À la reconquête de la nuit. La pollution lumineuse : état des lieux et propositions

AURICOSTE, Isabelle ; LANDEL, Jean-François ; SIMONE, Maryline

Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">La pollution lumineuse est un sujet émergent en France, les études scientifiques internationales sur l'éclairage artificiel démontrant les impacts de l'excès d'éclairage sur la biodiversité et sur la santé humaine. Les organisations non gouvernementales se sont emparées de ce sujet dans un contexte d'évolution très rapide des technologies d'éclairage (Leds). L'éclairage public est perçu comme le principal facteur de pollution lumineuse même si l'éclairage privé est aussi impactant sur certains territoires, notamment périurbains. La mission constate un manque de cohérence de la politique de la prévention du risque de pollution lumineuse, vue sous le seul angle des économies d'énergie liées à la rénovation de l'éclairage public, sans prise en compte des enjeux de biodiversité ou de santé humaine. Il est donc proposé de privilégier une approche pragmatique sur la base d'un plan d'action « lumière », décliné à différentes échelles et par type d'acteurs. La mission propose que soit généralisé un inventaire géolocalisé des sources lumineuses du parc public des collectivités. Elle préconise de lancer un plan national d'éducation, d'information, de formation, de communication et d'ouvrir une réflexion sur un étiquetage environnemental de l'éclairage. Des actions pourraient être rapidement mises en oeuvre pour sensibiliser notamment commerçants et entreprises aux impacts des éclairages éblouissants et au respect de la réglementation, et soutenir les collectivités, peu enclines à une approche répressive. Au plan juridique, la mission estime nécessaire de faire de la normalisation technique le vecteur privilégié de diffusion de la prévention de la pollution lumineuse auprès des professionnels, d'autant qu'elle est intégrée dans les cahiers des charges des marchés d'opérations de rénovation. Mais cela implique l'intervention de l'État et une articulation améliorée avec la réglementation existante. La mission suggère que les différentes réglementations sectorielles prévoient des dispositions harmonisées pour des équipements ou des installations ayant le même impact négatif en termes d'éclairage excessif. Elle propose un dispositif de sanction administrative unifié pour toutes les installations lumineuses excessives, y compris les enseignes et panneaux publicitaires lumineux. Elle recommande de s'appuyer sur la planification qui permet mieux de prévenir les risques à différents niveaux pour y intégrer progressivement une « trame étoilée » et un « plan lumière » prescriptif et cohérent, adapté au contexte local, comprenant aussi le règlement local de publicité (RLP). La mission identifie plusieurs actions prioritaires : Mettre l'accent sur le remplacement des luminaires et ampoules les plus néfastes, sur l'extinction nocturne ou la sobriété de l'éclairage des sites commerciaux et industriels, sur l'éclairage excessif des panneaux publicitaires lumineux. Une suppression d'ici 6 ans du stock des luminaires boules, lampes à sodium et à vapeur de mercure pourrait être prévue en y associant une action spécifique de Recyclum. Seraient à hiérarchiser les priorités de rénovation et les actions sur les équipements les plus polluants au plan national pour y associer plus facilement une éventuelle aide financière publique. Plusieurs indicateurs de sensibilisation aux enjeux seraient à créer: l'évolution du nombre de points lumineux, l'avancement de la rénovation du parc d'éclairage public, le développement des trames étoilées, les évolutions des espèces témoins de la biodiversité nocturne. La mission propose un pilotage national plus affirmé pour définir des priorités d'action publique et mettre en place un véritable suivi sur la base d'indicateurs. La création d'un conseil national « lumière », présidé par un élu, associant les principaux acteurs concernés (collectivités, professionnels, ONG), serait ici un atout.</div>
Editeur
CGEDD
Descripteur Urbamet
ville ; périurbain ; qualité de l'environnement ; éclairage public ; mobilier urbain ; impact ; santé ; aspect juridique
Descripteur écoplanete
biodiversité ; pollution lumineuse ; impact sur l'environnement ; gaspillage
Thème
Ressources - Nuisances
Texte intégral
MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE À la reconquête de la nuit La pollution lumineuse : état des lieux et propositions Isabelle AURICOSTE, Jean-François LANDEL, Maryline SIMONÉ (coordinatrice) P U Novembre 2018 B Rapport n° 012301-01 établi par LI É PUBLIÉ Les auteurs attestent qu'aucun des éléments de leurs activités passées ou présentes n'a affecté leur impartialité dans la rédaction de ce rapport Statut de communication Préparatoire à une décision administrative Non communicable Communicable (données confidentielles occultées) Communicable PUBLIÉ PUBLIÉ Sommaire Résumé.....................................................................................................................4 Liste des recommandations...................................................................................7 Introduction..............................................................................................................9 1. La qualification de la lumière artificielle est complexe..................................10 1.1. Les perceptions sociologiques et culturelles de la nuit ont la vie dure......................10 1.2. Émise par des acteurs très divers, la lumière artificielle n'est pas vraiment régulée dans ses excès................................................................................................................ 11 1.3. La définition de la pollution lumineuse évolue..........................................................12 1.4. La lumière artificielle est définie par de nombreux paramètres.................................13 1.4.1. Orientation des sources de lumière...............................................................13 1.4.2. Puissance de lumière émise..........................................................................15 1.4.3. Spectre et couleur de la lumière....................................................................16 1.4.4. Caractéristiques des lampes..........................................................................17 1.4.5. Éteindre ou doser les intensités lumineuses ?...............................................18 1.5. L'éclairage ne se limite pas aux sources lumineuses : leurs supports, leurs modalités d'installation et la gestion des réseaux sont à prendre en compte..................................18 1.6. Un sujet transversal, avec de nombreux acteurs, sans portage politique.................20 2. La nuit éclairée : ses impacts et enjeux...........................................................22 2.1. Des impacts sur la biodiversité mais pas seulement................................................22 2.1.1. Le halo lumineux nocturne.............................................................................22 2.1.2. L'environnement.............................................................................................23 2.1.3. La santé humaine..........................................................................................26 2.2. Des enjeux à mieux anticiper....................................................................................28 2.2.1. Des recherches scientifiques et techniques partielles et éparpillées..............28 2.2.2. Des difficultés d'accès aux données..............................................................32 2.2.3. L'accélération des mutations technologiques est un levier et un facteur de risques..................................................................................................................... 33 2.2.4. Une politique à piloter et à financer sur tous les enjeux.................................34 2.3. Justifier l'éclairage par la sécurité est une réalité plus sociologique que technique. 35 2.4. Vers une redéfinition de la pollution lumineuse.........................................................36 3. Les dispositifs actuels : des clarifications à prévoir......................................37 3.1. La réglementation actuelle.......................................................................................37 3.1.1. Le dispositif législatif et réglementaire...........................................................37 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit PUBLIÉ Page 1/106 3.1.2. La réglementation des enseignes et publicités lumineuses............................38 3.1.3. Les normes techniques..................................................................................39 3.2. Les limites de la réglementation...............................................................................40 3.2.1. Des réglementations sectorisées et une approche trop partielle de la pollution lumineuse................................................................................................................ 40 3.2.2. Certaines réglementations, pour garantir la qualité de l'éclairage, privilégient des seuils très élevés...............................................................................................41 3.2.3. Une confusion du rôle de chaque acteur........................................................42 3.2.4. La question des contrôles et des moyens mis en oeuvre...............................46 3.3. De belles initiatives qui se développent....................................................................48 4. Un plan d'actions pragmatique pour « une sobriété lumineuse »................50 4.1. Un besoin de connaissance et de méthodes communes..........................................50 4.1.1. Des éléments de connaissance à rassembler et à mieux partager :..............50 4.1.2. Une cartographie nécessaire pour envisager des actions priorisées.............51 4.2. Comment intéresser les particuliers et donc le grand public ?..................................52 4.2.1. Par la sensibilisation, l'éducation, la formation et l'information.......................52 4.2.2. Par la concertation.........................................................................................52 4.3. Les entreprises et services, des parties prenantes incontournables (y compris publicitaires).................................................................................................................... 53 4.3.1. La normalisation, une demande des entreprises...........................................54 4.3.2. La réglementation : un nécessaire rapprochement des textes en vigueur.....54 4.3.3. Les sanctions : privilégier une approche d'adhésion......................................55 4.3.4. Une campagne d'information des unions commerciales nationales...............56 4.4. Apporter des réponses adaptées aux collectivités....................................................56 4.4.1. Envisager une planification spatiale de la pollution lumineuse dans des outils existants................................................................................................................... 57 4.4.2. Un partenariat avec les syndicats d'électricité à renforcer.............................58 4.4.3. Stocks d'ampoules non conformes : un passif à résorber..............................58 4.4.4. Des cahiers des charges type à destination des collectivités.........................59 4.4.5. Des besoins financiers et d'accompagnement toujours indispensables.........59 4.5. Gouvernance : un pilotage national à organiser et un plan de communication à développer....................................................................................................................... 60 4.5.1. Pour que l'État soit exemplaire......................................................................60 4.5.2. Des indicateurs simples et peu coûteux à définir...........................................61 4.5.3. Des concepts et une communication adaptée à différentes cibles.................63 Annexes..................................................................................................................67 5. Lettre de mission................................................................................................68 6. Liste des personnes rencontrées.....................................................................71 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit PUBLIÉ Page 2/106 7. Propositions d'indicateurs faites par différents interlocuteurs rencontrés par la mission...........................................................................................................75 8. Approche croisée des propositions et des acteurs........................................76 9. Bonnes pratiques................................................................................................77 10. La révolution des Leds.....................................................................................86 11. Les impacts de la lumière artificielle sur la biodiversité..............................87 12. Panorama juridique..........................................................................................89 13. Illustration d'une balade nocturne................................................................102 14. Glossaire des sigles et acronymes...............................................................103 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit PUBLIÉ Page 3/106 Résumé La pollution lumineuse est un sujet émergent en France. Elle intervient dans un contexte de perceptions sociologiques et culturelles de la nuit toujours très ancrées. Depuis les premières alertes des astronomes, observateurs du ciel étoilé, les études scientifiques internationales sur l'éclairage artificiel ont également démontré les impacts de l'excès d'éclairage sur la biodiversité et sur la santé humaine. Au même titre que les économies d'énergies, la pollution lumineuse devient donc une réelle préoccupation. La pollution lumineuse a été abordée dans les lois Grenelle, transition énergétique pour la croissance verte et biodiversité. Les organisations non gouvernementales se sont emparées de ce sujet dans un contexte d'évolution très rapide des technologies d'éclairage (Leds). Malgré son apparente simplicité, l'éclairage artificiel est complexe et comprend de nombreux paramètres techniques indispensables pour appréhender et maîtriser son impact. La pollution lumineuse est une notion extensive et transversale mais qui peut laisser penser que tout éclairage artificiel dans toute situation est néfaste. L'éclairage public est perçu comme le principal facteur de pollution lumineuse même si l'éclairage privé est aussi impactant sur certains territoires, notamment périurbains. Aujourd'hui, la cartographie des impacts et les bonnes pratiques ont progressé sur les territoires les plus allants mais les données scientifiques et techniques disponibles, trop peu accessibles, n'offrent pas une vision d'ensemble partagée du risque de pollution lumineuse en France. La mission constate un manque de cohérence de la politique de la prévention du risque de pollution lumineuse. Elle est vue sous le seul angle des économies d'énergie liées à la rénovation de l'éclairage public, sans prise en compte des enjeux de biodiversité ou de santé humaine. La réglementation actuelle n'est pas unifiée et manque de lisibilité, notamment du fait de compétences juridiques concurrentes entre l'éclairage public et la voirie. Elle prévoit des prescriptions non respectées et en pratique non contrôlées. Elle comporte des aspects très techniques déclinés par de nombreuses normes, essentiellement portées par une approche de voirie et de circulation maximisant l'éclairage, sans réinterroger son besoin réel. Pour les maires, l'éclairage est une question sensible, associée à la sécurité de l'espace public, dont ils sont responsables. Les conséquences de l'extinction ou de la réduction de l'éclairage public apparaissent, sur ce point, surestimées, le diagnostic des besoins locaux d'éclairage et la consultation étant des préalables à encourager pour favoriser une sobriété lumineuse comprise et acceptée. Sur le plan financier, la rénovation de l'éclairage public, d'un rythme moyen de 3 % par an, est pour les collectivités une opportunité d'économies à terme. Mais elle nécessite une capacité technique de diagnostic, d'investissement et de programmation difficile à mettre en oeuvre pour les communes aux ressources limitées qui privilégient donc l'extinction. Le levier financier de réduction de la pollution lumineuse issu de l'éclairage public ne consiste pas à créer de nouvelles dépenses mais à mobiliser les moyens financiers existants pour les communes les plus en difficulté. Elles seraient incitées à davantage de mutualisation grâce à l'aide des syndicats d'énergie et sur la base de Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 4/106 PUBLIÉ cahiers des charges plus exigeants en matière de sobriété lumineuse pour l'allier à la sobriété énergétique. Dans un contexte où les Leds, sources d'économies énergétiques, se développent tous azimuts, un risque important d'augmentation des puissances lumineuses est identifié. Pour y répondre, il convient d'associer pédagogie, régulation plus efficace des pratiques et intégration de plans lumière dans les planifications existantes. Dans ce contexte, il est donc proposé de privilégier une approche pragmatique sur la base d'un plan d'action « lumière », décliné à différentes échelles et par type d'acteurs. Il s'agit, tout d'abord, de s'appuyer sur les bonnes pratiques identifiées et sur des synthèses scientifiques pluridisciplinaires, de répondre aux besoins de connaissance préalable en développant une méthode partagée de cartographie. La mission propose que soit progressivement généralisé, et rendu accessible, un inventaire géolocalisé des sources lumineuses du parc public des collectivités. Sur un sujet environnemental émergent, la prise de conscience et l'adhésion des acteurs sont indispensables. La mission préconise de lancer un plan national d'éducation, d'information, de formation, de communication et d'ouvrir une réflexion sur un étiquetage environnemental de l'éclairage. Des actions pourraient être rapidement mises en oeuvre pour sensibiliser notamment commerçants et entreprises aux impacts des éclairages éblouissants et au respect de la réglementation, et soutenir les collectivités, peu enclines à une approche répressive. Au plan juridique, la mission estime nécessaire de faire de la normalisation technique le vecteur privilégié de diffusion de la prévention de la pollution lumineuse auprès des professionnels, d'autant qu'elle est intégrée dans les cahiers des charges des marchés d'opérations de rénovation. Mais cela implique l'intervention de l'État et une articulation améliorée avec la réglementation existante. La mission suggère aussi que les différentes réglementations sectorielles prévoient des dispositions harmonisées pour des équipements ou des installations ayant le même impact négatif en termes d'éclairage excessif. Elle propose un dispositif de sanction administrative unifié pour toutes les installations lumineuses excessives, y compris les enseignes et panneaux publicitaires lumineux. Elle recommande de s'appuyer sur la planification qui permet mieux de prévenir les risques à différents niveaux : SRADDET1, PCAET2, PLU(I)3 ou PLU pour y intégrer progressivement une « trame étoilée » et un « plan lumière » prescriptif et cohérent, adapté au contexte local, comprenant aussi le règlement local de publicité (RLP). La mission identifie plusieurs actions prioritaires : · Mettre l'accent sur le remplacement des luminaires et ampoules les plus néfastes, sur l'extinction nocturne ou la sobriété de l'éclairage des sites commerciaux et industriels, sur l'éclairage excessif des panneaux publicitaires lumineux. · Une suppression d'ici 6 ans du stock des luminaires boules, lampes à sodium et à vapeur de mercure pourrait être prévue en y associant une action spécifique de Recyclum. Pour la mission, cet objectif à court terme suppose d'intégrer les 1 Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires. Plan climat-air-énergie territorial. Plan local d'urbanisme intercommunal. À la reconquête de la nuit Page 5/106 2 3 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ délais de mise en conformité des sources lumineuses avec ceux inhérents à la rénovation de leurs réseaux. · Hiérarchiser les priorités de rénovation et les actions sur les équipements les plus polluants au plan national pour y associer plus facilement une éventuelle aide financière publique. · Créer plusieurs indicateurs de sensibilisation aux enjeux : l'évolution du nombre de points lumineux, l'avancement de la rénovation du parc d'éclairage public, le développement des trames étoilées, les évolutions des espèces témoins de la biodiversité nocturne. La mission propose enfin un pilotage national plus affirmé pour définir des priorités d'action publique et mettre en place un véritable suivi sur la base d'indicateurs. Il implique de définir clairement un chef de file au sein du ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES), avec des correspondants en administration centrale et dans chaque ministère concerné (sport, culture, intérieur...). La création d'un conseil national « lumière », présidé par un élu, associant les principaux acteurs concernés (collectivités, professionnels, ONG), serait ici un atout. Le pilotage plus affirmé de la réalisation de l'objectif de sobriété lumineuse permettra ainsi, alliée à celui de sobriété énergétique, de surmonter les contradictions entre extinction des feux non généralisable et rénovation onéreuse de l'éclairage public. En conclusion, pour réaliser l'objectif de sobriété lumineuse, une action pilotée et soutenue dans le temps est indispensable. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 6/106 PUBLIÉ Liste des recommandations 1.Rendre systématiques des synthèses de l'état des connaissances scientifiques sur l'impact des nuisances lumineuses (DGALN, AFB). Mettre en place une cartographie nationale des points lumineux extérieurs à partir des observations spatiales, pondérées par des données locales au sol. Y associer un inventaire géolocalisé des sources lumineuses publiques (DGPR, Ademe).........................................................52 2.Sensibiliser les publics aux enjeux de la pollution lumineuse par la formation, l'information (évolution de l'étiquetage) et par l'association des citoyens aux décisions d'investissement et de gestion......................53 3.Utiliser et compléter la normalisation, comme un outil efficace de la prévention de la pollution lumineuse, en collaboration avec le monde économique et les ONG..................................................................................54 4.Intégrer davantage la prévention des nuisances lumineuses dans les politiques sectorielles et leur réglementation, notamment pour les panneaux publicitaires lumineux et les sites industriels et commerciaux. Prévoir un dispositif unifié de sanction administrative pour toutes les installations lumineuses excessives, y compris les enseignes et panneaux publicitaires...................................................................................56 5.Inciter les collectivités à réaliser un diagnostic intégré (besoins réels, biodiversité...) préalable à tout nouveau projet de création ou de rénovation de l'éclairage public. Élaborer un guide des bonnes pratiques. ...........................................................................................................................56 6.Intégrer pleinement la pollution lumineuse dans les documents de planification préexistants à différents niveaux : SRADDET, PCAET, PLUI ou PLU..............................................................................................................58 7.Proposer le lancement par l'Ademe d'un appel à projet sur le remplacement des lampes les plus impactantes pour l'environnement, sur la base de l'inventaire (cf. recommandation 1).....................................59 8.Bonifier les capacités d'investissement des collectivités locales grâce à une valorisation financière par les certificats d'économies d'énergie intégrant davantage la pollution lumineuse. Proposer un nouveau mode de financement via des obligations vertes qui aideraient les projets des collectivités locales.........................................................................................60 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 7/106 PUBLIÉ 9.Créer un Conseil National de la Lumière chargé de valider et de suivre un « plan lumière » (DGPR). A défaut, ou en complément, intégrer le sujet de la pollution lumineuse dans le 4e plan national Santé Environnement (PNSE 4) (DGPR, DGS). Définir un pilotage national avec un chef de file identifié (DGPR) accompagné d'un correspondant dédié dans chaque direction d'administration centrale (DEB, DGEC, DHUP, DGS...) et dans chaque ministère concerné (santé, sport, culture, intérieur...).................61 10.Définir des indicateurs pour mesurer la pression lumineuse environnementale, l'évolution de la biodiversité nocturne et les progrès de l'action publique : - Suivre l'évolution du nombre de points lumineux au plan national. - Valoriser les indicateurs nationaux de biodiversité sur l'impact de la pollution lumineuse sur les chauves-souris. - Créer un indicateur de renouvellement du parc public grâce au nombre d'opérations de rénovation d'éclairage public effectuées par an et prévoir un suivi de la planification intégrant la pollution lumineuse.....................63 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 8/106 PUBLIÉ Introduction « Nous avons trop aimé les étoiles pour avoir peur de la nuit » Galilée Le sujet de la pollution lumineuse en France est encore majoritairement méconnu du grand public. Soulevé par les observateurs des étoiles, et dénoncé ensuite pour ses impacts sur la faune nocturne, son appropriation s'est opérée de manière récente, à travers diverses lois, sans qu'il soit mis pour autant sur le même plan que d'autres urgences écologiques. Le réchauffement climatique, la pollution de l'air ou encore l'imprégnation par les substances chimiques de synthèse font davantage l'actualité des médias et du grand public. L'une des causes de la méconnaissance de la pollution lumineuse réside dans son contenu très technique, peu compréhensible pour le grand public. Malgré cette apparente complexité, l'action contre la pollution lumineuse peut facilement trouver consensus et adhésion, car elle est en lien avec d'autres politiques publiques déjà mises en oeuvre (économies d'énergie, protection de la biodiversité...). La présente mission offre ainsi l'opportunité de faire le point et de mettre un « coup de projecteur » sur un état des lieux contrasté. Elle offre un cadre de propositions et de réflexions tendant à : · objectiver, voire réfuter un certain nombre d'idées préconçues autour des effets, des risques ou des vertus de l'éclairage nocturne ; · favoriser la mobilisation des acteurs économiques et de la société civile sur ce sujet émergent ; · acter une nécessaire complémentarité et une articulation entre les diverses politiques publiques qui contribuent indirectement déjà à la maîtrise de la pollution lumineuse ; · esquisser les éléments de perspectives d'une politique publique plus affirmée sur ce thème. La pollution lumineuse s'est avérée couvrir un champ si large que la mission a pris très vite conscience de l'impossibilité de l'exhaustivité du rapport dans les délais impartis. La mission a fait le choix de ne pas faire de propositions techniques complètes de seuils dans la mesure où la consultation sur un nouveau projet d'arrêté a été menée concomitamment par la direction générale de la prévention des risques (DGPR), avec l'appui technique du centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 9/106 PUBLIÉ 1. La qualification de la lumière artificielle est complexe 1.1. Les perceptions sociologiques et culturelles de la nuit ont la vie dure « La nuit, tous les chats sont gris » dit le proverbe populaire. L'histoire de la nuit berce notre plus tendre enfance, accompagnée de la crainte ancestrale du noir, dangereux et angoissant. Par la lumière artificielle, l'homme part à la conquête de ces territoires envahis par la nuit. Il éclaire la nuit comme s'il pouvait ou voulait pallier l'absence de l'astre solaire. Mais la nuit est-elle seulement l'inverse du jour ? Notre langue française est également riche d'expressions qui contribuent à célébrer la lumière et perpétuer l'aspect négatif de la nuit : « éclairer une pensée », « faire toute la lumière sur... », « ce n'est pas une lumière ! ». La relation de l'homme à la nuit est anthropologique. La peur de la nuit primitive trouve son origine dans la crainte d'attaques de bêtes sauvages, hostiles à la présence de l'homme sur un territoire de chasse. La nuit provoque une profonde modification des sens utilisés le jour et bien évidemment la vue qui n'est plus opérationnelle. Tous les repères traditionnels sont bouleversés, ce qui favorise l'imaginaire à la fois positif et négatif. Avec la découverte du feu, l'homme invente l'éclairage partagé d'un espace public communautaire, ancêtre de l'éclairage public. Mais la peur de la nuit demeure, surtout en milieu rural, avec la transmission, de génération en génération, d'histoires enfantines effrayantes, peuplées de fantômes et de monstres nocturnes. La peur du noir est donc transmise collectivement à travers les siècles par les adultes. Ce n'est qu'au 17e siècle que l'éclairage public moderne des villes européennes intervient, avec l'ambition de démontrer que le pouvoir politique a la capacité technique de prolonger le jour en supprimant la nuit. L'éclairage n'est plus laissé à la discrétion de quelques individus plutôt fortunés. En France, décidée sous Louis XIV (le Roi Soleil !), cette volonté politique s'était déjà heurtée à des obstacles : opposition de principe de certains citoyens à partager l'espace public désormais éclairé, qui se manifestait par la dégradation des lanternes et la dénonciation de coûts de gestion démesurés. S'agissant de la sécurité publique et selon Alain Cabantous4, la lumière nocturne a favorisé la criminalité. La généralisation de l'éclairage public a en effet facilité une activité nocturne nouvelle mais aussi le repérage des proies potentielles5. L'éclairage public donne une sensation trompeuse de sécurité contre les agressions ; en revanche, il participe à la sécurité physique, en donnant à voir les obstacles (les quais portuaires sont historiquement éclairés) qui se sont d'ailleurs multipliés sur la voie publique au fil du temps. Les limites culturelles et financières ont fait longtemps barrage à la généralisation de l'éclairage public, qui apparaît comme une pratique assez récente. Sa déclinaison 4 Professeur d'histoire moderne à Université Paris I Panthéon Sorbonne. Cf. Histoire de la nuit, Alain Cabantous, cartographie des lieux d'attaque du bandit Cartouche sous les lanternes. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 10/106 5 PUBLIÉ contemporaine en vecteur d'ambiance, sous la forme du concept de « lumières urbaines », ne date que des années 80. L'éclairage des monuments et des bâtiments publics est donc advenu bien après l'éclairage des places où ils se trouvent. Quant aux plateformes industrielles, ces activités avaient leur propre source d'éclairage. L'histoire de la nuit nous enseigne donc son appropriation progressive par l'homme, avec de fortes dimensions culturelles et psychologiques à prendre en compte pour une vision globale de ce sujet. Source : Archives nationales Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry L'allumeur de réverbères (dessin de l'auteur) 1.2. Émise par des acteurs très divers, la lumière artificielle n'est pas vraiment régulée dans ses excès L'émission de lumière vers l'extérieur et en plein air est le fait d'une très grande diversité d'acteurs, publics et privés. L'éclairement a longtemps véhiculé une image de modernité, de confort. Chaque nouveauté technologique, en termes d'intensité, de durée de vie, en spectre lumineux proche de la lumière du jour faisait l'objet d'une diffusion, le cas des Leds étant la dernière manifestation de ce progrès. Les questionnements sur les effets non souhaitables de l'éclairement ne sont apparus que progressivement, d'où une faible prise en compte par la puissance publique. Il n'y a pas de chef de file pour mener une politique de régulation de la production de lumière, du fait même de la diversité de ses usages. Aussi, est-il nécessaire de préciser ce qu'est l'éclairage artificiel pour envisager de définir une politique prenant en considération ses utilités et ses effets. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 11/106 PUBLIÉ 1.3. La définition de la pollution lumineuse évolue L'éclairage artificiel est un phénomène complexe et global, qui favorise l'activité humaine, privée comme publique, dans des domaines très divers, économiques, culturels ou sécuritaires. Il s'est développé avec l'urbanisation croissante de la France et l'artificialisation des milieux naturels (+3 % entre 2000 et 2006, soit +820 km²)6. Son usage est aujourd'hui fortement questionné au regard de ses impacts, comme excessif et inadapté. La pollution lumineuse peut être définie comme « le rayonnement lumineux infrarouge, ultraviolet et visible émis à l'extérieur et vers l'extérieur, et qui par sa direction, intensité ou qualité, peut avoir un effet nuisible ou incommodant sur l'homme, sur le paysage et les écosystèmes7 ». Cette définition ne comprend pas l'éclairage intérieur8. Ce n'est que depuis une quarantaine d'années que les impacts négatifs du sur-éclairage artificiel ont progressivement émergé au travers de plusieurs approches : · dès les années 1970, les alertes des astronomes ont attiré l'attention des pouvoirs publics sur l'augmentation des sources lumineuses artificielles et leurs effets sur la visibilité de plus en plus réduite du ciel étoilé ; · la montée en puissance depuis une trentaine d'années des politiques de sobriété énergétique au regard du coût énergétique et économique de l'éclairage artificiel ; · le développement d'études scientifiques internationales sur les impacts de l'éclairage artificiel sur la biodiversité ; · un travail d'alerte, d'information, de synthèse et de sensibilisation mené par les organisations non gouvernementales (ONG) ; · le développement récent et massif de nouvelles technologies d'éclairage, telles que les Leds, créant de nouveaux risques à maîtriser, notamment sur la santé humaine. La notion large de pollution lumineuse, intégrant ses différentes nuisances 9 devrait faciliter sa prise en compte dans les politiques environnementales. « Concernant l'environnement et la santé, la lumière artificielle constitue un réel altéragène dégradant l'actif environnemental qu'est le noir »10. La pollution demeure néanmoins principalement associée, dans la conscience citoyenne, à des agents chimiques destructeurs. Ces aspects ainsi que les enjeux associés seront évoqués en partie 2 du rapport. 6 Source : ministère de la Transition écologique et solidaire ­ CGDD ­ Inventaire Corine Land Cover, 2006. Source : Kobler, 2002 Agence nationale de sécurité environnementale et sanitaire (Anses), « Effets sanitaires des systèmes d'éclairage utilisant des diodes électroluminescentes (Led) », rapport 2010. Dans le rapport, les deux termes complémentaires de nuisances, applicables à telle ou telle situation, et de pollution, plus globale, seront utilisés. Rapport du CGEDD n° 009196-01, juillet 2014. À la reconquête de la nuit Page 12/106 7 8 9 10 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Cartographie de la pollution lumineuse en Europe11 1.4. La lumière artificielle est définie par de nombreux paramètres La lumière artificielle est un phénomène complexe, qui nécessite, pour obtenir les résultats souhaités et en réduire ou supprimer les impacts indésirables, d'agir sur différents paramètres : · · · · l'orientation des sources de lumière ; la puissance de lumière émise ; le spectre lumineux et la température de couleur ; la temporalité et la durée de l'éclairage. À cela, il faut ajouter des aspects techniques : · les caractéristiques des lampes et des luminaires ; · les installations et les réseaux. 1.4.1. Orientation des sources de lumière Éclairer juste12 implique de bien orienter la lumière vers la zone à éclairer, en évitant toute déperdition vers le ciel au-dessus de l'horizontale, contribuant à la formation du halo lumineux. Un éclairage mal orienté peut aussi être intrusif (lampadaires à hauteur de fenêtre, projecteurs, dont la lumière pénètre à l'intérieur des habitations) avec des effets possibles de perturbation du sommeil, d'éblouissement, de perte d'intimité. L'orientation au-dessus de l'horizontale est exprimée en ULOR ou ULR. Cet impact, le mieux connu, est de mieux en mieux pris en compte dans la normalisation et dans les nouvelles installations lumineuses publiques. 11 Source : Google Earth. Expression popularisée par l'Association française de l'éclairage (AFE), 2018. À la reconquête de la nuit Page 13/106 12 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ ULOR (Upward Light Output ratio) : Pourcentage de lumière émise au-dessus de l'horizontale. Plus ULOR est proche de 0, plus la déperdition vers le ciel est faible. ULOR en situation d'installation (et pas seulement en laboratoire). Pourcentage de lumière émise en dessous de l'horizontale. ULR DLOR (Down Light ratio) L'orientation des sources de lumière et leur impact sur le halo lumineux ­ Source AFE Comme le montre le schéma ci-dessus, l'orientation, la puissance lumineuse et la nature des sols plus ou moins réfléchissants sont aussi des paramètres qui peuvent accentuer la lumière projetée vers le sol et renvoyée vers le ciel. En outre, une bonne orientation de l'éclairage doit éviter la lumière « perdue » latéralement et vers les abords car, elle peut avoir un impact direct sur la biodiversité (insectes, oiseaux, plantes...). Ainsi, il est essentiel de limiter les débordements inutiles de lumière hors de la surface à éclairer. Toutefois, la suppression totale de tout débordement lumineux hors de la surface à éclairer n'est pas toujours souhaitable, au risque de produire des contrastes difficilement supportables pour l'oeil humain et des risques en matière de sécurité routière. Flux lumineux zénithaux et autour de l'horizontale émis par un lampadaire type « boule »13 13 Source : étude Aube finale, Cerema, 2017. À la reconquête de la nuit Page 14/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ 1.4.2. Puissance de lumière émise Les grandeurs d'émission lumineuse, combinées avec l'orientation des sources, sont des données de base en éclairage. Elles traduisent, non seulement la mesure quantitative des flux mais aussi la perception visuelle de la lumière. Flux lumineux ou puissance lumineuse : quantité de lumière globale visible émise par une source. Efficacité lumineuse : C'est le rapport entre la quantité d'énergie consommée (en watt) et la quantité de lumière émise (lumen). Intensité lumineuse : flux émis dans une direction donnée, exprimé par unité d'angle solide (le stéradian). L'intensité varie selon les angles d'émission (la directivité). Éclairement : caractérise la lumière visible sur une surface éclairée = Le flux de lumière reçu par une surface, venant de toutes les directions, exprimé par unité de surface réceptrice. Lumen L'efficacité lumineuse est un critère important de choix des lampes et d'aides publiques au regard des économies d'énergie attendues. Lumen/ Watt Lumen/ Steradian = Candela Lumen/m² = Lux Cette intensité lumineuse conditionne une bonne vision mais, trop forte et mal dirigée, peut être fatigante voire nuisible pour l'oeil. Nuit sans lune et ciel clair : 0,0001 lux Trottoirs : 5 lux Passages piétons : jusqu'à 50 lux14 Pièce à vivre : 100 à 400 lux Bloc opératoire : > 10 000 lux Plein jour, ciel clair, soleil direct : 100 000 lux15 En éclairage extérieur, une luminance trop forte peut être nuisible aux espèces à l'appareil visuel plus photosensible que celui de l'homme. Luminance : C'est la luminosité directement perçue par l'oeil d'une source lumineuse ou d'une surface éclairée. Elle varie selon l'angle de vision. C'est elle qui produit l'impression de luminosité et d'éblouissement. Lumen/ Steradian/m² = Candela/m² Bien que la tendance soit à l'abaissement moyen de l'éclairement nocturne (de 25 à 15 lux)16, 84 % de l'éclairage public restait néanmoins allumé à pleine puissance en 2015 (94 % en 1990 17). On peut noter également que les technologies d'éclairage actuelles ont une meilleure efficacité lumineuse18 : avec une puissance électrique identique, les nouveaux matériels émettent un flux lumineux plus important que ceux utilisés antérieurement (voir notamment annexe 6 sur les Leds). Une approche exclusivement limitée aux économies d'énergie peut toutefois aboutir à diminuer la dépense énergétique tout en maintenant voire augmentant le nombre des points lumineux, leur flux et leur intensité. Qui n'a pas fait l'expérience : · des jardins de plus en plus fréquemment illuminés la nuit, avec des conséquences sur la biodiversité et le voisinage ? 14 Les passages piétons ne sont pas obligatoirement éclairés à ce niveau. Ils peuvent l'être si la commune, comme c'est le plus souvent le cas, respecte la norme de circulation routière NF 13201 et a classé ce passage piéton en classe C0 (classe la plus élevée). CSTB, 2018. Source : Cerema, 2018. Source : Enquête 2012 et calculs Ademe sur le patrimoine communal à partir d'un échantillonnage de communes. Certaines technologies d'éclairage sont aujourd'hui proscrites par la réglementation européenne, comme la lampe à vapeur de mercure, à l'efficacité lumineuse réduite. La Led apparaît comme une technologie particulièrement efficace, mais pas forcément autant que les lampes de Sodium à haute pression, les plus employées dans le parc public. La lampe de sodium à basse pression, la plus efficace de toutes, est en forte diminution (du fait de son mauvais indice de rendu des couleurs, voir plus bas). À la reconquête de la nuit Page 15/106 15 16 17 18 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ · des parkings de surface déserts et éclairés toute la nuit, alors qu'un système de détection de présence, disponible techniquement, suffirait largement ? · des magasins éclairés toute la nuit, contrairement à la réglementation, alors que leur activité a cessé ? · d'un consommateur achetant une nouvelle lampe moins énergivore, au risque d'un sur-éclairement gênant les voisins, voire de son propre éblouissement, plus encore si la source n'est pas protégée par un lampadaire ? · de panneaux publicitaires lumineux à l'intensité trop forte créant des effets d'éblouissements et de contrastes incompatibles avec la sobriété et l'esthétique d'éclairages urbains publics aux alentours ? · des équipements des zones industrielles et commerciales fortement illuminés à proximité d'habitats naturels à préserver, en particulier en zone péri-urbaine ? Ces multiplications de sources lumineuses excessives ne sont pas sans impact puisqu'elles génèrent éblouissements ou troubles d'adaptation de la vision19. 1.4.3. Spectre et couleur de la lumière Ces deux caractéristiques sont moins connues du grand public mais importantes pour la perception visuelle et les choix opérés en éclairagisme. La lumière est une onde électromagnétique, caractérisée par une distribution spectrale perçue comme une couleur, chaque longueur d'onde étant mesurée en nanomètre. Toutes les longueurs d'ondes ne sont pas visibles par l'homme et les différentes espèces. La couleur perçue d'une source lumineuse résulte d'une somme d'émissions à différentes longueurs d'ondes. C'est sa composante dominante qui est perçue par l'oeil humain, la sensibilité des yeux d'autres espèces étant différente. La température de couleur d'une source lumineuse permet de définir sa teinte, plus ou moins chaude ou froide, qui conditionne le confort visuel. La connaissance de la température de la lumière permet de connaître son spectre d'émission20. Les lumières à dominante plus froide (bleu par exemple) sont celles qui ont la température la plus élevée. Si le spectre lumineux (et ses longueurs d'ondes) se mesure en nanomètres (nm), la température de couleur d'une lampe se mesure en degrés kelvin (K). Cette mention figure notamment sur les emballages des lampes d'intérieur21. Selon les lampes et les technologies utilisées, les échelles de température de couleur et les spectres lumineux sont différents. 19 La vision humaine de jour (photopique) est activée au-delà de 3 candelas/m² et la vision de nuit (scotopique) l'est en dessous de 0,0001 candelas par m², avec une plage d'adaptation (mésopique) qui évolue notamment avec l'âge. La température de couleur d'une source lumineuse correspond à la température d'une source lumineuse de référence, le corps noir, appelé radiateur de Planck, chauffé jusqu'à émettre une lumière de même couleur que la couleur principale d'émission de cette source et dont le rayonnement ne dépend que de la température. Les variations de la lumière du jour étant pratiquement identiques à celles de ce « corps noir », la connaissance de la température de couleur permet de connaître son spectre d'émission. Par convention : lumière chaude < 3000 K (ex : Led blanc chaud, jaune, orange, rouge), lumière froide >3000 K (ex : Led blanc froid bleu, violet). À la reconquête de la nuit Page 16/106 20 21 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Température de couleur des sources artificielles Type de source Incandescence Incandescence aux halogènes Fluorescence linéaire Fluorescence compacte Vapeur de mercure Vapeur de sodium haute pression Iodures métalliques Lampes à induction Leds Température de couleur (K) 2500 à 3000 2900 à 3000 2700 à 6500 2700 à 4000 3300 à 4300 1950 à 2150 3000 à 4900 2700 à 4000 2700 à 6500 L'indice de rendu des couleurs (IRC) : C'est un indice compris entre 0 et 100 qui traduit la capacité d'une source de lumière à restituer les couleurs d'un objet éclairé sans en modifier la teinte par référence à la lumière du jour, dont l'IRC est de 100. Selon les usages de la lumière, l'IRC de référence est plus ou moins élevé : par exemple, les lampes à sodium basse pression, utilisées pour l'éclairage extérieur des tunnels routiers, ont une grande efficacité lumineuse mais un indice de rendu de couleur très bas (IRC 20) alors que la valeur de référence pour l'éclairage des bureaux est plutôt de 80. Pour conclure sur la couleur et le spectre lumineux, la température de couleur de la lumière est prise en compte pour un bon rendu d'éclairage, selon les finalités recherchées. Néanmoins, ce qui est bon pour l'homme ne l'est pas nécessairement pour les espèces nocturnes. Certains spectres lumineux et leurs températures de couleur associées peuvent gêner certaines espèces et avoir également un impact sur la santé humaine. Même si ce n'est pas l'objet du présent rapport, soulignons les remarques de l'Agence nationale de la sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) en 2010 à propos de la lumière bleue des Leds en éclairage intérieur. 1.4.4. Caractéristiques des lampes Chaque famille de technologie de lampe, voire chaque lampe a ses caractéristiques en termes : · · · · · d'indice de rendu des couleurs, d'efficacité lumineuse et donc d'économie d'énergie, de teinte, fortement liée à la température de couleur, de distribution spectrale, de durée et de cycle de vie (en prenant en compte le cycle complet, y compris de recyclage). Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 17/106 PUBLIÉ En quelques années, le paysage de l'éclairage s'est fortement transformé avec l'arrivée de la Led. Cette nouvelle technologie domine aujourd'hui le marché de l'éclairage privé et les marchés de rénovation de l'éclairage public. En annexe 6 de ce rapport, la mission a souhaité rappeler les atouts des Leds, certaines de leurs caractéristiques, les points de vigilance et leur potentiel d'évolution nécessaire. En fonction du projet d'éclairage et des besoins associés, de son domaine d'application, telle ou telle technologie sera privilégiée. Les manuels d'éclairage commencent à évoluer mais la plupart de ceux consultables facilement sur internet sont peu diserts sur l'impact de l'éclairage sur la santé humaine et la biodiversité. 1.4.5. Éteindre ou doser les intensités lumineuses ? Contrairement à d'autres pollutions, les effets de la lumière artificielle apparaissent réversibles, puisqu'il suffirait, pour faire cesser la gêne occasionnée, soit d'éteindre, soit d'améliorer les paramètres techniques de l'éclairage. La temporalité et la durée de l'éclairage sont des variables importantes, qui partent du constat de la complexité du dosage de l'éclairage pour concilier ses différents usages et de l'importance de la limitation globale de la dépense de lumière, pour des raisons environnementales et économiques. Éteindre paraît ainsi être une mesure simple, parlante et peu coûteuse, dès lors que l'activité humaine ne la justifie plus. L'extinction est aujourd'hui pratiquée par de nombreuses collectivités, selon des horaires et des temporalités variables, en coeur de nuit. Sa mise en oeuvre nécessite un certain nombre de précautions préalables (point développé en annexe 4). Elle peut aussi trouver ses limites pour certaines espèces nocturnes ayant une activité importante au crépuscule. L'extinction est de plus en plus combinée avec des mesures de réduction et de variation des intensités lumineuses de l'éclairage public, selon les possibilités techniques des équipements, l'analyse des besoins d'éclairage par zone et bien sûr le coût des installations. Par ailleurs, la notion d'extinction, déjà prévue par la réglementation existante, doit également cibler des sources lumineuses privées (publicités, bureaux, parkings privés...). Une politique publique locale suppose d'identifier en amont les plus excessives d'entre elles (voir parties suivantes 2, 3, 4 et annexe 5 sur les bonnes pratiques). 1.5. L'éclairage ne se limite pas aux sources lumineuses : leurs supports, leurs modalités d'installation et la gestion des réseaux sont à prendre en compte Il ne suffit pas de créer une lampe idéale en laboratoire. Les nuisances lumineuses sont causées ou sensiblement réduites selon les modalités d'installation d'un éclairage dans un environnement donné avec une approche d'aménagement nocturne, notamment sur : · l'implantation, l'espacement et la hauteur des mâts, la suppression des points lumineux inutiles ; · les caractéristiques des luminaires (pour maîtriser l'orientation de la lumière). Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 18/106 PUBLIÉ La qualité des installations dépend également de plusieurs facteurs : · Qualité du projet d'aménagement et optimisation de l'éclairage, de son « zonage »22 et de son intégration environnementale. Un des facteurs de complexité peut consister dans l'incohérence, pour l'usager, entre l'éclairage public et l'éclairage privé (panneaux publicitaires lumineux, stades ou zones industrielles et commerciales) ou entre deux zones voisines. · Bon « dosage » des différents paramètres techniques de l'éclairage, en veillant à chaque fois à trouver le bon arbitrage entre les usages. Il s'agit, par exemple, de réserver les mâts de grande hauteur aux voies de circulation urbaines les plus structurantes et baisser ailleurs leur hauteur tout en orientant, implantant correctement les sources et dosant leurs puissances pour réduire leurs impacts environnementaux. Les détecteurs de présence peuvent être une bonne solution en zone peu fréquentée mais une source de dérangement pour le voisinage humain ou animal si l'allumage/extinction est trop fréquent. Certaines installations innovantes vont jusqu'à supprimer les mâts et prévoir des points lumineux au sol ou encore au niveau d'une rambarde de bord fréquenté d'un canal, limitant les débordements lumineux vers l'eau et vers le ciel. Certains échecs d'implantation de nouveaux éclairages peuvent s'expliquer par le maintien des implantations et mâts d'origine ou encore les limites des réseaux et armoires qui auraient permis de programmer de manière différente l'éclairage nocturne de la cour de l'école, du stade et de la rue dans un même quartier. Les possibilités économiques et techniques : Quelques chiffres sur les lampes et les installations. Le nombre de points lumineux liés à l'éclairage public était de 7,2 millions en 1990 et 9,5 millions en 201523, soit une augmentation de 30 % en 15 ans. Sur la même période, la durée d'éclairement a diminué : de 4 300 heures en 1990 à 3 100 heures en moyenne pour une commune de métropole en 201524. Sur les 9,5 millions de points lumineux aujourd'hui en France relevant de l'éclairage public, 30 % sont des lampes à vapeur de mercure, interdites de mise sur le marché depuis 2015, 60 % des lampes au sodium et 10 % des Leds25. La durée de vie d'un équipement d'éclairage extérieur public est de 30 ans en moyenne. Le taux de remplacement annuel du parc est évalué à 3 % au plus. Ainsi, 40 % des luminaires en service ont plus de 25 ans 26. Pour les installations qui ont entre 40 et 50 ans, il faut changer l'ensemble de l'installation dans 90 % des cas27. Enfin, le potentiel d'économies d'énergie d'une rénovation est de 50 à 75 %28 en W. 22 « Zoner » un territoire communal ou intercommunal consiste à distinguer des zones selon leur fréquentation, en se posant à chaque fois la question du besoin et des impacts environnementaux et en adaptant l'éclairage public et ses installations. Source : Ademe, 2014. Source : AFE, 2017. Source : FNCCR, 2018. Source : AFE, 2017. Source : AFE, 2018. Source : AFE, 2017. À la reconquête de la nuit Page 19/106 23 24 25 26 27 28 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Les coûts de rénovation concernent les matériels, les réseaux et les installations mais aussi d'autres aspects. La modification de l'implantation des mâts pour réduire un éclairement inutile nécessite par exemple de revoir les trottoirs (coûts de désinstallation, modification des bacs à fleurs, des revêtements...). Une conciliation environnementale in situ des normes « au plus » et « au moins » : la plupart des cahiers des charges d'éclairage public, selon nos interlocuteurs, intègrent des normes d'éclairage qui engendrent des contradictions à gérer in situ par les éclairagistes et les concepteurs lumière (par exemple, normes de circulation routière ou normes d'éclairage des circulations piétons pour les personnes handicapées, applicables aux abords des bâtiments, aux seuils très élevés pouvant entraîner une recherche d'homogénéité de l'éclairage par le haut, ou encore normes d'éclairage de terrains de camping en milieu naturel). Une réflexion sur la pertinence de l'installation elle-même : La désinstallation des éclairages autoroutiers, efficiente pour la biodiversité, s'est développée pour réduire d'abord la facture énergétique, des études ayant démontré que l'extinction n'entraînait pas de hausse du nombre et de la gravité des accidents. La dépose des mâts génère néanmoins un coût financier à programmer. La problématique de l'installation n'est pas en premier lieu technique. Ainsi, sur certains tronçons, l'extinction des autoroutes à proximité des zones industrielles et commerciales fortement éclairées la nuit peut créer des risques de forts contrastes. Elle renvoie donc à une vision d'aménagement territorial de la nuit par les maîtres d'ouvrages publics selon les zones (plus ou moins urbanisées, rurales et à protéger), à la fois large (agglomération, trame sombre) et fine jusqu'à la rue, les zones de transition et de conflits, à l'intelligence in situ de l'éclairage et à la prise en compte des facteurs coûts. L'évolution de l'éclairage des commerces est beaucoup plus rapide et simple à mettre en oeuvre mais relève d'abord de l'initiative individuelle. 1.6. Un sujet transversal, avec de nombreux acteurs, sans portage politique La pollution lumineuse est un sujet émergent. Ce statut incertain a pour effet de ne pas en faire une priorité. Cependant, son émergence correspond aussi à une sensibilisation croissante des collectivités et des professionnels de l'éclairage (qui préfèrent le terme de nuisances), propice à l'innovation. C'est surtout un sujet très transversal qui « embarque » beaucoup d'acteurs, sans portage unique, sans constats et indicateurs partagés, ce qui engendre une dilution des responsabilités. Les données existent mais sont éparpillées entre ses différents producteurs, privés et publics, sans cadre commun de format d'échange de données. À forte dimension sociétale, les usages de l'éclairage artificiel sont ancrés dans les mentalités et recouvrent des domaines d'activité extrêmement variés que la mission n'a pu tous explorer. Les évolutions dans les deux sens sont conditionnées par la demande et la pression des citoyens et consommateurs. Aujourd'hui, l'information et les données sont davantage relayées par les associations environnementales et syndicats d'éclairage que, de manière cohérente, par l'État. La pollution lumineuse revêt un aspect scientifique et technique couvrant plusieurs champs de connaissance, qui nécessitent d'associer, dans les recherches, Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 20/106 PUBLIÉ éclairagistes, spécialistes de la biodiversité et de la santé humaine et animale, voire des spécialistes du ciel (de l'astronomie à la pollution de l'air). Au plan environnemental, la pollution lumineuse est bien un sujet de pression, parmi d'autres, dont l'impact avéré sur la santé humaine et une biodiversité de fait « muette » est encore méconnu. Elle est, de ce fait, d'abord associée aux économies d'énergie possibles plutôt qu'à la nécessité d'un éclairage sobre et à bon escient. Ce sujet revêt aussi une dimension juridique complexe (voir partie 3). Sa dimension économique et financière doit être prise en compte. Les projets de rénovation de l'éclairage ont un coût d'investissement en grande partie rentable du fait des économies générées. Toutefois, pour les communes, petites et moyennes, ils nécessitent des moyens accrus en maîtrise d'ouvrage pour réaliser les diagnostics préalables et envisager une programmation pluriannuelle. Il revêt enfin une dimension politique, son évolution nécessitant un portage et une constance aux différents niveaux de décision, quelles que soient les alternances. D'ores et déjà, les constats faits dans cette première partie posent la question des principaux impacts et enjeux de la lumière artificielle à associer à ceux de l'énergie dans une politique environnementale, développés en partie 2. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 21/106 PUBLIÉ 2. La nuit éclairée : ses impacts et enjeux 2.1. Des impacts sur la biodiversité mais pas seulement L'éclairage excessif a différents impacts sur l'environnement (biodiversité de la faune et de la flore et paysages nocturnes) et sur la santé humaine. 2.1.1. Le halo lumineux nocturne Le phénomène optique de halo lumineux provient de la diffusion de la lumière émise par des sources artificielles dans une atmosphère chargée en molécules d'eau et/ou en particules en suspension, ce qui provoque l'impression d'une atmosphère opalescente ou cotonneuse autour des luminaires 29. L'expression « halo lumineux » décrit aujourd'hui plus largement le halo urbain, à savoir la lueur diffuse qui surplombe maintenant la plupart des villes, affectant aussi leurs zones périphériques. Il peut être augmenté par la pollution aérienne et par les conditions météorologiques. Une étude de 2016 a permis de dresser un atlas mondial de la clarté artificielle du ciel nocturne 30. Selon cette étude, un tiers de la population mondiale ne voit plus la voie lactée. 83 % de la population mondiale et 99 % des populations européennes vivent sous un ciel pollué dû à l'augmentation et à la déperdition lumineuse. 90 % du territoire français est aujourd'hui concerné31. Le phénomène de halo lumineux a plusieurs impacts : · l'entrave à l'activité astronomique, · la perte de relation des êtres humains avec le ciel étoilé, patrimoine commun à préserver, qui renvoie à des repères culturels ancestraux (exemple : l'étoile polaire), · la désorientation suspectée des oiseaux migrateurs. L'importance de la préservation du ciel étoilé a été popularisée notamment grâce aux actions dans la durée de l'association nationale pour la préservation du ciel étoilé nocturne (ANPCEN). Alliée aux préoccupations d'économies des collectivités, elle a créé des conditions favorables aux pratiques d'extinction nocturne et participe d'un premier niveau de prise de conscience. Les actions principales pour favoriser l'observation astronomique portent sur l'extinction en coeur de nuit dans des zones à protéger (couloirs astronomiques, trames sombres) et sur des pratiques d'ensemble de sobriété lumineuse (exemple du parc national des Cévennes, auquel a été décerné, le 13 août 2018, le label de Réserve internationale du ciel étoilé (RICE), la plus grande d'Europe, par l'international Dark-Sky Association (IDA). Cette zone comprend un coeur de réserve au ciel très sombre et une zone tampon comportant des espaces habités. Elle correspond à une démarche structurée de protection du ciel nocturne, intégrant un diagnostic et des 29 Wikipedia, 2018. Source : Falchi et al, 2016 : The new world atlas of artificial nigtsky brigthness, Science Advance. Muséum national d'histoire naturelle, 2018. À la reconquête de la nuit Page 22/106 30 31 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ engagements des acteurs locaux, associée à un plan de rénovation de l'éclairage public, bénéficiant de financements en partie européens.) 2.1.2. L'environnement La littérature internationale scientifique permet aujourd'hui, en dépit des lacunes, de caractériser l'impact de la lumière artificielle nocturne sur la biodiversité. Elle a fait l'objet en France d'un premier inventaire bibliographique de référence 32. Celui-ci a, depuis lors, été complété, consolidé, actualisé par de nouvelles recherches et diffusé par d'autres travaux bibliographiques33. Différentes études/actions, associant parcs naturels, éclairagistes, collectivités et associations, montrent la possibilité, à partir d'un diagnostic territorial sur la biodiversité et l'éclairage, d'une stratégie gagnante, réalisable et concrète de préservation d'espèces menacées. Quelques repères d'ensemble : Le cycle du jour et de la nuit est un élément structurant de l'évolution du vivant 34. « La pollution écologique lumineuse s'applique à la lumière artificielle qui altère l'alternance du jour et de la nuit (rythme nyctéméral) dans les écosystèmes »35. Elle englobe principalement la sur-illumination, les installations créant des contrastes et barrières et le phénomène plus diffus de la luminescence (halo lumineux, ambiance lumineuse). Elle intervient différemment selon les espèces, en fonction notamment du spectre lumineux et des technologies d'éclairage utilisées auxquelles les appareils visuels de ces espèces sont spécifiquement sensibles. Ces derniers effets sont avérés pour certaines espèces, suspectés ou à approfondir pour d'autres. Impact des effets des longueurs d'ondes visibles selon les groupes taxonomiques 36 X : effet constaté ­ 0 : peu ou pas d'effet - ?: pas d'information 32 33 Jean-Philippe Siblet, Muséum national d'histoire naturelle, 2008. Synthèse effectuée par l'ANCPEN et la mission économie et biodiversité de la Caisse des dépôts et consignations en 2015, puis étude Aube finale, Cerema, 2017 portant sur l'articulation de la biodiversité, de l'aménagement urbain et de l'éclairage à La Réunion. Par ailleurs, l'Anses finalise une nouvelle revue de la bibliographie en vue d'un avis prévu pour fin 2018. Source : Gerrish et al, 2009. Longcore et Rich (2004) ont donné une définition de la pollution lumineuse pointant son impact majeur sur la biodiversité. Source : Étude Aube finale, Cerema, 2017 qui fait notamment un point actualisé des impacts avérés. À la reconquête de la nuit Page 23/106 34 35 36 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Ce tableau fait un point actualisé 37 sur les impacts avérés des températures de couleurs selon les espèces. Les longueurs d'onde correspondant à des couleurs froides (bleu, vert) ont un impact sur un plus grand nombre d'espèces. Si aucune longueur d'onde n'est sans impact, il apparaît possible pour agir de croiser les données sur un milieu naturel avec celles sur les espèces, en particulier menacées, comme cela a été notamment le cas à La Réunion pour le Pétrel et les puffins. Impact des technologies d'éclairages38 Ce tableau montre que les technologies les moins perturbantes sont les lampes sodium basse et à défaut haute pression, aucune n'étant sans impact. Les Leds sont des technologies récentes, nécessitant une vigilance et des précautions particulières d'implantation. La faune : 28 % des vertébrés et 64 % des invertébrés sont nocturnes et dépendent ainsi de la nuit au moins pour une partie de leur cycle de vie39. Ces espèces développent des « caractéristiques morphologiques, biologiques ou comportementales » qui leur permettent de « vivre, se repérer et communiquer dans un environnement (quasiment) noir »40. Elles possèdent, en effet, des systèmes de vision spécifiques les rendant capables de voir à des niveaux nettement inférieurs à ceux nécessaires à l'homme. Ce dernier ne dispose pas des mêmes capacités d'adaptation physique la nuit. Il va donc utiliser la lumière artificielle à des niveaux d'éclairement supérieurs à ceux nécessaires et supportables pour les espèces nocturnes. On sait mieux aujourd'hui que le développement excessif de l'éclairage artificiel implique des conséquences néfastes sur la faune, non seulement au niveau d'une espèce, mais de l'écosystème et du paysage. Il modifie structurellement les déplacements de la faune, en diminuant et fragmentant ses habitats naturels. Il peut impacter la répartition de certaines espèces sur le territoire national41. 37 38 Sources bibliographiques de synthèse : Siblet 2008, Meb-ANPCEN 2015. Source : étude Aube finale, Cerema 2017. Source : Holker et al., 2010. Source : Sordello, 2017. Source : Azam et al., 2016. À la reconquête de la nuit Page 24/106 39 40 41 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Or, la disparition et la fragmentation des habitats naturels font partie des causes principales de l'érosion de la biodiversité42, avec un effet de long terme sur la génétique des populations et leur pérennité. Certains auteurs font ainsi de la pollution lumineuse l'une des pressions de sélection des espèces les plus importantes sur la biodiversité43. Les usages de la lumière artificielle impactent globalement l'écosystème, au-delà de la disparition isolée de différentes espèces44 en modifiant la fréquence45, la temporalité46 ou le but 47 de leurs déplacements liés à leur cycle de vie. Certaines espèces connaissent des réductions de population, avec des impacts sur la pollinisation 48 et donc sur la flore, voire sur l'agriculture et l'activité humaine (cf. annexe 7 ­ Fiche relative aux impacts sur la biodiversité). Les espèces concernées : Il convient de se référer à la bibliographie en retenant que les effets, suspectés ou avérés, sur certaines espèces sont documentés précisément pour les mammifères, en particulier les chiroptères, mais aussi les oiseaux et les poissons. Ces constats impliquent des précautions particulières et beaucoup plus de vigilance sur l'éclairage nocturne dans les milieux aquatiques. 42 Source : Torres et al., 2016. Source : Swaddle et al., 2015 ; Urbanski et al., 2012. Ils ont été rassemblés et énumérés par Jean-Philippe Siblet, chef de service au Muséum national d'histoire naturelle, à partir de 2008 et confirmés par les recherches et bibliographies plus récentes (voir encadré). Voir aussi Sordello, R., 2017. Les conséquences de la lumière artificielle nocturne sur les déplacements de la faune et la fragmentation des habitats : une revue. « Bulletin de la Société des naturalistes luxembourgeois »119 : 39­54. Source : Baker et Richardson, 2006. Source : Riley et al., 2013. Source : Beier, 1995. Source : Knop et al., 2017. À la reconquête de la nuit Page 25/106 43 44 45 46 47 48 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Et si les chauves-souris disparaissaient, quelle conséquence pour l'écosystème et pour l'homme ?49 Les chauves-souris micro-chiroptères, mammifères volants insectivores, espèce menacée à reproduction lente, sont d'excellents indicateurs de l'état de santé du milieu naturel où elles évoluent50. Elles sont en effet, comme les oiseaux, directement impactées par ses altérations. Inoffensives pour l'homme, plusieurs études montrent leur rôle d'insecticide naturel et les services antiparasitaires qu'elles apportent ainsi aux écosystèmes, en particulier aux cultures, et, indirectement, aux humains51. La flore : Les impacts de l'éclairage artificiel sont : · directs puisque le métabolisme des plantes et leur développement sont affectés par la durée de l'obscurité. La lumière artificielle, dans la zone ultraviolette (UV), bleue et rouge, et en limite de l'infrarouge, a un impact sur la germination, la croissance, l'expansion des feuilles, la floraison, le développement des fruits et la sénescence52 ; · ou indirects, par disparition, déplacement ou réduction des espèces pollinisatrices. Ils peuvent ainsi affecter l'homme au travers des perturbations apportées aux cultures ou encore aux végétaux en milieu urbain. Les facteurs directs d'éclairage artificiel prépondérants sur les végétaux sont : la durée de l'éclairage, le type de lampe utilisée (selon son spectre lumineux) et l'intensité lumineuse. 2.1.3. La santé humaine L'être humain connaît des limites physiques liées aux capacités de sa rétine, à ses rythmes physiologiques et subit les effets à court et long terme d'un usage excessif ou inadapté de la lumière artificielle. Il a donc intérêt à s'en préoccuper, qu'il s'agisse du bien-être des travailleurs, de celui des enfants rivés dès le plus jeune âge aux écrans, des personnes âgées ou des mal-voyants. L'avis de 2010 de l'Anses sur les Leds, nouvelles technologies alors très mal connues, a attiré l'attention sur les effets nocifs de certaines de leurs caractéristiques et de leur usage, notamment sur : 49 Selon Clémentine Azam et al., 2016, la perturbation sur les quatre espèces de chiroptères les plus communes par la pollution lumineuse est supérieure, à l'échelle d'un paysage, à celle induite par l'imperméabilisation des sols mais inférieure à celle induite par les pratiques agricoles intensives (pesticides et engrais, disparition des haies). Jones et al., 2009, notamment. Cleveland et al., 2006 ; Charbonnier et al., 2014. Briggs, 2002. À la reconquête de la nuit Page 26/106 50 51 52 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ · la composition spectrale et photo-toxicité, en particulier par l'émission de pics de bleu, · les rythmes circadiens, · l'éblouissement d'inconfort ou d'incapacité. Il existe une norme française de référence sur les effets photo-biologiques qui classe les éclairages en groupes de risques. L'Anses a alors recommandé : · une remise en cause de la norme et des valeurs limites d'exposition des Leds, · la suppression de la vente aux particuliers des éclairages correspondant à des risques supérieurs à 153. En 2010, la technologie Led comportait beaucoup d'éclairages sur le marché en niveau de risque de groupe 2 et des inquiétudes fortes sur la vulnérabilité des consommateurs. L'Anses note aujourd'hui un progrès des éclairages pour les particuliers avec une diminution de la quantité de bleu ; le niveau de risque est passé de 2 à 0 ou 1, démontrant la capacité des fabricants à s'adapter aux nouvelles normes. Pour autant, les technologies à Led présentent toujours la diversité la plus importante par rapport à d'autres technologies. Selon les chercheurs, les Leds ne sont pas en soi dangereuses, mais certains produits peuvent cumuler des défauts : pics de bleu, éblouissement, modulation, appelant à la vigilance, les consommateurs étant peu informés sur la qualité et les risques induits par les produits qu'ils achètent. Les travaux en cours de l'Anses sur l'impact sanitaire de l'éclairage artificiel, dans la perspective d'un avis à venir en fin d'année 2018, concernent particulièrement l'exposition au risque, en suivant des groupes identifiés à risques dans le temps : enfants au cristallin encore transparent en cours de développement, adolescents du fait de leur mode de vie et de leur horloge biologique moins robuste et personnes âgées, dont le cristallin s'opacifie. Elle s'est penchée sur les effets cumulés de l'exposition, sur la base d'un emploi du temps d'une année. Trois aspects sont en cause : · la composition des Leds, leur spectre et les moyens de protection ; la photo-toxicité de la lumière bleue, de l'intensité lumineuse, présente des risques élevés à court et moyen terme pour des sujets vulnérables. Elle pourrait nécessiter un étiquetage des produits à risques, notamment en fonction de l'âge ou du moins une meilleure information ; L'Anses a aussi étudié la durée de vie des Leds, en particulier du phosphore qui permet de filtrer le bleu ainsi que les différents moyens de protection. Le déséquilibre spectral prend, plus que le bleu, de plus en plus de place dans la recherche ; 53 La norme IEC 62471 (dite « photobiologique ») prévoit quatre groupes de risques pour les sources de rayonnement optiques, liés à la durée d'exposition maximale admissible de l'oeil à la lumière ­ 0 : pas de risque quel que soit le temps d'observation de la source ­ 1 (risque faible) : temps d'exposition maximal de 10 000 s (3 heures) ­ 2 (risque modéré) : temps d'exposition maximal de 100 s ­ 3 (risque élevé) : temps d'exposition maximal de 0,25 s. Voir annexe ­ panorama juridique ­ partie 8.8 sur les normes. À la reconquête de la nuit Page 27/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ · la perturbation des rythmes circadiens54 a été particulièrement étudiée dans le rapport de l'Anses de 2016 sur le travail de nuit, avec des effets sanitaires qui peuvent être significatifs ; · la modulation temporelle des Leds : l'Anses a approfondi l'évaluation de ce risque sanitaire, évoqué en 2010, lié à l'intensité fluctuante à haute fréquence (effet stroboscopique) de la lumière émise par certaines Leds. Celles-ci réagissent très vite aux flux reçus, perceptibles ou non, créant des effets de fatigue visuelle, des papillonnements inconfortables, voire des maux de tête. Les équipes de chercheurs estiment aujourd'hui que les effets nocifs sur l'homme d'un usage immodéré et non contrôlé de l'éclairage artificiel intérieur, au regard des risques encourus, sont établis. Les recherches se poursuivent sur les impacts de long terme de l'éclairage extérieur excessif. 2.2. Des enjeux à mieux anticiper 2.2.1. Des recherches scientifiques et techniques partielles et éparpillées Les recherches collectées sur la pollution lumineuse apparaissent déjà suffisantes pour adopter des stratégies de prévention au regard des impacts évoqués plus haut, malgré des limites relevées par la mission. Si certains travaux, surtout interdisciplinaires, sont à approfondir, à l'instar de ce que pratique déjà l'Anses, les améliorations utiles concernent essentiellement les synthèses d'ensemble. Recherches sur la biodiversité : Une récente synthèse de 76 recherches menées au plan international 55 montre que de plus en plus d'espèces diurnes deviennent nocturnes pour fuir l'activité humaine et survivre, ce qui renforce encore les enjeux de la caractérisation des différentes pressions fragilisant la biodiversité nocturne. Les premières recherches citées par le MNHN ont été publiées dans les années 1950. Les constats de 2008 sont confirmés et étayés 10 ans plus tard par des recherches plus récentes. Des thèmes de recherches, dont celui sur les végétaux, seraient à approfondir et à diffuser. Certains impacts sont bien démontrés (les éblouissements et les phénomènes d'attraction/répulsion, de barrières lumineuses et de fragmentation de l'habitat). D'autres sont suspectés ou nécessitent des compléments : · la perturbation de l'horloge biologique et de la santé des espèces animales selon la durée d'exposition ; · les impacts aggravants des Leds selon leur installation et leurs précautions d'usage ; 54 Le rythme circadien regroupe tous les processus biologiques cycliques d'une durée d'environ 24 heures. Son dérèglement du fait d'un excès de lumière artificielle peut avoir des impacts significatifs sur la santé humaine ou animale. Pour en savoir plus sur les relations entre lumière artificielle et rythme circadien, lire, pour la santé humaine, le rapport d'expertise collective de l'Anses, relatif à l'évaluation des risques sanitaires liés au travail de nuit, p.72 à 97, juin 2016, et, pour la faune, les articles de Thomas Le Tallec, Encyclopédie de l'Environnement, mars 2018, sur l'impact de la lumière artificielle sur la faune et sur l'environnement. Source : Science, 15 juin 2018. À la reconquête de la nuit Page 28/106 55 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ · les effets différenciés de l'éclairage artificiel selon les espèces, notamment : · les configurations d'éclairages plus ou moins gênantes (par exemple, l'impact des flashs clignotants lumineux des éoliennes)56; · le lien entre spectre lumineux et faune et flore est établi57, mais les réponses varient. Les écologues ne mesurent pas les spectres lumineux, une association des compétences en écologie et en éclairagisme étant indispensable ; · le suivi dans le temps58 de quelques espèces cibles « parapluie », pour apporter des indicateurs d'état de la biodiversité face à la pollution lumineuse. Certains effets sont en outre à évaluer dans leur étendue et leur gravité pour le devenir des espèces. Il s'agit notamment : · du bilan positif ou négatif, à une échelle de territoire large, des compétitions ou déséquilibres inter-espèces ; · de la participation de la pollution lumineuse à la fragilisation des espèces à partir d'une bibliographie sur un échantillon étendu ; · des effets combinés des différentes pressions menant à l'extinction d'espèces souvent multi fragilisées par l'étalement urbain, les usages agricoles et la pollution lumineuse, dont la synthèse est utile à l'action environnementale. Il est donc essentiel de soutenir fortement la poursuite des recherches et de l'évaluation indépendante de leurs résultats, pour mieux hiérarchiser les risques selon les milieux et les espèces et faciliter ainsi la prévention. Les limites des données sur la santé humaine : L'avis de l'Anses de 2010 sur les Leds, complété en 2016 par un travail fait sur les rythmes circadiens à l'occasion d'une recherche menée sur le travail de nuit sera actualisé fin 2018, par des travaux complémentaires sur la santé humaine et une revue des publications scientifiques sur l'impact de la lumière artificielle sur la biodiversité. Les données manquantes selon l'Anses portent notamment sur l'étude in situ des effets de l'intrusion de la lumière artificielle extérieure à l'intérieur et sur l'importance relative et de long terme des différents facteurs et impacts de la pollution lumineuse. Du point de vue de la mission, les progrès à consentir dans ce domaine concernent essentiellement la valorisation de ces recherches et leur relais dans le pilotage des politiques publiques de santé environnementale. Nous n'avons pu par exemple sur ce sujet rencontrer, malgré nos demandes, d'interlocuteur au ministère de la santé. L'implication des industriels dans la recherche : Il paraît indispensable que la recherche appliquée menée par les industriels avance et soit valorisée pour supprimer certains effets avérés des nouvelles technologies d'éclairage avant leur mise sur le marché. 56 Un arrêté du 23 avril 2018 impose des mesures pour redéfinir les exigences et limiter les nuisances lumineuses occasionnées par ce balisage indispensable pour des raisons de sécurité aérienne, un groupe de travail, piloté par la DGAC et le ministère de la défense venant d'être lancé ­ Environnement et Technique HS ­ Octobre 2018. Échanges avec des chercheurs de l'Anses, 2018. La revue systématique ne serait pas néanmoins, selon eux, la plus adaptée en raison de la multiplicité des espèces. UMS Patrimoine naturel ­ AFB ­ CNRS ­ MNHN, 2018. À la reconquête de la nuit Page 29/106 57 58 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ C'est dans leur intérêt, afin d'obtenir la confiance des consommateurs. Ils pourraient, par exemple, rendre plus efficaces et donc plus attractives les Leds ambrées, les moins nocives pour les espèces animales et assurer la fiabilité, la durabilité et l'accessibilité des systèmes de gestion intelligente de l'éclairage. Une cartographie en cours de constitution : Les différentes cartographies existantes sur la pollution lumineuse sont : · soit, issues de données d'observation spatiale et satellitaire du halo lumineux vu du ciel, retravaillées avec une échelle, selon des critères variables ; · soit, issues de mesures photométriques au sol ou du ciel à partir du sol. Leur intérêt et leurs limites restent à évaluer pour favoriser l'action opérationnelle à différentes échelles. L'atlas mondial de la pollution lumineuse de Falchi 2016, notamment, présente certaines limites59. Son intérêt est d'apporter une vision d'ensemble de la pollution lumineuse et de son évolution mondiale ou nationale utiles à la prise de conscience. Mais cette cartographie ne permet pas, à elle seule, de travailler sur la pollution lumineuse, à l'échelle d'une zone territoriale limitée, au niveau d'une commune par exemple60. L'enjeu est bien de disposer d'un état des lieux objectivant la situation du parc d'éclairage public français et de l'éclairage privé. Une connaissance des sources d'éclairage extérieur et de leurs impacts permettrait de mener des actions à différentes échelles territoriales. La part de l'éclairage privé dans la formation du halo est variable selon les zones et nécessiterait d'être mieux identifiée. Elle peut représenter 50 % de la pollution lumineuse sur certains territoires, à forte prédominance industrielle et commerciale, et une part très minoritaire en zone rurale 61. En milieu péri-urbain, elle peut être minoritaire mais avoir un impact très fort sur la biodiversité (exemple de zones industrielles et commerciales en sortie d'autoroutes, bordant des espaces naturels à protéger)62. Faute d'un inventaire précis de l'éclairage privé en France, les décisions de politique publique seront d'autant moins pertinentes, voire infondées. Au niveau local, un responsable de collectivité a effectivement besoin de connaître : 59 Cerema, étude Aube finale, Commanditaire DEAL Réunion, 2017. Elle porte en effet sur la lumière perçue par satellite à heure intangible depuis l'espace, produit de la lumière émise directement vers le ciel mais aussi de la lumière réfléchie par le sol. De plus, elle ne traduit pas les impacts de la lumière sur les espèces animales ou végétales, émise à l'horizontale ou vers le bas. En outre, la précision des photos satellitaires conduisant à des pixels d'une largeur de 742 mètres de côté, ne fait ressortir que les grandes zones éclairées en effaçant les contrastes (exemple donné par le Cerema d'un stade fortement éclairé en zone sombre, impactant la faune locale et échappant à l'observation). Enfin, les capteurs photosensibles utilisés pour réaliser ces images ne captent pas les longueurs d'ondes inférieures à 500 nanomètres, en particulier le bleu, très utilisé dans les lampes à Led, particulièrement impactantes pour certaines espèces, ces longueurs d'ondes se diffusant mieux dans l'atmosphère que des lumières plus chaudes. 60 61 Dark Sky Lab, 2018. MNHN, 2018. À la reconquête de la nuit Page 30/106 62 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ · son parc d'éclairage : armoires électriques, réseau, système de gestion, points lumineux (lampes et luminaires) selon les zonages pertinents ; · ses caractéristiques (vétusté, sécurité électrique, efficacité énergétique et lumineuse, impacts environnementaux... cf. les indicateurs évoqués en partie 4) ; · sur l'espace public, les impacts de l'éclairage privé pour alerter utilement les responsables. Chaque collectivité est libre de son administration et d'affiner son inventaire en fonction de ses besoins et projets mais une base minimale commune à toutes les collectivités pourrait être définie, pour permettre la réalisation d'une véritable cartographie et des éléments objectifs de comparaison. Il est clair que les grandes agglomérations ont davantage mis en oeuvre cet inventaire. L'enjeu est d'aider les petites collectivités à le réaliser, d'autant plus qu'elles peuvent y trouver un intérêt pour l'entretien, la gestion et la rénovation de leur parc. Potentiellement, les bases d'une cartographie partagée de la pollution lumineuse existent déjà : · la cartographie issue de l'observation spatiale, gratuite, permet d'en donner une première vision d'ensemble, à pondérer ensuite localement par d'autres mesures ; · différents outils et méthodes de mesure, permettent d'évaluer, assez simplement, la pollution lumineuse vue du sol, en neutralisant les effets de la météorologie63 ; · le géo-référencement des équipements d'éclairage public se développe dans les collectivités et devient une réalité, en particulier dans les agglomérations importantes et moyennes ; · il existe des outils d'analyse et d'intégration numérique progressive des données.64 Différents acteurs peuvent apporter une contribution très utile en la matière : · les syndicats d'énergie au niveau départemental pour développer connaissance géo-référencée des équipements, en appui aux collectivités ; la · Plusieurs établissements publics pourraient investir encore davantage le sujet de la pollution lumineuse : l'Ademe, l'AFB, le Cerema, le CSTB. Si leurs experts se connaissent et travaillent ensemble, le partage des rôles et du pilotage reste pourtant à clarifier. Beaucoup d'interlocuteurs rencontrés par la mission 63 Sources : Cerema, Dark Sky lab, Avex, Serce, Mairie de Lille, 2018. Source : Dark Sky lab, Sébastien Vauclair, 2018. Les données sur l'éclairage artificiel sont aujourd'hui en voie de complétude, à différentes échelles territoriales. L'idée est de commencer avec les données qui existent (données satellitaires, bases de données géo-référencées existantes des collectivités sur l'éclairage, densité humaine, puis par exemple données sur certaines espèces nocturnes, sur les trames vertes et bleues...) en les insérant progressivement dans un outil d'analyse et d'intégration des données. Ce type d'application permettant d'intégrer, de combiner et retravailler des données différentes, commence à être employée et peut alimenter ainsi une vision globale de l'éclairage utile à des politiques territoriales. S'agissant de l'éclairage privé, au-delà d'un premier repérage global, son intégration, faisable à terme, nécessite plus de temps. À la reconquête de la nuit Page 31/106 64 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ mentionnent les progrès à faire en matière d'action souvent pluridisciplinaire, qu'il s'agisse : · du diagnostic, de la concertation et de la validation relatifs à un projet d'éclairage public territorial, nécessitant, en appui des décideurs, l'intervention de professionnels compétents (des syndicats de l'éclairage aux concepteurs lumière, aux écologues et aux éclairagistes), · de la sensibilisation, de l'information, de la formation et du contrôle des différents responsables du sur-éclairement, dans le domaine public comme privé : commerçants, gestionnaires de parkings, zones commerciales et industrielles, et professionnels de l'éclairage, · de la coordination, à différentes échelles territoriales, des plans relatifs à la transition énergétique, à la biodiversité et à l'urbanisme, et de l'évaluation de leur action. L'Ademe est un acteur majeur de référence bien qu'elle s'appuie sur des échantillons représentatifs (dernière enquête construite avec la SOFRES) et non une connaissance exhaustive du parc65. Elle finance des diagnostics, sur la base d'un cahier des charges très précis, intégrant différents paramètres, dont celui de l'énergie et des nuisances lumineuses. Ces diagnostics peuvent donner lieu à des appuis financiers complémentaires via les certificats d'économie d'énergie (CEE). Sous réserve de compléments environnementaux, ce cahier des charges nous paraît de nature à constituer les bases d'un état des lieux de l'éclairage de l'espace public (éclairage public et éclairage privé) selon des modalités à définir de manière réaliste et progressive : géolocalisation des sources, critères communs de cartographie, financement élargi, caractère obligatoire. Le Cerema a entrepris un inventaire exhaustif du parc d'éclairage public français mais estimé trop complexe par les collectivités, ce dernier a été peu renseigné et n'a pas encore donné lieu à une synthèse exploitable. En conclusion, il existe d'ores et déjà les bases pour progresser vers une meilleure intégration des données d'intérêt commun sur l'éclairage extérieur public et privé et ses impacts. Des propositions sont effectuées en partie 4. 2.2.2. Des difficultés d'accès aux données Ce sujet est lié au précédent. S'il existe des données, elles ne sont pas toujours accessibles. La mission a constaté qu'aucun des interlocuteurs rencontrés n'a pu lui apporter des données d'ensemble consolidées sur l'éclairage artificiel et ses impacts. Les données existantes sont hétérogènes et ne peuvent de ce fait être agglomérées à une échelle régionale ou nationale. La commande n'a pu recevoir de réponses sur ce point. 65 Elle effectue une enquête quinquennale périodique, orientée principalement sur le bilan énergétique des collectivités locales qui intègre l'éclairage public, la dernière en date étant Énergie et patrimoine communal 2012, en partenariat avec le groupe énergie de l'AITF et la FNCCR. Elle prépare actuellement l'enquête 2017, dont le prestataire est sélectionné. À la reconquête de la nuit Page 32/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Certaines ONG font depuis des années un très gros travail pionnier de constitution de données sur l'extinction nocturne, les cartes du ciel ou de bibliographie sur la biodiversité, mais ces dernières sont, elles aussi, partielles, non croisées et consolidées. Les données susmentionnées sur l'éclairage restent insuffisamment partagées. La ville de Paris a mis récemment en Open Data ses données principales, dont ses données géolocalisées sur l'éclairage public, accessibles à tout citoyen, d'une rare précision dans chaque rue et pour chaque lampe, lampadaire et mât. Toutefois, chaque collectivité n'a pas aujourd'hui les moyens de s'engager rapidement dans cette direction, sauf à envisager une mission à confier aux syndicats départementaux de l'énergie, sur la base d'un cahier des charges. Pour favoriser cette accessibilité, il pourrait être envisagé d'inciter les collectivités locales à rendre publiques leurs données sur l'éclairage via l'Open Data. Ce projet pourrait être en outre encouragé par l'Ademe, avec l'appui de la FNCCR et du Cerema, pour donner lieu à des synthèses utiles. 2.2.3. L'accélération des mutations technologiques est un levier et un facteur de risques L'accélération technologique est un puissant facteur de changement qui recèle des risques de mise sur le marché de produits disparates aux effets environnementaux et sanitaires non évalués. Elle obéit à une logique économique d'industrialisation des process et de grande distribution, mais aussi, au fur à mesure d'une maturation du marché, d'une sélection qui doit s'accompagner d'une meilleure information des consommateurs et des installateurs d'éclairage, tant sur les produits que sur les précautions d'usage. Ce marché des Leds s'est fortement développé 66. Entre 2016 et 2017, le nombre de lampes Led vendues a ainsi bondi en France de près de 46 %, passant de 87 millions à 127 millions d'unités 67. La pression sociétale, un meilleur étiquetage et la normalisation doivent permettre de nouvelles garanties, sans attendre que le public le plus vulnérable en ait subi les effets à long terme. Ainsi, l'avis de l'Anses de 2010 a favorisé, certes après coup mais assez rapidement, la réduction des pics de bleu de certains produits et l'évolution des normes, auxquels les cahiers des charges des collectivités se réfèrent. L'innovation technologique n'est réellement un progrès que si elle est corrélée avec un meilleur coût complet ou un moindre impact environnemental. La meilleure protection vis-à-vis des nouvelles technologies, reste aussi la vigilance et la capacité des maîtres d'ouvrage à être bien informés et à définir leurs projets d'éclairage en s'interrogeant à chaque fois sur les besoins réels et les impacts. 66 Selon Wikipedia, à partir des années 2000, le seuil des 10 milliards de dollars américains aurait été dépassé en 2010, avec une croissance annuelle de 13,6 % de 2001 à 2012. Selon l'Ademe (avis mis à jour en avril 2017), le marché devrait atteindre 30 milliards d'euros en 2020 (source : Zion research) et les Leds représenteront alors la majorité de l'éclairage. Le développement de cette technologie suivrait ainsi la loi de Haitz, qui prévoit que les performances des Leds doublent tous les 3 ans, pour des prix divisés par 10 tous les dix ans. Source : Syndicat français de l'éclairage, 2018. À la reconquête de la nuit Page 33/106 67 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ 2.2.4. Une politique à piloter et à financer sur tous les enjeux Politiquement : À plusieurs reprises, il a été évoqué plus haut le caractère émergent de la prise en compte de la pollution lumineuse et sa transversalité. Aujourd'hui portée par la direction générale de la prévention des risques (DGPR), la pollution lumineuse concerne également de nombreuses directions du ministère de la transition écologique et solidaire mais aussi d'autres ministères (santé, sports, culture, intérieur...). Certaines directions du ministère de la Transition écologique et solidaire, ne possèdent pas de données et de statistiques suffisantes, malgré un nombre plutôt important d'études et d'articles émanant notamment de structures rattachées à ce ministère. Ces mêmes directions ont peu de contact entre elles sur le sujet et les agents concernés ne se connaissent pas ou peu. La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, votée en 2016, reconnaît les paysages nocturnes comme patrimoine commun de la nation et impose la nécessaire prise en compte de la gestion de la lumière et de la réalité des nuisances lumineuses dans la qualité des paysages. Mais la pollution lumineuse n'est pas, à ce jour, « mise en lumière » auprès du grand public au même titre que la qualité de l'air ou la transition énergétique. Comme ces autres politiques publiques, il semble temps de fixer des objectifs et de suivre leurs évolutions, de conforter et évaluer des études et recherches, de penser éclairage de manière globale, l'État devant demeurer sur cette question stratégique le régulateur le plus pertinent. En effet, certains experts et chercheurs rencontrés estiment que la pollution lumineuse, diffuse et captée par dose homéopathique par l'homme, pourrait causer un préjudice sanitaire et environnemental significatif sur le long terme. La commande du présent rapport par le ministre prépare donc les bases d'une feuille de route intégrant l'ensemble des paramètres de la pollution lumineuse, à laquelle tous les acteurs concernés pourraient être associés. Financièrement : Depuis de nombreuses années, les économies d'énergie ont préempté la prise en compte de la pollution lumineuse comme sujet de fond. Avec l'objectif unique d'efficacité énergétique, il est constaté l'absence de sobriété énergétique et encore moins lumineuse, faute d'avoir pris en compte les besoins réels et les impacts de la lumière. La pollution lumineuse a donc été appréhendée avec une approche quasi uniquement financière de la part des collectivités locales notamment, au titre de la maîtrise des dépenses. L'extinction est une première piste, la modernisation des réseaux aussi, avec un retour sur investissement de l'ordre de 8 à 10 ans. L'État a impulsé différentes aides, soit directement dans le cadre des conventions signées avec les territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV), soit par l'intermédiaire de structures rattachées, type Ademe, sous le seul angle d'efficacité énergétique et d'économies d'énergie. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 34/106 PUBLIÉ Créés en 2006, les certificats d'économie d'énergie (CEE) sont un dispositif « gagnant/gagnant » au bénéfice à la fois des ménages et des entreprises68. Il concerne le secteur public et privé : la rénovation d'éclairage, les systèmes de régulation de tension, les systèmes de maîtrise de la puissance réactive en éclairage extérieur, les systèmes de variation de puissance et les horloges astronomiques. Toutes ces opérations ne concernent ni les illuminations de mise en valeur ni l'éclairage des terrains de sport et les parkings. Les CEE semblent bien identifiés par le secteur public mais encore méconnus du privé. Une nouvelle campagne d'information pourrait être utilement lancée par le ministre du MTES avec l'ensemble des fournisseurs d'énergie pour sensibiliser notamment les acteurs gérant les centres commerciaux et leurs parkings. 2.3. Justifier l'éclairage par la sécurité est une réalité plus sociologique que technique Concernant la sécurité liée à la présence de l'éclairage public, y compris en coeur de nuit, plusieurs idées préconçues sont ici à combattre. Le ministère de l'Intérieur69, rencontré par la mission, n'a pas de position dogmatique et a déjà adapté ses préconisations auprès de ses référents sûreté locaux. La sécurité publique, dont le caractère objectif est issu des statistiques de la délinquance, ne saurait être confondue avec le sentiment d'insécurité, dont le caractère plus subjectif est aussi plus difficile à apprécier. Les données statistiques de sécurité publique sont très fluctuantes, selon le contexte local70. Aucune règle générale de corrélation ne peut donc être dégagée entre non éclairement et insécurité ; l'éclairement a toutefois un impact important sur le sentiment d'insécurité. Il existe un lien nécessaire entre la présence de vidéosurveillance et l'éclairage public puisque l'exploitation judiciaire des images enregistrées n'est possible que si les espaces publics filmés sont suffisamment éclairés71. La bonne démarche consiste à ce que la décision éventuelle d'extinction ou de réduction lumineuse donne lieu à un suivi statistique et soit réversible. Le discours relatif à une recommandation générale d'éclairage systématique doit évoluer vers une adaptation fine selon le contexte. Ainsi, certains parcs publics au sein d'une même ville peuvent être éclairés et d'autres non. En définitive, l'impact de la réduction de l'éclairage public en termes de sécurité publique apparaît surestimé. Une approche pragmatique semble favoriser une 68 L'État impose une obligation à chaque fournisseur d'énergie de faire faire des économies à ceux qui en consomment et notamment aux ménages en situation de précarité énergétique réalisant des travaux de rénovation énergétique. Les particuliers mais aussi les collectivités locales et les entreprises peuvent bénéficier des aides des fournisseurs d'énergie. Les fournisseurs d'énergie ont un volume de CEE à obtenir et à restituer à l'administration d'ici 2020. Si l'objectif n'est pas atteint, le fournisseur d'énergie doit verser de fortes pénalités. Division prévention, partenariats (DDPP) de la sous-direction des missions de sécurité (SDMIS) de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP). Augmentation des faits de délinquance dans les zones non éclairées à Firminy (42) et baisse à Aulnat (63). 20 lux pour permettre l'identification et les couleurs. À la reconquête de la nuit Page 35/106 69 70 71 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ adhésion des populations ainsi qu'une cohérence nécessaire avec l'installation de dispositifs de vidéosurveillance. 2.4. Vers une redéfinition de la pollution lumineuse La pollution lumineuse est une notion générale qui pourrait donner lieu à penser que tout éclairage artificiel dans toute situation est néfaste. Or, un éclairage se définit par rapport à des usages multiples : usage fonctionnel ou de sécurité, de mise en valeur, d'ambiance... Ces usages peuvent se révéler contradictoires ou difficilement conciliables avec un optimum environnemental. L'éclairage artificiel répond en effet à des besoins humains, liés à la vision et à l'activité humaine, ce qui rend l'action sur l'éclairage plus complexe, d'autant que ses impacts sur la santé humaine apparaissent sous-estimés ou encore méconnus. Une redéfinition de la pollution lumineuse nécessite alors la réinterrogation permanente de nos besoins, pour des pratiques plus sobres en énergie et lumière, limitant les nuisances et modérant ou supprimant les éclairages inutiles et dispendieux, en visant des compromis d'usages intelligents et plus équilibrés en faveur de l'environnement nocturne. Source : photo de la mission De ce point de vue, il apparaît à la mission que les marges de progrès sont importantes. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 36/106 PUBLIÉ 3. Les dispositifs actuels : des clarifications à prévoir 3.1. La réglementation actuelle Les dispositifs actuels régissant la pollution lumineuse sont assis sur une réglementation, assortie d'un contrôle, et sur une normalisation. L'annexe 8 énumère plus précisément l'ensemble de la réglementation applicable, tant au titre de la lutte directe contre la pollution lumineuse que pour d'autres textes qui ont un impact concret sur les modalités d'éclairage. 3.1.1. Le dispositif législatif et réglementaire Cette réglementation est issue principalement des lois Grenelle 1 et 2, complétées depuis par les lois de transition énergétique pour la croissance verte (TECV) et biodiversité. Le principe de prise en compte de la pollution lumineuse, inscrit dans ces textes, permet des prescriptions techniques pour l'usage des installations lumineuses qui s'imposent aux exploitants. Au niveau réglementaire, les installations aujourd'hui concernées sont précisées par grande zones et typologies d'éclairage (décret n° 2011-831 du 12 juillet 2011 relatif à la prévention et à la limitation des nuisances lumineuses) : · éclairage extérieur destiné à favoriser la sécurité des déplacements, des personnes et des biens et le confort des usagers sur l'espace public ou privé, en particulier la voirie, à l'exclusion des dispositifs d'éclairage et de signalisation des véhicules ; · éclairage de mise en valeur du patrimoine, du cadre bâti, ainsi que des parcs et jardins ; · éclairage des équipements sportifs de plein air ou découvrables ; · éclairage des bâtiments, recouvrant à la fois l'illumination des façades des bâtiments et l'éclairage intérieur émis vers l'extérieur de ces mêmes bâtiments ; · éclairage des parcs de stationnement non couverts ou semi-couverts ; · éclairage événementiel extérieur, constitué d'installations lumineuses temporaires utilisées à l'occasion d'une manifestation artistique, culturelle, commerciale ou de loisirs ; · éclairage des chantiers extérieurs... En complément de cette énumération, il est prévu un régime plus restrictif pour des zones particulières espaces naturels (parcs nationaux, réserves naturelles et périmètres de protection, parcs naturels régionaux, parcs naturels marins, sites classés et sites inscrits, sites Natura 2000) et les sites d'observation astronomique dont la liste et le périmètre sont fixés par un arrêté du ministre chargé de l'environnement. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 37/106 PUBLIÉ Il existe un seul arrêté relatif à l'éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels afin de limiter les nuisances lumineuses et les consommations d'énergie, celui du 25 janvier 2013. Il prévoit des horaires et modalités d'extinctions de la lumière des éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel, des illuminations des façades des bâtiments et des éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition72. Il instaure un régime de dérogation préfectorale pour des motifs économiques et touristiques. Cet arrêté est en cours de modification, conformément à la décision du conseil d'État n° 408974 du 28 mars 2018 afin de fixer les prescriptions techniques relatives aux diverses catégories d'installations lumineuses, ainsi que celles devant s'appliquer dans certains espaces naturels et sites d'observation astronomique. En matière d'outil de planification pour la lutte contre la pollution lumineuse, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte mentionne la pollution lumineuse dans le plan climat-air-énergie (PCAE) au niveau régional ou intercommunal. La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages mentionne également la préoccupation de la pollution lumineuse dans divers articles, notamment dans la définition de la « trame verte et bleue » et dans les objectifs de qualité paysagère. 3.1.2. La réglementation des enseignes et publicités lumineuses Bien qu'exclus du périmètre de la législation précitée au titre de la prévention de la pollution lumineuse, ces dispositifs lumineux sont néanmoins soumis à un régime restrictif, conformément à la loi Grenelle 2 et au décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012 relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux pré-enseignes. Par principe, toute publicité est interdite sur certains espaces comme les monuments, les sites naturels, les coeurs des parcs nationaux et les réserves naturelles. La publicité (y compris lumineuse) est autorisée dans les agglomérations 73 sauf dans de nombreuses zones particulières autour des sites classés ou autour des monuments historiques classés74. Seul un règlement local de publicité (RLP) peut déroger à ces interdictions. Le décret précise que la publicité lumineuse ne peut être autorisée à l'intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants 75. 72 « Les éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel sont éteints une heure après la fin de l'occupation de ces locaux. Les illuminations des façades des bâtiments sont éteintes au plus tard à 1 heure. Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition peuvent être allumés à partir de 7 heures ou une heure avant le début de l'activité si celle-ci s'exerce plus tôt. Les illuminations des façades des bâtiments ne peuvent être allumées avant le coucher du soleil. Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition sont éteints au plus tard à 1 heure ou une heure après la fin de l'occupation de ces locaux si celle-ci intervient plus tardivement ». Article L. 581-9 du code de l'environnement. Article L. 581-8 du code de l'environnement. Articles R. 581-26.-I. à R. 581-32 du code de l'environnement. À la reconquête de la nuit Page 38/106 73 74 75 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Hors agglomération (au sens de la circulation routière) toute publicité est interdite, avec des exceptions notables pour les aéroports, les centres commerciaux et selon le contenu des RLP 76. La publicité lumineuse respecte des normes techniques fixées par arrêté ministériel, portant notamment sur les seuils maximaux de luminance exprimés en candelas par mètre carré et, sur l'efficacité lumineuse des sources utilisées exprimée en lumens par watt. Il y a donc ici une articulation possible avec les dispositions techniques relatives à la pollution lumineuse. Le code de l'environnement77 spécifie l'extinction des publicités lumineuses en coeur de nuit pour les enseignes lumineuses entre 1 heure et 6 heures du matin avec des règles particulières édictées par les maires pour les unités urbaines de plus de 800 000 habitants. Enfin, la publicité lumineuse et numérique est soumise à des critères de surface 78 et des seuils maximaux de luminance en candelas par mètre carré. La réglementation prévoit donc un dispositif gradué. Le délai pour adapter les installations de publicité lumineuse pour l'extinction en coeur de nuit a été fixé à 6 ans dans la loi79. Son entrée en vigueur a été effective au 1er juillet 2018 pour un texte initial voté en 2010. 3.1.3. Les normes techniques La réglementation relative à l'éclairage comporte des aspects très techniques, principalement sur la voirie routière et la circulation, déclinés par de nombreuses normes tant au niveau français qu'international. Sa conception est exclusivement centrée sur l'amélioration des conditions de circulation. Une politique publique, sur un sujet aussi émergent, ne peut se développer sans recueillir l'adhésion des professionnels du secteur. Ces derniers se réfèrent à ces normes techniques qui font autorité tant sur le plan national, européen qu' international. Reposant sur un mécanisme d'adhésion volontaire, ces normes restent le vecteur idéal pour modifier les pratiques et les approches des professionnels de l'éclairage public. Rapportées à la pollution lumineuse, et à défaut de norme spécifique sur ce sujet, ces normes sont conçues pour d'autres finalités : sécurité routière, écoconception, économies d'énergie (fiches techniques Ademe80), protection à l'exposition excessive des travailleurs, éclairage pour des retransmissions télévisées sportives... 76 Article L. 581-7 du code de l'environnement. Article R. 581-35 du code de l'environnement. Publicité lumineuse : la surface ne doit pas excéder 8 mètres carrés ni dépasser 6 mètres de hauteur à l'intérieur des villes concernées ou des gares et aéroports situés hors agglomération. Publicité numérique : la surface ne doit pas excéder 8 mètres carrés ni dépasser 6 mètres de hauteur si la consommation n'excède pas les niveaux définis par arrêté ministériel, sinon la surface est limitée à 2,1 mètres carrés et de hauteur maximale 3 mètres. 77 78 79 Cf. article 67 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives (1). Efficacité lumineuse 90 lumens par Watt et ULOR 1. À la reconquête de la nuit Page 39/106 80 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ En matière d'éclairage public routier et de voirie, la norme européenne EN 13201 fixe un classement de voiries qui définit pour chacune les caractéristiques de l'éclairage requis : la luminance, l'éclairement, les valeurs cibles minimales et maximales. Une norme expérimentale NF XP 90-013 Nuisances lumineuses extérieures Une norme expérimentale pour calculer les nuisances lumineuses en extérieur a été établie par l'AFNOR en mars 2011. Elle tendait principalement à l'optimisation de la résorption du halo lumineux par les mesures de dispersion de la lumière vers le ciel. Cette norme doit être complétée pour intégrer les évolutions technologiques comme les Leds et n'a pas fait l'objet d'une généralisation d'application du fait d'absence de consensus techniques avec les ONG. Des normes techniques propres à certaines installations, comme les équipements sportifs, recommandées par les fédérations et requises pour la retransmission télévisuelle, sont aussi présentes. La norme NF EN 12193 réglemente donc le nombre de lux pour ces pratiques sportives requises. Le règlement (CE) n° 245/2009 du 18 mars 200981 relatif à l' « écoconception » des lampes définit les « normes » applicables aux ampoules. Il a eu pour effet d'exclure progressivement du marché intérieur européen, par une interdiction de commercialisation : · dès 2012, les lampes fluorescentes lampes sodium haute pression les moins performantes ; · dès 2015, les lampes à vapeur de mercure haute pression appelées aussi ballons fluorescents, les lampes mixtes et les lampes sodium haute pression de substitution aux lampes à vapeur de mercure ; · dès 2017, les lampes fluocompactes à deux broches et les lampes à iodures métalliques les moins performantes. 3.2. Les limites de la réglementation La mission a identifié plusieurs difficultés dans la réglementation actuelle pour appréhender le phénomène de la pollution lumineuse dans sa globalité. 3.2.1. Des réglementations sectorisées et une approche trop partielle de la pollution lumineuse La succession des textes dans diverses lois n'a pas abouti à ce que la pollution lumineuse puisse concerner l'ensemble des installations. Sont ainsi écartées, car 81 Règlement (CE) N° 245/2009 du 18 mars 2009 mettant en oeuvre la directive 2005/32/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences en matière d'écoconception applicables aux lampes fluorescentes sans ballast intégré, aux lampes à décharge à haute intensité, ainsi qu'aux ballasts et aux luminaires qui peuvent faire fonctionner ces lampes. À la reconquête de la nuit Page 40/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ soumises à un droit spécial, les installations de publicités lumineuses, les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et les installations nucléaires, ainsi que l'éclairage relevant des particuliers et les dispositifs d'éclairage et de signalisation des véhicules. Cette approche partielle interroge la mission dès lors que le phénomène de pollution lumineuse apparaît par nature global (halo) et multifactoriel. La mission relève que la volonté du législateur d'appréhender l'ensemble du phénomène de pollution lumineuse a été limitée par les craintes d'une extinction nocturne généralisée, sans que la question de la sobriété ait été réellement posée. Pourtant, il semble à la mission que faire participer une ICPE à la réflexion collective sur l'excès d'éclairage de son installation ne fait pas peser un risque économique sérieux sur la pérennité de son activité elle-même. Des périmètres sectoriels étanches et limités : D'ores et déjà, la réglementation environnementale dévoile ses limites en matière de pollution lumineuse. Ainsi, elle mentionne la préoccupation de la pollution lumineuse, parmi d'autres préoccupations environnementales. Il revient alors au maître d'ouvrage de nourrir par exemple son étude d'impact ou d'incidence d'une analyse relative à la pollution lumineuse lorsque cette pression anthropique a été préalablement identifiée par ses soins. Pour illustration, un récent avis délibéré de l'Autorité environnementale (AE) sur le projet stratégique du grand port maritime de La Réunion mentionne un tel cas, au bénéfice des Pétrels de Barau, dont les plus jeunes sont désorientés du fait d'un éclairage artificiel inadapté82. Le périmètre retenu est à ce jour incomplet et ne tient pas assez compte de l'éclairage privé diffus et aussi nuisible, par exemple les bornes lumineuses alimentées par des panneaux solaires dans les jardins. Enfin, une politique de la lumière autonome est illusoire, tant elle est imbriquée aujourd'hui avec le volet environnemental et énergétique. L'approche est alors davantage d'utiliser les outils déjà existants au profit de la réduction des nuisances lumineuses : réglementation technique, outils de planification notamment. La prévention de la pollution lumineuse doit davantage se « diffuser » dans les autres politiques publiques connexes. 3.2.2. Certaines réglementations, pour garantir l'éclairage, privilégient des seuils très élevés la qualité de La réglementation technique relative à l'éclairage routier, par exemple, est plus ancienne, mais fondée sur une approche différente : il s'agissait de garantir la qualité de l'éclairage notamment des voies de circulation publiques, et non de le réduire. La réglementation technique des équipements a récemment été orientée vers des économies d'énergies, objectif le plus souvent connexe à celui de la sobriété lumineuse. Néanmoins, il existe des effets pervers à la généralisation des nouvelles 82 Avis de l'Autorité environnementale (Ae) du 10 septembre 2014 ­ Projet stratégique du GPM de La Réunion : « L'Ae recommande d'insérer au sein de l'évaluation environnementale une description plus précise de la ZNIEFF et de ses enjeux écologiques et de compléter les impacts sur l'avifaune par des éléments précis concernant l'éclairage et les échouages de pétrels de Barau ». Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 41/106 PUBLIÉ technologies (Leds) qui permettent d'éclairer mieux et davantage avec moins d'énergie, entraînant alors un risque de multiplication des points lumineux. La réglementation issue de la norme ou s'y référant traite aussi avec difficulté la délicate question des seuils d'éclairage. En matière d'éclairage public, des seuils d'éclairage sont prévus par la réglementation ou la norme ; ils sont le plus souvent mis en oeuvre comme des seuils standards minimums qui permettent de faire face à toutes les situations d'éclairement. Il est donc relevé un dévoiement inflationniste des seuils supérieurs, selon l'adage « qui peut le plus, peut le moins ». En revanche, l'instauration de seuils minimum d'éclairage plus adaptés ne fait pas consensus. Souhaités par certains éclairagistes, ils sont dénigrés par les ONG et les concepteurs lumières. 3.2.3. Une confusion du rôle de chaque acteur Le niveau d'intervention entre le niveau communal et intercommunal est ambigu. L'essentiel du poids de la politique publique est portée par les collectivités responsables de l'éclairage public, et notamment les communes. Dans un contexte de création des EPCI ou de modification successive de leur périmètre de compétences, la responsabilité de chacun des acteurs locaux reste floue83. On observe ainsi une certaine réticence des maires, notamment ruraux, à transférer et donc à perdre cette compétence sur l'éclairage public. Cette situation brouille sensiblement la carte des compétences en matière d'éclairage public et du « qui fait quoi ». Le maire a pour mission de veiller à la sûreté, à la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend notamment « l'éclairage » (cf. L 2212- du Code général des collectivités territoriales (CGCT)). Chaque commune exerce sa compétence en matière d'éclairage public de manière autonome, dans le respect de cette disposition, qui prévoit la nécessité de l'éclairage public des voies publiques pour des motifs principalement de sécurité. La marge laissée à l'appréciation du maire est ici significative. L'ambiguïté de périmètre est réelle, selon que l'on rattache l'éclairage public à la commune (en particulier au maire, au titre de sa responsabilité de police de l'éclairage) ou, au niveau intercommunal, auquel cette dernière compétence est souvent exercée comme accessoire de voirie (métropoles, EPCI). Par ailleurs, la compétence intercommunale en matière de voirie ne recouvre pas tout l'éclairage public, notamment celui des parcs et jardins. Les zonages pertinents en matière de pollution lumineuse se situent davantage à un échelon intercommunal (enjeu notamment de la création des trames sombres). Pourtant les communes conservent leur pouvoir de police de l'éclairage public, peu efficient pour lutter contre la pollution lumineuse. On peut illustrer le lien complexe entre éclairage public, réseaux et voiries, en cas de rénovation globale de l'éclairage d'une commune. En effet, dans la pratique, la vétusté 83 Selon la direction générale des collectivités locales (DGCL), le nombre d'EPCI ayant demandé le transfert de compétence « éclairage » concerne 21 métropoles, 11 Communautés urbaines, 28 Communautés d'agglomération et 77 Communautés de communes. À la reconquête de la nuit Page 42/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ du parc d'éclairage communal nécessite souvent des changements complets : il est délicat de modifier les équipements (lampes et mâts) sans intervenir aussi sur les armoires électriques et les différents réseaux d'alimentation. Dès lors que les investissements nécessaires à l'optimisation du parc d'éclairage public sont le plus souvent hors de portée des finances des petites communes, un regroupement au sein d'un syndicat d'éclairage est souvent nécessaire, au détriment de l'autonomie de décision des communes. Ce regroupement n'est pas à ce jour généralisé. L'autre solution est alors de privilégier l'extinction en zone rurale en coeur de nuit, choix retenu dans les zones naturelles les plus vulnérables au plan de la biodiversité84. La mission identifie également que les périmètres spatiaux définis par chacune des politiques sectorielles ne se recoupent pas totalement. À titre d'illustration, pour la prévention de la pollution lumineuse liée à la densité de population, le zonage retenu est celui de l'agglomération. Toutefois, une réglementation particulière comme la publicité peut autoriser des implantations hors zone urbaine agglomérée, distincte de l'agglomération au sens du code de la route. Cette notion d'agglomération au sens du code la route n'est donc pas opérationnelle pour répondre aux enjeux de la pollution lumineuse. Ainsi, certains centres commerciaux limitrophes mais parfois extérieurs aux agglomérations ne sont pas couverts. La planification de la publicité repose aussi sur un règlement local de publicité (RLP), généralement plus prescriptif, mais non harmonisé avec l'approche de la pollution lumineuse85. Les textes actuels sur la pollution lumineuse reprennent la distinction en agglomération ou hors agglomération, en ajoutant un niveau supplémentaire, celui des espaces naturels et des sites d'observation astronomique. Implicitement, l'approche globale de la lutte contre la pollution lumineuse est ici graduée dans l'espace avec un postulat : les zones les moins urbanisées sont davantage à protéger ; le constat corollaire est que la lutte contre la pollution lumineuse en milieu dense et urbanisé n'est pas la plus prioritaire. C'est ainsi que la publicité lumineuse y est la plus autorisée. En outre, la catégorisation des espaces se révèle contre-productive si elle est trop complexe ou trop subtile. Ainsi, en matière d'éclairage pour l'accessibilité des personnes à mobilité réduite (PMR), un certain nombre d'installations ont été surdimensionnées et sont donc inadaptées. Pour un cheminement accessible au sens de la réglementation PMR, les exigences d'éclairage à 20 lux ont été appliquées, par défaut, à tous les cheminements autour d'un établissement recevant du public (ERP). De même, la catégorisation des terrains de camping en installations ouvertes au public (IOP)86 implique un éclairage normalisé à 20 lux sur l'ensemble des zones accessibles, c'est-à-dire sur la quasi-totalité de leur surface. Pourtant, un camping souvent situé en zone naturelle est un lieu de repos où il semblerait souhaitable d'avoir de très faibles niveaux d'éclairage. 84 85 Zone de parc national, régional, Natura 2000, arrêté biotopes... En effet, une agglomération, selon l'article R. 110-2 du code de la route désigne un espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés, signalé par des panneaux d'entrée et de sortie. Les IOP sont des espaces, lieux ou équipements qui, bien que non concernés par les règles de sécurité du fait de leur nature ou de leurs caractéristiques, n'en doivent pas moins être rendus accessibles. À la reconquête de la nuit Page 43/106 86 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Les critères démographiques ou des surfaces sont donc nécessaires mais non suffisants pour répondre aux enjeux de la pollution lumineuse. Une absence d'outil intégrateur de la pollution lumineuse : Cette absence d'outil intégrateur peut être illustré par le défaut de planification partagée entre la pollution lumineuse et la publicité lumineuse. Pour traiter un phénomène de pollution lumineuse dont la responsabilité est partagée partiellement entre éclairage public et publicités lumineuses, aucune planification d'ensemble n'est prévue. Les RLP sont encore facultatifs et peuvent être communaux ou intercommunaux. Ils reposent sur un volontariat des collectivités et ne sont pas intégrés au plan local d'urbanisme (PLU). Aujourd'hui, les RLP sont loin d'être majoritairement adoptés puisqu'il n'existe en 2016, d'après la DHUP, que 63 règlements locaux de publicité intercommunaux (RLPI) en 2016 et 1 604 RLP communaux87. Les « schémas d'éclairage » ou « plans lumière » cités par plusieurs acteurs rencontrés par la mission sont majoritairement relatifs à de simples projets de rénovation d'éclairage public, proposés par les fabricants ou installateurs, dont les intérêts ne sont pas neutres. Ces « plans lumière » n'ont aucune portée normative ni prescriptive (hormis celle que les élus locaux lui donnent), sont indépendants du RLP, et non repris dans un quelconque volet du PLU. La prise en compte de la pollution lumineuse ne se traduit pas dans le contenu opérationnel du PLU à l'occasion de la création de voies nouvelles ou de bâtiments comprenant un éclairage extérieur. Bien qu'il existe déjà des projets d'aménagement et de développement durable (PADD) prévoyant des préoccupations environnementales dans les documents d'urbanisme, le contenu du règlement du PLU est bien souvent muet sur la pollution lumineuse. Ainsi, les permis de construire ou les autorisations d'aménager ne peuvent comprendre aisément des préconisations en termes d'éclairage d'une voie privée dans un lotissement. Les limites d'un outil intégrateur sectoriel d'efficacité énergétique : Le seul autre outil intégrateur est celui de l'efficacité énergétique, qui n'offre pas à la pollution lumineuse la place qui lui revient. Une fois l'objectif d'efficacité énergétique atteint, le réexamen de l'excès d'éclairage éventuel est ensuite inexistant. De plus, la pollution lumineuse ne favorise pas l'optimisation de l'efficacité énergétique (ex : aujourd'hui les lampes ambrées sont plus efficaces pour préserver la biodiversité mais encore légèrement plus chère), le coût le plus modeste possible de l'éclairage demeurant le premier critère. Une autre limite est constatée lorsque la réglementation énergétique est trop timide dans son calendrier de mise en oeuvre. Ainsi, le règlement (CE) n° 245/2009 du 18 mars 2009 relatif aux exigences en matière d'écoconception applicables aux lampes n'a pas été jusqu'à interdire l'usage des lampes déjà présentes dans les stocks, souvent pour plusieurs années. La réglementation sur l'écoconception n'a donc accéléré que très partiellement la mise à niveau du parc d'éclairage et n'est pas un levier immédiat d'incitation à la rénovation, pour un gestionnaire disposant de stock. 87 Avec une moyenne de 5 communes par EPCI + 315 + 1604 = 1919 communes volontaristes sur la maîtrise de la publicité (notamment lumineuse) sur leur territoire, sur 35 416 communes. À la reconquête de la nuit Page 44/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Sur la nécessité de compléter la réglementation : Aujourd'hui, le dispositif réglementaire est assis sur un niveau législatif qui nécessite des textes réglementaires de complément 88. Bien qu'un cadrage existe pour limiter le nombre de textes prescriptifs, l'existence de la prévention de la pollution lumineuse dans la loi génère une certaine inflation normative, sans que, par ailleurs, les autres textes soient harmonisés. Les limites de la normalisation technique : L'approche de la prévention des nuisances lumineuses est centrée sur les normes techniques, moyen de progrès par la rénovation du parc public d'éclairage. Ce moyen incite à faire de la normalisation technique le vecteur privilégié de diffusion de la prévention de la pollution lumineuse auprès des professionnels ; cette piste est aujourd'hui limitée par l'absence d'articulation entre la réglementation et les normes. En effet, la réglementation obligatoire sur la pollution lumineuse n'est pas formellement adossée aux normes, rendant leur respect incertain et aléatoire. L'accès à la norme est en effet payant, ce qui dissuade cet adossement. De plus, l'application des normes techniques n'a pas été encouragée par la réglementation. Celle-ci n'a pas, à ce jour, imposé une mise à niveau générale du parc d'éclairage dans un délai contraint. Ce n'est qu'à l'occasion de la rénovation de chaque réseau et de ses équipements, que sa normalisation peut intervenir, selon le choix du gestionnaire ou du maître d'ouvrage (cf. sujet des stocks d'ampoules interdites ci-avant). La mission constate qu'une norme expérimentale (X90-013) avait été élaborée lors du Grenelle de l'environnement mais n'a pas été généralisée par la suite, car inappropriée selon certaines ONG. Il semble regrettable à la mission que ce projet n'ait pas abouti. Un aspect significatif de l'approche des normes techniques est celle de l'éclairage public des voies de circulation. Pour des motifs de sécurité de circulation (routière et des piétons), l'éclairage le plus complet et le plus homogène possible est systématiquement recherché, en application de la norme EN 13201 précitée. Cette norme révisée en 2015 ne s'applique pourtant qu'à l'occasion de travaux neufs et n'influe guère sur le réseau déjà en place, ce qui n'est guère propice à la remise en cause de la densité de l'éclairage actuel sur les routes. La mission relève également que les normes de voirie sont par nature évolutives. Une voie avec un certain niveau de trafic peut être déclassée, si le trafic est trop ponctuel, ou si la part des piétons est supérieure à celle des véhicules. Pourquoi maintenir un éclairage de haute intensité pour un nombre de véhicules/nuit réduit ? Un réexamen régulier de la pertinence de la classe d'éclairage routière pourrait s'avérer utile pour minorer d'autant la pollution lumineuse. Par ailleurs, bien que la norme NF EN 6247 en matière de photobiologie (seuils de lésions imputables à une exposition lumineuse intense), soit plutôt rassurante pour la santé humaine89, elle paraît en retrait des travaux de l'Anses, notamment pour la corrélation entre la température de couleur et les risques liés à la lumière bleue. 88 Suite à l'arrêt du Conseil d'État, il est impératif de prendre l'ensemble des arrêtés nécessaires pour fixer les prescriptions techniques prévues aux articles L. 583-1 et L. 583-2 du code de l'environnement relatives aux diverses catégories d'installations lumineuses définies par l'article R. 583-2 du même code, ainsi que celles devant s'appliquer, en vertu de son article R. 583-4, dans certains espaces naturels et sites d'observation astronomique. À la reconquête de la nuit Page 45/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ 3.2.4. La question des contrôles et des moyens mis en oeuvre Un fait punissable à préciser : Le régime de sanction prévoit une mise en demeure et une sanction administrative de 750 euros. Pour la mission, le fait punissable est à préciser afin de savoir si cette amende administrative est applicable pour chaque lampe non conforme ou globalement. Or, le concept « d'installation lumineuse » utilisé n'est pas toujours aisément individualisable pour un éclairage public. Prise isolément, l'amende administrative encourue ne semble pas réellement dissuasive. Une absence totale de mise en oeuvre qui interroge : Dans les faits, en matière de pollution lumineuse, aucune sanction administrative n'est appliquée, tant auprès des particuliers, des entreprises ou des collectivités. Cela concerne à la fois la police relevant des communes mais aussi celle de l'État. Dans ce contexte, le caractère dissuasif de la sanction encourue est totalement dilué. D'où une impunité de fait, ne favorisant pas la prise de conscience de la pollution lumineuse par les acteurs notamment économiques. Pour mémoire, d'autres dispositifs répressifs sur des sujets environnementaux (air/énergie) trouvent leurs limites opérationnelles dans les communes : ainsi, sur le brûlage à l'air libre des déchets verts, pourtant puni d'une amende de 450 euros90. Un régime répressif à clarifier : Il semble étonnant que des sanctions pénales soient prévues à l'encontre de la publicité lumineuse, et non pour la pollution lumineuse stricto sensu, bien que ces faits punissables soient très proches. La mission considère que la sanction des excès d'éclairage doit être harmonisée, et qu'un choix unique de nature de sanction est à opérer entre la voie administrative et la voie pénale. Un premier choix entre le régime de sanction applicable à la pollution lumineuse et celui de la publicité lumineuse semblerait déjà une étape significative et porteuse de bon sens. Ce choix est délicat, dès lors qu'aucune voie répressive n'est idéale. L'avantage d'un dispositif répressif judiciaire est de prévoir les faits punissables de manière précise : chaque enseigne lumineuse correspond à une infraction distincte, et son maintien est également punissable91 . En outre, l'ensemble des agents habilités à dresser procès verbal est précisé, au titre de la police générale ou de chacune des polices spéciales. (cf. article L. 581-40 du code de l'environnement) dont les inspecteurs de l'environnement. L'existence d'une infraction pénale conditionne le constat par les autorités judiciaires de la présence nuisible de l'installation lumineuse et des poursuites, à la suite d'un dépôt de plainte, voire d'une citation directe. Or, les priorités de répression des 89 La norme NF. EN. 62 471 fixe les limites issues de données expérimentales et pondérées par un facteur minorant de 5 à 10 fois les énergies nécessaires à produire des lésions observables. L'absence de prise en compte des expositions répétées est ainsi criticable. Cf. circulaire du 18 novembre 2011 relative à l'interdiction du brûlage à l'air libre des déchets verts. Article L. 581-34 du code de l'environnement : I. ­ Est puni d'une amende de 7 500 euros le fait d'apposer, de faire apposer ou de maintenir après mise en demeure une publicité, une enseigne ou une pré-enseigne :(...) III. ­ L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de publicités, d'enseignes ou de pré-enseignes en infraction. À la reconquête de la nuit Page 46/106 90 91 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ procureurs sont aujourd'hui peu orientées vers les infractions environnementales de faible niveau (contravention). Les réticences sont multiples. A titre d'illustration, l'effectivité juridique du régime de la répression des publicités lumineuses illégales, a été reportée de 6 ans par le législateur (cf. supra), ce qui démontre la sensibilité économique du sujet et les difficultés à voir émerger un arbitrage rapide. La citation directe n'est envisageable en réalité que si l'auteur, personne physique, responsable du maintien de l'éclairage inutile, est nommément et sans aucun doute, identifié. Elle mobilise aussi des frais d'huissiers et de consignations dissuasifs. Bien que la sanction administrative actuelle ne prenne pas assez en compte le caractère à la fois temporaire et répété de l'éclairage excessif (pas de récidive), elle offre l'avantage de la simplicité et d'un quantum de peine plus adapté aux nouveaux enjeux de la pollution lumineuse, ainsi qu'une possibilité d'astreinte. La réglementation des ICPE : Un exemple de sanction administrative efficace Bien que la réglementation des ICPE soit hors champ des dispositions générales relatives à la pollution lumineuse, la mission constate que cette préoccupation a été réintroduite dans les réglementations locales les plus exigeantes, c'est-à-dire les arrêtés préfectoraux : autorisation et enregistrement des ICPE. De même, le modèle d'arrêté type et de catalogue de prescription de la DGPR prévoit des prescriptions précises en matière de pollution lumineuse92. Il y a eu déjà des précédents de mise en oeuvre de police ICPE pour non respect des prescriptions de l'arrêté d'autorisation en matière d'orientation des éclairages par exemple pour l'éclairage d'un champ de ferraillage, à la suite des « plaintes » du voisinage pour lumière intrusive. Le poids des sanctions propres au régime ICPE comme la suspension ou le retrait de l'autorisation d'exploiter renforce alors l'efficacité du discours préventif et des contrôles. Ce précédent semble démontrer l'efficacité d'une sanction administrative rarement mise en oeuvre mais réellement dissuasive auprès des exploitants. Une sanction administrative reste plus simple à formaliser et peut comporter des astreintes, modalités d'accompagnement accélérant la réactivité des personnes. Le même dispositif de sanction administrative fonctionne déjà avec succès pour l'affichage publicitaire extérieur (avec astreinte). Pour la mission, mieux vaut une amende administrative effectivement recouvrée plutôt qu'une sanction pénale théorique jamais appliquée ! 92 Chapitre 1.1 Émissions lumineuses : « les éclairages intérieurs des locaux sont éteints une heure au plus tard après la fin de l'occupation de ces locaux ; les illuminations des façades des bâtiments ne peuvent être allumées avant le coucher du soleil et sont éteintes au plus tard à 1 heure. Ces dispositions ne sont pas applicables aux installations d'éclairage destinées à assurer la protection des biens lorsqu'elles sont asservies à des dispositifs de détection de mouvement ou d'intrusion. L'exploitant du bâtiment doit s'assurer que la sensibilité des dispositifs de détection et la temporisation du fonctionnement de l'installation sont conformes aux objectifs de sobriété poursuivis par la réglementation, ceci afin d'éviter que l'éclairage fonctionne toute la nuit. ». À la reconquête de la nuit Page 47/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ En effet,93, les officiers de police judiciaire ou agents publics assermentés peuvent légalement intervenir, avec une difficulté de mobilisation la nuit, pour constater des infractions ou des comportements gênants assimilés à de simples incivilités. En comparaison, ce caractère mineur peut devenir majeur en cas de trouble avéré à la quiétude du voisinage (tapage nocturne) où les services de police municipale interviennent bien à la demande des riverains. Il en est de même pour les agents de l'Office national de la chasse et de la faune Sauvage (ONCFS) qui peuvent intervenir contre le braconnage de nuit. Ainsi, l'alerte citoyenne semble un appui utile à la mobilisation des autorités compétentes détentrices du pouvoir de police. Par conséquent, la commune doit favoriser la possibilité de recueillir des informations, y compris par internet ou SMS, lui permettant d'aviser les personnes responsables du maintien de la lumière excessive, déjà prohibée pour les commerces ou les bureaux, et les publicités lumineuses en coeur de nuit. En outre, l'exemplarité de quelques condamnations ou amendes administratives suffirait pour que la prise de conscience locale se généralise. Pour la mission, la présence dans la réglementation d'un dispositif répressif offre une base pour une action efficace, conditionnée par une forte impulsion locale et politique, tant au niveau des services de l'État que des élus locaux, en cas d'échec d'une démarche pédagogique. 3.3. De belles initiatives qui se développent De nombreuses bonnes pratiques existent aujourd'hui et s'avèrent efficaces. Certaines sont davantage développées en annexe 5. Elles portent sur : · la cartographie et la mesure de la pollution lumineuse par satellite et vue du sol et le développement correspondant d'outils de mesures ; · le développement expérimental des travaux sur les trames sombres, réalisés par plusieurs parcs naturels nationaux et régionaux avec l'appui de l'AFB et du MNHN, et par plusieurs villes, susceptibles d'être intégrés à des documents d'urbanisme et à un plan d'aménagement de la lumière. Ces trames sont parfois calées sur des données d'observation relatives à des espèces lucifuges ; · le diagnostic du biotope local, préalable à un projet d'éclairage concret ou à des mesures concernant l'éclairage public et privé : La Réunion (atlas spatialisé des risques d'échouage) ; · la géolocalisation des matériels et implantations du parc d'éclairage artificiel, par les communes, notamment avec l'appui des syndicats d'énergie ; · l'accès en open data des données géolocalisées (Paris) ; · différentes démarches permettant d'ajuster au plus près le besoin d'éclairage public in situ, en intégrant le ressenti de la population dans le projet d'éclairage 93 Le régime de contrôle de l'État envers les collectivités est articulé avec celui de la « police spéciale de l'État ». Conformément à l'article L. 583-3 les contrôles de police relèvent « de la compétence du maire sauf pour les installations communales, définies selon leur puissance lumineuse totale, application, zone et équipements, pour lesquelles ce contrôle relève de la compétence de l'État. Ce contrôle est assuré par l'État pour les installations, selon leur puissance lumineuse totale, application, zone et équipements soumis à un contrôle de l'État au titre d'une police administrative spéciale ». La circulaire du 5 juin 2013 ne traite pas ce sujet. À la reconquête de la nuit Page 48/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ public, avec notamment les marches nocturnes en amont des arbitrages d'un projet d'éclairage public ; · des démarches expérimentales (études-actions) donnant lieu à des guides, intégrant mesure du halo lumineux et du biotope, impacts des différents dispositifs et matériels d'éclairage et propositions alternatives ; · le développement, par certaines agglomérations, de plans lumière plus environnementaux ; · le développement par des villes petites ou moyennes de stratégies ambitieuses pluriannuelles et rentables de renouvellement complet de leur parc intégrant économie, énergie et sobriété environnementale ; · la sensibilisation croissante des élus aux impacts environnementaux de la lumière à partir de démarches d'extinction en coeur de nuit, associées à l'abaissement des puissances et au renouvellement partiel du parc ; · le développement associatif des labels environnementaux valorisant les démarches exemplaires (label international RICE pour les réserves de ciel étoilé des parcs naturels du Pic du midi et des Cévennes mais aussi labels valorisant des pratiques locales de sobriété lumineuse sur différents territoires) ; · l'apparition d'un nouveau métier, aujourd'hui mature, celui de concepteur lumière, indépendant des fabricants ; · le développement de nouvelles solutions numériques, de gestion fine de l'éclairage ; technologiques, notamment · les solutions techniques alternatives à l'éclairage routier (catadioptres éclairés par les phares rendant visibles les obstacles). La plupart de ces pratiques bénéficient d'appuis de différents organismes, tant méthodologiques que financiers, que ce soit par l'Ademe, l'AFB et le MNHN, les ONG, voire l'Europe, l'État ou les régions. Elles ne constituent pas toutefois une politique nationale, certaines démarches étant encore expérimentales ou rares. La plupart des collectivités rencontrées insistent sur le besoin de repères nationaux et la question des moyens. Source : mission Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 49/106 PUBLIÉ 4. Un plan d'actions pragmatique pour « une sobriété lumineuse » La France, est certes touchée par la pollution lumineuse, mais dans une moindre mesure que ses voisins belges ou allemands, pays plus densément peuplés. Elle a réellement la possibilité de mener à temps une action cohérente pour corriger et prévenir des effets à terme plus difficilement réversibles pour l'environnement et porteurs de conséquences indirectes coûteuses. Une politique ambitieuse et intégrée est indispensable au regard des enjeux. Avec réalisme et pragmatisme, des moyens d'actions à 5/10 ans peuvent être envisagés. Le coût de cette politique est immédiat, programmable dans le temps et amortissable. La mission peut aisément dire que sobriété énergétique ­ plus souvent mise en avant ­ et sobriété lumineuse vont de pair. Une feuille de route pourrait être ainsi écrite sur la base du plan d'actions proposé ci - dessous. Au regard de la dimension très transversale des actions en matière d'éclairage, il a été fait le choix de bien identifier les différents principaux acteurs impliqués. En annexe 4, figure un tableau croisé des approches par nature d'intervention (réglementaire, normative...) et par type d'acteur. 4.1. Un besoin de connaissance et de méthodes communes 4.1.1. Des éléments de connaissance à rassembler et à mieux partager : Il apparaît nécessaire, au vu des éléments précédents, d'approfondir, de rassembler et de disposer de : · recherches scientifiques interdisciplinaires et d'études in situ, notamment opérationnelles, pour faciliter les diagnostics et les actions, associant sans tabou le temps long des chercheurs et celui, plus court, des fabricants ; · revues scientifiques périodiques systématiques et indépendantes (par exemple tous les cinq ans), cotant objectivement les recherches et facilitant leur valorisation, avec une volonté et un appui financier de l'État. Deux pistes d'application principales apparaissent, au plan opérationnel, sur : · le respect du principe de prévention, déjà en partie intégré par les professionnels et les collectivités maîtres d'ouvrage (en particulier pour les Ulor) mais à mieux partager sur les cahiers des charges types ; · le développement de diagnostics locaux transposables sur la biodiversité pour faciliter les études d'impacts préalables à des projets d'éclairage significatifs. Cela paraît d'autant plus envisageable qu'existent en la matière des référents et des capacités d'animation, au niveau national et dans les parcs naturels avec l'AFB. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 50/106 PUBLIÉ Cette approche suppose un minimum de données (atlas, trames) recueillies en amont à l'échelle d'un territoire, intégrant les déplacements de la faune et pointant les espèces à protéger selon les différents milieux naturels. À la Réunion par exemple, la très bonne identification d'espèces menacées comme le pétrel ou le puffin, a favorisé l'action sur l'éclairage pour la biodiversité. Au plan de la santé humaine, les travaux de l'Inserm et de l'Anses sur les impacts de la lumière artificielle et de son usage sont de nature à faire progresser la connaissance. Il paraît important d'encourager davantage leur valorisation et leur diffusion auprès du grand public, leur prise en compte dans les plans santéenvironnement et dans la normalisation française et européenne, au regard notamment de l'effet positif du dernier avis de l'Anses (diminution des pics de bleu). 4.1.2. Une cartographie nécessaire pour envisager des actions priorisées La cartographie de l'éclairage et de ses impacts conditionne des diagnostics partagés et une action publique priorisée à différentes échelles territoriales. À court terme, il est proposé de recenser les matériels, installations et pratiques de gestion et de développer la géolocalisation des sources lumineuses par les collectivités. Un arrêté pourrait être pris et une aide au diagnostic, déjà existante, poursuivie et ciblée sur les petites collectivités, sur la base d'un cahier des charges révisé (Ademe, DGPR). L'Ademe, dont le 1er « e » signifie « environnement » et non pas « énergie » comme on pourrait facilement le penser eu égard à ses actions fortement visibles sur les économies d'énergie, pourrait porter ce projet d'inventaire. L'autonomie financière de cette agence faciliterait une mise en oeuvre rapide. À l'instar des réseaux souterrains, la géolocalisation des données du parc lumineux public pourrait être exigée réglementairement sur des bases minimales à définir. Il paraît souhaitable à la mission, en lien avec la FNCCR, et avec l'appui du Cerema au regard de son expertise, que cet inventaire cible dans un premier temps les luminaires boules et lampes les plus énergivores et nocives. Pour favoriser une vision d'ensemble (intercommunale, régionale et nationale) et prendre en compte l'éclairage public et privé, il est proposé de s'appuyer sur les cartographies lumineuses issues de l'observation spatiale en les pondérant des données recueillies au sol dans des territoires représentatifs et de celles relatives à l'urbanisation. Les travaux déjà réalisés dans les territoires les plus avancés pourraient être utilisés à cette fin et un appel à projet pourrait être lancé au niveau national (Ademe, Cerema). Ce travail d'observatoire pourrait être mené par l'Ademe avec l'appui du Cerema, sous le pilotage d'un conseil « lumière » préparé par la DGPR avec la DGALN/DEB, en s'appuyant, le cas échéant, sur un bureau d'études sélectionné par appel à projet. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 51/106 PUBLIÉ 1. Rendre systématiques des synthèses de l'état des connaissances scientifiques sur l'impact des nuisances lumineuses (DGALN, AFB). Mettre en place une cartographie nationale des points lumineux extérieurs à partir des observations spatiales, pondérées par des données locales au sol. Y associer un inventaire géolocalisé des sources lumineuses publiques (DGPR, Ademe). 4.2. Comment intéresser les particuliers et donc le grand public ? 4.2.1. Par la sensibilisation, l'éducation, la formation et l'information Au regard de la prise de conscience plutôt lente de la population sur la pollution lumineuse et du caractère sociétal de la nuit, il semble nécessaire pour la mission de renforcer notablement la sensibilisation des publics à ce sujet. Le passage d'un éclairage généralisé à un éclairage sobre semble être pour la mission une question de génération et un travail de long terme. En effet, la rénovation globale du parc d'éclairage public au rythme actuel est prévue sur une période supérieure à une classe d'âge (30 ans). Quant à l'impact de la pollution lumineuse sur la biodiversité, il apparaît à la mission encore largement méconnue du grand public. La communication vis-à-vis des générations futures sur ces sujets de développement durable a jusqu'à présent été dirigée sur des axes très visibles comme les déchets et le tri sélectif par exemple. Il semble opportun de prévoir une évolution du contenu des programmes scolaires en matière de biodiversité en y intégrant la lumière excessive. Il existe d'ailleurs une réelle opportunité avec le discours médiatique actuel sur les excès d'écran (lumière blanche et bleue) pour les plus jeunes. Sur le plan de l'éducation, des expériences pédagogiques pourraient être menées ; des promenades nocturnes en classe verte ou non, avec ou sans les parents pourraient constituer des étapes de sensibilisation et d'éducation des populations aux enjeux de la reconquête de la nuit. Pour la mission, des actions de sensibilisation et de formation des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux en charge de l'éclairage public paraissent particulièrement nécessaires pour privilégier une approche d'adhésion plutôt que de sanction. De même, l'information du public peut être améliorée par une meilleure lisibilité des normes photo-biologiques : le risque zéro de la norme NF EN 62471 n'apparaît pas systématiquement sur l'étiquette des ampoules, mais seulement lorsque ce niveau n'est pas atteint. Le public ne dispose pas de signalétique complète lui permettant de savoir quel est l'impact sur la biodiversité et la santé humaine de l'utilisation des ampoules. La mission estime nécessaire de signaler l'impact des ampoules sur l'environnement, notamment des Leds, et suggère qu'une réflexion soit engagée sur l'évolution de l'étiquetage, faisant état clairement de la pollution lumineuse. 4.2.2. Par la concertation Pour tout changement qui touche le quotidien de nos concitoyens, la concertation est aujourd'hui une démarche reconnue et réclamée qui s'avère le plus souvent efficace. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 52/106 PUBLIÉ Sur le thème de la pollution lumineuse, la mission a constaté plusieurs niveaux de concertation réalisés notamment par les élus locaux auprès de leurs administrés : · pas de concertation, si ce n'est un débat au sein du conseil municipal et une délibération à la disposition de tous, · une concertation minimum avec les associations concernées sans prise en compte particulière des habitants, · une vaste concertation, accompagnée d'actions pédagogiques et d'une implication effective des habitants (balades nocturnes à Lille). La mission propose de généraliser la concertation de la population ; elle pourrait comprendre une notion de budget participatif. Les administrés seraient incités à prioriser les actions et les investissements financiers. Une concertation pourrait être également engagée avec les réseaux ou associations sportives et culturelles, par exemple avec l'association des élus du sport (ANDES), pour les stades des petites communes, qui nécessitent une vigilance particulière, les niveaux d'éclairage étant souvent élevés au regard du besoin. 2. Sensibiliser les publics aux enjeux de la pollution lumineuse par la formation, l'information (évolution de l'étiquetage) et par l'association des citoyens aux décisions d'investissement et de gestion. 4.3. Les entreprises et services, des parties prenantes incontournables (y compris publicitaires) La lumière extérieure, qu'elle soit publique ou privée, génère différents impacts économiques puisque le secteur représente aujourd'hui de nombreux emplois en France. Cette filière structurée par différentes instances nationales a bien évidemment l'ambition de développer ses marchés grâce à la recherche et l'innovation. Elle a conscience aussi des enjeux qui se jouent et pourrait en tirer profit avec, à la clé, la création de nouveaux emplois et métiers dits de la croissance verte. La mission a souligné dans le présent rapport l'utilité de faire appel à des professionnels de l'éclairage comme des concepteurs lumière. Il n'existe, à ce jour, aucune formation diplômante reconnue par l'État ou qualifiante en la matière. Les concepteurs lumière viennent principalement du monde du spectacle vivant et de l'architecture. Les professionnels ont souligné fortement ce manque. Les ministères en charge de la culture et de l'enseignement supérieur pourraient proposer la création d'une formation diplômante ou d'une spécialité dans le cursus des étudiants en architecture, trop peu sensibilisés à ces questions. En outre, une sensibilisation accrue pourrait être dispensée auprès des professionnels à travers la formation des installateurs et vendeurs via les fédérations, syndicats et associations professionnels (AFE, FFB, CAPEB, Medef). Par ailleurs, la pollution lumineuse pourrait être intégrée dans la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) qui désigne leur prise en compte volontaire des enjeux environnementaux, sociaux et éthiques dans leurs activités. Les interactions internes (salariés, dirigeants) et externes (fournisseurs, clients) seraient ici l'occasion de mobiliser et de valoriser facilement des actions concrètes. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 53/106 PUBLIÉ 4.3.1. La normalisation, une demande des entreprises Le chantier de la normalisation technique devrait être repris, tant au niveau européen que national. Au niveau européen, comme vu au point 3.2, l'impact que produit la normalisation européenne sur les fabricants d'ampoule est significatif. Ainsi, la directive « écoconception » de 2009 continue d'orienter le marché des ampoules avec l'interdiction de ventes d'ampoules halogènes depuis le 1er septembre 2018. Les autorités françaises pourraient susciter une actualisation de la normalisation européenne en matière d'éclairage impactant la biodiversité, par exemple sur les températures de couleur des Leds. Au niveau national, l'ensemble des acteurs relèvent la grande technicité du sujet, ce qui milite pour la relance des travaux de normalisation de la norme X90-013 déjà évoquée. De même, la norme applicable à l'éclairage des installations sportives NF EN 12193 pourrait être complétée avec un niveau de kelvin pour la température de couleur. Ce complément permettrait de savoir, pour cette norme de 2008, si les caméras TV d'aujourd'hui nécessitent toujours autant d'éclairage. Selon les avancées de ce chantier de normalisation, il pourrait être envisagé d'en adosser le contenu à la réglementation elle-même. Enfin, la normalisation doit être reprise dans les cahiers des charges des collectivités maîtres d'ouvrage. Ils sont en effet à actualiser, notamment pour y insérer les températures de couleur (2700 Kelvin maximum) et spectres lumineux les moins impactants. 3. Utiliser et compléter la normalisation, comme un outil efficace de la prévention de la pollution lumineuse, en collaboration avec le monde économique et les ONG. 4.3.2. La réglementation : un nécessaire rapprochement des textes en vigueur Il semble délicat, sur un sujet encore aussi émergent, hormis la prise d'arrêtés d'application des décrets existants en cours, de compléter la réglementation de manière trop sensible par rapport aux dispositions en vigueur déjà opposables aux particuliers et surtout aux collectivités. La mission relève également que les élus locaux disposent de certains moyens juridiques d'actions qui n'ont pas été encore pleinement utilisés. Ainsi, des nouveaux lotissements qui font l'objet d'un permis d'aménager peuvent déjà nécessiter, selon leur taille, une étude d'impact environnemental. Ils doivent aussi comporter un projet architectural, paysager et environnemental94 qui reste à développer sur la qualité environnementale de l'éclairage. Aussi, il est proposé de mobiliser pleinement les outils déjà existants, tout en intégrant davantage la prévention de la pollution lumineuse dans l'ensemble des réglementations concernées. 94 Réf : article R. 442-5 du code de l'urbanisme. À la reconquête de la nuit Page 54/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Une harmonisation des réglementations sectorielles concernant des équipements ou des installations ayant le même impact négatif en termes d'éclairage excessif apparaît particulièrement nécessaire. En conséquence, il est proposé que l'accent soit mis sur l'éclairage public excessif, par la suppression des ampoules et des équipements lumineux associés les plus néfastes, et sur la publicité lumineuse ; cette dernière apparaît comme un risque susceptible de croître de manière exponentielle en milieu urbain. Cette harmonisation doit être source de simplification réglementaire, et non de complexité supplémentaire. Ainsi, elle pourrait prévoir l'utilisation de seuils techniques communs et consensuels (sur la puissance lumineuse, l'orientation des lampadaires ou la température de couleur, inscrits dans la réglementation ou dans des normes d'éclairage à actualiser sur le plan environnemental). Par ailleurs, nous sommes tous concernés par la pollution lumineuse, au regard des différents risques environnementaux. Or, partager les risques, c'est partager la responsabilité, mais aussi les efforts pour y remédier. Ainsi, comment imposer à un commerçant d'éteindre sa vitrine si le stade municipal voisin reste allumé toute la nuit ? Comment exiger d'un exploitant d'ICPE de changer ses ampoules ou d'installer des détecteurs de présence si le centre commercial limitrophe conserve allumées toutes ses publicités lumineuses ? Pour la mission, le rapprochement prioritaire est à effectuer avec le régime de la publicité, dont on a vu précédemment la grande complexité. À partir de ce rapprochement normatif, la circulaire du 5 juin 2013, relative aux contrôles des extinctions nocturnes, pourrait être revue, avec une approche commune des contrôles de l'éclairage et des publicités lumineuses excessifs. En équité, il conviendrait que les exigences de modération d'éclairage soit mieux partagées entre collectivités, publicitaires, commerçants, entreprises et gérants d'immeubles de bureaux ou de centres commerciaux, exploitants d'ICPE, et citoyens... Pour ces derniers, le vecteur législatif ou réglementaire est encore inadapté : seule une actualisation des normes techniques des ampoules mises en vente, ainsi qu'une action de sensibilisation (cf. plus haut) apparaissent pertinentes. 4.3.3. Les sanctions : privilégier une approche d'adhésion Comme évoqué au point 3.2.3, le régime de sanctions actuel n'est pas satisfaisant. Un choix de régime juridique répressif harmonisé et adapté aux enjeux nationaux de la pollution lumineuse, c'est-à-dire privilégiant l'amende administrative, pourrait intervenir. En outre, il conviendrait de favoriser une approche principale d'adhésion aux dispositifs de prévention de la pollution lumineuse, avant de prévoir une démarche répressive. Par exemple, les unions locales de commerçants pourraient être sensibilisées aux différents enjeux d'un éclairage sobre : obligation d'extinction nocturne des vitrines mais aussi vigilance sur les éclairages éblouissants (enseignes, projecteurs, panneaux lumineux). S'agissant de l'extinction, une étude rapide d'absence d'impact commercial pourrait renforcer cet argumentaire95. 95 À la connaissance de la mission, cette étude n'existe pas encore. À la reconquête de la nuit Page 55/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ De plus, le caractère temporaire et répété des comportements causant des nuisances lumineuses incite à privilégier des « rappels à la loi et au civisme », qui peuvent émaner d'abord des riverains, puis des autorités locales. La non prise en compte dans un délai raisonnable de ces avertissements préalables, formulés par le maire par courrier par exemple, à la suite de signalement de riverains sur un site internet dédié, pourrait rendre plus pédagogiques les ­ rares ­ sanctions administratives qui interviendraient in fine. Les sanctions administratives sous astreintes apparaissent ici pertinentes et dissuasives. Les agents verbalisateurs relevant de la collectivité (agents de police municipaux) ou de l'État (inspecteurs de l'environnement eau et nature) 96 ne seraient alors sollicités que de manière marginale, à la suite de nuisances constatées et réitérées, ce qui faciliterait une intervention efficace, ciblée et en définitive assez rare. 4. Intégrer davantage la prévention des nuisances lumineuses dans les politiques sectorielles et leur réglementation, notamment pour les panneaux publicitaires lumineux et les sites industriels et commerciaux. Prévoir un dispositif unifié de sanction administrative pour toutes les installations lumineuses excessives, y compris les enseignes et panneaux publicitaires. 4.3.4. Une campagne d'information des unions commerciales nationales Il a été constaté ces dernières années l'implantation de zones commerciales, et donc de parkings, aussi bien en milieu urbain que rural, restant la plupart du temps éclairées chaque nuit. Ce même constat a été fait pour l'éclairage des vitrines au-delà de l'heure légale malgré la nouvelle réglementation au 1er juillet 2018. Il pourrait être demandé aux unions commerciales françaises de lancer une campagne d'information auprès de leurs adhérents sur les impacts environnementaux et les réglementations applicables encore souvent ignorés par ces acteurs économiques. 4.4. Apporter des réponses adaptées aux collectivités Au regard de l'importance du rôle des collectivités en matière d'éclairage, du besoin d'appui remonté à la mission et du développement de pratiques innovantes qui apparaissent transférables, un guide issu des bonnes pratiques existantes, adapté aux situations des communes, serait très utile. Parmi les bonnes pratiques à retenir et à diffuser, la mise en place de diagnostics sur la biodiversité et les besoins réels d'éclairage selon les zones semblent ici un préalable à une planification porteuse et adaptée au contexte local. 5. Inciter les collectivités à réaliser un diagnostic intégré (besoins réels, biodiversité...) préalable à tout nouveau projet de création ou de rénovation de l'éclairage public. Élaborer un guide des bonnes pratiques. 96 Compétence des agents de police municipaux: cf. article L. 583-3 du code de l'environnement et QE Zimmermann ci-dessous : _http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-102858QE.htm Compétence des agents de l'État: le contenu du I de l'article L. 172-1 relatif aux missions des inspecteurs de l'environnement et de la nature prévoit bien le titre VIII du livre V ( pollution lumineuse) Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 56/106 PUBLIÉ 4.4.1. Envisager une planification spatiale de la pollution lumineuse dans des outils existants Les outils de planification déjà existants dans la réglementation permettent de prévoir des aménagements lumineux plus sobres et moins préjudiciables à l'environnement. Parmi ces outils, le PCAET serait, pour la mission, un échelle d'action pertinente et efficace, y compris par le renforcement de la trame verte et bleue. Systématiser la réflexion autour des trames étoilées dans les PCAET permettrait de favoriser leur diffusion, voire de les retenir comme un indicateur significatif de la montée en puissance de cette préoccupation. À cet égard, le principe retenu par les diverses réglementations précitées, qui consiste à privilégier les zones hors agglomérations dans les priorités de préservation de la biodiversité apparaît de bon sens et à maintenir, à condition de mieux harmoniser les définitions. Dans les zones urbaines les plus densément peuplées, la réduction de la pollution lumineuse ne peut être que progressive, voire limitée. En revanche, la mission considère que les zones péri-urbaines sont des zones de transition lumineuse dans lesquelles des mesures de protection pourraient être utilement établies, voire renforcées, bien qu'elles soient comprises dans le périmètre réglementaire de certaines agglomérations. Par ailleurs, la limite des PCAET demeure leur niveau intercommunal. Aussi, la mission propose de décliner le contenu des PCAET dans chacun des PLU et PLUI afin de couvrir l'ensemble des collectivités à un échelon pertinent par rapport aux missions de police de l'éclairage qui restent confiées au maire. Les PLU et PLU(I), avec leur PADD respectif, sont identifiés par la mission comme vecteurs de l'organisation spatiale de l'action concrète contre la pollution lumineuse. Au vu de la complexité de la situation normative, la mission propose d'expérimenter l'intégration de la pollution lumineuse dans les PLU sous divers angles. Des dispositions prescriptives en matière de pollution lumineuse seraient à prévoir à l'occasion des extensions urbaines dans les zones publiques d'éclairage public et privé. Sans attendre, le maire peut d'ores et déjà assortir le permis d'aménager d'exigences relatives à l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés (article L. 332-15 du code de l'urbanisme). Il pourrait être aussi proposé des seuils techniques permettant d'assurer mieux la sobriété lumineuse, notamment sur les nouvelles zones d'aménagement concerté (ZAC), par exemple : un seul luminaire pour 300 m² de ZAC ou 0,5 watt installé par m² aménagé, la réduction de la hauteur moyenne des mâts d'éclairage dans certains espaces, un niveau d'ULOR, une variabilité des flux ou enfin un éclairage de couleur différencié pour les passages piétons... L'intégration du RLP dans le PLU participera aussi de cette expérimentation, en prévoyant des prescriptions coordonnées entre l'éclairage public, les publicités et enseignes lumineuses. Réexaminer le critère juridique de l'agglomération en privilégiant celui de la densité serait également de nature à simplifier le dispositif. Cette actualisation du contenu du PLU pourrait intervenir à l'occasion des révisions périodiques des PLU, et être modulée selon les quartiers, avec une vigilance accrue sur les zones de transition lumineuse abrupte entre les zones naturelles et urbanisées. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 57/106 PUBLIÉ Une expérimentation de ces dispositifs pourrait être conduite par des collectivités volontaires. L'idée est bien d'aboutir à l'élaboration d'un « plan lumière » prescriptif et cohérent au sein du PLU ou PLU(I), favorisant une réelle sobriété lumineuse et prenant en compte les différents impacts de la lumière artificielle, tout en étant adapté au contexte local. 6. Intégrer pleinement la pollution lumineuse dans les documents de planification préexistants à différents niveaux : SRADDET, PCAET, PLUI ou PLU. 4.4.2. Un partenariat avec les syndicats d'électricité à renforcer La mission a constaté les difficultés pour les collectivités de petite taille d'engager des rénovations du réseau d'éclairage public d'ensemble. Certains élus sont contraints d'éteindre l'éclairage public sans pouvoir l'adapter avec finesse aux réalités locales. Cette situation n'est pas satisfaisante (cf. annexe « extinction des feux »). Pour faire face à ce défi, il paraît souhaitable que les petites collectivités décident de mutualiser plus sensiblement leurs coûts de rénovation. Il est difficile de préconiser une collectivité chef de file d'un échelon territorial privilégié dès lors que les transferts de compétence de l'éclairage public aux EPCI n'ont été que partiels. Le regroupement au niveau d'un EPCI, pour cette compétence, n'est valable que pour les collectivités locales d'une certaine taille et pas pour les petites communes qui souhaitent la conserver. Un regroupement au niveau départemental, par les syndicats d'énergie, de la compétence éclairage public et réseau, constituerait un axe de progrès. Le syndicat d'énergie paraît le seul lieu de compétences techniques et moyens économiques dimensionné aux réalités d'aujourd'hui. Pour autant, leur sensibilisation sur l'usage approprié des normes et la prise en compte des impacts de la lumière artificielle sera à renforcer. La mission incite donc fortement les petites collectivités à adhérer à des syndicats d'énergie. L'appropriation de la rénovation par les collectivités passe par un diagnostic technique et environnemental précis du dispositif d'éclairage. Du fait des difficultés de recensement des informations sur les installations d'éclairage présentes et l'absence de mesures fines en matière de biodiversité à leurs abords immédiats, la mission propose de profiter des opportunités offertes par la rénovation de l'éclairage public pour prévoir un diagnostic préalable local avant d'implanter un nouvel éclairage public. Ce diagnostic systématique permettrait d'identifier la biodiversité environnante, les besoins réels d'éclairage de la population, de mesurer l'état du parc lumineux, les sources les plus gênantes et les économies possibles en y intégrant le coût complet (installations et réseaux, abonnement et consommations, maintenance). 4.4.3. Stocks d'ampoules non conformes : un passif à résorber La mission a constaté que les collectivités étaient incitées par certains fabricants/fournisseurs à constituer des stocks d'ampoules importants. Cette logique aboutit aujourd'hui à la présence dans ces stocks d'un nombre élevé d'ampoules Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 58/106 PUBLIÉ interdites par les réglementations les plus récentes, notamment européennes (directive écoconception). Attendre leur disparition par leur seul usage revient à reporter d'autant les progrès en matière de pollution lumineuse. Aussi, il convient d'inciter les collectivités à se défaire dès aujourd'hui d'au moins une partie de leurs stocks d'ampoules obsolètes et les encourager à une action spécifique avec Recyclum. 7. Proposer le lancement par l'Ademe d'un appel à projet sur le remplacement des lampes les plus impactantes pour l'environnement, sur la base de l'inventaire (cf. recommandation 1). 4.4.4. Des cahiers des charges type à destination des collectivités Plutôt que d'imposer un contrôle théorique, la mission propose de généraliser des cahiers des charges types (le contenu du cahier des charges Ademe pour les CEE va dans ce sens même s'il est perfectible) facilitant, pour les collectivités, la prise en compte de plus grandes exigences environnementales dans leur approche des chantiers de rénovation d'éclairage. Lors de l'élaboration des projets, la place des concepteurs lumières et des bureaux d'étude indépendants, à même de faciliter des démarches efficaces, économiques et environnementales, est à encourager, dans un secteur économique où les collectivités se voient proposer des services de conseils qui émanent trop souvent des seuls fabricants d'équipements. 4.4.5. Des besoins financiers et d'accompagnement toujours indispensables Les collectivités locales génèrent 70 % des investissements en France97. La rénovation d'un éclairage public pour une ville moyenne se situe aux alentours de 8 millions d'euros. Or, nous connaissons aujourd'hui les difficultés des collectivités locales et de leurs budgets de plus en plus tendus. Elles ont toutes exprimé à la mission la nécessité d'un accompagnement financier. À ce jour, elles engagent généralement la rénovation de leurs éclairages ou procèdent à l'extinction uniquement pour des questions d'économie d'énergie. Elles prennent pourtant conscience de l'enjeu de la pollution lumineuse, surtout dans les agglomérations et métropoles. Il pourrait être envisagé de bonifier les dotations d'investissement des collectivités locales en cas de pratique vertueuse lors de rénovations de leur parc d'éclairage grâce à une valorisation financière par les CEE. Nous avions sollicité la Caisse des dépôts et consignations qu'il ne nous a pas été permis de rencontrer. La banque des collectivités doit pourtant jouer à notre avis un rôle important auprès des communes et intercommunalités. Le dispositif « territoires d'innovation de grande ambition » (TIGA), doté de 450 millions d'euros sur 10 ans, est géré par la Caisse des dépôts au titre du programme d'investissements d'avenir. Son ambition est d'accompagner à terme 10 projets de 97 Associations d'élus (ARF, ADF, AMF). À la reconquête de la nuit Page 59/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ territoires, d'intérêt national, qui articulent l'innovation dans le domaine de l'excellence environnementale, les initiatives publiques et les ressources académiques, scientifiques, économiques et industrielles. En citant le dispositif TIGA, programme qui vise à faire éclore ou promouvoir des « écosystèmes territoriaux », il nous semble que la pollution lumineuse pourrait être mise en exergue davantage qu'elle ne l'est dans l'ensemble des appels à manifestation d'intérêt auxquels les collectivités peuvent prétendre. Certains projets sont aussi cofinancés avec des fonds européens (FEDER) gérés depuis la loi NOTRe par les régions. Trop peu de dossiers sont déposés dans ce sens. La mission a eu connaissance du projet « Luciole » à Lille qui a pu bénéficier de ces fonds européens. Suite à l'accord de Paris sur le climat et à la loi de transition énergétique pour la croissance verte, la France a émis en janvier 2017 sa première obligation souveraine verte avec la volonté de financer des politiques climatiques et environnementales de manière innovante. Environ 10 milliards d'euros de dépenses vertes éligibles ont été identifiés au sein du budget de l'État, contribuant à quatre objectifs : la lutte contre le changement climatique, l'adaptation au changement climatique, la protection de la biodiversité et la lutte contre la pollution. Plus précisément, ces obligations concernent par exemple les aides de l'État pour l'efficacité énergétique, la recherche sur les énergies renouvelables, l'observation et la recherche sur la pollution atmosphérique, ou encore la protection de la biodiversité. La mission propose qu'un mode de financement via des obligations vertes soit proposé pour lutter contre la pollution lumineuse. 8. Bonifier les capacités d'investissement des collectivités locales grâce à une valorisation financière par les certificats d'économies d'énergie intégrant davantage la pollution lumineuse. Proposer un nouveau mode de financement via des obligations vertes qui aideraient les projets des collectivités locales. 4.5. Gouvernance : un pilotage national à organiser et un plan de communication à développer 4.5.1. Pour que l'État soit exemplaire Dans bien des domaines, il est reproché à l'État d'imposer des directives qu'il ne s'applique pas à lui-même. La mission a recueilli toujours spontanément des témoignages faisant le constat de l'éclairage nocturne des bureaux et notamment celui du ministère de la Transition écologique et solidaire, situé à Paris-La Défense. Une recommandation du ministre du MTES à ses autres collègues du Gouvernement pourrait être faite pour limiter l'éclairage des bâtiments appartenant à l'État. Le pilotage national requiert une coordination des directions d'administration centrale sous l'égide de la DGPR qui aurait un mandat particulier, voire une lettre de mission. En appui technique, les rôles de l'Ademe et du Cerema sont à clarifier. Ce dernier a toutes les compétences techniques mais n'est plus aujourd'hui le seul point d'appui de la DGPR (cf. l'étude en cours faite par le CSTB sur les nouveaux projets d'arrêtés). Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 60/106 PUBLIÉ Au vu de ce qui précède, il convient de structurer un pilotage national favorisant l'appropriation des objectifs de sobriété lumineuse par tous les acteurs. Aussi, à travers les nombreuses rencontres organisées par la mission, il se dégage la nécessité d'élaborer un plan lumière national. À l'instar du Conseil national de la transition énergétique (CNTE), une structure légère, pourrait être crée, un Conseil national de la lumière, constitué et nommé par le ministre du MTES présidé par un élu, intégrant les représentants des parties prenantes (État, collectivités, syndicats de l'éclairage, ONG). Il serait chargé de valider un plan d'actions concrètes et d'assurer le suivi de sa mise en oeuvre. Il rendrait en outre plus visible la mobilisation des pouvoirs publics sur cet objectif. À défaut, ou en complément, s'agissant d'un sujet de santé-environnement, la mission préconise l'inscription du sujet de la pollution lumineuse dans le 4e plan national santé environnement, ce qui pourrait faciliter sa prise en compte, tant dans les commandes passées aux organismes de recherche, que dans les plans régionaux santéenvironnement. 9. Créer un Conseil National de la Lumière chargé de valider et de suivre un « plan lumière » (DGPR). A défaut, ou en complément, intégrer le sujet de la pollution lumineuse dans le 4e plan national Santé Environnement (PNSE 4) (DGPR, DGS). Définir un pilotage national avec un chef de file identifié (DGPR) accompagné d'un correspondant dédié dans chaque direction d'administration centrale (DEB, DGEC, DHUP, DGS...) et dans chaque ministère concerné (santé, sport, culture, intérieur...). 4.5.2. Des indicateurs simples et peu coûteux à définir Il n'existe aujourd'hui aucun indicateur commun qui permette de suivre l'évolution de la pollution lumineuse. Or, différents interlocuteurs ont insisté sur l'importance de références normatives et d'indicateurs nationaux, partageables et transposables au niveau local. Les éléments recueillis en matière d'indicateurs de la pollution lumineuse (voir tableau en annexe 3) doivent permettre de mesurer l'évolution de la pollution lumineuse, ses différents impacts mais aussi les progrès de l'action publique et privée. Au niveau local/régional, ils doivent pouvoir traduire le caractère multi-dimensionnel de la pollution lumineuse. Au niveau national, ils doivent être parlants, incontestables, en acceptant qu'ils ne rendent pas compte de la totalité du phénomène et soient affinés à une échelle plus réduite avec des objectifs de court, moyen et long terme. Trois types d'indicateurs pour suivre les pressions, impacts et mieux piloter l'action pourraient être utilisés par le Conseil national de la lumière. 1/ Indicateurs de pression : Au niveau national, il est proposé, en s'appuyant sur les travaux de cartographie susmentionnés, de viser en premier lieu la sobriété lumineuse. L'indicateur de cette sobriété paraît être en priorité le nombre de points lumineux (sources Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 61/106 PUBLIÉ lumineuses publiques et privées)98. Même si l'inventaire ne peut aujourd'hui en être complet, il existe des bases suffisantes pour les évaluer sur le fondement des actuels diagnostics locaux. Au niveau communal, intercommunal et régional, il s'agit surtout de favoriser des progrès concrets de l'éclairage reposant sur des diagnostics partagés et des plans lumière concertés, en s'appuyant sur une connaissance des sources lumineuses et des équipements. C'est à ce niveau territorial que certains indicateurs caractérisent les principales dimensions de la pression lumineuse : nombre de points lumineux, orientation des éclairages, puissances lumineuses. Une meilleure qualité des spectres visant globalement des sources lumineuses <3000k, en s'appuyant sur des échanges dans le cadre des PCAET, devrait être en outre prévue au niveau local et adaptée à la sensibilité des milieux naturels identifiés. Enfin, il paraît essentiel que les sources lumineuses privées soient intégrées tant à la cartographie qu'aux objectifs locaux de réduction des pressions. 2/ Indicateurs de la biodiversité : La mission propose d'identifier deux à trois taxons cibles « parapluies », permettant d'étalonner l'évolution de la biodiversité et de la suivre dans le temps. À court terme, il est proposé de choisir un taxon, déjà suivi, au niveau national et européen : les chauves-souris, pour développer spécifiquement sur cette base la mesure de l'impact de l'éclairage artificiel sur la biodiversité (AFB). Un organisme, le Centre d'écologie et des sciences de la conservation (CESCO), pourrait l'aménager et l'alimenter. Pour la mission, un indicateur sur les chauves-souris semble être le moyen le plus utile, compréhensif et pédagogique pour l'ensemble des acteurs et de nos concitoyens. Ce taxon est déjà largement cité et étudié pour sa vie quasi exclusivement nocturne et subit un ensemble large d'impacts de la lumière artificielle néfastes à son cycle de vie et à sa pérennité. Il est en outre déjà inscrit dans les indicateurs de suivi par l'AFB, qui pourrait le prendre en charge en lien avec les parcs nationaux. Il est recommandé de déterminer d'ici un an un taxon pour le milieu aquatique marin (DEB, DAM, AFB). En effet l'impact sur ce milieu paraît peu suivi. La DEB et l'UMS Patrinat pourraient proposer en lien avec la direction des affaires maritimes (DAM), un indicateur de l'état de la biodiversité pour le milieu aquatique en reprenant si possible ceux issus de la directive cadre stratégie milieux marins (DCSMM). 3/ Indicateurs d'action et calendrier : Dans un calendrier réaliste, il apparaît nécessaire de hiérarchiser les priorités de rénovation, les actions sur les équipements les plus polluants au plan national pour y associer plus facilement une éventuelle aide financière publique, pour aller au-delà des 3 % de rénovation de l'éclairage public par an et favoriser la création de trames étoilées (cf. page 57). La mission propose différents types d'indicateurs au niveau national. 98 Certes, les points lumineux peuvent être plus nombreux avec un flux lumineux diminué, comme dans certaines démarches innovantes (exemple notamment à Lille) mais au niveau global national et au regard des constats faits par la mission, cet indicateur générique de sobriété paraît utile. Si besoin, il pourrait être combiné avec un indicateur portant sur les puissances lumineuses. Ces indicateurs, pour dépasser le stade d'une bonne estimation, supposeront des progrès dans la fourniture des données et la géo-localisation des sources lumineuses. À la reconquête de la nuit Page 62/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ · À court terme, indicateur de renouvellement du parc public grâce au nombre d'opérations de rénovation d'éclairage public effectués sur la base de CEE rénovés plus environnementaux (fiche RES ­ EC-104) (Ademe) et disparition des sources lumineuses les plus énergivores et nocives pour l'environnement : lampes à vapeur de mercure et lampadaires boules d'ici 6 ans. Un suivi précis de cette action devra être effectué. Cet objectif suppose d'intégrer les délais de mise en conformité des équipements lumineux avec ceux de la rénovation des réseaux qui y sont liés. Six ans semblent un délai raisonnable dans ce cas. Cette proposition proposerait comme objectif aux maires le changement au minimum des boules (15 % du parc) pendant leur prochain mandat de 6 ans à partir des élections municipales de mars 2020. · À court terme encore, indicateurs des progrès de la planification : nombre de PCAET prenant concrètement en compte les impacts nocifs des sources publiques et privées de lumière artificielle (AFB et administrations centrales) ; nombre de nouveaux PLU ou PLUI/an, intégrant un plan lumière dans le PADD, à compter de 2019 (DGALN) ; nombre de trames étoilées et d'actions de diagnostics du biotope impulsées par les parcs naturels, en appui des collectivités (AFB et parcs naturels, DGALN). · À moyen terme, indicateur d'intégration de seuils nouveaux pertinents issu des dernières études scientifiques sur la biodiversité comme la température de couleur (<3000 Kelvin) et disparition des lampadaires les moins bien orientés : ULOR <1. Pour ces différents indicateurs, une consultation auprès d'organismes représentatifs pourrait être menée dans les mêmes conditions que pour l'élaboration des textes réglementaires relatifs à la pollution lumineuse. 10.Définir des indicateurs pour mesurer la pression lumineuse environnementale, l'évolution de la biodiversité nocturne et les progrès de l'action publique : - Suivre l'évolution du nombre de points lumineux au plan national. - Valoriser les indicateurs nationaux de biodiversité sur l'impact de la pollution lumineuse sur les chauves-souris. - Créer un indicateur de renouvellement du parc public grâce au nombre d'opérations de rénovation d'éclairage public effectuées par an et prévoir un suivi de la planification intégrant la pollution lumineuse. 4.5.3. Des concepts et une communication adaptée à différentes cibles Une mobilisation sur la pollution lumineuse en vue de sa meilleure appropriation et d'une efficacité de cette politique passe aussi par une communication nationale, demandée par les élus que nous avons rencontrés. Une trame « étoilée » : Les trames vertes et bleues désignent officiellement depuis 2007 un des grands projets nationaux français issus du Grenelle de l'Environnement. La partie « verte » désigne les milieux naturels et la partie « bleue » les milieux aquatiques et humides. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 63/106 PUBLIÉ Le vert et le bleu, facilement compréhensibles, ont favorisé la montée en puissance et la multiplication de ces zones de sensibilité. Depuis quelques années, apparaît le concept de trame noire. Comme évoqué au début du présent rapport, la nuit et le noir restent dans l'inconscient collectif synonyme de crainte et d'angoisse. La mission suggère la terminologie de trame « étoilée ». Depuis les temps ancestraux, à l'inverse de la nuit qui fait peur, l'étoile est le signe de l'éternité. Elle nous indique la route à suivre. Bref, sa valeur positive est forte. Une nuit nationale annuelle de lutte contre la pollution lumineuse : Différents temps existent aujourd'hui pour sensibiliser l'opinion publique et rappeler le coût pour la planète de l'énergie consommée chaque jour et notamment avec l'Earth Hour, organisée par le Fonds mondial pour la nature (WWF). Cette manifestation consiste à éteindre pendant une heure les monuments emblématiques (Tour Eiffel à Paris par exemple). La Nuit des Étoiles, qui vient de fêter sa 18e édition99, remporte également un beau succès et commence à être médiatisée, avec plus de 470 manifestations en France pour permettre de contempler la voûte céleste. Les initiatives proposant, notamment aux collectivités, d'éteindre le temps d'une nuit leur éclairage public en organisant par exemple avec leurs habitants des balades nocturnes, démontrant l'importance du sujet et l'ensemble des impacts et enjeux pourraient être rendues davantage visibles par une communication renforcée au plan national100. Un prix « étoilé : À l'instar du label « Villes et villages étoilés » imaginé par l'ANPCEN, les entreprises et commerçants les plus vertueux sur la pollution lumineuse pourraient être lauréats et se voir attribuer un prix « étoilé » organisé par le MTES. Un kit de communication nationale : Outre la création d'un logo spécifique et rapidement identifiable, il pourrait être créé un kit de communication à destination de différents publics et notamment les scolaires et les commerçants dans un premier temps. Différents outils ont fait leur preuve, par exemple un autocollant à apposer sur les vitrines des commerçants et autres activités commerciales sobres en éclairage des vitrines. Pour porter davantage le discours sur la pollution lumineuse, la mission suggère de reprendre l'idée d'une mascotte à laquelle le grand public pourrait facilement s'identifier. Ce concept avait déjà été conduit avec succès dans les années 80 avec la mascotte « antigaspi ». Pour la pollution lumineuse, la chouette semble un vecteur presque naturel et sympathique. Un slogan choc tel que « Éteindre, c'est chouette ! » pourrait opportunément accompagner une campagne de sensibilisation du grand public. 99 100 À l'initiative de l'Association française des astronomes (AFA). Exemple de la manifestation « le jour de la nuit » organisée en octobre tous les ans. À la reconquête de la nuit Page 64/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ La création d'un appel à projet en partenariat avec la French Tech : Création d'un appel à projet spécifique « pollution lumineuse » grâce à l'innovation de jeunes entreprises qui pourrait proposer un prototype type Odelco avec jallume.fr, application qui permet aux collectivités de couper leur éclairage public une partie de la nuit en laissant à leurs habitants, utilisateurs de smartphone, le soin de rallumer leur rue, si elle est peu passante, selon leurs besoins.101 Conclusion : les différentes propositions faites par la mission dans cette partie ont vocation à nourrir un plan « lumière » national sous l'égide d'un conseil de la lumière, représentant ses principaux acteurs. Pour la mission, au-delà de leur contenu qui donnera lieu à des priorisations, à bien des échanges indispensables et devra être affiné, il importe avant tout, par une gouvernance plus affirmée et unifiée, de passer d'une émergence prometteuse à une action soutenue dans le temps garantissant davantage une meilleure intégration environnementale, sociétale et énergétique de la politique de l'éclairage. 101 Cette initiative nécessite le choix de rues peu passantes, au regard des impacts de l'allumage/extinction trop fréquent sur le voisinage humain et animal. À la reconquête de la nuit Page 65/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Conclusion D'un sujet anecdotique de prime abord, la pollution lumineuse s'avère toucher chacun de nous et nécessite une mobilisation nationale inédite qui serait aussi un signe précurseur de l'implication des autorités publiques françaises dans la recherche de la préservation de la biodiversité. C'est à la fois un sujet de santé-environnement, de fonctionnement harmonieux des écosystèmes et un pas vers un monde moins énergivore. La mission est persuadée que cette mobilisation est possible en commençant par des axes de progrès directs et évidents : le plein effet des textes existants, des contrôles ciblés et dissuasifs, une ambition de diffuser le message de l'éclairage excessif et nuisible dans tous les domaines des sources d'éclairage : éclairage public, privé, publicité... et ce, quelle que soit leur localisation, urbaine ou rurale. Elle propose également d'accentuer la diffusion de la préoccupation lumineuse à certaines réglementations et relancer l'ambition environnementale de la normalisation. Enfin, elle souhaite insister sur le nécessaire renforcement de la sensibilisation du grand public aux enjeux de biodiversité et de santé publique en matière de pollution lumineuse. La pollution lumineuse est un sujet sur lequel on ne doit pas opposer artificiellement extinction des feux et rénovation de l'éclairage public ; il faut au contraire les combiner dans une approche globale de « sobriété lumineuse ». Comme pour tout sujet émergent à forte portée symbolique, une prise de conscience sociétale est indispensable pour apprécier collectivement qu'un éclairage excessif (public ou privé) n'est plus seulement inutile et coûteux mais désormais aussi nuisible à tous. Isabelle AURICOSTE Jean-François LANDEL Maryline SIMONÉ Chargée de mission Inspecteur de l'administration du développement durable Inspectrice générale de l'administration du développement durable Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 66/106 PUBLIÉ Annexes Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 67/106 PUBLIÉ 5. Lettre de mission Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 68/106 PUBLIÉ Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 69/106 PUBLIÉ Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 70/106 PUBLIÉ 6. Liste des personnes rencontrées Nom METAYER COMMEAU Prénom Marie-laure Nathalie Organisme DGPR DGPR Fonction Adjointe au chef de service Cheffe de mission Date de rencontre 15/05/18 15/05/18 10/07/18 LERAY Frédéric DGPR Adjoint chef de mission 15/05/18 10/07/18 SORDELLO Romain AFB/MNHN Chef de projet Trame verte et bleue ­ pollution lumineuse Présidente Ingénieur éclairage Chargé de mission 29/05/18 DUCROUX LAFITTE ARDON Anne-Marie Bruno Samuel ANPCEN Ademe Ademe ­ Direction régionale de la Vienne Syndicat de l'éclairage 29/05/18 30/05/18 05/06/18 OUVRARD Dominique Délégué général adjoint 12/06/18 BRUNET ARNAL Lionel Julien Syndicat de l'éclairage Syndicat de l'éclairage Délégué général Président du bureau 12/06/18 12/06/18 RAGNI Marcel Syndicat de l'éclairage Conseiller du Président au Bureau pour l'éclairage extérieur 2017-2018 Directrice générale 12/06/18 ALEXANDRE Marie-Pierre Association française de l'éclairage Association française de l'éclairage 13/06/18 COUILLET Roger Représentant AITF, coanimateur du groupe AFE « collectivités » Conseiller technique 13/06/18 REMANDE Christian Association française de l'éclairage Association astronomie du Vexin (AVEX) Ministère de l'Intérieur 13/06/18 TAPISSIER Frédéric Vice-Président 18/06/18 PAPET Frédéric Sous-directeur des compétences et des institutions locales Chargée de mission Adjoint du sous-directeur de la protection et de la restauration des écosystèmes terrestres Membre permanent 19/06/18 19/06/18 COÛTANT BLANCHARD Claire Baptiste DEB DEB BOYER Jean-Marc CGEDD 20/06/18 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 71/106 PUBLIÉ Nom TURPIN Prénom Françoise Organisme DHUP Fonction Chargée de mission Réforme de la publicité Responsable de la mission développement durable Adjointe à la cheffe de bureau qualité de la vie QV2 Adjoint à la sous-directrice de la qualité de la vie Président de la commission éclairage Date de rencontre 27/06/18 STEPHAN Guénola Association des maires de France DHUP 27/06/18 MARVIE Anne 27/06/18 BRIE Patrick DHUP 27/06/18 GALLEO Frédéric Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique Cerema Méditerranée 28/06/18 HUNAULT Philippe Directeur des affaires juridiques 28/06/18 VALACHS Anne Directrice générale 28/06/18 VERNY Paul Responsable de la mission « éclairage » Directeur 29/06/18 VILLEMAUD Jean-Christophe Cerema Ouest 29/06/18 HILAIRE NIAUDET Florence Aurélie Cerema Méditerranée ANSES Directrice Adjointe au sein de l'unité d'évaluation des risques physiques Chercheuse Universitaire 29/06/18 03/07/18 ATTIA CABANTOUS Dina Alain ANSES Université Paris I Panthéon Sorbonne Association des concepteurs lumière Association des concepteurs lumière et éclairagistes ex ­ DDT des Yvelines 03/07/18 04/07/18 CASTAGNÉ Sara Présidente 04/07/18 NICOLAS Virginie Conceptrice lumière, Viceprésidente 04/07/1804/09/18 CINOTTI Bruno Membre permanent du CGEDD Chef du département autres infrastructures en réseau Chef du service développements des réseaux énergie et éclairage public Responsable éclairage public Conseiller municipal délégué à l'énergie, la gestion technique des bâtiments, plan climat, éclairage public 05/07/18 RAGUIN Yves FNCCR 06/07/18 GELLE Alexis FNCCR 06/07/18 MORINEAUX BALY Damien Stéphane Mairie de Lille (59) Mairie de Lille (59) 10/07/18 10/07/18 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 72/106 PUBLIÉ Nom MARTINSONS Prénom Christophe Organisme CSTB Fonction Chef de division éclairage électromagnétisme Maire, vice-président de l'agglomération de Versailles Responsable du patrimoine bâti Direction centrale de la sécurité publique Capitaine, direction centrale de la sécurité publique Direction des Sports Cheffe du bureau des équipements sportifs Chargé de mission équipements et régalements des fédérations sportives Date de rencontre 10/07/18 WATELLE Luc Mairie de Bougival (78) 11/07/18 CHAMPION Johan Mairie de Bougival (78) services techniques 11/07/18 HOSOTTE Samuel Ministère de l'intérieur 12/07/18 ADASS Olivier Ministère de l'intérieur 12/07/18 BONTEMPSWEISHAUPT Alexandra Ministère de la jeunesse et des sports 12/07/18 MALACCHINA Yannick Ministère de la jeunesse et des sports /bureau des équipements sportifs DGEC 12/07/18 DE LACAZE Xavier Chargé de mission Bureau économies d'énergie et chaleur renouvelable Chef de bureau des économies d'énergie et de la chaleur renouvelable Directrice générale des services de la ville de Fosses Maire 24/07/18 DOZIERES Alexandre DGEC 24/07/18 BULOT Christine Mairie de Fosses (95) 30 /08/18 BARROS Pierre Mairie de Fosses (95) 30 /08/18 DUFUMIER Dominique Mairie de Fosses (95) Conseiller municipal délégué à l'urbanisme et à l'environnement Chef des services techniques Chargée de mission environnement au PNR PDG Sous-directeur Chef de bureau, 30 /08/18 LOUBAT LEPACHELET, Laurent Coline Mairie de Fosses (95) Parc naturel régional Oise Pays de France Dark sky lab DGITM/DIT/RN DGITM/DIT/RN 30/08/18 30 /08/18 VAUCLAIR PATIN SPRONI Sébastien Nicolas Nicolas 31/08/18 31/08/18 31/08/18 SIBLET GAUNAND Jean-Philippe François MNHN Association des Concepteurs lumière et éclairagistes (ACE) Association des Concepteurs lumière et éclairagistes (ACE) Chef de service Concepteur lumière, membre du conseil d'administration de l'ACE Concepteur lumière, viceprésidente de l'ACE Par téléphone 04/09/18 NICOLAS Virginie 04/09/18 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 73/106 PUBLIÉ Nom VOUE Prénom Virginie Organisme Association des Concepteurs lumière et éclairagistes (ACE) Union pour la publicité extérieure Union pour la publicité extérieure Société INSERT Fonction Concepteur lumière, membre du conseil d'administration de l'ACE Président Date de rencontre 04/09/18 DOTTELONDE Stéphane 04/09/18 DOUMERC Charles-Henri Juriste 04/09/18 BERLANDA Thierry Responsable des relations institutionnelles 04/09/18 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 74/106 PUBLIÉ 7. Propositions d'indicateurs faites par différents interlocuteurs rencontrés par la mission Typologie Représentants des éclairagistes Proposition Mesure technique de la lumière envoyée vers le ciel, pondérée par la lumière envoyée vers le sol. Quantité de certificats d'économie d'énergie avec une fiche d'éclairage public (104) plus environnementale. Nature de l'indicateur Pression Argument Mesure objective et professionnelle portant sur l'impact du seul éclairage et non de la réflexion de surface. Le vecteur financier est important pour les petites communes ­ Les produits récents sont les plus vertueux et le renouvellement du parc est insuffisant. Privilégier l'efficacité d'une action progressive : Cibler 3 objectifs d'action prioritaires, accessibles et concrets. Limites ou commentaires Ne concerne que le halo lumineux ­ est surtout adapté au niveau local d'un diagnostic ou d'un projet d'éclairage opérationnel. Concerne surtout l'éclairage public ­ approche centrée sur le renouvellement des matériels. Prise en en compte limitée de la biodiversité (orientation mais pas spectres lumineux). La réduction de la lumière intrusive est une priorité d'action et une bonne pratique à introduire au niveau local. Elle est très intéressante car elle vise la santé humaine mais quasi impossible à mesurer au niveau national. Données pour l'éclairage public, peu pour le privé, sauf dans une approche territoriale pilotée par exemple au niveau d'un PCAET. La suppression de certains types de lampadaires ou lampes nécessite une meilleure connaissance des équipements et pourrait nécessiter une aide ciblée aux collectivités. Action Représentants des collectivités dont élus locaux ­ Réduction de la lumière intrusive ; ­ Suppression des boules lumineuses ; ­ Orientation améliorée des lampadaires. ­ Réduction de la puissance lumineuse. Action Simple et axé sur un objectif de progrès qui fait levier pour l'essentiel de la pollution lumineuse. Encourager l'action par un ou deux objectifs prioritaires tout en laissant du temps pour les transitions à mener et en intégrant la soutenabilité pour les collectivités et l'acceptabilité par les citoyens. ­ Objectif de résultat : consommation ou X % d'équipement Y à supprimer en Z années. ­ Objectif de moyen : projets menés à 80 % en concertation avec les citoyens. ONG Étiquette environnementale lumière inspirée de l'étiquetage énergétique sur 4 critères (ou étiquettes) (par m²) : ­ Puissance lumineuse ; ­ Orientation de la lumière ; ­ Distribution spectrale des lampes ; ­ Énergie. Pour mesurer la pollution lumineuse au niveau national et local, disposer de cartes croisant les cartes du ciel et les mesures au sol, qui se font très bien avec des outils existants d'intégration des données. Pression Action ­ Permet de coter la pollution lumineuse à l'échelle infra territoriale sur les différentes dimensions de la pollution lumineuse ; ­ Associe énergie et environnement ; ­ Pourrait conditionner des financements ; ­ Outil de comparaison et de valorisation des communes les plus avancées : tire vers le haut. Efficace à l'échelle locale, transposable au plan national ­ Risque de valoriser les collectivités les plus riches qui ont non seulement la volonté mais les moyens d'agir ; ­ Consensus nécessaire sur les critères de l'étiquetage ou du label. Pression Une cartographie intégrant mesures de la pollution lumineuse au ciel et au sol pour mieux rendre compte de la réalité de la pollution lumineuse émanant de sources privées comme publiques. Existe sur certains territoires (Pyrénées, Haute-Garonne, parc du Haut Quercy notamment) mais il faudra du temps pour obtenir une mesure au niveau national. Cahier des charges à construire et coût d'une expérimentation (appel à projet) en commençant par deux ou trois régions ? Opérateurs de l'État ULOR sujet N°1 (et boules) ­ Nombre de points lumineux par hectare, luminance. Pression Nécessite : ­ Une cartographie solide : des bases de données partagées et compatibles pour aboutir à une vision nationale, en s'appuyant sur les SIG des collectivités sur leur parc, en utilisant l'imagerie satellite par avion et en la complétant par des mesures faites au sol ; ­ Des indicateurs opératoires centrés sur l'objectif politique principal ; ­ Accord/association indispensable des collectivités ; ­ Aide aux plus petites collectivités ; ­ À consolider par des standards cartographiques pour une vision nationale. ­ Répertorier la prise en compte des trames sombres pour tout projet d'éclairage public ; ­ Répertorier les projets significatifs d'éclairage public intégrant un diagnostic de la biodiversité. ­ Identifier les pratiques intégrant la concertation. Approche structurée intégrant 3 types d'indicateurs : Un indicateur de la pression pollution lumineuse : carte de la lumière vue du ciel, pondérée au plan territorial par d'autres indicateurs de la pollution lumineuse au sol ; Un indicateur de l'état de la biodiversité : choisir un ou deux taxons étalons de la biodiversité ; Un indicateur de l'action menée contre la pollution lumineuse : par exemple nombre de plans l'intégrant effectivement. Action Les projets d'éclairages publics ne prennent pas assez en compte l'impact sur la biodiversité. Les diagnostics en sont un moyen comme celui de tout bon projet d'éclairage. La concertation conditionne la réussite des plans lumière pour répondre aux besoins des citoyens et favoriser leur adhésion. C'est un des indicateurs de bonne pratique Cahier des charges, aide au financement pour les petites communes à prévoir. Nécessiterait d'avancer sur des diagnostics plus opérationnels et standards du biotope (sur le territoire du projet d'éclairage public, cartographie des zones naturelles de passage ou d'habitat et d'espèces nocturnes à enjeux (lucifuges ou attirées). Pression Une réflexion préliminaire a été menée et fournit les bases d'un choix indispensable sur les trois facettes de la pollution lumineuse à la fois pour connaître et agir (UMS Patrinat, 2018)102. État de la biodiversité Approche basée sur la méthode de construction d'indicateurs nationaux intégrant la biodiversité à compléter par des exemples concrets issus des pratiques locales pour démontrer la faisabilité et mobiliser les acteurs ­ Approche nationale préliminaire nécessitant un choix sélectif et une concertation. Action 102 Construire des indicateurs nationaux sur la pollution lumineuse ­ Réflexion préalable ­ UMS Patrinat ­ AFB ­ CNRS ­ MNHN ­ Sordello, Azam, Amsallem, Bas, Billon, Busson , Challéat, Kerbirou, Le Viol, Nguyen Duy-Bardakji, Vauclair, Verny ­ Avril 2018 Page 75/106 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit PUBLIÉ 8. Approche croisée des propositions et des acteurs Ce tableau illustre l'approche croisée des actions à mener développées dans la partie 4 du rapport selon les acteurs principalement concernés. ONG parties prenantes Actions État Collectivités Entreprises Particuliers Impulsion Connaissance et méthodes communes Cartographie sources/impacts pour envisager des actions priorisées Sensibilisation, éducation, formation, information Evolution de l'étiquetage Concertation des projets de rénovation Normalisation technique Réglementation Police Campagne d'information auprès des unions commerciales nationales Planification dans les outils existants Partenariat avec les syndicats d'électricité Stocks d'ampoules non conformes à résorber Cahier des charges type Besoins financiers d'accompagnement Pilotage national : Conseil national de la lumière Indicateurs Communication Action X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 76/106 PUBLIÉ 9. Bonnes pratiques Les pratiques présentées sont issues d'entretiens ou de documents communiqués à la mission. Elles ne sont en aucun cas exhaustives, présentent toutes des points forts et des limites et rendent compte d'évolutions en cours. Leur point commun est de démontrer que l'action est possible. Entrées Les enjeux et les politiques territorialisées de la biodiversité, Exemples Île de la Réunion (974) -103 Les enjeux principaux concernent les échouages massifs d'oiseaux marins nocturnes (le Pétrel du Barau et le pétrel noir de Bourbon, espèces les plus menacées et les puffins du Baillon et du pacifique) attirés par la lumière artificielle. Ils concernent aussi les tortues marines, gênées en période de ponte par la lumière artificielle sur les plages. Plusieurs programmes de protection, nationaux et européens (Life), ont permis de financer une cartographie de l'éclairage artificiel croisée avec celle des échouages, permettant de cibler à la fois les zones concernées sur lesquelles agir et les éclairages les plus impactants. Un terreau de longue date et la bonne identification des espèces menacées favorisent l'action : réseau de sauvetage des oiseaux marins de la Réunion initié par le Muséum national d'histoire naturelle et piloté par la Société d'études ornithologiques de la Réunion (SEOR) depuis 1997 ­ Plan national d'action et programme européen LIFE (finance un bouquet d'actions de conservation sur les pétrels) ­ Action publique (DEAL, collectivités, Parc naturel de la Réunion, Réserve naturelle marine de la Réunion). Équipements publics et privés particulièrement concernés : infrastructures routières, restaurants, hôtels bars et habitations en bords de plage, équipements sportifs, installations industrielles et portuaires fortement éclairées. Types d'éclairage et autres causes : La puissance, l'orientation de l'éclairage (souvent orienté vers la mer), la hauteur des mâts (pour les stades), le manque d'obstacle à la lumière depuis la mer (Ex : végétation) le spectre et la couleur des lumières. Les actions menées : Financement d'un atlas spatialisé des risques d'échouage (en particulier sur les sites de reproduction) couplées à la cartographie de l'éclairage artificiel (Atlas de Falchi), à son analyse précise ainsi qu'à celle des mesures réglementaires et des planifications mobilisables. Stratégie d'éclairage artificiel dans la micro-région fréquentée par le Pétrel noir. Action de sensibilisation : évènement annuel des « nuits sans lumière » programmée en avril lors de l'envol des jeunes Pétrels du Barau. Actions réglementaires :(Ex : arrêté préfectoral conditionnant une autorisation de chantier au respect de conditions de puissance et d'orientation de l'éclairage, ou arrêté de la ville de Cilaos imposant l'extinction nocturne en période de risque d'échouage des pétrels, en lien avec l'évènement Nuits sans lumière). Limites ou questions sur les suites : celle de la planification urbaine de la lumière, croisant différents intérêts généraux à intégrer : biodiversité, énergie, développement touristique, économique et industriel, sécurité. Limites de l'action publique du fait de l'éclairage de certains équipements : d'un côté interdire certains éclairages lors d'un chantier et de l'autre, ne pouvoir intervenir sur la hauteur des mâts et la puissance d'éclairage des stades. Les deux exemples cités concernent un milieu insulaire ils mettent en valeur les enjeux de l'éclairage du littoral et les sources privées des nuisances lumineuses 103 Source : Étude Aube finale ­ Aménagement urbain Biodiversité et éclairage Île de la Réunion (commanditaire DEAL de La Réunion ­ Prestataire Cerema), 2017. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 77/106 PUBLIÉ Un exemple de démarche de diagnostic « intégré » territorial et partenarial sur un site protégé Île de Porquerolles (83) « Qualité de la nuit sur l'Île de Porquerolles » : expérimentation sur un site pilote insulaire protégé ». Rapport du partenariat scientifique ANPCEN ­ Parc national de Port Cros, 2016. Cette expérimentation présente plusieurs intérêts, le premier étant celui d'une démarche très complète de diagnostic étayé et de recommandations concrètes : ­ L'utilité d'une politique territorialisée de la biodiversité et de projets de territoires associés (coeur de parc et aires d'adhésion) ; ­ Celui du partenariat entre différents acteurs : les parcs nationaux, une association environnementale, l'ANPCEN, les communes concernées (qui ont fourni les données techniques utiles sur les plans d'implantation et les points d'éclairage), en intégrant des rencontres avec différents acteurs publics et privés ; ­ L'étude particulièrement précise, documentée, cartographiée et la mesure des effets des éclairages littoraux sur la qualité de nuit insulaire, la biodiversité et la santé humaine (lumière intrusive) à partir de : l'état des lieux du parc, l'échantillonnage des sites à enjeux de biodiversité, de mesures photométriques des impacts de l'éclairage artificiel, de la connaissance et de l'analyse des équipements et installations in situ ; ­ Une volonté pédagogique affirmée : photographies commentées, proposition d'étiquettes environnementales de la lumière par rue selon 4 critères (puissance lumineuse, orientation de la lumière, distribution spectrale des lampes, énergie), mesures de la qualité de la nuit par sites et saisons ; ­ Sur la base de diagnostics in situ, des recommandations de démarches structurées et des pistes d'amélioration de la lumière très précises selon les sites et les types d'équipements (église, port, capitainerie, commerces, restaurants, bateaux de plaisance). Quelques exemples significatifs : le sur-éclairage d'une église qui pourrait être mieux mise en valeur avec moins d'éclairage, l'éclairage artificiel direct inutile et néfaste des arbres, la quantité très forte de lumière émise par des luminaires récents portuaires (lumières blanches, forte puissance, mauvaise maîtrise des flux, absence de modulation) dans des espaces ouverts, sans atténuation par le bâti), visibles à forte distance en mer ; l'impact des feux de mouillage ; Un grand constat : l'impact sur le halo lumineux de l'éclairage de l'île mais aussi de l'éclairage à distance du littoral continental très urbanisé (Hyères). Les limites ou les questions : Quelles sont les suites données à ces recommandations ? Qui mesure leur suivi et les progrès réalisés ? Comment passer d'un diagnostic très fin, qui se justifie en zone naturelle protégée, à des diagnostics opérationnels abordables et à un plan d'actions financée y compris dans des secteurs d'habitat naturel moins protégé ? Quelle démarche de planification et de concertation pour l'action concrète ? L'importance des mesures et de la cartographie de la lumière artificielle Pratiques de cartographie à différentes échelles territoriales et sur différents sites La cartographie est un préalable indispensable au diagnostic et au projet, et plus largement à la planification, à différentes échelles. Elle porte, à des degrés variables, sur un ou plusieurs aspects : ­ La cartographie du halo lumineux et de la qualité du ciel nocturne ; ­ La cartographie de la pollution lumineuse au sol ; ­ La cartographie du biotope (voir plus haut) qui implique de repérer les lieux d'habitat et de passage des espèces, en lien avec leurs modes de vie (reproduction, ponte, nidification, alimentation, repos...) ; ­ La cartographie ou l'état des lieux de l'éclairage public et de l'éclairage privé intervenant sur l'espace public : inventaires des réseaux, lampadaires et installations ; Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 78/106 PUBLIÉ ­ La mesure des impacts : niveaux d'éclairement en Lux, luminance (en cd/m²) notamment. Plusieurs illustrations : Cartes de la pollution lumineuse ­ Les cartes issues des observations spatiales de la Nasa : retravaillées selon une échelle à définir (plusieurs existent), elles peuvent donner, malgré certaines limites (par exemple mauvaise prise en compte du bleu) une vision d'ensemble de la pollution lumineuse vue du ciel, complétée ensuite par d'autres données. Différentes méthodes interprétatives sont issues de cette base ; ­ Les cartes de l'association d'astronomie AVEX : elles partent du principe que tout est allumé et rendent compte du « pire cas possible pour pouvoir observer le ciel étoilé » avec des gradations et une échelle d'observation, à 11h avec 85 % d'humidité, pour un cône zénithal de 50° (par rapport à la verticale d'un lieu donné), sans rendre compte des effets de la pollution lumineuse à l'horizon (impactantes pour l'orientation de certaines espèces) ; ­ Les cartes basées sur la thermographie aérienne : cette technique prometteuse selon la ville de Lille est à évaluer. Lille a mis en place, avec l'aide d'une agence d'urbanisme, une cartographie de la pollution lumineuse par thermographie aérienne : elle permet de qualifier les différentes sources lumineuses publiques et privées, de prendre en compte les revêtements et peut s'analyser à l'échelle d'une commune ou d'un quartier, voire pourrait l'être au niveau national (à étudier), sous réserve des coûts, et de la pertinence à une échelle plus large ; ­ « Qualité de la nuit sur l'ïle de Porquerolles » : expérimentation sur un site pilote insulaire protégé ». Rapport du partenariat scientifique ANPCEN ­ Parc national de Port Cros, 2016. C'est la méthode d'ensemble qui est intéressante car elle intègre plusieurs aspects de la pollution lumineuse : le halo lumineux, une analyse des éclairages et de leurs impacts sur des lieux représentatifs. ­ Les démarches de cartographie de connaissance et d'évaluation de l'impact de la lumière engagées sur deux axes différents et complémentaires 104. * la définition de trames sombres pour préserver les réservoirs identifiés et à enjeux de biodiversité 105. * les plans lumières. 1/ Travaux sur la trame sombre en milieu rural : encore en gestation, ils donnent lieu à des approches innovantes, qui nécessiteront, à terme, une évaluation en vue de leur élargissement. Ils sont réalisés sur commande de parcs naturels ou de collectivités. On citera notamment les travaux en cours commandités par le parc national des Pyrénées et le parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises. Ce travail consiste à : ­ Utiliser des bases de données référençant la géolocalisation des sources lumineuses et leurs caractéristiques physiques ; ­ Mesurer la luminosité du ciel nocturne pour développer des cartes précises, en évaluant le degré de noirceur du ciel vue du sol, par des mesures en continu permettant depuis le sol de disposer d'un suivi fin de la pollution lumineuse en cours de nuit (selon la lune, les pratiques de gestion de l'éclairage...) en utilisant des échelles de couleur selon la qualité du ciel ; ­ Intégrer ces éléments dans les cartographies existantes des trames vertes et bleues (permettant à la faune de se déplacer et de se ressourcer) en définissant un seuil de sensibilité lumineuse pour les chiroptères repérés dans ces territoires. Ce travail très prometteur est en cours. Il a notamment requis des outils de mesure de la qualité du ciel vue du sol (SQM statistiques) et un logiciel performant d'intégration et de modélisation des données. 104 Pour des raisons déontologiques, et faute d'un inventaire exhaustif la mission fait le choix de ne pas nommer les prestataires qui sont plusieurs à développer des méthodes et outils innovants. Trame noire : un sujet qui « monte dans les territoires » , Sordello, Jupille, Vauclair, Salmon-Legagneur, Deutsch, Faure ­ Sciences Eaux et territoires, la revue d'IRSTEA, consultation 2018. 105 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 79/106 PUBLIÉ 2/ Trame sombre et plan lumière en milieu urbain et périurbain : Ces approches sont complémentaires. La métropole de Lille s'appuie sur plusieurs organismes universitaires et de recherche, l'Ademe, et un bureau d'études pour mettre en place une trame noire intégrant l'inventaire et la répartition spatiale des chauves-souris (qui permettent de repérer et « étalonner » la biodiversité nocturne et sa sensibilité lumineuse, au moins partiellement). Ce projet repose également sur des travaux permettant de mesurer le niveau d'acceptabilité du projet par la population riveraine. On peut citer également les démarches pionnières de Lorient et Rennes, guidées par la « compréhension des usages nocturnes » et la recherche d'une « nouvelle identité nocturne » menées avec l'appui de concepteurs lumière qui ont permis d'identifier et intégrer des trames sombres dans le plan lumière de la ville, avec l'ambition de faire le lien avec la planification urbaine (SCOT, PADD du PLU) en prévoyant un volet d'aménagement nocturne et un « plan de sauvegarde de l'obscurité » dans les zones moins fréquentées humainement et riches en biodiversité (parcs et jardins, berges). Cette démarche, à évaluer, a notamment permis d'éteindre la voie de desserte portuaire de Lorient et de respecter ainsi la faune et la flore des accotements. Cartes et mesures métrologiques de la pollution lumineuse « au sol » Il existe différentes méthodes et appareils permettant de procéder, notamment via un luxmètre, un GPS et un véhicule, à des mesures photométriques du sol, non parfaites mais simples, adaptées à des diagnostics locaux. Il s'agit d'une première cartographie qui permet de dégrossir le sujet et de disposer d'une vision d'ensemble de l'éclairement d'une ville, à compléter ensuite par d'autres données et des analyses plus précises. D'autres démarches existent, notamment relatives à des problématiques routières : Exemple du projet européen SURFACE pour les chaussées (Objectif : révision de la norme EN 13201 Éclairage routier pour réduire la lumière éblouissante des installations d'éclairage routier, en intégrant la capacité d'un revêtement réel de chaussée (vieillissant, en condition humide...) à réfléchir la lumière. Apports : il existe des outils de mesure accessibles et peu onéreux (qui évoluent) et des observations réelles et des cartographies possibles, à différentes échelles. Limites : des références communes, si ce n'est une normalisation et des standards pour ces observations. La planification Lumière Selon nos différents interlocuteurs, les métropoles et les grandes villes disposent de services techniques et d'une sensibilité accrue à « l' urbanisme de l'éclairage » et à ses impacts environnementaux d'autant que, de plus en plus, elles « font réseau ». Lille (59) Lille, ville de plus de 230 0000 habitants, située dans une aire urbaine de plus d'un million d'habitants, a mis en place depuis 2004 une politique de la lumière et en est à son 2 e plan lumière (2013/2020). Son premier plan portait sur l'efficacité et la vétusté. Le plan actuel intègre un volet patrimonial, un volet sécurité des passages piétons, un volet biodiversité et trame noire. Ce plan lumière s'est traduit dans un marché global de performance. 64 % du parc a été ainsi reconstruit entre 2004 et 2020. Un concepteur lumière a été associé et des méthodes de concertation avec marches nocturnes ont été mises en place. Parmi les effets positifs, une amélioration de la qualité, une diminution du sur-éclairement, une suppression des luminaires les plus nocifs. Points forts ­ Un plan global, cohérent, construit dans la durée, avec une partie pédagogique différenciant coeur de ville, urbain, périurbain. Selon Lille, c'est ce qu'il faudrait faire au niveau national ; ­ « Avant on éclairait tout. Maintenant on gradue au coeur de la nuit, cela concerne 5000 points lumineux » ; ­ Choix a été fait de ne pas commencer la rénovation de l'éclairage par les quartiers centraux pour bien prendre en compte les besoins des quartiers périphériques. La Grand-Place sera faite en 2019. (« Ce qui brille sera fait en dernier ».) ; Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 80/106 PUBLIÉ ­ Un système de télésurveillance avec horloge intégrée et allumage et extinction coordonnée. À terme, l'éclairage intelligent permettra de distinguer par matériel (alors que les armoires actuelles éclairent tout sur une zone) et de mieux moduler l'éclairement. Les éléments de complexité ou de difficulté ­ Il n'est pas simple de réduire le nombre de points lumineux, car il faut alors tout refaire, les massifs, les trottoirs, et cela se fait donc à l'occasion des projets de rénovation urbaine d'une rue ou d'un quartier ; ­ À Lille un grand mât a été détruit, des photophores ont été posés. Sur cette voie, on est ainsi passés de 10 à 200 points lumineux en réduisant l'éclairement de 50 % (le nombre de points lumineux n'est pas un bon indicateur au plan local) ; ­ Le financement des éclairages innovants les plus vertueux pour la biodiversité n'est pas suffisant. « Sur les éclairages du projet Luciole, plus chers en investissement, dont on ne sait s'ils seront interopérables, nous prenons des risques non financés (mais le FEDER a financé 560 000 sur 700 000 euros), une aide serait bienvenue pour financer et réduire aussi les surcoûts. Comme nous avons été en avance sur l'énergie, aujourd'hui on gagne très peu à faire des éclairages innovants et bons pour la biodiversité » (d'où l'intérêt d'allier les deux) ; ­ Les efforts faits sur l'éclairage public peuvent être peu opérants face à des éclairages privés émanant de commerces ou de particuliers, faisant intrusion sur l'espace public ; ­ L'action territoriale sur l'impact de la lumière sur la biodiversité est nouvelle et a besoin d'appui national car elle manque de références (par exemple pas d'inscription de la trame noire dans les PLU et SCOT, ce qui permettrait d'intégrer une obligation de protection de la faune). Un plan national, priorisé et pédagogique, est indispensable, selon Lille ; ­ Des contradictions sont à gérer pour un décideur local : difficile d'être à la fois gendarme et pédagogue et d'aller plus loin s'il n'y a pas de caractère obligatoire, mais besoin de souplesse, qui tienne compte des capacités financières et du contexte territorial. Raisonner en cycle de vie Douai (59) Ville de 41 000 habitants au sein d'une communauté d'agglomération de plus de 150 000 habitants. Points forts : Le raisonnement en cycle de vie, le raisonnement sur 30 ans (durée de vie d'un éclairage public). Cette collectivité, qui a bénéficié d'un financement TEPCV, a fait le choix d'acheter des luminaires qui n'étaient pas les plus efficients, ni les meilleurs techniquement mais dont l'impact environnemental et le coût global sont meilleurs. Lorsqu'elle a rénové son éclairage public, la commune de Douai a suivi un processus maintenant bien rôdé pour les collectivités qui disposent de services techniques solides : la connaissance et le diagnostic sur l'éclairage, le plan/projet, l'information/sensibilisation des usagers. Difficultés : Implanter des nouveaux éclairages type Leds peut être difficile lorsque les réseaux ne sont pas rénovés, ce qui suppose, selon son responsable technique, une aide au financement qui n'existe pas aujourd'hui. Un projet ambitieux de rénovation de l'éclairage public Bougival (78) Ville de région parisienne de 9000 habitants, au sein de la communauté d'agglomération de Versailles grand parc, de plus de 260 000 habitants Le diagnostic de la commune avant rénovation (projet distinct et antérieur à l'intégration dans la nouvelle communauté d'agglomération) : un réseau vétuste à 65 %, coûteux en énergie, dangereux, disparate, comportant des éclairages impactant l'environnement. Le projet réalisé : la rénovation progressive, cohérente et complète de l'éclairage de la ville (y compris les armoires électriques) avec un objectif contractuel de 67 % d'économies d'énergie sur la durée du marché de performance énergétique passé sur 20 ans. Les résultats : 70 % d'économies d'énergie. Les apports environnementaux : une stratégie d'ensemble de différents niveaux. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 81/106 PUBLIÉ 1/ Grandes voies de transit : réduction de la taille des grands mâts multi-éclairants et orientation des flux sur la chaussée. 2/ Réduction des points lumineux et travail sur l'éclairage minimum acceptable en réduisant les intensités. Utilisation des possibilités de variabilité des flux sur une tranche horaire 22 h à 5h : objectif de réduction de 50 % sur l'ensemble, en partant de sites pilotes sur des petites voies et en généralisant progressivement. Résultat : une très bonne acceptation (nul ne s'en est plaint). 3/ Sur certaines sentes peu fréquentées, utilisation nocturne du système de détection de présence (alimenté le jour par panneaux photovoltaïques). Limites : pas d'évocation des températures de couleur et spectres lumineux (cela est lié à l'historique, cette approche spectres/biodiversité étant récente et perçue comme complexe à mettre en oeuvre (supposerait un diagnostic du biotope). Choix d'une information plus que d'une concertation, en visant la sobriété et en testant la gêne à partir de sites expérimentaux (c'est une limite mais le choix opéré fonctionne bien). Aspect délicat de l'éclairage nocturne des petits commerces, alors que ceux-ci ont du mal à survivre en centre-bourg. Très peu éclairent la nuit et le choix de la commune est plutôt d'informer, de sensibiliser, de prévenir en s'appuyant, au niveau national, sur un cadre, une réflexion et une communication pour l'instant très limités. Une aide pour les petits commerçants serait bienvenue. Les apports économiques : Choix d'un partenariat public privé (PPP) et d'un marché de performance. Celui-ci intègre l'investissement et la maintenance sur la durée du contrat. l'objectif de réduction de la dépense est atteint, voire dépassé et, grâce à la veille technologique, une amélioration en continu est assurée. En outre, tous les 3 ans, 300 points lumineux sont renouvelés, ainsi que, tous les 5 ans, un nombre défini de centres de télégestion. À la fin du contrat, l'équipement sera neuf et performant. Un investissement additionnel de la collectivité de 4 millions d'euros, une économie de 400 000 euros par an, un retour sur investissement en 10 ans. Limites : dans le contexte actuel de tension sur les finances des collectivités territoriales, le maire attire notre attention sur le fait qu'un PPP aussi ambitieux ne serait plus possible. Un message : l'aide à l'investissement pour les collectivités est un point clé. Le projet a bénéficié en outre d'aides de l'Ademe. Entre ville et campagne : le processus de changement à partir de la recherche d'économies Fosses (95) : Ville de près de 10 000 habitants en Île-de-France, appartenant à la communauté d'agglomération Roissy Pays de France , à la limite de l'Oise et de la région Hauts de France, entre ville et campagne. Ville porte du PNR Oise Pays de France. Les emplois sont principalement à Paris, en petite couronne et à Roissy (importance du RER : 40 mn de Paris). Opération de renouvellement urbain et de rénovation du centre-ville 2008- 2018. 1/ Constat partagé du primat des économies dans l'approche initiale : L'éducation sur les impacts environnementaux de la lumière s'est faite « en marchant » en raison d'une sensibilité environnementale préalable et avec l'apport du PNR ; « C'est un exemple de mise à niveau collective dans le processus de changement. ». 2/ Association de la population préparée via des réunions publiques, avec l'appui de la gendarmerie et du PNR (Dans le PNR 13 communes sont éteintes sur 59..) sur fond d'une longue culture de la concertation. Dans chaque quartier test, un élu "témoin". 3/ Démarche progressive et différenciée par quartier, en intégrant les besoins de déplacement de la population, combinant extinction et baisse des puissances : Expérimentation d'extinction par quartier de 6 mois, avec le maintien de l'éclairage dans la zone de la gare RER. Les axes routiers structurants restent allumés. 4/ Les impacts sur la sécurité : Pas de hausse constatée des cambriolages mais nécessité de lutter contre le sentiment d'insécurité (réduction de la zone de confort visuel de l'usager, même si majoritairement il dort !) en travaillant de manière globale sur les autres causes. 5/ Impacts financiers pour une ville aux moyens financiers comptés : Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 82/106 PUBLIÉ * les choix techniques : Fosses ne peut pas moduler car cela coûte plus cher. À chaque armoire correspond un ensemble de points lumineux sur une zone, ce qui entraîne une rigidité de programmation et la difficulté à intervenir sur les cours d'école ou stades, qui restent éclairés la nuit. L'approche s'est donc faite armoire par armoire ; * l'esthétique : un bureau d'étude avait proposé un éclairage plus homogène, mais très dispendieux, notamment au plan énergétique, proposition écartée ; * le rythme de rénovation du parc. Ce qui reste à faire : la révision des armoires électriques, une action sur les luminaires à boule, la cartographie complète géo-référencée des réseaux et points lumineux perçue par la ville comme une condition essentielle pour avancer sur ce sujet comme sur d'autres : cela lui a permis de chiffrer, anticiper budgétairement, planifier et mutualiser. La prise en compte du biotope serait envisageable mais suppose un appui du PNR, en particulier en zone de conflit entre habitat naturel et humain, et un petit appui financier. 6/ Un bilan positif : opération de rénovation/extinction/abaissement des puissances profitable à tous niveaux. La ville a été aidée au plan méthodologique et financier (PNR, Ademe). Un appui complémentaire permettrait d'accélérer le changement. Des outils techniques simples ont facilité l'opération à Fosses : horloges astronomiques radio-pilotées, programmables selon les heures. Ceux-ci doivent être adaptés au contexte communal (moyens financiers, humains, compétences techniques y compris pour l'entretien), encore plus pour les petites communes rurales, comme nous l'indique le maire. 7/ Les perspectives de planification La mutualisation passe en péri urbain davantage par l' EPCI, communauté d'agglomération, périmètre à stabiliser, qui définit les axes que par le syndicat d'électricité ou d'énergie : La pollution lumineuse aurait sa place dans le PLU via le PADD, avec un aspect favorable de transparence démocratique des plans lumières dans les PLU. Il est attendu de l'État des incitations par la loi et des repères praticables pour aider les élus à mettre en place un éclairage différencié. Les approches intégrant le recueil des ressentis des usagers in situ Saint-Malo (35) ville portuaire de Bretagne de 46 000 habitants Trois gradations sont constatées en matière de sensibilisation des usagers préalables à un projet d'éclairage public : une absence d'information ou de sensibilisation, une information par réunion ou encart dans le journal communal, des marches nocturnes et enquêtes/consultation in situ. Dans le cadre de la révision de son schéma d'éclairage (intégrant des préoccupations en matière d'économie, d'énergie, de prévention des nuisances lumineuse, de valorisation de sites emblématiques et de prise en compte des besoins des habitants et passants), la ville de Saint-Malo a commandité et financé une étude très complète, réalisée par le Cerema, portant sur l'acceptabilité de son projet d'éclairage, fondée sur : ­ Des campagnes de mesures des niveaux d'éclairement préalables à la démarche ; ­ Des méthodes d'enquêtes qualitatives ­ Recueil des avis et ressentis des usagers piétons in situ sur différents secteurs : urbain très fréquenté, touristique, mixte commercial et résidentiel, résidentiel (marches exploratoires, parcours commentés avec usagers, micro-trottoirs) autour de différents scénarios de mise en lumière ; ­ La définition d'une stratégie de modulation de l'éclairage public et de programmation des travaux à partir des résultats. Différentes collectivités et maîtres d'oeuvre professionnels de la lumière pratiquent cette approche d'acceptabilité, fondamentale pour un maire, qui repose sur des méthodes plus ou moins développées, depuis la réunion en salle avec projection, en passant par les marches nocturnes, pratiquées par exemple systématiquement par les concepteurs lumière. L'intérêt pédagogique et de concertation des marches de nuit avec un luxmètre : elles permettent à différents types d'usagers : habitants, passants, personnes âgées, malvoyants, amateurs d'ambiances festives, policiers, élus..., de mesurer, au-delà des préjugés communs, la réalité perçue des puissances, couleurs et niveaux d'éclairement, d'accepter le plus souvent une baisse de ces niveaux, mais aussi de prendre en compte leurs remarques selon les lieux, leur fréquentation et attentes. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 83/106 PUBLIÉ Les apports du métier récent des concepteurs lumière Les concepteurs lumière sont des professionnels de la lumière qui ont pour rôle d'accompagner, le plus en amont possible, un aménagement lumineux d'ensemble en intégrant, dans l'ingénierie de la lumière, les usages, les finalités et les contraintes à gérer in situ. Ils sont complémentaires des architectes paysagistes et des ingénieurs électriciens ou électroniciens, fabricants et installateurs. Connus pour leurs actions de valorisation du patrimoine, ils peuvent aussi intervenir comme des urbanistes de la lumière. Ils contribuent au diagnostic et au projet lumière (zonages, implantations, caractéristiques de l'éclairage, niveaux d'éclairement), créent des « atmosphères et des ambiances lumineuses » qui peuvent participer du sentiment de bien-être, d'esthétique (par exemple pour des édifices ou lieux patrimoniaux) ou de sécurité, avec des niveaux d'éclairement qui peuvent être bas, en jouant des contrastes ou des graduations, et en évitant les éblouissements. De plus en plus de concepteurs lumière, et d'éclairagistes extérieurs prennent en compte l'impact de l'éclairage sur la biodiversité. Un exemple de bonne pratique : la gradation très progressive des éclairages et le jeu sur les transitions lumineuses en passant d'un quartier à un autre ou selon l'heure de la nuit, d'autant mieux acceptée que, « perçue de manière non punitive », elle favorisera l'accoutumance perceptive. Limites ou risques : beaucoup de collectivités, aux moyens limités, souhaitent réduire les coûts élevés de la rénovation de l'éclairage et donc limiter les frais relatifs aux études et à la conception. Par ailleurs, certaines associations expriment la crainte que l'usage de plus en plus esthétique, imaginaire de la lumière ait pour effet de multiplier les points lumineux et d'oublier son impact sur la biodiversité (qui ne parle pas, ne commande pas et n'exprime donc pas ses besoins). Remarque : les concepteurs lumière sont indépendants des fabricants et vigilants sur les espaces naturels. Un éclairage adapté est mieux accepté, d'autant plus susceptible de valoriser la ville ; une bonne étude peut permettre de limiter le recours aux matériels et éclairages inutiles (30 % en moins). Leurs valeurs : « aimer la lumière et respecter la nuit ». Les actions sur Différentes communes, notamment les petites communes, pratiquent l'extinction nocturne. Cette pratique peut être : la temporalité ­ Efficace, car elle limite globalement les impacts sur le halo lumineux et la dépense énergétique ; de la lumière ­ Plus ou moins bien acceptée (pour des raisons notamment de sentiment d'insécurité), ce qui nécessite, pour éviter des rejets, une préparation, une sensibilisation et une concertation préalable, selon les usages de la lumière, en intégrant le cas échéant, après expérimentation, des compromis, voire une réversibilité (voir plus haut) ; ­ Efficace mais d'effet partiel sur la biodiversité si les heures d'extinction sont trop tardives (un lien est à faire avec le biotope et une réflexion à mener selon les zones et les espèces) ; ­ Insuffisante ou d'effet partiel sur le halo lumineux, si elle ne concerne que l'éclairage public (et pas certains équipements privés fortement lumineux) ; ­ Combinée avec des mesures de modulation adaptée de l'éclairage (abaissements d'intensités et gestion des transitions entre deux zones) et sa rénovation partielle ; ­ Combinée avec une approche spatiale de zonage des extinctions, intégrant les trames sombres (couloirs stratégiques permettant le déplacement des espèces nocturnes) ; ­ Un palliatif temporaire pour des collectivités qui, faute de moyens financiers, maintiennent des équipements vétustes et inadaptés, de plus en plus coûteux ; Aujourd'hui, les mesures sur la temporalité de l'usage de la lumière intègrent ainsi, outre les horaires d'extinctions, les détecteurs de présence (qui comportent l'inconvénient, en zone fréquentée, de créer des effets d'éblouissement par contraste ou de gêne pour le voisinage) et s'appuient sur des horloges astronomiques. Elles peuvent intégrer d'autres mesures techniques du type de celles utilisées pour les routes (les catadioptres qui permettent de rendre visible un obstacle éclairé par les phares). ­ Montée du numérique et des systèmes de gestion intelligente de pilotage, géo-référencement des points lumineux, modulation de l'éclairage à tout niveau : puissance, températures Solutions techniques en de couleur adaptées au rythme circadien, détection de présence, intelligence de gestion, smart city. Exemple de Paris, éclairée avec du digital, selon la saisonnalité. développement Limites : Des systèmes de gestion intelligente encore en développement, le coût de certains équipements avec un risque d'inflation, des qualités très inégales (en particulier des Leds) et une maîtrise d'ouvrage à consolider pour les petites et moyennes collectivités. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 84/106 PUBLIÉ LA QUESTION SENSIBLE DE « L'EXTINCTION DES FEUX » Le positionnement des acteurs associatifs de protection de la nature et de la biodiversité s'oriente dans leur discours vers une tendance à privilégier les exemples d'extinction totale nocturne de l'éclairage. Concernant les éclairages des bureaux, ils ont été moteurs dans la mise en oeuvre de cette réglementation, par leur rôle de veilleur actif et de lanceur d'alerte, pour « dénoncer », auprès des pouvoirs publics, les entreprises ne respectant pas l'obligation d'extinction de l'éclairage en coeur de nuit. En ce sens, ils ont assuré une animation de cette politique publique balbutiante. Concernant l'éclairage des bâtiments publics, comme sur l'éclairage public lui-même, les collectivités territoriales ayant effectué un « couvre-feu » sont présentées comme vertueuses sur le site internet de l'ANPCEN. Un concours national annuel avec un label est ainsi organisé par l'association. Les décideurs économiques sont donc confrontés à un discours assez radical puisque seule l'extinction des feux en coeur de nuit serait la panacée. Aujourd'hui, les acteurs économiques de l'industrie de l'éclairage proposent des réponses d'adaptation de l'éclairage très poussées techniquement bien que potentiellement onéreuses à l'installation, nonobstant les économies d'énergie qu'elles génèrent, et parfois surdimensionnées au regard des besoins des collectivités. Pour autant des solutions abordables existent et commencent à entrer en pratique. La gestion différenciée de l'éclairage (point lumineux par point lumineux) est peut-être ainsi une alternative à l'extinction, les réponses optimales n'étant pourtant pas généralisables car tributaires d'un diagnostic et d'un projet locaux. Pour la mission, devant cette situation particulièrement complexe, seules quelques convictions fortes peuvent permettre d'avancer : - Privilégier une réponse locale consensuelle sur les modalités d'éclairage public. La sensibilité des publics à ce sujet impose une approche prudente sur des prescriptions nationales trop précises. - Les objectifs d'extinction ciblée ont ainsi vocation à constituer une des modalités d'un objectif plus général de modération lumineuse. - Favoriser les opérations de rénovation de l'éclairage prenant effectivement en compte les impacts environnementaux et sanitaires. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 85/106 PUBLIÉ 10. La révolution des Leds En quelques années le paysage de l'éclairage s'est fortement transformé avec l'arrivée des Leds. Une nouvelle technologie qui aujourd'hui domine le marché de l'éclairage. 106 Une Led est une diode électroluminescente qui repose sur la polarisation d'un semi-conducteur, en appliquant une tension provoquant l'émission de particules lumineuses, les photons. Elle émet un rayonnement presque monochromatique (forte dominante d'une couleur). Pour produire de la lumière blanche avec une Led, trois méthodes sont utilisées ; la plus courante couple une Led bleue à une couche de phosphore jaune. Son efficacité peut évoluer dans le temps, selon sa qualité. Certains éclairages Leds peuvent présenter, du fait de leur réactivité aux flux électriques reçus , des variations temporelles se traduisant par des fluctuations de lumière plus ou moins perçues par l'oeil. Les atouts des Leds : - Une bonne efficacité énergétique (de 150 lm à 300 lm/watt), pour un processus de fabrication « relativement énergivore » (Ademe, 2017). Leur efficacité évolue rapidement, - Une durée de vie importante : jusqu'à 40 000 heures contre 2 000 heures pour les halogènes, - Une grande flexibilité d'utilisation : émission instantanée du flux lumineux désiré, cycle possible d'allumage et d'extinction fréquent, - Leur miniaturisation permet leur utilisation dans de très nombreux domaines, - Une gestion optimisée de l'éclairage qui intègre : * la fonction de détection de présence et de variation en fonction de la lumière du jour, * pour les Leds de couleur, des jeux de lumière sans utilisation de filtre, * la possibilité pour le consommateur d'adapter la teinte de lumière à son activité et son confort. - Leur insensibilité aux chocs, car elles fonctionnent en très basse tension. Certaines caractéristiques particulières : - Une luminance qui peut être très forte, rapportée à la surface d'émission, avec des effets possibles d'éblouissement, voire de dangerosité pour la rétine (pour l'être humain à moins de 20 cm de la source lumineuse perçue directement pour une surface d'émission faible), - Les pics d'émission du spectre de certaines Leds. Les points de vigilance, voire les risques : - Un coût d'acquisition encore élevé mais en baisse, - Un bilan environnemental énergétique discutable : taux d'émission de gaz à effet de serre pour sa fabrication, utilisation d'un matériau, l'indium, rare et non recyclable, une durée de vie à évaluer dans le temps. - Un bilan environnemental pour la biodiversité qui peut être négatif pour la faune et la flore lorsque l'usage n'est pas réfléchi, limité et maîtrisé : multiplication de sources lumineuses, forte intensité et luminance de faisceaux lumineux éblouissants, forts contrastes, utilisation de spectres de couleur fortement perçus par la faune. - Un risque sanitaire présenté par certaines Leds, présentant un pic de bleu (point en amélioration depuis 2010), des variations temporelles importantes et une utilisation sans filtre en fin de journée ou la nuit, pour des personnes présentant une vulnérabilité particulière du fait des caractéristiques de leur rétine (enfants, personnes âgées, personnes souffrant de problèmes visuels). - Une qualité fonctionnelle et environnementale très variable selon les produits, (toutes les Leds ne sont pas compatibles avec des variateurs) et une utilisation encore immature (exemples de sources très éblouissantes pour la rétine des enseignes de certains magasins ou d'éclairages en terrasses de restaurants) sans que l'information du consommateur, des maîtres d'ouvrage et de tous les installateurs soit encore pleinement au rendez-vous. - Une adaptation à améliorer pour l'éclairage de grande hauteur et de forte puissance (surchauffe possible). Le potentiel d'évolution : Les capacités d'évolution technologiques et d'adaptation des Leds à des normes plus exigeantes apparaissent réelles, comme le montre l'évolution de la maîtrise des pics de bleu des Leds depuis le rapport de l'Anses de 2010. Des progrès sensibles apparaissent devoir être faits sur l'information et la normalisation des Leds. 106 Source : fiche adaptée à partir des apports suivants : Rapport de l'Anses, 2010 ­ Avis de l'Ademe, 2017 ­ Avis de l'ANPCEN, 2018. À la reconquête de la nuit Page 86/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ 11. Les impacts de la lumière artificielle sur la biodiversité Les usages de la lumière artificielle impactent globalement l'écosystème, au-delà de la disparition isolée de différentes espèces 107 en modifiant la fréquence 108, la temporalité109 ou le but 110 de leurs déplacements liés à leur cycle de vie. Certaines espèces connaissent des réductions de population, avec des impacts sur la pollinisation 111 et donc sur la flore, voire sur l'agriculture et l'activité humaine. (cf. annexe document sur les impacts). Régression du domaine vital : Les espèces dites « lucifuges » fuient les habitats naturels (repos, hibernation, alimentation...) les plus propices quand ils sont illuminés. C'est le cas d'oiseaux limicoles qui désertent les prairies bordant les routes éclairées aux Pays-bas, avec un effet répulsif effectif à plus de 300 mètres de la route (De Molenaar et al. 2000). Fragmentation de l'habitat : L'éclairage urbain et des routes créent de véritables « murs lumineux » infranchissables (effet barrière) pour différentes espèces par ailleurs déjà fragilisées par d'autres facteurs de fragmentation (infrastructures urbaines, commerciales, industrielles et de transports). Certains crapauds n'empruntent plus des voies très éclairées, avec des incidences sur leur reproduction 112. Perturbation des relations proies-prédateurs : L'éclairage artificiel favorise certaines espèces prédatrices en renforçant la vulnérabilité de certaines proies (attraction, sidération, désorientation...), avec un impact sur la réduction de population des espèces concernées. Il renforce la compétition entre espèces et modifie l'équilibre inter-espèces. C'est l'exemple d'une population de saumons juvéniles décimée par des phoques veaux-marins chasseurs bénéficiant de l'éclairage artificiel d'une usine hydro-électrique (Yurk et Trites, 2000), ou de la disparition de certaines espèces de poissons ayant perdu la bataille du plancton dans de nombreux lacs ou réservoirs éclairés. Modification des voies de déplacement : Il a été prouvé que les oiseaux migrateurs peuvent dévier de leur route initiale par le simple effet, jusqu'à 1 km de distance, d'un faisceau lumineux issu d'une lampe de 200 watts orientée vers le ciel. Modification de la communication : Il a été démontré que les mâles amphibiens exposés à la lumière naturelle étaient moins vocaux et se déplaçaient plus fréquemment, conduisant à limiter les accouplements et le renouvellement de la population. Les lucioles et vers luisants, dont la communication repose sur la bioluminescence (lumière froide en concurrence avec la lumière froide des Leds blanches) nécessitant l'obscurité sont également affectés, avec un impact probable de reproduction113. Augmentation de la mortalité directe violente : Selon une étude allemande, un milliard d'insectes (papillons, mouches, coléoptères), dont le rôle pour la chaîne alimentaire est important, seraient tués chaque nuit d'été. Des millions d'oiseaux meurent par collision ou épuisement et prédation chaque année du fait d'édifices éclairés (phares, éoliennes, tours, plate-formes pétrolières, paquebots) jouant un rôle d'aimant. Un exemple connu concerne les espèces menacées du Pétrel de Barau à la Réunion, les juvéniles étant attirés par la lumière artificielle en période de premier envol. - - - - - 107 Ils ont été notamment résumés par Jean-Philippe Siblet, chef de service au Muséum national d'histoire naturel, à partir de 2008 et confirmés par les recherches et bibliographies plus récentes. Source : Baker et Richardson, 2006. Source : Riley et al., 2013. Source : Beier, 1995. Source : Knop et al., 2017). Source : R.H.A. Van Grunsven et al., 2017. Bird et Parker, 2014. À la reconquête de la nuit Page 87/106 108 109 110 111 112 113 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ - Production et régulation hormonale du fait de la modification des rythmes circadiens par augmentation de la durée de l'éclairage nocturne : Une thèse soutenue en 2014 au Muséum national d'histoire naturelle par Thomas Le Tallec sur les impacts de la lumière artificielle sur les comportements, les rythmes biologiques et les fonctions physiologiques d'un primate non-humain, le microcèbe murin, a montré une modification de ses rythmes circadiens, avec une augmentation de l'agressivité et une diminution du succès de la reproduction. Illustration : source Science et avenir Les impacts concernent aussi la reproduction et la croissance de la faune et de la flore. Une étude a notamment montré l'effet d'accélération, par l'éclairage artificiel, de la perte des feuilles des arbres. Or, on connaît l'importance de la végétation en milieu urbain pour apporter fraîcheur et humidité et réduire les îlots de chaleur. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 88/106 PUBLIÉ 12. Panorama juridique La présente annexe reprend la réglementation actuelle relative à la pollution lumineuse ou portant sur des domaines connexes (qui y contribuent). 8.1 Dispositif législatif : La pollution lumineuse dans les lois Grenelle 1 et 2. La première inscription de la pollution lumineuse dans la loi est mentionnée dans l'article 41 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (1) qui prévoit : « Les émissions de lumière artificielle de nature à présenter des dangers ou à causer un trouble excessif aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, entraînant un gaspillage énergétique ou empêchant l'observation du ciel nocturne feront l'objet de mesures de prévention, de suppression ou de limitation ». Un dispositif plus complet est prévu dans la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (1), dite Grenelle 2, à son article 173 qui complète le code de l'environnement par un chapitre III intitulé « Prévention des nuisances lumineuses ». Il prévoit : - La compétence du ministre chargé de l'environnement pour établir des spécifications techniques applicables de plein droit immédiatement aux installations, activités, ouvrages ou équipements nouveaux et après un délai pour les existants, et pour en définir les modalités de contrôle ; des prescriptions peuvent être imposées aux exploitants ou utilisateurs de certaines installations lumineuses. La loi fixe les caractéristiques des installations lumineuses concernées selon « leur puissance lumineuse totale, le type d'application de l'éclairage, la zone d'implantation et les équipements mis en place ». - La possibilité dans les arrêtés ministériels d'attribuer au préfet, dans des conditions prédéfinies, le pouvoir d'adapter les spécifications techniques ou les interdictions prévues aux circonstances locales. - L'attribution des pouvoirs de contrôle au maire sauf pour les installations, activités ouvrages ou équipements communaux et pour les installations ou ouvrages déjà régis par une police spéciale d'État, dont le contrôle est attribué à l'État114. Ce texte prévoit également que le régime des installations classées, des installations nucléaires de base et des publicités, enseignes et pré-enseignes, sont exclus du champ d'application des dispositions (cf. Article L. 583-4 du code de l'environnement 115 et L. 581-9 du même code pour la publicité). La loi prévoit également des sanctions administratives avec mise en demeure préalable116, d'un montant maximum de 750 euros par constatation d'une installation 114 Conformément à l'article L. 583-3 les contrôles de police relèvent « de la compétence du maire sauf pour les installations communales, définies selon leur puissance lumineuse totale, application, zone et équipements, pour lesquelles ce contrôle relève de la compétence de l'État. Ce contrôle est assuré par l'État pour les installations, selon leur puissance lumineuse totale, application, zone et équipements soumis à un contrôle de l'État au titre d'une police administrative spéciale ». « Art.L. 583-4.- Le présent chapitre n'est pas applicable aux installations régies par le titre Ier du livre V, ni aux installations régies par la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire ». « Art.L. 583-5.-En cas d'inobservation des dispositions applicables aux installations régies par le présent chapitre ou des règlements pris pour leur application, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à qui incombe l'obligation d'y satisfaire dans le délai qu'elle détermine ». À la reconquête de la nuit Page 89/106 115 116 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ lumineuse irrégulière au regard des prescriptions techniques ou du maintien de son exploitation (cf. article R583-7117). Autres législations : lois TECV et biodiversité La pollution lumineuse est également mentionnée dans d'autres dispositions législatives. Dans la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV), la pollution lumineuse est mentionnée dans le plan climat-airénergie (PCAE) au niveau régional ou intercommunal (agglomération). Il comporte un volet spécifique à la maîtrise de la consommation énergétique de l'éclairage public et de ses nuisances lumineuses118. Le financement des plans climat-air-énergie territoriaux est assurée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (1) mentionne également la préoccupation de la pollution lumineuse en ajoutant les sites et les « paysages diurnes et nocturnes » au patrimoine commun de la nation dans son article 1er, et en prévoyant dans son article 5 qu' « Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l'environnement, y compris nocturne » 119. À l'article 6, les sources lumineuses sont ajoutées dans la définition de la pollution marine anthropique120. À l'article 17, la définition de la trame verte et bleue présente dans le premier alinéa du I de l'article L. 371-1 du code de l'environnement 121 est complétée par l'ajout de « la gestion de la lumière artificielle la nuit ». À l'article 171, « Les objectifs de qualité paysagère mentionnés à l'article L. 333-1 (parc naturel régional) visent également à garantir la prévention des nuisances lumineuses définie à l'article L. 583-1122 ». « Si, à l'expiration de ce délai, l'intéressé n'a pas déféré à la mise en demeure, l'autorité administrative compétente suspend par arrêté le fonctionnement des sources lumineuses jusqu'à exécution des conditions imposées et prend les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure. » 117 Article R. 583-7 ­ En cas de constatation d'une installation lumineuse irrégulière au regard des prescriptions techniques fixées par le ministre en charge de l'environnement ou du maintien de l'exploitation d'une installation lumineuse en violation d'un arrêté pris en application de l'article L. 583-5, l'autorité administrative compétente définie à l'article L. 583-3 peut prononcer une amende, au plus égale à 750 euros, après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations. Extrait article L. 229-26 du code de l'environnement : « Lorsque cet établissement public exerce la compétence en matière d'éclairage mentionnée à l'article L. 2212-2 du même code, ce programme d'actions comporte un volet spécifique à la maîtrise de la consommation énergétique de l'éclairage public et de ses nuisances lumineuses. » Article L. 110-2 : « Les lois et règlements organisent le droit de chacun à un environnement sain. Ils contribuent à assurer un équilibre harmonieux entre les zones urbaines et les zones rurales ainsi que la préservation et l'utilisation durable des continuités écologiques. Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l'environnement, y compris nocturne. Les personnes publiques et privées doivent, dans toutes leurs activités, se conformer aux mêmes exigences. » Cf. 5° de l'article L. 219-8 du code de l'environnement : « La " pollution" consiste en l'introduction directe ou indirecte, par suite de l'activité humaine, de déchets, de substances, ou d'énergie, y compris de sources sonores sous-marines ou de sources lumineuses d'origine anthropique, qui entraîne ou est susceptible d'entraîner des effets nuisibles pour les ressources vivantes et les écosystèmes marins, et notamment un appauvrissement de la biodiversité, des risques pour la santé humaine, des obstacles pour les activités maritimes, et notamment la pêche, le tourisme et les loisirs ainsi que les autres utilisations de la mer, une altération de la qualité des eaux du point de vue de leur utilisation, et une réduction de la valeur d'agrément du milieu marin. » Article L.371-1 du Code de l'environnement : « La trame verte et la trame bleue ont pour objectif d'enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural ainsi que la gestion de la lumière artificielle la nuit. » cf. article L. 350-1 du code de l'environnement. À la reconquête de la nuit Page 90/106 118 119 120 121 122 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ 8.2 Dispositif réglementaire sur les nuisances lumineuses : Décret n° 2011-831 du 12 juillet 2011 relatif à la prévention et à la limitation des nuisances lumineuses : Ce décret décline au niveau réglementaire les principes mentionnés dans les lois précitées, notamment celle de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (1) dite Grenelle 2. Il précise la définition technique d'une installation lumineuse, et donne le champ des typologies d'éclairage concerné par les prescriptions techniques ministérielles au titre de la prévention de la pollution lumineuse : · éclairage extérieur destiné à favoriser la sécurité des déplacements, des personnes et des biens et le confort des usagers sur l'espace public ou privé, en particulier la voirie, à l'exclusion des dispositifs d'éclairage et de signalisation des véhicules ; éclairage de mise en valeur du patrimoine, (tel que défini à l'article L. 1 du code du patrimoine), du cadre bâti, ainsi que des parcs et jardins ; éclairage des équipements sportifs de plein air ou découvrables ; éclairage des bâtiments, recouvrant à la fois l'illumination des façades des bâtiments et l'éclairage intérieur émis vers l'extérieur de ces mêmes bâtiments ; éclairage des parcs de stationnement non couverts ou semi-couverts ; éclairage événementiel extérieur, constitué d'installations lumineuses temporaires utilisées à l'occasion d'une manifestation artistique, culturelle, commerciale ou de loisirs ; éclairage de chantiers en extérieur. · · · · · · Le décret rappelle le principe législatif d'exclusion des publicités et des enseignes lumineuses. Il prévoit enfin un critère de modulation des prescriptions techniques « en fonction de l'implantation des installations lumineuses selon qu'elles se situent dans les zones qualifiées d'agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière ou les zones en dehors de ces agglomérations ». Enfin, le décret précise les espaces naturels et les sites d'observation astronomique, dont les installations lumineuses font l'objet de mesures plus restrictives que celles appliquées aux dispositifs implantés en agglomération et en dehors des agglomérations : parcs nationaux, réserves naturelles et périmètres de protection, parcs naturels régionaux, parcs naturels marins, sites classés et sites inscrits, sites Natura 2000. Les sites d'observation astronomique ne sont pas désignés à ce niveau de norme, et nécessiteront un arrêté ultérieur, en projet à la DGPR. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 91/106 PUBLIÉ Arrêté du 25 janvier 2013 relatif à l'éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels afin de limiter les nuisances lumineuses et les consommations d'énergie. Cet arrêté prévoit des horaires et modalités d'extinction de la lumière des éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel, des illuminations des façades des bâtiments et des éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition 123. Il instaure un régime de dérogation préfectorale pour des motifs économiques et touristiques. Il indique que l'irrégularité peut être constatée visuellement par l'autorité compétente mentionnée à l'article L. 583-3 du code de l'environnement (c'est-à-dire le maire ou l'État), au regard des prescriptions de fonctionnement d'une installation lumineuse. Le Conseil d'État, par un arrêté du 28 mars 2018, a condamné le ministre de la transition écologique et solidaire à édicter les arrêtés d'application prévus au I de l'article L. 583-2 et à l'article R. 583-4 du code de l'environnement relatifs aux nuisances lumineuses, dans un délai de neuf mois à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Les arrêtés attendus concernent la définition technique de seuils relatifs à diverses catégories d'installations lumineuses ainsi que les règles devant s'appliquer dans certains espaces naturels et sites d'observation astronomique. 8.3 La réglementation des enseignes et publicités lumineuses : Bien que non inclus dans le périmètre de la législation précitée au titre de la prévention de la pollution lumineuse, ces dispositifs lumineux sont néanmoins soumis à un régime restrictif, conformément à la loi Grenelle 2 et au décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012 relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux pré-enseignes. Ce régime restrictif est établi notamment par les articles L. 581-4, L. 581-7, L. 5 81-8, L. 581-9 et R. 581-34 et suivants du code de l'environnement. Il résulte de la combinaison de ces articles que, par principe, toute publicité est interdite sur certains espaces comme les monuments, les sites naturels, les coeurs des parcs nationaux et les réserves naturelles ; une distinction est ensuite opérée entre des zones en agglomération ou hors agglomération. À l'intérieur des agglomérations, la publicité est interdite dans des nombreuses zones particulières : autour des sites classés ou autour des monuments historiques classés ; dans les secteurs sauvegardés ; dans les parcs naturels régionaux ; dans les sites inscrits à l'inventaire et les zones de protection délimitées autour de ceux-ci ; ou encore en covisibilité de proximité avec un monument historique ou inscrits à ISMH, dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, (ZPPAUP), dans l'aire d'adhésion des parcs nationaux, dans les zones spéciales de conservation (ZSC) et dans les zones de protection spéciales (ZPS). Seul un règlement local de publicité (RLP) peut déroger à ces interdictions. 123 « Les éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel sont éteints une heure après la fin de l'occupation de ces locaux. Les illuminations des façades des bâtiments sont éteintes au plus tard à 1 heure. Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition peuvent être allumés à partir de 7 heures ou une heure avant le début de l'activité si celle-ci s'exerce plus tôt. Les illuminations des façades des bâtiments ne peuvent être allumées avant le coucher du soleil. Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition sont éteints au plus tard à 1 heure ou une heure après la fin de l'occupation de ces locaux si celle-ci intervient plus tardivement ». À la reconquête de la nuit Page 92/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Pour tous les autres cas, la publicité est admise par principe dans les agglomérations124. La loi précise que cette publicité « doit toutefois satisfaire, notamment en matière d'emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d'entretien et, pour la publicité lumineuse, d'économies d'énergie et de prévention des nuisances lumineuses au sens du chapitre III du présent titre, à des prescriptions fixées par décret en Conseil d'État en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l'importance des agglomérations concernées. (...) L'installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence est soumise à l'autorisation de l'autorité compétente ». En revanche, hors agglomération (au sens de la circulation routière) toute publicité est interdite, avec des exceptions notables pour les aéroports, les centres commerciaux et le contenu des règlements locaux de publicités125. L'article R. 581-34 a tenté de synthétiser et de préciser la réglementation applicable sur les notions d'agglomération, de dispositif lumineux concerné, avec des critères techniques propres à la publicité (surface des panneaux, notamment lumineux) et aux dérogations inhérentes aux équipements sportifs. Il indique que : « La publicité lumineuse est la publicité à la réalisation de laquelle participe une source lumineuse spécialement prévue à cet effet ». En principe, le décret prévoit que la publicité lumineuse ne peut être autorisée à l'intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants126. En outre, la publicité lumineuse respecte des normes techniques fixées par arrêté ministériel, portant notamment sur les seuils maximaux de luminance, exprimés en candelas par mètre carré, et sur l'efficacité lumineuse des sources utilisées, exprimée en lumens par watt. Il y a donc ici une articulation prévue avec les dispositions techniques relatives à la pollution lumineuse. 124 cf. Article L. 581-9. Article L. 581-7 : En dehors des lieux qualifiés d'agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière, toute publicité est interdite. Elle est toutefois autorisée à l'intérieur de l'emprise des aéroports ainsi que des gares ferroviaires, selon des prescriptions fixées par décret en Conseil d'État. La publicité peut également être autorisée par le règlement local de publicité de l'autorité administrative compétente à proximité immédiate des établissements de centres commerciaux exclusifs de toute habitation et situés hors agglomération, dans le respect de la qualité de vie et du paysage et des critères, en particulier relatifs à la densité, fixés par décret. La publicité lumineuse ne peut être autorisée à l'intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants. À l'intérieur des agglomérations de plus de 10 000 habitants et dans celles de moins de 10 000 habitants faisant partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants, ainsi qu'à l'intérieur de l'emprise des aéroports et des gares ferroviaires et routières situés hors agglomération, la publicité lumineuse apposée sur un mur, scellée au sol ou installée directement sur le sol ne peut avoir une surface unitaire excédant 8 mètres carrés, ni s'élever à plus de 6 mètres au-dessus du niveau du sol. Sur l'emprise des équipements sportifs mentionnés aux articles L. 581-7 et L. 581-10, la publicité lumineuse apposée sur un mur, une façade ou une clôture, scellée au sol ou installée directement sur le sol peut s'élever jusqu'à 10 m au-dessus du niveau du sol et avoir une surface unitaire d'une limite maximale de 50 m 2. Une élévation supérieure à 10 m peut être autorisée, pour la publicité apposée sur un mur, une façade ou une clôture, compte tenu notamment de la durée d'installation de la publicité, de sa surface, des procédés utilisés, des caractéristiques des supports, de son insertion architecturale et paysagère, de son impact sur le cadre de vie environnant et de ses incidences éventuelles sur la sécurité routière. 125 126 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 93/106 PUBLIÉ Un champ d'exclusion de l'obligation d'extinction est prévu pour : « Les publicités lumineuses installées sur l'emprise des aéroports, celles éclairées par projection ou transparence supportées par le mobilier urbain et des publicités numériques supportées par le mobilier urbain, à condition que leurs images soient fixes. » Ce champ est en définitive assez étendu. Il peut être aussi dérogé à l'extinction des publicités ou enseignes lumineuses lors d'événements exceptionnels définis par arrêté municipal ou préfectoral. L'article R. 581-35 du code de l'environnement127 précise le principe de l'extinction des publicités la nuit : - des enseignes lumineuses entre 1 heure et 6 heures, lorsque l'activité signalée a cessé ou une heure après la cessation d'activité. Elles peuvent être allumées une heure avant la reprise de cette activité, y compris entre minuit et 7 heures ; - des publicités lumineuses dans les unités urbaines de moins de 800 000 habitants entre 1 heure et 6 heures du matin, sauf exclusions mentionnées ci-dessus et dans les unités urbaines de plus de 800 000 habitants, pour lesquelles les maires édicteront les règles applicables. Enfin, la publicité lumineuse apposée sur un mur, scellée au sol ou installée sur le sol et la publicité numérique sont soumises à des critères de surface128. Des arrêtés fixent des seuils maximaux de luminance en candelas par mètre carré, l'efficacité lumineuse des sources utilisées en lumens par watt et la consommation électrique maximale du dispositif de publicité numérique pour pouvoir excéder 2.1 mètres carrés et 3 mètres de haut. La réglementation prévoit donc un dispositif gradué, avec en zone rurale un principe d'interdiction des publicités lumineuses et en zone d'agglomération un principe d'autorisation tempéré par des règles d'extinction. Il est important de noter ici que l'approche de cette réglementation sur les enseignes lumineuses est d'abord paysagère voire quasi urbanistique, ou encore fonctionnelle. Pour illustration, la disposition relative à la publicité lumineuse apposée sur un mur, scellée au sol ou installée sur le sol ne prévoit la prévention des éblouissements que dans une approche utilitariste, c'est-à-dire gênant pour les activités humaines, notamment le transport aérien. Exemple : « Dans les aéroports dont le flux annuel de passagers dépasse trois millions de personnes, la surface maximale est de 50 mètres carrés et la hauteur maximale de 10 mètres. Afin d'éviter les éblouissements, les dispositifs publicitaires numériques situés à l'intérieur des agglomérations ou des gares et aéroports situés hors agglomération sont équipés d'un système de gradation permettant d'adapter l'éclairage à la luminosité ambiante ». 127 Article R. 581-35 ­ Dans les unités urbaines de moins de 800 000 habitants, les publicités lumineuses sont éteintes entre 1 heure et 6 heures, à l'exception de celles installées sur l'emprise des aéroports, de celles éclairées par projection ou transparence supportées par le mobilier urbain et des publicités numériques supportées par le mobilier urbain, à condition que leurs images soient fixes. Dans les unités urbaines de plus de 800 000 habitants, les obligations et modalités d'extinction sont prévues par le règlement local de publicité selon les zones qu'il identifie. Il peut être dérogé à cette extinction lors d'événements exceptionnels définis par arrêté municipal ou préfectoral. Publicité lumineuse : La surface ne doit pas excéder 8 mètres carrés ni dépasser 6 mètres de hauteur à l'intérieur des villes concernées ou des gares et aéroports situés hors agglomération. Publicité numérique : la surface ne doit pas excéder 8 mètres carrés ni dépasser 6 mètres de hauteur si la consommation n'excède pas les niveaux définis par arrêté ministériel, sinon la surface est limitée à 2.1 mètres carrés et de hauteur maximale 3 mètres. 128 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 94/106 PUBLIÉ Enfin, il n'existe aucune recommandation ni prescription des fédérations sportives sur les panneaux lumineux. Les grands évènements sportifs (JO 2024) sont même dérogatoires aux RLP en place. Il convient de noter également que le délai de mise en conformité des installations de publicité lumineuse a été fixé à 6 ans dans la loi 129. Son entrée en vigueur a été effective au 1er juillet 2018 pour un texte initial voté en 2010, modifié en 2012. 8.4 La réglementation relative à l'accessibilité des personnes à mobilité réduite (PMR). Cette réglementation est régie par un arrêté du 8 décembre 2014, plusieurs fois modifié 130. Cet arrêté prévoit que le niveau d'éclairement moyen horizontal au niveau du sol est en moyenne de 20 lux et doit être maintenu sur toute la longueur du cheminement accessible en tenant compte des zones de transition. Un contraste visuel renforcé est aussi requis sur les dispositifs d'accès (porte, sas, portillon, etc.), sur la signalétique et sur les parties du cheminement qui peuvent être source de perte d'équilibre pour les personnes handicapées. La portée de ces exigences dépend de la qualification juridique des infrastructures et aménagements131 concernées par l'obligation d'accessibilité des handicapés : - les établissements recevant du public (ERP), neufs ou anciens ; - les installations ouvertes au public (IOP), neufs ou anciens132 ; - les bâtiments d'habitation collective (BHC) lors de leur construction ; - les maisons individuelles lors de leur construction. 129 cf. article 67 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives (1). Arrêté du 8 décembre 2014 fixant les dispositions prises pour l'application des articles R. 111-19-7 à R. 111-19-11 du code de la construction et de l'habitation et de l'article 14 du décret n° 2006-555 relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public situés dans un cadre bâti existant et des installations existantes ouvertes au public, modifié par l'Arrêté du 20 avril 2017 et l'Arrêté du 24 décembre 2015. L'article R.123-2 du code de la construction et de l'habitation définit un établissement recevant du public comme un bâtiment, local ou enceinte dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non. Les établissements recevant du public sont classés par groupe puis par type et catégorie. le classement par type est basé sur la nature de l'exploitation. La catégorie est relative à l'effectif susceptible d'être présent dans l'exploitation considérée. On entend par effectif, le public et les personnels. Une installation ouverte au public (IOP) est un espace, lieu ou équipement qui ne répond pas aux règles de sécurité. Doivent être considérés comme des IOP : les espaces publics et privés qui desservent des ERP, les aménagements permanents non rattachés à un ERP : les circulations principales des jardins publics, les aménagements divers en plein air (dont les tribunes et gradins), les parties non flottantes des ports de plaisance, etc. Les parties non bâties des terrains de camping et autres terrains aménagés pour l'hébergement touristique. Les éléments de mobilier urbain doivent être accessibles s'ils sont intégrés à une IOP. 130 131 132 Ne sont pas des IOP les aménagements liés à la voirie et aux espaces publics : voirie publique, places publiques, espaces piétonniers sur dalles passerelles.* escaliers mécaniques.* mobilier urbain.*(*si installé sur la voirie)les espaces de jeux en superstructure pour enfants. Les équipements ayant une réglementation spécifique : Arrêts de bus (réglementation relative à la voirie). À la reconquête de la nuit Page 95/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Les espaces concernés par les exigences d'éclairage et intégrés dans les quatre précédents types de constructions sont le cheminement extérieur accessible et les parcs extérieurs de stationnement. Ainsi, dans la majorité des cas, les maîtres d'ouvrages préconisent un seuil d'éclairage de 20 lux généralisé pour répondre à la conformité de la réglementation PMR des installations d'éclairage. 8.5 La réglementation des études d'impact au regard de la pollution lumineuse. La réglementation des études d'impact (décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011) prend en compte le phénomène de la pollution lumineuse à travers le concept de continuité écologique examiné dans l'étude d'impact ; Toutefois la lumière artificielle n'est qu'une source de rupture de la continuité écologique parmi tant d'autres. Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. Le 3° de l'article R. 122-5.-I du code de l'environnement prévoit133 que l'étude d'impact doit contenir « Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses). 8.6 La réglementation applicable aux trames vertes et bleues Le projet trame verte et bleue est destiné à lutter contre la fragmentation spatiale des habitats. Les orientations nationales de ce projet approuvées par le décret n° 2014-45 du 20 janvier 2014 affichent un objectif de maîtrise de l'urbanisation en intégrant des problématiques connexes, notamment la pollution lumineuse134. Le concept dérivé de « trame noire » bien que porté par les associations ou certains acteurs locaux, n'existe pas en droit français de l'environnement. Il est intégré dans celui de trame « verte et bleue » telle que prévue par la loi. 133 « Art. R. 122-5.-I. « II.-L'étude d'impact présente : « 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement et, le cas échéant, une description des principales caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication, notamment mis en oeuvre pendant l'exploitation, telles que la nature et la quantité des matériaux utilisés, ainsi qu'une estimation des types et des quantités des résidus et des émissions attendus résultant du fonctionnement du projet proposé. « Pour les installations relevant du titre Ier du livre V du présent code et les installations nucléaires de base relevant du titre IV de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 modifiée relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, cette description pourra être complétée dans le dossier de demande d'autorisation en application de l'article R. 512-3 et de l'article 8 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 modifié relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives ; « 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; « 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ; 134 cf. Annexe du décret 2014-45 portant adoption des orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ; document cadre d'orientation nationale pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques. À la reconquête de la nuit Page 96/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ 8.7 La réglementation applicable aux travailleurs La réglementation française relative à la prévention des expositions aux rayonnements optiques artificiels figure dans le Code du travail (articles R. 4452-1 3 à R. 4452-31). Elle concerne les sources de rayonnement incohérentes ainsi que les lasers. Issues de la transposition en droit français de la directive européenne 2006/25/CE, ces dispositions concernent les effets des rayonnements optiques artificiels 135 sur la peau et l'oeil, et portent notamment sur : · · · · · les valeurs limites d'exposition professionnelle, l'évaluation des risques, les mesures et moyens de prévention, l'information, la formation, le suivi individuel de l'état de santé des salariés exposés. Les textes distinguent le cas des rayonnements optiques incohérents et celui des lasers. Les valeurs limites d'exposition professionnelles relatives aux rayonnements optiques incohérents sont déclinées selon les effets physiologiques, les longueurs d'ondes et les durées d'exposition au cours d'une journée de travail de 8 heures, de fait relativement complexes à mettre en oeuvre. 8.8 Le cas des normes et des recommandations techniques Les normes techniques reposent initialement sur une démarche volontaire des professionnels du secteur. Elles sont régulièrement actualisées et sont essentiellement portées par une approche de voirie routière et de circulation. · La norme NF EN 13201 en matière d'éclairage routier fixe des exigences de performances et constitue une aide à la sélection des classes de chaussées. Elle permet d'optimiser les dépenses énergétiques et de produire, à chaque instant de la nuit, que la seule quantité de lumière nécessaire et suffisante pour la visibilité et la sécurité des usagers. Elle permet également de réduire au maximum les chutes de flux lumineux à compenser lors d'opération de maintenance préventive. Cette norme prévoit : la méthode française AFE de sélection des classes d'éclairage et des voies adaptables aux différentes périodes de la nuit. Une attribution claire est possible pour connaître la classe normative de la voie la luminance et l'éclairement, les valeurs minimales, maximales cibles envisageables Elle se décline en 5 items : - NF EN 13201-1 : Sélection des classes d'éclairage selon les groupes de situations d'éclairage, en fonction de la vitesse et des types d'usagers : trafic motorisé prépondérant, trafic motorisé + cyclistes + piétons, piétons en priorité ; - NF EN 13201-2 : exigences de performances ; - NF EN 13201-3 : calcul des performances ; 135 L'exposition au rayonnement solaire n'est pas prise en compte dans les textes réglementaires cités. À la reconquête de la nuit Page 97/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ - NF EN 13201-4 : méthode de mesure des performances photométriques ; - NF EN 13201-5 : cette partie de la norme donne les méthodes permettant d'accéder au calcul. Il prend en compte, par zone d'étude, la géométrie des voies (séparation des voies, présence d'échangeurs et d'intersection, zones de conflit), la nature du trafic (densité, présence de cyclistes et piétons, stationnement, difficulté de navigation) et l'environnement (exigences visuelles, ambiance, conditions climatiques). Il comprend par conséquent des classes d'éclairages. · Une norme extérieures. expérimentale NF XP 90-013 Nuisances lumineuses A titre expérimental, des méthodes de calcul et de contrôle de la nuisance lumineuse en extérieur ont été publiées par l'AFNOR en mars 2011. Elles tendaient principalement à l'optimisation de la résorption du halo lumineux par les mesures de dispersion de la lumière vers le ciel. Cette norme doit être complétée pour intégrer les évolutions technologiques comme les Leds et n'a pas fait l'objet d'une généralisation d'application. · Des normes particulières propres à certaines installations. Il existe également des normes techniques propres à certaines installations, comme les équipements sportifs, pour lesquels sont présentes des spécifications d'éclairage recommandées par les fédérations sportives pour l'éclairage de leurs activités. Cet éclairage est conditionné par les attentes, tant des athlètes que, les spectateurs, mais aussi « imposées » par les médias pour la retransmission télévisuelle d'évènements sportifs. La norme NF EN 12193 réglemente donc le nombre de lux pour les pratiques sportives Comme évoqué plus haut, les normes d'éclairage les plus élevées sont prévues selon les niveaux nécessaires en matière de retransmission télévisuelle. Pour illustration, l'éclairage requis est de 300 lux sur un stade de niveau fédéral et de 2350 lux 136 sur un stade de ligues 1 et 2 de football. Le niveau d'éclairage est plus exigeant pour les sports rapides et le seuil le plus élevé est retenu pour les équipements multisports, très majoritairement gérés par les collectivités territoriales. · Il existe également une norme mondiale sur les risques d'expositions à la lumière. Cette norme IEC 62471 (dite « photo-biologique ») prévoit une classification de quatre groupes de dangerosité pour les sources de rayonnements optiques liés à la durée d'exposition maximale admissible de l'oeil à la lumière : GR0 ­ groupe de risque 0 : pas de risque quel que soit le temps d'observation de la source ; GR1 ­ groupe de risque 1 (risque faible) : temps d'exposition maximal de 10 000 s (3 h) ; GR2 ­ groupe de risque 2 (risque modéré) : temps d'exposition maximal de 100 s ; GR3 ­ groupe de risque 3 (risque élevé) : temps d'exposition maximal de 0,25 s. 136 cf. § 5.10 de la norme NF EN 12193 de mars 2008 « éclairage des installations sportives. » À la reconquête de la nuit Page 98/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Obligatoire à la vente, le marquage CE des lampes et luminaires impose d'afficher leur classement en termes de risques photo-biologiques, s'il dépasse GR1. · Les fiches techniques relatives aux opérations standardisées d'économies d'énergie Les opérations standardisées d'économies d'énergie correspondent à des opérations couramment réalisées pour lesquelles une valeur forfaitaire de certificats d'économies d'énergie (CEE) a été définie. Élaborées par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), l'Ademe et l'association technique énergie et environnement (ATEE), elles ont fait l'objet de fiches publiées, par arrêté ministériel du 22 décembre 2014. Il existe une série de fiches techniques relative aux opérations sur les réseaux, notamment des fiches "Éclairage" : · RES-EC-101 : Système de régulation de tension en éclairage extérieur ; · RES-EC-102 : Système de maîtrise de la puissance réactive en éclairage extérieur ; · RES-EC-103 : Système de variation de puissance en éclairage extérieur ; · RES-EC-104 : Rénovation d'éclairage extérieur ; · RES-EC-107 : Horloge astronomique pour l'éclairage extérieur. Pour illustration, l'octroi de certificats d'économies d'énergie pour une opération de rénovation d'éclairage extérieur (n° RES-EC-104) implique : Un ensemble optique fermé d'un degré de protection (IP) de 65 minimum ; - cas n°1 : efficacité lumineuse 90 lumens par Watt et ULOR 1 % (ou pour les luminaires à Led, ULR 3 %) ; - cas n°2 : efficacité lumineuse 70 lumens par Watt et ULOR 10 % (ou pour les luminaires à Led, ULR 15 %). Les luminaires utilisés pour l'éclairage fonctionnel des voies de circulation doivent respecter les conditions du cas n°1. Le montant de certificats en kWh cumac est prévu à un niveau significatif d'exigence : 9 300 kWh cumac (cas 1) ou 7 200 kWh cumac (cas 2) selon les cas. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 99/106 PUBLIÉ 8.9 Le droit communautaire applicable Il est essentiellement issu du Règlement (CE) N° 245/2009 du 18 mars 2009 mettant en oeuvre la directive 2005/32/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences en matière d'écoconception applicables aux lampes fluorescentes sans ballast intégré, aux lampes à décharge à haute intensité, ainsi qu'aux ballasts et aux luminaires qui peuvent faire fonctionner ces lampes. Ce règlement européen a eu pour effet d'exclure progressivement du marché intérieur européen : - dès 2012, les lampes fluorescentes lampes sodium haute pression les moins performantes ; - dès 2015, les lampes à vapeur de mercure haute pression appelées aussi ballons fluorescents et les lampes mixtes et les lampes sodium haute pression de substitution aux lampes à vapeur de mercure ; - dès 2017, les lampes fluocompactes à deux broches et les lampes IM inférieur à 405 W les moins performantes. 8.10 Droit comparé et recommandations internationales Un précédent rapport du CGEDD n° 00 9196-01 de juillet 2014 a réalisé un panorama assez complet du sujet. La diversité des approches rejoignent néanmoins une préoccupation partagée avec un faible nombre de lois sur la pollution lumineuse et une préférence pour les recommandations et les actions menées au niveau local, en lien avec le milieu associatif notamment. Les normes de référence sont majoritairement la norme EN 31201 appliquée dans l'Union européenne, les publications de la commission internationale de l'éclairage (CIE) et de l'Illumination Engineering Society of North America (IESNA). Il convient de signaler les normes proposées par le CIE, telles que celles relatives au Leds ou à l'éclairage extérieur137. Le constat était déjà que certains pays avaient eu des difficultés pour légiférer de manière précise, notamment dans les textes d'application à prendre. Selon les pays, la pollution lumineuse est traitée séparément ou non de la question du gaspillage énergétique. Dans les réglementations les plus ambitieuses, on retrouve la généralisation des luminaires à ULOR 0 et la fixation d'un objectif annuel de réduction de consommation d'énergie par habitant. Techniquement, la nature des prescriptions porte sur : - l'orientation de la lumière dans l'espace, en vue de ne pas éclairer inutilement le ciel ou d'éviter les lumières intrusives ; - les plafonds de niveaux d'éclairement ; - l'efficacité énergétique des lampes afin de favoriser la disparition des équipements énergivores ; - la limitation des éblouissements ; 137 CIE S 025/E : 2015 Test Method for Led Lamps, Led Luminaires and Led Modules. ISO/CIE 19476 : 2014(E) Characterization of the Performance of Illuminance Meters and Luminance Meters. CIE S 004/F : 2001 Couleurs des signaux lumineux. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 100/106 PUBLIÉ - les horaires de fonctionnement de certaines installations lumineuses (mise en valeur, enseigne, publicités lumineuses). Depuis 2014, les USA et la Corée du Sud ont par exemple développé une politique active de réduction de la lumière intrusive en ciblant la direction des flux lumineux provenant des enseignes publicitaires ou de l'éclairage public. Des limites de températures de couleurs de 3 500 kelvin sont également recommandées. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 101/106 PUBLIÉ 13. Illustration d'une balade nocturne Tous les clichés ci-après, pris par les membres de la mission, ont seulement pour objet de mettre des images sur quelques facettes de la réalité de la pollution lumineuse. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 102/106 PUBLIÉ 14. Glossaire des sigles et acronymes Acronyme ADEME AFB AFE ANPCEN ATEE CAPEB CEE CEREMA Signification Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie Agence française de la biodiversité Association française de l'éclairage Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturne Association technique énergie et environnement Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment Certificat d'économie d'énergie Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement Centre d'écologie et des sciences de la conservation Commission internationale de l'éclairage Code général des collectivités territoriales Centre scientifique et technique du bâtiment Direction départementale des territoires Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement Direction de l'eau et de la biodiversité Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature Direction générale des collectivités locales Direction générale de l'énergie et du climat Direction générale de la prévention des risques Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages Direction interdépartementale des routes Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Établissement public à coopération intercommunale Établissement recevant du public Fédération française du bâtiment Fédération nationale des collectivités concédantes et régies France Nature Environnement Installation classée pour l'environnement Mouvement des entreprises de France CESCO CIE CGCT CSTB DDT DEAL DEB DGALN DGCL DGEC DGPR DGITM DHUP DIR DREAL EPCI ERP FFB FNCCR FNE ICPE Medef Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 103/106 PUBLIÉ Acronyme MNHN MTES ONCFS ONG PCAE(T) PLU(I) RLP RLPI SCOT SERCE SRADDET Signification Muséum national d'histoire naturelle Ministère de la transition écologique et solidaire Office national de la chasse et de la faune sauvage Organisation non gouvernementale Plan climat air énergie (territorial) Plan local d'urbanisme intercommunal Règlement local de publicité Règlement local de publicité intercommunal Schéma de cohérence territoriale Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires Transition énergétique pour la croissance verte Territoire à énergie positive pour la croissance verte Upward Light Ratio ­ Indice caractérisant le pourcentage du flux lumineux d'une source, dirigé vers le ciel Unité mixte de service patrimoine naturel Ultraviolet TECV TEPCV ULOR UMS Patrinat UV Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 104/106 PUBLIÉ PUBLIÉ Site internet du CGEDD : « Les derniers rapports » PUBLIÉ (ATTENTION: OPTION nquête de la nuit Page 37/106 PUBLIÉ Il existe un seul arrêté relatif à l'éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels afin de limiter les nuisances lumineuses et les consommations d'énergie, celui du 25 janvier 2013. Il prévoit des horaires et modalités d'extinctions de la lumière des éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel, des illuminations des façades des bâtiments et des éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition72. Il instaure un régime de dérogation préfectorale pour des motifs économiques et touristiques. Cet arrêté est en cours de modification, conformément à la décision du conseil d'État n° 408974 du 28 mars 2018 afin de fixer les prescriptions techniques relatives aux diverses catégories d'installations lumineuses, ainsi que celles devant s'appliquer dans certains espaces naturels et sites d'observation astronomique. En matière d'outil de planification pour la lutte contre la pollution lumineuse, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte mentionne la pollution lumineuse dans le plan climat-air-énergie (PCAE) au niveau régional ou intercommunal. La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages mentionne également la préoccupation de la pollution lumineuse dans divers articles, notamment dans la définition de la « trame verte et bleue » et dans les objectifs de qualité paysagère. 3.1.2. La réglementation des enseignes et publicités lumineuses Bien qu'exclus du périmètre de la législation précitée au titre de la prévention de la pollution lumineuse, ces dispositifs lumineux sont néanmoins soumis à un régime restrictif, conformément à la loi Grenelle 2 et au décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012 relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux pré-enseignes. Par principe, toute publicité est interdite sur certains espaces comme les monuments, les sites naturels, les coeurs des parcs nationaux et les réserves naturelles. La publicité (y compris lumineuse) est autorisée dans les agglomérations 73 sauf dans de nombreuses zones particulières autour des sites classés ou autour des monuments historiques classés74. Seul un règlement local de publicité (RLP) peut déroger à ces interdictions. Le décret précise que la publicité lumineuse ne peut être autorisée à l'intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants 75. 72 « Les éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel sont éteints une heure après la fin de l'occupation de ces locaux. Les illuminations des façades des bâtiments sont éteintes au plus tard à 1 heure. Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition peuvent être allumés à partir de 7 heures ou une heure avant le début de l'activité si celle-ci s'exerce plus tôt. Les illuminations des façades des bâtiments ne peuvent être allumées avant le coucher du soleil. Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition sont éteints au plus tard à 1 heure ou une heure après la fin de l'occupation de ces locaux si celle-ci intervient plus tardivement ». Article L. 581-9 du code de l'environnement. Article L. 581-8 du code de l'environnement. Articles R. 581-26.-I. à R. 581-32 du code de l'environnement. À la reconquête de la nuit Page 38/106 73 74 75 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Hors agglomération (au sens de la circulation routière) toute publicité est interdite, avec des exceptions notables pour les aéroports, les centres commerciaux et selon le contenu des RLP 76. La publicité lumineuse respecte des normes techniques fixées par arrêté ministériel, portant notamment sur les seuils maximaux de luminance exprimés en candelas par mètre carré et, sur l'efficacité lumineuse des sources utilisées exprimée en lumens par watt. Il y a donc ici une articulation possible avec les dispositions techniques relatives à la pollution lumineuse. Le code de l'environnement77 spécifie l'extinction des publicités lumineuses en coeur de nuit pour les enseignes lumineuses entre 1 heure et 6 heures du matin avec des règles particulières édictées par les maires pour les unités urbaines de plus de 800 000 habitants. Enfin, la publicité lumineuse et numérique est soumise à des critères de surface 78 et des seuils maximaux de luminance en candelas par mètre carré. La réglementation prévoit donc un dispositif gradué. Le délai pour adapter les installations de publicité lumineuse pour l'extinction en coeur de nuit a été fixé à 6 ans dans la loi79. Son entrée en vigueur a été effective au 1er juillet 2018 pour un texte initial voté en 2010. 3.1.3. Les normes techniques La réglementation relative à l'éclairage comporte des aspects très techniques, principalement sur la voirie routière et la circulation, déclinés par de nombreuses normes tant au niveau français qu'international. Sa conception est exclusivement centrée sur l'amélioration des conditions de circulation. Une politique publique, sur un sujet aussi émergent, ne peut se développer sans recueillir l'adhésion des professionnels du secteur. Ces derniers se réfèrent à ces normes techniques qui font autorité tant sur le plan national, européen qu' international. Reposant sur un mécanisme d'adhésion volontaire, ces normes restent le vecteur idéal pour modifier les pratiques et les approches des professionnels de l'éclairage public. Rapportées à la pollution lumineuse, et à défaut de norme spécifique sur ce sujet, ces normes sont conçues pour d'autres finalités : sécurité routière, écoconception, économies d'énergie (fiches techniques Ademe80), protection à l'exposition excessive des travailleurs, éclairage pour des retransmissions télévisées sportives... 76 Article L. 581-7 du code de l'environnement. Article R. 581-35 du code de l'environnement. Publicité lumineuse : la surface ne doit pas excéder 8 mètres carrés ni dépasser 6 mètres de hauteur à l'intérieur des villes concernées ou des gares et aéroports situés hors agglomération. Publicité numérique : la surface ne doit pas excéder 8 mètres carrés ni dépasser 6 mètres de hauteur si la consommation n'excède pas les niveaux définis par arrêté ministériel, sinon la surface est limitée à 2,1 mètres carrés et de hauteur maximale 3 mètres. 77 78 79 Cf. article 67 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives (1). Efficacité lumineuse 90 lumens par Watt et ULOR 1. À la reconquête de la nuit Page 39/106 80 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ En matière d'éclairage public routier et de voirie, la norme européenne EN 13201 fixe un classement de voiries qui définit pour chacune les caractéristiques de l'éclairage requis : la luminance, l'éclairement, les valeurs cibles minimales et maximales. Une norme expérimentale NF XP 90-013 Nuisances lumineuses extérieures Une norme expérimentale pour calculer les nuisances lumineuses en extérieur a été établie par l'AFNOR en mars 2011. Elle tendait principalement à l'optimisation de la résorption du halo lumineux par les mesures de dispersion de la lumière vers le ciel. Cette norme doit être complétée pour intégrer les évolutions technologiques comme les Leds et n'a pas fait l'objet d'une généralisation d'application du fait d'absence de consensus techniques avec les ONG. Des normes techniques propres à certaines installations, comme les équipements sportifs, recommandées par les fédérations et requises pour la retransmission télévisuelle, sont aussi présentes. La norme NF EN 12193 réglemente donc le nombre de lux pour ces pratiques sportives requises. Le règlement (CE) n° 245/2009 du 18 mars 200981 relatif à l' « écoconception » des lampes définit les « normes » applicables aux ampoules. Il a eu pour effet d'exclure progressivement du marché intérieur européen, par une interdiction de commercialisation : · dès 2012, les lampes fluorescentes lampes sodium haute pression les moins performantes ; · dès 2015, les lampes à vapeur de mercure haute pression appelées aussi ballons fluorescents, les lampes mixtes et les lampes sodium haute pression de substitution aux lampes à vapeur de mercure ; · dès 2017, les lampes fluocompactes à deux broches et les lampes à iodures métalliques les moins performantes. 3.2. Les limites de la réglementation La mission a identifié plusieurs difficultés dans la réglementation actuelle pour appréhender le phénomène de la pollution lumineuse dans sa globalité. 3.2.1. Des réglementations sectorisées et une approche trop partielle de la pollution lumineuse La succession des textes dans diverses lois n'a pas abouti à ce que la pollution lumineuse puisse concerner l'ensemble des installations. Sont ainsi écartées, car 81 Règlement (CE) N° 245/2009 du 18 mars 2009 mettant en oeuvre la directive 2005/32/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences en matière d'écoconception applicables aux lampes fluorescentes sans ballast intégré, aux lampes à décharge à haute intensité, ainsi qu'aux ballasts et aux luminaires qui peuvent faire fonctionner ces lampes. À la reconquête de la nuit Page 40/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ soumises à un droit spécial, les installations de publicités lumineuses, les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et les installations nucléaires, ainsi que l'éclairage relevant des particuliers et les dispositifs d'éclairage et de signalisation des véhicules. Cette approche partielle interroge la mission dès lors que le phénomène de pollution lumineuse apparaît par nature global (halo) et multifactoriel. La mission relève que la volonté du législateur d'appréhender l'ensemble du phénomène de pollution lumineuse a été limitée par les craintes d'une extinction nocturne généralisée, sans que la question de la sobriété ait été réellement posée. Pourtant, il semble à la mission que faire participer une ICPE à la réflexion collective sur l'excès d'éclairage de son installation ne fait pas peser un risque économique sérieux sur la pérennité de son activité elle-même. Des périmètres sectoriels étanches et limités : D'ores et déjà, la réglementation environnementale dévoile ses limites en matière de pollution lumineuse. Ainsi, elle mentionne la préoccupation de la pollution lumineuse, parmi d'autres préoccupations environnementales. Il revient alors au maître d'ouvrage de nourrir par exemple son étude d'impact ou d'incidence d'une analyse relative à la pollution lumineuse lorsque cette pression anthropique a été préalablement identifiée par ses soins. Pour illustration, un récent avis délibéré de l'Autorité environnementale (AE) sur le projet stratégique du grand port maritime de La Réunion mentionne un tel cas, au bénéfice des Pétrels de Barau, dont les plus jeunes sont désorientés du fait d'un éclairage artificiel inadapté82. Le périmètre retenu est à ce jour incomplet et ne tient pas assez compte de l'éclairage privé diffus et aussi nuisible, par exemple les bornes lumineuses alimentées par des panneaux solaires dans les jardins. Enfin, une politique de la lumière autonome est illusoire, tant elle est imbriquée aujourd'hui avec le volet environnemental et énergétique. L'approche est alors davantage d'utiliser les outils déjà existants au profit de la réduction des nuisances lumineuses : réglementation technique, outils de planification notamment. La prévention de la pollution lumineuse doit davantage se « diffuser » dans les autres politiques publiques connexes. 3.2.2. Certaines réglementations, pour garantir l'éclairage, privilégient des seuils très élevés la qualité de La réglementation technique relative à l'éclairage routier, par exemple, est plus ancienne, mais fondée sur une approche différente : il s'agissait de garantir la qualité de l'éclairage notamment des voies de circulation publiques, et non de le réduire. La réglementation technique des équipements a récemment été orientée vers des économies d'énergies, objectif le plus souvent connexe à celui de la sobriété lumineuse. Néanmoins, il existe des effets pervers à la généralisation des nouvelles 82 Avis de l'Autorité environnementale (Ae) du 10 septembre 2014 ­ Projet stratégique du GPM de La Réunion : « L'Ae recommande d'insérer au sein de l'évaluation environnementale une description plus précise de la ZNIEFF et de ses enjeux écologiques et de compléter les impacts sur l'avifaune par des éléments précis concernant l'éclairage et les échouages de pétrels de Barau ». Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 41/106 PUBLIÉ technologies (Leds) qui permettent d'éclairer mieux et davantage avec moins d'énergie, entraînant alors un risque de multiplication des points lumineux. La réglementation issue de la norme ou s'y référant traite aussi avec difficulté la délicate question des seuils d'éclairage. En matière d'éclairage public, des seuils d'éclairage sont prévus par la réglementation ou la norme ; ils sont le plus souvent mis en oeuvre comme des seuils standards minimums qui permettent de faire face à toutes les situations d'éclairement. Il est donc relevé un dévoiement inflationniste des seuils supérieurs, selon l'adage « qui peut le plus, peut le moins ». En revanche, l'instauration de seuils minimum d'éclairage plus adaptés ne fait pas consensus. Souhaités par certains éclairagistes, ils sont dénigrés par les ONG et les concepteurs lumières. 3.2.3. Une confusion du rôle de chaque acteur Le niveau d'intervention entre le niveau communal et intercommunal est ambigu. L'essentiel du poids de la politique publique est portée par les collectivités responsables de l'éclairage public, et notamment les communes. Dans un contexte de création des EPCI ou de modification successive de leur périmètre de compétences, la responsabilité de chacun des acteurs locaux reste floue83. On observe ainsi une certaine réticence des maires, notamment ruraux, à transférer et donc à perdre cette compétence sur l'éclairage public. Cette situation brouille sensiblement la carte des compétences en matière d'éclairage public et du « qui fait quoi ». Le maire a pour mission de veiller à la sûreté, à la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend notamment « l'éclairage » (cf. L 2212- du Code général des collectivités territoriales (CGCT)). Chaque commune exerce sa compétence en matière d'éclairage public de manière autonome, dans le respect de cette disposition, qui prévoit la nécessité de l'éclairage public des voies publiques pour des motifs principalement de sécurité. La marge laissée à l'appréciation du maire est ici significative. L'ambiguïté de périmètre est réelle, selon que l'on rattache l'éclairage public à la commune (en particulier au maire, au titre de sa responsabilité de police de l'éclairage) ou, au niveau intercommunal, auquel cette dernière compétence est souvent exercée comme accessoire de voirie (métropoles, EPCI). Par ailleurs, la compétence intercommunale en matière de voirie ne recouvre pas tout l'éclairage public, notamment celui des parcs et jardins. Les zonages pertinents en matière de pollution lumineuse se situent davantage à un échelon intercommunal (enjeu notamment de la création des trames sombres). Pourtant les communes conservent leur pouvoir de police de l'éclairage public, peu efficient pour lutter contre la pollution lumineuse. On peut illustrer le lien complexe entre éclairage public, réseaux et voiries, en cas de rénovation globale de l'éclairage d'une commune. En effet, dans la pratique, la vétusté 83 Selon la direction générale des collectivités locales (DGCL), le nombre d'EPCI ayant demandé le transfert de compétence « éclairage » concerne 21 métropoles, 11 Communautés urbaines, 28 Communautés d'agglomération et 77 Communautés de communes. À la reconquête de la nuit Page 42/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ du parc d'éclairage communal nécessite souvent des changements complets : il est délicat de modifier les équipements (lampes et mâts) sans intervenir aussi sur les armoires électriques et les différents réseaux d'alimentation. Dès lors que les investissements nécessaires à l'optimisation du parc d'éclairage public sont le plus souvent hors de portée des finances des petites communes, un regroupement au sein d'un syndicat d'éclairage est souvent nécessaire, au détriment de l'autonomie de décision des communes. Ce regroupement n'est pas à ce jour généralisé. L'autre solution est alors de privilégier l'extinction en zone rurale en coeur de nuit, choix retenu dans les zones naturelles les plus vulnérables au plan de la biodiversité84. La mission identifie également que les périmètres spatiaux définis par chacune des politiques sectorielles ne se recoupent pas totalement. À titre d'illustration, pour la prévention de la pollution lumineuse liée à la densité de population, le zonage retenu est celui de l'agglomération. Toutefois, une réglementation particulière comme la publicité peut autoriser des implantations hors zone urbaine agglomérée, distincte de l'agglomération au sens du code de la route. Cette notion d'agglomération au sens du code la route n'est donc pas opérationnelle pour répondre aux enjeux de la pollution lumineuse. Ainsi, certains centres commerciaux limitrophes mais parfois extérieurs aux agglomérations ne sont pas couverts. La planification de la publicité repose aussi sur un règlement local de publicité (RLP), généralement plus prescriptif, mais non harmonisé avec l'approche de la pollution lumineuse85. Les textes actuels sur la pollution lumineuse reprennent la distinction en agglomération ou hors agglomération, en ajoutant un niveau supplémentaire, celui des espaces naturels et des sites d'observation astronomique. Implicitement, l'approche globale de la lutte contre la pollution lumineuse est ici graduée dans l'espace avec un postulat : les zones les moins urbanisées sont davantage à protéger ; le constat corollaire est que la lutte contre la pollution lumineuse en milieu dense et urbanisé n'est pas la plus prioritaire. C'est ainsi que la publicité lumineuse y est la plus autorisée. En outre, la catégorisation des espaces se révèle contre-productive si elle est trop complexe ou trop subtile. Ainsi, en matière d'éclairage pour l'accessibilité des personnes à mobilité réduite (PMR), un certain nombre d'installations ont été surdimensionnées et sont donc inadaptées. Pour un cheminement accessible au sens de la réglementation PMR, les exigences d'éclairage à 20 lux ont été appliquées, par défaut, à tous les cheminements autour d'un établissement recevant du public (ERP). De même, la catégorisation des terrains de camping en installations ouvertes au public (IOP)86 implique un éclairage normalisé à 20 lux sur l'ensemble des zones accessibles, c'est-à-dire sur la quasi-totalité de leur surface. Pourtant, un camping souvent situé en zone naturelle est un lieu de repos où il semblerait souhaitable d'avoir de très faibles niveaux d'éclairage. 84 85 Zone de parc national, régional, Natura 2000, arrêté biotopes... En effet, une agglomération, selon l'article R. 110-2 du code de la route désigne un espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés, signalé par des panneaux d'entrée et de sortie. Les IOP sont des espaces, lieux ou équipements qui, bien que non concernés par les règles de sécurité du fait de leur nature ou de leurs caractéristiques, n'en doivent pas moins être rendus accessibles. À la reconquête de la nuit Page 43/106 86 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Les critères démographiques ou des surfaces sont donc nécessaires mais non suffisants pour répondre aux enjeux de la pollution lumineuse. Une absence d'outil intégrateur de la pollution lumineuse : Cette absence d'outil intégrateur peut être illustré par le défaut de planification partagée entre la pollution lumineuse et la publicité lumineuse. Pour traiter un phénomène de pollution lumineuse dont la responsabilité est partagée partiellement entre éclairage public et publicités lumineuses, aucune planification d'ensemble n'est prévue. Les RLP sont encore facultatifs et peuvent être communaux ou intercommunaux. Ils reposent sur un volontariat des collectivités et ne sont pas intégrés au plan local d'urbanisme (PLU). Aujourd'hui, les RLP sont loin d'être majoritairement adoptés puisqu'il n'existe en 2016, d'après la DHUP, que 63 règlements locaux de publicité intercommunaux (RLPI) en 2016 et 1 604 RLP communaux87. Les « schémas d'éclairage » ou « plans lumière » cités par plusieurs acteurs rencontrés par la mission sont majoritairement relatifs à de simples projets de rénovation d'éclairage public, proposés par les fabricants ou installateurs, dont les intérêts ne sont pas neutres. Ces « plans lumière » n'ont aucune portée normative ni prescriptive (hormis celle que les élus locaux lui donnent), sont indépendants du RLP, et non repris dans un quelconque volet du PLU. La prise en compte de la pollution lumineuse ne se traduit pas dans le contenu opérationnel du PLU à l'occasion de la création de voies nouvelles ou de bâtiments comprenant un éclairage extérieur. Bien qu'il existe déjà des projets d'aménagement et de développement durable (PADD) prévoyant des préoccupations environnementales dans les documents d'urbanisme, le contenu du règlement du PLU est bien souvent muet sur la pollution lumineuse. Ainsi, les permis de construire ou les autorisations d'aménager ne peuvent comprendre aisément des préconisations en termes d'éclairage d'une voie privée dans un lotissement. Les limites d'un outil intégrateur sectoriel d'efficacité énergétique : Le seul autre outil intégrateur est celui de l'efficacité énergétique, qui n'offre pas à la pollution lumineuse la place qui lui revient. Une fois l'objectif d'efficacité énergétique atteint, le réexamen de l'excès d'éclairage éventuel est ensuite inexistant. De plus, la pollution lumineuse ne favorise pas l'optimisation de l'efficacité énergétique (ex : aujourd'hui les lampes ambrées sont plus efficaces pour préserver la biodiversité mais encore légèrement plus chère), le coût le plus modeste possible de l'éclairage demeurant le premier critère. Une autre limite est constatée lorsque la réglementation énergétique est trop timide dans son calendrier de mise en oeuvre. Ainsi, le règlement (CE) n° 245/2009 du 18 mars 2009 relatif aux exigences en matière d'écoconception applicables aux lampes n'a pas été jusqu'à interdire l'usage des lampes déjà présentes dans les stocks, souvent pour plusieurs années. La réglementation sur l'écoconception n'a donc accéléré que très partiellement la mise à niveau du parc d'éclairage et n'est pas un levier immédiat d'incitation à la rénovation, pour un gestionnaire disposant de stock. 87 Avec une moyenne de 5 communes par EPCI + 315 + 1604 = 1919 communes volontaristes sur la maîtrise de la publicité (notamment lumineuse) sur leur territoire, sur 35 416 communes. À la reconquête de la nuit Page 44/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Sur la nécessité de compléter la réglementation : Aujourd'hui, le dispositif réglementaire est assis sur un niveau législatif qui nécessite des textes réglementaires de complément 88. Bien qu'un cadrage existe pour limiter le nombre de textes prescriptifs, l'existence de la prévention de la pollution lumineuse dans la loi génère une certaine inflation normative, sans que, par ailleurs, les autres textes soient harmonisés. Les limites de la normalisation technique : L'approche de la prévention des nuisances lumineuses est centrée sur les normes techniques, moyen de progrès par la rénovation du parc public d'éclairage. Ce moyen incite à faire de la normalisation technique le vecteur privilégié de diffusion de la prévention de la pollution lumineuse auprès des professionnels ; cette piste est aujourd'hui limitée par l'absence d'articulation entre la réglementation et les normes. En effet, la réglementation obligatoire sur la pollution lumineuse n'est pas formellement adossée aux normes, rendant leur respect incertain et aléatoire. L'accès à la norme est en effet payant, ce qui dissuade cet adossement. De plus, l'application des normes techniques n'a pas été encouragée par la réglementation. Celle-ci n'a pas, à ce jour, imposé une mise à niveau générale du parc d'éclairage dans un délai contraint. Ce n'est qu'à l'occasion de la rénovation de chaque réseau et de ses équipements, que sa normalisation peut intervenir, selon le choix du gestionnaire ou du maître d'ouvrage (cf. sujet des stocks d'ampoules interdites ci-avant). La mission constate qu'une norme expérimentale (X90-013) avait été élaborée lors du Grenelle de l'environnement mais n'a pas été généralisée par la suite, car inappropriée selon certaines ONG. Il semble regrettable à la mission que ce projet n'ait pas abouti. Un aspect significatif de l'approche des normes techniques est celle de l'éclairage public des voies de circulation. Pour des motifs de sécurité de circulation (routière et des piétons), l'éclairage le plus complet et le plus homogène possible est systématiquement recherché, en application de la norme EN 13201 précitée. Cette norme révisée en 2015 ne s'applique pourtant qu'à l'occasion de travaux neufs et n'influe guère sur le réseau déjà en place, ce qui n'est guère propice à la remise en cause de la densité de l'éclairage actuel sur les routes. La mission relève également que les normes de voirie sont par nature évolutives. Une voie avec un certain niveau de trafic peut être déclassée, si le trafic est trop ponctuel, ou si la part des piétons est supérieure à celle des véhicules. Pourquoi maintenir un éclairage de haute intensité pour un nombre de véhicules/nuit réduit ? Un réexamen régulier de la pertinence de la classe d'éclairage routière pourrait s'avérer utile pour minorer d'autant la pollution lumineuse. Par ailleurs, bien que la norme NF EN 6247 en matière de photobiologie (seuils de lésions imputables à une exposition lumineuse intense), soit plutôt rassurante pour la santé humaine89, elle paraît en retrait des travaux de l'Anses, notamment pour la corrélation entre la température de couleur et les risques liés à la lumière bleue. 88 Suite à l'arrêt du Conseil d'État, il est impératif de prendre l'ensemble des arrêtés nécessaires pour fixer les prescriptions techniques prévues aux articles L. 583-1 et L. 583-2 du code de l'environnement relatives aux diverses catégories d'installations lumineuses définies par l'article R. 583-2 du même code, ainsi que celles devant s'appliquer, en vertu de son article R. 583-4, dans certains espaces naturels et sites d'observation astronomique. À la reconquête de la nuit Page 45/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ 3.2.4. La question des contrôles et des moyens mis en oeuvre Un fait punissable à préciser : Le régime de sanction prévoit une mise en demeure et une sanction administrative de 750 euros. Pour la mission, le fait punissable est à préciser afin de savoir si cette amende administrative est applicable pour chaque lampe non conforme ou globalement. Or, le concept « d'installation lumineuse » utilisé n'est pas toujours aisément individualisable pour un éclairage public. Prise isolément, l'amende administrative encourue ne semble pas réellement dissuasive. Une absence totale de mise en oeuvre qui interroge : Dans les faits, en matière de pollution lumineuse, aucune sanction administrative n'est appliquée, tant auprès des particuliers, des entreprises ou des collectivités. Cela concerne à la fois la police relevant des communes mais aussi celle de l'État. Dans ce contexte, le caractère dissuasif de la sanction encourue est totalement dilué. D'où une impunité de fait, ne favorisant pas la prise de conscience de la pollution lumineuse par les acteurs notamment économiques. Pour mémoire, d'autres dispositifs répressifs sur des sujets environnementaux (air/énergie) trouvent leurs limites opérationnelles dans les communes : ainsi, sur le brûlage à l'air libre des déchets verts, pourtant puni d'une amende de 450 euros90. Un régime répressif à clarifier : Il semble étonnant que des sanctions pénales soient prévues à l'encontre de la publicité lumineuse, et non pour la pollution lumineuse stricto sensu, bien que ces faits punissables soient très proches. La mission considère que la sanction des excès d'éclairage doit être harmonisée, et qu'un choix unique de nature de sanction est à opérer entre la voie administrative et la voie pénale. Un premier choix entre le régime de sanction applicable à la pollution lumineuse et celui de la publicité lumineuse semblerait déjà une étape significative et porteuse de bon sens. Ce choix est délicat, dès lors qu'aucune voie répressive n'est idéale. L'avantage d'un dispositif répressif judiciaire est de prévoir les faits punissables de manière précise : chaque enseigne lumineuse correspond à une infraction distincte, et son maintien est également punissable91 . En outre, l'ensemble des agents habilités à dresser procès verbal est précisé, au titre de la police générale ou de chacune des polices spéciales. (cf. article L. 581-40 du code de l'environnement) dont les inspecteurs de l'environnement. L'existence d'une infraction pénale conditionne le constat par les autorités judiciaires de la présence nuisible de l'installation lumineuse et des poursuites, à la suite d'un dépôt de plainte, voire d'une citation directe. Or, les priorités de répression des 89 La norme NF. EN. 62 471 fixe les limites issues de données expérimentales et pondérées par un facteur minorant de 5 à 10 fois les énergies nécessaires à produire des lésions observables. L'absence de prise en compte des expositions répétées est ainsi criticable. Cf. circulaire du 18 novembre 2011 relative à l'interdiction du brûlage à l'air libre des déchets verts. Article L. 581-34 du code de l'environnement : I. ­ Est puni d'une amende de 7 500 euros le fait d'apposer, de faire apposer ou de maintenir après mise en demeure une publicité, une enseigne ou une pré-enseigne :(...) III. ­ L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de publicités, d'enseignes ou de pré-enseignes en infraction. À la reconquête de la nuit Page 46/106 90 91 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ procureurs sont aujourd'hui peu orientées vers les infractions environnementales de faible niveau (contravention). Les réticences sont multiples. A titre d'illustration, l'effectivité juridique du régime de la répression des publicités lumineuses illégales, a été reportée de 6 ans par le législateur (cf. supra), ce qui démontre la sensibilité économique du sujet et les difficultés à voir émerger un arbitrage rapide. La citation directe n'est envisageable en réalité que si l'auteur, personne physique, responsable du maintien de l'éclairage inutile, est nommément et sans aucun doute, identifié. Elle mobilise aussi des frais d'huissiers et de consignations dissuasifs. Bien que la sanction administrative actuelle ne prenne pas assez en compte le caractère à la fois temporaire et répété de l'éclairage excessif (pas de récidive), elle offre l'avantage de la simplicité et d'un quantum de peine plus adapté aux nouveaux enjeux de la pollution lumineuse, ainsi qu'une possibilité d'astreinte. La réglementation des ICPE : Un exemple de sanction administrative efficace Bien que la réglementation des ICPE soit hors champ des dispositions générales relatives à la pollution lumineuse, la mission constate que cette préoccupation a été réintroduite dans les réglementations locales les plus exigeantes, c'est-à-dire les arrêtés préfectoraux : autorisation et enregistrement des ICPE. De même, le modèle d'arrêté type et de catalogue de prescription de la DGPR prévoit des prescriptions précises en matière de pollution lumineuse92. Il y a eu déjà des précédents de mise en oeuvre de police ICPE pour non respect des prescriptions de l'arrêté d'autorisation en matière d'orientation des éclairages par exemple pour l'éclairage d'un champ de ferraillage, à la suite des « plaintes » du voisinage pour lumière intrusive. Le poids des sanctions propres au régime ICPE comme la suspension ou le retrait de l'autorisation d'exploiter renforce alors l'efficacité du discours préventif et des contrôles. Ce précédent semble démontrer l'efficacité d'une sanction administrative rarement mise en oeuvre mais réellement dissuasive auprès des exploitants. Une sanction administrative reste plus simple à formaliser et peut comporter des astreintes, modalités d'accompagnement accélérant la réactivité des personnes. Le même dispositif de sanction administrative fonctionne déjà avec succès pour l'affichage publicitaire extérieur (avec astreinte). Pour la mission, mieux vaut une amende administrative effectivement recouvrée plutôt qu'une sanction pénale théorique jamais appliquée ! 92 Chapitre 1.1 Émissions lumineuses : « les éclairages intérieurs des locaux sont éteints une heure au plus tard après la fin de l'occupation de ces locaux ; les illuminations des façades des bâtiments ne peuvent être allumées avant le coucher du soleil et sont éteintes au plus tard à 1 heure. Ces dispositions ne sont pas applicables aux installations d'éclairage destinées à assurer la protection des biens lorsqu'elles sont asservies à des dispositifs de détection de mouvement ou d'intrusion. L'exploitant du bâtiment doit s'assurer que la sensibilité des dispositifs de détection et la temporisation du fonctionnement de l'installation sont conformes aux objectifs de sobriété poursuivis par la réglementation, ceci afin d'éviter que l'éclairage fonctionne toute la nuit. ». À la reconquête de la nuit Page 47/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ En effet,93, les officiers de police judiciaire ou agents publics assermentés peuvent légalement intervenir, avec une difficulté de mobilisation la nuit, pour constater des infractions ou des comportements gênants assimilés à de simples incivilités. En comparaison, ce caractère mineur peut devenir majeur en cas de trouble avéré à la quiétude du voisinage (tapage nocturne) où les services de police municipale interviennent bien à la demande des riverains. Il en est de même pour les agents de l'Office national de la chasse et de la faune Sauvage (ONCFS) qui peuvent intervenir contre le braconnage de nuit. Ainsi, l'alerte citoyenne semble un appui utile à la mobilisation des autorités compétentes détentrices du pouvoir de police. Par conséquent, la commune doit favoriser la possibilité de recueillir des informations, y compris par internet ou SMS, lui permettant d'aviser les personnes responsables du maintien de la lumière excessive, déjà prohibée pour les commerces ou les bureaux, et les publicités lumineuses en coeur de nuit. En outre, l'exemplarité de quelques condamnations ou amendes administratives suffirait pour que la prise de conscience locale se généralise. Pour la mission, la présence dans la réglementation d'un dispositif répressif offre une base pour une action efficace, conditionnée par une forte impulsion locale et politique, tant au niveau des services de l'État que des élus locaux, en cas d'échec d'une démarche pédagogique. 3.3. De belles initiatives qui se développent De nombreuses bonnes pratiques existent aujourd'hui et s'avèrent efficaces. Certaines sont davantage développées en annexe 5. Elles portent sur : · la cartographie et la mesure de la pollution lumineuse par satellite et vue du sol et le développement correspondant d'outils de mesures ; · le développement expérimental des travaux sur les trames sombres, réalisés par plusieurs parcs naturels nationaux et régionaux avec l'appui de l'AFB et du MNHN, et par plusieurs villes, susceptibles d'être intégrés à des documents d'urbanisme et à un plan d'aménagement de la lumière. Ces trames sont parfois calées sur des données d'observation relatives à des espèces lucifuges ; · le diagnostic du biotope local, préalable à un projet d'éclairage concret ou à des mesures concernant l'éclairage public et privé : La Réunion (atlas spatialisé des risques d'échouage) ; · la géolocalisation des matériels et implantations du parc d'éclairage artificiel, par les communes, notamment avec l'appui des syndicats d'énergie ; · l'accès en open data des données géolocalisées (Paris) ; · différentes démarches permettant d'ajuster au plus près le besoin d'éclairage public in situ, en intégrant le ressenti de la population dans le projet d'éclairage 93 Le régime de contrôle de l'État envers les collectivités est articulé avec celui de la « police spéciale de l'État ». Conformément à l'article L. 583-3 les contrôles de police relèvent « de la compétence du maire sauf pour les installations communales, définies selon leur puissance lumineuse totale, application, zone et équipements, pour lesquelles ce contrôle relève de la compétence de l'État. Ce contrôle est assuré par l'État pour les installations, selon leur puissance lumineuse totale, application, zone et équipements soumis à un contrôle de l'État au titre d'une police administrative spéciale ». La circulaire du 5 juin 2013 ne traite pas ce sujet. À la reconquête de la nuit Page 48/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ public, avec notamment les marches nocturnes en amont des arbitrages d'un projet d'éclairage public ; · des démarches expérimentales (études-actions) donnant lieu à des guides, intégrant mesure du halo lumineux et du biotope, impacts des différents dispositifs et matériels d'éclairage et propositions alternatives ; · le développement, par certaines agglomérations, de plans lumière plus environnementaux ; · le développement par des villes petites ou moyennes de stratégies ambitieuses pluriannuelles et rentables de renouvellement complet de leur parc intégrant économie, énergie et sobriété environnementale ; · la sensibilisation croissante des élus aux impacts environnementaux de la lumière à partir de démarches d'extinction en coeur de nuit, associées à l'abaissement des puissances et au renouvellement partiel du parc ; · le développement associatif des labels environnementaux valorisant les démarches exemplaires (label international RICE pour les réserves de ciel étoilé des parcs naturels du Pic du midi et des Cévennes mais aussi labels valorisant des pratiques locales de sobriété lumineuse sur différents territoires) ; · l'apparition d'un nouveau métier, aujourd'hui mature, celui de concepteur lumière, indépendant des fabricants ; · le développement de nouvelles solutions numériques, de gestion fine de l'éclairage ; technologiques, notamment · les solutions techniques alternatives à l'éclairage routier (catadioptres éclairés par les phares rendant visibles les obstacles). La plupart de ces pratiques bénéficient d'appuis de différents organismes, tant méthodologiques que financiers, que ce soit par l'Ademe, l'AFB et le MNHN, les ONG, voire l'Europe, l'État ou les régions. Elles ne constituent pas toutefois une politique nationale, certaines démarches étant encore expérimentales ou rares. La plupart des collectivités rencontrées insistent sur le besoin de repères nationaux et la question des moyens. Source : mission Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 49/106 PUBLIÉ 4. Un plan d'actions pragmatique pour « une sobriété lumineuse » La France, est certes touchée par la pollution lumineuse, mais dans une moindre mesure que ses voisins belges ou allemands, pays plus densément peuplés. Elle a réellement la possibilité de mener à temps une action cohérente pour corriger et prévenir des effets à terme plus difficilement réversibles pour l'environnement et porteurs de conséquences indirectes coûteuses. Une politique ambitieuse et intégrée est indispensable au regard des enjeux. Avec réalisme et pragmatisme, des moyens d'actions à 5/10 ans peuvent être envisagés. Le coût de cette politique est immédiat, programmable dans le temps et amortissable. La mission peut aisément dire que sobriété énergétique ­ plus souvent mise en avant ­ et sobriété lumineuse vont de pair. Une feuille de route pourrait être ainsi écrite sur la base du plan d'actions proposé ci - dessous. Au regard de la dimension très transversale des actions en matière d'éclairage, il a été fait le choix de bien identifier les différents principaux acteurs impliqués. En annexe 4, figure un tableau croisé des approches par nature d'intervention (réglementaire, normative...) et par type d'acteur. 4.1. Un besoin de connaissance et de méthodes communes 4.1.1. Des éléments de connaissance à rassembler et à mieux partager : Il apparaît nécessaire, au vu des éléments précédents, d'approfondir, de rassembler et de disposer de : · recherches scientifiques interdisciplinaires et d'études in situ, notamment opérationnelles, pour faciliter les diagnostics et les actions, associant sans tabou le temps long des chercheurs et celui, plus court, des fabricants ; · revues scientifiques périodiques systématiques et indépendantes (par exemple tous les cinq ans), cotant objectivement les recherches et facilitant leur valorisation, avec une volonté et un appui financier de l'État. Deux pistes d'application principales apparaissent, au plan opérationnel, sur : · le respect du principe de prévention, déjà en partie intégré par les professionnels et les collectivités maîtres d'ouvrage (en particulier pour les Ulor) mais à mieux partager sur les cahiers des charges types ; · le développement de diagnostics locaux transposables sur la biodiversité pour faciliter les études d'impacts préalables à des projets d'éclairage significatifs. Cela paraît d'autant plus envisageable qu'existent en la matière des référents et des capacités d'animation, au niveau national et dans les parcs naturels avec l'AFB. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 50/106 PUBLIÉ Cette approche suppose un minimum de données (atlas, trames) recueillies en amont à l'échelle d'un territoire, intégrant les déplacements de la faune et pointant les espèces à protéger selon les différents milieux naturels. À la Réunion par exemple, la très bonne identification d'espèces menacées comme le pétrel ou le puffin, a favorisé l'action sur l'éclairage pour la biodiversité. Au plan de la santé humaine, les travaux de l'Inserm et de l'Anses sur les impacts de la lumière artificielle et de son usage sont de nature à faire progresser la connaissance. Il paraît important d'encourager davantage leur valorisation et leur diffusion auprès du grand public, leur prise en compte dans les plans santéenvironnement et dans la normalisation française et européenne, au regard notamment de l'effet positif du dernier avis de l'Anses (diminution des pics de bleu). 4.1.2. Une cartographie nécessaire pour envisager des actions priorisées La cartographie de l'éclairage et de ses impacts conditionne des diagnostics partagés et une action publique priorisée à différentes échelles territoriales. À court terme, il est proposé de recenser les matériels, installations et pratiques de gestion et de développer la géolocalisation des sources lumineuses par les collectivités. Un arrêté pourrait être pris et une aide au diagnostic, déjà existante, poursuivie et ciblée sur les petites collectivités, sur la base d'un cahier des charges révisé (Ademe, DGPR). L'Ademe, dont le 1er « e » signifie « environnement » et non pas « énergie » comme on pourrait facilement le penser eu égard à ses actions fortement visibles sur les économies d'énergie, pourrait porter ce projet d'inventaire. L'autonomie financière de cette agence faciliterait une mise en oeuvre rapide. À l'instar des réseaux souterrains, la géolocalisation des données du parc lumineux public pourrait être exigée réglementairement sur des bases minimales à définir. Il paraît souhaitable à la mission, en lien avec la FNCCR, et avec l'appui du Cerema au regard de son expertise, que cet inventaire cible dans un premier temps les luminaires boules et lampes les plus énergivores et nocives. Pour favoriser une vision d'ensemble (intercommunale, régionale et nationale) et prendre en compte l'éclairage public et privé, il est proposé de s'appuyer sur les cartographies lumineuses issues de l'observation spatiale en les pondérant des données recueillies au sol dans des territoires représentatifs et de celles relatives à l'urbanisation. Les travaux déjà réalisés dans les territoires les plus avancés pourraient être utilisés à cette fin et un appel à projet pourrait être lancé au niveau national (Ademe, Cerema). Ce travail d'observatoire pourrait être mené par l'Ademe avec l'appui du Cerema, sous le pilotage d'un conseil « lumière » préparé par la DGPR avec la DGALN/DEB, en s'appuyant, le cas échéant, sur un bureau d'études sélectionné par appel à projet. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 51/106 PUBLIÉ 1. Rendre systématiques des synthèses de l'état des connaissances scientifiques sur l'impact des nuisances lumineuses (DGALN, AFB). Mettre en place une cartographie nationale des points lumineux extérieurs à partir des observations spatiales, pondérées par des données locales au sol. Y associer un inventaire géolocalisé des sources lumineuses publiques (DGPR, Ademe). 4.2. Comment intéresser les particuliers et donc le grand public ? 4.2.1. Par la sensibilisation, l'éducation, la formation et l'information Au regard de la prise de conscience plutôt lente de la population sur la pollution lumineuse et du caractère sociétal de la nuit, il semble nécessaire pour la mission de renforcer notablement la sensibilisation des publics à ce sujet. Le passage d'un éclairage généralisé à un éclairage sobre semble être pour la mission une question de génération et un travail de long terme. En effet, la rénovation globale du parc d'éclairage public au rythme actuel est prévue sur une période supérieure à une classe d'âge (30 ans). Quant à l'impact de la pollution lumineuse sur la biodiversité, il apparaît à la mission encore largement méconnue du grand public. La communication vis-à-vis des générations futures sur ces sujets de développement durable a jusqu'à présent été dirigée sur des axes très visibles comme les déchets et le tri sélectif par exemple. Il semble opportun de prévoir une évolution du contenu des programmes scolaires en matière de biodiversité en y intégrant la lumière excessive. Il existe d'ailleurs une réelle opportunité avec le discours médiatique actuel sur les excès d'écran (lumière blanche et bleue) pour les plus jeunes. Sur le plan de l'éducation, des expériences pédagogiques pourraient être menées ; des promenades nocturnes en classe verte ou non, avec ou sans les parents pourraient constituer des étapes de sensibilisation et d'éducation des populations aux enjeux de la reconquête de la nuit. Pour la mission, des actions de sensibilisation et de formation des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux en charge de l'éclairage public paraissent particulièrement nécessaires pour privilégier une approche d'adhésion plutôt que de sanction. De même, l'information du public peut être améliorée par une meilleure lisibilité des normes photo-biologiques : le risque zéro de la norme NF EN 62471 n'apparaît pas systématiquement sur l'étiquette des ampoules, mais seulement lorsque ce niveau n'est pas atteint. Le public ne dispose pas de signalétique complète lui permettant de savoir quel est l'impact sur la biodiversité et la santé humaine de l'utilisation des ampoules. La mission estime nécessaire de signaler l'impact des ampoules sur l'environnement, notamment des Leds, et suggère qu'une réflexion soit engagée sur l'évolution de l'étiquetage, faisant état clairement de la pollution lumineuse. 4.2.2. Par la concertation Pour tout changement qui touche le quotidien de nos concitoyens, la concertation est aujourd'hui une démarche reconnue et réclamée qui s'avère le plus souvent efficace. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 52/106 PUBLIÉ Sur le thème de la pollution lumineuse, la mission a constaté plusieurs niveaux de concertation réalisés notamment par les élus locaux auprès de leurs administrés : · pas de concertation, si ce n'est un débat au sein du conseil municipal et une délibération à la disposition de tous, · une concertation minimum avec les associations concernées sans prise en compte particulière des habitants, · une vaste concertation, accompagnée d'actions pédagogiques et d'une implication effective des habitants (balades nocturnes à Lille). La mission propose de généraliser la concertation de la population ; elle pourrait comprendre une notion de budget participatif. Les administrés seraient incités à prioriser les actions et les investissements financiers. Une concertation pourrait être également engagée avec les réseaux ou associations sportives et culturelles, par exemple avec l'association des élus du sport (ANDES), pour les stades des petites communes, qui nécessitent une vigilance particulière, les niveaux d'éclairage étant souvent élevés au regard du besoin. 2. Sensibiliser les publics aux enjeux de la pollution lumineuse par la formation, l'information (évolution de l'étiquetage) et par l'association des citoyens aux décisions d'investissement et de gestion. 4.3. Les entreprises et services, des parties prenantes incontournables (y compris publicitaires) La lumière extérieure, qu'elle soit publique ou privée, génère différents impacts économiques puisque le secteur représente aujourd'hui de nombreux emplois en France. Cette filière structurée par différentes instances nationales a bien évidemment l'ambition de développer ses marchés grâce à la recherche et l'innovation. Elle a conscience aussi des enjeux qui se jouent et pourrait en tirer profit avec, à la clé, la création de nouveaux emplois et métiers dits de la croissance verte. La mission a souligné dans le présent rapport l'utilité de faire appel à des professionnels de l'éclairage comme des concepteurs lumière. Il n'existe, à ce jour, aucune formation diplômante reconnue par l'État ou qualifiante en la matière. Les concepteurs lumière viennent principalement du monde du spectacle vivant et de l'architecture. Les professionnels ont souligné fortement ce manque. Les ministères en charge de la culture et de l'enseignement supérieur pourraient proposer la création d'une formation diplômante ou d'une spécialité dans le cursus des étudiants en architecture, trop peu sensibilisés à ces questions. En outre, une sensibilisation accrue pourrait être dispensée auprès des professionnels à travers la formation des installateurs et vendeurs via les fédérations, syndicats et associations professionnels (AFE, FFB, CAPEB, Medef). Par ailleurs, la pollution lumineuse pourrait être intégrée dans la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) qui désigne leur prise en compte volontaire des enjeux environnementaux, sociaux et éthiques dans leurs activités. Les interactions internes (salariés, dirigeants) et externes (fournisseurs, clients) seraient ici l'occasion de mobiliser et de valoriser facilement des actions concrètes. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 53/106 PUBLIÉ 4.3.1. La normalisation, une demande des entreprises Le chantier de la normalisation technique devrait être repris, tant au niveau européen que national. Au niveau européen, comme vu au point 3.2, l'impact que produit la normalisation européenne sur les fabricants d'ampoule est significatif. Ainsi, la directive « écoconception » de 2009 continue d'orienter le marché des ampoules avec l'interdiction de ventes d'ampoules halogènes depuis le 1er septembre 2018. Les autorités françaises pourraient susciter une actualisation de la normalisation européenne en matière d'éclairage impactant la biodiversité, par exemple sur les températures de couleur des Leds. Au niveau national, l'ensemble des acteurs relèvent la grande technicité du sujet, ce qui milite pour la relance des travaux de normalisation de la norme X90-013 déjà évoquée. De même, la norme applicable à l'éclairage des installations sportives NF EN 12193 pourrait être complétée avec un niveau de kelvin pour la température de couleur. Ce complément permettrait de savoir, pour cette norme de 2008, si les caméras TV d'aujourd'hui nécessitent toujours autant d'éclairage. Selon les avancées de ce chantier de normalisation, il pourrait être envisagé d'en adosser le contenu à la réglementation elle-même. Enfin, la normalisation doit être reprise dans les cahiers des charges des collectivités maîtres d'ouvrage. Ils sont en effet à actualiser, notamment pour y insérer les températures de couleur (2700 Kelvin maximum) et spectres lumineux les moins impactants. 3. Utiliser et compléter la normalisation, comme un outil efficace de la prévention de la pollution lumineuse, en collaboration avec le monde économique et les ONG. 4.3.2. La réglementation : un nécessaire rapprochement des textes en vigueur Il semble délicat, sur un sujet encore aussi émergent, hormis la prise d'arrêtés d'application des décrets existants en cours, de compléter la réglementation de manière trop sensible par rapport aux dispositions en vigueur déjà opposables aux particuliers et surtout aux collectivités. La mission relève également que les élus locaux disposent de certains moyens juridiques d'actions qui n'ont pas été encore pleinement utilisés. Ainsi, des nouveaux lotissements qui font l'objet d'un permis d'aménager peuvent déjà nécessiter, selon leur taille, une étude d'impact environnemental. Ils doivent aussi comporter un projet architectural, paysager et environnemental94 qui reste à développer sur la qualité environnementale de l'éclairage. Aussi, il est proposé de mobiliser pleinement les outils déjà existants, tout en intégrant davantage la prévention de la pollution lumineuse dans l'ensemble des réglementations concernées. 94 Réf : article R. 442-5 du code de l'urbanisme. À la reconquête de la nuit Page 54/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Une harmonisation des réglementations sectorielles concernant des équipements ou des installations ayant le même impact négatif en termes d'éclairage excessif apparaît particulièrement nécessaire. En conséquence, il est proposé que l'accent soit mis sur l'éclairage public excessif, par la suppression des ampoules et des équipements lumineux associés les plus néfastes, et sur la publicité lumineuse ; cette dernière apparaît comme un risque susceptible de croître de manière exponentielle en milieu urbain. Cette harmonisation doit être source de simplification réglementaire, et non de complexité supplémentaire. Ainsi, elle pourrait prévoir l'utilisation de seuils techniques communs et consensuels (sur la puissance lumineuse, l'orientation des lampadaires ou la température de couleur, inscrits dans la réglementation ou dans des normes d'éclairage à actualiser sur le plan environnemental). Par ailleurs, nous sommes tous concernés par la pollution lumineuse, au regard des différents risques environnementaux. Or, partager les risques, c'est partager la responsabilité, mais aussi les efforts pour y remédier. Ainsi, comment imposer à un commerçant d'éteindre sa vitrine si le stade municipal voisin reste allumé toute la nuit ? Comment exiger d'un exploitant d'ICPE de changer ses ampoules ou d'installer des détecteurs de présence si le centre commercial limitrophe conserve allumées toutes ses publicités lumineuses ? Pour la mission, le rapprochement prioritaire est à effectuer avec le régime de la publicité, dont on a vu précédemment la grande complexité. À partir de ce rapprochement normatif, la circulaire du 5 juin 2013, relative aux contrôles des extinctions nocturnes, pourrait être revue, avec une approche commune des contrôles de l'éclairage et des publicités lumineuses excessifs. En équité, il conviendrait que les exigences de modération d'éclairage soit mieux partagées entre collectivités, publicitaires, commerçants, entreprises et gérants d'immeubles de bureaux ou de centres commerciaux, exploitants d'ICPE, et citoyens... Pour ces derniers, le vecteur législatif ou réglementaire est encore inadapté : seule une actualisation des normes techniques des ampoules mises en vente, ainsi qu'une action de sensibilisation (cf. plus haut) apparaissent pertinentes. 4.3.3. Les sanctions : privilégier une approche d'adhésion Comme évoqué au point 3.2.3, le régime de sanctions actuel n'est pas satisfaisant. Un choix de régime juridique répressif harmonisé et adapté aux enjeux nationaux de la pollution lumineuse, c'est-à-dire privilégiant l'amende administrative, pourrait intervenir. En outre, il conviendrait de favoriser une approche principale d'adhésion aux dispositifs de prévention de la pollution lumineuse, avant de prévoir une démarche répressive. Par exemple, les unions locales de commerçants pourraient être sensibilisées aux différents enjeux d'un éclairage sobre : obligation d'extinction nocturne des vitrines mais aussi vigilance sur les éclairages éblouissants (enseignes, projecteurs, panneaux lumineux). S'agissant de l'extinction, une étude rapide d'absence d'impact commercial pourrait renforcer cet argumentaire95. 95 À la connaissance de la mission, cette étude n'existe pas encore. À la reconquête de la nuit Page 55/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ De plus, le caractère temporaire et répété des comportements causant des nuisances lumineuses incite à privilégier des « rappels à la loi et au civisme », qui peuvent émaner d'abord des riverains, puis des autorités locales. La non prise en compte dans un délai raisonnable de ces avertissements préalables, formulés par le maire par courrier par exemple, à la suite de signalement de riverains sur un site internet dédié, pourrait rendre plus pédagogiques les ­ rares ­ sanctions administratives qui interviendraient in fine. Les sanctions administratives sous astreintes apparaissent ici pertinentes et dissuasives. Les agents verbalisateurs relevant de la collectivité (agents de police municipaux) ou de l'État (inspecteurs de l'environnement eau et nature) 96 ne seraient alors sollicités que de manière marginale, à la suite de nuisances constatées et réitérées, ce qui faciliterait une intervention efficace, ciblée et en définitive assez rare. 4. Intégrer davantage la prévention des nuisances lumineuses dans les politiques sectorielles et leur réglementation, notamment pour les panneaux publicitaires lumineux et les sites industriels et commerciaux. Prévoir un dispositif unifié de sanction administrative pour toutes les installations lumineuses excessives, y compris les enseignes et panneaux publicitaires. 4.3.4. Une campagne d'information des unions commerciales nationales Il a été constaté ces dernières années l'implantation de zones commerciales, et donc de parkings, aussi bien en milieu urbain que rural, restant la plupart du temps éclairées chaque nuit. Ce même constat a été fait pour l'éclairage des vitrines au-delà de l'heure légale malgré la nouvelle réglementation au 1er juillet 2018. Il pourrait être demandé aux unions commerciales françaises de lancer une campagne d'information auprès de leurs adhérents sur les impacts environnementaux et les réglementations applicables encore souvent ignorés par ces acteurs économiques. 4.4. Apporter des réponses adaptées aux collectivités Au regard de l'importance du rôle des collectivités en matière d'éclairage, du besoin d'appui remonté à la mission et du développement de pratiques innovantes qui apparaissent transférables, un guide issu des bonnes pratiques existantes, adapté aux situations des communes, serait très utile. Parmi les bonnes pratiques à retenir et à diffuser, la mise en place de diagnostics sur la biodiversité et les besoins réels d'éclairage selon les zones semblent ici un préalable à une planification porteuse et adaptée au contexte local. 5. Inciter les collectivités à réaliser un diagnostic intégré (besoins réels, biodiversité...) préalable à tout nouveau projet de création ou de rénovation de l'éclairage public. Élaborer un guide des bonnes pratiques. 96 Compétence des agents de police municipaux: cf. article L. 583-3 du code de l'environnement et QE Zimmermann ci-dessous : _http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-102858QE.htm Compétence des agents de l'État: le contenu du I de l'article L. 172-1 relatif aux missions des inspecteurs de l'environnement et de la nature prévoit bien le titre VIII du livre V ( pollution lumineuse) Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 56/106 PUBLIÉ 4.4.1. Envisager une planification spatiale de la pollution lumineuse dans des outils existants Les outils de planification déjà existants dans la réglementation permettent de prévoir des aménagements lumineux plus sobres et moins préjudiciables à l'environnement. Parmi ces outils, le PCAET serait, pour la mission, un échelle d'action pertinente et efficace, y compris par le renforcement de la trame verte et bleue. Systématiser la réflexion autour des trames étoilées dans les PCAET permettrait de favoriser leur diffusion, voire de les retenir comme un indicateur significatif de la montée en puissance de cette préoccupation. À cet égard, le principe retenu par les diverses réglementations précitées, qui consiste à privilégier les zones hors agglomérations dans les priorités de préservation de la biodiversité apparaît de bon sens et à maintenir, à condition de mieux harmoniser les définitions. Dans les zones urbaines les plus densément peuplées, la réduction de la pollution lumineuse ne peut être que progressive, voire limitée. En revanche, la mission considère que les zones péri-urbaines sont des zones de transition lumineuse dans lesquelles des mesures de protection pourraient être utilement établies, voire renforcées, bien qu'elles soient comprises dans le périmètre réglementaire de certaines agglomérations. Par ailleurs, la limite des PCAET demeure leur niveau intercommunal. Aussi, la mission propose de décliner le contenu des PCAET dans chacun des PLU et PLUI afin de couvrir l'ensemble des collectivités à un échelon pertinent par rapport aux missions de police de l'éclairage qui restent confiées au maire. Les PLU et PLU(I), avec leur PADD respectif, sont identifiés par la mission comme vecteurs de l'organisation spatiale de l'action concrète contre la pollution lumineuse. Au vu de la complexité de la situation normative, la mission propose d'expérimenter l'intégration de la pollution lumineuse dans les PLU sous divers angles. Des dispositions prescriptives en matière de pollution lumineuse seraient à prévoir à l'occasion des extensions urbaines dans les zones publiques d'éclairage public et privé. Sans attendre, le maire peut d'ores et déjà assortir le permis d'aménager d'exigences relatives à l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés (article L. 332-15 du code de l'urbanisme). Il pourrait être aussi proposé des seuils techniques permettant d'assurer mieux la sobriété lumineuse, notamment sur les nouvelles zones d'aménagement concerté (ZAC), par exemple : un seul luminaire pour 300 m² de ZAC ou 0,5 watt installé par m² aménagé, la réduction de la hauteur moyenne des mâts d'éclairage dans certains espaces, un niveau d'ULOR, une variabilité des flux ou enfin un éclairage de couleur différencié pour les passages piétons... L'intégration du RLP dans le PLU participera aussi de cette expérimentation, en prévoyant des prescriptions coordonnées entre l'éclairage public, les publicités et enseignes lumineuses. Réexaminer le critère juridique de l'agglomération en privilégiant celui de la densité serait également de nature à simplifier le dispositif. Cette actualisation du contenu du PLU pourrait intervenir à l'occasion des révisions périodiques des PLU, et être modulée selon les quartiers, avec une vigilance accrue sur les zones de transition lumineuse abrupte entre les zones naturelles et urbanisées. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 57/106 PUBLIÉ Une expérimentation de ces dispositifs pourrait être conduite par des collectivités volontaires. L'idée est bien d'aboutir à l'élaboration d'un « plan lumière » prescriptif et cohérent au sein du PLU ou PLU(I), favorisant une réelle sobriété lumineuse et prenant en compte les différents impacts de la lumière artificielle, tout en étant adapté au contexte local. 6. Intégrer pleinement la pollution lumineuse dans les documents de planification préexistants à différents niveaux : SRADDET, PCAET, PLUI ou PLU. 4.4.2. Un partenariat avec les syndicats d'électricité à renforcer La mission a constaté les difficultés pour les collectivités de petite taille d'engager des rénovations du réseau d'éclairage public d'ensemble. Certains élus sont contraints d'éteindre l'éclairage public sans pouvoir l'adapter avec finesse aux réalités locales. Cette situation n'est pas satisfaisante (cf. annexe « extinction des feux »). Pour faire face à ce défi, il paraît souhaitable que les petites collectivités décident de mutualiser plus sensiblement leurs coûts de rénovation. Il est difficile de préconiser une collectivité chef de file d'un échelon territorial privilégié dès lors que les transferts de compétence de l'éclairage public aux EPCI n'ont été que partiels. Le regroupement au niveau d'un EPCI, pour cette compétence, n'est valable que pour les collectivités locales d'une certaine taille et pas pour les petites communes qui souhaitent la conserver. Un regroupement au niveau départemental, par les syndicats d'énergie, de la compétence éclairage public et réseau, constituerait un axe de progrès. Le syndicat d'énergie paraît le seul lieu de compétences techniques et moyens économiques dimensionné aux réalités d'aujourd'hui. Pour autant, leur sensibilisation sur l'usage approprié des normes et la prise en compte des impacts de la lumière artificielle sera à renforcer. La mission incite donc fortement les petites collectivités à adhérer à des syndicats d'énergie. L'appropriation de la rénovation par les collectivités passe par un diagnostic technique et environnemental précis du dispositif d'éclairage. Du fait des difficultés de recensement des informations sur les installations d'éclairage présentes et l'absence de mesures fines en matière de biodiversité à leurs abords immédiats, la mission propose de profiter des opportunités offertes par la rénovation de l'éclairage public pour prévoir un diagnostic préalable local avant d'implanter un nouvel éclairage public. Ce diagnostic systématique permettrait d'identifier la biodiversité environnante, les besoins réels d'éclairage de la population, de mesurer l'état du parc lumineux, les sources les plus gênantes et les économies possibles en y intégrant le coût complet (installations et réseaux, abonnement et consommations, maintenance). 4.4.3. Stocks d'ampoules non conformes : un passif à résorber La mission a constaté que les collectivités étaient incitées par certains fabricants/fournisseurs à constituer des stocks d'ampoules importants. Cette logique aboutit aujourd'hui à la présence dans ces stocks d'un nombre élevé d'ampoules Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 58/106 PUBLIÉ interdites par les réglementations les plus récentes, notamment européennes (directive écoconception). Attendre leur disparition par leur seul usage revient à reporter d'autant les progrès en matière de pollution lumineuse. Aussi, il convient d'inciter les collectivités à se défaire dès aujourd'hui d'au moins une partie de leurs stocks d'ampoules obsolètes et les encourager à une action spécifique avec Recyclum. 7. Proposer le lancement par l'Ademe d'un appel à projet sur le remplacement des lampes les plus impactantes pour l'environnement, sur la base de l'inventaire (cf. recommandation 1). 4.4.4. Des cahiers des charges type à destination des collectivités Plutôt que d'imposer un contrôle théorique, la mission propose de généraliser des cahiers des charges types (le contenu du cahier des charges Ademe pour les CEE va dans ce sens même s'il est perfectible) facilitant, pour les collectivités, la prise en compte de plus grandes exigences environnementales dans leur approche des chantiers de rénovation d'éclairage. Lors de l'élaboration des projets, la place des concepteurs lumières et des bureaux d'étude indépendants, à même de faciliter des démarches efficaces, économiques et environnementales, est à encourager, dans un secteur économique où les collectivités se voient proposer des services de conseils qui émanent trop souvent des seuls fabricants d'équipements. 4.4.5. Des besoins financiers et d'accompagnement toujours indispensables Les collectivités locales génèrent 70 % des investissements en France97. La rénovation d'un éclairage public pour une ville moyenne se situe aux alentours de 8 millions d'euros. Or, nous connaissons aujourd'hui les difficultés des collectivités locales et de leurs budgets de plus en plus tendus. Elles ont toutes exprimé à la mission la nécessité d'un accompagnement financier. À ce jour, elles engagent généralement la rénovation de leurs éclairages ou procèdent à l'extinction uniquement pour des questions d'économie d'énergie. Elles prennent pourtant conscience de l'enjeu de la pollution lumineuse, surtout dans les agglomérations et métropoles. Il pourrait être envisagé de bonifier les dotations d'investissement des collectivités locales en cas de pratique vertueuse lors de rénovations de leur parc d'éclairage grâce à une valorisation financière par les CEE. Nous avions sollicité la Caisse des dépôts et consignations qu'il ne nous a pas été permis de rencontrer. La banque des collectivités doit pourtant jouer à notre avis un rôle important auprès des communes et intercommunalités. Le dispositif « territoires d'innovation de grande ambition » (TIGA), doté de 450 millions d'euros sur 10 ans, est géré par la Caisse des dépôts au titre du programme d'investissements d'avenir. Son ambition est d'accompagner à terme 10 projets de 97 Associations d'élus (ARF, ADF, AMF). À la reconquête de la nuit Page 59/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ territoires, d'intérêt national, qui articulent l'innovation dans le domaine de l'excellence environnementale, les initiatives publiques et les ressources académiques, scientifiques, économiques et industrielles. En citant le dispositif TIGA, programme qui vise à faire éclore ou promouvoir des « écosystèmes territoriaux », il nous semble que la pollution lumineuse pourrait être mise en exergue davantage qu'elle ne l'est dans l'ensemble des appels à manifestation d'intérêt auxquels les collectivités peuvent prétendre. Certains projets sont aussi cofinancés avec des fonds européens (FEDER) gérés depuis la loi NOTRe par les régions. Trop peu de dossiers sont déposés dans ce sens. La mission a eu connaissance du projet « Luciole » à Lille qui a pu bénéficier de ces fonds européens. Suite à l'accord de Paris sur le climat et à la loi de transition énergétique pour la croissance verte, la France a émis en janvier 2017 sa première obligation souveraine verte avec la volonté de financer des politiques climatiques et environnementales de manière innovante. Environ 10 milliards d'euros de dépenses vertes éligibles ont été identifiés au sein du budget de l'État, contribuant à quatre objectifs : la lutte contre le changement climatique, l'adaptation au changement climatique, la protection de la biodiversité et la lutte contre la pollution. Plus précisément, ces obligations concernent par exemple les aides de l'État pour l'efficacité énergétique, la recherche sur les énergies renouvelables, l'observation et la recherche sur la pollution atmosphérique, ou encore la protection de la biodiversité. La mission propose qu'un mode de financement via des obligations vertes soit proposé pour lutter contre la pollution lumineuse. 8. Bonifier les capacités d'investissement des collectivités locales grâce à une valorisation financière par les certificats d'économies d'énergie intégrant davantage la pollution lumineuse. Proposer un nouveau mode de financement via des obligations vertes qui aideraient les projets des collectivités locales. 4.5. Gouvernance : un pilotage national à organiser et un plan de communication à développer 4.5.1. Pour que l'État soit exemplaire Dans bien des domaines, il est reproché à l'État d'imposer des directives qu'il ne s'applique pas à lui-même. La mission a recueilli toujours spontanément des témoignages faisant le constat de l'éclairage nocturne des bureaux et notamment celui du ministère de la Transition écologique et solidaire, situé à Paris-La Défense. Une recommandation du ministre du MTES à ses autres collègues du Gouvernement pourrait être faite pour limiter l'éclairage des bâtiments appartenant à l'État. Le pilotage national requiert une coordination des directions d'administration centrale sous l'égide de la DGPR qui aurait un mandat particulier, voire une lettre de mission. En appui technique, les rôles de l'Ademe et du Cerema sont à clarifier. Ce dernier a toutes les compétences techniques mais n'est plus aujourd'hui le seul point d'appui de la DGPR (cf. l'étude en cours faite par le CSTB sur les nouveaux projets d'arrêtés). Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 60/106 PUBLIÉ Au vu de ce qui précède, il convient de structurer un pilotage national favorisant l'appropriation des objectifs de sobriété lumineuse par tous les acteurs. Aussi, à travers les nombreuses rencontres organisées par la mission, il se dégage la nécessité d'élaborer un plan lumière national. À l'instar du Conseil national de la transition énergétique (CNTE), une structure légère, pourrait être crée, un Conseil national de la lumière, constitué et nommé par le ministre du MTES présidé par un élu, intégrant les représentants des parties prenantes (État, collectivités, syndicats de l'éclairage, ONG). Il serait chargé de valider un plan d'actions concrètes et d'assurer le suivi de sa mise en oeuvre. Il rendrait en outre plus visible la mobilisation des pouvoirs publics sur cet objectif. À défaut, ou en complément, s'agissant d'un sujet de santé-environnement, la mission préconise l'inscription du sujet de la pollution lumineuse dans le 4e plan national santé environnement, ce qui pourrait faciliter sa prise en compte, tant dans les commandes passées aux organismes de recherche, que dans les plans régionaux santéenvironnement. 9. Créer un Conseil National de la Lumière chargé de valider et de suivre un « plan lumière » (DGPR). A défaut, ou en complément, intégrer le sujet de la pollution lumineuse dans le 4e plan national Santé Environnement (PNSE 4) (DGPR, DGS). Définir un pilotage national avec un chef de file identifié (DGPR) accompagné d'un correspondant dédié dans chaque direction d'administration centrale (DEB, DGEC, DHUP, DGS...) et dans chaque ministère concerné (santé, sport, culture, intérieur...). 4.5.2. Des indicateurs simples et peu coûteux à définir Il n'existe aujourd'hui aucun indicateur commun qui permette de suivre l'évolution de la pollution lumineuse. Or, différents interlocuteurs ont insisté sur l'importance de références normatives et d'indicateurs nationaux, partageables et transposables au niveau local. Les éléments recueillis en matière d'indicateurs de la pollution lumineuse (voir tableau en annexe 3) doivent permettre de mesurer l'évolution de la pollution lumineuse, ses différents impacts mais aussi les progrès de l'action publique et privée. Au niveau local/régional, ils doivent pouvoir traduire le caractère multi-dimensionnel de la pollution lumineuse. Au niveau national, ils doivent être parlants, incontestables, en acceptant qu'ils ne rendent pas compte de la totalité du phénomène et soient affinés à une échelle plus réduite avec des objectifs de court, moyen et long terme. Trois types d'indicateurs pour suivre les pressions, impacts et mieux piloter l'action pourraient être utilisés par le Conseil national de la lumière. 1/ Indicateurs de pression : Au niveau national, il est proposé, en s'appuyant sur les travaux de cartographie susmentionnés, de viser en premier lieu la sobriété lumineuse. L'indicateur de cette sobriété paraît être en priorité le nombre de points lumineux (sources Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 61/106 PUBLIÉ lumineuses publiques et privées)98. Même si l'inventaire ne peut aujourd'hui en être complet, il existe des bases suffisantes pour les évaluer sur le fondement des actuels diagnostics locaux. Au niveau communal, intercommunal et régional, il s'agit surtout de favoriser des progrès concrets de l'éclairage reposant sur des diagnostics partagés et des plans lumière concertés, en s'appuyant sur une connaissance des sources lumineuses et des équipements. C'est à ce niveau territorial que certains indicateurs caractérisent les principales dimensions de la pression lumineuse : nombre de points lumineux, orientation des éclairages, puissances lumineuses. Une meilleure qualité des spectres visant globalement des sources lumineuses <3000k, en s'appuyant sur des échanges dans le cadre des PCAET, devrait être en outre prévue au niveau local et adaptée à la sensibilité des milieux naturels identifiés. Enfin, il paraît essentiel que les sources lumineuses privées soient intégrées tant à la cartographie qu'aux objectifs locaux de réduction des pressions. 2/ Indicateurs de la biodiversité : La mission propose d'identifier deux à trois taxons cibles « parapluies », permettant d'étalonner l'évolution de la biodiversité et de la suivre dans le temps. À court terme, il est proposé de choisir un taxon, déjà suivi, au niveau national et européen : les chauves-souris, pour développer spécifiquement sur cette base la mesure de l'impact de l'éclairage artificiel sur la biodiversité (AFB). Un organisme, le Centre d'écologie et des sciences de la conservation (CESCO), pourrait l'aménager et l'alimenter. Pour la mission, un indicateur sur les chauves-souris semble être le moyen le plus utile, compréhensif et pédagogique pour l'ensemble des acteurs et de nos concitoyens. Ce taxon est déjà largement cité et étudié pour sa vie quasi exclusivement nocturne et subit un ensemble large d'impacts de la lumière artificielle néfastes à son cycle de vie et à sa pérennité. Il est en outre déjà inscrit dans les indicateurs de suivi par l'AFB, qui pourrait le prendre en charge en lien avec les parcs nationaux. Il est recommandé de déterminer d'ici un an un taxon pour le milieu aquatique marin (DEB, DAM, AFB). En effet l'impact sur ce milieu paraît peu suivi. La DEB et l'UMS Patrinat pourraient proposer en lien avec la direction des affaires maritimes (DAM), un indicateur de l'état de la biodiversité pour le milieu aquatique en reprenant si possible ceux issus de la directive cadre stratégie milieux marins (DCSMM). 3/ Indicateurs d'action et calendrier : Dans un calendrier réaliste, il apparaît nécessaire de hiérarchiser les priorités de rénovation, les actions sur les équipements les plus polluants au plan national pour y associer plus facilement une éventuelle aide financière publique, pour aller au-delà des 3 % de rénovation de l'éclairage public par an et favoriser la création de trames étoilées (cf. page 57). La mission propose différents types d'indicateurs au niveau national. 98 Certes, les points lumineux peuvent être plus nombreux avec un flux lumineux diminué, comme dans certaines démarches innovantes (exemple notamment à Lille) mais au niveau global national et au regard des constats faits par la mission, cet indicateur générique de sobriété paraît utile. Si besoin, il pourrait être combiné avec un indicateur portant sur les puissances lumineuses. Ces indicateurs, pour dépasser le stade d'une bonne estimation, supposeront des progrès dans la fourniture des données et la géo-localisation des sources lumineuses. À la reconquête de la nuit Page 62/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ · À court terme, indicateur de renouvellement du parc public grâce au nombre d'opérations de rénovation d'éclairage public effectués sur la base de CEE rénovés plus environnementaux (fiche RES ­ EC-104) (Ademe) et disparition des sources lumineuses les plus énergivores et nocives pour l'environnement : lampes à vapeur de mercure et lampadaires boules d'ici 6 ans. Un suivi précis de cette action devra être effectué. Cet objectif suppose d'intégrer les délais de mise en conformité des équipements lumineux avec ceux de la rénovation des réseaux qui y sont liés. Six ans semblent un délai raisonnable dans ce cas. Cette proposition proposerait comme objectif aux maires le changement au minimum des boules (15 % du parc) pendant leur prochain mandat de 6 ans à partir des élections municipales de mars 2020. · À court terme encore, indicateurs des progrès de la planification : nombre de PCAET prenant concrètement en compte les impacts nocifs des sources publiques et privées de lumière artificielle (AFB et administrations centrales) ; nombre de nouveaux PLU ou PLUI/an, intégrant un plan lumière dans le PADD, à compter de 2019 (DGALN) ; nombre de trames étoilées et d'actions de diagnostics du biotope impulsées par les parcs naturels, en appui des collectivités (AFB et parcs naturels, DGALN). · À moyen terme, indicateur d'intégration de seuils nouveaux pertinents issu des dernières études scientifiques sur la biodiversité comme la température de couleur (<3000 Kelvin) et disparition des lampadaires les moins bien orientés : ULOR <1. Pour ces différents indicateurs, une consultation auprès d'organismes représentatifs pourrait être menée dans les mêmes conditions que pour l'élaboration des textes réglementaires relatifs à la pollution lumineuse. 10.Définir des indicateurs pour mesurer la pression lumineuse environnementale, l'évolution de la biodiversité nocturne et les progrès de l'action publique : - Suivre l'évolution du nombre de points lumineux au plan national. - Valoriser les indicateurs nationaux de biodiversité sur l'impact de la pollution lumineuse sur les chauves-souris. - Créer un indicateur de renouvellement du parc public grâce au nombre d'opérations de rénovation d'éclairage public effectuées par an et prévoir un suivi de la planification intégrant la pollution lumineuse. 4.5.3. Des concepts et une communication adaptée à différentes cibles Une mobilisation sur la pollution lumineuse en vue de sa meilleure appropriation et d'une efficacité de cette politique passe aussi par une communication nationale, demandée par les élus que nous avons rencontrés. Une trame « étoilée » : Les trames vertes et bleues désignent officiellement depuis 2007 un des grands projets nationaux français issus du Grenelle de l'Environnement. La partie « verte » désigne les milieux naturels et la partie « bleue » les milieux aquatiques et humides. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 63/106 PUBLIÉ Le vert et le bleu, facilement compréhensibles, ont favorisé la montée en puissance et la multiplication de ces zones de sensibilité. Depuis quelques années, apparaît le concept de trame noire. Comme évoqué au début du présent rapport, la nuit et le noir restent dans l'inconscient collectif synonyme de crainte et d'angoisse. La mission suggère la terminologie de trame « étoilée ». Depuis les temps ancestraux, à l'inverse de la nuit qui fait peur, l'étoile est le signe de l'éternité. Elle nous indique la route à suivre. Bref, sa valeur positive est forte. Une nuit nationale annuelle de lutte contre la pollution lumineuse : Différents temps existent aujourd'hui pour sensibiliser l'opinion publique et rappeler le coût pour la planète de l'énergie consommée chaque jour et notamment avec l'Earth Hour, organisée par le Fonds mondial pour la nature (WWF). Cette manifestation consiste à éteindre pendant une heure les monuments emblématiques (Tour Eiffel à Paris par exemple). La Nuit des Étoiles, qui vient de fêter sa 18e édition99, remporte également un beau succès et commence à être médiatisée, avec plus de 470 manifestations en France pour permettre de contempler la voûte céleste. Les initiatives proposant, notamment aux collectivités, d'éteindre le temps d'une nuit leur éclairage public en organisant par exemple avec leurs habitants des balades nocturnes, démontrant l'importance du sujet et l'ensemble des impacts et enjeux pourraient être rendues davantage visibles par une communication renforcée au plan national100. Un prix « étoilé : À l'instar du label « Villes et villages étoilés » imaginé par l'ANPCEN, les entreprises et commerçants les plus vertueux sur la pollution lumineuse pourraient être lauréats et se voir attribuer un prix « étoilé » organisé par le MTES. Un kit de communication nationale : Outre la création d'un logo spécifique et rapidement identifiable, il pourrait être créé un kit de communication à destination de différents publics et notamment les scolaires et les commerçants dans un premier temps. Différents outils ont fait leur preuve, par exemple un autocollant à apposer sur les vitrines des commerçants et autres activités commerciales sobres en éclairage des vitrines. Pour porter davantage le discours sur la pollution lumineuse, la mission suggère de reprendre l'idée d'une mascotte à laquelle le grand public pourrait facilement s'identifier. Ce concept avait déjà été conduit avec succès dans les années 80 avec la mascotte « antigaspi ». Pour la pollution lumineuse, la chouette semble un vecteur presque naturel et sympathique. Un slogan choc tel que « Éteindre, c'est chouette ! » pourrait opportunément accompagner une campagne de sensibilisation du grand public. 99 100 À l'initiative de l'Association française des astronomes (AFA). Exemple de la manifestation « le jour de la nuit » organisée en octobre tous les ans. À la reconquête de la nuit Page 64/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ La création d'un appel à projet en partenariat avec la French Tech : Création d'un appel à projet spécifique « pollution lumineuse » grâce à l'innovation de jeunes entreprises qui pourrait proposer un prototype type Odelco avec jallume.fr, application qui permet aux collectivités de couper leur éclairage public une partie de la nuit en laissant à leurs habitants, utilisateurs de smartphone, le soin de rallumer leur rue, si elle est peu passante, selon leurs besoins.101 Conclusion : les différentes propositions faites par la mission dans cette partie ont vocation à nourrir un plan « lumière » national sous l'égide d'un conseil de la lumière, représentant ses principaux acteurs. Pour la mission, au-delà de leur contenu qui donnera lieu à des priorisations, à bien des échanges indispensables et devra être affiné, il importe avant tout, par une gouvernance plus affirmée et unifiée, de passer d'une émergence prometteuse à une action soutenue dans le temps garantissant davantage une meilleure intégration environnementale, sociétale et énergétique de la politique de l'éclairage. 101 Cette initiative nécessite le choix de rues peu passantes, au regard des impacts de l'allumage/extinction trop fréquent sur le voisinage humain et animal. À la reconquête de la nuit Page 65/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Conclusion D'un sujet anecdotique de prime abord, la pollution lumineuse s'avère toucher chacun de nous et nécessite une mobilisation nationale inédite qui serait aussi un signe précurseur de l'implication des autorités publiques françaises dans la recherche de la préservation de la biodiversité. C'est à la fois un sujet de santé-environnement, de fonctionnement harmonieux des écosystèmes et un pas vers un monde moins énergivore. La mission est persuadée que cette mobilisation est possible en commençant par des axes de progrès directs et évidents : le plein effet des textes existants, des contrôles ciblés et dissuasifs, une ambition de diffuser le message de l'éclairage excessif et nuisible dans tous les domaines des sources d'éclairage : éclairage public, privé, publicité... et ce, quelle que soit leur localisation, urbaine ou rurale. Elle propose également d'accentuer la diffusion de la préoccupation lumineuse à certaines réglementations et relancer l'ambition environnementale de la normalisation. Enfin, elle souhaite insister sur le nécessaire renforcement de la sensibilisation du grand public aux enjeux de biodiversité et de santé publique en matière de pollution lumineuse. La pollution lumineuse est un sujet sur lequel on ne doit pas opposer artificiellement extinction des feux et rénovation de l'éclairage public ; il faut au contraire les combiner dans une approche globale de « sobriété lumineuse ». Comme pour tout sujet émergent à forte portée symbolique, une prise de conscience sociétale est indispensable pour apprécier collectivement qu'un éclairage excessif (public ou privé) n'est plus seulement inutile et coûteux mais désormais aussi nuisible à tous. Isabelle AURICOSTE Jean-François LANDEL Maryline SIMONÉ Chargée de mission Inspecteur de l'administration du développement durable Inspectrice générale de l'administration du développement durable Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 66/106 PUBLIÉ Annexes Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 67/106 PUBLIÉ 5. Lettre de mission Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 68/106 PUBLIÉ Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 69/106 PUBLIÉ Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 70/106 PUBLIÉ 6. Liste des personnes rencontrées Nom METAYER COMMEAU Prénom Marie-laure Nathalie Organisme DGPR DGPR Fonction Adjointe au chef de service Cheffe de mission Date de rencontre 15/05/18 15/05/18 10/07/18 LERAY Frédéric DGPR Adjoint chef de mission 15/05/18 10/07/18 SORDELLO Romain AFB/MNHN Chef de projet Trame verte et bleue ­ pollution lumineuse Présidente Ingénieur éclairage Chargé de mission 29/05/18 DUCROUX LAFITTE ARDON Anne-Marie Bruno Samuel ANPCEN Ademe Ademe ­ Direction régionale de la Vienne Syndicat de l'éclairage 29/05/18 30/05/18 05/06/18 OUVRARD Dominique Délégué général adjoint 12/06/18 BRUNET ARNAL Lionel Julien Syndicat de l'éclairage Syndicat de l'éclairage Délégué général Président du bureau 12/06/18 12/06/18 RAGNI Marcel Syndicat de l'éclairage Conseiller du Président au Bureau pour l'éclairage extérieur 2017-2018 Directrice générale 12/06/18 ALEXANDRE Marie-Pierre Association française de l'éclairage Association française de l'éclairage 13/06/18 COUILLET Roger Représentant AITF, coanimateur du groupe AFE « collectivités » Conseiller technique 13/06/18 REMANDE Christian Association française de l'éclairage Association astronomie du Vexin (AVEX) Ministère de l'Intérieur 13/06/18 TAPISSIER Frédéric Vice-Président 18/06/18 PAPET Frédéric Sous-directeur des compétences et des institutions locales Chargée de mission Adjoint du sous-directeur de la protection et de la restauration des écosystèmes terrestres Membre permanent 19/06/18 19/06/18 COÛTANT BLANCHARD Claire Baptiste DEB DEB BOYER Jean-Marc CGEDD 20/06/18 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 71/106 PUBLIÉ Nom TURPIN Prénom Françoise Organisme DHUP Fonction Chargée de mission Réforme de la publicité Responsable de la mission développement durable Adjointe à la cheffe de bureau qualité de la vie QV2 Adjoint à la sous-directrice de la qualité de la vie Président de la commission éclairage Date de rencontre 27/06/18 STEPHAN Guénola Association des maires de France DHUP 27/06/18 MARVIE Anne 27/06/18 BRIE Patrick DHUP 27/06/18 GALLEO Frédéric Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique Cerema Méditerranée 28/06/18 HUNAULT Philippe Directeur des affaires juridiques 28/06/18 VALACHS Anne Directrice générale 28/06/18 VERNY Paul Responsable de la mission « éclairage » Directeur 29/06/18 VILLEMAUD Jean-Christophe Cerema Ouest 29/06/18 HILAIRE NIAUDET Florence Aurélie Cerema Méditerranée ANSES Directrice Adjointe au sein de l'unité d'évaluation des risques physiques Chercheuse Universitaire 29/06/18 03/07/18 ATTIA CABANTOUS Dina Alain ANSES Université Paris I Panthéon Sorbonne Association des concepteurs lumière Association des concepteurs lumière et éclairagistes ex ­ DDT des Yvelines 03/07/18 04/07/18 CASTAGNÉ Sara Présidente 04/07/18 NICOLAS Virginie Conceptrice lumière, Viceprésidente 04/07/1804/09/18 CINOTTI Bruno Membre permanent du CGEDD Chef du département autres infrastructures en réseau Chef du service développements des réseaux énergie et éclairage public Responsable éclairage public Conseiller municipal délégué à l'énergie, la gestion technique des bâtiments, plan climat, éclairage public 05/07/18 RAGUIN Yves FNCCR 06/07/18 GELLE Alexis FNCCR 06/07/18 MORINEAUX BALY Damien Stéphane Mairie de Lille (59) Mairie de Lille (59) 10/07/18 10/07/18 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 72/106 PUBLIÉ Nom MARTINSONS Prénom Christophe Organisme CSTB Fonction Chef de division éclairage électromagnétisme Maire, vice-président de l'agglomération de Versailles Responsable du patrimoine bâti Direction centrale de la sécurité publique Capitaine, direction centrale de la sécurité publique Direction des Sports Cheffe du bureau des équipements sportifs Chargé de mission équipements et régalements des fédérations sportives Date de rencontre 10/07/18 WATELLE Luc Mairie de Bougival (78) 11/07/18 CHAMPION Johan Mairie de Bougival (78) services techniques 11/07/18 HOSOTTE Samuel Ministère de l'intérieur 12/07/18 ADASS Olivier Ministère de l'intérieur 12/07/18 BONTEMPSWEISHAUPT Alexandra Ministère de la jeunesse et des sports 12/07/18 MALACCHINA Yannick Ministère de la jeunesse et des sports /bureau des équipements sportifs DGEC 12/07/18 DE LACAZE Xavier Chargé de mission Bureau économies d'énergie et chaleur renouvelable Chef de bureau des économies d'énergie et de la chaleur renouvelable Directrice générale des services de la ville de Fosses Maire 24/07/18 DOZIERES Alexandre DGEC 24/07/18 BULOT Christine Mairie de Fosses (95) 30 /08/18 BARROS Pierre Mairie de Fosses (95) 30 /08/18 DUFUMIER Dominique Mairie de Fosses (95) Conseiller municipal délégué à l'urbanisme et à l'environnement Chef des services techniques Chargée de mission environnement au PNR PDG Sous-directeur Chef de bureau, 30 /08/18 LOUBAT LEPACHELET, Laurent Coline Mairie de Fosses (95) Parc naturel régional Oise Pays de France Dark sky lab DGITM/DIT/RN DGITM/DIT/RN 30/08/18 30 /08/18 VAUCLAIR PATIN SPRONI Sébastien Nicolas Nicolas 31/08/18 31/08/18 31/08/18 SIBLET GAUNAND Jean-Philippe François MNHN Association des Concepteurs lumière et éclairagistes (ACE) Association des Concepteurs lumière et éclairagistes (ACE) Chef de service Concepteur lumière, membre du conseil d'administration de l'ACE Concepteur lumière, viceprésidente de l'ACE Par téléphone 04/09/18 NICOLAS Virginie 04/09/18 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 73/106 PUBLIÉ Nom VOUE Prénom Virginie Organisme Association des Concepteurs lumière et éclairagistes (ACE) Union pour la publicité extérieure Union pour la publicité extérieure Société INSERT Fonction Concepteur lumière, membre du conseil d'administration de l'ACE Président Date de rencontre 04/09/18 DOTTELONDE Stéphane 04/09/18 DOUMERC Charles-Henri Juriste 04/09/18 BERLANDA Thierry Responsable des relations institutionnelles 04/09/18 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 74/106 PUBLIÉ 7. Propositions d'indicateurs faites par différents interlocuteurs rencontrés par la mission Typologie Représentants des éclairagistes Proposition Mesure technique de la lumière envoyée vers le ciel, pondérée par la lumière envoyée vers le sol. Quantité de certificats d'économie d'énergie avec une fiche d'éclairage public (104) plus environnementale. Nature de l'indicateur Pression Argument Mesure objective et professionnelle portant sur l'impact du seul éclairage et non de la réflexion de surface. Le vecteur financier est important pour les petites communes ­ Les produits récents sont les plus vertueux et le renouvellement du parc est insuffisant. Privilégier l'efficacité d'une action progressive : Cibler 3 objectifs d'action prioritaires, accessibles et concrets. Limites ou commentaires Ne concerne que le halo lumineux ­ est surtout adapté au niveau local d'un diagnostic ou d'un projet d'éclairage opérationnel. Concerne surtout l'éclairage public ­ approche centrée sur le renouvellement des matériels. Prise en en compte limitée de la biodiversité (orientation mais pas spectres lumineux). La réduction de la lumière intrusive est une priorité d'action et une bonne pratique à introduire au niveau local. Elle est très intéressante car elle vise la santé humaine mais quasi impossible à mesurer au niveau national. Données pour l'éclairage public, peu pour le privé, sauf dans une approche territoriale pilotée par exemple au niveau d'un PCAET. La suppression de certains types de lampadaires ou lampes nécessite une meilleure connaissance des équipements et pourrait nécessiter une aide ciblée aux collectivités. Action Représentants des collectivités dont élus locaux ­ Réduction de la lumière intrusive ; ­ Suppression des boules lumineuses ; ­ Orientation améliorée des lampadaires. ­ Réduction de la puissance lumineuse. Action Simple et axé sur un objectif de progrès qui fait levier pour l'essentiel de la pollution lumineuse. Encourager l'action par un ou deux objectifs prioritaires tout en laissant du temps pour les transitions à mener et en intégrant la soutenabilité pour les collectivités et l'acceptabilité par les citoyens. ­ Objectif de résultat : consommation ou X % d'équipement Y à supprimer en Z années. ­ Objectif de moyen : projets menés à 80 % en concertation avec les citoyens. ONG Étiquette environnementale lumière inspirée de l'étiquetage énergétique sur 4 critères (ou étiquettes) (par m²) : ­ Puissance lumineuse ; ­ Orientation de la lumière ; ­ Distribution spectrale des lampes ; ­ Énergie. Pour mesurer la pollution lumineuse au niveau national et local, disposer de cartes croisant les cartes du ciel et les mesures au sol, qui se font très bien avec des outils existants d'intégration des données. Pression Action ­ Permet de coter la pollution lumineuse à l'échelle infra territoriale sur les différentes dimensions de la pollution lumineuse ; ­ Associe énergie et environnement ; ­ Pourrait conditionner des financements ; ­ Outil de comparaison et de valorisation des communes les plus avancées : tire vers le haut. Efficace à l'échelle locale, transposable au plan national ­ Risque de valoriser les collectivités les plus riches qui ont non seulement la volonté mais les moyens d'agir ; ­ Consensus nécessaire sur les critères de l'étiquetage ou du label. Pression Une cartographie intégrant mesures de la pollution lumineuse au ciel et au sol pour mieux rendre compte de la réalité de la pollution lumineuse émanant de sources privées comme publiques. Existe sur certains territoires (Pyrénées, Haute-Garonne, parc du Haut Quercy notamment) mais il faudra du temps pour obtenir une mesure au niveau national. Cahier des charges à construire et coût d'une expérimentation (appel à projet) en commençant par deux ou trois régions ? Opérateurs de l'État ULOR sujet N°1 (et boules) ­ Nombre de points lumineux par hectare, luminance. Pression Nécessite : ­ Une cartographie solide : des bases de données partagées et compatibles pour aboutir à une vision nationale, en s'appuyant sur les SIG des collectivités sur leur parc, en utilisant l'imagerie satellite par avion et en la complétant par des mesures faites au sol ; ­ Des indicateurs opératoires centrés sur l'objectif politique principal ; ­ Accord/association indispensable des collectivités ; ­ Aide aux plus petites collectivités ; ­ À consolider par des standards cartographiques pour une vision nationale. ­ Répertorier la prise en compte des trames sombres pour tout projet d'éclairage public ; ­ Répertorier les projets significatifs d'éclairage public intégrant un diagnostic de la biodiversité. ­ Identifier les pratiques intégrant la concertation. Approche structurée intégrant 3 types d'indicateurs : Un indicateur de la pression pollution lumineuse : carte de la lumière vue du ciel, pondérée au plan territorial par d'autres indicateurs de la pollution lumineuse au sol ; Un indicateur de l'état de la biodiversité : choisir un ou deux taxons étalons de la biodiversité ; Un indicateur de l'action menée contre la pollution lumineuse : par exemple nombre de plans l'intégrant effectivement. Action Les projets d'éclairages publics ne prennent pas assez en compte l'impact sur la biodiversité. Les diagnostics en sont un moyen comme celui de tout bon projet d'éclairage. La concertation conditionne la réussite des plans lumière pour répondre aux besoins des citoyens et favoriser leur adhésion. C'est un des indicateurs de bonne pratique Cahier des charges, aide au financement pour les petites communes à prévoir. Nécessiterait d'avancer sur des diagnostics plus opérationnels et standards du biotope (sur le territoire du projet d'éclairage public, cartographie des zones naturelles de passage ou d'habitat et d'espèces nocturnes à enjeux (lucifuges ou attirées). Pression Une réflexion préliminaire a été menée et fournit les bases d'un choix indispensable sur les trois facettes de la pollution lumineuse à la fois pour connaître et agir (UMS Patrinat, 2018)102. État de la biodiversité Approche basée sur la méthode de construction d'indicateurs nationaux intégrant la biodiversité à compléter par des exemples concrets issus des pratiques locales pour démontrer la faisabilité et mobiliser les acteurs ­ Approche nationale préliminaire nécessitant un choix sélectif et une concertation. Action 102 Construire des indicateurs nationaux sur la pollution lumineuse ­ Réflexion préalable ­ UMS Patrinat ­ AFB ­ CNRS ­ MNHN ­ Sordello, Azam, Amsallem, Bas, Billon, Busson , Challéat, Kerbirou, Le Viol, Nguyen Duy-Bardakji, Vauclair, Verny ­ Avril 2018 Page 75/106 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit PUBLIÉ 8. Approche croisée des propositions et des acteurs Ce tableau illustre l'approche croisée des actions à mener développées dans la partie 4 du rapport selon les acteurs principalement concernés. ONG parties prenantes Actions État Collectivités Entreprises Particuliers Impulsion Connaissance et méthodes communes Cartographie sources/impacts pour envisager des actions priorisées Sensibilisation, éducation, formation, information Evolution de l'étiquetage Concertation des projets de rénovation Normalisation technique Réglementation Police Campagne d'information auprès des unions commerciales nationales Planification dans les outils existants Partenariat avec les syndicats d'électricité Stocks d'ampoules non conformes à résorber Cahier des charges type Besoins financiers d'accompagnement Pilotage national : Conseil national de la lumière Indicateurs Communication Action X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 76/106 PUBLIÉ 9. Bonnes pratiques Les pratiques présentées sont issues d'entretiens ou de documents communiqués à la mission. Elles ne sont en aucun cas exhaustives, présentent toutes des points forts et des limites et rendent compte d'évolutions en cours. Leur point commun est de démontrer que l'action est possible. Entrées Les enjeux et les politiques territorialisées de la biodiversité, Exemples Île de la Réunion (974) -103 Les enjeux principaux concernent les échouages massifs d'oiseaux marins nocturnes (le Pétrel du Barau et le pétrel noir de Bourbon, espèces les plus menacées et les puffins du Baillon et du pacifique) attirés par la lumière artificielle. Ils concernent aussi les tortues marines, gênées en période de ponte par la lumière artificielle sur les plages. Plusieurs programmes de protection, nationaux et européens (Life), ont permis de financer une cartographie de l'éclairage artificiel croisée avec celle des échouages, permettant de cibler à la fois les zones concernées sur lesquelles agir et les éclairages les plus impactants. Un terreau de longue date et la bonne identification des espèces menacées favorisent l'action : réseau de sauvetage des oiseaux marins de la Réunion initié par le Muséum national d'histoire naturelle et piloté par la Société d'études ornithologiques de la Réunion (SEOR) depuis 1997 ­ Plan national d'action et programme européen LIFE (finance un bouquet d'actions de conservation sur les pétrels) ­ Action publique (DEAL, collectivités, Parc naturel de la Réunion, Réserve naturelle marine de la Réunion). Équipements publics et privés particulièrement concernés : infrastructures routières, restaurants, hôtels bars et habitations en bords de plage, équipements sportifs, installations industrielles et portuaires fortement éclairées. Types d'éclairage et autres causes : La puissance, l'orientation de l'éclairage (souvent orienté vers la mer), la hauteur des mâts (pour les stades), le manque d'obstacle à la lumière depuis la mer (Ex : végétation) le spectre et la couleur des lumières. Les actions menées : Financement d'un atlas spatialisé des risques d'échouage (en particulier sur les sites de reproduction) couplées à la cartographie de l'éclairage artificiel (Atlas de Falchi), à son analyse précise ainsi qu'à celle des mesures réglementaires et des planifications mobilisables. Stratégie d'éclairage artificiel dans la micro-région fréquentée par le Pétrel noir. Action de sensibilisation : évènement annuel des « nuits sans lumière » programmée en avril lors de l'envol des jeunes Pétrels du Barau. Actions réglementaires :(Ex : arrêté préfectoral conditionnant une autorisation de chantier au respect de conditions de puissance et d'orientation de l'éclairage, ou arrêté de la ville de Cilaos imposant l'extinction nocturne en période de risque d'échouage des pétrels, en lien avec l'évènement Nuits sans lumière). Limites ou questions sur les suites : celle de la planification urbaine de la lumière, croisant différents intérêts généraux à intégrer : biodiversité, énergie, développement touristique, économique et industriel, sécurité. Limites de l'action publique du fait de l'éclairage de certains équipements : d'un côté interdire certains éclairages lors d'un chantier et de l'autre, ne pouvoir intervenir sur la hauteur des mâts et la puissance d'éclairage des stades. Les deux exemples cités concernent un milieu insulaire ils mettent en valeur les enjeux de l'éclairage du littoral et les sources privées des nuisances lumineuses 103 Source : Étude Aube finale ­ Aménagement urbain Biodiversité et éclairage Île de la Réunion (commanditaire DEAL de La Réunion ­ Prestataire Cerema), 2017. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 77/106 PUBLIÉ Un exemple de démarche de diagnostic « intégré » territorial et partenarial sur un site protégé Île de Porquerolles (83) « Qualité de la nuit sur l'Île de Porquerolles » : expérimentation sur un site pilote insulaire protégé ». Rapport du partenariat scientifique ANPCEN ­ Parc national de Port Cros, 2016. Cette expérimentation présente plusieurs intérêts, le premier étant celui d'une démarche très complète de diagnostic étayé et de recommandations concrètes : ­ L'utilité d'une politique territorialisée de la biodiversité et de projets de territoires associés (coeur de parc et aires d'adhésion) ; ­ Celui du partenariat entre différents acteurs : les parcs nationaux, une association environnementale, l'ANPCEN, les communes concernées (qui ont fourni les données techniques utiles sur les plans d'implantation et les points d'éclairage), en intégrant des rencontres avec différents acteurs publics et privés ; ­ L'étude particulièrement précise, documentée, cartographiée et la mesure des effets des éclairages littoraux sur la qualité de nuit insulaire, la biodiversité et la santé humaine (lumière intrusive) à partir de : l'état des lieux du parc, l'échantillonnage des sites à enjeux de biodiversité, de mesures photométriques des impacts de l'éclairage artificiel, de la connaissance et de l'analyse des équipements et installations in situ ; ­ Une volonté pédagogique affirmée : photographies commentées, proposition d'étiquettes environnementales de la lumière par rue selon 4 critères (puissance lumineuse, orientation de la lumière, distribution spectrale des lampes, énergie), mesures de la qualité de la nuit par sites et saisons ; ­ Sur la base de diagnostics in situ, des recommandations de démarches structurées et des pistes d'amélioration de la lumière très précises selon les sites et les types d'équipements (église, port, capitainerie, commerces, restaurants, bateaux de plaisance). Quelques exemples significatifs : le sur-éclairage d'une église qui pourrait être mieux mise en valeur avec moins d'éclairage, l'éclairage artificiel direct inutile et néfaste des arbres, la quantité très forte de lumière émise par des luminaires récents portuaires (lumières blanches, forte puissance, mauvaise maîtrise des flux, absence de modulation) dans des espaces ouverts, sans atténuation par le bâti), visibles à forte distance en mer ; l'impact des feux de mouillage ; Un grand constat : l'impact sur le halo lumineux de l'éclairage de l'île mais aussi de l'éclairage à distance du littoral continental très urbanisé (Hyères). Les limites ou les questions : Quelles sont les suites données à ces recommandations ? Qui mesure leur suivi et les progrès réalisés ? Comment passer d'un diagnostic très fin, qui se justifie en zone naturelle protégée, à des diagnostics opérationnels abordables et à un plan d'actions financée y compris dans des secteurs d'habitat naturel moins protégé ? Quelle démarche de planification et de concertation pour l'action concrète ? L'importance des mesures et de la cartographie de la lumière artificielle Pratiques de cartographie à différentes échelles territoriales et sur différents sites La cartographie est un préalable indispensable au diagnostic et au projet, et plus largement à la planification, à différentes échelles. Elle porte, à des degrés variables, sur un ou plusieurs aspects : ­ La cartographie du halo lumineux et de la qualité du ciel nocturne ; ­ La cartographie de la pollution lumineuse au sol ; ­ La cartographie du biotope (voir plus haut) qui implique de repérer les lieux d'habitat et de passage des espèces, en lien avec leurs modes de vie (reproduction, ponte, nidification, alimentation, repos...) ; ­ La cartographie ou l'état des lieux de l'éclairage public et de l'éclairage privé intervenant sur l'espace public : inventaires des réseaux, lampadaires et installations ; Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 78/106 PUBLIÉ ­ La mesure des impacts : niveaux d'éclairement en Lux, luminance (en cd/m²) notamment. Plusieurs illustrations : Cartes de la pollution lumineuse ­ Les cartes issues des observations spatiales de la Nasa : retravaillées selon une échelle à définir (plusieurs existent), elles peuvent donner, malgré certaines limites (par exemple mauvaise prise en compte du bleu) une vision d'ensemble de la pollution lumineuse vue du ciel, complétée ensuite par d'autres données. Différentes méthodes interprétatives sont issues de cette base ; ­ Les cartes de l'association d'astronomie AVEX : elles partent du principe que tout est allumé et rendent compte du « pire cas possible pour pouvoir observer le ciel étoilé » avec des gradations et une échelle d'observation, à 11h avec 85 % d'humidité, pour un cône zénithal de 50° (par rapport à la verticale d'un lieu donné), sans rendre compte des effets de la pollution lumineuse à l'horizon (impactantes pour l'orientation de certaines espèces) ; ­ Les cartes basées sur la thermographie aérienne : cette technique prometteuse selon la ville de Lille est à évaluer. Lille a mis en place, avec l'aide d'une agence d'urbanisme, une cartographie de la pollution lumineuse par thermographie aérienne : elle permet de qualifier les différentes sources lumineuses publiques et privées, de prendre en compte les revêtements et peut s'analyser à l'échelle d'une commune ou d'un quartier, voire pourrait l'être au niveau national (à étudier), sous réserve des coûts, et de la pertinence à une échelle plus large ; ­ « Qualité de la nuit sur l'ïle de Porquerolles » : expérimentation sur un site pilote insulaire protégé ». Rapport du partenariat scientifique ANPCEN ­ Parc national de Port Cros, 2016. C'est la méthode d'ensemble qui est intéressante car elle intègre plusieurs aspects de la pollution lumineuse : le halo lumineux, une analyse des éclairages et de leurs impacts sur des lieux représentatifs. ­ Les démarches de cartographie de connaissance et d'évaluation de l'impact de la lumière engagées sur deux axes différents et complémentaires 104. * la définition de trames sombres pour préserver les réservoirs identifiés et à enjeux de biodiversité 105. * les plans lumières. 1/ Travaux sur la trame sombre en milieu rural : encore en gestation, ils donnent lieu à des approches innovantes, qui nécessiteront, à terme, une évaluation en vue de leur élargissement. Ils sont réalisés sur commande de parcs naturels ou de collectivités. On citera notamment les travaux en cours commandités par le parc national des Pyrénées et le parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises. Ce travail consiste à : ­ Utiliser des bases de données référençant la géolocalisation des sources lumineuses et leurs caractéristiques physiques ; ­ Mesurer la luminosité du ciel nocturne pour développer des cartes précises, en évaluant le degré de noirceur du ciel vue du sol, par des mesures en continu permettant depuis le sol de disposer d'un suivi fin de la pollution lumineuse en cours de nuit (selon la lune, les pratiques de gestion de l'éclairage...) en utilisant des échelles de couleur selon la qualité du ciel ; ­ Intégrer ces éléments dans les cartographies existantes des trames vertes et bleues (permettant à la faune de se déplacer et de se ressourcer) en définissant un seuil de sensibilité lumineuse pour les chiroptères repérés dans ces territoires. Ce travail très prometteur est en cours. Il a notamment requis des outils de mesure de la qualité du ciel vue du sol (SQM statistiques) et un logiciel performant d'intégration et de modélisation des données. 104 Pour des raisons déontologiques, et faute d'un inventaire exhaustif la mission fait le choix de ne pas nommer les prestataires qui sont plusieurs à développer des méthodes et outils innovants. Trame noire : un sujet qui « monte dans les territoires » , Sordello, Jupille, Vauclair, Salmon-Legagneur, Deutsch, Faure ­ Sciences Eaux et territoires, la revue d'IRSTEA, consultation 2018. 105 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 79/106 PUBLIÉ 2/ Trame sombre et plan lumière en milieu urbain et périurbain : Ces approches sont complémentaires. La métropole de Lille s'appuie sur plusieurs organismes universitaires et de recherche, l'Ademe, et un bureau d'études pour mettre en place une trame noire intégrant l'inventaire et la répartition spatiale des chauves-souris (qui permettent de repérer et « étalonner » la biodiversité nocturne et sa sensibilité lumineuse, au moins partiellement). Ce projet repose également sur des travaux permettant de mesurer le niveau d'acceptabilité du projet par la population riveraine. On peut citer également les démarches pionnières de Lorient et Rennes, guidées par la « compréhension des usages nocturnes » et la recherche d'une « nouvelle identité nocturne » menées avec l'appui de concepteurs lumière qui ont permis d'identifier et intégrer des trames sombres dans le plan lumière de la ville, avec l'ambition de faire le lien avec la planification urbaine (SCOT, PADD du PLU) en prévoyant un volet d'aménagement nocturne et un « plan de sauvegarde de l'obscurité » dans les zones moins fréquentées humainement et riches en biodiversité (parcs et jardins, berges). Cette démarche, à évaluer, a notamment permis d'éteindre la voie de desserte portuaire de Lorient et de respecter ainsi la faune et la flore des accotements. Cartes et mesures métrologiques de la pollution lumineuse « au sol » Il existe différentes méthodes et appareils permettant de procéder, notamment via un luxmètre, un GPS et un véhicule, à des mesures photométriques du sol, non parfaites mais simples, adaptées à des diagnostics locaux. Il s'agit d'une première cartographie qui permet de dégrossir le sujet et de disposer d'une vision d'ensemble de l'éclairement d'une ville, à compléter ensuite par d'autres données et des analyses plus précises. D'autres démarches existent, notamment relatives à des problématiques routières : Exemple du projet européen SURFACE pour les chaussées (Objectif : révision de la norme EN 13201 Éclairage routier pour réduire la lumière éblouissante des installations d'éclairage routier, en intégrant la capacité d'un revêtement réel de chaussée (vieillissant, en condition humide...) à réfléchir la lumière. Apports : il existe des outils de mesure accessibles et peu onéreux (qui évoluent) et des observations réelles et des cartographies possibles, à différentes échelles. Limites : des références communes, si ce n'est une normalisation et des standards pour ces observations. La planification Lumière Selon nos différents interlocuteurs, les métropoles et les grandes villes disposent de services techniques et d'une sensibilité accrue à « l' urbanisme de l'éclairage » et à ses impacts environnementaux d'autant que, de plus en plus, elles « font réseau ». Lille (59) Lille, ville de plus de 230 0000 habitants, située dans une aire urbaine de plus d'un million d'habitants, a mis en place depuis 2004 une politique de la lumière et en est à son 2 e plan lumière (2013/2020). Son premier plan portait sur l'efficacité et la vétusté. Le plan actuel intègre un volet patrimonial, un volet sécurité des passages piétons, un volet biodiversité et trame noire. Ce plan lumière s'est traduit dans un marché global de performance. 64 % du parc a été ainsi reconstruit entre 2004 et 2020. Un concepteur lumière a été associé et des méthodes de concertation avec marches nocturnes ont été mises en place. Parmi les effets positifs, une amélioration de la qualité, une diminution du sur-éclairement, une suppression des luminaires les plus nocifs. Points forts ­ Un plan global, cohérent, construit dans la durée, avec une partie pédagogique différenciant coeur de ville, urbain, périurbain. Selon Lille, c'est ce qu'il faudrait faire au niveau national ; ­ « Avant on éclairait tout. Maintenant on gradue au coeur de la nuit, cela concerne 5000 points lumineux » ; ­ Choix a été fait de ne pas commencer la rénovation de l'éclairage par les quartiers centraux pour bien prendre en compte les besoins des quartiers périphériques. La Grand-Place sera faite en 2019. (« Ce qui brille sera fait en dernier ».) ; Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 80/106 PUBLIÉ ­ Un système de télésurveillance avec horloge intégrée et allumage et extinction coordonnée. À terme, l'éclairage intelligent permettra de distinguer par matériel (alors que les armoires actuelles éclairent tout sur une zone) et de mieux moduler l'éclairement. Les éléments de complexité ou de difficulté ­ Il n'est pas simple de réduire le nombre de points lumineux, car il faut alors tout refaire, les massifs, les trottoirs, et cela se fait donc à l'occasion des projets de rénovation urbaine d'une rue ou d'un quartier ; ­ À Lille un grand mât a été détruit, des photophores ont été posés. Sur cette voie, on est ainsi passés de 10 à 200 points lumineux en réduisant l'éclairement de 50 % (le nombre de points lumineux n'est pas un bon indicateur au plan local) ; ­ Le financement des éclairages innovants les plus vertueux pour la biodiversité n'est pas suffisant. « Sur les éclairages du projet Luciole, plus chers en investissement, dont on ne sait s'ils seront interopérables, nous prenons des risques non financés (mais le FEDER a financé 560 000 sur 700 000 euros), une aide serait bienvenue pour financer et réduire aussi les surcoûts. Comme nous avons été en avance sur l'énergie, aujourd'hui on gagne très peu à faire des éclairages innovants et bons pour la biodiversité » (d'où l'intérêt d'allier les deux) ; ­ Les efforts faits sur l'éclairage public peuvent être peu opérants face à des éclairages privés émanant de commerces ou de particuliers, faisant intrusion sur l'espace public ; ­ L'action territoriale sur l'impact de la lumière sur la biodiversité est nouvelle et a besoin d'appui national car elle manque de références (par exemple pas d'inscription de la trame noire dans les PLU et SCOT, ce qui permettrait d'intégrer une obligation de protection de la faune). Un plan national, priorisé et pédagogique, est indispensable, selon Lille ; ­ Des contradictions sont à gérer pour un décideur local : difficile d'être à la fois gendarme et pédagogue et d'aller plus loin s'il n'y a pas de caractère obligatoire, mais besoin de souplesse, qui tienne compte des capacités financières et du contexte territorial. Raisonner en cycle de vie Douai (59) Ville de 41 000 habitants au sein d'une communauté d'agglomération de plus de 150 000 habitants. Points forts : Le raisonnement en cycle de vie, le raisonnement sur 30 ans (durée de vie d'un éclairage public). Cette collectivité, qui a bénéficié d'un financement TEPCV, a fait le choix d'acheter des luminaires qui n'étaient pas les plus efficients, ni les meilleurs techniquement mais dont l'impact environnemental et le coût global sont meilleurs. Lorsqu'elle a rénové son éclairage public, la commune de Douai a suivi un processus maintenant bien rôdé pour les collectivités qui disposent de services techniques solides : la connaissance et le diagnostic sur l'éclairage, le plan/projet, l'information/sensibilisation des usagers. Difficultés : Implanter des nouveaux éclairages type Leds peut être difficile lorsque les réseaux ne sont pas rénovés, ce qui suppose, selon son responsable technique, une aide au financement qui n'existe pas aujourd'hui. Un projet ambitieux de rénovation de l'éclairage public Bougival (78) Ville de région parisienne de 9000 habitants, au sein de la communauté d'agglomération de Versailles grand parc, de plus de 260 000 habitants Le diagnostic de la commune avant rénovation (projet distinct et antérieur à l'intégration dans la nouvelle communauté d'agglomération) : un réseau vétuste à 65 %, coûteux en énergie, dangereux, disparate, comportant des éclairages impactant l'environnement. Le projet réalisé : la rénovation progressive, cohérente et complète de l'éclairage de la ville (y compris les armoires électriques) avec un objectif contractuel de 67 % d'économies d'énergie sur la durée du marché de performance énergétique passé sur 20 ans. Les résultats : 70 % d'économies d'énergie. Les apports environnementaux : une stratégie d'ensemble de différents niveaux. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 81/106 PUBLIÉ 1/ Grandes voies de transit : réduction de la taille des grands mâts multi-éclairants et orientation des flux sur la chaussée. 2/ Réduction des points lumineux et travail sur l'éclairage minimum acceptable en réduisant les intensités. Utilisation des possibilités de variabilité des flux sur une tranche horaire 22 h à 5h : objectif de réduction de 50 % sur l'ensemble, en partant de sites pilotes sur des petites voies et en généralisant progressivement. Résultat : une très bonne acceptation (nul ne s'en est plaint). 3/ Sur certaines sentes peu fréquentées, utilisation nocturne du système de détection de présence (alimenté le jour par panneaux photovoltaïques). Limites : pas d'évocation des températures de couleur et spectres lumineux (cela est lié à l'historique, cette approche spectres/biodiversité étant récente et perçue comme complexe à mettre en oeuvre (supposerait un diagnostic du biotope). Choix d'une information plus que d'une concertation, en visant la sobriété et en testant la gêne à partir de sites expérimentaux (c'est une limite mais le choix opéré fonctionne bien). Aspect délicat de l'éclairage nocturne des petits commerces, alors que ceux-ci ont du mal à survivre en centre-bourg. Très peu éclairent la nuit et le choix de la commune est plutôt d'informer, de sensibiliser, de prévenir en s'appuyant, au niveau national, sur un cadre, une réflexion et une communication pour l'instant très limités. Une aide pour les petits commerçants serait bienvenue. Les apports économiques : Choix d'un partenariat public privé (PPP) et d'un marché de performance. Celui-ci intègre l'investissement et la maintenance sur la durée du contrat. l'objectif de réduction de la dépense est atteint, voire dépassé et, grâce à la veille technologique, une amélioration en continu est assurée. En outre, tous les 3 ans, 300 points lumineux sont renouvelés, ainsi que, tous les 5 ans, un nombre défini de centres de télégestion. À la fin du contrat, l'équipement sera neuf et performant. Un investissement additionnel de la collectivité de 4 millions d'euros, une économie de 400 000 euros par an, un retour sur investissement en 10 ans. Limites : dans le contexte actuel de tension sur les finances des collectivités territoriales, le maire attire notre attention sur le fait qu'un PPP aussi ambitieux ne serait plus possible. Un message : l'aide à l'investissement pour les collectivités est un point clé. Le projet a bénéficié en outre d'aides de l'Ademe. Entre ville et campagne : le processus de changement à partir de la recherche d'économies Fosses (95) : Ville de près de 10 000 habitants en Île-de-France, appartenant à la communauté d'agglomération Roissy Pays de France , à la limite de l'Oise et de la région Hauts de France, entre ville et campagne. Ville porte du PNR Oise Pays de France. Les emplois sont principalement à Paris, en petite couronne et à Roissy (importance du RER : 40 mn de Paris). Opération de renouvellement urbain et de rénovation du centre-ville 2008- 2018. 1/ Constat partagé du primat des économies dans l'approche initiale : L'éducation sur les impacts environnementaux de la lumière s'est faite « en marchant » en raison d'une sensibilité environnementale préalable et avec l'apport du PNR ; « C'est un exemple de mise à niveau collective dans le processus de changement. ». 2/ Association de la population préparée via des réunions publiques, avec l'appui de la gendarmerie et du PNR (Dans le PNR 13 communes sont éteintes sur 59..) sur fond d'une longue culture de la concertation. Dans chaque quartier test, un élu "témoin". 3/ Démarche progressive et différenciée par quartier, en intégrant les besoins de déplacement de la population, combinant extinction et baisse des puissances : Expérimentation d'extinction par quartier de 6 mois, avec le maintien de l'éclairage dans la zone de la gare RER. Les axes routiers structurants restent allumés. 4/ Les impacts sur la sécurité : Pas de hausse constatée des cambriolages mais nécessité de lutter contre le sentiment d'insécurité (réduction de la zone de confort visuel de l'usager, même si majoritairement il dort !) en travaillant de manière globale sur les autres causes. 5/ Impacts financiers pour une ville aux moyens financiers comptés : Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 82/106 PUBLIÉ * les choix techniques : Fosses ne peut pas moduler car cela coûte plus cher. À chaque armoire correspond un ensemble de points lumineux sur une zone, ce qui entraîne une rigidité de programmation et la difficulté à intervenir sur les cours d'école ou stades, qui restent éclairés la nuit. L'approche s'est donc faite armoire par armoire ; * l'esthétique : un bureau d'étude avait proposé un éclairage plus homogène, mais très dispendieux, notamment au plan énergétique, proposition écartée ; * le rythme de rénovation du parc. Ce qui reste à faire : la révision des armoires électriques, une action sur les luminaires à boule, la cartographie complète géo-référencée des réseaux et points lumineux perçue par la ville comme une condition essentielle pour avancer sur ce sujet comme sur d'autres : cela lui a permis de chiffrer, anticiper budgétairement, planifier et mutualiser. La prise en compte du biotope serait envisageable mais suppose un appui du PNR, en particulier en zone de conflit entre habitat naturel et humain, et un petit appui financier. 6/ Un bilan positif : opération de rénovation/extinction/abaissement des puissances profitable à tous niveaux. La ville a été aidée au plan méthodologique et financier (PNR, Ademe). Un appui complémentaire permettrait d'accélérer le changement. Des outils techniques simples ont facilité l'opération à Fosses : horloges astronomiques radio-pilotées, programmables selon les heures. Ceux-ci doivent être adaptés au contexte communal (moyens financiers, humains, compétences techniques y compris pour l'entretien), encore plus pour les petites communes rurales, comme nous l'indique le maire. 7/ Les perspectives de planification La mutualisation passe en péri urbain davantage par l' EPCI, communauté d'agglomération, périmètre à stabiliser, qui définit les axes que par le syndicat d'électricité ou d'énergie : La pollution lumineuse aurait sa place dans le PLU via le PADD, avec un aspect favorable de transparence démocratique des plans lumières dans les PLU. Il est attendu de l'État des incitations par la loi et des repères praticables pour aider les élus à mettre en place un éclairage différencié. Les approches intégrant le recueil des ressentis des usagers in situ Saint-Malo (35) ville portuaire de Bretagne de 46 000 habitants Trois gradations sont constatées en matière de sensibilisation des usagers préalables à un projet d'éclairage public : une absence d'information ou de sensibilisation, une information par réunion ou encart dans le journal communal, des marches nocturnes et enquêtes/consultation in situ. Dans le cadre de la révision de son schéma d'éclairage (intégrant des préoccupations en matière d'économie, d'énergie, de prévention des nuisances lumineuse, de valorisation de sites emblématiques et de prise en compte des besoins des habitants et passants), la ville de Saint-Malo a commandité et financé une étude très complète, réalisée par le Cerema, portant sur l'acceptabilité de son projet d'éclairage, fondée sur : ­ Des campagnes de mesures des niveaux d'éclairement préalables à la démarche ; ­ Des méthodes d'enquêtes qualitatives ­ Recueil des avis et ressentis des usagers piétons in situ sur différents secteurs : urbain très fréquenté, touristique, mixte commercial et résidentiel, résidentiel (marches exploratoires, parcours commentés avec usagers, micro-trottoirs) autour de différents scénarios de mise en lumière ; ­ La définition d'une stratégie de modulation de l'éclairage public et de programmation des travaux à partir des résultats. Différentes collectivités et maîtres d'oeuvre professionnels de la lumière pratiquent cette approche d'acceptabilité, fondamentale pour un maire, qui repose sur des méthodes plus ou moins développées, depuis la réunion en salle avec projection, en passant par les marches nocturnes, pratiquées par exemple systématiquement par les concepteurs lumière. L'intérêt pédagogique et de concertation des marches de nuit avec un luxmètre : elles permettent à différents types d'usagers : habitants, passants, personnes âgées, malvoyants, amateurs d'ambiances festives, policiers, élus..., de mesurer, au-delà des préjugés communs, la réalité perçue des puissances, couleurs et niveaux d'éclairement, d'accepter le plus souvent une baisse de ces niveaux, mais aussi de prendre en compte leurs remarques selon les lieux, leur fréquentation et attentes. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 83/106 PUBLIÉ Les apports du métier récent des concepteurs lumière Les concepteurs lumière sont des professionnels de la lumière qui ont pour rôle d'accompagner, le plus en amont possible, un aménagement lumineux d'ensemble en intégrant, dans l'ingénierie de la lumière, les usages, les finalités et les contraintes à gérer in situ. Ils sont complémentaires des architectes paysagistes et des ingénieurs électriciens ou électroniciens, fabricants et installateurs. Connus pour leurs actions de valorisation du patrimoine, ils peuvent aussi intervenir comme des urbanistes de la lumière. Ils contribuent au diagnostic et au projet lumière (zonages, implantations, caractéristiques de l'éclairage, niveaux d'éclairement), créent des « atmosphères et des ambiances lumineuses » qui peuvent participer du sentiment de bien-être, d'esthétique (par exemple pour des édifices ou lieux patrimoniaux) ou de sécurité, avec des niveaux d'éclairement qui peuvent être bas, en jouant des contrastes ou des graduations, et en évitant les éblouissements. De plus en plus de concepteurs lumière, et d'éclairagistes extérieurs prennent en compte l'impact de l'éclairage sur la biodiversité. Un exemple de bonne pratique : la gradation très progressive des éclairages et le jeu sur les transitions lumineuses en passant d'un quartier à un autre ou selon l'heure de la nuit, d'autant mieux acceptée que, « perçue de manière non punitive », elle favorisera l'accoutumance perceptive. Limites ou risques : beaucoup de collectivités, aux moyens limités, souhaitent réduire les coûts élevés de la rénovation de l'éclairage et donc limiter les frais relatifs aux études et à la conception. Par ailleurs, certaines associations expriment la crainte que l'usage de plus en plus esthétique, imaginaire de la lumière ait pour effet de multiplier les points lumineux et d'oublier son impact sur la biodiversité (qui ne parle pas, ne commande pas et n'exprime donc pas ses besoins). Remarque : les concepteurs lumière sont indépendants des fabricants et vigilants sur les espaces naturels. Un éclairage adapté est mieux accepté, d'autant plus susceptible de valoriser la ville ; une bonne étude peut permettre de limiter le recours aux matériels et éclairages inutiles (30 % en moins). Leurs valeurs : « aimer la lumière et respecter la nuit ». Les actions sur Différentes communes, notamment les petites communes, pratiquent l'extinction nocturne. Cette pratique peut être : la temporalité ­ Efficace, car elle limite globalement les impacts sur le halo lumineux et la dépense énergétique ; de la lumière ­ Plus ou moins bien acceptée (pour des raisons notamment de sentiment d'insécurité), ce qui nécessite, pour éviter des rejets, une préparation, une sensibilisation et une concertation préalable, selon les usages de la lumière, en intégrant le cas échéant, après expérimentation, des compromis, voire une réversibilité (voir plus haut) ; ­ Efficace mais d'effet partiel sur la biodiversité si les heures d'extinction sont trop tardives (un lien est à faire avec le biotope et une réflexion à mener selon les zones et les espèces) ; ­ Insuffisante ou d'effet partiel sur le halo lumineux, si elle ne concerne que l'éclairage public (et pas certains équipements privés fortement lumineux) ; ­ Combinée avec des mesures de modulation adaptée de l'éclairage (abaissements d'intensités et gestion des transitions entre deux zones) et sa rénovation partielle ; ­ Combinée avec une approche spatiale de zonage des extinctions, intégrant les trames sombres (couloirs stratégiques permettant le déplacement des espèces nocturnes) ; ­ Un palliatif temporaire pour des collectivités qui, faute de moyens financiers, maintiennent des équipements vétustes et inadaptés, de plus en plus coûteux ; Aujourd'hui, les mesures sur la temporalité de l'usage de la lumière intègrent ainsi, outre les horaires d'extinctions, les détecteurs de présence (qui comportent l'inconvénient, en zone fréquentée, de créer des effets d'éblouissement par contraste ou de gêne pour le voisinage) et s'appuient sur des horloges astronomiques. Elles peuvent intégrer d'autres mesures techniques du type de celles utilisées pour les routes (les catadioptres qui permettent de rendre visible un obstacle éclairé par les phares). ­ Montée du numérique et des systèmes de gestion intelligente de pilotage, géo-référencement des points lumineux, modulation de l'éclairage à tout niveau : puissance, températures Solutions techniques en de couleur adaptées au rythme circadien, détection de présence, intelligence de gestion, smart city. Exemple de Paris, éclairée avec du digital, selon la saisonnalité. développement Limites : Des systèmes de gestion intelligente encore en développement, le coût de certains équipements avec un risque d'inflation, des qualités très inégales (en particulier des Leds) et une maîtrise d'ouvrage à consolider pour les petites et moyennes collectivités. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 84/106 PUBLIÉ LA QUESTION SENSIBLE DE « L'EXTINCTION DES FEUX » Le positionnement des acteurs associatifs de protection de la nature et de la biodiversité s'oriente dans leur discours vers une tendance à privilégier les exemples d'extinction totale nocturne de l'éclairage. Concernant les éclairages des bureaux, ils ont été moteurs dans la mise en oeuvre de cette réglementation, par leur rôle de veilleur actif et de lanceur d'alerte, pour « dénoncer », auprès des pouvoirs publics, les entreprises ne respectant pas l'obligation d'extinction de l'éclairage en coeur de nuit. En ce sens, ils ont assuré une animation de cette politique publique balbutiante. Concernant l'éclairage des bâtiments publics, comme sur l'éclairage public lui-même, les collectivités territoriales ayant effectué un « couvre-feu » sont présentées comme vertueuses sur le site internet de l'ANPCEN. Un concours national annuel avec un label est ainsi organisé par l'association. Les décideurs économiques sont donc confrontés à un discours assez radical puisque seule l'extinction des feux en coeur de nuit serait la panacée. Aujourd'hui, les acteurs économiques de l'industrie de l'éclairage proposent des réponses d'adaptation de l'éclairage très poussées techniquement bien que potentiellement onéreuses à l'installation, nonobstant les économies d'énergie qu'elles génèrent, et parfois surdimensionnées au regard des besoins des collectivités. Pour autant des solutions abordables existent et commencent à entrer en pratique. La gestion différenciée de l'éclairage (point lumineux par point lumineux) est peut-être ainsi une alternative à l'extinction, les réponses optimales n'étant pourtant pas généralisables car tributaires d'un diagnostic et d'un projet locaux. Pour la mission, devant cette situation particulièrement complexe, seules quelques convictions fortes peuvent permettre d'avancer : - Privilégier une réponse locale consensuelle sur les modalités d'éclairage public. La sensibilité des publics à ce sujet impose une approche prudente sur des prescriptions nationales trop précises. - Les objectifs d'extinction ciblée ont ainsi vocation à constituer une des modalités d'un objectif plus général de modération lumineuse. - Favoriser les opérations de rénovation de l'éclairage prenant effectivement en compte les impacts environnementaux et sanitaires. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 85/106 PUBLIÉ 10. La révolution des Leds En quelques années le paysage de l'éclairage s'est fortement transformé avec l'arrivée des Leds. Une nouvelle technologie qui aujourd'hui domine le marché de l'éclairage. 106 Une Led est une diode électroluminescente qui repose sur la polarisation d'un semi-conducteur, en appliquant une tension provoquant l'émission de particules lumineuses, les photons. Elle émet un rayonnement presque monochromatique (forte dominante d'une couleur). Pour produire de la lumière blanche avec une Led, trois méthodes sont utilisées ; la plus courante couple une Led bleue à une couche de phosphore jaune. Son efficacité peut évoluer dans le temps, selon sa qualité. Certains éclairages Leds peuvent présenter, du fait de leur réactivité aux flux électriques reçus , des variations temporelles se traduisant par des fluctuations de lumière plus ou moins perçues par l'oeil. Les atouts des Leds : - Une bonne efficacité énergétique (de 150 lm à 300 lm/watt), pour un processus de fabrication « relativement énergivore » (Ademe, 2017). Leur efficacité évolue rapidement, - Une durée de vie importante : jusqu'à 40 000 heures contre 2 000 heures pour les halogènes, - Une grande flexibilité d'utilisation : émission instantanée du flux lumineux désiré, cycle possible d'allumage et d'extinction fréquent, - Leur miniaturisation permet leur utilisation dans de très nombreux domaines, - Une gestion optimisée de l'éclairage qui intègre : * la fonction de détection de présence et de variation en fonction de la lumière du jour, * pour les Leds de couleur, des jeux de lumière sans utilisation de filtre, * la possibilité pour le consommateur d'adapter la teinte de lumière à son activité et son confort. - Leur insensibilité aux chocs, car elles fonctionnent en très basse tension. Certaines caractéristiques particulières : - Une luminance qui peut être très forte, rapportée à la surface d'émission, avec des effets possibles d'éblouissement, voire de dangerosité pour la rétine (pour l'être humain à moins de 20 cm de la source lumineuse perçue directement pour une surface d'émission faible), - Les pics d'émission du spectre de certaines Leds. Les points de vigilance, voire les risques : - Un coût d'acquisition encore élevé mais en baisse, - Un bilan environnemental énergétique discutable : taux d'émission de gaz à effet de serre pour sa fabrication, utilisation d'un matériau, l'indium, rare et non recyclable, une durée de vie à évaluer dans le temps. - Un bilan environnemental pour la biodiversité qui peut être négatif pour la faune et la flore lorsque l'usage n'est pas réfléchi, limité et maîtrisé : multiplication de sources lumineuses, forte intensité et luminance de faisceaux lumineux éblouissants, forts contrastes, utilisation de spectres de couleur fortement perçus par la faune. - Un risque sanitaire présenté par certaines Leds, présentant un pic de bleu (point en amélioration depuis 2010), des variations temporelles importantes et une utilisation sans filtre en fin de journée ou la nuit, pour des personnes présentant une vulnérabilité particulière du fait des caractéristiques de leur rétine (enfants, personnes âgées, personnes souffrant de problèmes visuels). - Une qualité fonctionnelle et environnementale très variable selon les produits, (toutes les Leds ne sont pas compatibles avec des variateurs) et une utilisation encore immature (exemples de sources très éblouissantes pour la rétine des enseignes de certains magasins ou d'éclairages en terrasses de restaurants) sans que l'information du consommateur, des maîtres d'ouvrage et de tous les installateurs soit encore pleinement au rendez-vous. - Une adaptation à améliorer pour l'éclairage de grande hauteur et de forte puissance (surchauffe possible). Le potentiel d'évolution : Les capacités d'évolution technologiques et d'adaptation des Leds à des normes plus exigeantes apparaissent réelles, comme le montre l'évolution de la maîtrise des pics de bleu des Leds depuis le rapport de l'Anses de 2010. Des progrès sensibles apparaissent devoir être faits sur l'information et la normalisation des Leds. 106 Source : fiche adaptée à partir des apports suivants : Rapport de l'Anses, 2010 ­ Avis de l'Ademe, 2017 ­ Avis de l'ANPCEN, 2018. À la reconquête de la nuit Page 86/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ 11. Les impacts de la lumière artificielle sur la biodiversité Les usages de la lumière artificielle impactent globalement l'écosystème, au-delà de la disparition isolée de différentes espèces 107 en modifiant la fréquence 108, la temporalité109 ou le but 110 de leurs déplacements liés à leur cycle de vie. Certaines espèces connaissent des réductions de population, avec des impacts sur la pollinisation 111 et donc sur la flore, voire sur l'agriculture et l'activité humaine. (cf. annexe document sur les impacts). Régression du domaine vital : Les espèces dites « lucifuges » fuient les habitats naturels (repos, hibernation, alimentation...) les plus propices quand ils sont illuminés. C'est le cas d'oiseaux limicoles qui désertent les prairies bordant les routes éclairées aux Pays-bas, avec un effet répulsif effectif à plus de 300 mètres de la route (De Molenaar et al. 2000). Fragmentation de l'habitat : L'éclairage urbain et des routes créent de véritables « murs lumineux » infranchissables (effet barrière) pour différentes espèces par ailleurs déjà fragilisées par d'autres facteurs de fragmentation (infrastructures urbaines, commerciales, industrielles et de transports). Certains crapauds n'empruntent plus des voies très éclairées, avec des incidences sur leur reproduction 112. Perturbation des relations proies-prédateurs : L'éclairage artificiel favorise certaines espèces prédatrices en renforçant la vulnérabilité de certaines proies (attraction, sidération, désorientation...), avec un impact sur la réduction de population des espèces concernées. Il renforce la compétition entre espèces et modifie l'équilibre inter-espèces. C'est l'exemple d'une population de saumons juvéniles décimée par des phoques veaux-marins chasseurs bénéficiant de l'éclairage artificiel d'une usine hydro-électrique (Yurk et Trites, 2000), ou de la disparition de certaines espèces de poissons ayant perdu la bataille du plancton dans de nombreux lacs ou réservoirs éclairés. Modification des voies de déplacement : Il a été prouvé que les oiseaux migrateurs peuvent dévier de leur route initiale par le simple effet, jusqu'à 1 km de distance, d'un faisceau lumineux issu d'une lampe de 200 watts orientée vers le ciel. Modification de la communication : Il a été démontré que les mâles amphibiens exposés à la lumière naturelle étaient moins vocaux et se déplaçaient plus fréquemment, conduisant à limiter les accouplements et le renouvellement de la population. Les lucioles et vers luisants, dont la communication repose sur la bioluminescence (lumière froide en concurrence avec la lumière froide des Leds blanches) nécessitant l'obscurité sont également affectés, avec un impact probable de reproduction113. Augmentation de la mortalité directe violente : Selon une étude allemande, un milliard d'insectes (papillons, mouches, coléoptères), dont le rôle pour la chaîne alimentaire est important, seraient tués chaque nuit d'été. Des millions d'oiseaux meurent par collision ou épuisement et prédation chaque année du fait d'édifices éclairés (phares, éoliennes, tours, plate-formes pétrolières, paquebots) jouant un rôle d'aimant. Un exemple connu concerne les espèces menacées du Pétrel de Barau à la Réunion, les juvéniles étant attirés par la lumière artificielle en période de premier envol. - - - - - 107 Ils ont été notamment résumés par Jean-Philippe Siblet, chef de service au Muséum national d'histoire naturel, à partir de 2008 et confirmés par les recherches et bibliographies plus récentes. Source : Baker et Richardson, 2006. Source : Riley et al., 2013. Source : Beier, 1995. Source : Knop et al., 2017). Source : R.H.A. Van Grunsven et al., 2017. Bird et Parker, 2014. À la reconquête de la nuit Page 87/106 108 109 110 111 112 113 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ - Production et régulation hormonale du fait de la modification des rythmes circadiens par augmentation de la durée de l'éclairage nocturne : Une thèse soutenue en 2014 au Muséum national d'histoire naturelle par Thomas Le Tallec sur les impacts de la lumière artificielle sur les comportements, les rythmes biologiques et les fonctions physiologiques d'un primate non-humain, le microcèbe murin, a montré une modification de ses rythmes circadiens, avec une augmentation de l'agressivité et une diminution du succès de la reproduction. Illustration : source Science et avenir Les impacts concernent aussi la reproduction et la croissance de la faune et de la flore. Une étude a notamment montré l'effet d'accélération, par l'éclairage artificiel, de la perte des feuilles des arbres. Or, on connaît l'importance de la végétation en milieu urbain pour apporter fraîcheur et humidité et réduire les îlots de chaleur. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 88/106 PUBLIÉ 12. Panorama juridique La présente annexe reprend la réglementation actuelle relative à la pollution lumineuse ou portant sur des domaines connexes (qui y contribuent). 8.1 Dispositif législatif : La pollution lumineuse dans les lois Grenelle 1 et 2. La première inscription de la pollution lumineuse dans la loi est mentionnée dans l'article 41 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (1) qui prévoit : « Les émissions de lumière artificielle de nature à présenter des dangers ou à causer un trouble excessif aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, entraînant un gaspillage énergétique ou empêchant l'observation du ciel nocturne feront l'objet de mesures de prévention, de suppression ou de limitation ». Un dispositif plus complet est prévu dans la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (1), dite Grenelle 2, à son article 173 qui complète le code de l'environnement par un chapitre III intitulé « Prévention des nuisances lumineuses ». Il prévoit : - La compétence du ministre chargé de l'environnement pour établir des spécifications techniques applicables de plein droit immédiatement aux installations, activités, ouvrages ou équipements nouveaux et après un délai pour les existants, et pour en définir les modalités de contrôle ; des prescriptions peuvent être imposées aux exploitants ou utilisateurs de certaines installations lumineuses. La loi fixe les caractéristiques des installations lumineuses concernées selon « leur puissance lumineuse totale, le type d'application de l'éclairage, la zone d'implantation et les équipements mis en place ». - La possibilité dans les arrêtés ministériels d'attribuer au préfet, dans des conditions prédéfinies, le pouvoir d'adapter les spécifications techniques ou les interdictions prévues aux circonstances locales. - L'attribution des pouvoirs de contrôle au maire sauf pour les installations, activités ouvrages ou équipements communaux et pour les installations ou ouvrages déjà régis par une police spéciale d'État, dont le contrôle est attribué à l'État114. Ce texte prévoit également que le régime des installations classées, des installations nucléaires de base et des publicités, enseignes et pré-enseignes, sont exclus du champ d'application des dispositions (cf. Article L. 583-4 du code de l'environnement 115 et L. 581-9 du même code pour la publicité). La loi prévoit également des sanctions administratives avec mise en demeure préalable116, d'un montant maximum de 750 euros par constatation d'une installation 114 Conformément à l'article L. 583-3 les contrôles de police relèvent « de la compétence du maire sauf pour les installations communales, définies selon leur puissance lumineuse totale, application, zone et équipements, pour lesquelles ce contrôle relève de la compétence de l'État. Ce contrôle est assuré par l'État pour les installations, selon leur puissance lumineuse totale, application, zone et équipements soumis à un contrôle de l'État au titre d'une police administrative spéciale ». « Art.L. 583-4.- Le présent chapitre n'est pas applicable aux installations régies par le titre Ier du livre V, ni aux installations régies par la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire ». « Art.L. 583-5.-En cas d'inobservation des dispositions applicables aux installations régies par le présent chapitre ou des règlements pris pour leur application, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à qui incombe l'obligation d'y satisfaire dans le délai qu'elle détermine ». À la reconquête de la nuit Page 89/106 115 116 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ lumineuse irrégulière au regard des prescriptions techniques ou du maintien de son exploitation (cf. article R583-7117). Autres législations : lois TECV et biodiversité La pollution lumineuse est également mentionnée dans d'autres dispositions législatives. Dans la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV), la pollution lumineuse est mentionnée dans le plan climat-airénergie (PCAE) au niveau régional ou intercommunal (agglomération). Il comporte un volet spécifique à la maîtrise de la consommation énergétique de l'éclairage public et de ses nuisances lumineuses118. Le financement des plans climat-air-énergie territoriaux est assurée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (1) mentionne également la préoccupation de la pollution lumineuse en ajoutant les sites et les « paysages diurnes et nocturnes » au patrimoine commun de la nation dans son article 1er, et en prévoyant dans son article 5 qu' « Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l'environnement, y compris nocturne » 119. À l'article 6, les sources lumineuses sont ajoutées dans la définition de la pollution marine anthropique120. À l'article 17, la définition de la trame verte et bleue présente dans le premier alinéa du I de l'article L. 371-1 du code de l'environnement 121 est complétée par l'ajout de « la gestion de la lumière artificielle la nuit ». À l'article 171, « Les objectifs de qualité paysagère mentionnés à l'article L. 333-1 (parc naturel régional) visent également à garantir la prévention des nuisances lumineuses définie à l'article L. 583-1122 ». « Si, à l'expiration de ce délai, l'intéressé n'a pas déféré à la mise en demeure, l'autorité administrative compétente suspend par arrêté le fonctionnement des sources lumineuses jusqu'à exécution des conditions imposées et prend les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure. » 117 Article R. 583-7 ­ En cas de constatation d'une installation lumineuse irrégulière au regard des prescriptions techniques fixées par le ministre en charge de l'environnement ou du maintien de l'exploitation d'une installation lumineuse en violation d'un arrêté pris en application de l'article L. 583-5, l'autorité administrative compétente définie à l'article L. 583-3 peut prononcer une amende, au plus égale à 750 euros, après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations. Extrait article L. 229-26 du code de l'environnement : « Lorsque cet établissement public exerce la compétence en matière d'éclairage mentionnée à l'article L. 2212-2 du même code, ce programme d'actions comporte un volet spécifique à la maîtrise de la consommation énergétique de l'éclairage public et de ses nuisances lumineuses. » Article L. 110-2 : « Les lois et règlements organisent le droit de chacun à un environnement sain. Ils contribuent à assurer un équilibre harmonieux entre les zones urbaines et les zones rurales ainsi que la préservation et l'utilisation durable des continuités écologiques. Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l'environnement, y compris nocturne. Les personnes publiques et privées doivent, dans toutes leurs activités, se conformer aux mêmes exigences. » Cf. 5° de l'article L. 219-8 du code de l'environnement : « La " pollution" consiste en l'introduction directe ou indirecte, par suite de l'activité humaine, de déchets, de substances, ou d'énergie, y compris de sources sonores sous-marines ou de sources lumineuses d'origine anthropique, qui entraîne ou est susceptible d'entraîner des effets nuisibles pour les ressources vivantes et les écosystèmes marins, et notamment un appauvrissement de la biodiversité, des risques pour la santé humaine, des obstacles pour les activités maritimes, et notamment la pêche, le tourisme et les loisirs ainsi que les autres utilisations de la mer, une altération de la qualité des eaux du point de vue de leur utilisation, et une réduction de la valeur d'agrément du milieu marin. » Article L.371-1 du Code de l'environnement : « La trame verte et la trame bleue ont pour objectif d'enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural ainsi que la gestion de la lumière artificielle la nuit. » cf. article L. 350-1 du code de l'environnement. À la reconquête de la nuit Page 90/106 118 119 120 121 122 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ 8.2 Dispositif réglementaire sur les nuisances lumineuses : Décret n° 2011-831 du 12 juillet 2011 relatif à la prévention et à la limitation des nuisances lumineuses : Ce décret décline au niveau réglementaire les principes mentionnés dans les lois précitées, notamment celle de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (1) dite Grenelle 2. Il précise la définition technique d'une installation lumineuse, et donne le champ des typologies d'éclairage concerné par les prescriptions techniques ministérielles au titre de la prévention de la pollution lumineuse : · éclairage extérieur destiné à favoriser la sécurité des déplacements, des personnes et des biens et le confort des usagers sur l'espace public ou privé, en particulier la voirie, à l'exclusion des dispositifs d'éclairage et de signalisation des véhicules ; éclairage de mise en valeur du patrimoine, (tel que défini à l'article L. 1 du code du patrimoine), du cadre bâti, ainsi que des parcs et jardins ; éclairage des équipements sportifs de plein air ou découvrables ; éclairage des bâtiments, recouvrant à la fois l'illumination des façades des bâtiments et l'éclairage intérieur émis vers l'extérieur de ces mêmes bâtiments ; éclairage des parcs de stationnement non couverts ou semi-couverts ; éclairage événementiel extérieur, constitué d'installations lumineuses temporaires utilisées à l'occasion d'une manifestation artistique, culturelle, commerciale ou de loisirs ; éclairage de chantiers en extérieur. · · · · · · Le décret rappelle le principe législatif d'exclusion des publicités et des enseignes lumineuses. Il prévoit enfin un critère de modulation des prescriptions techniques « en fonction de l'implantation des installations lumineuses selon qu'elles se situent dans les zones qualifiées d'agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière ou les zones en dehors de ces agglomérations ». Enfin, le décret précise les espaces naturels et les sites d'observation astronomique, dont les installations lumineuses font l'objet de mesures plus restrictives que celles appliquées aux dispositifs implantés en agglomération et en dehors des agglomérations : parcs nationaux, réserves naturelles et périmètres de protection, parcs naturels régionaux, parcs naturels marins, sites classés et sites inscrits, sites Natura 2000. Les sites d'observation astronomique ne sont pas désignés à ce niveau de norme, et nécessiteront un arrêté ultérieur, en projet à la DGPR. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 91/106 PUBLIÉ Arrêté du 25 janvier 2013 relatif à l'éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels afin de limiter les nuisances lumineuses et les consommations d'énergie. Cet arrêté prévoit des horaires et modalités d'extinction de la lumière des éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel, des illuminations des façades des bâtiments et des éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition 123. Il instaure un régime de dérogation préfectorale pour des motifs économiques et touristiques. Il indique que l'irrégularité peut être constatée visuellement par l'autorité compétente mentionnée à l'article L. 583-3 du code de l'environnement (c'est-à-dire le maire ou l'État), au regard des prescriptions de fonctionnement d'une installation lumineuse. Le Conseil d'État, par un arrêté du 28 mars 2018, a condamné le ministre de la transition écologique et solidaire à édicter les arrêtés d'application prévus au I de l'article L. 583-2 et à l'article R. 583-4 du code de l'environnement relatifs aux nuisances lumineuses, dans un délai de neuf mois à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Les arrêtés attendus concernent la définition technique de seuils relatifs à diverses catégories d'installations lumineuses ainsi que les règles devant s'appliquer dans certains espaces naturels et sites d'observation astronomique. 8.3 La réglementation des enseignes et publicités lumineuses : Bien que non inclus dans le périmètre de la législation précitée au titre de la prévention de la pollution lumineuse, ces dispositifs lumineux sont néanmoins soumis à un régime restrictif, conformément à la loi Grenelle 2 et au décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012 relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux pré-enseignes. Ce régime restrictif est établi notamment par les articles L. 581-4, L. 581-7, L. 5 81-8, L. 581-9 et R. 581-34 et suivants du code de l'environnement. Il résulte de la combinaison de ces articles que, par principe, toute publicité est interdite sur certains espaces comme les monuments, les sites naturels, les coeurs des parcs nationaux et les réserves naturelles ; une distinction est ensuite opérée entre des zones en agglomération ou hors agglomération. À l'intérieur des agglomérations, la publicité est interdite dans des nombreuses zones particulières : autour des sites classés ou autour des monuments historiques classés ; dans les secteurs sauvegardés ; dans les parcs naturels régionaux ; dans les sites inscrits à l'inventaire et les zones de protection délimitées autour de ceux-ci ; ou encore en covisibilité de proximité avec un monument historique ou inscrits à ISMH, dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, (ZPPAUP), dans l'aire d'adhésion des parcs nationaux, dans les zones spéciales de conservation (ZSC) et dans les zones de protection spéciales (ZPS). Seul un règlement local de publicité (RLP) peut déroger à ces interdictions. 123 « Les éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel sont éteints une heure après la fin de l'occupation de ces locaux. Les illuminations des façades des bâtiments sont éteintes au plus tard à 1 heure. Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition peuvent être allumés à partir de 7 heures ou une heure avant le début de l'activité si celle-ci s'exerce plus tôt. Les illuminations des façades des bâtiments ne peuvent être allumées avant le coucher du soleil. Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition sont éteints au plus tard à 1 heure ou une heure après la fin de l'occupation de ces locaux si celle-ci intervient plus tardivement ». À la reconquête de la nuit Page 92/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Pour tous les autres cas, la publicité est admise par principe dans les agglomérations124. La loi précise que cette publicité « doit toutefois satisfaire, notamment en matière d'emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d'entretien et, pour la publicité lumineuse, d'économies d'énergie et de prévention des nuisances lumineuses au sens du chapitre III du présent titre, à des prescriptions fixées par décret en Conseil d'État en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l'importance des agglomérations concernées. (...) L'installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence est soumise à l'autorisation de l'autorité compétente ». En revanche, hors agglomération (au sens de la circulation routière) toute publicité est interdite, avec des exceptions notables pour les aéroports, les centres commerciaux et le contenu des règlements locaux de publicités125. L'article R. 581-34 a tenté de synthétiser et de préciser la réglementation applicable sur les notions d'agglomération, de dispositif lumineux concerné, avec des critères techniques propres à la publicité (surface des panneaux, notamment lumineux) et aux dérogations inhérentes aux équipements sportifs. Il indique que : « La publicité lumineuse est la publicité à la réalisation de laquelle participe une source lumineuse spécialement prévue à cet effet ». En principe, le décret prévoit que la publicité lumineuse ne peut être autorisée à l'intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants126. En outre, la publicité lumineuse respecte des normes techniques fixées par arrêté ministériel, portant notamment sur les seuils maximaux de luminance, exprimés en candelas par mètre carré, et sur l'efficacité lumineuse des sources utilisées, exprimée en lumens par watt. Il y a donc ici une articulation prévue avec les dispositions techniques relatives à la pollution lumineuse. 124 cf. Article L. 581-9. Article L. 581-7 : En dehors des lieux qualifiés d'agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière, toute publicité est interdite. Elle est toutefois autorisée à l'intérieur de l'emprise des aéroports ainsi que des gares ferroviaires, selon des prescriptions fixées par décret en Conseil d'État. La publicité peut également être autorisée par le règlement local de publicité de l'autorité administrative compétente à proximité immédiate des établissements de centres commerciaux exclusifs de toute habitation et situés hors agglomération, dans le respect de la qualité de vie et du paysage et des critères, en particulier relatifs à la densité, fixés par décret. La publicité lumineuse ne peut être autorisée à l'intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants. À l'intérieur des agglomérations de plus de 10 000 habitants et dans celles de moins de 10 000 habitants faisant partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants, ainsi qu'à l'intérieur de l'emprise des aéroports et des gares ferroviaires et routières situés hors agglomération, la publicité lumineuse apposée sur un mur, scellée au sol ou installée directement sur le sol ne peut avoir une surface unitaire excédant 8 mètres carrés, ni s'élever à plus de 6 mètres au-dessus du niveau du sol. Sur l'emprise des équipements sportifs mentionnés aux articles L. 581-7 et L. 581-10, la publicité lumineuse apposée sur un mur, une façade ou une clôture, scellée au sol ou installée directement sur le sol peut s'élever jusqu'à 10 m au-dessus du niveau du sol et avoir une surface unitaire d'une limite maximale de 50 m 2. Une élévation supérieure à 10 m peut être autorisée, pour la publicité apposée sur un mur, une façade ou une clôture, compte tenu notamment de la durée d'installation de la publicité, de sa surface, des procédés utilisés, des caractéristiques des supports, de son insertion architecturale et paysagère, de son impact sur le cadre de vie environnant et de ses incidences éventuelles sur la sécurité routière. 125 126 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 93/106 PUBLIÉ Un champ d'exclusion de l'obligation d'extinction est prévu pour : « Les publicités lumineuses installées sur l'emprise des aéroports, celles éclairées par projection ou transparence supportées par le mobilier urbain et des publicités numériques supportées par le mobilier urbain, à condition que leurs images soient fixes. » Ce champ est en définitive assez étendu. Il peut être aussi dérogé à l'extinction des publicités ou enseignes lumineuses lors d'événements exceptionnels définis par arrêté municipal ou préfectoral. L'article R. 581-35 du code de l'environnement127 précise le principe de l'extinction des publicités la nuit : - des enseignes lumineuses entre 1 heure et 6 heures, lorsque l'activité signalée a cessé ou une heure après la cessation d'activité. Elles peuvent être allumées une heure avant la reprise de cette activité, y compris entre minuit et 7 heures ; - des publicités lumineuses dans les unités urbaines de moins de 800 000 habitants entre 1 heure et 6 heures du matin, sauf exclusions mentionnées ci-dessus et dans les unités urbaines de plus de 800 000 habitants, pour lesquelles les maires édicteront les règles applicables. Enfin, la publicité lumineuse apposée sur un mur, scellée au sol ou installée sur le sol et la publicité numérique sont soumises à des critères de surface128. Des arrêtés fixent des seuils maximaux de luminance en candelas par mètre carré, l'efficacité lumineuse des sources utilisées en lumens par watt et la consommation électrique maximale du dispositif de publicité numérique pour pouvoir excéder 2.1 mètres carrés et 3 mètres de haut. La réglementation prévoit donc un dispositif gradué, avec en zone rurale un principe d'interdiction des publicités lumineuses et en zone d'agglomération un principe d'autorisation tempéré par des règles d'extinction. Il est important de noter ici que l'approche de cette réglementation sur les enseignes lumineuses est d'abord paysagère voire quasi urbanistique, ou encore fonctionnelle. Pour illustration, la disposition relative à la publicité lumineuse apposée sur un mur, scellée au sol ou installée sur le sol ne prévoit la prévention des éblouissements que dans une approche utilitariste, c'est-à-dire gênant pour les activités humaines, notamment le transport aérien. Exemple : « Dans les aéroports dont le flux annuel de passagers dépasse trois millions de personnes, la surface maximale est de 50 mètres carrés et la hauteur maximale de 10 mètres. Afin d'éviter les éblouissements, les dispositifs publicitaires numériques situés à l'intérieur des agglomérations ou des gares et aéroports situés hors agglomération sont équipés d'un système de gradation permettant d'adapter l'éclairage à la luminosité ambiante ». 127 Article R. 581-35 ­ Dans les unités urbaines de moins de 800 000 habitants, les publicités lumineuses sont éteintes entre 1 heure et 6 heures, à l'exception de celles installées sur l'emprise des aéroports, de celles éclairées par projection ou transparence supportées par le mobilier urbain et des publicités numériques supportées par le mobilier urbain, à condition que leurs images soient fixes. Dans les unités urbaines de plus de 800 000 habitants, les obligations et modalités d'extinction sont prévues par le règlement local de publicité selon les zones qu'il identifie. Il peut être dérogé à cette extinction lors d'événements exceptionnels définis par arrêté municipal ou préfectoral. Publicité lumineuse : La surface ne doit pas excéder 8 mètres carrés ni dépasser 6 mètres de hauteur à l'intérieur des villes concernées ou des gares et aéroports situés hors agglomération. Publicité numérique : la surface ne doit pas excéder 8 mètres carrés ni dépasser 6 mètres de hauteur si la consommation n'excède pas les niveaux définis par arrêté ministériel, sinon la surface est limitée à 2.1 mètres carrés et de hauteur maximale 3 mètres. 128 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 94/106 PUBLIÉ Enfin, il n'existe aucune recommandation ni prescription des fédérations sportives sur les panneaux lumineux. Les grands évènements sportifs (JO 2024) sont même dérogatoires aux RLP en place. Il convient de noter également que le délai de mise en conformité des installations de publicité lumineuse a été fixé à 6 ans dans la loi 129. Son entrée en vigueur a été effective au 1er juillet 2018 pour un texte initial voté en 2010, modifié en 2012. 8.4 La réglementation relative à l'accessibilité des personnes à mobilité réduite (PMR). Cette réglementation est régie par un arrêté du 8 décembre 2014, plusieurs fois modifié 130. Cet arrêté prévoit que le niveau d'éclairement moyen horizontal au niveau du sol est en moyenne de 20 lux et doit être maintenu sur toute la longueur du cheminement accessible en tenant compte des zones de transition. Un contraste visuel renforcé est aussi requis sur les dispositifs d'accès (porte, sas, portillon, etc.), sur la signalétique et sur les parties du cheminement qui peuvent être source de perte d'équilibre pour les personnes handicapées. La portée de ces exigences dépend de la qualification juridique des infrastructures et aménagements131 concernées par l'obligation d'accessibilité des handicapés : - les établissements recevant du public (ERP), neufs ou anciens ; - les installations ouvertes au public (IOP), neufs ou anciens132 ; - les bâtiments d'habitation collective (BHC) lors de leur construction ; - les maisons individuelles lors de leur construction. 129 cf. article 67 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives (1). Arrêté du 8 décembre 2014 fixant les dispositions prises pour l'application des articles R. 111-19-7 à R. 111-19-11 du code de la construction et de l'habitation et de l'article 14 du décret n° 2006-555 relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public situés dans un cadre bâti existant et des installations existantes ouvertes au public, modifié par l'Arrêté du 20 avril 2017 et l'Arrêté du 24 décembre 2015. L'article R.123-2 du code de la construction et de l'habitation définit un établissement recevant du public comme un bâtiment, local ou enceinte dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non. Les établissements recevant du public sont classés par groupe puis par type et catégorie. le classement par type est basé sur la nature de l'exploitation. La catégorie est relative à l'effectif susceptible d'être présent dans l'exploitation considérée. On entend par effectif, le public et les personnels. Une installation ouverte au public (IOP) est un espace, lieu ou équipement qui ne répond pas aux règles de sécurité. Doivent être considérés comme des IOP : les espaces publics et privés qui desservent des ERP, les aménagements permanents non rattachés à un ERP : les circulations principales des jardins publics, les aménagements divers en plein air (dont les tribunes et gradins), les parties non flottantes des ports de plaisance, etc. Les parties non bâties des terrains de camping et autres terrains aménagés pour l'hébergement touristique. Les éléments de mobilier urbain doivent être accessibles s'ils sont intégrés à une IOP. 130 131 132 Ne sont pas des IOP les aménagements liés à la voirie et aux espaces publics : voirie publique, places publiques, espaces piétonniers sur dalles passerelles.* escaliers mécaniques.* mobilier urbain.*(*si installé sur la voirie)les espaces de jeux en superstructure pour enfants. Les équipements ayant une réglementation spécifique : Arrêts de bus (réglementation relative à la voirie). À la reconquête de la nuit Page 95/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Les espaces concernés par les exigences d'éclairage et intégrés dans les quatre précédents types de constructions sont le cheminement extérieur accessible et les parcs extérieurs de stationnement. Ainsi, dans la majorité des cas, les maîtres d'ouvrages préconisent un seuil d'éclairage de 20 lux généralisé pour répondre à la conformité de la réglementation PMR des installations d'éclairage. 8.5 La réglementation des études d'impact au regard de la pollution lumineuse. La réglementation des études d'impact (décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011) prend en compte le phénomène de la pollution lumineuse à travers le concept de continuité écologique examiné dans l'étude d'impact ; Toutefois la lumière artificielle n'est qu'une source de rupture de la continuité écologique parmi tant d'autres. Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. Le 3° de l'article R. 122-5.-I du code de l'environnement prévoit133 que l'étude d'impact doit contenir « Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses). 8.6 La réglementation applicable aux trames vertes et bleues Le projet trame verte et bleue est destiné à lutter contre la fragmentation spatiale des habitats. Les orientations nationales de ce projet approuvées par le décret n° 2014-45 du 20 janvier 2014 affichent un objectif de maîtrise de l'urbanisation en intégrant des problématiques connexes, notamment la pollution lumineuse134. Le concept dérivé de « trame noire » bien que porté par les associations ou certains acteurs locaux, n'existe pas en droit français de l'environnement. Il est intégré dans celui de trame « verte et bleue » telle que prévue par la loi. 133 « Art. R. 122-5.-I. « II.-L'étude d'impact présente : « 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement et, le cas échéant, une description des principales caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication, notamment mis en oeuvre pendant l'exploitation, telles que la nature et la quantité des matériaux utilisés, ainsi qu'une estimation des types et des quantités des résidus et des émissions attendus résultant du fonctionnement du projet proposé. « Pour les installations relevant du titre Ier du livre V du présent code et les installations nucléaires de base relevant du titre IV de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 modifiée relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, cette description pourra être complétée dans le dossier de demande d'autorisation en application de l'article R. 512-3 et de l'article 8 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 modifié relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives ; « 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; « 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ; 134 cf. Annexe du décret 2014-45 portant adoption des orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ; document cadre d'orientation nationale pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques. À la reconquête de la nuit Page 96/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ 8.7 La réglementation applicable aux travailleurs La réglementation française relative à la prévention des expositions aux rayonnements optiques artificiels figure dans le Code du travail (articles R. 4452-1 3 à R. 4452-31). Elle concerne les sources de rayonnement incohérentes ainsi que les lasers. Issues de la transposition en droit français de la directive européenne 2006/25/CE, ces dispositions concernent les effets des rayonnements optiques artificiels 135 sur la peau et l'oeil, et portent notamment sur : · · · · · les valeurs limites d'exposition professionnelle, l'évaluation des risques, les mesures et moyens de prévention, l'information, la formation, le suivi individuel de l'état de santé des salariés exposés. Les textes distinguent le cas des rayonnements optiques incohérents et celui des lasers. Les valeurs limites d'exposition professionnelles relatives aux rayonnements optiques incohérents sont déclinées selon les effets physiologiques, les longueurs d'ondes et les durées d'exposition au cours d'une journée de travail de 8 heures, de fait relativement complexes à mettre en oeuvre. 8.8 Le cas des normes et des recommandations techniques Les normes techniques reposent initialement sur une démarche volontaire des professionnels du secteur. Elles sont régulièrement actualisées et sont essentiellement portées par une approche de voirie routière et de circulation. · La norme NF EN 13201 en matière d'éclairage routier fixe des exigences de performances et constitue une aide à la sélection des classes de chaussées. Elle permet d'optimiser les dépenses énergétiques et de produire, à chaque instant de la nuit, que la seule quantité de lumière nécessaire et suffisante pour la visibilité et la sécurité des usagers. Elle permet également de réduire au maximum les chutes de flux lumineux à compenser lors d'opération de maintenance préventive. Cette norme prévoit : la méthode française AFE de sélection des classes d'éclairage et des voies adaptables aux différentes périodes de la nuit. Une attribution claire est possible pour connaître la classe normative de la voie la luminance et l'éclairement, les valeurs minimales, maximales cibles envisageables Elle se décline en 5 items : - NF EN 13201-1 : Sélection des classes d'éclairage selon les groupes de situations d'éclairage, en fonction de la vitesse et des types d'usagers : trafic motorisé prépondérant, trafic motorisé + cyclistes + piétons, piétons en priorité ; - NF EN 13201-2 : exigences de performances ; - NF EN 13201-3 : calcul des performances ; 135 L'exposition au rayonnement solaire n'est pas prise en compte dans les textes réglementaires cités. À la reconquête de la nuit Page 97/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ - NF EN 13201-4 : méthode de mesure des performances photométriques ; - NF EN 13201-5 : cette partie de la norme donne les méthodes permettant d'accéder au calcul. Il prend en compte, par zone d'étude, la géométrie des voies (séparation des voies, présence d'échangeurs et d'intersection, zones de conflit), la nature du trafic (densité, présence de cyclistes et piétons, stationnement, difficulté de navigation) et l'environnement (exigences visuelles, ambiance, conditions climatiques). Il comprend par conséquent des classes d'éclairages. · Une norme extérieures. expérimentale NF XP 90-013 Nuisances lumineuses A titre expérimental, des méthodes de calcul et de contrôle de la nuisance lumineuse en extérieur ont été publiées par l'AFNOR en mars 2011. Elles tendaient principalement à l'optimisation de la résorption du halo lumineux par les mesures de dispersion de la lumière vers le ciel. Cette norme doit être complétée pour intégrer les évolutions technologiques comme les Leds et n'a pas fait l'objet d'une généralisation d'application. · Des normes particulières propres à certaines installations. Il existe également des normes techniques propres à certaines installations, comme les équipements sportifs, pour lesquels sont présentes des spécifications d'éclairage recommandées par les fédérations sportives pour l'éclairage de leurs activités. Cet éclairage est conditionné par les attentes, tant des athlètes que, les spectateurs, mais aussi « imposées » par les médias pour la retransmission télévisuelle d'évènements sportifs. La norme NF EN 12193 réglemente donc le nombre de lux pour les pratiques sportives Comme évoqué plus haut, les normes d'éclairage les plus élevées sont prévues selon les niveaux nécessaires en matière de retransmission télévisuelle. Pour illustration, l'éclairage requis est de 300 lux sur un stade de niveau fédéral et de 2350 lux 136 sur un stade de ligues 1 et 2 de football. Le niveau d'éclairage est plus exigeant pour les sports rapides et le seuil le plus élevé est retenu pour les équipements multisports, très majoritairement gérés par les collectivités territoriales. · Il existe également une norme mondiale sur les risques d'expositions à la lumière. Cette norme IEC 62471 (dite « photo-biologique ») prévoit une classification de quatre groupes de dangerosité pour les sources de rayonnements optiques liés à la durée d'exposition maximale admissible de l'oeil à la lumière : GR0 ­ groupe de risque 0 : pas de risque quel que soit le temps d'observation de la source ; GR1 ­ groupe de risque 1 (risque faible) : temps d'exposition maximal de 10 000 s (3 h) ; GR2 ­ groupe de risque 2 (risque modéré) : temps d'exposition maximal de 100 s ; GR3 ­ groupe de risque 3 (risque élevé) : temps d'exposition maximal de 0,25 s. 136 cf. § 5.10 de la norme NF EN 12193 de mars 2008 « éclairage des installations sportives. » À la reconquête de la nuit Page 98/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Obligatoire à la vente, le marquage CE des lampes et luminaires impose d'afficher leur classement en termes de risques photo-biologiques, s'il dépasse GR1. · Les fiches techniques relatives aux opérations standardisées d'économies d'énergie Les opérations standardisées d'économies d'énergie correspondent à des opérations couramment réalisées pour lesquelles une valeur forfaitaire de certificats d'économies d'énergie (CEE) a été définie. Élaborées par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), l'Ademe et l'association technique énergie et environnement (ATEE), elles ont fait l'objet de fiches publiées, par arrêté ministériel du 22 décembre 2014. Il existe une série de fiches techniques relative aux opérations sur les réseaux, notamment des fiches "Éclairage" : · RES-EC-101 : Système de régulation de tension en éclairage extérieur ; · RES-EC-102 : Système de maîtrise de la puissance réactive en éclairage extérieur ; · RES-EC-103 : Système de variation de puissance en éclairage extérieur ; · RES-EC-104 : Rénovation d'éclairage extérieur ; · RES-EC-107 : Horloge astronomique pour l'éclairage extérieur. Pour illustration, l'octroi de certificats d'économies d'énergie pour une opération de rénovation d'éclairage extérieur (n° RES-EC-104) implique : Un ensemble optique fermé d'un degré de protection (IP) de 65 minimum ; - cas n°1 : efficacité lumineuse 90 lumens par Watt et ULOR 1 % (ou pour les luminaires à Led, ULR 3 %) ; - cas n°2 : efficacité lumineuse 70 lumens par Watt et ULOR 10 % (ou pour les luminaires à Led, ULR 15 %). Les luminaires utilisés pour l'éclairage fonctionnel des voies de circulation doivent respecter les conditions du cas n°1. Le montant de certificats en kWh cumac est prévu à un niveau significatif d'exigence : 9 300 kWh cumac (cas 1) ou 7 200 kWh cumac (cas 2) selon les cas. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 99/106 PUBLIÉ 8.9 Le droit communautaire applicable Il est essentiellement issu du Règlement (CE) N° 245/2009 du 18 mars 2009 mettant en oeuvre la directive 2005/32/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences en matière d'écoconception applicables aux lampes fluorescentes sans ballast intégré, aux lampes à décharge à haute intensité, ainsi qu'aux ballasts et aux luminaires qui peuvent faire fonctionner ces lampes. Ce règlement européen a eu pour effet d'exclure progressivement du marché intérieur européen : - dès 2012, les lampes fluorescentes lampes sodium haute pression les moins performantes ; - dès 2015, les lampes à vapeur de mercure haute pression appelées aussi ballons fluorescents et les lampes mixtes et les lampes sodium haute pression de substitution aux lampes à vapeur de mercure ; - dès 2017, les lampes fluocompactes à deux broches et les lampes IM inférieur à 405 W les moins performantes. 8.10 Droit comparé et recommandations internationales Un précédent rapport du CGEDD n° 00 9196-01 de juillet 2014 a réalisé un panorama assez complet du sujet. La diversité des approches rejoignent néanmoins une préoccupation partagée avec un faible nombre de lois sur la pollution lumineuse et une préférence pour les recommandations et les actions menées au niveau local, en lien avec le milieu associatif notamment. Les normes de référence sont majoritairement la norme EN 31201 appliquée dans l'Union européenne, les publications de la commission internationale de l'éclairage (CIE) et de l'Illumination Engineering Society of North America (IESNA). Il convient de signaler les normes proposées par le CIE, telles que celles relatives au Leds ou à l'éclairage extérieur137. Le constat était déjà que certains pays avaient eu des difficultés pour légiférer de manière précise, notamment dans les textes d'application à prendre. Selon les pays, la pollution lumineuse est traitée séparément ou non de la question du gaspillage énergétique. Dans les réglementations les plus ambitieuses, on retrouve la généralisation des luminaires à ULOR 0 et la fixation d'un objectif annuel de réduction de consommation d'énergie par habitant. Techniquement, la nature des prescriptions porte sur : - l'orientation de la lumière dans l'espace, en vue de ne pas éclairer inutilement le ciel ou d'éviter les lumières intrusives ; - les plafonds de niveaux d'éclairement ; - l'efficacité énergétique des lampes afin de favoriser la disparition des équipements énergivores ; - la limitation des éblouissements ; 137 CIE S 025/E : 2015 Test Method for Led Lamps, Led Luminaires and Led Modules. ISO/CIE 19476 : 2014(E) Characterization of the Performance of Illuminance Meters and Luminance Meters. CIE S 004/F : 2001 Couleurs des signaux lumineux. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 100/106 PUBLIÉ - les horaires de fonctionnement de certaines installations lumineuses (mise en valeur, enseigne, publicités lumineuses). Depuis 2014, les USA et la Corée du Sud ont par exemple développé une politique active de réduction de la lumière intrusive en ciblant la direction des flux lumineux provenant des enseignes publicitaires ou de l'éclairage public. Des limites de températures de couleurs de 3 500 kelvin sont également recommandées. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 101/106 PUBLIÉ 13. Illustration d'une balade nocturne Tous les clichés ci-après, pris par les membres de la mission, ont seulement pour objet de mettre des images sur quelques facettes de la réalité de la pollution lumineuse. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 102/106 PUBLIÉ 14. Glossaire des sigles et acronymes Acronyme ADEME AFB AFE ANPCEN ATEE CAPEB CEE CEREMA Signification Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie Agence française de la biodiversité Association française de l'éclairage Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturne Association technique énergie et environnement Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment Certificat d'économie d'énergie Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement Centre d'écologie et des sciences de la conservation Commission internationale de l'éclairage Code général des collectivités territoriales Centre scientifique et technique du bâtiment Direction départementale des territoires Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement Direction de l'eau et de la biodiversité Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature Direction générale des collectivités locales Direction générale de l'énergie et du climat Direction générale de la prévention des risques Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages Direction interdépartementale des routes Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Établissement public à coopération intercommunale Établissement recevant du public Fédération française du bâtiment Fédération nationale des collectivités concédantes et régies France Nature Environnement Installation classée pour l'environnement Mouvement des entreprises de France CESCO CIE CGCT CSTB DDT DEAL DEB DGALN DGCL DGEC DGPR DGITM DHUP DIR DREAL EPCI ERP FFB FNCCR FNE ICPE Medef Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 103/106 PUBLIÉ Acronyme MNHN MTES ONCFS ONG PCAE(T) PLU(I) RLP RLPI SCOT SERCE SRADDET Signification Muséum national d'histoire naturelle Ministère de la transition écologique et solidaire Office national de la chasse et de la faune sauvage Organisation non gouvernementale Plan climat air énergie (territorial) Plan local d'urbanisme intercommunal Règlement local de publicité Règlement local de publicité intercommunal Schéma de cohérence territoriale Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires Transition énergétique pour la croissance verte Territoire à énergie positive pour la croissance verte Upward Light Ratio ­ Indice caractérisant le pourcentage du flux lumineux d'une source, dirigé vers le ciel Unité mixte de service patrimoine naturel Ultraviolet TECV TEPCV ULOR UMS Patrinat UV Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 104/106 PUBLIÉ PUBLIÉ Site internet du CGEDD : « Les derniers rapports » PUBLIÉ INVALIDE) (ATTENTION: OPTION énergie, celui du 25 janvier 2013. Il prévoit des horaires et modalités d'extinctions de la lumière des éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel, des illuminations des façades des bâtiments et des éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition72. Il instaure un régime de dérogation préfectorale pour des motifs économiques et touristiques. Cet arrêté est en cours de modification, conformément à la décision du conseil d'État n° 408974 du 28 mars 2018 afin de fixer les prescriptions techniques relatives aux diverses catégories d'installations lumineuses, ainsi que celles devant s'appliquer dans certains espaces naturels et sites d'observation astronomique. En matière d'outil de planification pour la lutte contre la pollution lumineuse, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte mentionne la pollution lumineuse dans le plan climat-air-énergie (PCAE) au niveau régional ou intercommunal. La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages mentionne également la préoccupation de la pollution lumineuse dans divers articles, notamment dans la définition de la « trame verte et bleue » et dans les objectifs de qualité paysagère. 3.1.2. La réglementation des enseignes et publicités lumineuses Bien qu'exclus du périmètre de la législation précitée au titre de la prévention de la pollution lumineuse, ces dispositifs lumineux sont néanmoins soumis à un régime restrictif, conformément à la loi Grenelle 2 et au décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012 relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux pré-enseignes. Par principe, toute publicité est interdite sur certains espaces comme les monuments, les sites naturels, les coeurs des parcs nationaux et les réserves naturelles. La publicité (y compris lumineuse) est autorisée dans les agglomérations 73 sauf dans de nombreuses zones particulières autour des sites classés ou autour des monuments historiques classés74. Seul un règlement local de publicité (RLP) peut déroger à ces interdictions. Le décret précise que la publicité lumineuse ne peut être autorisée à l'intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants 75. 72 « Les éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel sont éteints une heure après la fin de l'occupation de ces locaux. Les illuminations des façades des bâtiments sont éteintes au plus tard à 1 heure. Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition peuvent être allumés à partir de 7 heures ou une heure avant le début de l'activité si celle-ci s'exerce plus tôt. Les illuminations des façades des bâtiments ne peuvent être allumées avant le coucher du soleil. Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition sont éteints au plus tard à 1 heure ou une heure après la fin de l'occupation de ces locaux si celle-ci intervient plus tardivement ». Article L. 581-9 du code de l'environnement. Article L. 581-8 du code de l'environnement. Articles R. 581-26.-I. à R. 581-32 du code de l'environnement. À la reconquête de la nuit Page 38/106 73 74 75 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Hors agglomération (au sens de la circulation routière) toute publicité est interdite, avec des exceptions notables pour les aéroports, les centres commerciaux et selon le contenu des RLP 76. La publicité lumineuse respecte des normes techniques fixées par arrêté ministériel, portant notamment sur les seuils maximaux de luminance exprimés en candelas par mètre carré et, sur l'efficacité lumineuse des sources utilisées exprimée en lumens par watt. Il y a donc ici une articulation possible avec les dispositions techniques relatives à la pollution lumineuse. Le code de l'environnement77 spécifie l'extinction des publicités lumineuses en coeur de nuit pour les enseignes lumineuses entre 1 heure et 6 heures du matin avec des règles particulières édictées par les maires pour les unités urbaines de plus de 800 000 habitants. Enfin, la publicité lumineuse et numérique est soumise à des critères de surface 78 et des seuils maximaux de luminance en candelas par mètre carré. La réglementation prévoit donc un dispositif gradué. Le délai pour adapter les installations de publicité lumineuse pour l'extinction en coeur de nuit a été fixé à 6 ans dans la loi79. Son entrée en vigueur a été effective au 1er juillet 2018 pour un texte initial voté en 2010. 3.1.3. Les normes techniques La réglementation relative à l'éclairage comporte des aspects très techniques, principalement sur la voirie routière et la circulation, déclinés par de nombreuses normes tant au niveau français qu'international. Sa conception est exclusivement centrée sur l'amélioration des conditions de circulation. Une politique publique, sur un sujet aussi émergent, ne peut se développer sans recueillir l'adhésion des professionnels du secteur. Ces derniers se réfèrent à ces normes techniques qui font autorité tant sur le plan national, européen qu' international. Reposant sur un mécanisme d'adhésion volontaire, ces normes restent le vecteur idéal pour modifier les pratiques et les approches des professionnels de l'éclairage public. Rapportées à la pollution lumineuse, et à défaut de norme spécifique sur ce sujet, ces normes sont conçues pour d'autres finalités : sécurité routière, écoconception, économies d'énergie (fiches techniques Ademe80), protection à l'exposition excessive des travailleurs, éclairage pour des retransmissions télévisées sportives... 76 Article L. 581-7 du code de l'environnement. Article R. 581-35 du code de l'environnement. Publicité lumineuse : la surface ne doit pas excéder 8 mètres carrés ni dépasser 6 mètres de hauteur à l'intérieur des villes concernées ou des gares et aéroports situés hors agglomération. Publicité numérique : la surface ne doit pas excéder 8 mètres carrés ni dépasser 6 mètres de hauteur si la consommation n'excède pas les niveaux définis par arrêté ministériel, sinon la surface est limitée à 2,1 mètres carrés et de hauteur maximale 3 mètres. 77 78 79 Cf. article 67 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives (1). Efficacité lumineuse 90 lumens par Watt et ULOR 1. À la reconquête de la nuit Page 39/106 80 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ En matière d'éclairage public routier et de voirie, la norme européenne EN 13201 fixe un classement de voiries qui définit pour chacune les caractéristiques de l'éclairage requis : la luminance, l'éclairement, les valeurs cibles minimales et maximales. Une norme expérimentale NF XP 90-013 Nuisances lumineuses extérieures Une norme expérimentale pour calculer les nuisances lumineuses en extérieur a été établie par l'AFNOR en mars 2011. Elle tendait principalement à l'optimisation de la résorption du halo lumineux par les mesures de dispersion de la lumière vers le ciel. Cette norme doit être complétée pour intégrer les évolutions technologiques comme les Leds et n'a pas fait l'objet d'une généralisation d'application du fait d'absence de consensus techniques avec les ONG. Des normes techniques propres à certaines installations, comme les équipements sportifs, recommandées par les fédérations et requises pour la retransmission télévisuelle, sont aussi présentes. La norme NF EN 12193 réglemente donc le nombre de lux pour ces pratiques sportives requises. Le règlement (CE) n° 245/2009 du 18 mars 200981 relatif à l' « écoconception » des lampes définit les « normes » applicables aux ampoules. Il a eu pour effet d'exclure progressivement du marché intérieur européen, par une interdiction de commercialisation : · dès 2012, les lampes fluorescentes lampes sodium haute pression les moins performantes ; · dès 2015, les lampes à vapeur de mercure haute pression appelées aussi ballons fluorescents, les lampes mixtes et les lampes sodium haute pression de substitution aux lampes à vapeur de mercure ; · dès 2017, les lampes fluocompactes à deux broches et les lampes à iodures métalliques les moins performantes. 3.2. Les limites de la réglementation La mission a identifié plusieurs difficultés dans la réglementation actuelle pour appréhender le phénomène de la pollution lumineuse dans sa globalité. 3.2.1. Des réglementations sectorisées et une approche trop partielle de la pollution lumineuse La succession des textes dans diverses lois n'a pas abouti à ce que la pollution lumineuse puisse concerner l'ensemble des installations. Sont ainsi écartées, car 81 Règlement (CE) N° 245/2009 du 18 mars 2009 mettant en oeuvre la directive 2005/32/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences en matière d'écoconception applicables aux lampes fluorescentes sans ballast intégré, aux lampes à décharge à haute intensité, ainsi qu'aux ballasts et aux luminaires qui peuvent faire fonctionner ces lampes. À la reconquête de la nuit Page 40/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ soumises à un droit spécial, les installations de publicités lumineuses, les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et les installations nucléaires, ainsi que l'éclairage relevant des particuliers et les dispositifs d'éclairage et de signalisation des véhicules. Cette approche partielle interroge la mission dès lors que le phénomène de pollution lumineuse apparaît par nature global (halo) et multifactoriel. La mission relève que la volonté du législateur d'appréhender l'ensemble du phénomène de pollution lumineuse a été limitée par les craintes d'une extinction nocturne généralisée, sans que la question de la sobriété ait été réellement posée. Pourtant, il semble à la mission que faire participer une ICPE à la réflexion collective sur l'excès d'éclairage de son installation ne fait pas peser un risque économique sérieux sur la pérennité de son activité elle-même. Des périmètres sectoriels étanches et limités : D'ores et déjà, la réglementation environnementale dévoile ses limites en matière de pollution lumineuse. Ainsi, elle mentionne la préoccupation de la pollution lumineuse, parmi d'autres préoccupations environnementales. Il revient alors au maître d'ouvrage de nourrir par exemple son étude d'impact ou d'incidence d'une analyse relative à la pollution lumineuse lorsque cette pression anthropique a été préalablement identifiée par ses soins. Pour illustration, un récent avis délibéré de l'Autorité environnementale (AE) sur le projet stratégique du grand port maritime de La Réunion mentionne un tel cas, au bénéfice des Pétrels de Barau, dont les plus jeunes sont désorientés du fait d'un éclairage artificiel inadapté82. Le périmètre retenu est à ce jour incomplet et ne tient pas assez compte de l'éclairage privé diffus et aussi nuisible, par exemple les bornes lumineuses alimentées par des panneaux solaires dans les jardins. Enfin, une politique de la lumière autonome est illusoire, tant elle est imbriquée aujourd'hui avec le volet environnemental et énergétique. L'approche est alors davantage d'utiliser les outils déjà existants au profit de la réduction des nuisances lumineuses : réglementation technique, outils de planification notamment. La prévention de la pollution lumineuse doit davantage se « diffuser » dans les autres politiques publiques connexes. 3.2.2. Certaines réglementations, pour garantir l'éclairage, privilégient des seuils très élevés la qualité de La réglementation technique relative à l'éclairage routier, par exemple, est plus ancienne, mais fondée sur une approche différente : il s'agissait de garantir la qualité de l'éclairage notamment des voies de circulation publiques, et non de le réduire. La réglementation technique des équipements a récemment été orientée vers des économies d'énergies, objectif le plus souvent connexe à celui de la sobriété lumineuse. Néanmoins, il existe des effets pervers à la généralisation des nouvelles 82 Avis de l'Autorité environnementale (Ae) du 10 septembre 2014 ­ Projet stratégique du GPM de La Réunion : « L'Ae recommande d'insérer au sein de l'évaluation environnementale une description plus précise de la ZNIEFF et de ses enjeux écologiques et de compléter les impacts sur l'avifaune par des éléments précis concernant l'éclairage et les échouages de pétrels de Barau ». Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 41/106 PUBLIÉ technologies (Leds) qui permettent d'éclairer mieux et davantage avec moins d'énergie, entraînant alors un risque de multiplication des points lumineux. La réglementation issue de la norme ou s'y référant traite aussi avec difficulté la délicate question des seuils d'éclairage. En matière d'éclairage public, des seuils d'éclairage sont prévus par la réglementation ou la norme ; ils sont le plus souvent mis en oeuvre comme des seuils standards minimums qui permettent de faire face à toutes les situations d'éclairement. Il est donc relevé un dévoiement inflationniste des seuils supérieurs, selon l'adage « qui peut le plus, peut le moins ». En revanche, l'instauration de seuils minimum d'éclairage plus adaptés ne fait pas consensus. Souhaités par certains éclairagistes, ils sont dénigrés par les ONG et les concepteurs lumières. 3.2.3. Une confusion du rôle de chaque acteur Le niveau d'intervention entre le niveau communal et intercommunal est ambigu. L'essentiel du poids de la politique publique est portée par les collectivités responsables de l'éclairage public, et notamment les communes. Dans un contexte de création des EPCI ou de modification successive de leur périmètre de compétences, la responsabilité de chacun des acteurs locaux reste floue83. On observe ainsi une certaine réticence des maires, notamment ruraux, à transférer et donc à perdre cette compétence sur l'éclairage public. Cette situation brouille sensiblement la carte des compétences en matière d'éclairage public et du « qui fait quoi ». Le maire a pour mission de veiller à la sûreté, à la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend notamment « l'éclairage » (cf. L 2212- du Code général des collectivités territoriales (CGCT)). Chaque commune exerce sa compétence en matière d'éclairage public de manière autonome, dans le respect de cette disposition, qui prévoit la nécessité de l'éclairage public des voies publiques pour des motifs principalement de sécurité. La marge laissée à l'appréciation du maire est ici significative. L'ambiguïté de périmètre est réelle, selon que l'on rattache l'éclairage public à la commune (en particulier au maire, au titre de sa responsabilité de police de l'éclairage) ou, au niveau intercommunal, auquel cette dernière compétence est souvent exercée comme accessoire de voirie (métropoles, EPCI). Par ailleurs, la compétence intercommunale en matière de voirie ne recouvre pas tout l'éclairage public, notamment celui des parcs et jardins. Les zonages pertinents en matière de pollution lumineuse se situent davantage à un échelon intercommunal (enjeu notamment de la création des trames sombres). Pourtant les communes conservent leur pouvoir de police de l'éclairage public, peu efficient pour lutter contre la pollution lumineuse. On peut illustrer le lien complexe entre éclairage public, réseaux et voiries, en cas de rénovation globale de l'éclairage d'une commune. En effet, dans la pratique, la vétusté 83 Selon la direction générale des collectivités locales (DGCL), le nombre d'EPCI ayant demandé le transfert de compétence « éclairage » concerne 21 métropoles, 11 Communautés urbaines, 28 Communautés d'agglomération et 77 Communautés de communes. À la reconquête de la nuit Page 42/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ du parc d'éclairage communal nécessite souvent des changements complets : il est délicat de modifier les équipements (lampes et mâts) sans intervenir aussi sur les armoires électriques et les différents réseaux d'alimentation. Dès lors que les investissements nécessaires à l'optimisation du parc d'éclairage public sont le plus souvent hors de portée des finances des petites communes, un regroupement au sein d'un syndicat d'éclairage est souvent nécessaire, au détriment de l'autonomie de décision des communes. Ce regroupement n'est pas à ce jour généralisé. L'autre solution est alors de privilégier l'extinction en zone rurale en coeur de nuit, choix retenu dans les zones naturelles les plus vulnérables au plan de la biodiversité84. La mission identifie également que les périmètres spatiaux définis par chacune des politiques sectorielles ne se recoupent pas totalement. À titre d'illustration, pour la prévention de la pollution lumineuse liée à la densité de population, le zonage retenu est celui de l'agglomération. Toutefois, une réglementation particulière comme la publicité peut autoriser des implantations hors zone urbaine agglomérée, distincte de l'agglomération au sens du code de la route. Cette notion d'agglomération au sens du code la route n'est donc pas opérationnelle pour répondre aux enjeux de la pollution lumineuse. Ainsi, certains centres commerciaux limitrophes mais parfois extérieurs aux agglomérations ne sont pas couverts. La planification de la publicité repose aussi sur un règlement local de publicité (RLP), généralement plus prescriptif, mais non harmonisé avec l'approche de la pollution lumineuse85. Les textes actuels sur la pollution lumineuse reprennent la distinction en agglomération ou hors agglomération, en ajoutant un niveau supplémentaire, celui des espaces naturels et des sites d'observation astronomique. Implicitement, l'approche globale de la lutte contre la pollution lumineuse est ici graduée dans l'espace avec un postulat : les zones les moins urbanisées sont davantage à protéger ; le constat corollaire est que la lutte contre la pollution lumineuse en milieu dense et urbanisé n'est pas la plus prioritaire. C'est ainsi que la publicité lumineuse y est la plus autorisée. En outre, la catégorisation des espaces se révèle contre-productive si elle est trop complexe ou trop subtile. Ainsi, en matière d'éclairage pour l'accessibilité des personnes à mobilité réduite (PMR), un certain nombre d'installations ont été surdimensionnées et sont donc inadaptées. Pour un cheminement accessible au sens de la réglementation PMR, les exigences d'éclairage à 20 lux ont été appliquées, par défaut, à tous les cheminements autour d'un établissement recevant du public (ERP). De même, la catégorisation des terrains de camping en installations ouvertes au public (IOP)86 implique un éclairage normalisé à 20 lux sur l'ensemble des zones accessibles, c'est-à-dire sur la quasi-totalité de leur surface. Pourtant, un camping souvent situé en zone naturelle est un lieu de repos où il semblerait souhaitable d'avoir de très faibles niveaux d'éclairage. 84 85 Zone de parc national, régional, Natura 2000, arrêté biotopes... En effet, une agglomération, selon l'article R. 110-2 du code de la route désigne un espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés, signalé par des panneaux d'entrée et de sortie. Les IOP sont des espaces, lieux ou équipements qui, bien que non concernés par les règles de sécurité du fait de leur nature ou de leurs caractéristiques, n'en doivent pas moins être rendus accessibles. À la reconquête de la nuit Page 43/106 86 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Les critères démographiques ou des surfaces sont donc nécessaires mais non suffisants pour répondre aux enjeux de la pollution lumineuse. Une absence d'outil intégrateur de la pollution lumineuse : Cette absence d'outil intégrateur peut être illustré par le défaut de planification partagée entre la pollution lumineuse et la publicité lumineuse. Pour traiter un phénomène de pollution lumineuse dont la responsabilité est partagée partiellement entre éclairage public et publicités lumineuses, aucune planification d'ensemble n'est prévue. Les RLP sont encore facultatifs et peuvent être communaux ou intercommunaux. Ils reposent sur un volontariat des collectivités et ne sont pas intégrés au plan local d'urbanisme (PLU). Aujourd'hui, les RLP sont loin d'être majoritairement adoptés puisqu'il n'existe en 2016, d'après la DHUP, que 63 règlements locaux de publicité intercommunaux (RLPI) en 2016 et 1 604 RLP communaux87. Les « schémas d'éclairage » ou « plans lumière » cités par plusieurs acteurs rencontrés par la mission sont majoritairement relatifs à de simples projets de rénovation d'éclairage public, proposés par les fabricants ou installateurs, dont les intérêts ne sont pas neutres. Ces « plans lumière » n'ont aucune portée normative ni prescriptive (hormis celle que les élus locaux lui donnent), sont indépendants du RLP, et non repris dans un quelconque volet du PLU. La prise en compte de la pollution lumineuse ne se traduit pas dans le contenu opérationnel du PLU à l'occasion de la création de voies nouvelles ou de bâtiments comprenant un éclairage extérieur. Bien qu'il existe déjà des projets d'aménagement et de développement durable (PADD) prévoyant des préoccupations environnementales dans les documents d'urbanisme, le contenu du règlement du PLU est bien souvent muet sur la pollution lumineuse. Ainsi, les permis de construire ou les autorisations d'aménager ne peuvent comprendre aisément des préconisations en termes d'éclairage d'une voie privée dans un lotissement. Les limites d'un outil intégrateur sectoriel d'efficacité énergétique : Le seul autre outil intégrateur est celui de l'efficacité énergétique, qui n'offre pas à la pollution lumineuse la place qui lui revient. Une fois l'objectif d'efficacité énergétique atteint, le réexamen de l'excès d'éclairage éventuel est ensuite inexistant. De plus, la pollution lumineuse ne favorise pas l'optimisation de l'efficacité énergétique (ex : aujourd'hui les lampes ambrées sont plus efficaces pour préserver la biodiversité mais encore légèrement plus chère), le coût le plus modeste possible de l'éclairage demeurant le premier critère. Une autre limite est constatée lorsque la réglementation énergétique est trop timide dans son calendrier de mise en oeuvre. Ainsi, le règlement (CE) n° 245/2009 du 18 mars 2009 relatif aux exigences en matière d'écoconception applicables aux lampes n'a pas été jusqu'à interdire l'usage des lampes déjà présentes dans les stocks, souvent pour plusieurs années. La réglementation sur l'écoconception n'a donc accéléré que très partiellement la mise à niveau du parc d'éclairage et n'est pas un levier immédiat d'incitation à la rénovation, pour un gestionnaire disposant de stock. 87 Avec une moyenne de 5 communes par EPCI + 315 + 1604 = 1919 communes volontaristes sur la maîtrise de la publicité (notamment lumineuse) sur leur territoire, sur 35 416 communes. À la reconquête de la nuit Page 44/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Sur la nécessité de compléter la réglementation : Aujourd'hui, le dispositif réglementaire est assis sur un niveau législatif qui nécessite des textes réglementaires de complément 88. Bien qu'un cadrage existe pour limiter le nombre de textes prescriptifs, l'existence de la prévention de la pollution lumineuse dans la loi génère une certaine inflation normative, sans que, par ailleurs, les autres textes soient harmonisés. Les limites de la normalisation technique : L'approche de la prévention des nuisances lumineuses est centrée sur les normes techniques, moyen de progrès par la rénovation du parc public d'éclairage. Ce moyen incite à faire de la normalisation technique le vecteur privilégié de diffusion de la prévention de la pollution lumineuse auprès des professionnels ; cette piste est aujourd'hui limitée par l'absence d'articulation entre la réglementation et les normes. En effet, la réglementation obligatoire sur la pollution lumineuse n'est pas formellement adossée aux normes, rendant leur respect incertain et aléatoire. L'accès à la norme est en effet payant, ce qui dissuade cet adossement. De plus, l'application des normes techniques n'a pas été encouragée par la réglementation. Celle-ci n'a pas, à ce jour, imposé une mise à niveau générale du parc d'éclairage dans un délai contraint. Ce n'est qu'à l'occasion de la rénovation de chaque réseau et de ses équipements, que sa normalisation peut intervenir, selon le choix du gestionnaire ou du maître d'ouvrage (cf. sujet des stocks d'ampoules interdites ci-avant). La mission constate qu'une norme expérimentale (X90-013) avait été élaborée lors du Grenelle de l'environnement mais n'a pas été généralisée par la suite, car inappropriée selon certaines ONG. Il semble regrettable à la mission que ce projet n'ait pas abouti. Un aspect significatif de l'approche des normes techniques est celle de l'éclairage public des voies de circulation. Pour des motifs de sécurité de circulation (routière et des piétons), l'éclairage le plus complet et le plus homogène possible est systématiquement recherché, en application de la norme EN 13201 précitée. Cette norme révisée en 2015 ne s'applique pourtant qu'à l'occasion de travaux neufs et n'influe guère sur le réseau déjà en place, ce qui n'est guère propice à la remise en cause de la densité de l'éclairage actuel sur les routes. La mission relève également que les normes de voirie sont par nature évolutives. Une voie avec un certain niveau de trafic peut être déclassée, si le trafic est trop ponctuel, ou si la part des piétons est supérieure à celle des véhicules. Pourquoi maintenir un éclairage de haute intensité pour un nombre de véhicules/nuit réduit ? Un réexamen régulier de la pertinence de la classe d'éclairage routière pourrait s'avérer utile pour minorer d'autant la pollution lumineuse. Par ailleurs, bien que la norme NF EN 6247 en matière de photobiologie (seuils de lésions imputables à une exposition lumineuse intense), soit plutôt rassurante pour la santé humaine89, elle paraît en retrait des travaux de l'Anses, notamment pour la corrélation entre la température de couleur et les risques liés à la lumière bleue. 88 Suite à l'arrêt du Conseil d'État, il est impératif de prendre l'ensemble des arrêtés nécessaires pour fixer les prescriptions techniques prévues aux articles L. 583-1 et L. 583-2 du code de l'environnement relatives aux diverses catégories d'installations lumineuses définies par l'article R. 583-2 du même code, ainsi que celles devant s'appliquer, en vertu de son article R. 583-4, dans certains espaces naturels et sites d'observation astronomique. À la reconquête de la nuit Page 45/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ 3.2.4. La question des contrôles et des moyens mis en oeuvre Un fait punissable à préciser : Le régime de sanction prévoit une mise en demeure et une sanction administrative de 750 euros. Pour la mission, le fait punissable est à préciser afin de savoir si cette amende administrative est applicable pour chaque lampe non conforme ou globalement. Or, le concept « d'installation lumineuse » utilisé n'est pas toujours aisément individualisable pour un éclairage public. Prise isolément, l'amende administrative encourue ne semble pas réellement dissuasive. Une absence totale de mise en oeuvre qui interroge : Dans les faits, en matière de pollution lumineuse, aucune sanction administrative n'est appliquée, tant auprès des particuliers, des entreprises ou des collectivités. Cela concerne à la fois la police relevant des communes mais aussi celle de l'État. Dans ce contexte, le caractère dissuasif de la sanction encourue est totalement dilué. D'où une impunité de fait, ne favorisant pas la prise de conscience de la pollution lumineuse par les acteurs notamment économiques. Pour mémoire, d'autres dispositifs répressifs sur des sujets environnementaux (air/énergie) trouvent leurs limites opérationnelles dans les communes : ainsi, sur le brûlage à l'air libre des déchets verts, pourtant puni d'une amende de 450 euros90. Un régime répressif à clarifier : Il semble étonnant que des sanctions pénales soient prévues à l'encontre de la publicité lumineuse, et non pour la pollution lumineuse stricto sensu, bien que ces faits punissables soient très proches. La mission considère que la sanction des excès d'éclairage doit être harmonisée, et qu'un choix unique de nature de sanction est à opérer entre la voie administrative et la voie pénale. Un premier choix entre le régime de sanction applicable à la pollution lumineuse et celui de la publicité lumineuse semblerait déjà une étape significative et porteuse de bon sens. Ce choix est délicat, dès lors qu'aucune voie répressive n'est idéale. L'avantage d'un dispositif répressif judiciaire est de prévoir les faits punissables de manière précise : chaque enseigne lumineuse correspond à une infraction distincte, et son maintien est également punissable91 . En outre, l'ensemble des agents habilités à dresser procès verbal est précisé, au titre de la police générale ou de chacune des polices spéciales. (cf. article L. 581-40 du code de l'environnement) dont les inspecteurs de l'environnement. L'existence d'une infraction pénale conditionne le constat par les autorités judiciaires de la présence nuisible de l'installation lumineuse et des poursuites, à la suite d'un dépôt de plainte, voire d'une citation directe. Or, les priorités de répression des 89 La norme NF. EN. 62 471 fixe les limites issues de données expérimentales et pondérées par un facteur minorant de 5 à 10 fois les énergies nécessaires à produire des lésions observables. L'absence de prise en compte des expositions répétées est ainsi criticable. Cf. circulaire du 18 novembre 2011 relative à l'interdiction du brûlage à l'air libre des déchets verts. Article L. 581-34 du code de l'environnement : I. ­ Est puni d'une amende de 7 500 euros le fait d'apposer, de faire apposer ou de maintenir après mise en demeure une publicité, une enseigne ou une pré-enseigne :(...) III. ­ L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de publicités, d'enseignes ou de pré-enseignes en infraction. À la reconquête de la nuit Page 46/106 90 91 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ procureurs sont aujourd'hui peu orientées vers les infractions environnementales de faible niveau (contravention). Les réticences sont multiples. A titre d'illustration, l'effectivité juridique du régime de la répression des publicités lumineuses illégales, a été reportée de 6 ans par le législateur (cf. supra), ce qui démontre la sensibilité économique du sujet et les difficultés à voir émerger un arbitrage rapide. La citation directe n'est envisageable en réalité que si l'auteur, personne physique, responsable du maintien de l'éclairage inutile, est nommément et sans aucun doute, identifié. Elle mobilise aussi des frais d'huissiers et de consignations dissuasifs. Bien que la sanction administrative actuelle ne prenne pas assez en compte le caractère à la fois temporaire et répété de l'éclairage excessif (pas de récidive), elle offre l'avantage de la simplicité et d'un quantum de peine plus adapté aux nouveaux enjeux de la pollution lumineuse, ainsi qu'une possibilité d'astreinte. La réglementation des ICPE : Un exemple de sanction administrative efficace Bien que la réglementation des ICPE soit hors champ des dispositions générales relatives à la pollution lumineuse, la mission constate que cette préoccupation a été réintroduite dans les réglementations locales les plus exigeantes, c'est-à-dire les arrêtés préfectoraux : autorisation et enregistrement des ICPE. De même, le modèle d'arrêté type et de catalogue de prescription de la DGPR prévoit des prescriptions précises en matière de pollution lumineuse92. Il y a eu déjà des précédents de mise en oeuvre de police ICPE pour non respect des prescriptions de l'arrêté d'autorisation en matière d'orientation des éclairages par exemple pour l'éclairage d'un champ de ferraillage, à la suite des « plaintes » du voisinage pour lumière intrusive. Le poids des sanctions propres au régime ICPE comme la suspension ou le retrait de l'autorisation d'exploiter renforce alors l'efficacité du discours préventif et des contrôles. Ce précédent semble démontrer l'efficacité d'une sanction administrative rarement mise en oeuvre mais réellement dissuasive auprès des exploitants. Une sanction administrative reste plus simple à formaliser et peut comporter des astreintes, modalités d'accompagnement accélérant la réactivité des personnes. Le même dispositif de sanction administrative fonctionne déjà avec succès pour l'affichage publicitaire extérieur (avec astreinte). Pour la mission, mieux vaut une amende administrative effectivement recouvrée plutôt qu'une sanction pénale théorique jamais appliquée ! 92 Chapitre 1.1 Émissions lumineuses : « les éclairages intérieurs des locaux sont éteints une heure au plus tard après la fin de l'occupation de ces locaux ; les illuminations des façades des bâtiments ne peuvent être allumées avant le coucher du soleil et sont éteintes au plus tard à 1 heure. Ces dispositions ne sont pas applicables aux installations d'éclairage destinées à assurer la protection des biens lorsqu'elles sont asservies à des dispositifs de détection de mouvement ou d'intrusion. L'exploitant du bâtiment doit s'assurer que la sensibilité des dispositifs de détection et la temporisation du fonctionnement de l'installation sont conformes aux objectifs de sobriété poursuivis par la réglementation, ceci afin d'éviter que l'éclairage fonctionne toute la nuit. ». À la reconquête de la nuit Page 47/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ En effet,93, les officiers de police judiciaire ou agents publics assermentés peuvent légalement intervenir, avec une difficulté de mobilisation la nuit, pour constater des infractions ou des comportements gênants assimilés à de simples incivilités. En comparaison, ce caractère mineur peut devenir majeur en cas de trouble avéré à la quiétude du voisinage (tapage nocturne) où les services de police municipale interviennent bien à la demande des riverains. Il en est de même pour les agents de l'Office national de la chasse et de la faune Sauvage (ONCFS) qui peuvent intervenir contre le braconnage de nuit. Ainsi, l'alerte citoyenne semble un appui utile à la mobilisation des autorités compétentes détentrices du pouvoir de police. Par conséquent, la commune doit favoriser la possibilité de recueillir des informations, y compris par internet ou SMS, lui permettant d'aviser les personnes responsables du maintien de la lumière excessive, déjà prohibée pour les commerces ou les bureaux, et les publicités lumineuses en coeur de nuit. En outre, l'exemplarité de quelques condamnations ou amendes administratives suffirait pour que la prise de conscience locale se généralise. Pour la mission, la présence dans la réglementation d'un dispositif répressif offre une base pour une action efficace, conditionnée par une forte impulsion locale et politique, tant au niveau des services de l'État que des élus locaux, en cas d'échec d'une démarche pédagogique. 3.3. De belles initiatives qui se développent De nombreuses bonnes pratiques existent aujourd'hui et s'avèrent efficaces. Certaines sont davantage développées en annexe 5. Elles portent sur : · la cartographie et la mesure de la pollution lumineuse par satellite et vue du sol et le développement correspondant d'outils de mesures ; · le développement expérimental des travaux sur les trames sombres, réalisés par plusieurs parcs naturels nationaux et régionaux avec l'appui de l'AFB et du MNHN, et par plusieurs villes, susceptibles d'être intégrés à des documents d'urbanisme et à un plan d'aménagement de la lumière. Ces trames sont parfois calées sur des données d'observation relatives à des espèces lucifuges ; · le diagnostic du biotope local, préalable à un projet d'éclairage concret ou à des mesures concernant l'éclairage public et privé : La Réunion (atlas spatialisé des risques d'échouage) ; · la géolocalisation des matériels et implantations du parc d'éclairage artificiel, par les communes, notamment avec l'appui des syndicats d'énergie ; · l'accès en open data des données géolocalisées (Paris) ; · différentes démarches permettant d'ajuster au plus près le besoin d'éclairage public in situ, en intégrant le ressenti de la population dans le projet d'éclairage 93 Le régime de contrôle de l'État envers les collectivités est articulé avec celui de la « police spéciale de l'État ». Conformément à l'article L. 583-3 les contrôles de police relèvent « de la compétence du maire sauf pour les installations communales, définies selon leur puissance lumineuse totale, application, zone et équipements, pour lesquelles ce contrôle relève de la compétence de l'État. Ce contrôle est assuré par l'État pour les installations, selon leur puissance lumineuse totale, application, zone et équipements soumis à un contrôle de l'État au titre d'une police administrative spéciale ». La circulaire du 5 juin 2013 ne traite pas ce sujet. À la reconquête de la nuit Page 48/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ public, avec notamment les marches nocturnes en amont des arbitrages d'un projet d'éclairage public ; · des démarches expérimentales (études-actions) donnant lieu à des guides, intégrant mesure du halo lumineux et du biotope, impacts des différents dispositifs et matériels d'éclairage et propositions alternatives ; · le développement, par certaines agglomérations, de plans lumière plus environnementaux ; · le développement par des villes petites ou moyennes de stratégies ambitieuses pluriannuelles et rentables de renouvellement complet de leur parc intégrant économie, énergie et sobriété environnementale ; · la sensibilisation croissante des élus aux impacts environnementaux de la lumière à partir de démarches d'extinction en coeur de nuit, associées à l'abaissement des puissances et au renouvellement partiel du parc ; · le développement associatif des labels environnementaux valorisant les démarches exemplaires (label international RICE pour les réserves de ciel étoilé des parcs naturels du Pic du midi et des Cévennes mais aussi labels valorisant des pratiques locales de sobriété lumineuse sur différents territoires) ; · l'apparition d'un nouveau métier, aujourd'hui mature, celui de concepteur lumière, indépendant des fabricants ; · le développement de nouvelles solutions numériques, de gestion fine de l'éclairage ; technologiques, notamment · les solutions techniques alternatives à l'éclairage routier (catadioptres éclairés par les phares rendant visibles les obstacles). La plupart de ces pratiques bénéficient d'appuis de différents organismes, tant méthodologiques que financiers, que ce soit par l'Ademe, l'AFB et le MNHN, les ONG, voire l'Europe, l'État ou les régions. Elles ne constituent pas toutefois une politique nationale, certaines démarches étant encore expérimentales ou rares. La plupart des collectivités rencontrées insistent sur le besoin de repères nationaux et la question des moyens. Source : mission Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 49/106 PUBLIÉ 4. Un plan d'actions pragmatique pour « une sobriété lumineuse » La France, est certes touchée par la pollution lumineuse, mais dans une moindre mesure que ses voisins belges ou allemands, pays plus densément peuplés. Elle a réellement la possibilité de mener à temps une action cohérente pour corriger et prévenir des effets à terme plus difficilement réversibles pour l'environnement et porteurs de conséquences indirectes coûteuses. Une politique ambitieuse et intégrée est indispensable au regard des enjeux. Avec réalisme et pragmatisme, des moyens d'actions à 5/10 ans peuvent être envisagés. Le coût de cette politique est immédiat, programmable dans le temps et amortissable. La mission peut aisément dire que sobriété énergétique ­ plus souvent mise en avant ­ et sobriété lumineuse vont de pair. Une feuille de route pourrait être ainsi écrite sur la base du plan d'actions proposé ci - dessous. Au regard de la dimension très transversale des actions en matière d'éclairage, il a été fait le choix de bien identifier les différents principaux acteurs impliqués. En annexe 4, figure un tableau croisé des approches par nature d'intervention (réglementaire, normative...) et par type d'acteur. 4.1. Un besoin de connaissance et de méthodes communes 4.1.1. Des éléments de connaissance à rassembler et à mieux partager : Il apparaît nécessaire, au vu des éléments précédents, d'approfondir, de rassembler et de disposer de : · recherches scientifiques interdisciplinaires et d'études in situ, notamment opérationnelles, pour faciliter les diagnostics et les actions, associant sans tabou le temps long des chercheurs et celui, plus court, des fabricants ; · revues scientifiques périodiques systématiques et indépendantes (par exemple tous les cinq ans), cotant objectivement les recherches et facilitant leur valorisation, avec une volonté et un appui financier de l'État. Deux pistes d'application principales apparaissent, au plan opérationnel, sur : · le respect du principe de prévention, déjà en partie intégré par les professionnels et les collectivités maîtres d'ouvrage (en particulier pour les Ulor) mais à mieux partager sur les cahiers des charges types ; · le développement de diagnostics locaux transposables sur la biodiversité pour faciliter les études d'impacts préalables à des projets d'éclairage significatifs. Cela paraît d'autant plus envisageable qu'existent en la matière des référents et des capacités d'animation, au niveau national et dans les parcs naturels avec l'AFB. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 50/106 PUBLIÉ Cette approche suppose un minimum de données (atlas, trames) recueillies en amont à l'échelle d'un territoire, intégrant les déplacements de la faune et pointant les espèces à protéger selon les différents milieux naturels. À la Réunion par exemple, la très bonne identification d'espèces menacées comme le pétrel ou le puffin, a favorisé l'action sur l'éclairage pour la biodiversité. Au plan de la santé humaine, les travaux de l'Inserm et de l'Anses sur les impacts de la lumière artificielle et de son usage sont de nature à faire progresser la connaissance. Il paraît important d'encourager davantage leur valorisation et leur diffusion auprès du grand public, leur prise en compte dans les plans santéenvironnement et dans la normalisation française et européenne, au regard notamment de l'effet positif du dernier avis de l'Anses (diminution des pics de bleu). 4.1.2. Une cartographie nécessaire pour envisager des actions priorisées La cartographie de l'éclairage et de ses impacts conditionne des diagnostics partagés et une action publique priorisée à différentes échelles territoriales. À court terme, il est proposé de recenser les matériels, installations et pratiques de gestion et de développer la géolocalisation des sources lumineuses par les collectivités. Un arrêté pourrait être pris et une aide au diagnostic, déjà existante, poursuivie et ciblée sur les petites collectivités, sur la base d'un cahier des charges révisé (Ademe, DGPR). L'Ademe, dont le 1er « e » signifie « environnement » et non pas « énergie » comme on pourrait facilement le penser eu égard à ses actions fortement visibles sur les économies d'énergie, pourrait porter ce projet d'inventaire. L'autonomie financière de cette agence faciliterait une mise en oeuvre rapide. À l'instar des réseaux souterrains, la géolocalisation des données du parc lumineux public pourrait être exigée réglementairement sur des bases minimales à définir. Il paraît souhaitable à la mission, en lien avec la FNCCR, et avec l'appui du Cerema au regard de son expertise, que cet inventaire cible dans un premier temps les luminaires boules et lampes les plus énergivores et nocives. Pour favoriser une vision d'ensemble (intercommunale, régionale et nationale) et prendre en compte l'éclairage public et privé, il est proposé de s'appuyer sur les cartographies lumineuses issues de l'observation spatiale en les pondérant des données recueillies au sol dans des territoires représentatifs et de celles relatives à l'urbanisation. Les travaux déjà réalisés dans les territoires les plus avancés pourraient être utilisés à cette fin et un appel à projet pourrait être lancé au niveau national (Ademe, Cerema). Ce travail d'observatoire pourrait être mené par l'Ademe avec l'appui du Cerema, sous le pilotage d'un conseil « lumière » préparé par la DGPR avec la DGALN/DEB, en s'appuyant, le cas échéant, sur un bureau d'études sélectionné par appel à projet. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 51/106 PUBLIÉ 1. Rendre systématiques des synthèses de l'état des connaissances scientifiques sur l'impact des nuisances lumineuses (DGALN, AFB). Mettre en place une cartographie nationale des points lumineux extérieurs à partir des observations spatiales, pondérées par des données locales au sol. Y associer un inventaire géolocalisé des sources lumineuses publiques (DGPR, Ademe). 4.2. Comment intéresser les particuliers et donc le grand public ? 4.2.1. Par la sensibilisation, l'éducation, la formation et l'information Au regard de la prise de conscience plutôt lente de la population sur la pollution lumineuse et du caractère sociétal de la nuit, il semble nécessaire pour la mission de renforcer notablement la sensibilisation des publics à ce sujet. Le passage d'un éclairage généralisé à un éclairage sobre semble être pour la mission une question de génération et un travail de long terme. En effet, la rénovation globale du parc d'éclairage public au rythme actuel est prévue sur une période supérieure à une classe d'âge (30 ans). Quant à l'impact de la pollution lumineuse sur la biodiversité, il apparaît à la mission encore largement méconnue du grand public. La communication vis-à-vis des générations futures sur ces sujets de développement durable a jusqu'à présent été dirigée sur des axes très visibles comme les déchets et le tri sélectif par exemple. Il semble opportun de prévoir une évolution du contenu des programmes scolaires en matière de biodiversité en y intégrant la lumière excessive. Il existe d'ailleurs une réelle opportunité avec le discours médiatique actuel sur les excès d'écran (lumière blanche et bleue) pour les plus jeunes. Sur le plan de l'éducation, des expériences pédagogiques pourraient être menées ; des promenades nocturnes en classe verte ou non, avec ou sans les parents pourraient constituer des étapes de sensibilisation et d'éducation des populations aux enjeux de la reconquête de la nuit. Pour la mission, des actions de sensibilisation et de formation des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux en charge de l'éclairage public paraissent particulièrement nécessaires pour privilégier une approche d'adhésion plutôt que de sanction. De même, l'information du public peut être améliorée par une meilleure lisibilité des normes photo-biologiques : le risque zéro de la norme NF EN 62471 n'apparaît pas systématiquement sur l'étiquette des ampoules, mais seulement lorsque ce niveau n'est pas atteint. Le public ne dispose pas de signalétique complète lui permettant de savoir quel est l'impact sur la biodiversité et la santé humaine de l'utilisation des ampoules. La mission estime nécessaire de signaler l'impact des ampoules sur l'environnement, notamment des Leds, et suggère qu'une réflexion soit engagée sur l'évolution de l'étiquetage, faisant état clairement de la pollution lumineuse. 4.2.2. Par la concertation Pour tout changement qui touche le quotidien de nos concitoyens, la concertation est aujourd'hui une démarche reconnue et réclamée qui s'avère le plus souvent efficace. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 52/106 PUBLIÉ Sur le thème de la pollution lumineuse, la mission a constaté plusieurs niveaux de concertation réalisés notamment par les élus locaux auprès de leurs administrés : · pas de concertation, si ce n'est un débat au sein du conseil municipal et une délibération à la disposition de tous, · une concertation minimum avec les associations concernées sans prise en compte particulière des habitants, · une vaste concertation, accompagnée d'actions pédagogiques et d'une implication effective des habitants (balades nocturnes à Lille). La mission propose de généraliser la concertation de la population ; elle pourrait comprendre une notion de budget participatif. Les administrés seraient incités à prioriser les actions et les investissements financiers. Une concertation pourrait être également engagée avec les réseaux ou associations sportives et culturelles, par exemple avec l'association des élus du sport (ANDES), pour les stades des petites communes, qui nécessitent une vigilance particulière, les niveaux d'éclairage étant souvent élevés au regard du besoin. 2. Sensibiliser les publics aux enjeux de la pollution lumineuse par la formation, l'information (évolution de l'étiquetage) et par l'association des citoyens aux décisions d'investissement et de gestion. 4.3. Les entreprises et services, des parties prenantes incontournables (y compris publicitaires) La lumière extérieure, qu'elle soit publique ou privée, génère différents impacts économiques puisque le secteur représente aujourd'hui de nombreux emplois en France. Cette filière structurée par différentes instances nationales a bien évidemment l'ambition de développer ses marchés grâce à la recherche et l'innovation. Elle a conscience aussi des enjeux qui se jouent et pourrait en tirer profit avec, à la clé, la création de nouveaux emplois et métiers dits de la croissance verte. La mission a souligné dans le présent rapport l'utilité de faire appel à des professionnels de l'éclairage comme des concepteurs lumière. Il n'existe, à ce jour, aucune formation diplômante reconnue par l'État ou qualifiante en la matière. Les concepteurs lumière viennent principalement du monde du spectacle vivant et de l'architecture. Les professionnels ont souligné fortement ce manque. Les ministères en charge de la culture et de l'enseignement supérieur pourraient proposer la création d'une formation diplômante ou d'une spécialité dans le cursus des étudiants en architecture, trop peu sensibilisés à ces questions. En outre, une sensibilisation accrue pourrait être dispensée auprès des professionnels à travers la formation des installateurs et vendeurs via les fédérations, syndicats et associations professionnels (AFE, FFB, CAPEB, Medef). Par ailleurs, la pollution lumineuse pourrait être intégrée dans la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) qui désigne leur prise en compte volontaire des enjeux environnementaux, sociaux et éthiques dans leurs activités. Les interactions internes (salariés, dirigeants) et externes (fournisseurs, clients) seraient ici l'occasion de mobiliser et de valoriser facilement des actions concrètes. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 53/106 PUBLIÉ 4.3.1. La normalisation, une demande des entreprises Le chantier de la normalisation technique devrait être repris, tant au niveau européen que national. Au niveau européen, comme vu au point 3.2, l'impact que produit la normalisation européenne sur les fabricants d'ampoule est significatif. Ainsi, la directive « écoconception » de 2009 continue d'orienter le marché des ampoules avec l'interdiction de ventes d'ampoules halogènes depuis le 1er septembre 2018. Les autorités françaises pourraient susciter une actualisation de la normalisation européenne en matière d'éclairage impactant la biodiversité, par exemple sur les températures de couleur des Leds. Au niveau national, l'ensemble des acteurs relèvent la grande technicité du sujet, ce qui milite pour la relance des travaux de normalisation de la norme X90-013 déjà évoquée. De même, la norme applicable à l'éclairage des installations sportives NF EN 12193 pourrait être complétée avec un niveau de kelvin pour la température de couleur. Ce complément permettrait de savoir, pour cette norme de 2008, si les caméras TV d'aujourd'hui nécessitent toujours autant d'éclairage. Selon les avancées de ce chantier de normalisation, il pourrait être envisagé d'en adosser le contenu à la réglementation elle-même. Enfin, la normalisation doit être reprise dans les cahiers des charges des collectivités maîtres d'ouvrage. Ils sont en effet à actualiser, notamment pour y insérer les températures de couleur (2700 Kelvin maximum) et spectres lumineux les moins impactants. 3. Utiliser et compléter la normalisation, comme un outil efficace de la prévention de la pollution lumineuse, en collaboration avec le monde économique et les ONG. 4.3.2. La réglementation : un nécessaire rapprochement des textes en vigueur Il semble délicat, sur un sujet encore aussi émergent, hormis la prise d'arrêtés d'application des décrets existants en cours, de compléter la réglementation de manière trop sensible par rapport aux dispositions en vigueur déjà opposables aux particuliers et surtout aux collectivités. La mission relève également que les élus locaux disposent de certains moyens juridiques d'actions qui n'ont pas été encore pleinement utilisés. Ainsi, des nouveaux lotissements qui font l'objet d'un permis d'aménager peuvent déjà nécessiter, selon leur taille, une étude d'impact environnemental. Ils doivent aussi comporter un projet architectural, paysager et environnemental94 qui reste à développer sur la qualité environnementale de l'éclairage. Aussi, il est proposé de mobiliser pleinement les outils déjà existants, tout en intégrant davantage la prévention de la pollution lumineuse dans l'ensemble des réglementations concernées. 94 Réf : article R. 442-5 du code de l'urbanisme. À la reconquête de la nuit Page 54/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Une harmonisation des réglementations sectorielles concernant des équipements ou des installations ayant le même impact négatif en termes d'éclairage excessif apparaît particulièrement nécessaire. En conséquence, il est proposé que l'accent soit mis sur l'éclairage public excessif, par la suppression des ampoules et des équipements lumineux associés les plus néfastes, et sur la publicité lumineuse ; cette dernière apparaît comme un risque susceptible de croître de manière exponentielle en milieu urbain. Cette harmonisation doit être source de simplification réglementaire, et non de complexité supplémentaire. Ainsi, elle pourrait prévoir l'utilisation de seuils techniques communs et consensuels (sur la puissance lumineuse, l'orientation des lampadaires ou la température de couleur, inscrits dans la réglementation ou dans des normes d'éclairage à actualiser sur le plan environnemental). Par ailleurs, nous sommes tous concernés par la pollution lumineuse, au regard des différents risques environnementaux. Or, partager les risques, c'est partager la responsabilité, mais aussi les efforts pour y remédier. Ainsi, comment imposer à un commerçant d'éteindre sa vitrine si le stade municipal voisin reste allumé toute la nuit ? Comment exiger d'un exploitant d'ICPE de changer ses ampoules ou d'installer des détecteurs de présence si le centre commercial limitrophe conserve allumées toutes ses publicités lumineuses ? Pour la mission, le rapprochement prioritaire est à effectuer avec le régime de la publicité, dont on a vu précédemment la grande complexité. À partir de ce rapprochement normatif, la circulaire du 5 juin 2013, relative aux contrôles des extinctions nocturnes, pourrait être revue, avec une approche commune des contrôles de l'éclairage et des publicités lumineuses excessifs. En équité, il conviendrait que les exigences de modération d'éclairage soit mieux partagées entre collectivités, publicitaires, commerçants, entreprises et gérants d'immeubles de bureaux ou de centres commerciaux, exploitants d'ICPE, et citoyens... Pour ces derniers, le vecteur législatif ou réglementaire est encore inadapté : seule une actualisation des normes techniques des ampoules mises en vente, ainsi qu'une action de sensibilisation (cf. plus haut) apparaissent pertinentes. 4.3.3. Les sanctions : privilégier une approche d'adhésion Comme évoqué au point 3.2.3, le régime de sanctions actuel n'est pas satisfaisant. Un choix de régime juridique répressif harmonisé et adapté aux enjeux nationaux de la pollution lumineuse, c'est-à-dire privilégiant l'amende administrative, pourrait intervenir. En outre, il conviendrait de favoriser une approche principale d'adhésion aux dispositifs de prévention de la pollution lumineuse, avant de prévoir une démarche répressive. Par exemple, les unions locales de commerçants pourraient être sensibilisées aux différents enjeux d'un éclairage sobre : obligation d'extinction nocturne des vitrines mais aussi vigilance sur les éclairages éblouissants (enseignes, projecteurs, panneaux lumineux). S'agissant de l'extinction, une étude rapide d'absence d'impact commercial pourrait renforcer cet argumentaire95. 95 À la connaissance de la mission, cette étude n'existe pas encore. À la reconquête de la nuit Page 55/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ De plus, le caractère temporaire et répété des comportements causant des nuisances lumineuses incite à privilégier des « rappels à la loi et au civisme », qui peuvent émaner d'abord des riverains, puis des autorités locales. La non prise en compte dans un délai raisonnable de ces avertissements préalables, formulés par le maire par courrier par exemple, à la suite de signalement de riverains sur un site internet dédié, pourrait rendre plus pédagogiques les ­ rares ­ sanctions administratives qui interviendraient in fine. Les sanctions administratives sous astreintes apparaissent ici pertinentes et dissuasives. Les agents verbalisateurs relevant de la collectivité (agents de police municipaux) ou de l'État (inspecteurs de l'environnement eau et nature) 96 ne seraient alors sollicités que de manière marginale, à la suite de nuisances constatées et réitérées, ce qui faciliterait une intervention efficace, ciblée et en définitive assez rare. 4. Intégrer davantage la prévention des nuisances lumineuses dans les politiques sectorielles et leur réglementation, notamment pour les panneaux publicitaires lumineux et les sites industriels et commerciaux. Prévoir un dispositif unifié de sanction administrative pour toutes les installations lumineuses excessives, y compris les enseignes et panneaux publicitaires. 4.3.4. Une campagne d'information des unions commerciales nationales Il a été constaté ces dernières années l'implantation de zones commerciales, et donc de parkings, aussi bien en milieu urbain que rural, restant la plupart du temps éclairées chaque nuit. Ce même constat a été fait pour l'éclairage des vitrines au-delà de l'heure légale malgré la nouvelle réglementation au 1er juillet 2018. Il pourrait être demandé aux unions commerciales françaises de lancer une campagne d'information auprès de leurs adhérents sur les impacts environnementaux et les réglementations applicables encore souvent ignorés par ces acteurs économiques. 4.4. Apporter des réponses adaptées aux collectivités Au regard de l'importance du rôle des collectivités en matière d'éclairage, du besoin d'appui remonté à la mission et du développement de pratiques innovantes qui apparaissent transférables, un guide issu des bonnes pratiques existantes, adapté aux situations des communes, serait très utile. Parmi les bonnes pratiques à retenir et à diffuser, la mise en place de diagnostics sur la biodiversité et les besoins réels d'éclairage selon les zones semblent ici un préalable à une planification porteuse et adaptée au contexte local. 5. Inciter les collectivités à réaliser un diagnostic intégré (besoins réels, biodiversité...) préalable à tout nouveau projet de création ou de rénovation de l'éclairage public. Élaborer un guide des bonnes pratiques. 96 Compétence des agents de police municipaux: cf. article L. 583-3 du code de l'environnement et QE Zimmermann ci-dessous : _http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-102858QE.htm Compétence des agents de l'État: le contenu du I de l'article L. 172-1 relatif aux missions des inspecteurs de l'environnement et de la nature prévoit bien le titre VIII du livre V ( pollution lumineuse) Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 56/106 PUBLIÉ 4.4.1. Envisager une planification spatiale de la pollution lumineuse dans des outils existants Les outils de planification déjà existants dans la réglementation permettent de prévoir des aménagements lumineux plus sobres et moins préjudiciables à l'environnement. Parmi ces outils, le PCAET serait, pour la mission, un échelle d'action pertinente et efficace, y compris par le renforcement de la trame verte et bleue. Systématiser la réflexion autour des trames étoilées dans les PCAET permettrait de favoriser leur diffusion, voire de les retenir comme un indicateur significatif de la montée en puissance de cette préoccupation. À cet égard, le principe retenu par les diverses réglementations précitées, qui consiste à privilégier les zones hors agglomérations dans les priorités de préservation de la biodiversité apparaît de bon sens et à maintenir, à condition de mieux harmoniser les définitions. Dans les zones urbaines les plus densément peuplées, la réduction de la pollution lumineuse ne peut être que progressive, voire limitée. En revanche, la mission considère que les zones péri-urbaines sont des zones de transition lumineuse dans lesquelles des mesures de protection pourraient être utilement établies, voire renforcées, bien qu'elles soient comprises dans le périmètre réglementaire de certaines agglomérations. Par ailleurs, la limite des PCAET demeure leur niveau intercommunal. Aussi, la mission propose de décliner le contenu des PCAET dans chacun des PLU et PLUI afin de couvrir l'ensemble des collectivités à un échelon pertinent par rapport aux missions de police de l'éclairage qui restent confiées au maire. Les PLU et PLU(I), avec leur PADD respectif, sont identifiés par la mission comme vecteurs de l'organisation spatiale de l'action concrète contre la pollution lumineuse. Au vu de la complexité de la situation normative, la mission propose d'expérimenter l'intégration de la pollution lumineuse dans les PLU sous divers angles. Des dispositions prescriptives en matière de pollution lumineuse seraient à prévoir à l'occasion des extensions urbaines dans les zones publiques d'éclairage public et privé. Sans attendre, le maire peut d'ores et déjà assortir le permis d'aménager d'exigences relatives à l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés (article L. 332-15 du code de l'urbanisme). Il pourrait être aussi proposé des seuils techniques permettant d'assurer mieux la sobriété lumineuse, notamment sur les nouvelles zones d'aménagement concerté (ZAC), par exemple : un seul luminaire pour 300 m² de ZAC ou 0,5 watt installé par m² aménagé, la réduction de la hauteur moyenne des mâts d'éclairage dans certains espaces, un niveau d'ULOR, une variabilité des flux ou enfin un éclairage de couleur différencié pour les passages piétons... L'intégration du RLP dans le PLU participera aussi de cette expérimentation, en prévoyant des prescriptions coordonnées entre l'éclairage public, les publicités et enseignes lumineuses. Réexaminer le critère juridique de l'agglomération en privilégiant celui de la densité serait également de nature à simplifier le dispositif. Cette actualisation du contenu du PLU pourrait intervenir à l'occasion des révisions périodiques des PLU, et être modulée selon les quartiers, avec une vigilance accrue sur les zones de transition lumineuse abrupte entre les zones naturelles et urbanisées. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 57/106 PUBLIÉ Une expérimentation de ces dispositifs pourrait être conduite par des collectivités volontaires. L'idée est bien d'aboutir à l'élaboration d'un « plan lumière » prescriptif et cohérent au sein du PLU ou PLU(I), favorisant une réelle sobriété lumineuse et prenant en compte les différents impacts de la lumière artificielle, tout en étant adapté au contexte local. 6. Intégrer pleinement la pollution lumineuse dans les documents de planification préexistants à différents niveaux : SRADDET, PCAET, PLUI ou PLU. 4.4.2. Un partenariat avec les syndicats d'électricité à renforcer La mission a constaté les difficultés pour les collectivités de petite taille d'engager des rénovations du réseau d'éclairage public d'ensemble. Certains élus sont contraints d'éteindre l'éclairage public sans pouvoir l'adapter avec finesse aux réalités locales. Cette situation n'est pas satisfaisante (cf. annexe « extinction des feux »). Pour faire face à ce défi, il paraît souhaitable que les petites collectivités décident de mutualiser plus sensiblement leurs coûts de rénovation. Il est difficile de préconiser une collectivité chef de file d'un échelon territorial privilégié dès lors que les transferts de compétence de l'éclairage public aux EPCI n'ont été que partiels. Le regroupement au niveau d'un EPCI, pour cette compétence, n'est valable que pour les collectivités locales d'une certaine taille et pas pour les petites communes qui souhaitent la conserver. Un regroupement au niveau départemental, par les syndicats d'énergie, de la compétence éclairage public et réseau, constituerait un axe de progrès. Le syndicat d'énergie paraît le seul lieu de compétences techniques et moyens économiques dimensionné aux réalités d'aujourd'hui. Pour autant, leur sensibilisation sur l'usage approprié des normes et la prise en compte des impacts de la lumière artificielle sera à renforcer. La mission incite donc fortement les petites collectivités à adhérer à des syndicats d'énergie. L'appropriation de la rénovation par les collectivités passe par un diagnostic technique et environnemental précis du dispositif d'éclairage. Du fait des difficultés de recensement des informations sur les installations d'éclairage présentes et l'absence de mesures fines en matière de biodiversité à leurs abords immédiats, la mission propose de profiter des opportunités offertes par la rénovation de l'éclairage public pour prévoir un diagnostic préalable local avant d'implanter un nouvel éclairage public. Ce diagnostic systématique permettrait d'identifier la biodiversité environnante, les besoins réels d'éclairage de la population, de mesurer l'état du parc lumineux, les sources les plus gênantes et les économies possibles en y intégrant le coût complet (installations et réseaux, abonnement et consommations, maintenance). 4.4.3. Stocks d'ampoules non conformes : un passif à résorber La mission a constaté que les collectivités étaient incitées par certains fabricants/fournisseurs à constituer des stocks d'ampoules importants. Cette logique aboutit aujourd'hui à la présence dans ces stocks d'un nombre élevé d'ampoules Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 58/106 PUBLIÉ interdites par les réglementations les plus récentes, notamment européennes (directive écoconception). Attendre leur disparition par leur seul usage revient à reporter d'autant les progrès en matière de pollution lumineuse. Aussi, il convient d'inciter les collectivités à se défaire dès aujourd'hui d'au moins une partie de leurs stocks d'ampoules obsolètes et les encourager à une action spécifique avec Recyclum. 7. Proposer le lancement par l'Ademe d'un appel à projet sur le remplacement des lampes les plus impactantes pour l'environnement, sur la base de l'inventaire (cf. recommandation 1). 4.4.4. Des cahiers des charges type à destination des collectivités Plutôt que d'imposer un contrôle théorique, la mission propose de généraliser des cahiers des charges types (le contenu du cahier des charges Ademe pour les CEE va dans ce sens même s'il est perfectible) facilitant, pour les collectivités, la prise en compte de plus grandes exigences environnementales dans leur approche des chantiers de rénovation d'éclairage. Lors de l'élaboration des projets, la place des concepteurs lumières et des bureaux d'étude indépendants, à même de faciliter des démarches efficaces, économiques et environnementales, est à encourager, dans un secteur économique où les collectivités se voient proposer des services de conseils qui émanent trop souvent des seuls fabricants d'équipements. 4.4.5. Des besoins financiers et d'accompagnement toujours indispensables Les collectivités locales génèrent 70 % des investissements en France97. La rénovation d'un éclairage public pour une ville moyenne se situe aux alentours de 8 millions d'euros. Or, nous connaissons aujourd'hui les difficultés des collectivités locales et de leurs budgets de plus en plus tendus. Elles ont toutes exprimé à la mission la nécessité d'un accompagnement financier. À ce jour, elles engagent généralement la rénovation de leurs éclairages ou procèdent à l'extinction uniquement pour des questions d'économie d'énergie. Elles prennent pourtant conscience de l'enjeu de la pollution lumineuse, surtout dans les agglomérations et métropoles. Il pourrait être envisagé de bonifier les dotations d'investissement des collectivités locales en cas de pratique vertueuse lors de rénovations de leur parc d'éclairage grâce à une valorisation financière par les CEE. Nous avions sollicité la Caisse des dépôts et consignations qu'il ne nous a pas été permis de rencontrer. La banque des collectivités doit pourtant jouer à notre avis un rôle important auprès des communes et intercommunalités. Le dispositif « territoires d'innovation de grande ambition » (TIGA), doté de 450 millions d'euros sur 10 ans, est géré par la Caisse des dépôts au titre du programme d'investissements d'avenir. Son ambition est d'accompagner à terme 10 projets de 97 Associations d'élus (ARF, ADF, AMF). À la reconquête de la nuit Page 59/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ territoires, d'intérêt national, qui articulent l'innovation dans le domaine de l'excellence environnementale, les initiatives publiques et les ressources académiques, scientifiques, économiques et industrielles. En citant le dispositif TIGA, programme qui vise à faire éclore ou promouvoir des « écosystèmes territoriaux », il nous semble que la pollution lumineuse pourrait être mise en exergue davantage qu'elle ne l'est dans l'ensemble des appels à manifestation d'intérêt auxquels les collectivités peuvent prétendre. Certains projets sont aussi cofinancés avec des fonds européens (FEDER) gérés depuis la loi NOTRe par les régions. Trop peu de dossiers sont déposés dans ce sens. La mission a eu connaissance du projet « Luciole » à Lille qui a pu bénéficier de ces fonds européens. Suite à l'accord de Paris sur le climat et à la loi de transition énergétique pour la croissance verte, la France a émis en janvier 2017 sa première obligation souveraine verte avec la volonté de financer des politiques climatiques et environnementales de manière innovante. Environ 10 milliards d'euros de dépenses vertes éligibles ont été identifiés au sein du budget de l'État, contribuant à quatre objectifs : la lutte contre le changement climatique, l'adaptation au changement climatique, la protection de la biodiversité et la lutte contre la pollution. Plus précisément, ces obligations concernent par exemple les aides de l'État pour l'efficacité énergétique, la recherche sur les énergies renouvelables, l'observation et la recherche sur la pollution atmosphérique, ou encore la protection de la biodiversité. La mission propose qu'un mode de financement via des obligations vertes soit proposé pour lutter contre la pollution lumineuse. 8. Bonifier les capacités d'investissement des collectivités locales grâce à une valorisation financière par les certificats d'économies d'énergie intégrant davantage la pollution lumineuse. Proposer un nouveau mode de financement via des obligations vertes qui aideraient les projets des collectivités locales. 4.5. Gouvernance : un pilotage national à organiser et un plan de communication à développer 4.5.1. Pour que l'État soit exemplaire Dans bien des domaines, il est reproché à l'État d'imposer des directives qu'il ne s'applique pas à lui-même. La mission a recueilli toujours spontanément des témoignages faisant le constat de l'éclairage nocturne des bureaux et notamment celui du ministère de la Transition écologique et solidaire, situé à Paris-La Défense. Une recommandation du ministre du MTES à ses autres collègues du Gouvernement pourrait être faite pour limiter l'éclairage des bâtiments appartenant à l'État. Le pilotage national requiert une coordination des directions d'administration centrale sous l'égide de la DGPR qui aurait un mandat particulier, voire une lettre de mission. En appui technique, les rôles de l'Ademe et du Cerema sont à clarifier. Ce dernier a toutes les compétences techniques mais n'est plus aujourd'hui le seul point d'appui de la DGPR (cf. l'étude en cours faite par le CSTB sur les nouveaux projets d'arrêtés). Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 60/106 PUBLIÉ Au vu de ce qui précède, il convient de structurer un pilotage national favorisant l'appropriation des objectifs de sobriété lumineuse par tous les acteurs. Aussi, à travers les nombreuses rencontres organisées par la mission, il se dégage la nécessité d'élaborer un plan lumière national. À l'instar du Conseil national de la transition énergétique (CNTE), une structure légère, pourrait être crée, un Conseil national de la lumière, constitué et nommé par le ministre du MTES présidé par un élu, intégrant les représentants des parties prenantes (État, collectivités, syndicats de l'éclairage, ONG). Il serait chargé de valider un plan d'actions concrètes et d'assurer le suivi de sa mise en oeuvre. Il rendrait en outre plus visible la mobilisation des pouvoirs publics sur cet objectif. À défaut, ou en complément, s'agissant d'un sujet de santé-environnement, la mission préconise l'inscription du sujet de la pollution lumineuse dans le 4e plan national santé environnement, ce qui pourrait faciliter sa prise en compte, tant dans les commandes passées aux organismes de recherche, que dans les plans régionaux santéenvironnement. 9. Créer un Conseil National de la Lumière chargé de valider et de suivre un « plan lumière » (DGPR). A défaut, ou en complément, intégrer le sujet de la pollution lumineuse dans le 4e plan national Santé Environnement (PNSE 4) (DGPR, DGS). Définir un pilotage national avec un chef de file identifié (DGPR) accompagné d'un correspondant dédié dans chaque direction d'administration centrale (DEB, DGEC, DHUP, DGS...) et dans chaque ministère concerné (santé, sport, culture, intérieur...). 4.5.2. Des indicateurs simples et peu coûteux à définir Il n'existe aujourd'hui aucun indicateur commun qui permette de suivre l'évolution de la pollution lumineuse. Or, différents interlocuteurs ont insisté sur l'importance de références normatives et d'indicateurs nationaux, partageables et transposables au niveau local. Les éléments recueillis en matière d'indicateurs de la pollution lumineuse (voir tableau en annexe 3) doivent permettre de mesurer l'évolution de la pollution lumineuse, ses différents impacts mais aussi les progrès de l'action publique et privée. Au niveau local/régional, ils doivent pouvoir traduire le caractère multi-dimensionnel de la pollution lumineuse. Au niveau national, ils doivent être parlants, incontestables, en acceptant qu'ils ne rendent pas compte de la totalité du phénomène et soient affinés à une échelle plus réduite avec des objectifs de court, moyen et long terme. Trois types d'indicateurs pour suivre les pressions, impacts et mieux piloter l'action pourraient être utilisés par le Conseil national de la lumière. 1/ Indicateurs de pression : Au niveau national, il est proposé, en s'appuyant sur les travaux de cartographie susmentionnés, de viser en premier lieu la sobriété lumineuse. L'indicateur de cette sobriété paraît être en priorité le nombre de points lumineux (sources Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 61/106 PUBLIÉ lumineuses publiques et privées)98. Même si l'inventaire ne peut aujourd'hui en être complet, il existe des bases suffisantes pour les évaluer sur le fondement des actuels diagnostics locaux. Au niveau communal, intercommunal et régional, il s'agit surtout de favoriser des progrès concrets de l'éclairage reposant sur des diagnostics partagés et des plans lumière concertés, en s'appuyant sur une connaissance des sources lumineuses et des équipements. C'est à ce niveau territorial que certains indicateurs caractérisent les principales dimensions de la pression lumineuse : nombre de points lumineux, orientation des éclairages, puissances lumineuses. Une meilleure qualité des spectres visant globalement des sources lumineuses <3000k, en s'appuyant sur des échanges dans le cadre des PCAET, devrait être en outre prévue au niveau local et adaptée à la sensibilité des milieux naturels identifiés. Enfin, il paraît essentiel que les sources lumineuses privées soient intégrées tant à la cartographie qu'aux objectifs locaux de réduction des pressions. 2/ Indicateurs de la biodiversité : La mission propose d'identifier deux à trois taxons cibles « parapluies », permettant d'étalonner l'évolution de la biodiversité et de la suivre dans le temps. À court terme, il est proposé de choisir un taxon, déjà suivi, au niveau national et européen : les chauves-souris, pour développer spécifiquement sur cette base la mesure de l'impact de l'éclairage artificiel sur la biodiversité (AFB). Un organisme, le Centre d'écologie et des sciences de la conservation (CESCO), pourrait l'aménager et l'alimenter. Pour la mission, un indicateur sur les chauves-souris semble être le moyen le plus utile, compréhensif et pédagogique pour l'ensemble des acteurs et de nos concitoyens. Ce taxon est déjà largement cité et étudié pour sa vie quasi exclusivement nocturne et subit un ensemble large d'impacts de la lumière artificielle néfastes à son cycle de vie et à sa pérennité. Il est en outre déjà inscrit dans les indicateurs de suivi par l'AFB, qui pourrait le prendre en charge en lien avec les parcs nationaux. Il est recommandé de déterminer d'ici un an un taxon pour le milieu aquatique marin (DEB, DAM, AFB). En effet l'impact sur ce milieu paraît peu suivi. La DEB et l'UMS Patrinat pourraient proposer en lien avec la direction des affaires maritimes (DAM), un indicateur de l'état de la biodiversité pour le milieu aquatique en reprenant si possible ceux issus de la directive cadre stratégie milieux marins (DCSMM). 3/ Indicateurs d'action et calendrier : Dans un calendrier réaliste, il apparaît nécessaire de hiérarchiser les priorités de rénovation, les actions sur les équipements les plus polluants au plan national pour y associer plus facilement une éventuelle aide financière publique, pour aller au-delà des 3 % de rénovation de l'éclairage public par an et favoriser la création de trames étoilées (cf. page 57). La mission propose différents types d'indicateurs au niveau national. 98 Certes, les points lumineux peuvent être plus nombreux avec un flux lumineux diminué, comme dans certaines démarches innovantes (exemple notamment à Lille) mais au niveau global national et au regard des constats faits par la mission, cet indicateur générique de sobriété paraît utile. Si besoin, il pourrait être combiné avec un indicateur portant sur les puissances lumineuses. Ces indicateurs, pour dépasser le stade d'une bonne estimation, supposeront des progrès dans la fourniture des données et la géo-localisation des sources lumineuses. À la reconquête de la nuit Page 62/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ · À court terme, indicateur de renouvellement du parc public grâce au nombre d'opérations de rénovation d'éclairage public effectués sur la base de CEE rénovés plus environnementaux (fiche RES ­ EC-104) (Ademe) et disparition des sources lumineuses les plus énergivores et nocives pour l'environnement : lampes à vapeur de mercure et lampadaires boules d'ici 6 ans. Un suivi précis de cette action devra être effectué. Cet objectif suppose d'intégrer les délais de mise en conformité des équipements lumineux avec ceux de la rénovation des réseaux qui y sont liés. Six ans semblent un délai raisonnable dans ce cas. Cette proposition proposerait comme objectif aux maires le changement au minimum des boules (15 % du parc) pendant leur prochain mandat de 6 ans à partir des élections municipales de mars 2020. · À court terme encore, indicateurs des progrès de la planification : nombre de PCAET prenant concrètement en compte les impacts nocifs des sources publiques et privées de lumière artificielle (AFB et administrations centrales) ; nombre de nouveaux PLU ou PLUI/an, intégrant un plan lumière dans le PADD, à compter de 2019 (DGALN) ; nombre de trames étoilées et d'actions de diagnostics du biotope impulsées par les parcs naturels, en appui des collectivités (AFB et parcs naturels, DGALN). · À moyen terme, indicateur d'intégration de seuils nouveaux pertinents issu des dernières études scientifiques sur la biodiversité comme la température de couleur (<3000 Kelvin) et disparition des lampadaires les moins bien orientés : ULOR <1. Pour ces différents indicateurs, une consultation auprès d'organismes représentatifs pourrait être menée dans les mêmes conditions que pour l'élaboration des textes réglementaires relatifs à la pollution lumineuse. 10.Définir des indicateurs pour mesurer la pression lumineuse environnementale, l'évolution de la biodiversité nocturne et les progrès de l'action publique : - Suivre l'évolution du nombre de points lumineux au plan national. - Valoriser les indicateurs nationaux de biodiversité sur l'impact de la pollution lumineuse sur les chauves-souris. - Créer un indicateur de renouvellement du parc public grâce au nombre d'opérations de rénovation d'éclairage public effectuées par an et prévoir un suivi de la planification intégrant la pollution lumineuse. 4.5.3. Des concepts et une communication adaptée à différentes cibles Une mobilisation sur la pollution lumineuse en vue de sa meilleure appropriation et d'une efficacité de cette politique passe aussi par une communication nationale, demandée par les élus que nous avons rencontrés. Une trame « étoilée » : Les trames vertes et bleues désignent officiellement depuis 2007 un des grands projets nationaux français issus du Grenelle de l'Environnement. La partie « verte » désigne les milieux naturels et la partie « bleue » les milieux aquatiques et humides. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 63/106 PUBLIÉ Le vert et le bleu, facilement compréhensibles, ont favorisé la montée en puissance et la multiplication de ces zones de sensibilité. Depuis quelques années, apparaît le concept de trame noire. Comme évoqué au début du présent rapport, la nuit et le noir restent dans l'inconscient collectif synonyme de crainte et d'angoisse. La mission suggère la terminologie de trame « étoilée ». Depuis les temps ancestraux, à l'inverse de la nuit qui fait peur, l'étoile est le signe de l'éternité. Elle nous indique la route à suivre. Bref, sa valeur positive est forte. Une nuit nationale annuelle de lutte contre la pollution lumineuse : Différents temps existent aujourd'hui pour sensibiliser l'opinion publique et rappeler le coût pour la planète de l'énergie consommée chaque jour et notamment avec l'Earth Hour, organisée par le Fonds mondial pour la nature (WWF). Cette manifestation consiste à éteindre pendant une heure les monuments emblématiques (Tour Eiffel à Paris par exemple). La Nuit des Étoiles, qui vient de fêter sa 18e édition99, remporte également un beau succès et commence à être médiatisée, avec plus de 470 manifestations en France pour permettre de contempler la voûte céleste. Les initiatives proposant, notamment aux collectivités, d'éteindre le temps d'une nuit leur éclairage public en organisant par exemple avec leurs habitants des balades nocturnes, démontrant l'importance du sujet et l'ensemble des impacts et enjeux pourraient être rendues davantage visibles par une communication renforcée au plan national100. Un prix « étoilé : À l'instar du label « Villes et villages étoilés » imaginé par l'ANPCEN, les entreprises et commerçants les plus vertueux sur la pollution lumineuse pourraient être lauréats et se voir attribuer un prix « étoilé » organisé par le MTES. Un kit de communication nationale : Outre la création d'un logo spécifique et rapidement identifiable, il pourrait être créé un kit de communication à destination de différents publics et notamment les scolaires et les commerçants dans un premier temps. Différents outils ont fait leur preuve, par exemple un autocollant à apposer sur les vitrines des commerçants et autres activités commerciales sobres en éclairage des vitrines. Pour porter davantage le discours sur la pollution lumineuse, la mission suggère de reprendre l'idée d'une mascotte à laquelle le grand public pourrait facilement s'identifier. Ce concept avait déjà été conduit avec succès dans les années 80 avec la mascotte « antigaspi ». Pour la pollution lumineuse, la chouette semble un vecteur presque naturel et sympathique. Un slogan choc tel que « Éteindre, c'est chouette ! » pourrait opportunément accompagner une campagne de sensibilisation du grand public. 99 100 À l'initiative de l'Association française des astronomes (AFA). Exemple de la manifestation « le jour de la nuit » organisée en octobre tous les ans. À la reconquête de la nuit Page 64/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ La création d'un appel à projet en partenariat avec la French Tech : Création d'un appel à projet spécifique « pollution lumineuse » grâce à l'innovation de jeunes entreprises qui pourrait proposer un prototype type Odelco avec jallume.fr, application qui permet aux collectivités de couper leur éclairage public une partie de la nuit en laissant à leurs habitants, utilisateurs de smartphone, le soin de rallumer leur rue, si elle est peu passante, selon leurs besoins.101 Conclusion : les différentes propositions faites par la mission dans cette partie ont vocation à nourrir un plan « lumière » national sous l'égide d'un conseil de la lumière, représentant ses principaux acteurs. Pour la mission, au-delà de leur contenu qui donnera lieu à des priorisations, à bien des échanges indispensables et devra être affiné, il importe avant tout, par une gouvernance plus affirmée et unifiée, de passer d'une émergence prometteuse à une action soutenue dans le temps garantissant davantage une meilleure intégration environnementale, sociétale et énergétique de la politique de l'éclairage. 101 Cette initiative nécessite le choix de rues peu passantes, au regard des impacts de l'allumage/extinction trop fréquent sur le voisinage humain et animal. À la reconquête de la nuit Page 65/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Conclusion D'un sujet anecdotique de prime abord, la pollution lumineuse s'avère toucher chacun de nous et nécessite une mobilisation nationale inédite qui serait aussi un signe précurseur de l'implication des autorités publiques françaises dans la recherche de la préservation de la biodiversité. C'est à la fois un sujet de santé-environnement, de fonctionnement harmonieux des écosystèmes et un pas vers un monde moins énergivore. La mission est persuadée que cette mobilisation est possible en commençant par des axes de progrès directs et évidents : le plein effet des textes existants, des contrôles ciblés et dissuasifs, une ambition de diffuser le message de l'éclairage excessif et nuisible dans tous les domaines des sources d'éclairage : éclairage public, privé, publicité... et ce, quelle que soit leur localisation, urbaine ou rurale. Elle propose également d'accentuer la diffusion de la préoccupation lumineuse à certaines réglementations et relancer l'ambition environnementale de la normalisation. Enfin, elle souhaite insister sur le nécessaire renforcement de la sensibilisation du grand public aux enjeux de biodiversité et de santé publique en matière de pollution lumineuse. La pollution lumineuse est un sujet sur lequel on ne doit pas opposer artificiellement extinction des feux et rénovation de l'éclairage public ; il faut au contraire les combiner dans une approche globale de « sobriété lumineuse ». Comme pour tout sujet émergent à forte portée symbolique, une prise de conscience sociétale est indispensable pour apprécier collectivement qu'un éclairage excessif (public ou privé) n'est plus seulement inutile et coûteux mais désormais aussi nuisible à tous. Isabelle AURICOSTE Jean-François LANDEL Maryline SIMONÉ Chargée de mission Inspecteur de l'administration du développement durable Inspectrice générale de l'administration du développement durable Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 66/106 PUBLIÉ Annexes Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 67/106 PUBLIÉ 5. Lettre de mission Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 68/106 PUBLIÉ Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 69/106 PUBLIÉ Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 70/106 PUBLIÉ 6. Liste des personnes rencontrées Nom METAYER COMMEAU Prénom Marie-laure Nathalie Organisme DGPR DGPR Fonction Adjointe au chef de service Cheffe de mission Date de rencontre 15/05/18 15/05/18 10/07/18 LERAY Frédéric DGPR Adjoint chef de mission 15/05/18 10/07/18 SORDELLO Romain AFB/MNHN Chef de projet Trame verte et bleue ­ pollution lumineuse Présidente Ingénieur éclairage Chargé de mission 29/05/18 DUCROUX LAFITTE ARDON Anne-Marie Bruno Samuel ANPCEN Ademe Ademe ­ Direction régionale de la Vienne Syndicat de l'éclairage 29/05/18 30/05/18 05/06/18 OUVRARD Dominique Délégué général adjoint 12/06/18 BRUNET ARNAL Lionel Julien Syndicat de l'éclairage Syndicat de l'éclairage Délégué général Président du bureau 12/06/18 12/06/18 RAGNI Marcel Syndicat de l'éclairage Conseiller du Président au Bureau pour l'éclairage extérieur 2017-2018 Directrice générale 12/06/18 ALEXANDRE Marie-Pierre Association française de l'éclairage Association française de l'éclairage 13/06/18 COUILLET Roger Représentant AITF, coanimateur du groupe AFE « collectivités » Conseiller technique 13/06/18 REMANDE Christian Association française de l'éclairage Association astronomie du Vexin (AVEX) Ministère de l'Intérieur 13/06/18 TAPISSIER Frédéric Vice-Président 18/06/18 PAPET Frédéric Sous-directeur des compétences et des institutions locales Chargée de mission Adjoint du sous-directeur de la protection et de la restauration des écosystèmes terrestres Membre permanent 19/06/18 19/06/18 COÛTANT BLANCHARD Claire Baptiste DEB DEB BOYER Jean-Marc CGEDD 20/06/18 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 71/106 PUBLIÉ Nom TURPIN Prénom Françoise Organisme DHUP Fonction Chargée de mission Réforme de la publicité Responsable de la mission développement durable Adjointe à la cheffe de bureau qualité de la vie QV2 Adjoint à la sous-directrice de la qualité de la vie Président de la commission éclairage Date de rencontre 27/06/18 STEPHAN Guénola Association des maires de France DHUP 27/06/18 MARVIE Anne 27/06/18 BRIE Patrick DHUP 27/06/18 GALLEO Frédéric Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique Cerema Méditerranée 28/06/18 HUNAULT Philippe Directeur des affaires juridiques 28/06/18 VALACHS Anne Directrice générale 28/06/18 VERNY Paul Responsable de la mission « éclairage » Directeur 29/06/18 VILLEMAUD Jean-Christophe Cerema Ouest 29/06/18 HILAIRE NIAUDET Florence Aurélie Cerema Méditerranée ANSES Directrice Adjointe au sein de l'unité d'évaluation des risques physiques Chercheuse Universitaire 29/06/18 03/07/18 ATTIA CABANTOUS Dina Alain ANSES Université Paris I Panthéon Sorbonne Association des concepteurs lumière Association des concepteurs lumière et éclairagistes ex ­ DDT des Yvelines 03/07/18 04/07/18 CASTAGNÉ Sara Présidente 04/07/18 NICOLAS Virginie Conceptrice lumière, Viceprésidente 04/07/1804/09/18 CINOTTI Bruno Membre permanent du CGEDD Chef du département autres infrastructures en réseau Chef du service développements des réseaux énergie et éclairage public Responsable éclairage public Conseiller municipal délégué à l'énergie, la gestion technique des bâtiments, plan climat, éclairage public 05/07/18 RAGUIN Yves FNCCR 06/07/18 GELLE Alexis FNCCR 06/07/18 MORINEAUX BALY Damien Stéphane Mairie de Lille (59) Mairie de Lille (59) 10/07/18 10/07/18 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 72/106 PUBLIÉ Nom MARTINSONS Prénom Christophe Organisme CSTB Fonction Chef de division éclairage électromagnétisme Maire, vice-président de l'agglomération de Versailles Responsable du patrimoine bâti Direction centrale de la sécurité publique Capitaine, direction centrale de la sécurité publique Direction des Sports Cheffe du bureau des équipements sportifs Chargé de mission équipements et régalements des fédérations sportives Date de rencontre 10/07/18 WATELLE Luc Mairie de Bougival (78) 11/07/18 CHAMPION Johan Mairie de Bougival (78) services techniques 11/07/18 HOSOTTE Samuel Ministère de l'intérieur 12/07/18 ADASS Olivier Ministère de l'intérieur 12/07/18 BONTEMPSWEISHAUPT Alexandra Ministère de la jeunesse et des sports 12/07/18 MALACCHINA Yannick Ministère de la jeunesse et des sports /bureau des équipements sportifs DGEC 12/07/18 DE LACAZE Xavier Chargé de mission Bureau économies d'énergie et chaleur renouvelable Chef de bureau des économies d'énergie et de la chaleur renouvelable Directrice générale des services de la ville de Fosses Maire 24/07/18 DOZIERES Alexandre DGEC 24/07/18 BULOT Christine Mairie de Fosses (95) 30 /08/18 BARROS Pierre Mairie de Fosses (95) 30 /08/18 DUFUMIER Dominique Mairie de Fosses (95) Conseiller municipal délégué à l'urbanisme et à l'environnement Chef des services techniques Chargée de mission environnement au PNR PDG Sous-directeur Chef de bureau, 30 /08/18 LOUBAT LEPACHELET, Laurent Coline Mairie de Fosses (95) Parc naturel régional Oise Pays de France Dark sky lab DGITM/DIT/RN DGITM/DIT/RN 30/08/18 30 /08/18 VAUCLAIR PATIN SPRONI Sébastien Nicolas Nicolas 31/08/18 31/08/18 31/08/18 SIBLET GAUNAND Jean-Philippe François MNHN Association des Concepteurs lumière et éclairagistes (ACE) Association des Concepteurs lumière et éclairagistes (ACE) Chef de service Concepteur lumière, membre du conseil d'administration de l'ACE Concepteur lumière, viceprésidente de l'ACE Par téléphone 04/09/18 NICOLAS Virginie 04/09/18 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 73/106 PUBLIÉ Nom VOUE Prénom Virginie Organisme Association des Concepteurs lumière et éclairagistes (ACE) Union pour la publicité extérieure Union pour la publicité extérieure Société INSERT Fonction Concepteur lumière, membre du conseil d'administration de l'ACE Président Date de rencontre 04/09/18 DOTTELONDE Stéphane 04/09/18 DOUMERC Charles-Henri Juriste 04/09/18 BERLANDA Thierry Responsable des relations institutionnelles 04/09/18 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 74/106 PUBLIÉ 7. Propositions d'indicateurs faites par différents interlocuteurs rencontrés par la mission Typologie Représentants des éclairagistes Proposition Mesure technique de la lumière envoyée vers le ciel, pondérée par la lumière envoyée vers le sol. Quantité de certificats d'économie d'énergie avec une fiche d'éclairage public (104) plus environnementale. Nature de l'indicateur Pression Argument Mesure objective et professionnelle portant sur l'impact du seul éclairage et non de la réflexion de surface. Le vecteur financier est important pour les petites communes ­ Les produits récents sont les plus vertueux et le renouvellement du parc est insuffisant. Privilégier l'efficacité d'une action progressive : Cibler 3 objectifs d'action prioritaires, accessibles et concrets. Limites ou commentaires Ne concerne que le halo lumineux ­ est surtout adapté au niveau local d'un diagnostic ou d'un projet d'éclairage opérationnel. Concerne surtout l'éclairage public ­ approche centrée sur le renouvellement des matériels. Prise en en compte limitée de la biodiversité (orientation mais pas spectres lumineux). La réduction de la lumière intrusive est une priorité d'action et une bonne pratique à introduire au niveau local. Elle est très intéressante car elle vise la santé humaine mais quasi impossible à mesurer au niveau national. Données pour l'éclairage public, peu pour le privé, sauf dans une approche territoriale pilotée par exemple au niveau d'un PCAET. La suppression de certains types de lampadaires ou lampes nécessite une meilleure connaissance des équipements et pourrait nécessiter une aide ciblée aux collectivités. Action Représentants des collectivités dont élus locaux ­ Réduction de la lumière intrusive ; ­ Suppression des boules lumineuses ; ­ Orientation améliorée des lampadaires. ­ Réduction de la puissance lumineuse. Action Simple et axé sur un objectif de progrès qui fait levier pour l'essentiel de la pollution lumineuse. Encourager l'action par un ou deux objectifs prioritaires tout en laissant du temps pour les transitions à mener et en intégrant la soutenabilité pour les collectivités et l'acceptabilité par les citoyens. ­ Objectif de résultat : consommation ou X % d'équipement Y à supprimer en Z années. ­ Objectif de moyen : projets menés à 80 % en concertation avec les citoyens. ONG Étiquette environnementale lumière inspirée de l'étiquetage énergétique sur 4 critères (ou étiquettes) (par m²) : ­ Puissance lumineuse ; ­ Orientation de la lumière ; ­ Distribution spectrale des lampes ; ­ Énergie. Pour mesurer la pollution lumineuse au niveau national et local, disposer de cartes croisant les cartes du ciel et les mesures au sol, qui se font très bien avec des outils existants d'intégration des données. Pression Action ­ Permet de coter la pollution lumineuse à l'échelle infra territoriale sur les différentes dimensions de la pollution lumineuse ; ­ Associe énergie et environnement ; ­ Pourrait conditionner des financements ; ­ Outil de comparaison et de valorisation des communes les plus avancées : tire vers le haut. Efficace à l'échelle locale, transposable au plan national ­ Risque de valoriser les collectivités les plus riches qui ont non seulement la volonté mais les moyens d'agir ; ­ Consensus nécessaire sur les critères de l'étiquetage ou du label. Pression Une cartographie intégrant mesures de la pollution lumineuse au ciel et au sol pour mieux rendre compte de la réalité de la pollution lumineuse émanant de sources privées comme publiques. Existe sur certains territoires (Pyrénées, Haute-Garonne, parc du Haut Quercy notamment) mais il faudra du temps pour obtenir une mesure au niveau national. Cahier des charges à construire et coût d'une expérimentation (appel à projet) en commençant par deux ou trois régions ? Opérateurs de l'État ULOR sujet N°1 (et boules) ­ Nombre de points lumineux par hectare, luminance. Pression Nécessite : ­ Une cartographie solide : des bases de données partagées et compatibles pour aboutir à une vision nationale, en s'appuyant sur les SIG des collectivités sur leur parc, en utilisant l'imagerie satellite par avion et en la complétant par des mesures faites au sol ; ­ Des indicateurs opératoires centrés sur l'objectif politique principal ; ­ Accord/association indispensable des collectivités ; ­ Aide aux plus petites collectivités ; ­ À consolider par des standards cartographiques pour une vision nationale. ­ Répertorier la prise en compte des trames sombres pour tout projet d'éclairage public ; ­ Répertorier les projets significatifs d'éclairage public intégrant un diagnostic de la biodiversité. ­ Identifier les pratiques intégrant la concertation. Approche structurée intégrant 3 types d'indicateurs : Un indicateur de la pression pollution lumineuse : carte de la lumière vue du ciel, pondérée au plan territorial par d'autres indicateurs de la pollution lumineuse au sol ; Un indicateur de l'état de la biodiversité : choisir un ou deux taxons étalons de la biodiversité ; Un indicateur de l'action menée contre la pollution lumineuse : par exemple nombre de plans l'intégrant effectivement. Action Les projets d'éclairages publics ne prennent pas assez en compte l'impact sur la biodiversité. Les diagnostics en sont un moyen comme celui de tout bon projet d'éclairage. La concertation conditionne la réussite des plans lumière pour répondre aux besoins des citoyens et favoriser leur adhésion. C'est un des indicateurs de bonne pratique Cahier des charges, aide au financement pour les petites communes à prévoir. Nécessiterait d'avancer sur des diagnostics plus opérationnels et standards du biotope (sur le territoire du projet d'éclairage public, cartographie des zones naturelles de passage ou d'habitat et d'espèces nocturnes à enjeux (lucifuges ou attirées). Pression Une réflexion préliminaire a été menée et fournit les bases d'un choix indispensable sur les trois facettes de la pollution lumineuse à la fois pour connaître et agir (UMS Patrinat, 2018)102. État de la biodiversité Approche basée sur la méthode de construction d'indicateurs nationaux intégrant la biodiversité à compléter par des exemples concrets issus des pratiques locales pour démontrer la faisabilité et mobiliser les acteurs ­ Approche nationale préliminaire nécessitant un choix sélectif et une concertation. Action 102 Construire des indicateurs nationaux sur la pollution lumineuse ­ Réflexion préalable ­ UMS Patrinat ­ AFB ­ CNRS ­ MNHN ­ Sordello, Azam, Amsallem, Bas, Billon, Busson , Challéat, Kerbirou, Le Viol, Nguyen Duy-Bardakji, Vauclair, Verny ­ Avril 2018 Page 75/106 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit PUBLIÉ 8. Approche croisée des propositions et des acteurs Ce tableau illustre l'approche croisée des actions à mener développées dans la partie 4 du rapport selon les acteurs principalement concernés. ONG parties prenantes Actions État Collectivités Entreprises Particuliers Impulsion Connaissance et méthodes communes Cartographie sources/impacts pour envisager des actions priorisées Sensibilisation, éducation, formation, information Evolution de l'étiquetage Concertation des projets de rénovation Normalisation technique Réglementation Police Campagne d'information auprès des unions commerciales nationales Planification dans les outils existants Partenariat avec les syndicats d'électricité Stocks d'ampoules non conformes à résorber Cahier des charges type Besoins financiers d'accompagnement Pilotage national : Conseil national de la lumière Indicateurs Communication Action X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 76/106 PUBLIÉ 9. Bonnes pratiques Les pratiques présentées sont issues d'entretiens ou de documents communiqués à la mission. Elles ne sont en aucun cas exhaustives, présentent toutes des points forts et des limites et rendent compte d'évolutions en cours. Leur point commun est de démontrer que l'action est possible. Entrées Les enjeux et les politiques territorialisées de la biodiversité, Exemples Île de la Réunion (974) -103 Les enjeux principaux concernent les échouages massifs d'oiseaux marins nocturnes (le Pétrel du Barau et le pétrel noir de Bourbon, espèces les plus menacées et les puffins du Baillon et du pacifique) attirés par la lumière artificielle. Ils concernent aussi les tortues marines, gênées en période de ponte par la lumière artificielle sur les plages. Plusieurs programmes de protection, nationaux et européens (Life), ont permis de financer une cartographie de l'éclairage artificiel croisée avec celle des échouages, permettant de cibler à la fois les zones concernées sur lesquelles agir et les éclairages les plus impactants. Un terreau de longue date et la bonne identification des espèces menacées favorisent l'action : réseau de sauvetage des oiseaux marins de la Réunion initié par le Muséum national d'histoire naturelle et piloté par la Société d'études ornithologiques de la Réunion (SEOR) depuis 1997 ­ Plan national d'action et programme européen LIFE (finance un bouquet d'actions de conservation sur les pétrels) ­ Action publique (DEAL, collectivités, Parc naturel de la Réunion, Réserve naturelle marine de la Réunion). Équipements publics et privés particulièrement concernés : infrastructures routières, restaurants, hôtels bars et habitations en bords de plage, équipements sportifs, installations industrielles et portuaires fortement éclairées. Types d'éclairage et autres causes : La puissance, l'orientation de l'éclairage (souvent orienté vers la mer), la hauteur des mâts (pour les stades), le manque d'obstacle à la lumière depuis la mer (Ex : végétation) le spectre et la couleur des lumières. Les actions menées : Financement d'un atlas spatialisé des risques d'échouage (en particulier sur les sites de reproduction) couplées à la cartographie de l'éclairage artificiel (Atlas de Falchi), à son analyse précise ainsi qu'à celle des mesures réglementaires et des planifications mobilisables. Stratégie d'éclairage artificiel dans la micro-région fréquentée par le Pétrel noir. Action de sensibilisation : évènement annuel des « nuits sans lumière » programmée en avril lors de l'envol des jeunes Pétrels du Barau. Actions réglementaires :(Ex : arrêté préfectoral conditionnant une autorisation de chantier au respect de conditions de puissance et d'orientation de l'éclairage, ou arrêté de la ville de Cilaos imposant l'extinction nocturne en période de risque d'échouage des pétrels, en lien avec l'évènement Nuits sans lumière). Limites ou questions sur les suites : celle de la planification urbaine de la lumière, croisant différents intérêts généraux à intégrer : biodiversité, énergie, développement touristique, économique et industriel, sécurité. Limites de l'action publique du fait de l'éclairage de certains équipements : d'un côté interdire certains éclairages lors d'un chantier et de l'autre, ne pouvoir intervenir sur la hauteur des mâts et la puissance d'éclairage des stades. Les deux exemples cités concernent un milieu insulaire ils mettent en valeur les enjeux de l'éclairage du littoral et les sources privées des nuisances lumineuses 103 Source : Étude Aube finale ­ Aménagement urbain Biodiversité et éclairage Île de la Réunion (commanditaire DEAL de La Réunion ­ Prestataire Cerema), 2017. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 77/106 PUBLIÉ Un exemple de démarche de diagnostic « intégré » territorial et partenarial sur un site protégé Île de Porquerolles (83) « Qualité de la nuit sur l'Île de Porquerolles » : expérimentation sur un site pilote insulaire protégé ». Rapport du partenariat scientifique ANPCEN ­ Parc national de Port Cros, 2016. Cette expérimentation présente plusieurs intérêts, le premier étant celui d'une démarche très complète de diagnostic étayé et de recommandations concrètes : ­ L'utilité d'une politique territorialisée de la biodiversité et de projets de territoires associés (coeur de parc et aires d'adhésion) ; ­ Celui du partenariat entre différents acteurs : les parcs nationaux, une association environnementale, l'ANPCEN, les communes concernées (qui ont fourni les données techniques utiles sur les plans d'implantation et les points d'éclairage), en intégrant des rencontres avec différents acteurs publics et privés ; ­ L'étude particulièrement précise, documentée, cartographiée et la mesure des effets des éclairages littoraux sur la qualité de nuit insulaire, la biodiversité et la santé humaine (lumière intrusive) à partir de : l'état des lieux du parc, l'échantillonnage des sites à enjeux de biodiversité, de mesures photométriques des impacts de l'éclairage artificiel, de la connaissance et de l'analyse des équipements et installations in situ ; ­ Une volonté pédagogique affirmée : photographies commentées, proposition d'étiquettes environnementales de la lumière par rue selon 4 critères (puissance lumineuse, orientation de la lumière, distribution spectrale des lampes, énergie), mesures de la qualité de la nuit par sites et saisons ; ­ Sur la base de diagnostics in situ, des recommandations de démarches structurées et des pistes d'amélioration de la lumière très précises selon les sites et les types d'équipements (église, port, capitainerie, commerces, restaurants, bateaux de plaisance). Quelques exemples significatifs : le sur-éclairage d'une église qui pourrait être mieux mise en valeur avec moins d'éclairage, l'éclairage artificiel direct inutile et néfaste des arbres, la quantité très forte de lumière émise par des luminaires récents portuaires (lumières blanches, forte puissance, mauvaise maîtrise des flux, absence de modulation) dans des espaces ouverts, sans atténuation par le bâti), visibles à forte distance en mer ; l'impact des feux de mouillage ; Un grand constat : l'impact sur le halo lumineux de l'éclairage de l'île mais aussi de l'éclairage à distance du littoral continental très urbanisé (Hyères). Les limites ou les questions : Quelles sont les suites données à ces recommandations ? Qui mesure leur suivi et les progrès réalisés ? Comment passer d'un diagnostic très fin, qui se justifie en zone naturelle protégée, à des diagnostics opérationnels abordables et à un plan d'actions financée y compris dans des secteurs d'habitat naturel moins protégé ? Quelle démarche de planification et de concertation pour l'action concrète ? L'importance des mesures et de la cartographie de la lumière artificielle Pratiques de cartographie à différentes échelles territoriales et sur différents sites La cartographie est un préalable indispensable au diagnostic et au projet, et plus largement à la planification, à différentes échelles. Elle porte, à des degrés variables, sur un ou plusieurs aspects : ­ La cartographie du halo lumineux et de la qualité du ciel nocturne ; ­ La cartographie de la pollution lumineuse au sol ; ­ La cartographie du biotope (voir plus haut) qui implique de repérer les lieux d'habitat et de passage des espèces, en lien avec leurs modes de vie (reproduction, ponte, nidification, alimentation, repos...) ; ­ La cartographie ou l'état des lieux de l'éclairage public et de l'éclairage privé intervenant sur l'espace public : inventaires des réseaux, lampadaires et installations ; Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 78/106 PUBLIÉ ­ La mesure des impacts : niveaux d'éclairement en Lux, luminance (en cd/m²) notamment. Plusieurs illustrations : Cartes de la pollution lumineuse ­ Les cartes issues des observations spatiales de la Nasa : retravaillées selon une échelle à définir (plusieurs existent), elles peuvent donner, malgré certaines limites (par exemple mauvaise prise en compte du bleu) une vision d'ensemble de la pollution lumineuse vue du ciel, complétée ensuite par d'autres données. Différentes méthodes interprétatives sont issues de cette base ; ­ Les cartes de l'association d'astronomie AVEX : elles partent du principe que tout est allumé et rendent compte du « pire cas possible pour pouvoir observer le ciel étoilé » avec des gradations et une échelle d'observation, à 11h avec 85 % d'humidité, pour un cône zénithal de 50° (par rapport à la verticale d'un lieu donné), sans rendre compte des effets de la pollution lumineuse à l'horizon (impactantes pour l'orientation de certaines espèces) ; ­ Les cartes basées sur la thermographie aérienne : cette technique prometteuse selon la ville de Lille est à évaluer. Lille a mis en place, avec l'aide d'une agence d'urbanisme, une cartographie de la pollution lumineuse par thermographie aérienne : elle permet de qualifier les différentes sources lumineuses publiques et privées, de prendre en compte les revêtements et peut s'analyser à l'échelle d'une commune ou d'un quartier, voire pourrait l'être au niveau national (à étudier), sous réserve des coûts, et de la pertinence à une échelle plus large ; ­ « Qualité de la nuit sur l'ïle de Porquerolles » : expérimentation sur un site pilote insulaire protégé ». Rapport du partenariat scientifique ANPCEN ­ Parc national de Port Cros, 2016. C'est la méthode d'ensemble qui est intéressante car elle intègre plusieurs aspects de la pollution lumineuse : le halo lumineux, une analyse des éclairages et de leurs impacts sur des lieux représentatifs. ­ Les démarches de cartographie de connaissance et d'évaluation de l'impact de la lumière engagées sur deux axes différents et complémentaires 104. * la définition de trames sombres pour préserver les réservoirs identifiés et à enjeux de biodiversité 105. * les plans lumières. 1/ Travaux sur la trame sombre en milieu rural : encore en gestation, ils donnent lieu à des approches innovantes, qui nécessiteront, à terme, une évaluation en vue de leur élargissement. Ils sont réalisés sur commande de parcs naturels ou de collectivités. On citera notamment les travaux en cours commandités par le parc national des Pyrénées et le parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises. Ce travail consiste à : ­ Utiliser des bases de données référençant la géolocalisation des sources lumineuses et leurs caractéristiques physiques ; ­ Mesurer la luminosité du ciel nocturne pour développer des cartes précises, en évaluant le degré de noirceur du ciel vue du sol, par des mesures en continu permettant depuis le sol de disposer d'un suivi fin de la pollution lumineuse en cours de nuit (selon la lune, les pratiques de gestion de l'éclairage...) en utilisant des échelles de couleur selon la qualité du ciel ; ­ Intégrer ces éléments dans les cartographies existantes des trames vertes et bleues (permettant à la faune de se déplacer et de se ressourcer) en définissant un seuil de sensibilité lumineuse pour les chiroptères repérés dans ces territoires. Ce travail très prometteur est en cours. Il a notamment requis des outils de mesure de la qualité du ciel vue du sol (SQM statistiques) et un logiciel performant d'intégration et de modélisation des données. 104 Pour des raisons déontologiques, et faute d'un inventaire exhaustif la mission fait le choix de ne pas nommer les prestataires qui sont plusieurs à développer des méthodes et outils innovants. Trame noire : un sujet qui « monte dans les territoires » , Sordello, Jupille, Vauclair, Salmon-Legagneur, Deutsch, Faure ­ Sciences Eaux et territoires, la revue d'IRSTEA, consultation 2018. 105 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 79/106 PUBLIÉ 2/ Trame sombre et plan lumière en milieu urbain et périurbain : Ces approches sont complémentaires. La métropole de Lille s'appuie sur plusieurs organismes universitaires et de recherche, l'Ademe, et un bureau d'études pour mettre en place une trame noire intégrant l'inventaire et la répartition spatiale des chauves-souris (qui permettent de repérer et « étalonner » la biodiversité nocturne et sa sensibilité lumineuse, au moins partiellement). Ce projet repose également sur des travaux permettant de mesurer le niveau d'acceptabilité du projet par la population riveraine. On peut citer également les démarches pionnières de Lorient et Rennes, guidées par la « compréhension des usages nocturnes » et la recherche d'une « nouvelle identité nocturne » menées avec l'appui de concepteurs lumière qui ont permis d'identifier et intégrer des trames sombres dans le plan lumière de la ville, avec l'ambition de faire le lien avec la planification urbaine (SCOT, PADD du PLU) en prévoyant un volet d'aménagement nocturne et un « plan de sauvegarde de l'obscurité » dans les zones moins fréquentées humainement et riches en biodiversité (parcs et jardins, berges). Cette démarche, à évaluer, a notamment permis d'éteindre la voie de desserte portuaire de Lorient et de respecter ainsi la faune et la flore des accotements. Cartes et mesures métrologiques de la pollution lumineuse « au sol » Il existe différentes méthodes et appareils permettant de procéder, notamment via un luxmètre, un GPS et un véhicule, à des mesures photométriques du sol, non parfaites mais simples, adaptées à des diagnostics locaux. Il s'agit d'une première cartographie qui permet de dégrossir le sujet et de disposer d'une vision d'ensemble de l'éclairement d'une ville, à compléter ensuite par d'autres données et des analyses plus précises. D'autres démarches existent, notamment relatives à des problématiques routières : Exemple du projet européen SURFACE pour les chaussées (Objectif : révision de la norme EN 13201 Éclairage routier pour réduire la lumière éblouissante des installations d'éclairage routier, en intégrant la capacité d'un revêtement réel de chaussée (vieillissant, en condition humide...) à réfléchir la lumière. Apports : il existe des outils de mesure accessibles et peu onéreux (qui évoluent) et des observations réelles et des cartographies possibles, à différentes échelles. Limites : des références communes, si ce n'est une normalisation et des standards pour ces observations. La planification Lumière Selon nos différents interlocuteurs, les métropoles et les grandes villes disposent de services techniques et d'une sensibilité accrue à « l' urbanisme de l'éclairage » et à ses impacts environnementaux d'autant que, de plus en plus, elles « font réseau ». Lille (59) Lille, ville de plus de 230 0000 habitants, située dans une aire urbaine de plus d'un million d'habitants, a mis en place depuis 2004 une politique de la lumière et en est à son 2 e plan lumière (2013/2020). Son premier plan portait sur l'efficacité et la vétusté. Le plan actuel intègre un volet patrimonial, un volet sécurité des passages piétons, un volet biodiversité et trame noire. Ce plan lumière s'est traduit dans un marché global de performance. 64 % du parc a été ainsi reconstruit entre 2004 et 2020. Un concepteur lumière a été associé et des méthodes de concertation avec marches nocturnes ont été mises en place. Parmi les effets positifs, une amélioration de la qualité, une diminution du sur-éclairement, une suppression des luminaires les plus nocifs. Points forts ­ Un plan global, cohérent, construit dans la durée, avec une partie pédagogique différenciant coeur de ville, urbain, périurbain. Selon Lille, c'est ce qu'il faudrait faire au niveau national ; ­ « Avant on éclairait tout. Maintenant on gradue au coeur de la nuit, cela concerne 5000 points lumineux » ; ­ Choix a été fait de ne pas commencer la rénovation de l'éclairage par les quartiers centraux pour bien prendre en compte les besoins des quartiers périphériques. La Grand-Place sera faite en 2019. (« Ce qui brille sera fait en dernier ».) ; Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 80/106 PUBLIÉ ­ Un système de télésurveillance avec horloge intégrée et allumage et extinction coordonnée. À terme, l'éclairage intelligent permettra de distinguer par matériel (alors que les armoires actuelles éclairent tout sur une zone) et de mieux moduler l'éclairement. Les éléments de complexité ou de difficulté ­ Il n'est pas simple de réduire le nombre de points lumineux, car il faut alors tout refaire, les massifs, les trottoirs, et cela se fait donc à l'occasion des projets de rénovation urbaine d'une rue ou d'un quartier ; ­ À Lille un grand mât a été détruit, des photophores ont été posés. Sur cette voie, on est ainsi passés de 10 à 200 points lumineux en réduisant l'éclairement de 50 % (le nombre de points lumineux n'est pas un bon indicateur au plan local) ; ­ Le financement des éclairages innovants les plus vertueux pour la biodiversité n'est pas suffisant. « Sur les éclairages du projet Luciole, plus chers en investissement, dont on ne sait s'ils seront interopérables, nous prenons des risques non financés (mais le FEDER a financé 560 000 sur 700 000 euros), une aide serait bienvenue pour financer et réduire aussi les surcoûts. Comme nous avons été en avance sur l'énergie, aujourd'hui on gagne très peu à faire des éclairages innovants et bons pour la biodiversité » (d'où l'intérêt d'allier les deux) ; ­ Les efforts faits sur l'éclairage public peuvent être peu opérants face à des éclairages privés émanant de commerces ou de particuliers, faisant intrusion sur l'espace public ; ­ L'action territoriale sur l'impact de la lumière sur la biodiversité est nouvelle et a besoin d'appui national car elle manque de références (par exemple pas d'inscription de la trame noire dans les PLU et SCOT, ce qui permettrait d'intégrer une obligation de protection de la faune). Un plan national, priorisé et pédagogique, est indispensable, selon Lille ; ­ Des contradictions sont à gérer pour un décideur local : difficile d'être à la fois gendarme et pédagogue et d'aller plus loin s'il n'y a pas de caractère obligatoire, mais besoin de souplesse, qui tienne compte des capacités financières et du contexte territorial. Raisonner en cycle de vie Douai (59) Ville de 41 000 habitants au sein d'une communauté d'agglomération de plus de 150 000 habitants. Points forts : Le raisonnement en cycle de vie, le raisonnement sur 30 ans (durée de vie d'un éclairage public). Cette collectivité, qui a bénéficié d'un financement TEPCV, a fait le choix d'acheter des luminaires qui n'étaient pas les plus efficients, ni les meilleurs techniquement mais dont l'impact environnemental et le coût global sont meilleurs. Lorsqu'elle a rénové son éclairage public, la commune de Douai a suivi un processus maintenant bien rôdé pour les collectivités qui disposent de services techniques solides : la connaissance et le diagnostic sur l'éclairage, le plan/projet, l'information/sensibilisation des usagers. Difficultés : Implanter des nouveaux éclairages type Leds peut être difficile lorsque les réseaux ne sont pas rénovés, ce qui suppose, selon son responsable technique, une aide au financement qui n'existe pas aujourd'hui. Un projet ambitieux de rénovation de l'éclairage public Bougival (78) Ville de région parisienne de 9000 habitants, au sein de la communauté d'agglomération de Versailles grand parc, de plus de 260 000 habitants Le diagnostic de la commune avant rénovation (projet distinct et antérieur à l'intégration dans la nouvelle communauté d'agglomération) : un réseau vétuste à 65 %, coûteux en énergie, dangereux, disparate, comportant des éclairages impactant l'environnement. Le projet réalisé : la rénovation progressive, cohérente et complète de l'éclairage de la ville (y compris les armoires électriques) avec un objectif contractuel de 67 % d'économies d'énergie sur la durée du marché de performance énergétique passé sur 20 ans. Les résultats : 70 % d'économies d'énergie. Les apports environnementaux : une stratégie d'ensemble de différents niveaux. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 81/106 PUBLIÉ 1/ Grandes voies de transit : réduction de la taille des grands mâts multi-éclairants et orientation des flux sur la chaussée. 2/ Réduction des points lumineux et travail sur l'éclairage minimum acceptable en réduisant les intensités. Utilisation des possibilités de variabilité des flux sur une tranche horaire 22 h à 5h : objectif de réduction de 50 % sur l'ensemble, en partant de sites pilotes sur des petites voies et en généralisant progressivement. Résultat : une très bonne acceptation (nul ne s'en est plaint). 3/ Sur certaines sentes peu fréquentées, utilisation nocturne du système de détection de présence (alimenté le jour par panneaux photovoltaïques). Limites : pas d'évocation des températures de couleur et spectres lumineux (cela est lié à l'historique, cette approche spectres/biodiversité étant récente et perçue comme complexe à mettre en oeuvre (supposerait un diagnostic du biotope). Choix d'une information plus que d'une concertation, en visant la sobriété et en testant la gêne à partir de sites expérimentaux (c'est une limite mais le choix opéré fonctionne bien). Aspect délicat de l'éclairage nocturne des petits commerces, alors que ceux-ci ont du mal à survivre en centre-bourg. Très peu éclairent la nuit et le choix de la commune est plutôt d'informer, de sensibiliser, de prévenir en s'appuyant, au niveau national, sur un cadre, une réflexion et une communication pour l'instant très limités. Une aide pour les petits commerçants serait bienvenue. Les apports économiques : Choix d'un partenariat public privé (PPP) et d'un marché de performance. Celui-ci intègre l'investissement et la maintenance sur la durée du contrat. l'objectif de réduction de la dépense est atteint, voire dépassé et, grâce à la veille technologique, une amélioration en continu est assurée. En outre, tous les 3 ans, 300 points lumineux sont renouvelés, ainsi que, tous les 5 ans, un nombre défini de centres de télégestion. À la fin du contrat, l'équipement sera neuf et performant. Un investissement additionnel de la collectivité de 4 millions d'euros, une économie de 400 000 euros par an, un retour sur investissement en 10 ans. Limites : dans le contexte actuel de tension sur les finances des collectivités territoriales, le maire attire notre attention sur le fait qu'un PPP aussi ambitieux ne serait plus possible. Un message : l'aide à l'investissement pour les collectivités est un point clé. Le projet a bénéficié en outre d'aides de l'Ademe. Entre ville et campagne : le processus de changement à partir de la recherche d'économies Fosses (95) : Ville de près de 10 000 habitants en Île-de-France, appartenant à la communauté d'agglomération Roissy Pays de France , à la limite de l'Oise et de la région Hauts de France, entre ville et campagne. Ville porte du PNR Oise Pays de France. Les emplois sont principalement à Paris, en petite couronne et à Roissy (importance du RER : 40 mn de Paris). Opération de renouvellement urbain et de rénovation du centre-ville 2008- 2018. 1/ Constat partagé du primat des économies dans l'approche initiale : L'éducation sur les impacts environnementaux de la lumière s'est faite « en marchant » en raison d'une sensibilité environnementale préalable et avec l'apport du PNR ; « C'est un exemple de mise à niveau collective dans le processus de changement. ». 2/ Association de la population préparée via des réunions publiques, avec l'appui de la gendarmerie et du PNR (Dans le PNR 13 communes sont éteintes sur 59..) sur fond d'une longue culture de la concertation. Dans chaque quartier test, un élu "témoin". 3/ Démarche progressive et différenciée par quartier, en intégrant les besoins de déplacement de la population, combinant extinction et baisse des puissances : Expérimentation d'extinction par quartier de 6 mois, avec le maintien de l'éclairage dans la zone de la gare RER. Les axes routiers structurants restent allumés. 4/ Les impacts sur la sécurité : Pas de hausse constatée des cambriolages mais nécessité de lutter contre le sentiment d'insécurité (réduction de la zone de confort visuel de l'usager, même si majoritairement il dort !) en travaillant de manière globale sur les autres causes. 5/ Impacts financiers pour une ville aux moyens financiers comptés : Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 82/106 PUBLIÉ * les choix techniques : Fosses ne peut pas moduler car cela coûte plus cher. À chaque armoire correspond un ensemble de points lumineux sur une zone, ce qui entraîne une rigidité de programmation et la difficulté à intervenir sur les cours d'école ou stades, qui restent éclairés la nuit. L'approche s'est donc faite armoire par armoire ; * l'esthétique : un bureau d'étude avait proposé un éclairage plus homogène, mais très dispendieux, notamment au plan énergétique, proposition écartée ; * le rythme de rénovation du parc. Ce qui reste à faire : la révision des armoires électriques, une action sur les luminaires à boule, la cartographie complète géo-référencée des réseaux et points lumineux perçue par la ville comme une condition essentielle pour avancer sur ce sujet comme sur d'autres : cela lui a permis de chiffrer, anticiper budgétairement, planifier et mutualiser. La prise en compte du biotope serait envisageable mais suppose un appui du PNR, en particulier en zone de conflit entre habitat naturel et humain, et un petit appui financier. 6/ Un bilan positif : opération de rénovation/extinction/abaissement des puissances profitable à tous niveaux. La ville a été aidée au plan méthodologique et financier (PNR, Ademe). Un appui complémentaire permettrait d'accélérer le changement. Des outils techniques simples ont facilité l'opération à Fosses : horloges astronomiques radio-pilotées, programmables selon les heures. Ceux-ci doivent être adaptés au contexte communal (moyens financiers, humains, compétences techniques y compris pour l'entretien), encore plus pour les petites communes rurales, comme nous l'indique le maire. 7/ Les perspectives de planification La mutualisation passe en péri urbain davantage par l' EPCI, communauté d'agglomération, périmètre à stabiliser, qui définit les axes que par le syndicat d'électricité ou d'énergie : La pollution lumineuse aurait sa place dans le PLU via le PADD, avec un aspect favorable de transparence démocratique des plans lumières dans les PLU. Il est attendu de l'État des incitations par la loi et des repères praticables pour aider les élus à mettre en place un éclairage différencié. Les approches intégrant le recueil des ressentis des usagers in situ Saint-Malo (35) ville portuaire de Bretagne de 46 000 habitants Trois gradations sont constatées en matière de sensibilisation des usagers préalables à un projet d'éclairage public : une absence d'information ou de sensibilisation, une information par réunion ou encart dans le journal communal, des marches nocturnes et enquêtes/consultation in situ. Dans le cadre de la révision de son schéma d'éclairage (intégrant des préoccupations en matière d'économie, d'énergie, de prévention des nuisances lumineuse, de valorisation de sites emblématiques et de prise en compte des besoins des habitants et passants), la ville de Saint-Malo a commandité et financé une étude très complète, réalisée par le Cerema, portant sur l'acceptabilité de son projet d'éclairage, fondée sur : ­ Des campagnes de mesures des niveaux d'éclairement préalables à la démarche ; ­ Des méthodes d'enquêtes qualitatives ­ Recueil des avis et ressentis des usagers piétons in situ sur différents secteurs : urbain très fréquenté, touristique, mixte commercial et résidentiel, résidentiel (marches exploratoires, parcours commentés avec usagers, micro-trottoirs) autour de différents scénarios de mise en lumière ; ­ La définition d'une stratégie de modulation de l'éclairage public et de programmation des travaux à partir des résultats. Différentes collectivités et maîtres d'oeuvre professionnels de la lumière pratiquent cette approche d'acceptabilité, fondamentale pour un maire, qui repose sur des méthodes plus ou moins développées, depuis la réunion en salle avec projection, en passant par les marches nocturnes, pratiquées par exemple systématiquement par les concepteurs lumière. L'intérêt pédagogique et de concertation des marches de nuit avec un luxmètre : elles permettent à différents types d'usagers : habitants, passants, personnes âgées, malvoyants, amateurs d'ambiances festives, policiers, élus..., de mesurer, au-delà des préjugés communs, la réalité perçue des puissances, couleurs et niveaux d'éclairement, d'accepter le plus souvent une baisse de ces niveaux, mais aussi de prendre en compte leurs remarques selon les lieux, leur fréquentation et attentes. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 83/106 PUBLIÉ Les apports du métier récent des concepteurs lumière Les concepteurs lumière sont des professionnels de la lumière qui ont pour rôle d'accompagner, le plus en amont possible, un aménagement lumineux d'ensemble en intégrant, dans l'ingénierie de la lumière, les usages, les finalités et les contraintes à gérer in situ. Ils sont complémentaires des architectes paysagistes et des ingénieurs électriciens ou électroniciens, fabricants et installateurs. Connus pour leurs actions de valorisation du patrimoine, ils peuvent aussi intervenir comme des urbanistes de la lumière. Ils contribuent au diagnostic et au projet lumière (zonages, implantations, caractéristiques de l'éclairage, niveaux d'éclairement), créent des « atmosphères et des ambiances lumineuses » qui peuvent participer du sentiment de bien-être, d'esthétique (par exemple pour des édifices ou lieux patrimoniaux) ou de sécurité, avec des niveaux d'éclairement qui peuvent être bas, en jouant des contrastes ou des graduations, et en évitant les éblouissements. De plus en plus de concepteurs lumière, et d'éclairagistes extérieurs prennent en compte l'impact de l'éclairage sur la biodiversité. Un exemple de bonne pratique : la gradation très progressive des éclairages et le jeu sur les transitions lumineuses en passant d'un quartier à un autre ou selon l'heure de la nuit, d'autant mieux acceptée que, « perçue de manière non punitive », elle favorisera l'accoutumance perceptive. Limites ou risques : beaucoup de collectivités, aux moyens limités, souhaitent réduire les coûts élevés de la rénovation de l'éclairage et donc limiter les frais relatifs aux études et à la conception. Par ailleurs, certaines associations expriment la crainte que l'usage de plus en plus esthétique, imaginaire de la lumière ait pour effet de multiplier les points lumineux et d'oublier son impact sur la biodiversité (qui ne parle pas, ne commande pas et n'exprime donc pas ses besoins). Remarque : les concepteurs lumière sont indépendants des fabricants et vigilants sur les espaces naturels. Un éclairage adapté est mieux accepté, d'autant plus susceptible de valoriser la ville ; une bonne étude peut permettre de limiter le recours aux matériels et éclairages inutiles (30 % en moins). Leurs valeurs : « aimer la lumière et respecter la nuit ». Les actions sur Différentes communes, notamment les petites communes, pratiquent l'extinction nocturne. Cette pratique peut être : la temporalité ­ Efficace, car elle limite globalement les impacts sur le halo lumineux et la dépense énergétique ; de la lumière ­ Plus ou moins bien acceptée (pour des raisons notamment de sentiment d'insécurité), ce qui nécessite, pour éviter des rejets, une préparation, une sensibilisation et une concertation préalable, selon les usages de la lumière, en intégrant le cas échéant, après expérimentation, des compromis, voire une réversibilité (voir plus haut) ; ­ Efficace mais d'effet partiel sur la biodiversité si les heures d'extinction sont trop tardives (un lien est à faire avec le biotope et une réflexion à mener selon les zones et les espèces) ; ­ Insuffisante ou d'effet partiel sur le halo lumineux, si elle ne concerne que l'éclairage public (et pas certains équipements privés fortement lumineux) ; ­ Combinée avec des mesures de modulation adaptée de l'éclairage (abaissements d'intensités et gestion des transitions entre deux zones) et sa rénovation partielle ; ­ Combinée avec une approche spatiale de zonage des extinctions, intégrant les trames sombres (couloirs stratégiques permettant le déplacement des espèces nocturnes) ; ­ Un palliatif temporaire pour des collectivités qui, faute de moyens financiers, maintiennent des équipements vétustes et inadaptés, de plus en plus coûteux ; Aujourd'hui, les mesures sur la temporalité de l'usage de la lumière intègrent ainsi, outre les horaires d'extinctions, les détecteurs de présence (qui comportent l'inconvénient, en zone fréquentée, de créer des effets d'éblouissement par contraste ou de gêne pour le voisinage) et s'appuient sur des horloges astronomiques. Elles peuvent intégrer d'autres mesures techniques du type de celles utilisées pour les routes (les catadioptres qui permettent de rendre visible un obstacle éclairé par les phares). ­ Montée du numérique et des systèmes de gestion intelligente de pilotage, géo-référencement des points lumineux, modulation de l'éclairage à tout niveau : puissance, températures Solutions techniques en de couleur adaptées au rythme circadien, détection de présence, intelligence de gestion, smart city. Exemple de Paris, éclairée avec du digital, selon la saisonnalité. développement Limites : Des systèmes de gestion intelligente encore en développement, le coût de certains équipements avec un risque d'inflation, des qualités très inégales (en particulier des Leds) et une maîtrise d'ouvrage à consolider pour les petites et moyennes collectivités. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 84/106 PUBLIÉ LA QUESTION SENSIBLE DE « L'EXTINCTION DES FEUX » Le positionnement des acteurs associatifs de protection de la nature et de la biodiversité s'oriente dans leur discours vers une tendance à privilégier les exemples d'extinction totale nocturne de l'éclairage. Concernant les éclairages des bureaux, ils ont été moteurs dans la mise en oeuvre de cette réglementation, par leur rôle de veilleur actif et de lanceur d'alerte, pour « dénoncer », auprès des pouvoirs publics, les entreprises ne respectant pas l'obligation d'extinction de l'éclairage en coeur de nuit. En ce sens, ils ont assuré une animation de cette politique publique balbutiante. Concernant l'éclairage des bâtiments publics, comme sur l'éclairage public lui-même, les collectivités territoriales ayant effectué un « couvre-feu » sont présentées comme vertueuses sur le site internet de l'ANPCEN. Un concours national annuel avec un label est ainsi organisé par l'association. Les décideurs économiques sont donc confrontés à un discours assez radical puisque seule l'extinction des feux en coeur de nuit serait la panacée. Aujourd'hui, les acteurs économiques de l'industrie de l'éclairage proposent des réponses d'adaptation de l'éclairage très poussées techniquement bien que potentiellement onéreuses à l'installation, nonobstant les économies d'énergie qu'elles génèrent, et parfois surdimensionnées au regard des besoins des collectivités. Pour autant des solutions abordables existent et commencent à entrer en pratique. La gestion différenciée de l'éclairage (point lumineux par point lumineux) est peut-être ainsi une alternative à l'extinction, les réponses optimales n'étant pourtant pas généralisables car tributaires d'un diagnostic et d'un projet locaux. Pour la mission, devant cette situation particulièrement complexe, seules quelques convictions fortes peuvent permettre d'avancer : - Privilégier une réponse locale consensuelle sur les modalités d'éclairage public. La sensibilité des publics à ce sujet impose une approche prudente sur des prescriptions nationales trop précises. - Les objectifs d'extinction ciblée ont ainsi vocation à constituer une des modalités d'un objectif plus général de modération lumineuse. - Favoriser les opérations de rénovation de l'éclairage prenant effectivement en compte les impacts environnementaux et sanitaires. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 85/106 PUBLIÉ 10. La révolution des Leds En quelques années le paysage de l'éclairage s'est fortement transformé avec l'arrivée des Leds. Une nouvelle technologie qui aujourd'hui domine le marché de l'éclairage. 106 Une Led est une diode électroluminescente qui repose sur la polarisation d'un semi-conducteur, en appliquant une tension provoquant l'émission de particules lumineuses, les photons. Elle émet un rayonnement presque monochromatique (forte dominante d'une couleur). Pour produire de la lumière blanche avec une Led, trois méthodes sont utilisées ; la plus courante couple une Led bleue à une couche de phosphore jaune. Son efficacité peut évoluer dans le temps, selon sa qualité. Certains éclairages Leds peuvent présenter, du fait de leur réactivité aux flux électriques reçus , des variations temporelles se traduisant par des fluctuations de lumière plus ou moins perçues par l'oeil. Les atouts des Leds : - Une bonne efficacité énergétique (de 150 lm à 300 lm/watt), pour un processus de fabrication « relativement énergivore » (Ademe, 2017). Leur efficacité évolue rapidement, - Une durée de vie importante : jusqu'à 40 000 heures contre 2 000 heures pour les halogènes, - Une grande flexibilité d'utilisation : émission instantanée du flux lumineux désiré, cycle possible d'allumage et d'extinction fréquent, - Leur miniaturisation permet leur utilisation dans de très nombreux domaines, - Une gestion optimisée de l'éclairage qui intègre : * la fonction de détection de présence et de variation en fonction de la lumière du jour, * pour les Leds de couleur, des jeux de lumière sans utilisation de filtre, * la possibilité pour le consommateur d'adapter la teinte de lumière à son activité et son confort. - Leur insensibilité aux chocs, car elles fonctionnent en très basse tension. Certaines caractéristiques particulières : - Une luminance qui peut être très forte, rapportée à la surface d'émission, avec des effets possibles d'éblouissement, voire de dangerosité pour la rétine (pour l'être humain à moins de 20 cm de la source lumineuse perçue directement pour une surface d'émission faible), - Les pics d'émission du spectre de certaines Leds. Les points de vigilance, voire les risques : - Un coût d'acquisition encore élevé mais en baisse, - Un bilan environnemental énergétique discutable : taux d'émission de gaz à effet de serre pour sa fabrication, utilisation d'un matériau, l'indium, rare et non recyclable, une durée de vie à évaluer dans le temps. - Un bilan environnemental pour la biodiversité qui peut être négatif pour la faune et la flore lorsque l'usage n'est pas réfléchi, limité et maîtrisé : multiplication de sources lumineuses, forte intensité et luminance de faisceaux lumineux éblouissants, forts contrastes, utilisation de spectres de couleur fortement perçus par la faune. - Un risque sanitaire présenté par certaines Leds, présentant un pic de bleu (point en amélioration depuis 2010), des variations temporelles importantes et une utilisation sans filtre en fin de journée ou la nuit, pour des personnes présentant une vulnérabilité particulière du fait des caractéristiques de leur rétine (enfants, personnes âgées, personnes souffrant de problèmes visuels). - Une qualité fonctionnelle et environnementale très variable selon les produits, (toutes les Leds ne sont pas compatibles avec des variateurs) et une utilisation encore immature (exemples de sources très éblouissantes pour la rétine des enseignes de certains magasins ou d'éclairages en terrasses de restaurants) sans que l'information du consommateur, des maîtres d'ouvrage et de tous les installateurs soit encore pleinement au rendez-vous. - Une adaptation à améliorer pour l'éclairage de grande hauteur et de forte puissance (surchauffe possible). Le potentiel d'évolution : Les capacités d'évolution technologiques et d'adaptation des Leds à des normes plus exigeantes apparaissent réelles, comme le montre l'évolution de la maîtrise des pics de bleu des Leds depuis le rapport de l'Anses de 2010. Des progrès sensibles apparaissent devoir être faits sur l'information et la normalisation des Leds. 106 Source : fiche adaptée à partir des apports suivants : Rapport de l'Anses, 2010 ­ Avis de l'Ademe, 2017 ­ Avis de l'ANPCEN, 2018. À la reconquête de la nuit Page 86/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ 11. Les impacts de la lumière artificielle sur la biodiversité Les usages de la lumière artificielle impactent globalement l'écosystème, au-delà de la disparition isolée de différentes espèces 107 en modifiant la fréquence 108, la temporalité109 ou le but 110 de leurs déplacements liés à leur cycle de vie. Certaines espèces connaissent des réductions de population, avec des impacts sur la pollinisation 111 et donc sur la flore, voire sur l'agriculture et l'activité humaine. (cf. annexe document sur les impacts). Régression du domaine vital : Les espèces dites « lucifuges » fuient les habitats naturels (repos, hibernation, alimentation...) les plus propices quand ils sont illuminés. C'est le cas d'oiseaux limicoles qui désertent les prairies bordant les routes éclairées aux Pays-bas, avec un effet répulsif effectif à plus de 300 mètres de la route (De Molenaar et al. 2000). Fragmentation de l'habitat : L'éclairage urbain et des routes créent de véritables « murs lumineux » infranchissables (effet barrière) pour différentes espèces par ailleurs déjà fragilisées par d'autres facteurs de fragmentation (infrastructures urbaines, commerciales, industrielles et de transports). Certains crapauds n'empruntent plus des voies très éclairées, avec des incidences sur leur reproduction 112. Perturbation des relations proies-prédateurs : L'éclairage artificiel favorise certaines espèces prédatrices en renforçant la vulnérabilité de certaines proies (attraction, sidération, désorientation...), avec un impact sur la réduction de population des espèces concernées. Il renforce la compétition entre espèces et modifie l'équilibre inter-espèces. C'est l'exemple d'une population de saumons juvéniles décimée par des phoques veaux-marins chasseurs bénéficiant de l'éclairage artificiel d'une usine hydro-électrique (Yurk et Trites, 2000), ou de la disparition de certaines espèces de poissons ayant perdu la bataille du plancton dans de nombreux lacs ou réservoirs éclairés. Modification des voies de déplacement : Il a été prouvé que les oiseaux migrateurs peuvent dévier de leur route initiale par le simple effet, jusqu'à 1 km de distance, d'un faisceau lumineux issu d'une lampe de 200 watts orientée vers le ciel. Modification de la communication : Il a été démontré que les mâles amphibiens exposés à la lumière naturelle étaient moins vocaux et se déplaçaient plus fréquemment, conduisant à limiter les accouplements et le renouvellement de la population. Les lucioles et vers luisants, dont la communication repose sur la bioluminescence (lumière froide en concurrence avec la lumière froide des Leds blanches) nécessitant l'obscurité sont également affectés, avec un impact probable de reproduction113. Augmentation de la mortalité directe violente : Selon une étude allemande, un milliard d'insectes (papillons, mouches, coléoptères), dont le rôle pour la chaîne alimentaire est important, seraient tués chaque nuit d'été. Des millions d'oiseaux meurent par collision ou épuisement et prédation chaque année du fait d'édifices éclairés (phares, éoliennes, tours, plate-formes pétrolières, paquebots) jouant un rôle d'aimant. Un exemple connu concerne les espèces menacées du Pétrel de Barau à la Réunion, les juvéniles étant attirés par la lumière artificielle en période de premier envol. - - - - - 107 Ils ont été notamment résumés par Jean-Philippe Siblet, chef de service au Muséum national d'histoire naturel, à partir de 2008 et confirmés par les recherches et bibliographies plus récentes. Source : Baker et Richardson, 2006. Source : Riley et al., 2013. Source : Beier, 1995. Source : Knop et al., 2017). Source : R.H.A. Van Grunsven et al., 2017. Bird et Parker, 2014. À la reconquête de la nuit Page 87/106 108 109 110 111 112 113 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ - Production et régulation hormonale du fait de la modification des rythmes circadiens par augmentation de la durée de l'éclairage nocturne : Une thèse soutenue en 2014 au Muséum national d'histoire naturelle par Thomas Le Tallec sur les impacts de la lumière artificielle sur les comportements, les rythmes biologiques et les fonctions physiologiques d'un primate non-humain, le microcèbe murin, a montré une modification de ses rythmes circadiens, avec une augmentation de l'agressivité et une diminution du succès de la reproduction. Illustration : source Science et avenir Les impacts concernent aussi la reproduction et la croissance de la faune et de la flore. Une étude a notamment montré l'effet d'accélération, par l'éclairage artificiel, de la perte des feuilles des arbres. Or, on connaît l'importance de la végétation en milieu urbain pour apporter fraîcheur et humidité et réduire les îlots de chaleur. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 88/106 PUBLIÉ 12. Panorama juridique La présente annexe reprend la réglementation actuelle relative à la pollution lumineuse ou portant sur des domaines connexes (qui y contribuent). 8.1 Dispositif législatif : La pollution lumineuse dans les lois Grenelle 1 et 2. La première inscription de la pollution lumineuse dans la loi est mentionnée dans l'article 41 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (1) qui prévoit : « Les émissions de lumière artificielle de nature à présenter des dangers ou à causer un trouble excessif aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, entraînant un gaspillage énergétique ou empêchant l'observation du ciel nocturne feront l'objet de mesures de prévention, de suppression ou de limitation ». Un dispositif plus complet est prévu dans la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (1), dite Grenelle 2, à son article 173 qui complète le code de l'environnement par un chapitre III intitulé « Prévention des nuisances lumineuses ». Il prévoit : - La compétence du ministre chargé de l'environnement pour établir des spécifications techniques applicables de plein droit immédiatement aux installations, activités, ouvrages ou équipements nouveaux et après un délai pour les existants, et pour en définir les modalités de contrôle ; des prescriptions peuvent être imposées aux exploitants ou utilisateurs de certaines installations lumineuses. La loi fixe les caractéristiques des installations lumineuses concernées selon « leur puissance lumineuse totale, le type d'application de l'éclairage, la zone d'implantation et les équipements mis en place ». - La possibilité dans les arrêtés ministériels d'attribuer au préfet, dans des conditions prédéfinies, le pouvoir d'adapter les spécifications techniques ou les interdictions prévues aux circonstances locales. - L'attribution des pouvoirs de contrôle au maire sauf pour les installations, activités ouvrages ou équipements communaux et pour les installations ou ouvrages déjà régis par une police spéciale d'État, dont le contrôle est attribué à l'État114. Ce texte prévoit également que le régime des installations classées, des installations nucléaires de base et des publicités, enseignes et pré-enseignes, sont exclus du champ d'application des dispositions (cf. Article L. 583-4 du code de l'environnement 115 et L. 581-9 du même code pour la publicité). La loi prévoit également des sanctions administratives avec mise en demeure préalable116, d'un montant maximum de 750 euros par constatation d'une installation 114 Conformément à l'article L. 583-3 les contrôles de police relèvent « de la compétence du maire sauf pour les installations communales, définies selon leur puissance lumineuse totale, application, zone et équipements, pour lesquelles ce contrôle relève de la compétence de l'État. Ce contrôle est assuré par l'État pour les installations, selon leur puissance lumineuse totale, application, zone et équipements soumis à un contrôle de l'État au titre d'une police administrative spéciale ». « Art.L. 583-4.- Le présent chapitre n'est pas applicable aux installations régies par le titre Ier du livre V, ni aux installations régies par la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire ». « Art.L. 583-5.-En cas d'inobservation des dispositions applicables aux installations régies par le présent chapitre ou des règlements pris pour leur application, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à qui incombe l'obligation d'y satisfaire dans le délai qu'elle détermine ». À la reconquête de la nuit Page 89/106 115 116 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ lumineuse irrégulière au regard des prescriptions techniques ou du maintien de son exploitation (cf. article R583-7117). Autres législations : lois TECV et biodiversité La pollution lumineuse est également mentionnée dans d'autres dispositions législatives. Dans la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV), la pollution lumineuse est mentionnée dans le plan climat-airénergie (PCAE) au niveau régional ou intercommunal (agglomération). Il comporte un volet spécifique à la maîtrise de la consommation énergétique de l'éclairage public et de ses nuisances lumineuses118. Le financement des plans climat-air-énergie territoriaux est assurée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (1) mentionne également la préoccupation de la pollution lumineuse en ajoutant les sites et les « paysages diurnes et nocturnes » au patrimoine commun de la nation dans son article 1er, et en prévoyant dans son article 5 qu' « Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l'environnement, y compris nocturne » 119. À l'article 6, les sources lumineuses sont ajoutées dans la définition de la pollution marine anthropique120. À l'article 17, la définition de la trame verte et bleue présente dans le premier alinéa du I de l'article L. 371-1 du code de l'environnement 121 est complétée par l'ajout de « la gestion de la lumière artificielle la nuit ». À l'article 171, « Les objectifs de qualité paysagère mentionnés à l'article L. 333-1 (parc naturel régional) visent également à garantir la prévention des nuisances lumineuses définie à l'article L. 583-1122 ». « Si, à l'expiration de ce délai, l'intéressé n'a pas déféré à la mise en demeure, l'autorité administrative compétente suspend par arrêté le fonctionnement des sources lumineuses jusqu'à exécution des conditions imposées et prend les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure. » 117 Article R. 583-7 ­ En cas de constatation d'une installation lumineuse irrégulière au regard des prescriptions techniques fixées par le ministre en charge de l'environnement ou du maintien de l'exploitation d'une installation lumineuse en violation d'un arrêté pris en application de l'article L. 583-5, l'autorité administrative compétente définie à l'article L. 583-3 peut prononcer une amende, au plus égale à 750 euros, après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations. Extrait article L. 229-26 du code de l'environnement : « Lorsque cet établissement public exerce la compétence en matière d'éclairage mentionnée à l'article L. 2212-2 du même code, ce programme d'actions comporte un volet spécifique à la maîtrise de la consommation énergétique de l'éclairage public et de ses nuisances lumineuses. » Article L. 110-2 : « Les lois et règlements organisent le droit de chacun à un environnement sain. Ils contribuent à assurer un équilibre harmonieux entre les zones urbaines et les zones rurales ainsi que la préservation et l'utilisation durable des continuités écologiques. Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l'environnement, y compris nocturne. Les personnes publiques et privées doivent, dans toutes leurs activités, se conformer aux mêmes exigences. » Cf. 5° de l'article L. 219-8 du code de l'environnement : « La " pollution" consiste en l'introduction directe ou indirecte, par suite de l'activité humaine, de déchets, de substances, ou d'énergie, y compris de sources sonores sous-marines ou de sources lumineuses d'origine anthropique, qui entraîne ou est susceptible d'entraîner des effets nuisibles pour les ressources vivantes et les écosystèmes marins, et notamment un appauvrissement de la biodiversité, des risques pour la santé humaine, des obstacles pour les activités maritimes, et notamment la pêche, le tourisme et les loisirs ainsi que les autres utilisations de la mer, une altération de la qualité des eaux du point de vue de leur utilisation, et une réduction de la valeur d'agrément du milieu marin. » Article L.371-1 du Code de l'environnement : « La trame verte et la trame bleue ont pour objectif d'enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural ainsi que la gestion de la lumière artificielle la nuit. » cf. article L. 350-1 du code de l'environnement. À la reconquête de la nuit Page 90/106 118 119 120 121 122 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ 8.2 Dispositif réglementaire sur les nuisances lumineuses : Décret n° 2011-831 du 12 juillet 2011 relatif à la prévention et à la limitation des nuisances lumineuses : Ce décret décline au niveau réglementaire les principes mentionnés dans les lois précitées, notamment celle de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (1) dite Grenelle 2. Il précise la définition technique d'une installation lumineuse, et donne le champ des typologies d'éclairage concerné par les prescriptions techniques ministérielles au titre de la prévention de la pollution lumineuse : · éclairage extérieur destiné à favoriser la sécurité des déplacements, des personnes et des biens et le confort des usagers sur l'espace public ou privé, en particulier la voirie, à l'exclusion des dispositifs d'éclairage et de signalisation des véhicules ; éclairage de mise en valeur du patrimoine, (tel que défini à l'article L. 1 du code du patrimoine), du cadre bâti, ainsi que des parcs et jardins ; éclairage des équipements sportifs de plein air ou découvrables ; éclairage des bâtiments, recouvrant à la fois l'illumination des façades des bâtiments et l'éclairage intérieur émis vers l'extérieur de ces mêmes bâtiments ; éclairage des parcs de stationnement non couverts ou semi-couverts ; éclairage événementiel extérieur, constitué d'installations lumineuses temporaires utilisées à l'occasion d'une manifestation artistique, culturelle, commerciale ou de loisirs ; éclairage de chantiers en extérieur. · · · · · · Le décret rappelle le principe législatif d'exclusion des publicités et des enseignes lumineuses. Il prévoit enfin un critère de modulation des prescriptions techniques « en fonction de l'implantation des installations lumineuses selon qu'elles se situent dans les zones qualifiées d'agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière ou les zones en dehors de ces agglomérations ». Enfin, le décret précise les espaces naturels et les sites d'observation astronomique, dont les installations lumineuses font l'objet de mesures plus restrictives que celles appliquées aux dispositifs implantés en agglomération et en dehors des agglomérations : parcs nationaux, réserves naturelles et périmètres de protection, parcs naturels régionaux, parcs naturels marins, sites classés et sites inscrits, sites Natura 2000. Les sites d'observation astronomique ne sont pas désignés à ce niveau de norme, et nécessiteront un arrêté ultérieur, en projet à la DGPR. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 91/106 PUBLIÉ Arrêté du 25 janvier 2013 relatif à l'éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels afin de limiter les nuisances lumineuses et les consommations d'énergie. Cet arrêté prévoit des horaires et modalités d'extinction de la lumière des éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel, des illuminations des façades des bâtiments et des éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition 123. Il instaure un régime de dérogation préfectorale pour des motifs économiques et touristiques. Il indique que l'irrégularité peut être constatée visuellement par l'autorité compétente mentionnée à l'article L. 583-3 du code de l'environnement (c'est-à-dire le maire ou l'État), au regard des prescriptions de fonctionnement d'une installation lumineuse. Le Conseil d'État, par un arrêté du 28 mars 2018, a condamné le ministre de la transition écologique et solidaire à édicter les arrêtés d'application prévus au I de l'article L. 583-2 et à l'article R. 583-4 du code de l'environnement relatifs aux nuisances lumineuses, dans un délai de neuf mois à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Les arrêtés attendus concernent la définition technique de seuils relatifs à diverses catégories d'installations lumineuses ainsi que les règles devant s'appliquer dans certains espaces naturels et sites d'observation astronomique. 8.3 La réglementation des enseignes et publicités lumineuses : Bien que non inclus dans le périmètre de la législation précitée au titre de la prévention de la pollution lumineuse, ces dispositifs lumineux sont néanmoins soumis à un régime restrictif, conformément à la loi Grenelle 2 et au décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012 relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux pré-enseignes. Ce régime restrictif est établi notamment par les articles L. 581-4, L. 581-7, L. 5 81-8, L. 581-9 et R. 581-34 et suivants du code de l'environnement. Il résulte de la combinaison de ces articles que, par principe, toute publicité est interdite sur certains espaces comme les monuments, les sites naturels, les coeurs des parcs nationaux et les réserves naturelles ; une distinction est ensuite opérée entre des zones en agglomération ou hors agglomération. À l'intérieur des agglomérations, la publicité est interdite dans des nombreuses zones particulières : autour des sites classés ou autour des monuments historiques classés ; dans les secteurs sauvegardés ; dans les parcs naturels régionaux ; dans les sites inscrits à l'inventaire et les zones de protection délimitées autour de ceux-ci ; ou encore en covisibilité de proximité avec un monument historique ou inscrits à ISMH, dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, (ZPPAUP), dans l'aire d'adhésion des parcs nationaux, dans les zones spéciales de conservation (ZSC) et dans les zones de protection spéciales (ZPS). Seul un règlement local de publicité (RLP) peut déroger à ces interdictions. 123 « Les éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel sont éteints une heure après la fin de l'occupation de ces locaux. Les illuminations des façades des bâtiments sont éteintes au plus tard à 1 heure. Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition peuvent être allumés à partir de 7 heures ou une heure avant le début de l'activité si celle-ci s'exerce plus tôt. Les illuminations des façades des bâtiments ne peuvent être allumées avant le coucher du soleil. Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition sont éteints au plus tard à 1 heure ou une heure après la fin de l'occupation de ces locaux si celle-ci intervient plus tardivement ». À la reconquête de la nuit Page 92/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Pour tous les autres cas, la publicité est admise par principe dans les agglomérations124. La loi précise que cette publicité « doit toutefois satisfaire, notamment en matière d'emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d'entretien et, pour la publicité lumineuse, d'économies d'énergie et de prévention des nuisances lumineuses au sens du chapitre III du présent titre, à des prescriptions fixées par décret en Conseil d'État en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l'importance des agglomérations concernées. (...) L'installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence est soumise à l'autorisation de l'autorité compétente ». En revanche, hors agglomération (au sens de la circulation routière) toute publicité est interdite, avec des exceptions notables pour les aéroports, les centres commerciaux et le contenu des règlements locaux de publicités125. L'article R. 581-34 a tenté de synthétiser et de préciser la réglementation applicable sur les notions d'agglomération, de dispositif lumineux concerné, avec des critères techniques propres à la publicité (surface des panneaux, notamment lumineux) et aux dérogations inhérentes aux équipements sportifs. Il indique que : « La publicité lumineuse est la publicité à la réalisation de laquelle participe une source lumineuse spécialement prévue à cet effet ». En principe, le décret prévoit que la publicité lumineuse ne peut être autorisée à l'intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants126. En outre, la publicité lumineuse respecte des normes techniques fixées par arrêté ministériel, portant notamment sur les seuils maximaux de luminance, exprimés en candelas par mètre carré, et sur l'efficacité lumineuse des sources utilisées, exprimée en lumens par watt. Il y a donc ici une articulation prévue avec les dispositions techniques relatives à la pollution lumineuse. 124 cf. Article L. 581-9. Article L. 581-7 : En dehors des lieux qualifiés d'agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière, toute publicité est interdite. Elle est toutefois autorisée à l'intérieur de l'emprise des aéroports ainsi que des gares ferroviaires, selon des prescriptions fixées par décret en Conseil d'État. La publicité peut également être autorisée par le règlement local de publicité de l'autorité administrative compétente à proximité immédiate des établissements de centres commerciaux exclusifs de toute habitation et situés hors agglomération, dans le respect de la qualité de vie et du paysage et des critères, en particulier relatifs à la densité, fixés par décret. La publicité lumineuse ne peut être autorisée à l'intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants. À l'intérieur des agglomérations de plus de 10 000 habitants et dans celles de moins de 10 000 habitants faisant partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants, ainsi qu'à l'intérieur de l'emprise des aéroports et des gares ferroviaires et routières situés hors agglomération, la publicité lumineuse apposée sur un mur, scellée au sol ou installée directement sur le sol ne peut avoir une surface unitaire excédant 8 mètres carrés, ni s'élever à plus de 6 mètres au-dessus du niveau du sol. Sur l'emprise des équipements sportifs mentionnés aux articles L. 581-7 et L. 581-10, la publicité lumineuse apposée sur un mur, une façade ou une clôture, scellée au sol ou installée directement sur le sol peut s'élever jusqu'à 10 m au-dessus du niveau du sol et avoir une surface unitaire d'une limite maximale de 50 m 2. Une élévation supérieure à 10 m peut être autorisée, pour la publicité apposée sur un mur, une façade ou une clôture, compte tenu notamment de la durée d'installation de la publicité, de sa surface, des procédés utilisés, des caractéristiques des supports, de son insertion architecturale et paysagère, de son impact sur le cadre de vie environnant et de ses incidences éventuelles sur la sécurité routière. 125 126 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 93/106 PUBLIÉ Un champ d'exclusion de l'obligation d'extinction est prévu pour : « Les publicités lumineuses installées sur l'emprise des aéroports, celles éclairées par projection ou transparence supportées par le mobilier urbain et des publicités numériques supportées par le mobilier urbain, à condition que leurs images soient fixes. » Ce champ est en définitive assez étendu. Il peut être aussi dérogé à l'extinction des publicités ou enseignes lumineuses lors d'événements exceptionnels définis par arrêté municipal ou préfectoral. L'article R. 581-35 du code de l'environnement127 précise le principe de l'extinction des publicités la nuit : - des enseignes lumineuses entre 1 heure et 6 heures, lorsque l'activité signalée a cessé ou une heure après la cessation d'activité. Elles peuvent être allumées une heure avant la reprise de cette activité, y compris entre minuit et 7 heures ; - des publicités lumineuses dans les unités urbaines de moins de 800 000 habitants entre 1 heure et 6 heures du matin, sauf exclusions mentionnées ci-dessus et dans les unités urbaines de plus de 800 000 habitants, pour lesquelles les maires édicteront les règles applicables. Enfin, la publicité lumineuse apposée sur un mur, scellée au sol ou installée sur le sol et la publicité numérique sont soumises à des critères de surface128. Des arrêtés fixent des seuils maximaux de luminance en candelas par mètre carré, l'efficacité lumineuse des sources utilisées en lumens par watt et la consommation électrique maximale du dispositif de publicité numérique pour pouvoir excéder 2.1 mètres carrés et 3 mètres de haut. La réglementation prévoit donc un dispositif gradué, avec en zone rurale un principe d'interdiction des publicités lumineuses et en zone d'agglomération un principe d'autorisation tempéré par des règles d'extinction. Il est important de noter ici que l'approche de cette réglementation sur les enseignes lumineuses est d'abord paysagère voire quasi urbanistique, ou encore fonctionnelle. Pour illustration, la disposition relative à la publicité lumineuse apposée sur un mur, scellée au sol ou installée sur le sol ne prévoit la prévention des éblouissements que dans une approche utilitariste, c'est-à-dire gênant pour les activités humaines, notamment le transport aérien. Exemple : « Dans les aéroports dont le flux annuel de passagers dépasse trois millions de personnes, la surface maximale est de 50 mètres carrés et la hauteur maximale de 10 mètres. Afin d'éviter les éblouissements, les dispositifs publicitaires numériques situés à l'intérieur des agglomérations ou des gares et aéroports situés hors agglomération sont équipés d'un système de gradation permettant d'adapter l'éclairage à la luminosité ambiante ». 127 Article R. 581-35 ­ Dans les unités urbaines de moins de 800 000 habitants, les publicités lumineuses sont éteintes entre 1 heure et 6 heures, à l'exception de celles installées sur l'emprise des aéroports, de celles éclairées par projection ou transparence supportées par le mobilier urbain et des publicités numériques supportées par le mobilier urbain, à condition que leurs images soient fixes. Dans les unités urbaines de plus de 800 000 habitants, les obligations et modalités d'extinction sont prévues par le règlement local de publicité selon les zones qu'il identifie. Il peut être dérogé à cette extinction lors d'événements exceptionnels définis par arrêté municipal ou préfectoral. Publicité lumineuse : La surface ne doit pas excéder 8 mètres carrés ni dépasser 6 mètres de hauteur à l'intérieur des villes concernées ou des gares et aéroports situés hors agglomération. Publicité numérique : la surface ne doit pas excéder 8 mètres carrés ni dépasser 6 mètres de hauteur si la consommation n'excède pas les niveaux définis par arrêté ministériel, sinon la surface est limitée à 2.1 mètres carrés et de hauteur maximale 3 mètres. 128 Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 94/106 PUBLIÉ Enfin, il n'existe aucune recommandation ni prescription des fédérations sportives sur les panneaux lumineux. Les grands évènements sportifs (JO 2024) sont même dérogatoires aux RLP en place. Il convient de noter également que le délai de mise en conformité des installations de publicité lumineuse a été fixé à 6 ans dans la loi 129. Son entrée en vigueur a été effective au 1er juillet 2018 pour un texte initial voté en 2010, modifié en 2012. 8.4 La réglementation relative à l'accessibilité des personnes à mobilité réduite (PMR). Cette réglementation est régie par un arrêté du 8 décembre 2014, plusieurs fois modifié 130. Cet arrêté prévoit que le niveau d'éclairement moyen horizontal au niveau du sol est en moyenne de 20 lux et doit être maintenu sur toute la longueur du cheminement accessible en tenant compte des zones de transition. Un contraste visuel renforcé est aussi requis sur les dispositifs d'accès (porte, sas, portillon, etc.), sur la signalétique et sur les parties du cheminement qui peuvent être source de perte d'équilibre pour les personnes handicapées. La portée de ces exigences dépend de la qualification juridique des infrastructures et aménagements131 concernées par l'obligation d'accessibilité des handicapés : - les établissements recevant du public (ERP), neufs ou anciens ; - les installations ouvertes au public (IOP), neufs ou anciens132 ; - les bâtiments d'habitation collective (BHC) lors de leur construction ; - les maisons individuelles lors de leur construction. 129 cf. article 67 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives (1). Arrêté du 8 décembre 2014 fixant les dispositions prises pour l'application des articles R. 111-19-7 à R. 111-19-11 du code de la construction et de l'habitation et de l'article 14 du décret n° 2006-555 relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public situés dans un cadre bâti existant et des installations existantes ouvertes au public, modifié par l'Arrêté du 20 avril 2017 et l'Arrêté du 24 décembre 2015. L'article R.123-2 du code de la construction et de l'habitation définit un établissement recevant du public comme un bâtiment, local ou enceinte dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non. Les établissements recevant du public sont classés par groupe puis par type et catégorie. le classement par type est basé sur la nature de l'exploitation. La catégorie est relative à l'effectif susceptible d'être présent dans l'exploitation considérée. On entend par effectif, le public et les personnels. Une installation ouverte au public (IOP) est un espace, lieu ou équipement qui ne répond pas aux règles de sécurité. Doivent être considérés comme des IOP : les espaces publics et privés qui desservent des ERP, les aménagements permanents non rattachés à un ERP : les circulations principales des jardins publics, les aménagements divers en plein air (dont les tribunes et gradins), les parties non flottantes des ports de plaisance, etc. Les parties non bâties des terrains de camping et autres terrains aménagés pour l'hébergement touristique. Les éléments de mobilier urbain doivent être accessibles s'ils sont intégrés à une IOP. 130 131 132 Ne sont pas des IOP les aménagements liés à la voirie et aux espaces publics : voirie publique, places publiques, espaces piétonniers sur dalles passerelles.* escaliers mécaniques.* mobilier urbain.*(*si installé sur la voirie)les espaces de jeux en superstructure pour enfants. Les équipements ayant une réglementation spécifique : Arrêts de bus (réglementation relative à la voirie). À la reconquête de la nuit Page 95/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Les espaces concernés par les exigences d'éclairage et intégrés dans les quatre précédents types de constructions sont le cheminement extérieur accessible et les parcs extérieurs de stationnement. Ainsi, dans la majorité des cas, les maîtres d'ouvrages préconisent un seuil d'éclairage de 20 lux généralisé pour répondre à la conformité de la réglementation PMR des installations d'éclairage. 8.5 La réglementation des études d'impact au regard de la pollution lumineuse. La réglementation des études d'impact (décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011) prend en compte le phénomène de la pollution lumineuse à travers le concept de continuité écologique examiné dans l'étude d'impact ; Toutefois la lumière artificielle n'est qu'une source de rupture de la continuité écologique parmi tant d'autres. Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. Le 3° de l'article R. 122-5.-I du code de l'environnement prévoit133 que l'étude d'impact doit contenir « Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses). 8.6 La réglementation applicable aux trames vertes et bleues Le projet trame verte et bleue est destiné à lutter contre la fragmentation spatiale des habitats. Les orientations nationales de ce projet approuvées par le décret n° 2014-45 du 20 janvier 2014 affichent un objectif de maîtrise de l'urbanisation en intégrant des problématiques connexes, notamment la pollution lumineuse134. Le concept dérivé de « trame noire » bien que porté par les associations ou certains acteurs locaux, n'existe pas en droit français de l'environnement. Il est intégré dans celui de trame « verte et bleue » telle que prévue par la loi. 133 « Art. R. 122-5.-I. « II.-L'étude d'impact présente : « 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement et, le cas échéant, une description des principales caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication, notamment mis en oeuvre pendant l'exploitation, telles que la nature et la quantité des matériaux utilisés, ainsi qu'une estimation des types et des quantités des résidus et des émissions attendus résultant du fonctionnement du projet proposé. « Pour les installations relevant du titre Ier du livre V du présent code et les installations nucléaires de base relevant du titre IV de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 modifiée relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, cette description pourra être complétée dans le dossier de demande d'autorisation en application de l'article R. 512-3 et de l'article 8 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 modifié relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives ; « 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; « 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ; 134 cf. Annexe du décret 2014-45 portant adoption des orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ; document cadre d'orientation nationale pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques. À la reconquête de la nuit Page 96/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ 8.7 La réglementation applicable aux travailleurs La réglementation française relative à la prévention des expositions aux rayonnements optiques artificiels figure dans le Code du travail (articles R. 4452-1 3 à R. 4452-31). Elle concerne les sources de rayonnement incohérentes ainsi que les lasers. Issues de la transposition en droit français de la directive européenne 2006/25/CE, ces dispositions concernent les effets des rayonnements optiques artificiels 135 sur la peau et l'oeil, et portent notamment sur : · · · · · les valeurs limites d'exposition professionnelle, l'évaluation des risques, les mesures et moyens de prévention, l'information, la formation, le suivi individuel de l'état de santé des salariés exposés. Les textes distinguent le cas des rayonnements optiques incohérents et celui des lasers. Les valeurs limites d'exposition professionnelles relatives aux rayonnements optiques incohérents sont déclinées selon les effets physiologiques, les longueurs d'ondes et les durées d'exposition au cours d'une journée de travail de 8 heures, de fait relativement complexes à mettre en oeuvre. 8.8 Le cas des normes et des recommandations techniques Les normes techniques reposent initialement sur une démarche volontaire des professionnels du secteur. Elles sont régulièrement actualisées et sont essentiellement portées par une approche de voirie routière et de circulation. · La norme NF EN 13201 en matière d'éclairage routier fixe des exigences de performances et constitue une aide à la sélection des classes de chaussées. Elle permet d'optimiser les dépenses énergétiques et de produire, à chaque instant de la nuit, que la seule quantité de lumière nécessaire et suffisante pour la visibilité et la sécurité des usagers. Elle permet également de réduire au maximum les chutes de flux lumineux à compenser lors d'opération de maintenance préventive. Cette norme prévoit : la méthode française AFE de sélection des classes d'éclairage et des voies adaptables aux différentes périodes de la nuit. Une attribution claire est possible pour connaître la classe normative de la voie la luminance et l'éclairement, les valeurs minimales, maximales cibles envisageables Elle se décline en 5 items : - NF EN 13201-1 : Sélection des classes d'éclairage selon les groupes de situations d'éclairage, en fonction de la vitesse et des types d'usagers : trafic motorisé prépondérant, trafic motorisé + cyclistes + piétons, piétons en priorité ; - NF EN 13201-2 : exigences de performances ; - NF EN 13201-3 : calcul des performances ; 135 L'exposition au rayonnement solaire n'est pas prise en compte dans les textes réglementaires cités. À la reconquête de la nuit Page 97/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ - NF EN 13201-4 : méthode de mesure des performances photométriques ; - NF EN 13201-5 : cette partie de la norme donne les méthodes permettant d'accéder au calcul. Il prend en compte, par zone d'étude, la géométrie des voies (séparation des voies, présence d'échangeurs et d'intersection, zones de conflit), la nature du trafic (densité, présence de cyclistes et piétons, stationnement, difficulté de navigation) et l'environnement (exigences visuelles, ambiance, conditions climatiques). Il comprend par conséquent des classes d'éclairages. · Une norme extérieures. expérimentale NF XP 90-013 Nuisances lumineuses A titre expérimental, des méthodes de calcul et de contrôle de la nuisance lumineuse en extérieur ont été publiées par l'AFNOR en mars 2011. Elles tendaient principalement à l'optimisation de la résorption du halo lumineux par les mesures de dispersion de la lumière vers le ciel. Cette norme doit être complétée pour intégrer les évolutions technologiques comme les Leds et n'a pas fait l'objet d'une généralisation d'application. · Des normes particulières propres à certaines installations. Il existe également des normes techniques propres à certaines installations, comme les équipements sportifs, pour lesquels sont présentes des spécifications d'éclairage recommandées par les fédérations sportives pour l'éclairage de leurs activités. Cet éclairage est conditionné par les attentes, tant des athlètes que, les spectateurs, mais aussi « imposées » par les médias pour la retransmission télévisuelle d'évènements sportifs. La norme NF EN 12193 réglemente donc le nombre de lux pour les pratiques sportives Comme évoqué plus haut, les normes d'éclairage les plus élevées sont prévues selon les niveaux nécessaires en matière de retransmission télévisuelle. Pour illustration, l'éclairage requis est de 300 lux sur un stade de niveau fédéral et de 2350 lux 136 sur un stade de ligues 1 et 2 de football. Le niveau d'éclairage est plus exigeant pour les sports rapides et le seuil le plus élevé est retenu pour les équipements multisports, très majoritairement gérés par les collectivités territoriales. · Il existe également une norme mondiale sur les risques d'expositions à la lumière. Cette norme IEC 62471 (dite « photo-biologique ») prévoit une classification de quatre groupes de dangerosité pour les sources de rayonnements optiques liés à la durée d'exposition maximale admissible de l'oeil à la lumière : GR0 ­ groupe de risque 0 : pas de risque quel que soit le temps d'observation de la source ; GR1 ­ groupe de risque 1 (risque faible) : temps d'exposition maximal de 10 000 s (3 h) ; GR2 ­ groupe de risque 2 (risque modéré) : temps d'exposition maximal de 100 s ; GR3 ­ groupe de risque 3 (risque élevé) : temps d'exposition maximal de 0,25 s. 136 cf. § 5.10 de la norme NF EN 12193 de mars 2008 « éclairage des installations sportives. » À la reconquête de la nuit Page 98/106 Rapport n° 012301-01 PUBLIÉ Obligatoire à la vente, le marquage CE des lampes et luminaires impose d'afficher leur classement en termes de risques photo-biologiques, s'il dépasse GR1. · Les fiches techniques relatives aux opérations standardisées d'économies d'énergie Les opérations standardisées d'économies d'énergie correspondent à des opérations couramment réalisées pour lesquelles une valeur forfaitaire de certificats d'économies d'énergie (CEE) a été définie. Élaborées par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), l'Ademe et l'association technique énergie et environnement (ATEE), elles ont fait l'objet de fiches publiées, par arrêté ministériel du 22 décembre 2014. Il existe une série de fiches techniques relative aux opérations sur les réseaux, notamment des fiches "Éclairage" : · RES-EC-101 : Système de régulation de tension en éclairage extérieur ; · RES-EC-102 : Système de maîtrise de la puissance réactive en éclairage extérieur ; · RES-EC-103 : Système de variation de puissance en éclairage extérieur ; · RES-EC-104 : Rénovation d'éclairage extérieur ; · RES-EC-107 : Horloge astronomique pour l'éclairage extérieur. Pour illustration, l'octroi de certificats d'économies d'énergie pour une opération de rénovation d'éclairage extérieur (n° RES-EC-104) implique : Un ensemble optique fermé d'un degré de protection (IP) de 65 minimum ; - cas n°1 : efficacité lumineuse 90 lumens par Watt et ULOR 1 % (ou pour les luminaires à Led, ULR 3 %) ; - cas n°2 : efficacité lumineuse 70 lumens par Watt et ULOR 10 % (ou pour les luminaires à Led, ULR 15 %). Les luminaires utilisés pour l'éclairage fonctionnel des voies de circulation doivent respecter les conditions du cas n°1. Le montant de certificats en kWh cumac est prévu à un niveau significatif d'exigence : 9 300 kWh cumac (cas 1) ou 7 200 kWh cumac (cas 2) selon les cas. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 99/106 PUBLIÉ 8.9 Le droit communautaire applicable Il est essentiellement issu du Règlement (CE) N° 245/2009 du 18 mars 2009 mettant en oeuvre la directive 2005/32/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences en matière d'écoconception applicables aux lampes fluorescentes sans ballast intégré, aux lampes à décharge à haute intensité, ainsi qu'aux ballasts et aux luminaires qui peuvent faire fonctionner ces lampes. Ce règlement européen a eu pour effet d'exclure progressivement du marché intérieur européen : - dès 2012, les lampes fluorescentes lampes sodium haute pression les moins performantes ; - dès 2015, les lampes à vapeur de mercure haute pression appelées aussi ballons fluorescents et les lampes mixtes et les lampes sodium haute pression de substitution aux lampes à vapeur de mercure ; - dès 2017, les lampes fluocompactes à deux broches et les lampes IM inférieur à 405 W les moins performantes. 8.10 Droit comparé et recommandations internationales Un précédent rapport du CGEDD n° 00 9196-01 de juillet 2014 a réalisé un panorama assez complet du sujet. La diversité des approches rejoignent néanmoins une préoccupation partagée avec un faible nombre de lois sur la pollution lumineuse et une préférence pour les recommandations et les actions menées au niveau local, en lien avec le milieu associatif notamment. Les normes de référence sont majoritairement la norme EN 31201 appliquée dans l'Union européenne, les publications de la commission internationale de l'éclairage (CIE) et de l'Illumination Engineering Society of North America (IESNA). Il convient de signaler les normes proposées par le CIE, telles que celles relatives au Leds ou à l'éclairage extérieur137. Le constat était déjà que certains pays avaient eu des difficultés pour légiférer de manière précise, notamment dans les textes d'application à prendre. Selon les pays, la pollution lumineuse est traitée séparément ou non de la question du gaspillage énergétique. Dans les réglementations les plus ambitieuses, on retrouve la généralisation des luminaires à ULOR 0 et la fixation d'un objectif annuel de réduction de consommation d'énergie par habitant. Techniquement, la nature des prescriptions porte sur : - l'orientation de la lumière dans l'espace, en vue de ne pas éclairer inutilement le ciel ou d'éviter les lumières intrusives ; - les plafonds de niveaux d'éclairement ; - l'efficacité énergétique des lampes afin de favoriser la disparition des équipements énergivores ; - la limitation des éblouissements ; 137 CIE S 025/E : 2015 Test Method for Led Lamps, Led Luminaires and Led Modules. ISO/CIE 19476 : 2014(E) Characterization of the Performance of Illuminance Meters and Luminance Meters. CIE S 004/F : 2001 Couleurs des signaux lumineux. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 100/106 PUBLIÉ - les horaires de fonctionnement de certaines installations lumineuses (mise en valeur, enseigne, publicités lumineuses). Depuis 2014, les USA et la Corée du Sud ont par exemple développé une politique active de réduction de la lumière intrusive en ciblant la direction des flux lumineux provenant des enseignes publicitaires ou de l'éclairage public. Des limites de températures de couleurs de 3 500 kelvin sont également recommandées. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 101/106 PUBLIÉ 13. Illustration d'une balade nocturne Tous les clichés ci-après, pris par les membres de la mission, ont seulement pour objet de mettre des images sur quelques facettes de la réalité de la pollution lumineuse. Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 102/106 PUBLIÉ 14. Glossaire des sigles et acronymes Acronyme ADEME AFB AFE ANPCEN ATEE CAPEB CEE CEREMA Signification Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie Agence française de la biodiversité Association française de l'éclairage Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturne Association technique énergie et environnement Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment Certificat d'économie d'énergie Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement Centre d'écologie et des sciences de la conservation Commission internationale de l'éclairage Code général des collectivités territoriales Centre scientifique et technique du bâtiment Direction départementale des territoires Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement Direction de l'eau et de la biodiversité Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature Direction générale des collectivités locales Direction générale de l'énergie et du climat Direction générale de la prévention des risques Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages Direction interdépartementale des routes Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Établissement public à coopération intercommunale Établissement recevant du public Fédération française du bâtiment Fédération nationale des collectivités concédantes et régies France Nature Environnement Installation classée pour l'environnement Mouvement des entreprises de France CESCO CIE CGCT CSTB DDT DEAL DEB DGALN DGCL DGEC DGPR DGITM DHUP DIR DREAL EPCI ERP FFB FNCCR FNE ICPE Medef Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 103/106 PUBLIÉ Acronyme MNHN MTES ONCFS ONG PCAE(T) PLU(I) RLP RLPI SCOT SERCE SRADDET Signification Muséum national d'histoire naturelle Ministère de la transition écologique et solidaire Office national de la chasse et de la faune sauvage Organisation non gouvernementale Plan climat air énergie (territorial) Plan local d'urbanisme intercommunal Règlement local de publicité Règlement local de publicité intercommunal Schéma de cohérence territoriale Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires Transition énergétique pour la croissance verte Territoire à énergie positive pour la croissance verte Upward Light Ratio ­ Indice caractérisant le pourcentage du flux lumineux d'une source, dirigé vers le ciel Unité mixte de service patrimoine naturel Ultraviolet TECV TEPCV ULOR UMS Patrinat UV Rapport n° 012301-01 À la reconquête de la nuit Page 104/106 PUBLIÉ PUBLIÉ Site internet du CGEDD : « Les derniers rapports » PUBLIÉ INVALIDE)

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