeuvre, une clarification des articles L.253-7, L.253-7-1 et L.253-8 III du code rural et de la pêche maritime est nécessaire pour harmoniser les catégories de produits bénéficiant de dérogations aux interdictions et restrictions d'emploi dans et à proximité des lieux sensibles. Il serait en particulier utile de citer de façon explicite dans tous les cas les produits de biocontrôle figurant sur la liste établie par l'autorité administrative. 24 / 82 PUBLIÉ 1.2.5. Une nécessaire simplification des textes En conclusion, la mission : constate la grande complexité et le manque de lisibilité d'une réglementation rédigée sur la durée au fil des préoccupations du moment, selon des références variables (applicateur, propriétaire, personne exposée, terrain), sans forcément de cohésion entre les textes, et suivie par 5 ministères s'interroge sur l'impact de ce manque de lisibilité quant à l'application de ces textes par les utilisateurs ; entend des professionnels agricoles exprimer le sentiment d'une réglementation trop lourde et trop complexe à mettre en oeuvre ; estime que l'information du public prévue par la directive 2009/128 (CE) n'est pas correctement mise en oeuvre (cf. au paragraphe 4.1). R3. Dans un objectif de simplification de la réglementation, mettre en cohérence l'ensemble des textes concernant ce domaine géré en interministériel. 25 / 82 PUBLIÉ 26 / 82 PUBLIÉ 2. Le dispositif pour la protection des établissements accueillant des personnes vulnérables n'est pas satisfaisant 2.1. La France continentale est presque totalement couverte par les arrêtés préfectoraux Concernant la couverture du territoire par les arrêtés préfectoraux, la mission a fait les constats suivants (cf. la carte ci-contre) : en France continentale, tous les départements sont pourvus d'un arrêté préfectoral sauf les Landes (pas d'arrêté prévu) ; en Corse-du-Sud et Haute-Corse, les arrêtés sont en préparation ; dans les DOM, aucun arrêté n'est publié, ni prévu. À la connaissance de la mission, aucune démarche contentieuse n'a été conduite contre les arrêtés préfectoraux destinés à la protection des établissements avec des personnes vulnérables. Le contexte est différent de celui des arrêtés de protection des cours d'eau à l'égard des produits phytopharmaceutiques, où 28 démarches contentieuses ont été notées. 2.2. Des arrêtés pris sur la base d'une instruction de la DGAL sujette à interprétation Un événement sanitaire a joué un rôle de déclencheur dans la création du dispositif actuel de protection des établissements avec des personnes vulnérables : Le 5 mai 2014, les élèves et l'institutrice de l'école de Villeneuve-de-Blaye (Gironde) présentent des symptômes à la suite de traitements15 réalisés sur les vignes qui entourent l'établissement. Une enquête est réalisée par les services de la DRAAF et de l'Agence Régionale de Santé (ARS), et ses conclusions sont remises le 14 mai 2014 au préfet. Un arrêté préfectoral est publié le 23 juin 2014 pour fixer des mesures destinées à préserver les établissements scolaires du risque d'exposition aux produits phytopharmaceutiques. Il est abrogé le 22 avril 2016 par l'arrêté actuel. Deux domaines viticoles, l'un conduit en conventionnel et l'autre en viticulture biologique, font l'objet d'une procédure par la DRAAF, mais le parquet de Libourne classe le dossier sans suite le 23 avril 2015. En 2016, l'affaire est relancée avec l'ouverture d'une information judiciaire contre X en cours d'instruction. En mars 2019, une audience a lieu devant le tribunal correctionnel de Libourne. À la suite de cet évènement, le législateur a souhaité renforcer la protection des personnes vulnérables dans la cadre de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAAF). Le CRPM est ainsi modifié par l'article 53 de la LAAAF pour créer l'article L. 253-7-1 qui fixe les modalités réglementaires du dispositif de protection des établissements avec des personnes vulnérables. En s'inspirant de l'expérience du premier arrêté préfectoral adopté en Gironde, la Direction générale de l'alimentation (DGAL) a publié le 27 janvier 2016 une instruction technique ayant pour objet l'application de mesures renforcées afin de protéger les personnes vulnérables lors de l'application de produits 15 « Le château Castel La Rose, en agriculture conventionnelle, avait utilisé les fongicides Eperon et Pepper; le château Escalette, en "bio", avait épandu de la bouillie bordelaise, de l'Héliocuivre et de l'Héliosoufre S ». AFP. Pollution aux pesticides: deux châteaux bordelais en procès. 19 mars 2019. 27 / 82 PUBLIÉ phytopharmaceutiques (cf. l'annexe 2) et présentée comme suit : « La présente note de service vise à préciser les mesures de protection pouvant être mises en place à proximité des lieux accueillant des personnes vulnérables, donner des indications sur les modalités de définition de la distance minimale adaptée, définir des mesures de protection physique en cas de nouvelle construction. Elle se veut une « boîte à outils » à la disposition des préfets de département afin de leur permettre d'appréhender les situations locales, en l'état actuel des connaissances ». Cette note de service est suivie le 3 février 2016 par une lettre circulaire de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à l'intention des préfets de département. Ce courrier précise : « J'ai pris bonne note de l'arrêté pris par le préfet de Gironde qui définit notamment, dans certaines conditions et à certaines périodes, une interdiction d'épandage à moins de 50 mètres des limites des établissements scolaires. Ces dispositions apparaissent comme une base de travail à valoriser dans le cadre des actions à mener. [...] Dans cette perspective, je vous demande que les arrêtés préfectoraux soient pris au cours du premier trimestre 2016, et que des plans de contrôle ciblés soient programmés dès le second semestre 2016, période où la fréquence des épandages de produits phytopharmaceutiques est la plus forte ». Les arrêtés préfectoraux actuellement en vigueur ont été publiés dans le prolongement de la note de service de la DGAL et de la lettre circulaire de la ministre en charge de l'écologie. Les arrêtés préfectoraux ont été pris suite à une injonction urgente et les DRAAF et DDT ont utilisé l'instruction DGAL comme modèle de mesures à appliquer partout parce qu'ils n'avaient pas d'autre référence alors que cette instruction n'était, selon ses propres termes, qu'une « boîte à outils » à la disposition des préfets. Force est de constater qu'elle n'insistait pas sur l'intérêt de combiner les mesures de protection et qu'elle laissait supposer que les dates et horaires de traitement pouvaient constituer à eux-seuls une mesure de protection. De plus, elle ne faisait pas le lien avec les autres textes réglementaires concourant au même objet, c'est-àdire la protection des personnes, notamment les personnes vulnérables, vis-à-vis de l'utilisation des produits mentionnés à l'article L. 253-1 du CRPM. Il n'a pas été établi de continuité voire de cohérence entre les mesures préconisées par cette instruction et les exigences des autres textes qui portent sur le même objet ou sur les mêmes lieux et publics. 2.3. Des projets d'arrêtés souvent proposés d'après un modèle régional La plupart des départements ont suivi un modèle régional élaboré par le Service régional de l'alimentation de la Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF-SRAL)16 sur la base des dispositions de l'instruction de la DGAL. Dès lors, l'adaptation à l'environnement local est questionnable. L'instruction de la DGAL laissait la possibilité de choisir entre les mesures indiquées ou de les combiner. À l'exception de la Bretagne, tous les projets régionaux ont opté pour des mesures de protection alternatives et non pour des mesures complémentaires : - dates et horaires de traitement en dehors de la présence des personnes vulnérables ; - haies anti- dérive ; - équipements permettant de limiter la dérive de produits ; 16 Le Service régional de la protection des végétaux, seul service compétent des DRAAF dans ce domaine, a servi de base pour la création du Service régional de l'alimentation des DRAAF lors de la réforme de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) en 2009. 28 / 82 PUBLIÉ - des distances minimales si aucune de ces mesures n'étaient considérées comme possibles ou efficaces : 5 mètres pour les cultures basses ; 20 mètres pour la viticulture ; 50 mètres pour l'arboriculture. Ces distances reprises le plus souvent sans modification de l'instruction DGAL font référence aux courbes de références de dérive de pulvérisation établies par RAUTMANN et al en 2001. Ces courbes n'ont pas été réactualisées depuis cette date. L'ANSES confirme qu'il n'est pas possible d'affirmer que le respect de ces distances suffit à protéger les riverains pour tous les produits utilisés. En effet ces abaques sont des moyennes du dépôt au sol des produits de traitement selon la distance par rapport à la zone d'application. Or la dispersion est différente selon la composition du produit et la quantité résiduelle lors de dérive peut présenter une dangerosité très variable selon la nature des produits utilisés. Ces distances constituent donc une référence moyenne qu'il convient de respecter par mesure de précaution a minima. En termes de présentation, il a parfois été choisi d'indiquer d'abord les distances minimales, puis les dérogations possibles en cas de recours à l'une des autres mesures de protection. Pour une même règle, la rédaction est très variable et souvent difficile à comprendre à la première lecture. Le champ des établissements sensibles a été repris tel quel par toutes les régions. De même, toutes les régions ont repris l'obligation pour le porteur d'un projet de construction d'un établissement accueillant des personnes vulnérables en bordure d'une parcelle pouvant faire l'objet de pulvérisation de produits phytopharmaceutiques, de prévoir une haie anti-dérive d'une largeur de 5 mètres. 2.4. Une consultation publique d'une durée limitée, quand elle a eu lieu, et peu de concertation Les projets régionaux prévoyaient généralement une consultation du public, mais pas de procédure de concertation au niveau départemental. L'élaboration et la signature des arrêtés ont rencontré peu de freins dans la mesure où une forte volonté politique s'est exprimée et où la concertation a souvent été réduite à une consultation du public sur le site de la préfecture, avec peu d'observations, voire aucune. Il n'y a pas eu de consultation du public dans environ 20% des départements où un arrêté a été pris (cf. annexe 8). Quand elle a eu lieu, la consultation du public a généralement été menée pendant la durée minimale de 21 jours. Dans des régions entières, il n'y a eu aucune observation. Lorsque des observations ont été formulées, elles ont rarement été prises en compte. Dans un département, le public a déploré que l'arrêté préfectoral soit en retrait par rapport à la charte préexistante pour la viticulture. Y compris dans les régions ou les départements qui se distinguent par l'existence de chartes, rares ont été les actions de concertation. Aucun texte cependant ne demandait aux préfets qu'une concertation soit engagée. Elles ont été menées le plus souvent avec la seule profession agricole. Dans quelques départements, ont été consultés soit la commission départementale d'orientation agricole, soit le conseil départemental de l'environnement, des risques sanitaires et technologiques (CODERST). Sur le terrain, la mission a pu constater que si les ARS avaient été souvent consultées au niveau régional, leur avis et préoccupations ont peu été intégrés dans les arrêtés préfectoraux. Sauf lorsqu'ils ont été communiqués à la mission, leurs avis ne sont pas accessibles. 29 / 82 PUBLIÉ 2.5. Des rédactions complexes et hétérogènes La rédaction des arrêtés a souvent contribué à rendre les règles encore moins intelligibles tout en prévoyant une protection minimaliste par rapport aux dispositions de la loi. La présentation des mesures et l'agencement des autorisations / interdictions d'épandages ont trop souvent nui à une bonne compréhension des règles. En effet, selon les cas, les arrêtés ont été rédigés selon différentes approches. On distinguera ici : les 3 mesures de protection citées par l'instruction de la DGAL : une haie (H), le matériel de pulvérisation (M) et les dates et horaires de non traitement (DHNT). les distances minimales prévues dans l'instruction de la DGAL (D), soit 50 mètres pour l'arboriculture, 20 mètres pour la viticulture et 5 mètres pour les cultures basses. Les différentes typologies d'arrêtés peuvent être schématisées comme suit : schéma n°1 : l'arrêté évoque d'abord les 3 mesures prévues par l'instruction de la DGAL (H, M, DHNT) et prévoit qu'à défaut, les distances D s'appliquent (exemple : Loire-Atlantique). schéma n°2 : l'arrêté énonce d'abord les dérogations horaires, c'est-à-dire les dates et horaires où ses propres dispositions ne s'appliquent pas, puis les distances à respecter en dehors de ces horaires (D) et enfin les cas où les distances sont réduites, c'est-à-dire en cas de haie H ou matériel M (exemple : Ardennes). schéma n°3 : l'arrêté énonce une interdiction pendant les horaires de fréquentation où les personnes vulnérables fréquentent les espaces de plein air (DHNT) puis précise qu'elle ne s'applique pas s'il existe une haie (H) ou un matériel adéquat (M), et indique enfin qu'à défaut, les distances D s'appliquent (exemple : département de l'Aube). schéma n°4 : l'arrêté distingue les établissements accueillant des enfants en énonçant une interdiction de traitement pendant les horaires sensibles (DHNT) et les autres établissements, pour lesquels il est possible de traiter si une haie H ou des matériels M ont été mis en place (exemple du département de l'Aude). schéma n°5 : l'arrêté distingue les différents types de cultures en adoptant un raisonnement différent : par exemple, pour les cultures basses de mesures de protection (H ou M), sinon la distance D (avec des DHNT pour les établissements accueillant des enfants) et pour l'arboriculture, la distance D, pouvant être réduite en cas de présence d'une haie H (exemple : département des Côtes d'Armor). schéma n°6 : l'arrêté prévoit des distances réduites en lien avec le matériel et son utilisation ; typiquement, si le matériel présente certaines caractéristiques (jet porté ou projeté) et que le jet soit dirigé dans la direction opposée à l'établissement (exemple : département de l'Allier). - - - - Ces schémas sont présentés et illustrés par des exemples dans l'annexe 8. En conclusion, il est clair que les arrêtés sont hétérogènes, mais ce n'est pas pour s'adapter aux situations de risques locales. Tous les interlocuteurs de la mission en région ont été unanimes pour souligner leur incapacité à faire une analyse de risques localement, et en déduire une adaptation des mesures. La complexité des approches rédactionnelles les rend difficiles à comprendre et à interpréter, ce qui génère des incertitudes quant aux règles à appliquer et ne permet pas toujours d'en percevoir les insuffisances quant au fond. 30 / 82 PUBLIÉ 2.6. Une interprétation minimaliste de l'instruction de la DGAL 2.6.1. ll n'existe quasiment jamais de distance de non traitement 24h/24 et 7j/7 à proximité des établissements accueillant des personnes vulnérables. Les arrêtés préfectoraux ont le plus souvent suivi les dispositions de l'instruction de la DGAL en appliquant les mesures de protection proposées de manière alternative, ce qui conduit à ce qu'il n'existe aucune zone de non traitement. Les exceptions sont rares : par exemple, pour les arbres fruitiers dans les départements bretons, où une distance minimale de 50 mètres (pouvant être réduite à 20 mètres s'il existe une haie) doit être respectée tout le temps. Le lien effectué entre horaires et distances entraîne comme conséquence une autorisation de traitement en deçà des distances minimales à proximité des établissements. Le contenu d'un grand nombre d'arrêtés peut être résumé par le tableau ci-dessous : Liens établis entre horaires et distances dans la plupart des arrêtés préfectoraux : Possibilité de traitement dans la zone de proximité 5 m ­ 20 m ­ 50 m pendant les horaires sensibles Lieux accueillant des enfants (écoles...) Interdit en dehors des horaires sensibles Autorisé Autres lieux (hôpitaux...) Autorisé mais subordonné à des mesures de protection locales Autorisé Source : mission Les mesures de protection locales consistent généralement à éviter la présence des personnes vulnérables dans les espaces de plein air au moment des traitements. De fait, la plupart des arrêtés conduisent à la situation suivante : les épandages de PPP sont autorisés jusqu'aux abords des établissements accueillant des personnes vulnérables si l'une des conditions suivantes est remplie : la présence d'une haie (les caractéristiques en sont le plus souvent précisées ou bien un renvoi à l'instruction de la DGAL est mentionné) ; l'utilisation d'un pulvérisateur figurant au bulletin officiel (BO) du ministère de l'agriculture auquel se réfère l'instruction de la DGAL ou répondant à certaines caractéristiques techniques décrites dans l'arrêté lui-même ; les personnes vulnérables ne sont pas présentes dans l'établissement et, parfois, il suffit qu'elles ne soient pas présentes dans les espaces de plein air de ces établissements. - 31 / 82 PUBLIÉ En conclusion, l'interdiction de traitement aux abords de l'établissement n'est valable que lorsque les personnes vulnérables sont présentes dans les espaces de plein air, sans respect des délais minimum de rentrée applicables pour les travailleurs agricoles dans les parcelles. Par exemple, le traitement peut avoir lieu 1 heure, voire 20 mn, avant l'entrée des enfants à l'école. Or, le délai de rentrée sur la parcelle après utilisation d'un PPP est de 6 heures sauf si l'autorisation de mise sur le marché prévoit un délai plus long (pouvant aller jusqu'à 48 heures)17. La mission considère donc ces dispositions insuffisantes et incohérentes dans le cas des établissements scolaires et notamment des écoles primaires (où il existe un risque supplémentaire d'exposition et de contamination « mains-bouches »). 2.6.2. Les spécificités des arrêtés ne relèvent pas d'une adaptation à des situations locales Les dispositions des arrêtés diffèrent sur les points suivants : certains départements se sont affranchis des dispositions de l'instruction de la DGAL en ce qui concerne les distances minimales à respecter (les six départements de Provence Alpes Côte d'Azur, le Tarn, le Gard et les Pyrénées-Orientales). les moments où le traitement est autorisé : du plus contraignant (pour les lieux accueillant des enfants, seulement en dehors des jours de fréquentation) au plus souple (y compris pendant les horaires de fréquentation du moment que les personnes vulnérables ­ même si ce sont des enfants - ne sont pas présents dans les espaces de plein air). l'existence et la durée d'une plage « de sécurité » avant l'ouverture ou après la fermeture des établissements accueillant des personnes vulnérables. Cette plage peut varier de zéro minute à une heure. la distinction faite ou non entre les lieux accueillant des enfants et les autres lieux accueillant des personnes vulnérables - - - Le cas des établissements accueillant des enfants en situation de handicap est rarement traité. Lorsqu'il est abordé, il n'est pas rattaché à celui des établissements accueillant des enfants mais à celui des centres de soins. la distinction faite ou non entre les établissements accueillant des personnes vulnérables une partie seulement de la journée ou en permanence (exemple : département de l'Aude). les types de matériels mentionnés : référence au BO du ministère de l'agriculture ou explicitation des types de pulvérisateurs : tracté, autotracté, de type « aéroconvecteur à jet porté », « voûte à jet porté », « face à face pneumatique ou jet porté », « voûte pneumatique ou voûte jet porté équipé de buses antidérive », « à jet projeté », « face à face à jet projeté équipé de buses antidérive ». La typologie peut de surcroît être différente selon les cultures (exemple : département de la Gironde). 17 L'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime détermine en son article 3 II que « sauf dispositions contraires prévues par les décisions d'autorisation de mise sur le marché, le délai de rentrée est de 6 heures ». 32 / 82 PUBLIÉ Dans un cas comme dans l'autre, le grand public n'a pas les moyens de décrypter si l'agriculteur utilise le matériel adéquat, sauf à devenir un spécialiste des matériels de pulvérisation. Il paraît dès lors très improbable que les services de contrôle soient appelés pour constater un manquement à la règlementation. - les lieux sensibles concernés : L'ensemble des arrêtés ont repris intégralement la liste de l'article L. 253-761 du CRPM. Certains départements ont complété la liste : maisons d'assistantes maternelles en Gironde, terrains de sport dans le Cher et le Finistère par exemple. En 2015 et 2016, des DRAAF avaient réalisé des systèmes d'information géographiques (SIG) pour cartographier la répartition des établissements sensibles jouxtant des parcelles agricoles. Mais ces outils n'ont pas été mis à jours après le déploiement du dispositif lié aux arrêtés préfectoraux. Depuis, des acteurs ont repris l'initiative d'établir une cartographie des lieux sensibles. En Gironde, par exemple, c'est le conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux qui a établi une cartographie des zones « sensibles » situées à proximité des parcelles de vignes. Dans la plupart des cas, les maires ont établi et parfois transmis une liste des établissements sensibles. Certains arrêtés préfectoraux leur en confient explicitement la charge. Ces données pourraient utilement enrichir un système d'information géographique (cf. point 4.3.2.). les sanctions : Les peines encourues sont rarement citées en cas de non-respect des dispositions des arrêtés. Les départements du Rhône et ceux de l'ancienne région des Pays-de-la-Loire mentionnent le recours aux sanctions pénales prévues à l'article L. 253-17 du CRPM. seuls certains arrêtés prévoient l'information du public (et ce, seulement par un affichage en mairie ou bien la responsabilité en est laissée aux maires). - - Ces différences tiennent à des écarts d'appréciation : - des distances utiles (exemple : départements de PACA) ; - des marges de sécurité utiles par rapport à la présence des personnes vulnérables (plages de sécurité variables avant ouverture / après fermeture, présence dans l'établissement ou présence dans les espaces de plein air) ; - des caractéristiques des matériels et de leurs conditions d'emploi ; - des lieux sensibles concernés ; - de l'opportunité de mentionner les sanctions pénales ; - de l'intérêt de prévoir des modalités d'information du public. Manifestement, ces données ne sont pas propres à des situations locales. Contrairement à l'objectif affiché par la loi, les mesures n'ont pas été adaptées à ces situations locales, mais déterminées sur la base d'éléments d'appréciation généraux, tels que la marge de sécurité de non-traitement avant la présence des personnes vulnérables dans les établissements par exemple. Ainsi, les disparités qui existent entre départements ne se justifient-elles pas, dans leur ensemble. En conclusion, la mission a constaté complexité et hétérogénéité dans les approches rédactionnelles des arrêtés, rendant encore moins lisible une règlementation elle-même complexe. Dans la majeure partie des départements, les dérogations aux distances non traitées en fonction des horaires annihilent l'esprit de l'instruction de la DGAL qui se proposait de constituer une « boîte à outils » de mesures de protection pouvant être combinées entre elles et complétées. Dans les faits, il n'existe quasiment jamais de distance 33 / 82 PUBLIÉ minimale de non-traitement à proximité des lieux sensibles. La plupart des différences de fond entre les arrêtés ne relèvent pas d'adaptations locales et devraient pouvoir s'apprécier au plan national au regard du niveau de protection à apporter aux personnes vulnérables. Sur la forme, seule une minorité d'arrêtés préfectoraux ont explicitement prévu que le maire rende public l'arrêté préfectoral. Des consultations en ligne que la mission a effectuées et des entretiens qu'elle a réalisés, il ressort que l'information du public, voire des acteurs impliqués (les maires eux-mêmes) sur les arrêtés est lacunaire. Enfin, rares sont les arrêtés qui mentionnent les sanctions prévues en cas de non-respect de leurs dispositions, ce qui nuit également à une bonne appropriation des règles. Pour ces raisons, la mission propose de transférer la définition de certaines règles au niveau national. La plupart des mesures proposées par l'instruction DGAL ont été reprises par les arrêtés préfectoraux, toutefois sans les combiner, ni les compléter. La mission propose donc de fixer un cadre de mesures de protection au niveau national, et de continuer à confier aux préfets les dispositions relatives aux dérogations. 2.7. Une circulaire interministérielle aux préfets pour des résultats plus efficaces La mission s'est interrogée sur l'idée de recourir à un arrêté interministériel plutôt qu'à une circulaire interministérielle. Cette dernière solution a été retenue car les articles L. 257-3-1 et D. 253-45-1 du code rural et de la pêche maritime stipulent que les distances de non traitement ne peuvent être déterminées que par les préfets. L'intérêt d'une circulaire aux préfets est notamment de procéder avec rapidité au lieu d'attendre une opportunité de modifier le code rural et de la pêche maritime. Contrairement à ce qui existe pour les cours d'eau, il n'existe pas de zone non traitée systématiquement obligatoire dans la réglementation sur les personnes vulnérables. Dans une logique similaire à celle qui a prévalu pour les cours d'eau, la fixation d'une distance de non-traitement systématique obligatoire permettrait de renforcer la sécurité des personnes vulnérables. R4. Adresser aux préfets une circulaire interministérielle recommandant une distance minimale sans traitement avec les produits phytopharmaceutiques sans aucune dérogation possible à proximité des établissements hébergeant les personnes vulnérables et des instructions complémentaires plus protectrices quant aux dispositions des arrêtés. Sans attendre les résultats des études en cours, la mission recommande qu'une circulaire interministérielle demande aux préfets de revoir le contenu des arrêtés préfectoraux pris en application de l'article L. 253-7-1 sur la base suivante : la fixation d'une distance minimale sans traitement avec les produits phytopharmaceutiques par rapport à la limite de la propriété riveraine sans aucune dérogation, quel que soit le type de culture et les mesures de protection. L'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) devra définir rapidement la distance adéquate. À titre provisoire, la mission suggère qu'elle soit d'au minimum 5 mètres à l'instar de la réglementation de protection des cours d'eau. 34 / 82 PUBLIÉ la fixation de distances minimales de non-traitement de 20 m pour la viticulture et de 50 m pour l'arboriculture, avec des dérogations possibles sur ces distances en fonction de critères de protection contre les dérives décrits dans les arrêtés préfectoraux ; un délai minimum de 6 heures et compatible avec le délai de rentrée fixée par l'arrêté du 4 mai 2017, entre la fin du traitement et la présence éventuelle des personnes vulnérables dans l'enceinte des établissements sensibles devra être respecté ; une liste d'établissements sensibles sera annexée, incluant les maisons d'assistantes maternelles ; l'information de tous les acteurs sur le contenu des arrêtés explicitement prévue : les arrêtés, accompagnés d'explications pédagogiques, devront être systématiquement publiés et facilement accessibles sur les sites des préfectures. Un canevas-type d'arrêté préfectoral permettant d'harmoniser et de simplifier la rédaction devra être annexé à la circulaire. Il intégrera notamment un article rappelant les sanctions encourues. L'instruction de la DGAL, mise à jour sur ces bases, sera également jointe à la circulaire. 2.8. Des mesures difficiles à contrôler, une surveillance manquant de réactivité et un système de sanctions imparfait 2.8.1. L'organisation des inspections L'organisation des inspections en lien avec la protection des établissements et des riverains est décrite dans le flux-gramme ci-contre. Les DRAAF jouent un rôle névralgique dans ce dispositif. Les flèches en rouges symbolisent : · les tensions entre agriculteurs et riverains ; · les tensions entre ARS et DRAAF. La mission s'est interrogée sur la possible participation des inspecteurs de l'environnement, en particulier les agents de l'Agence française pour la biodiversité, pour ce type de contrôle : dans le chapitre III du CRPM intitulé « Mise sur le marché et utilisation des produits phytopharmaceutiques », l'article L. 253-14 du CRPM sur les dispositions pénales relatives aux infractions précise : « Sont également habilités, pour procéder à la recherche et à la constatation des infractions aux dispositions relatives à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 172-4 du code de l'environnement, dans l'exercice de leurs fonctions ou attributions. ». Cette formulation englobe bien les dérives de PPP hors des parcelles vers les lieux habités (cf. article 2 de l'arrêté du 4 mai 2017). l'article L. 172-4 du code de l'environnement indique : « Les fonctionnaires et agents de l'État et des collectivités territoriales, et de leurs établissements publics, habilités à rechercher et à constater les infractions aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application exercent leurs compétences dans les conditions prévues à la présente section. Lorsqu'ils sont habilités à rechercher et à constater des infractions à d'autres dispositions législatives, les inspecteurs de l'environnement exercent leurs compétences dans ces mêmes conditions. » 35 / 82 PUBLIÉ l'article L. 131-8 du code de l'environnement précise le statut de l'Agence française pour la biodiversité : « Il est créé un établissement public de l'État à caractère administratif dénommé : " Agence française pour la biodiversité ". » Ces articles montrent que les agents de l'Agence française pour la biodiversité sont de fait habilités à constater les infractions liées aux dérives de produits vers les lieux habités. Organisation des inspections et circuits d'informations sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des établissements et des riverains Source : Mission 2.8.2. La programmation des inspections des DRAAF-SRAL Les DRAAF-SRAL réalisent des inspections en police judiciaire et police administrative pour vérifier la conformité à la réglementation de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Elles portent sur : · le contrôle de l'utilisation de ces produits par les utilisateurs dans les structures non soumises à agrément (agriculteurs et utilisateurs hors zones agricoles (mairies, SNCF, golfs, parcs de loisir...)). Il s'accompagne du contrôle au titre de la conditionnalité des aides pour le volet phytosanitaire chez les bénéficiaires de la PAC ; · le contrôle des entreprises agréées pour l'application professionnelle des produits phytopharmaceutiques ; périodique obligatoire réalisé par des entreprises agréées. Selon la directive 2009/128/CE, le taux 36 / 82 · l'inspection du matériel de pulvérisation. Il s'agit de vérifier le passage du pulvérisateur au contrôle PUBLIÉ de contrôle devrait être de 100% ; · le contrôle des entreprises agréées pour la distribution des produits phytopharmaceutiques ; · le contrôle et la surveillance des résidus de produits phytopharmaceutiques en production primaire végétale (productions fruitières, maraîchage, pomme de terre...). Dans les plans de contrôle régionaux annuels, les sites à inspecter sont : · programmés dans leur grande majorité, en appliquant les procédures définies au niveau national ; · non programmables et décidés en cours de campagne en fonction des informations parvenues aux DRAAF-SRAL : plaintes, signalement, communication d'informations par un autre service de contrôle (CCRF, douanes, gendarmerie...) dans le cadre des protocoles de coopération. La DGAL pilote les inspections des DRAAF-SRAL sur les produits phytopharmaceutiques. Une instruction technique principale porte sur le programme national de contrôle de l'utilisation des intrants. Elle décrit la procédure permettant de sélectionner les exploitations agricoles à contrôler en routine tout en respectant les exigences des textes communautaires, des contrôles sur la conditionnalité des aides PAC et de la méthode nationale d'analyse de risque. Elle précise le nombre de sites à inspecter dans chaque région selon différentes catégories : agriculteurs soumis à la conditionnalité, agriculteurs hors conditionnalité, zones non agricoles... Actuellement le danger que présente les traitements phytopharmaceutiques pour les personnes voisines des parcelles traitées ne figure pas dans l'analyse de risques de la DGAL. En conséquence ce critère de ciblage n'entre pas dans la fixation des contrôles programmés et le contrôle du respect des arrêtés préfectoraux n'est pas généralisé. 2.8.3. Les constats des inspecteurs de terrain Lors de ses déplacements, la mission a entendu les remarques suivantes sur la mise en oeuvre des inspections par les agents des DRAAF-SRAL et de la gendarmerie (OCLAESP18) : les distances de traitement fixées par les arrêtés préfectoraux permettent aux occupants des établissements hébergeant des personnes vulnérables d'objectiver leurs plaintes lorsqu'ils observent une pulvérisation trop proche. en revanche, les DRAAF-SRAL rencontrées s'accordent pour souligner que le respect de ces distances ne peut matériellement pas être vérifié a posteriori par les inspecteurs. Par ailleurs, la probabilité d'un flagrant délit permettant de constater le non-respect des distances de traitement est extrêmement faible. Afin de rendre vérifiables a posteriori le respect des distances de non traitement, il serait nécessaire de rendre obligatoires l'utilisation des GPS et la conservation de leurs données dans les parcelles jouxtant les zones sensibles. les bases de données sur l'inspection ne permettent pas de tracer spécifiquement les dérives, car il n'y a pas de code NATINF19 spécifique aux entraînements de produit hors de la parcelle, et les nonconformités20 sont enregistrées sous des libellés globaux de mésusages de PPP. 18 Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique de la Direction générale de la gendarmerie. 19 Un code NATINF désigne une nature (NAT) d'infraction (INF). C'est un code numérique qui permet de classifier les infractions selon leur définition. 20 Dans un domaine proche, pour les années 2016, 2017 et 2018, la gendarmerie (OCLAEPS) a enregistré une infraction relevant du code NATINF 30700 « Utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les espaces habituellement fréquentés par les enfants », 37 / 82 PUBLIÉ les plaintes des riverains constituent un facteur d'inspection, à condition d'identifier les cas effectifs de dérive parmi tous les messages reçus. les plaintes parviennent souvent aux DRAAF-SRAL assez longtemps après les faits, voire plusieurs semaines après. les appels reçus par les DRAAF-SRAL au sujet des traitements sont chronophages, mais ils relèvent le plus fréquemment de la demande d'information, et non du signalement d'une dérive. Souvent, ils n'ont pas de rapport avec l'application d'un produit de traitement des cultures (confusion avec des semis, des épandages d'engrais, des travaux du sol...). la conformité des pulvérisateurs, qui doivent être présentés au contrôle obligatoire auprès d'entreprises agréées, est un facteur majeur de maîtrise des dérives. Les inspections des SRAL pour vérifier cette conformité vont devenir d'autant plus importantes qu'à partir de 2020, la période de validité du contrôle obligatoire va être réduite de 5 ans à 3 ans. Par ailleurs, la France doit progresser vers le taux de 100 % de contrôle prévu par la directive 2009/128/CE. pour la formation des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques, le contrôle permet de vérifier la détention du Certificat individuel pour l'application de produits phytopharmaceutiques (CERTIPHYTO 21 ). En revanche, les inspections ne peuvent pas vérifier les compétences des utilisateurs dans le domaine du réglage des pulvérisateurs. Un autre dispositif doit être prévu dans ce domaine (cf. le chapitre sur la réduction des risques liés aux produits phytopharmaceutiques). La question des suites à donner aux infractions est problématique : en police judiciaire, les procédures avec une audience en Tribunal de Grande Instance sont chronophages, de même que les procédures transactionnelles. Les démarches contraventionnelles sont à examiner. en police administrative, le retrait du CERTIPHYTO, nécessaire pour acheter et utiliser les produits phytopharmaceutiques, paraît peu efficace, en raison de la facilité à obtenir un nouveau certificat. Il faudrait examiner les moyens de prononcer une mesure de suspension pendant 3 mois par exemple en lien avec l'examen de la situation de l'exploitation agricole. 2.8.4. Renforcer les contrôles sur les pulvérisateurs et les suites données aux signalements de dérive À ce propos, l'axe 1 du plan ECOPHYTO 2+ prévoit que « les contrôles des pulvérisateurs seront renforcés pour de meilleurs réglages et entretiens des matériels de pulvérisation, dans un triple objectif de limitation de la dérive, d'optimisation de la qualité d'application et de sécurité des utilisateurs. La formation des utilisateurs sera également renforcée. » et deux infractions relevant du code NATINF 30701 : « Utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité de lieux fréquentés par des personnes vulnérables sans mise en place de mesure de protection ». La DGAL n'a pas enregistré d'infraction sous ces codes NATINF. 21 Certificat individuel de produits phytopharmaceutiques : Afin de renforcer la formation à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, tout utilisateur ou distributeur de produits phytopharmaceutiques à des fins professionnelles doit posséder un certificat d'aptitude obligatoire. Le certificat doit également être présenté pour l'achat de pesticides à usage professionnel. 38 / 82 PUBLIÉ Dans la directive 2009/128/CE, le chapitre III sur le matériel d'application des pesticides précise dans article 8 : « Les États membres veillent à ce que le matériel d'application des pesticides utilisés par les professionnels fasse l'objet d'inspections à intervalles réguliers [...] Les inspections ont pour objet de vérifier que le matériel d'application des pesticides satisfait aux exigences pertinentes énumérées à l'annexe II, afin d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement. ». En France, le dispositif 22mis en place est fondé sur des organismes d'inspection agréés par les préfets de région pour appliquer la norme ISO 16122. Dans les exploitations agricoles, les DRAAF vérifient que les pulvérisateurs ont bien été soumis à ce contrôle. Dans cette logique, la mission recommande les actions suivantes d'une part pour renforcer les contrôles sur les pulvérisateurs, et d'autre part pour donner suite aux signalements de dérive (cf. chapitre sur la phytopharmacovigilance) : R5. Renforcer les moyens administratifs et juridiques des DRAAF-SRAL afin de leur permettre d'être plus efficaces dans l'exercice de leurs missions de contrôle. Les DRAAF-SRAL peuvent contribuer à augmenter l'efficacité du dispositif : rendre obligatoires l'utilisation du GPS et la conservation de ses données lors des traitements dans les parcelles jouxtant les zones sensibles, afin de rendre vérifiables a posteriori le respect des distances de non traitement ; donner les moyens de prononcer des suspensions de CERTIPHYTO pour une durée significative ; utiliser les procédures contraventionnelles pour la rapidité de la sanction ; organiser les DRAAF-SRAL et les liens avec les ARS pour donner suite aux signalements de dérive via des dispositifs de type PhytoSignal (cf. point 4.1.2.2.), afin de réagir rapidement et déclencher des inspections non programmées ; pour les inspections programmables : cibler dans la sélection les exploitations jouxtant des établissements sensibles et des zones habitées, en s'appuyant sur des SIG tenus à jour (cf. le chapitre 4.3.2.) ; lors des inspections dans ces exploitations, renforcer les inspections sur le contrôle obligatoire des pulvérisateurs. Si de nouvelles restrictions réglementaires d'emploi des produits phytopharmaceutiques sont adoptées pour la protection des personnes vulnérables, les protocoles d'inspections seront mis en cohérence ; prévoir parmi les inspections programmables en zone non agricole23, des contrôles concernant les jardins, espaces végétalisés et infrastructures. En particulier, les espaces verts des établissements avec des personnes vulnérables ne sont plus supposés utiliser de produits phytopharmaceutiques sauf quelques cas (arrêté du 27 juin 2011). La fixation d'un nombre d'inspections à réaliser dans ces sites dans la note de service sur le programme national de contrôle serait cohérente avec l'axe 4 d'ECOPHYTO 2+. Celui-ci précise pour les jardins, espaces végétalisés et infrastructures (JEVI) : 22 Évolution du dispositif de contrôle périodique obligatoire des pulvérisateurs de produits phytopharmaceutiques. Rapport CGAAER n° 16097. Mars 2017. 23 Les traitements de démoustication, ainsi que les opérations de désinsectisation dans les bâtiments publics, sont des utilisations de biocides, et non de produits phytopharmaceutiques. Pour cette raison, elles sortent du périmètre de la mission. 39 / 82 PUBLIÉ « le renforcement des contrôles pourra être un levier, notamment dans les secteurs dans lesquels les populations les plus sensibles peuvent être exposées » ; communiquer sur ces priorités et sur le bilan des inspections : chercher un effet démultiplicateur de l'effet des inspections en diffusant de l'information sur le renforcement de cette surveillance, avant et après ces contrôles, en particulier sur les non-conformités constatées ; demander aux organisations agricoles et aux organismes de conseil d'insister sur ces points de vigilance liés aux non-conformités lors des actions d'information et de formation sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Cette action peut s'inscrire dans les nouvelles missions24 des chambres d'agriculture transférées à titre expérimental. 24 Ordonnance no 2019-59 du 30 janvier 2019 relative à l'exercice et au transfert, à titre expérimental, de certaines missions dans le réseau des chambres d'agriculture. Article 3 : « 2° Un diagnostic portant sur leur exploitation, préalablement à une intervention des autorités de contrôle, visant à apprécier le respect par l'exploitant de ses obligations, au titre de la réglementation relative à l'identification des animaux, à la santé et à la protection animales, à la politique agricole commune, à la santé des végétaux et à la protection de l'environnement ». 40 / 82 PUBLIÉ 3. Les attentes pour la protection des riverains conduisent à élargir le champ de la réflexion 3.1. Les études en cours sur l'exposition des personnes Différentes études ont permis de mieux appréhender l'exposition des riverains aux PPP et l'éventuel impact de cette exposition sur la santé. La mission rappelle dans ce cadre qu'il n'existe pas de seuil de référence lié à l'imprégnation des personnes. Il n'est donc pas possible de tirer des conclusions quant aux risques liés aux concentrations retrouvées dans ces études. Par ailleurs, une saisine en date du 6 février 2019 par les ministères en charge de l'écologie, de la santé et de l'agriculture demande à l'ANSES un appui scientifique et technique sur les mesures de protection des riverains lors de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. L'ensemble des études et notamment l'expertise collective « Pesticides : les effets sur la santé » menée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) de 2013 mettent en évidence25 « des augmentations de risque significatives pour plusieurs pathologies en lien avec l'exposition des travailleurs et de leurs familles (cancer de la prostate, maladie de Parkinson, lymphome non hodgkinien, myélome multiple, atteinte du système nerveux central) ainsi que pour le développement du foetus et la petite enfance lors d'expositions au cours de la période prénatale et périnatale. Selon les modes de contamination, ce sont plus d'un million de professionnels de l'agriculture, la population des riverains et, plus largement, l'ensemble des consommateurs qui sont potentiellement exposés aux dangers que peuvent présenter les pesticides. Le Haut conseil de la santé publique (HCSP) rappelle que le coût en Europe des conséquences de santé de l'ensemble des pesticides via leurs mécanismes de perturbation endocrinienne est estimé à 120 milliards d'euros par an. L'utilisation des produits phytopharmaceutiques constitue aussi un enjeu majeur pour l'environnement. » Cette situation a conduit à une mission relative à la préfiguration d'un dispositif d'indemnisation des victimes de produits phytopharmaceutiques26. La mission considère qu'il serait utile pour une meilleure compréhension des parties prenantes de faire le point sur les conséquences qui ont été tirées de l'expertise collective de l'INSERM en termes de retrait de substances actives ou de produits du marché. Dans cette perspective, il serait également utile de mesurer l'impact du retrait de certaines substances ou produits sur le taux de prévalence des malformations congénitales identifiées comme liées à l'exposition de ces substances ou produits. Par ailleurs, un certain nombre d'études ont été lancées récemment au niveau national et européen pour mesurer l'exposition des personnes aux PPP et l'impact éventuel de cette exposition sur la santé. Tableau des recherches en cours sur l'exposition aux PPP Cibles Riverains Geocap Agri : Étude épidémiologique lien cancer de l'enfant et proximité avec les terres agricoles 2020 À la demande de la DGS. À partir de cas témoins ayant une pathologie cancéreuse, géolocalisation et évaluation de Échéance Commentaires 25 Utilisation des produits phytopharmaceutiques. Rapport IGAS-CGEDD-CGAAER de décembre 2017. 26 La préfiguration d'un fonds d'aide aux victimes de produits phytopharmaceutiques, rapport IGF ­IGAS ­ CGAAER, janvier 2018. 41 / 82 PUBLIÉ la densité de l'exposition. (SPF + INSERM) Étude d'imprégnation multi-sites chez des riverains de zones cultures agricoles. 1er volet 2021. À la demande de la DGS. (ANSES + SPF). Prélèvements chez 1 400 personnes exposées et 700 personnes non exposées. Étude couplée à des mesures environnementales de l'air (intérieur et extérieur) et des poussières des lieux de vie INSERM Actualisation de l'expertise collective de l'INSERM « Pesticides ­ effets sur la santé » de 2013 avec un accent sur le glyphosate et la chlordécone. Human Biomonitoring for Europe (HBM4E) 2020 1er volet 2017-2021 INSERM. Étude sur l'imprégnation des populations aux substances chimiques dans 28 États membres Actualisation de la note de l'ANSES de 201427 sur le dispositif réglementaire destiné à protéger les riverains des zones traitées avec des produits phytosanitaires Mères et enfants Étude PÉLAGIE (Perturbateurs Endocriniens : Étude Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l'Infertilité et l'Enfance) S OURCE : MISSION Avril 2019 En cours (période de l'adolescence) INSERM. Suivi d'environ 3500 mères-enfants en Bretagne depuis 2002. Dans l'attente des résultats de ces enquêtes et études en cours, la mission considère qu'elle ne dispose pas d'éléments suffisants et probants permettant de mesurer, sur une base scientifique, l'efficacité du dispositif actuel relatif aux arrêtés préfectoraux au regard de l'objectif de protection de la santé des personnes. Par ailleurs, il n'existe pas d'études sur la pertinence des mesures de protection. Une seule étude américaine a mesuré l'impact de mesures de protection sur l'exposition des riverains28. Dans ce contexte, les résultats des études en cours seront utiles pour évaluer l'exposition des personnes. Toutefois, ces résultats ne seront connus qu'à partir de l'année prochaine et s'étaleront jusqu'en 2021, voire au-delà. La mission considère dès lors que toutes ses recommandations sont provisoires et devront être revues à la lumière des résultats attendus. En outre, il paraît dès à présent indispensable d'initier une démarche d'analyse des risques liés à l'exposition des personnes vulnérables et des riverains aux produits phytopharmaceutiques. Cette démarche aura pour objectif de concevoir une méthode d'évaluation des mesures prises afin de répondre à l'objectif de protection instauré par la loi. Cette démarche devra être impulsée par les trois ministères chargés de 27 https://www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2013sa0116.pdf 28 Will buffer zones around schools in agricultural areas be adequate to protect children from the potential adverse effects of pesticide exposure?, Robert B. Gunier, Asa Bradman, Kim G. Harley, Brenda Eskenazi, PLOS Biology, décembre 2017. 42 / 82 PUBLIÉ l'agriculture, de la santé et de l'environnement. Elle pourra s'appuyer sur un groupe projet réunissant l'ensemble des parties prenantes et les compétences nécessaires à cette évaluation du risque tant au niveau national qu'au niveau local. Le groupe de travail n°3 « protection des populations et de l'environnement » réuni dans le cadre du plan Ecophyto sera utilement associé à cet exercice, afin d'en suivre l'état d'avancement et d'élaborer des propositions. L'efficacité des mesures de protection étant difficile à évaluer dans l'état actuel des connaissances, la mission insiste sur l'importance de mettre en place une stratégie de maîtrise des risques comportant une analyse d'impact de la non-connaissance de la distribution de ces risques sur la prise de décision, en particulier concernant l'exposition des riverains. 3.2. La comparaison avec la protection de l'environnement Les aspects concernant l'écotoxicité et les coûts liés aux pesticides sont précisés dans l'annexe 14 qui expose aussi des aspects liés aux mesures réglementaires et à leur financement. La mission observe que les autorisations de mise sur le marché (AMM) de certains produits phytopharmaceutiques sont accompagnées de : Zones de non-traitement (ZNT) par rapport aux points d'eau (ZNT aquatique) ; Zones de non-traitement par rapport aux zones adjacentes non cultivées au titre de la protection de la biodiversité (ZNT arthropodes non cibles, ZNT plantes non cibles). Les exemples ci-dessous sont des copies d'écran de la base E-PHY de l'ANSES sur les produits phytopharmaceutiques bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché (consultation en janvier 2019) : Exemple de ZNT aquatique et de ZNT arthropodes avec le TIDEL Exemple de ZNT aquatique et de ZNT plantes avec le DECANO 43 / 82 PUBLIÉ Actuellement, l'arrêté ministériel du 4 mai 2017 impose une zone non traitée d'une largeur minimale de 5 mètres pour l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants à proximité des points d'eau et cours d'eau (en complément des distances prévues dans les AMM). Il prévoit que des arrêtés préfectoraux dûment motivés soient pris pour définir ces points d'eau sous un délai de deux mois. Une mission interministérielle (environnement et agriculture) a été confiée au CGEDD et CGAAER pour évaluer la mise en oeuvre des dispositions de l'arrêté précité et du niveau de protection des points d'eau intégrant les cours d'eau de tête de bassin, fossés et plans d'eau. 3.3. La fixation par l'ANSES de zones de non-traitement à proximité des riverains dans les autorisations de mise sur le marché des PPP La mission a pris connaissance de l'existence de travaux en cours de l'ANSES pour définir des ZNT riverains. En application des guides de l'EFSA, ces distances minimales de traitements par rapport aux lieux d'habitation seront progressivement adoptées pour chaque usage de chaque produit phytopharmaceutique à mesure des renouvellements des autorisations de mise sur le marché. Des références manquent toutefois pour démarrer les procédures de détermination des ZNT riverains. En mars 2019, l'ANSES a précisé à la mission : « Ces ZNT devraient pouvoir être publiées d'ici quelques mois et si possible après adoption des dispositions réglementaires générales de cadrage de leur usage (définition, mesures de gestion possibles (réduction de la dérive, distance, type de pulvérisateur ? ...) ».. 3.4. La loi EGALIM élargit la protection aux riverains 3.4.1. Les nouvelles exigences de la loi EGALIM renvoient à des chartes départementales La loi EGALIM modifie l'article L.253-8 du CRPM : « l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d'agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. Ces mesures tiennent compte, notamment, des techniques et matériels d'application employés et sont adaptées au contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et sanitaire. Les utilisateurs formalisent ces mesures dans une charte d'engagements à l'échelle départementale, après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d'être traitées avec un produit phytopharmaceutique. Cette disposition entre en vigueur au 1er janvier 2020. « Lorsque de telles mesures ne sont pas mises en place, ou dans l'intérêt de la santé publique, l'autorité administrative peut, sans préjudice des missions confiées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de 44 / 82 PUBLIÉ l'alimentation, de l'environnement et du travail, restreindre ou interdire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones définies au premier alinéa du présent III. » Ces nouvelles dispositions conduisent à renforcer la protection des riverains, mais posent de nombreuses questions qui devront être traitées pour partie dans le décret d'application prévu par la loi. Trois questions apparaissent comme majeures : Tout d'abord, comment définir précisément la proximité des zones attenantes ? À quelle distance cette notion renvoie-t-elle ? La réponse ne pourra pas être locale et apportée par les préfets. Les instances scientifiques devront se prononcer dans l'état actuel des connaissances. Ensuite, comment peut-il être tenu compte, de manière opératoire, des techniques et matériels d'application ainsi que du contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et phytosanitaire ? Les acteurs locaux devront apporter des réponses en exploitant les connaissances liées au contexte de production et les informations de l'IRSTEA et des instituts techniques. Enfin, quel pourra être le mode de gouvernance du dispositif ? Cette question ouvre à son tour différentes interrogations : Quels acteurs participeront à l'impulsion, puis au pilotage du dispositif ? Comment la concertation sera-t-elle organisée ? Avec quels acteurs ? Dans quels délais ? Avec quelle prise en compte des avis ? Dans quelle mesure les chartes seront-elles opposables et quel sera le mode de règlement des litiges ? Comment la coexistence éventuelle de différentes chartes sur un territoire donné sera-t-elle gérée et par qui ? À l'inverse, dans quel délai considèrera-t-on qu'il y a carence de la part des utilisateurs ? Le constat de carence sera-t-il effectué et les mesures à appliquer seront-elles définies au niveau national ou au niveau départemental ? - - Au vu des constats ci-après effectués sur les chartes existantes, la mission propose des recommandations pour les conditions de réussite des chartes prévues par la loi EGALIM. 3.4.2. Les chartes existantes sont bénéfiques mais diverses dans leur portée En parallèle des arrêtés préfectoraux, certains territoires, peu nombreux, se sont organisés spontanément pour élaborer des chartes de bonnes pratiques. La mission a examiné un certain nombre de chartes départementales ou régionales déjà existantes, et rencontré les acteurs de ces engagements dans différents départements. Elle a également échangé avec plusieurs signataires du Contrat de solutions pour la protection des plantes, piloté par la FNSEA, et qui a été signé par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation le 25 février 2019. La fiche 36 du Contrat de solutions (version du 11 juillet 2018) recommande d'établir des chartes de bon voisinage, et propose une charte type (voir l'annexe 10). Ces documents insistent sur les enjeux du dialogue entre les acteurs du monde agricole et les associations de riverains ou de défense de l'environnement. L'intérêt d'une mutuelle reconnaissance des attentes est souligné, et en particulier les nécessités liées à la production végétale. En revanche, pour les mesures de protection, la charte type n'exploite pas les autres fiches du Contrat de solutions. Il n'y a pas d'impulsion vers des moyens alternatifs comme les produits de biocontrôle. De plus, les systèmes autres que l'agriculture conventionnelle comme l'agro-écologie et l'agriculture biologique ne sont pas mis en exergue. L'initiative des chartes est souvent locale (maire, 45 / 82 PUBLIÉ associations de riverains, profession agricole). La plupart des chartes dont la mission a eu connaissance sont nées à l'occasion d'un conflit entre agriculteurs et riverains. Elles ont rarement accompagné la signature des arrêtés. Lorsque cela a été le cas, la mission a constaté qu'elles n'allaient guère au-delà de la règlementation. Dans les départements où préexistaient des chartes, elles ne semblent pas avoir été prises en compte dans la phase d'élaboration des arrêtés, peut-être surtout en raison de l'urgence politique donnée au dossier. Les chartes existantes sont diverses à la fois par leur objet, par leur champ d'application, par le caractère plus ou moins ambitieux de leurs objectifs, par les parties prenantes associées ou signataires et par les moyens de pilotage ou de suivi qu'elles prévoient. Des champs d'application de portée variable L'objet des chartes est variable : il peut viser à établir simplement des bonnes relations de voisinage entre agriculteurs et riverains, ou plus spécifiquement à assurer la protection des personnes vulnérables accueillies dans les établissements qualifiés de sensibles, ou bien, de manière beaucoup plus générale, à maîtriser les risques santé / environnement des pratiques phytosanitaires. En outre, les chartes peuvent porter sur l'ensemble des cultures ou bien seulement une partie d'entre elles : pommiers dans le Limousin, viticulture dans le Bordelais et en Bourgogne, par exemple. Selon les cas, les chartes ont été élaborées au niveau régional, au niveau départemental ou au niveau infra-départemental. Elles peuvent éventuellement se superposer sur un même territoire. Ainsi, la charte départementale des bonnes pratiques agricoles et viticoles destinées à réduire les risques d'exposition de personnes vulnérables aux produits phytopharmaceutiques de Saône-et-Loire coexiste-telle avec la charte régionale des vins de Bourgogne. Trois objectifs centraux : améliorer les pratiques agricoles, améliorer la santé de la population et favoriser le dialogue Diversement formulés, les objectifs les plus souvent affichés dans les différentes chartes sont les suivants : - améliorer les pratiques agricoles ; - améliorer la santé des populations / assurer la sécurité des personnes vulnérables ; - favoriser le dialogue entre les parties prenantes et le bon voisinage. La charte régionale de la pomiculture du Limousin intègre également l'objectif de prévenir l'émergence de difficultés économiques pour la filière. L'élaboration et le suivi de certaines chartes sont pilotés par la profession agricole, d'autres par les services de l'État (préfets). Les représentants de la profession agricole ou les agriculteurs eux-mêmes font toujours partie des signataires. Le plus souvent, sont signataires également les maires ou les représentants des riverains. Il arrive parfois que l'État s'engage aussi (charte régionale des vins de Bourgogne ou charte départementale de Saône-et-Loire par exemple) ou qu'il patronne l'exercice (charte régionale des Pays de la Loire) ou encore que le président du conseil départemental figure parmi les signataires (charte départementale de bon voisinage de l'Oise). Enfin, la charte régionale de Bretagne prévoit un patronage de la concertation locale par les maires. Des engagements forts de la part des parties prenantes Les engagements des parties prenantes décrivent les actions à mener pour atteindre les objectifs. De manière générale, les parties prenantes s'engagent à promouvoir les chartes. Les professionnels s'engagent 46 / 82 PUBLIÉ à adapter leurs méthodes de travail, à trouver des solutions pour améliorer leurs pratiques et à communiquer. De manière pratique, la charte locale « Château Lamothe et riverains » prévoit par exemple que l'agriculteur prévienne ses voisins au plus tard la veille des travaux par un SMS (ou tout autre moyen simple et rapide choisi avec eux) et qu'il leur propose une réunion d'échange chaque année. Quant aux riverains, ils sont invités à se renseigner sur la proximité des activités agricoles avant de s'installer à la campagne et à conduire un dialogue constructif et courtois avec les autres parties prenantes. Les maires s'engagent à diffuser l'information, jouer un rôle de médiation, alerter le préfet en cas de difficultés. La charte régionale de la pomiculture du Limousin29 prévoit que les services compétents de l'urbanisme s'engagent à éviter le mitage rural. Enfin, dans la charte départementale de Saône-et-Loire, l'État s'engage à appuyer les concertations locales. Selon le niveau géographique où a été établie la charte et selon l'ambition qu'elle affiche, les engagements sont décrits de manière plus ou moins précise. Bilan périodique, clause de révision et indicateurs Par ailleurs, les engagements sont parfois assortis d'indicateurs. À ce titre, la charte régionale du Limousin et la charte du Château Lamothe de Haux sont particulièrement intéressantes (cf. annexe 11). Enfin, une majorité de chartes comportent une clause d'adaptation en fonction d'un bilan périodique. L'analyse des chartes existantes (en annexe 9) fait ressortir les points suivants : certaines chartes ne sont signées que par les acteurs du monde agricole, d'autres intègrent les maires, les représentants du conseil départemental, les services de l'État, les riverains ou leurs représentants. certaines chartes se contentent de relayer purement et simplement la réglementation. D'autres sont plus ambitieuses, tant par l'ampleur des aspects pris en compte, que par la fixation d'objectifs assortis d'indicateurs et par la mise en place d'un dispositif de suivi et de révision. - 3.4.3. Les facteurs clefs de succès pour les chartes départementales prévues par la loi EGALIM La loi EGALIM a introduit l'obligation, pour les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques, de formaliser des mesures de protection pour les riverains, dans une charte d'engagements à l'échelle départementale, après concertation avec les personnes ou leurs représentants. Il est donc d'autant plus utile de définir les conditions de réussite de la mise en place de tels outils. L'exercice d'élaboration et de suivi de chartes départementales visant à mettre en place des mesures de protection des riverains est donc désormais encadré par la loi, ce qui n'empêche nullement que d'autres chartes soient signées, à un niveau géographique différent ou de manière ciblée sur un type de culture (cf. infra). Cependant, il existe désormais une obligation de formaliser des mesures de protection à l'égard des riverains et, à défaut de charte départementale, l'autorité administrative pourra prendre des mesures de 29 Cf. http://www.correze.gouv.fr/content/download/17393/121022/file/charte_pomiculture_20170320_vSignee.pdf 47 / 82 PUBLIÉ protection. La loi donne ainsi une chance aux acteurs les plus concernés de se mettre d'accord afin que les mesures prises soient adaptées à la situation locale. Sur la base de l'analyse des chartes existantes et à la suite des entretiens menés avec les différents acteurs, la mission estime que la réussite de la démarche repose sur quatre piliers : la bonne volonté de l'ensemble des parties prenantes ; la qualité de la concertation, tant dans la phase d'élaboration que dans la phase de suivi ; la qualité du pilotage ; la communication. Les différentes parties prenantes doivent pouvoir trouver satisfaction dans le processus, ce qui signifie : des objectifs clairs sur le fond ; l'association de toutes les parties prenantes concernées à la concertation en amont et au pilotage de la charte ; la détermination et la mise en place d'outils de pilotage efficaces ; l'élaboration et la mise en place d'un dispositif d'information, de recueil des signalements et de règlement des différends. - Des objectifs clairs sur le fond : améliorer la protection des personnes ; améliorer les pratiques agricoles ; assurer une meilleure circulation des informations. Ces objectifs devront être soutenus par les engagements suivants des principaux acteurs concernés : engagement des organisations agricoles signataires à évoluer vers des pratiques agricoles réduisant l'exposition des riverains aux différents risques des produits phytopharmaceutiques ; engagement des associations de riverains signataires à relayer le contenu de la charte auprès des habitants et des parents d'élèves, et à faire circuler l'information depuis et vers le monde agricole ; engagement des représentants des maires et des intercommunalités à jouer un rôle de médiateurs et de pédagogues, et à élaborer des documents d'urbanisme appropriés pour réduire les risques d'exposition des personnes. - L'association de toutes les parties prenantes concernées qui le souhaitent à la concertation en amont et au pilotage de la charte, notamment : la profession agricole, représentée par la chambre départementale d'agriculture et les syndicats agricoles du département ; les représentants des applicateurs professionnels de produits phytopharmaceutiques en zone non agricole ; les organismes de formation agricole ; l'unité départementale des agences régionales de santé ; les associations de défense de l'environnement et de la protection de la santé des riverains ; 48 / 82 PUBLIÉ des représentants des maires des communes ou des intercommunalités concernées ; des représentants du Département ; des représentants de l'Éducation nationale lorsque des établissements scolaires sont en proximité des parcelles ; des directeurs d'établissements sensibles concernés ; les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) ; des représentants du corps médical ; le préfet de département. L'impulsion de la démarche peut avoir lieu à l'initiative de la profession agricole ou à défaut du préfet. La mission estime que le rôle du préfet est essentiel pour : engager ses services en faveur de la démarche ; être le garant de la légalité, de la mise en place et de la continuité du processus ; assurer au besoin une médiation et apporter un support aux éventuelles concertations locales ; garantir la cohérence de la charte avec le programme régional de mise en oeuvre du plan ECOPHYTO 2+. - La détermination et la mise en place d'outils de pilotage efficaces : Pour être convaincantes et garantir qu'un climat de confiance s'établisse entre la profession agricole et les riverains, les chartes doivent proposer : un plan pluriannuel de déploiement des mesures adoptées (comme en Bourgogne30) ; des indicateurs de mise en oeuvre, portant au minimum sur l'évolution des pratiques agricoles et des actions d'information conjointes agriculteurs-associations dans les écoles, les maisons de retraite, etc. ; un bilan annuel pour mesurer l'évolution vers une meilleure réduction des risques et poursuivre la concertation, au besoin par une révision des dispositions prévues ; ce bilan devra intégrer les résultats des inspections ; la réunion au moins une fois par an autour du préfet du comité de pilotage départemental regroupant l'ensemble des parties prenantes. Les données sur les progrès accomplis seront à diffuser non seulement vers le public, mais aussi vers les financeurs potentiels tels les Conseils Régionaux, etc. De façon réciproque, et pour marquer la cohésion du mouvement lancé, les associations de maires et les associations de riverains sont invitées à appuyer les démarches des organisations agricoles pour obtenir les financements nécessaires à cette évolution : actions de formation, renouvellement de pulvérisateurs pour des technologies réduisant les risques de dérive, conversion à l'agriculture biologique, mise en oeuvre de l'agroécologie, etc. 30 Charte régionale : engager nos terroirs dans nos territoires. Bien vivre ensemble sur nos territoires et maîtriser les risques santéenvironnement des pratiques phytosanitaires des vins de Bourgogne. Juillet 2017. 49 / 82 PUBLIÉ - L'élaboration et la mise en place d'un dispositif d'information, de recueil des signalements et de règlement des différends Afin d'assurer une bonne application de la charte, un plan de communication vers le grand public, les riverains et les établissements sensibles est indispensable. Il sera utile de le transmettre également aux financeurs potentiels. Ce plan devra porter sur le contenu de la charte, les actions d'information réalisées, et les progrès de l'évolution des pratiques agricoles dans les zones sensibles. La communication vers les habitants devra être simple et accessible. Elle devra notamment présenter : - les moyens retenus pour informer les riverains et les promeneurs ; - le dispositif d'alerte et de règlement des différends prévu. En cas de présence de plusieurs chartes sur un territoire, la charte la plus protectrice pour les habitants devra naturellement s'appliquer. À ce propos, le décret d'application de l'article 83 de la loi EGALIM devra prévoir explicitement que les chartes départementales prendront en compte les dispositions des chartes déjà en vigueur et ne pourront en aucun cas en minimiser la portée. En outre, il est souhaitable que les chartes départementales facilitent l'émergence de concertations dans des périmètres très locaux, mais aussi sur des bassins de vie ou de production au-delà des limites départementales, dans une logique de coordination interdépartementale ou régionale. Si le climat entre agriculteurs et riverains du département le nécessite, il pourra s'avérer utile de recourir aux services d'un médiateur (postes mutualisés au niveau de l'intercommunalité ou prestataires de service spécialisés dans la médiation). 3.4.4. Les conditions d'une bonne application de la loi EGALIM Les éléments clefs à mettre en place pour l'organisation autour des chartes départementales sont les suivants : · l'impulsion de la démarche vient de la profession agricole, ou à défaut du préfet ; · le préfet est le garant de la légalité et de la continuité du processus, de la cohérence avec le plan régional ECOPHYTO, et il joue un rôle de médiateur entre les parties ; · les objectifs de la charte doivent être clairs pour tous les acteurs : améliorer la protection des personnes par l'évolution des pratiques agricoles, par une meilleure circulation des informations et par l'intégration de ces besoins dans les décisions des élus ; · la concertation en amont et le pilotage de la charte associent tous les acteurs : le monde agricole, les applicateurs en zone non agricole, les maires, les associations, les administrations et les collectivités ; · la charte prévoit un dispositif de pilotage et de suivi. R6. Prévoir l'entérinement par le préfet des chartes départementales, sur la base de critères de validation définis dans le décret d'application de la loi EGALIM. La mission se prononce pour que les chartes départementales élaborées en application de la loi soient entérinées par le préfet de département afin d'apporter la garantie de leur légalité et de leur bonne mise en oeuvre. 50 / 82 PUBLIÉ Le décret d'application de la loi EGALIM devrait prévoir des critères de validation d'ordre public des chartes départementales : - la présence de mesures de protection allant au-delà de la règlementation ; - la présence d'un dispositif de pilotage prévoyant au moins la fixation d'indicateurs, une réunion annuelle sous l'égide du préfet et une clause de révision ; - la présence d'un dispositif d'information, de traitement des signalements et de règlement des différends ; - une concertation en amont avec toutes les parties prenantes concernées ; - la signature de la charte a minima par : o la chambre d'agriculture départementale ou des syndicats agricoles ou des organisations professionnelles de filières agricoles ; o des associations représentant les habitants (défense des riverains, défense des victimes, défense des consommateurs ou parents d'élèves, défense de l'environnement) ou les représentants des maires du département. Si aucune charte n'a été signée dans le délai d'un an, afin de répondre à l'exigence de la loi qui dispose que « l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d'agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux », la mission préconise que le préfet prenne un arrêté sur la base des dispositions reprenant l'ensemble des clauses prévues par le décret et la circulaire interministérielle révisant l'instruction de la DGAL. Il s'appuiera également, en tant que de besoin, sur la concertation qui aura été préalablement engagée. R7. Inciter les préfets, en cas d'absence de charte départementale dans un délai d'un an, à élargir l'arrêté préfectoral réglementant l'utilisation des PPP à proximité des établissements accueillant des personnes vulnérables à l'ensemble des zones habitées, dans l'intérêt de la santé publique. Compte-tenu de l'évolution à venir des connaissances, de la diversité des situations locales et des mesures de protection qui auront été prises d'ici là, la mission estime indispensable de réaliser un bilan à trois ans de l'élaboration et de la mise en oeuvre des chartes départementales et des arrêtés préfectoraux pris en application de la loi EGALIM, afin d'adapter le dispositif au besoin. R8. Prévoir dans le décret d'application de l'article 83-III de la loi EGALIM un bilan à trois ans de la mise en oeuvre des chartes départementales et des arrêtés préfectoraux. 3.5. Le cas des applicateurs professionnels dans les jardins, les espaces végétalisés et les infrastructures En raison des traitements qu'ils réalisent dans un contexte urbanisé dense, la mission a rencontré les représentants des applicateurs professionnels 31 de produits phytopharmaceutiques dans les jardins, les espaces végétalisés et les infrastructures (JEVI). Ceux-ci ont fait part de leur expérience pour la réalisation d'interventions phytosanitaires dans de bonnes conditions vis-à-vis des populations riveraines. 31 Union nationale des entreprises du paysage (UNEP), Association des applicateurs de produits phytopharmaceutiques (AAPP). 51 / 82 PUBLIÉ Ces professionnels mettent l'accent sur le caractère essentiel de la communication et de la pédagogie à l'égard des populations. L'encadrement réglementaire de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les JEVI, en particulier dans les lieux ouverts au public, impose un dialogue avec le donneur d'ordre qui doit assurer une communication à destination des usagers en amont des travaux, sur la nature du traitement, le délai d'éviction, le délai de réentrée, etc. La prescription suivante est formulée32 par les professionnels : « Il conviendra de prévoir un ensemble de solutions à combiner selon l'expertise de l'utilisateur de produits phytopharmaceutiques. À ce titre, les entrepreneurs du paysage prennent en compte de nombreux facteurs pour s'adapter à la vie quotidienne des populations autour du site et limiter à la fois le risque d'exposition tout autant que le dérangement du client lui-même, de son voisinage, des usagers ou intervenants extérieurs et des passants fortuits : choix du produit à utiliser et de la technique d'application ; choix du moment d'intervention, dans la saison, la semaine, la journée ; - communication en amont auprès du commanditaire avec recommandation d'une information large, avec parfois la charge à l'entreprise d`y procéder, en affichant dans la rue, en tractant dans les boites aux lettres, sur les lieux de traitements, dans la presse locale ou les supports d'information internes ; - fermeture du site le temps du traitement (délai d'exclusion) et du délai de réentrée ; choix du matériel pour limiter la dérive. » Ces différents principes peuvent être une source d'inspiration pour les usages agricoles, en particulier les actions d'information et de communication, pour créer de la confiance envers le public (cf. le chapitre sur les moyens simples d'information du public). L'annexe 18 montre des exemples d'avis de traitements en zone urbaine expliquant le motif et la nature des traitements réalisés. Les applicateurs professionnels soulignent les difficultés pour leur activité de se voir appliquer une réglementation essentiellement conçue pour les parcelles agricoles. Ainsi, l'application systématique par la réglementation de zones de non traitement à proximité des JEVI peut conduire à l'interdiction totale de traitement pour les paysagistes, qui ont peu de solutions techniques pour empêcher les dérives. À ce sujet, l'homologation des adjuvants anti-dérive rencontre des obstacles techniques quant à la mesure de leur efficacité. Pour examiner les dispositions à prendre, la mission signale deux points de vigilance : · les représentants des applicateurs professionnels en zone non agricole doivent être invités à la concertation en amont et au pilotage des chartes départementales (cf. le chapitre sur les facteurs clefs de succès pour les chartes départementales prévues par la loi EGALIM) ; · la création d'un sous-groupe dédié aux usages non agricoles des produits phytopharmaceutiques, au sein du groupe de travail n°3 « Protection des populations et de l'environnement » (mis en place par le plan Ecophyto), doit permettre de formuler des recommandations liées aux particularités des traitements dans les JEVI, et à la recherche de solutions. 32 Synthèse des échanges du 12 novembre 2018 entre le CGAAER, le CGEDD, l'IGAS, l'UNEP et l'AAPP. UNEP. 18 décembre 2018. 52 / 82 PUBLIÉ 3.6 Retour d'expérience européen Des plans d'action nationaux assortis de cibles claires et mesurables aident les États membres à informer les citoyens sur la bonne mise en oeuvre de la directive 2009/128 CE, avec des exigences complémentaires qui proposent des méthodes innovantes pour réduire les risques posés par les pesticides. Le rapport de la Commission européenne (COM 2017 ­ 587 final), dont la synthèse des éléments en lien avec la mission se trouve en annexe 12, conclut à l'existence d'importantes lacunes dans de nombreux domaines : pulvérisation aérienne, information du public, collecte d'informations relatives aux cas d'empoisonnement et mesures de protection du milieu aquatique. La lutte intégrée contre les ennemis des cultures (IPM) est notamment une pierre angulaire de la directive : absence de cibles claires et de recours plus généralisé à des techniques de gestion des terres telles que la rotation des cultures. Les États membres doivent fixer des cibles et des indicateurs spécifiques et mesurables pour une stratégie à long terme visant à réduire les risques et effets d'utilisation des pesticides. Un plan a été approuvé par le Conseil européen en juin 2016 sous présidence néerlandaise, pour accroître la disponibilité des produits phytopharmaceutiques à faible risque et accélérer la mise en oeuvre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures dans les États membres. L'une des actions complémentaires proposées prévoyait en 2016 que la Commission transforme le site web existant consacré à la directive en un portail renvoyant aux informations pertinentes disponibles sur l'IPM au niveau de l'Union et des États membres. En général, les États membres possèdent des systèmes pour collecter des informations sur les cas d'empoisonnement aigu par les pesticides, mais l'exactitude des données reçues doit être améliorée. Par ailleurs, les systèmes de collecte d'informations sur les cas d'empoisonnement chronique ne sont pas largement développés. Toutefois, la mission observe, qu'à ce jour, la Commission européenne n'a pas respecté certains engagements pris en 2017 : transformer le site web de la directive en un portail renvoyant aux informations pertinentes disponibles sur l'IPM au niveau de l'Union et des États membres. finaliser les orientations relatives à la surveillance, à l'étude des effets de l'utilisation des pesticides sur la santé humaine et l'environnement (fin 2017). mettre en place des systèmes de collecte d'informations sur les cas suspectés d'empoisonnement dû à des pesticides visés à l'article 24 du règlement UE n°2017/625. assister les États membres dans l'élaboration de méthodes visant à évaluer le respect des 8 principes de l'IPM conformément au règlement UE n°1306/2013. travailler avec les États membres en vue de parvenir à un consensus sur l'élaboration d'indicateurs de risques harmonisés et compléter l'annexe IV de la directive 2009/128 CE. diffuser des exemples de bonnes pratiques de mises en oeuvre au travers de groupes de travail et de formations, notamment dans le cadre du programme « Une meilleure formation pour des denrées alimentaires plus sûres ». 53 / 82 PUBLIÉ Exemples de bonnes pratiques européennes : Au-delà de l'action de l'Union en faveur de la durabilité33, la mission a identifié quelques bonnes pratiques d'États membres. Par exemple, l'Italie a développé une base de données depuis 2001 qui couvre les produits phytopharmaceutiques et les biocides gérée par l'institut supérieur sanitaire (ISS). Cet outil trie et analyse les données à travers la publication d'un rapport annuel. Le système de surveillance nationale des expositions dangereuses et intoxications aigues (SIN-SHEAP) a ainsi permis d'identifier sur 900 cas d'exposition aux pesticides par an (dont 2% de substances dangereuses) : 627 cas d'intoxication aiguë en 2013 et 614 en 2014 avec une majorité de cas non graves (84%). À noter que l'Institut du cancer de Toscane surveille la toxicité chronique des pesticides depuis 1978. L'information des riverains et agriculteurs (protection des cultures bio) est également très développée : installation de panneaux d'avertissement des cultures voisines, notamment sur les produits utilisés. En Allemagne, une loi précise la durée d'information du public pendant ou après utilisation des produits : barrières et panneaux d'avertissement. De nombreux pays taxent les produits pesticides pour financer le développement de cultures biologiques et la recherche (Allemagne, Danemark, Suisse, France, etc.). Des restrictions réglementaires sur les insecticides sont envisagées. L'Allemagne a même développé 28 indicateurs dans son plan d'action national qui concernent : l'environnement, la conformité des équipements utilisés, les produits phytopharmaceutiques interdits, les rendements des cultures traitées ou non traitées, la fréquence des traitements, l'information du public, etc. La Slovénie impose des distances modulables de zones de non traitement en tenant compte des équipements utilisés à travers une réglementation qui intègre les enjeux de protection des cours d'eau, des riverains et des abeilles. En France, la protection contre les produits phytopharmaceutiques de l'environnement et de la santé est encadrée par deux arrêtés préfectoraux distincts et bientôt une charte en application de la Loi EGALIM (voir tableau ci-dessous) : Produits phytopharmaceutiques Cours d'eau et captages d'eau potable Établissements accueillant des personnes vulnérables Riverains Arrêté préfectoral n°1 Arrêté préfectoral n°2 Charte Dans un objectif de simplification réglementaire au niveau départemental, la mission suggère aux groupes de travail Ecophyto et PNSE/PRSE de conduire une réflexion conjointe sur l'intégration de la protection de la santé et de l'environnement dans un arrêté préfectoral unique à l'instar des réglementations sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Cette piste de réflexion vise à éviter la gestion en silo par les administrations locales des pollutions diffuses et à rendre plus lisible son cadre réglementaire auprès des acteurs et du public. Elle a également pour objectif de réorganiser les services de contrôle et de créer un guichet unique d'alerte pour le public. Bien évidemment la gestion des risques de recours est à étudier par les groupes de travail au regard des procédures en cours à l'encontre de certains arrêtés départementaux. 33 Résolution du Parlement européen du 6 juillet 2017 sur l'action de l'Union pour la durabilité (2017/2009 INI). 54 / 82 PUBLIÉ 4. Réduire davantage l'exposition des riverains et des personnes vulnérables 4.1. Repenser la collecte et la diffusion d'information 4.1.1. Une priorité : mettre en place des moyens simples d'information des riverains Les arrêtés préfectoraux n'ont pas permis d'instaurer une concertation, un dialogue entre toutes les parties prenantes et n'ont souvent pas permis d'apaiser les tensions. Les signalements des riverains augmentent, même s'ils restent modestes dans la plupart des régions en termes de volume. Néanmoins, un certain nombre de plaintes sont déposées au tribunal et engendrent des expertises de l'exposome34 et de l'état de santé des personnes. Là où le dialogue a été réinstauré à l'initiative des agriculteurs, les tensions se sont immédiatement apaisées. En Gironde, un château viticole organise des réunions publiques en amont de la saison de traitement et informe le public sur le type de traitement utilisé et les résultats attendus. Par ailleurs, les riverains sont informés par SMS au moment des traitements. Des manches à air installés à des points stratégiques permettent d'informer en temps réel agriculteurs et riverains, de la force du vent et de la possibilité ou non de procéder à des traitements. L'information des résidents et des promeneurs et randonneurs par des panneaux rappelant les devoirs et les risques serait utile dans les endroits les plus significatifs. Cependant cette mesure est difficile à envisager vu l'immensité des territoires concernés. Cela a pourtant été fait à propos des anticoagulants utilisés contre les campagnols et est régulièrement pratiqué par les entreprises du paysage (cf. annexe 18). Cette problématique devrait aussi entrer dans les contenus de formation Certiphyto.35 Dans l'arrêté sur le métam-sodium pris en 201636 en Maine-et-Loire, l'article 6 prévoit l'information en mairie sur les périodes d'application. Cette information est donnée soit individuellement, soit collectivement, par les applicateurs du produit, aux maires des communes où sont situés les riverains des parcelles cultivées dans un rayon de 200 m. L'arrêté prévoit que les applicateurs peuvent également informer directement les riverains. Au-delà, les nouvelles technologies de l'information permettent de créer des groupes sur les réseaux sociaux ou de développer des applications pour smartphone dont l'objectif seraient d'informer sur les dates et lieux de traitement. Selon les caractéristiques du territoire et la volonté des parties prenantes, ces différents moyens d'information peuvent être utilisés alternativement ou de manière combinée et être inscrits dans les chartes (cf. chapitre 3) ou les arrêtés préfectoraux (cf. chapitre 2). R9. Prévoir et organiser dans les chartes ou les arrêtés préfectoraux des moyens simples d'information entre les agriculteurs, les maires et les riverains à l'approche et au moment des périodes de traitement de PPP. 34 Dans le domaine sanitaire, le concept d'exposome recouvre « l'ensemble des expositions (chimiques, physiques, biologiques, psychologiques et sociologiques) d'un individu tout au long de sa vie, dès la conception. L'exposome humain ne recouvre pas uniquement la description des expositions mais aussi leurs impacts sur la santé et les mécanismes impliqués ». Préfiguration du volet recherche du 4e Plan National de Santé Environnement (PNSE4), INSERM. 2018. 35 Comité de suivi des AMM de l'ANSES, réunion du comité numéro 2018-03, des 19 et 20 septembre 2018. 36 Arrêté DDT-SEEF-MMT n°2016-12-02 55 / 82 PUBLIÉ 4.1.2. La phytopharmacovigilance est un dispositif à renforcer afin de répondre aux inquiétudes des riverains et de mesurer les effets des PPP sur le territoire 4.1.2.1. Le cadre européen impose la mise en place d'un dispositif. Au niveau réglementaire, la directive 2009/128/CE instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable prévoit : « · la mise en place des mesures nécessaires pour informer le public et promouvoir et faciliter des programmes d'information et de sensibilisation et la disponibilité d'informations précises et équilibrées concernant les pesticides pour le grand public, notamment les risques et les éventuels effets aigus et chroniques pour la santé humaine, les organismes non cibles et l'environnement résultant de leur utilisation (art.7.1) ; · des systèmes de collecte d'informations sur les cas d'empoisonnements aigus par des pesticides, ainsi que le cas échéant sur les développements d'un empoisonnement chronique, parmi les groupes pouvant être exposés régulièrement aux pesticides, comme les utilisateurs, les travailleurs agricoles ou les personnes vivant à proximité des zones d'épandage de pesticides (art. 7.2). » 4.1.2.2. PhytoSignal : un exemple probant, pour l'instant limité à une région Sur le terrain, la mission a constaté à plusieurs reprises que les chefs d'établissement accueillant des personnes vulnérables, les riverains et même les élus locaux ne savaient pas à quelle autorité s'adresser lorsqu'ils constataient des dérives hors des parcelles lors de l'épandage de PPP. En Nouvelle Aquitaine, l'ARS a mis en place un dispositif pilote de recueil et de gestion des signalements liés aux épandages de pesticides (PhytoSignal). Ce guichet unique, sous la forme d'un numéro vert, permet de recueillir les signalements de dérive et d'exposition impropre des personnes aux PPP. Il a été mis en place en Aquitaine en 2014 et a été étendu à l'ensemble des départements de Nouvelle Aquitaine en 2016. Il associe la cellule d'intervention en région de Santé publique France (CIRE), l'Association agréée pour la surveillance de la qualité de l'air en Nouvelle-Aquitaine (ATMO Nouvelle-Aquitaine) et plus récemment le centre antipoison et de toxicovigilance (CAPTV), ainsi que la DRAAF. Les objectifs du dispositif sont de centraliser les signalements au niveau de l'ARS, de les décrire, de les comptabiliser et d'assurer une prise en charge et un suivi coordonné avec les acteurs compétents, et notamment la DRAAF. L'existence du dispositif a été communiquée à l'ensemble des maires de la région, elle n'a toutefois pas été communiquée aux médecins exerçant dans la région. 56 / 82 PUBLIÉ Source : Nouvelle Aquitaine, modifié par la mission Après un premier filtre, l'ARS renvoie les signalements de dérive hors des parcelles et d'exposition des riverains ou des personnes sensibles à la DRAAF. Selon le type de signalement, la DRAAF peut diligenter rapidement un contrôle sur le terrain. Le bilan des signalements montre une montée en puissance du nombre de signalements depuis la mise en place du dispositif en 2014. 96 signalements recueillis sur la période 2014-2017. Dans 48 des cas, un critère « réglementaire » est suspecté (vent fort, établissements sensibles, entraînement hors de la parcelle avéré). 63 signalements ont été transmis à la DRAAF. Le nombre de signalements semble en augmentation en Gironde : 26 signalements reçus en 2018 (contre 16 en 2017, 19 en 2016). Les annexes 16 et 18 montrent des exemples de signalements et de fiche PhytoSignal d'enregistrement. Dans un cas de violation réglementaire indiscutable (épandage par grand vent), la DRAAF a saisi la justice et a obtenu la condamnation de l'agriculteur incriminé à 15 000 d'amende. Même s'il s'agit d'un cas isolé et que la procédure est complexe à mener, cette condamnation a eu un effet dissuasif. Les ARS d'autres régions, sensibilisées à la problématique des PPP, envisagent de reprendre le système de PhytoSignal. 57 / 82 PUBLIÉ 4.1.2.3. Le dispositif national de phytopharmacovigilance piloté par l'ANSES peine à être connu Dans le cadre de sa mission de suivi des effets sur la santé humaine et des expositions, le dispositif de phytopharmacovigilance, piloté par l'ANSES, est en lien avec les Centres anti-poisons et de toxicovigilance de toutes les régions, le réseau Phyt'attitude de la Mutualité sociale agricole et l'Agence nationale de santé publique France (Santé Publique France). Il a été développé depuis 2017. Il s'agit d'un dispositif unique en Europe par l'aspect intégré du recueil d'informations, aussi bien les alertes sur la biodiversité que sur la santé humaine. Les autres États membres ont conçu des dispositifs spécifiques (par exemple concernant les résidus sur les aliments ou les eaux de surface). Ce dispositif recueille les signalements d'intoxication aiguë par le biais des centres anti-poison. Toutefois, la transmission des alertes mérite d'être améliorée car lors des intoxications répétées dues au métamsodium en Pays de la Loire, la cellule de phytopharmacovigilance de l'ANSES n'a pas été prévenue. Les remontées de signalements par les différentes sources sont complétées par une voie directe par le biais d'un portail de signalements des événements sanitaires indésirables, hébergé par le site du Ministère de la santé et des solidarités37. D'après les constats de la mission, ce portail de saisine directe n'est pas spécifique aux PPP et les cas d'intoxications liées aux PPP mériteraient d'être indiqués plus clairement. Lors de ces déplacements sur le terrain, la mission a constaté qu'à l'inverse de PhytoSignal, ce dispositif de phytopharmacovigilance piloté par l'ANSES n'était pas connu des parties prenantes. Il n'est pas relié à PhytoSignal. Il ne reçoit pas non plus les signalements recueillis par des dispositifs créés par les associations, type PhytoVictimes38. Sur les cas d'intoxications chroniques, la cellule de pharmacovigilance se base sur le résultat des études épidémiologiques lancées par Santé publique France ou l'INSERM et le réseau Phyt'attitude de la MSA39. Le réseau Phyt'attitude a été créé en 1991 par la Mutualité sociale agricole. Il est composé de médecins du travail, de conseillers en prévention et d'experts toxicologues. Il recense, analyse et valide les informations sur les accidents ou incidents survenus lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques. Phyt'attitude fonctionne sur le principe de la déclaration volontaire d'événements indésirables par les utilisateurs de ces produits. La mission considère que la cellule pourrait développer d'autres méthodes de collecte d'informations sur les intoxications chroniques. Les informations collectées par ces différents canaux servent à alimenter la direction des évaluations de l'ANSES, lors du renouvellement des autorisations de mise sur le marché. Une mission plus générale d'information des pouvoirs publics et du public pourrait être assignée à cette cellule. La mission considère qu'un dispositif de collecte des signalements au niveau national est essentiel mais que le dispositif actuel peine à se développer et à se faire connaître et ce malgré un budget conséquent40. Sans le remettre en cause, ce dispositif mérite d`être priorisé au sein de l'ANSES afin d'être connu de toutes les parties prenantes et relié aux différents dispositifs d'alerte existant. 37 https://signalement.social-sante.gouv.fr/psig_ihm_utilisateurs/index.html#/accueil 38 Phytovictimes est liée à l'association Générations futures et recueille les signalements des agriculteurs. Ils suivent actuellement 400 dossiers d'intoxication par les PPP. 39 Mutualité sociale agricole. Base Phyt'attitude. Bilan des observations du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014. 40 Enveloppe annuelle de 4 millions - 12 ETP. 58 / 82 PUBLIÉ 59 / 82 PUBLIÉ R10. Organiser au niveau régional sur tout le territoire un guichet unique de recueil des déclarations de dérives de PPP et d'exposition des personnes, sur le modèle du dispositif PhytoSignal en Nouvelle Aquitaine. Relier ces guichets uniques au dispositif de phytopharmacovigilance de l'ANSES. 4.1.3. Ouvrir l'accès des registres de traitements aux chercheurs sous couvert de l'anonymat Il existe une obligation légale d'inscrire les PPP utilisés dans les exploitations agricoles dans un registre de traitements. L'arrêté du 16 juin 2009, en application des règlements sanitaires n° 852/2004 et n° 183/2005, prévoit dans son article 2 : « I. L'exploitant tient le registre de façon méthodique et chronologique. Notamment, les données sont consignées par parcelle de culture définie d'une part par ses coordonnées GPS, cadastrales ou du réseau parcellaire graphique (RPG), et d'autre part par son emblavement. Par emblavement, on entend l'espèce et la variété cultivée. Le cas échéant et dans le cas d'organismes génétiquement modifiés, l'identifiant unique sera précisé. Le registre est renseigné dans un délai raisonnable eu égard à l'information en cause. II. L'exploitant peut y porter des mentions autres que celles mentionnées à l'article 1er, à condition que cela ne porte pas atteinte à la lisibilité du registre. Les informations contenues dans le registre doivent figurer sur un support garantissant leur pérennité et leur intégrité. Le registre est conservé pendant une durée de cinq ans suivant l'année de prise en compte de l'enregistrement de la dernière information. Il est tenu à disposition des autorités de contrôle pendant la durée prescrite. » L'archivage des registres de traitements est de 5 ans minimum. Les autorités de contrôle peuvent accéder à ces données en l'absence de démarche volontaire. L'article 3 précise le contenu de ce registre : « Les exploitants mentionnés à l'article L. 257-1 du code rural doivent en particulier tenir des registres concernant : 1° Toute utilisation de produits phytopharmaceutiques et biocides, notamment les informations suivantes : Etc. » Il n'existe pas de modèle officiel de registre pour les traitements phytosanitaires. Vu la très grande diversité des pratiques agricoles selon les filières de production, il serait difficile de faire un modèle unique. En revanche, les Chambres d'agriculture diffusent des modèles locaux de registres. De plus en plus d'exploitants utilisent aussi des registres parcellaires informatisés, qui enregistrent les données sur les traitements. Les inspecteurs ont les pouvoirs de police pour demander une extraction papier ou fichier de ces données. le nom complet de la spécialité commerciale utilisée pour chaque traitement ; les quantités et doses de produits utilisées exprimées en grammes/hectare, kilogrammes/hectare ou litres/hectare ; la date de traitement ; la date de remise en pâture après traitement. 60 / 82 PUBLIÉ La mission a constaté qu'à part les autorités de contrôle, les cahiers d'épandage n'étaient pas accessibles. En particulier, les chercheurs et scientifiques missionnés pour mesurer l'exposition des riverains autour des exploitations agricoles n'ont pas accès à ces données, ce qui complique d'autant les recherches. R11. Permettre l'accès aux registres de traitements dans les exploitations agricoles aux chercheurs et scientifiques dans le cadre de recherches liées à l'exposition des personnes aux PPP. Étendre la durée de l'archivage des registres de traitements de 5 à 10 ans minimum. 4.2. Faire des exploitations proches des zones habitées une priorité et un territoire d'excellence pour réduire les risques 4.2.1. Des mesures renforcées pour réduire l'exposition des lieux sensibles La réduction des risques liés aux produits phytopharmaceutiques implique des innovations techniques, de la formation, et du conseil permettant une évolution vers une agriculture plus économe en intrants de synthèse. Mais elle implique aussi un changement de système de production notamment grâce à la conversion vers l'agriculture biologique. Dans ces domaines, l'objectif pour la mission n'est pas de paraphraser le plan ECOPHYTO 2+, mais de : souligner les dispositifs opérationnels pertinents pour la protection des établissements avec des personnes appartenant aux groupes vulnérables, et des riverains ; formuler de propositions pour aider les décideurs afin de renforcer les mesures de sécurité envers les personnes exposées. Les pistes proposées pour atteindre ces objectifs relèvent de différentes catégories : 1. Stimuler les alternatives aux produits de synthèse dans les parcelles jouxtant des établissements et des riverains ; 2. Supprimer dans les itinéraires techniques agricoles les substances actives préoccupantes pour la santé ; 3. Moderniser le parc de pulvérisateurs, développer leur réglage, leur contrôle, et les bonnes pratiques de pulvérisation ; 4. Réduire les quantités de produits appliqués pour réduire les dérives ; 5. Déployer les obstacles physiques aux dérives : haies, filets, adjuvants. 4.2.1.1. Stimuler les alternatives aux produits de synthèse dans les parcelles jouxtant des établissements et des riverains Le plan d'actions sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides prévoit de « renforcer les actions de recherche vers la mise en oeuvre d'alternatives opérationnelles et durables » et « d'accompagner les exploitations agricoles dans la transition pour réduire les quantités et mettre en oeuvre les solutions alternatives en favorisant les approches collectives ». 61 / 82 PUBLIÉ Dans ce domaine, la mission propose, lorsque les demandes dépassent les enveloppes disponibles, d'examiner les leviers permettant de donner la priorité pour les aides, les formations et les conseils aux exploitations à proximité des établissements et des lieux d'habitation, pour : accélérer la conversion à l'agriculture biologique et ne plus employer de produits de synthèse dans les zones sensibles. Même si les produits antiparasitaires employés en agriculture biologique ne sont pas tous dénués de dangers, l'exposition globale présente sensiblement moins de risques. favoriser l'implantation de variétés résistantes aux maladies lorsqu'elles existent, en particulier de cépages résistants au mildiou et à l'oïdium et aux cultivars résistants à la tavelure du pommier, principaux motifs des traitements sur ces cultures. L'acceptation de ces variétés résistantes dans les cahiers des charges des signes de qualité, sans porter atteinte aux caractéristiques des produits, aurait un effet favorisant. développer l'utilisation de produits de biocontrôle, de substances de base et de produits à faible risque lorsque des alternatives aux produits de synthèse existent. aider le recours à des entreprises de prestation de service pour réaliser les traitements avec des produits de biocontrôle, des substances de base, des produits de l'agriculture biologique demandant une technicité particulière. stimuler l'utilisation de robots désherbeurs (sarclage, traitements ultra-localisés, enceintes de pulvérisation confinées) dont l'usage débute sur le terrain, mais en étant vigilant sur l'acceptabilité sociale de ce type de matériels. 4.2.1.2. Supprimer dans les itinéraires techniques les substances actives préoccupantes pour la santé Dans le plan ECOPHYTO 2+, l'axe 3 porte sur l'évaluation et la maîtrise des risques et des impacts. À ce titre, l'action « 13.2 Agir concrètement à faire reculer les risques liés à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques » prévoit d'« accompagner la substitution des produits contenant des substances préoccupantes pour la santé ». Cette disposition précise que « la substitution des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) et des perturbateurs endocriniens (PE) par des substances moins dangereuses, en particulier de biocontrôle, sera encouragée dans les entreprises, en particulier dans les très petites, petites et moyennes entreprises et chez les exploitants, en les dotant notamment des outils appropriés (formation, outils d'aide à la décision). ». En raison d'une part de la concentration de personnes vulnérables dans les établissements tels que les écoles et les établissements de santé, et d'autre part de la dispersion des personnes vulnérables dans les lieux d'habitation, la mission propose d'examiner les pistes suivantes : · interdire l'emploi des substances actives classées CMR et perturbateurs endocriniens (PE) par l'ANSES, et pour lesquelles des substitutions existent, dans les parcelles à proximité des établissements hébergeant des personnes vulnérables et à proximité des riverains; · donner la priorité aux exploitations voisines de lieux d'habitation et d'établissements sensibles, pour les actions destinées à permettre aux agriculteurs la substitution des CMR et PE, et les aides financières possibles pour compenser le coût des dispositifs, des produits alternatifs aux substances de synthèse et les éventuelles pertes de revenu ; dans le cadre de la séparation vente-conseil prévue par la loi EGALIM 41 , imposer un conseil 41 Article 88 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. 62 / 82 PUBLIÉ technique spécifique pour les agriculteurs dont les parcelles jouxtent des établissements sensibles et des lieux d'habitation pour orienter les pratiques vers les produits de substitution et les méthodes alternatives ; lors des formations du Certificat individuel pour l'application des produits phytopharmaceutiques (CERTIPHYTO), insister sur les pratiques fondées sur les produits de substitution et les méthodes alternatives. 4.2.1.3. Moderniser le parc de pulvérisateurs, développer leur réglage, leur contrôle, et les bonnes pratiques de pulvérisation Dans le plan ECOPHYTO 2+, l'axe 1 s'intitule « Agir aujourd'hui et faire évoluer les pratiques », avec une action « 1.2 Renforcer la place des agroéquipements de nouvelle génération et des outils d'aide à la décision ». Il est précisé : « Le Plan Écophyto II+ permettra d'aider les agriculteurs à investir dans des agroéquipements dont la performance à la fois économique, environnementale et sociale aura été démontrée à l'issue d'une évaluation indépendante. » Effectivement, un grand nombre des acteurs rencontrés par la mission ont présenté la maîtrise de la pulvérisation comme un levier essentiel pour la réduction des risques liés aux produits phytopharmaceutiques. Ce constat s'applique aussi aux producteurs en agrobiologie, en particulier les viticulteurs, et aux utilisateurs de produits de biocontrôle. Les objectifs à atteindre sont les suivants : moderniser le parc de pulvérisateurs avec du matériel réduisant les dérives de produits ; améliorer le réglage des pulvérisateurs ; développer les bonnes pratiques de pulvérisation. Moderniser le parc de pulvérisateurs avec du matériel réduisant les dérives de produits Pour le matériel de pulvérisation, la mission propose d'examiner les pistes suivantes : interdire la vente à court terme des matériels présentant le plus de risques de dérive, tels les pulvérisateurs de type canon ; interdire l'utilisation dans un délai à fixer des matériels présentant le plus de risques de dérive dans les exploitations à proximité des établissements sensibles et des riverains. En raison du coût élevé des appareils anti-dérives, une telle mesure doit être accompagnée d'un dispositif d'aide pour : cofinancer l'acquisition de matériels réduisant le risque de dérive, en définissant les appareils éligibles avec l'aide de l'IRSTEA et des Instituts techniques : dispositifs de confinement, panneaux récupérateurs, appareils d'application face par face... aider le recours à des entreprises de prestation de service pour l'application des traitements avec du matériel réduisant les risques de dérive ; favoriser les actions de partage du matériel réduisant les risques de dérive pour les exploitations concernées : CUMA, entraide entre agriculteurs, prêts de matériels, voire dispositifs relevant de l'économie collaborative agricole42 pour le partage des ressources entre les exploitations. donner la priorité aux exploitants des parcelles voisines de lieux d'habitation, pour les aides favorisant l'acquisition et l'emploi de pulvérisateurs réduisant les risques de dérive de produits. 42 #CoFarming Fest : le festival de l'économie collaborative au service de l'agriculture du 24 janvier 2018. https://agriculture.gouv.fr/cofarming-fest-le-festival-de-leconomie-collaborative-au-service-de-lagriculture. Consulté le 8 janvier 2019. 63 / 82 PUBLIÉ L'objectif est d'éliminer de manière progressive les pulvérisateurs les moins performants en s'appuyant notamment sur le dispositif des CEPP et le plan d'investissement (recommandation 4 du rapport43 de décembre 2017). développer les travaux pour un dispositif de notation et de classification des pulvérisateurs selon le risque de dérive, à l'image des travaux de l'IRSTEA en vigne. L'intérêt de cette classification est de fournir un référentiel aux agriculteurs et aux pouvoirs publics. Améliorer le réglage des pulvérisateurs Il est proposé de mettre en oeuvre les recommandations de la mission44 sur le contrôle des pulvérisateurs (reprises dans l'annexe 6 du rapport45 de décembre 2017) : associer l'acte de contrôle périodique obligatoire à une prestation de réglage et de formation au réglage des pulvérisateurs, avec l'appui d'acteurs locaux proposant des solutions adaptées, et sous le pilotage d'une structure ensemblière46 ; faire du rapport d'inspection remis par les organismes de contrôle agréés un élément exigible pour les dossiers de demandes d'aides publiques, dans le cadre d'une stratégie de résultat pour augmenter le taux de contrôle ; permettre aux distributeurs de capitaliser des certificats d'économie de produits phytosanitaires (CEPP) dès lors qu'ils contribuent, financièrement ou logistiquement, à des opérations de contrôle ­ réglage ; donner une place significative à la pulvérisation dans les formations initiale et continue (CERTIPHYTO) ; mobiliser les crédits du plan ECOPHYTO pour encourager des opérations collectives promouvant le réglage des pulvérisateurs, et conduisant les agriculteurs sur la voie d'une montée en compétence vis-à-vis de la pulvérisation. Développer les bonnes pratiques de pulvérisation Pour les bonnes pratiques d'application des traitements, outre le réglage des pulvérisateurs, la mission souligne l'intérêt de promouvoir les actions suivantes : à proximité des riverains, déployer les pratiques de pulvérisation permettant de réduire la dérive hors des parcelles agricoles : buses anti-dérives, adjuvants réducteurs de dérive, fermeture des sorties d'air du côté des riverains, vitesse d'avancement, pression, distance entre diffuseurs et cible, GPS avec arrêt automatique de la pulvérisation en bordure de parcelle, etc. ; implanter des manches à air systématiquement près des établissements sensibles, et autant que possible près des lieux d'habitation, à l'image des pratiques recommandées en Limousin47. 43 Utilisation des produits phytopharmaceutiques. Rapport CGEDD-IGAS-CGAAER de décembre 2017. 44 Évolution du dispositif de contrôle périodique obligatoire des pulvérisateurs de produits phytopharmaceutiques. Rapport CGAAER n° 16097. Mars 2017. 45 Utilisation des produits phytopharmaceutiques. Rapport CGEDD-IGAS-CGAAER. Décembre 2017. 46 Une structure ensemblière identifie les synergies possibles entre les acteurs et organise les compétences pour réaliser un projet. 47 Charte pour une arboriculture « Pommes du Limousin » mieux intégrée à son environnement. 20 mars 2017. 64 / 82 PUBLIÉ 4.2.1.4. Réduire les quantités de produits appliqués pour réduire les dérives L'axe 1 du plan ECOPHYTO 2+ se donne l'objectif suivant : « inciter les exploitants agricoles à adopter des pratiques concourant à la diminution de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ». Dans les parcelles proches des lieux sensibles, il est proposé de : encourager l'implantation des cultures les plus faiblement consommatrices de produits phytopharmaceutiques dans ces zones ; développer les pratiques agricoles moins consommatrices en intrants, notamment relevant de l'agroécologie, identifiées par le réseau de fermes DEPHY du plan ÉCOPHYTO. utiliser des drones 48 pour l'application de précision des produits phytopharmaceutiques si les expérimentations prévues par la loi EGALIM49 s'avèrent concluantes quant à la maîtrise du risque de dérive. intégrer dans les cahiers des charges des signes de qualité des pratiques réduisant significativement le recours aux produits phytopharmaceutiques. Par exemple, le Comité national de l'INAO a validé, le 6 septembre 2018, les nouveaux cahiers des charges des 27 appellations d'Anjou-Saumur, qui introduisent l'interdiction du désherbage chimique total. Désormais, seuls les rangs de vigne peuvent être désherbés chimiquement. 4.2.1.5. Déployer les obstacles physiques aux dérives : haies, filets, adjuvants. L'aménagement du territoire passe aussi par la plantation de haies comme prévu par l'article L.253-7-1 du code rural et de la pêche maritime, et l'installation de filets anti-dérive. Lors de ses déplacements, la mission a entendu les remarques suivantes : des filets anti-dérives ont été testés par l'Institut Français de la Vigne et du Vin en Gironde : voir l'annexe 15 sur un essai montrant un facteur de réduction est compris entre 2 et 3 pour les quantités déposées de produit. Des équipements de 3 à 4 mètres de haut sont commercialisés à cet effet ; ces filets permettent de mettre en place rapidement un dispositif pour réduire les dérives, mais leur impact sur le paysage du point de vue des riverains pose problème et cette solution ne peut être pérenne ; l'installation de haies anti-dérives présente des bénéfices pour le maintien ou l'amélioration de la biodiversité. Mais des questions sont posées sur le choix des espèces à planter en fonction des régions (feuillage persistant, hauteur...), sur le mode de conduite et sur l'entretien pour obtenir la meilleure efficacité contre les dérives ; les expérimentations et les autorisations sur les adjuvants anti-dérives doivent être développées. 48 Utilisation des drones pour la protection des végétaux. Pour des simplifications nécessaires de la réglementation autorisant l'application de produits de biocontrôle respectueux de la santé humaine, animale et de l'environnement. Rapport de l'Académie d'Agriculture de France. Juin 2018. 49 Article 82 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. 65 / 82 PUBLIÉ En résumé, les propositions suivantes sont formulées. R12. Faire des parcelles proches des zones sensibles une priorité pour la réduction des risques de dérive : stimuler les alternatives aux produits de synthèse, supprimer les substances actives préoccupantes pour la santé, moderniser le parc de pulvérisateurs, réduire les quantités de produits, déployer les obstacles physiques aux dérives. Faire des parcelles proches des zones sensibles une priorité pour la réduction des risques de dérive : stimuler les alternatives aux produits de synthèse : conversion à l'agriculture biologique, implantation de variétés résistantes, emploi de produits de biocontrôle, de produits classés à faible risque, de substances de base, recours à des entreprises de prestation de service pour appliquer ces produits, robots désherbeurs... supprimer dans les itinéraires techniques les substances actives préoccupantes pour la santé : interdire l'utilisation des CMR et PE pour lesquels des substitutions existent, imposer un conseil technique spécifique sur les substitutions, développer la substitution dans les formations CERTIPHYTO... moderniser le parc de pulvérisateurs, développer leur réglage, leur contrôle, et les bonnes pratiques de pulvérisation. Interdire les ventes à court terme des pulvérisateurs présentant le plus de risques de dérive, et dans un délai à fixer leur utilisation près des zones sensibles, avec un dispositif d'accompagnement. réduire les quantités de produits appliqués pour réduire les dérives : implanter les cultures les plus faiblement consommatrices de produits, appliquer les pratiques agricoles DEPHY moins consommatrices en intrants (objectif de 30 000 fermes), expérimentation de drones... déployer les obstacles physiques aux dérives : haies, filets, adjuvants. La mission recommande de mener les travaux d'expérimentation permettant d'établir des références techniques et des procédures d'autorisation, et de les diffuser sous forme de centre de ressources pour répondre aux questions posées par les utilisateurs. 4.2.2. Financer les mesures de réduction des risques 4.2.2.1. Financements liés à la politique agricole commune et écoconditionnalité La politique agricole commune (PAC) 2014-2020 repose sur deux piliers financés chacun par un fond budgétaire. Si le premier pilier est intégralement financé par l'Union, les programmes du second pilier sont cofinancés par des fonds de l'Union et des fonds nationaux, régionaux ou locaux. Le premier pilier finance à travers le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), les mesures de soutien à la production agricole et au revenu des exploitants qui consistent principalement en des paiements directs à l'hectare. Pour toucher ces aides, les agriculteurs doivent respecter plusieurs critères environnementaux et de bien-être des animaux. Les aides pour la production végétale sont essentiellement consommées par les grandes cultures. Les céréales (blé, orge, maïs...), les oléagineux (tournesol, colza, soja...) et les protéagineux (pois, féveroles...) représentent de très vastes surfaces : près des deux tiers des exploitations agricoles en France métropolitaine, plus de 12 M ha en 2014. Mais les indices de fréquence de traitements 66 / 82 PUBLIÉ sont faibles pour ces cultures (IFT en 201450 : 2,75 pour le maïs grain, 2,83 pour le colza, 4,22 pour le blé dur). Les contraintes environnementales liées aux aides directes du premier pilier ont donc une influence limitée sur ces cultures. En revanche, la vigne, l'arboriculture fruitière, et le maraîchage ne bénéficient pratiquement pas des paiements directs tandis qu'ils ont des indices de fréquence de traitement nettement plus élevés (IFT en 2012 et 2013 : 34,05 pour la pomme 51 , 13,3 pour la vigne 52 , 10,3 pour la tomate 53 ), sur des surfaces beaucoup plus faibles (0,75 M ha pour la vigne, 0,06 M ha pour les fruits à pépins, 0,08 M ha pour les légumes feuillus et à tiges). Les contraintes environnementales liées aux aides directes du premier pilier ont donc une influence limitée sur ces cultures. Le premier pilier de la PAC finance également, dans le cadre de l'organisation commune de marché (OCM)54 des programmes nationaux pour les secteurs viticoles, fruits et légumes, et oléiculture qui peuvent offrir des opportunités de financement. Le second pilier de la PAC finance à travers le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), le développement rural avec un large panel de vingt mesures55, les crédits correspondant pouvant être utilisés jusqu'au 31 décembre 2023. Ces mesures servent de briques aux États membres pour construire leur Programme de Développement Rural National (PDRN), et le cas échéant leurs Programmes de développement ruraux régionaux (PDRR). En France, le choix a été fait de mettre en place un PDRN limité à deux mesures, et des PDRR dont la responsabilité comme autorité de gestion a été confiée aux Conseils régionaux tout en étant encadrée par un cadre national très précis. Dans celui-ci, les cultures pérennes et le maraîchage peuvent ainsi bénéficier d'aides au titre des programmes de développement rural nationaux (en France, uniquement la gestion des risques) et/ou régionaux. Ainsi les acquisitions de matériels qu'entraînent certaines mesures proposées par la mission peuvent trouver des financements au titre de la mesure 4 (investissements physiques), qu'il s'agisse d`investissements améliorant la performance globale et la durabilité de l'exploitation agricole (sous-mesure 4.1) ou d'investissements non productifs liés à la réalisation d'objectifs environnementaux et climatiques (sous-mesure 4.4) du règlement FEADER. En France cette mesure est mise en oeuvre par le Plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles56 (PCAE)57 qui est décliné directement dans les PDRR58. Les PCAE sont majoritairement financés par le FEADER, complété par des crédits de l'État, des Conseils régionaux, des Agences de l'eau, et des 50 Agreste. Service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Enquête sur les pratiques phytosanitaires en grandes cultures 2014. 51 Agreste. Service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Enquête sur les pratiques phytosanitaires en arboriculture 2012. 52 Agreste. Service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Enquête sur les pratiques phytosanitaires en viticulture 2013. 53 Agreste. Service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Enquête sur les pratiques culturales sur les légumes 2013. 54 Règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commun des marchés agricoles. 55 Règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 relatif au soutien du développement rural par le FEADER. 56 Le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles. La PAC 2015-2020. Ministère de l'agriculture et de l'alimentation. 57 Le PCAE est un dispositif devenu unique des aides aux investissements des exploitations agricoles remplaçant plusieurs plans, dont le Plan végétal environnement (PVE). 58 Programmes de développement rural régionaux (PDRR) et agro-écologie. Analyse. Centre d'études et de la prospective. Les publications du service de la statistique et de la prospective. N° 119, mai 2018. 67 / 82 PUBLIÉ Conseils départementaux... Les équipements finançables par le PCAE sont modulés selon les régions. Dans le dispositif actuel, ces matériels permettent notamment de : réduire les quantités de produits employées : lutte mécanique : contre les adventices : bineuse, houe rotative, écimeuse, système de guidage automatisé pour bineuse, robot de désherbage mécanique... contre les pampres de la vigne : épampreuse mécanique ; pour l'entretien des couverts ou de l'environnement : broyeurs pour intercultures, rollkrop, rolofaca... lutte thermique : bineuse à gaz, traitement à la vapeur. lutte physique : filets tissés anti-insectes, filets insect-proof... lutte chimique localisée : désherbineuse, désherbage par humectage, localisation du traitement sur le rang, désherbage piloté par des capteurs détectant la présence d'adventices... lutte chimique de précision : coupures de pulvérisation par GPS, réduction de doses de produits phytopharmaceutiques, station météorologique, thermo-hygromètre... maîtriser la pulvérisation pour réduire les risques de dérives de produits : anémomètre ; cellule de confinement pour pulvérisateur, buses anti-dérives, face par face, sélection des buses, réglage de la hauteur du pulvérisateur... matériel pour l'entretien des haies : lamier à scie. Par ailleurs, la France a intégré la mesure 10 (agroenvironnement-climat) du règlement FEADER dans son cadre national sous la forme d'un Projet agro-environnemental et climatique (PAEC)59 qui se traduit pour des territoires identifiés par l'inscription dans les PDRR concernés de Mesures agro-environnementales et climatiques60 (MAEC), un grand nombre d'entre elles étant prédéfinies dans le cadre national. Ainsi des exploitations avec des grandes cultures peuvent être éligibles à ces aides à l'hectare, versées annuellement sur la base d'un engagement pluriannuel, relatives notamment à la diminution d'emploi 61 des produits phytopharmaceutiques. La mesure 11 (agriculture biologique) du règlement FEADER a été mise en oeuvre dans le cadre national français et se retrouve donc dans les PDRR. Pour la mission, les aides à la conversion 62 à l'agriculture biologique ainsi prévues dans les PDRR sont un levier intéressant, car elles reposent sur un cahier des charges établi par l'État, en concertation avec les différents partenaires. Elles visent à compenser tout ou partie des surcoûts et manques à gagner liés à l'adoption des pratiques de l'agriculture biologique, en comparaison avec les pratiques de l'agriculture conventionnelle. En fonction de la catégorie du couvert végétal, un barème d'aide à l'hectare et par an est appliqué. Enfin le Grand plan d'investissement (GPI) comporte un volet agricole en trois axes. L'axe 1 soutient notamment les investissements dans les exploitations agricoles et les changements de pratique, dont l'agroécologie et la réduction des intrants. Outre les dispositifs liés aux PCAE et à la conversion à l'agriculture 59 Le PAEC est un projet territorial dont le maître d'ouvrage est une collectivité territoriale, un parc naturel régional, etc. 60 Les mesures agri-environnementales et climatiques. La PAC 2015-2020. Ministère de l'agriculture et de l'alimentation. 61 La diminution du recours aux produits phytopharmaceutiques porte notamment sur une limitation des traitements mesurée en comparant l'Indice de fréquence de traitement (IFT) de l'exploitation avec une IFT de référence. 62 Les aides à la conversion et au maintien de l'agriculture biologique. La PAC 2015-2020. Ministère de l'agriculture et de l'alimentation. 68 / 82 PUBLIÉ biologique, le GPI apporte un fonds de garantie pour faciliter l'accès aux crédits bancaires, ce qui peut faciliter les acquisitions de matériels. Ces actions peuvent être complétées par l'utilisation des mesures 1 (transfert de connaissances et action d'information), et 2 (services de conseil) du règlement FEADER. 4.2.2.2. Financements liés à la redevance pour pollutions diffuses Les moyens du plan ECOPHYTO 2+ sont issus d'une partie de la Redevance pour pollutions diffuses (RPD) payée par les agriculteurs et les autres utilisateurs, lors de l'achat de certains produits phytopharmaceutiques. La RPD est prélevée par les Agences de l'eau, et le montant collecté dépasse les 100 M. Une partie de ce montant (71 M) est affectée à l'Agence française de biodiversité (AFB) pour financer les actions du plan Écophyto II+. Une partie des financements cible les investissements dans les exploitations agricoles visant à réduire les utilisations, les risques et les impacts des produits phytopharmaceutiques. Dans le cadre de la gouvernance nationale et régionale d'ECOPHYTO, ces financements peuvent être obtenus en réponse : soit à un appel à projet national annuel qui permet de financer des projets d'ampleur nationale en faveur d'une forte réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, et de la limitation des risques et des impacts qui y sont liés. D'autres appels à projets nationaux portent sur la recherche et l'innovation, les actions structurantes, etc. soit à des appels à projets régionaux, avec un Comité régional des financeurs63 et la Commission régionale agro-écologie qui sélectionne des actions innovantes en faveur de la réduction de l'utilisation, des risques et des impacts des produits phytopharmaceutiques et de la transition vers l'agro-écologie. 4.2.2.3. Autres financements Dans le cadre des Plans alimentaires territoriaux (PAT), les aides peuvent venir des appels à projets du Plan national de l'alimentation (PNA), des crédits des collectivités, du FEADER (en particulier les initiatives LEADER64) ou du Fonds européen de développement régional (FEDER). Les PAT peuvent contribuer à la réduction des risques liés aux produits phytopharmaceutiques, notamment grâce à des dispositifs fondés sur : les circuits courts et l'agriculture de proximité, lorsque les organismes acheteurs prévoient des cahiers des charges ;avec des pratiques phytosanitaires apportant plus de sécurité ; les obligations créées par la loi EGALIM. Elle prévoit65 qu'au plus tard au 1er janvier 2022, les repas servis dans les restaurants collectifs publics devront introduire au moins 50 % de produits issus d'une agriculture durable, dont au moins 20 % de produits issus de l'agriculture biologique ou en conversion. Les Plans alimentaires territoriaux peuvent être un moyen de renouer le lien entre les consommateurs et les producteurs de végétaux, notamment au moyen de visites scolaires ou grand public des lieux de 63 64 Conseil régional, Agence de l'eau, DRAAF, DREAL Le programme de « Liaison entre action de développement de l'économie rurale » (LEADER) correspond à des initiatives communautaires en faveur du développement rural ayant pour objectif d'inciter et d'aider les acteurs ruraux à réfléchir sur le potentiel de leur territoire dans une perspective de plus long terme. 65 Article L.230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, créé par l'article 24 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. 69 / 82 PUBLIÉ production, ou d'autres actions d'information. Le fait de développer l'approvisionnement depuis les zones agricoles périurbaines, avec des cahiers des charges réduisant les risques notamment pour les riverains, permettra d'apaiser les relations entre les agriculteurs et les riverains, tout en développant un aménagement du territoire équilibré. 4.2.2.4. Des pistes d'avenir pour les financements Donner la priorité aux exploitants situés dans les zones sensibles Les informations collectées par la mission montrent l'intérêt de considérer les parcelles agricoles jouxtant les établissements avec des personnes vulnérables, et les lieux d'habitation comme des zones présentant des enjeux particulièrement importants pour la préservation de la santé publique. Pour réduire les risques, la mission propose que les exploitations agricoles de ces territoires soient la cible d'actions spécifiques, mais aussi que les exploitants soient prioritaires pour des actions à caractère général comme la formation, les aides, etc. Dans ce dernier cas, la mission souligne l'intérêt de créer des procédures permettant, lorsque les demandes dépassent les enveloppes disponibles, d'accorder une priorité aux exploitations situées dans ces zones sensibles par rapport aux autres. Lors de l'attribution de financements liés au second pilier de la politique agricole commune, cette distinction peut se faire, pour les investissements, par le biais de la fixation (et de la pondération) des critères de sélection des projets financés66, qui doivent garantir notamment ... « le ciblage des mesures en conformité avec les priorités de l'Union pour le développement rural », et, en cas d' appels à propositions, tenir « compte de l'efficacité économique et environnementale ». La fixation de ces critères (et leur modification) est une décision de l'autorité de gestion du programme, prise après avis du comité de suivi du PDRR. La future politique agricole commune 2021-2027 devrait continuer à défendre l'accès à une alimentation de qualité, en se fondant sur neuf objectifs67, dont la protection de l'environnement et la garantie de la qualité des denrées alimentaires et la santé. Dans ce projet, des marges de manoeuvre sont souhaitées pour tenir compte des situations locales. Les débats en cours sur la future PAC semblent ouvrir des possibilités pour définir de telles zones prioritaires. Dans la proposition de nouvelle PAC, il est prévu que les États membres élaborent des plans stratégiques en vue d'atteindre ces objectifs, et qu'une évaluation soit faite par la suite dans une logique de mesure de la performance. Les pays de l'UE mettront ainsi en place des programmes écologiques volontaires pour aider et inciter les agriculteurs à adopter des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l'environnement. Élargir et renforcer les actions éligibles aux aides financières La mission observe que des mesures à favoriser dans les zones sensibles pour réduire les risques d'exposition sont peu soutenues par des aides. Il apparaît souhaitable d'élargir ou de renforcer les aides pour les mesures comme : 66 Cf. 67 article 49 du règlement FEADER. L'avenir de la politique agricole commune. Commission Européenne. https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/keypolicies/common-agricultural-policy/future-cap_fr. Consulté le 22 janvier 2019. 70 / 82 PUBLIÉ installer de variétés résistantes aux maladies, en particulier en vigne68 et arboriculture fruitière69 ; implanter des cultures plus faiblement consommatrices d'intrants ; développer l'utilisation de produits de biocontrôle, de substances de base et de préparations naturelles peu préoccupantes ; recourir à des prestataires de service pour réaliser les traitements avec des appareils réduisant fortement les risques de dérive, ou pour appliquer des produits alternatifs ; favoriser les actions de partage de matériel réduisant les risques de dérive, comme les CUMA ; favoriser l'installation de haies et de filets anti-dérives ; etc. La plupart des actions ci-dessus sont potentiellement éligibles à un soutien des PDRR parce qu'entrant dans le champ d'action du règlement FEADER. Il est donc proposé de vérifier chaque PDRR, et, le cas échéant, d'y introduire (ce qui suppose une modification du PDR soumise à l'approbation de la Commission européenne) les activités correspondantes dans la liste des dépenses éligibles afin d'élargir les actions financées. Un renforcement du soutien existant peut être envisagé par deux voies, une majoration des taux d'aide pour certains types de bénéficiaires (ex : CUMA) ou d'investissements, dans la limite des taux d'aides maximaux fixés à l'annexe II du règlement FEADER70 (cela suppose également une modification du PDRR concerné, soumise à approbation de la Commission) et une priorité donnée par le biais des critères de sélection des dossiers retenus pour un financement (décision de l'autorité de gestion prise après consultation du comité de suivi du PDRR). R13. Examiner les moyens d'attribuer les aides et les actions à conduire contre les dérives en priorité vers les exploitations situées dans les zones sensibles (PAC, financements nationaux), élargir les actions éligibles à ces aides et sensibiliser les financeurs à ces enjeux. En raison des enjeux spécifiques des parcelles agricoles jouxtant des établissements avec des personnes vulnérables, et des lieux d'habitation, la mission recommande de : examiner les moyens d'attribuer les aides et les actions à conduire contre les dérives, en priorité vers les exploitations situées dans les zones sensibles : o en défendant cette possibilité dans le cadre des débats pour la future politique agricole commune ; o en définissant des procédures pour appliquer cette primauté aux financements nationaux ; sensibiliser les financeurs et les instances de type comités de financeurs aux enjeux de la réduction des risques pour les établissements avec des personnes vulnérables et pour les riverains, et envers les exploitants situés dans les zones sensibles ; 68 En ce qui concerne les filières vitivinicoles, fruits et légumes, oléicoles, il faut vérifier les règles de complémentarité entre les financements de l'OCM (ex-Programme National d'Aides Viticoles) gérés par FranceAgriMer et ceux du FEADER pour éviter tout risque de double financement. 69 L'article 45 paragraphe 2 du règlement FEADER exclut notamment du financement communautaire des investissements communautaires, l'acquisition de plantes annuelles et leur plantation. 70 L'article 17 paragraphe 3 du règlement FEADER exonère même de ce plafond les investissements réalisés par les jeunes agriculteurs et les investissements collectifs réalisés au titre de la sous-mesure 4.1, qui autorise les investissements. 71 / 82 PUBLIÉ élargir et renforcer les actions éligibles à des aides, pour compléter la gamme des mesures de réduction des risques dans les zones sensibles : matériel de pulvérisation anti-dérive, variétés résistantes, partage de matériel type CUMA, haies et filets anti-dérives, prestataires de service... 4.3. La prise en compte dans les plans d'urbanisme de la problématique liée à la juxtaposition des zones habitées et des zones agricoles 4.3.1. Les documents d'urbanisme peuvent servir de levier pour protéger les futurs riverains Les zones agricoles et naturelles des documents d'urbanisme sont des zones en principe inconstructibles ou pour lesquelles la constructibilité doit rester très limitée. La lutte contre l'étalement urbain est un des axes majeurs de la Loi pour l'accès au logement et en urbanisme rénové (ALUR) qui a modifié l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme. Ainsi, les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU) doivent intégrer une analyse des capacités de densification dans leur rapport de présentation. Parallèlement, les possibilités d'évolution du bâti situé en zones agricoles et naturelles ont été précisées afin de pouvoir continuer à entretenir le bâti existant dans ces zones. La loi d'avenir a par ailleurs apporté de nouveaux éléments afin de compléter cet article. En zones agricoles (zone A) et naturelles (zones N) des plans locaux d'urbanisme ne peuvent en effet être autorisées que les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole (et forestière pour les zones N), à des équipements collectifs ou à des services publics (CINASPIC). L'articulation entre les législations qui encadrent l'urbanisme et l'agriculture vise à adapter leur application en fonction des situations locales, dans le respect de l'objectif global de lutte contre le mitage et de préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers. Ainsi, les documents d'urbanisme, Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) et Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) apparaissent-ils comme des leviers pour optimiser la répartition des espaces entre zones urbaines et zones agricoles. Les PLU sont approuvés après consultation de la Commission départementale de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CDPENAF). Ils peuvent par conséquent tenir compte des engagements qui auraient été préalablement pris dans les chartes départementales. Dans le cadre de ses visites en région, la mission a identifié quelques bonnes pratiques locales, comme la structuration et la valorisation de lisères urbaines au contact des espaces agricoles, naturels et forestiers dans le SCoT de l'aire métropolitaine bordelaise approuvé le 13 février 2014 (voir schéma ci-dessous). 72 / 82 PUBLIÉ SCoT de l'aire métropolitaine bordelaise approuvé le 13 février 2014 Les documents d'urbanisme ne peuvent prescrire les usages d'entretien du sol. Ils déterminent la constructibilité et en organisent les modalités : réserve des emprises, servitudes d'utilité publique (SUP), préservation de l'état boisé sans interdire l'exploitation (EBC), préservation des continuités écologiques. Au sein et au contact des enveloppes urbaines, lorsqu'une opération de renouvellement urbain ou une zone d'urbanisation future est contiguë avec des espaces du socle agricole, naturel et forestier, en termes de bonnes pratiques, il est recommandé : · de définir les conditions d'aménagement de ces sites dans les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) des PLU ; · et/ou d'aménager ces sites sous forme d'opération d'aménagement d'ensemble. Dans ces deux cas de figure, les principes généraux d'aménagement suivants sont déclinés sous forme de souhaits à l'échelle du projet tout en tenant compte des contraintes liées au risque feux de forêt (défense régionale des forêts contre les incendies) : · la préservation et la valorisation d'une continuité d'espace de nature accessible au public et aux circulations douces le long du nouveau front urbain constitué ; · l'implantation du bâti le long de ce nouveau front urbain, qui doit permettre le maintien et l'aménagement de perméabilités piétonnes tous les 500 m environ, ainsi que de perméabilités visuelles. L'ensemble de ces perméabilités doit être orienté vers les espaces de nature voisins. Actuellement, les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) tendent à associer les chambres d'agriculture aux débats pour densifier l'urbanisation tout en libérant des terres agricoles. Par exemple, le plan d'aménagement et de développement durable (PADD) du PLUI de Grand Angoulême71, promeut une 71 À la suite du passage d'un PLUi de 16 commune à un PLUi à 38 communes, le territoire intercommunal sera ruralisé. 73 / 82 PUBLIÉ politique de santé et une agriculture durable intégrées, y compris pour définir les zonages. Les règlements d'urbanisme devraient prendre en compte les dangers potentiels pour la santé, dont l'exposition aux pesticides, et générer des mesures prescriptives élaborées en concertation. Ainsi, des zones pourraient être « sanctuarisées ». Un autre exemple d'aménagement urbain : le Conseil départemental de la Charente a acté la réhabilitation des centres bourg, permettant de développer le bâti hors des surfaces cultivées ; et a contribué au développement des haies à raison de 15 km/an. Les PLUI peuvent rendre obligatoire des plantations de haies simultanément aux nouvelles habitations. Enfin, le conseil d'architecture d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) peut devenir un vecteur de conseil d'aménagement au niveau départemental, dans le cadre de sa mission d'intérêt public, né de la loi sur l'architecture du 3 janvier 1977. Il a pour objectif de promouvoir la qualité de l'architecture, de l'urbanisme et de l'environnement dans le territoire départemental. Le CAUE est créé à l'initiative des responsables locaux et présidé par un élu local. C'est un organe de concertation entre les acteurs impliqués dans la protection et la gestion de l'espace rural. 4.3.2. Cartographie à l'aide du système d'information géographique (SIG) Le géo-portail de l'urbanisme en ligne sur internet permet de visualiser les PLU et les cartes communales numérisées et de zoomer sur la parcelle choisie. À ce jour, plusieurs milliers de documents d'urbanisme sont sous forme graphique (12 000 communes ne possèdent pas de document d'urbanisme). L'objectif est de mettre à disposition la totalité des documents sur géo-portail avant fin 2020 (en incluant les DOM). Le développement par toutes les communes de Systèmes d'Information Géographique est un outil précieux pour mieux piloter la gestion des espaces. Lors de ses visites en région, la mission a été informée qu'un « atlas zones sensibles 2016 » personnalisé avait été envoyé par la fédération des vins de Bordeaux à 903 viticulteurs dont au moins « une parcelle cadastrale en vigne » était située à proximité « d'un lieu ou établissement accueillant des personnes vulnérables au risque d'exposition aux produits phytopharmaceutiques » tels que désignés dans l'arrêté préfectoral du 22 avril 2016. Ce travail a mobilisé des milliers de pages de fond de dossier. Le laboratoire d'initiatives locales en Gironde a utilisé le système d'information géographique pour chiffrer le coût d'implantation de haies de protection contre les pulvérisations de produits phytopharmaceutiques dans les zones proches des établissements accueillant des personnes vulnérables. Le SIG en Gironde a facilité la concertation malgré quelques difficultés techniques. Un outil similaire a été exploité en Bretagne afin de mesurer les coûts générés par le mitage (évaluation dans le cadre d'une simulation). Cet outil s'inscrit dans le cadre des démarches environnementales et peut aider à repérer les maisons des assistantes maternelles par exemple. Il aide aussi, à objectiver le débat sur les coûts et les impacts. R14. Utiliser les SIG dans les DRAAF afin de : cartographier les zones riveraines selon les enjeux ; évaluer les budgets d'accompagnement à la mise en place de bonnes pratiques agricoles (protection intégrée). 74 / 82 PUBLIÉ La mission propose de distinguer trois niveaux d'enjeux : enjeux forts : établissements accueillant des personnes vulnérables ; enjeux moyens : riverains ; enjeux faibles : protections existantes (murs hauts, bâtiments non habités en permanence, façade sans fenêtre, hangars, garage, etc.). 75 / 82 PUBLIÉ 5. Une prospective avec des scénarios possibles pour réduire l'exposition des riverains Le présent rapport formule une série de recommandations et de pistes pour réduire l'exposition des riverains aux PPP. Mais la mission a souhaité aller plus loin en examinant les agencements de ces différents outils sous la forme de trois scénarios à caractère prospectif. L'idée est de proposer des constructions sous forme d'évolutions possibles. Dans le cadre forcement limité de la mission, l'objectif n'est pas de planifier la mise en oeuvre des choix à faire, mais de proposer des évolutions envisageables pour aider à la prise de décision. Ces scénarios ne s'excluent pas, et des trajectoires mixant ces approches sont probables. Scénario 1 : une évolution fondée sur la réglementation relative aux pratiques phytosanitaires Dans ce scénario, une évolution rapide de la réglementation sur les pratiques phytosanitaires est mise en oeuvre en s'inspirant des recommandations de la mission, et ce dispositif est jugé suffisant pour la protection des riverains : des distances de traitements envers les lieux d'habitation sont progressivement adoptées pour chaque usage de chaque produit phytopharmaceutique à mesure des renouvellements des autorisations de mise sur le marché, sous la forme de ZNT pour les riverains (même logique que les ZNT eau, ZNT arthropodes et ZNT végétaux non cultivés) ; l'utilisation des produits phytopharmaceutiques classés CMR et PE est interdite dans les parcelles jouxtant les riverains lorsque des substitutions existent, et un conseil technique spécifique est apporté aux exploitants concernés ; l'utilisation des appareils de traitements présentant le plus de risques de dérive est interdite dans les parcelles jouxtant des lieux d'habitation, avec un dispositif d'aide pour moderniser le matériel de pulvérisation ; les chartes départementales apportent des mesures complémentaires pour étendre la protection des riverains dans des cas spécifiques. Ces mesures sont opposables en cas de non-respect par les agriculteurs et peuvent déboucher sur du délictuel ; les actions sur l'information relatives aux produits phytopharmaceutiques sont développées. Ce dispositif présente plusieurs avantages : les ZNT riverains sont fixées lors du renouvellement ou de la délivrance des autorisations de mise sur le marché sur des bases communes, dans le respect des guides de l'EFSA, et elles sont fondées sur des connaissances scientifiques. Pour la réglementation, elles constituent donc une base solide et peu contestable ; le dispositif présente une assez bonne lisibilité pour le grand public, et il peut contribuer à rétablir la confiance entre les riverains et les exploitants agricoles ; le niveau national permet d'harmoniser les contraintes et d'éviter les distorsions de concurrence entre les différents bassins de production français. 76 / 82 PUBLIÉ Mais ce scénario comporte également des inconvénients : la détermination des ZNT riverains ne va pas commencer rapidement, et son déploiement se fera au rythme des renouvellements d'autorisation. Il faudra un certain nombre d'années pour couvrir une proportion significative des produits ; un dispositif essentiellement fondé sur des obligations réglementaires ne correspond pas aux attentes du monde agricole, déjà excédé par le poids de la réglementation. Par ailleurs, l'impact économique de ces mesures demande à être évalué, ainsi que les distorsions de concurrence d'une part avec les producteurs des autres États membres, et d'autre part avec ceux des pays tiers ; le dispositif reste fondé sur les pratiques actuelles de production, sans donner d'impulsion aux systèmes alternatifs. Scénario 2 : Fixer des zones de non traitement à proximité des riverains : La loi EGALIM modifiant l'art. 253-8 CRPM n'a pas saisi l'occasion d'une simplification réglementaire pour harmoniser la protection entre les personnes vulnérables hébergées dans des établissements et les riverains, qui sont bien souvent également des personnes vulnérables. Le plan Ecophyto 2 prévoit une réduction de l'utilisation des PPP de 50% d'ici à 2025. De plus, l'INRA affiche comme l'un de ses principaux objectifs dans le cadre du programme européen 2021-2025 « Horizon Europe » une « agriculture sans produits phytosanitaires de synthèse »72. Dans l'intervalle, la mission estime que des mesures transitoires doivent être prises. La mission rappelle que toutes ses recommandations sont provisoires et devront être revus à la lumière des résultats des études en cours. En l'état actuel du droit, la mission propose de fixer par voie réglementaire une zone de non traitement à proximité de tous les riverains de parcelles agricoles. L'art. 258-3 CRPM, tel que modifié par la loi EGALIM permet, dans l'intérêt de la santé publique, l'intervention de l'autorité administrative pour restreindre ou interdire l'utilisation des PPP à proximité des zones habitées. L'intérêt de la santé publique est indiscutable. Pour les raisons précitées (point 3.2) la mission ne peut prétendre que les mesures de protection, telle que des zones de non traitement, protègent la santé des personnes riveraines. En revanche, elle peut affirmer qu'une baisse de l'exposition aux PPP entraine une baisse de risques. 1. Un socle minimum réglementaire : une zone de non-traitement de 5 m La mission propose d'instaurer une zone de non-traitement à proximité des habitations, jusqu'à la limite de propriété. Cette zone de non-traitement est mesurée entre la dernière rampe de pulvérisation et la limite de propriété L'ANSES devra définir rapidement la distance adéquate. À titre provisoire, la mission suggère qu'elle soit d'au minimum 5 mètres à l'instar de la réglementation de protection des cours d'eau. 72 Cf. http://institut.inra.fr/Engagement-international/toutes-les-actualites/Priorites-Inra-pour-Horizon-Europe 77 / 82 PUBLIÉ Au-delà de cette distance minimum, les chartes départementales prévues par l'art. 253-8 peuvent permettre une adaptation locale des pratiques agricoles en pleine concertation avec les riverains et leurs élus. 2. Zone protégée dont la distance reste à définir dont la définition est laissée aux chartes départementales. La mission recommande que par le biais des chartes départementales, les pratiques agricoles soient adaptées aux parcelles jouxtant les habitations et ce jusqu'à une distance à définir par l'ANSES. Cette distance devra être de 50 m au minimum à l'instar de la distance prévue par l'instruction DGAL pour l'arboriculture. Concrètement, cela signifie : interdiction de produits préoccupants sur cette zone ou utilisation uniquement de produits à « faibles risques » préalablement listés en fonction des cultures et de la géographie ; utilisation de matériel anti-dérive permettant de réduire significativement la dérive, c'est-à-dire au moins de 66%. La liste de ces matériaux doit être fournie dans la charte et dépendra des types de cultures et du terrain ; installation de mesures de protections supplémentaires (haies, filets anti-dérive) ou de zone de nontraitement additionnelle ou de fixation de dates et d'horaires de traitement, le cas échéant. - Dans le cas où ces conditions ne peuvent être respectées cumulativement, l'épandage de PPP est interdit dans la zone protégée. Avantages de ce scénario : des zones de non-traitement (ZNT) existent pour protéger les arthropodes non cibles. Une distance fixe de 5 m de non-traitement a été fixé aux abords des cours d'eau ; elle correspond largement à ce qui existe déjà (chemin, zone de tournage, limite de champ, etc...), sauf pour certains types de culture (dans la viticulture par exemple), et peut donc facilement être acceptée par la profession agricole ; Inconvénient : la mise en oeuvre nécessite de différencier les établissements accueillant des personnes vulnérables et les riverains. Scénario n°3 : Changer de système par une impulsion des pouvoirs publics dans les zones sensibles pour déployer la protection intégrée, l'agroécologie et l'agrobiologie à proximité des établissements accueillant des personnes vulnérables et, à titre transitoire, des ZNT de type cours d'eau à proximité des riverains (dans l'attente de la définition par l'ANSES de ZNT riverains). Ce scénario est fondé sur une démarche volontariste des pouvoirs publics pour changer le système de production dans les zones sensibles, en déployant la protection intégrée, l'agroécologie et l'agrobiologie. Tous ces systèmes de production font appel aux principes de la lutte intégrée. La prévention et/ou l'éradication des organismes nuisibles des cultures jouxtant les établissements accueillant des personnes vulnérables seront menés conformément aux principes de lutte intégrée énoncés à l'annexe III de la 78 / 82 PUBLIÉ directive 2009/128.Il est proposé que cette protection intégrée soit appliquée sur les parcelles limitrophes aux limites de propriété de l'établissement. Ainsi, il sera fait notamment appel à : la rotation des cultures ; l'utilisation de la technique du lit de semis, les dates et densités des semis, les sous-semis, la pratique aratoire conservative, la taille et le semis direct ; l'utilisation de cultivars résistants/tolérants et plans normalisés/certifiés ; l'utilisation d'infrastructures écologiques à l'intérieur et à l'extérieur des sites de production ; une surveillance des organismes nuisibles (système d'alerte, prévision et diagnostic rapide) et une information des directeurs/directrices d'établissements (intégrant la déclaration des produits utilisés) selon un délai défini par une charte locale co-signée par les principaux intéressés73 ; la définition de seuils d'intervention à la prise de décision, scientifiquement solides et robustes (définis pour : la région, des zones spécifiques, des cultures et des conditions climatiques particulières avant les traitements). Les méthodes biologiques, physiques et non chimiques durables seront appliquées (interdiction des produits de synthèse). L'utilisateur professionnel devra vérifier le taux de réussite des mesures appliquées. Des aides financières (soutiens directs FEAGA, engagements MAEC des Conseils régionaux 2ème pilier PAC, paiements verts 1er pilier PAC, 2ème pilier POSEI-ODEADOM dans les DOM) seront dédiées aux zones jouxtant les établissements sensibles qui développent des cultures peu consommatrices de produits phytopharmaceutiques et adaptées aux réserves hydriques locales : prairies d'élevage, cultures sous serre, cultures fourragère bio, etc. Ces aides peuvent provenir de taxes appliquées aux entreprises agrochimiques à l'instar des plans d'actions Suisses et Danois. Les contrôles sont assurés par l'ASP, l'ODARC (Corse), etc. accompagnés d'indicateurs de réalisation, de résultat et d'impacts.74 Un zonage parcellaire (SIG) gagnera à être conduit par les DRAAF en concertation avec les mairies afin d'évaluer les montants nécessaires et les modalités de paiement (modèle forfaitaire DEPHY, éviter les effets d'aubaine, découplage surface/montant, aide sous condition, orientation des pratiques agricoles). La création du SIG et l'équipement GPS des engins de pulvérisation afin de les contrôler plus facilement, justifieraient également le versement d'une aide financière européenne dans le contexte actuel du projet de développement de l'accès au haut débit internet de l'ensemble du territoire national. En ce qui concerne les habitations, des ZNT de type cours d'eau seront appliquées provisoirement a minima à une distance de 10 m des limites de parcelles (équipée de manche à air).75 73 Le respect par les signataires des clauses des chartes départementales pourrait être intégré dans le cahier des charges des appels d'offre locaux de restauration collective (cantines scolaires, etc.) dans un contexte favorisant les filières courtes. 74 https://www.insee.fr/fr/statistiques/2654964 http://www.euro.who.int/fr/health-topics/emergencies/international-health-regulations/points-of-entry 75 Distance = 5m de protection des cours d'eau + 5m (lisières urbaines : prairie de fauche, haie libre arbustive, haie libre arborée.) 79 / 82 PUBLIÉ SCoT de l'aire métropolitaine bordelaise approuvé le 13 février 2014 Document d'orientation et d'objectifs ­ Rapport principal Les dérogations de type ZNT cours d'eau seront conditionnées par le contrôle de conformité des équipements à la norme EN-ISO 16122 en application de l'article 20 de la directive 2009/128 CE. 80 / 82 PUBLIÉ CONCLUSION Le dispositif des arrêtés préfectoraux réglementant l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des lieux et établissements accueillant des personnes vulnérables a fait l'objet d'une analyse minutieuse par la mission, qui en a tiré les enseignements suivants. Tout d'abord, presque tous les départements sont aujourd'hui dotés d'arrêtés préfectoraux, sauf les DOM. La plupart d'entre eux ont suivi les instructions données par la DGAL, mais de manière minimaliste. De ce fait, il n'existe quasiment jamais de distance minimale de non-traitement à proximité des lieux sensibles. De plus, contrairement à l'objectif affiché par la loi, les mesures n'ont pas été adaptées aux situations locales, mais déterminées sur la base d'éléments d'appréciation généraux, ce qui entraîne que les disparités qui existent entre départements, ne se justifient pas, dans leur ensemble. Sur la forme, la mission a constaté complexité et hétérogénéité dans les approches rédactionnelles des arrêtés, rendant encore moins lisible une règlementation elle-même complexe. Des consultations en ligne effectuées et des entretiens réalisés, il ressort que l'information du public sur les arrêtés est lacunaire. Enfin, rares sont les arrêtés qui mentionnent les sanctions prévues en cas de non-respect de leurs dispositions, ce qui nuit également à une bonne appropriation des règles. Afin d'améliorer le dispositif actuel, la mission préconise une révision des arrêtés préfectoraux sur la base d'une circulaire interministérielle prévoyant une distance minimale à définir, sans aucune dérogation. Un canevas-type d'arrêté sera joint à la circulaire afin de simplifier et d'homogénéiser les approches rédactionnelles et l'instruction technique de la DGAL sera révisée dans le sens d'une protection accrue des personnes vulnérables. Les chartes dont la mission a eu connaissance ont été signées à l'initiative de la profession agricole, antérieurement à l'élaboration des arrêtés ou en parallèle. Elles sont variées par leur spécialisation ou non dans une culture, par leur couverture géographique, par les parties prenantes associées, par l'ambition de leurs objectifs et du dispositif de pilotage mis en place. Elles ont permis à la mission de dégager des facteurs clés de succès pour la mise en place des chartes départementales prévues par la loi EGALIM : l'association de l'ensemble des parties prenantes concernées, la clarification du rôle du préfet et des autres acteurs, la présence de mesures allant au-delà de la règlementation, l'existence d'un dispositif de pilotage et de suivi incluant objectifs, indicateurs et clause de révision, la présence d'un dispositif d'information, de recueil des signalements et de règlement des différends, la signature au minimum par la profession agricole et les représentants des habitants ou des maires. La mission estime indispensable que les préfets homologuent les chartes sur la base de ces exigences et que le décret d'application de la loi EGALIM prévoit des critères de validation des chartes départementales d'ordre public. Dans l'attente des résultats des études scientifiques en cours, la mission estime également indispensable de prendre des mesures de précaution. En lien avec le dispositif lié aux chartes, elle suggère que la politique publique favorise la réduction de l'exposition des personnes vulnérables et des riverains en faisant des parcelles agricoles proches des zones habitées et des établissements sensibles une priorité et un territoire d'excellence pour réduire les risques. De nombreux moyens peuvent être mobilisés tant par les pouvoirs publics que par les autres acteurs : amélioration de la circulation des informations, amélioration des pratiques agricoles visant à réduire les risques liés à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, politique d'urbanisme visant à éviter l'installation de zones sensibles à proximité de parcelles agricoles 81 / 82 PUBLIÉ susceptibles de recevoir des traitements. La mission invite les pouvoirs publics et l'ensemble des acteurs à se saisir de l'ensemble de ces moyens à travers les instruments juridiques et financiers et les plans d'actions à leur disposition. Elle propose également, en complément des recommandations formulées et pour aider à la prise de décision, une prospective sous la forme de trois scénarios pour accentuer la réduction des risques liés aux traitements des cultures par des produits phytopharmaceutiques. Enfin, si la mission a pu procéder à une analyse approfondie du dispositif des arrêtés préfectoraux et proposer des mesures de nature à réduire l'exposition des personnes aux produits phytopharmaceutiques, il lui a été impossible d'évaluer l'effet protecteur des mesures en place. Les études scientifiques ne permettent pas d'établir un lien indiscutable entre exposition des personnes et pathologies et il n'existe pas de suivi sanitaire spécifique pour les personnes vulnérables accueillies dans des lieux à proximité de parcelles agricoles traitées par des produits phytopharmaceutiques. La mission appelle donc l'attention des pouvoirs publics sur l'urgence de mettre en place une démarche d'analyse de risques dans le domaine de la santé des populations liée à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. L'efficacité des mesures de protection étant difficile à évaluer dans l'état actuel des connaissances, la mission insiste sur l'importance de mettre en place une stratégie de maîtrise des risques comportant une analyse d'impact de la nonconnaissance de la distribution de ces risques sur la prise de décision, en particulier concernant l'exposition des riverains. 82 / 82 PUBLIÉ (ATTENTION: OPTION hode nationale d'analyse de risque. Elle précise le nombre de sites à inspecter dans chaque région selon différentes catégories : agriculteurs soumis à la conditionnalité, agriculteurs hors conditionnalité, zones non agricoles... Actuellement le danger que présente les traitements phytopharmaceutiques pour les personnes voisines des parcelles traitées ne figure pas dans l'analyse de risques de la DGAL. En conséquence ce critère de ciblage n'entre pas dans la fixation des contrôles programmés et le contrôle du respect des arrêtés préfectoraux n'est pas généralisé. 2.8.3. Les constats des inspecteurs de terrain Lors de ses déplacements, la mission a entendu les remarques suivantes sur la mise en oeuvre des inspections par les agents des DRAAF-SRAL et de la gendarmerie (OCLAESP18) : les distances de traitement fixées par les arrêtés préfectoraux permettent aux occupants des établissements hébergeant des personnes vulnérables d'objectiver leurs plaintes lorsqu'ils observent une pulvérisation trop proche. en revanche, les DRAAF-SRAL rencontrées s'accordent pour souligner que le respect de ces distances ne peut matériellement pas être vérifié a posteriori par les inspecteurs. Par ailleurs, la probabilité d'un flagrant délit permettant de constater le non-respect des distances de traitement est extrêmement faible. Afin de rendre vérifiables a posteriori le respect des distances de non traitement, il serait nécessaire de rendre obligatoires l'utilisation des GPS et la conservation de leurs données dans les parcelles jouxtant les zones sensibles. les bases de données sur l'inspection ne permettent pas de tracer spécifiquement les dérives, car il n'y a pas de code NATINF19 spécifique aux entraînements de produit hors de la parcelle, et les nonconformités20 sont enregistrées sous des libellés globaux de mésusages de PPP. 18 Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique de la Direction générale de la gendarmerie. 19 Un code NATINF désigne une nature (NAT) d'infraction (INF). C'est un code numérique qui permet de classifier les infractions selon leur définition. 20 Dans un domaine proche, pour les années 2016, 2017 et 2018, la gendarmerie (OCLAEPS) a enregistré une infraction relevant du code NATINF 30700 « Utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les espaces habituellement fréquentés par les enfants », 37 / 82 PUBLIÉ les plaintes des riverains constituent un facteur d'inspection, à condition d'identifier les cas effectifs de dérive parmi tous les messages reçus. les plaintes parviennent souvent aux DRAAF-SRAL assez longtemps après les faits, voire plusieurs semaines après. les appels reçus par les DRAAF-SRAL au sujet des traitements sont chronophages, mais ils relèvent le plus fréquemment de la demande d'information, et non du signalement d'une dérive. Souvent, ils n'ont pas de rapport avec l'application d'un produit de traitement des cultures (confusion avec des semis, des épandages d'engrais, des travaux du sol...). la conformité des pulvérisateurs, qui doivent être présentés au contrôle obligatoire auprès d'entreprises agréées, est un facteur majeur de maîtrise des dérives. Les inspections des SRAL pour vérifier cette conformité vont devenir d'autant plus importantes qu'à partir de 2020, la période de validité du contrôle obligatoire va être réduite de 5 ans à 3 ans. Par ailleurs, la France doit progresser vers le taux de 100 % de contrôle prévu par la directive 2009/128/CE. pour la formation des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques, le contrôle permet de vérifier la détention du Certificat individuel pour l'application de produits phytopharmaceutiques (CERTIPHYTO 21 ). En revanche, les inspections ne peuvent pas vérifier les compétences des utilisateurs dans le domaine du réglage des pulvérisateurs. Un autre dispositif doit être prévu dans ce domaine (cf. le chapitre sur la réduction des risques liés aux produits phytopharmaceutiques). La question des suites à donner aux infractions est problématique : en police judiciaire, les procédures avec une audience en Tribunal de Grande Instance sont chronophages, de même que les procédures transactionnelles. Les démarches contraventionnelles sont à examiner. en police administrative, le retrait du CERTIPHYTO, nécessaire pour acheter et utiliser les produits phytopharmaceutiques, paraît peu efficace, en raison de la facilité à obtenir un nouveau certificat. Il faudrait examiner les moyens de prononcer une mesure de suspension pendant 3 mois par exemple en lien avec l'examen de la situation de l'exploitation agricole. 2.8.4. Renforcer les contrôles sur les pulvérisateurs et les suites données aux signalements de dérive À ce propos, l'axe 1 du plan ECOPHYTO 2+ prévoit que « les contrôles des pulvérisateurs seront renforcés pour de meilleurs réglages et entretiens des matériels de pulvérisation, dans un triple objectif de limitation de la dérive, d'optimisation de la qualité d'application et de sécurité des utilisateurs. La formation des utilisateurs sera également renforcée. » et deux infractions relevant du code NATINF 30701 : « Utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité de lieux fréquentés par des personnes vulnérables sans mise en place de mesure de protection ». La DGAL n'a pas enregistré d'infraction sous ces codes NATINF. 21 Certificat individuel de produits phytopharmaceutiques : Afin de renforcer la formation à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, tout utilisateur ou distributeur de produits phytopharmaceutiques à des fins professionnelles doit posséder un certificat d'aptitude obligatoire. Le certificat doit également être présenté pour l'achat de pesticides à usage professionnel. 38 / 82 PUBLIÉ Dans la directive 2009/128/CE, le chapitre III sur le matériel d'application des pesticides précise dans article 8 : « Les États membres veillent à ce que le matériel d'application des pesticides utilisés par les professionnels fasse l'objet d'inspections à intervalles réguliers [...] Les inspections ont pour objet de vérifier que le matériel d'application des pesticides satisfait aux exigences pertinentes énumérées à l'annexe II, afin d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement. ». En France, le dispositif 22mis en place est fondé sur des organismes d'inspection agréés par les préfets de région pour appliquer la norme ISO 16122. Dans les exploitations agricoles, les DRAAF vérifient que les pulvérisateurs ont bien été soumis à ce contrôle. Dans cette logique, la mission recommande les actions suivantes d'une part pour renforcer les contrôles sur les pulvérisateurs, et d'autre part pour donner suite aux signalements de dérive (cf. chapitre sur la phytopharmacovigilance) : R5. Renforcer les moyens administratifs et juridiques des DRAAF-SRAL afin de leur permettre d'être plus efficaces dans l'exercice de leurs missions de contrôle. Les DRAAF-SRAL peuvent contribuer à augmenter l'efficacité du dispositif : rendre obligatoires l'utilisation du GPS et la conservation de ses données lors des traitements dans les parcelles jouxtant les zones sensibles, afin de rendre vérifiables a posteriori le respect des distances de non traitement ; donner les moyens de prononcer des suspensions de CERTIPHYTO pour une durée significative ; utiliser les procédures contraventionnelles pour la rapidité de la sanction ; organiser les DRAAF-SRAL et les liens avec les ARS pour donner suite aux signalements de dérive via des dispositifs de type PhytoSignal (cf. point 4.1.2.2.), afin de réagir rapidement et déclencher des inspections non programmées ; pour les inspections programmables : cibler dans la sélection les exploitations jouxtant des établissements sensibles et des zones habitées, en s'appuyant sur des SIG tenus à jour (cf. le chapitre 4.3.2.) ; lors des inspections dans ces exploitations, renforcer les inspections sur le contrôle obligatoire des pulvérisateurs. Si de nouvelles restrictions réglementaires d'emploi des produits phytopharmaceutiques sont adoptées pour la protection des personnes vulnérables, les protocoles d'inspections seront mis en cohérence ; prévoir parmi les inspections programmables en zone non agricole23, des contrôles concernant les jardins, espaces végétalisés et infrastructures. En particulier, les espaces verts des établissements avec des personnes vulnérables ne sont plus supposés utiliser de produits phytopharmaceutiques sauf quelques cas (arrêté du 27 juin 2011). La fixation d'un nombre d'inspections à réaliser dans ces sites dans la note de service sur le programme national de contrôle serait cohérente avec l'axe 4 d'ECOPHYTO 2+. Celui-ci précise pour les jardins, espaces végétalisés et infrastructures (JEVI) : 22 Évolution du dispositif de contrôle périodique obligatoire des pulvérisateurs de produits phytopharmaceutiques. Rapport CGAAER n° 16097. Mars 2017. 23 Les traitements de démoustication, ainsi que les opérations de désinsectisation dans les bâtiments publics, sont des utilisations de biocides, et non de produits phytopharmaceutiques. Pour cette raison, elles sortent du périmètre de la mission. 39 / 82 PUBLIÉ « le renforcement des contrôles pourra être un levier, notamment dans les secteurs dans lesquels les populations les plus sensibles peuvent être exposées » ; communiquer sur ces priorités et sur le bilan des inspections : chercher un effet démultiplicateur de l'effet des inspections en diffusant de l'information sur le renforcement de cette surveillance, avant et après ces contrôles, en particulier sur les non-conformités constatées ; demander aux organisations agricoles et aux organismes de conseil d'insister sur ces points de vigilance liés aux non-conformités lors des actions d'information et de formation sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Cette action peut s'inscrire dans les nouvelles missions24 des chambres d'agriculture transférées à titre expérimental. 24 Ordonnance no 2019-59 du 30 janvier 2019 relative à l'exercice et au transfert, à titre expérimental, de certaines missions dans le réseau des chambres d'agriculture. Article 3 : « 2° Un diagnostic portant sur leur exploitation, préalablement à une intervention des autorités de contrôle, visant à apprécier le respect par l'exploitant de ses obligations, au titre de la réglementation relative à l'identification des animaux, à la santé et à la protection animales, à la politique agricole commune, à la santé des végétaux et à la protection de l'environnement ». 40 / 82 PUBLIÉ 3. Les attentes pour la protection des riverains conduisent à élargir le champ de la réflexion 3.1. Les études en cours sur l'exposition des personnes Différentes études ont permis de mieux appréhender l'exposition des riverains aux PPP et l'éventuel impact de cette exposition sur la santé. La mission rappelle dans ce cadre qu'il n'existe pas de seuil de référence lié à l'imprégnation des personnes. Il n'est donc pas possible de tirer des conclusions quant aux risques liés aux concentrations retrouvées dans ces études. Par ailleurs, une saisine en date du 6 février 2019 par les ministères en charge de l'écologie, de la santé et de l'agriculture demande à l'ANSES un appui scientifique et technique sur les mesures de protection des riverains lors de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. L'ensemble des études et notamment l'expertise collective « Pesticides : les effets sur la santé » menée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) de 2013 mettent en évidence25 « des augmentations de risque significatives pour plusieurs pathologies en lien avec l'exposition des travailleurs et de leurs familles (cancer de la prostate, maladie de Parkinson, lymphome non hodgkinien, myélome multiple, atteinte du système nerveux central) ainsi que pour le développement du foetus et la petite enfance lors d'expositions au cours de la période prénatale et périnatale. Selon les modes de contamination, ce sont plus d'un million de professionnels de l'agriculture, la population des riverains et, plus largement, l'ensemble des consommateurs qui sont potentiellement exposés aux dangers que peuvent présenter les pesticides. Le Haut conseil de la santé publique (HCSP) rappelle que le coût en Europe des conséquences de santé de l'ensemble des pesticides via leurs mécanismes de perturbation endocrinienne est estimé à 120 milliards d'euros par an. L'utilisation des produits phytopharmaceutiques constitue aussi un enjeu majeur pour l'environnement. » Cette situation a conduit à une mission relative à la préfiguration d'un dispositif d'indemnisation des victimes de produits phytopharmaceutiques26. La mission considère qu'il serait utile pour une meilleure compréhension des parties prenantes de faire le point sur les conséquences qui ont été tirées de l'expertise collective de l'INSERM en termes de retrait de substances actives ou de produits du marché. Dans cette perspective, il serait également utile de mesurer l'impact du retrait de certaines substances ou produits sur le taux de prévalence des malformations congénitales identifiées comme liées à l'exposition de ces substances ou produits. Par ailleurs, un certain nombre d'études ont été lancées récemment au niveau national et européen pour mesurer l'exposition des personnes aux PPP et l'impact éventuel de cette exposition sur la santé. Tableau des recherches en cours sur l'exposition aux PPP Cibles Riverains Geocap Agri : Étude épidémiologique lien cancer de l'enfant et proximité avec les terres agricoles 2020 À la demande de la DGS. À partir de cas témoins ayant une pathologie cancéreuse, géolocalisation et évaluation de Échéance Commentaires 25 Utilisation des produits phytopharmaceutiques. Rapport IGAS-CGEDD-CGAAER de décembre 2017. 26 La préfiguration d'un fonds d'aide aux victimes de produits phytopharmaceutiques, rapport IGF ­IGAS ­ CGAAER, janvier 2018. 41 / 82 PUBLIÉ la densité de l'exposition. (SPF + INSERM) Étude d'imprégnation multi-sites chez des riverains de zones cultures agricoles. 1er volet 2021. À la demande de la DGS. (ANSES + SPF). Prélèvements chez 1 400 personnes exposées et 700 personnes non exposées. Étude couplée à des mesures environnementales de l'air (intérieur et extérieur) et des poussières des lieux de vie INSERM Actualisation de l'expertise collective de l'INSERM « Pesticides ­ effets sur la santé » de 2013 avec un accent sur le glyphosate et la chlordécone. Human Biomonitoring for Europe (HBM4E) 2020 1er volet 2017-2021 INSERM. Étude sur l'imprégnation des populations aux substances chimiques dans 28 États membres Actualisation de la note de l'ANSES de 201427 sur le dispositif réglementaire destiné à protéger les riverains des zones traitées avec des produits phytosanitaires Mères et enfants Étude PÉLAGIE (Perturbateurs Endocriniens : Étude Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l'Infertilité et l'Enfance) S OURCE : MISSION Avril 2019 En cours (période de l'adolescence) INSERM. Suivi d'environ 3500 mères-enfants en Bretagne depuis 2002. Dans l'attente des résultats de ces enquêtes et études en cours, la mission considère qu'elle ne dispose pas d'éléments suffisants et probants permettant de mesurer, sur une base scientifique, l'efficacité du dispositif actuel relatif aux arrêtés préfectoraux au regard de l'objectif de protection de la santé des personnes. Par ailleurs, il n'existe pas d'études sur la pertinence des mesures de protection. Une seule étude américaine a mesuré l'impact de mesures de protection sur l'exposition des riverains28. Dans ce contexte, les résultats des études en cours seront utiles pour évaluer l'exposition des personnes. Toutefois, ces résultats ne seront connus qu'à partir de l'année prochaine et s'étaleront jusqu'en 2021, voire au-delà. La mission considère dès lors que toutes ses recommandations sont provisoires et devront être revues à la lumière des résultats attendus. En outre, il paraît dès à présent indispensable d'initier une démarche d'analyse des risques liés à l'exposition des personnes vulnérables et des riverains aux produits phytopharmaceutiques. Cette démarche aura pour objectif de concevoir une méthode d'évaluation des mesures prises afin de répondre à l'objectif de protection instauré par la loi. Cette démarche devra être impulsée par les trois ministères chargés de 27 https://www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2013sa0116.pdf 28 Will buffer zones around schools in agricultural areas be adequate to protect children from the potential adverse effects of pesticide exposure?, Robert B. Gunier, Asa Bradman, Kim G. Harley, Brenda Eskenazi, PLOS Biology, décembre 2017. 42 / 82 PUBLIÉ l'agriculture, de la santé et de l'environnement. Elle pourra s'appuyer sur un groupe projet réunissant l'ensemble des parties prenantes et les compétences nécessaires à cette évaluation du risque tant au niveau national qu'au niveau local. Le groupe de travail n°3 « protection des populations et de l'environnement » réuni dans le cadre du plan Ecophyto sera utilement associé à cet exercice, afin d'en suivre l'état d'avancement et d'élaborer des propositions. L'efficacité des mesures de protection étant difficile à évaluer dans l'état actuel des connaissances, la mission insiste sur l'importance de mettre en place une stratégie de maîtrise des risques comportant une analyse d'impact de la non-connaissance de la distribution de ces risques sur la prise de décision, en particulier concernant l'exposition des riverains. 3.2. La comparaison avec la protection de l'environnement Les aspects concernant l'écotoxicité et les coûts liés aux pesticides sont précisés dans l'annexe 14 qui expose aussi des aspects liés aux mesures réglementaires et à leur financement. La mission observe que les autorisations de mise sur le marché (AMM) de certains produits phytopharmaceutiques sont accompagnées de : Zones de non-traitement (ZNT) par rapport aux points d'eau (ZNT aquatique) ; Zones de non-traitement par rapport aux zones adjacentes non cultivées au titre de la protection de la biodiversité (ZNT arthropodes non cibles, ZNT plantes non cibles). Les exemples ci-dessous sont des copies d'écran de la base E-PHY de l'ANSES sur les produits phytopharmaceutiques bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché (consultation en janvier 2019) : Exemple de ZNT aquatique et de ZNT arthropodes avec le TIDEL Exemple de ZNT aquatique et de ZNT plantes avec le DECANO 43 / 82 PUBLIÉ Actuellement, l'arrêté ministériel du 4 mai 2017 impose une zone non traitée d'une largeur minimale de 5 mètres pour l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants à proximité des points d'eau et cours d'eau (en complément des distances prévues dans les AMM). Il prévoit que des arrêtés préfectoraux dûment motivés soient pris pour définir ces points d'eau sous un délai de deux mois. Une mission interministérielle (environnement et agriculture) a été confiée au CGEDD et CGAAER pour évaluer la mise en oeuvre des dispositions de l'arrêté précité et du niveau de protection des points d'eau intégrant les cours d'eau de tête de bassin, fossés et plans d'eau. 3.3. La fixation par l'ANSES de zones de non-traitement à proximité des riverains dans les autorisations de mise sur le marché des PPP La mission a pris connaissance de l'existence de travaux en cours de l'ANSES pour définir des ZNT riverains. En application des guides de l'EFSA, ces distances minimales de traitements par rapport aux lieux d'habitation seront progressivement adoptées pour chaque usage de chaque produit phytopharmaceutique à mesure des renouvellements des autorisations de mise sur le marché. Des références manquent toutefois pour démarrer les procédures de détermination des ZNT riverains. En mars 2019, l'ANSES a précisé à la mission : « Ces ZNT devraient pouvoir être publiées d'ici quelques mois et si possible après adoption des dispositions réglementaires générales de cadrage de leur usage (définition, mesures de gestion possibles (réduction de la dérive, distance, type de pulvérisateur ? ...) ».. 3.4. La loi EGALIM élargit la protection aux riverains 3.4.1. Les nouvelles exigences de la loi EGALIM renvoient à des chartes départementales La loi EGALIM modifie l'article L.253-8 du CRPM : « l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d'agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. Ces mesures tiennent compte, notamment, des techniques et matériels d'application employés et sont adaptées au contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et sanitaire. Les utilisateurs formalisent ces mesures dans une charte d'engagements à l'échelle départementale, après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d'être traitées avec un produit phytopharmaceutique. Cette disposition entre en vigueur au 1er janvier 2020. « Lorsque de telles mesures ne sont pas mises en place, ou dans l'intérêt de la santé publique, l'autorité administrative peut, sans préjudice des missions confiées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de 44 / 82 PUBLIÉ l'alimentation, de l'environnement et du travail, restreindre ou interdire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones définies au premier alinéa du présent III. » Ces nouvelles dispositions conduisent à renforcer la protection des riverains, mais posent de nombreuses questions qui devront être traitées pour partie dans le décret d'application prévu par la loi. Trois questions apparaissent comme majeures : Tout d'abord, comment définir précisément la proximité des zones attenantes ? À quelle distance cette notion renvoie-t-elle ? La réponse ne pourra pas être locale et apportée par les préfets. Les instances scientifiques devront se prononcer dans l'état actuel des connaissances. Ensuite, comment peut-il être tenu compte, de manière opératoire, des techniques et matériels d'application ainsi que du contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et phytosanitaire ? Les acteurs locaux devront apporter des réponses en exploitant les connaissances liées au contexte de production et les informations de l'IRSTEA et des instituts techniques. Enfin, quel pourra être le mode de gouvernance du dispositif ? Cette question ouvre à son tour différentes interrogations : Quels acteurs participeront à l'impulsion, puis au pilotage du dispositif ? Comment la concertation sera-t-elle organisée ? Avec quels acteurs ? Dans quels délais ? Avec quelle prise en compte des avis ? Dans quelle mesure les chartes seront-elles opposables et quel sera le mode de règlement des litiges ? Comment la coexistence éventuelle de différentes chartes sur un territoire donné sera-t-elle gérée et par qui ? À l'inverse, dans quel délai considèrera-t-on qu'il y a carence de la part des utilisateurs ? Le constat de carence sera-t-il effectué et les mesures à appliquer seront-elles définies au niveau national ou au niveau départemental ? - - Au vu des constats ci-après effectués sur les chartes existantes, la mission propose des recommandations pour les conditions de réussite des chartes prévues par la loi EGALIM. 3.4.2. Les chartes existantes sont bénéfiques mais diverses dans leur portée En parallèle des arrêtés préfectoraux, certains territoires, peu nombreux, se sont organisés spontanément pour élaborer des chartes de bonnes pratiques. La mission a examiné un certain nombre de chartes départementales ou régionales déjà existantes, et rencontré les acteurs de ces engagements dans différents départements. Elle a également échangé avec plusieurs signataires du Contrat de solutions pour la protection des plantes, piloté par la FNSEA, et qui a été signé par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation le 25 février 2019. La fiche 36 du Contrat de solutions (version du 11 juillet 2018) recommande d'établir des chartes de bon voisinage, et propose une charte type (voir l'annexe 10). Ces documents insistent sur les enjeux du dialogue entre les acteurs du monde agricole et les associations de riverains ou de défense de l'environnement. L'intérêt d'une mutuelle reconnaissance des attentes est souligné, et en particulier les nécessités liées à la production végétale. En revanche, pour les mesures de protection, la charte type n'exploite pas les autres fiches du Contrat de solutions. Il n'y a pas d'impulsion vers des moyens alternatifs comme les produits de biocontrôle. De plus, les systèmes autres que l'agriculture conventionnelle comme l'agro-écologie et l'agriculture biologique ne sont pas mis en exergue. L'initiative des chartes est souvent locale (maire, 45 / 82 PUBLIÉ associations de riverains, profession agricole). La plupart des chartes dont la mission a eu connaissance sont nées à l'occasion d'un conflit entre agriculteurs et riverains. Elles ont rarement accompagné la signature des arrêtés. Lorsque cela a été le cas, la mission a constaté qu'elles n'allaient guère au-delà de la règlementation. Dans les départements où préexistaient des chartes, elles ne semblent pas avoir été prises en compte dans la phase d'élaboration des arrêtés, peut-être surtout en raison de l'urgence politique donnée au dossier. Les chartes existantes sont diverses à la fois par leur objet, par leur champ d'application, par le caractère plus ou moins ambitieux de leurs objectifs, par les parties prenantes associées ou signataires et par les moyens de pilotage ou de suivi qu'elles prévoient. Des champs d'application de portée variable L'objet des chartes est variable : il peut viser à établir simplement des bonnes relations de voisinage entre agriculteurs et riverains, ou plus spécifiquement à assurer la protection des personnes vulnérables accueillies dans les établissements qualifiés de sensibles, ou bien, de manière beaucoup plus générale, à maîtriser les risques santé / environnement des pratiques phytosanitaires. En outre, les chartes peuvent porter sur l'ensemble des cultures ou bien seulement une partie d'entre elles : pommiers dans le Limousin, viticulture dans le Bordelais et en Bourgogne, par exemple. Selon les cas, les chartes ont été élaborées au niveau régional, au niveau départemental ou au niveau infra-départemental. Elles peuvent éventuellement se superposer sur un même territoire. Ainsi, la charte départementale des bonnes pratiques agricoles et viticoles destinées à réduire les risques d'exposition de personnes vulnérables aux produits phytopharmaceutiques de Saône-et-Loire coexiste-telle avec la charte régionale des vins de Bourgogne. Trois objectifs centraux : améliorer les pratiques agricoles, améliorer la santé de la population et favoriser le dialogue Diversement formulés, les objectifs les plus souvent affichés dans les différentes chartes sont les suivants : - améliorer les pratiques agricoles ; - améliorer la santé des populations / assurer la sécurité des personnes vulnérables ; - favoriser le dialogue entre les parties prenantes et le bon voisinage. La charte régionale de la pomiculture du Limousin intègre également l'objectif de prévenir l'émergence de difficultés économiques pour la filière. L'élaboration et le suivi de certaines chartes sont pilotés par la profession agricole, d'autres par les services de l'État (préfets). Les représentants de la profession agricole ou les agriculteurs eux-mêmes font toujours partie des signataires. Le plus souvent, sont signataires également les maires ou les représentants des riverains. Il arrive parfois que l'État s'engage aussi (charte régionale des vins de Bourgogne ou charte départementale de Saône-et-Loire par exemple) ou qu'il patronne l'exercice (charte régionale des Pays de la Loire) ou encore que le président du conseil départemental figure parmi les signataires (charte départementale de bon voisinage de l'Oise). Enfin, la charte régionale de Bretagne prévoit un patronage de la concertation locale par les maires. Des engagements forts de la part des parties prenantes Les engagements des parties prenantes décrivent les actions à mener pour atteindre les objectifs. De manière générale, les parties prenantes s'engagent à promouvoir les chartes. Les professionnels s'engagent 46 / 82 PUBLIÉ à adapter leurs méthodes de travail, à trouver des solutions pour améliorer leurs pratiques et à communiquer. De manière pratique, la charte locale « Château Lamothe et riverains » prévoit par exemple que l'agriculteur prévienne ses voisins au plus tard la veille des travaux par un SMS (ou tout autre moyen simple et rapide choisi avec eux) et qu'il leur propose une réunion d'échange chaque année. Quant aux riverains, ils sont invités à se renseigner sur la proximité des activités agricoles avant de s'installer à la campagne et à conduire un dialogue constructif et courtois avec les autres parties prenantes. Les maires s'engagent à diffuser l'information, jouer un rôle de médiation, alerter le préfet en cas de difficultés. La charte régionale de la pomiculture du Limousin29 prévoit que les services compétents de l'urbanisme s'engagent à éviter le mitage rural. Enfin, dans la charte départementale de Saône-et-Loire, l'État s'engage à appuyer les concertations locales. Selon le niveau géographique où a été établie la charte et selon l'ambition qu'elle affiche, les engagements sont décrits de manière plus ou moins précise. Bilan périodique, clause de révision et indicateurs Par ailleurs, les engagements sont parfois assortis d'indicateurs. À ce titre, la charte régionale du Limousin et la charte du Château Lamothe de Haux sont particulièrement intéressantes (cf. annexe 11). Enfin, une majorité de chartes comportent une clause d'adaptation en fonction d'un bilan périodique. L'analyse des chartes existantes (en annexe 9) fait ressortir les points suivants : certaines chartes ne sont signées que par les acteurs du monde agricole, d'autres intègrent les maires, les représentants du conseil départemental, les services de l'État, les riverains ou leurs représentants. certaines chartes se contentent de relayer purement et simplement la réglementation. D'autres sont plus ambitieuses, tant par l'ampleur des aspects pris en compte, que par la fixation d'objectifs assortis d'indicateurs et par la mise en place d'un dispositif de suivi et de révision. - 3.4.3. Les facteurs clefs de succès pour les chartes départementales prévues par la loi EGALIM La loi EGALIM a introduit l'obligation, pour les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques, de formaliser des mesures de protection pour les riverains, dans une charte d'engagements à l'échelle départementale, après concertation avec les personnes ou leurs représentants. Il est donc d'autant plus utile de définir les conditions de réussite de la mise en place de tels outils. L'exercice d'élaboration et de suivi de chartes départementales visant à mettre en place des mesures de protection des riverains est donc désormais encadré par la loi, ce qui n'empêche nullement que d'autres chartes soient signées, à un niveau géographique différent ou de manière ciblée sur un type de culture (cf. infra). Cependant, il existe désormais une obligation de formaliser des mesures de protection à l'égard des riverains et, à défaut de charte départementale, l'autorité administrative pourra prendre des mesures de 29 Cf. http://www.correze.gouv.fr/content/download/17393/121022/file/charte_pomiculture_20170320_vSignee.pdf 47 / 82 PUBLIÉ protection. La loi donne ainsi une chance aux acteurs les plus concernés de se mettre d'accord afin que les mesures prises soient adaptées à la situation locale. Sur la base de l'analyse des chartes existantes et à la suite des entretiens menés avec les différents acteurs, la mission estime que la réussite de la démarche repose sur quatre piliers : la bonne volonté de l'ensemble des parties prenantes ; la qualité de la concertation, tant dans la phase d'élaboration que dans la phase de suivi ; la qualité du pilotage ; la communication. Les différentes parties prenantes doivent pouvoir trouver satisfaction dans le processus, ce qui signifie : des objectifs clairs sur le fond ; l'association de toutes les parties prenantes concernées à la concertation en amont et au pilotage de la charte ; la détermination et la mise en place d'outils de pilotage efficaces ; l'élaboration et la mise en place d'un dispositif d'information, de recueil des signalements et de règlement des différends. - Des objectifs clairs sur le fond : améliorer la protection des personnes ; améliorer les pratiques agricoles ; assurer une meilleure circulation des informations. Ces objectifs devront être soutenus par les engagements suivants des principaux acteurs concernés : engagement des organisations agricoles signataires à évoluer vers des pratiques agricoles réduisant l'exposition des riverains aux différents risques des produits phytopharmaceutiques ; engagement des associations de riverains signataires à relayer le contenu de la charte auprès des habitants et des parents d'élèves, et à faire circuler l'information depuis et vers le monde agricole ; engagement des représentants des maires et des intercommunalités à jouer un rôle de médiateurs et de pédagogues, et à élaborer des documents d'urbanisme appropriés pour réduire les risques d'exposition des personnes. - L'association de toutes les parties prenantes concernées qui le souhaitent à la concertation en amont et au pilotage de la charte, notamment : la profession agricole, représentée par la chambre départementale d'agriculture et les syndicats agricoles du département ; les représentants des applicateurs professionnels de produits phytopharmaceutiques en zone non agricole ; les organismes de formation agricole ; l'unité départementale des agences régionales de santé ; les associations de défense de l'environnement et de la protection de la santé des riverains ; 48 / 82 PUBLIÉ des représentants des maires des communes ou des intercommunalités concernées ; des représentants du Département ; des représentants de l'Éducation nationale lorsque des établissements scolaires sont en proximité des parcelles ; des directeurs d'établissements sensibles concernés ; les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) ; des représentants du corps médical ; le préfet de département. L'impulsion de la démarche peut avoir lieu à l'initiative de la profession agricole ou à défaut du préfet. La mission estime que le rôle du préfet est essentiel pour : engager ses services en faveur de la démarche ; être le garant de la légalité, de la mise en place et de la continuité du processus ; assurer au besoin une médiation et apporter un support aux éventuelles concertations locales ; garantir la cohérence de la charte avec le programme régional de mise en oeuvre du plan ECOPHYTO 2+. - La détermination et la mise en place d'outils de pilotage efficaces : Pour être convaincantes et garantir qu'un climat de confiance s'établisse entre la profession agricole et les riverains, les chartes doivent proposer : un plan pluriannuel de déploiement des mesures adoptées (comme en Bourgogne30) ; des indicateurs de mise en oeuvre, portant au minimum sur l'évolution des pratiques agricoles et des actions d'information conjointes agriculteurs-associations dans les écoles, les maisons de retraite, etc. ; un bilan annuel pour mesurer l'évolution vers une meilleure réduction des risques et poursuivre la concertation, au besoin par une révision des dispositions prévues ; ce bilan devra intégrer les résultats des inspections ; la réunion au moins une fois par an autour du préfet du comité de pilotage départemental regroupant l'ensemble des parties prenantes. Les données sur les progrès accomplis seront à diffuser non seulement vers le public, mais aussi vers les financeurs potentiels tels les Conseils Régionaux, etc. De façon réciproque, et pour marquer la cohésion du mouvement lancé, les associations de maires et les associations de riverains sont invitées à appuyer les démarches des organisations agricoles pour obtenir les financements nécessaires à cette évolution : actions de formation, renouvellement de pulvérisateurs pour des technologies réduisant les risques de dérive, conversion à l'agriculture biologique, mise en oeuvre de l'agroécologie, etc. 30 Charte régionale : engager nos terroirs dans nos territoires. Bien vivre ensemble sur nos territoires et maîtriser les risques santéenvironnement des pratiques phytosanitaires des vins de Bourgogne. Juillet 2017. 49 / 82 PUBLIÉ - L'élaboration et la mise en place d'un dispositif d'information, de recueil des signalements et de règlement des différends Afin d'assurer une bonne application de la charte, un plan de communication vers le grand public, les riverains et les établissements sensibles est indispensable. Il sera utile de le transmettre également aux financeurs potentiels. Ce plan devra porter sur le contenu de la charte, les actions d'information réalisées, et les progrès de l'évolution des pratiques agricoles dans les zones sensibles. La communication vers les habitants devra être simple et accessible. Elle devra notamment présenter : - les moyens retenus pour informer les riverains et les promeneurs ; - le dispositif d'alerte et de règlement des différends prévu. En cas de présence de plusieurs chartes sur un territoire, la charte la plus protectrice pour les habitants devra naturellement s'appliquer. À ce propos, le décret d'application de l'article 83 de la loi EGALIM devra prévoir explicitement que les chartes départementales prendront en compte les dispositions des chartes déjà en vigueur et ne pourront en aucun cas en minimiser la portée. En outre, il est souhaitable que les chartes départementales facilitent l'émergence de concertations dans des périmètres très locaux, mais aussi sur des bassins de vie ou de production au-delà des limites départementales, dans une logique de coordination interdépartementale ou régionale. Si le climat entre agriculteurs et riverains du département le nécessite, il pourra s'avérer utile de recourir aux services d'un médiateur (postes mutualisés au niveau de l'intercommunalité ou prestataires de service spécialisés dans la médiation). 3.4.4. Les conditions d'une bonne application de la loi EGALIM Les éléments clefs à mettre en place pour l'organisation autour des chartes départementales sont les suivants : · l'impulsion de la démarche vient de la profession agricole, ou à défaut du préfet ; · le préfet est le garant de la légalité et de la continuité du processus, de la cohérence avec le plan régional ECOPHYTO, et il joue un rôle de médiateur entre les parties ; · les objectifs de la charte doivent être clairs pour tous les acteurs : améliorer la protection des personnes par l'évolution des pratiques agricoles, par une meilleure circulation des informations et par l'intégration de ces besoins dans les décisions des élus ; · la concertation en amont et le pilotage de la charte associent tous les acteurs : le monde agricole, les applicateurs en zone non agricole, les maires, les associations, les administrations et les collectivités ; · la charte prévoit un dispositif de pilotage et de suivi. R6. Prévoir l'entérinement par le préfet des chartes départementales, sur la base de critères de validation définis dans le décret d'application de la loi EGALIM. La mission se prononce pour que les chartes départementales élaborées en application de la loi soient entérinées par le préfet de département afin d'apporter la garantie de leur légalité et de leur bonne mise en oeuvre. 50 / 82 PUBLIÉ Le décret d'application de la loi EGALIM devrait prévoir des critères de validation d'ordre public des chartes départementales : - la présence de mesures de protection allant au-delà de la règlementation ; - la présence d'un dispositif de pilotage prévoyant au moins la fixation d'indicateurs, une réunion annuelle sous l'égide du préfet et une clause de révision ; - la présence d'un dispositif d'information, de traitement des signalements et de règlement des différends ; - une concertation en amont avec toutes les parties prenantes concernées ; - la signature de la charte a minima par : o la chambre d'agriculture départementale ou des syndicats agricoles ou des organisations professionnelles de filières agricoles ; o des associations représentant les habitants (défense des riverains, défense des victimes, défense des consommateurs ou parents d'élèves, défense de l'environnement) ou les représentants des maires du département. Si aucune charte n'a été signée dans le délai d'un an, afin de répondre à l'exigence de la loi qui dispose que « l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d'agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux », la mission préconise que le préfet prenne un arrêté sur la base des dispositions reprenant l'ensemble des clauses prévues par le décret et la circulaire interministérielle révisant l'instruction de la DGAL. Il s'appuiera également, en tant que de besoin, sur la concertation qui aura été préalablement engagée. R7. Inciter les préfets, en cas d'absence de charte départementale dans un délai d'un an, à élargir l'arrêté préfectoral réglementant l'utilisation des PPP à proximité des établissements accueillant des personnes vulnérables à l'ensemble des zones habitées, dans l'intérêt de la santé publique. Compte-tenu de l'évolution à venir des connaissances, de la diversité des situations locales et des mesures de protection qui auront été prises d'ici là, la mission estime indispensable de réaliser un bilan à trois ans de l'élaboration et de la mise en oeuvre des chartes départementales et des arrêtés préfectoraux pris en application de la loi EGALIM, afin d'adapter le dispositif au besoin. R8. Prévoir dans le décret d'application de l'article 83-III de la loi EGALIM un bilan à trois ans de la mise en oeuvre des chartes départementales et des arrêtés préfectoraux. 3.5. Le cas des applicateurs professionnels dans les jardins, les espaces végétalisés et les infrastructures En raison des traitements qu'ils réalisent dans un contexte urbanisé dense, la mission a rencontré les représentants des applicateurs professionnels 31 de produits phytopharmaceutiques dans les jardins, les espaces végétalisés et les infrastructures (JEVI). Ceux-ci ont fait part de leur expérience pour la réalisation d'interventions phytosanitaires dans de bonnes conditions vis-à-vis des populations riveraines. 31 Union nationale des entreprises du paysage (UNEP), Association des applicateurs de produits phytopharmaceutiques (AAPP). 51 / 82 PUBLIÉ Ces professionnels mettent l'accent sur le caractère essentiel de la communication et de la pédagogie à l'égard des populations. L'encadrement réglementaire de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les JEVI, en particulier dans les lieux ouverts au public, impose un dialogue avec le donneur d'ordre qui doit assurer une communication à destination des usagers en amont des travaux, sur la nature du traitement, le délai d'éviction, le délai de réentrée, etc. La prescription suivante est formulée32 par les professionnels : « Il conviendra de prévoir un ensemble de solutions à combiner selon l'expertise de l'utilisateur de produits phytopharmaceutiques. À ce titre, les entrepreneurs du paysage prennent en compte de nombreux facteurs pour s'adapter à la vie quotidienne des populations autour du site et limiter à la fois le risque d'exposition tout autant que le dérangement du client lui-même, de son voisinage, des usagers ou intervenants extérieurs et des passants fortuits : choix du produit à utiliser et de la technique d'application ; choix du moment d'intervention, dans la saison, la semaine, la journée ; - communication en amont auprès du commanditaire avec recommandation d'une information large, avec parfois la charge à l'entreprise d`y procéder, en affichant dans la rue, en tractant dans les boites aux lettres, sur les lieux de traitements, dans la presse locale ou les supports d'information internes ; - fermeture du site le temps du traitement (délai d'exclusion) et du délai de réentrée ; choix du matériel pour limiter la dérive. » Ces différents principes peuvent être une source d'inspiration pour les usages agricoles, en particulier les actions d'information et de communication, pour créer de la confiance envers le public (cf. le chapitre sur les moyens simples d'information du public). L'annexe 18 montre des exemples d'avis de traitements en zone urbaine expliquant le motif et la nature des traitements réalisés. Les applicateurs professionnels soulignent les difficultés pour leur activité de se voir appliquer une réglementation essentiellement conçue pour les parcelles agricoles. Ainsi, l'application systématique par la réglementation de zones de non traitement à proximité des JEVI peut conduire à l'interdiction totale de traitement pour les paysagistes, qui ont peu de solutions techniques pour empêcher les dérives. À ce sujet, l'homologation des adjuvants anti-dérive rencontre des obstacles techniques quant à la mesure de leur efficacité. Pour examiner les dispositions à prendre, la mission signale deux points de vigilance : · les représentants des applicateurs professionnels en zone non agricole doivent être invités à la concertation en amont et au pilotage des chartes départementales (cf. le chapitre sur les facteurs clefs de succès pour les chartes départementales prévues par la loi EGALIM) ; · la création d'un sous-groupe dédié aux usages non agricoles des produits phytopharmaceutiques, au sein du groupe de travail n°3 « Protection des populations et de l'environnement » (mis en place par le plan Ecophyto), doit permettre de formuler des recommandations liées aux particularités des traitements dans les JEVI, et à la recherche de solutions. 32 Synthèse des échanges du 12 novembre 2018 entre le CGAAER, le CGEDD, l'IGAS, l'UNEP et l'AAPP. UNEP. 18 décembre 2018. 52 / 82 PUBLIÉ 3.6 Retour d'expérience européen Des plans d'action nationaux assortis de cibles claires et mesurables aident les États membres à informer les citoyens sur la bonne mise en oeuvre de la directive 2009/128 CE, avec des exigences complémentaires qui proposent des méthodes innovantes pour réduire les risques posés par les pesticides. Le rapport de la Commission européenne (COM 2017 ­ 587 final), dont la synthèse des éléments en lien avec la mission se trouve en annexe 12, conclut à l'existence d'importantes lacunes dans de nombreux domaines : pulvérisation aérienne, information du public, collecte d'informations relatives aux cas d'empoisonnement et mesures de protection du milieu aquatique. La lutte intégrée contre les ennemis des cultures (IPM) est notamment une pierre angulaire de la directive : absence de cibles claires et de recours plus généralisé à des techniques de gestion des terres telles que la rotation des cultures. Les États membres doivent fixer des cibles et des indicateurs spécifiques et mesurables pour une stratégie à long terme visant à réduire les risques et effets d'utilisation des pesticides. Un plan a été approuvé par le Conseil européen en juin 2016 sous présidence néerlandaise, pour accroître la disponibilité des produits phytopharmaceutiques à faible risque et accélérer la mise en oeuvre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures dans les États membres. L'une des actions complémentaires proposées prévoyait en 2016 que la Commission transforme le site web existant consacré à la directive en un portail renvoyant aux informations pertinentes disponibles sur l'IPM au niveau de l'Union et des États membres. En général, les États membres possèdent des systèmes pour collecter des informations sur les cas d'empoisonnement aigu par les pesticides, mais l'exactitude des données reçues doit être améliorée. Par ailleurs, les systèmes de collecte d'informations sur les cas d'empoisonnement chronique ne sont pas largement développés. Toutefois, la mission observe, qu'à ce jour, la Commission européenne n'a pas respecté certains engagements pris en 2017 : transformer le site web de la directive en un portail renvoyant aux informations pertinentes disponibles sur l'IPM au niveau de l'Union et des États membres. finaliser les orientations relatives à la surveillance, à l'étude des effets de l'utilisation des pesticides sur la santé humaine et l'environnement (fin 2017). mettre en place des systèmes de collecte d'informations sur les cas suspectés d'empoisonnement dû à des pesticides visés à l'article 24 du règlement UE n°2017/625. assister les États membres dans l'élaboration de méthodes visant à évaluer le respect des 8 principes de l'IPM conformément au règlement UE n°1306/2013. travailler avec les États membres en vue de parvenir à un consensus sur l'élaboration d'indicateurs de risques harmonisés et compléter l'annexe IV de la directive 2009/128 CE. diffuser des exemples de bonnes pratiques de mises en oeuvre au travers de groupes de travail et de formations, notamment dans le cadre du programme « Une meilleure formation pour des denrées alimentaires plus sûres ». 53 / 82 PUBLIÉ Exemples de bonnes pratiques européennes : Au-delà de l'action de l'Union en faveur de la durabilité33, la mission a identifié quelques bonnes pratiques d'États membres. Par exemple, l'Italie a développé une base de données depuis 2001 qui couvre les produits phytopharmaceutiques et les biocides gérée par l'institut supérieur sanitaire (ISS). Cet outil trie et analyse les données à travers la publication d'un rapport annuel. Le système de surveillance nationale des expositions dangereuses et intoxications aigues (SIN-SHEAP) a ainsi permis d'identifier sur 900 cas d'exposition aux pesticides par an (dont 2% de substances dangereuses) : 627 cas d'intoxication aiguë en 2013 et 614 en 2014 avec une majorité de cas non graves (84%). À noter que l'Institut du cancer de Toscane surveille la toxicité chronique des pesticides depuis 1978. L'information des riverains et agriculteurs (protection des cultures bio) est également très développée : installation de panneaux d'avertissement des cultures voisines, notamment sur les produits utilisés. En Allemagne, une loi précise la durée d'information du public pendant ou après utilisation des produits : barrières et panneaux d'avertissement. De nombreux pays taxent les produits pesticides pour financer le développement de cultures biologiques et la recherche (Allemagne, Danemark, Suisse, France, etc.). Des restrictions réglementaires sur les insecticides sont envisagées. L'Allemagne a même développé 28 indicateurs dans son plan d'action national qui concernent : l'environnement, la conformité des équipements utilisés, les produits phytopharmaceutiques interdits, les rendements des cultures traitées ou non traitées, la fréquence des traitements, l'information du public, etc. La Slovénie impose des distances modulables de zones de non traitement en tenant compte des équipements utilisés à travers une réglementation qui intègre les enjeux de protection des cours d'eau, des riverains et des abeilles. En France, la protection contre les produits phytopharmaceutiques de l'environnement et de la santé est encadrée par deux arrêtés préfectoraux distincts et bientôt une charte en application de la Loi EGALIM (voir tableau ci-dessous) : Produits phytopharmaceutiques Cours d'eau et captages d'eau potable Établissements accueillant des personnes vulnérables Riverains Arrêté préfectoral n°1 Arrêté préfectoral n°2 Charte Dans un objectif de simplification réglementaire au niveau départemental, la mission suggère aux groupes de travail Ecophyto et PNSE/PRSE de conduire une réflexion conjointe sur l'intégration de la protection de la santé et de l'environnement dans un arrêté préfectoral unique à l'instar des réglementations sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Cette piste de réflexion vise à éviter la gestion en silo par les administrations locales des pollutions diffuses et à rendre plus lisible son cadre réglementaire auprès des acteurs et du public. Elle a également pour objectif de réorganiser les services de contrôle et de créer un guichet unique d'alerte pour le public. Bien évidemment la gestion des risques de recours est à étudier par les groupes de travail au regard des procédures en cours à l'encontre de certains arrêtés départementaux. 33 Résolution du Parlement européen du 6 juillet 2017 sur l'action de l'Union pour la durabilité (2017/2009 INI). 54 / 82 PUBLIÉ 4. Réduire davantage l'exposition des riverains et des personnes vulnérables 4.1. Repenser la collecte et la diffusion d'information 4.1.1. Une priorité : mettre en place des moyens simples d'information des riverains Les arrêtés préfectoraux n'ont pas permis d'instaurer une concertation, un dialogue entre toutes les parties prenantes et n'ont souvent pas permis d'apaiser les tensions. Les signalements des riverains augmentent, même s'ils restent modestes dans la plupart des régions en termes de volume. Néanmoins, un certain nombre de plaintes sont déposées au tribunal et engendrent des expertises de l'exposome34 et de l'état de santé des personnes. Là où le dialogue a été réinstauré à l'initiative des agriculteurs, les tensions se sont immédiatement apaisées. En Gironde, un château viticole organise des réunions publiques en amont de la saison de traitement et informe le public sur le type de traitement utilisé et les résultats attendus. Par ailleurs, les riverains sont informés par SMS au moment des traitements. Des manches à air installés à des points stratégiques permettent d'informer en temps réel agriculteurs et riverains, de la force du vent et de la possibilité ou non de procéder à des traitements. L'information des résidents et des promeneurs et randonneurs par des panneaux rappelant les devoirs et les risques serait utile dans les endroits les plus significatifs. Cependant cette mesure est difficile à envisager vu l'immensité des territoires concernés. Cela a pourtant été fait à propos des anticoagulants utilisés contre les campagnols et est régulièrement pratiqué par les entreprises du paysage (cf. annexe 18). Cette problématique devrait aussi entrer dans les contenus de formation Certiphyto.35 Dans l'arrêté sur le métam-sodium pris en 201636 en Maine-et-Loire, l'article 6 prévoit l'information en mairie sur les périodes d'application. Cette information est donnée soit individuellement, soit collectivement, par les applicateurs du produit, aux maires des communes où sont situés les riverains des parcelles cultivées dans un rayon de 200 m. L'arrêté prévoit que les applicateurs peuvent également informer directement les riverains. Au-delà, les nouvelles technologies de l'information permettent de créer des groupes sur les réseaux sociaux ou de développer des applications pour smartphone dont l'objectif seraient d'informer sur les dates et lieux de traitement. Selon les caractéristiques du territoire et la volonté des parties prenantes, ces différents moyens d'information peuvent être utilisés alternativement ou de manière combinée et être inscrits dans les chartes (cf. chapitre 3) ou les arrêtés préfectoraux (cf. chapitre 2). R9. Prévoir et organiser dans les chartes ou les arrêtés préfectoraux des moyens simples d'information entre les agriculteurs, les maires et les riverains à l'approche et au moment des périodes de traitement de PPP. 34 Dans le domaine sanitaire, le concept d'exposome recouvre « l'ensemble des expositions (chimiques, physiques, biologiques, psychologiques et sociologiques) d'un individu tout au long de sa vie, dès la conception. L'exposome humain ne recouvre pas uniquement la description des expositions mais aussi leurs impacts sur la santé et les mécanismes impliqués ». Préfiguration du volet recherche du 4e Plan National de Santé Environnement (PNSE4), INSERM. 2018. 35 Comité de suivi des AMM de l'ANSES, réunion du comité numéro 2018-03, des 19 et 20 septembre 2018. 36 Arrêté DDT-SEEF-MMT n°2016-12-02 55 / 82 PUBLIÉ 4.1.2. La phytopharmacovigilance est un dispositif à renforcer afin de répondre aux inquiétudes des riverains et de mesurer les effets des PPP sur le territoire 4.1.2.1. Le cadre européen impose la mise en place d'un dispositif. Au niveau réglementaire, la directive 2009/128/CE instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable prévoit : « · la mise en place des mesures nécessaires pour informer le public et promouvoir et faciliter des programmes d'information et de sensibilisation et la disponibilité d'informations précises et équilibrées concernant les pesticides pour le grand public, notamment les risques et les éventuels effets aigus et chroniques pour la santé humaine, les organismes non cibles et l'environnement résultant de leur utilisation (art.7.1) ; · des systèmes de collecte d'informations sur les cas d'empoisonnements aigus par des pesticides, ainsi que le cas échéant sur les développements d'un empoisonnement chronique, parmi les groupes pouvant être exposés régulièrement aux pesticides, comme les utilisateurs, les travailleurs agricoles ou les personnes vivant à proximité des zones d'épandage de pesticides (art. 7.2). » 4.1.2.2. PhytoSignal : un exemple probant, pour l'instant limité à une région Sur le terrain, la mission a constaté à plusieurs reprises que les chefs d'établissement accueillant des personnes vulnérables, les riverains et même les élus locaux ne savaient pas à quelle autorité s'adresser lorsqu'ils constataient des dérives hors des parcelles lors de l'épandage de PPP. En Nouvelle Aquitaine, l'ARS a mis en place un dispositif pilote de recueil et de gestion des signalements liés aux épandages de pesticides (PhytoSignal). Ce guichet unique, sous la forme d'un numéro vert, permet de recueillir les signalements de dérive et d'exposition impropre des personnes aux PPP. Il a été mis en place en Aquitaine en 2014 et a été étendu à l'ensemble des départements de Nouvelle Aquitaine en 2016. Il associe la cellule d'intervention en région de Santé publique France (CIRE), l'Association agréée pour la surveillance de la qualité de l'air en Nouvelle-Aquitaine (ATMO Nouvelle-Aquitaine) et plus récemment le centre antipoison et de toxicovigilance (CAPTV), ainsi que la DRAAF. Les objectifs du dispositif sont de centraliser les signalements au niveau de l'ARS, de les décrire, de les comptabiliser et d'assurer une prise en charge et un suivi coordonné avec les acteurs compétents, et notamment la DRAAF. L'existence du dispositif a été communiquée à l'ensemble des maires de la région, elle n'a toutefois pas été communiquée aux médecins exerçant dans la région. 56 / 82 PUBLIÉ Source : Nouvelle Aquitaine, modifié par la mission Après un premier filtre, l'ARS renvoie les signalements de dérive hors des parcelles et d'exposition des riverains ou des personnes sensibles à la DRAAF. Selon le type de signalement, la DRAAF peut diligenter rapidement un contrôle sur le terrain. Le bilan des signalements montre une montée en puissance du nombre de signalements depuis la mise en place du dispositif en 2014. 96 signalements recueillis sur la période 2014-2017. Dans 48 des cas, un critère « réglementaire » est suspecté (vent fort, établissements sensibles, entraînement hors de la parcelle avéré). 63 signalements ont été transmis à la DRAAF. Le nombre de signalements semble en augmentation en Gironde : 26 signalements reçus en 2018 (contre 16 en 2017, 19 en 2016). Les annexes 16 et 18 montrent des exemples de signalements et de fiche PhytoSignal d'enregistrement. Dans un cas de violation réglementaire indiscutable (épandage par grand vent), la DRAAF a saisi la justice et a obtenu la condamnation de l'agriculteur incriminé à 15 000 d'amende. Même s'il s'agit d'un cas isolé et que la procédure est complexe à mener, cette condamnation a eu un effet dissuasif. Les ARS d'autres régions, sensibilisées à la problématique des PPP, envisagent de reprendre le système de PhytoSignal. 57 / 82 PUBLIÉ 4.1.2.3. Le dispositif national de phytopharmacovigilance piloté par l'ANSES peine à être connu Dans le cadre de sa mission de suivi des effets sur la santé humaine et des expositions, le dispositif de phytopharmacovigilance, piloté par l'ANSES, est en lien avec les Centres anti-poisons et de toxicovigilance de toutes les régions, le réseau Phyt'attitude de la Mutualité sociale agricole et l'Agence nationale de santé publique France (Santé Publique France). Il a été développé depuis 2017. Il s'agit d'un dispositif unique en Europe par l'aspect intégré du recueil d'informations, aussi bien les alertes sur la biodiversité que sur la santé humaine. Les autres États membres ont conçu des dispositifs spécifiques (par exemple concernant les résidus sur les aliments ou les eaux de surface). Ce dispositif recueille les signalements d'intoxication aiguë par le biais des centres anti-poison. Toutefois, la transmission des alertes mérite d'être améliorée car lors des intoxications répétées dues au métamsodium en Pays de la Loire, la cellule de phytopharmacovigilance de l'ANSES n'a pas été prévenue. Les remontées de signalements par les différentes sources sont complétées par une voie directe par le biais d'un portail de signalements des événements sanitaires indésirables, hébergé par le site du Ministère de la santé et des solidarités37. D'après les constats de la mission, ce portail de saisine directe n'est pas spécifique aux PPP et les cas d'intoxications liées aux PPP mériteraient d'être indiqués plus clairement. Lors de ces déplacements sur le terrain, la mission a constaté qu'à l'inverse de PhytoSignal, ce dispositif de phytopharmacovigilance piloté par l'ANSES n'était pas connu des parties prenantes. Il n'est pas relié à PhytoSignal. Il ne reçoit pas non plus les signalements recueillis par des dispositifs créés par les associations, type PhytoVictimes38. Sur les cas d'intoxications chroniques, la cellule de pharmacovigilance se base sur le résultat des études épidémiologiques lancées par Santé publique France ou l'INSERM et le réseau Phyt'attitude de la MSA39. Le réseau Phyt'attitude a été créé en 1991 par la Mutualité sociale agricole. Il est composé de médecins du travail, de conseillers en prévention et d'experts toxicologues. Il recense, analyse et valide les informations sur les accidents ou incidents survenus lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques. Phyt'attitude fonctionne sur le principe de la déclaration volontaire d'événements indésirables par les utilisateurs de ces produits. La mission considère que la cellule pourrait développer d'autres méthodes de collecte d'informations sur les intoxications chroniques. Les informations collectées par ces différents canaux servent à alimenter la direction des évaluations de l'ANSES, lors du renouvellement des autorisations de mise sur le marché. Une mission plus générale d'information des pouvoirs publics et du public pourrait être assignée à cette cellule. La mission considère qu'un dispositif de collecte des signalements au niveau national est essentiel mais que le dispositif actuel peine à se développer et à se faire connaître et ce malgré un budget conséquent40. Sans le remettre en cause, ce dispositif mérite d`être priorisé au sein de l'ANSES afin d'être connu de toutes les parties prenantes et relié aux différents dispositifs d'alerte existant. 37 https://signalement.social-sante.gouv.fr/psig_ihm_utilisateurs/index.html#/accueil 38 Phytovictimes est liée à l'association Générations futures et recueille les signalements des agriculteurs. Ils suivent actuellement 400 dossiers d'intoxication par les PPP. 39 Mutualité sociale agricole. Base Phyt'attitude. Bilan des observations du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014. 40 Enveloppe annuelle de 4 millions - 12 ETP. 58 / 82 PUBLIÉ 59 / 82 PUBLIÉ R10. Organiser au niveau régional sur tout le territoire un guichet unique de recueil des déclarations de dérives de PPP et d'exposition des personnes, sur le modèle du dispositif PhytoSignal en Nouvelle Aquitaine. Relier ces guichets uniques au dispositif de phytopharmacovigilance de l'ANSES. 4.1.3. Ouvrir l'accès des registres de traitements aux chercheurs sous couvert de l'anonymat Il existe une obligation légale d'inscrire les PPP utilisés dans les exploitations agricoles dans un registre de traitements. L'arrêté du 16 juin 2009, en application des règlements sanitaires n° 852/2004 et n° 183/2005, prévoit dans son article 2 : « I. L'exploitant tient le registre de façon méthodique et chronologique. Notamment, les données sont consignées par parcelle de culture définie d'une part par ses coordonnées GPS, cadastrales ou du réseau parcellaire graphique (RPG), et d'autre part par son emblavement. Par emblavement, on entend l'espèce et la variété cultivée. Le cas échéant et dans le cas d'organismes génétiquement modifiés, l'identifiant unique sera précisé. Le registre est renseigné dans un délai raisonnable eu égard à l'information en cause. II. L'exploitant peut y porter des mentions autres que celles mentionnées à l'article 1er, à condition que cela ne porte pas atteinte à la lisibilité du registre. Les informations contenues dans le registre doivent figurer sur un support garantissant leur pérennité et leur intégrité. Le registre est conservé pendant une durée de cinq ans suivant l'année de prise en compte de l'enregistrement de la dernière information. Il est tenu à disposition des autorités de contrôle pendant la durée prescrite. » L'archivage des registres de traitements est de 5 ans minimum. Les autorités de contrôle peuvent accéder à ces données en l'absence de démarche volontaire. L'article 3 précise le contenu de ce registre : « Les exploitants mentionnés à l'article L. 257-1 du code rural doivent en particulier tenir des registres concernant : 1° Toute utilisation de produits phytopharmaceutiques et biocides, notamment les informations suivantes : Etc. » Il n'existe pas de modèle officiel de registre pour les traitements phytosanitaires. Vu la très grande diversité des pratiques agricoles selon les filières de production, il serait difficile de faire un modèle unique. En revanche, les Chambres d'agriculture diffusent des modèles locaux de registres. De plus en plus d'exploitants utilisent aussi des registres parcellaires informatisés, qui enregistrent les données sur les traitements. Les inspecteurs ont les pouvoirs de police pour demander une extraction papier ou fichier de ces données. le nom complet de la spécialité commerciale utilisée pour chaque traitement ; les quantités et doses de produits utilisées exprimées en grammes/hectare, kilogrammes/hectare ou litres/hectare ; la date de traitement ; la date de remise en pâture après traitement. 60 / 82 PUBLIÉ La mission a constaté qu'à part les autorités de contrôle, les cahiers d'épandage n'étaient pas accessibles. En particulier, les chercheurs et scientifiques missionnés pour mesurer l'exposition des riverains autour des exploitations agricoles n'ont pas accès à ces données, ce qui complique d'autant les recherches. R11. Permettre l'accès aux registres de traitements dans les exploitations agricoles aux chercheurs et scientifiques dans le cadre de recherches liées à l'exposition des personnes aux PPP. Étendre la durée de l'archivage des registres de traitements de 5 à 10 ans minimum. 4.2. Faire des exploitations proches des zones habitées une priorité et un territoire d'excellence pour réduire les risques 4.2.1. Des mesures renforcées pour réduire l'exposition des lieux sensibles La réduction des risques liés aux produits phytopharmaceutiques implique des innovations techniques, de la formation, et du conseil permettant une évolution vers une agriculture plus économe en intrants de synthèse. Mais elle implique aussi un changement de système de production notamment grâce à la conversion vers l'agriculture biologique. Dans ces domaines, l'objectif pour la mission n'est pas de paraphraser le plan ECOPHYTO 2+, mais de : souligner les dispositifs opérationnels pertinents pour la protection des établissements avec des personnes appartenant aux groupes vulnérables, et des riverains ; formuler de propositions pour aider les décideurs afin de renforcer les mesures de sécurité envers les personnes exposées. Les pistes proposées pour atteindre ces objectifs relèvent de différentes catégories : 1. Stimuler les alternatives aux produits de synthèse dans les parcelles jouxtant des établissements et des riverains ; 2. Supprimer dans les itinéraires techniques agricoles les substances actives préoccupantes pour la santé ; 3. Moderniser le parc de pulvérisateurs, développer leur réglage, leur contrôle, et les bonnes pratiques de pulvérisation ; 4. Réduire les quantités de produits appliqués pour réduire les dérives ; 5. Déployer les obstacles physiques aux dérives : haies, filets, adjuvants. 4.2.1.1. Stimuler les alternatives aux produits de synthèse dans les parcelles jouxtant des établissements et des riverains Le plan d'actions sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides prévoit de « renforcer les actions de recherche vers la mise en oeuvre d'alternatives opérationnelles et durables » et « d'accompagner les exploitations agricoles dans la transition pour réduire les quantités et mettre en oeuvre les solutions alternatives en favorisant les approches collectives ». 61 / 82 PUBLIÉ Dans ce domaine, la mission propose, lorsque les demandes dépassent les enveloppes disponibles, d'examiner les leviers permettant de donner la priorité pour les aides, les formations et les conseils aux exploitations à proximité des établissements et des lieux d'habitation, pour : accélérer la conversion à l'agriculture biologique et ne plus employer de produits de synthèse dans les zones sensibles. Même si les produits antiparasitaires employés en agriculture biologique ne sont pas tous dénués de dangers, l'exposition globale présente sensiblement moins de risques. favoriser l'implantation de variétés résistantes aux maladies lorsqu'elles existent, en particulier de cépages résistants au mildiou et à l'oïdium et aux cultivars résistants à la tavelure du pommier, principaux motifs des traitements sur ces cultures. L'acceptation de ces variétés résistantes dans les cahiers des charges des signes de qualité, sans porter atteinte aux caractéristiques des produits, aurait un effet favorisant. développer l'utilisation de produits de biocontrôle, de substances de base et de produits à faible risque lorsque des alternatives aux produits de synthèse existent. aider le recours à des entreprises de prestation de service pour réaliser les traitements avec des produits de biocontrôle, des substances de base, des produits de l'agriculture biologique demandant une technicité particulière. stimuler l'utilisation de robots désherbeurs (sarclage, traitements ultra-localisés, enceintes de pulvérisation confinées) dont l'usage débute sur le terrain, mais en étant vigilant sur l'acceptabilité sociale de ce type de matériels. 4.2.1.2. Supprimer dans les itinéraires techniques les substances actives préoccupantes pour la santé Dans le plan ECOPHYTO 2+, l'axe 3 porte sur l'évaluation et la maîtrise des risques et des impacts. À ce titre, l'action « 13.2 Agir concrètement à faire reculer les risques liés à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques » prévoit d'« accompagner la substitution des produits contenant des substances préoccupantes pour la santé ». Cette disposition précise que « la substitution des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) et des perturbateurs endocriniens (PE) par des substances moins dangereuses, en particulier de biocontrôle, sera encouragée dans les entreprises, en particulier dans les très petites, petites et moyennes entreprises et chez les exploitants, en les dotant notamment des outils appropriés (formation, outils d'aide à la décision). ». En raison d'une part de la concentration de personnes vulnérables dans les établissements tels que les écoles et les établissements de santé, et d'autre part de la dispersion des personnes vulnérables dans les lieux d'habitation, la mission propose d'examiner les pistes suivantes : · interdire l'emploi des substances actives classées CMR et perturbateurs endocriniens (PE) par l'ANSES, et pour lesquelles des substitutions existent, dans les parcelles à proximité des établissements hébergeant des personnes vulnérables et à proximité des riverains; · donner la priorité aux exploitations voisines de lieux d'habitation et d'établissements sensibles, pour les actions destinées à permettre aux agriculteurs la substitution des CMR et PE, et les aides financières possibles pour compenser le coût des dispositifs, des produits alternatifs aux substances de synthèse et les éventuelles pertes de revenu ; dans le cadre de la séparation vente-conseil prévue par la loi EGALIM 41 , imposer un conseil 41 Article 88 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. 62 / 82 PUBLIÉ technique spécifique pour les agriculteurs dont les parcelles jouxtent des établissements sensibles et des lieux d'habitation pour orienter les pratiques vers les produits de substitution et les méthodes alternatives ; lors des formations du Certificat individuel pour l'application des produits phytopharmaceutiques (CERTIPHYTO), insister sur les pratiques fondées sur les produits de substitution et les méthodes alternatives. 4.2.1.3. Moderniser le parc de pulvérisateurs, développer leur réglage, leur contrôle, et les bonnes pratiques de pulvérisation Dans le plan ECOPHYTO 2+, l'axe 1 s'intitule « Agir aujourd'hui et faire évoluer les pratiques », avec une action « 1.2 Renforcer la place des agroéquipements de nouvelle génération et des outils d'aide à la décision ». Il est précisé : « Le Plan Écophyto II+ permettra d'aider les agriculteurs à investir dans des agroéquipements dont la performance à la fois économique, environnementale et sociale aura été démontrée à l'issue d'une évaluation indépendante. » Effectivement, un grand nombre des acteurs rencontrés par la mission ont présenté la maîtrise de la pulvérisation comme un levier essentiel pour la réduction des risques liés aux produits phytopharmaceutiques. Ce constat s'applique aussi aux producteurs en agrobiologie, en particulier les viticulteurs, et aux utilisateurs de produits de biocontrôle. Les objectifs à atteindre sont les suivants : moderniser le parc de pulvérisateurs avec du matériel réduisant les dérives de produits ; améliorer le réglage des pulvérisateurs ; développer les bonnes pratiques de pulvérisation. Moderniser le parc de pulvérisateurs avec du matériel réduisant les dérives de produits Pour le matériel de pulvérisation, la mission propose d'examiner les pistes suivantes : interdire la vente à court terme des matériels présentant le plus de risques de dérive, tels les pulvérisateurs de type canon ; interdire l'utilisation dans un délai à fixer des matériels présentant le plus de risques de dérive dans les exploitations à proximité des établissements sensibles et des riverains. En raison du coût élevé des appareils anti-dérives, une telle mesure doit être accompagnée d'un dispositif d'aide pour : cofinancer l'acquisition de matériels réduisant le risque de dérive, en définissant les appareils éligibles avec l'aide de l'IRSTEA et des Instituts techniques : dispositifs de confinement, panneaux récupérateurs, appareils d'application face par face... aider le recours à des entreprises de prestation de service pour l'application des traitements avec du matériel réduisant les risques de dérive ; favoriser les actions de partage du matériel réduisant les risques de dérive pour les exploitations concernées : CUMA, entraide entre agriculteurs, prêts de matériels, voire dispositifs relevant de l'économie collaborative agricole42 pour le partage des ressources entre les exploitations. donner la priorité aux exploitants des parcelles voisines de lieux d'habitation, pour les aides favorisant l'acquisition et l'emploi de pulvérisateurs réduisant les risques de dérive de produits. 42 #CoFarming Fest : le festival de l'économie collaborative au service de l'agriculture du 24 janvier 2018. https://agriculture.gouv.fr/cofarming-fest-le-festival-de-leconomie-collaborative-au-service-de-lagriculture. Consulté le 8 janvier 2019. 63 / 82 PUBLIÉ L'objectif est d'éliminer de manière progressive les pulvérisateurs les moins performants en s'appuyant notamment sur le dispositif des CEPP et le plan d'investissement (recommandation 4 du rapport43 de décembre 2017). développer les travaux pour un dispositif de notation et de classification des pulvérisateurs selon le risque de dérive, à l'image des travaux de l'IRSTEA en vigne. L'intérêt de cette classification est de fournir un référentiel aux agriculteurs et aux pouvoirs publics. Améliorer le réglage des pulvérisateurs Il est proposé de mettre en oeuvre les recommandations de la mission44 sur le contrôle des pulvérisateurs (reprises dans l'annexe 6 du rapport45 de décembre 2017) : associer l'acte de contrôle périodique obligatoire à une prestation de réglage et de formation au réglage des pulvérisateurs, avec l'appui d'acteurs locaux proposant des solutions adaptées, et sous le pilotage d'une structure ensemblière46 ; faire du rapport d'inspection remis par les organismes de contrôle agréés un élément exigible pour les dossiers de demandes d'aides publiques, dans le cadre d'une stratégie de résultat pour augmenter le taux de contrôle ; permettre aux distributeurs de capitaliser des certificats d'économie de produits phytosanitaires (CEPP) dès lors qu'ils contribuent, financièrement ou logistiquement, à des opérations de contrôle ­ réglage ; donner une place significative à la pulvérisation dans les formations initiale et continue (CERTIPHYTO) ; mobiliser les crédits du plan ECOPHYTO pour encourager des opérations collectives promouvant le réglage des pulvérisateurs, et conduisant les agriculteurs sur la voie d'une montée en compétence vis-à-vis de la pulvérisation. Développer les bonnes pratiques de pulvérisation Pour les bonnes pratiques d'application des traitements, outre le réglage des pulvérisateurs, la mission souligne l'intérêt de promouvoir les actions suivantes : à proximité des riverains, déployer les pratiques de pulvérisation permettant de réduire la dérive hors des parcelles agricoles : buses anti-dérives, adjuvants réducteurs de dérive, fermeture des sorties d'air du côté des riverains, vitesse d'avancement, pression, distance entre diffuseurs et cible, GPS avec arrêt automatique de la pulvérisation en bordure de parcelle, etc. ; implanter des manches à air systématiquement près des établissements sensibles, et autant que possible près des lieux d'habitation, à l'image des pratiques recommandées en Limousin47. 43 Utilisation des produits phytopharmaceutiques. Rapport CGEDD-IGAS-CGAAER de décembre 2017. 44 Évolution du dispositif de contrôle périodique obligatoire des pulvérisateurs de produits phytopharmaceutiques. Rapport CGAAER n° 16097. Mars 2017. 45 Utilisation des produits phytopharmaceutiques. Rapport CGEDD-IGAS-CGAAER. Décembre 2017. 46 Une structure ensemblière identifie les synergies possibles entre les acteurs et organise les compétences pour réaliser un projet. 47 Charte pour une arboriculture « Pommes du Limousin » mieux intégrée à son environnement. 20 mars 2017. 64 / 82 PUBLIÉ 4.2.1.4. Réduire les quantités de produits appliqués pour réduire les dérives L'axe 1 du plan ECOPHYTO 2+ se donne l'objectif suivant : « inciter les exploitants agricoles à adopter des pratiques concourant à la diminution de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ». Dans les parcelles proches des lieux sensibles, il est proposé de : encourager l'implantation des cultures les plus faiblement consommatrices de produits phytopharmaceutiques dans ces zones ; développer les pratiques agricoles moins consommatrices en intrants, notamment relevant de l'agroécologie, identifiées par le réseau de fermes DEPHY du plan ÉCOPHYTO. utiliser des drones 48 pour l'application de précision des produits phytopharmaceutiques si les expérimentations prévues par la loi EGALIM49 s'avèrent concluantes quant à la maîtrise du risque de dérive. intégrer dans les cahiers des charges des signes de qualité des pratiques réduisant significativement le recours aux produits phytopharmaceutiques. Par exemple, le Comité national de l'INAO a validé, le 6 septembre 2018, les nouveaux cahiers des charges des 27 appellations d'Anjou-Saumur, qui introduisent l'interdiction du désherbage chimique total. Désormais, seuls les rangs de vigne peuvent être désherbés chimiquement. 4.2.1.5. Déployer les obstacles physiques aux dérives : haies, filets, adjuvants. L'aménagement du territoire passe aussi par la plantation de haies comme prévu par l'article L.253-7-1 du code rural et de la pêche maritime, et l'installation de filets anti-dérive. Lors de ses déplacements, la mission a entendu les remarques suivantes : des filets anti-dérives ont été testés par l'Institut Français de la Vigne et du Vin en Gironde : voir l'annexe 15 sur un essai montrant un facteur de réduction est compris entre 2 et 3 pour les quantités déposées de produit. Des équipements de 3 à 4 mètres de haut sont commercialisés à cet effet ; ces filets permettent de mettre en place rapidement un dispositif pour réduire les dérives, mais leur impact sur le paysage du point de vue des riverains pose problème et cette solution ne peut être pérenne ; l'installation de haies anti-dérives présente des bénéfices pour le maintien ou l'amélioration de la biodiversité. Mais des questions sont posées sur le choix des espèces à planter en fonction des régions (feuillage persistant, hauteur...), sur le mode de conduite et sur l'entretien pour obtenir la meilleure efficacité contre les dérives ; les expérimentations et les autorisations sur les adjuvants anti-dérives doivent être développées. 48 Utilisation des drones pour la protection des végétaux. Pour des simplifications nécessaires de la réglementation autorisant l'application de produits de biocontrôle respectueux de la santé humaine, animale et de l'environnement. Rapport de l'Académie d'Agriculture de France. Juin 2018. 49 Article 82 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. 65 / 82 PUBLIÉ En résumé, les propositions suivantes sont formulées. R12. Faire des parcelles proches des zones sensibles une priorité pour la réduction des risques de dérive : stimuler les alternatives aux produits de synthèse, supprimer les substances actives préoccupantes pour la santé, moderniser le parc de pulvérisateurs, réduire les quantités de produits, déployer les obstacles physiques aux dérives. Faire des parcelles proches des zones sensibles une priorité pour la réduction des risques de dérive : stimuler les alternatives aux produits de synthèse : conversion à l'agriculture biologique, implantation de variétés résistantes, emploi de produits de biocontrôle, de produits classés à faible risque, de substances de base, recours à des entreprises de prestation de service pour appliquer ces produits, robots désherbeurs... supprimer dans les itinéraires techniques les substances actives préoccupantes pour la santé : interdire l'utilisation des CMR et PE pour lesquels des substitutions existent, imposer un conseil technique spécifique sur les substitutions, développer la substitution dans les formations CERTIPHYTO... moderniser le parc de pulvérisateurs, développer leur réglage, leur contrôle, et les bonnes pratiques de pulvérisation. Interdire les ventes à court terme des pulvérisateurs présentant le plus de risques de dérive, et dans un délai à fixer leur utilisation près des zones sensibles, avec un dispositif d'accompagnement. réduire les quantités de produits appliqués pour réduire les dérives : implanter les cultures les plus faiblement consommatrices de produits, appliquer les pratiques agricoles DEPHY moins consommatrices en intrants (objectif de 30 000 fermes), expérimentation de drones... déployer les obstacles physiques aux dérives : haies, filets, adjuvants. La mission recommande de mener les travaux d'expérimentation permettant d'établir des références techniques et des procédures d'autorisation, et de les diffuser sous forme de centre de ressources pour répondre aux questions posées par les utilisateurs. 4.2.2. Financer les mesures de réduction des risques 4.2.2.1. Financements liés à la politique agricole commune et écoconditionnalité La politique agricole commune (PAC) 2014-2020 repose sur deux piliers financés chacun par un fond budgétaire. Si le premier pilier est intégralement financé par l'Union, les programmes du second pilier sont cofinancés par des fonds de l'Union et des fonds nationaux, régionaux ou locaux. Le premier pilier finance à travers le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), les mesures de soutien à la production agricole et au revenu des exploitants qui consistent principalement en des paiements directs à l'hectare. Pour toucher ces aides, les agriculteurs doivent respecter plusieurs critères environnementaux et de bien-être des animaux. Les aides pour la production végétale sont essentiellement consommées par les grandes cultures. Les céréales (blé, orge, maïs...), les oléagineux (tournesol, colza, soja...) et les protéagineux (pois, féveroles...) représentent de très vastes surfaces : près des deux tiers des exploitations agricoles en France métropolitaine, plus de 12 M ha en 2014. Mais les indices de fréquence de traitements 66 / 82 PUBLIÉ sont faibles pour ces cultures (IFT en 201450 : 2,75 pour le maïs grain, 2,83 pour le colza, 4,22 pour le blé dur). Les contraintes environnementales liées aux aides directes du premier pilier ont donc une influence limitée sur ces cultures. En revanche, la vigne, l'arboriculture fruitière, et le maraîchage ne bénéficient pratiquement pas des paiements directs tandis qu'ils ont des indices de fréquence de traitement nettement plus élevés (IFT en 2012 et 2013 : 34,05 pour la pomme 51 , 13,3 pour la vigne 52 , 10,3 pour la tomate 53 ), sur des surfaces beaucoup plus faibles (0,75 M ha pour la vigne, 0,06 M ha pour les fruits à pépins, 0,08 M ha pour les légumes feuillus et à tiges). Les contraintes environnementales liées aux aides directes du premier pilier ont donc une influence limitée sur ces cultures. Le premier pilier de la PAC finance également, dans le cadre de l'organisation commune de marché (OCM)54 des programmes nationaux pour les secteurs viticoles, fruits et légumes, et oléiculture qui peuvent offrir des opportunités de financement. Le second pilier de la PAC finance à travers le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), le développement rural avec un large panel de vingt mesures55, les crédits correspondant pouvant être utilisés jusqu'au 31 décembre 2023. Ces mesures servent de briques aux États membres pour construire leur Programme de Développement Rural National (PDRN), et le cas échéant leurs Programmes de développement ruraux régionaux (PDRR). En France, le choix a été fait de mettre en place un PDRN limité à deux mesures, et des PDRR dont la responsabilité comme autorité de gestion a été confiée aux Conseils régionaux tout en étant encadrée par un cadre national très précis. Dans celui-ci, les cultures pérennes et le maraîchage peuvent ainsi bénéficier d'aides au titre des programmes de développement rural nationaux (en France, uniquement la gestion des risques) et/ou régionaux. Ainsi les acquisitions de matériels qu'entraînent certaines mesures proposées par la mission peuvent trouver des financements au titre de la mesure 4 (investissements physiques), qu'il s'agisse d`investissements améliorant la performance globale et la durabilité de l'exploitation agricole (sous-mesure 4.1) ou d'investissements non productifs liés à la réalisation d'objectifs environnementaux et climatiques (sous-mesure 4.4) du règlement FEADER. En France cette mesure est mise en oeuvre par le Plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles56 (PCAE)57 qui est décliné directement dans les PDRR58. Les PCAE sont majoritairement financés par le FEADER, complété par des crédits de l'État, des Conseils régionaux, des Agences de l'eau, et des 50 Agreste. Service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Enquête sur les pratiques phytosanitaires en grandes cultures 2014. 51 Agreste. Service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Enquête sur les pratiques phytosanitaires en arboriculture 2012. 52 Agreste. Service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Enquête sur les pratiques phytosanitaires en viticulture 2013. 53 Agreste. Service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Enquête sur les pratiques culturales sur les légumes 2013. 54 Règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commun des marchés agricoles. 55 Règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 relatif au soutien du développement rural par le FEADER. 56 Le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles. La PAC 2015-2020. Ministère de l'agriculture et de l'alimentation. 57 Le PCAE est un dispositif devenu unique des aides aux investissements des exploitations agricoles remplaçant plusieurs plans, dont le Plan végétal environnement (PVE). 58 Programmes de développement rural régionaux (PDRR) et agro-écologie. Analyse. Centre d'études et de la prospective. Les publications du service de la statistique et de la prospective. N° 119, mai 2018. 67 / 82 PUBLIÉ Conseils départementaux... Les équipements finançables par le PCAE sont modulés selon les régions. Dans le dispositif actuel, ces matériels permettent notamment de : réduire les quantités de produits employées : lutte mécanique : contre les adventices : bineuse, houe rotative, écimeuse, système de guidage automatisé pour bineuse, robot de désherbage mécanique... contre les pampres de la vigne : épampreuse mécanique ; pour l'entretien des couverts ou de l'environnement : broyeurs pour intercultures, rollkrop, rolofaca... lutte thermique : bineuse à gaz, traitement à la vapeur. lutte physique : filets tissés anti-insectes, filets insect-proof... lutte chimique localisée : désherbineuse, désherbage par humectage, localisation du traitement sur le rang, désherbage piloté par des capteurs détectant la présence d'adventices... lutte chimique de précision : coupures de pulvérisation par GPS, réduction de doses de produits phytopharmaceutiques, station météorologique, thermo-hygromètre... maîtriser la pulvérisation pour réduire les risques de dérives de produits : anémomètre ; cellule de confinement pour pulvérisateur, buses anti-dérives, face par face, sélection des buses, réglage de la hauteur du pulvérisateur... matériel pour l'entretien des haies : lamier à scie. Par ailleurs, la France a intégré la mesure 10 (agroenvironnement-climat) du règlement FEADER dans son cadre national sous la forme d'un Projet agro-environnemental et climatique (PAEC)59 qui se traduit pour des territoires identifiés par l'inscription dans les PDRR concernés de Mesures agro-environnementales et climatiques60 (MAEC), un grand nombre d'entre elles étant prédéfinies dans le cadre national. Ainsi des exploitations avec des grandes cultures peuvent être éligibles à ces aides à l'hectare, versées annuellement sur la base d'un engagement pluriannuel, relatives notamment à la diminution d'emploi 61 des produits phytopharmaceutiques. La mesure 11 (agriculture biologique) du règlement FEADER a été mise en oeuvre dans le cadre national français et se retrouve donc dans les PDRR. Pour la mission, les aides à la conversion 62 à l'agriculture biologique ainsi prévues dans les PDRR sont un levier intéressant, car elles reposent sur un cahier des charges établi par l'État, en concertation avec les différents partenaires. Elles visent à compenser tout ou partie des surcoûts et manques à gagner liés à l'adoption des pratiques de l'agriculture biologique, en comparaison avec les pratiques de l'agriculture conventionnelle. En fonction de la catégorie du couvert végétal, un barème d'aide à l'hectare et par an est appliqué. Enfin le Grand plan d'investissement (GPI) comporte un volet agricole en trois axes. L'axe 1 soutient notamment les investissements dans les exploitations agricoles et les changements de pratique, dont l'agroécologie et la réduction des intrants. Outre les dispositifs liés aux PCAE et à la conversion à l'agriculture 59 Le PAEC est un projet territorial dont le maître d'ouvrage est une collectivité territoriale, un parc naturel régional, etc. 60 Les mesures agri-environnementales et climatiques. La PAC 2015-2020. Ministère de l'agriculture et de l'alimentation. 61 La diminution du recours aux produits phytopharmaceutiques porte notamment sur une limitation des traitements mesurée en comparant l'Indice de fréquence de traitement (IFT) de l'exploitation avec une IFT de référence. 62 Les aides à la conversion et au maintien de l'agriculture biologique. La PAC 2015-2020. Ministère de l'agriculture et de l'alimentation. 68 / 82 PUBLIÉ biologique, le GPI apporte un fonds de garantie pour faciliter l'accès aux crédits bancaires, ce qui peut faciliter les acquisitions de matériels. Ces actions peuvent être complétées par l'utilisation des mesures 1 (transfert de connaissances et action d'information), et 2 (services de conseil) du règlement FEADER. 4.2.2.2. Financements liés à la redevance pour pollutions diffuses Les moyens du plan ECOPHYTO 2+ sont issus d'une partie de la Redevance pour pollutions diffuses (RPD) payée par les agriculteurs et les autres utilisateurs, lors de l'achat de certains produits phytopharmaceutiques. La RPD est prélevée par les Agences de l'eau, et le montant collecté dépasse les 100 M. Une partie de ce montant (71 M) est affectée à l'Agence française de biodiversité (AFB) pour financer les actions du plan Écophyto II+. Une partie des financements cible les investissements dans les exploitations agricoles visant à réduire les utilisations, les risques et les impacts des produits phytopharmaceutiques. Dans le cadre de la gouvernance nationale et régionale d'ECOPHYTO, ces financements peuvent être obtenus en réponse : soit à un appel à projet national annuel qui permet de financer des projets d'ampleur nationale en faveur d'une forte réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, et de la limitation des risques et des impacts qui y sont liés. D'autres appels à projets nationaux portent sur la recherche et l'innovation, les actions structurantes, etc. soit à des appels à projets régionaux, avec un Comité régional des financeurs63 et la Commission régionale agro-écologie qui sélectionne des actions innovantes en faveur de la réduction de l'utilisation, des risques et des impacts des produits phytopharmaceutiques et de la transition vers l'agro-écologie. 4.2.2.3. Autres financements Dans le cadre des Plans alimentaires territoriaux (PAT), les aides peuvent venir des appels à projets du Plan national de l'alimentation (PNA), des crédits des collectivités, du FEADER (en particulier les initiatives LEADER64) ou du Fonds européen de développement régional (FEDER). Les PAT peuvent contribuer à la réduction des risques liés aux produits phytopharmaceutiques, notamment grâce à des dispositifs fondés sur : les circuits courts et l'agriculture de proximité, lorsque les organismes acheteurs prévoient des cahiers des charges ;avec des pratiques phytosanitaires apportant plus de sécurité ; les obligations créées par la loi EGALIM. Elle prévoit65 qu'au plus tard au 1er janvier 2022, les repas servis dans les restaurants collectifs publics devront introduire au moins 50 % de produits issus d'une agriculture durable, dont au moins 20 % de produits issus de l'agriculture biologique ou en conversion. Les Plans alimentaires territoriaux peuvent être un moyen de renouer le lien entre les consommateurs et les producteurs de végétaux, notamment au moyen de visites scolaires ou grand public des lieux de 63 64 Conseil régional, Agence de l'eau, DRAAF, DREAL Le programme de « Liaison entre action de développement de l'économie rurale » (LEADER) correspond à des initiatives communautaires en faveur du développement rural ayant pour objectif d'inciter et d'aider les acteurs ruraux à réfléchir sur le potentiel de leur territoire dans une perspective de plus long terme. 65 Article L.230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, créé par l'article 24 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. 69 / 82 PUBLIÉ production, ou d'autres actions d'information. Le fait de développer l'approvisionnement depuis les zones agricoles périurbaines, avec des cahiers des charges réduisant les risques notamment pour les riverains, permettra d'apaiser les relations entre les agriculteurs et les riverains, tout en développant un aménagement du territoire équilibré. 4.2.2.4. Des pistes d'avenir pour les financements Donner la priorité aux exploitants situés dans les zones sensibles Les informations collectées par la mission montrent l'intérêt de considérer les parcelles agricoles jouxtant les établissements avec des personnes vulnérables, et les lieux d'habitation comme des zones présentant des enjeux particulièrement importants pour la préservation de la santé publique. Pour réduire les risques, la mission propose que les exploitations agricoles de ces territoires soient la cible d'actions spécifiques, mais aussi que les exploitants soient prioritaires pour des actions à caractère général comme la formation, les aides, etc. Dans ce dernier cas, la mission souligne l'intérêt de créer des procédures permettant, lorsque les demandes dépassent les enveloppes disponibles, d'accorder une priorité aux exploitations situées dans ces zones sensibles par rapport aux autres. Lors de l'attribution de financements liés au second pilier de la politique agricole commune, cette distinction peut se faire, pour les investissements, par le biais de la fixation (et de la pondération) des critères de sélection des projets financés66, qui doivent garantir notamment ... « le ciblage des mesures en conformité avec les priorités de l'Union pour le développement rural », et, en cas d' appels à propositions, tenir « compte de l'efficacité économique et environnementale ». La fixation de ces critères (et leur modification) est une décision de l'autorité de gestion du programme, prise après avis du comité de suivi du PDRR. La future politique agricole commune 2021-2027 devrait continuer à défendre l'accès à une alimentation de qualité, en se fondant sur neuf objectifs67, dont la protection de l'environnement et la garantie de la qualité des denrées alimentaires et la santé. Dans ce projet, des marges de manoeuvre sont souhaitées pour tenir compte des situations locales. Les débats en cours sur la future PAC semblent ouvrir des possibilités pour définir de telles zones prioritaires. Dans la proposition de nouvelle PAC, il est prévu que les États membres élaborent des plans stratégiques en vue d'atteindre ces objectifs, et qu'une évaluation soit faite par la suite dans une logique de mesure de la performance. Les pays de l'UE mettront ainsi en place des programmes écologiques volontaires pour aider et inciter les agriculteurs à adopter des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l'environnement. Élargir et renforcer les actions éligibles aux aides financières La mission observe que des mesures à favoriser dans les zones sensibles pour réduire les risques d'exposition sont peu soutenues par des aides. Il apparaît souhaitable d'élargir ou de renforcer les aides pour les mesures comme : 66 Cf. 67 article 49 du règlement FEADER. L'avenir de la politique agricole commune. Commission Européenne. https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/keypolicies/common-agricultural-policy/future-cap_fr. Consulté le 22 janvier 2019. 70 / 82 PUBLIÉ installer de variétés résistantes aux maladies, en particulier en vigne68 et arboriculture fruitière69 ; implanter des cultures plus faiblement consommatrices d'intrants ; développer l'utilisation de produits de biocontrôle, de substances de base et de préparations naturelles peu préoccupantes ; recourir à des prestataires de service pour réaliser les traitements avec des appareils réduisant fortement les risques de dérive, ou pour appliquer des produits alternatifs ; favoriser les actions de partage de matériel réduisant les risques de dérive, comme les CUMA ; favoriser l'installation de haies et de filets anti-dérives ; etc. La plupart des actions ci-dessus sont potentiellement éligibles à un soutien des PDRR parce qu'entrant dans le champ d'action du règlement FEADER. Il est donc proposé de vérifier chaque PDRR, et, le cas échéant, d'y introduire (ce qui suppose une modification du PDR soumise à l'approbation de la Commission européenne) les activités correspondantes dans la liste des dépenses éligibles afin d'élargir les actions financées. Un renforcement du soutien existant peut être envisagé par deux voies, une majoration des taux d'aide pour certains types de bénéficiaires (ex : CUMA) ou d'investissements, dans la limite des taux d'aides maximaux fixés à l'annexe II du règlement FEADER70 (cela suppose également une modification du PDRR concerné, soumise à approbation de la Commission) et une priorité donnée par le biais des critères de sélection des dossiers retenus pour un financement (décision de l'autorité de gestion prise après consultation du comité de suivi du PDRR). R13. Examiner les moyens d'attribuer les aides et les actions à conduire contre les dérives en priorité vers les exploitations situées dans les zones sensibles (PAC, financements nationaux), élargir les actions éligibles à ces aides et sensibiliser les financeurs à ces enjeux. En raison des enjeux spécifiques des parcelles agricoles jouxtant des établissements avec des personnes vulnérables, et des lieux d'habitation, la mission recommande de : examiner les moyens d'attribuer les aides et les actions à conduire contre les dérives, en priorité vers les exploitations situées dans les zones sensibles : o en défendant cette possibilité dans le cadre des débats pour la future politique agricole commune ; o en définissant des procédures pour appliquer cette primauté aux financements nationaux ; sensibiliser les financeurs et les instances de type comités de financeurs aux enjeux de la réduction des risques pour les établissements avec des personnes vulnérables et pour les riverains, et envers les exploitants situés dans les zones sensibles ; 68 En ce qui concerne les filières vitivinicoles, fruits et légumes, oléicoles, il faut vérifier les règles de complémentarité entre les financements de l'OCM (ex-Programme National d'Aides Viticoles) gérés par FranceAgriMer et ceux du FEADER pour éviter tout risque de double financement. 69 L'article 45 paragraphe 2 du règlement FEADER exclut notamment du financement communautaire des investissements communautaires, l'acquisition de plantes annuelles et leur plantation. 70 L'article 17 paragraphe 3 du règlement FEADER exonère même de ce plafond les investissements réalisés par les jeunes agriculteurs et les investissements collectifs réalisés au titre de la sous-mesure 4.1, qui autorise les investissements. 71 / 82 PUBLIÉ élargir et renforcer les actions éligibles à des aides, pour compléter la gamme des mesures de réduction des risques dans les zones sensibles : matériel de pulvérisation anti-dérive, variétés résistantes, partage de matériel type CUMA, haies et filets anti-dérives, prestataires de service... 4.3. La prise en compte dans les plans d'urbanisme de la problématique liée à la juxtaposition des zones habitées et des zones agricoles 4.3.1. Les documents d'urbanisme peuvent servir de levier pour protéger les futurs riverains Les zones agricoles et naturelles des documents d'urbanisme sont des zones en principe inconstructibles ou pour lesquelles la constructibilité doit rester très limitée. La lutte contre l'étalement urbain est un des axes majeurs de la Loi pour l'accès au logement et en urbanisme rénové (ALUR) qui a modifié l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme. Ainsi, les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU) doivent intégrer une analyse des capacités de densification dans leur rapport de présentation. Parallèlement, les possibilités d'évolution du bâti situé en zones agricoles et naturelles ont été précisées afin de pouvoir continuer à entretenir le bâti existant dans ces zones. La loi d'avenir a par ailleurs apporté de nouveaux éléments afin de compléter cet article. En zones agricoles (zone A) et naturelles (zones N) des plans locaux d'urbanisme ne peuvent en effet être autorisées que les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole (et forestière pour les zones N), à des équipements collectifs ou à des services publics (CINASPIC). L'articulation entre les législations qui encadrent l'urbanisme et l'agriculture vise à adapter leur application en fonction des situations locales, dans le respect de l'objectif global de lutte contre le mitage et de préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers. Ainsi, les documents d'urbanisme, Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) et Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) apparaissent-ils comme des leviers pour optimiser la répartition des espaces entre zones urbaines et zones agricoles. Les PLU sont approuvés après consultation de la Commission départementale de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CDPENAF). Ils peuvent par conséquent tenir compte des engagements qui auraient été préalablement pris dans les chartes départementales. Dans le cadre de ses visites en région, la mission a identifié quelques bonnes pratiques locales, comme la structuration et la valorisation de lisères urbaines au contact des espaces agricoles, naturels et forestiers dans le SCoT de l'aire métropolitaine bordelaise approuvé le 13 février 2014 (voir schéma ci-dessous). 72 / 82 PUBLIÉ SCoT de l'aire métropolitaine bordelaise approuvé le 13 février 2014 Les documents d'urbanisme ne peuvent prescrire les usages d'entretien du sol. Ils déterminent la constructibilité et en organisent les modalités : réserve des emprises, servitudes d'utilité publique (SUP), préservation de l'état boisé sans interdire l'exploitation (EBC), préservation des continuités écologiques. Au sein et au contact des enveloppes urbaines, lorsqu'une opération de renouvellement urbain ou une zone d'urbanisation future est contiguë avec des espaces du socle agricole, naturel et forestier, en termes de bonnes pratiques, il est recommandé : · de définir les conditions d'aménagement de ces sites dans les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) des PLU ; · et/ou d'aménager ces sites sous forme d'opération d'aménagement d'ensemble. Dans ces deux cas de figure, les principes généraux d'aménagement suivants sont déclinés sous forme de souhaits à l'échelle du projet tout en tenant compte des contraintes liées au risque feux de forêt (défense régionale des forêts contre les incendies) : · la préservation et la valorisation d'une continuité d'espace de nature accessible au public et aux circulations douces le long du nouveau front urbain constitué ; · l'implantation du bâti le long de ce nouveau front urbain, qui doit permettre le maintien et l'aménagement de perméabilités piétonnes tous les 500 m environ, ainsi que de perméabilités visuelles. L'ensemble de ces perméabilités doit être orienté vers les espaces de nature voisins. Actuellement, les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) tendent à associer les chambres d'agriculture aux débats pour densifier l'urbanisation tout en libérant des terres agricoles. Par exemple, le plan d'aménagement et de développement durable (PADD) du PLUI de Grand Angoulême71, promeut une 71 À la suite du passage d'un PLUi de 16 commune à un PLUi à 38 communes, le territoire intercommunal sera ruralisé. 73 / 82 PUBLIÉ politique de santé et une agriculture durable intégrées, y compris pour définir les zonages. Les règlements d'urbanisme devraient prendre en compte les dangers potentiels pour la santé, dont l'exposition aux pesticides, et générer des mesures prescriptives élaborées en concertation. Ainsi, des zones pourraient être « sanctuarisées ». Un autre exemple d'aménagement urbain : le Conseil départemental de la Charente a acté la réhabilitation des centres bourg, permettant de développer le bâti hors des surfaces cultivées ; et a contribué au développement des haies à raison de 15 km/an. Les PLUI peuvent rendre obligatoire des plantations de haies simultanément aux nouvelles habitations. Enfin, le conseil d'architecture d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) peut devenir un vecteur de conseil d'aménagement au niveau départemental, dans le cadre de sa mission d'intérêt public, né de la loi sur l'architecture du 3 janvier 1977. Il a pour objectif de promouvoir la qualité de l'architecture, de l'urbanisme et de l'environnement dans le territoire départemental. Le CAUE est créé à l'initiative des responsables locaux et présidé par un élu local. C'est un organe de concertation entre les acteurs impliqués dans la protection et la gestion de l'espace rural. 4.3.2. Cartographie à l'aide du système d'information géographique (SIG) Le géo-portail de l'urbanisme en ligne sur internet permet de visualiser les PLU et les cartes communales numérisées et de zoomer sur la parcelle choisie. À ce jour, plusieurs milliers de documents d'urbanisme sont sous forme graphique (12 000 communes ne possèdent pas de document d'urbanisme). L'objectif est de mettre à disposition la totalité des documents sur géo-portail avant fin 2020 (en incluant les DOM). Le développement par toutes les communes de Systèmes d'Information Géographique est un outil précieux pour mieux piloter la gestion des espaces. Lors de ses visites en région, la mission a été informée qu'un « atlas zones sensibles 2016 » personnalisé avait été envoyé par la fédération des vins de Bordeaux à 903 viticulteurs dont au moins « une parcelle cadastrale en vigne » était située à proximité « d'un lieu ou établissement accueillant des personnes vulnérables au risque d'exposition aux produits phytopharmaceutiques » tels que désignés dans l'arrêté préfectoral du 22 avril 2016. Ce travail a mobilisé des milliers de pages de fond de dossier. Le laboratoire d'initiatives locales en Gironde a utilisé le système d'information géographique pour chiffrer le coût d'implantation de haies de protection contre les pulvérisations de produits phytopharmaceutiques dans les zones proches des établissements accueillant des personnes vulnérables. Le SIG en Gironde a facilité la concertation malgré quelques difficultés techniques. Un outil similaire a été exploité en Bretagne afin de mesurer les coûts générés par le mitage (évaluation dans le cadre d'une simulation). Cet outil s'inscrit dans le cadre des démarches environnementales et peut aider à repérer les maisons des assistantes maternelles par exemple. Il aide aussi, à objectiver le débat sur les coûts et les impacts. R14. Utiliser les SIG dans les DRAAF afin de : cartographier les zones riveraines selon les enjeux ; évaluer les budgets d'accompagnement à la mise en place de bonnes pratiques agricoles (protection intégrée). 74 / 82 PUBLIÉ La mission propose de distinguer trois niveaux d'enjeux : enjeux forts : établissements accueillant des personnes vulnérables ; enjeux moyens : riverains ; enjeux faibles : protections existantes (murs hauts, bâtiments non habités en permanence, façade sans fenêtre, hangars, garage, etc.). 75 / 82 PUBLIÉ 5. Une prospective avec des scénarios possibles pour réduire l'exposition des riverains Le présent rapport formule une série de recommandations et de pistes pour réduire l'exposition des riverains aux PPP. Mais la mission a souhaité aller plus loin en examinant les agencements de ces différents outils sous la forme de trois scénarios à caractère prospectif. L'idée est de proposer des constructions sous forme d'évolutions possibles. Dans le cadre forcement limité de la mission, l'objectif n'est pas de planifier la mise en oeuvre des choix à faire, mais de proposer des évolutions envisageables pour aider à la prise de décision. Ces scénarios ne s'excluent pas, et des trajectoires mixant ces approches sont probables. Scénario 1 : une évolution fondée sur la réglementation relative aux pratiques phytosanitaires Dans ce scénario, une évolution rapide de la réglementation sur les pratiques phytosanitaires est mise en oeuvre en s'inspirant des recommandations de la mission, et ce dispositif est jugé suffisant pour la protection des riverains : des distances de traitements envers les lieux d'habitation sont progressivement adoptées pour chaque usage de chaque produit phytopharmaceutique à mesure des renouvellements des autorisations de mise sur le marché, sous la forme de ZNT pour les riverains (même logique que les ZNT eau, ZNT arthropodes et ZNT végétaux non cultivés) ; l'utilisation des produits phytopharmaceutiques classés CMR et PE est interdite dans les parcelles jouxtant les riverains lorsque des substitutions existent, et un conseil technique spécifique est apporté aux exploitants concernés ; l'utilisation des appareils de traitements présentant le plus de risques de dérive est interdite dans les parcelles jouxtant des lieux d'habitation, avec un dispositif d'aide pour moderniser le matériel de pulvérisation ; les chartes départementales apportent des mesures complémentaires pour étendre la protection des riverains dans des cas spécifiques. Ces mesures sont opposables en cas de non-respect par les agriculteurs et peuvent déboucher sur du délictuel ; les actions sur l'information relatives aux produits phytopharmaceutiques sont développées. Ce dispositif présente plusieurs avantages : les ZNT riverains sont fixées lors du renouvellement ou de la délivrance des autorisations de mise sur le marché sur des bases communes, dans le respect des guides de l'EFSA, et elles sont fondées sur des connaissances scientifiques. Pour la réglementation, elles constituent donc une base solide et peu contestable ; le dispositif présente une assez bonne lisibilité pour le grand public, et il peut contribuer à rétablir la confiance entre les riverains et les exploitants agricoles ; le niveau national permet d'harmoniser les contraintes et d'éviter les distorsions de concurrence entre les différents bassins de production français. 76 / 82 PUBLIÉ Mais ce scénario comporte également des inconvénients : la détermination des ZNT riverains ne va pas commencer rapidement, et son déploiement se fera au rythme des renouvellements d'autorisation. Il faudra un certain nombre d'années pour couvrir une proportion significative des produits ; un dispositif essentiellement fondé sur des obligations réglementaires ne correspond pas aux attentes du monde agricole, déjà excédé par le poids de la réglementation. Par ailleurs, l'impact économique de ces mesures demande à être évalué, ainsi que les distorsions de concurrence d'une part avec les producteurs des autres États membres, et d'autre part avec ceux des pays tiers ; le dispositif reste fondé sur les pratiques actuelles de production, sans donner d'impulsion aux systèmes alternatifs. Scénario 2 : Fixer des zones de non traitement à proximité des riverains : La loi EGALIM modifiant l'art. 253-8 CRPM n'a pas saisi l'occasion d'une simplification réglementaire pour harmoniser la protection entre les personnes vulnérables hébergées dans des établissements et les riverains, qui sont bien souvent également des personnes vulnérables. Le plan Ecophyto 2 prévoit une réduction de l'utilisation des PPP de 50% d'ici à 2025. De plus, l'INRA affiche comme l'un de ses principaux objectifs dans le cadre du programme européen 2021-2025 « Horizon Europe » une « agriculture sans produits phytosanitaires de synthèse »72. Dans l'intervalle, la mission estime que des mesures transitoires doivent être prises. La mission rappelle que toutes ses recommandations sont provisoires et devront être revus à la lumière des résultats des études en cours. En l'état actuel du droit, la mission propose de fixer par voie réglementaire une zone de non traitement à proximité de tous les riverains de parcelles agricoles. L'art. 258-3 CRPM, tel que modifié par la loi EGALIM permet, dans l'intérêt de la santé publique, l'intervention de l'autorité administrative pour restreindre ou interdire l'utilisation des PPP à proximité des zones habitées. L'intérêt de la santé publique est indiscutable. Pour les raisons précitées (point 3.2) la mission ne peut prétendre que les mesures de protection, telle que des zones de non traitement, protègent la santé des personnes riveraines. En revanche, elle peut affirmer qu'une baisse de l'exposition aux PPP entraine une baisse de risques. 1. Un socle minimum réglementaire : une zone de non-traitement de 5 m La mission propose d'instaurer une zone de non-traitement à proximité des habitations, jusqu'à la limite de propriété. Cette zone de non-traitement est mesurée entre la dernière rampe de pulvérisation et la limite de propriété L'ANSES devra définir rapidement la distance adéquate. À titre provisoire, la mission suggère qu'elle soit d'au minimum 5 mètres à l'instar de la réglementation de protection des cours d'eau. 72 Cf. http://institut.inra.fr/Engagement-international/toutes-les-actualites/Priorites-Inra-pour-Horizon-Europe 77 / 82 PUBLIÉ Au-delà de cette distance minimum, les chartes départementales prévues par l'art. 253-8 peuvent permettre une adaptation locale des pratiques agricoles en pleine concertation avec les riverains et leurs élus. 2. Zone protégée dont la distance reste à définir dont la définition est laissée aux chartes départementales. La mission recommande que par le biais des chartes départementales, les pratiques agricoles soient adaptées aux parcelles jouxtant les habitations et ce jusqu'à une distance à définir par l'ANSES. Cette distance devra être de 50 m au minimum à l'instar de la distance prévue par l'instruction DGAL pour l'arboriculture. Concrètement, cela signifie : interdiction de produits préoccupants sur cette zone ou utilisation uniquement de produits à « faibles risques » préalablement listés en fonction des cultures et de la géographie ; utilisation de matériel anti-dérive permettant de réduire significativement la dérive, c'est-à-dire au moins de 66%. La liste de ces matériaux doit être fournie dans la charte et dépendra des types de cultures et du terrain ; installation de mesures de protections supplémentaires (haies, filets anti-dérive) ou de zone de nontraitement additionnelle ou de fixation de dates et d'horaires de traitement, le cas échéant. - Dans le cas où ces conditions ne peuvent être respectées cumulativement, l'épandage de PPP est interdit dans la zone protégée. Avantages de ce scénario : des zones de non-traitement (ZNT) existent pour protéger les arthropodes non cibles. Une distance fixe de 5 m de non-traitement a été fixé aux abords des cours d'eau ; elle correspond largement à ce qui existe déjà (chemin, zone de tournage, limite de champ, etc...), sauf pour certains types de culture (dans la viticulture par exemple), et peut donc facilement être acceptée par la profession agricole ; Inconvénient : la mise en oeuvre nécessite de différencier les établissements accueillant des personnes vulnérables et les riverains. Scénario n°3 : Changer de système par une impulsion des pouvoirs publics dans les zones sensibles pour déployer la protection intégrée, l'agroécologie et l'agrobiologie à proximité des établissements accueillant des personnes vulnérables et, à titre transitoire, des ZNT de type cours d'eau à proximité des riverains (dans l'attente de la définition par l'ANSES de ZNT riverains). Ce scénario est fondé sur une démarche volontariste des pouvoirs publics pour changer le système de production dans les zones sensibles, en déployant la protection intégrée, l'agroécologie et l'agrobiologie. Tous ces systèmes de production font appel aux principes de la lutte intégrée. La prévention et/ou l'éradication des organismes nuisibles des cultures jouxtant les établissements accueillant des personnes vulnérables seront menés conformément aux principes de lutte intégrée énoncés à l'annexe III de la 78 / 82 PUBLIÉ directive 2009/128.Il est proposé que cette protection intégrée soit appliquée sur les parcelles limitrophes aux limites de propriété de l'établissement. Ainsi, il sera fait notamment appel à : la rotation des cultures ; l'utilisation de la technique du lit de semis, les dates et densités des semis, les sous-semis, la pratique aratoire conservative, la taille et le semis direct ; l'utilisation de cultivars résistants/tolérants et plans normalisés/certifiés ; l'utilisation d'infrastructures écologiques à l'intérieur et à l'extérieur des sites de production ; une surveillance des organismes nuisibles (système d'alerte, prévision et diagnostic rapide) et une information des directeurs/directrices d'établissements (intégrant la déclaration des produits utilisés) selon un délai défini par une charte locale co-signée par les principaux intéressés73 ; la définition de seuils d'intervention à la prise de décision, scientifiquement solides et robustes (définis pour : la région, des zones spécifiques, des cultures et des conditions climatiques particulières avant les traitements). Les méthodes biologiques, physiques et non chimiques durables seront appliquées (interdiction des produits de synthèse). L'utilisateur professionnel devra vérifier le taux de réussite des mesures appliquées. Des aides financières (soutiens directs FEAGA, engagements MAEC des Conseils régionaux 2ème pilier PAC, paiements verts 1er pilier PAC, 2ème pilier POSEI-ODEADOM dans les DOM) seront dédiées aux zones jouxtant les établissements sensibles qui développent des cultures peu consommatrices de produits phytopharmaceutiques et adaptées aux réserves hydriques locales : prairies d'élevage, cultures sous serre, cultures fourragère bio, etc. Ces aides peuvent provenir de taxes appliquées aux entreprises agrochimiques à l'instar des plans d'actions Suisses et Danois. Les contrôles sont assurés par l'ASP, l'ODARC (Corse), etc. accompagnés d'indicateurs de réalisation, de résultat et d'impacts.74 Un zonage parcellaire (SIG) gagnera à être conduit par les DRAAF en concertation avec les mairies afin d'évaluer les montants nécessaires et les modalités de paiement (modèle forfaitaire DEPHY, éviter les effets d'aubaine, découplage surface/montant, aide sous condition, orientation des pratiques agricoles). La création du SIG et l'équipement GPS des engins de pulvérisation afin de les contrôler plus facilement, justifieraient également le versement d'une aide financière européenne dans le contexte actuel du projet de développement de l'accès au haut débit internet de l'ensemble du territoire national. En ce qui concerne les habitations, des ZNT de type cours d'eau seront appliquées provisoirement a minima à une distance de 10 m des limites de parcelles (équipée de manche à air).75 73 Le respect par les signataires des clauses des chartes départementales pourrait être intégré dans le cahier des charges des appels d'offre locaux de restauration collective (cantines scolaires, etc.) dans un contexte favorisant les filières courtes. 74 https://www.insee.fr/fr/statistiques/2654964 http://www.euro.who.int/fr/health-topics/emergencies/international-health-regulations/points-of-entry 75 Distance = 5m de protection des cours d'eau + 5m (lisières urbaines : prairie de fauche, haie libre arbustive, haie libre arborée.) 79 / 82 PUBLIÉ SCoT de l'aire métropolitaine bordelaise approuvé le 13 février 2014 Document d'orientation et d'objectifs ­ Rapport principal Les dérogations de type ZNT cours d'eau seront conditionnées par le contrôle de conformité des équipements à la norme EN-ISO 16122 en application de l'article 20 de la directive 2009/128 CE. 80 / 82 PUBLIÉ CONCLUSION Le dispositif des arrêtés préfectoraux réglementant l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des lieux et établissements accueillant des personnes vulnérables a fait l'objet d'une analyse minutieuse par la mission, qui en a tiré les enseignements suivants. Tout d'abord, presque tous les départements sont aujourd'hui dotés d'arrêtés préfectoraux, sauf les DOM. La plupart d'entre eux ont suivi les instructions données par la DGAL, mais de manière minimaliste. De ce fait, il n'existe quasiment jamais de distance minimale de non-traitement à proximité des lieux sensibles. De plus, contrairement à l'objectif affiché par la loi, les mesures n'ont pas été adaptées aux situations locales, mais déterminées sur la base d'éléments d'appréciation généraux, ce qui entraîne que les disparités qui existent entre départements, ne se justifient pas, dans leur ensemble. Sur la forme, la mission a constaté complexité et hétérogénéité dans les approches rédactionnelles des arrêtés, rendant encore moins lisible une règlementation elle-même complexe. Des consultations en ligne effectuées et des entretiens réalisés, il ressort que l'information du public sur les arrêtés est lacunaire. Enfin, rares sont les arrêtés qui mentionnent les sanctions prévues en cas de non-respect de leurs dispositions, ce qui nuit également à une bonne appropriation des règles. Afin d'améliorer le dispositif actuel, la mission préconise une révision des arrêtés préfectoraux sur la base d'une circulaire interministérielle prévoyant une distance minimale à définir, sans aucune dérogation. Un canevas-type d'arrêté sera joint à la circulaire afin de simplifier et d'homogénéiser les approches rédactionnelles et l'instruction technique de la DGAL sera révisée dans le sens d'une protection accrue des personnes vulnérables. Les chartes dont la mission a eu connaissance ont été signées à l'initiative de la profession agricole, antérieurement à l'élaboration des arrêtés ou en parallèle. Elles sont variées par leur spécialisation ou non dans une culture, par leur couverture géographique, par les parties prenantes associées, par l'ambition de leurs objectifs et du dispositif de pilotage mis en place. Elles ont permis à la mission de dégager des facteurs clés de succès pour la mise en place des chartes départementales prévues par la loi EGALIM : l'association de l'ensemble des parties prenantes concernées, la clarification du rôle du préfet et des autres acteurs, la présence de mesures allant au-delà de la règlementation, l'existence d'un dispositif de pilotage et de suivi incluant objectifs, indicateurs et clause de révision, la présence d'un dispositif d'information, de recueil des signalements et de règlement des différends, la signature au minimum par la profession agricole et les représentants des habitants ou des maires. La mission estime indispensable que les préfets homologuent les chartes sur la base de ces exigences et que le décret d'application de la loi EGALIM prévoit des critères de validation des chartes départementales d'ordre public. Dans l'attente des résultats des études scientifiques en cours, la mission estime également indispensable de prendre des mesures de précaution. En lien avec le dispositif lié aux chartes, elle suggère que la politique publique favorise la réduction de l'exposition des personnes vulnérables et des riverains en faisant des parcelles agricoles proches des zones habitées et des établissements sensibles une priorité et un territoire d'excellence pour réduire les risques. De nombreux moyens peuvent être mobilisés tant par les pouvoirs publics que par les autres acteurs : amélioration de la circulation des informations, amélioration des pratiques agricoles visant à réduire les risques liés à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, politique d'urbanisme visant à éviter l'installation de zones sensibles à proximité de parcelles agricoles 81 / 82 PUBLIÉ susceptibles de recevoir des traitements. La mission invite les pouvoirs publics et l'ensemble des acteurs à se saisir de l'ensemble de ces moyens à travers les instruments juridiques et financiers et les plans d'actions à leur disposition. Elle propose également, en complément des recommandations formulées et pour aider à la prise de décision, une prospective sous la forme de trois scénarios pour accentuer la réduction des risques liés aux traitements des cultures par des produits phytopharmaceutiques. Enfin, si la mission a pu procéder à une analyse approfondie du dispositif des arrêtés préfectoraux et proposer des mesures de nature à réduire l'exposition des personnes aux produits phytopharmaceutiques, il lui a été impossible d'évaluer l'effet protecteur des mesures en place. Les études scientifiques ne permettent pas d'établir un lien indiscutable entre exposition des personnes et pathologies et il n'existe pas de suivi sanitaire spécifique pour les personnes vulnérables accueillies dans des lieux à proximité de parcelles agricoles traitées par des produits phytopharmaceutiques. La mission appelle donc l'attention des pouvoirs publics sur l'urgence de mettre en place une démarche d'analyse de risques dans le domaine de la santé des populations liée à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. L'efficacité des mesures de protection étant difficile à évaluer dans l'état actuel des connaissances, la mission insiste sur l'importance de mettre en place une stratégie de maîtrise des risques comportant une analyse d'impact de la nonconnaissance de la distribution de ces risques sur la prise de décision, en particulier concernant l'exposition des riverains. 82 / 82 PUBLIÉ INVALIDE) (ATTENTION: OPTION ditionnalité, zones non agricoles... Actuellement le danger que présente les traitements phytopharmaceutiques pour les personnes voisines des parcelles traitées ne figure pas dans l'analyse de risques de la DGAL. En conséquence ce critère de ciblage n'entre pas dans la fixation des contrôles programmés et le contrôle du respect des arrêtés préfectoraux n'est pas généralisé. 2.8.3. Les constats des inspecteurs de terrain Lors de ses déplacements, la mission a entendu les remarques suivantes sur la mise en oeuvre des inspections par les agents des DRAAF-SRAL et de la gendarmerie (OCLAESP18) : les distances de traitement fixées par les arrêtés préfectoraux permettent aux occupants des établissements hébergeant des personnes vulnérables d'objectiver leurs plaintes lorsqu'ils observent une pulvérisation trop proche. en revanche, les DRAAF-SRAL rencontrées s'accordent pour souligner que le respect de ces distances ne peut matériellement pas être vérifié a posteriori par les inspecteurs. Par ailleurs, la probabilité d'un flagrant délit permettant de constater le non-respect des distances de traitement est extrêmement faible. Afin de rendre vérifiables a posteriori le respect des distances de non traitement, il serait nécessaire de rendre obligatoires l'utilisation des GPS et la conservation de leurs données dans les parcelles jouxtant les zones sensibles. les bases de données sur l'inspection ne permettent pas de tracer spécifiquement les dérives, car il n'y a pas de code NATINF19 spécifique aux entraînements de produit hors de la parcelle, et les nonconformités20 sont enregistrées sous des libellés globaux de mésusages de PPP. 18 Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique de la Direction générale de la gendarmerie. 19 Un code NATINF désigne une nature (NAT) d'infraction (INF). C'est un code numérique qui permet de classifier les infractions selon leur définition. 20 Dans un domaine proche, pour les années 2016, 2017 et 2018, la gendarmerie (OCLAEPS) a enregistré une infraction relevant du code NATINF 30700 « Utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les espaces habituellement fréquentés par les enfants », 37 / 82 PUBLIÉ les plaintes des riverains constituent un facteur d'inspection, à condition d'identifier les cas effectifs de dérive parmi tous les messages reçus. les plaintes parviennent souvent aux DRAAF-SRAL assez longtemps après les faits, voire plusieurs semaines après. les appels reçus par les DRAAF-SRAL au sujet des traitements sont chronophages, mais ils relèvent le plus fréquemment de la demande d'information, et non du signalement d'une dérive. Souvent, ils n'ont pas de rapport avec l'application d'un produit de traitement des cultures (confusion avec des semis, des épandages d'engrais, des travaux du sol...). la conformité des pulvérisateurs, qui doivent être présentés au contrôle obligatoire auprès d'entreprises agréées, est un facteur majeur de maîtrise des dérives. Les inspections des SRAL pour vérifier cette conformité vont devenir d'autant plus importantes qu'à partir de 2020, la période de validité du contrôle obligatoire va être réduite de 5 ans à 3 ans. Par ailleurs, la France doit progresser vers le taux de 100 % de contrôle prévu par la directive 2009/128/CE. pour la formation des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques, le contrôle permet de vérifier la détention du Certificat individuel pour l'application de produits phytopharmaceutiques (CERTIPHYTO 21 ). En revanche, les inspections ne peuvent pas vérifier les compétences des utilisateurs dans le domaine du réglage des pulvérisateurs. Un autre dispositif doit être prévu dans ce domaine (cf. le chapitre sur la réduction des risques liés aux produits phytopharmaceutiques). La question des suites à donner aux infractions est problématique : en police judiciaire, les procédures avec une audience en Tribunal de Grande Instance sont chronophages, de même que les procédures transactionnelles. Les démarches contraventionnelles sont à examiner. en police administrative, le retrait du CERTIPHYTO, nécessaire pour acheter et utiliser les produits phytopharmaceutiques, paraît peu efficace, en raison de la facilité à obtenir un nouveau certificat. Il faudrait examiner les moyens de prononcer une mesure de suspension pendant 3 mois par exemple en lien avec l'examen de la situation de l'exploitation agricole. 2.8.4. Renforcer les contrôles sur les pulvérisateurs et les suites données aux signalements de dérive À ce propos, l'axe 1 du plan ECOPHYTO 2+ prévoit que « les contrôles des pulvérisateurs seront renforcés pour de meilleurs réglages et entretiens des matériels de pulvérisation, dans un triple objectif de limitation de la dérive, d'optimisation de la qualité d'application et de sécurité des utilisateurs. La formation des utilisateurs sera également renforcée. » et deux infractions relevant du code NATINF 30701 : « Utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité de lieux fréquentés par des personnes vulnérables sans mise en place de mesure de protection ». La DGAL n'a pas enregistré d'infraction sous ces codes NATINF. 21 Certificat individuel de produits phytopharmaceutiques : Afin de renforcer la formation à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, tout utilisateur ou distributeur de produits phytopharmaceutiques à des fins professionnelles doit posséder un certificat d'aptitude obligatoire. Le certificat doit également être présenté pour l'achat de pesticides à usage professionnel. 38 / 82 PUBLIÉ Dans la directive 2009/128/CE, le chapitre III sur le matériel d'application des pesticides précise dans article 8 : « Les États membres veillent à ce que le matériel d'application des pesticides utilisés par les professionnels fasse l'objet d'inspections à intervalles réguliers [...] Les inspections ont pour objet de vérifier que le matériel d'application des pesticides satisfait aux exigences pertinentes énumérées à l'annexe II, afin d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement. ». En France, le dispositif 22mis en place est fondé sur des organismes d'inspection agréés par les préfets de région pour appliquer la norme ISO 16122. Dans les exploitations agricoles, les DRAAF vérifient que les pulvérisateurs ont bien été soumis à ce contrôle. Dans cette logique, la mission recommande les actions suivantes d'une part pour renforcer les contrôles sur les pulvérisateurs, et d'autre part pour donner suite aux signalements de dérive (cf. chapitre sur la phytopharmacovigilance) : R5. Renforcer les moyens administratifs et juridiques des DRAAF-SRAL afin de leur permettre d'être plus efficaces dans l'exercice de leurs missions de contrôle. Les DRAAF-SRAL peuvent contribuer à augmenter l'efficacité du dispositif : rendre obligatoires l'utilisation du GPS et la conservation de ses données lors des traitements dans les parcelles jouxtant les zones sensibles, afin de rendre vérifiables a posteriori le respect des distances de non traitement ; donner les moyens de prononcer des suspensions de CERTIPHYTO pour une durée significative ; utiliser les procédures contraventionnelles pour la rapidité de la sanction ; organiser les DRAAF-SRAL et les liens avec les ARS pour donner suite aux signalements de dérive via des dispositifs de type PhytoSignal (cf. point 4.1.2.2.), afin de réagir rapidement et déclencher des inspections non programmées ; pour les inspections programmables : cibler dans la sélection les exploitations jouxtant des établissements sensibles et des zones habitées, en s'appuyant sur des SIG tenus à jour (cf. le chapitre 4.3.2.) ; lors des inspections dans ces exploitations, renforcer les inspections sur le contrôle obligatoire des pulvérisateurs. Si de nouvelles restrictions réglementaires d'emploi des produits phytopharmaceutiques sont adoptées pour la protection des personnes vulnérables, les protocoles d'inspections seront mis en cohérence ; prévoir parmi les inspections programmables en zone non agricole23, des contrôles concernant les jardins, espaces végétalisés et infrastructures. En particulier, les espaces verts des établissements avec des personnes vulnérables ne sont plus supposés utiliser de produits phytopharmaceutiques sauf quelques cas (arrêté du 27 juin 2011). La fixation d'un nombre d'inspections à réaliser dans ces sites dans la note de service sur le programme national de contrôle serait cohérente avec l'axe 4 d'ECOPHYTO 2+. Celui-ci précise pour les jardins, espaces végétalisés et infrastructures (JEVI) : 22 Évolution du dispositif de contrôle périodique obligatoire des pulvérisateurs de produits phytopharmaceutiques. Rapport CGAAER n° 16097. Mars 2017. 23 Les traitements de démoustication, ainsi que les opérations de désinsectisation dans les bâtiments publics, sont des utilisations de biocides, et non de produits phytopharmaceutiques. Pour cette raison, elles sortent du périmètre de la mission. 39 / 82 PUBLIÉ « le renforcement des contrôles pourra être un levier, notamment dans les secteurs dans lesquels les populations les plus sensibles peuvent être exposées » ; communiquer sur ces priorités et sur le bilan des inspections : chercher un effet démultiplicateur de l'effet des inspections en diffusant de l'information sur le renforcement de cette surveillance, avant et après ces contrôles, en particulier sur les non-conformités constatées ; demander aux organisations agricoles et aux organismes de conseil d'insister sur ces points de vigilance liés aux non-conformités lors des actions d'information et de formation sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Cette action peut s'inscrire dans les nouvelles missions24 des chambres d'agriculture transférées à titre expérimental. 24 Ordonnance no 2019-59 du 30 janvier 2019 relative à l'exercice et au transfert, à titre expérimental, de certaines missions dans le réseau des chambres d'agriculture. Article 3 : « 2° Un diagnostic portant sur leur exploitation, préalablement à une intervention des autorités de contrôle, visant à apprécier le respect par l'exploitant de ses obligations, au titre de la réglementation relative à l'identification des animaux, à la santé et à la protection animales, à la politique agricole commune, à la santé des végétaux et à la protection de l'environnement ». 40 / 82 PUBLIÉ 3. Les attentes pour la protection des riverains conduisent à élargir le champ de la réflexion 3.1. Les études en cours sur l'exposition des personnes Différentes études ont permis de mieux appréhender l'exposition des riverains aux PPP et l'éventuel impact de cette exposition sur la santé. La mission rappelle dans ce cadre qu'il n'existe pas de seuil de référence lié à l'imprégnation des personnes. Il n'est donc pas possible de tirer des conclusions quant aux risques liés aux concentrations retrouvées dans ces études. Par ailleurs, une saisine en date du 6 février 2019 par les ministères en charge de l'écologie, de la santé et de l'agriculture demande à l'ANSES un appui scientifique et technique sur les mesures de protection des riverains lors de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. L'ensemble des études et notamment l'expertise collective « Pesticides : les effets sur la santé » menée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) de 2013 mettent en évidence25 « des augmentations de risque significatives pour plusieurs pathologies en lien avec l'exposition des travailleurs et de leurs familles (cancer de la prostate, maladie de Parkinson, lymphome non hodgkinien, myélome multiple, atteinte du système nerveux central) ainsi que pour le développement du foetus et la petite enfance lors d'expositions au cours de la période prénatale et périnatale. Selon les modes de contamination, ce sont plus d'un million de professionnels de l'agriculture, la population des riverains et, plus largement, l'ensemble des consommateurs qui sont potentiellement exposés aux dangers que peuvent présenter les pesticides. Le Haut conseil de la santé publique (HCSP) rappelle que le coût en Europe des conséquences de santé de l'ensemble des pesticides via leurs mécanismes de perturbation endocrinienne est estimé à 120 milliards d'euros par an. L'utilisation des produits phytopharmaceutiques constitue aussi un enjeu majeur pour l'environnement. » Cette situation a conduit à une mission relative à la préfiguration d'un dispositif d'indemnisation des victimes de produits phytopharmaceutiques26. La mission considère qu'il serait utile pour une meilleure compréhension des parties prenantes de faire le point sur les conséquences qui ont été tirées de l'expertise collective de l'INSERM en termes de retrait de substances actives ou de produits du marché. Dans cette perspective, il serait également utile de mesurer l'impact du retrait de certaines substances ou produits sur le taux de prévalence des malformations congénitales identifiées comme liées à l'exposition de ces substances ou produits. Par ailleurs, un certain nombre d'études ont été lancées récemment au niveau national et européen pour mesurer l'exposition des personnes aux PPP et l'impact éventuel de cette exposition sur la santé. Tableau des recherches en cours sur l'exposition aux PPP Cibles Riverains Geocap Agri : Étude épidémiologique lien cancer de l'enfant et proximité avec les terres agricoles 2020 À la demande de la DGS. À partir de cas témoins ayant une pathologie cancéreuse, géolocalisation et évaluation de Échéance Commentaires 25 Utilisation des produits phytopharmaceutiques. Rapport IGAS-CGEDD-CGAAER de décembre 2017. 26 La préfiguration d'un fonds d'aide aux victimes de produits phytopharmaceutiques, rapport IGF ­IGAS ­ CGAAER, janvier 2018. 41 / 82 PUBLIÉ la densité de l'exposition. (SPF + INSERM) Étude d'imprégnation multi-sites chez des riverains de zones cultures agricoles. 1er volet 2021. À la demande de la DGS. (ANSES + SPF). Prélèvements chez 1 400 personnes exposées et 700 personnes non exposées. Étude couplée à des mesures environnementales de l'air (intérieur et extérieur) et des poussières des lieux de vie INSERM Actualisation de l'expertise collective de l'INSERM « Pesticides ­ effets sur la santé » de 2013 avec un accent sur le glyphosate et la chlordécone. Human Biomonitoring for Europe (HBM4E) 2020 1er volet 2017-2021 INSERM. Étude sur l'imprégnation des populations aux substances chimiques dans 28 États membres Actualisation de la note de l'ANSES de 201427 sur le dispositif réglementaire destiné à protéger les riverains des zones traitées avec des produits phytosanitaires Mères et enfants Étude PÉLAGIE (Perturbateurs Endocriniens : Étude Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l'Infertilité et l'Enfance) S OURCE : MISSION Avril 2019 En cours (période de l'adolescence) INSERM. Suivi d'environ 3500 mères-enfants en Bretagne depuis 2002. Dans l'attente des résultats de ces enquêtes et études en cours, la mission considère qu'elle ne dispose pas d'éléments suffisants et probants permettant de mesurer, sur une base scientifique, l'efficacité du dispositif actuel relatif aux arrêtés préfectoraux au regard de l'objectif de protection de la santé des personnes. Par ailleurs, il n'existe pas d'études sur la pertinence des mesures de protection. Une seule étude américaine a mesuré l'impact de mesures de protection sur l'exposition des riverains28. Dans ce contexte, les résultats des études en cours seront utiles pour évaluer l'exposition des personnes. Toutefois, ces résultats ne seront connus qu'à partir de l'année prochaine et s'étaleront jusqu'en 2021, voire au-delà. La mission considère dès lors que toutes ses recommandations sont provisoires et devront être revues à la lumière des résultats attendus. En outre, il paraît dès à présent indispensable d'initier une démarche d'analyse des risques liés à l'exposition des personnes vulnérables et des riverains aux produits phytopharmaceutiques. Cette démarche aura pour objectif de concevoir une méthode d'évaluation des mesures prises afin de répondre à l'objectif de protection instauré par la loi. Cette démarche devra être impulsée par les trois ministères chargés de 27 https://www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2013sa0116.pdf 28 Will buffer zones around schools in agricultural areas be adequate to protect children from the potential adverse effects of pesticide exposure?, Robert B. Gunier, Asa Bradman, Kim G. Harley, Brenda Eskenazi, PLOS Biology, décembre 2017. 42 / 82 PUBLIÉ l'agriculture, de la santé et de l'environnement. Elle pourra s'appuyer sur un groupe projet réunissant l'ensemble des parties prenantes et les compétences nécessaires à cette évaluation du risque tant au niveau national qu'au niveau local. Le groupe de travail n°3 « protection des populations et de l'environnement » réuni dans le cadre du plan Ecophyto sera utilement associé à cet exercice, afin d'en suivre l'état d'avancement et d'élaborer des propositions. L'efficacité des mesures de protection étant difficile à évaluer dans l'état actuel des connaissances, la mission insiste sur l'importance de mettre en place une stratégie de maîtrise des risques comportant une analyse d'impact de la non-connaissance de la distribution de ces risques sur la prise de décision, en particulier concernant l'exposition des riverains. 3.2. La comparaison avec la protection de l'environnement Les aspects concernant l'écotoxicité et les coûts liés aux pesticides sont précisés dans l'annexe 14 qui expose aussi des aspects liés aux mesures réglementaires et à leur financement. La mission observe que les autorisations de mise sur le marché (AMM) de certains produits phytopharmaceutiques sont accompagnées de : Zones de non-traitement (ZNT) par rapport aux points d'eau (ZNT aquatique) ; Zones de non-traitement par rapport aux zones adjacentes non cultivées au titre de la protection de la biodiversité (ZNT arthropodes non cibles, ZNT plantes non cibles). Les exemples ci-dessous sont des copies d'écran de la base E-PHY de l'ANSES sur les produits phytopharmaceutiques bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché (consultation en janvier 2019) : Exemple de ZNT aquatique et de ZNT arthropodes avec le TIDEL Exemple de ZNT aquatique et de ZNT plantes avec le DECANO 43 / 82 PUBLIÉ Actuellement, l'arrêté ministériel du 4 mai 2017 impose une zone non traitée d'une largeur minimale de 5 mètres pour l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants à proximité des points d'eau et cours d'eau (en complément des distances prévues dans les AMM). Il prévoit que des arrêtés préfectoraux dûment motivés soient pris pour définir ces points d'eau sous un délai de deux mois. Une mission interministérielle (environnement et agriculture) a été confiée au CGEDD et CGAAER pour évaluer la mise en oeuvre des dispositions de l'arrêté précité et du niveau de protection des points d'eau intégrant les cours d'eau de tête de bassin, fossés et plans d'eau. 3.3. La fixation par l'ANSES de zones de non-traitement à proximité des riverains dans les autorisations de mise sur le marché des PPP La mission a pris connaissance de l'existence de travaux en cours de l'ANSES pour définir des ZNT riverains. En application des guides de l'EFSA, ces distances minimales de traitements par rapport aux lieux d'habitation seront progressivement adoptées pour chaque usage de chaque produit phytopharmaceutique à mesure des renouvellements des autorisations de mise sur le marché. Des références manquent toutefois pour démarrer les procédures de détermination des ZNT riverains. En mars 2019, l'ANSES a précisé à la mission : « Ces ZNT devraient pouvoir être publiées d'ici quelques mois et si possible après adoption des dispositions réglementaires générales de cadrage de leur usage (définition, mesures de gestion possibles (réduction de la dérive, distance, type de pulvérisateur ? ...) ».. 3.4. La loi EGALIM élargit la protection aux riverains 3.4.1. Les nouvelles exigences de la loi EGALIM renvoient à des chartes départementales La loi EGALIM modifie l'article L.253-8 du CRPM : « l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d'agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. Ces mesures tiennent compte, notamment, des techniques et matériels d'application employés et sont adaptées au contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et sanitaire. Les utilisateurs formalisent ces mesures dans une charte d'engagements à l'échelle départementale, après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d'être traitées avec un produit phytopharmaceutique. Cette disposition entre en vigueur au 1er janvier 2020. « Lorsque de telles mesures ne sont pas mises en place, ou dans l'intérêt de la santé publique, l'autorité administrative peut, sans préjudice des missions confiées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de 44 / 82 PUBLIÉ l'alimentation, de l'environnement et du travail, restreindre ou interdire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones définies au premier alinéa du présent III. » Ces nouvelles dispositions conduisent à renforcer la protection des riverains, mais posent de nombreuses questions qui devront être traitées pour partie dans le décret d'application prévu par la loi. Trois questions apparaissent comme majeures : Tout d'abord, comment définir précisément la proximité des zones attenantes ? À quelle distance cette notion renvoie-t-elle ? La réponse ne pourra pas être locale et apportée par les préfets. Les instances scientifiques devront se prononcer dans l'état actuel des connaissances. Ensuite, comment peut-il être tenu compte, de manière opératoire, des techniques et matériels d'application ainsi que du contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et phytosanitaire ? Les acteurs locaux devront apporter des réponses en exploitant les connaissances liées au contexte de production et les informations de l'IRSTEA et des instituts techniques. Enfin, quel pourra être le mode de gouvernance du dispositif ? Cette question ouvre à son tour différentes interrogations : Quels acteurs participeront à l'impulsion, puis au pilotage du dispositif ? Comment la concertation sera-t-elle organisée ? Avec quels acteurs ? Dans quels délais ? Avec quelle prise en compte des avis ? Dans quelle mesure les chartes seront-elles opposables et quel sera le mode de règlement des litiges ? Comment la coexistence éventuelle de différentes chartes sur un territoire donné sera-t-elle gérée et par qui ? À l'inverse, dans quel délai considèrera-t-on qu'il y a carence de la part des utilisateurs ? Le constat de carence sera-t-il effectué et les mesures à appliquer seront-elles définies au niveau national ou au niveau départemental ? - - Au vu des constats ci-après effectués sur les chartes existantes, la mission propose des recommandations pour les conditions de réussite des chartes prévues par la loi EGALIM. 3.4.2. Les chartes existantes sont bénéfiques mais diverses dans leur portée En parallèle des arrêtés préfectoraux, certains territoires, peu nombreux, se sont organisés spontanément pour élaborer des chartes de bonnes pratiques. La mission a examiné un certain nombre de chartes départementales ou régionales déjà existantes, et rencontré les acteurs de ces engagements dans différents départements. Elle a également échangé avec plusieurs signataires du Contrat de solutions pour la protection des plantes, piloté par la FNSEA, et qui a été signé par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation le 25 février 2019. La fiche 36 du Contrat de solutions (version du 11 juillet 2018) recommande d'établir des chartes de bon voisinage, et propose une charte type (voir l'annexe 10). Ces documents insistent sur les enjeux du dialogue entre les acteurs du monde agricole et les associations de riverains ou de défense de l'environnement. L'intérêt d'une mutuelle reconnaissance des attentes est souligné, et en particulier les nécessités liées à la production végétale. En revanche, pour les mesures de protection, la charte type n'exploite pas les autres fiches du Contrat de solutions. Il n'y a pas d'impulsion vers des moyens alternatifs comme les produits de biocontrôle. De plus, les systèmes autres que l'agriculture conventionnelle comme l'agro-écologie et l'agriculture biologique ne sont pas mis en exergue. L'initiative des chartes est souvent locale (maire, 45 / 82 PUBLIÉ associations de riverains, profession agricole). La plupart des chartes dont la mission a eu connaissance sont nées à l'occasion d'un conflit entre agriculteurs et riverains. Elles ont rarement accompagné la signature des arrêtés. Lorsque cela a été le cas, la mission a constaté qu'elles n'allaient guère au-delà de la règlementation. Dans les départements où préexistaient des chartes, elles ne semblent pas avoir été prises en compte dans la phase d'élaboration des arrêtés, peut-être surtout en raison de l'urgence politique donnée au dossier. Les chartes existantes sont diverses à la fois par leur objet, par leur champ d'application, par le caractère plus ou moins ambitieux de leurs objectifs, par les parties prenantes associées ou signataires et par les moyens de pilotage ou de suivi qu'elles prévoient. Des champs d'application de portée variable L'objet des chartes est variable : il peut viser à établir simplement des bonnes relations de voisinage entre agriculteurs et riverains, ou plus spécifiquement à assurer la protection des personnes vulnérables accueillies dans les établissements qualifiés de sensibles, ou bien, de manière beaucoup plus générale, à maîtriser les risques santé / environnement des pratiques phytosanitaires. En outre, les chartes peuvent porter sur l'ensemble des cultures ou bien seulement une partie d'entre elles : pommiers dans le Limousin, viticulture dans le Bordelais et en Bourgogne, par exemple. Selon les cas, les chartes ont été élaborées au niveau régional, au niveau départemental ou au niveau infra-départemental. Elles peuvent éventuellement se superposer sur un même territoire. Ainsi, la charte départementale des bonnes pratiques agricoles et viticoles destinées à réduire les risques d'exposition de personnes vulnérables aux produits phytopharmaceutiques de Saône-et-Loire coexiste-telle avec la charte régionale des vins de Bourgogne. Trois objectifs centraux : améliorer les pratiques agricoles, améliorer la santé de la population et favoriser le dialogue Diversement formulés, les objectifs les plus souvent affichés dans les différentes chartes sont les suivants : - améliorer les pratiques agricoles ; - améliorer la santé des populations / assurer la sécurité des personnes vulnérables ; - favoriser le dialogue entre les parties prenantes et le bon voisinage. La charte régionale de la pomiculture du Limousin intègre également l'objectif de prévenir l'émergence de difficultés économiques pour la filière. L'élaboration et le suivi de certaines chartes sont pilotés par la profession agricole, d'autres par les services de l'État (préfets). Les représentants de la profession agricole ou les agriculteurs eux-mêmes font toujours partie des signataires. Le plus souvent, sont signataires également les maires ou les représentants des riverains. Il arrive parfois que l'État s'engage aussi (charte régionale des vins de Bourgogne ou charte départementale de Saône-et-Loire par exemple) ou qu'il patronne l'exercice (charte régionale des Pays de la Loire) ou encore que le président du conseil départemental figure parmi les signataires (charte départementale de bon voisinage de l'Oise). Enfin, la charte régionale de Bretagne prévoit un patronage de la concertation locale par les maires. Des engagements forts de la part des parties prenantes Les engagements des parties prenantes décrivent les actions à mener pour atteindre les objectifs. De manière générale, les parties prenantes s'engagent à promouvoir les chartes. Les professionnels s'engagent 46 / 82 PUBLIÉ à adapter leurs méthodes de travail, à trouver des solutions pour améliorer leurs pratiques et à communiquer. De manière pratique, la charte locale « Château Lamothe et riverains » prévoit par exemple que l'agriculteur prévienne ses voisins au plus tard la veille des travaux par un SMS (ou tout autre moyen simple et rapide choisi avec eux) et qu'il leur propose une réunion d'échange chaque année. Quant aux riverains, ils sont invités à se renseigner sur la proximité des activités agricoles avant de s'installer à la campagne et à conduire un dialogue constructif et courtois avec les autres parties prenantes. Les maires s'engagent à diffuser l'information, jouer un rôle de médiation, alerter le préfet en cas de difficultés. La charte régionale de la pomiculture du Limousin29 prévoit que les services compétents de l'urbanisme s'engagent à éviter le mitage rural. Enfin, dans la charte départementale de Saône-et-Loire, l'État s'engage à appuyer les concertations locales. Selon le niveau géographique où a été établie la charte et selon l'ambition qu'elle affiche, les engagements sont décrits de manière plus ou moins précise. Bilan périodique, clause de révision et indicateurs Par ailleurs, les engagements sont parfois assortis d'indicateurs. À ce titre, la charte régionale du Limousin et la charte du Château Lamothe de Haux sont particulièrement intéressantes (cf. annexe 11). Enfin, une majorité de chartes comportent une clause d'adaptation en fonction d'un bilan périodique. L'analyse des chartes existantes (en annexe 9) fait ressortir les points suivants : certaines chartes ne sont signées que par les acteurs du monde agricole, d'autres intègrent les maires, les représentants du conseil départemental, les services de l'État, les riverains ou leurs représentants. certaines chartes se contentent de relayer purement et simplement la réglementation. D'autres sont plus ambitieuses, tant par l'ampleur des aspects pris en compte, que par la fixation d'objectifs assortis d'indicateurs et par la mise en place d'un dispositif de suivi et de révision. - 3.4.3. Les facteurs clefs de succès pour les chartes départementales prévues par la loi EGALIM La loi EGALIM a introduit l'obligation, pour les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques, de formaliser des mesures de protection pour les riverains, dans une charte d'engagements à l'échelle départementale, après concertation avec les personnes ou leurs représentants. Il est donc d'autant plus utile de définir les conditions de réussite de la mise en place de tels outils. L'exercice d'élaboration et de suivi de chartes départementales visant à mettre en place des mesures de protection des riverains est donc désormais encadré par la loi, ce qui n'empêche nullement que d'autres chartes soient signées, à un niveau géographique différent ou de manière ciblée sur un type de culture (cf. infra). Cependant, il existe désormais une obligation de formaliser des mesures de protection à l'égard des riverains et, à défaut de charte départementale, l'autorité administrative pourra prendre des mesures de 29 Cf. http://www.correze.gouv.fr/content/download/17393/121022/file/charte_pomiculture_20170320_vSignee.pdf 47 / 82 PUBLIÉ protection. La loi donne ainsi une chance aux acteurs les plus concernés de se mettre d'accord afin que les mesures prises soient adaptées à la situation locale. Sur la base de l'analyse des chartes existantes et à la suite des entretiens menés avec les différents acteurs, la mission estime que la réussite de la démarche repose sur quatre piliers : la bonne volonté de l'ensemble des parties prenantes ; la qualité de la concertation, tant dans la phase d'élaboration que dans la phase de suivi ; la qualité du pilotage ; la communication. Les différentes parties prenantes doivent pouvoir trouver satisfaction dans le processus, ce qui signifie : des objectifs clairs sur le fond ; l'association de toutes les parties prenantes concernées à la concertation en amont et au pilotage de la charte ; la détermination et la mise en place d'outils de pilotage efficaces ; l'élaboration et la mise en place d'un dispositif d'information, de recueil des signalements et de règlement des différends. - Des objectifs clairs sur le fond : améliorer la protection des personnes ; améliorer les pratiques agricoles ; assurer une meilleure circulation des informations. Ces objectifs devront être soutenus par les engagements suivants des principaux acteurs concernés : engagement des organisations agricoles signataires à évoluer vers des pratiques agricoles réduisant l'exposition des riverains aux différents risques des produits phytopharmaceutiques ; engagement des associations de riverains signataires à relayer le contenu de la charte auprès des habitants et des parents d'élèves, et à faire circuler l'information depuis et vers le monde agricole ; engagement des représentants des maires et des intercommunalités à jouer un rôle de médiateurs et de pédagogues, et à élaborer des documents d'urbanisme appropriés pour réduire les risques d'exposition des personnes. - L'association de toutes les parties prenantes concernées qui le souhaitent à la concertation en amont et au pilotage de la charte, notamment : la profession agricole, représentée par la chambre départementale d'agriculture et les syndicats agricoles du département ; les représentants des applicateurs professionnels de produits phytopharmaceutiques en zone non agricole ; les organismes de formation agricole ; l'unité départementale des agences régionales de santé ; les associations de défense de l'environnement et de la protection de la santé des riverains ; 48 / 82 PUBLIÉ des représentants des maires des communes ou des intercommunalités concernées ; des représentants du Département ; des représentants de l'Éducation nationale lorsque des établissements scolaires sont en proximité des parcelles ; des directeurs d'établissements sensibles concernés ; les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) ; des représentants du corps médical ; le préfet de département. L'impulsion de la démarche peut avoir lieu à l'initiative de la profession agricole ou à défaut du préfet. La mission estime que le rôle du préfet est essentiel pour : engager ses services en faveur de la démarche ; être le garant de la légalité, de la mise en place et de la continuité du processus ; assurer au besoin une médiation et apporter un support aux éventuelles concertations locales ; garantir la cohérence de la charte avec le programme régional de mise en oeuvre du plan ECOPHYTO 2+. - La détermination et la mise en place d'outils de pilotage efficaces : Pour être convaincantes et garantir qu'un climat de confiance s'établisse entre la profession agricole et les riverains, les chartes doivent proposer : un plan pluriannuel de déploiement des mesures adoptées (comme en Bourgogne30) ; des indicateurs de mise en oeuvre, portant au minimum sur l'évolution des pratiques agricoles et des actions d'information conjointes agriculteurs-associations dans les écoles, les maisons de retraite, etc. ; un bilan annuel pour mesurer l'évolution vers une meilleure réduction des risques et poursuivre la concertation, au besoin par une révision des dispositions prévues ; ce bilan devra intégrer les résultats des inspections ; la réunion au moins une fois par an autour du préfet du comité de pilotage départemental regroupant l'ensemble des parties prenantes. Les données sur les progrès accomplis seront à diffuser non seulement vers le public, mais aussi vers les financeurs potentiels tels les Conseils Régionaux, etc. De façon réciproque, et pour marquer la cohésion du mouvement lancé, les associations de maires et les associations de riverains sont invitées à appuyer les démarches des organisations agricoles pour obtenir les financements nécessaires à cette évolution : actions de formation, renouvellement de pulvérisateurs pour des technologies réduisant les risques de dérive, conversion à l'agriculture biologique, mise en oeuvre de l'agroécologie, etc. 30 Charte régionale : engager nos terroirs dans nos territoires. Bien vivre ensemble sur nos territoires et maîtriser les risques santéenvironnement des pratiques phytosanitaires des vins de Bourgogne. Juillet 2017. 49 / 82 PUBLIÉ - L'élaboration et la mise en place d'un dispositif d'information, de recueil des signalements et de règlement des différends Afin d'assurer une bonne application de la charte, un plan de communication vers le grand public, les riverains et les établissements sensibles est indispensable. Il sera utile de le transmettre également aux financeurs potentiels. Ce plan devra porter sur le contenu de la charte, les actions d'information réalisées, et les progrès de l'évolution des pratiques agricoles dans les zones sensibles. La communication vers les habitants devra être simple et accessible. Elle devra notamment présenter : - les moyens retenus pour informer les riverains et les promeneurs ; - le dispositif d'alerte et de règlement des différends prévu. En cas de présence de plusieurs chartes sur un territoire, la charte la plus protectrice pour les habitants devra naturellement s'appliquer. À ce propos, le décret d'application de l'article 83 de la loi EGALIM devra prévoir explicitement que les chartes départementales prendront en compte les dispositions des chartes déjà en vigueur et ne pourront en aucun cas en minimiser la portée. En outre, il est souhaitable que les chartes départementales facilitent l'émergence de concertations dans des périmètres très locaux, mais aussi sur des bassins de vie ou de production au-delà des limites départementales, dans une logique de coordination interdépartementale ou régionale. Si le climat entre agriculteurs et riverains du département le nécessite, il pourra s'avérer utile de recourir aux services d'un médiateur (postes mutualisés au niveau de l'intercommunalité ou prestataires de service spécialisés dans la médiation). 3.4.4. Les conditions d'une bonne application de la loi EGALIM Les éléments clefs à mettre en place pour l'organisation autour des chartes départementales sont les suivants : · l'impulsion de la démarche vient de la profession agricole, ou à défaut du préfet ; · le préfet est le garant de la légalité et de la continuité du processus, de la cohérence avec le plan régional ECOPHYTO, et il joue un rôle de médiateur entre les parties ; · les objectifs de la charte doivent être clairs pour tous les acteurs : améliorer la protection des personnes par l'évolution des pratiques agricoles, par une meilleure circulation des informations et par l'intégration de ces besoins dans les décisions des élus ; · la concertation en amont et le pilotage de la charte associent tous les acteurs : le monde agricole, les applicateurs en zone non agricole, les maires, les associations, les administrations et les collectivités ; · la charte prévoit un dispositif de pilotage et de suivi. R6. Prévoir l'entérinement par le préfet des chartes départementales, sur la base de critères de validation définis dans le décret d'application de la loi EGALIM. La mission se prononce pour que les chartes départementales élaborées en application de la loi soient entérinées par le préfet de département afin d'apporter la garantie de leur légalité et de leur bonne mise en oeuvre. 50 / 82 PUBLIÉ Le décret d'application de la loi EGALIM devrait prévoir des critères de validation d'ordre public des chartes départementales : - la présence de mesures de protection allant au-delà de la règlementation ; - la présence d'un dispositif de pilotage prévoyant au moins la fixation d'indicateurs, une réunion annuelle sous l'égide du préfet et une clause de révision ; - la présence d'un dispositif d'information, de traitement des signalements et de règlement des différends ; - une concertation en amont avec toutes les parties prenantes concernées ; - la signature de la charte a minima par : o la chambre d'agriculture départementale ou des syndicats agricoles ou des organisations professionnelles de filières agricoles ; o des associations représentant les habitants (défense des riverains, défense des victimes, défense des consommateurs ou parents d'élèves, défense de l'environnement) ou les représentants des maires du département. Si aucune charte n'a été signée dans le délai d'un an, afin de répondre à l'exigence de la loi qui dispose que « l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d'agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux », la mission préconise que le préfet prenne un arrêté sur la base des dispositions reprenant l'ensemble des clauses prévues par le décret et la circulaire interministérielle révisant l'instruction de la DGAL. Il s'appuiera également, en tant que de besoin, sur la concertation qui aura été préalablement engagée. R7. Inciter les préfets, en cas d'absence de charte départementale dans un délai d'un an, à élargir l'arrêté préfectoral réglementant l'utilisation des PPP à proximité des établissements accueillant des personnes vulnérables à l'ensemble des zones habitées, dans l'intérêt de la santé publique. Compte-tenu de l'évolution à venir des connaissances, de la diversité des situations locales et des mesures de protection qui auront été prises d'ici là, la mission estime indispensable de réaliser un bilan à trois ans de l'élaboration et de la mise en oeuvre des chartes départementales et des arrêtés préfectoraux pris en application de la loi EGALIM, afin d'adapter le dispositif au besoin. R8. Prévoir dans le décret d'application de l'article 83-III de la loi EGALIM un bilan à trois ans de la mise en oeuvre des chartes départementales et des arrêtés préfectoraux. 3.5. Le cas des applicateurs professionnels dans les jardins, les espaces végétalisés et les infrastructures En raison des traitements qu'ils réalisent dans un contexte urbanisé dense, la mission a rencontré les représentants des applicateurs professionnels 31 de produits phytopharmaceutiques dans les jardins, les espaces végétalisés et les infrastructures (JEVI). Ceux-ci ont fait part de leur expérience pour la réalisation d'interventions phytosanitaires dans de bonnes conditions vis-à-vis des populations riveraines. 31 Union nationale des entreprises du paysage (UNEP), Association des applicateurs de produits phytopharmaceutiques (AAPP). 51 / 82 PUBLIÉ Ces professionnels mettent l'accent sur le caractère essentiel de la communication et de la pédagogie à l'égard des populations. L'encadrement réglementaire de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les JEVI, en particulier dans les lieux ouverts au public, impose un dialogue avec le donneur d'ordre qui doit assurer une communication à destination des usagers en amont des travaux, sur la nature du traitement, le délai d'éviction, le délai de réentrée, etc. La prescription suivante est formulée32 par les professionnels : « Il conviendra de prévoir un ensemble de solutions à combiner selon l'expertise de l'utilisateur de produits phytopharmaceutiques. À ce titre, les entrepreneurs du paysage prennent en compte de nombreux facteurs pour s'adapter à la vie quotidienne des populations autour du site et limiter à la fois le risque d'exposition tout autant que le dérangement du client lui-même, de son voisinage, des usagers ou intervenants extérieurs et des passants fortuits : choix du produit à utiliser et de la technique d'application ; choix du moment d'intervention, dans la saison, la semaine, la journée ; - communication en amont auprès du commanditaire avec recommandation d'une information large, avec parfois la charge à l'entreprise d`y procéder, en affichant dans la rue, en tractant dans les boites aux lettres, sur les lieux de traitements, dans la presse locale ou les supports d'information internes ; - fermeture du site le temps du traitement (délai d'exclusion) et du délai de réentrée ; choix du matériel pour limiter la dérive. » Ces différents principes peuvent être une source d'inspiration pour les usages agricoles, en particulier les actions d'information et de communication, pour créer de la confiance envers le public (cf. le chapitre sur les moyens simples d'information du public). L'annexe 18 montre des exemples d'avis de traitements en zone urbaine expliquant le motif et la nature des traitements réalisés. Les applicateurs professionnels soulignent les difficultés pour leur activité de se voir appliquer une réglementation essentiellement conçue pour les parcelles agricoles. Ainsi, l'application systématique par la réglementation de zones de non traitement à proximité des JEVI peut conduire à l'interdiction totale de traitement pour les paysagistes, qui ont peu de solutions techniques pour empêcher les dérives. À ce sujet, l'homologation des adjuvants anti-dérive rencontre des obstacles techniques quant à la mesure de leur efficacité. Pour examiner les dispositions à prendre, la mission signale deux points de vigilance : · les représentants des applicateurs professionnels en zone non agricole doivent être invités à la concertation en amont et au pilotage des chartes départementales (cf. le chapitre sur les facteurs clefs de succès pour les chartes départementales prévues par la loi EGALIM) ; · la création d'un sous-groupe dédié aux usages non agricoles des produits phytopharmaceutiques, au sein du groupe de travail n°3 « Protection des populations et de l'environnement » (mis en place par le plan Ecophyto), doit permettre de formuler des recommandations liées aux particularités des traitements dans les JEVI, et à la recherche de solutions. 32 Synthèse des échanges du 12 novembre 2018 entre le CGAAER, le CGEDD, l'IGAS, l'UNEP et l'AAPP. UNEP. 18 décembre 2018. 52 / 82 PUBLIÉ 3.6 Retour d'expérience européen Des plans d'action nationaux assortis de cibles claires et mesurables aident les États membres à informer les citoyens sur la bonne mise en oeuvre de la directive 2009/128 CE, avec des exigences complémentaires qui proposent des méthodes innovantes pour réduire les risques posés par les pesticides. Le rapport de la Commission européenne (COM 2017 ­ 587 final), dont la synthèse des éléments en lien avec la mission se trouve en annexe 12, conclut à l'existence d'importantes lacunes dans de nombreux domaines : pulvérisation aérienne, information du public, collecte d'informations relatives aux cas d'empoisonnement et mesures de protection du milieu aquatique. La lutte intégrée contre les ennemis des cultures (IPM) est notamment une pierre angulaire de la directive : absence de cibles claires et de recours plus généralisé à des techniques de gestion des terres telles que la rotation des cultures. Les États membres doivent fixer des cibles et des indicateurs spécifiques et mesurables pour une stratégie à long terme visant à réduire les risques et effets d'utilisation des pesticides. Un plan a été approuvé par le Conseil européen en juin 2016 sous présidence néerlandaise, pour accroître la disponibilité des produits phytopharmaceutiques à faible risque et accélérer la mise en oeuvre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures dans les États membres. L'une des actions complémentaires proposées prévoyait en 2016 que la Commission transforme le site web existant consacré à la directive en un portail renvoyant aux informations pertinentes disponibles sur l'IPM au niveau de l'Union et des États membres. En général, les États membres possèdent des systèmes pour collecter des informations sur les cas d'empoisonnement aigu par les pesticides, mais l'exactitude des données reçues doit être améliorée. Par ailleurs, les systèmes de collecte d'informations sur les cas d'empoisonnement chronique ne sont pas largement développés. Toutefois, la mission observe, qu'à ce jour, la Commission européenne n'a pas respecté certains engagements pris en 2017 : transformer le site web de la directive en un portail renvoyant aux informations pertinentes disponibles sur l'IPM au niveau de l'Union et des États membres. finaliser les orientations relatives à la surveillance, à l'étude des effets de l'utilisation des pesticides sur la santé humaine et l'environnement (fin 2017). mettre en place des systèmes de collecte d'informations sur les cas suspectés d'empoisonnement dû à des pesticides visés à l'article 24 du règlement UE n°2017/625. assister les États membres dans l'élaboration de méthodes visant à évaluer le respect des 8 principes de l'IPM conformément au règlement UE n°1306/2013. travailler avec les États membres en vue de parvenir à un consensus sur l'élaboration d'indicateurs de risques harmonisés et compléter l'annexe IV de la directive 2009/128 CE. diffuser des exemples de bonnes pratiques de mises en oeuvre au travers de groupes de travail et de formations, notamment dans le cadre du programme « Une meilleure formation pour des denrées alimentaires plus sûres ». 53 / 82 PUBLIÉ Exemples de bonnes pratiques européennes : Au-delà de l'action de l'Union en faveur de la durabilité33, la mission a identifié quelques bonnes pratiques d'États membres. Par exemple, l'Italie a développé une base de données depuis 2001 qui couvre les produits phytopharmaceutiques et les biocides gérée par l'institut supérieur sanitaire (ISS). Cet outil trie et analyse les données à travers la publication d'un rapport annuel. Le système de surveillance nationale des expositions dangereuses et intoxications aigues (SIN-SHEAP) a ainsi permis d'identifier sur 900 cas d'exposition aux pesticides par an (dont 2% de substances dangereuses) : 627 cas d'intoxication aiguë en 2013 et 614 en 2014 avec une majorité de cas non graves (84%). À noter que l'Institut du cancer de Toscane surveille la toxicité chronique des pesticides depuis 1978. L'information des riverains et agriculteurs (protection des cultures bio) est également très développée : installation de panneaux d'avertissement des cultures voisines, notamment sur les produits utilisés. En Allemagne, une loi précise la durée d'information du public pendant ou après utilisation des produits : barrières et panneaux d'avertissement. De nombreux pays taxent les produits pesticides pour financer le développement de cultures biologiques et la recherche (Allemagne, Danemark, Suisse, France, etc.). Des restrictions réglementaires sur les insecticides sont envisagées. L'Allemagne a même développé 28 indicateurs dans son plan d'action national qui concernent : l'environnement, la conformité des équipements utilisés, les produits phytopharmaceutiques interdits, les rendements des cultures traitées ou non traitées, la fréquence des traitements, l'information du public, etc. La Slovénie impose des distances modulables de zones de non traitement en tenant compte des équipements utilisés à travers une réglementation qui intègre les enjeux de protection des cours d'eau, des riverains et des abeilles. En France, la protection contre les produits phytopharmaceutiques de l'environnement et de la santé est encadrée par deux arrêtés préfectoraux distincts et bientôt une charte en application de la Loi EGALIM (voir tableau ci-dessous) : Produits phytopharmaceutiques Cours d'eau et captages d'eau potable Établissements accueillant des personnes vulnérables Riverains Arrêté préfectoral n°1 Arrêté préfectoral n°2 Charte Dans un objectif de simplification réglementaire au niveau départemental, la mission suggère aux groupes de travail Ecophyto et PNSE/PRSE de conduire une réflexion conjointe sur l'intégration de la protection de la santé et de l'environnement dans un arrêté préfectoral unique à l'instar des réglementations sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Cette piste de réflexion vise à éviter la gestion en silo par les administrations locales des pollutions diffuses et à rendre plus lisible son cadre réglementaire auprès des acteurs et du public. Elle a également pour objectif de réorganiser les services de contrôle et de créer un guichet unique d'alerte pour le public. Bien évidemment la gestion des risques de recours est à étudier par les groupes de travail au regard des procédures en cours à l'encontre de certains arrêtés départementaux. 33 Résolution du Parlement européen du 6 juillet 2017 sur l'action de l'Union pour la durabilité (2017/2009 INI). 54 / 82 PUBLIÉ 4. Réduire davantage l'exposition des riverains et des personnes vulnérables 4.1. Repenser la collecte et la diffusion d'information 4.1.1. Une priorité : mettre en place des moyens simples d'information des riverains Les arrêtés préfectoraux n'ont pas permis d'instaurer une concertation, un dialogue entre toutes les parties prenantes et n'ont souvent pas permis d'apaiser les tensions. Les signalements des riverains augmentent, même s'ils restent modestes dans la plupart des régions en termes de volume. Néanmoins, un certain nombre de plaintes sont déposées au tribunal et engendrent des expertises de l'exposome34 et de l'état de santé des personnes. Là où le dialogue a été réinstauré à l'initiative des agriculteurs, les tensions se sont immédiatement apaisées. En Gironde, un château viticole organise des réunions publiques en amont de la saison de traitement et informe le public sur le type de traitement utilisé et les résultats attendus. Par ailleurs, les riverains sont informés par SMS au moment des traitements. Des manches à air installés à des points stratégiques permettent d'informer en temps réel agriculteurs et riverains, de la force du vent et de la possibilité ou non de procéder à des traitements. L'information des résidents et des promeneurs et randonneurs par des panneaux rappelant les devoirs et les risques serait utile dans les endroits les plus significatifs. Cependant cette mesure est difficile à envisager vu l'immensité des territoires concernés. Cela a pourtant été fait à propos des anticoagulants utilisés contre les campagnols et est régulièrement pratiqué par les entreprises du paysage (cf. annexe 18). Cette problématique devrait aussi entrer dans les contenus de formation Certiphyto.35 Dans l'arrêté sur le métam-sodium pris en 201636 en Maine-et-Loire, l'article 6 prévoit l'information en mairie sur les périodes d'application. Cette information est donnée soit individuellement, soit collectivement, par les applicateurs du produit, aux maires des communes où sont situés les riverains des parcelles cultivées dans un rayon de 200 m. L'arrêté prévoit que les applicateurs peuvent également informer directement les riverains. Au-delà, les nouvelles technologies de l'information permettent de créer des groupes sur les réseaux sociaux ou de développer des applications pour smartphone dont l'objectif seraient d'informer sur les dates et lieux de traitement. Selon les caractéristiques du territoire et la volonté des parties prenantes, ces différents moyens d'information peuvent être utilisés alternativement ou de manière combinée et être inscrits dans les chartes (cf. chapitre 3) ou les arrêtés préfectoraux (cf. chapitre 2). R9. Prévoir et organiser dans les chartes ou les arrêtés préfectoraux des moyens simples d'information entre les agriculteurs, les maires et les riverains à l'approche et au moment des périodes de traitement de PPP. 34 Dans le domaine sanitaire, le concept d'exposome recouvre « l'ensemble des expositions (chimiques, physiques, biologiques, psychologiques et sociologiques) d'un individu tout au long de sa vie, dès la conception. L'exposome humain ne recouvre pas uniquement la description des expositions mais aussi leurs impacts sur la santé et les mécanismes impliqués ». Préfiguration du volet recherche du 4e Plan National de Santé Environnement (PNSE4), INSERM. 2018. 35 Comité de suivi des AMM de l'ANSES, réunion du comité numéro 2018-03, des 19 et 20 septembre 2018. 36 Arrêté DDT-SEEF-MMT n°2016-12-02 55 / 82 PUBLIÉ 4.1.2. La phytopharmacovigilance est un dispositif à renforcer afin de répondre aux inquiétudes des riverains et de mesurer les effets des PPP sur le territoire 4.1.2.1. Le cadre européen impose la mise en place d'un dispositif. Au niveau réglementaire, la directive 2009/128/CE instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable prévoit : « · la mise en place des mesures nécessaires pour informer le public et promouvoir et faciliter des programmes d'information et de sensibilisation et la disponibilité d'informations précises et équilibrées concernant les pesticides pour le grand public, notamment les risques et les éventuels effets aigus et chroniques pour la santé humaine, les organismes non cibles et l'environnement résultant de leur utilisation (art.7.1) ; · des systèmes de collecte d'informations sur les cas d'empoisonnements aigus par des pesticides, ainsi que le cas échéant sur les développements d'un empoisonnement chronique, parmi les groupes pouvant être exposés régulièrement aux pesticides, comme les utilisateurs, les travailleurs agricoles ou les personnes vivant à proximité des zones d'épandage de pesticides (art. 7.2). » 4.1.2.2. PhytoSignal : un exemple probant, pour l'instant limité à une région Sur le terrain, la mission a constaté à plusieurs reprises que les chefs d'établissement accueillant des personnes vulnérables, les riverains et même les élus locaux ne savaient pas à quelle autorité s'adresser lorsqu'ils constataient des dérives hors des parcelles lors de l'épandage de PPP. En Nouvelle Aquitaine, l'ARS a mis en place un dispositif pilote de recueil et de gestion des signalements liés aux épandages de pesticides (PhytoSignal). Ce guichet unique, sous la forme d'un numéro vert, permet de recueillir les signalements de dérive et d'exposition impropre des personnes aux PPP. Il a été mis en place en Aquitaine en 2014 et a été étendu à l'ensemble des départements de Nouvelle Aquitaine en 2016. Il associe la cellule d'intervention en région de Santé publique France (CIRE), l'Association agréée pour la surveillance de la qualité de l'air en Nouvelle-Aquitaine (ATMO Nouvelle-Aquitaine) et plus récemment le centre antipoison et de toxicovigilance (CAPTV), ainsi que la DRAAF. Les objectifs du dispositif sont de centraliser les signalements au niveau de l'ARS, de les décrire, de les comptabiliser et d'assurer une prise en charge et un suivi coordonné avec les acteurs compétents, et notamment la DRAAF. L'existence du dispositif a été communiquée à l'ensemble des maires de la région, elle n'a toutefois pas été communiquée aux médecins exerçant dans la région. 56 / 82 PUBLIÉ Source : Nouvelle Aquitaine, modifié par la mission Après un premier filtre, l'ARS renvoie les signalements de dérive hors des parcelles et d'exposition des riverains ou des personnes sensibles à la DRAAF. Selon le type de signalement, la DRAAF peut diligenter rapidement un contrôle sur le terrain. Le bilan des signalements montre une montée en puissance du nombre de signalements depuis la mise en place du dispositif en 2014. 96 signalements recueillis sur la période 2014-2017. Dans 48 des cas, un critère « réglementaire » est suspecté (vent fort, établissements sensibles, entraînement hors de la parcelle avéré). 63 signalements ont été transmis à la DRAAF. Le nombre de signalements semble en augmentation en Gironde : 26 signalements reçus en 2018 (contre 16 en 2017, 19 en 2016). Les annexes 16 et 18 montrent des exemples de signalements et de fiche PhytoSignal d'enregistrement. Dans un cas de violation réglementaire indiscutable (épandage par grand vent), la DRAAF a saisi la justice et a obtenu la condamnation de l'agriculteur incriminé à 15 000 d'amende. Même s'il s'agit d'un cas isolé et que la procédure est complexe à mener, cette condamnation a eu un effet dissuasif. Les ARS d'autres régions, sensibilisées à la problématique des PPP, envisagent de reprendre le système de PhytoSignal. 57 / 82 PUBLIÉ 4.1.2.3. Le dispositif national de phytopharmacovigilance piloté par l'ANSES peine à être connu Dans le cadre de sa mission de suivi des effets sur la santé humaine et des expositions, le dispositif de phytopharmacovigilance, piloté par l'ANSES, est en lien avec les Centres anti-poisons et de toxicovigilance de toutes les régions, le réseau Phyt'attitude de la Mutualité sociale agricole et l'Agence nationale de santé publique France (Santé Publique France). Il a été développé depuis 2017. Il s'agit d'un dispositif unique en Europe par l'aspect intégré du recueil d'informations, aussi bien les alertes sur la biodiversité que sur la santé humaine. Les autres États membres ont conçu des dispositifs spécifiques (par exemple concernant les résidus sur les aliments ou les eaux de surface). Ce dispositif recueille les signalements d'intoxication aiguë par le biais des centres anti-poison. Toutefois, la transmission des alertes mérite d'être améliorée car lors des intoxications répétées dues au métamsodium en Pays de la Loire, la cellule de phytopharmacovigilance de l'ANSES n'a pas été prévenue. Les remontées de signalements par les différentes sources sont complétées par une voie directe par le biais d'un portail de signalements des événements sanitaires indésirables, hébergé par le site du Ministère de la santé et des solidarités37. D'après les constats de la mission, ce portail de saisine directe n'est pas spécifique aux PPP et les cas d'intoxications liées aux PPP mériteraient d'être indiqués plus clairement. Lors de ces déplacements sur le terrain, la mission a constaté qu'à l'inverse de PhytoSignal, ce dispositif de phytopharmacovigilance piloté par l'ANSES n'était pas connu des parties prenantes. Il n'est pas relié à PhytoSignal. Il ne reçoit pas non plus les signalements recueillis par des dispositifs créés par les associations, type PhytoVictimes38. Sur les cas d'intoxications chroniques, la cellule de pharmacovigilance se base sur le résultat des études épidémiologiques lancées par Santé publique France ou l'INSERM et le réseau Phyt'attitude de la MSA39. Le réseau Phyt'attitude a été créé en 1991 par la Mutualité sociale agricole. Il est composé de médecins du travail, de conseillers en prévention et d'experts toxicologues. Il recense, analyse et valide les informations sur les accidents ou incidents survenus lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques. Phyt'attitude fonctionne sur le principe de la déclaration volontaire d'événements indésirables par les utilisateurs de ces produits. La mission considère que la cellule pourrait développer d'autres méthodes de collecte d'informations sur les intoxications chroniques. Les informations collectées par ces différents canaux servent à alimenter la direction des évaluations de l'ANSES, lors du renouvellement des autorisations de mise sur le marché. Une mission plus générale d'information des pouvoirs publics et du public pourrait être assignée à cette cellule. La mission considère qu'un dispositif de collecte des signalements au niveau national est essentiel mais que le dispositif actuel peine à se développer et à se faire connaître et ce malgré un budget conséquent40. Sans le remettre en cause, ce dispositif mérite d`être priorisé au sein de l'ANSES afin d'être connu de toutes les parties prenantes et relié aux différents dispositifs d'alerte existant. 37 https://signalement.social-sante.gouv.fr/psig_ihm_utilisateurs/index.html#/accueil 38 Phytovictimes est liée à l'association Générations futures et recueille les signalements des agriculteurs. Ils suivent actuellement 400 dossiers d'intoxication par les PPP. 39 Mutualité sociale agricole. Base Phyt'attitude. Bilan des observations du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014. 40 Enveloppe annuelle de 4 millions - 12 ETP. 58 / 82 PUBLIÉ 59 / 82 PUBLIÉ R10. Organiser au niveau régional sur tout le territoire un guichet unique de recueil des déclarations de dérives de PPP et d'exposition des personnes, sur le modèle du dispositif PhytoSignal en Nouvelle Aquitaine. Relier ces guichets uniques au dispositif de phytopharmacovigilance de l'ANSES. 4.1.3. Ouvrir l'accès des registres de traitements aux chercheurs sous couvert de l'anonymat Il existe une obligation légale d'inscrire les PPP utilisés dans les exploitations agricoles dans un registre de traitements. L'arrêté du 16 juin 2009, en application des règlements sanitaires n° 852/2004 et n° 183/2005, prévoit dans son article 2 : « I. L'exploitant tient le registre de façon méthodique et chronologique. Notamment, les données sont consignées par parcelle de culture définie d'une part par ses coordonnées GPS, cadastrales ou du réseau parcellaire graphique (RPG), et d'autre part par son emblavement. Par emblavement, on entend l'espèce et la variété cultivée. Le cas échéant et dans le cas d'organismes génétiquement modifiés, l'identifiant unique sera précisé. Le registre est renseigné dans un délai raisonnable eu égard à l'information en cause. II. L'exploitant peut y porter des mentions autres que celles mentionnées à l'article 1er, à condition que cela ne porte pas atteinte à la lisibilité du registre. Les informations contenues dans le registre doivent figurer sur un support garantissant leur pérennité et leur intégrité. Le registre est conservé pendant une durée de cinq ans suivant l'année de prise en compte de l'enregistrement de la dernière information. Il est tenu à disposition des autorités de contrôle pendant la durée prescrite. » L'archivage des registres de traitements est de 5 ans minimum. Les autorités de contrôle peuvent accéder à ces données en l'absence de démarche volontaire. L'article 3 précise le contenu de ce registre : « Les exploitants mentionnés à l'article L. 257-1 du code rural doivent en particulier tenir des registres concernant : 1° Toute utilisation de produits phytopharmaceutiques et biocides, notamment les informations suivantes : Etc. » Il n'existe pas de modèle officiel de registre pour les traitements phytosanitaires. Vu la très grande diversité des pratiques agricoles selon les filières de production, il serait difficile de faire un modèle unique. En revanche, les Chambres d'agriculture diffusent des modèles locaux de registres. De plus en plus d'exploitants utilisent aussi des registres parcellaires informatisés, qui enregistrent les données sur les traitements. Les inspecteurs ont les pouvoirs de police pour demander une extraction papier ou fichier de ces données. le nom complet de la spécialité commerciale utilisée pour chaque traitement ; les quantités et doses de produits utilisées exprimées en grammes/hectare, kilogrammes/hectare ou litres/hectare ; la date de traitement ; la date de remise en pâture après traitement. 60 / 82 PUBLIÉ La mission a constaté qu'à part les autorités de contrôle, les cahiers d'épandage n'étaient pas accessibles. En particulier, les chercheurs et scientifiques missionnés pour mesurer l'exposition des riverains autour des exploitations agricoles n'ont pas accès à ces données, ce qui complique d'autant les recherches. R11. Permettre l'accès aux registres de traitements dans les exploitations agricoles aux chercheurs et scientifiques dans le cadre de recherches liées à l'exposition des personnes aux PPP. Étendre la durée de l'archivage des registres de traitements de 5 à 10 ans minimum. 4.2. Faire des exploitations proches des zones habitées une priorité et un territoire d'excellence pour réduire les risques 4.2.1. Des mesures renforcées pour réduire l'exposition des lieux sensibles La réduction des risques liés aux produits phytopharmaceutiques implique des innovations techniques, de la formation, et du conseil permettant une évolution vers une agriculture plus économe en intrants de synthèse. Mais elle implique aussi un changement de système de production notamment grâce à la conversion vers l'agriculture biologique. Dans ces domaines, l'objectif pour la mission n'est pas de paraphraser le plan ECOPHYTO 2+, mais de : souligner les dispositifs opérationnels pertinents pour la protection des établissements avec des personnes appartenant aux groupes vulnérables, et des riverains ; formuler de propositions pour aider les décideurs afin de renforcer les mesures de sécurité envers les personnes exposées. Les pistes proposées pour atteindre ces objectifs relèvent de différentes catégories : 1. Stimuler les alternatives aux produits de synthèse dans les parcelles jouxtant des établissements et des riverains ; 2. Supprimer dans les itinéraires techniques agricoles les substances actives préoccupantes pour la santé ; 3. Moderniser le parc de pulvérisateurs, développer leur réglage, leur contrôle, et les bonnes pratiques de pulvérisation ; 4. Réduire les quantités de produits appliqués pour réduire les dérives ; 5. Déployer les obstacles physiques aux dérives : haies, filets, adjuvants. 4.2.1.1. Stimuler les alternatives aux produits de synthèse dans les parcelles jouxtant des établissements et des riverains Le plan d'actions sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides prévoit de « renforcer les actions de recherche vers la mise en oeuvre d'alternatives opérationnelles et durables » et « d'accompagner les exploitations agricoles dans la transition pour réduire les quantités et mettre en oeuvre les solutions alternatives en favorisant les approches collectives ». 61 / 82 PUBLIÉ Dans ce domaine, la mission propose, lorsque les demandes dépassent les enveloppes disponibles, d'examiner les leviers permettant de donner la priorité pour les aides, les formations et les conseils aux exploitations à proximité des établissements et des lieux d'habitation, pour : accélérer la conversion à l'agriculture biologique et ne plus employer de produits de synthèse dans les zones sensibles. Même si les produits antiparasitaires employés en agriculture biologique ne sont pas tous dénués de dangers, l'exposition globale présente sensiblement moins de risques. favoriser l'implantation de variétés résistantes aux maladies lorsqu'elles existent, en particulier de cépages résistants au mildiou et à l'oïdium et aux cultivars résistants à la tavelure du pommier, principaux motifs des traitements sur ces cultures. L'acceptation de ces variétés résistantes dans les cahiers des charges des signes de qualité, sans porter atteinte aux caractéristiques des produits, aurait un effet favorisant. développer l'utilisation de produits de biocontrôle, de substances de base et de produits à faible risque lorsque des alternatives aux produits de synthèse existent. aider le recours à des entreprises de prestation de service pour réaliser les traitements avec des produits de biocontrôle, des substances de base, des produits de l'agriculture biologique demandant une technicité particulière. stimuler l'utilisation de robots désherbeurs (sarclage, traitements ultra-localisés, enceintes de pulvérisation confinées) dont l'usage débute sur le terrain, mais en étant vigilant sur l'acceptabilité sociale de ce type de matériels. 4.2.1.2. Supprimer dans les itinéraires techniques les substances actives préoccupantes pour la santé Dans le plan ECOPHYTO 2+, l'axe 3 porte sur l'évaluation et la maîtrise des risques et des impacts. À ce titre, l'action « 13.2 Agir concrètement à faire reculer les risques liés à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques » prévoit d'« accompagner la substitution des produits contenant des substances préoccupantes pour la santé ». Cette disposition précise que « la substitution des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) et des perturbateurs endocriniens (PE) par des substances moins dangereuses, en particulier de biocontrôle, sera encouragée dans les entreprises, en particulier dans les très petites, petites et moyennes entreprises et chez les exploitants, en les dotant notamment des outils appropriés (formation, outils d'aide à la décision). ». En raison d'une part de la concentration de personnes vulnérables dans les établissements tels que les écoles et les établissements de santé, et d'autre part de la dispersion des personnes vulnérables dans les lieux d'habitation, la mission propose d'examiner les pistes suivantes : · interdire l'emploi des substances actives classées CMR et perturbateurs endocriniens (PE) par l'ANSES, et pour lesquelles des substitutions existent, dans les parcelles à proximité des établissements hébergeant des personnes vulnérables et à proximité des riverains; · donner la priorité aux exploitations voisines de lieux d'habitation et d'établissements sensibles, pour les actions destinées à permettre aux agriculteurs la substitution des CMR et PE, et les aides financières possibles pour compenser le coût des dispositifs, des produits alternatifs aux substances de synthèse et les éventuelles pertes de revenu ; dans le cadre de la séparation vente-conseil prévue par la loi EGALIM 41 , imposer un conseil 41 Article 88 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. 62 / 82 PUBLIÉ technique spécifique pour les agriculteurs dont les parcelles jouxtent des établissements sensibles et des lieux d'habitation pour orienter les pratiques vers les produits de substitution et les méthodes alternatives ; lors des formations du Certificat individuel pour l'application des produits phytopharmaceutiques (CERTIPHYTO), insister sur les pratiques fondées sur les produits de substitution et les méthodes alternatives. 4.2.1.3. Moderniser le parc de pulvérisateurs, développer leur réglage, leur contrôle, et les bonnes pratiques de pulvérisation Dans le plan ECOPHYTO 2+, l'axe 1 s'intitule « Agir aujourd'hui et faire évoluer les pratiques », avec une action « 1.2 Renforcer la place des agroéquipements de nouvelle génération et des outils d'aide à la décision ». Il est précisé : « Le Plan Écophyto II+ permettra d'aider les agriculteurs à investir dans des agroéquipements dont la performance à la fois économique, environnementale et sociale aura été démontrée à l'issue d'une évaluation indépendante. » Effectivement, un grand nombre des acteurs rencontrés par la mission ont présenté la maîtrise de la pulvérisation comme un levier essentiel pour la réduction des risques liés aux produits phytopharmaceutiques. Ce constat s'applique aussi aux producteurs en agrobiologie, en particulier les viticulteurs, et aux utilisateurs de produits de biocontrôle. Les objectifs à atteindre sont les suivants : moderniser le parc de pulvérisateurs avec du matériel réduisant les dérives de produits ; améliorer le réglage des pulvérisateurs ; développer les bonnes pratiques de pulvérisation. Moderniser le parc de pulvérisateurs avec du matériel réduisant les dérives de produits Pour le matériel de pulvérisation, la mission propose d'examiner les pistes suivantes : interdire la vente à court terme des matériels présentant le plus de risques de dérive, tels les pulvérisateurs de type canon ; interdire l'utilisation dans un délai à fixer des matériels présentant le plus de risques de dérive dans les exploitations à proximité des établissements sensibles et des riverains. En raison du coût élevé des appareils anti-dérives, une telle mesure doit être accompagnée d'un dispositif d'aide pour : cofinancer l'acquisition de matériels réduisant le risque de dérive, en définissant les appareils éligibles avec l'aide de l'IRSTEA et des Instituts techniques : dispositifs de confinement, panneaux récupérateurs, appareils d'application face par face... aider le recours à des entreprises de prestation de service pour l'application des traitements avec du matériel réduisant les risques de dérive ; favoriser les actions de partage du matériel réduisant les risques de dérive pour les exploitations concernées : CUMA, entraide entre agriculteurs, prêts de matériels, voire dispositifs relevant de l'économie collaborative agricole42 pour le partage des ressources entre les exploitations. donner la priorité aux exploitants des parcelles voisines de lieux d'habitation, pour les aides favorisant l'acquisition et l'emploi de pulvérisateurs réduisant les risques de dérive de produits. 42 #CoFarming Fest : le festival de l'économie collaborative au service de l'agriculture du 24 janvier 2018. https://agriculture.gouv.fr/cofarming-fest-le-festival-de-leconomie-collaborative-au-service-de-lagriculture. Consulté le 8 janvier 2019. 63 / 82 PUBLIÉ L'objectif est d'éliminer de manière progressive les pulvérisateurs les moins performants en s'appuyant notamment sur le dispositif des CEPP et le plan d'investissement (recommandation 4 du rapport43 de décembre 2017). développer les travaux pour un dispositif de notation et de classification des pulvérisateurs selon le risque de dérive, à l'image des travaux de l'IRSTEA en vigne. L'intérêt de cette classification est de fournir un référentiel aux agriculteurs et aux pouvoirs publics. Améliorer le réglage des pulvérisateurs Il est proposé de mettre en oeuvre les recommandations de la mission44 sur le contrôle des pulvérisateurs (reprises dans l'annexe 6 du rapport45 de décembre 2017) : associer l'acte de contrôle périodique obligatoire à une prestation de réglage et de formation au réglage des pulvérisateurs, avec l'appui d'acteurs locaux proposant des solutions adaptées, et sous le pilotage d'une structure ensemblière46 ; faire du rapport d'inspection remis par les organismes de contrôle agréés un élément exigible pour les dossiers de demandes d'aides publiques, dans le cadre d'une stratégie de résultat pour augmenter le taux de contrôle ; permettre aux distributeurs de capitaliser des certificats d'économie de produits phytosanitaires (CEPP) dès lors qu'ils contribuent, financièrement ou logistiquement, à des opérations de contrôle ­ réglage ; donner une place significative à la pulvérisation dans les formations initiale et continue (CERTIPHYTO) ; mobiliser les crédits du plan ECOPHYTO pour encourager des opérations collectives promouvant le réglage des pulvérisateurs, et conduisant les agriculteurs sur la voie d'une montée en compétence vis-à-vis de la pulvérisation. Développer les bonnes pratiques de pulvérisation Pour les bonnes pratiques d'application des traitements, outre le réglage des pulvérisateurs, la mission souligne l'intérêt de promouvoir les actions suivantes : à proximité des riverains, déployer les pratiques de pulvérisation permettant de réduire la dérive hors des parcelles agricoles : buses anti-dérives, adjuvants réducteurs de dérive, fermeture des sorties d'air du côté des riverains, vitesse d'avancement, pression, distance entre diffuseurs et cible, GPS avec arrêt automatique de la pulvérisation en bordure de parcelle, etc. ; implanter des manches à air systématiquement près des établissements sensibles, et autant que possible près des lieux d'habitation, à l'image des pratiques recommandées en Limousin47. 43 Utilisation des produits phytopharmaceutiques. Rapport CGEDD-IGAS-CGAAER de décembre 2017. 44 Évolution du dispositif de contrôle périodique obligatoire des pulvérisateurs de produits phytopharmaceutiques. Rapport CGAAER n° 16097. Mars 2017. 45 Utilisation des produits phytopharmaceutiques. Rapport CGEDD-IGAS-CGAAER. Décembre 2017. 46 Une structure ensemblière identifie les synergies possibles entre les acteurs et organise les compétences pour réaliser un projet. 47 Charte pour une arboriculture « Pommes du Limousin » mieux intégrée à son environnement. 20 mars 2017. 64 / 82 PUBLIÉ 4.2.1.4. Réduire les quantités de produits appliqués pour réduire les dérives L'axe 1 du plan ECOPHYTO 2+ se donne l'objectif suivant : « inciter les exploitants agricoles à adopter des pratiques concourant à la diminution de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ». Dans les parcelles proches des lieux sensibles, il est proposé de : encourager l'implantation des cultures les plus faiblement consommatrices de produits phytopharmaceutiques dans ces zones ; développer les pratiques agricoles moins consommatrices en intrants, notamment relevant de l'agroécologie, identifiées par le réseau de fermes DEPHY du plan ÉCOPHYTO. utiliser des drones 48 pour l'application de précision des produits phytopharmaceutiques si les expérimentations prévues par la loi EGALIM49 s'avèrent concluantes quant à la maîtrise du risque de dérive. intégrer dans les cahiers des charges des signes de qualité des pratiques réduisant significativement le recours aux produits phytopharmaceutiques. Par exemple, le Comité national de l'INAO a validé, le 6 septembre 2018, les nouveaux cahiers des charges des 27 appellations d'Anjou-Saumur, qui introduisent l'interdiction du désherbage chimique total. Désormais, seuls les rangs de vigne peuvent être désherbés chimiquement. 4.2.1.5. Déployer les obstacles physiques aux dérives : haies, filets, adjuvants. L'aménagement du territoire passe aussi par la plantation de haies comme prévu par l'article L.253-7-1 du code rural et de la pêche maritime, et l'installation de filets anti-dérive. Lors de ses déplacements, la mission a entendu les remarques suivantes : des filets anti-dérives ont été testés par l'Institut Français de la Vigne et du Vin en Gironde : voir l'annexe 15 sur un essai montrant un facteur de réduction est compris entre 2 et 3 pour les quantités déposées de produit. Des équipements de 3 à 4 mètres de haut sont commercialisés à cet effet ; ces filets permettent de mettre en place rapidement un dispositif pour réduire les dérives, mais leur impact sur le paysage du point de vue des riverains pose problème et cette solution ne peut être pérenne ; l'installation de haies anti-dérives présente des bénéfices pour le maintien ou l'amélioration de la biodiversité. Mais des questions sont posées sur le choix des espèces à planter en fonction des régions (feuillage persistant, hauteur...), sur le mode de conduite et sur l'entretien pour obtenir la meilleure efficacité contre les dérives ; les expérimentations et les autorisations sur les adjuvants anti-dérives doivent être développées. 48 Utilisation des drones pour la protection des végétaux. Pour des simplifications nécessaires de la réglementation autorisant l'application de produits de biocontrôle respectueux de la santé humaine, animale et de l'environnement. Rapport de l'Académie d'Agriculture de France. Juin 2018. 49 Article 82 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. 65 / 82 PUBLIÉ En résumé, les propositions suivantes sont formulées. R12. Faire des parcelles proches des zones sensibles une priorité pour la réduction des risques de dérive : stimuler les alternatives aux produits de synthèse, supprimer les substances actives préoccupantes pour la santé, moderniser le parc de pulvérisateurs, réduire les quantités de produits, déployer les obstacles physiques aux dérives. Faire des parcelles proches des zones sensibles une priorité pour la réduction des risques de dérive : stimuler les alternatives aux produits de synthèse : conversion à l'agriculture biologique, implantation de variétés résistantes, emploi de produits de biocontrôle, de produits classés à faible risque, de substances de base, recours à des entreprises de prestation de service pour appliquer ces produits, robots désherbeurs... supprimer dans les itinéraires techniques les substances actives préoccupantes pour la santé : interdire l'utilisation des CMR et PE pour lesquels des substitutions existent, imposer un conseil technique spécifique sur les substitutions, développer la substitution dans les formations CERTIPHYTO... moderniser le parc de pulvérisateurs, développer leur réglage, leur contrôle, et les bonnes pratiques de pulvérisation. Interdire les ventes à court terme des pulvérisateurs présentant le plus de risques de dérive, et dans un délai à fixer leur utilisation près des zones sensibles, avec un dispositif d'accompagnement. réduire les quantités de produits appliqués pour réduire les dérives : implanter les cultures les plus faiblement consommatrices de produits, appliquer les pratiques agricoles DEPHY moins consommatrices en intrants (objectif de 30 000 fermes), expérimentation de drones... déployer les obstacles physiques aux dérives : haies, filets, adjuvants. La mission recommande de mener les travaux d'expérimentation permettant d'établir des références techniques et des procédures d'autorisation, et de les diffuser sous forme de centre de ressources pour répondre aux questions posées par les utilisateurs. 4.2.2. Financer les mesures de réduction des risques 4.2.2.1. Financements liés à la politique agricole commune et écoconditionnalité La politique agricole commune (PAC) 2014-2020 repose sur deux piliers financés chacun par un fond budgétaire. Si le premier pilier est intégralement financé par l'Union, les programmes du second pilier sont cofinancés par des fonds de l'Union et des fonds nationaux, régionaux ou locaux. Le premier pilier finance à travers le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), les mesures de soutien à la production agricole et au revenu des exploitants qui consistent principalement en des paiements directs à l'hectare. Pour toucher ces aides, les agriculteurs doivent respecter plusieurs critères environnementaux et de bien-être des animaux. Les aides pour la production végétale sont essentiellement consommées par les grandes cultures. Les céréales (blé, orge, maïs...), les oléagineux (tournesol, colza, soja...) et les protéagineux (pois, féveroles...) représentent de très vastes surfaces : près des deux tiers des exploitations agricoles en France métropolitaine, plus de 12 M ha en 2014. Mais les indices de fréquence de traitements 66 / 82 PUBLIÉ sont faibles pour ces cultures (IFT en 201450 : 2,75 pour le maïs grain, 2,83 pour le colza, 4,22 pour le blé dur). Les contraintes environnementales liées aux aides directes du premier pilier ont donc une influence limitée sur ces cultures. En revanche, la vigne, l'arboriculture fruitière, et le maraîchage ne bénéficient pratiquement pas des paiements directs tandis qu'ils ont des indices de fréquence de traitement nettement plus élevés (IFT en 2012 et 2013 : 34,05 pour la pomme 51 , 13,3 pour la vigne 52 , 10,3 pour la tomate 53 ), sur des surfaces beaucoup plus faibles (0,75 M ha pour la vigne, 0,06 M ha pour les fruits à pépins, 0,08 M ha pour les légumes feuillus et à tiges). Les contraintes environnementales liées aux aides directes du premier pilier ont donc une influence limitée sur ces cultures. Le premier pilier de la PAC finance également, dans le cadre de l'organisation commune de marché (OCM)54 des programmes nationaux pour les secteurs viticoles, fruits et légumes, et oléiculture qui peuvent offrir des opportunités de financement. Le second pilier de la PAC finance à travers le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), le développement rural avec un large panel de vingt mesures55, les crédits correspondant pouvant être utilisés jusqu'au 31 décembre 2023. Ces mesures servent de briques aux États membres pour construire leur Programme de Développement Rural National (PDRN), et le cas échéant leurs Programmes de développement ruraux régionaux (PDRR). En France, le choix a été fait de mettre en place un PDRN limité à deux mesures, et des PDRR dont la responsabilité comme autorité de gestion a été confiée aux Conseils régionaux tout en étant encadrée par un cadre national très précis. Dans celui-ci, les cultures pérennes et le maraîchage peuvent ainsi bénéficier d'aides au titre des programmes de développement rural nationaux (en France, uniquement la gestion des risques) et/ou régionaux. Ainsi les acquisitions de matériels qu'entraînent certaines mesures proposées par la mission peuvent trouver des financements au titre de la mesure 4 (investissements physiques), qu'il s'agisse d`investissements améliorant la performance globale et la durabilité de l'exploitation agricole (sous-mesure 4.1) ou d'investissements non productifs liés à la réalisation d'objectifs environnementaux et climatiques (sous-mesure 4.4) du règlement FEADER. En France cette mesure est mise en oeuvre par le Plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles56 (PCAE)57 qui est décliné directement dans les PDRR58. Les PCAE sont majoritairement financés par le FEADER, complété par des crédits de l'État, des Conseils régionaux, des Agences de l'eau, et des 50 Agreste. Service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Enquête sur les pratiques phytosanitaires en grandes cultures 2014. 51 Agreste. Service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Enquête sur les pratiques phytosanitaires en arboriculture 2012. 52 Agreste. Service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Enquête sur les pratiques phytosanitaires en viticulture 2013. 53 Agreste. Service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Enquête sur les pratiques culturales sur les légumes 2013. 54 Règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commun des marchés agricoles. 55 Règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 relatif au soutien du développement rural par le FEADER. 56 Le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles. La PAC 2015-2020. Ministère de l'agriculture et de l'alimentation. 57 Le PCAE est un dispositif devenu unique des aides aux investissements des exploitations agricoles remplaçant plusieurs plans, dont le Plan végétal environnement (PVE). 58 Programmes de développement rural régionaux (PDRR) et agro-écologie. Analyse. Centre d'études et de la prospective. Les publications du service de la statistique et de la prospective. N° 119, mai 2018. 67 / 82 PUBLIÉ Conseils départementaux... Les équipements finançables par le PCAE sont modulés selon les régions. Dans le dispositif actuel, ces matériels permettent notamment de : réduire les quantités de produits employées : lutte mécanique : contre les adventices : bineuse, houe rotative, écimeuse, système de guidage automatisé pour bineuse, robot de désherbage mécanique... contre les pampres de la vigne : épampreuse mécanique ; pour l'entretien des couverts ou de l'environnement : broyeurs pour intercultures, rollkrop, rolofaca... lutte thermique : bineuse à gaz, traitement à la vapeur. lutte physique : filets tissés anti-insectes, filets insect-proof... lutte chimique localisée : désherbineuse, désherbage par humectage, localisation du traitement sur le rang, désherbage piloté par des capteurs détectant la présence d'adventices... lutte chimique de précision : coupures de pulvérisation par GPS, réduction de doses de produits phytopharmaceutiques, station météorologique, thermo-hygromètre... maîtriser la pulvérisation pour réduire les risques de dérives de produits : anémomètre ; cellule de confinement pour pulvérisateur, buses anti-dérives, face par face, sélection des buses, réglage de la hauteur du pulvérisateur... matériel pour l'entretien des haies : lamier à scie. Par ailleurs, la France a intégré la mesure 10 (agroenvironnement-climat) du règlement FEADER dans son cadre national sous la forme d'un Projet agro-environnemental et climatique (PAEC)59 qui se traduit pour des territoires identifiés par l'inscription dans les PDRR concernés de Mesures agro-environnementales et climatiques60 (MAEC), un grand nombre d'entre elles étant prédéfinies dans le cadre national. Ainsi des exploitations avec des grandes cultures peuvent être éligibles à ces aides à l'hectare, versées annuellement sur la base d'un engagement pluriannuel, relatives notamment à la diminution d'emploi 61 des produits phytopharmaceutiques. La mesure 11 (agriculture biologique) du règlement FEADER a été mise en oeuvre dans le cadre national français et se retrouve donc dans les PDRR. Pour la mission, les aides à la conversion 62 à l'agriculture biologique ainsi prévues dans les PDRR sont un levier intéressant, car elles reposent sur un cahier des charges établi par l'État, en concertation avec les différents partenaires. Elles visent à compenser tout ou partie des surcoûts et manques à gagner liés à l'adoption des pratiques de l'agriculture biologique, en comparaison avec les pratiques de l'agriculture conventionnelle. En fonction de la catégorie du couvert végétal, un barème d'aide à l'hectare et par an est appliqué. Enfin le Grand plan d'investissement (GPI) comporte un volet agricole en trois axes. L'axe 1 soutient notamment les investissements dans les exploitations agricoles et les changements de pratique, dont l'agroécologie et la réduction des intrants. Outre les dispositifs liés aux PCAE et à la conversion à l'agriculture 59 Le PAEC est un projet territorial dont le maître d'ouvrage est une collectivité territoriale, un parc naturel régional, etc. 60 Les mesures agri-environnementales et climatiques. La PAC 2015-2020. Ministère de l'agriculture et de l'alimentation. 61 La diminution du recours aux produits phytopharmaceutiques porte notamment sur une limitation des traitements mesurée en comparant l'Indice de fréquence de traitement (IFT) de l'exploitation avec une IFT de référence. 62 Les aides à la conversion et au maintien de l'agriculture biologique. La PAC 2015-2020. Ministère de l'agriculture et de l'alimentation. 68 / 82 PUBLIÉ biologique, le GPI apporte un fonds de garantie pour faciliter l'accès aux crédits bancaires, ce qui peut faciliter les acquisitions de matériels. Ces actions peuvent être complétées par l'utilisation des mesures 1 (transfert de connaissances et action d'information), et 2 (services de conseil) du règlement FEADER. 4.2.2.2. Financements liés à la redevance pour pollutions diffuses Les moyens du plan ECOPHYTO 2+ sont issus d'une partie de la Redevance pour pollutions diffuses (RPD) payée par les agriculteurs et les autres utilisateurs, lors de l'achat de certains produits phytopharmaceutiques. La RPD est prélevée par les Agences de l'eau, et le montant collecté dépasse les 100 M. Une partie de ce montant (71 M) est affectée à l'Agence française de biodiversité (AFB) pour financer les actions du plan Écophyto II+. Une partie des financements cible les investissements dans les exploitations agricoles visant à réduire les utilisations, les risques et les impacts des produits phytopharmaceutiques. Dans le cadre de la gouvernance nationale et régionale d'ECOPHYTO, ces financements peuvent être obtenus en réponse : soit à un appel à projet national annuel qui permet de financer des projets d'ampleur nationale en faveur d'une forte réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, et de la limitation des risques et des impacts qui y sont liés. D'autres appels à projets nationaux portent sur la recherche et l'innovation, les actions structurantes, etc. soit à des appels à projets régionaux, avec un Comité régional des financeurs63 et la Commission régionale agro-écologie qui sélectionne des actions innovantes en faveur de la réduction de l'utilisation, des risques et des impacts des produits phytopharmaceutiques et de la transition vers l'agro-écologie. 4.2.2.3. Autres financements Dans le cadre des Plans alimentaires territoriaux (PAT), les aides peuvent venir des appels à projets du Plan national de l'alimentation (PNA), des crédits des collectivités, du FEADER (en particulier les initiatives LEADER64) ou du Fonds européen de développement régional (FEDER). Les PAT peuvent contribuer à la réduction des risques liés aux produits phytopharmaceutiques, notamment grâce à des dispositifs fondés sur : les circuits courts et l'agriculture de proximité, lorsque les organismes acheteurs prévoient des cahiers des charges ;avec des pratiques phytosanitaires apportant plus de sécurité ; les obligations créées par la loi EGALIM. Elle prévoit65 qu'au plus tard au 1er janvier 2022, les repas servis dans les restaurants collectifs publics devront introduire au moins 50 % de produits issus d'une agriculture durable, dont au moins 20 % de produits issus de l'agriculture biologique ou en conversion. Les Plans alimentaires territoriaux peuvent être un moyen de renouer le lien entre les consommateurs et les producteurs de végétaux, notamment au moyen de visites scolaires ou grand public des lieux de 63 64 Conseil régional, Agence de l'eau, DRAAF, DREAL Le programme de « Liaison entre action de développement de l'économie rurale » (LEADER) correspond à des initiatives communautaires en faveur du développement rural ayant pour objectif d'inciter et d'aider les acteurs ruraux à réfléchir sur le potentiel de leur territoire dans une perspective de plus long terme. 65 Article L.230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, créé par l'article 24 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. 69 / 82 PUBLIÉ production, ou d'autres actions d'information. Le fait de développer l'approvisionnement depuis les zones agricoles périurbaines, avec des cahiers des charges réduisant les risques notamment pour les riverains, permettra d'apaiser les relations entre les agriculteurs et les riverains, tout en développant un aménagement du territoire équilibré. 4.2.2.4. Des pistes d'avenir pour les financements Donner la priorité aux exploitants situés dans les zones sensibles Les informations collectées par la mission montrent l'intérêt de considérer les parcelles agricoles jouxtant les établissements avec des personnes vulnérables, et les lieux d'habitation comme des zones présentant des enjeux particulièrement importants pour la préservation de la santé publique. Pour réduire les risques, la mission propose que les exploitations agricoles de ces territoires soient la cible d'actions spécifiques, mais aussi que les exploitants soient prioritaires pour des actions à caractère général comme la formation, les aides, etc. Dans ce dernier cas, la mission souligne l'intérêt de créer des procédures permettant, lorsque les demandes dépassent les enveloppes disponibles, d'accorder une priorité aux exploitations situées dans ces zones sensibles par rapport aux autres. Lors de l'attribution de financements liés au second pilier de la politique agricole commune, cette distinction peut se faire, pour les investissements, par le biais de la fixation (et de la pondération) des critères de sélection des projets financés66, qui doivent garantir notamment ... « le ciblage des mesures en conformité avec les priorités de l'Union pour le développement rural », et, en cas d' appels à propositions, tenir « compte de l'efficacité économique et environnementale ». La fixation de ces critères (et leur modification) est une décision de l'autorité de gestion du programme, prise après avis du comité de suivi du PDRR. La future politique agricole commune 2021-2027 devrait continuer à défendre l'accès à une alimentation de qualité, en se fondant sur neuf objectifs67, dont la protection de l'environnement et la garantie de la qualité des denrées alimentaires et la santé. Dans ce projet, des marges de manoeuvre sont souhaitées pour tenir compte des situations locales. Les débats en cours sur la future PAC semblent ouvrir des possibilités pour définir de telles zones prioritaires. Dans la proposition de nouvelle PAC, il est prévu que les États membres élaborent des plans stratégiques en vue d'atteindre ces objectifs, et qu'une évaluation soit faite par la suite dans une logique de mesure de la performance. Les pays de l'UE mettront ainsi en place des programmes écologiques volontaires pour aider et inciter les agriculteurs à adopter des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l'environnement. Élargir et renforcer les actions éligibles aux aides financières La mission observe que des mesures à favoriser dans les zones sensibles pour réduire les risques d'exposition sont peu soutenues par des aides. Il apparaît souhaitable d'élargir ou de renforcer les aides pour les mesures comme : 66 Cf. 67 article 49 du règlement FEADER. L'avenir de la politique agricole commune. Commission Européenne. https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/keypolicies/common-agricultural-policy/future-cap_fr. Consulté le 22 janvier 2019. 70 / 82 PUBLIÉ installer de variétés résistantes aux maladies, en particulier en vigne68 et arboriculture fruitière69 ; implanter des cultures plus faiblement consommatrices d'intrants ; développer l'utilisation de produits de biocontrôle, de substances de base et de préparations naturelles peu préoccupantes ; recourir à des prestataires de service pour réaliser les traitements avec des appareils réduisant fortement les risques de dérive, ou pour appliquer des produits alternatifs ; favoriser les actions de partage de matériel réduisant les risques de dérive, comme les CUMA ; favoriser l'installation de haies et de filets anti-dérives ; etc. La plupart des actions ci-dessus sont potentiellement éligibles à un soutien des PDRR parce qu'entrant dans le champ d'action du règlement FEADER. Il est donc proposé de vérifier chaque PDRR, et, le cas échéant, d'y introduire (ce qui suppose une modification du PDR soumise à l'approbation de la Commission européenne) les activités correspondantes dans la liste des dépenses éligibles afin d'élargir les actions financées. Un renforcement du soutien existant peut être envisagé par deux voies, une majoration des taux d'aide pour certains types de bénéficiaires (ex : CUMA) ou d'investissements, dans la limite des taux d'aides maximaux fixés à l'annexe II du règlement FEADER70 (cela suppose également une modification du PDRR concerné, soumise à approbation de la Commission) et une priorité donnée par le biais des critères de sélection des dossiers retenus pour un financement (décision de l'autorité de gestion prise après consultation du comité de suivi du PDRR). R13. Examiner les moyens d'attribuer les aides et les actions à conduire contre les dérives en priorité vers les exploitations situées dans les zones sensibles (PAC, financements nationaux), élargir les actions éligibles à ces aides et sensibiliser les financeurs à ces enjeux. En raison des enjeux spécifiques des parcelles agricoles jouxtant des établissements avec des personnes vulnérables, et des lieux d'habitation, la mission recommande de : examiner les moyens d'attribuer les aides et les actions à conduire contre les dérives, en priorité vers les exploitations situées dans les zones sensibles : o en défendant cette possibilité dans le cadre des débats pour la future politique agricole commune ; o en définissant des procédures pour appliquer cette primauté aux financements nationaux ; sensibiliser les financeurs et les instances de type comités de financeurs aux enjeux de la réduction des risques pour les établissements avec des personnes vulnérables et pour les riverains, et envers les exploitants situés dans les zones sensibles ; 68 En ce qui concerne les filières vitivinicoles, fruits et légumes, oléicoles, il faut vérifier les règles de complémentarité entre les financements de l'OCM (ex-Programme National d'Aides Viticoles) gérés par FranceAgriMer et ceux du FEADER pour éviter tout risque de double financement. 69 L'article 45 paragraphe 2 du règlement FEADER exclut notamment du financement communautaire des investissements communautaires, l'acquisition de plantes annuelles et leur plantation. 70 L'article 17 paragraphe 3 du règlement FEADER exonère même de ce plafond les investissements réalisés par les jeunes agriculteurs et les investissements collectifs réalisés au titre de la sous-mesure 4.1, qui autorise les investissements. 71 / 82 PUBLIÉ élargir et renforcer les actions éligibles à des aides, pour compléter la gamme des mesures de réduction des risques dans les zones sensibles : matériel de pulvérisation anti-dérive, variétés résistantes, partage de matériel type CUMA, haies et filets anti-dérives, prestataires de service... 4.3. La prise en compte dans les plans d'urbanisme de la problématique liée à la juxtaposition des zones habitées et des zones agricoles 4.3.1. Les documents d'urbanisme peuvent servir de levier pour protéger les futurs riverains Les zones agricoles et naturelles des documents d'urbanisme sont des zones en principe inconstructibles ou pour lesquelles la constructibilité doit rester très limitée. La lutte contre l'étalement urbain est un des axes majeurs de la Loi pour l'accès au logement et en urbanisme rénové (ALUR) qui a modifié l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme. Ainsi, les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU) doivent intégrer une analyse des capacités de densification dans leur rapport de présentation. Parallèlement, les possibilités d'évolution du bâti situé en zones agricoles et naturelles ont été précisées afin de pouvoir continuer à entretenir le bâti existant dans ces zones. La loi d'avenir a par ailleurs apporté de nouveaux éléments afin de compléter cet article. En zones agricoles (zone A) et naturelles (zones N) des plans locaux d'urbanisme ne peuvent en effet être autorisées que les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole (et forestière pour les zones N), à des équipements collectifs ou à des services publics (CINASPIC). L'articulation entre les législations qui encadrent l'urbanisme et l'agriculture vise à adapter leur application en fonction des situations locales, dans le respect de l'objectif global de lutte contre le mitage et de préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers. Ainsi, les documents d'urbanisme, Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) et Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) apparaissent-ils comme des leviers pour optimiser la répartition des espaces entre zones urbaines et zones agricoles. Les PLU sont approuvés après consultation de la Commission départementale de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CDPENAF). Ils peuvent par conséquent tenir compte des engagements qui auraient été préalablement pris dans les chartes départementales. Dans le cadre de ses visites en région, la mission a identifié quelques bonnes pratiques locales, comme la structuration et la valorisation de lisères urbaines au contact des espaces agricoles, naturels et forestiers dans le SCoT de l'aire métropolitaine bordelaise approuvé le 13 février 2014 (voir schéma ci-dessous). 72 / 82 PUBLIÉ SCoT de l'aire métropolitaine bordelaise approuvé le 13 février 2014 Les documents d'urbanisme ne peuvent prescrire les usages d'entretien du sol. Ils déterminent la constructibilité et en organisent les modalités : réserve des emprises, servitudes d'utilité publique (SUP), préservation de l'état boisé sans interdire l'exploitation (EBC), préservation des continuités écologiques. Au sein et au contact des enveloppes urbaines, lorsqu'une opération de renouvellement urbain ou une zone d'urbanisation future est contiguë avec des espaces du socle agricole, naturel et forestier, en termes de bonnes pratiques, il est recommandé : · de définir les conditions d'aménagement de ces sites dans les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) des PLU ; · et/ou d'aménager ces sites sous forme d'opération d'aménagement d'ensemble. Dans ces deux cas de figure, les principes généraux d'aménagement suivants sont déclinés sous forme de souhaits à l'échelle du projet tout en tenant compte des contraintes liées au risque feux de forêt (défense régionale des forêts contre les incendies) : · la préservation et la valorisation d'une continuité d'espace de nature accessible au public et aux circulations douces le long du nouveau front urbain constitué ; · l'implantation du bâti le long de ce nouveau front urbain, qui doit permettre le maintien et l'aménagement de perméabilités piétonnes tous les 500 m environ, ainsi que de perméabilités visuelles. L'ensemble de ces perméabilités doit être orienté vers les espaces de nature voisins. Actuellement, les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) tendent à associer les chambres d'agriculture aux débats pour densifier l'urbanisation tout en libérant des terres agricoles. Par exemple, le plan d'aménagement et de développement durable (PADD) du PLUI de Grand Angoulême71, promeut une 71 À la suite du passage d'un PLUi de 16 commune à un PLUi à 38 communes, le territoire intercommunal sera ruralisé. 73 / 82 PUBLIÉ politique de santé et une agriculture durable intégrées, y compris pour définir les zonages. Les règlements d'urbanisme devraient prendre en compte les dangers potentiels pour la santé, dont l'exposition aux pesticides, et générer des mesures prescriptives élaborées en concertation. Ainsi, des zones pourraient être « sanctuarisées ». Un autre exemple d'aménagement urbain : le Conseil départemental de la Charente a acté la réhabilitation des centres bourg, permettant de développer le bâti hors des surfaces cultivées ; et a contribué au développement des haies à raison de 15 km/an. Les PLUI peuvent rendre obligatoire des plantations de haies simultanément aux nouvelles habitations. Enfin, le conseil d'architecture d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) peut devenir un vecteur de conseil d'aménagement au niveau départemental, dans le cadre de sa mission d'intérêt public, né de la loi sur l'architecture du 3 janvier 1977. Il a pour objectif de promouvoir la qualité de l'architecture, de l'urbanisme et de l'environnement dans le territoire départemental. Le CAUE est créé à l'initiative des responsables locaux et présidé par un élu local. C'est un organe de concertation entre les acteurs impliqués dans la protection et la gestion de l'espace rural. 4.3.2. Cartographie à l'aide du système d'information géographique (SIG) Le géo-portail de l'urbanisme en ligne sur internet permet de visualiser les PLU et les cartes communales numérisées et de zoomer sur la parcelle choisie. À ce jour, plusieurs milliers de documents d'urbanisme sont sous forme graphique (12 000 communes ne possèdent pas de document d'urbanisme). L'objectif est de mettre à disposition la totalité des documents sur géo-portail avant fin 2020 (en incluant les DOM). Le développement par toutes les communes de Systèmes d'Information Géographique est un outil précieux pour mieux piloter la gestion des espaces. Lors de ses visites en région, la mission a été informée qu'un « atlas zones sensibles 2016 » personnalisé avait été envoyé par la fédération des vins de Bordeaux à 903 viticulteurs dont au moins « une parcelle cadastrale en vigne » était située à proximité « d'un lieu ou établissement accueillant des personnes vulnérables au risque d'exposition aux produits phytopharmaceutiques » tels que désignés dans l'arrêté préfectoral du 22 avril 2016. Ce travail a mobilisé des milliers de pages de fond de dossier. Le laboratoire d'initiatives locales en Gironde a utilisé le système d'information géographique pour chiffrer le coût d'implantation de haies de protection contre les pulvérisations de produits phytopharmaceutiques dans les zones proches des établissements accueillant des personnes vulnérables. Le SIG en Gironde a facilité la concertation malgré quelques difficultés techniques. Un outil similaire a été exploité en Bretagne afin de mesurer les coûts générés par le mitage (évaluation dans le cadre d'une simulation). Cet outil s'inscrit dans le cadre des démarches environnementales et peut aider à repérer les maisons des assistantes maternelles par exemple. Il aide aussi, à objectiver le débat sur les coûts et les impacts. R14. Utiliser les SIG dans les DRAAF afin de : cartographier les zones riveraines selon les enjeux ; évaluer les budgets d'accompagnement à la mise en place de bonnes pratiques agricoles (protection intégrée). 74 / 82 PUBLIÉ La mission propose de distinguer trois niveaux d'enjeux : enjeux forts : établissements accueillant des personnes vulnérables ; enjeux moyens : riverains ; enjeux faibles : protections existantes (murs hauts, bâtiments non habités en permanence, façade sans fenêtre, hangars, garage, etc.). 75 / 82 PUBLIÉ 5. Une prospective avec des scénarios possibles pour réduire l'exposition des riverains Le présent rapport formule une série de recommandations et de pistes pour réduire l'exposition des riverains aux PPP. Mais la mission a souhaité aller plus loin en examinant les agencements de ces différents outils sous la forme de trois scénarios à caractère prospectif. L'idée est de proposer des constructions sous forme d'évolutions possibles. Dans le cadre forcement limité de la mission, l'objectif n'est pas de planifier la mise en oeuvre des choix à faire, mais de proposer des évolutions envisageables pour aider à la prise de décision. Ces scénarios ne s'excluent pas, et des trajectoires mixant ces approches sont probables. Scénario 1 : une évolution fondée sur la réglementation relative aux pratiques phytosanitaires Dans ce scénario, une évolution rapide de la réglementation sur les pratiques phytosanitaires est mise en oeuvre en s'inspirant des recommandations de la mission, et ce dispositif est jugé suffisant pour la protection des riverains : des distances de traitements envers les lieux d'habitation sont progressivement adoptées pour chaque usage de chaque produit phytopharmaceutique à mesure des renouvellements des autorisations de mise sur le marché, sous la forme de ZNT pour les riverains (même logique que les ZNT eau, ZNT arthropodes et ZNT végétaux non cultivés) ; l'utilisation des produits phytopharmaceutiques classés CMR et PE est interdite dans les parcelles jouxtant les riverains lorsque des substitutions existent, et un conseil technique spécifique est apporté aux exploitants concernés ; l'utilisation des appareils de traitements présentant le plus de risques de dérive est interdite dans les parcelles jouxtant des lieux d'habitation, avec un dispositif d'aide pour moderniser le matériel de pulvérisation ; les chartes départementales apportent des mesures complémentaires pour étendre la protection des riverains dans des cas spécifiques. Ces mesures sont opposables en cas de non-respect par les agriculteurs et peuvent déboucher sur du délictuel ; les actions sur l'information relatives aux produits phytopharmaceutiques sont développées. Ce dispositif présente plusieurs avantages : les ZNT riverains sont fixées lors du renouvellement ou de la délivrance des autorisations de mise sur le marché sur des bases communes, dans le respect des guides de l'EFSA, et elles sont fondées sur des connaissances scientifiques. Pour la réglementation, elles constituent donc une base solide et peu contestable ; le dispositif présente une assez bonne lisibilité pour le grand public, et il peut contribuer à rétablir la confiance entre les riverains et les exploitants agricoles ; le niveau national permet d'harmoniser les contraintes et d'éviter les distorsions de concurrence entre les différents bassins de production français. 76 / 82 PUBLIÉ Mais ce scénario comporte également des inconvénients : la détermination des ZNT riverains ne va pas commencer rapidement, et son déploiement se fera au rythme des renouvellements d'autorisation. Il faudra un certain nombre d'années pour couvrir une proportion significative des produits ; un dispositif essentiellement fondé sur des obligations réglementaires ne correspond pas aux attentes du monde agricole, déjà excédé par le poids de la réglementation. Par ailleurs, l'impact économique de ces mesures demande à être évalué, ainsi que les distorsions de concurrence d'une part avec les producteurs des autres États membres, et d'autre part avec ceux des pays tiers ; le dispositif reste fondé sur les pratiques actuelles de production, sans donner d'impulsion aux systèmes alternatifs. Scénario 2 : Fixer des zones de non traitement à proximité des riverains : La loi EGALIM modifiant l'art. 253-8 CRPM n'a pas saisi l'occasion d'une simplification réglementaire pour harmoniser la protection entre les personnes vulnérables hébergées dans des établissements et les riverains, qui sont bien souvent également des personnes vulnérables. Le plan Ecophyto 2 prévoit une réduction de l'utilisation des PPP de 50% d'ici à 2025. De plus, l'INRA affiche comme l'un de ses principaux objectifs dans le cadre du programme européen 2021-2025 « Horizon Europe » une « agriculture sans produits phytosanitaires de synthèse »72. Dans l'intervalle, la mission estime que des mesures transitoires doivent être prises. La mission rappelle que toutes ses recommandations sont provisoires et devront être revus à la lumière des résultats des études en cours. En l'état actuel du droit, la mission propose de fixer par voie réglementaire une zone de non traitement à proximité de tous les riverains de parcelles agricoles. L'art. 258-3 CRPM, tel que modifié par la loi EGALIM permet, dans l'intérêt de la santé publique, l'intervention de l'autorité administrative pour restreindre ou interdire l'utilisation des PPP à proximité des zones habitées. L'intérêt de la santé publique est indiscutable. Pour les raisons précitées (point 3.2) la mission ne peut prétendre que les mesures de protection, telle que des zones de non traitement, protègent la santé des personnes riveraines. En revanche, elle peut affirmer qu'une baisse de l'exposition aux PPP entraine une baisse de risques. 1. Un socle minimum réglementaire : une zone de non-traitement de 5 m La mission propose d'instaurer une zone de non-traitement à proximité des habitations, jusqu'à la limite de propriété. Cette zone de non-traitement est mesurée entre la dernière rampe de pulvérisation et la limite de propriété L'ANSES devra définir rapidement la distance adéquate. À titre provisoire, la mission suggère qu'elle soit d'au minimum 5 mètres à l'instar de la réglementation de protection des cours d'eau. 72 Cf. http://institut.inra.fr/Engagement-international/toutes-les-actualites/Priorites-Inra-pour-Horizon-Europe 77 / 82 PUBLIÉ Au-delà de cette distance minimum, les chartes départementales prévues par l'art. 253-8 peuvent permettre une adaptation locale des pratiques agricoles en pleine concertation avec les riverains et leurs élus. 2. Zone protégée dont la distance reste à définir dont la définition est laissée aux chartes départementales. La mission recommande que par le biais des chartes départementales, les pratiques agricoles soient adaptées aux parcelles jouxtant les habitations et ce jusqu'à une distance à définir par l'ANSES. Cette distance devra être de 50 m au minimum à l'instar de la distance prévue par l'instruction DGAL pour l'arboriculture. Concrètement, cela signifie : interdiction de produits préoccupants sur cette zone ou utilisation uniquement de produits à « faibles risques » préalablement listés en fonction des cultures et de la géographie ; utilisation de matériel anti-dérive permettant de réduire significativement la dérive, c'est-à-dire au moins de 66%. La liste de ces matériaux doit être fournie dans la charte et dépendra des types de cultures et du terrain ; installation de mesures de protections supplémentaires (haies, filets anti-dérive) ou de zone de nontraitement additionnelle ou de fixation de dates et d'horaires de traitement, le cas échéant. - Dans le cas où ces conditions ne peuvent être respectées cumulativement, l'épandage de PPP est interdit dans la zone protégée. Avantages de ce scénario : des zones de non-traitement (ZNT) existent pour protéger les arthropodes non cibles. Une distance fixe de 5 m de non-traitement a été fixé aux abords des cours d'eau ; elle correspond largement à ce qui existe déjà (chemin, zone de tournage, limite de champ, etc...), sauf pour certains types de culture (dans la viticulture par exemple), et peut donc facilement être acceptée par la profession agricole ; Inconvénient : la mise en oeuvre nécessite de différencier les établissements accueillant des personnes vulnérables et les riverains. Scénario n°3 : Changer de système par une impulsion des pouvoirs publics dans les zones sensibles pour déployer la protection intégrée, l'agroécologie et l'agrobiologie à proximité des établissements accueillant des personnes vulnérables et, à titre transitoire, des ZNT de type cours d'eau à proximité des riverains (dans l'attente de la définition par l'ANSES de ZNT riverains). Ce scénario est fondé sur une démarche volontariste des pouvoirs publics pour changer le système de production dans les zones sensibles, en déployant la protection intégrée, l'agroécologie et l'agrobiologie. Tous ces systèmes de production font appel aux principes de la lutte intégrée. La prévention et/ou l'éradication des organismes nuisibles des cultures jouxtant les établissements accueillant des personnes vulnérables seront menés conformément aux principes de lutte intégrée énoncés à l'annexe III de la 78 / 82 PUBLIÉ directive 2009/128.Il est proposé que cette protection intégrée soit appliquée sur les parcelles limitrophes aux limites de propriété de l'établissement. Ainsi, il sera fait notamment appel à : la rotation des cultures ; l'utilisation de la technique du lit de semis, les dates et densités des semis, les sous-semis, la pratique aratoire conservative, la taille et le semis direct ; l'utilisation de cultivars résistants/tolérants et plans normalisés/certifiés ; l'utilisation d'infrastructures écologiques à l'intérieur et à l'extérieur des sites de production ; une surveillance des organismes nuisibles (système d'alerte, prévision et diagnostic rapide) et une information des directeurs/directrices d'établissements (intégrant la déclaration des produits utilisés) selon un délai défini par une charte locale co-signée par les principaux intéressés73 ; la définition de seuils d'intervention à la prise de décision, scientifiquement solides et robustes (définis pour : la région, des zones spécifiques, des cultures et des conditions climatiques particulières avant les traitements). Les méthodes biologiques, physiques et non chimiques durables seront appliquées (interdiction des produits de synthèse). L'utilisateur professionnel devra vérifier le taux de réussite des mesures appliquées. Des aides financières (soutiens directs FEAGA, engagements MAEC des Conseils régionaux 2ème pilier PAC, paiements verts 1er pilier PAC, 2ème pilier POSEI-ODEADOM dans les DOM) seront dédiées aux zones jouxtant les établissements sensibles qui développent des cultures peu consommatrices de produits phytopharmaceutiques et adaptées aux réserves hydriques locales : prairies d'élevage, cultures sous serre, cultures fourragère bio, etc. Ces aides peuvent provenir de taxes appliquées aux entreprises agrochimiques à l'instar des plans d'actions Suisses et Danois. Les contrôles sont assurés par l'ASP, l'ODARC (Corse), etc. accompagnés d'indicateurs de réalisation, de résultat et d'impacts.74 Un zonage parcellaire (SIG) gagnera à être conduit par les DRAAF en concertation avec les mairies afin d'évaluer les montants nécessaires et les modalités de paiement (modèle forfaitaire DEPHY, éviter les effets d'aubaine, découplage surface/montant, aide sous condition, orientation des pratiques agricoles). La création du SIG et l'équipement GPS des engins de pulvérisation afin de les contrôler plus facilement, justifieraient également le versement d'une aide financière européenne dans le contexte actuel du projet de développement de l'accès au haut débit internet de l'ensemble du territoire national. En ce qui concerne les habitations, des ZNT de type cours d'eau seront appliquées provisoirement a minima à une distance de 10 m des limites de parcelles (équipée de manche à air).75 73 Le respect par les signataires des clauses des chartes départementales pourrait être intégré dans le cahier des charges des appels d'offre locaux de restauration collective (cantines scolaires, etc.) dans un contexte favorisant les filières courtes. 74 https://www.insee.fr/fr/statistiques/2654964 http://www.euro.who.int/fr/health-topics/emergencies/international-health-regulations/points-of-entry 75 Distance = 5m de protection des cours d'eau + 5m (lisières urbaines : prairie de fauche, haie libre arbustive, haie libre arborée.) 79 / 82 PUBLIÉ SCoT de l'aire métropolitaine bordelaise approuvé le 13 février 2014 Document d'orientation et d'objectifs ­ Rapport principal Les dérogations de type ZNT cours d'eau seront conditionnées par le contrôle de conformité des équipements à la norme EN-ISO 16122 en application de l'article 20 de la directive 2009/128 CE. 80 / 82 PUBLIÉ CONCLUSION Le dispositif des arrêtés préfectoraux réglementant l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des lieux et établissements accueillant des personnes vulnérables a fait l'objet d'une analyse minutieuse par la mission, qui en a tiré les enseignements suivants. Tout d'abord, presque tous les départements sont aujourd'hui dotés d'arrêtés préfectoraux, sauf les DOM. La plupart d'entre eux ont suivi les instructions données par la DGAL, mais de manière minimaliste. De ce fait, il n'existe quasiment jamais de distance minimale de non-traitement à proximité des lieux sensibles. De plus, contrairement à l'objectif affiché par la loi, les mesures n'ont pas été adaptées aux situations locales, mais déterminées sur la base d'éléments d'appréciation généraux, ce qui entraîne que les disparités qui existent entre départements, ne se justifient pas, dans leur ensemble. Sur la forme, la mission a constaté complexité et hétérogénéité dans les approches rédactionnelles des arrêtés, rendant encore moins lisible une règlementation elle-même complexe. Des consultations en ligne effectuées et des entretiens réalisés, il ressort que l'information du public sur les arrêtés est lacunaire. Enfin, rares sont les arrêtés qui mentionnent les sanctions prévues en cas de non-respect de leurs dispositions, ce qui nuit également à une bonne appropriation des règles. Afin d'améliorer le dispositif actuel, la mission préconise une révision des arrêtés préfectoraux sur la base d'une circulaire interministérielle prévoyant une distance minimale à définir, sans aucune dérogation. Un canevas-type d'arrêté sera joint à la circulaire afin de simplifier et d'homogénéiser les approches rédactionnelles et l'instruction technique de la DGAL sera révisée dans le sens d'une protection accrue des personnes vulnérables. Les chartes dont la mission a eu connaissance ont été signées à l'initiative de la profession agricole, antérieurement à l'élaboration des arrêtés ou en parallèle. Elles sont variées par leur spécialisation ou non dans une culture, par leur couverture géographique, par les parties prenantes associées, par l'ambition de leurs objectifs et du dispositif de pilotage mis en place. Elles ont permis à la mission de dégager des facteurs clés de succès pour la mise en place des chartes départementales prévues par la loi EGALIM : l'association de l'ensemble des parties prenantes concernées, la clarification du rôle du préfet et des autres acteurs, la présence de mesures allant au-delà de la règlementation, l'existence d'un dispositif de pilotage et de suivi incluant objectifs, indicateurs et clause de révision, la présence d'un dispositif d'information, de recueil des signalements et de règlement des différends, la signature au minimum par la profession agricole et les représentants des habitants ou des maires. La mission estime indispensable que les préfets homologuent les chartes sur la base de ces exigences et que le décret d'application de la loi EGALIM prévoit des critères de validation des chartes départementales d'ordre public. Dans l'attente des résultats des études scientifiques en cours, la mission estime également indispensable de prendre des mesures de précaution. En lien avec le dispositif lié aux chartes, elle suggère que la politique publique favorise la réduction de l'exposition des personnes vulnérables et des riverains en faisant des parcelles agricoles proches des zones habitées et des établissements sensibles une priorité et un territoire d'excellence pour réduire les risques. De nombreux moyens peuvent être mobilisés tant par les pouvoirs publics que par les autres acteurs : amélioration de la circulation des informations, amélioration des pratiques agricoles visant à réduire les risques liés à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, politique d'urbanisme visant à éviter l'installation de zones sensibles à proximité de parcelles agricoles 81 / 82 PUBLIÉ susceptibles de recevoir des traitements. La mission invite les pouvoirs publics et l'ensemble des acteurs à se saisir de l'ensemble de ces moyens à travers les instruments juridiques et financiers et les plans d'actions à leur disposition. Elle propose également, en complément des recommandations formulées et pour aider à la prise de décision, une prospective sous la forme de trois scénarios pour accentuer la réduction des risques liés aux traitements des cultures par des produits phytopharmaceutiques. Enfin, si la mission a pu procéder à une analyse approfondie du dispositif des arrêtés préfectoraux et proposer des mesures de nature à réduire l'exposition des personnes aux produits phytopharmaceutiques, il lui a été impossible d'évaluer l'effet protecteur des mesures en place. Les études scientifiques ne permettent pas d'établir un lien indiscutable entre exposition des personnes et pathologies et il n'existe pas de suivi sanitaire spécifique pour les personnes vulnérables accueillies dans des lieux à proximité de parcelles agricoles traitées par des produits phytopharmaceutiques. La mission appelle donc l'attention des pouvoirs publics sur l'urgence de mettre en place une démarche d'analyse de risques dans le domaine de la santé des populations liée à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. L'efficacité des mesures de protection étant difficile à évaluer dans l'état actuel des connaissances, la mission insiste sur l'importance de mettre en place une stratégie de maîtrise des risques comportant une analyse d'impact de la nonconnaissance de la distribution de ces risques sur la prise de décision, en particulier concernant l'exposition des riverains. 82 / 82 PUBLIÉ INVALIDE)

puce  Accés à la notice sur le site du portail documentaire du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

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