Xylella fastidiosa en Corse : connaissances, risques afférents à sa présence pour la végétation cultivée ou naturelle, et stratégie d'enrayement
BARTHOD, Christian ;STEFANINI-MEYRIGNAC, Odile ;BARJOL, Jean-Louis ;LARGUIER, Michel
Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
;France. Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux
Auteur secondaire
Résumé
La découverte de la bactérie Xylella fastidiosa en Corse en juillet 2015, puis la détection de 354 foyers sur un grand nombre d'espèces végétales, a suscité de vives inquiétudes pour l'avenir de certaines cultures et des milieux naturels dans l'île, passée du statut de zone d'éradication de cette maladie à celui de zone d'enrayement. La mission conjointe du CGEDD et du CGAAER avait pour objectif d'analyser le dispositif de surveillance et de prévention à mettre en place dans le cadre de la stratégie d'enrayement, en prenant compte de la flore sauvage, dans le contexte d'une biodiversité insulaire riche. Afin d'avoir une vision aussi complète que possible, la mission a rencontré un grand nombre d'acteurs de ce dossier. L'organisation de la gouvernance sanitaire en Corse a été examinée, avec notamment le rôle alloué à la Fédération Régionale de lutte et de Défense contre les Organismes Nuisibles (FREDON) ainsi qu'au fonctionnement du Conseil régional d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CROPSAV). Les échanges avec les chercheurs et les agents de l'ANSES ont montré la rapide et récente progression des connaissances produites concernant Xylella fastidiosa, mais aussi l'ampleur des interrogations qui demeurent. Le rapport présente un état de connaissances sur les caractéristiques de cette bactérie, les modalités de sa dissémination, les relations complexes entre la bactérie, les plantes hôtes, et les insectes vecteurs, les résultats de l'épidémiosurveillance, les risques liés à l'introduction de nouvelles sous-espèces ou à l'hybridation entre les souches, etc. Les recommandations portent notamment sur : la mise en place d'un conseil scientifique auprès du préfet de Corse et de groupes de travail dans le cadre du CROPSAV pour définir un programme de recherches appliquées sur l'identification des résistances variétales et des bonnes pratiques agricoles et phytosanitaires, afin de contribuer à la mise en oeuvre de la réglementation dans de bonnes conditions. Les constats réalisés sur la présence et les risques de Xylella fastidiosa pour les milieux naturels, subnaturels et pour les zones agricoles, conduisent à recommander une surveillance biologique intégrée du territoire. L'organisation d'un système de surveillance de longue durée pour les milieux naturels est proposée, ainsi que l'orientation du dispositif global vers la détection précoce de l'introduction possible de sous-espèces. Pour les cultures en zones agricoles, une réflexion pour anticiper « les scénarios du pire » et examiner la gestion de ces situations devra être conduite par les groupes de travail. Pour minimiser le risque d'introduction de nouvelles souches et sous-espèces, la mission recommande, conformément à la réglementation communautaire, la publication d'un arrêté préfectoral concernant la liste des végétaux pouvant bénéficier d'une dérogation à l'interdiction de plantation des plantes hôtes en zone infectée. La mission formule également des recommandations sur : la mise en oeuvre pratique des inspections à l'entrée et la sortie des végétaux de Corse ; l'information des voyageurs et du public relative aux risques phytosanitaires induits par les mouvements de végétaux.
Editeur
CGEDD
;CGAAER
Descripteur Urbamet
culture
;maladie
;activité agricole
;gouvernance
Descripteur écoplanete
espèce végétale
;bactérie
;risque sanitaire
;galle des végétaux
;espèce nuisible
;épidémie
;contamination biologique
;lutte biologique
;santé publique
;agent pathogène
;microorganisme
;impact sur l'environnement
Thème
Environnement - Paysage
;Ressources - Nuisances
Texte intégral
MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION
Conseil général de l'environnement et du développement durable N° 011653-01
Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux N° 17120
U
Pour le CGAAER
B
établi par Juin 2018
connaissances, risques afférents à sa présence pour la végétation cultivée ou naturelle, et stratégie d'enrayement
Xylella fastidiosa en Corse :
P
Michel LARGUIER
Jean-Louis BARJOL
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
LI
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts
É
Pour le CGEDD Christian BARTHOD Odile STEFANINI-MEYRIGNAC
PUBLIÉ
SOMMAIRE
RÉSUMÉ........................................................................................................................5 LISTE DES RECOMMANDATIONS.............................................................................................9 1.INTRODUCTION............................................................................................................11 2.LES ACTEURS ET LA GOUVERNANCE..................................................................................15
2.1. À l'échelle nationale...................................................................................................... 15 2.1.1. Les orientations de la politique sanitaire animale et végétale.....................................15 2.1.2. Gouvernance et surveillance du territoire...................................................................16 2.1.3. Porter la politique sanitaire française à l'international.................................................18 2.2. À l'échelle du territoire de la Corse............................................................................... 18 2.2.1. Une organisation territoriale particulière.....................................................................18 2.2.2. La délégation de mission de service public................................................................19 2.2.3. La gouvernance sanitaire régionale...........................................................................20 2.2.4. Le partage des connaissances en Corse...................................................................21
3.MISE EN OEUVRE DE LA RÉGLEMENTATION...........................................................................23
3.1. Présentation générale................................................................................................... 23 3.2. La mise en oeuvre des méthodes analytiques..............................................................23 3.2.1. Avant l'entrée de la Corse en enrayement..................................................................23 3.2.2. Suite à l'entrée de la Corse en zone d'enrayement et la publication des tests officiels ................................................................................................................................... 25 3.2.3. L'identification de la sous-espèce est confiée à l'ANSES...........................................26 3.2.4. La gestion des différences de résultats entre l'INRA et le LNR..................................27 3.3. La stratégie de surveillance du territoire corse après le passage en enrayement........29 3.4. Anticiper l'avenir et réfléchir à l'adaptation de la gestion de foyers...............................31 3.5. Les mouvements de végétaux sortant de Corse..........................................................32 3.5.1. Les dérogations pour les mouvements de plants de Vitis...........................................32 3.5.2. Les inspections de végétaux sortant de Corse...........................................................34 3.6. Les mouvements de végétaux entrant en Corse..........................................................35 3.6.1. Débats juridiques au sujet de l'arrêté préfectoral du 30 avril 2015.............................35 3.6.2. Construire un autre dispositif......................................................................................37 3.6.3. Les inspections à l'introduction...................................................................................38 3.6.4. Les contrôles dans les centres postaux.....................................................................39
4.MILIEUX NATURELS.......................................................................................................41
4.1. Bref rappel sur les milieux concernés...........................................................................41 4.2. Propositions de la mission pour la surveillance des milieux naturels et subnaturels en Corse........................................................................................................................... 43
5.PRATIQUES AGRICOLES..................................................................................................47
5.1. En Corse et au niveau national..................................................................................... 47 5.1.1. Concernant la réflexion sur les pratiques culturales des végétaux hôtes cultivés en zone agricole.............................................................................................................. 48 5.1.2. Concernant les tests variétaux des végétaux hôtes cultivés en zone agricole...........49 5.2. Dans les Pouilles.......................................................................................................... 52 5.2.1. Pratiques culturales à la parcelle................................................................................52
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5.2.2. Tests de résistance variétale......................................................................................54 5.3. Aux Baléares................................................................................................................. 54 5.3.1. Pratiques culturales à la parcelle................................................................................54 5.3.2. Tests de résistance variétale......................................................................................55
6.COMMUNICATION ET SENSIBILISATION................................................................................57
6.1. Mettre en oeuvre des campagnes de sensibilisation.....................................................57 6.2. Les États membres ont mis en place des sites internet...............................................57 6.3. Les campagnes de sensibilisation prennent des formes variées, et la plus aboutie est à Majorque...................................................................................................................... 58 6.4. Piste de réflexions........................................................................................................ 58
7.CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS................................................................................61 ANNEXES.....................................................................................................................69
Annexe 1 : lettre de mission.................................................................................................71 Annexe 2 : note de cadrage.................................................................................................74 Annexe 3 : liste des personnes rencontrées........................................................................82 Annexe 4 : liste des sigles utilisés........................................................................................90 Annexe 5 : liste des textes de références.............................................................................92 Annexe 6 : bibliographie.......................................................................................................93 Annexe 7 : les constats et l'état des connaissances............................................................94 Annexe 8 : le cadre réglementaire de la lutte contre Xylella fastidiosa...............................117 Annexe 9 : chronologie.......................................................................................................127 Annexe 10 : mise en oeuvre de la réglementation..............................................................134 Annexe 11 : compléments d'analyse relatifsaux milieux naturels et subnaturels................185
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RÉSUMÉ
La découverte de la bactérie Xylella fastidiosa en Corse en juillet 2015, puis la détection de 354 foyers sur un grand nombre d'espèces végétales, suscitent de très vives inquiétudes pour l'avenir de certaines cultures et des milieux naturels dans l'île. A la demande des autorités françaises, le dispositif réglementaire de l'Union européenne a récemment évolué, permettant à la Corse de passer du statut de zone d'éradication de cette maladie à celui de zone d'enrayement, pour tenir compte de la présence étendue dans l'île de la sous-espèce multiplex de la bactérie. Dans ce contexte, le ministre en charge de l'agriculture et de l'alimentation et le ministre en charge de la transition écologique et solidaire ont confié au CGAAER et au CGEDD une mission conjointe pour éclairer la décision quant aux mesures à prendre au titre de ce passage en zone d'enrayement. Afin d'avoir une vision aussi complète que possible, la mission a mené durant le premier semestre 2018 près d'une soixantaine d'entretiens en France (Corse et continent), en Espagne et en Italie. Elle a ainsi rencontré un grand nombre d'acteurs de ce dossier : élus, socio-professionnels , chercheurs, agents de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), représentants de la Collectivité de Corse et de ses offices, des services de l'État, mais aussi de la Commission européenne. L'organisation de la gouvernance sanitaire en Corse a été examinée, dans le cadre d'une organisation territoriale particulière, et avec un rôle important alloué à la Fédération Régionale de lutte et de Défense contre les Organismes Nuisibles (FREDON). Un focus a été fait sur le fonctionnement du Conseil régional d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CROPSAV). Les échanges avec les chercheurs et les agents de l'ANSES ont montré la rapide et récente progression des connaissances produites concernant Xylella fastidiosa, mais aussi l'ampleur des interrogations qui demeurent. Le rapport présente un état de connaissances sur les caractéristiques de cette bactérie, les modalités de sa dissémination, les relations complexes entre la bactérie, les plantes hôtes, et les insectes vecteurs, les résultats de l'épidémiosurveillance, les risques liés à l'introduction de nouvelles sous-espèces ou à l'hybridation entre les souches, etc. Les progrès dans la compréhension de cette épidémie, et la diffusion des dernières connaissances acquises vont conditionner la bonne maîtrise de cette maladie. Pour cette raison, la mission recommande de mettre en place un conseil scientifique auprès du préfet de Corse et de prendre des dispositions pour diffuser les progrès des connaissances, notamment grâce au CROPSAV. Dans le domaine de la recherche appliquée, la mission a examiné les travaux conduits pour connaître les cultivars tolérants ou résistants à Xylella fastidiosa, et les bonnes pratiques agricoles destinées à rendre les cultures moins favorables à la bactérie (gestion de l'enherbement, conduite de la vigueur, protection phytosanitaire, sensibilités variétales...). Les préconisations diffusées en Espagne et en Italie présentent beaucoup d'intérêt, mais leur adaptation au contexte particulier de la Corse nécessite une phase d'expérimentation sur place.
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À cette fin, la mission propose de mettre en place des groupes de travail techniques dans le cadre du CROPSAV pour définir un programme de recherches appliquées sur l'identification des résistances variétales et des bonnes pratiques agricoles et phytosanitaires. Des moyens matériels et humains seront à identifier pour, notamment, réaliser des tests de résistance en milieu confiné. Ces groupes de travail peuvent aussi contribuer à la mise en oeuvre de la réglementation dans de bonnes conditions pour les propriétaires de végétaux (sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique, station de traitement à l'eau chaude des plants de vigne). La mission a dialogué avec les acteurs de l'épidémiosurveillance en Corse. Elle a mesuré l'ampleur des divergences entre les services de l'État et plusieurs membres du CROPSAV, en raison des résultats contradictoires des analyses de l'ANSES et de l'INRA. Elle a aussi consulté des experts compétents sur les méthodes analytiques employées par l'INRA et l'ANSES, sans prétendre avoir répondu de manière pleinement satisfaisante et exhaustive à toutes les questions identifiées. Pour contribuer au débat, des recommandations sont formulées sur l'emploi des méthodes d'extraction de l'ADN (CTAB vs QuickPick), et sur le recours au test ELISA, qui ne devrait pas porter sur les espèces végétales cultivées. La mission a synthétisé les connaissances sur la présence et les risques de Xylella fastidiosa pour les milieux naturels et subnaturels, et pour les zones agricoles. Les constats réalisés conduisent à recommander une surveillance biologique intégrée du territoire, concernant les milieux naturels comme les zones agricoles. L'organisation d'un système de surveillance de longue durée pour les milieux naturels est proposée. Nonobstant la poursuite de la recherche des foyers de Xylella fastidiosa de la sous-espèce multiplex (la seule identifiée en Corse), la mission recommande d'orienter le dispositif global vers la détection précoce de l'introduction possible des sous-espèces pauca, fastidiosa et sandyi en lien avec les apports de la recherche (suspicions d'autres sous-espèces, travaux de simulation, insectes vecteurs sentinelles...). La mission a perçu l'inquiétude de certains exploitants agricoles à l'égard de la possible détection de Xylella fastidiosa sur des cultures en zones agricoles. Pour éviter d'être pris au dépourvu, elle recommande que les groupes de travail du CROPSAV, précédemment cités, conduisent une réflexion pour anticiper « les scénarios du pire » (identification de pauca, fastidiosa, sandyi ; foyers sur des cultures en parcelles agricoles), et examiner la gestion de ces situations. Le contrôle des mouvements entrants de végétaux fait débat, avec un arrêté préfectoral de 2015 interdisant les introductions des végétaux spécifiés en Corse, mais avec des dérogations, au cas par cas, pour les professionnels. La mission a pris connaissance de la dernière demande insistante de la Commission européenne d'abroger ce texte. Pour minimiser le risque d'introduction de nouvelles souches et sous-espèces, la mission recommande, conformément à la réglementation communautaire, la publication d'un arrêté préfectoral concernant la liste des végétaux pouvant bénéficier d'une dérogation à l'interdiction de plantation des plantes hôtes en zone infectée. À nouveau, les groupes de travail du CROPSAV doivent permettre d'identifier, filière par filière, les végétaux hôtes devant bénéficier des dérogations pour permettre leur plantation et une activité agricole la plus normale possible.
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La mission formule également des recommandations sur la mise en oeuvre pratique des inspections à l'entrée et la sortie des végétaux de Corse. Elle formule des propositions pour développer l'information des voyageurs et du public sur les risques phytosanitaires induits par les mouvements de végétaux.
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LISTE DES RECOMMANDATIONS
R1. Mettre en place un conseil scientifique auprès du Préfet de la Corse avec une information du Comité régional d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CROPSAV) par l'INRA de San-Giuliano et le Conservatoire botanique national (CBN) de Corse ; et sans attendre 2019, organiser un séminaire de restitution scientifique en Corse............................62 R2. Mettre en place des groupes de travail pour étudier les questions techniques avant leur présentation en CROPSAV. Parmi les questions à court terme figurent l'adoption d'un arrêté de dérogation pour la Corse à l'interdiction de planter des végétaux hôtes en zone infectée par la bactérie Xylella fastidiosa, et d'un arrêté listant les sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière, ainsi que la question de la station de traitement à l'eau chaude des plants de vigne. Parmi les questions à moyen terme figure le lancement d'un programme de recherches appliquées. Il portera sur des tests de résistance et de tolérance à la sous-espèce multiplex, sur de bonnes pratiques agricoles ainsi qu'une réflexion pour anticiper « les scénarios du pire » (identification de pauca, fastidiosa, sandyi ; foyers sur cultures en parcelles agricoles) et leur gestion......................................................62 R3. Pour les échantillons de végétaux contenant des inhibiteurs (en particulier les oliviers) des efforts de recherche doivent être engagés pour améliorer les performances du diagnostic. Sans attendre, le laboratoire de santé des végétaux (LSV), laboratoire national de référence, devrait utiliser la méthode CTAB (et non QuickPick) pour l'extraction de l'ADN des échantillons d'oliviers destinés à être analysés par test moléculaire. Il devrait agir ainsi non seulement pour les échantillons positifs transmis par les laboratoires agréés de première intention mais aussi sur un pourcentage, à fixer, d'échantillons trouvés négatifs ou indéterminés par ces laboratoires pour réduire le risque de faux négatifs. Le recours aux tests immunoenzymatiques (ELISA) réputés moins sensibles, ne doit pas être retenu sur les espèces végétales cultivées. Une analyse comparative de la performance et du coût des méthodes de référence existantes et du protocole utilisé dans le cadre de la recherche par l'INRA doit être réalisée rapidement........................................................................................64 R4. Nonobstant la poursuite d'une surveillance de la sous-espèce multiplex, dans le cadre de la stratégie d'enrayement, orienter le dispositif de surveillance du territoire vers la détection précoce des sous-espèces de Xylella fastidiosa autres que multiplex, et vers une articulation entre la surveillance des espaces agricoles et naturels. Matérialiser cette évolution par une instruction technique spécifique de la DGAl pour la zone d'enrayement.................................65
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R5. Renforcer la mise en oeuvre pratique des inspections des mouvements de végétaux à l'entrée et à la sortie de Corse : - développer la collaboration avec les services douaniers portuaires et aéroportuaires, y compris dans les centres de tri postaux ; - créer dans les ports des installations conformes aux bonnes pratiques d'inspection.....................................................66 R6. Pour permettre une certaine maîtrise des risques et anticiper une probable démarche contentieuse de la Commission européenne demandant l'abrogation de l'arrêté préfectoral du 30 avril 2015 sur les entrées de végétaux, tirer profit de l'obligation de prendre un arrêté préfectoral de mise en oeuvre des dérogations à l'interdiction de plantation de plantes hôtes prévues à l'article 5 de la décision d'exécution 2015/789........................................................66 R7. Renforcer les actions d'information pour que les voyageurs soient sensibilisés à la question des risques phytosanitaires liés aux mouvements de végétaux à l'entrée et à la sortie de Corse, y compris en liaison avec les autorités de pays européens dont des ports et aéroports desservent la Corse, et développer la communication préfectorale à destination des résidents en Corse, au moins après chaque CROPSAV........................................................................67
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1. INTRODUCTION
La présence de la bactérie Xylella fastidiosa suscite beaucoup d'inquiétudes et de débats en Corse. La situation épidémiologique en Corse se caractérise en effet par la détection de 354 foyers situés essentiellement en milieux naturels et en zone urbaine, sur un grand nombre d'espèces végétales (36 espèces hôtes identifiées). A cette date, il n'y a pas eu de détection officielle sur un végétal cultivé dans des parcelles agricoles entretenues. Une seule sous-espèce de Xylella fastidiosa a été identifiée : multiplex, avec deux Séquence Types (ST 6 et ST 7). Certains acteurs craignent que l'État sous-évalue le risque de voir l'épidémie se développer au détriment de la végétation cultivée, comme du maquis. D'autres pensent à l'inverse que certaines mesures prises par l'État sont excessives. Pour le moment la bactérie, contrairement à la situation observée dans les Pouilles en Italie, n'a pas provoqué de dégâts majeurs. En outre un faisceau convergent d'approches méthodologiquement différentes conduit les chercheurs à penser que la présence en Corse de Xylella fastidiosa sous-espèce multiplex est déjà ancienne (plusieurs décennies) et qu'il y a probablement eu plusieurs introductions. Dès lors, si cette bactérie n'a été identifiée sur l'île qu'en 2015, il est légitime de considérer deux facteurs explicatifs vraisemblables : d'une part le fait de trouver ce qu'on cherche (depuis la mise en place d'une surveillance à la diligence de l'État, opérationnelle à compter du printemps 2015), et d'autre part la manifestation de symptômes, peutêtre en relation avec des conditions climatiques de précipitations et de températures plus sévères dès 2014 à 2017. S'il y a présence de Xylella fastidiosa subsp multiplex sur amandier et olivier, ce qui ne serait a priori pas surprenant, il est probable que ce soit actuellement à des niveaux de charges bactériennes très bas qui ne sont vraisemblablement pas suffisants pour expliquer à eux seuls les dépérissements observés. C'est pourquoi la mission dépérissement des oliviers, confiée à des experts de la DGAl et de l'ANSES, est complémentaire de la présente mission. En ce qui concerne l'état de santé du maquis, dans certaines zones, il est ressenti comme préoccupant. Sans qu'il soit actuellement possible de faire la part entre les effets du stress climatique intense de ces trois dernières années et la responsabilité de la bactérie, cette situation conduit à des interrogations sur l'évolution possible de la riche biodiversité insulaire. Dans ce contexte, une mission conjointe a été confiée le 13 novembre 2017 au CGAAER et au CGEDD par le Ministre de l'agriculture et de l'alimentation et par le Ministre de la transition écologique et solidaire pour écouter toutes les parties prenantes, prendre en compte le meilleur état des connaissances scientifiques disponibles, dresser un état le plus objectif possible de la situation en Corse et formuler des recommandations sur les mesures à prendre en matière d'enrayement. Au plan réglementaire, la Corse est considérée depuis le 17 janvier 2018 comme une zone infectée en enrayement. En d'autres termes, cela veut dire qu'il faut prendre des mesures permettant de produire de façon saine dans un environnement contaminé et de maintenir la population bactérienne à un niveau le plus faible possible. Cette décision n'obère pas la préoccupation visant à éviter l'introduction de nouvelles sous-espèces autres que multiplex en Corse. Une mission d'audit de la Commission européenne est attendue à l'automne dans l'île pour
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examiner le dispositif de lutte contre Xylella fastidiosa. Elle aura lieu alors que la Commission a demandé par deux fois à la France (discours du Commissaire en charge de la santé et de la sécurité alimentaire lors de la conférence ministérielle du 1 er décembre 2017 à Paris consacrée à Xylella fastidiosa puis lettre de son directeur général à la DGAl du 22 mai 2018) de « réexaminer » l'arrêté du Préfet de région de Corse du 30 avril 2015 qui « introduit un deuxième niveau de garanties par rapport à l'introduction en Corse des végétaux spécifiés, qui n'est pas en ligne avec la Décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission ». Pour réaliser son travail, la mission a rencontré des chercheurs, des experts et des agents économiques et sociaux (liste des contacts en annexe 3) aussi bien en Corse (où elle s'est rendue deux fois) que sur le continent. Elle s'est également rendue à Majorque en Espagne et dans les Pouilles en Italie, car ce sont deux zones délimitées en enrayement. La première est d'autant plus intéressante qu'il s'agit également d'une île, la seconde présente l'avantage de son expérience accumulée depuis plusieurs années. Elle s'est également appuyée sur un travail documentaire (bibliographie en annexe 6). Le présent rapport, fruit de cette mission conduite durant le premier semestre 2018, repose donc sur un recueil des connaissances scientifiques et une présentation du cadre réglementaire. Ces deux éléments factuels sont détaillés respectivement en annexes n° 7 et 8. Le corps du rapport est, lui, centré sur des recommandations portant sur la mise en oeuvre de la stratégie d'enrayement. Elles s'articulent autour de 5 axes, qui structurent les parties du rapport : gouvernance, examen des articles pertinents de la réglementation communautaire qui appellent des décisions, milieux naturels, bonnes pratiques agricoles et campagnes de communication.
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Oléastre contaminé par Xylella fastidiosa dans l'île de Majorque en zone d'enrayement.
Fruits momifiés d'un oléastre contaminé dans l'île de Majorque en zone d'enrayement.
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Verger d'oliviers contaminés par Xylella fastidiosa subsp. pauca près de Gallipoli dans les Pouilles, en zone d'enrayement
Verger d'oliviers contaminés par Xylella fastidiosa subsp. pauca près de Gallipoli dans les Pouilles, en zone d'enrayement
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2. LES ACTEURS ET LA GOUVERNANCE
Au travers de ses entretiens, la mission a constaté qu'à la différence de ce qu'elle a vu aux Baléares, il n'existe pas en Corse de véritable partage des informations scientifiques, de vision partagée des risques et des enjeux, ni de consensus sur des pistes opérationnelles de travail dans le cadre de la stratégie d'enrayement. Elle estime que cela justifie une évolution des modalités opérationnelles de la gouvernance. C'est pourquoi la mission a examiné la gouvernance de la prise en charge du risque lié à Xylella fastidiosa à l'échelle nationale et à l'échelle de la Corse. Rappelons que celle-ci s'inscrit dans celle plus générale, qualifiée de « nouvelle gouvernance sanitaire » fruit des États généraux du sanitaire 1 qui se sont tenus en 2010. Ces derniers ont visé à traiter plus efficacement l'ensemble des dangers sanitaires au sens du code rural et de la pêche maritime2, en clarifiant les missions, les compétences et les responsabilités de chacun des acteurs concernés par la gestion des dangers. La nouvelle gouvernance sanitaire a été définie par les ordonnances 2011-862 du 22 juillet 2011 et 2015-1242 du 7 octobre 2015. Elle vient de faire l'objet d'une évaluation par le CGAAER3. L'ordonnance du 22 juillet 2011 instaure trois catégories de dangers sanitaires et Xylella fastidiosa fait partie de la liste des dangers sanitaires de première catégorie 4, liste définie par l'arrêté du 15 décembre 2014 relatif à la liste des dangers sanitaires de première et deuxième catégorie pour les espèces végétales pour lesquelles des mesures de prévention, surveillance, de lutte sont rendues obligatoires par l'autorité administrative (voir annexe 8). C'est le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, et plus particulièrement la direction générale de l'alimentation (DGAl), qui est autorité compétente au niveau national pour mettre en oeuvre ces mesures5. Au niveau régional c'est la DRAAF sous l'autorité du préfet de région. Pour mener à bien sa politique contre Xylella fastidiosa, la DGAl dispose de 1,2 ETP (équivalent temps plein).
2.1. À l'échelle nationale
2.1.1. Les orientations de la politique sanitaire animale et végétale
Le conseil national d'orientation de la politique sanitaire animal et végétale (CNOPSAV), placé auprès du ministre de l'agriculture et de l'alimentation et le conseil régional d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CROPSAV), placé auprès du préfet de région sont consultés sur les orientations de la politique sanitaire animale et végétale, respectivement sur les enjeux nationaux et régionaux.
1 2 3 4 Il s'agit du sanitaire animal et végétal. Article L.201-1 du code rural : « on entend par dangers sanitaires les dangers qui sont de nature à porter atteinte à la santé des animaux et des végétaux ou à la sécurité sanitaire des aliments et les maladies d'origine animale ou végétale qui sont transmissibles à l'homme ». « De l'organisation à la gouvernance en santé animale et végétale-Évaluation du dispositif sanitaire français »-Rapport du CGAAER n°16 116. Les dangers sanitaires de première catégorie sont ceux qui étant de nature, par leur nouveauté, leur apparition ou persistance, à porter une atteinte grave à la santé publique ou à la santé des végétaux et des animaux à l'état sauvage ou domestique ou à mettre gravement en cause, par voie directe ou par les perturbations des échanges commerciaux qu'ils provoquent, les capacités de production d'une filière animale ou végétale, requièrent, dans un but d'intérêt général, des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte rendues obligatoires par l'autorité administrative. Les articles L.201-3 à L.201-6 du code rural précisent les responsabilités de l'État dans la prévention, la surveillance et la lutte contre un danger de première catégorie. L'article L.201-9 précise que l'autorité administrative peut confier des missions de surveillance et de prévention à des organismes à vocation sanitaire et en l'occurrence à la fédération régionale de lutte contre les organismes nuisibles (FREDON).
5
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La stratégie globale est présentée au CNOPSAV dont la composition associe l'ensemble des acteurs professionnels. Le CNOPSAV via sa section spécialisée « santé végétale » s'est emparé du sujet Xylella fastidiosa dès le 10 septembre 2015 6. Le rythme de tenue de réunions débattant de la stratégie nationale relative à cette bactérie a été important en 2016, beaucoup moins par la suite.
2.1.2.
Gouvernance et surveillance du territoire
Il revient à la DGAl de prendre toutes mesures destinées à collecter, traiter et diffuser les données et informations d'ordre épidémiologique concernant Xylella fastidiosa, de prendre toutes mesures de prévention, de surveillance ou de lutte relatives à ce danger et enfin d'établir un plan national d'intervention sanitaire d'urgence. Peu après la publication en février 2014 de la première décision d'exécution de la Commission européenne, la DGAl a diffusé dès le mois de mai 2014 7 une note nationale d'alerte DGAl-ANSES (cf. l'annexe N°9 sur la chronologie). La surveillance du territoire national a été mise en place dès avril 2015 et a fait l'objet d'instruction en 2015, puis en 2016 et enfin en 2017 8. La parution de cette dernière instruction est intervenue tard dans l'année, ce qui a compliqué sérieusement l'organisation et l'efficience du travail des personnes en charge de la surveillance de terrain, pouvant même pénaliser la qualité des prélèvements9. Pour ce qui est du plan national d'intervention sanitaire d'urgence, qui précise les modalités de la surveillance dans les zones délimitées, la DGAl a d'abord publié une instruction préfiguratrice 10 en juillet 2016, puis le plan lui-même en janvier 201711. En 2017, 41 918 inspections de terrain (cultures agricoles, végétation ornementale, maquis, ports...) ont été réalisées en France : 7 675 sur l'ensemble du territoire indemne (c'est-à-dire hors zones délimitées) et 34 243 dans les zones délimitées des régions Corse et PACA, dans le cadre de la surveillance des zones tampons. 8 119 échantillons ont été prélevés conformément aux règles officielles 12 en France dont 3 290 en Corse et 2 731 en PACA13 et analysés, en utilisant la méthode officielle MA 039 de l'ANSES, au sein du réseau des laboratoires agréés (cinq laboratoires départementaux agréés, LDA) 14 et en cas de résultat positif, confirmation par le laboratoire de la santé des végétaux de l'ANSES.
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10 11 12 13 14
Compte rendu de la section végétale du CNOPSAV du 10 septembre 2015 : http://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/20150910_compte-rendu.pdf. Note nationale d'alerte DGAl-ANSES sur Xylella fastidiosa, avec des photographies des symptômes sur les végétaux hôtes. DGAL/SDQPV/2015- 335 du 11/04/2015 puis DGAL/SDQPV/2015 449 du 13/05/2015, DGAL/SDQPV/2016-413 du 19/05/2016, DGAL/SDQPV/2017-653 du 01/08/2017. La qualité des prélèvements dépend non seulement du lieu de prélèvement qui fait débat mais aussi de la période des prélèvements, qui elle ne fait pas débat. La période idéale est le printemps (plutôt en fin), du fait de la montée de sève. Une instruction technique tardive retarde l'organisation de la campagne de prélèvements et a donc des conséquences sur la qualité des prélèvements. DGAL/SDQPV/2016-558 du 13/07/2016. DGAL/SDQPV/2017-39 du 06/01/2017. Cf. partie méthodes d'analyse. Données du plan d'action Xylella fastidiosa 2017-2018. Les cinq laboratoires départementaux sont les LDA13, 31,71, 67 et le LABOCEA. Les échantillons prélevés en Corse sont envoyés aux LDA13 et 67.
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A titre comparatif, pour les Baléares, où la première détection a eu lieu en octobre 2016, le nombre de prélèvements réalisés entre le 6 octobre 2016 et le 15 septembre 2017 a été de 2 882. Il faut cependant noter que ni la superficie respective des îles 15, ni l'importance du maquis ne sont comparables16. En Italie, chaque année dans le cadre du plan de surveillance, dans la zone d'enrayement 170 000 prélèvements sont effectués par plus de 170 personnes. La plateforme d'épidémiosurveillance17 en santé du végétal, prévue à l'article L201-14 du code rural et de la pêche maritime, n'est pas encore finalisée, ainsi que l'indique le plan d'action national 2016-2017, mais aussi celui de 2017-2018. Un groupe technique Xylella, préfigurateur de la plateforme, a été mis en place pour apporter un appui au gestionnaire du risque. La mission s'est interrogée sur sa composition et notamment sur la faible représentation des acteurs corses par rapport aux acteurs de PACA. La mission a noté la participation de l'ensemble des acteurs de la recherche et considère que c'est un point important dans la mesure où les équipes travaillent peu en lien les unes avec les autres et où la circulation de l'information scientifique peut largement être améliorée. La mission a appris récemment, lors de la rencontre avec l'INRA d'Avignon, que la cellule opérationnelle de la plateforme serait basée à Avignon. La mission a effectivement constaté l'existence de compétences adaptées dans ce laboratoire. À côté de la surveillance officielle, le SIDOC 18 et l'INRA d'Angers, en lien avec le conservatoire botanique national (CBN) de Corse, ont aussi effectué des prélèvements non officiels de végétaux. Ces prélèvements ont été analysés par le laboratoire de l'INRA d'Angers, dans le cadre de ses travaux de recherche. A cet égard, il convient de souligner que l'INRA n'est pas un laboratoire agréé par la DGAl pour détecter la bactérie et que la méthode que l'INRA utilise (cf la partie 3.2.4 sur les différences de résultats entre INRA et Laboratoire national de référence) n'a pas fait, à ce jour, l'objet de publication de données de validation (critères de performance). Néanmoins en application du code rural et de la pêche maritime, comme du droit communautaire, les résultats, positifs ou indéterminés, obtenus par un laboratoire, quel qu'il soit, doivent être communiqués à l'autorité compétente pour lui permettre de procéder à un contrôle officiel. Dans ce cadre et dans l'objectif de rétablir la confiance entre les acteurs corses (cf. paragraphe 2.2.1 infra), la mission a examiné l'intérêt de cartographier les résultats de ces analyses, afin de les prendre en compte dans l'élaboration d'un plan de surveillance, compris par l'ensemble des acteurs. Dans le cadre de la stratégie d'enrayement, l'enjeu technique d'un tel choix reste néanmoins modéré. Après réflexion, la mission se prononce favorablement en faveur d'un tel exercice qui n'aurait bien évidemment aucune valeur juridique, mais permettrait de renouer les fils du dialogue sur la question de la surveillance du territoire.
15 La Corse est 1,7 fois plus grande que les Baléares. 16 Le maquis est beaucoup plus important en Corse qu'aux Baléares ne facilitant pas le travail de prélèvements. 17 Extrait du code rural Article L201-14 « Des réseaux d'épidémiosurveillance, dénommés plates-formes d'épidémiosurveillance et dotés ou non de la personnalité morale, sont constitués en vue d'apporter aux services compétents de l'État et, à leur demande, aux autres gestionnaires de dispositifs de surveillance un appui méthodologique et opérationnel pour la conception, le déploiement, l'animation, la valorisation et l'évaluation des dispositifs de surveillance sanitaire et biologique du territoire. »
18 Syndicat interprofessionnel des oléiculteurs de Corse
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2.1.3.
Porter la politique sanitaire française à l'international
La DGAl est le correspondant de la Commission européenne. La Commission européenne et la France ont invité les ministres des États membres les plus concernés par Xylella fastidiosa (Croatie, Chypre, Allemagne, Italie, Malte, Portugal, Slovénie, Espagne, Grèce), en raison du contexte pédo-climatique de leur territoire ou de la présence de foyers, à une réunion de haut niveau, à Paris, le 1er décembre 2017 dont les conclusions sont importantes 19. Elles recommandent la mise à jour de l'analyse de risque phytosanitaire publiée en 2015 par l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) au regard des récentes avancées scientifiques, la mise en place rapide d'un laboratoire de référence de l'UE assistant les laboratoires nationaux dans leur renforcement des compétences de diagnostic. Elles évoquent la situation des zones où « la stratégie d'enrayement doit être mise en place prenant en compte les conséquences sur les écosystèmes, la société et l'économie locale » et reconnaissent que « ces zones font face à des risques particuliers au regard des recombinaisons ». Elles insistent sur le nécessaire investissement dans la recherche.
2.2. À l'échelle du territoire de la Corse
2.2.1. Une organisation territoriale particulière
La DRAAF est l'autorité administrative compétente s'appuyant sur son service régional d'alimentation (SRAL). L'organisation en Corse comporte cependant une spécificité administrative : l'échelon départemental des services de l'État (Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations DDCSPP) planifie et organise les contrôles non seulement en santé animale mais aussi en santé végétale dans les deux départements. Le SRAL est chargé du pilotage global et de la coordination régionale des contrôles. Toutes catégories confondues, l'État en Corse consacre un peu plus de 8,47 ETP20 à la gestion du risque Xylella, ce qui est peu au regard de la tâche à effectuer21. Les missionnés ont été, à plusieurs reprises, alertés sur l'existence de pratiques différentes d'un département à l'autre. Elles concernent notamment l'analyse de risques conduite lors de l'instruction des demandes de dérogations déposées par les professionnels pour introduire du matériel végétal en Corse. Compte tenu de la sensibilité du sujet, le SRAL a renforcé la coordination technique des directions départementales.
19 Site web du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. 20 Chiffres 2017 fournis par la DRAAF. 21 Par comparaison, les Baléares consacrent 54 agents pour les tâches de gestion-coordination et de réalisation des activités en lien avec les contrôles officiels (inspection et brigade d'élimination). Parmi ces agents, 24 sont positionnés à la direction générale des espaces naturels et de la biodiversité. Cette direction emploie de plus 4 agents pour la réalisation d'études, ce qui porte à 58 le nombre d'ETP consacré à la gestion du risque Xylella. Le chiffre de 54 est à comparer au chiffre de 22,47 ETP en SRAL, DDCSPP et FREDON.
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Quelques acteurs, peu nombreux, ont évoqué la question du transfert de la compétence en santé animale et végétale à la Collectivité de Corse 22, d'autres ont évoqué le souhait d'une cogestion, l'État restant seul responsable des sanctions en cas de non application de la réglementation. Fondamentalement, la question de la compétence n'est pas celle qui préoccupe le plus le monde professionnel. Les interlocuteurs corses de la mission portent une attention particulière à la manière dont l'État gère le dossier X. fastidiosa, car il a souvent été affirmé devant la mission que « le pilotage des crises sanitaires de la fièvre catarrhale ovine (FCO) et du cynips du châtaignier n'a pas été satisfaisant ».
2.2.2.
La délégation de mission de service public
Comme prévu dans l'article L201-9 du code rural, la DRAAF s'appuie sur la fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (FREDON) 23 pour mener les missions de surveillance et en partie de contrôle (contrôles des sorties aux ports depuis 2017, contrôles à destination pour les végétaux entrés par dérogation). La DRAAF ayant délégué la mission prévention-surveillance aux DDCSPP, le conventionnement est établi entre chaque DDCSPP et la FREDON. Les moyens alloués ont été variables d'une année à l'autre en fonction notamment du plan de surveillance. Pour 2016, ils s'élevaient à 637 250 euros répartis entre la Corse du Sud pour 541 700 euros et la Haute-Corse pour 95 550 euros. En 2017, le montant global était de 829 600 euros répartis entre la Corse du Sud pour 263 200 euros et la Haute-Corse pour 566 440 euros. Pour 2018, il est de 417 780 euros répartis entre la Haute-Corse 369 680 euros et 48 100 euros pour la Corse du Sud. L'arrivée tardive de l'instruction technique pluriannuelle de la DGAl en 2017 n'a pas facilité le travail de prélèvements 24, dans la mesure où la période idéale pour prélever est la fin du printemps, obligeant la FREDON soit à retarder la période de prélèvement soit à prélever en l'absence d'instruction claire. Pour 2018, les conventions entre les DDCSPP et la FREDON ont été signées dès le mois d'avril 2018. La mission a constaté que la surveillance du territoire corse concernant le risque Xylella a été intégrée, de façon informelle à partir de février 2014 (suite à la publication de la première Décision d'exécution de la Commission européenne concernant Xylella fastidiosa), puis de façon formelle dès janvier 2015 au programme d'activité de la FREDON. La surveillance du territoire vis-à-vis de Xylella est montée en puissance. En 2017, un peu plus de 14 ETP 25 ont été consacrés à la surveillance du territoire à l'égard de Xylella, contre 5 ETP en 2015. Un effort de formation important a été mené vis-à-vis du personnel intégrant la structure, avec notamment l'aide du CBN de Corse.
22 Collectivité de Corse - 1ère session ordinaire-réunion des 26 et 27 avril 2018 - 2018/01/023. 23 Le code rural ( article L 201-9) prévoit que « l'autorité administrative peut confier, par. voie de convention, des missions de surveillance et de prévention à des organismes à vocation sanitaire (OVS)..... Ces missions peuvent être étendues aux mesures de lutte contre les dangers sanitaires » . Par arrêté du 31 mars 2014, la FREDON Corse a été reconnue comme organisme à vocation sanitaire dans le domaine du végétal par le MAAF. C'est un syndicat professionnel géré par un conseil d'administration. 24 Instruction technique en date du 1er août : instruction DGAL/SDQSPV/2017-653 du 01/08/2017 25 Chiffres 2017 fournis par la DRAAF.
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La FREDON de Corse met en oeuvre ses missions avec compétence, dans un domaine où l'expertise est rare et difficile à acquérir. Sa mémoire est précieuse pour les services de l'État en Corse, confrontés à un taux important de renouvellement des cadres. Ses observations de terrain ainsi que les questions qu'elles suscitent sont riches. Enfin, c'est une des rares structures rencontrées26 par la mission qui a tenté de cartographier, dès 2015, une analyse de risque basée sur les températures des mois d'hiver et sur le modèle climatique CLIMEX. La mission constate que les observations et questions de la FREDON ne parviennent pas à l'ANSES ni à l'INRA. La mission fait aussi le constat que ses relations avec le CBN de Corse sont limitées aujourd'hui à la seule réalisation de la formation des techniciens. Les échanges ne concernent pas les constats faits par chacune des deux structures lors de la surveillance du territoire ou de sorties terrain non liées à la surveillance.
2.2.3.
La gouvernance sanitaire régionale
Le CROPSAV a été installé le 14 juin 2013 et son règlement intérieur a été adopté. Deux CROPSAV pléniers ont eu lieu en 2014 et c'est au cours du deuxième - le 19 septembre 2014 - qu'a été évoqué pour la première fois le risque d'introduction de la bactérie en Corse. À partir de 2015, le dernier CROPSAV qui s'est tenu en séance plénière puis l'ensemble des CROPSAV « section végétale27» ont consacré soit une partie de la séance soit la séance complète au danger sanitaire encouru du fait de Xylella fastidiosa. La composition très large du CROPSAV associe aujourd'hui28 les collectivités, les services de l'État, la FREDON, la recherche (INRA), les acteurs professionnels des filières agricoles, les chambres consulaires, le centre régional de la propriété forestière, le CBN de Corse. La DGAl est généralement présente en visioconférence. La mission constate que le CROPSAV se réunit régulièrement ; sa composition est large et le sujet Xylella occupe l'essentiel de ses travaux. Son importance est reconnue par l'ensemble des acteurs concernés par le sujet. Il fonctionne comme le seul lieu de rencontre entre ces derniers. Il est l'une des principales sources d'information de nombreuses organisations professionnelles. La lecture des comptes rendus fait apparaître des relevés de décisions, mais le suivi de la mise en oeuvre est moins lisible. Les réunions consistent souvent en une présentation de l'évolution du risque, des actions conduites par les services de l'État et en une expression de craintes et de demandes par les organisations professionnelles au sens large, donnant souvent lieu à des prises de position fermes et à des échanges animés. Les sujets récurrents sont la nécessité du partage des connaissances scientifiques, la fiabilité des analyses, la préoccupation liée aux mouvements des végétaux et à la délivrance des dérogations par les DDCSPP, le risque d'une introduction de X. fastidiosa subsp. pauca et la nécessité d'une sensibilisation importante du grand public. C'est souvent la DGAl qui présente un point sur les avancées des connaissances scientifiques.
26 Données FREDON: http://www.fredon-corse.com/standalone/6/53A878YKr4KhO4azHpq6Eef1.pdf 27 En 2015 deux CROPSAV se sont tenus, un en séance plénière et un en section végétale. En 2016, cinq CROPSAV section végétale. En 2017 un seul CROPSAV section végétale s'est tenu ainsi qu'en 2018 en janvier. 28 Les services de la DREAL n'ont été associés qu'à partir du CROPSAV du 31 mai 2016.
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Peu de sujets semblent traités en amont par un groupe de travail qui présenterait ensuite le fruit de sa réflexion en plénière « section végétale », alors même que le préfet de région avait appelé lui-même de ses voeux des temps d'approfondissement et de discussions avec les partenaires et les filières dès le CROPSAV du 14 novembre 201629, puis de façon plus précise la mise en place de trois groupes de travail lors du CROPSAV du 8 décembre 201630. Un seul groupe de travail a été mis en place lors du CROPSAV du 31 mai 2016, spécifique à la problématique forestière, mais la mission a appris qu'il ne s'est réuni qu'une seule fois. Il lui a néanmoins été indiqué que l'office national des forêts (ONF) et le centre régional de la propriété forestière (CRPF) examinent actuellement ensemble, avec le concours du département de la santé des forêts (DSF), la possibilité de relancer une approche partagée et de faire vivre ce groupe de travail. La mission fait le constat de la difficulté pour le CROPSAV d'être une vraie instance de construction collective d'une stratégie partagée entre acteurs au regard du risque que représente Xylella fastidiosa.
2.2.4.
Le partage des connaissances en Corse
Il est incontestable qu'avant même le début de la mise en place des procédures administratives découlant de la notification italienne à la Commission européenne, les lanceurs d'alerte en Corse ont été d'abord un agent de l'office de développement agricole et rural de Corse (ODARC), puis les professionnels du SIDOC. Sans qualification scientifique particulière en bactériologie, en plus de leurs activités professionnelles, sur leur temps libre, ces derniers ont effectué un gros travail de recherche bibliographique sur internet, fait un déplacement dans les Pouilles, participé à des colloques techniques ou scientifiques, pris des contacts avec des chercheurs étrangers, et contribué à faire venir des scientifiques (cf. la conférence du Dr Joseph Bové, ancien directeur de recherche à l'INRA et spécialiste reconnu de X. fastidiosa au Brésil ; celle de Jean-Yves Rasplus, directeur de recherche à l'INRA, entomologiste ayant participé à la première mission diligentée par la DGAl durant l'été 2015). Ils ont réussi à sensibiliser un collectif, appelé « Collectif Xylella », qui a relayé ses préoccupations vers la Collectivité de Corse. Par contraste, les services de l'État en Corse ont fait le choix de s'en remettre à la DGAl en matière d'analyse technique et scientifique. A la connaissance de la mission, aucun fonctionnaire des services de l'État en Corse, dont les agents sont accaparés par les tâches du quotidien, n'a été mandaté pour assister aux conférences sus-mentionnées, ni à des colloques sur le sujet (pas même au séminaire INRA du 24 octobre 2017, à Paris). Seul le directeur de la FREDON est allé dans les Pouilles. Or, la mission a été informée par la quasi-totalité des acteurs socioprofessionnels corses de leurs efforts, plus ou moins importants et plus ou moins efficaces, pour suivre l'actualité technico-scientifique concernant cette bactérie. Elle n'a identifié que la DDCSPP de Haute Corse qui fait le même effort, en affectant depuis quelques mois un agent à faire de la bibliographie sur X. fastidiosa, sans que cet effort soit porté dans un cadre mutualisé au sein des services de l'État, ni que la mission comprenne bien ce qui a motivé la décision d'affectation.
29 Site web DRAAF. 30 Site web DRAAF.
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Cette situation semble largement expliquer le constat fait par la mission d'un décalage très significatif du niveau d'information entre les services de l'État et leurs partenaires en Corse, conduisant à des analyses non partagées et à des conclusions différentes sur certaines approches, et par conséquent à des priorités différentes. Cela reflète soit des niveaux d'information différents, soit des pondérations différentes données à des informations qui ne sont pas appréhendées de la même manière. Dans un contexte où la connaissance progresse très rapidement, ne pas organiser le partage des connaissances expose aux risques d'incompréhensions durables, de soupçons de mauvaise foi et à de priorités divergentes. Il est à noter que, jusqu'à présent, aucun partenaire n'a identifié le CROPSAV comme un lieu possible ou souhaitable de partage des informations technico-scientifiques (cf. paragraphe 2.2.3) et d'élaboration d'analyses partagées, donnant un socle commun pour débattre ensuite d'options possibles de gestion de la maladie. La participation du directeur du centre INRA de San-Giuliano 31 n'est pas identifiée comme devant animer ou faciliter un tel processus. Les missionnaires ont compris que ses interventions relèvent plus de la nécessité de préciser ou de corriger à la lumière du meilleur état des connaissances scientifiques disponibles, tel ou tel argument utilisé par un partenaire dans un débat animé sur les conséquences à tirer du cadre administratif de surveillance et de lutte découlant de la présence de X. fastidiosa en Corse. La mission identifie les pistes de travail suivantes :
·
mettre en place d'un conseil scientifique auprès du préfet de la Corse pour l'aider à gérer la stratégie d'enrayement dans le cadre des instructions de la DGAl, en associant toutes les équipes de recherche travaillant en Corse et les deux scientifiques membres du CROPSAV (directeur du centre INRA de San-Giuliano et directrice du CBN de Corse) et en bénéficiant de l'expertise technique de l'ANSES et de la FREDON ; prévoir systématiquement en début de réunion de CROPSAV une information sur l'actualité scientifique nationale et internationale concernant X. fastidiosa, en donnant à cet effet mandat aux deux scientifiques membres du CROPSAV ; faire évoluer les méthodes de travail avec la mise en place effective de groupes de travail sur les questions essentielles de la mise en oeuvre de la stratégie d'enrayement et du contrôle des mouvements des végétaux, groupes qui présenteraient leurs conclusions en séance plénière, section végétale, facilitant la prise de décisions partagées et la réelle mise en application de celles-ci ; organiser rapidement, probablement sans attendre 2019, un séminaire d'une journée en Corse, sur le modèle de ce qui a été fait à Paris en octobre 2017, à l'attention de tous les partenaires concernés, pour faire le point sur le meilleur état des connaissances disponibles sur X. fastidiosa et les questions débattues en CROPSAV, en donnant par ailleurs la parole à quelques experts et praticiens italiens et espagnols.
·
·
·
31 Seul scientifique membre de cette instance, avec la directrice du Conservatoire botanique national (CBN) de Corse.
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3. MISE EN OEUVRE DE LA RÉGLEMENTATION
3.1. Présentation générale
Le cadre réglementaire à l'égard de Xylella fastidiosa est présenté dans l'annexe n°8, avec les notions de végétaux spécifiés, de végétaux hôtes, de zone délimitée, de mesures d'éradication et d'enrayement, etc. La réglementation communautaire présente des listes des végétaux (spécifiés et hôtes) qui se sont révélés sensibles à Xylella fastidiosa. Elles concernent un grand nombre de plantes de la flore sauvage en Corse (cf. le chapitre 4 sur les milieux naturels). Mais ces listes de végétaux citent également des cultures importantes en Corse comme la vigne, l'olivier, l'amandier, le prunier, et le cerisier. La mise en oeuvre de cette réglementation est exposée dans l'annexe 10. Elle présente l'organisation générale du dispositif et les moyens financiers déployés sur le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ». La construction par les services de l'État de la vision de la situation phytosanitaire y est exposée, avec la notion d'analyse officielle et les règles de décision pour la détection officielle d'un foyer. L'annexe précise les méthodes analytiques mises en oeuvre, les principes de la surveillance du territoire avec la définition de la zone délimitée en Corse, les instructions techniques de la DGAl, les réalisations de la surveillance programmée officielle, et le bilan de ces actions depuis 2015. Le dispositif de contrôle des mouvements de végétaux entrant et sortant de Corse, et le bilan de ces inspections, sont également présentés dans cette annexe n°10. L'addendum 4 de l'annexe 10 présente la liste des principales cultures en Corse concernées par les risques liés à Xylella fastidiosa en lien avec leur inscription sur les listes communautaires. Les propositions de la mission pour la mise en oeuvre des méthodes analytiques, la stratégie de surveillance du territoire en Corse après le passage en enrayement, la gestion des foyers, et pour une réforme du contrôle des végétaux entrant et sortant sont exposées ci-dessous.
3.2. La mise en oeuvre des méthodes analytiques
3.2.1. Avant l'entrée de la Corse en enrayement
Dés octobre 2015, donc avant l'entrée de la Corse en enrayement, la France a retenu, pour détecter officiellement la bactérie, un test moléculaire de type qPCR (ou PCR en temps réel) basé sur Harper et al., 2010 (and erratum 2013). Ce test a fait l'objet d'une publication de son mode opératoire, connu sous la nomenclature méthode MA039 (cf. point 4 de l'annexe n° 10 sur la mise en oeuvre de la réglementation) et officialisée par note de service de la DGAl32. Au plan organisationnel, il a été décidé que cette méthode serait mise en oeuvre par un réseau de 5 laboratoires agréés par la DGAl, en sa qualité d'Autorité de contrôle, et chargés de réaliser les analyses dites de « première intention ». En cas de résultat positif, il appartient au laboratoire national de référence (LNR), en l'occurrence le laboratoire de la santé des végétaux (LSV) d'Angers, d'appliquer à nouveau la méthode MA039 pour confirmer les résultats positifs de « première intention ».
32 Voir la note DGAL/SDQPV/2015-862 du 15/10/2015 sur https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2015-862
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La lecture détaillée de la MA039 (version 2) a conduit la mission à se poser des questions. En effet en page 27/36 on peut lire que la valeur du seuil de détection de la méthode est sujette à d'importantes variations selon les espèces végétales à cause de l'existence de molécules inhibitrices de la PCR dans certaines d'entre elles. Il est précisé que pour l'olivier « une dégradation des performances est observée en présence d'échantillons présentant de faibles concentrations bactériennes, ce qui induit une diminution de la sensibilité et donc du seuil de détection ». De fait le tableau page 26/36 de la MA039 mentionne que pour l'olivier l'exactitude du diagnostic tombe à 75 % avec automate33 et 63 % sans automate au lieu de 100 % sur oranger et respectivement 96 % et 100 % sur vigne. Enfin il est mentionné que le seuil de détection sur l'olivier, n'est que de 105 bactéries/ml contre 103/ml sur vigne et 102/ml sur oranger. Par ailleurs, lors de ses discussions avec le LNR, la mission a pris note que la méthode MA039 présentait, pour ces échantillons de végétaux contenant des inhibiteurs de réactifs d'analyse (comme oliviers et chênes), des résultats meilleurs lorsque l'ADN à analyser était extrait par la méthode CTAB (utilisée par les laboratoires espagnols et italiens ainsi que par l'INRA) par rapport à des échantillons dont l'ADN a été extrait par la méthode QuickPick34. La mission a également été informée par le LNR, en janvier 2018, qu'il n'envisageait pas d'introduire la méthode CTAB dans sa méthode MA039 car elle utilise un produit toxique (le chloroforme) et n'est pas automatisable. Néanmoins il a indiqué à la mission que, pour les échantillons d'oliviers et de chênes adressés au LSV, une extraction d'ADN par la méthode CTAB serait également pratiquée par ses soins, dans la mise en oeuvre de la MA039, en parallèle avec une analyse classique (extraction de l'ADN par la méthode QuickPick puis analyse MA039). Jusqu'en avril 2018, cette double analyse n'a pas démontré de divergence de résultat pour les analyses effectuées mais la situation évolue depuis35. Lors de son déplacement à Majorque (en Espagne), la mission a eu confirmation de l'utilisation de la méthode CTAB pour extraire l'ADN avant analyse moléculaire. Elle a également appris qu'un certain nombre d'échantillons déclarés négatifs par le laboratoire de première analyse était testé par le laboratoire national espagnol de référence, pour éviter les faux négatifs. Compte tenu des informations ci-dessus et de la situation emblématique de l'olivier en Corse, la mission a exploré des pistes de réflexion concernant la mise en oeuvre de la méthode MA039 portant sur une meilleure maîtrise du risque de faux négatifs. Il s'agit d'une part de faire analyser par le LNR, après application de la méthode CTAB pour extraire l'ADN, non seulement, comme actuellement, les échantillons d'oliviers et de chênes ayant donnés des résultats positifs en première analyse, mais aussi un certain pourcentage d'échantillons indéterminés ou négatifs. Il s'agit d'autre part d'insister sur le besoin d'une recherche spécifique sur les végétaux contenant des inhibiteurs afin que les performances du diagnostic de la méthode officielle pour ceux-ci
33 La méthode MA039 de l'ANSES décrit deux protocoles d'extraction de l'ADN, l'un basé sur l'utilisation d'un automate qui permet un gain de temps de manipulation appréciable en cas de séries d'échantillons à traiter importantes, l'autre réalisé manuellement. 34 La comparaison des deux méthodes a consisté à examiner le nombre de cycles (Ct) à partir duquel la méthode PCR (voir l'addendum 3 sur PCR de l'annexe 10) permet d'atteindre une production de matériel génétique en quantité suffisante pour être détectée. Cet écart entre échantillons extraits par CTAB ou QuickPick est d'environ 3 Ct sur oliviers et de 1,4 Ct sur chênes. Ces valeurs sont à rapprocher du nombre de 38 qui est le nombre de cycles au-delà duquel Harper considère que le résultat est négatif et en dessous le résultat est positif. 35 Jusqu'au 23 mai 2018 l'ANSES ajoutait à la méthode CTAB une étape de mise en suspension de l'ADN, non mentionnée dans le protocole OEPP. À dire d'experts cet ajout augmenterait le risque de perte d'ADN dans l'étape suivante de l'analyse. Depuis l'arrêt de cette étape l'ANSES a enregistré des résultats indéterminés avec CTAB sur des échantillons donnés négatifs avec QuickPick.
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se rapproche de ceux observés sur les végétaux sans inhibiteurs. Les réflexions de la mission ont débouché sur la recommandation n°3, développée dans la partie 7 du rapport et intitulée « conclusions et recommandations ».
3.2.2.
Suite à l'entrée de la Corse en zone d'enrayement et la publication des tests officiels
Par la décision d'exécution 2017/ 2352 du 14 décembre 2017, la Commission a modifié sa décision 2015/789. Ce faisant elle distingue dorénavant les tests que les États membres doivent utiliser en fonction des zones de prélèvement. Pour les prélèvements effectués dans les zones délimitées (c'est-à-dire les zones infectées et la zone tampon adjacente), la Commission donne aux États membres le choix pour la détermination de la présence de Xylella fastidiosa, de recourir en première analyse soit à des méthodes de type sérologique soit à des méthodes moléculaires, et si le résultat est positif, d'employer ensuite au moins un test moléculaire pour l'identification de la sous-espèce. Actuellement la mission a compris que l'Italie comme l'Espagne ne vont pas changer de test pour la première analyse : l'Italie va continuer à utiliser un test ELISA 36 (méthode de type sérologique) dans la zone délimitée des Pouilles, et l'Espagne deux tests moléculaires différents avec extraction de l'ADN par la méthode CTAB. Quant à la France, la mission a noté 37que la DGAl va changer sa façon de procéder en Corse pour 4 espèces (Calicotome villosa, Cistus monspeliensis, Helichrysum italicum, Polygala myrtifolia). À partir d'une date non communiquée à la mission, des laboratoires agréés utiliseront un test ELISA pour déterminer la présence de Xylella fastidiosa et, en cas de résultat positif, le même laboratoire réalisera un test selon la méthode MA039 pour confirmer ce résultat. Il n'y aurait pas ensuite de test d'identification de la sous-espèce de la bactérie. Néanmoins la DGAl a précisé oralement à la mission que la méthode MA039 resterait mise en oeuvre pour les autres végétaux (notamment les oliviers) et que dans une première phase la méthode MA039 serait systématiquement appliquée en doublon aux 4 espèces38. La mission a conscience que le passage à un test ELISA pourrait permettre de générer des marges de manoeuvres budgétaires 39 qui bénéficieraient à la mise en oeuvre de la stratégie d'enrayement. Néanmoins, ces économies ne doivent pas se faire au détriment de l'enjeu de détection précoce en cas d'arrivée d'une nouvelle souche de la bactérie, ni pénaliser la surveillance de l'état sanitaire des cultures d'immortelles. En outre, elle a noté que le LNR ne pratique pas de contrôle de qualité des lots de kit ELISA avant que les laboratoires agréés ne s'en portent acquéreurs.
36 Enzyme-Linked ImmunoSorbent Assay traduit par « dosage d'immunoabsorption par enzyme liée ». 37 En page 14 du dernier plan d'action Xylella 2017-2018 et notes de services 2018/194 du 14/03/2018 (méthode d'analyse MOA 008 Elisa pour la détection de Xylella) et 2018/197 du 14/03/2018 (appel à candidature des laboratoires pour la réalisation d'analyses officielles par Elisa de recherche de Xylella). 38 De son côté le LSV a précisé à la mission que, pendant un an, 25 % des échantillons ayant donné un résultat négatif à l'issue d'un test ELISA serait analysé par la MA039 par le même laboratoire agréé ; ensuite en cas de résultat positif l'échantillon serait envoyé au LSV qui réaliserait une seconde MA039. 39 Les interlocuteurs de la mission, dans les laboratoires en France comme en Espagne et en Italie, lui ont fait part d'écart de prix de facturation de 1 à 10 entre un test ELISA et un test moléculaire
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Le contexte corse se caractérise par un vif débat sur des résultats d'analyses différents entre l'ANSES et l'INRA qui nourrit un discours selon lequel : « l'État cache des choses ». Aussi, le passage d'un test moléculaire à un test ELISA, dont la sensibilité est 100 fois moindre 40, alors que l'INRA affirme disposer d'une méthode plus sensible que celle de l'ANSES, risque donc d'être très mal interprété41, surtout si cette modification ne s'applique qu'à la zone délimitée corse et pas à celles de PACA. Sur ce point, il convient de souligner (cf infra chapitre 3.2.4) qu'à ce jour la méthode de l'INRA n'a pas fait l'objet de publication de données de validation permettant d'apprécier, de manière transparente et le cas échéant contradictoire, ses critères de performance. Pour l'enjeu de détection précoce, il convient de rappeler qu'à l'heure actuelle seule la sousespèce multiplex42 a été identifiée (avec les ST6 et ST7) en Corse. Or aux Baléares sur oliviers et oléastres ont été détectés les Sequence Types (ST) 7* et ST81 de la sous-espèce multiplex ainsi que ST80 de la sous-espèce pauca. Toujours aux Baléares a aussi été détectée la présence de ST1 de la sous-espèce fastidiosa (voir annexe n°7 sur l'état des connaissances). Quant aux Pouilles, on y a identifié le ST 53 qui est une pauca particulièrement agressive sur les oliviers. Les pistes de réflexion de la mission l'ont donc conduite à estimer que le recours au test ELISA en Corse devrait, pour que ses enjeux en soient bien compris, faire l'objet d'une communication précise en CROPSAV. A cette occasion, il conviendrait, d'une part, de mettre en exergue la limitation de son champ d'utilisation à des plantes sans enjeu agricole. A à cet égard la mission recommande de ne pas l'utiliser sur les immortelles cultivées (Helichrysum italicum) contrairement à ce qui est prévu. D'autre part, il conviendrait d'insister sur le fait que les moyens budgétaires dégagés permettront de renforcer la surveillance de la vigne et de l'arboriculture corse (notamment agrumes, amandiers, oliviers) en vue de détecter précocement par test moléculaire l'éventuelle arrivée des sous-espèces fastidiosa et pauca, voire de nouveaux ST de multiplex.
3.2.3.
L'identification de la sous-espèce est confiée à l'ANSES
En Espagne43 comme en Italie44, les autorités nationales ont désigné un laboratoire de recherche pour identifier les sous-espèces de la bactérie. En France, c'est le LSV d'Angers qui est chargé de l'identification 45 des sous-espèces de la bactérie sur les échantillons détectés successivement positifs à l'issue de la mise en oeuvre de sa méthode MA039 par un laboratoire agréé et de sa répétition par lui-même.
40 Cf. Protocole PM 7/24 de l'OEPP. 41 Sans compter le fait, qu'à dire d'experts, la charge bactérienne en Corse est plus faible que celle constatée dans les Pouilles où le test Elisa est utilisé. 42 Pour mémoire le chêne vert de Balagne sur lequel l'INRA avait identifié en 2016 une sous-espèce pauca a été arraché et l'ANSES n'avait pas confirmé cette identification. 43 En Espagne l'Institut Valencien de Recherches Agricoles (IVIA) est le laboratoire national de référence du Ministère de l'Agriculture, Pêche, Alimentation et Environnement. À ce titre, il lui appartient de confirmer les analyses des laboratoires de premier niveau (situés dans chaque Communauté Autonome) et chargé de la détection de première intention de Xf. Mais c'est l'Institut d'Agriculture Durable (IAS) du Conseil Supérieur de Recherche Scientifique (CSIC) basé à Cordoue qui est chargé d'identifier les sous-espèces de Xf. 44 Le CNR de Bari fait tous les tests pour le compte des autorités de la Région des Pouilles. 45 Comme déjà indiqué supra si le recours au test ELISA se met en place, il n'y aura plus de recherche de la sous-espèce sur les échantillons détectés comme infestés à l'issue d'un test ELISA confirmé par MA039.
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Depuis au moins 2017, pour cette identification, le LSV utilise un mode opératoire spécifique de mise en oeuvre du test MLST 46, basé sur Yuan et al., 2010, qui figure dans la liste communautaire des méthodes officielles validées. Il travaille aussi sur un nouveau test de PCR en temps réel (Ouyang et al, 2013), mentionné dans la version n°3 du Protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa de l'OEPP. Mais ce test devra être repris dans la liste de la Commission avant de pouvoir être mis en oeuvre par les États membres. Par ailleurs la mission a noté que, jusqu'en mars 2017, la France et l'Espagne ont fait jouer un rôle différent à l'identification de la sous-espèce dans le processus de déclaration de foyer. En effet, jusqu'en mars 2017, pour déclarer un foyer à la Commission, en zone non délimitée, la France considérait que, comme le laboratoire de première analyse et le LSV appliquaient la même méthode MA039, un seul test moléculaire avait été mis en oeuvre et que c'était donc le test d'identification de la sous-espèce qui servait de second test moléculaire. Compte tenu du nombre de résultats indéterminés des analyses d'identification de sous-espèce, la mission estime que l'approche retenue, bien que conforme à la lettre du texte communautaire, a minoré les déclarations par rapport à la règle choisie par l'Espagne. En effet les autorités espagnoles déclarent un foyer dès que, suite à la réalisation de deux tests moléculaires différents ayant donné des résultats positifs sur un végétal analysé par le laboratoire régional, le laboratoire national de référence confirme la présence de la bactérie. Cette lecture, également respectueuse du texte communautaire, est plus fidèle à l'esprit du protocole de l'OEPP. L'identification de la sous-espèce n'intervient que dans un second temps, pour préciser, le cas échéant, la liste des végétaux qui seront concernés par les mesures d'éradication dans la Péninsule ou d'enrayement aux Baléares. Depuis mars 2017, le LSV réalise un autre test moléculaire (basé sur la PCR Minsavage) comme étape préliminaire au test d'identification de la sous-espèce. Ce changement aligne la position française sur celle de l'Espagne. Il permet en effet de déterminer, par deux tests moléculaires différents, la présence de la bactérie et donc de déclarer un foyer sans attendre le résultat de l'identification de la sous-espèce par MLST (cf. en annexe n°10 le chapitre sur les règles de décision pour la détection officielle d'un foyer en France). La mission salue positivement cette évolution.
3.2.4.
La gestion des différences de résultats entre l'INRA et le LNR
Seuls les résultats positifs des analyses de l'ANSES ont une valeur officielle qui se traduit par des contraintes réglementaires. Ceux des analyses réalisés par l'INRA n'ont pas de valeur officielle puisque l'INRA n'a pas de laboratoire agréé par la DGAl pour déterminer la présence de Xylella fastidiosa ou pour identifier ses sous-espèces d'une part, mais aussi parce ce que les méthodes utilisées par l'INRA (en particulier la nestedPCR) n'ont pas fait l'objet d'une publication des données de validation d'autre part. Ce caractère non officiel vaut aussi pour les résultats d'analyses obtenus par des particuliers en utilisant des kits commerciaux. Néanmoins, dans un cas comme dans l'autre, si ces résultats font soupçonner la présence de la bactérie, la décision d'exécution de la Commission et le code rural et de la pêche maritime imposent aux détenteurs de cette information d'en informer la DGAl afin que celle-ci procède à des vérifications.
46 Voir annexe pour plus de détail sur la nature de ce test.
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Au printemps 2018 l'INRA a informé la DGAl que, sur les échantillons que le SIDOC lui avait envoyés pour analyse, elle avait détecté 5 végétaux positifs, dont un olivier. L'annexe n°10 donne les détails de ce dossier, qui a vu la publication d'un communiqué de presse par le SIDOC puis d'un autre par le Préfet de Corse. Elle précise aussi les informations qui lui ont été communiquées sur les travaux comparatifs confiés à l'ANSES et à l'INRA. La mission retient de cet événement : 1. Si les valeurs de sensibilité des tests et méthodes de l'INRA sont supérieurs à celles des tests officiels mis en oeuvre par l'ANSES, cette situation serait a priori de nature à permettre à l'INRA de détecter X. fastidiosa là où l'ANSES ne la détecte pas. Mais la confirmation de cette hypothèse impose comme préalable que l'INRA publie les données de validation des méthodes qu'elle met en oeuvre. Ce préalable rempli, si l'écart de sensibilité était confirmé, il traduirait une situation assez comparable à ce qui se retrouve à l'échelle de l'Union européenne entre pays, puisque de tels écarts de seuils existent entre les divers tests officiels de la liste communautaire (voir plus haut). Mais il n'en resterait pas moins que l'INRA n'a pas été désigné comme laboratoire officiel et que sa méthode (nested PCR) ne figure actuellement pas dans la liste des tests officiels de la Commission. 2. La mission appelle l'attention sur le fait que, lorsqu'elle l'a rencontrée, l'OEPP lui a indiqué ne pas avoir connaissance de l'existence de données de validation des tests mis au point par l'INRA. Or les données de validation sont nécessaires pour garantir que le risque de faux positif est inférieur ou égal à celui du test officiel mis en oeuvre par l'ANSES. En outre l'existence d'un protocole écrit détaillé est un élément majeur à prendre en compte pour la prise en main d'un test par un laboratoire autre que celui qui a mis au point ce test. A cet égard l'INRA a finalement informé la mission qu'il avait transmis le 23 avril dernier un tel protocole à la DGAl et à l'ANSES. 3. La mission estime que la désignation d'un laboratoire européen de référence constituerait une avancée majeure pour la question des méthodes d'analyse. En effet, il pourrait organiser des tests de validation de méthodes et des tests d'aptitude de laboratoire, ce que l'OEPP ne peut pas faire. Comme piste de réflexion, qui a servi de base à la rédaction de la recommandation n°3, la mission prend acte qu'en France coexistent deux entités différentes, l'une pour mener des missions de laboratoire national de référence (l'ANSES) et l'autre pour mener des travaux de recherche (l'INRA). En Espagne comme en Italie, elle constate que le monde de la recherche, ayant mission officielle à identifier les sous-espèces de la bactérie, se trouve confronté à l'obligation de mettre en oeuvre des tests officiels avec des méthodes dont les données de validation sont connues. Considérant que la situation française est riche de son originalité, la mission a le sentiment que pour ne pas la fragiliser, il appartient à la DGAl de les réunir régulièrement pour coordonner la communication entre recherche et surveillance réglementaire.
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3.3. La stratégie de surveillance du territoire corse après le passage en enrayement
En Corse, les actions de surveillance du territoire sur le terrain sont réalisées par les personnels de la FREDON. Les missions déléguées 47 et confiées48 par les services de l'État sont définies par une convention cadre quinquennale et une convention d'exécution technique et financière annuelle. Pour 2018, selon la DRAAF Corse, la surveillance du territoire en Corse vise deux objectifs :
·
la détection précoce d'une sous-espèce de Xylella fastidiosa autre que multiplex. Cette démarche s'appuie sur les risques d'introduction en Corse des sous-espèces différentes de multiplex (voir la situation dans les Baléares) ; la surveillance de l'évolution de la diffusion de Xylella fastidiosa multiplex dans les zones avec des végétaux symptomatiques et les zones à fort enjeu agricole.
·
Pour atteindre ces objectifs, cinq types d'action sont retenus :
·
la surveillance des végétaux spécifiés introduits en Corse sous dérogation, ainsi que celle des abords des ports, en tant que lieux d'introduction des végétaux ; la surveillance renforcée de certains foyers et de leur environnement, ciblés en raison de la présence de cultures sensibles dans leur environnement proche ou s'étendant sur une surface importante ; la surveillance de zones agricoles avec des cultures sensibles ; la surveillance de zones actuellement considérées comme indemnes ; la surveillance des mouvements de végétaux spécifiés hors de Corse.
·
· · ·
En complément, une surveillance des insectes potentiellement vecteurs est mise en place. Pour ces raisons, malgré le classement de la Corse en zone d'enrayement, la surveillance du territoire reste fondée sur les principes de la note de service 2017-653. Cette dernière précise que « la surveillance des zones contaminées (dites « zones délimitées ») n'entre pas dans le périmètre d'action de cette instruction ». Mais, bien que toute la Corse soit passée en zone délimitée, le maintien des dispositions de la note de service est nécessaire pour atteindre ces deux objectifs, et en particulier l'éventuelle détection précoce des sous-espèces pauca, fastidiosa et sandyi. Par ailleurs, la mission souligne qu'il faut prendre en compte :
·
l'article 7.7.b de la décision d'exécution qui rend obligatoire les enquêtes annuelles officielles « à proximité des sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière » ;
47 Les missions et activités déléguées sont commandées par l'État conformément à l'article L.201-13 du code rural et de la pêche maritime en tant que délégant à un délégataire, qui les acceptent et dont les champs de missions et activités relèvent de la portée de la norme ISO CEI 17020 au titre de l'agroalimentaire. Des activités portant sur les tâches listées à l'article R.201-41 peuvent ainsi être déléguées. 48 Les missions ou activités confiées au sens de l'article L.201-9 sont commandées par l'État, et elles ne relèvent pas obligatoirement du champ de la portée de la norme ISO CEI 17020 domaines d'activité Agroalimentaire Production primaire végétale.
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·
la surveillance de l'environnement des pépinières d'immortelles avec une concertation entre les professionnels et les services officiels. En effet, un fort taux de positifs est observé sur les immortelles en milieu naturel (13 % sur 661 analyses au 13 juin 2018), ce qui représente un risque notamment à l'égard des installations de jeunes agriculteurs dans ce type de production.
À la suite du passage en zone d'enrayement, et en raison des risques liés à l'introduction de sous-espèces autres que multiplex, la mission identifie les pistes de travail suivantes pour la surveillance du territoire corse :
·
maintenir le principe du plan de surveillance annuel, même dans le cadre du classement en enrayement et de la disparition de la zone non délimitée, et notamment :
la surveillance obligatoire par les services officiels des sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière, une fois que ceux-ci auront été identifiés ; la surveillance de l'environnement des pépinières d'immortelles ; la poursuite de la surveillance de la sous-espèce multiplex ;
·
mettre l'accent sur la détection précoce de l'arrivée éventuelle des sous-espèces pauca, fastidiosa ou sandyi. La surveillance devrait être développée :
dans les abords des ports et aéroports, voire dans les centres de tri postaux ; dans les secteurs où la recherche viendrait à évoquer des suspicions d'autres sous-espèces ; sur les plantes hôtes49 de pauca et fastidiosa ; dans les zones jugées à risque selon les travaux de simulation du risque par sous-espèce ; en faisant des tests d'identification des sous-espèces véhiculées par les insectes vecteurs, considérés comme des sentinelles, lorsque cette méthode aura été officiellement validée ;
·
clarifier la politique adoptée en rédigeant une instruction technique pour la surveillance dans la zone d'enrayement sous forme d'une note de service spécifique, ou en complément des deux notes de service relatives à l'éradication. Cette instruction technique devra éclairer l'articulation entre la surveillance des zones agricoles et de leur environnement, et celle à déployer à l'égard des zones naturelles ; appuyer l'évolution des techniques d'identification des sous-espèces vers un meilleur taux de réussite et un coût plus faible. Le passage du séquençage de 7 gènes de ménage à 2 ou 3 comme proposé par l'OEPP va dans le bon sens.
·
49 La réglementation communautaire ne publie que des listes de plantes hôtes sur les sous-espèces fastidiosa, multiplex et pauca.
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3.4. Anticiper l'avenir et réfléchir à l'adaptation de la gestion de foyers
Actuellement, la situation phytosanitaire en Corse se caractérise par :
· · ·
une absence de détection de Xylella fastidiosa dans des parcelles agricoles entretenues ; une seule sous-espèce identifiée : multiplex ; un classement de la Corse en zone d'enrayement, que la mission considère comme spécifiquement liée à la sous-espèce multiplex ; une recherche active qui produit rapidement des connaissances.
·
Nonobstant la poursuite d'une surveillance de la sous-espèce multiplex, dans le cadre de la stratégie d'enrayement, la mission propose également dans les paragraphes précédents d'orienter la surveillance biologique du territoire vers la détection précoce des sous-espèces pauca et fastidiosa (voire sandyi) au cas où elles seraient introduites dans l'île. Il est indispensable pour le gestionnaire du risque phytosanitaire de ne pas être pris au dépourvu si jamais le scénario de l'identification de nouvelles sous-espèces venait à se réaliser. Une anticipation de cette évolution est donc nécessaire. De plus, la possibilité de la détection dans des parcelles agricoles de Xylella fastidiosa, en particulier de pauca et fastidiosa, sur des cultures sensibles à ces sous-espèces doit aussi être prise en compte. En fonction de la sous-espèce identifiée, une telle détection modifierait fortement l'analyse du risque phytosanitaire et le contexte de mise en oeuvre des mesures d'assainissement. Comme le Plan national d'intervention sanitaire d'urgence (PISU) sur Xylella fastidiosa ne prévoit pas ces scénarios, une adaptation à la Corse doit être examinée. La mission identifie les pistes de travail suivantes pour mener une réflexion avec les acteurs de la lutte contre Xylella fastidiosa dans le cadre du CROPSAV et anticiper « les scénarios du pire » :
·
la gestion administrative de l'épidémie n'a de sens et ne sera partagée que si elle prend en compte les dernières connaissances en matière de recherche fondamentale et appliquée. Pour prendre des mesures pertinentes dans le cadre de ces scénarios, le gestionnaire du risque phytosanitaire doit :
être informé des nouvelles connaissances publiées ; exploiter ces dernières pour faire évoluer les bonnes pratiques agricoles (rendre les parcelles cultivées moins favorables aux insectes vecteurs), la surveillance du territoire (nouvelles méthodes analytiques de détection et d'identification, insectes vecteurs utilisés comme des sentinelles...), et la gestion des foyers ;
·
en cas de détection d'une sous-espèce nouvelle, rebasculer la zone concernée en éradication en se donnant les moyens d'éliminer les foyers détectés. S'il s'avère par la suite que les foyers sont trop nombreux pour être éradiqués, un retour en enrayement pourra être envisagé ; pour éviter une situation de crise à la suite d'une éventuelle détection de Xylella fastidiosa sur les cultures sensibles à pauca ou fastidiosa dans des parcelles agricoles :
·
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atténuer l'impact économique de l'assainissement en favorisant au plus vite l'équilibre financier50 du Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale51 (FMSE) pour l'indemnisation des mesures d'arrachage lié à la gestion des foyers de Xylella fastidiosa ; travailler sur les conditions permettant à la fois l'acceptabilité sociale et la mise en oeuvre opérationnelle des mesures d'arrachage des vergers (plus de trois hectares autour de l'arbre infecté) si un retour en éradication est décidé ; si les mesures en éradication de destruction des cultures sensibles dans un rayon de 100 mètres autour du foyer sont jugées impossibles à supporter à long terme et conduisent à repasser en enrayement, mais que des mesures d'enrayement limitées à la destruction des seuls végétaux infectés sont considérées insuffisantes, il peut être examiné un dispositif réglementaire inspiré de la gestion des foyers pour la flavescence dorée de la vigne et la sharka des Prunus : fixer un seuil de contamination ; en dessous du seuil, la parcelle est jugée peu atteinte et seuls les arbres contaminés sont arrachés ;
au-dessus du seuil, la parcelle est jugée submergée par la maladie et doit être arrachée en totalité ;
·
transcrire ces réflexions dans un projet d'arrêté préfectoral de gestion des foyers de Xylella fastidiosa. En cas de besoin, la publication de ce texte permettra d'avoir très rapidement une base solide à la fois sur les plans technique et juridique pour les notifications de mesures d'assainissement.
3.5. Les mouvements de végétaux sortant de Corse
3.5.1. Les dérogations pour les mouvements de plants de Vitis
Au titre de l'article 9.4 bis de la décision d'exécution 2015/789, les mouvements de plants dormants de Vitis pour sortir des zones délimitées bénéficient d'une dérogation et sont autorisés :
·
si les végétaux ont été cultivés dans un site immatriculé conformément à la directive 92/90/CEE ; si à un moment aussi proche que possible des mouvements, les végétaux ont fait l'objet d'un traitement par thermothérapie52 dans une installation agréée. Au cours de ce traitement, les végétaux dormants sont submergés pendant 45 minutes dans de l'eau chauffée à 50 °C, conformément au protocole OEPP53.
·
50 La mission note que l'atteinte de l'équilibre financier devra être innovante compte tenu du caractère polyphage de la bactérie, qui est transversal aux approches par sections. 51 Le FMSE est un fonds de mutualisation qui a pour objet l'indemnisation des agriculteurs lorsqu'ils subissent des pertes liées à des incidents sanitaires ou environnementaux. Les fonds de mutualisation ont été créés par le règlement européen 73/2009. Le FMSE indemnise des pertes économiques occasionnées par des organismes nuisibles aux végétaux classés comme dangers sanitaires de première et de deuxième catégorie. Il est financé à la fois par les agriculteurs, l'État et l'Union européenne. Le financement public représente 65 % de l'indemnisation versée, et les agriculteurs cotisent pour les 35 % restants. 52 La thermothérapie est une méthode d'élimination d'agents pathogènes par la chaleur. Elle permet d'assainir des lots de semences, des plants ou des produits de récolte, et elle peut être mise en pratique dans le cadre de traitements de quarantaine. Les plants à traiter sont plongés dans des bains d'eau chaude. La température et la durée du traitement doivent être maîtrisées avec précision de façon à éliminer les bio-agresseurs sans causer de dommage au matériel végétal (brûlures, viabilité des plants, non reprise à la plantation, retards au débourrement...). 53 « Hot water treatment of grapevine to control Grapevine flavescence dorée phytoplasma », Bulletin OEPP/EPPO Bulletin, 2012,
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Un projet de construction d'une installation de traitement à l'eau chaude en Corse est évoqué depuis plusieurs années. Les enjeux liés à ce projet deviennent plus importants avec l'élargissement de la zone délimitée à toute la Corse. Depuis 2015, les greffons de Vitis issus des zones délimitées sont traités à l'eau chaude sur le continent où ils sont expédiés pour être greffés, avant de revenir en Corse. Un processus dérogatoire permet jusqu'ici que le traitement soit réalisé dans des unités agréées sur le continent après suivi d'un protocole strict d'expédition (ensachage des greffons, transport par camions sans contact avec l'extérieur, scellés posés par la DDCSPP). La création en Corse d'une station permettrait de réaliser le traitement à l'eau chaude avant la sortie de la zone délimitée, et donc d'être conforme avec les exigences de l'article 9.4 bis de la décision d'exécution 2015/789. Lors du CROPSAV de janvier 2018, la filière s'est engagée à conduire un travail de réflexion sur la faisabilité et la réalisation de cette station de traitement à l'eau chaude des greffons de vigne. L'étude de faisabilité est confiée au Centre de Recherche Viticole de Corse (CRVI). Il estime que le montage puis la réalisation du projet demandent un délai de 3 à 4 ans. Ce projet suscite des interrogations à l'égard de son équilibre budgétaire et du maintien sur la durée des compétences nécessaires (impact sur la qualité du matériel végétal en cas de mauvaise manipulation). En effet, par comparaison avec les installations continentales, la modestie des volumes à traiter (de l'ordre de 1,5 million de plants par an soit 250 ha de rénovation) et le faible nombre de semaines d'activité (3 semaines par an) sont soulignés. Pour surmonter ces problèmes et élargir les bénéfices de la station de traitements à l'eau chaude dans la logique de l'enrayement, la mission identifie les pistes de travail suivantes :
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mettre en place le comité souhaité par le préfet de Corse lors du CROPSAV avec l'Office du Développement Agricole et Rural de la Corse (ODARC), la Collectivité de Corse, les services de l'État et les représentants de la filière viticole, pour identifier les moyens de répondre rapidement aux besoins techniques, humains et financiers de ce projet ; examiner l'intérêt d'un traitement à l'eau chaude des plants de vigne entrant en Corse ; maintenir temporairement le dispositif dérogatoire actuel, multiplier les analyses sur les greffons expédiés pour démontrer l'absence de Xylella fastidiosa, et argumenter la fiabilité des mesures de confinement dans le protocole d'envoi vers le continent.
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42(3), 490492.
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3.5.2.
Les inspections de végétaux sortant de Corse
Tout le territoire de la Corse étant classé comme une zone infectée, la Commission européenne exige des inspections sur les végétaux sortants, pour vérifier qu'il ne s'agisse pas de végétaux spécifiés. L'objectif est d'éviter qu'une zone infectée ne devienne une source de contamination du reste de l'Europe. Contrairement aux inspections à l'entrée qui relèvent d'une analyse de risque propre à la Corse, les contrôles des végétaux à la sortie de la Corse sont indispensables pour garantir la sécurité phytosanitaire attendue par tous les États membres. À ce sujet, la mission a pu constater les efforts faits par les autorités des Baléares en matière d'information et de contrôle des particuliers sur les végétaux sortant par l'aéroport de Palma de Majorque. Les inspections de végétaux sortant de Corse sont réalisées dans les ports par les agents des DDCSPP, en collaboration avec le service des Douanes. Ces contrôles sont compliqués par l'absence d'information sur la nature des végétaux transportés et par l'impossibilité d'une présence des inspecteurs tout le temps du chargement du bateau. Les inspecteurs dépendent également de la disponibilité d'agents de sécurité pour ouvrir les remorques des camions, les bagages et les coffres des véhicules des particuliers. Le bilan des inspections dans les ports sur les sorties de végétaux a été présenté comme suit lors du CROPSAV du 25 janvier 2018.
Bilan des inspections sur les sorties de végétaux dans les ports en 2017 (source : CROPSAV) Nb de contrôles aux ports au départ de Corse Nb de bateaux contrôlés Nb de lots végétaux interceptés Nb de lots de végétaux refoulés ou détruits Nb de végétaux refoulés ou détruits 290 777 581 480 786
La mission identifie les pistes de travail suivantes pour les inspections de végétaux sortant de Corse :
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renforcer la collaboration avec les services des douanes dans les ports ; prendre l'attache des aéroports pour engager une collaboration avec les personnels de contrôle des voyageurs sur le modèle de l'aéroport de Palma de Majorque ; développer les actions d'information des voyageurs dans les ports et les aéroports (cf. la partie du rapport sur l'information).
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3.6. Les mouvements de végétaux entrant en Corse
3.6.1. Débats juridiques au sujet de l'arrêté préfectoral du 30 avril 2015
L'arrêté préfectoral n°15-580 du 30 avril 2015, modifié le 9 octobre 2015, a pour objet la prévention de l'introduction d'inoculum nouveau de Xylella fastidiosa en Corse. Aujourd'hui, pour la plupart des acteurs rencontrés, il vise à prévenir toute introduction 54 : · des sous-espèces fastidiosa et pauca non identifiées sur le territoire de l'île par les analyses de l'ANSES,
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des « Sequence Types » différents de ST6 et ST7 pour la sous-espèce multiplex, le risque de recombinaison génétique étant identifié comme susceptible d'aggraver significativement la situation actuellement décrite en Corse.
L'article 1 fixe le principe suivant : « L'introduction des végétaux spécifiés est interdite en Corse quelle que soit leur origine. » Toutefois l'article 2 précise : « Par dérogation à l'article 1, une autorisation d'introduction en Corse peut être accordée à des professionnels pour des végétaux destinés à la plantation ou à la vente, à l'exception des végétaux en provenance de zones délimitées vis-à-vis de Xylella fastidiosa, de pays tiers reconnus contaminés par Xylella fastidiosa ou de statut inconnu ». Cet article précise également le contenu des demandes de dérogation, stipule que l'instruction des demandes est faite au cas par cas et qu'elle est confiée aux DDCSPP, impose une attestation de traitement insecticide sur le lieu de production, et restreint l'introduction aux ports d'Ajaccio et de Bastia. Plusieurs acteurs en Corse estiment que cet arrêté préfectoral fait grief, pour des motifs sensiblement différents. Par ailleurs, des démarches contentieuses ont été portées devant le tribunal administratif de Bastia :
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une oléicultrice exerçant aussi une activité de pépiniériste en produisant des plants d'oliviers, a souhaité réintroduire en Corse 12 000 plants précédemment envoyés en chambre froide en Italie. Sa demande de dérogation dans le cadre de l'arrêté préfectoral n'a pas été acceptée, et les plants sont restés en Italie. Dans le jugement lu le 28 juillet 2017, sa requête pour contester cette décision administrative est rejetée ; le Syndicat Interprofessionnel des Oléiculteurs de Corse (SIDOC) a déposé une requête de référé contre une décision préfectorale de rejet de leur demande, portant notamment sur l'interdiction d'introduction de végétaux en Corse et l'arrêt de la délivrance des dérogations. Par ordonnance du 19 juin 2017, la requête du SIDOC est rejetée par le juge des référés ; le recours du SIDOC sur le fond porte sur une demande d'injonction de faire, afin que le Préfet édicte un arrêté interdisant l'introduction de végétaux en Corse. Le jugement est toujours en attente.
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54 Dans le contexte de la Corse, l'absence d'uniformité des méthodes analytiques pratiquées par les États membres ne garantit pas la confiance à l'égard des végétaux circulant sous passeport phytosanitaire européen.
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La conformité de l'arrêté préfectoral à la réglementation communautaire est mise en cause par la Commission européenne. En effet, la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire a rendu public le rapport55 de l'audit effectué en France du 3 au 12 février 2016 afin d'évaluer la situation et les contrôles officiels relatifs à Xylella fastidiosa. Ce document précise : « L'équipe d'audit a constaté que certaines dispositions fixées par les arrêtés régionaux ne sont conformes ni à la législation de l'UE de manière générale ni aux dispositions spécifiques de la décision (UE) 2015/789. En particulier, l'interdiction d'importation et l'autorisation préalable à l'importation ne sont pas conformes aux dispositions de la directive 2000/29/CE. » Parmi les conclusions portant sur les aspects organisationnels des contrôles de pépinières, il est souligné : « Alors que la législation nationale française prévoit les mesures requises pour la mise en oeuvre de la décision (UE) 2015/789, les arrêtés préfectoraux, en particulier en Corse, contiennent des dispositions qui ne sont pas conformes aux prescriptions de la législation de l'UE ». Un second rapport56 d'audit a été rendu public par la Commission européenne, portant sur un audit effectué en France du 20 au 31 mars 2017. Le texte précise : « En Corse, l'arrêté préfectoral nº 15-580 du 30 avril 2015 (tel que modifié) interdit l'introduction dans le territoire régional des végétaux spécifiés destinés à la plantation. Par voie de dérogation, les opérateurs professionnels ont la possibilité d'importer ces végétaux à des fins de plantation ou de vente depuis des zones situées en dehors des ZD de l'UE ou des pays tiers, à condition qu'ils soient accompagnés d'un document certifiant leur origine et qu'ils subissent un traitement insecticide. Les négociants doivent introduire une demande d'autorisation auprès de la DDCSPP cinq jours à l'avance, et soumettre des informations détaillées sur le lot de végétaux. L'équipe d'audit a constaté que cet arrêté n'était pas conforme aux exigences de la décision en ce qui concerne les mouvements de végétaux spécifiés en Corse. » Dans les conclusions concernant les aspects organisationnels des contrôles phytosanitaires, il est à nouveau souligné : « En Corse, l'arrêté préfectoral nº 15-580 du 30 avril 2015 n'est pas conforme aux exigences de la décision en ce qui concerne l'introduction dans l'île des végétaux spécifiés ». Lors de la réunion sur Xylella fastidiosa de haut niveau du 1er décembre 2017 à Paris, en présence de la Commission européenne et des ministres des États membre concernés, le Commissaire à la santé a rappelé cette non-conformité à la France. De plus, la cheffe de l'Unité de santé des végétaux de la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire a informé la mission que la Commission européenne a envoyé à l'autorité phytosanitaire française deux courriers pour demander l'abrogation de cet arrêté préfectoral, l'un en 2015 et l'autre en mai 2018. La conséquence logique de cette contestation juridique par la Commission de la situation actuelle est une probable mise en demeure de la France dans le cadre d'une procédure pré-contentieuse pour mettre un terme au dispositif actuel.
55 DG(SANTE) 2016-8793 56 DG(SANTE) 2017-6141
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La mission est consciente que le dispositif actuel est chronophage pour les agents de la DDCSPP en gestion administrative au détriment de la surveillance de terrain. Jusqu'à ce qu'elle se rende à Bruxelles le 12 juin 2018, la mission envisageait néanmoins comme possible de conserver l'arrêté, avec toutefois une simplification de l'arbre de décision. En raison de la position de la Commission européenne, la mission propose de considérer que l'urgence n'est plus de procéder à une amélioration à la marge de l'arrêté préfectoral, mais de préparer un autre dispositif fondé sur une base juridique plus solide pour maîtriser les plantations de végétaux sensibles.
3.6.2.
Construire un autre dispositif
SI l'arrêté préfectoral est abrogé à la suite d'une mise en demeure ou d'une démarche contentieuse de la Commission européenne, les végétaux accompagnés d'un passeport phytosanitaire européen (PPE) pourront entrer librement en Corse, y compris ceux originaires d'une zone délimitée s'ils respectent les dispositions des articles 9.2 ou 9.4. Une telle évolution sera particulièrement mal comprise par plusieurs acteurs en Corse. En effet, elle ne tiendrait pas parfaitement compte de l'analyse des risques développée en lien avec les introductions de végétaux, reposant notamment sur certaines incertitudes scientifiques développées dans l'annexe 7. Outre la démarche contentieuse du SIDOC auprès du préfet en vue de l'interdiction de l'introduction de végétaux en Corse, elle irait clairement à l'encontre de la position constante de l'Assemblée de Corse. Cette dernière a en effet adopté à l'unanimité le 25 septembre 2014 la délibération n° 14/173 AC portant adoption d'une motion relative à la nécessité d'empêcher l'introduction en Corse de la bactérie Xylella fastidiosa. Il est en particulier précisé : « L'Assemblée de Corse acte la nécessité de suspendre l'entrée de plants végétaux en Corse tant que la bactérie Xylella fastidiosa ne sera pas éradiquée dans la zone contaminée du sud de l'Italie ». Les termes de cette délibération ont été réitérés le 27 avril 2018 avec l'adoption de la délibération n° 18/124 AC portant adoption d'une motion relative à Xylella fastidiosa. La mission propose dès à présent, sans attendre la probable abrogation de l'actuel arrêté préfectoral, de préparer activement un autre dispositif également susceptible de minimiser le risque d'introduction de nouvelles sous-espèces ou de nouvelles ST, tout en étant conforme au droit communautaire. La mission a recherché un dispositif avec une base juridique forte qui permette une certaine maîtrise des flux de végétaux plantés en Corse. Dans cet objectif, elle propose de recourir à l'article 5 de la décision d'exécution 2015-789, qui porte sur l'interdiction de plantation de végétaux hôtes dans des zones infectées. Cet article précise : « 1. La plantation de végétaux hôtes dans des zones infectées est interdite, sauf dans le cas de sites qui sont matériellement protégés contre l'introduction de l'organisme spécifié par ses vecteurs.
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2. Par dérogation au paragraphe 1, l'État membre concerné peut accorder des autorisations de plantation de végétaux hôtes dans les zones infectées énumérées à l'annexe II si des mesures d'enrayement conformes à l'article 7 sont appliquées, sauf dans la zone de 20 kilomètres visée à l'article 7, paragraphe 7, point c). Lorsqu'il accorde ces autorisations, l'État membre concerné privilégie les végétaux hôtes appartenant à des variétés pour lesquelles une évaluation a montré qu'elles tolèrent l'organisme spécifié ou sont résistantes à celui-ci. » Le contexte de la Corse est propice à la mise en oeuvre de cet article, puisque pour mémoire :
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tout le territoire de la Corse est classé en zone infectée ; tout le territoire de la Corse doit voir s'appliquer les mesures d'enrayement prévues à l'article 7 ; du fait de son caractère insulaire, la zone de 20 kilomètres visée à l'article 7, paragraphe 7, point c) ne s'applique pas à la Corse.
Pour anticiper le moment où il ne serait plus possible de maintenir le dispositif actuel, la mission suggère donc de travailler activement dans l'esprit de remplacer l'arrêté préfectoral actuel d'interdiction d'introduction en Corse de végétaux spécifiés sauf dérogations à l'égard des professionnels. Elle propose la publication d'un arrêté préfectoral d'interdiction des plantations de végétaux hôtes, sauf dérogations, fondé sur l'article 5 de la décision d'exécution 2015-789. À ce jour, toutes les bases techniques et scientifiques ne sont pas connues pour construire un dispositif solide et cohérent. Il faudra donc accepter de travailler dans un premier temps seulement à dire d'experts, et de mettre en place rapidement des expérimentations (cf. le chapitre sur les pratiques agricoles). Il est indispensable de réunir rapidement les familles professionnelles pour identifier les végétaux hôtes devant bénéficier de l'autorisation de plantation. Comme l'autorisation de plantation porte à la fois sur les végétaux introduits et sur ceux produits en Corse, il sera nécessaire de se prononcer sur les variétés appropriées, qu'elles soient spécifiquement corses, produites localement ou introduites en Corse, en fonction des besoins, des possibilités de production et des connaissances sur les caractéristiques des cultivars. Les recommandations émises par ailleurs par la mission pour développer les travaux expérimentaux de recherche de variétés locales tolérantes ou résistantes à Xylella fastidiosa, sont cohérentes avec l'article 5. Le caractère de moindre sensibilité n'est toutefois pas une obligation pour la délivrance des dérogations. Le dispositif proposé permettra de clarifier la répartition des rôles entre l'État en charge des aspects régaliens et les professionnels qui devront définir les variétés et des espèces qu'ils souhaitent voir développer en Corse.
3.6.3.
Les inspections à l'introduction
Les contrôles dans les ports sur les végétaux entrants sont réalisées par les DDCSPP, avec l'appui de la FREDON en Haute-Corse.
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Le travail des inspecteurs est difficile :
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les conditions matérielles de travail au port ne sont pas bonnes : absence de bureau dans les ports, de zone de contrôle phytosanitaire, de quai de contrôle, d'éclairage des marchandises, de petit laboratoire sur place pour examiner les végétaux, de personnel mis à disposition par les ports pour la manutention des marchandises... Des conteneurs ont toutefois été achetés pour entreposer les végétaux saisis ; le laps de temps pour réagir est d'autant plus court que le ralentissement des flux de marchandises et de voyageurs arrivant dans les ports génère des conflits dans un contexte de manque de place ; l'absence de transmission des rôles des bateaux (par deux compagnies sur trois) complique la réalisation des contrôles.
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Outre, la poursuite de la simplification engagée, la mission identifie les pistes suivantes pour renforcer l'efficacité et l'efficience des inspections à l'entrée de végétaux en améliorant les conditions de réalisation des contrôles :
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définir le cahier des charges d'un poste d'inspection et du matériel de contrôle nécessaire en s'inspirant des points d'entrée communautaires pour les inspections à l'importation en provenance des pays-tiers. À ce sujet, l'expertise de la Sousdirection des affaires sanitaires européennes et internationales de la Direction générale de l'alimentation pourra être mobilisée ; lors de la préparation du dialogue de gestion pour le BOP 206, augmenter la dotation d'objectifs57 (DO) des DDCSPP pour tenir compte de la charge de travail liée à ces inspections dans les ports ; prendre l'attache des autorités portuaires des ports d'Ajaccio et de Bastia pour examiner la mise en oeuvre de ce projet, notamment dans la perspective de préserver la fluidité des flux de camions et l'attractivité de ces ports.
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3.6.4.
Les contrôles dans les centres postaux.
Les Douanes réalisent des contrôles dans les centres postaux d'Ajaccio et de Bastia. Les agents contribuent ainsi aux inspections à l'entrée et à la sortie des végétaux. Les contrôles sont aléatoires ou orientés en fonction des pays d'origine, des types d'emballages, des expéditeurs et des destinataires. En raison du développement du commerce des végétaux par internet, ce lieu de contrôle doit faire l'objet d'une attention particulière. Avec l'évolution des habitudes de consommation, les particuliers peuvent trouver en effet, via internet, des offres à un prix attractif, et avec des conditions de livraison satisfaisantes. Cette voie d'entrée présente un risque si des flux importants de végétaux vers les particuliers échappent aux inspections.
57 La dotation d'objectifs intègre le plafond d'emplois du programme 206 (titulaires et non-titulaires), les agents mis à disposition du ministère en charge de l'agriculture, ainsi que les ETPt rémunérés par le ministère en charge de l'environnement au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (programme 217) dont la gestion est déléguée à la DGAl.
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Exemple de vente de caféier ornemental sur le site internet d'une entreprise connue de commerce en ligne
La mission identifie comme piste de travail de développer la collaboration avec le service des Douanes pour les contrôles dans les centres postaux. Une réflexion est nécessaire sur le contrôle phytosanitaire des flux de végétaux achetés sur internet, en particulier lorsqu'ils sont livrés par des transporteurs, sans passer par les centres de tri postaux.
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4. MILIEUX NATURELS
Avertissement : le présent chapitre est écrit dans un contexte technico-juridique très largement différent de celui qui prévalait lors des discussions préalables au choix d'une mission CGAAERCGEDD. En effet les obligations communautaires pour l'éradication des foyers identifiés dans les milieux naturels et subnaturels, essentiellement le maquis, ont immédiatement posé à la fois des difficultés majeures de faisabilité pratique, et des questions sur l'opportunité de l'usage des produits chimiques et de la destruction systématique de trois hectares autour du foyer. Par ailleurs l'importance des analyses positives sur des espèces de maquis 58 et les dépérissements ou mortalités observées de loin, laissait supposer que l'application rigoureuse des textes communautaires en matière d'éradication pourrait conduire à des chantiers massifs de destruction du maquis, précédés de traitements chimiques. La décision de décembre 2017, faisant entrer la Corse en stratégie d'enrayement, a rendu partiellement caduc ce débat (nonobstant les difficultés persistantes d'intervention dans le maquis pour mener la surveillance dans les règles de l'art, mais aussi pour utiliser les insecticides demandés par la réglementation), sans néanmoins faire disparaître d'autres questions que la mission s'est efforcée de traiter dans le meilleur état des connaissances auxquelles elle a pu avoir accès.
4.1. Bref rappel sur les milieux concernés
Selon les données issues de la méthodologie Corine Land Cover pour l'année 2012, les espaces agricoles ne couvrent qu'environ 12 % (un peu plus de 100 000 ha), alors que les milieux à végétation arbustive et/ou herbacée concernent 44 % (un peu moins de 400 000 ha), et les forêts59 30 % (de l'ordre de 250 000 ha) de la surface de l'île (8 680 km²). Le terme de maquis désigne des formations végétales arbustives plus ou moins élevées, dont la hauteur peut varier de 0,5 à 7 mètres selon le stade de dégradation 60, dont la surface est très importante aux étages thermo et méso 61 méditerranéen, plus réduite à l'étage supra méditerranéen. Lors de ses entretiens en Corse, la mission a pu constater simultanément l'attachement très fort, identitaire, aux paysages de maquis, et en même temps de l'association souvent faite du maquis à un révélateur d'un abandon des usages, de la désertification et d'une dynamique envahissante et inquiétante. Néanmoins, globalement, la préoccupation sur l'évolution des paysages en cas de problème sanitaire grave sur le maquis est bien réelle, et mérite d'être considérée comme un élément qui compte dans la crise à propos de X. fastidiosa en Corse.
58 La base Shiny au 14 juin 2018 indique que 33 % de Calicotome villosa prélevés ont été analysés positifs ainsi que les Cistus monspeliensis (10 %) et la Lavandua sp. (12 %). 59 Pour l'IGN, établissement public chargé de l'inventaire forestier, la définition de la forêt est un terrain de superficie au moins égale à 50 ares où croissent des végétaux ligneux dépassant 5 mètres de hauteur à maturité in situ et de couvert supérieur à 10 %. 60 Les maquis peuvent connaître des dynamiques progressives ou régressives. Dans la forme la plus dégradée, le maquis peut n'être composé pratiquement que de cistes de Montpellier. Dans sa forme la plus évoluée, proche de la forêt, il est dominé par l'arbousier, la bruyère arborescente et le chêne vert. 61 L'étage méso-méditerranéen a plusieurs frontières en Corse mais s'étend fréquemment jusqu'à 700 mètres d'altitude aux ubacs et 1 000 mètres d'altitude aux adrets. En bord de mer, cet étage est présent sur quelques endroits et est régi par les gelées hivernales : lorsque les gelées hivernales sont absentes, on parle de l'étage thermo-méditerranéen ; sur les zones où le thermoméditerranéen n'a pas pu s'implanter et les gelées sont présentes, on parle alors de l'étage méso-méditerranéen. Dans ces conditions le méso-méditerranéen commencera autour de 150 mètres d'altitude. La végétation retrouvée est un maquis composé de cistaies, de forêts de caducifoliées, de forêts sclérophylles ou encore de fruticées naines. La différence entre l'étage thermoméditerranéen et l'étage méso-méditerranéen est visible au niveau floristique par la disparition de végétaux très thermophiles.
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La mission a pu constater visuellement que le paysage peut être, à plusieurs endroits, nettement marqué par un maquis rougissant et par des dépérissements, mortalités de branches, des mortalités de végétaux ligneux, voire plus ponctuellement d'arbres, notamment dans des sites où la présence ponctuelle de X. fastidiosa a été démontrée par des analyses officielles. Le paysage est un élément important du patrimoine corse, dont la valeur économique via le tourisme est importante. À l'exception de la plaine orientale, le paysage est par ailleurs marqué par l'intrication forte entre les cultures et le maquis, offrant de fait une interface importante pour les « échanges » d'insectes et la facilitation du passage de la bactérie de la végétation naturelle aux cultures, et réciproquement. Dans certaines zones où le maquis s'est fortement rapproché des habitations, la proximité entre les jardins et la végétation du maquis est également à souligner. Pour la mission, le maquis fait intrinsèquement partie de la problématique du dossier X. fastidiosa en Corse. Il n'est pas possible de cloisonner les approches en estimant que, nonobstant la question des plantes ornementales, il y aurait un volet agricole du problème, et parallèlement un volet « maquis et forêt » qu'il serait possible de gérer indépendamment. La décision de décembre 2017 de placer l'ensemble de la Corse en stratégie d'enrayement conduit nécessairement à estimer qu'il faut « vivre avec la bactérie » et que le maquis est une donnée incontournable, indispensable à prendre en compte. En matière de biodiversité, la Corse a des particularités écologiques d'autant plus importantes qu'elle est une île. De nombreuses espèces y sont endémiques. Et l'introduction de nouveaux agents pathogènes et d'espèces exotiques envahissantes est un problème particulièrement aigu, dès lors que ces introductions peuvent menacer, de manière avérée ou potentielle, des espèces endémiques rares, et même très rares. Dès lors que les espèces hôtes de la réglementation européenne (pour la sous-espèce multiplex) concernaient en juillet 2017 24 espèces structurantes des végétations indigènes, le Conservatoire botanique de Corse (CBN62) de Corse identifiait en août 2017 environ 557 000 ha de formations végétales naturelles ou subnaturelles potentiellement concernées par la présence de X. fastidiosa subsp. multiplex en Corse, soit environ 63 % du territoire insulaire63. Selon ce travail, disponible auprès du CBN, « parmi les 62 Habitats Natura 2000 présents en Corse, 24 habitats dont 4 habitats prioritaires sont potentiellement touchés. Au-delà de la qualité fortement patrimoniale de ces habitats, cela représente, comme le montre la carte, une superficie d'environ 49 268 ha d'habitats N 2000 potentiellement concernés soit 39 % des sites (126 270 ha) Natura 2000, dont 9 809 ha (20 %) sont des habitats prioritaires. » (citation). Pour les seuls sites naturels emblématiques du Parc marin international des Bouches de Bonifaccio (partie terrestre
62 Un conservatoire botanique national, abrégé par le sigle CBN, est un conservatoire botanique français agréé par le ministère chargé de la protection de la nature pour une zone géographique donnée. Cet agrément a été rendu possible en 1988. Les organismes ainsi agréés ont un caractère scientifique et sont spécialisés dans la connaissance et la conservation des plantes sauvages menacées sur le territoire national. En 2004, leurs missions ont été étendues officiellement à la connaissance de l'ensemble de la flore sauvage et des habitats naturels, ainsi qu'à la conservation des habitats naturels. Ils sont regroupés par la Fédération des conservatoires botaniques nationaux. Depuis, le 1er janvier 2017, la coordination technique des CBN est assurée par la nouvelle Agence française pour la biodiversité. Le Conservatoire botanique national de Corse est un service de l'Office de l'environnement de la Corse (OEC), agréé en 2008. 63 Cela ne signifie nullement que, même dans le cas d'une mortalité massive des végétaux sensibles à la bactérie, on aboutirait à un « désert », mais que les associations végétales qui caractérisent la végétation naturelle et subnaturelle en Corse évolueraient dans un sens que l'on ne sait anticiper que très marginalement, mais avec des effets potentiels forts sur certains paysages et sur l'état de conservation des habitats naturels d'intérêt communautaire et de certaines espèces qui ont justifié la désignation de sites Natura 2000 ou d'aires protégées en droit national.
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de la Réserve naturelle de Corse) et du site du patrimoine mondial de l'humanité de PortoScandola (reconnaissance par l'UNESCO, mais également classé en Réserve naturelle de Corse), à partir de la cartographie fine des formations végétales de ces deux sites, le premier pourrait être potentiellement concerné pour 82 % de sa surface terrestre, et le second à hauteur de 75 %.
4.2. Propositions de la mission pour la surveillance des milieux naturels et subnaturels en Corse
Le BOP 206 qui finance la surveillance de X. fastidiosa est intitulé de manière limitative « Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation ». La mission constate aussi la compétence de la DGAl pour gérer l'ensemble de la mise en oeuvre opérationnelle des décisions communautaires concernant cette bactérie. Le présent dossier décloisonne nettement l'approche agricole et l'approche forestière, mais aussi celle qui concerne le maquis, qui ne peut pas rester dans le « non-dit ». La gestion par la DGAl du dossier X. fastidiosa en Corse devrait, pour la mission, prendre en compte une approche intégrée, clairement assumée et reposant explicitement sur la solidarité des gestions sanitaire du maquis et des cultures, selon la logique « One health » promue au niveau international, tout particulièrement par la FAO, même si le concept a surtout été approfondi dans le secteur médical et vétérinaire. À la lumière des analyses prenant en compte le facteur climatique, figurant en annexe, la mission constate les spécificités des années 2014, 2015 et 2016 (notamment en termes de chaleur, et pour 2015 également en termes de pluviométrie) et plus encore le caractère exceptionnel de l'année 2017 au regard du stress climatique pour la végétation (seulement comparable à 1970 au cours des 57 dernières années) en Corse. Dès lors, la mission considère qu'il n'est pas possible de chercher à évaluer une responsabilité de la bactérie dans les rougissements et dépérissements identifiés dans le maquis, sans devoir prendre en compte le climat, tout en gardant en mémoire que les travaux de Samuel Soubeyrand64 (INRA) montrent une bonne corrélation entre le stress hydrique et la probabilité de trouver Xylella fastidiosa subsp. multiplex dans les prélèvements effectués. L'appréciation de la résilience du maquis confronté à la fois à un stress hydrique particulièrement intense, à la répétition des stress hydriques et à la présence de la bactérie (au moins sur certaines espèces structurantes du maquis) est un enjeu fort. À la lumière de l'état des connaissances figurant en annexe, la mission ne peut exclure que la présence de la sous-espèce multiplex, bien présente dans les milieux forestiers nord-américains où elle ne cause pas de dégâts significatifs compte tenu probablement d'une longue coévolution, puisse, le cas échéant, devenir un problème préoccupant pour certains écosystèmes « forestiers » européens, et donc potentiellement pour le maquis corse et certaines forêts de chênes. Dans l'état de ce que la mission apprécie comme raisonnable et « faisable », elle considère :
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qu'il n'est pas envisageable de chercher à développer une surveillance générale du maquis à prétention de représentativité, compte tenu notamment des difficultés d'accès à nombreuses zones et des moyens qu'il est raisonnable d'y consacrer, notamment en situation d'enrayement ;
64 Voir annexe n°7 sur les constats et l'état des connaissances.
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que la multiplication des nouveaux points de surveillance avec prélèvements (hors suivi des foyers historiques) dans le maquis ou les forêts n'apportera qu'une aide limitée pour comprendre ce qui se passe et fonder une action, mais qu'un suivi organisé d'un échantillonnage représentatif des peuplements de chêne verts qui connaissent des difficultés serait opportun, sous l'égide du DSF ; qu'il est néanmoins possible de formaliser une surveillance programmée ciblée visant à la fois les formations forestières et le maquis, après négociation entre le DSF, l'ONF, le CRPF et la FREDON, en traitant selon des modalités différentes les zones d'imbrication entre cultures et maquis, et les vastes zones de forêt ou de maquis, en adaptant l'ambition aux moyens disponibles ; qu'il convient par ailleurs d'identifier formellement les « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière » dans le maquis pour lesquels une surveillance particulière est obligatoire, en prenant en compte notamment les arbres remarquables, les sites Natura 2000, les réserves naturelles de Corse et les sites classés à forte dimension paysagère, mais sans chercher à tout couvrir. Dans le contexte corse, il semble raisonnable de cibler la surveillance65 sur les parties accessibles de l'intérieur de ces sites, sans s'arrêter à la lettre de la décision d'exécution du 14 décembre qui vise une surveillance autour de ces sites. En effet la décision communautaire du 14 décembre 2017 vise à détecter précocement une contamination encore extérieure au site, reflétant ainsi une approche valide pour les zones récemment contaminées qui n'est pas pertinente pour la Corse66 ; qu'il est prioritaire de mettre par ailleurs en place un dispositif d'observation d'un nombre limité (dix ?) de sites choisis de manière concertée entre CBN, ONF, CRPF, DSF, FREDON, et le cas échéant chercheurs intéressés, pour apprécier sur au moins dix ans la résilience du maquis et des formations forestières à chêne vert, et tenter d'identifier les facteurs prédisposants, déclenchants et aggravants mettant en cause les interactions entre le climat, le stress hydrique et la présence de la bactérie. les choix soient vraiment partagés entre les organismes concernés, et validés par la DREAL et la DRAAF, après avis du conseil scientifique du CBN et du conseil scientifique X. fastidiosa mis en place auprès du préfet (Cf. supra la partie Gouvernance) ; la priorité soit donnée à des sites entre 10 et 500 ha, (traversés par un chemin, une piste DFCI ou un sentier pour accéder à des placettes de suivi), allant du bord de mer à 600 m d'altitude, en explorant la diversité des formes dynamiques et régressives des formations végétales à chêne vert, avec une attention particulière au ciste ;
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Concernant ce dernier dispositif d'observation, il semble impératif que :
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65 Dans ce contexte, il sera nécessaire d'arracher les spécimens reconnus comme contaminés, et de respecter les règles communautaires imposant l'usage préalable d'insecticides. La mission est consciente du fait que les insecticides autorisés sont susceptibles de causer des dommages à la biodiversité (les insecticides compatibles avec l'agriculture biologique étant réputés peu efficaces sur P. spumarius) et qu'il sera nécessaire d'obtenir à cet effet une dérogation temporaire, faute d'homologation pour un usage dans le maquis. Les échanges de la mission avec la Commission européenne ne laissent aucun doute sur l'obligation communautaire afférente, en pleine conscience du fait que les dommages ponctuels afférents à la biodiversité seront probablement moins forts que les dommages que causeraient des mortalités significatives imputables à X. fastidiosa sur des écosystèmes naturels ou des espèces patrimoniales. 66 La mission a eu l'occasion de présenter et d'argumenter cet écart envisagé à la lettre de la décision d'exécution, lors de son rendez-vous du 12 juin à la DG Santé ; elle a compris que, dans ce domaine, la situation corse peut effectivement justifier des adaptations.
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l'effort de description du milieu et des végétaux (notamment tous ceux qui ont été reconnus comme espèces hôtes en Corse), et de surveillance à différentes échelles (y compris par utilisation de drones) soit calibré en fonction des moyens à coup sûr mobilisables pendant au moins dix ans ; les méthodologies de suivi aux différentes échelles soient discutées avec le conseil scientifique du CBN et les experts de l'INRA qui suivent les placettes permanentes en forêt.
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Dans l'esprit de la mission il ne s'agit pas d'envisager un dispositif aussi lourd que les placettes RENECOFOR67, mais de combiner une capacité d'intégrer dans le temps des observations plus fines, y compris en termes de présence de la bactérie (via les analyses), et des observations à échelle de dizaine ou centaine d'hectares où les facteurs climatiques et les déterminants d'un stress hydrique peuvent être analysés selon un gradient. La mission recommande de confier cette responsabilité conjointement au DSF et au CBN qui doivent recevoir à cette fin des assurances en matière de continuité des moyens mis à leur disposition (crédits et possibilité de recourir à des CDD). Nota : compte tenu de ce que la mission a entendu sur le sujet, le suivi sanitaire du chêne liège en Corse semble relever d'approches plus classiques et déjà largement existantes sous l'égide du département de la santé des forêts, dans le cadre d'un réseau qui concerne toute la zone méditerranéenne de présence du chêne liège et explore également les techniques de remise en exploitation de la suberaie. Par ailleurs les projets de relance de l'exploitation du chêne vert pour le bois de chauffe rend opportun de s'interroger sur les possibles effets collatéraux de modes d'exploitation qui favoriseraient le développement du ciste dans une première phase. Le projet affiché par certains partenaires forestiers corses de réfléchir à la formalisation de bonnes pratiques sylvicoles mérite d'être encouragé. La mission identifie les pistes de réflexion suivantes :
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clarifier l'organisation de la surveillance du maquis et les moyens à y consacrer, à la fois pour ce qui concerne l'intervention structurée du DSF (avec la collaboration active de l'ONF et du CRPF) et pour les prélèvements par la FREDON ; d'identifier formellement avec la collaboration du CBN et de la FREDON, les « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière » dans le maquis pour lesquels une surveillance particulière est obligatoire, en prenant en compte notamment les sites Natura 2000 et les réserves naturelles de Corse, mais sans chercher à tout couvrir ; confier au groupe de travail Forêt du CROPSAV, élargi au CBN et à la FREDON, le soin de proposer dix sites de suivi du maquis pendant dix ans, selon les principes énoncés précédemment ;
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67 RENECOFOR est le REseau National de suivi à long terme des ECOsystèmes FORestiers, créé par l'Office national des forêts (ONF), dans un contexte communautaire qui implique 34 pays européens qui ont de tels réseaux. Il vise l'observation et le suivi de 102 sites permanents. Le suivi est prévu sur au moins 30 ans (de 1992 à 2022). Chaque parcelle fait l'objet d'un protocole standardisé de mesures périodiques (2à 3 fois par an, tous les ans, ou tous les 5 ou 10 ans selon les cas) de plusieurs dizaines de paramètres.
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confier au groupe de travail Forêt du CROPSAV, élargi au CBN et à la FREDON, le soin d'élaborer un guide des bonnes pratiques sylvicoles en matière d'exploitation des formations végétales dominées par le chêne vert, eu égard notamment à la dynamique du ciste.
Nota : la mission a par ailleurs analysé (cf. annexe n° 11) la proposition parfois soulevée de faire appel au code de l'environnement pour gérer le contexte susceptible d'influencer l'état des milieux naturels et subnaturels au regard de Xylella fastidiosa. D'une manière générale, la mission estime peu solide juridiquement la possibilité de se servir du code de l'environnement pour apporter une réponse à un problème relevant clairement du code rural, même dans l'objectif de protéger des habitats naturels ou des espèces sauvages du maquis.
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5. PRATIQUES AGRICOLES
Aussi bien dans le cadre des mesures d'éradication que des mesures d'enrayement, la réglementation précise que l'État membre doit appliquer des pratiques agricoles adaptées pour la gestion de la bactérie et de ses vecteurs. En effet, compte tenu de l'interaction entre la bactérie, le vecteur et la plante dans un environnement donné, ces pratiques visent à agir sur l'environnement pour réduire les populations bactériennes et vectorielles ainsi que sur la sélection végétale. La décision d'exécution 2015/789 de la Commission du 18 mai 2015 précise, en effet, dans son article 7-paragraphe 6 concernant les mesures d'enrayement que « l'État membre concerné applique des pratiques agricoles adaptées pour la gestion de l'organisme spécifié et de ses vecteurs ». La décision d'exécution 2017/2352 de la Commission du 14 décembre 2017 indique, dans son point 4, modifiant l'article 5 de la décision 2015/789, que par dérogation en zone d'enrayement l'État membre peut autoriser la plantation de végétaux hôtes dans les zones infectées de la zone délimité mais pas dans la zone tampon des 20 km visée à l'article 768. Il est précisé que, lorsque l'État membre accorde ces autorisations, « il privilégie les végétaux hôtes appartenant à des variétés pour lesquelles une évaluation a montré qu'elles tolèrent l'organisme spécifié ou sont résistantes à celui-ci ». La mission a constaté des écarts importants dans la mise en oeuvre des décisions d'exécution au cours des visites qu'elle a effectuées en Corse, aux Baléares et dans les Pouilles.
5.1. En Corse et au niveau national
En Corse, les végétaux hôtes cultivés en zones agricoles et sensibles à Xylella fastidiosa subsp multiplex sont l'amandier (Prunus dulcis), l'olivier (Olea europaea), le prunier (Prunus domestica), l'immortelle d'Italie (Helichrysum italicum), le romarin (Rosmanirus officinalis). Les végétaux hôtes, cultivés en zones agricoles sensibles à d'autres sous-espèces que multiplex sont le cerisier (Prunus avium) et la vigne (Vitis vinifera). Le clémentinier (Citrus clementina) et le pomelo (Citrus maxima), qui sont des productions importantes en Corse, ne sont pas inscrites dans la liste des végétaux hôtes. Les végétaux d'ornement sensibles à Xylella fastidiosa sbsp multiplex sont nombreux aussi . Pour n'en citer que quelques-uns : le polygale à feuille de myrte (Polygala myrtifolia), la lavande (Lavandula sp), le laurier-rose69 (Nerium oleander) et le géranium (Pelargonium sp). Parmi ces végétaux hôtes, certains prélèvements ont été trouvés positifs à la méthode officielle. Au 05/06/2018, ont été analysés positifs 2 échantillons sur 159 d'amandier (Prunus dulcis)70, 87 échantillons sur 661 d'immortelle d'Italie (Helichrysum italicum), 2 échantillons sur 574 de romarin (Rosmanirus officinalis), 13 échantillons sur 151 de géranium (Pelargonium sp.), 21 échantillons positifs sur 167 de lavande (Lavandula sp), 489 positifs sur 1913 de polygale (Polygala myrtifolia).
68 Cette disposition concernant la zone tampon ne s'applique pas à la Corse puisqu'elle n'en possède pas. 69 Nonobstant le laurier rose indigène en Corse, espèce protégée qu'on trouve le long de certains cours d'eau. 70 Il s'agit de prélèvement sur un même arbre dans un jardin peu entretenu.
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5.1.1.
Concernant la réflexion sur les pratiques culturales des végétaux hôtes cultivés en zone agricole
À l'échelle de la parcelle, au sens de la gestion du sol, de l'eau, des vecteurs, du couvert végétal qui héberge les vecteurs à un stade de leur développement, et de la pratique de la taille, la mission a constaté une faible mobilisation des acteurs professionnels en Corse. La chambre régionale d'agriculture, les chambres départementales d'agriculture de Haute-Corse et de Corse du Sud ne conduisent pour l'instant aucun travail sur ce sujet au regard du risque de Xylella. Des travaux ont été initiés par l'INRA de Corte en septembre 2017, en collaboration étroite avec le CBN de Corse, avec des financements de l'Office de l'environnement de Corse (OEC) et de la délégation régionale à la recherche et à la technologie (DRRT) concernant l'analyse écoépidémiologique des relations plantes -insectes vecteurs. Comme indiqué dans la partie « État des connaissances », la DRAAF ne fait pour l'instant pas partie du comité de pilotage. La mission considère que cette situation est regrettable et recommande sa participation. Sa présence permettrait de mieux articuler trois temps très complémentaires : la gestion de crise, l'acquisition de connaissances pour mieux comprendre, la mise en oeuvre concrète de la stratégie d'enrayement. Le SRAL, dans la définition de la stratégie de surveillance en date du 10 novembre 2017, évoque un certain nombre de pratiques agricoles favorables pouvant contribuer à gérer et à limiter le risque de diffusion de Xylella fastidiosa : · suivi attentif et régulier de l'état sanitaire des végétaux cultivés, réalisé par les professionnels et les techniciens compétents, permettant une détection précoce de symptômes évocateurs de la maladie ; · taille ou récolte annuelle des végétaux visant à réduire la masse de végétation peu lignifiée, attractive pour les insectes vecteurs. Toute branche avec des symptômes douteux doit être éliminée rapidement afin d'éviter la diffusion de la bactérie dans la plante ; · privilégier le développement de végétaux non hôtes autour des parcelles agricoles, ce qui permet de créer un système de barrière végétale freinant la diffusion dans des parcelles dont la taille moyenne est assez petite. A contrario la présence de cistes de Montpellier, sur lesquels les nymphes de Philaenus spumarius semblent se développer préférentiellement en Corse, est à éviter71 ; · traçabilité de la production à partir de plants certifiés sains qui ont été élevés en zone indemne ou dans des conditions de protection anti-vectorielle ; · surveillance des insectes vecteurs et traitements adaptés le cas échéant. Le dernier CROPSAV en date du 25 janvier 2018 a consacré une partie de la présentation à cette thématique des pratiques agricoles, la DRAAF appelant de ses voeux « la poursuite des réflexions à court et moyen terme par les professionnels des filières »72. La réflexion des professionnels nécessite que ceux-ci soient nourris des résultats de la recherche, deviennent des acteurs éclairés de la mise en oeuvre de la stratégie d'enrayement. La DRAAF, les chambres consulaires et l'association de recherche et d'expérimentation sur les fruits et légumes en Corse (AREFLEC) devraient d'être informées rapidement des premiers résultats des travaux menés par l'INRA.
71 À noter que cette proposition est contestée par le SIDOC. 72 Voir diaporama « Présentation SRAL Xylella » sur le site de la DRAAF Corse.
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La mission identifie la piste de travail : mettre en place, rapidement, filière par filière, des groupes de travail nourris des premiers résultats de recherche, réfléchissant à la mise en oeuvre de bonnes pratiques culturales et engageant avec les techniciens des filières des expérimentations terrain. Au niveau national, partant du constat de la faiblesse de la recherche appliquée concernant les pratiques prophylactiques, le chef du département Santé des plantes et environnement à l'INRA et président du conseil scientifique et technique de l'institut français de la vigne et du vin (IFV) a initié en février 2018 une réunion associant les agronomes et les écologues de son département ainsi que les partenaires du monde de la vigne. Son ambition est d'initier des programmes de recherche appliquée concernant les pratiques agricoles dans la parcelle en lien avec les écosystèmes environnants. La mission identifie la piste de travail pour la DGAl : veiller à ce qu'un de ces programmes associe les acteurs corses et qu'une partie des travaux porte sur la prise en compte des interactions entre les cultures et les écosystèmes naturels et subnaturels corses.
5.1.2.
Concernant les tests variétaux des végétaux hôtes cultivés en zone agricole
L'INRA de Corte, dans le cadre du dispositif conçu en août 2015 suite à la visite du ministre S. Le Foll, conduit des tests de sensibilité de certains végétaux cultivés en lien avec l'INRA d'Angers qui possède une serre qualifiée de S3 73, car il n'en existe pas sur le territoire corse. Trois agrumes ont été testés (2 variétés de clémentines et un pomelo) ainsi qu'un olivier (variété Sabine). Les observations ont été conduites sur 6 mois, suite à inoculation de la bactérie sur plantes saines. L'INRA d'Angers a mené cette expérimentation sur des crédits propres. La période de 6 mois est considérée par l'INRA d'Angers comme trop courte, l'idéal étant de mener les observations sur une période de un à deux ans (cf. annexe n°7). Les prélèvements ont fait l'objet d'analyses selon la méthode INRA. Les résultats de cette expérimentation n'ont été présentées ni à la DRAAF, ni au CROPSAV. Les tests doivent être menés sur l'ensemble des végétaux hôtes cultivés en zone agricole et sensibles à Xylella fastidiosa subsp. multiplex, et ce sans tarder. Mais il n'est pas inutile, en lien étroit avec les filières, de se poser la question de tester la résistance de variétés de végétaux hôtes cultivés sensibles à d'autres sous-espèces. Enfin, la Commission européenne interrogée par la mission sur la situation des « Agrumes du soleil », entreprise confrontée aux exigences de la réglementation concernant les mouvements des plants de citrus qu'elle expédie sur le continent mentionne la nécessité de prouver la résistance à Xf. suite à inoculation « pendant au moins deux ans ». Cela pose la question à la fois de l'investissement dans une serre en Corse, capable d'accueillir ces tests et de la structure capable de les mener (INRA ? AREFLEC ?).
73 Les serres sont classées en 4 catégories (de S1à S4) en fonction de leur niveau de protection évalué sur une liste de critères nombreux (matériaux de construction, nature du sol, aération, abords, système de vide de paillasse, douche, signalisation du risque pour l'environnement, destruction des plantes, accès, vêtements, effluents, registre pour les expériences).
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La mission identifie les pistes de travail suivantes :
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poursuivre et élargir les tests variétaux, initiés par l'INRA en serre S3, sur une durée d'au moins deux ans ; examiner la possibilité d'une installation conséquente en Corse pour faire des tests de résistance et tolérance par inoculation de Xf., en faisant attention :
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au respect des exigences de confinement imposées par la directive 2008/61/CE ; à l'acceptabilité pour les producteurs proches d'une telle installation où Xf. est manipulée (cf. le contentieux de la sharka des Prunus avec l'INRA).
L'ODARC privilégie systématiquement, lors de l'attribution de ses financements, les filières de production corse sans, jusqu'à présent, avoir pour autant initié une recherche sur la résistance variétale des variétés corses. Les travaux menés devraient permettre ainsi à l'ODARC d'affiner sa stratégie d'attributions de financements en privilégiant certaines variétés, végétal hôte par végétal hôte. L'attention de la mission a été attirée à plusieurs reprises par de nombreux acteurs sur la situation des producteurs d'immortelle. L'immortelle est le végétal majeur de la filière plantes aromatiques et médicinales (PPAM) en Corse. La situation et les caractéristiques géographiques confèrent à la Corse des sites exceptionnels pour la culture de l'immortelle et des caractéristiques particulières à l'essence74 qui en est extraite75. Ces éléments expliquent le dynamisme et la notoriété de cette filière. Malgré les efforts consentis par les professionnels de la filière durant les 20 années écoulées, le volume de production d'huile est encore loin de satisfaire la demande. Soutenue par les partenaires dans le cadre des contrats de plan État/Région pour accroître la production insulaire en favorisant la mise en culture de PPAM, la filière poursuit sa dynamique d'extension avec actuellement une cinquantaine d'hectares nouveaux plantés par an et l'installation de jeunes agriculteurs. Cependant, de nombreux acteurs, notamment les chambres d'agriculture et le CDJA, ont fait part à la mission de leurs interrogations quant à l'accompagnement des jeunes dans des projets d'installation. La mission est d'avis que cette politique d'installation peut se poursuivre si un plan de surveillance spécifique des plantations est mis en place en lien avec la profession. Les producteurs de PPAM de Corse sont impliqués dans la protection de leurs productions et mettent en place des pratiques garantissant un risque minimal selon la DRAAF :
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production des plants en Corse à partir de graines (absence de risque de la transmission de Xylella fastidiosa) ; suivi visuel pluriannuel des cultures de PPAM afin de s'assurer d'une productivité intéressante ; les productions sont pesées et répertoriées garantissant une grande réactivité en cas de diminution de la production ; récolte annuelle permettant de régénérer les plantes limitant ainsi les risques sanitaires liés au vieillissement de l'organe végétatif ; désherbage mécanique des inter-rangs qui implique plusieurs passages dans l'année. Il permet de limiter la concurrence et les plants de PPAM sont ainsi plus résistants aux attaques de ravageurs ;
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74 L'attention de la mission a cependant été appelée sur le cas d'un pépiniériste vendant des immortelles sur le continent. 75 D'où un contrat avec un industriel de la cosmétique.
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entretien régulier des tournières (zone périmétrale de manoeuvre des tracteurs) en périphérie des parcelles permettant de créer des zones tampons autour des cultures de nature à limiter la présence de vecteurs potentiels.
Les plants d'immortelle sont effectivement aujourd'hui issus de variétés population 76. En 2007, à l'époque où Xylella fastidiosa n'avait pas encore été détectée, le conseil scientifique du CBN avait produit une analyse de risque de la mise en culture de végétaux prélevés dans la flore sauvage corse (cas de l'immortelle d'Italie). L'analyse pointait la nécessité que les plants d'espèces appartenant à la flore naturelle de Corse soient produits sur l'île à partir du matériel végétal local, le CBN s'impliquant dans les actions menées par la filière sur les sites de cueillette et sur les enjeux environnementaux liés à la mise en culture. Le CBN de Corse a travaillé depuis 2011 dans le cadre d'un appel à projet de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité, intitulé « Conservation et utilisation durables d'espèces végétales indigènes pour développer des filières locales », au développement d'une filière de production de plants d'origine locale. Ainsi, en décembre 2015, la marque « Corsica Grana » a été déposée auprès de l'Institut National de la Propriété intellectuelle. Elle permet désormais de certifier les plantes et semences produites en Corse à partir de matériel végétal issu de populations insulaires « sauvages » et d'assurer leur traçabilité. Aujourd'hui, aucune recherche appliquée sur la résistance variétale des plants issus des variétés population n'a encore été menée alors que 87 échantillons ont été analysés positifs en milieu naturel. Un focus sur l'aspect résistance variétale des immortelles semble fondamental à la mission. La filière oléicole, dès 2013, a travaillé sur la mise en place d'actions destinées à l'amélioration de la connaissance des variétés corses, la mise en valeur et la conservation de la diversité génétique du patrimoine oléicole insulaire et la production de plants corses. L'AREFLEC joue un rôle essentiel dans cette filière de production de plants corse. En effet, elle prélève le matériel végétal sur des oliviers corses et le multiplie en pépinière avant de le fournir à la filière oléicole. Les bois sont prélevés sur des oliviers analysés comme sains par l'ANSES et les plants sont produits en serres insect-proof. Mais l'AREFLEC se pose de nombreuses questions aujourd'hui sur le caractère réellement sain du matériel prélevé au regard des dépérissements d'oliviers proches de ceux considérés comme présentant un intérêt génétique et sur lesquels le matériel génétique a été prélevé. Les variétés prélevées sont-elles résistantes ? D'autres variétés le seraient-elles davantage ? À cet égard, il est à noter que, dans son bulletin de liaison du mois de juin 2018, le SIDOC annonce le gel en 2019 du programme de ventes de plants certifiés par l'AREFLEC.
76 On entend par variété de population (ou encore variété ancienne ou variété paysanne) celle que le paysan sélectionne lors de sa récolte pour constituer sa future semence. Les « variétés populations » représentent un ensemble d'individus non identiques constituant une population. Ce terme souligne leur intérêt en matière de diversité.
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5.2. Dans les Pouilles
5.2.1. Pratiques culturales à la parcelle
Les observations et la recherche appliquée conduites par les entomologistes de l'université de Bari ont conclu à la nécessité de faucher la végétation herbacée entre mars et avril pour limiter la population d'insectes vecteurs. Le gouvernement a rendu certaines pratiques obligatoires : Afin de réduire la propagation de la bactérie, « la lutte contre les insectes juvéniles par des moyens mécaniques est obligatoire dans les zones délimitées de mars au 30 avril et recommandée dans la zone indemne de la Région des Pouilles.... Le contrôle des stades de jeunesse des vecteurs est obligatoire dans les zones agricoles, extra-agricoles et urbaines, à travers le travail superficiel de la terre, le déchiquetage et l'enfouissement de la végétation spontanée. Les travaux mécaniques doivent être réalisés par les propriétaires / gestionnaires / locataires (privés ou publics) des surfaces agricoles cultivées / non cultivées, des espaces verts publics, le long des bords des routes et le long des canaux. Il convient de noter que la non-exécution des mesures phytosanitaires obligatoires implique l'application des sanctions prévues par le décret-loi n ° 214/2005 »77. Les carabiniers sont en charge de la surveillance du respect des règles à partir du 1 er mai. Les infractions sont sanctionnées financièrement (amende). De plus, les personnes en infraction ne sont plus éligibles aux subventions. Parallèlement 33 sites d'observation et de comptage des insectes ont été installés. Ces observations sont transmises aux associations de producteurs par le biais de bulletins sanitaires. Les traitements insecticides78 sont rendus obligatoires à partir d'une certaine date. Les directives pour le confinement de la diffusion de Xylella fastidiosa subsp. pauca ceppo CoDiRO79 présentent un tableau des substances actives et de leur efficacité. Une substance est considérée comme étant très efficace80. Il s'agit de l'imidaclopride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes dont l'utilisation fait l'objet de nombreuses controverses 81. Viennent ensuite deux autres substances actives : l'étofenprox, pseudo-pyréthrinoïde et la buprofezine qui appartient à la famille chimique des thiadiazines. Le guide préconise des périodes de traitement entre mai et juillet et en septembre-octobre. Cette question de traitement insecticide considérée comme un élément de bonne pratique agricole dans la lutte contre la bactérie interroge la mission dans sa mise en oeuvre (formation et habilitation des agriculteurs82, choix de l'insecticide, choix de la période la plus favorable, prise en compte de l'environnement et conditions réglementaires d'emploi pour cet usage) et dans les risques de déséquilibres entomologiques et écologiques que de tels traitements peuvent entraîner83.
77 78 79 80 81 Traduction de la plaquette « Xylella fastidiosa, sous-espèce pauca ST53- Intervention obligatoire pour la lutte contre les vecteurs ». A ce stade, aucune possibilité de lutte biologique n'existe. Publiées dès 2014. ++++ sur une échelle allant de ++ à ++++ http://presse.inra.fr/Communiques-de-presse/Declin-des-abeilles-l-effet-conjugue-pesticide-parasite-affecte-aussi-la-survie-desreines 82 Par obtention du Certiphyto. 83 Interrogée sur ce point, lors du rendez-vous du 12 juin 2018, la DG Santé a fait part à la mission de sa conviction que l'arrêt de la propagation de la maladie est bonne pour la biodiversité, et que les dispositions communautaires sont donc cohérentes avec les objectifs de la Commission concernant Natura 2000 et la préservation de la biodiversité, conduisant à assumer certains impacts ponctuels problématiques de l'utilisation des insecticides, tout en rappelant que le choix des insecticides relève de la compétence des Etats membres.
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Travail superficiel de la terre pour éliminer la végétation herbacée hébergeant les insectes vecteurs de Xylella fastidiosa (verger d'oliviers dans la zone tampon des Pouilles, Italie)
Deux vergers d'oliviers avec à droite une variété locale sensible à Xylella fastidiosa et à gauche la variété Leccino (dans la zone d'enrayement des Pouilles, Italie)
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5.2.2.
Tests de résistance variétale
Un travail est mené avec des grands professionnels oléicoles (qui autofinancent une part très significative du projet) et l'équipe de l'institut de virologie des plantes à Bari, en lien avec des équipes de recherche au Brésil. Ces tests de résistance se font en partie en plein air : la mission a observé une parcelle où des oliviers symptomatiques faisaient l'objet de greffes multiples afin d'observer leur résistance. Les premières observations montrent que la variété Leccino est plus résistante. Elles montrent aussi que les arbres âgés sont moins résistants qu'un arbre jeune, d'où une sensibilité plus importante des plantations plus âgées.
5.3. Aux Baléares
5.3.1. Pratiques culturales à la parcelle
Le service agricole du gouvernement des Baléares a publié dès mai 2017 un guide de bonnes pratiques agronomiques pour la prévention contre la bactérie Xylella fastidiosa84. Ce guide s'est largement inspiré de l'expérience des Pouilles et a vocation à être distribué à l'ensemble des agriculteurs des Baléares. Dans une première partie, le guide donne des renseignements très généraux sur les symptômes, la bactérie et les vecteurs. Dans une deuxième partie, il développe les bonnes pratiques de gestion du sol, de gestion de la fertilisation, de gestion de l'eau mais aussi de la taille et du contrôle des vecteurs aussi bien en agriculture conventionnelle qu'en agriculture biologique 85. De la même façon que dans les Pouilles, le guide développe pour chaque essence d'arbres fruitiers cultivés la liste des substances actives conseillées. On y retrouve l'imidaclopride pour les oliviers, les amandiers, les agrumes et la vigne. Parallèlement le service agricole conduit des observations de terrain sur amandier, qui ont mis en évidence des facteurs de sensibilité à Xylella fastidiosa subsp fastidiosa ST1. Parmi les facteurs : l'âge de la plantation avec une sensibilité plus importante pour des arbres de plus de 20 ans, le régime hydrique avec une sensibilité à l'absence d'irrigation, les variétés avec une sensibilité plus importante pour les variétés locales, la pratique de la culture associée avec une incidence plus forte de la maladie, l'abandon de l'entretien des parcelles. La mission a compris qu'à la différence des Pouilles, les bonnes pratiques ne sont pas rendues obligatoires dans la mesure où elles ont été diffusées avant les premiers résultats des programmes de recherche appliquée coordonnés par le service agricole du gouvernement.
84 Voir : http://www.ajesporles.net/noticies/bones-practiques-prevenir-la-xylella-fastidiosa-que-ja-amenca-la-serra 85 Le guide est consultable à l'adresse suivante : http://www.mapama.gob.es/es/agricultura/temas/sanidad-vegetal/xylella- fastidiosa/
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5.3.2.
Tests de résistance variétale
Ceux-ci sont conduits en serres « insect-proof » par le service agricole du gouvernement des Baléares à Palma de Majorque, sur un terrain situé juste à côté du laboratoire régional d'analyse des végétaux . Des observations de terrain sont aussi conduites qui permettent de classifier les variétés en trois catégories : non affectées, peu affectées et très affectées. La mission identifie les pistes de travail suivantes :
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communiquer les premiers résultats de la recherche appliquée menée aux Baléares et dans les Pouilles concernant les pratiques agricoles à la parcelle et la mise en place des premières bonnes pratiques, notamment la fauche du couvert au printemps sans attendre les résultats de la recherche appliquée qui serait initiée en Corse ; mettre en place au sein du CROPSAV d'un groupe de travail « recherche appliquée » en charge de faire émerger les thématiques de recherche appliquée, puis d'identifier les acteurs de cette recherche et les sources de financement, et de faire le suivi des expérimentations agronomiques et phytosanitaires réalisées.
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Serre insect-proof dans l'île de Majorque pour les essais en contamination artificielle destinés à identifier les variétés résistantes ou tolérantes à Xylella fastidiosa
Essais en cours dans l'île de Majorque avec des contaminations artificielles sur vigne, amandier et olivier pour identifier des variétés résistantes ou tolérantes à Xylella fastidiosa
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6. COMMUNICATION ET SENSIBILISATION
6.1. Mettre en oeuvre des campagnes de sensibilisation
Dès le mois de décembre 2015, un article 13 bis est ajouté à la décision d'exécution 2015 / 789 de la Commission du 18 mai 2015. Cet ajout consiste à demander aux États membres de « mettre à la disposition du grand public, des voyageurs, des professionnels et des transporteurs internationaux des informations sur les risques que présente l'organisme spécifié pour le territoire de l'Union européenne ». Le texte précise qu'il convient qu'ils « mettent ces informations à disposition au moyen de campagnes de sensibilisation ciblées sur les sites internet respectifs des organismes officiels responsables ou sur les sites désignés par ces organismes ».
6.2. Les États membres ont mis en place des sites internet
Que se soit en Espagne, en France ou en Italie la mission a constaté l'existence de pages internet dédiées à Xylella fastidiosa, avec une information très riche. Ces pages sont portées par les autorités nationales et par les autorités régionales comme on peut le constater dans le tableau suivant qui donne les liens pour accéder à ces pages.
Niveau national
Niveau régional
Espagne http://www.mapama.gob.es/es/agric Sur le site du ministère régional de la ultura/temas/sanidadCommunauté autonome des Baléares en charge vegetal/xylella-fastidiosa/ de l'environnement, de l'agriculture et de la pêche, on trouve un espace dédié à la bactérie : https://www.caib.es/sites/sanitatvegetal/es/inicio1542/?campa=yes France http://agriculture.gouv.fr/xylellaliens-utiles-et-documentation Le site de la DRAAF Corse a un espace dédié : http://draaf.corse.agriculture.gouv.fr/Xylellafastidiosa-en-Corse De même, la FREDON : http://www.fredoncorse.com/actions/xylella_fastidiosa.htm Italie https://www.politicheagricole.it/flex/c Le site de la Région (http://www.regione.puglia.it) m/FixedPages/Common/Search.v3. renvoie quand on cherche Xylella au site dédié : php/L/IT/s/1 http://www.emergenzaxylella.it/portal/portale_ges tione_agricoltura
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Pour information, on notera que sur le site de la Collectivité de Corse figurent deux textes sur Xylella portant l'un sur une délibération des 26 et 27 avril 2018 et l'autre sur un compte rendu de conférence de presse OEC / ODARC en date du 10 avril 2018 (https://www.isula.corsica/search/xylella/).
6.3. Les campagnes de sensibilisation prennent des formes variées, et la plus aboutie est à Majorque
Force est de constater que si les sites ont été mis en place avec beaucoup d'information, la notion de campagnes de sensibilisation ciblées prend des formes différentes. En France, depuis le dernier Salon de l'agriculture, le ministère a mis en place du matériel visuel relatif à l'interdiction d'introduire du matériel végétal en Corse. Lors de son passage en Corse du 16 au 20 avril 2018, la mission n'a pas constaté d'information diffusée dans les aéroports de Bastia et d'Ajaccio. Aux Baléares, les campagnes visent à alerter les voyageurs sur l'interdiction de sortie de végétaux. À l'aéroport de Palma de Majorque, la mission a constaté des panneaux d'information en ce sens. De plus, des bacs destinés aux déchets végétaux présentant un risque biologique sont mis à la disposition des voyageurs et des personnels chargés du contrôle. La Garde civile interrogée a informé la mission que si des végétaux étaient détectés par l'examen aux rayons X par les agents de sécurité, ils étaient appelés pour intervenir et consigner les végétaux. C'est la forme la plus aboutie de communication et de contrôle observée par la mission. Dans les Pouilles la mission n'a vu aucune information visuelle permettant aux voyageurs de savoir qu'ils entraient en zone tampon ou zone infestée le long des routes. De la même façon, elle n'a constaté aucun affichage à l'aéroport de Bari (il est vrai hors zone délimitée) concernant Xylella fastidiosa, et il lui a été dit que la situation était la même à l'aéroport de Brindisi (en zone infectée).
6.4. Piste de réflexions
La mission estime que l'information des voyageurs et des compagnies de transport terrestre et aérien de personnes devrait concerner tous les mouvements ; que ce soit à l'entrée comme à la sortie, avec des affichages dans les ports et aéroports français qui desservent la Corse. Il conviendrait aussi de demander aux autorités italiennes de faire de même dans leurs ports desservant la Corse. La mission est également d'avis qu'il conviendrait de mener des campagnes d'informations factuelles vis-à-vis des résidents en Corse. Ceci permettrait de compléter et diffuser les informations présentes sur les sites web de la DRAAF et de la FREDON. Par exemple un communiqué de presse pourrait être systématiquement publié à l'issue de chaque réunion du CROPSAV.
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Information des voyageurs dans l'aéroport de Palma (Baléares)
Élimination des végétaux sortant des Baléares dans l'aéroport de Palma : bacs pour les déchets végétaux présentant un risque biologique destinés aux voyageurs et aux personnels chargés du contrôle (Source : GOIB)
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Panneau lumineux informant les voyageurs de l'aéroport de Palma sur les végétaux interdits de sortie des Baléares en raison des risques liés à Xylella fastidiosa.
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7. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Après avoir écouté toutes les parties prenantes, que ce soit celles de la recherche, de l'administration et des milieux socio-économiques en France (sur le continent et en Corse) comme en Espagne (à Palma de Majorque) ou en Italie (dans les Pouilles), la mission a accumulé un matériel très riche. À partir de celui-ci, elle s'est efforcée de dresser un état le plus objectif possible de la situation en Corse. Forte de ce constat, et en réponse à la commande qui lui avait été faite, elle a formulé sept recommandations pour accompagner le passage d'un dispositif d'éradication de la bactérie Xylella fastidiosa en Corse à un dispositif d'enrayement, qui tienne compte de la présence ancienne dans l'île de certains ST de la sous-espèce multiplex de la bactérie. La mission souligne que le changement de cadre réglementaire est une opportunité pour toutes les parties concernées, car elle offre la possibilité de se projeter collectivement vers l'avenir en faisant sur les mesures à prendre, des choix partagés et basés sur des informations objectives. Ces mesures doivent porter en priorité sur :
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une recherche la plus ouverte à tous avec un partage le plus en amont possible de l'avancée des connaissances scientifiques (y compris sur les méthodes d'analyse) ; la mise en place de programmes de recherche appliquée répondant à des questions concrètes soulevées par la décision communautaire, et avec pour objectif ultime la capacité à produire sain dans un environnement contaminé. La mission souligne les enjeux des tests de tolérance ou de résistance à la bactérie pour des espèces cultivées en Corse, ou encore de l'identification de bonnes pratiques agricoles permettant de réduire le risque de propagation de la bactérie par les insectes vecteurs ; les méthodes d'analyse qui doivent continuer à évoluer pour améliorer l'exactitude du diagnostic et la surveillance sur tous les types de végétaux ; la production d'un plan urgence face au risque de l'introduction de nouvelles sous-espèces de Xylella fastidiosa ou de nouveaux ST de la sous-espèce multiplex. Ce plan doit s'accompagner d'un dispositif de surveillance adapté avec des cartographies pertinentes, articulant la surveillance des espaces agricoles et des espaces naturels. L'enjeu du dispositif de surveillance est de tendre vers la détection précoce des sous-espèces de Xylella fastidiosa autres que multiplex, sans obérer la poursuite de la surveillance de multiplex, notamment en milieu agricole. Ainsi le contrôle des mouvements de végétaux aux points d'entrée et de sortie (ports, aéroports et centres de tri postaux) et la surveillance de leur environnement doit permettre d'identifier le plus tôt possible l'arrivée éventuelle de nouvelles souches ou sous-espèces. L'objectif d'enrayement de l'infection causée par Xylella fastidiosa subsp. multiplex doit fonctionner en particulier à l'égard de l'éventuelle présence de la bactérie sur des végétaux cultivés en zone agricole ; l'adoption d'un arrêté de dérogation à l'interdiction de plantations de végétaux hôtes en zone infectée et d'un arrêté qui liste les sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière ; des actions de communication à l'attention des agents économiques mais aussi des voyageurs qui entrent et sortent de l'île pour les sensibiliser et les rendre acteurs, à leur niveau, de la lutte contre Xylella fastidiosa en Corse.
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Les débats préalables à l'adoption de ces mesures, conduiront les acteurs locaux, filière par filière, à définir, en amont de ces consultations, leur vision de l'avenir de l'agriculture corse et ainsi contribueront à faire émerger une vision partagée de l'évolution souhaitée. Dans cet esprit la mission a donc émis les sept recommandations suivantes qui reposent sur les pistes de réflexions présentées de façon détaillée au fil des diverses parties du rapport : R1. Mettre en place un conseil scientifique auprès du Préfet de la Corse avec une information du Comité régional d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CROPSAV) par l'INRA de San-Giuliano et le Conservatoire botanique national (CBN) de Corse ; et sans attendre 2019, organiser un séminaire de restitution scientifique en Corse. Ce conseil aura pour vocation, face à l'évolution rapide des connaissances, de permettre aux services de l'État en Corse de mieux s'appuyer sur le meilleur état des connaissances disponibles, et d'aider le Préfet à gérer la stratégie d'enrayement dans le cadre des instructions de la DGAl. En bénéficiant de l'expertise technique de l'ANSES et de la FREDON, ce conseil associera toutes les équipes de recherche travaillant en Corse, y compris le directeur du centre INRA de San-Giuliano et la directrice du CBN de Corse (qui sont membres du CROPSAV). Il sera confié à ces deux derniers la tâche d'informer régulièrement le CROPSAV sur l'actualité scientifique nationale et internationale. Pour commencer à faire le point sur le meilleur état des connaissances disponibles, il paraît pertinent d'organiser en Corse, avant la fin de l'année 2018, un séminaire d'une journée en Corse, sur la modèle de ce qui a été fait à Paris en octobre 2017, à l'attention de tous les partenaires concernés et en invitant quelques scientifiques et professionnels espagnols et italiens. R2. Mettre en place des groupes de travail pour étudier les questions techniques avant leur présentation en CROPSAV. Parmi les questions à court terme figurent l'adoption d'un arrêté de dérogation pour la Corse à l'interdiction de planter des végétaux hôtes en zone infectée par la bactérie Xylella fastidiosa, et d'un arrêté listant les sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière, ainsi que la question de la station de traitement à l'eau chaude des plants de vigne. Parmi les questions à moyen terme figure le lancement d'un programme de recherches appliquées. Il portera sur des tests de résistance et de tolérance à la sous-espèce multiplex, sur de bonnes pratiques agricoles ainsi qu'une réflexion pour anticiper « les scénarios du pire » (identification de pauca, fastidiosa, sandyi ; foyers sur cultures en parcelles agricoles) et leur gestion. Ces groupes de travail ont vocation à s'exprimer de façon pragmatique sur des questions essentielles concernant la mise en oeuvre opérationnelle de la stratégie d'enrayement. L'ambition de la mission est que la présentation de leurs conclusions en séance plénière du CROPSAV facilite la prise de décisions partagées et la réelle mise en application de celles-ci.
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La mission souligne que l'établissement de la liste des végétaux hôtes autorisés à la plantation (et donc à l'entrée sous réserve de l'arrêté préfectoral actuel) conduira chaque filière à se projeter vers l'avenir et à argumenter ses choix. Elle ajoute que cette liste pourra évoluer en fonction des résultats des essais de tolérance et de résistance qu'elle recommande de conduire. La liste des « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière » pour lesquels une surveillance particulière est obligatoire, devra prendre en compte notamment les sites Natura 2000 et les réserves naturelles de Corse, mais sans chercher à tout couvrir. Son élaboration devrait compter sur la collaboration du CBN et de la FREDON. Concernant la station de traitement à l'eau chaude des plants de vigne avant leur sortie de Corse en application de la décision d'exécution de la Commission européenne, la mission insiste pour que se mette en place le comité souhaité par le préfet de Corse avec l'Office du Développement Agricole et Rural de la Corse (ODARC), la Collectivité de Corse, les services de l'État et les représentants de la filière viticole. Dans l'identification des moyens de répondre rapidement aux besoins techniques, humains et financiers de ce projet, la mission, suggère d'examiner l'intérêt d'un traitement à l'eau chaude des plants de vigne entrant en Corse, et de prévoir des expérimentations sur l'effet du traitement à l'eau chaude des plants de production autres que la vigne et non sensibles à Xylella fastidiosa subsp. multiplex (Citrus notamment) afin de faire évoluer l'annexe III de la décision d'exécution. Sur ce thème le groupe de travail devrait être sollicité pour fournir des arguments sur la fiabilité des mesures actuelles de confinement dans le protocole d'envoi vers le continent des plants de vigne afin de justifier le maintien temporaire du dispositif dérogatoire actuel devant l'audit de la Commission européenne prévu en Corse à l'automne 2018. Concernant le programme de recherches appliquées le groupe de travail ad hoc au sein du CROPSAV devrait avoir la charge de faire émerger les thématiques de recherche appliquée, puis d'identifier les acteurs de cette recherche et les sources de financement, et de faire le suivi des expérimentations agronomiques et phytosanitaires réalisées. La mission pense que parmi ces thèmes devraient figurer (en liaison avec la rédaction de l'arrêté sur la dérogation à l'interdiction de plantation de végétaux hôtes) la poursuite et l'élargissement des tests variétaux, initiés par l'INRA en serre S3, en examinant la possibilité d'une installation en Corse pour faire ces tests de résistance et tolérance. Concernant la mise en oeuvre de bonnes pratiques culturales, la mission recommande de prendre connaissance des premiers résultats de la recherche appliquée menée aux Baléares et dans les Pouilles concernant les pratiques agricoles à la parcelle (notamment la fauche du couvert au printemps), puis d'engager en Corse des expérimentations de terrain, avec les techniciens de filières. Elle recommande également que la DGAl veille à ce qu'un programme porte sur la prise en compte des interactions entre les cultures et les écosystèmes naturels et subnaturels corses. Pour ce qui de l'élaboration d'un guide des bonnes pratiques sylvicoles en matière d'exploitation des formations végétales dominées par le chêne vert, ce travail devrait être confié au groupe de travail Forêt du CROPSAV, élargi au CBN et à la FREDON. Quant à l'exercice d'anticipation, il devrait aboutir à la rédaction d'un projet d'arrêté préfectoral visant à calibrer les dispositions à prendre aussi bien en cas de détection d'une sous-espèce
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nouvelle (a priori un rebasculement de la zone concernée en éradication au moins pour les premiers temps, prenant en compte la quasi-impossibilité de détruire dans le maquis les plantes hôtes dans un rayon de 100 mètres autour d'un foyer) qu'en cas de détection de Xylella fastidiosa sur les cultures dans des parcelles agricoles (dispositif d'indemnisation des mesures d'arrachage, mais aussi examiner la mise en place d'un dispositif inspiré de la gestion des foyers pour la flavescence dorée de la vigne et la sharka des Prunus pour une meilleure acceptabilité sociale des arrachages). R3. Pour les échantillons de végétaux contenant des inhibiteurs (en particulier les oliviers) des efforts de recherche doivent être engagés pour améliorer les performances du diagnostic. Sans attendre, le laboratoire de santé des végétaux (LSV), laboratoire national de référence, devrait utiliser la méthode CTAB (et non QuickPick) pour l'extraction de l'ADN des échantillons d'oliviers destinés à être analysés par test moléculaire. Il devrait agir ainsi non seulement pour les échantillons positifs transmis par les laboratoires agréés de première intention mais aussi sur un pourcentage, à fixer, d'échantillons trouvés négatifs ou indéterminés par ces laboratoires pour réduire le risque de faux négatifs. Le recours aux tests immunoenzymatiques (ELISA) réputés moins sensibles, ne doit pas être retenu sur les espèces végétales cultivées. Une analyse comparative de la performance et du coût des méthodes de référence existantes et du protocole utilisé dans le cadre de la recherche par l'INRA doit être réalisée rapidement. Pour le recours à la méthode CTAB et la conduite de travaux de recherche pour améliorer les performances des méthodes d'analyse sur des végétaux contenant des inhibiteurs, la recommandation repose sur ce que la mission a lu dans la littérature scientifique. Pour le test de confirmation, visant à réduire le risque de faux négatifs, la recommandation s'inspire de ce que la mission a vu en Espagne. Concernant la décision déjà prise par la DGAl de recourir à un test non moléculaire en première analyse (test ELISA) en Corse, la mission est d'avis, pour des raisons de bonne compréhension par les acteurs corses de ce qui est recherché par une telle décision, qu'il est important de limiter le champ de son application à des plantes sans enjeu agricole (à cet égard il conviendrait de ne pas l'utiliser sur les immortelles cultivées) et de l'accompagner d'un plan de renforcement de la surveillance par test moléculaire visant à détecter sans délai l'éventuelle présence des sousespèces fastidiosa et pauca dans le vignoble et l'arboriculture corse (notamment agrumes, amandiers, oliviers). D'une autre nature, mais tout aussi importante, est l'attention que le LSV devra porter à la qualité des réactifs achetés par les laboratoires agréés pour s'assurer qu'ils proviennent d'un même lot et que ce lot est testé préalablement par ses soins avant son utilisation, afin d'avoir des conditions de travail optimales et reproductibles entre laboratoires officiels.
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Face à la situation qui voit coexister deux entités différentes 86, l'une pour mener des missions de laboratoire national de référence (l'ANSES) et l'autre pour mener des missions de recherche (l'INRA), la mission recommande, pour éviter les mises en tension par des tiers, qu'un dialogue structuré soit mis en place sous l'égide de la DGAl entre ces deux institutions, ce qui n'est pas suffisamment le cas aujourd'hui, en associant les directions scientifiques et en créant un programme conjoint d'amélioration de la performance des protocoles. Par ailleurs, la mission prend acte de la volonté exprimée par la Commission européenne devant les missionnaires de désigner un laboratoire communautaire de référence, afin de réduire rapidement mais progressivement l'éventail de performance des méthodes de détection actuellement utilisées par les États membres, dans le cadre d'une vision stratégique à laquelle la France doit apporter son plein concours. R4. Nonobstant la poursuite d'une surveillance de la sous-espèce multiplex, dans le cadre de la stratégie d'enrayement, orienter le dispositif de surveillance du territoire vers la détection précoce des sous-espèces de Xylella fastidiosa autres que multiplex, et vers une articulation entre la surveillance des espaces agricoles et naturels. Matérialiser cette évolution par une instruction technique spécifique de la DGAl pour la zone d'enrayement. L'instruction doit maintenir le principe du plan de surveillance annuel avec notamment la surveillance obligatoire par les services officiels des sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière, une fois que ceux-ci auront été identifiés, et prévoir spécifiquement la surveillance de l'environnement des pépinières d'immortelles. Par rapport au risque de l'arrivée éventuelle des sous-espèces pauca, fastidiosa ou sandyi, la mission demande, pour une détection précoce, de développer la surveillance : · dans les abords des ports et aéroports, voire des centres de tri postaux ; · dans les secteurs où la recherche viendrait à évoquer des suspicions d'autres sousespèces, sur les plantes hôtes87 de pauca et fastidiosa ; · dans les zones jugées à risque selon les travaux de l'INRA de simulation du risque par sous-espèce, · en faisant des tests d'identification des sous-espèces véhiculées par les insectes vecteurs, considérés comme des sentinelles, lorsque cette méthode pourra être employée en routine. Concernant le maquis, l'instruction pourrait confier au groupe de travail Forêt du CROPSAV, élargi au CBN et à la FREDON, le soin de proposer dix sites de suivi du maquis pendant dix ans. Dans ce contexte la mission recommande de clarifier l'organisation de la surveillance du maquis et les moyens à y consacrer, à la fois pour ce qui concerne l'intervention structurée du DSF (avec la collaboration active de l'ONF et du CRPF) et pour les prélèvements par la FREDON.
86 Cette situation n'existe pas en Espagne ni en Italie où la mission d'identification officielle des sous-espèces de Xylella fastidiosa détectée par le laboratoire national de référence a été confiée à des organismes de recherche qui travaillent sur cette bactérie, ce qui les oblige à se confronter aux protocoles des tests officiels. 87 La réglementation communautaire ne publie que des listes de plantes hôtes sur les sous-espèces fastidiosa, multiplex et pauca.
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R5. Renforcer la mise en oeuvre pratique des inspections des mouvements de végétaux à l'entrée et à la sortie de Corse : - développer la collaboration avec les services douaniers portuaires et aéroportuaires, y compris dans les centres de tri postaux ; - créer dans les ports des installations conformes aux bonnes pratiques d'inspection. Concernant le renforcement de la collaboration avec les personnels de contrôle des voyageurs dans les aéroports, et le développement de l'information des voyageurs, la mission suggère de s'inspirer de ce que fait l'aéroport de Palma de Majorque. Elle recommande aussi d'améliorer les conditions de réalisation des contrôles par les inspecteurs dans les ports : en collaboration avec les autorités portuaires et en vue de fluidifier les flux de véhicules tout en garantissant la sécurité et l'efficacité des agents, il est nécessaire de créer des installations conformes aux bonnes pratiques d'inspection, sur la base du cahier des charges d'un poste d'inspection sur les mouvements de végétaux.
R6. Pour permettre une certaine maîtrise des risques et anticiper une probable démarche contentieuse de la Commission européenne demandant l'abrogation de l'arrêté préfectoral du 30 avril 2015 sur les entrées de végétaux, tirer profit de l'obligation de prendre un arrêté préfectoral de mise en oeuvre des dérogations à l'interdiction de plantation de plantes hôtes prévues à l'article 5 de la décision d'exécution 2015/789. Concernant l'arrêté préfectoral, qui fonde la base juridique des inspections sur les entrées de végétaux, la mission considère que procéder à son adaptation alors que la Commission européenne vient d'écrire à la DGAl, en date du 22 mai 2018, pour demander une seconde fois son abrogation mettrait inutilement la France en situation délicate, sans pour autant permettre de résoudre tous les problèmes pratiques d'ores et déjà identifiés dans la mise en oeuvre opérationnelle du dispositif, notamment au regard des analyses de risque et de la lourdeur administrative. Elle estime qu'il vaut mieux, dans le contexte qui prévaut en Corse depuis 2015 et malgré la charge de travail que la gestion des demandes de dérogation fait peser sur les DDCSPP, attendre que la finalisation d'un projet, négocié avec les socio-professionnels et les experts, d'arrêté portant dérogation à l'interdiction de plantation de végétaux hôtes en Corse permette d'apprécier l'opérationnalité d'un dispositif plus conforme au droit communautaire et d'identifier les risques pour lesquels une solution opérationnelle ne peut être trouvée dans ce cadre. En effet la mission estime, que l'adoption et la mise en oeuvre de l'arrêté de dérogation à l'interdiction de plantation de végétaux hôtes en Corse, qu'elle recommande de prendre en application de l'article 5 de la décision d'exécution communautaire, devrait a priori permettre de facto, et sans attendre, de tester un autre dispositif de gestion des entrées de végétaux sensibles dans l'île.
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R7. Renforcer les actions d'information pour que les voyageurs soient sensibilisés à la question des risques phytosanitaires liés aux mouvements de végétaux à l'entrée et à la sortie de Corse, y compris en liaison avec les autorités de pays européens dont des ports et aéroports desservent la Corse, et développer la communication préfectorale à destination des résidents en Corse, au moins après chaque CROPSAV. La mission estime que l'information des voyageurs et des compagnies de transport terrestre et aérien de personnes devrait concerner tous les mouvements : que ce soit à l'entrée comme à la sortie avec des affichages dans les ports et aéroports français qui desservent la Corse et de demander aux Autorités des pays européens de faire de même dans leurs ports et aéroports desservant la Corse. Des campagnes d'informations factuelles vis-à-vis des habitants de la Corse permettraient de compléter et diffuser les informations présentes sur le site web de la DRAAF. À cet égard, un communiqué de presse pourrait être systématiquement publié à l'issue de chaque réunion du CROPSAV.
Signatures des auteurs
Pour le CGAAER
Pour le CGEDD
Jean-Louis BARJOL
Christian BARTHOD
Michel LARGUIER
Odile STEFANINI-MEYRIGNAC
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ANNEXES
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Annexe 1 : lettre de mission
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Annexe 2 : note de cadrage
Conseil Général de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Espaces Ruraux & Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable
NOTE DE CADRAGE concernant
Xylella fastidiosa en Corse : connaissances, risques afférents à sa présence pour la végétation cultivée ou naturelle, et stratégies d'enrayement
établie par
Jean-Louis BARJOL
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Odile STEFANINI-MEYRIGNAC
Ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts
Michel LARGUIER
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Christian BARTHOD
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Membres du CGAAER
Membres du CGEDD
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1. Cadre général 2. Contexte 3. Objectifs, champ et méthodologie proposés
3.1 Objectifs 3.2. Champ 3.3. Désignation des missionnaires 3.4. Méthodologie et phases de travail
4. Calendrier et attendus de la mission
4.1. Calendrier 4.2. Remise du rapport et réunions de clôture 4.3. Diffusion du rapport
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1. Cadre général
La recherche des causes de la crise de dépérissement des oliviers dans la région des Pouilles en Italie a permis d'incriminer la bactérie Xylella fastidiosa. Sur cette base, la Commission européenne a adopté dès février 2014 une décision d'exécution visant à empêcher la propagation de cet organisme nuisible dans l'Union. Par la suite la Commission a régulièrement complété cette décision. Xylella fastidiosa est une bactérie pathogène extrêmement polyphage. Elle colonise le xylème des plantes, et elle se transmet par l'intermédiaire d'insectes piqueurs-suceurs. En Corse, le cercope des prés (Philaenus spumarius), est suspecté d'être le principal vecteur de cette maladie. Cette bactérie est considérée comme originaire des Amériques, avec trois principales sousespèces installées respectivement en Amérique du Sud, Centrale et du Nord. À la suite de son identification en 2013 en Italie, elle est détectée en 2015 en Corse et en région PACA sur des végétaux d'ornement (polygales à feuilles de myrte). En 2016, elle est trouvée dans une pépinière en Allemagne. La même année, des foyers sont détectés dans les Baléares, puis en 2017 en Espagne continentale. La forte pression de surveillance exercée en France a permis d'identifier des foyers de Xylella fastidiosa sur le territoire national, dont 342 en Corse à fin 2017. Contrairement à la sous-espèce pauca de Xylella fastidiosa présente dans les Pouilles, celle officiellement identifiée à ce jour en Corse, à savoir la sous-espèce multiplex, ne provoque pas pour l'heure de dégâts significatifs dans la végétation insulaire. La détection en Europe et sur le territoire national de ce danger sanitaire classé 88 en première catégorie conduit la recherche à mener des travaux sur cette maladie, avec une évolution rapide des connaissances. Ainsi la mission est consciente, sur base des informations qui lui ont été communiquées, qu'il existe des présomptions de présence d'une diversité de sous-espèces en Corse, en attente de confirmation. Convaincue que l'éradication de la population bactérienne en place en Corse est impossible, la France a demandé à l'Union européenne de pouvoir mettre en place une stratégie d'enrayement, comme cela existe en Italie. Cette demande a reçu une réponse favorable avec la publication de la décision d'exécution (UE) 2017/2352 du 14 décembre 2017, qui constitue le nouveau cadre réglementaire de la gestion du risque phytosanitaire en Corse. Il appartient donc maintenant à la France de définir les modalités concrètes d'une stratégie d'enrayement de la bactérie en Corse et de les appliquer. Celle-ci s'inscrira dans le cadre général esquissé lors de réunion à haut niveau tenue sur le sujet à Paris le 1er décembre 2017.
88 Arrêté du 15 décembre 2014 relatif à la liste des dangers sanitaires de première et deuxième catégorie pour les espèces végétales. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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2. Contexte
La lettre de mission confiée au CGAAER et au CGEDD par les directrices de Cabinet des ministres de l'agriculture et l'alimentation (MAA) d'une part, de la transition écologique et solidaire (MTES) d'autre part, a été signée le 13 novembre 2017, avant la publication de la décision communautaire autorisant la France à mettre en oeuvre une procédure d'enrayement en Corse. Pour cette raison les missionnaires proposent une adaptation de la lettre de mission selon les modalités exposées ci-après. Les propositions formulées sont le fruit d'un premier travail bibliographique et d'entretiens préliminaires conduits avec :
les cabinets du MAA et du MTES ; le directeur général de l'alimentation du MAA, en présence de la sous-direction en charge de la protection des végétaux ; le préfet de région de Corse en présence du directeur de la DRAAF, de la directrice adjointe de la DREAL et de la chargée d'une mission Xylella auprès du préfet de région de Corse ;
le chef de département « santé des plantes et environnement » de l'INRA ; Jean-Yves RASPLUS et les autres chercheurs du Centre de Biologie pour la Gestion des Populations de l'INRA de Montpellier qui travaillent sur la détection de Xylella fastidiosa sur insectes vecteurs ;
Marie-Agnès JACQUES, chercheuse de l'équipe EmerSys de l'INRA d'Angers qui travaille sur la détection de Xylella fastidiosa sur plantes hôtes ;
le directeur de la santé du végétal de l'ANSES et de la responsable du laboratoire national de référence de l'ANSES chargé de l'identification officielle de la sous-espèce de Xylella fastidiosa suite à la détection, par lui-même ou par l'un des cinq laboratoires agréés, de la bactérie sur des échantillons végétaux prélevés par des agents habilités.
3. Objectifs, champ et méthodologie proposés
3.1 Objectifs
Dans le contexte de la récente décision d'exécution de l'Union Européenne relative aux mesures visant à éviter l'introduction et la propagation de Xylella fastidiosa, une mission de conseil est confiée au CGAAER et au CGEDD. Son objectif est d'éclairer la décision quant aux mesures à prendre pour mettre en oeuvre une stratégie d'enrayement de la bactérie en Corse. La mission devra objectiver la situation phytosanitaire grâce à :
un état des lieux du meilleur état des connaissances disponibles, portées à son attention, relatif aux méthodes de détection et d'identification de la bactérie, sur l'écologie des insectes ou sur plantes hôtes, rédigé dans le souci d'être compris par le plus grand nombre. La mission s'efforcera d'identifier de possibles pistes de progrès des méthodes officielles de détection mises en oeuvre en France, en
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conformité avec le cadre communautaire. Elle examinera les apports possibles à l'épidémiosurveillance des analyses faites par l'INRA, ainsi que par l'exploitation des résultats des kits de terrain ;
un inventaire des modalités de dissémination de la bactérie ainsi qu'un bilan des connaissances sur les aires de répartition actuelle et possible selon les modèles de simulation disponibles, au regard des implications pour la stratégie d'enrayement à mener en Corse, notamment en termes de circulation de produits végétaux entre la Corse et le continent ; une analyse fine de la situation particulière de la Corse en matière de biodiversité, de filières économiques spécifiques, d'acteurs sociaux et d'articulation des mesures sanitaires avec le droit français et européen, et à la prise en compte du patrimoine végétal naturel ou sub-naturel insulaire ; un état des lieux des mesures de prévention et de gestion mises en oeuvre par les différents acteurs en précisant la circulation des informations entre les différentes parties prenantes.
Sur cette base factuelle, la mission devra :
établir un diagnostic ; faire des propositions argumentées et proposer des scénarios tenant compte de la biodiversité insulaire et des réalités économiques de l'île pour :
mettre en oeuvre le dispositif réglementaire d'enrayement de la bactérie ; lutter contre la propagation de la bactérie à l'intérieur de la Corse, de la Corse vers le reste du territoire de l'Union européenne, et contre le risque d'introduction de nouvelles souches bactériennes plus pathogènes ou pouvant se recombiner avec celles présentes.
3.2. Champ
Le champ de la mission porte exclusivement sur la situation en Corse. Elle ne traitera pas la question de la lutte contre Xylella fastidiosa en région PACA, ni de la gestion du risque pour les autres régions françaises. Pour nourrir sa réflexion, si elle en éprouve le besoin, la mission pourra s'informer sur les modalités de mise en oeuvre de la procédure d'enrayement en Italie et en Espagne, et se rendre, à cet effet, dans la région des Pouilles et surtout dans l'Autonomie des Baléares qui présente un caractère insulaire similaire à celui de la Corse. De la même façon, elle pourra, si cela lui paraît pertinent, rencontrer l'unité de la santé des végétaux de la DG Santé à Bruxelles et les responsables du dossier Xylella à l'EFSA.
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3.3. Désignation des missionnaires
Deux membres du CGAAER ont été désignés par le bureau du CGAAER pour mener à bien cette mission :
Jean-Louis BARJOL, ingénieur général des ponts et des eaux et forêt ; Michel LARGUIER, ingénieur général des ponts et des eaux et forêt.
Cette mission est suivie au CGAAER par la section « Alimentation et Santé » et sa présidente, Viviane MOQUAY. Deux membres du CGEDD ont été désignés par le bureau du CGEDD pour mener à bien cette mission :
Odile STEFANINI-MEYRIGNAC, ingénieure générale des ponts et des eaux et forêt ; Christian BARTHOD, ingénieur général des ponts et des eaux et forêt.
Cette mission est suivie au CGEDD par la section « Milieux, Ressources et Risques » (MRR) et son président Nicolas FORRAY.
3.4. Méthodologie et phases de travail
Cette mission sera réalisée dans le respect des règles professionnelles et du code de déontologie du CGAAER et du CGEDD. La méthode de travail est fondée sur des entretiens avec les acteurs de ce dossier, la prise en compte des articles scientifiques publiés, et l'examen de tout document lié au thème de la mission. La mission sera conduite en 3 phases, sachant que les deux premières seront menées conjointement :
analyse de la situation en matière scientifique et réglementaire ; écoute de tous les acteurs concernés en Corse ; synthèse des deux points précédents et analyse des orientations envisageables.
Phase 1 : analyse de l'état de l'art en matière scientifique et réglementaire À partir d'entretiens approfondis avec des chercheurs, des responsables de la détection et de l'identification officielle de la bactérie et des fonctionnaires en charge de la mise en oeuvre de la réglementation, la mission cherchera à :
objectiver l'état des connaissances en matière de :
détection et identification des bactéries (niveaux espèce, sous-espèces et souches) sur plantes et sur insectes hôtes (y compris les pistes de progrès actuellement à l'étude), que ce soit à des fins de recherche scientifique ou réglementaires ;
répartition de l'épidémie, actuelle et possible selon les modèles de simulation ; modalités de dissémination de la bactérie ;
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méthodes de lutte contre la bactérie par voie directe (notamment le recours aux phages) ou indirectes (maîtrise des insectes vecteurs par des pratiques agronomiques pertinentes, la lutte biologique, des moyens de biocontrôle ou chimiques) sur les végétaux cultivés et/ou en milieu naturel ou sub-naturel dans le respect du patrimoine végétal et animal corses ;
historique de la présence de la population de la bactérie Xylella fastidiosa en Corse ;
cohérence du plan de prévention et de lutte mis en oeuvre en Corse avec le meilleur état des connaissances scientifiques disponibles ;
examiner l'évolution de la réglementation communautaire.
Dans cette phase, la mission se rapprochera de la mission CGAAER relative à « l'appui à la mise en oeuvre d'un réseau d'épidémiovigilance dans les îles méditerranéennes » pour nourrir une réflexion commune. Phase 2 : écoute de tous les acteurs corses concernés Pour établir la liste des acteurs à rencontrer, la mission s'appuiera principalement sur les suggestions du préfet de région de Corse, sans refuser les demandes d'entretien qui pourraient lui être faites spontanément. Lors de chaque entretien, la mission s'efforcera de comprendre les motivations économiques, environnementales, scientifiques et sociales de ses interlocuteurs et de bien appréhender les raisonnements qui leur seront exposés, avec si possible une clarification des interrelations entre acteurs, et des sources d'information auxquelles ses interlocuteurs font explicitement ou implicitement référence.
La mission s'efforcera également de se rendre compte de visu de l'état de gravité de la situation
sanitaire en se rendant sur des foyers considérés par les acteurs corses comme représentatifs. Il est probable que la mission ne pourra pas consulter lors d'un seul déplacement tous les acteurs ni se rendre sur le terrain. Elle devra donc aller plusieurs fois en Corse.
Phase 3 : phase d'analyse par la mission Sur la base des informations et des observations recueillies au cours des phases 1 et 2, les membres de la mission analyseront ces données et produiront leur rapport de mission. Ce rapport aura pour objectif d'analyser les principaux constats et d'émettre un avis sur :
les modalités permettant de vivre avec la bactérie dans le respect de la biodiversité insulaire et de l'équilibre des filières économiques végétales de l'île ; les stratégies possibles de lutter contre Xylella fastidiosa, en exposant leurs avantages, leurs inconvénients et leur faisabilité, en vue de :
limiter le réservoir de la bactérie ;
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lutter contre la propagation de la bactérie sur le territoire corse ; prévenir l'introduction de nouvelles souches en Corse et de sortie de bactéries vers le reste du territoire de l'Union européenne, assorties le cas échéant de recommandations en matière d'adaptations réglementaires.
Dans ce contexte, la mission sera particulièrement attentive à la coordination entre le dispositif de recherche et le dispositif réglementaire de détection et d'identification de la bactérie, notamment au niveau de la Corse.
4. Calendrier et attendus de la mission
4.1. Calendrier
Il est attendu de la mission qu'elle remette son rapport définitif au plus tard le 30 juin 2018. En tant que de besoin, une note d'étape pourrait être remise pour le 30 avril 2018.
4.2. Remise du rapport et réunions de clôture
Le rapport établi à l'issue de cette mission sera communiqué par les vice-présidents du CGAAER et du CGEDD aux ministres en charge de l'agriculture et de la transition écologiste et solidaire. Les principales recommandations du rapport seront présentées aux cabinets des ministres commanditaires sous forme de réunions de clôture de la mission.
4.3. Diffusion du rapport
Dans un premier temps, outres les cabinets ministériels, une diffusion limitée sera faite en direction :
du préfet de région Corse ; du directeur général de l'alimentation ; du directeur de l'eau et de la biodiversité ; du directeur général de l'INRA ; du directeur général de l'ANSES.
Dans un second temps, les cabinets des deux ministères décideront si le rapport peut être rendu public.
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Annexe 3 : liste des personnes rencontrées
Nom Prénom Viviane Moquay Claire Le Bigot
Organisme CGAAER
Fonction Présidente 3ème section
Date rencontre 5 décembre 2017
Cabinet du Ministre Conseillère alimentation, santé, 4 janvier Agriculture environnement Directeur de recherche INRA Montpellier Directeur de recherche Chargée de recherche Directrice du CBGP et directrice de recherche Préfecture de Corse CGAAER Préfet de Corse 9 janvier
Jean-Yves Rasplus Jean-Pierre Rossi Astrid Cruaud Flavie Vanlerberghe Bernard Schmeltz Sylvie Hubin Dedenys Patrick Dehaumont Alain Tridon DGAl Juliette Auricoste Saoussen Joudar
11 janvier
Membre, mission en cours sur 12 janvier divagation des animaux en Corse Directeur général Sous-directeur de la qualité, de la santé et de la protection des végétaux Cheffe du bureau de la santé des végétaux (BSV) Adjointe à cheffe BSV 15 janvier
Dominique Gombert Justine Roulot
Cabinet du Ministre de Directeur de cabinet adjoint la Transition Écolo- Conseillère en charge de la gique et Solidaire biodiversité, de l'eau et de la mer INRA Angers Directeur de recherche Directeur de la santé végétale ANSES Angers Cheffe de l'unité bactériologie, virologie et OGM Chef du département Santé des 25 janvier Plantes et Environnement Cheffe du bureau de la santé des végétaux (BSV) Adjointe à cheffe BSV 17 janvier
Marie-Agnès Jacques Charles Manceau Françoise Poliakoff
Christian Lannou Juliette Auricoste Saoussen Joudar
INRA Paris
DGAl
5 février
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Nom Prénom
Organisme Mission en Corse
Fonction
Date rencontre
Paul Hett Louis Cesari Fabienne Maestracci Gérard Gavory Sylvie Guenot-Rebiere Brigitte Dubeuf Joseph Colombani Jean-Marc Venturi Camille-Anaïs Choix Bruno Welschinger Marcel Lucciani François Casabianca Olivier Pailly Yann Froelicher Emmanuel Bloquel Marguerite Chartois
ONF SIDOC
Directeur régional Corse
Vice-président Syndicat de l'AOC Vice-présidente « Oliu di Corsica » Préfecture Haute-Corse Préfet de Haute-Corse Directrice adjointe DDCSPP 2B DREAL Conseillère du Préfet de Corse Président de la chambre régionale Chambres d'agriculture Président délégué et premier vice-président de la chambre d'agriculture de Haute-Corse Élue chambre Haute-Corse Président Pépinière « les Dirigeant agrumes du soleil » Président du centre de Corte Directeur unité citrus Directeur adjoint, généticien en amélioration des plantes Directeur du centre de ressources Syndicat pépiniéristes
5 mars
6 mars
INRA San-Giuliano
Contractuelle projet écoépidémiologie financé par la Collectivité Territoriale Corse 7 mars ODARC OEC Cheffe division économie Responsable filières végétales Président Directeur Conseillère du Président CBNC DRAAF SRAL DREAL Technicienne Directeur régional Chef du SRAL Conseillère Préfet de Corse 8 mars
Marie-Pierre Bianchini Daniel Sainte-Beuve François Sargentini Jean-Michel Palazzi Agnés Simonpietri Carole Piazza
Jacques Parodi Eric Lemonnier Brigitte Dubeuf
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Nom Prénom Jean-Christophe Arrii Cecilia Cauchi Michael Versini Sylvie Lemonnier Maud Barrel Pascal Krieger Brigitte Delahaye-Panchout Michael Lecat Romain Delmon Angélique Quilichini
Organisme
Fonction vice-
Date rencontre
Jeunes agriculteurs Président du syndicat, président SIDOC Corse-du-Sud Chambre agriculture Jeune agricultrice Corse-du-Sud Technicien PPAM DREAL Directrice adjointe Chargée de mission flore Directeur adjoint DDCSPP
8 mars
Adjointe au chef de service vétérinaire et phytosanitaire en production primaire Directeur 9 mars Directeur de cabinet Membre 16 mars (au téléphone)
FREDON Préfecture de Corse CSRPN de Corse
Mission à Majorque (Espagne) Evelio Antich Verdera Secrétaire général Délégation du Gouver- Directrice pour agriculture et Ana Maria Garcia Vallejo nement pêche José Maria Cobos Suarez Carmen Diaz José Maria Guitian Mateu Ginard i Sampol Andreu Juan Serra Carmen Diaz José Maria Guitian Andreu Juan Serra Joan Mayol Sena Omar Beidas Soler Juan D. Garcia Gouvernement des Baléares Ministère de l'Agriculture, Pêche, Alimentation et Environnement (MAPAMA) Gouvernement des Baléares MAPAMA Sous- directeur général de la santé et hygiène végétale et forestière Cheffe du service santé végétale Conseiller technique Directeur élevage général agriculture,
19 mars
Chef du service agricole Cheffe du service santé végétale Conseiller technique Chef du service agricole Chef du service des espèces forestières Responsable de la santé des plantes Technicien 20 mars
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Nom Prénom Alicia Nieto Lopez Francisco Adrover Alejandro Urbano Auran Pascual
Organisme
Fonction
Date rencontre
Technicienne de laboratoire Service d'amélioration Inspecteur de terrain agricole Tragsa Inspecteur Technicien santé végétale Retour mission sur Paris
20 mars
Christian Lannou
INRA Aix-Marseille Université/ Institut Méditerranéen de Biodiversité et d'Écologie (IMBE) DGAl
Chef du département de la santé 3 avril des plantes et environnement
Frédéric Medail
Président Conseil Scientifique CNB de Corse
4 avril (au téléphone)
Saoussen Joudar
Adjointe cheffe BSV
26 mars
Institut Agriculture Blanca Landa del Castillo Durable (IAS) à Cordoue François Charrier INRA Ile-de-France
Responsable laboratoire identification sous-espèce Xylella fastidiosa pour l'Espagne 11 avril Sociologue Chef département forêts santé des 12 avril
Frédéric Delport Alain Tridon
DGAl
Chef de service des actions sanitaires en productions primaires DGAl Sous-directrice de la qualité, de la santé et de la protection des végétaux Chef département santé des forêts Cheffe du (BSV) Sous-directeur adjoint SDQSPV 13 avril
Anne-Cécile Cotillon
Frédéric Delport Juliette Auricoste Pierre Claquin
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Nom Prénom
Organisme
Fonction Adjoint au sous-directeur Adjoint au chef de bureau Chargé de mission Juriste
Date rencontre
Sous-direction de la Jacques Wintergerst Lauprotection et de la rence Giuliani Arnault restauration des Lalanne écosystèmes terrestres, Jules Wizniak direction de l'eau et de la biodiversité (DEB)
13 avril puis 11 juin
Mission en Corse Florence Tessiot Annick Havet Adeline Millet Jean-Paul Mancel Monique Meunier APRODEC UNEP DDCSPP 2B
Directrice Cheffe service protection animale et végétales Chargée de mission Président Vice-présidente région Corse Pépiniériste Président Présidente CRVI Directrice Ingénieur Ingénieure APFEC Chambre agriculture 2B Président Animatrice filières Technicienne arboriculture Présidente AREFLEC Technicienne Technicien Pépinière familiale Pépiniériste de plants produits à partir de graines prélevées en milieu naturel Présidente SIDOC Vice-président Vice-présidente
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Jean-Yves Simongiovanni Membre Luc Meunier Josée Vanucci Nathalie Uscidda Gilles Salva Gabrielle Ciccolini Jean-Jacques Fieschi Stephanie Scavino Isabelle Milleliri Jean-Claude Ribaut Noémie Dubreuil Julien Balajas Famille Meunier Stéphane Rogliano UNEP 2A
16 avril
17 avril
Sandrine Marfisi Louis Cesari Françoise Maestracci
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18 avril
Nom Prénom Laeticia Hugot Geneviève Ettori Marc Gibernau Jérôme Albre Sophie Vincenti Laurence Signon Jacques Laurent Jennifer Mejean Bernard Schmeltz Gilles Simeoni
Organisme CBNC CRPF CNRS Corse Directrice Directrice
Fonction
Date rencontre 18 avril 19 avril
Directeur de recherches Chargé de recherches Post-doctorant entomologiste 19 avril
CNRS Saclay Syndicat AOP miel de Administrateur Corse Coordinatrice Préfecture Corse Préfet de Corse
19 avril 19 avril
Collectivité territoriale Président du conseil exécutif de 20 avril de Corse Corse Chambre 2A CDJA 2A Douanes agriculture Directeur Conseiller végétaux Président Inspecteur 20 avril 20 avril
Jean Dominique Rossi Michaël Versini Jean-Christophe Arrii Quentin Savignac
Mission dans les Pouilles (Italie) CIVI Italia Service phytosanitaire de la Région Pouilles Institut de la protection des plantes
Luigi Catalano Anna Percoco Pasquale Solazzo Donato Boscia
Directeur association Fonctionnaire Fonctionnaire Chercheur
23 avril
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Nom Prénom Enzo Manni Giovanni Melcarne Nicola Palma Gianni Cantele Mario Tenore Enzo Tarantino Leonardo Capitano Luigi Catalano Anna Percoco Gianluca Buemi Donato Metallo Gaetano Ladisa Donato Boscia Fabio Lazzari Diego Lazzari Federico Manni Francesco Trono Giuseppe Angelo Giulio Palumbo
Organisme Coopérative ACLI DOP Terra d'Otranto APROL Lecce Coldiretti Puglia Cons, Vivaisti Vite CIA Lecce ANVE CIVI- Italia SFR Puglia Ordine Agronomi TA Comune di Racale IAMB XF-ACTORS IPSP-CNR Pont-TE Ordine Agronomi LE CONFAGRI Coop ACLI APOL Vivaio Otranto Viteo asserore agricoltura Racale Institut de la protection Chercheur des plantes Chercheuse
Fonction
Date rencontre
24 avril
Donato Boscia Maria Saponari
26 avril
Retour mission en France Samuel Soubeyrand Davide Martinetti Florent Mouillot, Jean-Marc Limousin Jean-Marc Ourcival Jean-Yves Rasplus Jean-Pierre Rossi Astrid Cruaud INRA Montpellier Chercheur Chercheur
INRA Avignon Centre d'Écologie Fonctionnelle et Évolutive, CNRS de Montpellier
22 mai
Chercheurs
23 mai (téléphone)
Directeur de recherche Directeur de recherche Chargée de recherche
25 mai (téléphone) 25 mai (téléphone)
Marie-Agnès Jacques
INRA Angers
Directrice de recherche
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Nom Prénom Françoise Petter Camille Picard
Organisme OEPP
Fonction Directrice adjointe Adjoint scientifique
Date rencontre 30 mai
Françoise Poliakoff
ANSES
Cheffe de l'unité bactériologie, 1 juin virologie et OGM (téléphone) Mission à Bruxelles
Dorothée André DG Santé Pasquale Di Rubbo
Cheffe Unité protection des plantes Inspecteur au sein Unité Retour mission à Paris
12 juin
Juliette Auricoste DGAl Saoussen Joudar
Cheffe du bureau de la santé des végétaux (BSV) 13 juin Adjointe à la cheffe BSV
Christian Lannou
Inra
Directeur santé des plantes
18 juin (téléphone)
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Annexe 4 : liste des sigles utilisés
ADN ANSES CBGP CEFE CGAAER CGEDD CNB CNOPSAV CNR CNRS CROPSAV CRPF CRPM CSRPN DDCSPP DEB DGAl DRAAF DREAL DRRT EFSA EILA ETP FMSE FREDON Acide désoxyribonucléique Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail Centre de Biologie pour la Gestion des Populations Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux Conseil général de l'environnement et du développement durable Conservatoire national botanique Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale Consiglio Nazionale delle Ricerche (Conseil national de la recherche) Centre national de la recherche scientifique Conseil régional d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale Centre régional de la propriété forestière Code rural et de la pêche maritime Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations Direction de l'eau et de la biodiversité Direction générale de l'alimentation Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement Direction régionale à la recherche et à la technologie Autorité européenne de sécurité des aliments Essai inter laboratoire d'aptitude Équivalent temps plein Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles
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IRD INRA JORF LAMP LNR LSV MLST NIMP ODARC OEC OEPP ONF PACA PCR PEC PPAM PPE qPCR SIDOC SRAL ST UMR
Institut de recherche pour le développement Institut national de la recherche agronomique Journal officiel de la république française Loop mediated isothermal amplification Laboratoire national de référence Laboratoire de la santé des végétaux Multi locus sequence type Norme internationale pour les mesures phytosanitaires Office de développement agricole et rural de la Corse Office de l'environnement de la Corse Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes Office national des forêts Provence Alpes Côte d'Azur Polymerase chain reaction (réaction en chaîne par polymérase) Point d'entrée communautaire Plantes à parfum, aromatiques et médicinales Passeport phytosanitaire européen Quantitative polymerase chain reaction Syndicat Interprofessionnel Des Oléiculteurs de Corse Service Régional de l'Alimentation Sequence type Unité mixte de recherche
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Annexe 5 : liste des textes de références
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Arrêté du 18 mai 2009 fixant la liste des postes frontaliers de contrôle vétérinaire et phytosanitaire. Commission database of host plants found to be susceptible to Xylella fastidiosa in the Union territory Update 10, 15.02.2018. Commission database of validated tests for the identification of the Xylella fastidiosa and its subspecies as reffered to in article 3(2) of Commission implementing decision (EU) 2015/789, 12.12.2017. Diagnostics PM 7/24 (2) Xylella fastidiosa, Bulletin OEPP (2016) 0, 1-38. Diagnostics PM 7/76 (4) Use of EPPO diagnostic protocols, Bulletin OEPP (2017) 47, 7-9. Directive 2000/29/CE du Conseil du 8 mai 2000 - annexe IA1 : organismes nuisibles dont l'introduction et la dissémination doivent être interdites dans tous les États membres, partie : organismes nuisibles inconnus dans la communauté et importants pour toute la communauté. Directive 92/105/CEE de la Commission du 3 décembre 1992 établissant une certaine normalisation des passeports phytosanitaires à utiliser pour les mouvements de certains végétaux, produits végétaux ou autres objets à l'intérieur de la Communauté et fixant les modalités relatives à la délivrance de tels passeports phytosanitaires, ainsi que les conditions et modalités de leur remplacement (JO L 4 du 8.1.1993, p. 22). Directive 92/90/CEE de la Commission du 3 novembre 1992 établissant certaines obligations auxquelles sont soumis les producteurs et importateurs de végétaux, produits végétaux ou autres objets ainsi que les modalités de leur immatriculation (JO L 344 du 26.11.1992, p. 38). Guidelines for the survey of Xylella fastidiosa (Wells et al.) in the Union territory, 16 December 2015. Norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP) n° 31 du Secrétariat de la Convention internationale pour la protection des végétaux. Méthodes d'échantillonnage des envois. Publiée en 2008. Norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP) n°5 du Secrétariat de la Convention internationale pour la protection des végétaux. Glossaire des termes phytosanitaires. Publiée en 2017. OEPP (Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes), «Hot water treatment of grapevine to control Grapevine flavescence dorée phytoplasma», Bulletin OEPP/EPPO Bulletin, 2012, 42(3), 490492.
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Annexe 6 : bibliographie
Almeida Rodrigo P.P. , Can Apulia's olive trees be saved ? An introduced plant pathogen proves difficult to contain in southern Italy, Science, 22 july 2016, Vol. 353, issue 6297, pp. 346-348 Almeida Rodrigo P.P. and Nunney Leonard , How do plant diseases caused by Xylella fastidiosa emerge ? Plant Disease, November 2015, pp. 1457-1467 Chauvel G., Cruaud A., Legendre B., Germain J.-F. , Rasplus J.-Y., Mission d'expertise sur Xylella fastidiosa en Corse (du 3 au 11 août 2015), rapport définitif (31 août 2015), 139 pages Chatterjee S, Almeida RPP, Lindow S., Living in two worlds: the plant and insect lifestyles of Xylella fastidiosa, Annu. Rev. Phytopathol. 2008 , issue 46, pp. 24371 Choi H-K, Iandolino A, Goes da Silva F and Cook DR. Water deficit modulates the response of Vitis vinifera to the Pierce's disease pathogen Xylella fastidiosa, 2013, Molecular Plant-Microbe Interactions 26(6), 643657. Daugherty MP, Lopes JRS and Almeida RPP, Strain alfalfa water stress induced by Xylella fastidiosa, Eur.J. Plant Pathol. 127, 2010, pp. 333-340 Denancé N. et al., Several subspecies and sequence types are associated with the emergence of Xylella fastidiosa in natural settings in France, Plant pathology (2017), 66, pp. 1054-1064 Desprez-Lousteau ML, Synthèse bibliographique Xylella fastidiosa sur chênes (et autres arbres forestiers), 2016, non publiée, 9 pages EFSA Panel on Plant Health (PLH), Scientific Opinion on the risk to plant health posed by Xylella fastidiosa in the EU territory, with the identification and evaluation of risk reduction options, European Food Safety Authority (EFSA), EFSA Journal 2015; 13(1):3989 Godefroid Martin et al., Climate change and the potential distribution of Xylella fastidiosa in Europe (preprint posté le 28 mars 2018), 17 pages + cartes Hopkins DL, Purcell AH., Xylella fastidiosa: cause of Pierce's disease of grapevine and other emergent diseases., 2002, Plant Dis. 86, pp 05666 Misson Laurent et al., Phenological responses to extreme droughts in a mediterranean forest, Global Change Biology, 2011, pp. 1036-1048 Purcell Alexander, Paradigms : examples from the bacterium Xylella fastidiosa, Annu. Rev. Phytopathol., 2013, 51, pp. 339-356 Simpson A.J.G. et al. The genome sequence of the plant pathogen Xylella fastidiosa, Nature, 406 (2000), pp. 151-157 Soubeyrand Samuel et al., Inferring pathogen dynamics from temporal count data : the emergence of Xylella fastidiosa in France is probably not recent, New Phytologist, 2018, pp. 1-13 Sun Q., Sun Y., Walker MA and Labavitch JM, Vascular occlusions in grapevines with Pierce's disease make disease symptom development worse, 2013, Plant Physiol. 161, pp. 1529-1541
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Annexe 7 : les constats et l'état des connaissances
Avertissement : le présent état des connaissances ne prétend pas dresser une revue bibliographique exhaustive d'une littérature scientifique très abondante dans un domaine où l'état des connaissances progresse très vite, ni rendre compte de tout ce qui se passe en Corse. Les missionnaires n'en avaient ni la compétence, ni le temps. Ce qui est recherché dans cette annexe vise, autant que faire se peut, à contribuer à objectiver la situation observée en Corse et à la mettre en perspective par rapport à un panorama mondial et européen des principales connaissances actuellement disponibles. Les choix effectués pour dresser cet état des lieux ont dépendu à la fois des experts rencontrés, mais aussi et surtout des interférences de cet état des connaissances avec les débats en Corse, telles que les missionnaires les ont compris lors de leurs rencontres avec les parties prenantes et à la lecture de la documentation compilée. La bactérie Xylella fastidiosa Historiquement, l'identification de cette bactérie et des maladies qu'elle peut causer est associée à la maladie de Pierce, observée dès les années 1880 mais décrite précisément pour la première fois en 1892 par Newton Pierce sur vignoble en Californie89. La cause de cette maladie est longtemps restée une énigme. Alors que l'hypothèse privilégiée à partir des années 1930 était un virus, ce n'est qu'à la fin des années 1970 que l'hypothèse virale a été abandonnée (1978), que l'identification de la bactérie responsable, Xylella fastidiosa, a été faite90 et que le schéma de transmission par des insectes piqueurs suceurs de l'ordre des hémiptères (Hemiptera) a été mis en évidence. Xylella fastidiosa est une bactérie (classification : Bacteria, Proteobacteria, Xanthomonadaceae) en forme de bâtonnet, Gram-négatif, et confinée au xylème 91. X. fastidiosa est une des deux espèces du genre Xylella, incluant aussi X. taiwanensis décrite récemment. Elle révèle des parois cellulaires ondulées assez caractéristiques, n'est pas flagellée et ne forme pas de spores. Il s'agit de la première bactérie causant des dommages à des plantes dont l'intégralité du génome ait été séquencée92 (X. fastidiosa subsp. pauca souche 9a5c, responsable de la chlorose variégée des agrumes) ; ce séquençage d'excellente qualité a été fait à Campinas au Brésil et publié en 2000 dans Nature (Simpson et al., 2000, Nature). Cette bactérie est originaire des Amériques (du Sud, centrale et du Nord). Elle est à l'origine de graves dégâts économiques notamment sur la vigne (cf. la Californie), les oliviers (cf. les Pouilles), les agrumes (cf. le Brésil), les pêchers et les amandiers. Elle cause également des dégâts visibles sur des arbres urbains, sans doute stressés, aux USA et, plus ponctuellement et semble-t-il sans grandes conséquences économiques, en forêt d'Amérique du Nord.
89 Elle a provoqué des pertes considérables par exemple en Californie du Sud, détruisant plus de 35 000 hectares de vignes, entraînant le déplacement de la production vers le nord. (http://ephytia.inra.fr/fr/C/21525/Vigne-Maladie-de-Pierce-Xylellafastidiosa). 90 Même si, a posteriori, il a été montré que les premières photographies de cette bactérie ont été publiées en 1937. 91 Les vaisseaux du xylème sont constitués de faisceaux de cellules mortes alignées et entourées de lignine. Ils ont la capacité de transporter de grandes quantités d'eau et de nutriments depuis le sol jusqu'à l'« usine photosynthétique » que sont les feuilles. Le xylème conduit donc la sève brute (minérale). 92 En Europe, le séquençage de la souche de X. fastidiosa subsp. pauca, appelée à l'époque CoDiRO (abréviation de l'expression italienne Complesso del disseccamento rapido dell'olivo, donnée au départ au phénomène observé), responsable du déclin rapide de l'olivier a été fait à Bari (Giampetruzzi et al., 2015, GenomeA). C'est une qualité « brouillon » (draft). Comme il y avait une grande incertitude sur la souche qui avait été séquencée, un imbroglio sur les noms des différentes souches et de la maladie en Italie (avis de l'EFSA publié en 2016), les Italiens ont fait séquencer une autre souche qui avait été isolée en 2014. Cette nouvelle souche nommée « de Donno » (du nom du propriétaire du verger d'oliviers sur lequel le prélèvement de matériel végétal infecté a été fait) a été séquencée à Berkeley en utilisant 2 technologies, ce qui a permis d'aboutir à une séquence complète. Cette séquence a été publiée en 2017 (Giampetruzzi et al., 2017, GenomeA). Ces génomes des souches CoDiRO et de Donno sont pratiquement identiques, aux différences dues aux différentes méthodes de séquençage près. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Le caractère « potentiellement » pathogène de cette bactérie pour un végétal donné ne tient pas principalement à la production d'une toxine ou d'enzymes93 venant perturber le bon fonctionnement de l'organisme hôte : elle découle essentiellement du trop grand succès de son comportement endophyte94, conduisant à la formation d'un « biofilm » bactérien qui obstrue la circulation de la sève brute dans le xylème. Cela signifie que, dans certaines conditions encore mal cernées, une plante peut « héberger » la bactérie sans en être pénalisée, au moins en apparence, et donc sans manifester de symptômes. Ceci conduit même certains spécialistes à considérer cette bactérie avant tout comme un endophyte, plutôt que comme un organisme pathogène (Chatterjee et al., 2008). De nombreuses incertitudes demeurent concernant la diversité des souches de X. fastidiosa, leurs gammes d'hôtes et leur répartition dans le monde. Bien que X. fastidiosa soit considérée comme une seule espèce, il existe une relation complexe et encore mal définie entre les hôtes et les souches sévissant sur le terrain. Quatre sous-espèces sont généralement reconnues par la communauté scientifique, se différenciant globalement par leur gamme d'hôtes, mais avec quelques recouvrements (X. fastidiosa subsp. fastidiosa ; X. fastidiosa subsp. multiplex ; X. fastidiosa subsp. pauca ; X. fastidiosa subsp. sandyi)95. Néanmoins les analyses génétiques par la technique MLST (Multilocus Sequence Typing) ont plus récemment conduit à proposer d'identifier deux autres sous-espèces qui font encore débat : X. fastidiosa subsp. taschke et X. fastidiosa subsp. morus. L'approche réglementaire de la Commission européenne considère à ce jour les sous-espèces fastidiosa, multiplex et pauca, la sous-espèce sandyi n'ayant pas été identifiée sur le territoire de l'Union européenne par les méthodes officielles. La sous-espèce multiplex est largement répandue en Amérique du Nord (USA et Canada) où elle est essentiellement présente sur des végétaux ligneux (chênes, ormes, érables, amandiers, platanes, genre Prunus, ...), et en Amérique du Sud. En Amérique du Nord, les grands froids semblent jouer un certain rôle dans la régulation des populations bactériennes 96 ; la coévolution entre la bactérie et ces végétaux ligneux pérennes pourrait expliquer un relativement faible degré de dégâts économiques, sauf sur myrtilliers. La sous-espèce pauca, responsable des dégâts catastrophiques constatés sur les oliviers dans les Pouilles, mais aussi de dégâts sévères sur agrumes et dans une nettement moindre mesure sur caféier en Amérique centrale et en Amérique du Sud, semble originaire d'Amérique du Sud et avoir des exigences thermophiles nettes. Une partie de la variabilité génétique de la bactérie peut également être décrite par les Sequence Types (ST97), selon une logique qui n'est pas réductible à celle des sous-espèces. Ceci complique les interprétations des résultats des analyses, mais permet aussi des approches performantes pour retracer des introductions et qualifier des proximités entre origines géographiques.
93 Pour la seule maladie de Pierce (sur vigne), l'Université de Californie, à Berkeley (Nascimento et al., 2016) a mis en évidence que les bactéries situées dans le pétiole produisaient une enzyme (lipase) « transloquée » dans d'autres sites de la feuille et à l'origine des symptômes sur les marges de la feuille. Il n'est donc pas exclu que des enzymes puissent contribuer, de manière sans doute secondaire, à une certaine pathogénicité. 94 Les endophytes (du grec endo « dans », « végétal »; littéralement « à l'intérieur d'un végétal... ») sont des organismes (bactéries ou champignons en général) qui accomplissent tout ou partie de leur cycle de vie à l'intérieur d'une plante, de manière symbiotique (endosymbiote), c'est-à-dire soit avec un bénéfice mutuel pour les deux organismes, soit sans conséquences négatives pour la plante. 95 Un problème formel de respect des règles édictées par le comité international de taxonomie explique que seules les 2 sousespèces fastidiosa et multiplex sont dites « valides ». La sous-espèce pauca n'est pas validée, car la culture de la souche type n'a pas été déposée dans 2 collections internationales de 2 pays différents ; elle n'est pas accessible pour les chercheurs, et le nonrespect de cette règle du code a entraîné l'invalidité du nom. Néanmoins l'existence de cette sous-espèce est reconnue par tous. 96 Ceci est bien démontré sur la sous-espèce fastidiosa et reste encore à démontrer pour les autres sous-espèces : des travaux sont en cours sur ce sujet de l'effet des basses températures en Belgique et en Espagne, pas en France. 97 ST : Sequence Type, déterminé par une analyse MLST (MultiLocus sequence Typing) ; le n° est attribué par une base de données internationale, au fur et à mesure où de nouvelles ST sont identifiés. Actuellement on en est à ST81 [c'est le N° donné à la ST6* identifiée en Espagne]. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Les difficultés méthodologiques d'identification La répartition de X. fastidiosa dans la plante lorsqu'elle est contaminée peut-être très hétérogène, y compris sur des plantes symptomatiques, d'un rameau à l'autre, d'une feuille à l'autre. Ce point a été régulièrement rappelé à la mission par les experts rencontrés, français et étrangers, à propos de la localisation des prélèvements. Il est souvent mal identifié par les partenaires qui se focalisent sur le seul enjeu (très important) des analyses, alors même qu'il existe un premier enjeu au niveau du prélèvement, en fonction de la manière dont la bactérie se localise dans le végétal hôte échantillonné. Cet enjeu de localisation à des seuils détectables par les analyses n'est pas indépendant de la période de prélèvement en fonction de la saison de végétation, de la date de contamination et sans doute de la capacité d'adaptation de la plante, notamment en fonction de sa vigueur. Il peut donc être nécessaire de multiplier les échantillons pour être en mesure d'identifier à coup sûr la présence de la bactérie dans un végétal. Les missionnaires ont été informés par la Commission européenne (DG Santé) que cet enjeu majeur des modalités de prélèvement et d'échantillonnages pour l'efficience de la surveillance ferait prochainement l'objet d'un travail confié à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA, en anglais European Food Safety Authority, EFSA98), dans le cadre plus général de l'élaboration d'un guide portant sur la surveillance. Les difficultés de mise en culture de cette bactérie expliquent son nom d'espèce : fastidiosa. Même si la culture en reste généralement difficile, Maria Saponari, membre du CNR (Institut de virologie des plantes, à Bari99) et spécialiste reconnue de cette bactérie en Italie, a indiqué oralement aux missionnaires qu'il est aujourd'hui possible d'acquérir les bonnes pratiques (appelées « tours de main » par les experts consultés) nécessaires à la réussite d'une mise en culture de cette bactérie, notamment au Brésil. Elle dit ne plus rencontrer de difficultés, et rappelle qu'en cas d'incertitude sur les analyses pratiquées, le juge de paix doit rester l'identification de la bactérie par la mise en culture. Sans contester nullement l'enjeu des mises en culture, MarieAgnès Jacques (INRA) a rappelé à la mission que le contexte dans lequel travaille Maria Saponari (une sous-espèce pauca présente à des concentrations très fortes dans les végétaux, et l'olivier comme cible) ne peut pas être extrapolé au contexte français 100 (et à une autre sous-espèce (multiplex), des concentrations bactériennes beaucoup plus faibles, souvent à la limite du décelable par les méthodes officielles, et une quarantaine de végétaux différents, posant des problèmes complexes de méthodologies de mise en culture à adapter à chaque contexte), et ceci malgré l'acquisition des bonnes pratiques relatives à la culture de cette bactérie par un membre
98 Il s'agit d'une des principales agences de l'Union européenne. Elle est compétente pour toutes les questions ayant un impact direct ou indirect sur la sécurité alimentaire humaine et animale, dont celles concernant la santé et le bien-être animal la santé et la protection des plantes ainsi et la nutrition en général. Le siège de l'EFSA est à Parme. Elle fournit des conseils scientifiques sur les risques existants ou émergents dans ce domaine. Elle publie des avis, émis par son comité scientifique et ses groupes scientifiques, chacun dans sa sphère de compétence. Sur toute question relevant de sa compétence, l'Autorité doit communiquer de façon ouverte et transparente avec le grand public, en application du règlement européen n°178/2002 qui stipule : « Afin d'assurer la confiance dans les bases scientifiques de la législation alimentaire, les évaluations des risques doivent être réalisées de manière indépendante, objective et transparente et se fonder sur les informations et les données scientifiques disponibles (...) La confiance des institutions communautaires, du public et des parties intéressées dans l'Autorité est indispensable. C'est pourquoi il est primordial d'en garantir l'indépendance, la grande valeur scientifique, la transparence et l'efficacité. La coopération avec les États membres est aussi indispensable (...) En cas d'avis scientifiques divergents entre organismes scientifiques, des procédures doivent permettre de trouver une solution à la divergence ou de fournir aux gestionnaires des risques une information scientifique de base transparente (...) L'évaluation des risques est fondée sur les preuves scientifiques disponibles et elle est menée de manière indépendante, objective et transparente ». 99 Le CNR (en italien : Consignation Nationale d'elle Ricocher) est l'organisme public italien chargé de développer, promouvoir, défendre, transférer, et valoriser l'activité de recherche italienne dans les principaux secteurs de développement des connaissances et de leurs applications scientifiques, technologiques, économiques, et sociales. Le CNR est dépendant du Ministère italien de l'instruction, de l'université et de la recherche. Il dispose de centres dans diverses régions italiennes, dont celui des Pouilles à Bari. 100 Ni même probablement à la situation espagnole. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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du laboratoire d'Angers, en mars 2018, lors d'un stage dans le laboratoire de Leonardo de la Fuente aux USA, expert reconnu dans ce domaine. Les plantes hôtes et les plantes spécifiées au sens de la Commission européenne 1) En 1995, une revue bibliographique scientifique faite par deux spécialistes nord-américains de Xylella fastidiosa (Hill et Purcell) n'identifiait que 29 familles de végétaux pouvant héberger la bactérie, situation qui a beaucoup évolué depuis. Dans son analyse scientifique du risque posé par Xylella fastidiosa101, adoptée le 30 décembre 2014 (et publiée en 2015) sur la base d'un questionnement de 2013 de la Commission européenne, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) identifiait 309 espèces de plantes hôtes connues dans le monde, appartenant à 63 familles et 193 genres. Il est néanmoins important de rappeler que toutes ces espèces ne développent pas de maladies, et qu'une espèce végétale n'est pas nécessairement sensible à toutes les sous-espèces de la bactérie. Sur le site du ministère de l'agriculture (http://agriculture.gouv.fr/xylella-fastidiosa-cest-quoi, consulté le 2 mai 2018), il est désormais précisé qu'au total, « ce sont 359 espèces potentiellement hôtes de Xylella fastidiosa qui ont été recensées dans le monde (EFSA, février 2016 « mise à jour de la liste des végétaux hôtes de Xylella fastidiosa »). Cela concerne 75 familles et 204 genres. 2) Comme l'indique le ministère de l'agriculture, « Sur la base de cette liste pré-établie par l'EFSA, la Commission européenne a retenu une liste de plus de 200 espèces de végétaux sensibles à Xylella fastidiosa (Annexe I de la décision 2015/789 modifiée). Cette liste contient l'ensemble des végétaux pour lesquels au moins deux publications scientifiques ont montré leur sensibilité à la bactériose. Ces végétaux, lorsqu'ils sont destinés à la culture ou à la plantation, sont appelés « végétaux spécifiés ». Cette approche ne prend donc pas en compte l'essentiel des plantes du maquis corse, qui n'ont, la plupart du temps, pas vocation à être cultivées ou plantées, à l'exception des arbres ou de l'immortelle. Quelques espèces n'ayant manifestement pas vocation à être cultivées ou plantées figurent néanmoins sur cette liste, comme, par exemple, le calicotome. L'Annexe I à la décision d'exécution (UE) 2015/789 relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa, intitulée « Liste des végétaux dont la sensibilité aux isolats européens et non européens de l'organisme spécifié est connue (« végétaux spécifiés ») » comportait 188 noms (généralement d'espèces, mais parfois seulement de genres) à la date du 18 mai 2015. Les « Annexes I » aux décisions d'exécution en date du 12 mai 2016 et du 14 décembre 2017, ont rajouté des noms et en ont supprimé d'autres, portant le total actuel à 230 noms (194 espèces et 36 genres).
101 Scientific Opinion on the risk to plant health posed by Xylella fastidiosa in the EU territory, with the identification and evaluation of risk reduction options. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Haie de romarins contaminés par Xylella fastidiosa subsp. pauca près de Gallipoli dans les Pouilles, en zone d'enrayement
Haie de lauriers-roses contaminés par Xylella fastidiosa subsp. pauca près de Gallipoli dans les Pouilles, en zone d'enrayement
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Acacia contaminé par Xylella fastidiosa subsp. pauca près de Gallipoli dans les Pouilles, en zone d'enrayement
Polygale à feuilles de myrte contaminé par Xylella fastidiosa subsp. pauca près de Gallipoli dans les Pouilles, en zone d'enrayement
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3) L'actuelle liste des végétaux hôtes reconnus sensibles sur le territoire de l'Union européenne 102, en date du 15 février 2018, correspond à la 9 ème actualisation par la Commission européenne depuis la publication de la première liste le 21 décembre 2015 (dont 6 actualisations en 2016 et 2 en 2017). Liste des espèces sensibles à la sous-espèce (ssp.) 21/12/15 15/02/18
fastidiosa
multiplex
pauca
plusieurs ssp.
0 5
20 41
22 26
1 10
NB : pour connaître le nombre de plantes hôtes sensibles à une sous-espèce donnée, il faut additionner le chiffre de la colonne spécifique à la sous-espèce et un chiffre au maximum égal à celui de la dernière colonne, pour la sous-partie correspondant à la sous-espèce donnée. 4) Alors que l'identification de la ST53 sur olivier dans les Pouilles ne date que de 2013, la base de données internationale identifiait début 2018, 81 ST différentes. La mission constate donc la rapidité à laquelle la liste des espèces susceptibles d'héberger la bactérie dans le monde, la liste des végétaux spécifiés au sens de la Commission européenne et la liste des espèces hôtes constatées sur le territoire de l'Union européenne, et même la liste des ST, s'allongent. Dans l'état actuel des connaissances disponibles, ce constat illustre probablement plus la rapidité à laquelle les connaissances évoluent (selon la logique « plus on cherche, et plus on trouve »), qu'il ne mesure la vitesse d'extension d'une « épidémie ». Il serait exagérément optimiste de considérer qu'après trois ans d'observation dans les trois pays européens actuellement officiellement concernés, ces listes puissent être considérées comme désormais stabilisées. Dans l'état actuel des connaissances, il n'est en effet pas possible de prédire les espèces hôtes potentielles à la faveur d'une introduction d'une sous-espèce de X. fastidiosa dans un nouveau contexte floristique et climatique (Almeida R.P.P. and Nunney L., 2015), comme c'est le cas en Europe, tout particulièrement dans le contexte méditerranéen mais aussi probablement un peu plus au Nord. Au-delà des introductions de X. fastidiosa qui, dans l'état actuel des hypothèses faites par les experts, semblent être toutes significativement plus anciennes que la date d'identification des premiers foyers dans les Pouilles (Italie), aux Baléares 103 (Espagne) et en Corse (France) 104, il n'est en effet pas possible d'écarter l'hypothèse selon laquelle les conditions climatiques des dernières années dans la zone méditerranéenne pourraient avoir contribué à la manifestation de symptômes sur des végétaux du fait notamment de la thermo-sensibilité de l'expression de la maladie, conduisant à des analyses bactériologiques auxquelles il n'aurait pas été procédé précédemment.
102 Il s'agit de la liste des plantes hôtes qui ont été trouvées sensibles à Xylella fastidiosa sur le territoire de l'Union européenne, et qui ont fait l'objet d'une procédure officielle de notification par un État membre à la Commission européenne au vu du constat de nouveaux foyers. 103 Dans les Îles Baléares, la grande diversité génétique identifiée à ce jour présuppose de nombreux évènements d'introductions. La majorité des souches identifiées sont connues (multiplex ST6, ST81, ST7 et fastidiosa ST1), seul l'isolat pauca ST80 est nouveau pour la communauté scientifique (Source : CR de la conférence de Palma de Majorque de novembre 2017, par la DGAl). 104 Il s'agit des trois zones visitées par la mission et sur lesquelles des informations ont pu être réunies. Ceci ne préjuge pas de ce qui s'est passé sur le territoire continental de l'Espagne et de la France. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Par ailleurs il ne peut être exclu que certains pays du Sud de l'Union européenne n'ayant actuellement pas procédé à des déclarations officielles auprès de la Commission européenne puissent contribuer à court ou moyen terme à de nouvelles augmentations rapides de ces listes, si un premier foyer était officiellement constaté dans un de ces pays, conduisant à des mesures ciblées de surveillance. Il en va de même pour tout ou partie des pays du Sud de la Méditerranée. Certains chercheurs sont d'ores et déjà persuadés que la présence de X. fastidiosa ne peut être considérée comme limitée aux seuls pays ayant officiellement fait état de la détection de foyers, et que le réseau des scientifiques devrait contribuer à faire évoluer cette liste au cours des prochaines années. Cette incertitude pourrait également concerner la présence ou non de X. fastidiosa subsp. pauca hors des Pouilles, ou d'autres sous-espèces, compte tenu notamment du faible niveau de performance du test Elisa105 utilisé jusqu'à présent pour rechercher cette bactérie, y compris dans le cadre de la délivrance des passeports phytosanitaires. Le fait que le recours au test ELISA soit, depuis décembre 2017, cantonné aux seules zones infectées pourrait conduire à donner une autre image de la présence de la bactérie en Italie, si le recours à des analyses plus performantes hors zones déclarées infectées conduisait à déceler la présence de la bactérie à des concentrations que le test Elisa peine à détecter. L'évolution rapide des listes officielles dénote une forte réactivité de la Commission européenne, face à un problème sanitaire nouveau qui n'entre pas parfaitement dans le cadre conceptuel qui a présidé à la négociation de la directive 2000/29/CE du Conseil du 8 mai 2000 concernant les mesures de protection contre l'introduction dans la Communauté d'organismes nuisibles aux végétaux ou aux produits végétaux et contre leur propagation à l'intérieur de la Communauté. En effet le dispositif lié à la directive 2000/29/CE est principalement conçu pour : · · · maîtriser des organismes nuisibles de quarantaine présents sur un faible nombre d'espèces végétales ; définir les organismes nuisibles en restant aux niveaux du genre et de l'espèce, sans devoir aller jusqu'à la sous-espèce, ni au sequence type (ST) ; détecter et éradiquer les premiers foyers, en les assimilant à une introduction récente sur le territoire, sans prendre en compte une présence discrète et de longue date.
Cette situation pose néanmoins trois types de problèmes particulièrement difficiles à gérer simultanément d'un point de vue scientifique et selon des procédures administratives : · quelles garanties est-il possible de donner qu'une espèce végétale actuellement réputée indemne ne sera pas inscrite à court ou moyen terme sur la liste des végétaux spécifiés ou celle des plantes hôtes106 ? quel niveau de maîtrise des risques est-il possible de reconnaître à un passeport phytosanitaire européen107 reposant sur une liste constatée comme fortement évolutive ? comment prendre en compte le fait que le végétal peut porter la bactérie sans manifester de symptômes, souvent à des niveaux de charge bactérienne très difficiles à détecter par la plupart des analyses ?
· ·
105 Il faut au moins 10 000 bactéries pour identifier la présence de X. fastidiosa dans un échantillon, alors qu'il en suffit, en théorie, de 100 pour les tests qPCR (Marie-Agnès Jacques rappelle que cela correspond à une bactérie par tube, conduisant à une détection alors peu fiable car la distribution suit une loi de Poisson, des tailles de 1 000 bactéries sont détectées de manière fiable dans les matrices non inhibitrices). La mission note que dans la zone infectée des Pouilles il existe 100 000 à 10 000 000 bactéries par échantillon. 106 Cette question concerne à la fois l'inscription de nouveaux végétaux sensibles à une sous-espèce de Xylella fastidiosa, mais aussi le fait que des végétaux préalablement identifiés comme sensibles à une seule sous-espèce se révèlent ultérieurement sensibles à plusieurs sous-espèces, comme, par exemple, Nerium oleander, Lavandula dentata, ou Prunus dulcis. 107 Le passeport phytosanitaire européen (PPE) est délivré par l'État membre du lieu de départ au vu de contrôles effectués en application des protocoles d'inspection, avec notamment des prélèvements à des fins d'analyse conformes à la NIMP 31. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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La mission a entendu les inquiétudes manifestées par certains partenaires corses concernant la qualité et la fiabilité des réponses techniques et scientifiques qu'il est aujourd'hui possible de donner à ces trois questions. Tout en prenant acte du pragmatisme et de la forte réactivité de la Commission européenne, elle ne peut également que constater que l'État français est contraint par les règles communautaires, et que ses marges de manoeuvres sont limitées. Elle constate également qu'en l'absence d'un laboratoire européen de référence, l'amplitude des performances des différentes méthodes validées au sein de l'Union européenne ne contribue pas à fiabiliser les réponses qu'il est actuellement possible d'apporter aux trois questions identifiées. Malgré l'absence de cas référencé de jeune plantation contaminée par du matériel végétal porteur de X. fastidiosa venant de pépinières, cette différence entre le risque perçu et les mesures réglementaires de gestion du risque phytosanitaire explique, dans le cas de Xylella fastidiosa, le reproche parfois fait d'une dissociation ressentie par certains partenaires corses entre une gestion administrative du risque par l'État et une gestion véritablement sanitaire de la situation constatée. Les insectes vecteurs Le schéma de transmission de la bactérie passe nécessairement par des insectes piqueurs suceurs du xylème. Si aux États-Unis, les cicadelles ont joué un rôle majeur dans les épidémies (plus de 38 cicadelles impliquées, avec des taux de transmission très variables), en Europe d'autres familles d'insectes piqueurs suceurs du xylème sont également bien représentées et pourraient jouer un rôle important (Cicadella viridis, Cicadella lasiocarpae, les Aphrophoridae, les Cercopidae, Cicadidae et Tibicinidae). Néanmoins, à ce jour, en Europe, seule la responsabilité de Philaenus spumarius a été clairement démontrée, comme vecteur de X. fastidiosa subsp. pauca dans les Pouilles108. La question prioritaire est donc d'identifier l'espèce ou les espèces aptes à cette transmission, et responsable(s) de la transmission en Corse, en gardant en mémoire : · · d'une part qu'un insecte porteur de la bactérie n'est pas nécessairement un insecte transmetteur, d'autre part que la présence ou l'introduction d'un insecte très performant en matière de transmission109 peut changer fondamentalement la dynamique de la maladie, comme cela a été constaté sur la maladie de Pierce, après l'introduction ou l'arrivée naturelle en Californie, d'Homalodisca vitripenis en provenance du Mexique.
L'INRA a identifié a priori 11 espèces d'insectes vecteurs possibles en Corse, mais s'est rapidement focalisé (comme c'est également le cas en Italie et en Espagne) sur Philaenus spumarius, espèce extrêmement abondante très repérable par les « crachats de coucou » qui accompagnent ses premières phases de développement, en estimant disposer d'un faisceau de présomption suffisamment solide pour fonder un projet de recherche de terrain sur cette hypothèse. Cette espèce n'avait jamais bénéficié jusque-là d'une attention particulière de la recherche, au point qu'on ne la trouve pas dans les collections entomologiques. La forte variabilité constatée des genitalia pourrait laisser penser à un complexe d'espèces, et peut-être même à l'existence d'une entité génétique corse, selon l'INRA (source J.Y. Rasplus).
108 Néanmoins en janvier 2018, Maria Saponari a indiqué que Neophilaenus campestris et Philaenus italosignus étaient également vecteurs de Xf dans les Pouilles (http://www.xfactorsproject.eu/press_review/research-outcomes-xylella-xf-actors-ponte-projects/). 109 Dans l'état actuel de ce qui est constaté, selon l'INRA, les insectes européens transmetteurs de la bactérie semblent très peu efficaces par rapport à ce qui est observé aux USA. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Mousse nommée « crachat de coucou » dont s'entourent les larves de Philaenus spumarius. Photo prise près d'un olivier contaminé par Xylella fastidiosa subsp. pauca dans les Pouilles.
Mousse nommée « crachat de coucou » dont s'entourent les larves de Philaenus spumarius. Photo prise près d'un olivier contaminé par Xylella fastidiosa subsp. pauca dans les Pouilles.
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Pour comprendre le cycle biologique de cette espèce, il reste une grande inconnue sur la localisation des adultes pendant la période estivale chaude, de mi-mai à mi-octobre : dans le sol, comme en fait l'hypothèse, l'équipe110 du Centre de Biologie pour la Gestion des Populations (CBGP) de l'INRA Montpellier, ou tout au sommet des arbres, comme le pense l'équipe de Marc Gibernau (CNRS). L'observation du terrain autour du centre CNRS de Vignola (près d'Ajaccio) a montré que 35 espèces de cicadelles sont présentes, dont trois espèces nettement dominantes : Philaenus spumarius, mais aussi Euscelis lineolates (effectif le plus élevé) et Latilica maculipes. Ces deux dernières espèces sont réputées s'alimenter sur phloème, même si localement Jérôme Albre (post-doctorant) a montré que les adultes d'Euscelis lineolates peuvent s'alimenter « un tout petit peu » sur xylème. Ce dernier constat ne semble néanmoins pas de nature à expliquer l'épidémie, les chercheurs nord-américains lient la probabilité de la contamination à la capacité d'une espèce à piquer souvent et longuement un végétal (source : J.Y. Rasplus). Il reste par ailleurs un doute sur la possibilité que, dans une moindre mesure, la transmission de la bactérie puisse se faire également par des cigales111 (quatre espèces présentes en Corse112, dont trois endémiques). L'équipe du CBGP de l'INRA Montpellier pense être en mesure de donner connaissance de ses premières analyses sur ce sujet fin 2018. Les insectes se « contaminent » et deviennent porteurs de la bactérie dès le stade jeune adulte, sur la plante hôte déjà infectée aux dépens de laquelle ils se développent (notamment le ciste). La charge bactérienne augmente ensuite au fur et à mesure de la multiplication des piqûres par succion de xylème sur des végétaux déjà contaminés. Les capacités de mobilité autonome de P. spumarius sont clairement faibles, limitée à 100 à 160 mètres par an selon les experts et la littérature scientifique (même si ce point n'a pas fait l'objet de confirmation scientifique en Corse). Il existe une forte présomption que le ciste de Montpellier soit particulièrement attractif pour le développement de l'insecte, ce qui semble une spécificité de la Corse par rapport à ce qui est observé sur le continent113. De manière assez constante à travers la Corse (11 points de prélèvement bien répartis), environ 20 % des insectes sont trouvés contaminés par l'INRA. Par ailleurs 6 % des insectes contaminés semblent porter les deux ST. Dans les Pouilles, à la différence de la Corse, il est possible de voir un front de progression de la maladie qui remonte vers le Nord, à la vitesse d'environ 10 km par an (vitesse qui semble se ralentir114), mais aussi vers le Sud de la botte italienne. Cette vitesse de progression n'est clairement pas imputable aux seuls déplacements autonomes de l'insecte vecteur identifié, Philaenus spumarius. Ceci met l'accent sur le transport passif de l'insecte, souvent évoqué dans la littérature scientifique à la faveur des coups de vent, mais pour lequel les experts italiens mettent également en cause le transport involontaire par des véhicules115.
110 Jean-Yves Rasplus, Astrid Cruaud et Jean-Pierre Rossi 111 Il est à noter que, dans le cadre de la mission DGAl sur le dépérissement des oliviers en Corse, Bernard Boutte (département de la santé des forêts) a identifié des piqûres de cigales sur olivier. 112 Cicadetta fangoana - La Cigale du Fango - Endémique Corse, c'est la plus commune ; Cicada orni - La Cigale grise - Commune dans l'espace méditerranéen ; Tibicina corsica subsp. corsica - La Cigale corse - Endémique Corse ; Tibicina nigronervosa - La Cigale à nervures noires - Endémique Corse 113 Cette spécificité explique le projet de recherche mené en Corse par l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier, visant à étudier la dynamique de la population de P. spumarius sur ciste en fonction de son environnement proche, en faisant varier plusieurs paramètres (abondance du ciste, structure locale de la végétation, diversité des cultures proches,...). 114 Nonobstant le fait qu'un nouveau foyer a été identifié dans la zone tampon. 115 Donato Boscia, expert national italien de Xylella fastidiosa, a indiqué aux missionnaires que, dans les premiers temps de progression du front, il est possible de voir l'effet des voies routières de communication le long desquelles la progression est plus rapide, avant que l'épidémie ne ré-homogénéise le paysage. Ceci se traduit notamment par des foyers « pionniers » à proximité de stations-services ou de restaurants routiers, tous endroits où des véhicules s'arrêtent et où les portières sont ouvertes, CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Enfin la mission appelle l'attention sur la contradiction apparente entre la contamination des insectes et la contamination des végétaux en Corse, selon les résultats obtenus par le CBPG de l'INRA de Montpellier. En effet, alors que l'ANSES n'identifie que la sous-espèce multiplex (et que l'INRA d'Angers n'a identifié sur végétaux que deux spécimens de sous-espèces autres, nonobstant le nombre des « indéterminés »), l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier116 identifie un nombre très significatif d'insectes dont le cibarium 117 colonisé par X. fastidiosa qui hébergerait à la fois la sous-espèce multiplex et « autre chose ». Cette situation conduit à s'interroger sur les mécanismes de transmission de l'insecte à la plante, sur ce qui pourrait expliquer la présence détectée de la seule sous-espèce multiplex dans les végétaux de Corse, et sur le risque d'être un jour confronté à cet « autre chose » sur végétal. Les symptômes La plupart des publications de vulgarisation sur Xylella fastidiosa sont accompagnées de photographies présumées représentatives des symptômes accompagnant cette contamination pour chaque espèce végétale. Mais ces symptômes sont généralement plus ou moins les mêmes que ceux découlant d'un stress hydrique. Des études assez récentes suggèrent que le développement des symptômes est, au moins au début, une conséquence des réponses physiologiques déclenchées par un déficit hydrique ressenti par la plante (Choi et al. 2013 ; Daugherty et al. 2010 ; Sun and al., 2013). Les publications scientifiques insistent d'une part sur la présence fréquente de végétaux porteurs de la bactérie mais ne manifestant pas de symptômes 118, d'autre part sur le décalage temporel possible entre la contamination bactérienne et l'apparition éventuelle de symptômes : dans certains cas ce décalage peut être de plusieurs mois 119, voire de plusieurs années (R.P.P. Almeida120, 2016). Les symptômes ne sont par ailleurs pas proportionnels au nombre de bactéries. Ceci semble refléter en partie la complexité du processus de contamination d'un végétal. Dans son compte-rendu de la Conférence de Palma de Majorque (novembre 2017), la DGAl indique : « Les études visant à mieux caractériser la bactérie mettent en évidence l'implication de certaines molécules et substances actives dans le processus de contamination de la plante. Tandis que le calcium et les facteurs de transmission diffusibles (DSF) semblent favoriser la virulence de la bactérie en facilitant la production de biofilm (blocage de la circulation de la sève brute) ou l'adhérence in planta de la bactérie, le N-AcétylCystéine (NAC) joue un rôle de perturbateur de production de biofilm. Il existe par ailleurs une communauté de bactéries endophytes inhérentes à chaque végétal dont il a été montré que certaines espèces peuvent jouer un rôle antibactérien visà-vis de Xylella fastidiosa. » Quoi qu'il en soit, les symptômes présentés dans ces documents pédagogiques ne semblent être qu'exceptionnellement caractéristiques, encore moins spécifiques d'une contamination par Xylella fastidiosa. Ils peuvent souvent évoquer également d'autres causes possibles, biotiques ou abiotiques. Donato Boscia121, expert national italien de Xylella fastidiosa, à propos de la liste des
permettant à des insectes de sortir. 116 Avec des méthodologies propres reposant sur des bases assez proches de celles de l'équipe INRA d'Angers sur les végétaux, et donc a priori susceptibles de susciter le même type de questionnement de l'ANSES à partir des méthodes officielles. 117 Cibarium : cavité antérieure de la bouche de l'insecte, placée entre la base de l'hypopharynx et la face inférieure du clypéus 118 En Corse, de juillet 2015 à octobre 2017, 723 prélèvements positifs étaient issus de végétaux présentant des symptômes, mais 144 prélèvements positifs avaient été faits sur des végétaux asymptomatiques. 119 Maria Saponari et al. (EFSA supporting publication : EN-1013 de mars 2016) : pour de jeunes plants d'oliviers, cela peut prendre 12 à 14 mois pour manifester des symptômes après une inoculation artificielle sous serre. 120 Pour la vigne, végétal pour lequel un effort considérable de recherche a été mené, Almeida estime qu'il faut généralement 1 à 2 ans pour exprimer la maladie (source : contact de la FREDON Alsace avec Almeida lors de son passage en Alsace). 121 Membre du Conseil national de la recherche (en italien : Consiglio Nazionale delle Ricerche) ou CNR. Il est virologiste spécialisé CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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végétaux hôtes de la sous-espèce pauca, estime même que seul le laurier-rose (Nerium oleander) semble présenter la plupart du temps (mais pas toujours, comme les missionnaires ont pu le constater sur des pieds sur lesquels une analyse au test Elisa avait pourtant été positive) des symptômes relativement spécifiques de Xylella fastidiosa (dessèchement en bandes longitudinales). Pour les autres végétaux, et en dehors d'une zone connue pour être hautement infectée, le doute est systématiquement permis : seules les analyses de laboratoires peuvent établir la contamination bactérienne, sans pouvoir absolument éliminer l'hypothèse de la contribution d'autres causes biotiques ou abiotiques. Sur oliviers dans les Pouilles, et ceci dans des cas de figure variés allant d'un nouveau cas très récemment détecté dans la zone tampon (présumée indemne jusque-là) à l'examen d'un gradient d'ancienneté de la contamination dans le Sud de la zone infectée, les missionnaires ont pu constater l'extrême difficulté à trouver des constantes dans l'aspect des feuillages sur des arbres pourtant testés positifs. Sur olivier, seul le flétrissement sur les rameaux et les pousses de petit diamètre, avec présence des feuilles sèches (et de petites olives desséchées) sur le rameau jusqu'aux fortes pluies hivernales reste un point commun. Les fortes pluies semblent faire tomber les feuilles sèches sur l'ensemble du rameau (mais pas les petites olives desséchées), donnant cet aspect de branche ou rameau secs portant de petites olives desséchées, comme observé par les missionnaires aux Baléares et dans les Pouilles. Les missionnaires ne se souviennent pas l'avoir vu en Corse (présence de rameaux secs, mais sans petites olives desséchées). Mais sur olivier, selon les experts italiens, ces symptômes peuvent être aussi ceux de la verticiliose, ou même « autre chose » (par exemple, une carence minérale) : seules les analyses bactériologiques peuvent dire si la bactérie Xylella fastidiosa est bien présente. NB : au moins sur olivier dans les Pouilles, la vitesse d'évolution de la maladie semble augmenter nettement avec l'âge de l'arbre, dans un contexte où les experts italiens ont précisé à la mission qu'il pré-existait des problèmes sanitaires (notamment fongiques) sur beaucoup de vieux arbres. Néanmoins, l'extension de l'épidémie à des niveaux de charge bactérienne très élevée a ensuite fait disparaître la capacité à discriminer le comportement individuel des vieux arbres en fonction de l'état sanitaire individuel préexistant à la contamination. Ce constat complique l'approche concernant les oliviers jeunes, pour lesquels l'arbre semblerait en mesure de mieux résister à des inoculations, et ne pas manifester de symptômes malgré la présence de la bactérie. Les photographies prises en Corse par la mission sur des oliviers que le Syndicat interprofessionnel des oléiculteurs de Corse (SIDOC) estime très probablement contaminés 122 par Xylella fastidiosa ont été montrées à Donato Boscia. Celui-ci est resté très prudent 123 : cela pourrait être compatible avec des dégâts dus à Xylella fastidiosa, mais cela pourrait aussi évoquer d'autres causes, et seules les analyses bactériologiques peuvent être considérées comme probantes. Dans l'état actuel de ce qu'ils ont vu en Corse, les missionnaires sont donc conduits à mettre en garde contre des déductions hâtives à partir de la seule symptomatologie du feuillage, avant les analyses bactériologiques. Néanmoins les missionnaires gardent aussi en mémoire le
en sérologie (développement et application des anticorps polyclonaux et monoclonaux pour l'identification des souches). Il est expert auprès de l'EFSA, et coordonnateur de plusieurs projets de recherche, italiens ou communautaires, sur Xylella fastidiosa. 122 A ce stade du raisonnement concernant les symptômes, il n'est pas encore pris en compte le débat sur les résultats positifs des analyses INRA au regard des analyses négatives faites par l'ANSES selon la méthode officielle. 123 Dans l'état des informations dont elle dispose, la mission n'a pas identifié d'éléments probants et validés scientifiquement laissant penser que chaque sous-espèce de X. fastidiosa se manifesterait par une symptomatologie spécifique. Elle garde néanmoins en mémoire les travaux de l'Université de Californie sur la maladie de Pierce, montrant que la sous-espèce fastidiosa produit une lipase responsable des symptômes à la marge des feuilles ; l'absence de travaux équivalent sur d'autres sousespèces et d'autres végétaux empêchent actuellement toute généralisation, à plus forte raison toute approche par sous-espèce. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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constat que les prélèvements effectués par les chercheurs sur des végétaux symptomatiques (même si les symptômes peuvent également traduire un stress hydrique) conduisent à un taux élevé de résultats positifs pour les analyses INRA (le LNR ne recevant a priori pas d'échantillons utilisés pour des projets de recherche, à l'exception de trois échantillons d'oliviers trouvés positifs par l'INRA lors de sa campagne de prélèvements et d'analyses de juin 2017). Cet appel à la prudence concernant les symptômes visuels conduit nécessairement à rendre absolument cruciale la clarification de la situation totalement spécifique à la France, où les analyses officielles faites par le LNR et les analyses faites par l'INRA dans un cadre de recherche peuvent dessiner un « paysage épidémiologique » en partie différent. Par ailleurs, contrairement à ce qui est parfois affirmé par certains partenaires corses, la contamination ne se fait pas nécessairement de proche en proche. Le « critère du rond124 » ne peut pas être considéré comme un symptôme fiable d'une contamination bactérienne par Xylella fastidiosa ; a contrario l'absence de dépérissement en rond ne peut donc pas conduire à exclure une responsabilité de la bactérie. Ce constat d'une contamination qui ne se propage pas nécessairement de proche en proche est mentionné dans des publications scientifiques, et les missionnaires ont pu l'observer dans les Pouilles d'une part sur des plants de romarin en alignement, d'autre part sur des plants de laurier-rose en alignement, avec des végétaux analysés positifs par le CNR. Les facteurs qui président à la contamination (nombre de piqûres d'insectes et charge bactérienne transmise, état de vigueur de la plante, résistance éventuelle différenciée des plants,..) et à l'expression de la maladie ne sont pas suffisamment connus à ce jour 125. La dissémination de la bactérie hors des Amériques et les périodes d'introduction en Corse La dissémination de la bactérie hors des Amériques semble très largement liée aux échanges internationaux de végétaux, et peut-être d'insectes infectés. Sur le territoire de l'Union européenne, sur la base des informations officielles disponibles, elle est désormais durablement implantée en Italie (région des Pouilles), en Espagne (Baléares sauf l'île de Formentera, province d'Alicante) et en France (Corse, Var et Alpes-maritimes). Mais par ailleurs des foyers ponctuels ont immédiatement été éradiqués en Allemagne (dans une pépinière), en Espagne (une oliveraie près de Madrid, une serre dans la région d'Almeria 126) et en République tchèque (sur un lot de végétaux importés d'Espagne), comme ce fut également le cas en France continentale (Seine-et-Marne, sur pommier). R.P.P. Almeida, spécialiste américain (Université de Berkeley, Californie) de la bactérie ? a parfois évoqué des cas de X. fastidiosa (apparemment non confirmés) observés en 1998 au Kosovo127, région proche (du moins pour les échanges économiques) avec la région des Pouilles. Hors du territoire de l'Union européenne, la bactérie est également identifiée en Turquie, en Iran et à Taïwan.
124 Expression utilisée par certains partenaires devant la mission pour décrire un type de propagation de proche en proche, censé créer, sur un site infecté depuis quelques années, une mosaïque plus ou moins circulaire de végétaux dépérissants ou morts. 125 Par exemple, empiriquement, aux endroits visités par la mission dans les Pouilles, les lauriers-roses à fleurs blanches semblaient beaucoup plus sensibles que ceux à fleurs rouges, et Donato Boscia, expert national italien de Xylella fastidiosa, estime que cela semble être un constat assez général. 126 La mission ne dispose pas à ce stade d'information sur le recours ou non par l'Espagne à la possibilité de ne pas établir de zone délimitée et d'en notifier les raisons à la Commission européenne conformément à l'alinéa 6 de l'article 4 de la Décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission. 127 Cette information a été publiée par Berisha en 1998, après un travail scientifiquement solide, même s'il n'a pas été officiellement reconnu par les autorités du pays : il y avait eu isolement de la souche, caractérisation immunologique et identification moléculaire, plus des tests de pouvoir pathogène. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Comme indiqué précédemment à propos du séquençage génétique intégral de la souche « de Donno », le niveau de la sous-espèce n'est pas le seul niveau utile de caractérisation de la bactérie au niveau du génôme : il est nécessaire de prendre également en compte les ST 128 (Sequence Types) pour analyser les proximités génétiques au sein des mêmes sous-espèces, et formuler des hypothèses sur les origines et l'ancienneté des importations de végétaux contaminés. C'est ainsi que, dans le cas des Pouilles, l'hypothèse de l'introduction relativement récente (sans doute vers 2005, avant l'observation des premiers symptômes sévères en 2008, selon Donato Boscia, la notification officielle à la Commission de la présence de X. fastidiosa datant du 21 octobre 2013) de la bactérie, sans doute par des caféiers ornementaux ou des lauriers-roses originaires du Costa-Rica (ou du Honduras) a pu être considérée comme hautement crédible, compte tenu du fait que la ST53 identifiée est caractéristique de ces pays d'Amérique centrale. C'est également à partir du constat que X. fastidiosa subsp. multiplex en Corse se caractérise essentiellement par deux ST assez proches129 des ST6 et ST7 nord-américaines, qu'il a été possible de faire des hypothèses concernant une relative ancienneté de la présence en Corse de ces souches, en évaluant la distance génétique entre les souches françaises et nordaméricaines130 pour chaque ST : il pourrait y avoir eu deux périodes d'introduction de la bactérie en Corse, dans les années 1965131 pour ST7 et dans les années 1980132 pour ST6 (source : MarieAgnès Jacques, INRA). À partir d'une tout autre approche, une modélisation reposant sur des statistiques épidémiologiques prenant en compte la seule dynamique temporelle, un autre chercheur de l'INRA (Samuel Soubeyrand et al., 2018) privilégie l'hypothèse d'une introduction dans les années 1985 (incertitude : plus ou moins 8 ans), avec l'existence d'un « compartiment caché » jouant le rôle de réservoir d'infection, qui pourrait être les cistes 133, en supposant la constance du modèle épidémiologique dans le temps (donc sans évolution du climat, notamment). Sur la base d'un autre modèle prenant en compte la dynamique spatio-temporelle pour la seule Corse du Sud 134, une doctorante travaillant dans le même laboratoire de biostatistiques conclurait à l'hypothèse vraisemblable d'une première infection dans la zone d'Ajaccio (plutôt au Nord de la commune) dans les années 1965-70. À partir d'une troisième famille d'approche, reposant sur les caractéristiques de l'insecte vecteur actuellement privilégié par l'INRA (Philaenus spumarius), et notamment la présence généralisée d'un taux d'infection de l'ordre de 20 %, il serait même envisageable d'avancer l'hypothèse d'une introduction encore plus ancienne, datant peut-être des importations de porte-greffes issus d'espèces américaines et résistants au Phylloxera, pour replanter après la grande crise du Phylloxera135 (source orale : Jean-Yves Rasplus, INRA).
128 Même le niveau des ST ne permet pas d'affecter à une « souche » particulière une liste spécifique de végétaux hôtes. Par exemple, en Corse, ST6 est spécifiquement liée à 11 végétaux hôtes et ST7 à 7 végétaux hôtes, mais les ST6 et ST7 françaises partagent 12 végétaux hôtes. Par ailleurs le laboratoire de l'INRA d'Angers identifie ST53, ST76 et ST79 ainsi que des mélanges de souches. 129 C'est ce pourquoi il est préférable de parler des ST6 et ST7 françaises, plutôt que des ST6 et ST7 de manière générale. 130 Souche Dixon pour ST6 et Griffin pour ST7. 131 Avec un intervalle de confiance en matière d'ancienneté allant de 42 à 142 ans. 132 Avec un intervalle de confiance en matière d'ancienneté allant de 14 à 388 ans. 133 L'article « Inferring pathogen dynamics from temporal count data : the emergence of Xylella fastidiosa in France is probably non recent » (New Phytologist) identifie deux scénarios vraisemblable, avec ou sans compartiment caché. En l'absence d'un compartiment caché (hypothèse moins vraisemblable que l'autre), l'introduction en Corse de X. fastidiosa daterait du début des années 2000. 134 Ce choix repose sur le sentiment des biostatisticiens que la configuration des foyers en Corse du Nord indiquerait plutôt plusieurs introductions différentes. 135 Le directeur de la FREDON de Corse a appelé l'attention de la mission sur le fait que le grand foyer de maquis infesté dans les environs de Cauro se trouve juste à côté d'une ancienne exploitation qui a été une des premières de Corse à importer des portegreffes américains. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Enfin la mission note l'impossibilité d'identifier depuis 2015 un front de progression du type de celui observé dans les Pouilles, front qui semble indissociable d'une introduction récente selon Donato Boscia, de l'Institut de virologie des plantes à Bari. L'hypothèse de l'ancienneté de l'introduction de la bactérie en Corse est donc confortée par la convergence d'approches méthodologiquement différentes, tout en restant à ce stade fondée sur des corrélations, pas sur des preuves directes. Sur cette base la mission estime qu'il est hautement probable que l'introduction de X. fastidiosa en Corse date d'un moment où l'enjeu sanitaire relatif à cette bactérie n'était ni identifié ni identifiable comme actuellement, avant même la création du passeport phytosanitaire européen en 1992 136et son application aux végétaux hôtes après la découverte de la bactérie en Italie. Les années 1965-1980 semblent par ailleurs avoir été des années particulièrement actives en matière d'introduction de végétaux en Corse. La mission relève notamment que : · la responsabilité de la bactérie dans la maladie de Pierce sur vigne, et dans la chlorose panachée des agrumes au Brésil n'a été vraiment identifiée qu'à partir des années 1980, et le nombre de végétaux susceptibles d'héberger la bactérie a longtemps été très largement sous-estimé (cf. infra). Ce n'est qu'au début des années 2000 (Hopkins D.L. and Purcell A.H., 2002) que les spécialistes nord-américains ont commencé à estimer que cette bactérie représentait « une des nouvelles menaces sanitaires les plus significatives dans les Amériques » ; les importations de végétaux en Corse concernaient aussi bien des besoins ornementaux que de renouvellement des cultures pérennes, comme l'olivier, généralement à partir de pépinières toscanes (Italie). Jusqu'à l'identification en 2013 des ravages effectués dans les Pouilles par X. fastidiosa subsp. pauca, il n'existait pas de raison scientifique probante pouvant conduire les pouvoirs publics à identifier un risque sanitaire grave au niveau du commerce intracommunautaire.
·
Dès lors, pour la mission, le défi technique et scientifique le plus pertinent du point de vue opérationnel ne concerne pas le fait d'identifier précisément le moment précis et le contexte de l'introduction de la bactérie en Corse, mais bien de comprendre pourquoi cette bactérie probablement présente depuis quelques décennies n'a été identifiée en Corse qu'en 2015. Il est notamment légitime de s'interroger sur la part respective de deux facteurs explicatifs vraisemblables, qui ne s'excluent a priori pas l'un l'autre : · · le fait de trouver ce qu'on cherche, depuis la mise en place d'une surveillance à la diligence de l'État, opérationnelle à compter du printemps 2015 ; la manifestation de symptômes, peut-être en relation avec les conditions climatiques, compte tenu de ce que l'on sait en matière d'interférences entre la bactérie, la plante et l'environnement, notamment via le stress hydrique et la température.
La situation en Corse La première identification d'un foyer de X. fastidiosa a été faite à Propriano en juillet 2015, sur polygale. Fin 2017, les analyses officielles sur près de 16 000 échantillons (de juillet 2015 à octobre 2017) avaient identifié 925 cas positifs et 36 espèces hôtes en Corse. Les espèces pour lesquelles le taux le plus fort d'échantillons positifs au regard des échantillons prélevés sont : Calicotome villosa (33 %), Polygala myrtifolia (26 %), Spartium junceum (21 %), Helichrysum italicum (14 %), Cistus monspeliensis (11 %) : à part le polygale à feuille de myrte (Polygala
136 Le passeport phytosanitaire européen a été créé par la directive 92/105/CEE du 3 décembre 1992. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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myrtifolia), espèce ornementale exotique qu'on trouve dans les jardins, même si certains exemplaires s'en sont échappés, il s'agit d'espèces du maquis, même si l'immortelle d'Italie (Helichrysum italicum) est cultivée, essentiellement dans la perspective de fabriquer des huiles essentielles. En 2016, selon la FREDON de Corse, plus de la moitié des échantillons positifs (sous-espèce multiplex) a été prélevée dans le milieu naturel, même si les importantes difficultés d'accessibilité du maquis expliquent que ces prélèvements ont été faits soit à proximité de zones habitées soit le long des routes. La dimension « maquis » de la présence de X. fastidiosa en Corse semble donc patente, alors que c'est un point considéré comme très marginal dans les Pouilles mais aussi, dans une moindre mesure, aux Baléares, compte tenu de la moindre extension d'une végétation naturelle ou subnaturelle dans ces deux zones. La mission a visité avec la FREDON de Corse deux zones de maquis de basse altitude (La Parata, près d'Ajaccio, et dans les environs de Cauro) où des dépérissements et mortalités sont observés sur des surfaces allant d'une dizaine à une centaine d'hectares et où des analyses ont été positives, avec ou sans détermination de la sous-espèce 137. Sur un foyer important situé sur la commune de Cauro, où des prélèvements ont permis d'identifier la sous-espèce multiplex alors que d'autres prélèvement sont indéterminés 138, la plupart des calicotomes sont morts ou en train de mourir (février 2017), alors que des chênes, des oléastres et des filaires semblent présenter par ailleurs des symptômes justifiant un suivi durant la saison de végétation 2018. Il est à noter qu'un chêne vert est positif, mais sans que le LNR soit en mesure d'identifier la sous-espèce, malgré trois analyses sur des prélèvements successifs. Par ailleurs, pour ce qui concerne les espèces cultivées (agricoles ou ornementales), actuellement et sans préjuger d'une possible évolution au cours des prochaines années139, la mission ne peut que souscrire au résumé lapidaire fait par Donato Boscia sur la différence entre les Pouilles et la Corse : la crise dans les Pouilles découle des dégâts massifs causés par la bactérie sur certains végétaux, au premier chef l'olivier, alors que la crise actuelle en Corse découle essentiellement des débats sur les modalités administratives de gestion de la présence de la bactérie. La mission garde par ailleurs en mémoire la différence entre une zone d'infection récente (Les Pouilles) et la Corse pour laquelle un faisceau convergent d'approches laisse penser à une infection déjà ancienne (Cf. supra : La dissémination de la bactérie hors des Amériques et les périodes d'introduction en Corse). Toutes les analyses de l'ANSES sur des échantillons de végétaux prélevés en Corse mettent en évidence la seule sous-espèce multiplex. Néanmoins, à partir d'analyses faites sur insectes (donc en dehors du cadre des analyses menées selon la gamme des protocoles validés par l'OEPP), à partir d'analyses MLST 140 sur 2 loci des gènes de ménage141 analysés, l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier estime qu'il existe une forte
137 La mission garde en mémoire que dans environ un quart des analyses, il n'est pas possible d'identifier la sous-espèce, et que dès lors les conditions fixées par la DGAl ne sont pas réunies pour déclarer un foyer. Le passage en stratégie d'enrayement déplace significativement l'enjeu opérationnel d'identifier de nouveaux « foyers officiels ». Néanmoins la mission considère que, dans le contexte du débat en Corse et du besoin de démontrer que la surveillance prend bien en compte toutes les informations permettant d'orienter les investigations de terrain, il convient de rendre publiques ces suspicions de « foyers potentiels », selon des modalités graphiques particulières empêchant toute confusion avec les « foyers officiels », afin d'orienter la surveillance, tout particulièrement pour des espèces qui n'ont pas ou rarement été identifiées positives par les analyses officielles. 138 Il semble particulièrement difficile d'identifier la sous-espèce sur les échantillons positifs de calicotome. 139 La mission pense notamment au contexte posé par l'identification pour la première fois de la bactérie sur olivier par l'INRA, sans que cette présence ne soit néanmoins confirmée à ce stade par l'ANSES, dans un contexte où des oliviers montrent des symptômes préoccupants de dépérissement en partie depuis l'automne 2017, et surtout le printemps 2018. 140 Il n'est pas toujours possible d'obtenir des résultats interprétables avec cette méthode. Par exemple, avec le calicotome, cela ne marche dans un tiers des cas. 141 Et donc pas sur la totalité des sept sites de ménage préconisés actuellement (choix effectué aux USA en 2005), mais dans un cadre qui se rapproche des discussions actuellement en cours pour simplifier et rendre moins coûteuses les analyses MLST sur CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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présomption de présence de X. fastidiosa subsp. fastidiosa en Corse (mais semble-t-il avec une souche relevant de la lignée présente sur caféier, pas sur la vigne : source Marie-Agnès Jacques). A ce jour aucune analyse sur végétal n'a permis de confirmer la présence de la sous-espèce fastidiosa en Corse. Néanmoins, sur végétal, également à partir de 2 loci (un commun avec un de ceux identifiés par l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier), il est identifié également la probabilité de la présence d'une souche de la sous-espèce sandyi proche de la sous-espèce fastidiosa (source Marie-Agnès Jacques). S'il est fait l'hypothèse qu'il s'agit bien de la même entité indéterminée, et donc que l'on prend en compte les 3 loci provenant des deux approches différentes (sur insecte et sur végétal), la probabilité de la présence de la sous-espèce fastidiosa en Corse, mais à des niveaux très difficiles à détecter, serait renforcée. Par ailleurs, selon les analyses de l'INRA sur végétaux, il a été identifié la présence : · de la sous-espèce sandyi142, sur un seul échantillon de polygale, sans que la mission ne sache s'il s'agissait d'un plant récemment importé ; · de la sous-espèce pauca143 (ST53 non confirmé par une seconde prise d'échantillon en vue de son analyse), sur un seul échantillon de chêne vert situé en Balagne (2016), qui a fait l'objet d'une destruction immédiate à l'initiative des services de l'État, bien qu'il n'ait pas eu préalablement de confirmation par le LNR, et ceci sans que de nouveaux prélèvements aient permis d'envisager une éventuelle confirmation ou infirmation a posteriori par la méthode MA039 utilisée par le LNR144 ; Dans les deux cas, il est extrêmement difficile de tirer des conclusions scientifiquement probantes à ce stade. D'une part il est possible de faire raisonnablement l'hypothèse que le niveau de sensibilité plus élevé revendiqué par la méthode mise en oeuvre par l'INRA entraîne logiquement des discordances avec la méthode officielle, dès lors qu'elle identifierait ce que les caractéristiques intrinsèques de la méthode officielle ne permettent pas de mettre en évidence 145. D'autre part, sans que la mission prétende trancher dans un domaine où elle n'est pas scientifiquement compétente, elle garde en mémoire la mise en garde des experts italiens rencontrés vis-à-vis de toute détection d'une nouvelle sous-espèce dans une nouvelle zone sur la base d'un seul prélèvement et d'une analyse qu'il n'a pas été possible de réitérer, faute de nouvel échantillon accessible : une telle présence unique et isolée n'est pas impossible pour une introduction récente de végétal, mais ce n'est a priori pas le cas de figure à privilégier au moins pour un chêne vert. À plusieurs reprises, l'INRA a signalé au LNR des cas où ses analyses identifient des oliviers ornementaux contaminés par X. fastidiosa subsp. multiplex, mais sans jamais que l'ANSES ne confirme ce résultat par la méthode officielle. Néanmoins la mission considère comme très important de ne pas donner le sentiment de confondre la description « clinique » de l'état de la
végétal. Un gène de ménage est un gène qui s'exprime dans tous les types cellulaires et dont les produits assurent les fonctions indispensables à la survie des cellules. Ils ne subissent donc pas de régulation. Les gènes de ménage forme l'expression des gènes ou l'expression génique. Il est à noter que pour l'ANSES le seul cas où la sous-espèce sandyi a été identifiée en France concerne un plan de caféier. Ce qui ne signifie pas pour autant une souche CoDIRO ou de Donno. La mission a pris connaissance du « retour d'expérience » rédigé par la DDCSPP de Haute-Corse sur le cas du « chêne de Balagne ». En 2015, un prélèvement réalisé sur un chêne vert (Overcus ilex) en Balagne (Corse), hors foyer, avait relevé un résultat qualifié de positif dans un premier temps pour la détection de Xylella fastidiosa, puis le LSV nous a fait part de ses doutes sur le résultat. Le chêne a été détruit dès l'annonce de ce résultat et d'autres prélèvements aux alentours ont été réalisés : tous négatifs. En mars 2016, un rapport d'analyse correctif du LSV statue sur un résultat final indéterminé. Le rapport évoque un changement de la MA039 et des règles de décision de détermination du statut d'un échantillon, qui, en avril 2015, n'étaient pas encore stabilisées. Au regard des nouvelles règles de décisions, le résultat d'avril 2015 aurait donné un résultat indéterminé pour la détection de Xylella fastidiosa. La mission est par ailleurs consciente des performances limitées de la méthode officielle, telle que mise en oeuvre actuellement par l'ANSES, sur les végétaux où des inhibiteurs sont présents, notamment les oliviers et les chênes (Cf. le chapitre sur les méthodes d'analyse).
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maladie avec la réunion des conditions administratives permettant à l'État de recourir aux dispositions juridiquement contraignantes découlant du droit communautaire et national. Dans l'état actuel des informations dont elle dispose, et nonobstant les travaux en cours entre l'INRA et l'ANSES pour comprendre les résultats différents des prélèvements effectués sur des oliviers identifiés comme présentant des symptômes par le SIDOC au printemps 2018, la mission note donc que la présence de X. fastidiosa sur olivier en Corse ne fait pas l'objet d'un consensus entre l'INRA et l'ANSES à ce jour (21 juin 2018). En tout état de cause, cette situation ne permet pas d'imputer à la bactérie les dépérissements actuellement observés sur oliviers. C'est ce pourquoi la mission diligentée par la DGAl sur le dépérissement des oliviers en Corse pour en identifier toutes les causes possibles est parfaitement pertinente et opportune. Enfin la mission garde en mémoire que plus d'une demi-douzaine d'espèces végétales ont été positives aux analyses de l'INRA sans l'être aux analyses du LNR. La liste des 36 espèces végétales présentes en Corse identifiées comme hôtes effectifs de la bactérie en juillet 2017 est possiblement sous-estimée146 d'un pourcentage qui ne peut être considéré comme négligeable. La bactérie, l'hôte, l'insecte et l'environnement La caractéristique fondamentale de la dynamique épidémiologique de X. fastidiosa repose sur les interactions entre la bactérie, la plante, l'insecte vecteur et l'environnement (notamment climatique : température, pluviométrie et réserve utile du sol, compte tenu de l'enjeu « stress hydrique »), ce qui introduit un niveau fort de complexité qui n'existe pas toujours dans les maladies végétales ou animales les plus connues. Il est clairement impossible de mener des expérimentations faisant varier simultanément ces trois facteurs (ou familles de facteurs), même s'il est possible de multiplier les placettes d'observation pour tenter de les prendre en compte, comme ce qui est actuellement mis en place par l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier dans le cadre du projet de recherche animé et financé par la Collectivité de Corse, et reposant sur environ 120 placettes en végétation naturelle ou subnaturelle, mais souvent à proximité de cultures agricoles (olivier, vigne, rosacées, immortelles). Aussi bien les suivis de terrain que les analyses en laboratoire rendent la recherche coûteuse, notamment en termes de personnels mobilisés, alors même qu'il s'agit d'un facteur limitant bien identifié. La capacité de recherche sur X. fastidiosa est actuellement clairement limitée par le nombre de personnel de recherche. Cette situation, au moins pour les expérimentations de terrain, conduit nécessairement à chercher des synergies entre structures mobilisables. Dans l'état de ce que comprend la mission, cela rend également probable qu'il ne sera pas possible de mettre en évidence des schémas causaux simples, et qu'il sera nécessaire de raisonner en termes de facteurs prédisposants, de facteurs déclenchants et de facteurs aggravants. Sur une base biostatistique reposant sur les foyers identifiés par les analyses validées par l'ANSES, l'équipe de l'INRA d'Avignon (Samuel Soubeyrand) identifie notamment le caractère déterminant des trois facteurs suivants : · · · les températures journalières minimales de janvier et février, avec (travaux en cours non encore finalisés et validés) un seuil compris entre 5 et 5,4 °C ; le stress hydrique ; des usages du sol liés aux activités humaines, facteur dont la portée justifie néanmoins
146 En gardant également en mémoire que les analyses de l'ANSES ont parfois identifié la présence de la bactérie sans pouvoir déterminer la sous-espèce, conduisant à ne pas prendre en compte ce résultat dans les décomptes officiels, ce qui conduit aussi à considérer la liste des 36 comme sous-estimée. Néanmoins selon les informations dont dispose la mission, cela ne concerne que des espèces pour lesquelles l'INRA a identifié la présence de la bactérie et la sous-espèce : il n'y a donc pas de double compte. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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une certaine prudence, car les échantillons récoltés ne sont pas statistiquement uniformément répartis sur tous les cas de figure en matière d'occupation du sol, compte tenu du fait que le maquis est difficilement accessible et que les prélèvements dans le maquis sont essentiellement faits à côté de villages, de cultures ou de routes. L'attention de la mission a été appelée par de nombreux acteurs corses sur l'ampleur des stress climatiques de ces dernières années, y compris hors période estivale, et sur les particularités des températures et de la pluviométrie depuis quelques années (et en particulier 2017). Certains font donc des hypothèses en termes aussi bien d'effet-seuil que d'effets cumulés, pouvant avoir interféré par la dynamique de la bactérie et de ses insectes vecteurs, mais aussi en termes de stress hydrique. Néanmoins, mise à part les réflexions de la FREDON, la mission n'a identifié aucun travail mené en Corse sur ce point pour tenter de caractériser, soit les spécificités climatiques de ces dernières années, soit les tendances depuis les années 1960 (présumées avoir vu l'introduction de la bactérie en Corse), soit en termes d'effets cumulés. La mission a donc interrogé une équipe du CNRS de Montpellier travaillant sur le stress hydrique des chênes verts (cf. Chapitre milieux naturels et annexe sur le même sujet). En réponse à une question de la mission, J.Y. Rasplus (INRA) a répondu par mail : « Le résultat combiné de la réponse bactérienne et celle du vecteur, à la fois soumis à une sécheresse estivale plus forte sur versant sud (diminuant la présence des deux organismes), mais à une température globalement plus élevée en hiver est difficile à prédire, et le résultat en termes épidémiologiques encore plus. On peut poser comme hypothèse que la présence de la bactérie est facilitée par la température hivernale plus douce, mais que la présence du vecteur ne devrait pas trop être affectée, car il estive en période chaude. Donc globalement, cela devrait résulter en des versants sud plus propices à la présence de Xf, sauf à ce que les températures estivales trop chaudes aient un effet délétère sur la bactérie. » Concernant la bactérie, il pourrait exister une certaine régulation par le climat, du type de celle décrite en Amérique du Nord pour la sous-espèce fastidiosa en Californie, et présumée pour la sous-espèce multiplex dont la présence en Corse est avérée. Ceci pourrait expliquer, à l'occasion de périodes de froid (dont le seuil de température et de durée est actuellement difficile à caractériser), un « certain » assainissement de « certains » végétaux restant néanmoins contaminés, conduisant la maladie à repartir avec la chaleur. Ceci semble cohérent avec la capacité de certains vieux polygales à donner le sentiment d'être morts, mais de repartir en végétation après des périodes de froid. L'altitude maximale d'observation de Philaenus spumarius par l'INRA en Corse semble avoir été de 885 mètres à Salice, Bocca di Tartavellu ; néanmoins quelques individus ont été collectés plus haut. Mais l'espèce semble capable de vivre bien plus haut, et l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier dit l'avoir collectée à 1700 m d'altitude dans les Alpes. Ceci peut être mis en relation avec le fait que l'échantillon végétal contaminé à la plus haute altitude identifié par les prospections de la FREDON est une immortelle à 933 mètres d'altitude, le long d'une route. Concernant les analyses sur végétal, l'altitude semble un facteur important, puisque selon la FREDON de Corse, le pourcentage d'échantillons positifs passe d'environ 30 % pour les prélèvements entre 0 et 100 mètres, à quasiment 0 % au-delà de 600 mètres. En prenant en compte la bactérie, son vecteur et les paramètres de l'environnement, l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier confirme le discours de Donato Boscia selon lequel la sous-espèce pauca, incontestablement la plus virulente actuellement en Europe, semble globalement adaptée à un contexte climatique chaud dont l'extension est actuellement assez limitée en Europe méditerranéenne (même si le changement climatique pourrait agrandir cette zone potentiellement
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accueillante). Elle ne représente donc pas le danger le plus fort pour l'Europe dans son ensemble, ce qui n'est pas nécessairement le cas pour les zones méditerranéennes les plus chaudes. Par contre, le risque lié à la sortie de la sous-espèce multiplex de la forêt tempérée nord-américaine où les équilibres actuels reflètent une coévolution depuis 5 ou 10 000 ans pourrait représenter un danger qu'il n'est pas simple de caractériser. Dans un « pré-print147 » rendu public , l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier propose des cartes de probabilité décrivant les zones où la bactérie pourrait trouver des conditions favorables, actuellement et dans le cadre de certaines hypothèses sur la changement climatique 148. Le niveau de précision de telles approches reposant sur des approches statistiques à un moment où toutes les connaissances ne peuvent être considérées comme stabilisées sur les exigences (et compensations éventuelles entre facteurs) de la bactérie pour causer des dommages significatifs, ne permet cependant pas de répondre précisément à la question du risque d'introduction de la sous-espèce pauca en Corse149 : la mission propose de considérer comme a priori faible, mais pas nulle, la probabilité que la sous-espèce pauca puisse rencontrer en Corse des conditions facilitant son développement et des dégâts. Les risques de recombinaison À la faveur de l'introduction de X. fastidiosa dans une nouvelle région, il existe deux effets possibles : · · l'émergence d'une maladie déjà décrite sur un végétal donné, mais dans une nouvelle région ; l'émergence d'une nouvelle maladie jamais encore décrite sur un nouveau végétal hôte.
X. fastidiosa est une bactérie particulièrement apte à la recombinaison. Or les recombinaisons génétiques favorisent le second effet sus-mentionné. Ainsi aux USA, le génome de la « nouvelle » sous-espèce morus (identifiée sur Morus alba) semble constitué de manière à peu près égale de matériel génétique issu de la sous-espèce fastidiosa et de la sous-espèce multiplex : les sept gènes de ménage analysés par MLST sont en effet constitués de 3 gènes de la sous-espèce fastidiosa, de trois gènes de la sous-espèce multiplex et d'un gène provenant d'une recombinaison des deux sous-espèces. Des échanges génétiques ont créé un nouveau génome via une « recombinaison homologue interspécifique » (interspecific homologous recombination, IHR en anglais). Des études portant sur des isolats de X. fastidiosa sur Citrus et sur caféier au Brésil ont par ailleurs démontré une telle recombinaison IHR depuis la sous-espèce multiplex sur la sous-espèce pauca (Almeida et al., 2008 ; Nunney et al., 2012). Ceci conduit Almeida et Nunney (2015) à estimer que : · la question des flux de gènes est une question importante pour l'émergence des maladies dues à X. fastidiosa ; · l'introduction de nouveaux allèles dans une région où X. fastidiosa est déjà présente représente un risque significatif, et mérite d'être prise en compte par les autorités régulatrices des échanges.
147 Projet d'article soumis à une revue scientifique, mais rendu immédiatement public sur un site spécialisé, donc avant la publication officielle qui n'interviendra qu'après relecture par les pairs. 148 L'équipe du CNRS de Vignola a évoqué devant la mission l'hypothèse que le changement climatique pourrait peut-être favoriser le passage à deux générations par ans de P. spumarius, en rappelant que Euscelis lineolates se caractérise d'ores et déjà deux générations par an en Corse. 149 La mission garde en mémoire le constat italien que la vitesse de progression du front d'infection vers le Nord dans les Pouilles semble se ralentir, ce qui pourrait peut-être être mis en relation avec des conditions environnementales (et notamment climatiques) moins favorables, sans qu'il soit actuellement possible de le démontrer. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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En plus de la présence massive de deux ST (ST6 et ST7) en France les analyses de l'INRA ont conduit à identifier en Corse, dans trois échantillons, trois autres ST : ST53 (sous-espèce pauca dans le cas dit du « chêne de Balagne », dans un contexte où l'éradication immédiate n'a pas permis de réitérer les analyses), ST76 (rattachée à la sous-espèce sandyi, déjà décrite sur caféiers interceptés en Île-de-France et Pays de la Loire, pas en Corse), et surtout ST79. Cette ST79, rattachée à la sous-espèce multiplex, trouvée sur polygale, peut laisser penser 150 à une recombinaison entre les sous-espèces multiplex (ST6 ou ST7) et sandyi (ST72 ou ST76), sans que l'on puisse trancher entre les deux hypothèses selon lesquelles cette recombinaison aurait eu lieu en Corse ou hors de Corse. L'ANSES n'a jamais pu, dans ses analyses, confirmer la présence de recombinants, mais considère cette hypothèse comme suffisamment vraisemblable pour l'inclure sur ses cartes (source : Françoise Poliakoff). Au sein d'une même sous-espèce, il existe par ailleurs des accumulations de mutations génétiques ponctuelles (Lousteau, 2016, synthèse bibliographique sur X. fastidiosa sur chênes et autres arbres forestiers), mais aussi des échanges génétiques. L'ensemble de ces considérations devrait conduire à une réelle vigilance dans les programmes de sélection de végétaux résistants ou tolérants à Xylella fastidiosa en vue de leur plantation en Corse. La recherche en cours en France Au niveau européen, il existe un très important effort de recherche scientifique financé par la Commission européenne (projets XF ACTORS et POnTE 151) auquel des chercheurs français de l'INRA (équipes d'Angers, Avignon et Montpellier) participent. Cette situation explique sans doute le discours selon lequel globalement l'argent n'est actuellement pas un facteur limitant pour avancer dans la compréhension du problème et l'identification de possibles pistes de lutte 152. L'attention de la mission a été appelée sur le fait que certaines hypothèses privilégiées par l'INRA à partir notamment des caractéristiques et spécificités de ce qui est observé en Corse, qui diffère grandement du cas italien, ne vont pas nécessairement dans le sens privilégié par la recherche européenne, et qu'à ce titre il n'a pas toujours été facile d'obtenir des financements européens. Par ailleurs la mission a été sensible à la perspective que tout ou partie de ces recherches donne assez rapidement au gestionnaire du risque des outils ou informations permettant d'améliorer les analyses actuelles, voire d'anticiper certains problèmes. Cette situation rend donc à la fois utile et opportun que les pouvoirs publics français manifestent leur implication dans la recherche sur X. fastidiosa, dès lors que les hypothèses formulées par les équipes de recherche sont clairement enracinées dans un contexte différent de celui de l'Italie et de l'Espagne. De ce point de vue, la promesse faite par la DGAl d'accorder une subvention de 200 000 euros au projet mené par l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier était pertinente. L'INRA a été amené à se substituer en partie à la DGAl, en suscitant des incompréhensions que la mission estime opportun de dissiper. Dans ce contexte, la mission souligne l'intérêt et l'enjeu de la décision 153 de la Collectivité de Corse
150 Il ne peut pas non plus être totalement exclu qu'il puisse y avoir eu présence sur le même végétal des deux sous-espèces de la bactérie. 151 La mission estime que le présent rapport n'est pas le lieu pour décrire et apprécier les projets de recherche financés par la Commission européenne. 152 Toutes les équipes rencontrées ont fait état que le facteur limitant pour elles est bien davantage les effectifs de personnels qualifiés que les crédits. 153 Cette décision va au-delà du seul financement, puisque la Collectivité de Corse a décidé de porter elle-même le projet de recherche (et de ne pas confier ce soin à l'INRA), ce qui manifeste de manière emblématique son implication politique et stratégique forte dans la compréhension et la gestion de ce problème sanitaire. Ce choix permet à la Collectivité de Corse d'être rapidement et régulièrement informée des avancées de la recherche, et de développer des liens avec les équipes de recherches subventionnées. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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de financer un programme de recherche proposé par l'INRA (centre de San-Giuliano), reposant sur quatre axes (test de sensibilité sur certains végétaux corses, approche éco-épidémiologique, protection des collections d'agrumes, dimension sociologique de la gestion du problème X. fastidiosa en Corse). Elle regrette que la participation financière de l'État soit limitée à la seule question des équipements permettant la protection de la collection d'agrumes. Elle constate que la composition du comité de pilotage de ce projet ne semble pas permettre actuellement à la DRAAF, service de l'État administrativement responsable de la gestion technico-administrative du dossier X. fastidiosa en Corse, de participer aux échanges et de bénéficier des informations les plus récentes sur la recherche. De plus l'État, par ailleurs déjà représenté dans ce comité par la DRT et la DREAL, ne participe pas à toutes les réunions, ce qui peut être pénalisant pour une bonne circulation de l'information. De manière générale, la mission a constaté que les trois équipes de l'INRA (Angers, Montpellier et Avignon) actuellement impliquées dans le dossier X. fastidiosa, bien que dotées de moyens humains très limités affectés à X. fastidiosa, effectuent un travail remarquable, qui donne d'ores et déjà de la visibilité européenne aux approches actuellement privilégiées par la recherche française, avec la volonté de miser sur des technologies innovantes. Ceci se voit notamment au travers de la participation à des colloques, à l'intégration en cours dans le réseau européen des chercheurs et experts reconnus par l'OEPP et la Commission européenne, mais aussi via une activité soutenue de publications scientifiques, y compris sous la forme de « pré-prints » avant même la validation par les pairs dans le cadre des comités de lecture. Cependant ces trois équipes mènent leurs travaux de manière assez indépendante154, dans un cadre où le département compétent de l'INRA ne s'est actuellement pas mis en situation d'organiser une coordination plus forte, ni ne semble le souhaiter, ce qui pourrait nuire à l'efficience globale de l'approche scientifique de cette bactérie et de ses impacts pour les cultures et les milieux naturels en France. La mission souligne l'intérêt de l'initiative prise par l'INRA d'organiser un séminaire d'information sur l'état des connaissances, très ouvert, en octobre 2017, à Paris. La mission ne peut qu'inciter l'INRA à rééditer ce type d'initiative (si possible en Corse), en veillant à ce que les acteurs corses soient informés bien à l'amont, dans le cadre notamment du CROPSAV. La mission partage avec le chef de département de l'INRA la conviction qu'il est nécessaire de mobiliser rapidement de nouvelles compétences scientifiques, permettant de mieux articuler les approches écologiques et agronomiques, pour travailler sur les approches prophylactiques, sans se limiter au seul contexte corse. Par ailleurs il existe un manque de collaboration entre l'INRA et l'ANSES sur l'amélioration des méthodes de détection et d'analyses, conduisant à des relations non optimales entre organismes et à des messages de fait différents vis-à-vis des partenaires corses. Cette situation est très préjudiciable au regard de la question cruciale des résultats non systématiquement convergents sur le diagnostic de la maladie en Corse : liste des plantes-hôtes, présence d'une ou plusieurs sous-espèces, ST... même si la mission est très sensible au fait qu'une méthode utilisée en recherche n'a pas forcément vocation à être utilisée en routine. Il est légitime qu'elle opte pour un niveau de sensibilité plus élevé et il est recevable de ne pas demander une convergence, les objectifs des deux approches étant différents.
154 Par exemple, le choix de recourir à la méthode nested MLST a été pris en parallèle par les équipes d'Angers et de Montpellier, mais de manière indépendante et non concertée, découverte a posteriori. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Annexe 8 : le cadre réglementaire de la lutte contre Xylella fastidiosa 1 Organisation de la réglementation
La réglementation relative aux mesures contre Xylella fastidiosa est fondée sur trois niveaux :
1.1 le niveau communautaire :
·
pour la réglementation à caractère général ;
la directive 2000/29/CE du Conseil du 8 mai 2000 fixe les mesures de protection contre l'introduction dans la Communauté européenne d'organismes nuisibles aux végétaux, et contre leur propagation à l'intérieur de la Communauté. Les inspections sur les végétaux et les produits végétaux dans les points d'entrée communautaires (PEC), les pépinières et les revendeurs de végétaux, pour chercher l'éventuelle présence de Xylella fastidiosa et de ses vecteurs, sont fondés sur cette directive. En effet, ce texte classe comme organismes nuisibles dont l'introduction et la dissémination doivent être interdites dans tous les États membres :
la bactérie Xylella fastidiosa (annexe IA1155) ; les Cicadellidae156 non européens connus en tant que vecteurs de la maladie de Pierce causée par Xylella fastidiosa (annexe IA1). Le risque d'introduction sur le territoire de l'Union européenne de ces arthropodes, meilleurs vecteurs de Xylella fastidiosa que les insectes piqueurs-suceurs européens, suscite en effet des inquiétudes.
le règlement (UE) 2016/2031 du 26 octobre 2016 (dit règlement santé des végétaux) relatif aux mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux, constitue une refonte de la législation phytosanitaire de l'Union Européenne. Il abrogera et remplacera sept directives du Conseil sur les organismes nuisibles (dont la directive 2000/29/CE) et deviendra pleinement applicable le 13 décembre 2019. la décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission du 18 mai 2015 fixe les mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa. Ce texte est fréquemment révisé. Les dernières modifications ont été apportées par la Décision d'exécution (UE) 2017/2352 de la Commission du 14 décembre 2017, qui classe la Corse comme une zone d'enrayement (annexe II partie B), et non plus d'éradication. Cette disposition ouvre donc pour la France la possibilité de mettre en oeuvre les mesures d'enrayement. la base de données157 de la Commission répertoriant les végétaux hôtes sensibles à Xylella fastidiosa sur le territoire de l'Union. La décision d'exécution (UE) 2015/789 renvoie à plusieurs reprises vers cette base de données, dont la dernière version publiée à ce jour date du 15 février 2018. la base de données158 de la Commission répertoriant les tests validés pour la détection de Xylella fastidiosa et l'identification de ses sous-espèces.
·
pour la réglementation spécifique à Xylella fastidiosa :
155 Annexe IA1 : organismes nuisibles dont l'introduction et la dissémination doivent être interdites dans tous les États membres, partie : organismes nuisibles inconnus dans la communauté et importants pour toute la communauté. 156 Carneocephala fulgida, Draeculacephala minerva, Graphocephala atropunctata. 157 Commission database of host plants found to be susceptible to Xylella fastidiosa in the Union territory Update 10, 15.02.2018. 158 Commission database of validated tests for the identification of the Xylella fastidiosa and its subspecies as reffered to in article 3(2) of Commission implementing decision (EU) 2015/789, 12.12.2017. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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1.2 le niveau ministériel :
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l'arrêté ministériel du 15 décembre 2014 classe Xylella fastidiosa comme un danger sanitaire de 1ère catégorie pour les espèces végétales. Les principales conséquences de ce classement sont les suivantes :
en application de l'article L.201-1 du code rural et de la pêche maritime, cet agent pathogène requiert, dans un but d'intérêt général, des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte rendues obligatoires par l'autorité administrative. l'article L.201-7 du code rural et de la pêche maritime précise que les laboratoires doivent communiquer immédiatement à l'autorité administrative tout résultat d'analyse conduisant à suspecter ou constater la présence d'un danger sanitaire de première catégorie, ce qui est donc le cas de Xylella fastidiosa.
·
l'arrêté ministériel du 23 décembre 2015 rend d'application immédiate les mesures définies par la décision d'exécution (UE) 2015/789, et donne aux préfets le pouvoir de définir les zones délimitées (cf. ci-après). Ce texte a été modifié par l'arrêté ministériel du 17 janvier 2018, précisant pour les mesures d'enrayement, qu'elles sont mises en oeuvre pour l'ensemble de la Corse. l'arrêté ministériel du 26 juillet 2017 porte sur la prise en charge partielle des indemnisations versées par le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) aux agriculteurs ayant subi des pertes économiques consécutives aux mesures de lutte contre Xylella fastidiosa.
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1.3 le niveau préfectoral :
Les préfets des régions Corse et PACA ont adopté des arrêtés fixant des mesures de lutte contre Xylella fastidiosa. Pour la Corse, il s'agit des textes suivants :
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l'arrêté préfectoral n° 15-580 du 30 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse. Ce texte a été modifié par l'arrêté n°15-970 du 9 octobre 2015. Il interdit l'introduction des végétaux spécifiés en Corse quelle que soit leur origine, mais en prévoyant des mesures dérogatoires pour les professionnels sous conditions. Les dérogations ne peuvent pas porter toutefois sur du matériel végétal en provenance de zones délimitées vis à-vis de Xylella fastidiosa. Le principe même de cet arrêté et l'existence de ces dérogations, reposant sur une analyse de risque, au cas par cas et évolutive, qui ne fait pas l'objet d'une procédure écrite vis-à-vis des professionnels, suscitent de vifs débats avec des points de vue très différents selon les secteurs d'activité, et une démarche contentieuse est en cours devant le Tribunal administratif. l'arrêté préfectoral n° 15-0887 du 25 septembre 2015 relatif au recensement et à la destruction ciblée des polygales à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia) en Corse. Ce texte a été modifiée par l'arrêté n°16-1864 du 3 octobre 2016.
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2 Mesures communautaires pour éviter l'introduction et la propagation de Xylella fastidiosa.
La décision d'exécution (UE) 2015/789 détermine l'essentiel des mesures destinées à éviter l'introduction et la propagation de Xylella fastidiosa. Le contenu de ce texte est synthétisé dans les paragraphes qui suivent.
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2.1 Les végétaux spécifiés et les végétaux hôtes.
La décision d'exécution 2015/789 fait une distinction dans son article premier entre les végétaux spécifiés et les végétaux hôtes.
2.1.1 Les végétaux spécifiés
Les végétaux spécifiés sont les végétaux destinés à la culture ou à la plantation dont la sensibilité aux isolats européens et non européens de Xylella fastidiosa est connue. Sur le plan formel, les végétaux spécifiés sont les végétaux hôtes de Xylella fastidiosa et tous les végétaux destinés à la plantation, à l'exception des semences, appartenant aux genres ou aux espèces énumérés à l'annexe I de la décision d'exécution 2015/789. La liste initiale des végétaux spécifiés a été modifiée par les trois décisions d'exécution de 2015, 2016 et 2017, avec l'ajout de nouveaux végétaux et la suppression d'autres espèces. La dernière version de la liste des végétaux spécifiés porte sur 230 plantes (194 espèces et 36 genres). Elle est sensiblement plus longue que celle des végétaux hôtes, puisqu'elle englobe cette dernière.
2.1.2 Les végétaux hôtes
Les végétaux hôtes sont les végétaux destinés à la plantation 159, à l'exception des semences, appartenant aux genres ou espèces énumérés dans la base de données de la Commission répertoriant les végétaux hôtes sensibles à Xylella fastidiosa sur le territoire de l'Union. Ces végétaux ont donc été détectés contaminés par Xylella fastidiosa sur le territoire de l'Union, par une ou plusieurs de ses sous-espèces. Cette base de données fournit les listes de végétaux hôtes pour chacune des sous-espèces de Xylella fastidiosa. En conséquence, il est important de connaître la sous-espèce de Xylella fastidiosa dans un foyer en zone d'enrayement ou en zone d'éradication. En effet l'identification de la sous-espèce permet de savoir quels sont les végétaux hôtes cités dans la liste correspondante qui devront respectivement, selon la zone, être surveillés ou arrachés dans un rayon de 100 m autour du foyer. Ces listes sont mises à jour périodiquement en fonction des nouvelles détections sur le territoire de l'Union européenne. Il faut compter un délai de 6 mois entre la détection et la mise à jour de la base de données. Par exemple, le renforcement de la surveillance en région PACA a conduit à détecter en 2017 la présence de Xylella fastidiosa subsp. multiplex sur la luzerne (Medicago sativa), et sur un végétal d'ornement, l'Euryops à fleurs de chrysanthème (Euryops chrysanthemoides). Ces deux végétaux ont été ajoutées à la liste relative à la sous-espèce multiplex en février 2018. Par ailleurs, l'olivier (Olea europaea) a également été inséré en juillet 2017 dans la liste des végétaux hôtes de la sous-espèce multiplex. Cette inscription présente des conséquences pour la filière oléicole lors de la gestion des foyers en zone d'éradication : obligation d'arrachage dans un rayon de 100 mètres autour du foyer avec Xylella fastidiosa subsp. multiplex. La liste communautaire des végétaux hôtes pour Xylella fastidiosa cite un grand nombre d'espèces présentes en Corse :
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des végétaux poussant dans le milieu naturel : asperge sauvage (Asparagus acutifolius), calicotome velu (Calicotome villosa), ciste de Montpellier (Cistus monspeliensis), faux genêt d'Espagne (Spartium junceum), genêt de Corse (Genista corsica), immortelle d'Italie
159 En pratique la liste communautaire des végétaux hôtes comporte également de nombreux végétaux des espaces naturels non cultivés et non « destinés à la plantation ». CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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(Helichrysum italicum), phagnalon des rochers (Phagnalon saxatile), laurier-rose160 (Nerium oleander), romarin (Rosmarinus officinalis)...
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des plantes cultivées comme végétaux d'ornement : laurier-rose (Nerium oleander), polygale à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia)... des végétaux cultivés en zones agricoles : amandier (Prunus dulcis), cerisier (Prunus avium), olivier (Olea europaea), prunier (Prunus domestica), vigne (Vitis vinifera), immortelle d'Italie (Helichrysum italicum).romarin (Rosmarinus officinalis)...
·
En revanche, le clémentinier (Citrus clementina) et le pomelo (Citrus maxima), qui sont des productions importantes en Corse, ne sont pas inscrites dans la liste des végétaux hôtes (aucune détection sur le territoire de l'Union européenne), tout en étant dans la liste des végétaux spécifiés.
2.2 Les mesures de surveillance du territoire.
La décision d'exécution communautaire rend obligatoire la déclaration de toute détection et de toute suspicion de présence de Xylella fastidiosa auprès de l'autorité phytosanitaire, qui prend les mesures nécessaires pour confirmer cette présence (article 2). Les détections doivent être signalées à la Commission européenne et aux autres États membres. Elle impose également aux États membres de mener des enquêtes annuelles visant à déceler la présence de ce pathogène sur les végétaux spécifiés. Ces plans de surveillance doivent tenir compte des lignes directrices161 énoncées par la Commission, et recourir aux tests analytiques de détection et d'identification de Xylella fastidiosa et de ses sous-espèces cités dans la base de données communautaire (article 3). Les diagnostics doivent être réalisés en conformité avec les protocoles de l'OEPP162. La présence de Xylella fastidiosa (article 3.2) fait l'objet :
·
dans les zones délimitées (cf. ci-après) d'une détection au moyen d'un test, et si les résultats sont positifs, son identité est déterminée au moyen d'au moins un test moléculaire supplémentaire positif ; dans les zones non délimitées, d'une détection au moyen d'un test moléculaire, et si les résultats sont positifs, son identité est déterminée au moyen d'au moins un test moléculaire supplémentaire positif.
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En France, des laboratoires sont agréés pour mettre en oeuvre la méthode officielle MA039 fondée sur le test de PCR en temps réel selon Harper (qPCR). Ils réalisent le premier des tests prévus par la réglementation communautaire. En cas de résultat positif, ils communiquent les échantillons au laboratoire national de référence de l'ANSES à Angers, pour effectuer le second de ces tests, et une identification de la sous-espèce de Xylella fastidiosa. Chaque État membre doit, avant le 31 décembre 2016, établir un plan d'urgence énonçant les actions à entreprendre sur son territoire en cas de présence confirmée ou suspectée de Xylella fastidiosa (article 3 bis).
160 Cette espèce pousse naturellement à l'état sauvage en Corse, le long de ruisseaux à écoulement saisonnier (ruisseaux des environs de Saint-Florent, Fium'Albino, ruisseau de Farinole, ruisseau de Luri) ; elle bénéfice alors du statut d'espèce protégée. 161 Guidelines for the survey of Xylella fastidiosa (Wells et al.) in the Union territory, 16 December 2015. 162 Diagnostics PM 7/24 (2) Xylella fastidiosa, Bulletin OEPP (2016) 0, 1-38. Diagnostics PM 7/76 (4) Use of EPPO diagnostic protocols, Bulletin OEPP (2017) 47, 7-9. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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2.3 Les zones délimitées.
Lorsque Xylella fastidiosa est identifié sur son territoire, l'État membre établit une zone délimitée (article 4) comprenant :
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une zone infectée engobant tous les végétaux infectés, présentant des symptômes ou susceptibles d'être infectés ; une zone tampon autour de la zone infestée d'une largeur d'au moins 5 km. Sous certaines conditions d'assainissement et de surveillance du territoire, la largeur de la zone tampon peut être réduite à 1 km. En revanche, lorsque des mesures d'enrayement sont mises en oeuvre, la largeur est d'au moins 10 km (article 4.2).
·
Dans le cas de la Corse, la totalité du territoire insulaire a été déclarée comme une zone infectée. Comme il n'y a pas de territoire dans un rayon de 10 km autour de la Corse, il n'y a pas de zone tampon autour de la zone infectée. Toute la Corse est donc une zone délimitée. En fonction des résultats de la surveillance du territoire au fil du temps, ces zones peuvent être levées, ou bien, au contraire, elles doivent être étendues. La plantation de végétaux hôtes dans les zones infectées est interdite, sauf dans le cas de sites matériellement protégés contre l'introduction de Xylella fastidiosa par ses vecteurs (article 5). Par dérogation et sous conditions, l'État membre peut accorder des autorisations de plantation de végétaux hôtes dans les zones infectées si le territoire est classé en enrayement. Il doit privilégier les variétés présentant une tolérance ou une résistance à Xylella fastidiosa.
2.4 Les mesures d'éradication.
Dans une zone délimitée, lorsqu'un végétal fait l'objet d'analyses révélant une contamination, l'État membre doit enlever immédiatement (article 6) dans un rayon de 100 mètres autour du foyer (soit un peu plus de 3 hectares), et détruire de manière à éviter la propagation de la maladie :
· · ·
les végétaux infectés ; les végétaux avec des symptômes ou soupçonnés d'être infectés ; les végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire.
Toutefois, les végétaux hôtes dont la valeur historique est officiellement reconnue ne sont pas détruits s'ils sont indemnes, physiquement isolés des vecteurs et s'ils bénéficient de bonnes pratiques agricoles sanitaires. Dans un rayon de 100 mètres autour de chacun des végétaux infectés :
·
des traitements163 phytosanitaires doivent être appliqués contre les insectes vecteurs avant l'enlèvement des végétaux contaminés ; des échantillons doivent être prélevés sur les végétaux spécifiés à des fins d'analyse en respectant la norme NIMP n° 31164.
·
L'origine de l'infection doit être recherchée, et les États membres concernés par les mouvements des végétaux contaminés doivent être informés.
Dans la zone tampon, la surveillance de la santé des végétaux s'appuie sur un quadrillage du
163 Le terme de traitement est ici employé au sens de la norme NIMP n°5, à savoir : « Procédure officielle pour la destruction, l'inactivation, l'élimination ou la stérilisation d'organismes nuisibles, ou pour la dévitalisation », et non seulement pour désigner des traitements avec des produits phytopharmaceutiques. 164 Méthodes d'échantillonnage des envois Norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP) n° 31 du Secrétariat de la Convention internationale pour la protection des végétaux (Rome, publiée en 2008). CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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territoire :
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en carrés de 100 mètres de côté sur au moins 1 kilomètre autour de la zone infectée ; en carrés de 1 kilomètre de côté dans le reste de la zone tampon. mener des enquêtes annuelles sur l'état sanitaire des végétaux spécifiés ; sensibiliser le public aux menaces liées à Xylella fastidiosa et aux mesures adoptées pour empêcher son introduction et sa propagation. Il met en place une signalisation routière indiquant les limites de la zone délimitée ; appliquer des pratiques agricoles adaptées pour la gestion de la bactérie et de ses vecteurs.
L'État membre doit aussi :
· ·
·
2.5 Les mesures d'enrayement.
Par dérogation (article 7), l'État membre peut décider d'appliquer les mesures d'enrayement dans la zone définie dans l'annexe II de la décision d'exécution. Dans ce cas, la liste suivante de mesures doit être mise en oeuvre :
·
enlever et détruire tous les végétaux dont l'infection a été constatée (et uniquement ceuxci), en prenant les précautions nécessaires pour éviter la propagation de Xylella fastidiosa ; avant l'enlèvement des végétaux contaminés, procéder à des traitements phytosanitaires appropriés contre les insectes vecteurs et contre les végétaux susceptibles d'héberger ces vecteurs. Ces traitements peuvent inclure, s'il y a lieu, l'enlèvement de végétaux. prélever au moins deux fois par an dans un rayon de 100 mètres autour du foyer des échantillons sur les végétaux hôtes à des fins d'analyse en respectant la norme NIMP n° 31 ; appliquer des pratiques agricoles adaptées pour la gestion de la bactérie et de ses vecteurs ; mener des enquêtes annuelles, au moins dans les lieux suivants :
·
·
·
·
l'environnement de sites de production de végétaux spécifiés destinés à être déplacés par dérogation en dehors des zones délimitées ; les sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière ; les zones infestées situées à moins de 20 km du reste du territoire. Ce dernier point ne s'applique pas à la Corse (article 7.7).
Dans ces trois types de lieux, la surveillance s'appuie sur un quadrillage en carrés de 100 mètres de côté. La pratique de terrain montre que si une zone de maquis se trouve dans le périmètre à surveiller, il peut être extrêmement difficile ou impossible de pénétrer dans le milieu naturel. Le classement de la Corse comme une zone d'enrayement et la décision ministérielle d'appliquer les mesures d'enrayement entraînent les modifications présentées dans le tableau suivant.
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Différences entre les mesures d'éradication et d'enrayement pour la Corse
Mesures Gestion des foyers.
Zone d'éradication
Zone d'enrayement en Corse
Destruction dans un rayon de Destruction uniquement des 100 m autour du foyer des : végétaux dont l'infection a été constatée. · végétaux infectés ;
·
végétaux avec symptômes soupçonnés infectés ;
des ou d'être
·
végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire.
Dérogation à la destruction pour les végétaux hôtes indemnes à valeur historique, sous conditions. Traitements avant Avant enlèvement des végétaux l'enlèvement des infectés : traitements phytovégétaux contaminés. sanitaires appropriés contre les insectes vecteurs dans un rayon de 100 mètres autour du foyer. Avant enlèvement des végétaux infectés : traitements phytosanitaires appropriés contre les insectes vecteurs et contre les végétaux susceptibles d'héberger ces vecteurs.
Surveillance dans un Prélèvements sur les végétaux Prélèvements au moins deux fois rayon de 100 m autour spécifiés à des fins d'analyse. par an sur les végétaux hôtes à du foyer. des fins d'analyse. Surveillance dans zone tampon. Enquêtes annuelles la Quadrillage du territoire en zone Pas de zone tampon en Corse. tampon. Enquêtes sur l'état sanitaire des Enquêtes au moins dans : végétaux spécifiés. · l'environnement de sites de végétaux spécifiés destinés à être déplacés en dehors des zones délimitées ;
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les sites de végétaux avec une valeur particulière.
Dans ces lieux : quadrillage du territoire en carrés de 100 m de côtés.
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2.6 Les mouvements intracommunautaires de végétaux.
En dehors des cultures in vitro, et des végétaux spécifiés résistants à la sous-espèce de Xylella fastidiosa présente, et précisés dans l'annexe III 165 de la décision communautaire, les végétaux spécifiés cultivés dans une zone délimitée sont interdits de déplacement (article 9) :
· ·
vers les zones tampons ; en dehors des zones délimitées.
Par dérogation (article 9.2), ces mouvements peuvent avoir lieu si les végétaux spécifiés ont été cultivés sur site :
· · · · ·
immatriculé166 au titre du contrôle phytosanitaire ; protégé matériellement contre l'introduction de Xylella fastidiosa par ses vecteurs ; traité contre les insectes vecteurs ; inspecté deux fois par an par l'organisme officiel ; entouré d'une zone de 100 mètres inspectée deux fois par an par l'organisme officiel, et surveillée en continu par les exploitants ; surveillé en continu par l'exploitant pour rechercher des symptômes de Xylella fastidiosa et des insectes vecteurs ; bénéficiant d'une autorisation par l'organisme officiel en tant que site indemne de Xylella fastidiosa et de ses vecteurs.
·
·
Outre la mise en oeuvre des éléments repris ci-dessus, avant le mouvement des végétaux :
· ·
des traitements sont réalisés sur les lots contre les insectes vecteurs ; des analyses annuelles sont réalisées sur des échantillons des végétaux spécifiés présents sur le site ; une inspection visuelle officielle et des tests moléculaires sont effectuées sur les lots de végétaux spécifiés, à un moment aussi proche que possible du mouvement.
·
Par dérogation, les mouvements de végétaux dormants de Vitis sont également possibles depuis un site immatriculé si le matériel végétal a subi un traitement par thermothérapie selon la norme OEPP167. Lorsque les végétaux spécifiés sont déplacés à travers des zones délimitées ou à l'intérieur de celles-ci, ils sont déplacés dans des récipients, conteneurs ou emballages fermés pour ne pas être contaminés par Xylella fastidiosa ou infestés par un insecte vecteur.
165 Variétés de végétaux spécifiés non sensibles à la souche concernée des sous-espèces de l'organisme spécifié, annexe III de la décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission du 18 mai 2015. 166 Directive 92/90/CEE de la Commission du 3 novembre 1992 établissant certaines obligations auxquelles sont soumis les producteurs et importateurs de végétaux, produits végétaux ou autres objets ainsi que les modalités de leur immatriculation (JO L 344 du 26.11.1992, p. 38). 167 OEPP (Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes), «Hot water treatment of grapevine to control Grapevine flavescence dorée phytoplasma», Bulletin OEPP/EPPO Bulletin, 2012, 42(3), 490492. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Les végétaux spécifiés cultivés dans une zone délimitée ne sont déplacés vers et sur le territoire de l'Union européenne que s'ils sont accompagnés d'un passeport phytosanitaire européen168. Les végétaux hôtes cultivés à l'extérieur des zones délimitées ne peuvent se déplacer à l'intérieur de l'Union européenne que si :
· · ·
ils sont produits dans un site faisant l'objet d'une inspection officielle annuelle ; ils sont accompagnés d'un passeport phytosanitaire européen ; des exigences spécifiques (article 9.8) sont respectées dans le cas de six espèces végétales présentant un risque particulier : caféier (Coffea sp.), lavande dentée (Lavandula dentata), laurier-rose (Nerium oleander), olivier (Olea europaea), polygale à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia) et amandier (Prunus dulcis). En effet, les végétaux destinés à la plantation (à l'exception des semences) pour ces espèces doivent avoir été cultivés sur un site faisant l'objet d'une inspection officielle annuelle, et d'un prélèvement d'échantillons pour des analyses selon la procédure prévue pour les zones non délimitées.
Des exigences sont également fixées pour les mouvements des plantes-mères initiales de certaines espèces végétales, et les végétaux spécifiés cultivés in vitro (article 9bis). Des règles de traçabilité sont définies (article 10), ainsi qu'un cadre pour les contrôles officiels des mouvements de végétaux spécifiés. Enfin, des campagnes de sensibilisation doivent être réalisées vers le grand public, les voyageurs, les professionnels et les transporteurs internationaux. L'application à la Corse des principes liés aux mouvements intracommunautaires de végétaux est résumé dans le tableau ci-après.
168 Directive 92/105/CEE de la Commission du 3 décembre 1992 établissant une certaine normalisation des passeports
phytosanitaires à utiliser pour les mouvements de certains végétaux, produits végétaux ou autres objets à l'intérieur de la Communauté et fixant les modalités relatives à la délivrance de tels passeports phytosanitaires, ainsi que les conditions et modalités de leur remplacement (JO L 4 du 8.1.1993, p. 22). CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Mouvements intracommunautaires de végétaux en lien avec le risque Xylella fastidiosa en Corse Déplacement Mouvement Départ Arrivée Interdit pour les végétaux spécifiés, sauf dérogation accordée sous les conditions définies par l'article 9.2. Autorisé pour les végétaux dormants de Vitis depuis un site immatriculé si le matériel végétal a subi un traitement par thermothérapie, et autres conditions. Autorisé sous conditions pour les cultures in vitro et les variétés résistantes précisées dans l'annexe III de la décision communautaire.169 Végétaux accompagnés d'un PPE. Corse (entièrement Zone tampon de la Sans objet : pas de zone tampon en Corse. en zone délimitée) zone délimitée Corse (entièrement Corse (entièrement Les végétaux spécifiés doivent être déplacés dans en zone délimitée) en zone délimitée) des récipients, conteneurs ou emballages fermés. Zone délimitée hors Corse (entièrement Interdit par l'arrêté préfectoral, même pour les de Corse en zone délimitée) professionnels. Zone non délimitée Corse (entièrement Interdit par l'arrêté préfectoral, sauf dérogation en zone délimitée) sous conditions au cas par cas pour les professionnels.
Corse (entièrement Zone non délimitée en zone délimitée)
PPE : passeport phytosanitaire européen
2.7 Les importations de végétaux en provenance des pays tiers
L'introduction dans l'Union de végétaux du genre Coffea destinés à la plantation, à l'exception des semences, originaires du Costa Rica ou du Honduras est interdite (article 15). Par ailleurs, l'autorité phytosanitaire doit être informée du déplacement des caféiers précédemment introduits. Des exigences supplémentaires sont fixées pour les importations de végétaux spécifiés en provenance de pays tiers, selon que la bactérie soit connue (article 17) ou inconnue (article 16). Des règles sont fixées pour le contrôle des végétaux dans les points d'entrée communautaires (PEC) (article 18). Toutefois, il n'y a pas de PEC en Corse 170, et les végétaux originaires des pays tiers soumis au contrôle phytosanitaire ne peuvent pas arriver directement dans l'île. Par ailleurs, il n'existe pas à ce jour de liaison commerciale maritime ou aérienne entre la Corse et une ville hors du territoire européen.
169 Aujourd'hui cette liste ne comporte que trois variétés de Vitis inscrites comme résistantes à X.f. pauca 170 Arrêté du 18 mai 2009 fixant la liste des postes frontaliers de contrôle vétérinaire et phytosanitaire. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Annexe 9 : chronologie
2010 : apparition du « Olive Quick Decline Syndrome » (OQDS) en Apulie (sud-est de l'Italie). Fin 2010 : organisation par le réseau COST 873 d'un séminaire spécifique sur Xylella fastidiosa à l'Istituto Agronomico Mediterraneo di Bari. 2012 : des caféiers ornementaux (Coffea arabica et Coffea canephora) porteurs de la Xylella fastidiosa, en provenance du Mexique et de l'Équateur, sont interceptés à l'importation en France après une identification par l'ANSES-LSV. 21 octobre 2013 : notification par les autorités italiennes de la détection de Xylella fastidiosa sur oliviers touchés par le OQDS à Gallipoli dans les Pouilles. La sous-espèce identifiée est pauca, et la souche est nommée CoDiRO. L'épidémie connaît une forte expansion par la suite. Novembre 2013 : information nationale en CNOPSAV. 2014 : Xylella fastidiosa est détectée aux Pays-Bas, sur des caféiers provenant du Costa Rica. 2014 : l'ANSES-LSV organise un essai inter-laboratoires de validation des méthodes de détection, sur financement POSEIDOM. Ces essais conduisent à retenir une méthode de détection par PCR en temps réel basée sur Harper et al., 2010. Elle est proposée par l'ANSES comme méthode officielle de détection pour la mise en place d'un plan de surveillance national. 13 février 2014 : première décision d'exécution 2014/87/UE concernant des mesures visant à empêcher la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Well et Raju). 27 février 2014 : diffusion de la décision d'exécution par la FREDON Corse aux pépiniéristes. 4 mars 2014 : établissement par la FREDON de Corse de la liste des parasites émergents avec diffusion à l'ensemble des agents. 19 mars 2014 : première surveillance de végétaux susceptibles d'être contaminés par Xylella fastidiosa par la FREDON de Corse, sur un olivier symptomatique d'un particulier. 2 mai 2014 : note nationale d'alerte DGAl-ANSES sur Xylella fastidiosa, avec des photos des symptômes sur les végétaux hôtes. 23 juillet 2014 : deuxième décision d'exécution (UE) 2014/497 concernant des mesures visant à empêcher l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Well et Raju). Remplace la décision 2014/87/UE
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13 août 2014 : diffusion par la FREDON Corse de la note nationale d'alerte sur Xylella fastidiosa auprès des pépiniéristes. 18 août 2014 : création par des producteurs (oléiculture, maraîchage, castanéiculture, forêt) du Collectif Xylella fastidiosa, collectif de lutte contre la bactérie, en réponse à l'invitation de Femu a Corsica. 19 septembre 2014 : CROPSAV Corse consacré en partie à Xylella fastidiosa Septembre 2014 : la FREDON de Corse participe aux contrôles des entrées de végétaux (particuliers et professionnels) dans les ports et dans les espaces verts, particuliers et pépinières. Questions précises posées au SRAL suite aux premières observations. Questions posées à l'ANSES quant aux techniques de prélèvements d'échantillons. Échange SRAL-ANSES-FREDON Corse. Réponses précises du SRAL sur l'organisation au port et décisions à prendre le 24/09/2014 25 septembre 2014 : délibération n°14/173 AC de l'Assemblée de Corse portant adoption d'une motion relative à la nécessité d'empêcher l'introduction en Corse de la bactérie Xylella fastidiosa. Il est notamment demandé de suspendre l'entrée en Corse de plants végétaux. Octobre 2014 : mission dans les Pouilles du SIDOC (financement ODARC) 10 octobre 2014 : « Prévention de l'introduction en Corse de la Xylella Fastidiosa », Point par le préfet de Corse sur l'action des services de l'État 17 octobre 2014 : AG du SIDOC. Présentation par Louis Cesari des retours de la mission financée par l'ODARC, en présence du SRAL. 21 au 22 octobre 2014 : symposium sur Xylella fastidiosa à Gallipoli : « International Symposium on the European outbreak of Xylella fastidiosa in olive ». Présence de la FREDON de Corse, d'élus de l'Assemblée de Corse, Culletivu Xylella, CTC, ODARC, oléiculteurs... Présentation des travaux de l'ANSES sur la méthode de détection. Présence de la DGAl. 23 au 24 octobre 2014 : suite du symposium : technical laboratory workshops at the CRSFA, Locorotondo (dans les Pouilles). Fin octobre 2014 à mi-novembre 2014 : surveillance renforcée par la FREDON de Corse sur les plants de caféier. 20 décembre 2014 : conférence-débat, organisée par l'INRA sur le site de San-Giuliano, sur la biologie de Xylella fastidiosa, avec le professeur Joseph Bové.
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Fin 2014 : de nouveaux lots de caféiers d'ornement en provenance des Pays-Bas, sont interceptés par les inspecteurs à l'importation, et la présence de Xylella fastidiosa est de nouveau confirmée par l'ANSES-LSV. 6 janvier 2015 : expertise de l'European Food Safety Authority (EFSA) « Scientific Opinion on the risks to plant health posed by Xylella fastidiosa in the EU territory, with the identification and evaluation of risk reduction options ». Février 2015 : la FREDON de Corse diffuse auprès du public et des professionnels une plaquette sur Xylella fastidiosa qu'elle a réalisée, et qui a été validée par la préfecture et la DGAl. Elle réalise également 3 posters validés. Un numéro vert d'information sur Xylella fastidiosa est rendu public. Il connaît un pic d'appels (229) en septembre 2015, puis il tombe à 15 en décembre, apparemment par peur des traitements insecticides et des arrachages. Mars 2015 : formations par la FREDON de Corse à la reconnaissance des symptômes pour les agents des douanes (formation sur site). 2 avril 2015 : premier arrêté ministériel relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa (version consolidée au 7 mai 2015) : il précise les conditions de lutte obligatoire, d'importation de végétaux spécifiés, de circulation de végétaux spécifiés dans l'Union Européenne et les obligations de déclaration en cas de présence ou de suspicion de Xylella fastidiosa. 4 avril 2015 : formalisation par écrit du programme de surveillance de Xylella fastidiosa pour 2015 par la FREDON de Corse. 7 avril 2015 : CROPSAV de Corse entièrement consacré à Xylella fastidiosa. 10 avril 2015 : la première note de service (NS 2015-335) de la DGAl décrivant un plan de surveillance spécifique pour Xylella fastidiosa 11 avril 2015 : instruction technique DGAL/SDQPV/2015-335 « Renforcement de la surveillance Xylella fastidiosa sur les flux et chez les établissements revendeurs ». 15 avril 2015 : détection et destruction par la DRIAAF Île-de-France d'un plant de caféier ornemental porteur de la bactérie chez un revendeur de plants de Rungis. Il avait été importé d'Amérique centrale via les Pays-Bas. 30 avril 2015 : arrêté n°15-580 du préfet de Corse relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse. Il interdit l'introduction des végétaux spécifiés quelle que soit leur origine, sauf dérogation pour les professionnels. Mai 2015 : réalisation par la FREDON de Corse d'un document facilitant la reconnaissance des espèces spécifiées et végétaux hôte à destination des agents de la DDCSPP et des siens.
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13 mai 2015 : deuxième Instruction technique DGAL/SDQPV/2015-449 de la DGAl sur le plan de surveillance, plus complète, qui abroge la précédente (celle du 11 avril 2015). 18 mai 2015 : troisième décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). 22 mai 2015 : deuxième arrêté ministériel abrogeant l'arrêté du 2 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa (Well and Raju). 3 au 11 août 2015 : mission d'expertise, à la demande de la DGAl, sur Xylella fastidiosa en Corse, composée de Gilbert Chauvel (DGAl), Astrid Cruaud (INRA), Bruno Legendre (ANSES), JeanFrançois Germain (ANSES), Jean-Yves Rasplus (INRA). 22 juillet 2015 : le premier foyer de Xylella fastidiosa en Corse est découvert sur des Polygala myrtifolia, présentant des symptômes de brûlures foliaires, sur la commune de Propriano, après qu'une technicienne de la Chambre d'agriculture de Corse-du-sud ait signalé à la FREDON des symptômes suspects sur polygale à feuilles de myrte. La FREDON procède à des prélèvements et les envoie au laboratoire national de référence pour Xylella fastidiosa de l'ANSES à Angers. 29 juillet 2015 : déplacement en Corse de M. Stéphane LE FOLL, ministre en charge de l'agriculture, pour rencontrer les professionnels et les services officiels en charge du dossier Xylella fastidiosa. 22 août 2015 : déplacement en Corse de Mme Ségolène ROYAL, ministre en charge de l'environnement, avec une rencontre avec des pépiniéristes et la FREDON au sujet de Xylella fastidiosa. 23 septembre 2015 : création d'un Collectif à propos de Xylella fastidiosa par les pépiniéristes, les paysagistes et les responsables des jardineries insulaires, à Alistro. 25 septembre 2015 : arrêté n°15-887 du préfet de Corse relatif au recensement et à la destruction ciblée des polygales à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia) en Corse (modifié le 3 octobre 2016). 12 octobre 2015 : le premier foyer de Xylella fastidiosa en PACA est découvert sur des Polygala myrtifolia, sur la commune de Nice, dans le quartier Saint-Isidore. 14 octobre 2015 : publication de la méthode officielle MA039 de détection de Xylella fastidiosa sur pétioles et nervures de plantes hôtes, avec la note de service DGAL/SDQPV/2015-862. 30 octobre 2015 : CROPSAV de Corse entièrement consacré à Xylella fastidiosa
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Début novembre : formation à la reconnaissance des symptômes pour les agents FREDON élargie aux agents DDCSPP et à ceux du Conseil Général Corse du Sud. 26 novembre 2015 : CNOPSAV avec, à l'ordre du jour, le point de situation sur Xylella fastidiosa, le projet d'arrêté national (le 3ème) et le projet de plan d'action national. Octobre-Novembre 2015 : Première capture d'insectes par la FREDON Corse pour analyse. Novembre 2015 : lancement d'un programme communautaire de recherche, dénommé POnTE (Pest Organisms Threatening Europe), doté de 6,8 M euros sur 4 ans, couvrant plusieurs organismes nuisibles, dont Xylella fastidiosa. Il vise notamment à améliorer les connaissances relatives à Xylella fastidiosa et à ses vecteurs en ce qui concerne l'olivier, la vigne, les agrumes, les fruits à noyau, les plantes ornementales et les arbres paysagers de grande importance socioéconomique. 17 décembre 2015 : quatrième décision d'exécution (UE) 2015/2417 de la Commission modifiant la décision d'exécution (UE) 2015/789 relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). 23 décembre 2015 : troisième arrêté ministériel relatif aux mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa. Les dispositions de la décision d'exécution de la Commission (UE) 2015/789 modifiée relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.) sont d'application immédiate. 6 janvier 2017 : diffusion (instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-39) du Plan national d'intervention sanitaire d'urgence Xylella fastidiosa 3 au 12 février 2016 : audit des inspecteurs de la DG Santé en France sur la situation et les contrôles officiels sur Xylella fastidiosa. 10 mars 2016 : Séminaire organisé par l'ANSES sur Xylella fastidiosa : Quels défis pour l'évaluation et la gestion des risques pour les cultures et l'environnement ? 12 mai 2016 : décision d'exécution (UE) 2016/764 de la Commission modifiant la décision d'exécution (UE) 2015/789 relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). 18 mai 2016 : instruction technique DGAL/SDQPV/2016-413 définissant les modalités de mise en oeuvre de la surveillance de Xylella fastidiosa sur le territoire national, hors zones délimitées, pour l'année 2016. 16 juin 2016 : notification par l'Allemagne à l'Union la Commission européenne de la détection de Xylella fastidiosa ssp. fastidiosa dans une pépinière de Saxe sur laurier-rose et romarin.
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8 juillet 2016 : instruction technique DGAL/SDQPV/2016-558, qui précise les modalités d'application de la décision 2015/789 en ce qui concerne la gestion des foyers de Xylella fastidiosa. Octobre 2016 : première détection de Xylella fastidiosa sous espèce fastidiosa à l'île de Majorque, à Porto Cristo, dans une jardinerie sur trois cerisiers. Par la suite, la sous-espèce multiplex a été identifiée à Majorque et Minorque et la sous-espèce pauca à Ibiza. Novembre 2016 : lancement du programme communautaire de recherche « XF-ACTORS - Xylella Fastidiosa Active Containment Through a multidisciplinary Oriented Research Strategy (enrayement actif de Xylella fastidiosa par une stratégie de recherche à orientation multidisciplinaire), doté d'un budget d'environ 7 millions d'EUR pour la période 2016-2020. Le projet vise à encourager un ensemble complet d'activités destinées à améliorer les connaissances relatives à la bactérie et à élaborer des solutions de prévention et de contrôle, ainsi que des outils d'analyse des risques et des politiques relatives à la santé des végétaux. 20 au 31 mars 2017 : second audit des inspecteurs de la DG Santé en France sur la situation et les contrôles officiels sur Xylella fastidiosa. 12 au 23 juin 2017 : audit des inspecteurs de la DG Santé en Espagne sur la situation et les contrôles officiels sur Xylella fastidiosa. 29 juin 2017 : première détection de Xylella fastidiosa en Espagne continentale, sur un verger d'amandiers près d'Alicante. La sous-espèce identifiée est multiplex. 26 juillet 2017 : arrêté ministériel relatif à la prise en charge partielle des indemnisations versées par le Fond national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental aux agriculteurs ayant subi des pertes économiques consécutives aux mesures de lutte contre Xylella fastidiosa. 1er août 2017 : Instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-653 définissant les modalités de mise en oeuvre de la surveillance de Xylella fastidiosa sur le territoire exempt et visant une action pluriannuelle (texte en vigueur à la date de remise du présent rapport). 24 octobre 2017 : séminaire de restitution des travaux de recherche sur Xylella fastidiosa, organisé par l'INRA à Paris. 13 au 15 novembre 2017 : conférence internationale à Palma de Majorque : « European Conference on Xylella 2017. Finding reponses to a global problem. » 30 novembre au 1er décembre 2017 : réunion de haut niveau à Paris sur Xylella fastidiosa, avec les délégations de Croatie, Chypre, France, Allemagne, Italie, Malte, Portugal, Slovénie, Espagne, Grèce, en présence du Commissaire européen à la santé et à la sécurité alimentaire.
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11 décembre 2017 : rapport d'enquête sur les voies d'introduction et de dissémination de la bactérie Xylella fastidiosa en France, analyse de la filière française « Filière-Bois et Plants de vigne », par la Brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires. 14 décembre 2017 : cinquième décision d'exécution (UE) 2017/2352 de la Commission modifiant la décision d'exécution (UE) 2015/789 relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). La Corse est classée en zone d'enrayement. 17 janvier 2018 : quatrième arrêté ministériel modifiant l'arrêté du 23 décembre 2015 relatif aux mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). En application de l'article 7 de la décision d'exécution 2015/789 modifiée, les mesures d'enrayement sont mises en oeuvre pour l'ensemble de la collectivité Corse. 14 mars 2018 : instruction technique DGAL/SDQSPV/2018-194 sur la Méthode d'analyse MOA 008 pour la détection de Xylella fastidiosa (ELISA) ; instruction technique DGAL/SDPAL/2018-196 sur les dispositions applicables au réseau de laboratoires agréés pour la recherche de Xylella fastidiosa sur végétaux par méthode d'amplification en chaîne par polymérase (PCR) en temps réel et par méthodes sérologiques ELISA ; instruction technique DGAL/SDPAL/2018-197 sur l'appel à candidatures, au sein du réseau existant de laboratoires agréés pour la recherche de Xylella fastidiosa par méthode d'amplification en chaîne par polymérase (PCR), pour la réalisation d'analyses officielles de recherche de Xylella fastidiosa par méthodes sérologiques (ELISA). 22 mai 2018 : lettre de la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire (Commission européenne) au directeur général de l'alimentation du ministère français de l'agriculture, concernant la « nécessité » pour la France de « réexaminer » l'arrêté préfectoral du 30 avril 2015.
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Annexe 10 : mise en oeuvre de la réglementation 1 Organisation générale de la mise en oeuvre de la réglementation
Au sens de la Convention Internationale de la Protection des Végétaux 171 (CIPV), l'Organisation nationale de la protection des végétaux (ONPV) est assurée en France par la Direction Générale de l'Alimentation (DGAl) du Ministère en charge de l'agriculture. Ainsi, la DGAl publie des instructions techniques qui citent ou traitent de Xylella fastidiosa dans le cadre :
·
de notes de service à caractère général : orientations stratégiques et priorités, délivrance du passeport phytosanitaire européen (PPE), inspections à l'importation en provenance de pays tiers, surveillance de la santé des forêts, etc. de notes de service spécifiques à Xylella fastidiosa : méthode d'analyse officielle, appel à candidature de laboratoires, plan de surveillance, plan national d'intervention sanitaire d'urgence, délivrance du PPE en zone délimitée. par les DRAAF-SRAL en métropole, et les DAAF-SALIM dans les régions ultrapériphériques. Toutefois, en Corse, les missions d'inspection sont mises en oeuvre par les Directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) sous le pilotage et la coordination de la DRAAF-SRAL (cf. le chapitre sur les acteurs et la gouvernance). par les délégataires sous le contrôle des DRAAF-SRAL. En Corse, pour Xylella fastidiosa, il s'agit de la FREDON qui agit dans le cadre de conventions passées avec les DDCSPP : une convention cadre quinquennale et une convention annuelle d'exécution technique et financière pour chaque département.
·
Les inspections sur le terrain en santé des végétaux sont réalisées :
·
·
2 Les moyens financiers déployés pour mettre en oeuvre la réglementation.
La DGAl finance les actions de mise en oeuvre de la réglementation en santé des végétaux par le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » :
·
en hors titre 2 (crédits d'intervention) : le financement relève de l'action 1 « Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale ». L'objectif172 de cette action est de « Permettre d'assurer des conditions de productions des végétaux garantissant la santé publique et la protection des végétaux » ; pour le titre 2 (personnel) : les crédits viennent des articles 60 (moyens permanents) et 61 (moyens d'ajustement).
·
La lutte contre Xylella fastidiosa a bénéficié des moyens du BOP 206 pour financer les actions de la FREDON, les personnels contractuels en services déconcentrés, les achats d'équipements et de consommables, les frais d'analyses en laboratoire, les opérations de désinsectisation et d'arrachage, de communication et de formation. Le tableau suivant détaille l'évolution des coûts liés à Xylella fastidiosa entre 2015 et 2018.
171 172
Convention internationale pour la protection des végétaux. Texte révisé et approuvé par la 29 conférence de la FAO. Nov. 1997. La direction générale de l'alimentation rapport d'activité en bref 2017.
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Evolution des moyens du BOP 206 en Corse pour la lutte contre Xylella fastidiosa
2015 Personnels (1) dont SRAL dont DDCSPP 2A dont DDCSPP 2B dont FREDON(3) Équipements, consommables dont DDCSPP 2A dont DDCSPP 2B Analyses dont LDA dont LSV dont frais envois Désinsectisation, arrachage Communication, formation Total 439 337,00 67 156,00 268 285,00 29 370,00 74 526,00 7 194,11 4 441,46 3 478,28 762 876,08 116 880,00 643 302,00 2 694,08 264 307,65 11 726,70
2016
2017
2018 (2)
Total
895 923,50 1 230 920,00 50 820,00 78 087,75 129 765,75 637 250,00 3 861,00 200,00 3 661,00 986 233,00 945 360,00 34 848,00 6 025,00 65 563,06 1 300,00 53 954,00 123 028,00 224 338,00 829 600,00 3 000,00 700,00 2 300,00 390 860,00 389 160,00 0,00 1 700,00 1 338,00 34 539,60
797 732,00 3 363 912,50 32 586,00 123 028,00 224 338,00 204 516,00 592 428,75 607 811,75
417 780,00 1 959 156,00 14 055,11 5 341,46 9 439,28 289 000,00 2 428 969,08 288 000,00 1 739 400,00 0,00 1 000,00 6 000,00 500,00 678 150,00 11 419,08 337 208,71 48 066,30 6 192 211,70
1 485 441,54 1 952 880,56 1 660 657,60 1 093 232,00
(1) Pour les agents de l'État : moyens permanents relevant du titre 2 article 60. (2) Estimation des crédits initiaux, hors crédits spécifiques ultérieurs. (3) Montants des conventions annuelles FREDON avec les DDCSPP auxquels il faut rajouter 46 200 dans le cadre d'une convention 2016-2017 avec le SRAL pour la surveillance des vecteurs.
Les financements liés aux personnels sont destinés aux activités suivantes :
·
pour les contractuels en DDCSPP : gestion des foyers, instructions des demandes de dérogations à l'introduction, inspections dans les ports pour les entrées et les sorties des végétaux ; pour les contractuels en DRAAF-SRAL : appui au pilotage et à la coordination des DDCSPP, missions techniques ; pour les employés de la FREDON : réalisation de la surveillance du territoire, y compris la surveillance des foyers en 2017, et contribution aux contrôles dans les ports.
·
·
Pour la campagne 2018, les conventions initiales entre la FREDON et les DDCSPP portent sur un total de 417 780,00 (hors crédits spécifiques ultérieurs), avec 48 100 pour la Corse-du-Sud et 369 680 pour la Haute-Corse).
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L'écart observé sur le plan financier entre les départements est lié aux différences d'activité :
·
la Haute-Corse concentre une forte partie des zones de culture (plaine orientale et Balagne) ; la FREDON participe aux contrôles quotidiens des entrées et sorties de végétaux dans le port de Bastia) ; la surveillance en Corse-du-Sud s'est allégée avec l'arrêt de l'inspection systématique du quadrillage en carrés en zone tampon (cf. infra la partie sur les stratégies de surveillance en 2018). le financement total depuis le début des actions de lutte contre Xylella fastidiosa en Corse représente plus de 6,1 M. 39 % de ce montant est consommé par les frais d'analyses, ce qui montre le poids du volet analytique dans la gestion opérationnelle de ce dossier ; 33 % est consacré au financement des actions confiées à la FREDON Corse, qui joue un rôle essentiel dans le dispositif phytosanitaire, conformément aux responsabilités confiées aux organismes à vocation sanitaire173 par le code rural et de la pêche maritime ; le budget de la FREDON pour Xylella fastidiosa a été multiplié par plus de 13 entre 2015 et 2017.
·
·
Les observations suivantes sur les faits marquants du volet budgétaire peuvent être soulignées :
·
·
·
·
Ces données montrent le poids de la surveillance du territoire dans le budget de lutte contre Xylella fastidiosa, et l'importance de l'effort accompli pour avoir une vision claire de l'état sanitaire de la Corse. Enfin d'évaluer l'effort réalisé, le tableau suivant montre la part de Xylella fastidiosa en Corse dans le budget national de « Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale », soit l'action 1 du BOP 206.
Comparaison du budget national de prévention et de gestion des risques inhérents à la production végétale et du coût de la lutte contre Xylella fastidiosa en Corse
2015
BOP 206 action 1 (1) Budget Xylella fastidiosa en Corse action 1 (2) Pourcentage 21 000 000 1 120 630
2016
22 000 000 1 694 207
2017
28 700 000 1 259 337
5,3 %
7,7 %
4,4 %
(1) Sources : La direction générale de l'alimentation Rapport d'activité en bref 2015, 2016 et 2017. (2) Budget hors crédits liés aux agents de l'État contractuels qui relèvent du titre 2, et non du hors titre 2 - action 1.
173 Article L.201-9 du code rural et de la pêche maritime : « L'autorité administrative peut confier, par voie de convention, des missions de surveillance et de prévention à des organismes à vocation sanitaire [,,.]. Ces missions peuvent être étendues aux mesures de lutte contre les dangers sanitaires. Les organismes à vocation sanitaire sont des personnes morales reconnues par l'autorité administrative dans les conditions définies par décret en Conseil d'État, dont l'objet essentiel est la protection de l'état sanitaire des animaux, des végétaux, des produits végétaux, des aliments pour animaux ou des denrées alimentaires d'origine animale, dans le secteur d'activité et l'aire géographique sur lesquels elles interviennent. » CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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3 La construction d'une vision de la situation phytosanitaire
3.1 Les éléments de la vision des services de l'État
La vision de la situation phytosanitaire par les services de l'État fait l'objet de vifs débats en Corse de la part de certains acteurs économiques et sociaux. En ce qui concerne la présence de Xylella fastidiosa, elle est fondée sur quatre éléments : · la notion d'analyse officielle des échantillons prélevés par du personnel habilité pour détecter la présence de la bactérie ; · la performance de la méthode analytique officielle employée. Ce point est plus particulièrement mis en cause. Il est développé dans le chapitre sur les méthodes analytiques ; · l'arbre de décision conduisant à déclarer la présence d'un foyer de Xylella fastidiosa, avec la définition des zones délimitées qui en découle. · le fait que le dispositif est conçu avant tout pour faire émerger une vision épidémiologique dynamique sur l'ensemble du territoire surveillé, et non pour garantir une certitude en tous points du territoire.
3.2 La notion d'analyse officielle
Le dispositif des laboratoires réalisant les analyses officielles des échantillons que leur adressent des agents habilités est fondé sur :
·
un réseau de laboratoires agréés174 à cette fin par l'autorité administrative, au titre de L.202-1 du code rural et de la pêche maritime. En juin 2018, il s'agit des cinq laboratoires départementaux d'analyses (LDA) suivants : LDA 13, 22, 31, 67, 71.
un laboratoire national de référence (LNR) désigné par l'arrêté du 29 décembre 2009 modifié désignant les laboratoires nationaux de référence dans le domaine de la santé publique vétérinaire et phytosanitaire. Pour les bactéries phytopathogènes telles que Xylella fastidiosa, il s'agit du Laboratoire de la santé des végétaux de l'ANSES, Unité bactériologie, virologie, OGM de la station d'Angers. Les prélèvements sur le terrain sont envoyés pour dépistage à l'un des laboratoires agréés, en fonction de la région de prélèvement. En cas de résultat positif, l'échantillon est transmis au laboratoire national de référence, qui effectue : · une analyse de confirmation ; · une analyse d'identification de la sous-espèce.
·
Pour qu'une analyse soit officielle, les trois conditions suivantes doivent être remplies :
·
la personne effectuant le prélèvement du matériel végétal doit être habilitée (garantie d'indépendance et de compétence). Les personnes concernées sont : au titre du L.205-7 du CRPM, des agents habilités à rechercher et à constater les infractions définis à l'article L.205-1 du CRPM (concerne en particulier les agents des DRAAF-SRAL et des DDCSPP de Corse) ; au titre du L.251-7 du CRPM, des représentants des organismes délégataires désignés par l'autorité administrative conformément à l'article L.201-13 (concerne en particulier les employés FREDON) ; le prélèvement doit être analysé dans le laboratoire national de référence ou dans un laboratoire agréé.
La liste exhaustive des laboratoires agréés selon les organismes nuisibles réglementés est consultable à l'adresse suivante :
·
174
http://agriculture.gouv.fr/telecharger/89416?token=19f0c4d26ede400f2023bfdd18cfd3ca CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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les laboratoires agréés doivent appliquer la méthode officielle publiée au Bulletin officiel en application de l'article R 202-17. Pour Xylella fastidiosa, il s'agit de la méthode MA039, basée sur la technique de la PCR en temps réel, et publiée au Bulletin Officiel du ministère chargé de l'agriculture avec la note de service DGAL/SDQPV/2018-342 du 24/05/2018. Ces méthodes évoluent très régulièrement. En revanche, le laboratoire national de référence applique soit la méthode officielle MA039, soit une méthode interne (article R.202-5) pour confirmer la détection. Il recourt ensuite à une méthode interne pour identifier la sous-espèce.
En conséquence, un résultat d'analyse n'est pas officiel si la personne qui a prélevé n'est pas habilitée, si le laboratoire n'est pas agréé ou si la méthode du laboratoire agréé n'est pas officielle.
3.3 Règles de décision pour la détection officielle d'un foyer en France
La Direction Générale de l'Alimentation, en tant qu'autorité phytosanitaire en France, a élaboré un arbre de décision pour conclure à la détection officielle d'un foyer. Il tient compte :
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de la réglementation communautaire, avec la décision d'exécution 2015/789, notamment l'article 3 relatif aux enquêtes sur la présence de l'organisme spécifié sur le territoire des États membres ; des recommandations du protocole OEPP PM 7/24 sur les diagnostics de Xylella fastidiosa (notamment le fait de réaliser deux analyses selon des tests moléculaires différents en zone non délimitée) : voir le diagramme de décision de cette norme dans l'addendum 1.
·
À la suite d'un échantillonnage, les principaux éléments à respecter pour conclure à un foyer, selon la réglementation et le protocole OEPP, sont les suivants :
·
en zone non délimitée, la détection de Xylella fastidiosa doit être faite avec au moins deux tests moléculaires positifs et différents dans leurs principes biologiques ou visant des parties différentes du génome pour détecter Xylella fastidiosa ; en zone délimitée, un seul test (moléculaire ou non) positif peut être considéré comme suffisant ; en zone délimitée comme en zone non délimitée, l'identité de l'organisme présent doit être déterminée avec au moins un test moléculaire supplémentaire.
·
·
Pendant plusieurs années, la procédure appliquée en France utilisait les principales bases suivantes :
·
l'analyse de détection selon la méthode MA039 appliquée par les LDA agréés, plus sa confirmation par le LNR constituaient le premier test moléculaire ; l'analyse d'identification selon la méthode MLST servait en même temps de deuxième test moléculaire de détection ; en zone non délimitée, les résultats positifs de ces deux tests moléculaires permettaient de conclure à un foyer, alors que le premier test suffisait en zone délimitée.
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Dès la publication en septembre 2016 de la révision du protocole OEPP PM7/24, la DGAl et l'ANSES ont cherché un second test moléculaire de détection, autre que le test Harper de type qPCR sur lequel la méthode MA039 est fondée. Plutôt que choisir un autre test de type qPCR comme le fait l'Espagne avec le test Francis, le test Minsavage basé sur une PCR conventionnelle a été retenu et le laboratoire de la santé des végétaux de l'ANSES l'a intégré dans son schéma de détection de Xylella fastidiosa à partir du 16 mars 2017 : voir l'addendum 2. Ce test est décrit dans l'annexe 4 du protocole PM7/24 et il figure dans la liste des tests validés par la Commission européenne pour les zones délimitées, publiée en décembre 2017. Les informations sur les foyers officiellement détectés sont transmises à la Commission européenne. Les signalements sur les nouvelles plantes hôtes identifiées alimentent les mises à jour de la base de données communautaire correspondante. Les règles de décision conduisant, à partir des résultats analytiques, à conclure ou non à un foyer de Xylella fastidiosa sont décrites dans le tableau ci-après, pour les différents cas rencontrés.
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Règles de décision pour conclure à un foyer de Xylella fastidiosa (source : DGAL-SDQSPV)
Zone de prélèvement Zone indemne (dite zone non délimitée)
Analyse de première intention (LDA) qPCR (MA039)
Résultat d'analyse de première intention (LDA) Positif
Analyse de confirmation (LNR)
Résultat d'analyse de confirmation (LNR)
Analyse d'identification (LNR) MLSA/MLST
Résultat de l'identification (LNR) Sous-espèce identifiée Sous-espèce non identifiée
Résultat final
Conclusion
PCR Minsavage Positif
Positif, sous-espèce identifiée Positif, sous-espèce non identifiée
Nouveau foyer
Nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires Pas de nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires
Zone indemne
qPCR (MA039)
Positif
PCR Minsavage Indéterminé
-
-
Indéterminé
Zone indemne
qPCR (MA039)
Positif
PCR Minsavage Négatif
-
-
Négatif
Pas de nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires
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Zone de prélèvement Zone indemne
Analyse de première intention (LDA) qPCR (MA039)
Résultat d'analyse de première intention (LDA) Indéterminé
Analyse de confirmation (LNR) qPCR* (MA039)
Résultat d'analyse de confirmation (LNR) Indéterminé
Analyse d'identification (LNR) -
Résultat de l'identification (LNR) -
Résultat final
Conclusion
Indéterminé
Pas de nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires
Zone indemne
qPCR (MA039)
Indéterminé
qPCR* (MA039)
Positif**
MLST/MLSA
Sous-espèce identifiée
Positif, sous-espèce identifiée
Nouveau foyer
Sous-espèce non identifiée
Positif, sous-espèce non identifiée
Nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires
Zone indemne
qPCR (MA039)
Indéterminé
qPCR* (MA039)* -
Négatif
-
-
Négatif
Pas de nouveau foyer Pas de nouveau foyer
Zone indemne
qPCR (MA039)
Négatif
-
-
-
Négatif
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Zone de prélèvement Zone délimitée
Analyse de première intention (LDA) qPCR (MA039)
Résultat d'analyse de première intention (LDA) Positif (espèce hôte connue)
Analyse de confirmation (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat d'analyse de confirmation (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Analyse d'identification (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat de l'identification (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat final
Conclusion
Positif
Extension de la zone délimitée
Zone délimitée
qPCR (MA039)
Positif (espèce non hôte)
qPCR**** (MA039)
Positif
MLST/MLSA
Sous-espèce identifiée Sous-espèce non identifiée
Positif, sous-espèce identifiée Positif, sous-espèce non identifiée
Extension de la zone délimitée Extension de la zone délimitée Prélèvements et analyses supplémentaires Extension de la zone délimitée Prélèvements et analyses supplémentaires Extension de la zone délimitée Prélèvements et analyses supplémentaires
Zone délimitée
qPCR (MA039)
Positif (espèce non hôte)
qPCR**** (MA039)
Indéterminé
-
-
Positif, sous-espèce non identifiée (MLST non réalisée) Positif, sous-espèce non identifiée (MLST non réalisée)
Zone délimitée
qPCR (MA039)
Positif (espèce non hôte)
qPCR**** (MA039)
Négatif
-
-
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Zone de prélèvement Zone délimitée
Analyse de première intention (LDA) qPCR (MA039)
Résultat d'analyse de première intention (LDA) Indéterminé
Analyse de confirmation (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat d'analyse de confirmation (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Analyse d'identification (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat de l'identification (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat final
Conclusion
Indéterminé
Pas d'extension de foyer
Zone délimitée
qPCR (MA039)
Négatif
-
-
-
-
Négatif
Pas d'extension de foyer
* ** *** ****
La qPCR est utilisée car il s'agit en premier lieu de lever l'ambiguïté sur le premier résultat « indéterminé ». Ce cas ne s'est jamais produit. Dans la pratique, ces analyses sont réalisées par le LNR bien que non obligatoires au sens de l'article 3 de la décision d'exécution 2015/789/UE. La qPCR est utilisée ici afin de vérifier que l'échantillon est bien positif avant de procéder à la méthode MLST qui est plus coûteuse et moins sensible.
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4 La mise en oeuvre des méthodes analytiques
1/ Les bases réglementaires des méthodes officielles sont communautaires et nationales a/ La Commission a renforcé ses exigences en matière de recherche de la présence de Xylella fastidiosa Après que l'Italie ait informé le 21 octobre 2013 les autres États membres et la Commission de la présence de Xylella fastidiosa sur son territoire, cette dernière a publié en février 2014 une décision d'exécution rendant obligatoire la réalisation par les États membres d'enquêtes annuelles. Dès le mois de juillet 2014 la décision d'exécution est modifiée et précise notamment qu'il est dorénavant demandé aux États membres que les recherches de Xylella fastidiosa « se fondent sur des principes techniques et scientifiques fiables et [soient] effectuées à des moments propices à la détection de l'organisme spécifié. Elles tiennent compte des éléments de preuves scientifiques et techniques disponibles, de la biologie de l'organisme spécifié et de ses vecteurs, de la présence et de la biologie de végétaux spécifiés ou de végétaux susceptibles d'être des plantes hôtes et de toute autre information pertinente quant à la présence de l'organisme spécifié ». À cet égard il convient de noter que dès 2004 l'Organisation Européenne et méditerranéenne pour la Protection des Plantes175 (OEPP) avait produit un protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa (PM 7/24), adapté une première fois en septembre 2016 176. Ce protocole de diagnostic a été utilisé par les autorités nationales pour asseoir leur programme de détection de Xylella fastidiosa. Trois ans plus tard, en décembre 2017, la Commission va plus loin et fixe la liste des tests officiels validés pour la détection de Xylella fastidiosa et l'identification de ses sous-espèces. Cette liste est une reprise de presque tous les tests qui figurent dans le protocole de diagnostic de l'OEPP mais sans y faire explicitement référence et sans reprendre la description ni les données de validation de ces tests (même si les laboratoires nationaux de référence l'utilisent pour auto-évaluer le mode opératoire177 de mise en oeuvre des tests qu'ils ont retenus). Cette liste précise, en fonction de la nature infectée ou non des zones enquêtées, le type de tests qui doivent être réalisés pour déterminer et identifier la présence de Xylella fastidiosa. Elle se divise donc en deux parties :
·
la première partie de la liste contient 8 méthodes (elles sont développées dans l'addendum en fin de cette présente annexe) permettant de détecter la présence de la bactérie. Elle se subdivise elle-même en deux sous-listes :
La première sous-liste s'adresse aux zones dites délimitées (autrement dit à la fois aux zones où la présence de la bactérie a été avérée, dites infectées, et à une zone adjacente, dite tampon) et, dans les zones non délimitées, aux sites de production de six végétaux hôtes178 destinés à la circulation dans l'Union. Elle contient 6 tests dont 4 tests moléculaires (3 basés sur la technologie relative à la réaction de
175 https://www.eppo.int/ABOUT_EPPO/about_eppo.htm 176 https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/epp.12327 sachant qu'une nouvelle version est sous presse (https://www.eppo.int/News&Events/18-23616_PM_7-24_in_press.pdf) et qu'une quatrième version serait déjà envisagée. 177 Le mode opératoire de mise en oeuvre d'un test tient notamment compte du type de matériel et d'équipement dont dispose le laboratoire. 178 Il s'agit des espèces du genre Coffea et de Lavendula dentata, Nerium oleander, Olea europaea, Polygala myrtifolia et Prunus dulcis.
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polymérisation en chaîne de l'ADN en répétant un cycle de températures différentes179 - connue sous le sigle PCR - et un basée sur la technologie d'amplification de l'ADN à température constante - connue sous le sigle LAMP - ) et deux tests de type immunologique (ELISA et Immunofluorescence). La seconde sous-liste s'adresse aux zones non délimitées et aux sites de production de végétaux hôtes autres que les 6 concernés par la première sousliste. Elle contient deux tests moléculaires repris de la liste précédente. la seconde partie de la liste contient 3 tests moléculaires permettant d'identifier les sousespèces de Xylella fastidiosa.
·
Commentaires : 1. La mission a constaté que le choix des tests, qui permettent la détermination de Xylella fastidiosa, a été et reste un sujet d'inquiétude et de débat très vif en Corse, conduisant à un trouble préjudiciable à la mise en oeuvre de la surveillance et de la lutte relatives à cette bactérie. Ainsi les résultats contradictoires des analyses réalisées selon des tests et/ou des modes opératoires différents par l'ANSES et l'INRA a nourri l'existence d'un soupçon assez largement répandu, sur le thème « L'État cache des choses » ou « L'État ment » (cf.infra). Il n'est pas acquis que la publication par la Commission européenne en décembre 2017 d'une liste de tests validés suffise à lever ce soupçon, même si elle peut contribuer à éclairer ce débat. 2. Pour construire sa liste de tests validés, la Commission s'est appuyée sur le protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa de l'OEPP180, même si elle n'y fait pas explicitement référence et n'en reprend ni la description des tests ni leurs données de validation. Les laboratoires continuent donc d'utiliser le protocole de l'OEPP pour auto-évaluer leur aptitude à mettre en oeuvre les tests qu'ils choisissent. 3. De même la Commission ne donne pas d'instructions sur les méthodes d'extraction de l'ADN qui sera ensuite analysé selon tel ou tel test moléculaire. Une fois encore c'est dans le protocole de l'OEPP que les laboratoires vont chercher des informations sur les données de validation de ces différentes méthodes. Lors de sa réunion avec la DG Santé la mission a appris que le laboratoire européen de référence pour les bactérioses serait chargé de travailler sur ce sujet et elle s'en félicite. Elle suggère qu'il travaille en outre sur des lignes directrices concernant la mise en culture de la bactérie. En effet la mission a entendu d'une part l'Institut de virologie des plantes à Bari (Pouilles), pour qui des techniques d'isolement sont assez faciles à acquérir 181 et permettent d'obtenir des cultures de Xylella fastidiosa à partir de tissus végétaux contaminés. Elle a aussi entendu une chercheuse de l'INRA qui souligne que les données manquent pour justifier une grande facilité d'isolement et que, dans les Pouilles, la forte contamination du matériel végétal faciliterait la mise en culture de la bactérie182.
179 C'est pour cette raison qu'en PCR on compte le nombre de cycles à partir duquel on identifie la production croissante du matériel génétique recherché. Voir l'addendum 3 de l'annexe 10. 180 https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/epp.12327 Il s'agit de la version n°2 en date de septembre 2016. 181 On rappelle à cet égard que l'adjectif fastidiosa a été choisi au départ en référence à ces difficultés de culture in vitro de la bactérie. 182 Pour sa part le LSV a indiqué à la mission que son laboratoire a pu isoler 47 souches de Xylella fastidiosa sous espèce multiplex en Corse à ce jour.
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4. Les tests de la liste n'ont pas le même seuil de sensibilité (ce qui veut dire que la réponse positive de chaque test dépend du nombre de bactéries présentes dans l'échantillon analysé183) et l'écart d'un test à l'autre varie d'un facteur qui peut atteindre 1 à 100 (voire plus en fonction des matrices végétales). En d'autre termes l'objectif politique d'éradication, de la bactérie de toute partie infectée du territoire de l'Union européenne se heurte en pratique à l'adoption d'une liste de tests dont la sensibilité varie d'un facteur 1 à 100 et dans laquelle chaque État membre est libre de choisir son test. Pourtant, au regard du droit communautaire, tous les tests choisis par les États membres au sein de la liste ont la même légitimité, et produisent les mêmes effets juridiques, même si leurs performances techniques ne sont pas les mêmes. Ainsi pour déceler la bactérie sur des végétaux prélevés en zone délimitée et sur six végétaux hôtes cultivés en zone non délimitée et destinés à circuler dans l'Union, certains États choisiront en première analyse un test moléculaire tandis que d'autres choisiront un test ELISA ou un test d'immunofluorescence moins sensibles (avec respectivement 105 bactéries par ml et 104). 5. Le choix de retenir un test plus ou moins sensible dans la liste de la Commission est une prérogative des États membres. S'ils retiennent des tests peu sensibles, cela rendra très difficile l'identification précoce de la présence d'une nouvelle sous espèce de la bactérie. D'autre part ce choix sera de nature, pour les échanges intracommunautaires, à impacter la fiabilité du Passeport Phytosanitaire Européen (PPE) censé garantir le caractère sain du végétal qu'il accompagne, d'autant plus que dans le cas de Xylella fastidiosa la manifestation des symptômes peut être différée pendant une période longue184. 6. Jusqu'à la publication de la liste des tests validés, les États membres n'étaient tenus que de mettre en oeuvre des analyses reposant sur des « principes scientifiques et des techniques fiables ». Compte tenu des commentaires du point 3 ci-dessus relatif aux seuils de sensibilité des divers tests, le choix de l'Italie de n'utiliser que des tests ELISA (les moins sensibles) pour déterminer la présence de Xylella fastidiosa sur son territoire semblait techniquement neutre pour la zone infectée des Pouilles, où les concentrations bactériennes sont très fortes, mais avait pu paraître beaucoup plus discutable pour le reste de son territoire, notamment pour la délivrance des PPE dans les zones qui expédient ou exportent des végétaux hôtes. La mission a été informée que suite à la publication de la liste de tests, l'Italie utiliserait le test moléculaire LAMP en zone non délimitée (sauf sur les 6 végétaux hôtes destinés à circuler dans l'Union qui continueront à être testés par ELISA).
183 Or la distribution de la bactérie dans un végétal n'est pas homogène et le protocole de prise d'échantillon sur un végétal est donc un sujet majeur. La DG Santé l' a bien compris puisque l'EFSA va faire l'objet d'une saisine à cet égard (cf infra dans le texte). 184 Sur ce point précis la Commission a invité la mission à relativiser la question de la fiabilité du PPE fondée sur l'emploi du test ELISA ou IF pour les 6 végétaux hôtes produits en sites de production en zone non délimitée et destinés à circuler dans l'Union. En effet elle considère que le fait que cette zone non délimitée fasse l'objet d'une surveillance par test moléculaire apporte en soi une garantie suffisante.
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Par ailleurs, pour mettre en oeuvre ces tests, la Commission ne donne pas d'instructions précises185 sur le protocole de prélèvement des échantillons de plantes à tester. Elle se contente de recommander que les échantillons soient prélevés au moment où les symptômes sont les plus visibles, ce qu'il faut comprendre par en sève montante qui se produit entre la fin du printemps et le début de l'automne. Si ce point de calendrier de prélèvements ne fait pas vraiment débat 186, il n'en est pas de même concernant le lieu de prélèvement sur le végétal, mais la Commission ne donne que la nature des tissus à prélever pas la localisation. Elle va demander à l'EFSA de produire des lignes directrices en la matière, d'autant plus nécessaires que la distribution de Xylella fastidiosa dans un végétal n'est pas homogène et que des prélèvements en des points différents sur un végétal contaminé (sur les feuilles, les rameaux non ligneux, près du sol ou le plus haut possible ...) peuvent conduire à des résultats différents . À cet égard la mission invite donc la DGAl à actualiser immédiatement son instruction technique, dès que seront connus les premiers résultats de l'EFSA et à tenir compte des recommandations que le LSV a transmises à la DGAl concernant les prélèvements sur olivier et qui reposent sur l'expérience des scientifiques italiens du Centre International des Hautes Études Méditerranéennes de Bari. b/ En France le dispositif de détection de la présence de la bactérie repose sur un test de type moléculaire mis en oeuvre par un réseau de laboratoires agréés Le laboratoire de la santé des végétaux (LSV) de l'ANSES basé à Angers a été désigné par l'arrêté du 8 mars 2018, modifiant l'arrêté du 29 décembre 2009, comme laboratoire national de référence pour toutes les bactéries phytopathogènes sur matrices autres que bananiers, agrumes et plantes tropicales. En pratique c'est le laboratoire de référence pour Xylella fastidiosa sur toute matrice végétale puisqu'il analyse aussi agrumes et caféiers. Dés octobre 2015 le LSV a fait le choix d'une détection de la bactérie sur base d'un test moléculaire, à savoir un test PCR en temps réel basé sur Harper et al, 2010 (and erratum 2013), et a publié son mode opératoire de mise en oeuvre de ce test en décrivant deux protocoles d'extraction de l'ADN (l'un automatisé et l'autre manuel) mais tous deux basés sur la méthode QuickPick pour l'extraction de l'ADN (voir infra et addendum en fin de la présente annexe). C'est la méthode MA039. Au plan organisationnel, cette méthode, officialisée par note de service de la DGAl 187, est mise en oeuvre par un réseau de 5 laboratoires agréés par la DGAl sur avis du LSV. Ils sont chargés de réaliser les analyses dites de « première intention ». Ensuite, en cas de résultat positif, cette même méthode est également mise en oeuvre par le LSV pour confirmer les résultats positifs de « première intention ». La mission note qu'une version n°2 de la méthode MA039 a été rédigée par l'ANSES, pour introduire des modifications mineures 188 et que cette version n°2 a été officialisée par note de
185 La Commission renvoie d'une part vers une norme à caractère général : « Méthodes d'échantillonnage des envois Norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP) n° 31 du Secrétariat de la Convention internationale pour la protection des végétaux (Rome, publiée en 2008) ». D'autre part en date du 16 décembre 2015, sous le timbre de la DG Santé elle a publié des recommandations pour la surveillance de Xylella fastidiosa dans le territoire de l'Union. 186 Car même si l'OEPP dans la version sous presse de son Protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa parle plutôt de la période de fin du printemps à l'automne (sans préciser début) en général on choisit le printemps pour faire les prélèvements. 187 Voir la note DGAl/SDQPV/2015-862 du 15/10/2015 sur https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2015-862. 188 Les modifications portent notamment sur une température de 5°C au lieu de < -18°C pour stocker les reliquats d'échantillons ; l'introduction de la possibilité de prélever sur rameaux non ligneux et tiges ; une révision de la régle d'interprétation des résultats
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service DGAL/SDQPV/2018/342 du 25/04/2018189, sans faire référence à la liste des tests officiels que la Commission européenne a publié en décembre 2017, alors que le test qPCR Harper et al, 2010 (and erratum 2013) y figure. Commentaires : 1. L'organisation par la France d'un réseau de laboratoires de premier niveau, agréés sur la base de leur compétence à mettre en oeuvre le protocole du test choisi pour détecter la présence de la bactérie (la méthode MA039 dans ce cas) est similaire à ce que la mission a observé en Espagne. Y compris le schéma qui prévoit qu'en cas de résultat positif au niveau d'un laboratoire de premier niveau, ce résultat doit être confirmé par le laboratoire national de référence lui-même. Mais la différence est qu'en Espagne le laboratoire de premier niveau réalise deux tests moléculaires différents (une qPCR Harper et une qPCR Francis) que vérifie le laboratoire national, alors qu'en France la même méthode est répétée par le LSV. 2. Les laboratoires français de premier niveau ne testent que de l'ADN extrait par la méthode QuickPick. Sur des échantillons d'oliviers et de chêne, cette situation peut laisser supposer que leurs résultats indéterminés auraient pu être positifs avec un ADN extrait par la méthode CTAB. Comme ils n'envoient au LSV que des échantillons positifs après extraction par QuickPick, l'argument de la non différence de résultats entre les échantillons dont l'extrait a été obtenu par QuickPick et ceux dont l'extrait a été obtenu par CTAB laisse la mission insatisfaite : le risque de sous-estimation de la présence de la bactérie n'est pas écarté. Le risque de faux négatifs n'est pas totalement maîtrisé. 3. La Commission a confirmé à la mission son souhait que le futur laboratoire européen de référence travaille sur les questions d'harmonisation, en organisant non seulement des essais circulaires mais aussi des formations, conformément au règlement 2017/625 du Parlement et du Conseil du 17 mars 2017. Concernant la prise des échantillons eux-mêmes, la mission souligne que par instruction technique du 18/05/2016 (en son annexe 3) la DGAl a précisé les parties du végétal à prélever : « Pour des végétaux symptomatiques, il convient de réaliser au moins 4 prélèvements de rameaux, répartis sur différents points du houppier. L'idéal est de prélever à la fois des rameaux présentant des feuilles saines et des feuilles en cours de dessèchement (mais pas totalement desséchées car le laboratoire ne réalisera pas l'analyse sachant que dans ce cas, la bactérie est morte et dégradée) ». Cela étant la FREDON a informé la mission avoir constaté empiriquement, pour certains végétaux, que les résultats d'analyse de l'ANSES avait été différents en fonction de la localisation du prélèvement sur le végétal. Sur cette base empirique, il lui arrivait donc de prendre quelques libertés avec l'instruction technique de la DGAl en prélevant sur certains végétaux ses échantillons plutôt près du sol de façon à accroître la probabilité d'avoir des résultats
pour prendre en compte l'ensemble des combinaisons possibles, l'ajout de la possibilité d'émettre des résultats sur extrait dilué au dixième et l'introduction de l'application de la règle du cut-off de la publication Harper et al ., 2010, erratum 2013. On notera que que sur cette règle du cut-off la publication de Harper fixe un seuil entre résultats positifs et négatifs à 38 cycles. En passant de 40 à 38 la modification de la MA039 aligne donc le seuil au-delà duquel un résultat est négatif sur la valeur fixée par Harper Mais la MA039 conserve la notion de résultats indéterminés, qui n'existe pas dans la publication de Harper, pour des résultats compris entre 35 et 38 cycles. 189 Voir : https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2018-342
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positifs (voir également le point ci-dessous). La mission rappelle (cf. supra) qu'elle demande sa mise à jour dès parution des premiers résultats de l'EFSA. Sur ce même sujet des échantillons, rappelons que l'officialisation de la version n°2 de la méthode MA039 de l'ANSES, le 25/4/2018, a introduit la possibilité de préparer les échantillons à analyser à partir des rameaux non ligneux et des tiges et non plus seulement à partir des feuilles. Mais, à notre connaissance, l'instruction technique du 18/05/2016 n'a pas été modifiée concernant le protocole de prélèvement. c/ pour l'identification de la sous-espèce, la liste de la Commission se contente de citer trois tests moléculaires alors que l'enjeu du protocole de leur mise en oeuvre est essentiel Le LSV est chargé de l'identification des sous-espèces de la bactérie sur les échantillons positifs à l'issue de la mise en oeuvre de la méthode MA039 par un laboratoire agréé et de sa répétition par le LSV190. Jusqu'en 2016 l'ANSES mettait en oeuvre, selon des modes opératoires qui lui étaient propres, les deux tests de PCR conventionnelles qui ont été inscrits en décembre 2017 sur la liste communautaire des tests moléculaires validés pour identifier les sous-espèces de Xylella fastidiosa, à savoir :
·
Hernandez-Martinez et al., 2006, pour identifier les sous-espèces fastidiosa, multiplex et sandyi ; Pooler et Hartung., 1995, pour identifier la sous-espèce pauca.
·
Actuellement l'ANSES utilise un mode opératoire propre de mise en oeuvre du test MLST 191, basé sur Yuan et al., 2010, qui figure aussi dans la liste communautaire mais permet d'identifier toutes les sous-espèces. Elle travaille aussi sur un nouveau test de PCR en temps réel (Ouyang et al, 2013) qui a fait son apparition dans la version n°3 du Protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa de l'OEPP et dont l'avenir dira s'il est repris dans la liste de la Commission pour pouvoir être mis en oeuvre par les États membres. La liste de la Commission ne dit rien sur la mise en oeuvre de ses tests et il est donc d'usage de se reporter au protocole de l'OEPP (actuellement PM 7/24(3) sous presse). Ce texte précise que le test vise à identifier 7 gènes de ménage 192 amplifiés individuellement de façon à pouvoir identifier la sous-espèce présente dans l'échantillon. Mais des travaux sont en cours et l'OEPP pourrait valider le fait qu'un nombre plus réduit de gènes de ménages (on parle de 2 ou 3) est suffisant pour identifier la sous-espèce de Xylella fastidiosa. Cette modification aurait pour effet d'augmenter le nombre d'échantillons pour lesquels la sous-espèce de la bactérie présente est identifié (et donc de déclarer plus de foyers dans les pays qui attendent pour ce faire d'identifier la sous-espèce) car aujourd'hui on bute souvent sur la faible quantité d'ADN disponible pour faire les 7 manipulations. Pour le moment (janvier 2018) l'ANSES a déclaré à la mission ne pas être
190 191 192 Comme déjà indiqué supra si le recours au test ELISA se met en place il n'y aura plus de recherche de la sous-espèce sur les échantillons détectés comme infestés à l'issue d'un test ELISA confirmé par MA039. Voir addendum à la fin de la présente annexe pour plus de détail sur la nature de ce test. L'identification des sous-espèces de Xylella fastidiosa exige d'aller plus loin que la simple reconnaissance de la chaîne de nucléotides amplifiée en PCR qui signe seulement la présence de Xf. Pour cela on identifie des gènes (c'est-à-dire des séquences de nucléotides plus longues) spécifiques, A l'heure actuelle on estime que 7 gènes dit de ménage (ce qualificatif exprime le fait que ces gènes permettent la production de constituants indispensables à la survie de la bactérie) sont suffisants pour cette identification. On fait donc successivement 7 PCR pour amplifier et identifier des chaînes spécifiques de nucléotides de ces 7 gènes.
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satisfaite de sa méthode de séquençage et préférer envoyer ses extraits de 7 gènes de ménages amplifiés par PCR conventionnelle à un prestataire extérieur qui fait le séquençage. Le résultat sert à classer le ST dans l'arbre phylogénique. Le séquençage complet de trois souches de multiplex a été fait à la demande de la DGAl et a permis d'identifier la présence en Corse de deux souches multiplex proches l'une de la souche Dixon ST 7 et l'autre de la souche Griffin ST 6 (voir annexe 7). Commentaires : 1. La liste de la Commission européenne des tests moléculaires validés pour l'identification des sous-espèces de Xylella fastidiosa contient trois tests, qui sont développés dans le Protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa de l'OEPP qui souligne, dans sa version PM 7/24(3) sous presse, que ces tests ont été mis au point pour de l'ADN obtenu de cultures pures de la bactérie et que lorsqu'on utilise de l'ADN extrait de végétaux, et encore plus d'insectes infectés, la qualité et la quantité de l'ADN obtenu ou de possibles contaminations peuvent empêcher d'amplifier tous les gènes et d'attribuer l'échantillon à une sous-espèce. Pour autant la liste des tests officiels de la Commission ne contient pas l'isolement des bactéries. 2, Le test choisi par l'ANSES pour identifier les sous-espèces de Xylella fastidiosa est la MLST basée sur Yuan et al,, 2010. Comme le mode opératoire de mise en oeuvre de ce test n'est appliqué que par le LSV, il n'a pas été publié par la DGAl, mais le statut de LNR du LSV confère ipso facto à cette méthode un caractère officiel. 2/ La détermination d'une contamination de végétaux par Xylella fastidiosa et l'identification de la sous-espèce présente peuvent revêtir un caractère non officiel et éventuellement se traduire par des résultats différents de ceux réalisés par le laboratoire de référence. En premier lieu il convient de rappeler que le caractère officiel d'un résultat repose sur le fait que :
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le prélèvement est effectué par un agent agréé à cet effet ; le test est mis en oeuvre par le laboratoire national de référence de l'État (ou par l'un des laboratoires agréés de première intention) avec la méthode officielle.
Autrement dit, pour la France, si un laboratoire public ou privé, autre que le LSV ou que l'un des 5 laboratoires agréés, met en oeuvre un test de la liste communautaire y compris en appliquant la méthode du LSV officialisée par la DGAl, les résultats de ce test ne peuvent pas être considérés comme officiels et ne peuvent pas avoir d'effet juridique, au sens où ils ne créent pas pour l'État membre l'obligation de mettre en oeuvre les mesures prévues par la décision d'exécution de la Commission européenne, sauf celle de confirmer ou infirmer cette présence. En effet la mission rappelle l'obligation d'informer les autorités nationales en cas de résultat positif ou même de simple suspicion (article 2 de la Décision d'exécution de la Commission européenne nº 789/2015 et article L 201-7 du code rural et de la pêche maritime), et ceci quel que soit le processus ayant conduit à ce résultat positif ou à cette suspicion et l'obligation qui en découle pour l'État membre de prendre des mesures pour confirmer cette présence, en vue de la déclaration, le cas échéant, d'un nouveau foyer.
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a/ Travaux de l'INRA La France se caractérise par le fait que son institution de recherche, l'INRA, ne fait pas partie des cinq laboratoires agréés. En outre l'INRA n'est pas officiellement chargé de faire l'identification des sous-espèces à partir des échantillons de végétaux infectés que lui transmettrait le LSV (comme c'est le cas en Espagne, voir supra). L'INRA n'a donc aucune obligation de mettre en oeuvre les tests validés de la Commission. Il mène ses travaux sans avoir à se positionner par rapport à ces tests et poursuit ses activités de recherche de façon autonome. L'INRA peut décider, pour ses travaux de recherche, de développer ses propres méthodes (y compris ses propres protocoles de mise en oeuvre de tests existants193). A cet égard la mission a noté qu'il travaille sur un nouveau test de MLST appelé nested MLST dont la sensibilité serait beaucoup plus grande que celle d'une PCR en temps réel. Mais les chercheurs italiens et le secrétariat de l'OEPP interrogés par la mission, sont réticents à la généralisation de ce test car il présente un risque de contamination élevé (donc un risque de faux positifs élevé) du fait qu'il emboîte deux PCR. La mission a également interrogé le laboratoire du CICS de Cordoue, chargé de l'identification des sous-espèces de Xylella fastidiosa en Espagne et à qui l'INRA a envoyé un descriptif de son test. Sa conclusion va dans le même sens tout en étant plus précise194. b/ la gestion des résultats d'analyse différents entre INRA et ANSES En mars 2018 le Syndicat Interprofessionnel Des Oléiculteurs de Corse (SIDOC) a adressé 25 échantillons de différents végétaux, dont des oliviers, à l'INRA d'Angers pour une recherche de la présence de Xylella fastidiosa. Le 29 mars l'INRA a informé la DGAl et le SIDOC qu'elle avait détecté 5 végétaux positifs dont un olivier. Le 3 avril le SIDOC a diffusé un communiqué de presse dans lequel il annonce que « les oliviers des ronds-points de Baleone et Caldaniccia ont été déclarés positifs » et déclare que « les analyses officielles ne sont pas fiables ». Le 18 mai le Préfet de Corse publie un communiqué de presse dans lequel il mentionne que suite aux résultats positifs rendus par l'INRA sur des prélèvements d'oliviers réalisés par le SIDOC début avril195, l'État a fait procéder à de nouveaux prélèvements officiels sur les végétaux concernés196, que les analyses ont été conduites en parallèle avec les méthodes expérimentales utilisées par l'INRA197, et celles officielles utilisées par l'ANSES et que les résultats sont tous négatifs à ce stade. Il ajoute que de ce fait, l'ANSES et l'INRA poursuivent leurs travaux en étroite
193 Comme par exemple le test MLST basée sur Yuan et al., 2010 qui figure dans la liste de la Commission européenne et qui permet de déterminer à partir de 7 gènes de ménage toutes les sous-espèces mais aussi le test MLSA Scally et al., 2005 qui ne figure pas dans la liste de la Commission européenne du 15 décembre 2017. 194 Il a précisé à la mission qu'il a réussi à amplifier les 7 gènes pour des échantillons de plantes représentant des difficultés d'analyse, ainsi que pour quelques insectes. Il a testé cette méthode sur amandier et plantes peu fréquentes de Majorque (comme Nerium oleander et Juglans) mais pas sur olivier ni sur chêne (car jusqu'à présent Xylella fastidiosa n'a pas été détectée sur cette espèce). Il précise avoir extrait l'ADN par la méthode CTAB et par la méthode Mericon, sans noter de différence. Il ajoute qu'il serait très prudent quant à la généralisation de la nested MLST car il est facile d'avoir des contaminations. Pour cette raison il recommanderait de réserver cette méthode à des laboratoires bien entraînés, disposant de différentes pièces pour séparer les phases de travail et dans les cas où ils n'ont pas réussi à avoir une bonne amplification par MLST conventionnelle. A cet égard, il propose de faire la MLST conventionnelle en utilisant les amorces choisies par l'INRA d'Angers de façon à économiser du temps et de l'argent si on doit ensuite passer à une nested MLST. 195 La mission ne comprend pas cet usage du pluriel et souligne que le mail de l'INRA, dont il a reçu copie parle d'un olivier au rond point de Baleone. Mais comme on parle de prélèvements effectués en avril, peut être s'agit-il d'un autre lot de prélèvements. 196 Sans certitude néanmoins que le prélèvement ait été fait au même endroit du végétal. 197 D'une part il s'agit d'une méthode publiée de longue date visant à faire exploser les biofilms par sonification (ultra-sons) pour permettre un meilleur accès à l'ADN et d'autre part de la méthode CTAB de l'OEPP (sans ajout, contrairement à l'ANSES jusqu'en avril 2018) d'une étape d'agitation de la préparation avant passage à l'étape suivante de l'analyse.
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collaboration pour tenter d'expliquer les causes de divergence et faire progresser les méthodes d'analyse, que de nouveaux prélèvements officiels sont en cours et seront analysés simultanément par chaque laboratoire. Après avoir interrogé à la fin du mois de mai l'ANSES et l'INRA, la mission comprend que sur 3 échantillons nouveaux envoyés par la FREDON, l'ANSES a appliqué la méthode officielle MA039 et le protocole INRA c'est-à-dire le même test PCR Harper que celui mis en oeuvre par l'ANSES mais avec trois différences : un passage aux ultrasons du broyat de végétaux (pour faciliter la libération de l'ADN du fait de l'éclatement des cellules), puis une extraction de l'ADN par la méthode CTAB et enfin un passage en PCR avec une concentration du milieu réactionnel à 10 µL. Les résultats de l'INRA et de l'ANSES sur la méthode INRA n'ayant pas été les mêmes, le protocole de l'INRA a été analysé. Il est apparu que l'ANSES ajoutait dans la méthode CTAB une étape de remise en suspension de l'ADN par agitation de la préparation (non mentionnée dans le protocole OEPP) et qui risquait selon l'INRA de provoquer une perte d'ADN pour l'étape suivante. Il est aussi apparu que l'INRA appliquait une concentration des deux amorces et de l'enzyme avec une multiplication par trois par rapport aux valeurs du Protocole de l'OEPP (reprises dans la méthode MA039 de l'ANSES). Enfin la mission a noté que l'arbre décisionnel était différent entre l'INRA qui fait une moyenne des résultats de 3 PCR par échantillons analysés et l'ANSES qui exige 3 résultats positifs sur 4 pour se prononcer. Un nouvel essai comparatif a donc été programmé la semaine du 4 au 8 juin sur 20 nouveaux échantillons. L'INRA comme l'ANSES appliqueront la méthode INRA à chaque fois en présence d'un technicien de chaque laboratoire. La mission n'a pas eu connaissance des résultats. c/ les kits commerciaux Face au développement d'une demande de la part des propriétaires de végétaux susceptibles d'être infectés par Xylella fastidiosa, des sociétés ont mis au point et commercialisent des kits de détection de la présence de cette bactérie. Certains kits reposent sur des tests de type ELISA (sociétés Agdia, Agritest et Loewe), d'autres sur des tests de type Immunofluorescence (Loewe) et d'autres enfin sur la méthode LAMP (Agdia, Embiotec et Qualiplante). Sauf pour le test de type LAMP de la société Agdia des données sur ces tests figurent dans la version n°3 sous presse du Protocole de diagnostic de l'OEPP. Concernant le test de type LAMP de la société Agdia, la mission a été informée qu'il a été testé à l'été 2017 par l'INRA qui a constaté que :
· ·
les positifs selon le kit étaient positifs selon l'INRA les indéterminés selon l'INRA n'étaient pas positifs selon le kit
L'INRA a informé la mission qu'un travail de collaboration a été engagé avec cette société pour tester davantage de matrices végétales (11 contre 4 à 5 actuellement opérationnelles) et que l'ANSES n'a pas souhaité s'associer au projet. Comme méthode témoin, l'INRA a choisi une extraction d'ADN par méthode CTAB qui sera suivie d'une qPCR. Un point intéressant est que l'enzyme utilisée par Agdia semble moins sensible aux inhibiteurs du chêne ou de l'olivier que l'enzyme classiquement utilisée en PCR en temps réel.
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Suite à un résultat positif du kit Agdia à l'été 2017 sur un olivier, le SIDOC a décidé de demander des analyses à l'INRA, après que l'ANSES ait conclu négativement sur la présence de la bactérie dans cet olivier (cf supra). Même si ces tests n'ont aucune valeur juridique, la mission rappelle qu'en cas de résultat positif (ou de suspicion) cette information doit être portée à la connaissance de la DGAl, en application de la décision d'exécution de la commission et du code rural et de la pêche maritime par le détenteur de cette information. Par ailleurs la mission recommande que cette information soit non seulement vérifiée, comme cela est prévu par les textes communautaire et français, mais soit aussi prise en compte dans l'établissement du plan de surveillance pour que des prélèvements officiels soient effectués dans la zone où un végétal a été détecté comme positif par ces kits commerciaux. 3/ La détermination de la présence de Xylella fastidiosa dans ses insectes vecteurs est un angle mort de la réglementation alors qu'elle pourrait servir dans une approche de surveillance renforcée et que des tests existent a) La Commission envisage les vecteurs sous l'angle de leur maintien à un niveau le plus bas possible et d'une protection contre leur introduction dans des sites de production de végétaux Dans sa décision d'exécution 2015 /789, la Commission ne définit pas dans l'article 1 relatif aux définitions ce que sont les vecteurs de Xylella fastidiosa mais les mentionne dans d'autres articles à travers le prisme de :
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leur biologie que doivent prendre en compte les enquêtes annuelles visant à déceler la présence de Xylella fastidiosa sur des végétaux spécifiés (article 3) ; leur présence et leur biologie pour délimiter les zones infectées et tampon (article 4) ; leur absence pour déroger à l'établissement d'une zone infectée (article 4) ou pour accepter des mouvements de végétaux à partir d'un site de production situé dans une zone délimitée ou dans un pays tiers où la présence de Xylella fastidiosa est connue (articles 9 et 17) ; l'installation de protections matérielles contre leur introduction dans des sites de production de végétaux (articles 5, 9 et 17) ou sur des végétaux lors de leurs mouvements (articles 9 et 17) ; traitements phytosanitaires et de pratiques agricoles adaptées que ce soit dans le cadre de la conduite de mesures d'éradication (article 6), d'enrayement (article 7), de gestion de la zone de surveillance en Italie (article 8) ; traitements phytosanitaires dans le cadre de gestion de l'intérieur des sites de production de végétaux et des zones de 200 mètres autour de ces sites et avant le mouvement des végétaux produits (articles 9 et 17) ; risque de leur présence sur les végétaux spécifiés en mouvements pour fixer l'intensité des contrôles (article 11).
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La Commission a donc adopté une approche surtout centrée sur le maintien des vecteurs à un niveau le plus bas possible et sur la protection contre leur introduction dans des sites de production de végétaux destinés à être expédiés ou exportés et situés en zones infestées. Mais de fait les articles 3 et 4 ouvrent la porte à une vision dans laquelle le vecteur devient une aide à la décision. C'est dans cette direction que la mission estime que l'effort doit être renforcé. b/ car la surveillance de la présence de Xylella fastidiosa par PCR dans ses vecteurs peut, sous certaines réserves, devenir une aide à la décision en l'utilisant dans un rôle de sentinelle. Il est admis (cf. protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa de l'OEPP) que le test ELISA ne se prête pas à la détection de la bactérie dans les insectes, car il n'est pas assez sensible pour dépister la quantité de bactéries présentes dans la cavité buccale de l'insecte. En revanche la présence de Xylella fastidiosa peut être détectée par PCR à partir d'un broyat de la tête de l'insecte infecté (avec ou sans les yeux qui jouent un rôle inhibiteur dans certains protocoles) dont l'ADN a été extrait par la méthode CTAB198. De tels test sont conduits par l'équipe ANSES de Montpellier et par l'équipe de recherche de l'INRA de Montpellier. De son côté le LSV d'Angers a déjà constitué un dossier de validation d'une méthode sur insecte individuel. Une fois l'ADN amplifié par PCR, on retrouve les débats sur le choix du test permettant l'identification de la sous-espèce : MLST ou nested MLST. La mission rappelle donc à cet égard les réticences exprimées par divers chercheurs et par l'OEPP (aux travaux duquel l'équipe INRA de Montpellier ne participe pas) vis-à-vis de la nested MLST à cause de son risque élevé de contamination (et donc de faux positifs). Elle ajoute aussi que l'OEPP, dans son Protocole de diagnostic PM 7/24(3) sous presse, précise que les faibles concentrations de bactéries dans un insecte rendent encore plus difficile que sur une plante l'identification des sous-espèces par le test MLST. La mission est consciente que des travaux de calibration de méthode et surtout d'automatisation pour traiter en routine de nombreux échantillons restent à faire, mais elle souligne que par une méthode moléculaire la probabilité de détecter Xylella fastidiosa dans la cavité buccale d'un insecte infecté est beaucoup plus élevée (à dire d'experts) que dans une plante infectée (au sein de laquelle la concentration en bactéries varie d'un endroit à l'autre). Aussi dans un contexte de passage en première analyse à des tests ELISA (cf supra) de bon nombre de végétaux, la mission est convaincue que la conduite de campagnes de prélèvements d'insectes dans des lieux identifiés comme à risque (sur base notamment de la carte de la récente publication de J.Y. Rasplus de l'INRA 199 ) serait une mesure de bonne précaution car cela permettrait de leur faire jouer un rôle de sentinelles vis-à-vis de la détection de l'introduction de nouvelles sous-espèces de la bactérie. Ainsi alerté sur la présence d'insectes infectés par test PCR, si la détermination de la sous-espèce par MLST ne s'avère pas possible, il serait alors pertinent de prélever des végétaux dans les zones où l'insecte infecté a été découvert et de les analyser pour détecter la présence de Xylella fastidiosa et identifier la sous-espèce afin de connaître le plus tôt possible l'introduction éventuelle de nouvelles sous-espèces en Corse et d'adapter sans délai le plan de lutte contre Xylella fastidiosa en Corse.
198 Les données de validation de ce type d'extraction d'ADN sur insecte figurent dans le document PM 7 /24 (2) de l'OEPP. 199 Using insects to detect, monitor and predict the distribution of Xylella fastidiosa: a case study in Corsica. Astrid Cruaud, AnneAlicia Gonzalez, Martin Godefroid, Sabine Nidelet, Jean-Claude Streito, Jean-Marc Thuillier, Jean-Pierre Rossi, Sylvain Santoni and Jean-Yves Rasplus.
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5 La surveillance du territoire
5.1 La zone délimitée en Corse
La note de service relative au plan national d'intervention sanitaire d'urgence Xylella fastidiosa (DGAL/SDQSPV/2017-39 du 06/01/2017) décrit la procédure à suivre à partir de la détection d'un foyer pour définir la zone infectée et la zone tampon dans un arrêté préfectoral. La prescription est la suivante : « Les zones infectées et tampons sont élargies à mesure que des plantes sont trouvées positives, de façon à ce que la zone infectée couvre une surface d'un rayon de 100 mètres minimum et la zone tampon un rayon de 10 kilomètres minimum autour de chaque plante positive ». Dans le cas d'un foyer isolé, ces zones se présentent comme indiqué dans le schéma ci-après.
Définition d'une zone délimitée autour d'un foyer isolé
En application de ces dispositions, la zone délimitée en Corse couvrait en décembre 2017 une large partie du territoire de l'île, comme précisé dans la carte ci-après. À la suite de la décision d'exécution 2017-2352 du 14 décembre 2017, la Corse n'est plus classée en 2018 comme une zone d'éradication de Xylella fastidiosa, mais comme une zone d'enrayement. En conséquence, comme vu dans le chapitre décrivant la réglementation : · toute la surface de la Corse est considérée comme une zone infectée ;
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il n'y a pas de zone tampon sur le territoire de l'île.
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Sur le plan opérationnel, il y a une grande différence entre appliquer les exigences réglementaires et les dispositions des notes de services : · pour une zone infectée en éradication sur un rayon de 100 m autour d'un plant contaminé ; · pour une zone infectée élargie à l'ensemble du territoire de la Corse en vue de l'enrayement. De même, la différence entre les surfaces concernées en régions PACA et Corse peut être notée, comme le montre la carte qui suit, issue de la base de données Shiny de l'ANSES. Tout en respectant les principes énoncés au niveau national, les stratégies de surveillance du territoire doivent donc s'adapter à ces caractéristiques régionales.
Les zones délimitées pour Xylella fastidiosa en France (source : base de données Shiny, consultation du 14 juin 2018)
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Zones délimitées et emplacement des foyers en décembre 2017 (source DRAAF Corse)
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5.2 Instructions techniques sur la surveillance du territoire
La réglementation communautaire impose aux États membres de mener des enquêtes annuelles visant à déceler la présence de Xylella fastidiosa. Dans les zones d'éradication comme dans les zones d'enrayement, elle impose des prélèvements dans l'environnement des foyers. Dans les zones d'éradication, une surveillance doit être faite dans les zones tampon. En revanche, dans les zones d'enrayement, les enquêtes annuelles ne sont obligatoires que dans l'environnement de certains sites. Deux notes de service de la DGAl organisent la surveillance du territoire :
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dans les zones non délimitées : le plan de surveillance national pluriannuel de Xylella fastidiosa : instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-653 du 01/08/2017 ; en zone infectée et en zone tampon : le plan national d'intervention sanitaire d'urgence Xylella fastidiosa : instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-39 du 06/01/2017. Cette note de service est toutefois très orientée vers la gestion des foyers en zone d'éradication, et elle ne prévoit pas de modalités de surveillance du territoire propres aux zones d'enrayement.
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Par ailleurs, la délivrance du passeport phytosanitaire européen (PPE) pour les végétaux hôtes de Xylella fastidiosa, et pour les végétaux spécifiés ayant été cultivés pendant au moins une partie de leur existence dans une zone délimitée, fait l'objet d'une instruction spécifique : DGAL/SDQSPV/2018-258 du 04/04/2018. Les chapitres ci-après résument le travail de surveillance du territoire accompli jusqu'en 2017.
5.3 Surveillance programmée officielle
5.3.1 Surveillance des foyers et de leur environnement
Une surveillance est exercée sur des foyers et leur environnement ciblés en fonction de la présence de cultures sensibles à proximité, ou s'étendant sur une surface importante. En 2017, la FREDON a suivi 14 foyers en inspectant deux fois par an les 100 m autour des foyers, et les parcelles cultivées comprises dans cette zone. Les abords et l'intérieur des parcelles sont examinés y compris au-delà des 100 m. Il n'y a pas eu cette année d'analyse positive sur les végétaux prélevés. Par ailleurs, un prélèvement d'insectes a été réalisé sur chaque foyer, et envoyé à l'unité d'entomologie de l'ANSES, à Montpellier, sans retour d'information à ce jour. A titre d'exemple, le carte ci-dessous représente la surveillance exercée autour d'un foyer avec des parcelles de vigne dans un rayon de 100 m.
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Foyer situé sur la commune de Grosseto-Prugna (Corse-du-Sud) avec des parcelles de vigne dans un rayon de 100 m (source FREDON Corse)
En Haute-Corse, en 2017, une surveillance a été exercée autour des foyers avec un quadrillage :
· ·
de 100 m de côté dans le kilomètre autour des foyers ; de 1 km de côté sur un kilomètre supplémentaire.
L'exemple ci-dessous, en Balagne, permet de visualiser ce dispositif.
Quadrillage des zones à surveiller (en bleu) autour de foyers en Balagne (Source : FREDON Corse)
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5.3.2 Surveillance en zone quadrillée
En zone d'éradication, la réglementation communautaire prévoit une surveillance avec un quadrillage de la zone tampon. En 2016, une action de surveillance de grande envergure a été mise en oeuvre en Corse-du-Sud avec un quadrillage selon des points d'inspection tous les 5 km dans la zone délimitée, pour les sites à une altitude inférieure à 600 mètres. La quasi-totalité des points inspectés se trouvaient en milieu naturel. Dans les 90 points inspectés, 928 plantes ont été examinées et 765 prélèvements ont été effectués. Sur 760 analyses réalisées par l'ANSES, il y a eu 96 positifs, soit un taux de 12,6 %. Les végétaux détectés contaminés appartenaient principalement aux espèces suivantes :
· · · · ·
Calicotome villosa (39 positifs sur 139 prélèvements) ; Helichrysum italicum (32 positifs sur 113 prélèvements) ; Lavandula stoechas (9 positifs sur 82 prélèvements) ; Genista corsica (7 positifs sur 37 prélèvements) ; Cistus monspeliensis (2 positifs sur 59 prélèvements).
Les graphiques ci-après montrent le quadrillage employé et la répartition géographique des prélèvements et des résultats d'analyse. En vue de préparer un projet de zone de confinement selon une hypothèse de découpage de la Corse en deux zones, un quadrillage en carrés de 1 km de côté a été réalisé le long de la frontière entre la zone délimitée et la zone non délimitée. La carte ci-après montre la répartition de la zone surveillée. Les prélèvements ont été réalisés à 97 % en milieu naturel en 2016. Sur 1 976 analyses réalisées, 3 % ont été positives. Les principaux végétaux contaminés sont les suivants :
· · · ·
Helichrysum italicum (32 positifs sur 355 analyses) ; Cistus monspeliensis (8 positifs sur 11 analyses) ; Cistus salviifolius (8 positifs sur 154 analyses) ; Genista corsica (6 positifs sur 37 analyses).
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Quadrillage de la Corse-du-Sud selon des points d'inspection tous les 5 km (Source : FREDON Corse)
Répartition des prélèvements de végétaux et résultats (Source : FREDON Corse)
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Zone avec un quadrillage en carrés de 1 km de côté le long de la frontière entre les zones délimitées et non délimitées (Source : FREDON Corse)
En conclusion, la méthode de quadrillage sur de vastes zones a permis d'avoir un aperçu de la présence de Xylella fastidiosa sur les végétaux poussant dans les milieux naturels. Ce type de surveillance n'a pas été reconduit en 2017, ce qui conduit à une interrogation sur la surveillance phytosanitaire des zones naturelles : voir le chapitre 4 sur les milieux naturels.
5.3.3 Surveillance des zones agricoles avec des cultures sensibles
Dans la zone non délimitée, la note de service sur le plan de surveillance national pluriannuel prévoit la prospection de parcelles et de sites potentiellement à risque pour :
· · · ·
l'arboriculture fruitière ; les cultures ornementales et les JEVI (Jardins, Espaces Verts et Infrastructures) ; la vigne ; les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM).
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En arboriculture fruitière, le nombre minimum de parcelles programmées par culture et les inspections réalisées en Corse sont précisées dans le tableau ci-après.
Nombre de parcelles à prospecter en arboriculture fruitière et programme réalisé en 2017 (source FREDON Corse)
Culture
Genre espèce
Nb minimum de parcelles à prospecter (1) 20 25 20 0 100 20 10
Nombre parcelles prospectées
Surface
Nombre de positifs
Abricotier Agrumes Amandier Cerisier Olivier Pêcher Prunier
Prunus armeniaca Citrus sp. Prunus dulcis Prunus cerasus Olea europaea Prunus persica Prunus domestica
15 169 21 1 137 25 5
17,0 ha 197,7 ha 35,3 ha 0,5 ha 283,2 ha 35,3 ha 4,9 ha
0 0 0 0 0 0 0
(1) Note de service DGAL/SDQSPV/2017-653, pour ce qui concerne la Corse.
Pour la vigne, la note de service prévoit de coupler la surveillance sur Xylella fastidiosa avec les prospections sur la flavescence dorée de la vigne. Pour la Corse, un objectif minimum de 1 % de surveillance des vignobles est fixé.
Résultats de la surveillance sur vigne en 2017 (source FREDON Corse)
Secteur
Surface
Taux de surveillance
Nombre de parcelles inspectées 209 89 298
Nombre de prélèvements
Nombre de positifs
Corse-du-Sud Haute-Corse Total
426 ha 338 ha 764 ha
13,2 %
118 38 156
0 0 0
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L'exemple ci-dessous illustre la mise en oeuvre de ce dispositif.
Carte de surveillance couplée avec les prospections sur la flavescence dorée de la vigne sur la commune de Tallone (source FREDON Corse)
Les plants de vignes font l'objet d'inspections par FranceAgriMer (vignes mères 200), ou par la FREDON (vignoble) dans le cadre d'un suivi couplé avec la flavescence dorée. De plus, les greffons sortant de Corse en vue de leur bouturage sur le continent subissent à leur arrivée un traitement à l'eau chaude dans une station agréée.
5.3.4 Surveillance des abords des ports
L'analyse des risques en Corse a conduit à identifier les abords des ports comme des secteurs à surveiller (les contrôles dans les ports à l'entrée et à la sortie des végétaux sont traités dans le chapitre 8 de la présente annexe). En effet, les vecteurs de Xylella fastidiosa peuvent être transportés de manière passive par les véhicules de tourisme et les camions en provenance de l'Europe continentale. Cette surveillance présente en particulier un enjeu pour détecter les premiers foyers des sous-espèces pauca et fastidiosa. Dans l'hypothèse d'une telle dissémination, les plantes d'ornements sensibles sur les ports et leurs abords seront potentiellement les premiers végétaux touchés par la maladie. En conséquence, la surveillance porte sur les massifs et les alignements du domaine public, et si possible les haies des particuliers visibles de la route. Les inspections sont réalisées dans un périmètre de 200 m autour des ports. Les ports concernés sont en priorité ceux avec des lignes maritimes avec l'Italie : Bastia, Propriano, Porto-Vecchio, Ajaccio, Bonifacio, l'Île Rousse, et Calvi. En 2017, 55 prélèvements ont été réalisés en Corse-du-Sud et 178 en Haute-Corse. Tous les échantillons sont négatifs. A titre d'illustration, l'image ci-après représente le périmètre de la surveillance autour du port de Bastia.
200 Les vignes mères de porte-greffes et de greffons fournissent aux pépinières viticoles le matériel végétal destiné à la confection des plants vendus aux viticulteurs.
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Périmètre surveillé autour du port de Bastia (source FREDON Corse)
5.3.5 Surveillance des zones considérées comme indemnes avant le passage en enrayement
La cartographie des prélèvements depuis 2015 montre l'absence de positifs sur certains secteurs comme le désert des Agriates et le Cap Corse, mais aussi le faible taux de prélèvements dans ces zones de maquis, au demeurant peu accessibles. Afin de pouvoir couvrir tout le territoire et de mieux connaître la situation en zone naturelle faiblement accessible, la programmation d'une prospection dans ces secteurs de maquis a été décidée en concertation avec les DDCSPP et la FREDON. La Balagne a également été ciblée en prospection en milieu naturel pour augmenter le nombre de prélèvements dans des zones encore indemnes où des cultures sensibles étaient bien présentes.
5.3.6 Inspections liées aux dérogations à l'introduction
L'arrêté préfectoral n°15-580 du 30 avril 2015 interdit en Corse l'introduction des végétaux spécifiés en Corse quelle que soit leur origine. Mais des dérogations sous conditions et au cas par cas sont prévues pour les professionnels. Des contrôles à destination chez les pépiniéristes et chez les producteurs agricoles sont confiés à la FREDON. Une priorité est donnée à la surveillance des végétaux hôtes de Xylella fastidiosa pauca.
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5.3.7 Prélèvements d'insectes vecteurs
Une surveillance des insectes potentiellement vecteurs a été mise en place sur les foyers. Sur plus de 1800 insectes piqueurs-suceurs de xylème prélevés en 2015 et 2016, 93 % appartiennent à l'espèce Philaenus spumarius. Les analyses bactériologiques menées sur 335 Philaenus spumarius récoltés en 2015 se sont avérées positives vis-à-vis de Xylella fastidiosa multiplex pour 28 individus (soit 8 %). Un programme de collectes bimensuelles d'insectes potentiellement vecteurs sur les sites de six foyers de Xylella fastidiosa a été confié à la FREDON au cours de la période octobre 2016 à mai 2017. Les prélèvements sont adressés à l'unité d'entomologie de l'ANSES à Montpellier, puis des analyses bactériologiques sont faites. La mission n'a pas eu connaissance de résultats sur cette dernière période. Elle est d'avis que des enseignements devraient être tirés de l'ensemble de ces résultats.
5.3.8 Recensement et analyse des polygales à feuille de myrte
L'arrêté préfectoral n° 15-887 du 25 septembre 2015 a organisé une action de recensement et de destruction ciblée des polygales à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia). Il a été modifié par l'arrêté n°16-1864 du 3 octobre 2016, qui interdit la plantation, la multiplication, et la distribution à titre onéreux ou gratuit de polygales à feuille de myrte en Corse. Dans le cadre de l'action de recensement, et via un numéro vert, la FREDON a reçu des appels téléphoniques. Au total, 233 polygales ont été inspectés, chez 112 propriétaires dans 40 communes différentes. Les 133 prélèvements effectués ont donné 19 analyses positives et 14 identifications de la souche multiplex.
Carte des inspections sur Polygala myrtifolia et des résultats d'analyses (source FREDON Corse)
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5.4 Bilan de la surveillance du territoire
Selon les données présentées lors du CROPSAV du 25 janvier 2018, depuis 2015, la surveillance du territoire officielle en Corse a obtenu les résultats suivants :
· · ·
15 722 échantillons analysés. La carte ci-après précise la localisation des prélèvements. 918 échantillons positifs, soit 5,8 % du total ; une seule sous-espèce identifiée : multiplex, avec deux « Sequence Types » : ST 6 et ST 7; 36 espèces hôtes identifiées (cf. la liste des végétaux dans le tableau ci-après) ; 354 foyers déclarés (cf. la carte des zones délimitées) ; les foyers sont situés essentiellement en milieux naturels (maquis, forêt) et en zone urbaine ; à cette date, il n'y a pas eu de détection officielle sur un végétal cultivé 201 dans des parcelles agricoles entretenues.
· · ·
·
La surveillance du territoire depuis 2015 a permis d'accumuler des informations et des connaissances sur toutes sortes de milieux où poussent des végétaux sensibles à Xylella fastidiosa. Cette expérience montre l'intérêt d'avoir une vision panoramique des foyers dans le cas d'une bactériose fortement polyphage. La mission s'interroge sur le quasi-arrêt de la surveillance programmée dans le maquis depuis 2017. À ce titre, elle formule des recommandations pour prolonger ces travaux d'une façon adaptée à l'enrayement dans le chapitre du rapport relatif aux milieux naturels.
201 Courant 2016, un amandier a été trouvé positif avec une identification de la sous-espèce multiplex, dans la région de Balagne, au nord de la Corse. Il était situé dans un jardin et non dans une parcelle de production.
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Localisation des prélèvements entre 2015 et fin 2017 (source DRAAF Corse)
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Espèces de végétaux en Corse avec des analyses positives pour Xylella fastidiosa au 31 décembre 2017 (source : CROPSAV du 25 janvier 2018)
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6 La gestion des foyers en Corse
Une fois la présence de Xylella fastidiosa reconnue, la gestion des foyers est mise en oeuvre par les agents des DDCSPP. Outre les dispositions générales liées à l'exercice des pouvoirs de police administrative, le cadre réglementaire appliqué est défini par :
·
la décision d'exécution 2015/789 qui prévoit notamment :
en zone d'éradication l'enlèvement des végétaux infectés, et dans un rayon de 100 mètres l'enlèvement des végétaux hôtes quel que soit leur état sanitaire et des végétaux symptomatiques ou suspects ; en zone d'enrayement l'enlèvement des seuls végétaux infectés ;
·
le code rural et de la pêche maritime, en particulier les articles L.251-9 et L.251-10 relatifs à la mise en oeuvre des mesures de lutte prévues par la réglementation et à la destruction des végétaux ; l'article 3 de l'arrêté préfectoral n°15-580 du 30 avril 2015.
·
À propos de l'arrachage des végétaux hôtes autour des foyers, le rapport d'audit 202 de la DG SANTE indique en 2016 : « Dans le cas des trois premiers foyers détectés en Corse, on est parti du principe que l'infection a été provoquée par la sous-espèce pauca de Xf ; par conséquent, dans la zone de 100 m autour de la ZI, les végétaux hôtes de cette sous-espèce et tous les végétaux symptomatiques d'autres espèces ont été arrachés. Plus tard, partant de l'hypothèse que Pm était la source proéminente d'infection, chaque végétal de cette espèce a été arraché. » (Pm = polygale à feuilles de myrte). Mais en 2017, le rapport d'audit203 précise : « En Corse, seules les mesures d'éradication mises en oeuvre en réaction aux premiers foyers détectés en 2015 étaient pleinement conformes aux dispositions de la décision. [...] En raison des préoccupations évoquées plus haut et des difficultés d'accès, tous les végétaux hôtes présents dans les ZI nouvellement établies en Corse ne sont pas arrachés et détruits. » (ZI = zone infectée). L'enlèvement des végétaux hôtes apparemment indemnes n'a été donc mis en oeuvre que pour les trois premiers foyers. Toutefois, cette problématique n'a plus à être prise en compte depuis le passage de la Corse en zone d'enrayement. Le bilan de la gestion des végétaux contaminés, tant que la Corse était en zone d'éradication, se présente comme suit :
·
les 354 foyers détectés ont tous fait l'objet par les DDCSPP de notifications adressées aux propriétaires pour ordonner des mesures d'arrachage des végétaux contaminés et des autres végétaux hôtes dans un rayon de 100 mètres, à réaliser par les intéressés ; pour les 17 foyers en Haute-Corse, les arrachages des plantes index (végétal confirmé infecté et déclenchant le foyer) ont tous été vérifiés, de même que l'arrachage des végétaux détectés infectés lors des prélèvements ultérieurs ;
·
202 DG (SANTE) 2016-8793. L'extrait cité expose la gestion des foyers avant que la sous-espèce multiplex n'ait été identifiée. 203 DG(SANTE) 2017-6141
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·
pour les 337 foyers en Corse-du-Sud, en raison du nombre de sites, les moyens ont été concentrés sur la vérification des arrachages de plantes index qui est proche de 100 % pour 2015 et 2016. Pour les foyers de la campagne 2017, des vérifications d'arrachage restent à faire ou sont en cours. Dans 20 % des foyers, des végétaux infectés secondaires ont été détectés près des plantes index, et leur arrachage a été vérifié à plus de 70 %.
Les DDCSPP rencontrent des difficultés à faire respecter la réglementation faute d'accessibilité des sites ou de réponse de la part des propriétaires ou détenteurs. Les conditions prévues par le code rural et de la pêche maritime pour une mise en oeuvre d'office sont rarement réunies en Corse204. L'accès aux lieux à des fins de destruction devant se faire en présence de l'intéressé, et pour éviter des contentieux administratifs voire des poursuites pénales, la DDCSPP se heurte aux problèmes :
·
des propriétaires qui ne répondent pas ou sont absents en grande partie de l'année, ce qui est très courant en Corse. Un grand nombre de résidences secondaires sont inoccupées une bonne partie de l'année. du régime de succession particulier en Corse, avec de nombreuses propriétés qui appartiennent en indivision à des familles entières.
·
204 La mission a cru comprendre qu'aux Baléares une brigade d'élimination se charge de l'arrachage et que dans les Pouilles les carabinieri forestale auraient le pouvoir d'intervenir si le propriétaire n'arrache pas.
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7 Les mouvements de végétaux sortant de Corse
7.1 Renforcement des enjeux pour les mouvements de végétaux sortant de Corse.
Le passage en enrayement s'est accompagné d'un classement de toute la Corse en zone infectée en raison de l'absence de zone tampon. La mission n'a pas connaissance de réactions de partenaires commerciaux voyant la Corse comme une menace pour l'état sanitaire des cultures sur leur territoire. En revanche, lors de sa rencontre avec la cheffe de l'Unité de santé des végétaux de la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne, celle-ci a souligné l'attention portée par son Institution aux risques de dissémination de Xylella fastidiosa depuis les zones infectées comme la Corse. L'obligation de respecter les exigences de la réglementation communautaire et de mettre en oeuvre les mesures prévues a été soulignée.
7.2 Demandes de dérogations pour la sortie de plants hors de Corse
7.2.1 Dérogations au titre de l'article 9.2
Hors cultures in vitro et végétaux résistants205, les plants de végétaux spécifiés cultivés dans une zone délimitée sont interdits de déplacement en dehors de la zone délimitée par la réglementation communautaire. Toutefois, une dérogation peut être accordée aux végétaux spécifiés cultivés sur un site répondant aux exigences de l'article 9.2 de la décision d'exécution 2015/789. Tout le territoire de la Corse étant désormais en zone délimitée, et selon les informations recueillies par la mission, trois établissements ont manifesté leur souhait de bénéficier de la dérogation prévue par l'article 9.2 pour sortir des plants de Corse :
· · ·
l'INRA de San-Giuliano pour sa collection d'agrumes ; la pépinière « Agrumes du Soleil » à Vescovato ; le GAEC « Corse Plants Production » à San-Giuliano, pour des micro-plants d'immortelle, de romarin, de myrte et de lavande.
Les dossiers de ces établissements sont en cours d'instruction en DDCSPP. Ils sont par ailleurs inspectés au titre de la délivrance du passeport phytosanitaire européen, et l'environnement des sites est prospecté par la FREDON. À ce jour, aucune dérogation n'a été délivrée par les services déconcentrés aux établissements souhaitant faire sortir de Corse des végétaux spécifiés. La pépinière a vécu sur l'expédition de ses plants considérés comme sains, car produits avant l'élargissement de la zone délimitée liée à l'entrée en enrayement.
205 Ces végétaux sont précisés dans l'annexe III de la décision 2015/789 portant sur les variétés des végétaux spécifiés non sensibles selon les souches concernées des sous- espèces de Xylella fastidiosa.
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La mission a dialogué avec des producteurs potentiellement concernés par ces dérogations. Le renforcement des exigences phytosanitaires liée à l'article 9.2, en raison du passage de l'ensemble de la Corse en zone délimitée, constitue un obstacle difficile à franchir pour ces établissements. Les coûts liés aux serres insect-proof et aux analyses sont difficiles à prendre en charge, en particulier pour les petites structures De plus, elles réduisent la compétitivité des végétaux proposés sur le marché international. Seule la station de l'INRA semble être en mesure de s'adapter, et de mobiliser les investissements et les compétences nécessaires. La situation ainsi créée est problématique, dans la mesure où des producteurs de plants renoncent à produire du matériel végétal destiné à sortir de Corse. Le développement de telles filières valorisant du matériel végétal spécifiquement corse et à forte valeur ajoutée est ainsi affecté.
7.2.2 Dérogations au titre de l'article 9.4 bis
Le cas des demandes de dérogations pour la sortie des plants de Vitis des zones délimitées au titre de l'article 9.4 bis est examiné dans le corps du rapport.
7.3 Les inspections de végétaux sortant de Corse
Ce point est également traité dans le corps du rapport, notamment pour illustrer les actions réalisées par l'aéroport de Palma de Majorque pour l'information des voyageurs, et pour mettre à la disposition des voyageurs et des personnels chargés du contrôle des bacs destinés aux déchets végétaux présentant un risque biologique.
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8 Les mouvements de végétaux entrant en Corse
8.1 L'arrêté préfectoral du 30 avril 2015
Les débats et les propositions au sujet de l'arrêté préfectoral du 30 avril 2015 sont examinées dans le corps du rapport.
8.2 La délivrance des dérogations
Les demandes de dérogation pour introduire en Corse des végétaux sont déposées auprès des DDCSPP. Les appréciations sont instruites au cas par cas en s'appuyant sur un arbre de décision. Pour éviter des distorsions de traitements selon les services, les directions de la DRAAF et des DDCSPP ont mis en place une coordination technique des inspecteurs pilotée par le Service régional de l'alimentation (SRAL), pour examiner l'évolution de l'arbre de décision et l'harmonisation de sa mise en oeuvre. De plus, l'arbre de décision a fait l'objet d'un groupe de travail réuni par le SRAL le 13 janvier 2017 avec la participation d'organisations professionnelles (CDJA 2A, CDA 2A, CDA 2B, CRA, ODARC, UNEP, Syndicat Oliu di Corsica). Outre le refus de végétaux accompagnés d'un passeport phytosanitaire européen, l'arbre de décision présente une série de problèmes :
·
il s'est complexité au fil du temps à mesure des différents cas rencontrés par les inspecteurs, notamment à mesure des découvertes de nouvelles zones contaminées, et en distinguant les végétaux hôtes de multiplex, pauca et fastidiosa. Des simplifications ont toutefois été introduites en mars 2018 comme l'arrêt de la distinction entre producteurs et revendeurs pour les végétaux hôtes de multiplex. il filtre les origines au-delà des zones délimitées, en s'appliquant à des provinces entières, voire à des pays ; il génère des tensions sur les espèces végétales représentant une forte valeur ajoutée commerciale comme le laurier-rose ; il n'est pas rendu public dans son détail faute d'être opposable, ce qui suscite des interrogations sur les attributions de dérogations.
·
·
·
La mission a été informée des difficultés des inspecteurs pour appliquer l'arbre de décision du fait de sa complexité.
8.3 Les inspections à l'introduction
Les inspections à l'introduction, y compris les contrôles dans les centres postaux, et les propositions formulées sont exposées dans le corps du rapport.
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8.4 Le bilan des dérogations et des contrôles à l'entrée
Lors du CROPSAV du 25 janvier 2018, le bilan ci-dessous des dérogations a été présenté.
Nombre de plants entrés à la suite des dérogations délivrées en 2017 (source : CROPSAV) Nb de plants Vitis vinifera (vigne) Solanum (tomates, aubergines) Nerium oleander (laurier rose) Prunus spp. dont : pêchers amandiers laurier cerises abricotiers cerisiers pruniers merisiers Rubus spp. (framboisiers...) Westringia fruticosa Olea europaea (oliviers) Citrus spp. (agrumes) Ficus carica (figuiers) Grevillea juniperina Metrosideros spp. Autres 16 193 5 701 3 351 2 044 1 694 955 759 58 160 Corse-du-Sud 144 652 232 204 29 158 5 215 941 996 1 374 658 581 393 150 4 478 300 2 213 663 667 424 36 75 416 Haute-Corse 1 199 367 326 335 12 708 28 941 12 814 8 075 2 531 3 008 896 879 430 20 671 6 001 5 564 2 707 2 361 1 379 795 133 576 Total 1 344 019 558 539 41 866 34 156 13 755 9 071 3 905 3 666 1 477 1 272 580
Ceux des acteurs qui sont favorables à une interdiction totale des introductions de végétaux hôtes manifestent leur inquiétude devant l'importance des nombres de plants introduits en Corse. La mission a interrogé des pétitionnaires à ce sujet. Ils ont souligné que leurs demandes de dérogation portent sur des végétaux choisis pour être conformes aux exigences de l'arrêté préfectoral, ce qui explique les montants enregistrés.
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Un focus a également été présenté sur les dérogations portant sur des oliviers.
Nombre de dérogations sur oliviers en 2017 (source : CROPSAV) Corse-du-Sud Nb de dérogations concernant Olea europaea Espagne Provenances Italie France Pépinière Destinataires Producteur Jardinerie 65 58 0 7 49 0 16 Haute-Corse 34 22 0 12 15 0 19 Total 99 80 0 19 64 0 35
De plus, 408 inspections ont été réalisées en 2017 sur les lieux de destination des végétaux bénéficiant de dérogation, et il y a eu 3 non-conformités détectées. Pour les contrôles dans les ports à l'entrée des végétaux, le bilan est le suivant :
Contrôle des introductions dans les ports en 2017 (source : CROPSAV) Nb de contrôles aux ports à l'arrivée en Corse Nb de bateaux contrôlés Nb de lots végétaux interceptés Nb de lots de végétaux refoulés ou détruits Nb de végétaux refoulés ou détruits 452 950 210 151 1 500
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ADDENDUM 1
Diagramme extrait du protocole OEPP PM 7/24 (2) sur les diagnostics de Xylella fastidiosa
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ADDENDUM 2
Schéma de détection de Xylella fastidiosa du Laboratoire de la santé des végétaux de l'Anse (Source : ANSES)
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ADDENDUM 3
Le texte qui suit (et auquel fait renvoi la partie 2.a supra) vise à présenter de façon à la fois compréhensible pour des lecteurs non experts et acceptable par des scientifiques les différentes méthodes sur lesquelles reposent les tests de la liste que la Commission européenne a publiée le 15 décembre 2017 .
1/ Méthodes d'analyse basées sur des tests immunologiques
Il s'agit de tests qui reposent sur la capacité d'un anticorps à se fixer sur une molécule spécifique appelée son antigène. L'antigène dans notre cas est une molécule spécifique de Xylella fastidiosa. L'anticorps est lui produit par un animal (le plus souvent un lapin) à qui on a injecté la bactérie car cette injection active un mécanisme de défense de son système sanguin. Des laboratoires spécialisés se chargent de cette manipulation et commercialisent les sérums contenant l'anticorps souhaité. a) ELISA Le test ELISA se caractérise par le fait que la réaction anticorps antigène contenu dans le broyat de feuilles et pétioles de la plante infectée, est visualisée par une réaction colorée produite par l'action sur un substrat d'une enzyme préalablement fixée à l'anticorps (d'où le nom du test de dosage d'immunoréaction par enzyme liée). La sensibilité d'un test ELISA est relativement basse puisqu'elle ne détecte la présence de la bactérie qu'au-dessus d'une concentration de 105 bactéries par ml (voire 104 dans le meilleur des cas) tel qu'indiqué dans le protocole de diagnostic de l'OEPP En revanche c'est un test peu coûteux. Il faut également noter l'inconvénient que la réaction enzymatique rend cette technique dépendante de la température, du pH et de l'éclairement et que certains végétaux (chênes par exemple) peuvent provoquer de faux positifs à cause de forts « bruits de fond ». b) Immunofluorescence Dans ce cas, la réaction entre l'anticorps et l'antigène est visualisée par la fluorescence émise par la substance chimique (de la famille des fluorochromes) préalablement fixée à l'anticorps lorsqu'elle est exposée à des rayons ultraviolets. La sensibilité d'un tel test indiquée dans le protocole de diagnostic de l'OEPP est de 10 4 bactéries par ml.
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2/ Méthodes basées sur l'analyse moléculaire
Il s'agit de tests qui cherchent à reconnaître une succession de nucléotides sur un brin d'ADN 206 de la bactérie car cette succession est spécifique non seulement de la bactérie mais aussi de ses sous-espèces. Ces tests reposent donc sur la « récupération » de cette succession de nucléotides et sur son amplification (réplication en grande quantité) ultérieure à l'aide d'une enzyme pour pouvoir l'analyser ensuite. Cette technique est utilisée depuis une trentaine d'années. a/ La PCR Il existe plusieurs méthodes de PCR d'abord selon qu'elles sont dites conventionnelles ou en temps réel (ou quantitative) mais il n'y a aucune différence dans la réaction enzymatique. Les PCR en temps réel sont plus récentes et mesurent à chaque cycle de réplication la quantité de la succession de nucléotides produite tandis que la PCR conventionnelle examine seulement le point d'arrivée après 40 cycles de réplication. Pour réaliser une PCR on utilise une enzyme, chargée de la réplication de la succession de nucléotides, deux amorces qui s'accouplent au brin d'ADN en délimitant (l'une au début et l'autre à la fin) la zone que l'enzyme va répliquer et une sonde dont la fluorescence permet de détecter la quantité de nucléotides répliqués puisqu'elle se fixe sur eux et que l'intensité dépend du nombre de couples ainsi formés. Pour la suite de la présentation, nous allons nous limiter à la méthode MA039 de l'ANSES qui est une méthode de type PCR en temps réel basée sur Harper et al ., 2010 ; erratum 2013. Dans cette méthode les deux amorces sont constituées d'une succession respectivement de 19 et 21 nucléotides spécifique de Xylella fastidiosa. Elles sont fabriquées à la demande par des laboratoires spécialisés. Comme du reste la sonde qui est dans le cas de la méthode ANSES une autre succession spécifique de 21 nucléotides mais dont chaque extrémité porte l'une un fluorophore et l'autre un désactivateur. En pratique si de l'ADN de Xylella fastidiosa est présent dans l'échantillon, les deux amorces se brancheront sur la succession de nucléotides du brin d'ADN qui leur est complémentaire 205 et la zone du brin d'ADN ainsi isolée entre ces deux amorces sera répliquée par l'enzyme. Dans une PCR la réaction enzymatique de production de cette chaîne de nucléotides est obtenue par la succession d'un cycle thermique répété plusieurs fois : une première phase de chauffage (généralement 10 à 15 minutes à 95 °C) permet de séparer les brins de la double hélice, d'homogénéiser le milieu de réaction et d'activer l'enzyme de réaction ; une deuxième phase (généralement 2 à 60 secondes à 56-64 °C) permet aux enzymes de s'accrocher aux brins d'ADN ;
206 L'ADN est une macromolécule biologique présente dans toutes les cellules vivantes (donc dans les bactéries) qui se présente sous la forme de deux brins enroulés l'un autour de l'autre pour former la fameuse double hélice. Chaque brin est composé de la même succession de nucléotides (on distingue quatre types : Adénine, Cytosine, Guanine ou Thymine) et l'ordre de cette succession constitue la séquence génétique propre à chaque organisme vivant. Enfin cet ordre est inversé sur chaque brin et les deux brins sont liés entre eux au niveau des nucléotides en respectant des règles de complémentarité (Adénine avec Thymine et Cytosine avec Guanine).
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une troisième phase (généralement 4 à 120 secondes à 72 °C) permet à l'enzyme de produire la succession de nucléotide complémentaire de la portion de brin d'ADN à laquelle elle s'est accrochée lors de la phase précédente.
C'est la répétition du cycle thermique qui va permettre la production en quantité croissante de molécules composées de la succession de nucléotides caractéristiques de Xylella fastidiosa. Comme il y a deux brins la production est exponentielle. Le protocole de l'OEPP (qui reprend les données de validation de l'ANSES), indique que la sensibilité de cette méthode varie selon les végétaux : de seulement 102 bactéries par ml sur citrus à 105 bactéries par ml sur oliviers. Pour information parmi les trois tests que la Commission valide pour identifier les sous-espèces de Xylella fastidiosa il y a deux PCR conventionnelles (Hernandez-Martinez et al.,2006 et Pooler & Hartung, 1995). La première utilise 3 couples d'amorces (pour pouvoir distinguer sandyi, multiplex et fastidiosa) et la seconde un seul couple spécifique de pauca. b/ La LAMP C'est le test choisi par l'Italie comme premier test moléculaire à mettre en oeuvre dans les zones non délimitées. C'est également le test sur lequel repose un des tests de la société Agdia, utilisé par les oléiculteurs en Corse. La LAMP est une PCR dont l'amplification est isotherme comme son nom complet l'indique (Loop mediated isothermal amplification). La séquence cible de nucléotides est en effet amplifiée à un température constante de 60-65° Celsius et la méthode utilise 4 amorces pour identifier 6 régions sur le brin d'ADN, En outre la réaction est accélérée par l'utilisation d'une paire d'amorces bouclées (loop primers). La détection du produit d'amplification est déterminé par photométrie de la turbidité de la solution qui augmente avec la précipitation d'une quantité croissante de pyrophosphates de magnésium, co-produits par la réaction d'amplification. On a l'habitude de dire de la LAMP que c'est une PCR low cost. c/ la MLST La Multilocus sequence typing (MLST) est utilisée après une PCR. Sur la succession de nucléotides amplifiés il s'agit d'obtenir de façon précise la succession des nucléotides. En effet il est possible que par mutation un nucléotide soit différent. Cette modification signe ce qu'on appelle le Sequence-type d'une souche et permet de l'affecter précisément dans l'arbre phylogénique d'une sous-espèce. Or lorsqu'on utilise une sonde pour identifier cette séquence par fixation de brins complémentaires c'est un peu comme si dans une fermeture éclair un cran manquait (dans ce cas le nucléotide de la succession amplifiée n'est pas le complémentaire de celui présent sur la sonde) : ce défaut n'empêche pas de joindre les deux pans de la fermeture éclair (on identifie alors la sous-espèce) mais pas le sequence typing.
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En pratique il convient de faire 7 PCR pour identifier et séquencer 7 gènes et avoir une identification de la sous-espèce. Cette contrainte explique le taux important d'indéterminés lorsque insuffisamment d'ADN de la bactérie est disponible. Suite à des discussions entre experts lors de l'élaboration de la révision du protocole de diagnostic de l'OEPP il a été accepté que l'on peut recommander de commencer les analyses sur 2 gènes et si les ST ne sont pas interprétables à passer à 3 puis à 7.
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ADDENDUM 4
Classement des cultures en zones agricoles par surfaces décroissantes, inscription sur les listes de végétaux spécifiés et de végétaux hôtes, détection en France et aux Baléares
Culture (1)
Nom latin
Surface (1)
Quantité produite (1) 388 789 hl 1 441 t Farine : 39 t 32 500 t 305 t 3 000 t 3 591 t 5 516 t 120 t 2 412 t 1 530 t 686 t
Nb producteurs (1) 280 176 78 144 42 39 35 122 -
Culture inscrite sur la liste des végétaux spécifiés (2) Oui Oui Non Oui Oui Non Non Oui Non Oui Oui Oui
Culture inscrite sur les listes des végétaux hôtes par ssp de Xf (3) fastidiosa multiplex, pauca Non Non Indépendamment des ssp Non Non Non Non Non Non Non
Détection en France (méthode officielle) (4) Non Non Non Non ST7 (6) Non Non Non Non Non Non Non
Détection aux Baléares (5) fastidiosa ST1 multiplex ST81, pauca ST80 Non Non fastidiosa ST1, multiplex ST81 Non Non Non Non Non Non Non Page 183/203
Vigne Olive Châtaigne Clémentine Amande Kiwi Melon Pomelo Noisette Pêche Nectarines Abricot
Vitis vinifera Olea europaea Castanea sativa Citrus clementina Prunus dulcis Actinidia deliciosa Cucumis melo Citrus maxima Corylus avellana Prunus persica P. persica nucipersica Prunus armeniaca
5 849 ha 2 135 ha 1 320 ha 1 210 ha 370 ha 320 ha 180 ha 167 ha 150 ha 134 ha 85 ha 49 ha
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Culture (1)
Nom latin
Surface (1)
Quantité produite (1) 1 720 t 3 075 t 839 t 585 t 1 530 t 504 t 280 t 85 t 765 t 1 075 t
Nb producteurs (1) -
Culture inscrite sur la liste des végétaux spécifiés (2) Non Oui Non Oui Non Non Oui Oui Non Non
Culture inscrite sur les listes des végétaux hôtes par ssp de Xf (3) Non Non Non multiplex Non Non Non fastidiosa, pauca Non Non
Détection en France (méthode officielle) (4) Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non
Détection aux Baléares (5) Non Non Non ST indéterminée Non Non Non fastidiosa ST1 Non Non
Pomme Tomate Courgette Prunes de bouche Pastèque Fraise Aubergine Cerise Concombre Salade
Malus domestica Solanum lycopersicum Cucurbita pepo Prunus domestica Citrullus lanatus Fragaria ananassa Solanum melongena Prunus avium Cucumis sativus Lactuca sativa
43 ha 41 ha 40 ha 39 ha 34 ha 16 ha 12 ha 11 ha 9 ha -
(1) Chiffres clefs de l'agriculture Corse : campagne 2016. Collectivité de Corse, DRAAF Corse, Chambre d'agriculture de Corse. (2) Annexe I de la décision d'exécution 2015-789 de la Commission (modifiée). Version du 1er mars 2018. (3) Commission database of host plants found to be susceptible to Xylella fastidiosa in the Union territory update 10 15.02.2018. (4) Xylella fastidiosa : méthodes de détection et d'identification dans les plantes et les vecteurs, connaissances et limites biologiques. Françoise POLIAKOFF Anses- Laboratoire de la santé des végétaux, Unité bactériologie, virologie, OGM ANGERS. 17 janvier 2018. (5) Situacion y control oficial de Xylella fastidiosa en las islas Balerares. Andreu Juan Serra, Jefe del Servicio de Agricultura, Conselleria de medi ambient, Agricultura i pesca, Direccio general d'agriclutura i ramaderia. Mise à jour du 15 mars 2018. (6) Détection dans un jardin.
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Annexe 11 : compléments d'analyse relatifsaux milieux naturels et subnaturels
Modalités actuelles de la surveillance de ces milieux concernant la bactérie
Alors que le maquis et les forêts abritaient en juillet 2017 24 des 36 espèces officiellement identifiées comme espèces hôtes de la bactérie en Corse 207, ces formations végétales ne semblent pas faire l'objet d'une surveillance programmée officielle, même si un pourcentage élevé de prélèvements, et plus encore d'échantillons positifs les concernent. Par ailleurs le maquis est très difficilement pénétrable, et les échantillons prélevés dans le maquis l'ont essentiellement été près des villages, des cultures et des routes ou chemins. Au-delà des hypothèses que l'on peut faire en extrapolant les analyses disponibles, la mission constate qu'il n'est actuellement pas possible de considérer que l'on dispose en Corse d'une vision représentative de la présence de la bactérie dans le maquis. Néanmoins il semble raisonnable de penser que l'implantation de la bactérie n'est pas récente, au moins dans les zones les plus facilement accessibles à l'insecte. Alors que les plans et les instructions publiés par la DGAl ne traitent pas explicitement et clairement de ces formations végétales dans la surveillance programmée qui cible les espèces cultivées, et du niveau de surveillance qui est souhaitable, les nombreux échantillons analysés de 2015 à 2017 s'expliquent historiquement par les prélèvements effectués :
·
sur un maillage de 5 × 5 km en 2016 en Corse du Sud, dans la zone tampon, à une altitude inférieure à 600 m ; la quasi-totalité des points d'inspection se situaient en milieu naturel208 : 24 en forêt et 710 dans le maquis ou apparenté, pour seulement 24 en zone de culture ; sur un maillage de 1 × 1 km en 2017 en Corse du Sud, à une altitude inférieure à 600 m, sur 10 km de part et d'autre de la frontière Nord de la zone délimitée, dans le cadre d'une réflexion sur une possible zone d'enrayement à un moment où toute la Corse n'était pas concernée par une telle perspective ; les prélèvements ont été réalisés dans la plupart des cas dans le milieu naturel (97 % des prélèvements) ; 188 en forêt et 1976 dans le maquis (ou apparenté) ; sur un maillage systématique de 100 × 100 m à l'intérieur d'un carré de 1 × 1 km en 2017 en Haute-Corse, autour des seuls foyers identifiés précédemment ; dans le cadre d'une surveillance non programmée, en fonction des informations recueillies et des symptômes identifiés à l'occasion d'autres activités de surveillance de cultures agricoles (ou de forêts par le département de la santé des forêts, DSF).
·
·
·
207
Chiffre passé au printemps 2018 à 44 espèces hôtes en Corse, selon la base de données Shiny mise à la disposition de la mission en juin 2018. 208 Les trois plantes les plus prélevées ont été Calicotome villosa (18 %), Helichrysum italicum (15 %) et Lavandula stoechas (10 %). Le taux de positifs pour ces plantes est de 28 % pour Calicotome villosa et Helichrysum italicum et de 11 % pour Lavandula stoechas.
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Désormais l'ensemble de la Corse est en zone d'enrayement, et les obligations communautaires découlant de la décision d'exécution du 14 décembre 2017 ne concernent plus que la surveillance :
·
autour des pépinières et des « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière » (vocabulaire de la décision de décembre 2017) ; autour des foyers « historiques », deux fois par an ; non programmée, en fonction des informations recueillies et des symptômes identifiés à l'occasion d'autres activités de surveillance de cultures agricoles209.
· ·
La pression de surveillance sur la végétation du maquis devrait a priori diminuer, sans que la mission puisse quantifier à ce jour en quoi le maquis restera concerné par ce « minimum obligatoire » de surveillance. En forêt (mais pas dans le maquis), le département de la santé des forêts (DSF), dont un correspondant-observateur est un agent de la DDCSPP de Haute-Corse, habilité à faire des prélèvements, s'est impliqué dans la surveillance de X. fastidiosa, en initiant 44 prélèvements sur chêne vert et chêne liège autour de foyers connus, en 2015. L'investissement du DSF s'est ensuite nettement ralenti sous l'effet conjugué de deux facteurs : une certaine « lassitude » découlant du caractère systématiquement négatif des analyses ANSES sur les chênes, et la réévaluation en conséquence de l'hypothèse d'un effet climatique, du type de celui constaté en 2003210, pour expliquer la situation de certains arbres ou de certaines formations végétales. Les débats vifs sur X. fastidiosa au sein de la société en Corse dépassent largement les problématiques forestières. Néanmoins ils conduisent actuellement l'Office national des forêts (ONF211) et le Centre régional de la propriété forestière (intervenant en forêt privée), très concerné par les peuplements de chêne vert de basse altitude, à se remobiliser sur le sujet. Ces deux organismes envisagent en effet de s'investir, de manière concertée, dans la vigilance et la surveillance, et de réanimer le groupe de travail « forêt » du CROPSAV (qui ne s'était réuni qu'une seule fois), et ceci en coopération avec le DSF qui a affirmé à la mission sa nouvelle motivation dans ce domaine. Le DSF est depuis quelques années un service de la DGAl, et les instructions de la DGAl sur X. fastidiosa mentionnent bien la participation du DSF dans la surveillance programmée non officielle212. Mais cette activité semble envisagée dans le cadre de son activité ordinaire 213 (et donc
209 La mission note néanmoins que la convention DDCSPP-FREDON en 2018, mais pour la seule Haute-Corse, parle d'inspections des végétaux dans des secteurs peu inspectés. 210 Les inquiétudes suite à la crise climatique de 2003 avaient en effet conduit à la mise en place de nouvelles placettes de suivi du chêne vert et du chêne liège dans le cadre du « réseau canicule », en plus des 7 placettes permanentes sur chêne vert et des 2 sur chêne liège (réseau européen 16 × 16 km). Les arbres s'étant progressivement remis, les placettes supplémentaires ont été abandonnées. Le DSF s'est depuis plutôt concentré sur le dépérissement du chêne liège, pour lequel il existe des hypothèses complexes mêlant facteurs climatiques, âge, blessures anciennes, nouvelles modalités de levée du liège et concurrence du chêne vert. 211 agissant pour le compte de la Collectivité de Corse et des communes propriétaires de terrains boisés relevant du régime forestier, a priori peu concerné par les formations végétales à chêne vert. 212 Cf. Instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-39 du 06/01/2017 ; Instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-653 du 01/08/2017 ; plan d'action Xylella fastidiosa 2017-2018. 213 Instruction d'août 2017 : « Surveillance programmée non officielle : La surveillance de X. fastidiosa est intégrée aux observations réalisées dans le cadre de réseaux d'épidémiosurveillance existants et visant des organismes nuisibles réglementés ou non : le réseau Santé des Forêts (DSF) et le réseau de Surveillance Biologique du Territoire (SBT) porté par le plan Ecophyto. »... « Des correspondants doivent être désignés sur la base de leurs compétences techniques phytosanitaires et leur connaissance de X. fastidiosa. Ils ont vocation à être le premier niveau d'échanges techniques en cas de signalement de dépérissements anormaux observés dans le cadre de la surveillance biologique du territoire, de la surveillance de la santé des forêts et de la surveillance événementielle (surveillances détaillées ci-après). Ils sont chargés de la délivrance d'informations sur X. fastidiosa et ses symptômes, et d'analyser les signalements qui leur sont adressés. S'ils estiment que le signalement constitue une suspicion, ils
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a priori sur les forêts relevant du régime forestier ou suivies par le Centre régional de la propriété forestière, CRPF), sans aborder la question de sa responsabilité ou non dans la surveillance du maquis. La mission constate qu'au printemps 2018, l'enjeu de la responsabilité du DSF, dans la surveillance de X. fastidiosa sur les terrains ne relevant pas de la compétence administrative de l'Office national des forêts (ONF) ou du CRPF mérite encore d'être clarifiée et les moyens consacrés à cette éventuelle nouvelle mission réévalués, notamment pour mobiliser les correspondants-observateurs de l'ONF et du CRPF sur le maquis. Il semble révélateur que le DSF ne dispose pas encore de code pour désigner l'oléastre et l'arbousier dans ses outils propres. Plus globalement, au-delà de la question pratique et opérationnelle de l'implication du DSF, la question de la compétence administrative et de la motivation pour la surveillance des formations de maquis n'est à ce jour pas clairement résolue. C'est un point qui ne relève pas que d'une décision opérationnelle interne au DSF ; en effet une telle décision implique que ce dernier dispose de moyens à cet effet, mais nécessite aussi que les instructions de la DGAl ne visent pas seulement les cultures agricoles, en donnant, à tort ou à raison, le sentiment de considérer la surveillance du maquis seulement comme une mesure de précaution au regard du risque pour les cultures. Le besoin d'une clarification sur la surveillance et les prélèvements afférents dans le maquis concerne également la FREDON, notamment via les conventions entre la FREDON et les deux DDCSPP, dans le cadre défini par la DRAAF (SRAL).
Quelques constats sur les paramètres climatiques
Concernant ce qui se passe de manière visible dans les milieux naturels et subnaturels, très nombreux ont été les interlocuteurs de la mission qui ont avancé l'hypothèse du stress hydrique, soit seul, soit en combinaison avec la bactérie, pour expliquer les rougissements, mortalités de branches et plus rarement mortalité de végétaux. Il a souvent été fait mention du rougissement du maquis en 2003, mais dans un contexte où le maquis semblait s'être ensuite rétabli au cours des années suivantes. Tous nos interlocuteurs ont néanmoins insisté sur l'intensité et les spécificités du stress hydrique en 2017, notamment au printemps et en automne. Néanmoins, parmi tous les interlocuteurs rencontrés par la mission en Corse, seule la FREDON de Corse semble avoir tenté d'objectiver la situation climatique des dernières années, pour essayer de comprendre en quoi les années récentes, notamment 2015, 2016 et 2017 pourraient expliquer l'apparition des symptômes de stress hydrique et/ou la manifestation de la bactérie. Le directeur de la FREDON a communiqué à la mission ses essais de réflexion sur la base des données synthétiques de la station météorologique d'Ajaccio (température moyenne annuelle et pluie annuelle :
en informent la DRAAF-SRAl qui procède ou fait procéder à un prélèvement dans le cadre d'une inspection officielle. Chaque DRAAF-SRAl doit veiller à actualiser la liste des correspondants-Xylella. Les correspondants observateurs du réseau Santé des forêts peuvent être désignés correspondants-Xylella. » ... « Les symptômes de dépérissements anormaux en forêt entrent dans le cadre de la surveillance définie par la note de service DGAL/SDQPV/N2010-8118 du 27 avril 2010. Tous les symptômes susceptibles d'être attribués à X. fastidiosa feront l'objet d'une fiche de signalement O "organisme envahissant" XYLEFAS, adressé au pôle interrégional santé des forêts accompagnée de photographies et/ou d'échantillons en tant que de besoin. Pour permettre de préciser le diagnostic lorsque X. fastidiosa ne sera pas détectée, il est conseillé de prélever, en complément, des échantillons destinés à une analyse mycologique. Ces investigations complémentaires seront suivies sous la forme de fiches V "veille sanitaire" liées à la fiche O initiale. La programmation de cette surveillance est effectuée par les pôles santé des forêts, prioritairement sur les oléastres et chênes. Les données sont transmises à l'Unité de Coordination d'Appui à la Surveillance (UCAS) de l'Anses à fréquence mensuelle (voir partie 6.1). »
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Pour Ajaccio, les années les plus chaudes des trois dernières décennies ont été 2014, 2015 et 2016 ; suivent ensuite 2006, 2017, 2009 et 2003. Les années les plus sèches de la période récente sont 2006 et 2017, suivies de 2015. Les années 2015 et 2017 sont donc toutes deux remarquables à la fois par la température moyenne et par les faibles précipitations, causant donc un stress hydrique élevé. Par ailleurs, suivant une logique assez proche des résultats obtenus par les biostatisticiens de l'INRA sur l'importance de la température hivernale (sans retenir exactement les mêmes paramètres de température), mais sans prendre en compte les autres facteurs identifiés par les chercheurs comme « déterminants » à partir des analyses statistiques (notamment le facteur « stress hydrique »), la FREDON a publié, en 2015, sur son site une carte « basée sur les températures minimales des mois de novembre, décembre, janvier, février et de mars, et suivant le modèle climatique « CLIMEX » couplé à l'altitude », où « des zones ont été délimitées où la bactérie Xylella fastidiosa serait potentiellement la plus dangereuse. ». Cette carte est toujours accessible sur le site de la FREDON en 2018. Tout en appréciant le volontarisme de la FREDON dans la valorisation de ses données en interaction avec le climat, la mission estime qu'il est préférable de privilégier les cartes de l'INRA d'Avignon qui valorisent l'ensemble des données officielles disponibles 214, et de faire évoluer ces
214 La mission s'est par ailleurs interrogée sur ce que modifierait dans les cartes produites le fait de prendre en compte les analyses non officielles de l'INRA d'Angers, notamment pour les espèces végétales hôtes supplémentaires selon les résultats du laboratoire INRA d'Angers.
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cartes grâce à des données supplémentaires dont ne disposent actuellement pas les biostatisticiens de l'INRA. C'est pourquoi la mission a invité ces derniers à prendre contact d'une part avec le Conservatoire botanique national (CBN) de Corse, d'autre part avec la FREDON, qui disposent tous deux d'informations précieuses et de la capacité à discuter d'hypothèses à partir de leurs observations de terrain. La mission a également pris contact avec l'équipe du CNRS (Centre d'Écologie Fonctionnelle et Évolutive) de Montpellier travaillant sur les stress climatiques en zone méditerranéenne, à partir d'un dispositif expérimental centré sur les taillis de chêne vert dans l'Hérault (site expérimental de Puéchabon215). Cette équipe du CNRS (Jean-Marc Ourcival, Florent Mouillot, Jean-Marc Limousin) a publié la synthèse suivante sur le caractère exceptionnel de l'année 2017 avec la carte ci-jointe, incluant la Corse216, sur la base des travaux de Florent Mouillot : « L'année 2017 bat le double record de la sécheresse la plus intense (minimum absolu de potentiel hydrique de -5 MPa comparé à -3.4 MPa en moyenne) et de la sécheresse la plus sévère en intensité cumulée sur la saison estivale (intégrale du potentiel hydrique sur l'été ou WSI de -335 MPa jour comparé à -168 MPa jour en moyenne). L'indice cumulé du VARI (Visible Atmospherically Resistant Index) calculé à partir des images Modis217 sur la période 2001-2017 est fortement corrélé à la variabilité interannuelle du WSI sur le site expérimental de Puéchabon. L'analyse régionale de l'année d'occurrence du minimum de VARI estival cumulé rencontré sur la période 2001-2017 illustre l'étendue du caractère exceptionnel de la sécheresse 2017... ». Pour le site de Puéchabon, avec seulement 41 mm de précipitation cumulée entre le 15 juin et le 15 octobre, l'été 2017 s'affiche comme le plus sec depuis plus de 40 ans. La carte suivante montre que certains points évoqués dans cette courte synthèse sont de nature à dire quelque chose de la situation en Corse entre 2001 et 2017, notamment sur le caractère exceptionnel du climat de 2017.
215 Le site expérimental de Puéchabon dans l'Hérault (SO forêt méditerranéenne de l'OSU Oreme) enregistre depuis 1998 les variables témoignant de l'impact de la variabilité climatique sur le fonctionnement de l'écosystème à chêne vert. Le stress hydrique des arbres y est suivi en mesurant la tension de la sève dans le bois (potentiel hydrique). 216 In Bulletin Theia n°8 de novembre 2017 : Ourcival J.M., Mouillot F., Limousin J.M. Record de sécheresse en 2017: observations locales et bilan régional par télédétection. https://fr.calameo.com/read/00409531020c900a246bf. 217 Le Moderate-Resolution Imaging Spectroradiometer (MODIS, que l'on peut traduire en français par « Radiomètre spectral pour imagerie de résolution moyenne ») est une série d'instruments d'observation scientifique couplés à un système embarqué satellitaire, lancé par la NASA à bord du satellite Terra en 1999, puis à bord du satellite Aqua (deux satellites de l'EOS - Earth Observing System, un programme de la NASA destiné à l'observation à long terme des sols, biosphère, atmosphère et océans de la Terre).
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Carte régionale identifiant l'année de plus faible VARI estival cumulé sur la période 2001-2017 (2017 en rouge), ainsi que les contours des incendies >30ha en noir. La variation annuelle du VARI et WSI sur le site de Puéchabon est présentée dans l'encadré. Source : Jean-Marc Ourcival, Florent Mouillot,Jean-Marc Limousin (Cefe / CNRS)
Sur la base conventionnelle du « drought Code » (basé sur les trois critères climatiques218 des cinq composantes du calcul de l'indice forêt météo 219) qui prend en compte un bilan hydrique simplifié journalier, Frédéric Mouillot ((IRD, UMR CEFE) a accepté, à la demande de la mission, de produire des cartes de la Corse traduisant cet indice sur la période 1960 220-2017, en utilisant les données Météo France SAFRAN journalières (8 km de résolution). Les cartes d'anomalies (DC Année X / DC moyen 1960-2017) figurent en annexe. La tendance moyenne sur la totalité de la Corse figure ci-dessous :
218 La réserve utile du sol, estimée forfaitairement pour l'ensemble de la Corse, en se limitant à la seule couche superficielle du sol ; le calcul de l'évapotranspiration et les précipitations du jour. 219 L'indice forêt météo (IFM) est une estimation du risque d'occurrence d'un feu de forêt calculé par plusieurs services météorologiques nationaux dont Météo-France et le Service météorologique du Canada. Il se base sur un modèle empirique canadien développé et utilisé au Canada dès 1976. est calculée à partir de cinq composantes qui tiennent compte des effets de la teneur en eau des combustibles et du vent sur le comportement des incendies. Les trois premières composantes sont des indices d'humidité des combustibles et les deux autres sont des indices de comportement du feu. 220 L'année 1960 a été choisie en tenant compte que, selon les calculs de divergence génétique, la première introduction en Corse de la bactérie aurait eu lieu.
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Il ressort de ce premier niveau d'analyse une vision un peu différente mais complémentaire de l'analyse menée par la FREDON. Sur les 57 dernières années, l'année 2017 serait exceptionnelle, à niveau équivalent de l'année 1970, loin devant 1976, suivi par 2003. Il est donc hautement probable que la végétation du maquis ait été confrontée à des conditions climatiques particulièrement éprouvantes, se traduisant par un stress hydrique élevé. La mission note que les modalités de calcul de cet indice calculé sur une base journalière permettent bien de prendre en compte la précocité de la sécheresse printanière et la longueur de la sécheresse automnale. Il s'agit néanmoins d'un indice qui n'évalue qu'indirectement le stress hydrique. C'est ce pourquoi Frédéric Mouillot a complété l'analyse, pour les années 2001-2017, par le calcul de l'indice VARI susmentionné, indice de sécheresse de la végétation obtenu à partir du capteur satellital MODIS à 5 km de résolution : cet indice est supposé être relié à la teneur en eau de la végétation au pas de temps journalier, et donner une appréciation directe de l'intensité du stress hydrique. La comparaison des courbes des deux indices montre qu'ils sont effectivement très reliés, en montrant une bonne relation entre sécheresse climatique (drought code) et sécheresse physiologique des plantes (VARI). Là aussi l'année 2017 ressort de manière exceptionnelle. Il semble donc légitime de raisonner sur la base du « drought code » pour analyser les séries longues climatiques et apprécier l'intensité du stress hydrique auquel a été soumise la végétation naturelle et subnaturelle.
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La mission relève donc le caractère exceptionnel de 2017 en matière de stress hydrique, et considère qu'il n'est pas possible de chercher à évaluer une responsabilité de la bactérie dans les rougissements et dépérissements identifiés dans le maquis, sans devoir prendre en compte le climat, tout en gardant en mémoire que les travaux de Samuel Soubeyrand montrent une bonne corrélation entre le stress hydrique et la probabilité de trouver Xylella fastidiosa dans les prélèvements effectués.
Enfin le département de la santé des forêts, confronté régulièrement à des dépérissements complexes221 où interviennent des facteurs climatiques, envisage de travailler avec le modèle BILJOU222 (https://appgeodb.nancy.inra.fr/biljou/), qui est un outil de simulation du bilan hydrique des forêts, mis au point par l'INRA (André Granier, Vincent Badeau, Nathalie Bréda). Mais à ce
221 A ce stade, le DSF n'exclue pas des effets synergiques de la sécheresse avec la défoliation due à Lymantria dispar (bombyx disparate) en Corse du Sud, et surveille attentivement l'absence en Corse de Xylosandrus compactus (récemment introduit du côté du Cap d'Antibes), scolyte de très petite taille (présent sur des rameaux fins) qui cause un rougissement massif du maquis du parc national de Circeo en Italie. 222 Le modèle BILJOU© est un outil de recherche mis à disposition de la communauté des gestionnaires forestiers, des enseignants et des étudiants, des chercheurs. Ce modèle, avec un outil de simulation en ligne proposé, est en évolution constante, liées aux avancées de notre connaissance des mécanismes d'interactions entre les écosystèmes forestiers et leur environnement climatique et édaphique. Enfin, cet outil (voir licence) ne peut être utilisé à des fins commerciales. Le site a été développé dans le cadre d'un projet du Réseau Mixte Technologique AFORCE et avec un soutien du GIP ECOFOR.
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jour le DSF ne dispose pas, pour les zones de taillis de chêne vert ou de maquis dépérissants en Corse, des données prenant effectivement en compte la pente, d'exposition, le transfert latéral d'eau et la réserve utile du sol, comme le demande ce modèle. Mais une utilisation partielle du modèle conduit d'ores et déjà à mettre en évidence qu'en 2017, le stress hydrique vécu par les arbres aurait commencé très tôt (avril).
Calcul du « drought code » de 1960 à 2017 (source : Florent Mouillot, CNRS)
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Légende
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Calcul de l'indice VARI (source : Florent Mouillot, CNRS)
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Cas particulier du chêne vert
Si la mission s'est intéressée au chêne vert, c'est que cette espèce est connue comme une des essences forestières les plus résistantes à un stress hydrique 223. Dès lors, pour ce qui concerne l'effet du climat, il peut être considéré comme un indicateur de la gravité d'une situation de stress hydrique quand il manifeste visuellement des problèmes à grande échelle. Or il peut être également infecté par la bactérie et mérite donc d'être considéré comme une cible privilégiée pour organiser une surveillance sanitaire intégrée du maquis. En Corse il couvre environ 140 000 ha, et la mission a pu constater l'existence d'un problème visible dans certaines zones, notamment à basse altitude. Le chêne vert a été choisi comme modèle par l'équipe du CNRS de Montpellier qui travaille sur l'étude à long terme des échanges d'eau et de carbone dans l'écosystème forestier méditerranéen, afin de prévoir sa réponse à différentes conditions de sécheresse que pourrait entraîner le changement climatique. Le site expérimental de Puéchabon (Hérault) est équipé d'une tour de mesure des flux et de systèmes d'exclusion totale ou partielle de la pluie sur le taillis de chêne vert. Les deux alinéas qui suivent résument l'état actuel des résultats de cette équipe, et notamment ceux de Jean-Marc Limousin. Le chêne vert se caractérise par une croissance en deux phases au printemps et à l'automne, et la précocité du stress hydrique au printemps 224 est le facteur qui a le plus fort impact sur la croissance. En 2016, sur le dispositif de Puéchabon, 61 % des branches ont manifesté des symptômes de stress hydrique, et 31 % des feuilles ont séché et sont tombées pendant l'été. Le potentiel hydrique nocturne a battu le record de valeurs négatives sur le site en 2016 puis en 2017 : -5.03 MPa (le précédent record en 1998 était de -4.26 MPa), et les potentiels atteints en 2016 et 2017 correspondent au début de la perte de conductance hydraulique conduisant à la cavitation225. Une nouvelle pousse de feuilles à l'automne 2016 a permis a certains arbres de récupérer leur surface foliaire. Mais les feuilles ayant poussé à l'automne étaient plus petites, moins épaisses, et avaient moins de chlorophylle. De manière générale, on assiste à une augmentation méditerranéennes sous l'effet conjoint de la mortalité et d'un déficit hydrique estival est la principale contrainte sur méditerranéennes, mais l'augmentation de température estivale important. La mission relève que :
223 Déjà en moyenne , avec 50 % de vaisseaux embolisés, un conifère meurt, tandis qu'un feuillu ne succombe qu'à 90 % (source Sylvain Delzon, INRA). L'étude du fonctionnement hydraulique des espèces de chênes co-occurrentes dans la forêt d'Hourtin (chêne vert (Q. ilex) et pédonculé (Q. robur)) a permis à l'INRA de montrer que Q. ilex présente des taux d'embolie négligeables en période de stress hydrique et possède une grande marge de sécurité (Urli et al. 2014). Il s'agit d'une inquiétude parfois exprimée devant la mission : les sécheresses en Corse commenceraient de plus en plus tôt. Cela semble avoir été le cas en 2017, même si la mission n'a jamais réussi à se faire communiquer des données chiffrées sur ce point : seul le DSF a pu commenter les premiers résultats d'une approche sur ce point. Chaque jour, les arbres transpirent de grandes quantités d'eau afin de refroidir leurs feuilles tout en absorbant du dioxyde de carbone pour la photosynthèse. Cette eau est absorbée dans le sol et transportée par un réseau de fins conduits qui relient les racines aux feuilles grâce à une pompe aspirante dont le moteur est l'énergie solaire. Garder ce système hydraulique fonctionnel est donc l'un des principaux problèmes auxquels sont confrontées les plantes en période de sécheresse. Ce système est en effet très vulnérable et risque de se désamorcer par formation d'embolie gazeuse. Lorsque le sol se dessèche, la sève des arbres est exposée à de très fortes tensions qui peuvent rompre les colonnes d'eau à l'intérieur de leur système vasculaire. Ce phénomène de cavitation produit une embolie gazeuse de la même manière que des thromboses peuvent bloquer le système circulatoire des humains. Lorsque l'intensité de la sécheresse s'accentue, l'embolie s'accumule dans le système vasculaire jusqu'à ce que l'arbre se dessèche et meure. (https://www6.bordeauxaquitaine.inra.fr/biogeco/Recherche/Au-sein-des-equipes/Ecologie-et-Genomique-Fonctionnelles/Archives/Archives2012/Cavitation-Nature).
de la défoliation des forêts ajustement écohydrologique. Le le fonctionnement des forêts et hivernale jouent aussi un rôle
224 225
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en première approximation les effets physiologiques d'une cavitation (embolie découlant de la présence d'une bulle de gaz dans le xylème) et ceux du film que la bactérie réussit à former dans un vaisseau de xylème sont a priori les mêmes ; en l'absence de toxine ou enzyme produite par X. fastidiosa, les symptômes peuvent se recouvrir très largement ; les corrélations trouvées par les biostatisticiens de l'INRA entre foyer officiel et stress hydrique calculé laisse supposer des conditions climatiques à réunir pour les deux phénomènes qui peuvent largement se recouper, notamment en 2017, probablement en 2016 et possiblement en 2015.
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Dès lors les analyses positives pour X. fastidiosa sur chêne vert en Corse (même si l'ANSES ne réussit pas à identifier la sous-espèce) conduisent à s'interroger dans deux directions :
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Comment peut-on apprécier les effets cumulés, et peut-être synergiques, entre les conditions d'un stress hydrique intense lié au climat et celles du développement de la bactérie, pour apprécier la manifestation des symptômes ? la présence de la bactérie peut-elle modifier la résilience a priori forte du chêne vert après une année de stress hydrique intense, voire après les effets cumulés de deux années consécutives (2016 et 2017) où le potentiel hydrique du végétal était proche de la perte de conductance, et donc de la cavitation, qui plus est après une année 2015 déjà climatiquement éprouvante ?
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Rappel des choix faits dans les Baléares pour la mise en oeuvre de la stratégie d'enrayement dans les milieux naturels et subnaturels
La direction générale des espaces naturels et de la biodiversité 226 de l'Autonomie des Baléares (que la mission n'a pu rencontrer lors de sa visite à Majorque) a publié le 23 février 2018 son plan de surveillance et de lutte contre X. fastidiosa dans les milieux forestiers et naturels des îles, dans le cadre de la stratégie d'enrayement. Il s'agit d'un plan distinct de celui élaboré pour le reste des territoires insulaires, traitant des espaces agricoles et des végétaux d'ornement. La mission rappelle que la première infection a été identifiée aux Baléares le 6 octobre 2016, et que l'approche conjointe de l'Autonomie des Baléares et du ministère de l'agriculture espagnol a rapidement su mobiliser les acteurs politiques, professionnels et administratifs au service d'un projet que tous souhaitent le plus opérationnel possible. Le plan rappelle le résultat des analyses menées depuis 2016 sur la végétation forestière ou de milieux naturels (en échantillonnant 31 espèces différentes, sans se limiter aux arbres), montrant à la fois un nombre d'analyses moindre (4 011 échantillons fin 2017, dont 503 en forêt ou milieux apparentés et parmi ces 503, 85 positifs), mais aussi une situation assez différente de ce qui est constaté en Corse, avec une forte contamination des oléastres (et des oliviers). Au total 18 espèces ont été reconnues comme hôtes de la bactérie aux Baléares, dont (outre les espèces déjà mentionnées) Acacia saligna, Calicotoma spinosa, Cistus monpeliensis, Faxinus angustifolia, Juglans regia, Nerium oleander, Prunus avium, Genista lucida, Lavandula dentata, Rosmarinus officinalis...
226 Administrativement compétente pour les forêts.
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Au-delà des dispositions transversales communes aux deux plans, la mission note que les investigations de surveillance couvriront :
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les sites de production de végétaux ayant vocation à sortir des îles pour aller sur le continent, comme imposé par la décision communautaire, même si la mission avait compris que ce cas n'existait pas aux Baléares ; les alentours (bande large de 200 mètres) des « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière ». Dans le secteur forestier, la traduction opérationnelle vise : une pépinière administrative concernant à la fois la forêt et un jardin botanique ; les plantations d'ormes résistants à la graphiose ; une liste d'arbres remarquables définis par une loi adoptée par le Parlement de l'Autonomie des Baléares ; les arbres des espèces ligneuses protégées. Concernant les milieux naturels et subnaturels, une liste est annoncée comme étant en cours d'élaboration ; l'ensemble des forêts (sans que l'on puisse comprendre dans quelle mesure, le terme de forêt couvre ou non des formations du type maquis) des Baléares, dans le cadre d'un maillage systématique de 1 × 1 km, avec une attention particulière portée au chêne vert et au pin d'Alep. la procédure de destruction des individus contaminés immédiatement après que le résultat des analyses est connu, après usage des produits insecticides figurant sur une liste de produits agréés à cet effet, dont certains semblent de nature à avoir un impact fort sur la biodiversité (organophosphorés, pyréthrinoïdes, néonicotinoïdes...) ; l'annonce d'un guide des bonnes pratiques forestières vis-à-vis de X. fastidiosa en cours de rédaction, sans que des premiers éléments en soient donnés.
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La mission note :
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Selon ce que la lecture de ce plan laisse comprendre, il n'existerait pas de difficulté d'accès la végétation naturelle et subnaturelles des Baléares (à la différence de ce qui est constaté en Corse pour le maquis, et de ce qui est identifié par les experts italiens dans certaines zones limitées des Pouilles), ni de problème identifié pour utiliser des insecticides puissants dans ces milieux naturels ou forestiers. Par ailleurs les moyens humains ne semblent pas un facteur limitant pour mettre en oeuvre ce plan, tout comme cela a également été constaté dans les Pouilles. La situation en Corse semble donc différente sur ces différents points pour ce qui concerne le maquis.
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Code de l'environnement versus code rural
Pour la présente réflexion concernant des questions soulevées dans le débat en Corse, la mission garde en mémoire qu'en droit communautaire, le passeport phytosanitaire européen est réputé garantir le caractère sain des végétaux introduits en Corse avec ce document. Néanmoins, dans l'annexe consacrée aux constats et à l'état des connaissances, il a été fait mention des spécificités de la bactérie Xylella fastidiosa et des questions qui en découlent pour l'efficacité du dispositif réglementaire en vigueur. C'est bien sur la base de ces questions que certains acteurs en Corse évoquent l'opportunité de faire appel au code de l'environnement pour « améliorer » cette efficacité. 1) dans le cas où une espèce bénéficiant d'un régime de protection stricte au sens du code de l'environnement (article L. 411-1) serait reconnue infectée par la bactérie X. fastidiosa, la mission identifie trois problèmes nécessitant une clarification écrite par une instruction du ministère chargé de l'environnement, le cas échéant conjointement avec le ministère de l'agriculture chargé de la lutte contre cette bactérie :
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le dispositif dit « d'enlèvement » (c'est-à-dire de destruction soit du seul spécimen contaminé dans le cas d'une mesure d'enrayement, soit du spécimen contaminé et de tous les végétaux spécifiés dans un rayon de 100 m dans le cas d'une mesure d'éradication) prévu par la décision communautaire s'applique-t-il malgré le statut d'espèce protégée et le cas échéant malgré l'existence d'un « plan national d'actions » officiel (prévu à l'article L. 411-3 du code de l'environnement) ? le dispositif prévu par la décision communautaire s'applique-t-il quel que soit l'enjeu de l'état de conservation de la population de l'espèce protégée, notamment s'il ne reste que quelques individus de cette espèce, localement, nationalement ou internationalement ? En supposant que le dispositif communautaire lié à X. fastidiosa s'applique dans tous les cas aux espèces protégées, comment articuler les dispositions de la décision communautaire qui prévoit notamment « l'enlèvement a lieu immédiatement après la détermination officielle de la présence de l'organisme spécifié », et les dispositions du code de l'environnement qui prévoient une procédure administrative de consultation préalable avant formalisation d'une décision préfectorale (voire nationale) pour la destruction de spécimens d'une espèce protégée ?
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La mission a rencontré à cet effet la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), chargée de la mise en oeuvre des dispositions du code de l'environnement s'appliquant aux espèces protégées. Dans l'état actuel de ses analyses, les réponses de la DEB sont les suivantes :
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concernant la première question, l'article L. 411-2 I 4° prévoit que « La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ». Par ailleurs l'enjeu de la politique de lutte contre une bactérie susceptible de causer des mortalités à la fois à des espèces
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ornementales, cultivées et de milieux naturels, et le cas échéant d'espèces protégées, semble a priori bien correspondre aux conditions prévues par les rubriques a, b et c de cet article ;
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concernant la seconde question, au regard des enjeux relevant du code de l'environnement, la destruction de spécimens d'une espèce protégée doit être strictement conditionnée à des mesures compensatoires permettant de garantir le « maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle », ces mesures compensatoires proportionnées devant avoir été validées par des experts, notamment ceux du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN) de Corse, fonctionnant comme une tierce expertise ; la DEB rappelle que la directive communautaire de 1992 dite « Habitats, faune, flore » prévoit un régime de protection stricte de certaines espèces, et les mesures compensatoires susmentionnées font partie du dispositif communautaire, au même titre que la lutte contre certains organismes pathogènes ; concernant la troisième question, la DEB estime qu'une procédure de consultation en urgence du CSRPN peut a priori être menée en 15 jours (délai restant néanmoins à valider avec la DREAL), et qu'un tel délai peut être considéré comme un compromis acceptable pour considérer que le terme « immédiatement » figurant dans la décision communautaire serait respecté, dès lors que le délai incompressible découle du besoin impératif de respecter un autre texte communautaire ; le vrai facteur limitant est la préexistence ou non de réflexions concernant la définition précise et opérationnelles des conditions permettant le « maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle » ; la mission note que cette préexistence des conditions est a priori satisfaite dans le cas d'un plan national d'actions, mais pas garantie dans les autres cas de figure, ce qui nécessite que la DEB et le CBN de Corse, voire le CSRPN s'emparent « préventivement » du sujet.
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La mission estime que dans l'état actuel des réflexions concernant la mise en oeuvre des mesures d'enrayement, ces trois réponses paraissent « opérationnelles », sans sous-estimer néanmoins le besoin de discussions plus approfondies entre la DGAl et la DEB concernant l'imputation des dépenses liées à de telles mesures compensatoires. En effet la rédaction du code de l'environnement (qui ne vise pas vraiment ce cas de figure) semblerait imputer cette dépense au service de l'État chargé d'appliquer des textes communautaires d'enlèvement des végétaux contaminés213, sans pouvoir d'appréciation, et donc la DRAAF et la DDCSPP, qui ne disposent clairement pas de crédits à cet effet et risquent de se retourner vers la DREAL. 2) Compte tenu de l'enjeu lié aux milieux naturels et subnaturels de Corse, certains partenaires évoquent le besoin ou l'opportunité de mobiliser certaines dispositions du code de l'environnement pour limiter l'introduction en Corse d'espèces végétales susceptibles d'être contaminées par X. fastidiosa et donc de représenter un danger pour le patrimoine insulaire en matière de biodiversité, tout particulièrement pour les espèces protégées. Une seconde motivation également mentionnée est que les peines prévues par le code de l'environnement seraient plus dissuasives que celles du code rural.
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La mission a identifié deux pistes soulevées dans le cadre des réflexions menées en Corse :
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il existe chez certains acteurs la tentation d'assimiler la bactérie X. fastidiosa à une espèce exotique envahissante, et à souhaiter sa mention dans une liste officielle d'espèces considérés comme « susceptibles de porter préjudice aux milieux naturels, aux usages qui leur sont associés ou à la faune et à la flore sauvages », conduisant à appliquer les articles L. 411-5 et L. 411-6 du code de l'environnement ; d'autres acteurs font référence aux possibilités offertes par les dispositions de l'article L. 411-6 du code de l'environnement qui permettent d'interdire l'introduction 227, « y compris le transit sous surveillance douanière, la détention, le transport, le colportage, l'utilisation, l'échange, la mise en vente, la vente ou l'achat de tout spécimen vivant » d'espèces végétales à la fois non indigènes au territoire d'introduction et non cultivées, dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l'agriculture. En effet cet article, bien que figurant sous un titre mentionnant les espèces exotiques envahissantes, est écrit de manière à ne pas se limiter au seul concept juridique des « espèces exotiques envahissantes » au sens du règlement communautaire.
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La mission a rencontré à cet effet la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), chargée de la mise en oeuvre des dispositions du code de l'environnement susceptibles de traduire opérationnellement ces pistes de réflexion. Dans l'état actuel de ses analyses, les réflexions de la DEB et de la mission sont les suivantes :
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concernant le premier point, il semble difficile d'utiliser des dispositions relatives aux espèces exotiques envahissantes pour la bactérie sans s'exposer au risque d'une requalification en détournement de procédure. Xylella fastidiosa relève des modalités de lutte prévues au code rural et des pêches maritimes (CRPM) pour la protection des végétaux contre les organismes nuisibles. Cette espèce ne relève donc clairement pas des considérations habituellement retenues pour conduire à sa désignation comme espèce exotique envahissante préoccupante pour l'environnement. Il ne faut pas générer de confusion avec la notion de dangers sanitaires pour lesquels la base législative du code de l'environnement relative aux espèces exotiques envahissantes n'est pas pertinente et en rester sur les dispositions du CRPM. X. fastidiosa est un danger sanitaire de première catégorie, ce qui permet la mise en oeuvre de mesures de lutte adaptées ; concernant le second point, il serait nécessaire de trouver un accord entre le ministère chargé de l'agriculture et le ministère chargé de l'environnement pour mettre en place un dispositif qui interfère nécessairement avec la mise en oeuvre du dispositif sanitaire placé sous la responsabilité du ministère chargé de l'agriculture, même si les espèces concernées ne pourraient être que des espèces naturellement présentes dans le milieu naturel et non cultivées. Utiliser cet article pour des espèces végétales susceptibles de porter la bactérie reviendrait plus ou moins à la logique de ce qui avait été envisagé un temps pour protéger l'abeille noire d'Ouessant contre l'introduction d'abeilles du continent, par ailleurs susceptibles de porter le varroa 228. Une telle option ne peut résoudre les
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227 Dans le domaine concerné par les présentes réflexions, les articles modifiés ou complétés par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages n'ont pas encore fait l'objet des décrets d'applications. La rédaction actuelle de l'article R. 411-4 pourrait néanmoins laisser supposer que « l'introduction sur le territoire national » peut aussi être comprise comme l'introduction sur « certaines parties du territoire ». 228 Le ministère chargé de l'agriculture n'avait alors pas accepté de suivre le ministère chargé de l'environnement dans cette approche.
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questions concernant les importations des espèces actuellement cultivées, et serait de nature à compliquer le dispositif réglementaire. Elle ne semblerait a priori pertinente que pour le laurier-rose, à la condition impérative de démontrer, préalablement et par tous moyens appropriés, que le laurier rose naturellement présent en Corse et protégé est bien une entité botanique spécifique indigène. Par ailleurs la mission appelle l'attention sur le fait que la liste des opérations interdites listées par le code de l'environnement est « non sécable » en morceaux, et nécessiterait donc en même temps une politique active de destruction (non détention) de tous les lauriers roses présents dans les jardins et les ronds-points (issus d'importations du continent). Il pourrait être envisageable de les remplacer par des lauriers roses multipliés à partir de cette source locale, selon la logique « corsica grana », mais au risque de faire basculer le laurier-rose dans la catégorie des espèces cultivées. D'une manière générale, la DEB et la mission estiment peu solide juridiquement la possibilité de se servir du code de l'environnement pour apporter une réponse à un problème relevant clairement du code rural, même dans l'objectif de protéger des habitats naturels ou des espèces sauvages du maquis.
L'invocation du principe de précaution
Pour justifier l'application du principe de précaution 229 figurant dans la loi constitutionnelle n° 2005205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement (JORF n°0051 du 2 mars 2005 page 3697), il convient de mettre en avant des éléments circonstanciés de nature à accréditer l'hypothèse d'un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement ou d'atteinte à l'environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé. Quand il s'agit d'un projet (au sens de la directive communautaire de 1985 révisée en 2014 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement), le débat porte alors sur la qualité de l'étude d'impact et les mesures qu'elle prévoit pour parer à la réalisation du dommage. Dans le débat sur le recours au principe de précaution en Corse à propos de la bactérie Xylella fastidiosa, la mise en cause ne porte pas sur un « projet », mais indissociablement sur le dispositif législatif et réglementaire qui concerne Xylella fastidiosa en France, et sur les modalités pratiques d'application de ce dispositif en Corse. Il est invoqué le risque de dommage grave et irréversible que ce dispositif ferait courir au patrimoine végétal, cultivé ou naturel, de la Corse et à ses paysages, en tant qu'il ne protégerait pas suffisamment l'île contre le risque d'introduction de nouvelles sous-espèces ou de nouvelles ST. Ce débat, par ailleurs en partie compréhensible du point de vue technique (Cf. certaines incertitudes identifiées dans l'annexe 7) est mené dans un contexte qui n'est néanmoins pas exactement celui considéré comme juridiquement opérationnel par le Conseil constitutionnel à propos de cette Charte230. Il s'agit en effet d'un dispositif législatif (et réglementaire) permanent,
229 « Article 5. Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». 230 Site internet du Conseil constitutionnel : « Tant dans cette décision [décision n° 2013-346 QPC du 11 octobre 2013] que dans la décision n° 2014-694 DC du 28 mai 2014, le Conseil constitutionnel se refuse à considérer que le principe de précaution serait une norme constitutionnelle à l'aune de laquelle pourraient être contrôlées des dispositions législatives instaurant des mesures qui ne sont pas « provisoires ».
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qui plus est, transcrivant un dispositif juridique communautaire s'imposant aux États membres. Dès lors la doctrine du Conseil constitutionnel conduit la mission, dans les limites de ses compétences et de l'analyse technique qu'elle a pu mener, à ne pas retenir la pertinence juridique de ce principe pour apprécier la validité d'un tel dispositif. Par ailleurs, le cadre défini en 2010 par le rapport de l'Assemblée nationale 231 sur l'application de cet article 5 ne semble pas être totalement réuni à ce jour, et le présent rapport de mission ne peut être considéré comme solidement adossé aux trois séquences mentionnées232. La mission n'a pas cherché à approfondir plus avant ses investigations dans un domaine de compétence qui n'est pas le sien, et n'a abordé ce sujet que parce qu'il a été au coeur de certaines interpellations qui lui ont été faites.
231 Rapport d'information fait au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation de la mise en oeuvre de l'article 5 de la Charte de l'environnement relatif à l'application du principe de précaution, par MM. Alain Gest et Philippe Tourtellier, députés. 232 « La mise en oeuvre effective du « régime de précaution », et des mesures de précaution proprement dites, par les autorités publiques est structurée par trois séquences, dont l'organisation en France n'est pas aujourd'hui systématique et varie parfois selon le domaine concerné : en premier lieu, les autorités publiques devraient pouvoir disposer d'une revue des études scientifiques les plus récentes et de toutes informations susceptibles de la compléter, afin d'être en mesure d'identifier un risque déterminé et hypothétique en matière environnementale ou sanitaire. En deuxième lieu, les autorités publiques devraient pouvoir passer commande d'études scientifiques, à tout le moins les susciter, évaluant le risque ainsi identifié, afin de mesurer la pertinence des mesures de précaution mises en oeuvre et, le cas échéant, de les réviser. En troisième lieu, les autorités publiques devraient pouvoir évaluer le rapport entre les bénéfices et les risques des mesures de précaution envisageables, en envisageant ce rapport sous un angle sociétal global, c'est-à-dire en replaçant la gestion du risque dans l'ensemble de l'action publique. »
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(ATTENTION: OPTION introduire une demande d'autorisation auprès de la DDCSPP cinq jours à l'avance, et soumettre des informations détaillées sur le lot de végétaux. L'équipe d'audit a constaté que cet arrêté n'était pas conforme aux exigences de la décision en ce qui concerne les mouvements de végétaux spécifiés en Corse. » Dans les conclusions concernant les aspects organisationnels des contrôles phytosanitaires, il est à nouveau souligné : « En Corse, l'arrêté préfectoral nº 15-580 du 30 avril 2015 n'est pas conforme aux exigences de la décision en ce qui concerne l'introduction dans l'île des végétaux spécifiés ». Lors de la réunion sur Xylella fastidiosa de haut niveau du 1er décembre 2017 à Paris, en présence de la Commission européenne et des ministres des États membre concernés, le Commissaire à la santé a rappelé cette non-conformité à la France. De plus, la cheffe de l'Unité de santé des végétaux de la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire a informé la mission que la Commission européenne a envoyé à l'autorité phytosanitaire française deux courriers pour demander l'abrogation de cet arrêté préfectoral, l'un en 2015 et l'autre en mai 2018. La conséquence logique de cette contestation juridique par la Commission de la situation actuelle est une probable mise en demeure de la France dans le cadre d'une procédure pré-contentieuse pour mettre un terme au dispositif actuel.
55 DG(SANTE) 2016-8793 56 DG(SANTE) 2017-6141
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La mission est consciente que le dispositif actuel est chronophage pour les agents de la DDCSPP en gestion administrative au détriment de la surveillance de terrain. Jusqu'à ce qu'elle se rende à Bruxelles le 12 juin 2018, la mission envisageait néanmoins comme possible de conserver l'arrêté, avec toutefois une simplification de l'arbre de décision. En raison de la position de la Commission européenne, la mission propose de considérer que l'urgence n'est plus de procéder à une amélioration à la marge de l'arrêté préfectoral, mais de préparer un autre dispositif fondé sur une base juridique plus solide pour maîtriser les plantations de végétaux sensibles.
3.6.2.
Construire un autre dispositif
SI l'arrêté préfectoral est abrogé à la suite d'une mise en demeure ou d'une démarche contentieuse de la Commission européenne, les végétaux accompagnés d'un passeport phytosanitaire européen (PPE) pourront entrer librement en Corse, y compris ceux originaires d'une zone délimitée s'ils respectent les dispositions des articles 9.2 ou 9.4. Une telle évolution sera particulièrement mal comprise par plusieurs acteurs en Corse. En effet, elle ne tiendrait pas parfaitement compte de l'analyse des risques développée en lien avec les introductions de végétaux, reposant notamment sur certaines incertitudes scientifiques développées dans l'annexe 7. Outre la démarche contentieuse du SIDOC auprès du préfet en vue de l'interdiction de l'introduction de végétaux en Corse, elle irait clairement à l'encontre de la position constante de l'Assemblée de Corse. Cette dernière a en effet adopté à l'unanimité le 25 septembre 2014 la délibération n° 14/173 AC portant adoption d'une motion relative à la nécessité d'empêcher l'introduction en Corse de la bactérie Xylella fastidiosa. Il est en particulier précisé : « L'Assemblée de Corse acte la nécessité de suspendre l'entrée de plants végétaux en Corse tant que la bactérie Xylella fastidiosa ne sera pas éradiquée dans la zone contaminée du sud de l'Italie ». Les termes de cette délibération ont été réitérés le 27 avril 2018 avec l'adoption de la délibération n° 18/124 AC portant adoption d'une motion relative à Xylella fastidiosa. La mission propose dès à présent, sans attendre la probable abrogation de l'actuel arrêté préfectoral, de préparer activement un autre dispositif également susceptible de minimiser le risque d'introduction de nouvelles sous-espèces ou de nouvelles ST, tout en étant conforme au droit communautaire. La mission a recherché un dispositif avec une base juridique forte qui permette une certaine maîtrise des flux de végétaux plantés en Corse. Dans cet objectif, elle propose de recourir à l'article 5 de la décision d'exécution 2015-789, qui porte sur l'interdiction de plantation de végétaux hôtes dans des zones infectées. Cet article précise : « 1. La plantation de végétaux hôtes dans des zones infectées est interdite, sauf dans le cas de sites qui sont matériellement protégés contre l'introduction de l'organisme spécifié par ses vecteurs.
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2. Par dérogation au paragraphe 1, l'État membre concerné peut accorder des autorisations de plantation de végétaux hôtes dans les zones infectées énumérées à l'annexe II si des mesures d'enrayement conformes à l'article 7 sont appliquées, sauf dans la zone de 20 kilomètres visée à l'article 7, paragraphe 7, point c). Lorsqu'il accorde ces autorisations, l'État membre concerné privilégie les végétaux hôtes appartenant à des variétés pour lesquelles une évaluation a montré qu'elles tolèrent l'organisme spécifié ou sont résistantes à celui-ci. » Le contexte de la Corse est propice à la mise en oeuvre de cet article, puisque pour mémoire :
· · ·
tout le territoire de la Corse est classé en zone infectée ; tout le territoire de la Corse doit voir s'appliquer les mesures d'enrayement prévues à l'article 7 ; du fait de son caractère insulaire, la zone de 20 kilomètres visée à l'article 7, paragraphe 7, point c) ne s'applique pas à la Corse.
Pour anticiper le moment où il ne serait plus possible de maintenir le dispositif actuel, la mission suggère donc de travailler activement dans l'esprit de remplacer l'arrêté préfectoral actuel d'interdiction d'introduction en Corse de végétaux spécifiés sauf dérogations à l'égard des professionnels. Elle propose la publication d'un arrêté préfectoral d'interdiction des plantations de végétaux hôtes, sauf dérogations, fondé sur l'article 5 de la décision d'exécution 2015-789. À ce jour, toutes les bases techniques et scientifiques ne sont pas connues pour construire un dispositif solide et cohérent. Il faudra donc accepter de travailler dans un premier temps seulement à dire d'experts, et de mettre en place rapidement des expérimentations (cf. le chapitre sur les pratiques agricoles). Il est indispensable de réunir rapidement les familles professionnelles pour identifier les végétaux hôtes devant bénéficier de l'autorisation de plantation. Comme l'autorisation de plantation porte à la fois sur les végétaux introduits et sur ceux produits en Corse, il sera nécessaire de se prononcer sur les variétés appropriées, qu'elles soient spécifiquement corses, produites localement ou introduites en Corse, en fonction des besoins, des possibilités de production et des connaissances sur les caractéristiques des cultivars. Les recommandations émises par ailleurs par la mission pour développer les travaux expérimentaux de recherche de variétés locales tolérantes ou résistantes à Xylella fastidiosa, sont cohérentes avec l'article 5. Le caractère de moindre sensibilité n'est toutefois pas une obligation pour la délivrance des dérogations. Le dispositif proposé permettra de clarifier la répartition des rôles entre l'État en charge des aspects régaliens et les professionnels qui devront définir les variétés et des espèces qu'ils souhaitent voir développer en Corse.
3.6.3.
Les inspections à l'introduction
Les contrôles dans les ports sur les végétaux entrants sont réalisées par les DDCSPP, avec l'appui de la FREDON en Haute-Corse.
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Le travail des inspecteurs est difficile :
·
les conditions matérielles de travail au port ne sont pas bonnes : absence de bureau dans les ports, de zone de contrôle phytosanitaire, de quai de contrôle, d'éclairage des marchandises, de petit laboratoire sur place pour examiner les végétaux, de personnel mis à disposition par les ports pour la manutention des marchandises... Des conteneurs ont toutefois été achetés pour entreposer les végétaux saisis ; le laps de temps pour réagir est d'autant plus court que le ralentissement des flux de marchandises et de voyageurs arrivant dans les ports génère des conflits dans un contexte de manque de place ; l'absence de transmission des rôles des bateaux (par deux compagnies sur trois) complique la réalisation des contrôles.
·
·
Outre, la poursuite de la simplification engagée, la mission identifie les pistes suivantes pour renforcer l'efficacité et l'efficience des inspections à l'entrée de végétaux en améliorant les conditions de réalisation des contrôles :
·
définir le cahier des charges d'un poste d'inspection et du matériel de contrôle nécessaire en s'inspirant des points d'entrée communautaires pour les inspections à l'importation en provenance des pays-tiers. À ce sujet, l'expertise de la Sousdirection des affaires sanitaires européennes et internationales de la Direction générale de l'alimentation pourra être mobilisée ; lors de la préparation du dialogue de gestion pour le BOP 206, augmenter la dotation d'objectifs57 (DO) des DDCSPP pour tenir compte de la charge de travail liée à ces inspections dans les ports ; prendre l'attache des autorités portuaires des ports d'Ajaccio et de Bastia pour examiner la mise en oeuvre de ce projet, notamment dans la perspective de préserver la fluidité des flux de camions et l'attractivité de ces ports.
·
·
3.6.4.
Les contrôles dans les centres postaux.
Les Douanes réalisent des contrôles dans les centres postaux d'Ajaccio et de Bastia. Les agents contribuent ainsi aux inspections à l'entrée et à la sortie des végétaux. Les contrôles sont aléatoires ou orientés en fonction des pays d'origine, des types d'emballages, des expéditeurs et des destinataires. En raison du développement du commerce des végétaux par internet, ce lieu de contrôle doit faire l'objet d'une attention particulière. Avec l'évolution des habitudes de consommation, les particuliers peuvent trouver en effet, via internet, des offres à un prix attractif, et avec des conditions de livraison satisfaisantes. Cette voie d'entrée présente un risque si des flux importants de végétaux vers les particuliers échappent aux inspections.
57 La dotation d'objectifs intègre le plafond d'emplois du programme 206 (titulaires et non-titulaires), les agents mis à disposition du ministère en charge de l'agriculture, ainsi que les ETPt rémunérés par le ministère en charge de l'environnement au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (programme 217) dont la gestion est déléguée à la DGAl.
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Exemple de vente de caféier ornemental sur le site internet d'une entreprise connue de commerce en ligne
La mission identifie comme piste de travail de développer la collaboration avec le service des Douanes pour les contrôles dans les centres postaux. Une réflexion est nécessaire sur le contrôle phytosanitaire des flux de végétaux achetés sur internet, en particulier lorsqu'ils sont livrés par des transporteurs, sans passer par les centres de tri postaux.
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4. MILIEUX NATURELS
Avertissement : le présent chapitre est écrit dans un contexte technico-juridique très largement différent de celui qui prévalait lors des discussions préalables au choix d'une mission CGAAERCGEDD. En effet les obligations communautaires pour l'éradication des foyers identifiés dans les milieux naturels et subnaturels, essentiellement le maquis, ont immédiatement posé à la fois des difficultés majeures de faisabilité pratique, et des questions sur l'opportunité de l'usage des produits chimiques et de la destruction systématique de trois hectares autour du foyer. Par ailleurs l'importance des analyses positives sur des espèces de maquis 58 et les dépérissements ou mortalités observées de loin, laissait supposer que l'application rigoureuse des textes communautaires en matière d'éradication pourrait conduire à des chantiers massifs de destruction du maquis, précédés de traitements chimiques. La décision de décembre 2017, faisant entrer la Corse en stratégie d'enrayement, a rendu partiellement caduc ce débat (nonobstant les difficultés persistantes d'intervention dans le maquis pour mener la surveillance dans les règles de l'art, mais aussi pour utiliser les insecticides demandés par la réglementation), sans néanmoins faire disparaître d'autres questions que la mission s'est efforcée de traiter dans le meilleur état des connaissances auxquelles elle a pu avoir accès.
4.1. Bref rappel sur les milieux concernés
Selon les données issues de la méthodologie Corine Land Cover pour l'année 2012, les espaces agricoles ne couvrent qu'environ 12 % (un peu plus de 100 000 ha), alors que les milieux à végétation arbustive et/ou herbacée concernent 44 % (un peu moins de 400 000 ha), et les forêts59 30 % (de l'ordre de 250 000 ha) de la surface de l'île (8 680 km²). Le terme de maquis désigne des formations végétales arbustives plus ou moins élevées, dont la hauteur peut varier de 0,5 à 7 mètres selon le stade de dégradation 60, dont la surface est très importante aux étages thermo et méso 61 méditerranéen, plus réduite à l'étage supra méditerranéen. Lors de ses entretiens en Corse, la mission a pu constater simultanément l'attachement très fort, identitaire, aux paysages de maquis, et en même temps de l'association souvent faite du maquis à un révélateur d'un abandon des usages, de la désertification et d'une dynamique envahissante et inquiétante. Néanmoins, globalement, la préoccupation sur l'évolution des paysages en cas de problème sanitaire grave sur le maquis est bien réelle, et mérite d'être considérée comme un élément qui compte dans la crise à propos de X. fastidiosa en Corse.
58 La base Shiny au 14 juin 2018 indique que 33 % de Calicotome villosa prélevés ont été analysés positifs ainsi que les Cistus monspeliensis (10 %) et la Lavandua sp. (12 %). 59 Pour l'IGN, établissement public chargé de l'inventaire forestier, la définition de la forêt est un terrain de superficie au moins égale à 50 ares où croissent des végétaux ligneux dépassant 5 mètres de hauteur à maturité in situ et de couvert supérieur à 10 %. 60 Les maquis peuvent connaître des dynamiques progressives ou régressives. Dans la forme la plus dégradée, le maquis peut n'être composé pratiquement que de cistes de Montpellier. Dans sa forme la plus évoluée, proche de la forêt, il est dominé par l'arbousier, la bruyère arborescente et le chêne vert. 61 L'étage méso-méditerranéen a plusieurs frontières en Corse mais s'étend fréquemment jusqu'à 700 mètres d'altitude aux ubacs et 1 000 mètres d'altitude aux adrets. En bord de mer, cet étage est présent sur quelques endroits et est régi par les gelées hivernales : lorsque les gelées hivernales sont absentes, on parle de l'étage thermo-méditerranéen ; sur les zones où le thermoméditerranéen n'a pas pu s'implanter et les gelées sont présentes, on parle alors de l'étage méso-méditerranéen. Dans ces conditions le méso-méditerranéen commencera autour de 150 mètres d'altitude. La végétation retrouvée est un maquis composé de cistaies, de forêts de caducifoliées, de forêts sclérophylles ou encore de fruticées naines. La différence entre l'étage thermoméditerranéen et l'étage méso-méditerranéen est visible au niveau floristique par la disparition de végétaux très thermophiles.
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La mission a pu constater visuellement que le paysage peut être, à plusieurs endroits, nettement marqué par un maquis rougissant et par des dépérissements, mortalités de branches, des mortalités de végétaux ligneux, voire plus ponctuellement d'arbres, notamment dans des sites où la présence ponctuelle de X. fastidiosa a été démontrée par des analyses officielles. Le paysage est un élément important du patrimoine corse, dont la valeur économique via le tourisme est importante. À l'exception de la plaine orientale, le paysage est par ailleurs marqué par l'intrication forte entre les cultures et le maquis, offrant de fait une interface importante pour les « échanges » d'insectes et la facilitation du passage de la bactérie de la végétation naturelle aux cultures, et réciproquement. Dans certaines zones où le maquis s'est fortement rapproché des habitations, la proximité entre les jardins et la végétation du maquis est également à souligner. Pour la mission, le maquis fait intrinsèquement partie de la problématique du dossier X. fastidiosa en Corse. Il n'est pas possible de cloisonner les approches en estimant que, nonobstant la question des plantes ornementales, il y aurait un volet agricole du problème, et parallèlement un volet « maquis et forêt » qu'il serait possible de gérer indépendamment. La décision de décembre 2017 de placer l'ensemble de la Corse en stratégie d'enrayement conduit nécessairement à estimer qu'il faut « vivre avec la bactérie » et que le maquis est une donnée incontournable, indispensable à prendre en compte. En matière de biodiversité, la Corse a des particularités écologiques d'autant plus importantes qu'elle est une île. De nombreuses espèces y sont endémiques. Et l'introduction de nouveaux agents pathogènes et d'espèces exotiques envahissantes est un problème particulièrement aigu, dès lors que ces introductions peuvent menacer, de manière avérée ou potentielle, des espèces endémiques rares, et même très rares. Dès lors que les espèces hôtes de la réglementation européenne (pour la sous-espèce multiplex) concernaient en juillet 2017 24 espèces structurantes des végétations indigènes, le Conservatoire botanique de Corse (CBN62) de Corse identifiait en août 2017 environ 557 000 ha de formations végétales naturelles ou subnaturelles potentiellement concernées par la présence de X. fastidiosa subsp. multiplex en Corse, soit environ 63 % du territoire insulaire63. Selon ce travail, disponible auprès du CBN, « parmi les 62 Habitats Natura 2000 présents en Corse, 24 habitats dont 4 habitats prioritaires sont potentiellement touchés. Au-delà de la qualité fortement patrimoniale de ces habitats, cela représente, comme le montre la carte, une superficie d'environ 49 268 ha d'habitats N 2000 potentiellement concernés soit 39 % des sites (126 270 ha) Natura 2000, dont 9 809 ha (20 %) sont des habitats prioritaires. » (citation). Pour les seuls sites naturels emblématiques du Parc marin international des Bouches de Bonifaccio (partie terrestre
62 Un conservatoire botanique national, abrégé par le sigle CBN, est un conservatoire botanique français agréé par le ministère chargé de la protection de la nature pour une zone géographique donnée. Cet agrément a été rendu possible en 1988. Les organismes ainsi agréés ont un caractère scientifique et sont spécialisés dans la connaissance et la conservation des plantes sauvages menacées sur le territoire national. En 2004, leurs missions ont été étendues officiellement à la connaissance de l'ensemble de la flore sauvage et des habitats naturels, ainsi qu'à la conservation des habitats naturels. Ils sont regroupés par la Fédération des conservatoires botaniques nationaux. Depuis, le 1er janvier 2017, la coordination technique des CBN est assurée par la nouvelle Agence française pour la biodiversité. Le Conservatoire botanique national de Corse est un service de l'Office de l'environnement de la Corse (OEC), agréé en 2008. 63 Cela ne signifie nullement que, même dans le cas d'une mortalité massive des végétaux sensibles à la bactérie, on aboutirait à un « désert », mais que les associations végétales qui caractérisent la végétation naturelle et subnaturelle en Corse évolueraient dans un sens que l'on ne sait anticiper que très marginalement, mais avec des effets potentiels forts sur certains paysages et sur l'état de conservation des habitats naturels d'intérêt communautaire et de certaines espèces qui ont justifié la désignation de sites Natura 2000 ou d'aires protégées en droit national.
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de la Réserve naturelle de Corse) et du site du patrimoine mondial de l'humanité de PortoScandola (reconnaissance par l'UNESCO, mais également classé en Réserve naturelle de Corse), à partir de la cartographie fine des formations végétales de ces deux sites, le premier pourrait être potentiellement concerné pour 82 % de sa surface terrestre, et le second à hauteur de 75 %.
4.2. Propositions de la mission pour la surveillance des milieux naturels et subnaturels en Corse
Le BOP 206 qui finance la surveillance de X. fastidiosa est intitulé de manière limitative « Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation ». La mission constate aussi la compétence de la DGAl pour gérer l'ensemble de la mise en oeuvre opérationnelle des décisions communautaires concernant cette bactérie. Le présent dossier décloisonne nettement l'approche agricole et l'approche forestière, mais aussi celle qui concerne le maquis, qui ne peut pas rester dans le « non-dit ». La gestion par la DGAl du dossier X. fastidiosa en Corse devrait, pour la mission, prendre en compte une approche intégrée, clairement assumée et reposant explicitement sur la solidarité des gestions sanitaire du maquis et des cultures, selon la logique « One health » promue au niveau international, tout particulièrement par la FAO, même si le concept a surtout été approfondi dans le secteur médical et vétérinaire. À la lumière des analyses prenant en compte le facteur climatique, figurant en annexe, la mission constate les spécificités des années 2014, 2015 et 2016 (notamment en termes de chaleur, et pour 2015 également en termes de pluviométrie) et plus encore le caractère exceptionnel de l'année 2017 au regard du stress climatique pour la végétation (seulement comparable à 1970 au cours des 57 dernières années) en Corse. Dès lors, la mission considère qu'il n'est pas possible de chercher à évaluer une responsabilité de la bactérie dans les rougissements et dépérissements identifiés dans le maquis, sans devoir prendre en compte le climat, tout en gardant en mémoire que les travaux de Samuel Soubeyrand64 (INRA) montrent une bonne corrélation entre le stress hydrique et la probabilité de trouver Xylella fastidiosa subsp. multiplex dans les prélèvements effectués. L'appréciation de la résilience du maquis confronté à la fois à un stress hydrique particulièrement intense, à la répétition des stress hydriques et à la présence de la bactérie (au moins sur certaines espèces structurantes du maquis) est un enjeu fort. À la lumière de l'état des connaissances figurant en annexe, la mission ne peut exclure que la présence de la sous-espèce multiplex, bien présente dans les milieux forestiers nord-américains où elle ne cause pas de dégâts significatifs compte tenu probablement d'une longue coévolution, puisse, le cas échéant, devenir un problème préoccupant pour certains écosystèmes « forestiers » européens, et donc potentiellement pour le maquis corse et certaines forêts de chênes. Dans l'état de ce que la mission apprécie comme raisonnable et « faisable », elle considère :
·
qu'il n'est pas envisageable de chercher à développer une surveillance générale du maquis à prétention de représentativité, compte tenu notamment des difficultés d'accès à nombreuses zones et des moyens qu'il est raisonnable d'y consacrer, notamment en situation d'enrayement ;
64 Voir annexe n°7 sur les constats et l'état des connaissances.
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·
que la multiplication des nouveaux points de surveillance avec prélèvements (hors suivi des foyers historiques) dans le maquis ou les forêts n'apportera qu'une aide limitée pour comprendre ce qui se passe et fonder une action, mais qu'un suivi organisé d'un échantillonnage représentatif des peuplements de chêne verts qui connaissent des difficultés serait opportun, sous l'égide du DSF ; qu'il est néanmoins possible de formaliser une surveillance programmée ciblée visant à la fois les formations forestières et le maquis, après négociation entre le DSF, l'ONF, le CRPF et la FREDON, en traitant selon des modalités différentes les zones d'imbrication entre cultures et maquis, et les vastes zones de forêt ou de maquis, en adaptant l'ambition aux moyens disponibles ; qu'il convient par ailleurs d'identifier formellement les « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière » dans le maquis pour lesquels une surveillance particulière est obligatoire, en prenant en compte notamment les arbres remarquables, les sites Natura 2000, les réserves naturelles de Corse et les sites classés à forte dimension paysagère, mais sans chercher à tout couvrir. Dans le contexte corse, il semble raisonnable de cibler la surveillance65 sur les parties accessibles de l'intérieur de ces sites, sans s'arrêter à la lettre de la décision d'exécution du 14 décembre qui vise une surveillance autour de ces sites. En effet la décision communautaire du 14 décembre 2017 vise à détecter précocement une contamination encore extérieure au site, reflétant ainsi une approche valide pour les zones récemment contaminées qui n'est pas pertinente pour la Corse66 ; qu'il est prioritaire de mettre par ailleurs en place un dispositif d'observation d'un nombre limité (dix ?) de sites choisis de manière concertée entre CBN, ONF, CRPF, DSF, FREDON, et le cas échéant chercheurs intéressés, pour apprécier sur au moins dix ans la résilience du maquis et des formations forestières à chêne vert, et tenter d'identifier les facteurs prédisposants, déclenchants et aggravants mettant en cause les interactions entre le climat, le stress hydrique et la présence de la bactérie. les choix soient vraiment partagés entre les organismes concernés, et validés par la DREAL et la DRAAF, après avis du conseil scientifique du CBN et du conseil scientifique X. fastidiosa mis en place auprès du préfet (Cf. supra la partie Gouvernance) ; la priorité soit donnée à des sites entre 10 et 500 ha, (traversés par un chemin, une piste DFCI ou un sentier pour accéder à des placettes de suivi), allant du bord de mer à 600 m d'altitude, en explorant la diversité des formes dynamiques et régressives des formations végétales à chêne vert, avec une attention particulière au ciste ;
·
·
·
Concernant ce dernier dispositif d'observation, il semble impératif que :
·
·
65 Dans ce contexte, il sera nécessaire d'arracher les spécimens reconnus comme contaminés, et de respecter les règles communautaires imposant l'usage préalable d'insecticides. La mission est consciente du fait que les insecticides autorisés sont susceptibles de causer des dommages à la biodiversité (les insecticides compatibles avec l'agriculture biologique étant réputés peu efficaces sur P. spumarius) et qu'il sera nécessaire d'obtenir à cet effet une dérogation temporaire, faute d'homologation pour un usage dans le maquis. Les échanges de la mission avec la Commission européenne ne laissent aucun doute sur l'obligation communautaire afférente, en pleine conscience du fait que les dommages ponctuels afférents à la biodiversité seront probablement moins forts que les dommages que causeraient des mortalités significatives imputables à X. fastidiosa sur des écosystèmes naturels ou des espèces patrimoniales. 66 La mission a eu l'occasion de présenter et d'argumenter cet écart envisagé à la lettre de la décision d'exécution, lors de son rendez-vous du 12 juin à la DG Santé ; elle a compris que, dans ce domaine, la situation corse peut effectivement justifier des adaptations.
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l'effort de description du milieu et des végétaux (notamment tous ceux qui ont été reconnus comme espèces hôtes en Corse), et de surveillance à différentes échelles (y compris par utilisation de drones) soit calibré en fonction des moyens à coup sûr mobilisables pendant au moins dix ans ; les méthodologies de suivi aux différentes échelles soient discutées avec le conseil scientifique du CBN et les experts de l'INRA qui suivent les placettes permanentes en forêt.
·
Dans l'esprit de la mission il ne s'agit pas d'envisager un dispositif aussi lourd que les placettes RENECOFOR67, mais de combiner une capacité d'intégrer dans le temps des observations plus fines, y compris en termes de présence de la bactérie (via les analyses), et des observations à échelle de dizaine ou centaine d'hectares où les facteurs climatiques et les déterminants d'un stress hydrique peuvent être analysés selon un gradient. La mission recommande de confier cette responsabilité conjointement au DSF et au CBN qui doivent recevoir à cette fin des assurances en matière de continuité des moyens mis à leur disposition (crédits et possibilité de recourir à des CDD). Nota : compte tenu de ce que la mission a entendu sur le sujet, le suivi sanitaire du chêne liège en Corse semble relever d'approches plus classiques et déjà largement existantes sous l'égide du département de la santé des forêts, dans le cadre d'un réseau qui concerne toute la zone méditerranéenne de présence du chêne liège et explore également les techniques de remise en exploitation de la suberaie. Par ailleurs les projets de relance de l'exploitation du chêne vert pour le bois de chauffe rend opportun de s'interroger sur les possibles effets collatéraux de modes d'exploitation qui favoriseraient le développement du ciste dans une première phase. Le projet affiché par certains partenaires forestiers corses de réfléchir à la formalisation de bonnes pratiques sylvicoles mérite d'être encouragé. La mission identifie les pistes de réflexion suivantes :
·
clarifier l'organisation de la surveillance du maquis et les moyens à y consacrer, à la fois pour ce qui concerne l'intervention structurée du DSF (avec la collaboration active de l'ONF et du CRPF) et pour les prélèvements par la FREDON ; d'identifier formellement avec la collaboration du CBN et de la FREDON, les « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière » dans le maquis pour lesquels une surveillance particulière est obligatoire, en prenant en compte notamment les sites Natura 2000 et les réserves naturelles de Corse, mais sans chercher à tout couvrir ; confier au groupe de travail Forêt du CROPSAV, élargi au CBN et à la FREDON, le soin de proposer dix sites de suivi du maquis pendant dix ans, selon les principes énoncés précédemment ;
·
·
67 RENECOFOR est le REseau National de suivi à long terme des ECOsystèmes FORestiers, créé par l'Office national des forêts (ONF), dans un contexte communautaire qui implique 34 pays européens qui ont de tels réseaux. Il vise l'observation et le suivi de 102 sites permanents. Le suivi est prévu sur au moins 30 ans (de 1992 à 2022). Chaque parcelle fait l'objet d'un protocole standardisé de mesures périodiques (2à 3 fois par an, tous les ans, ou tous les 5 ou 10 ans selon les cas) de plusieurs dizaines de paramètres.
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confier au groupe de travail Forêt du CROPSAV, élargi au CBN et à la FREDON, le soin d'élaborer un guide des bonnes pratiques sylvicoles en matière d'exploitation des formations végétales dominées par le chêne vert, eu égard notamment à la dynamique du ciste.
Nota : la mission a par ailleurs analysé (cf. annexe n° 11) la proposition parfois soulevée de faire appel au code de l'environnement pour gérer le contexte susceptible d'influencer l'état des milieux naturels et subnaturels au regard de Xylella fastidiosa. D'une manière générale, la mission estime peu solide juridiquement la possibilité de se servir du code de l'environnement pour apporter une réponse à un problème relevant clairement du code rural, même dans l'objectif de protéger des habitats naturels ou des espèces sauvages du maquis.
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5. PRATIQUES AGRICOLES
Aussi bien dans le cadre des mesures d'éradication que des mesures d'enrayement, la réglementation précise que l'État membre doit appliquer des pratiques agricoles adaptées pour la gestion de la bactérie et de ses vecteurs. En effet, compte tenu de l'interaction entre la bactérie, le vecteur et la plante dans un environnement donné, ces pratiques visent à agir sur l'environnement pour réduire les populations bactériennes et vectorielles ainsi que sur la sélection végétale. La décision d'exécution 2015/789 de la Commission du 18 mai 2015 précise, en effet, dans son article 7-paragraphe 6 concernant les mesures d'enrayement que « l'État membre concerné applique des pratiques agricoles adaptées pour la gestion de l'organisme spécifié et de ses vecteurs ». La décision d'exécution 2017/2352 de la Commission du 14 décembre 2017 indique, dans son point 4, modifiant l'article 5 de la décision 2015/789, que par dérogation en zone d'enrayement l'État membre peut autoriser la plantation de végétaux hôtes dans les zones infectées de la zone délimité mais pas dans la zone tampon des 20 km visée à l'article 768. Il est précisé que, lorsque l'État membre accorde ces autorisations, « il privilégie les végétaux hôtes appartenant à des variétés pour lesquelles une évaluation a montré qu'elles tolèrent l'organisme spécifié ou sont résistantes à celui-ci ». La mission a constaté des écarts importants dans la mise en oeuvre des décisions d'exécution au cours des visites qu'elle a effectuées en Corse, aux Baléares et dans les Pouilles.
5.1. En Corse et au niveau national
En Corse, les végétaux hôtes cultivés en zones agricoles et sensibles à Xylella fastidiosa subsp multiplex sont l'amandier (Prunus dulcis), l'olivier (Olea europaea), le prunier (Prunus domestica), l'immortelle d'Italie (Helichrysum italicum), le romarin (Rosmanirus officinalis). Les végétaux hôtes, cultivés en zones agricoles sensibles à d'autres sous-espèces que multiplex sont le cerisier (Prunus avium) et la vigne (Vitis vinifera). Le clémentinier (Citrus clementina) et le pomelo (Citrus maxima), qui sont des productions importantes en Corse, ne sont pas inscrites dans la liste des végétaux hôtes. Les végétaux d'ornement sensibles à Xylella fastidiosa sbsp multiplex sont nombreux aussi . Pour n'en citer que quelques-uns : le polygale à feuille de myrte (Polygala myrtifolia), la lavande (Lavandula sp), le laurier-rose69 (Nerium oleander) et le géranium (Pelargonium sp). Parmi ces végétaux hôtes, certains prélèvements ont été trouvés positifs à la méthode officielle. Au 05/06/2018, ont été analysés positifs 2 échantillons sur 159 d'amandier (Prunus dulcis)70, 87 échantillons sur 661 d'immortelle d'Italie (Helichrysum italicum), 2 échantillons sur 574 de romarin (Rosmanirus officinalis), 13 échantillons sur 151 de géranium (Pelargonium sp.), 21 échantillons positifs sur 167 de lavande (Lavandula sp), 489 positifs sur 1913 de polygale (Polygala myrtifolia).
68 Cette disposition concernant la zone tampon ne s'applique pas à la Corse puisqu'elle n'en possède pas. 69 Nonobstant le laurier rose indigène en Corse, espèce protégée qu'on trouve le long de certains cours d'eau. 70 Il s'agit de prélèvement sur un même arbre dans un jardin peu entretenu.
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5.1.1.
Concernant la réflexion sur les pratiques culturales des végétaux hôtes cultivés en zone agricole
À l'échelle de la parcelle, au sens de la gestion du sol, de l'eau, des vecteurs, du couvert végétal qui héberge les vecteurs à un stade de leur développement, et de la pratique de la taille, la mission a constaté une faible mobilisation des acteurs professionnels en Corse. La chambre régionale d'agriculture, les chambres départementales d'agriculture de Haute-Corse et de Corse du Sud ne conduisent pour l'instant aucun travail sur ce sujet au regard du risque de Xylella. Des travaux ont été initiés par l'INRA de Corte en septembre 2017, en collaboration étroite avec le CBN de Corse, avec des financements de l'Office de l'environnement de Corse (OEC) et de la délégation régionale à la recherche et à la technologie (DRRT) concernant l'analyse écoépidémiologique des relations plantes -insectes vecteurs. Comme indiqué dans la partie « État des connaissances », la DRAAF ne fait pour l'instant pas partie du comité de pilotage. La mission considère que cette situation est regrettable et recommande sa participation. Sa présence permettrait de mieux articuler trois temps très complémentaires : la gestion de crise, l'acquisition de connaissances pour mieux comprendre, la mise en oeuvre concrète de la stratégie d'enrayement. Le SRAL, dans la définition de la stratégie de surveillance en date du 10 novembre 2017, évoque un certain nombre de pratiques agricoles favorables pouvant contribuer à gérer et à limiter le risque de diffusion de Xylella fastidiosa : · suivi attentif et régulier de l'état sanitaire des végétaux cultivés, réalisé par les professionnels et les techniciens compétents, permettant une détection précoce de symptômes évocateurs de la maladie ; · taille ou récolte annuelle des végétaux visant à réduire la masse de végétation peu lignifiée, attractive pour les insectes vecteurs. Toute branche avec des symptômes douteux doit être éliminée rapidement afin d'éviter la diffusion de la bactérie dans la plante ; · privilégier le développement de végétaux non hôtes autour des parcelles agricoles, ce qui permet de créer un système de barrière végétale freinant la diffusion dans des parcelles dont la taille moyenne est assez petite. A contrario la présence de cistes de Montpellier, sur lesquels les nymphes de Philaenus spumarius semblent se développer préférentiellement en Corse, est à éviter71 ; · traçabilité de la production à partir de plants certifiés sains qui ont été élevés en zone indemne ou dans des conditions de protection anti-vectorielle ; · surveillance des insectes vecteurs et traitements adaptés le cas échéant. Le dernier CROPSAV en date du 25 janvier 2018 a consacré une partie de la présentation à cette thématique des pratiques agricoles, la DRAAF appelant de ses voeux « la poursuite des réflexions à court et moyen terme par les professionnels des filières »72. La réflexion des professionnels nécessite que ceux-ci soient nourris des résultats de la recherche, deviennent des acteurs éclairés de la mise en oeuvre de la stratégie d'enrayement. La DRAAF, les chambres consulaires et l'association de recherche et d'expérimentation sur les fruits et légumes en Corse (AREFLEC) devraient d'être informées rapidement des premiers résultats des travaux menés par l'INRA.
71 À noter que cette proposition est contestée par le SIDOC. 72 Voir diaporama « Présentation SRAL Xylella » sur le site de la DRAAF Corse.
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La mission identifie la piste de travail : mettre en place, rapidement, filière par filière, des groupes de travail nourris des premiers résultats de recherche, réfléchissant à la mise en oeuvre de bonnes pratiques culturales et engageant avec les techniciens des filières des expérimentations terrain. Au niveau national, partant du constat de la faiblesse de la recherche appliquée concernant les pratiques prophylactiques, le chef du département Santé des plantes et environnement à l'INRA et président du conseil scientifique et technique de l'institut français de la vigne et du vin (IFV) a initié en février 2018 une réunion associant les agronomes et les écologues de son département ainsi que les partenaires du monde de la vigne. Son ambition est d'initier des programmes de recherche appliquée concernant les pratiques agricoles dans la parcelle en lien avec les écosystèmes environnants. La mission identifie la piste de travail pour la DGAl : veiller à ce qu'un de ces programmes associe les acteurs corses et qu'une partie des travaux porte sur la prise en compte des interactions entre les cultures et les écosystèmes naturels et subnaturels corses.
5.1.2.
Concernant les tests variétaux des végétaux hôtes cultivés en zone agricole
L'INRA de Corte, dans le cadre du dispositif conçu en août 2015 suite à la visite du ministre S. Le Foll, conduit des tests de sensibilité de certains végétaux cultivés en lien avec l'INRA d'Angers qui possède une serre qualifiée de S3 73, car il n'en existe pas sur le territoire corse. Trois agrumes ont été testés (2 variétés de clémentines et un pomelo) ainsi qu'un olivier (variété Sabine). Les observations ont été conduites sur 6 mois, suite à inoculation de la bactérie sur plantes saines. L'INRA d'Angers a mené cette expérimentation sur des crédits propres. La période de 6 mois est considérée par l'INRA d'Angers comme trop courte, l'idéal étant de mener les observations sur une période de un à deux ans (cf. annexe n°7). Les prélèvements ont fait l'objet d'analyses selon la méthode INRA. Les résultats de cette expérimentation n'ont été présentées ni à la DRAAF, ni au CROPSAV. Les tests doivent être menés sur l'ensemble des végétaux hôtes cultivés en zone agricole et sensibles à Xylella fastidiosa subsp. multiplex, et ce sans tarder. Mais il n'est pas inutile, en lien étroit avec les filières, de se poser la question de tester la résistance de variétés de végétaux hôtes cultivés sensibles à d'autres sous-espèces. Enfin, la Commission européenne interrogée par la mission sur la situation des « Agrumes du soleil », entreprise confrontée aux exigences de la réglementation concernant les mouvements des plants de citrus qu'elle expédie sur le continent mentionne la nécessité de prouver la résistance à Xf. suite à inoculation « pendant au moins deux ans ». Cela pose la question à la fois de l'investissement dans une serre en Corse, capable d'accueillir ces tests et de la structure capable de les mener (INRA ? AREFLEC ?).
73 Les serres sont classées en 4 catégories (de S1à S4) en fonction de leur niveau de protection évalué sur une liste de critères nombreux (matériaux de construction, nature du sol, aération, abords, système de vide de paillasse, douche, signalisation du risque pour l'environnement, destruction des plantes, accès, vêtements, effluents, registre pour les expériences).
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La mission identifie les pistes de travail suivantes :
·
poursuivre et élargir les tests variétaux, initiés par l'INRA en serre S3, sur une durée d'au moins deux ans ; examiner la possibilité d'une installation conséquente en Corse pour faire des tests de résistance et tolérance par inoculation de Xf., en faisant attention :
·
au respect des exigences de confinement imposées par la directive 2008/61/CE ; à l'acceptabilité pour les producteurs proches d'une telle installation où Xf. est manipulée (cf. le contentieux de la sharka des Prunus avec l'INRA).
L'ODARC privilégie systématiquement, lors de l'attribution de ses financements, les filières de production corse sans, jusqu'à présent, avoir pour autant initié une recherche sur la résistance variétale des variétés corses. Les travaux menés devraient permettre ainsi à l'ODARC d'affiner sa stratégie d'attributions de financements en privilégiant certaines variétés, végétal hôte par végétal hôte. L'attention de la mission a été attirée à plusieurs reprises par de nombreux acteurs sur la situation des producteurs d'immortelle. L'immortelle est le végétal majeur de la filière plantes aromatiques et médicinales (PPAM) en Corse. La situation et les caractéristiques géographiques confèrent à la Corse des sites exceptionnels pour la culture de l'immortelle et des caractéristiques particulières à l'essence74 qui en est extraite75. Ces éléments expliquent le dynamisme et la notoriété de cette filière. Malgré les efforts consentis par les professionnels de la filière durant les 20 années écoulées, le volume de production d'huile est encore loin de satisfaire la demande. Soutenue par les partenaires dans le cadre des contrats de plan État/Région pour accroître la production insulaire en favorisant la mise en culture de PPAM, la filière poursuit sa dynamique d'extension avec actuellement une cinquantaine d'hectares nouveaux plantés par an et l'installation de jeunes agriculteurs. Cependant, de nombreux acteurs, notamment les chambres d'agriculture et le CDJA, ont fait part à la mission de leurs interrogations quant à l'accompagnement des jeunes dans des projets d'installation. La mission est d'avis que cette politique d'installation peut se poursuivre si un plan de surveillance spécifique des plantations est mis en place en lien avec la profession. Les producteurs de PPAM de Corse sont impliqués dans la protection de leurs productions et mettent en place des pratiques garantissant un risque minimal selon la DRAAF :
·
production des plants en Corse à partir de graines (absence de risque de la transmission de Xylella fastidiosa) ; suivi visuel pluriannuel des cultures de PPAM afin de s'assurer d'une productivité intéressante ; les productions sont pesées et répertoriées garantissant une grande réactivité en cas de diminution de la production ; récolte annuelle permettant de régénérer les plantes limitant ainsi les risques sanitaires liés au vieillissement de l'organe végétatif ; désherbage mécanique des inter-rangs qui implique plusieurs passages dans l'année. Il permet de limiter la concurrence et les plants de PPAM sont ainsi plus résistants aux attaques de ravageurs ;
·
·
·
74 L'attention de la mission a cependant été appelée sur le cas d'un pépiniériste vendant des immortelles sur le continent. 75 D'où un contrat avec un industriel de la cosmétique.
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entretien régulier des tournières (zone périmétrale de manoeuvre des tracteurs) en périphérie des parcelles permettant de créer des zones tampons autour des cultures de nature à limiter la présence de vecteurs potentiels.
Les plants d'immortelle sont effectivement aujourd'hui issus de variétés population 76. En 2007, à l'époque où Xylella fastidiosa n'avait pas encore été détectée, le conseil scientifique du CBN avait produit une analyse de risque de la mise en culture de végétaux prélevés dans la flore sauvage corse (cas de l'immortelle d'Italie). L'analyse pointait la nécessité que les plants d'espèces appartenant à la flore naturelle de Corse soient produits sur l'île à partir du matériel végétal local, le CBN s'impliquant dans les actions menées par la filière sur les sites de cueillette et sur les enjeux environnementaux liés à la mise en culture. Le CBN de Corse a travaillé depuis 2011 dans le cadre d'un appel à projet de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité, intitulé « Conservation et utilisation durables d'espèces végétales indigènes pour développer des filières locales », au développement d'une filière de production de plants d'origine locale. Ainsi, en décembre 2015, la marque « Corsica Grana » a été déposée auprès de l'Institut National de la Propriété intellectuelle. Elle permet désormais de certifier les plantes et semences produites en Corse à partir de matériel végétal issu de populations insulaires « sauvages » et d'assurer leur traçabilité. Aujourd'hui, aucune recherche appliquée sur la résistance variétale des plants issus des variétés population n'a encore été menée alors que 87 échantillons ont été analysés positifs en milieu naturel. Un focus sur l'aspect résistance variétale des immortelles semble fondamental à la mission. La filière oléicole, dès 2013, a travaillé sur la mise en place d'actions destinées à l'amélioration de la connaissance des variétés corses, la mise en valeur et la conservation de la diversité génétique du patrimoine oléicole insulaire et la production de plants corses. L'AREFLEC joue un rôle essentiel dans cette filière de production de plants corse. En effet, elle prélève le matériel végétal sur des oliviers corses et le multiplie en pépinière avant de le fournir à la filière oléicole. Les bois sont prélevés sur des oliviers analysés comme sains par l'ANSES et les plants sont produits en serres insect-proof. Mais l'AREFLEC se pose de nombreuses questions aujourd'hui sur le caractère réellement sain du matériel prélevé au regard des dépérissements d'oliviers proches de ceux considérés comme présentant un intérêt génétique et sur lesquels le matériel génétique a été prélevé. Les variétés prélevées sont-elles résistantes ? D'autres variétés le seraient-elles davantage ? À cet égard, il est à noter que, dans son bulletin de liaison du mois de juin 2018, le SIDOC annonce le gel en 2019 du programme de ventes de plants certifiés par l'AREFLEC.
76 On entend par variété de population (ou encore variété ancienne ou variété paysanne) celle que le paysan sélectionne lors de sa récolte pour constituer sa future semence. Les « variétés populations » représentent un ensemble d'individus non identiques constituant une population. Ce terme souligne leur intérêt en matière de diversité.
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5.2. Dans les Pouilles
5.2.1. Pratiques culturales à la parcelle
Les observations et la recherche appliquée conduites par les entomologistes de l'université de Bari ont conclu à la nécessité de faucher la végétation herbacée entre mars et avril pour limiter la population d'insectes vecteurs. Le gouvernement a rendu certaines pratiques obligatoires : Afin de réduire la propagation de la bactérie, « la lutte contre les insectes juvéniles par des moyens mécaniques est obligatoire dans les zones délimitées de mars au 30 avril et recommandée dans la zone indemne de la Région des Pouilles.... Le contrôle des stades de jeunesse des vecteurs est obligatoire dans les zones agricoles, extra-agricoles et urbaines, à travers le travail superficiel de la terre, le déchiquetage et l'enfouissement de la végétation spontanée. Les travaux mécaniques doivent être réalisés par les propriétaires / gestionnaires / locataires (privés ou publics) des surfaces agricoles cultivées / non cultivées, des espaces verts publics, le long des bords des routes et le long des canaux. Il convient de noter que la non-exécution des mesures phytosanitaires obligatoires implique l'application des sanctions prévues par le décret-loi n ° 214/2005 »77. Les carabiniers sont en charge de la surveillance du respect des règles à partir du 1 er mai. Les infractions sont sanctionnées financièrement (amende). De plus, les personnes en infraction ne sont plus éligibles aux subventions. Parallèlement 33 sites d'observation et de comptage des insectes ont été installés. Ces observations sont transmises aux associations de producteurs par le biais de bulletins sanitaires. Les traitements insecticides78 sont rendus obligatoires à partir d'une certaine date. Les directives pour le confinement de la diffusion de Xylella fastidiosa subsp. pauca ceppo CoDiRO79 présentent un tableau des substances actives et de leur efficacité. Une substance est considérée comme étant très efficace80. Il s'agit de l'imidaclopride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes dont l'utilisation fait l'objet de nombreuses controverses 81. Viennent ensuite deux autres substances actives : l'étofenprox, pseudo-pyréthrinoïde et la buprofezine qui appartient à la famille chimique des thiadiazines. Le guide préconise des périodes de traitement entre mai et juillet et en septembre-octobre. Cette question de traitement insecticide considérée comme un élément de bonne pratique agricole dans la lutte contre la bactérie interroge la mission dans sa mise en oeuvre (formation et habilitation des agriculteurs82, choix de l'insecticide, choix de la période la plus favorable, prise en compte de l'environnement et conditions réglementaires d'emploi pour cet usage) et dans les risques de déséquilibres entomologiques et écologiques que de tels traitements peuvent entraîner83.
77 78 79 80 81 Traduction de la plaquette « Xylella fastidiosa, sous-espèce pauca ST53- Intervention obligatoire pour la lutte contre les vecteurs ». A ce stade, aucune possibilité de lutte biologique n'existe. Publiées dès 2014. ++++ sur une échelle allant de ++ à ++++ http://presse.inra.fr/Communiques-de-presse/Declin-des-abeilles-l-effet-conjugue-pesticide-parasite-affecte-aussi-la-survie-desreines 82 Par obtention du Certiphyto. 83 Interrogée sur ce point, lors du rendez-vous du 12 juin 2018, la DG Santé a fait part à la mission de sa conviction que l'arrêt de la propagation de la maladie est bonne pour la biodiversité, et que les dispositions communautaires sont donc cohérentes avec les objectifs de la Commission concernant Natura 2000 et la préservation de la biodiversité, conduisant à assumer certains impacts ponctuels problématiques de l'utilisation des insecticides, tout en rappelant que le choix des insecticides relève de la compétence des Etats membres.
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Travail superficiel de la terre pour éliminer la végétation herbacée hébergeant les insectes vecteurs de Xylella fastidiosa (verger d'oliviers dans la zone tampon des Pouilles, Italie)
Deux vergers d'oliviers avec à droite une variété locale sensible à Xylella fastidiosa et à gauche la variété Leccino (dans la zone d'enrayement des Pouilles, Italie)
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5.2.2.
Tests de résistance variétale
Un travail est mené avec des grands professionnels oléicoles (qui autofinancent une part très significative du projet) et l'équipe de l'institut de virologie des plantes à Bari, en lien avec des équipes de recherche au Brésil. Ces tests de résistance se font en partie en plein air : la mission a observé une parcelle où des oliviers symptomatiques faisaient l'objet de greffes multiples afin d'observer leur résistance. Les premières observations montrent que la variété Leccino est plus résistante. Elles montrent aussi que les arbres âgés sont moins résistants qu'un arbre jeune, d'où une sensibilité plus importante des plantations plus âgées.
5.3. Aux Baléares
5.3.1. Pratiques culturales à la parcelle
Le service agricole du gouvernement des Baléares a publié dès mai 2017 un guide de bonnes pratiques agronomiques pour la prévention contre la bactérie Xylella fastidiosa84. Ce guide s'est largement inspiré de l'expérience des Pouilles et a vocation à être distribué à l'ensemble des agriculteurs des Baléares. Dans une première partie, le guide donne des renseignements très généraux sur les symptômes, la bactérie et les vecteurs. Dans une deuxième partie, il développe les bonnes pratiques de gestion du sol, de gestion de la fertilisation, de gestion de l'eau mais aussi de la taille et du contrôle des vecteurs aussi bien en agriculture conventionnelle qu'en agriculture biologique 85. De la même façon que dans les Pouilles, le guide développe pour chaque essence d'arbres fruitiers cultivés la liste des substances actives conseillées. On y retrouve l'imidaclopride pour les oliviers, les amandiers, les agrumes et la vigne. Parallèlement le service agricole conduit des observations de terrain sur amandier, qui ont mis en évidence des facteurs de sensibilité à Xylella fastidiosa subsp fastidiosa ST1. Parmi les facteurs : l'âge de la plantation avec une sensibilité plus importante pour des arbres de plus de 20 ans, le régime hydrique avec une sensibilité à l'absence d'irrigation, les variétés avec une sensibilité plus importante pour les variétés locales, la pratique de la culture associée avec une incidence plus forte de la maladie, l'abandon de l'entretien des parcelles. La mission a compris qu'à la différence des Pouilles, les bonnes pratiques ne sont pas rendues obligatoires dans la mesure où elles ont été diffusées avant les premiers résultats des programmes de recherche appliquée coordonnés par le service agricole du gouvernement.
84 Voir : http://www.ajesporles.net/noticies/bones-practiques-prevenir-la-xylella-fastidiosa-que-ja-amenca-la-serra 85 Le guide est consultable à l'adresse suivante : http://www.mapama.gob.es/es/agricultura/temas/sanidad-vegetal/xylella- fastidiosa/
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5.3.2.
Tests de résistance variétale
Ceux-ci sont conduits en serres « insect-proof » par le service agricole du gouvernement des Baléares à Palma de Majorque, sur un terrain situé juste à côté du laboratoire régional d'analyse des végétaux . Des observations de terrain sont aussi conduites qui permettent de classifier les variétés en trois catégories : non affectées, peu affectées et très affectées. La mission identifie les pistes de travail suivantes :
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communiquer les premiers résultats de la recherche appliquée menée aux Baléares et dans les Pouilles concernant les pratiques agricoles à la parcelle et la mise en place des premières bonnes pratiques, notamment la fauche du couvert au printemps sans attendre les résultats de la recherche appliquée qui serait initiée en Corse ; mettre en place au sein du CROPSAV d'un groupe de travail « recherche appliquée » en charge de faire émerger les thématiques de recherche appliquée, puis d'identifier les acteurs de cette recherche et les sources de financement, et de faire le suivi des expérimentations agronomiques et phytosanitaires réalisées.
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Serre insect-proof dans l'île de Majorque pour les essais en contamination artificielle destinés à identifier les variétés résistantes ou tolérantes à Xylella fastidiosa
Essais en cours dans l'île de Majorque avec des contaminations artificielles sur vigne, amandier et olivier pour identifier des variétés résistantes ou tolérantes à Xylella fastidiosa
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6. COMMUNICATION ET SENSIBILISATION
6.1. Mettre en oeuvre des campagnes de sensibilisation
Dès le mois de décembre 2015, un article 13 bis est ajouté à la décision d'exécution 2015 / 789 de la Commission du 18 mai 2015. Cet ajout consiste à demander aux États membres de « mettre à la disposition du grand public, des voyageurs, des professionnels et des transporteurs internationaux des informations sur les risques que présente l'organisme spécifié pour le territoire de l'Union européenne ». Le texte précise qu'il convient qu'ils « mettent ces informations à disposition au moyen de campagnes de sensibilisation ciblées sur les sites internet respectifs des organismes officiels responsables ou sur les sites désignés par ces organismes ».
6.2. Les États membres ont mis en place des sites internet
Que se soit en Espagne, en France ou en Italie la mission a constaté l'existence de pages internet dédiées à Xylella fastidiosa, avec une information très riche. Ces pages sont portées par les autorités nationales et par les autorités régionales comme on peut le constater dans le tableau suivant qui donne les liens pour accéder à ces pages.
Niveau national
Niveau régional
Espagne http://www.mapama.gob.es/es/agric Sur le site du ministère régional de la ultura/temas/sanidadCommunauté autonome des Baléares en charge vegetal/xylella-fastidiosa/ de l'environnement, de l'agriculture et de la pêche, on trouve un espace dédié à la bactérie : https://www.caib.es/sites/sanitatvegetal/es/inicio1542/?campa=yes France http://agriculture.gouv.fr/xylellaliens-utiles-et-documentation Le site de la DRAAF Corse a un espace dédié : http://draaf.corse.agriculture.gouv.fr/Xylellafastidiosa-en-Corse De même, la FREDON : http://www.fredoncorse.com/actions/xylella_fastidiosa.htm Italie https://www.politicheagricole.it/flex/c Le site de la Région (http://www.regione.puglia.it) m/FixedPages/Common/Search.v3. renvoie quand on cherche Xylella au site dédié : php/L/IT/s/1 http://www.emergenzaxylella.it/portal/portale_ges tione_agricoltura
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Pour information, on notera que sur le site de la Collectivité de Corse figurent deux textes sur Xylella portant l'un sur une délibération des 26 et 27 avril 2018 et l'autre sur un compte rendu de conférence de presse OEC / ODARC en date du 10 avril 2018 (https://www.isula.corsica/search/xylella/).
6.3. Les campagnes de sensibilisation prennent des formes variées, et la plus aboutie est à Majorque
Force est de constater que si les sites ont été mis en place avec beaucoup d'information, la notion de campagnes de sensibilisation ciblées prend des formes différentes. En France, depuis le dernier Salon de l'agriculture, le ministère a mis en place du matériel visuel relatif à l'interdiction d'introduire du matériel végétal en Corse. Lors de son passage en Corse du 16 au 20 avril 2018, la mission n'a pas constaté d'information diffusée dans les aéroports de Bastia et d'Ajaccio. Aux Baléares, les campagnes visent à alerter les voyageurs sur l'interdiction de sortie de végétaux. À l'aéroport de Palma de Majorque, la mission a constaté des panneaux d'information en ce sens. De plus, des bacs destinés aux déchets végétaux présentant un risque biologique sont mis à la disposition des voyageurs et des personnels chargés du contrôle. La Garde civile interrogée a informé la mission que si des végétaux étaient détectés par l'examen aux rayons X par les agents de sécurité, ils étaient appelés pour intervenir et consigner les végétaux. C'est la forme la plus aboutie de communication et de contrôle observée par la mission. Dans les Pouilles la mission n'a vu aucune information visuelle permettant aux voyageurs de savoir qu'ils entraient en zone tampon ou zone infestée le long des routes. De la même façon, elle n'a constaté aucun affichage à l'aéroport de Bari (il est vrai hors zone délimitée) concernant Xylella fastidiosa, et il lui a été dit que la situation était la même à l'aéroport de Brindisi (en zone infectée).
6.4. Piste de réflexions
La mission estime que l'information des voyageurs et des compagnies de transport terrestre et aérien de personnes devrait concerner tous les mouvements ; que ce soit à l'entrée comme à la sortie, avec des affichages dans les ports et aéroports français qui desservent la Corse. Il conviendrait aussi de demander aux autorités italiennes de faire de même dans leurs ports desservant la Corse. La mission est également d'avis qu'il conviendrait de mener des campagnes d'informations factuelles vis-à-vis des résidents en Corse. Ceci permettrait de compléter et diffuser les informations présentes sur les sites web de la DRAAF et de la FREDON. Par exemple un communiqué de presse pourrait être systématiquement publié à l'issue de chaque réunion du CROPSAV.
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Information des voyageurs dans l'aéroport de Palma (Baléares)
Élimination des végétaux sortant des Baléares dans l'aéroport de Palma : bacs pour les déchets végétaux présentant un risque biologique destinés aux voyageurs et aux personnels chargés du contrôle (Source : GOIB)
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Panneau lumineux informant les voyageurs de l'aéroport de Palma sur les végétaux interdits de sortie des Baléares en raison des risques liés à Xylella fastidiosa.
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7. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Après avoir écouté toutes les parties prenantes, que ce soit celles de la recherche, de l'administration et des milieux socio-économiques en France (sur le continent et en Corse) comme en Espagne (à Palma de Majorque) ou en Italie (dans les Pouilles), la mission a accumulé un matériel très riche. À partir de celui-ci, elle s'est efforcée de dresser un état le plus objectif possible de la situation en Corse. Forte de ce constat, et en réponse à la commande qui lui avait été faite, elle a formulé sept recommandations pour accompagner le passage d'un dispositif d'éradication de la bactérie Xylella fastidiosa en Corse à un dispositif d'enrayement, qui tienne compte de la présence ancienne dans l'île de certains ST de la sous-espèce multiplex de la bactérie. La mission souligne que le changement de cadre réglementaire est une opportunité pour toutes les parties concernées, car elle offre la possibilité de se projeter collectivement vers l'avenir en faisant sur les mesures à prendre, des choix partagés et basés sur des informations objectives. Ces mesures doivent porter en priorité sur :
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une recherche la plus ouverte à tous avec un partage le plus en amont possible de l'avancée des connaissances scientifiques (y compris sur les méthodes d'analyse) ; la mise en place de programmes de recherche appliquée répondant à des questions concrètes soulevées par la décision communautaire, et avec pour objectif ultime la capacité à produire sain dans un environnement contaminé. La mission souligne les enjeux des tests de tolérance ou de résistance à la bactérie pour des espèces cultivées en Corse, ou encore de l'identification de bonnes pratiques agricoles permettant de réduire le risque de propagation de la bactérie par les insectes vecteurs ; les méthodes d'analyse qui doivent continuer à évoluer pour améliorer l'exactitude du diagnostic et la surveillance sur tous les types de végétaux ; la production d'un plan urgence face au risque de l'introduction de nouvelles sous-espèces de Xylella fastidiosa ou de nouveaux ST de la sous-espèce multiplex. Ce plan doit s'accompagner d'un dispositif de surveillance adapté avec des cartographies pertinentes, articulant la surveillance des espaces agricoles et des espaces naturels. L'enjeu du dispositif de surveillance est de tendre vers la détection précoce des sous-espèces de Xylella fastidiosa autres que multiplex, sans obérer la poursuite de la surveillance de multiplex, notamment en milieu agricole. Ainsi le contrôle des mouvements de végétaux aux points d'entrée et de sortie (ports, aéroports et centres de tri postaux) et la surveillance de leur environnement doit permettre d'identifier le plus tôt possible l'arrivée éventuelle de nouvelles souches ou sous-espèces. L'objectif d'enrayement de l'infection causée par Xylella fastidiosa subsp. multiplex doit fonctionner en particulier à l'égard de l'éventuelle présence de la bactérie sur des végétaux cultivés en zone agricole ; l'adoption d'un arrêté de dérogation à l'interdiction de plantations de végétaux hôtes en zone infectée et d'un arrêté qui liste les sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière ; des actions de communication à l'attention des agents économiques mais aussi des voyageurs qui entrent et sortent de l'île pour les sensibiliser et les rendre acteurs, à leur niveau, de la lutte contre Xylella fastidiosa en Corse.
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Les débats préalables à l'adoption de ces mesures, conduiront les acteurs locaux, filière par filière, à définir, en amont de ces consultations, leur vision de l'avenir de l'agriculture corse et ainsi contribueront à faire émerger une vision partagée de l'évolution souhaitée. Dans cet esprit la mission a donc émis les sept recommandations suivantes qui reposent sur les pistes de réflexions présentées de façon détaillée au fil des diverses parties du rapport : R1. Mettre en place un conseil scientifique auprès du Préfet de la Corse avec une information du Comité régional d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CROPSAV) par l'INRA de San-Giuliano et le Conservatoire botanique national (CBN) de Corse ; et sans attendre 2019, organiser un séminaire de restitution scientifique en Corse. Ce conseil aura pour vocation, face à l'évolution rapide des connaissances, de permettre aux services de l'État en Corse de mieux s'appuyer sur le meilleur état des connaissances disponibles, et d'aider le Préfet à gérer la stratégie d'enrayement dans le cadre des instructions de la DGAl. En bénéficiant de l'expertise technique de l'ANSES et de la FREDON, ce conseil associera toutes les équipes de recherche travaillant en Corse, y compris le directeur du centre INRA de San-Giuliano et la directrice du CBN de Corse (qui sont membres du CROPSAV). Il sera confié à ces deux derniers la tâche d'informer régulièrement le CROPSAV sur l'actualité scientifique nationale et internationale. Pour commencer à faire le point sur le meilleur état des connaissances disponibles, il paraît pertinent d'organiser en Corse, avant la fin de l'année 2018, un séminaire d'une journée en Corse, sur la modèle de ce qui a été fait à Paris en octobre 2017, à l'attention de tous les partenaires concernés et en invitant quelques scientifiques et professionnels espagnols et italiens. R2. Mettre en place des groupes de travail pour étudier les questions techniques avant leur présentation en CROPSAV. Parmi les questions à court terme figurent l'adoption d'un arrêté de dérogation pour la Corse à l'interdiction de planter des végétaux hôtes en zone infectée par la bactérie Xylella fastidiosa, et d'un arrêté listant les sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière, ainsi que la question de la station de traitement à l'eau chaude des plants de vigne. Parmi les questions à moyen terme figure le lancement d'un programme de recherches appliquées. Il portera sur des tests de résistance et de tolérance à la sous-espèce multiplex, sur de bonnes pratiques agricoles ainsi qu'une réflexion pour anticiper « les scénarios du pire » (identification de pauca, fastidiosa, sandyi ; foyers sur cultures en parcelles agricoles) et leur gestion. Ces groupes de travail ont vocation à s'exprimer de façon pragmatique sur des questions essentielles concernant la mise en oeuvre opérationnelle de la stratégie d'enrayement. L'ambition de la mission est que la présentation de leurs conclusions en séance plénière du CROPSAV facilite la prise de décisions partagées et la réelle mise en application de celles-ci.
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La mission souligne que l'établissement de la liste des végétaux hôtes autorisés à la plantation (et donc à l'entrée sous réserve de l'arrêté préfectoral actuel) conduira chaque filière à se projeter vers l'avenir et à argumenter ses choix. Elle ajoute que cette liste pourra évoluer en fonction des résultats des essais de tolérance et de résistance qu'elle recommande de conduire. La liste des « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière » pour lesquels une surveillance particulière est obligatoire, devra prendre en compte notamment les sites Natura 2000 et les réserves naturelles de Corse, mais sans chercher à tout couvrir. Son élaboration devrait compter sur la collaboration du CBN et de la FREDON. Concernant la station de traitement à l'eau chaude des plants de vigne avant leur sortie de Corse en application de la décision d'exécution de la Commission européenne, la mission insiste pour que se mette en place le comité souhaité par le préfet de Corse avec l'Office du Développement Agricole et Rural de la Corse (ODARC), la Collectivité de Corse, les services de l'État et les représentants de la filière viticole. Dans l'identification des moyens de répondre rapidement aux besoins techniques, humains et financiers de ce projet, la mission, suggère d'examiner l'intérêt d'un traitement à l'eau chaude des plants de vigne entrant en Corse, et de prévoir des expérimentations sur l'effet du traitement à l'eau chaude des plants de production autres que la vigne et non sensibles à Xylella fastidiosa subsp. multiplex (Citrus notamment) afin de faire évoluer l'annexe III de la décision d'exécution. Sur ce thème le groupe de travail devrait être sollicité pour fournir des arguments sur la fiabilité des mesures actuelles de confinement dans le protocole d'envoi vers le continent des plants de vigne afin de justifier le maintien temporaire du dispositif dérogatoire actuel devant l'audit de la Commission européenne prévu en Corse à l'automne 2018. Concernant le programme de recherches appliquées le groupe de travail ad hoc au sein du CROPSAV devrait avoir la charge de faire émerger les thématiques de recherche appliquée, puis d'identifier les acteurs de cette recherche et les sources de financement, et de faire le suivi des expérimentations agronomiques et phytosanitaires réalisées. La mission pense que parmi ces thèmes devraient figurer (en liaison avec la rédaction de l'arrêté sur la dérogation à l'interdiction de plantation de végétaux hôtes) la poursuite et l'élargissement des tests variétaux, initiés par l'INRA en serre S3, en examinant la possibilité d'une installation en Corse pour faire ces tests de résistance et tolérance. Concernant la mise en oeuvre de bonnes pratiques culturales, la mission recommande de prendre connaissance des premiers résultats de la recherche appliquée menée aux Baléares et dans les Pouilles concernant les pratiques agricoles à la parcelle (notamment la fauche du couvert au printemps), puis d'engager en Corse des expérimentations de terrain, avec les techniciens de filières. Elle recommande également que la DGAl veille à ce qu'un programme porte sur la prise en compte des interactions entre les cultures et les écosystèmes naturels et subnaturels corses. Pour ce qui de l'élaboration d'un guide des bonnes pratiques sylvicoles en matière d'exploitation des formations végétales dominées par le chêne vert, ce travail devrait être confié au groupe de travail Forêt du CROPSAV, élargi au CBN et à la FREDON. Quant à l'exercice d'anticipation, il devrait aboutir à la rédaction d'un projet d'arrêté préfectoral visant à calibrer les dispositions à prendre aussi bien en cas de détection d'une sous-espèce
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nouvelle (a priori un rebasculement de la zone concernée en éradication au moins pour les premiers temps, prenant en compte la quasi-impossibilité de détruire dans le maquis les plantes hôtes dans un rayon de 100 mètres autour d'un foyer) qu'en cas de détection de Xylella fastidiosa sur les cultures dans des parcelles agricoles (dispositif d'indemnisation des mesures d'arrachage, mais aussi examiner la mise en place d'un dispositif inspiré de la gestion des foyers pour la flavescence dorée de la vigne et la sharka des Prunus pour une meilleure acceptabilité sociale des arrachages). R3. Pour les échantillons de végétaux contenant des inhibiteurs (en particulier les oliviers) des efforts de recherche doivent être engagés pour améliorer les performances du diagnostic. Sans attendre, le laboratoire de santé des végétaux (LSV), laboratoire national de référence, devrait utiliser la méthode CTAB (et non QuickPick) pour l'extraction de l'ADN des échantillons d'oliviers destinés à être analysés par test moléculaire. Il devrait agir ainsi non seulement pour les échantillons positifs transmis par les laboratoires agréés de première intention mais aussi sur un pourcentage, à fixer, d'échantillons trouvés négatifs ou indéterminés par ces laboratoires pour réduire le risque de faux négatifs. Le recours aux tests immunoenzymatiques (ELISA) réputés moins sensibles, ne doit pas être retenu sur les espèces végétales cultivées. Une analyse comparative de la performance et du coût des méthodes de référence existantes et du protocole utilisé dans le cadre de la recherche par l'INRA doit être réalisée rapidement. Pour le recours à la méthode CTAB et la conduite de travaux de recherche pour améliorer les performances des méthodes d'analyse sur des végétaux contenant des inhibiteurs, la recommandation repose sur ce que la mission a lu dans la littérature scientifique. Pour le test de confirmation, visant à réduire le risque de faux négatifs, la recommandation s'inspire de ce que la mission a vu en Espagne. Concernant la décision déjà prise par la DGAl de recourir à un test non moléculaire en première analyse (test ELISA) en Corse, la mission est d'avis, pour des raisons de bonne compréhension par les acteurs corses de ce qui est recherché par une telle décision, qu'il est important de limiter le champ de son application à des plantes sans enjeu agricole (à cet égard il conviendrait de ne pas l'utiliser sur les immortelles cultivées) et de l'accompagner d'un plan de renforcement de la surveillance par test moléculaire visant à détecter sans délai l'éventuelle présence des sousespèces fastidiosa et pauca dans le vignoble et l'arboriculture corse (notamment agrumes, amandiers, oliviers). D'une autre nature, mais tout aussi importante, est l'attention que le LSV devra porter à la qualité des réactifs achetés par les laboratoires agréés pour s'assurer qu'ils proviennent d'un même lot et que ce lot est testé préalablement par ses soins avant son utilisation, afin d'avoir des conditions de travail optimales et reproductibles entre laboratoires officiels.
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Face à la situation qui voit coexister deux entités différentes 86, l'une pour mener des missions de laboratoire national de référence (l'ANSES) et l'autre pour mener des missions de recherche (l'INRA), la mission recommande, pour éviter les mises en tension par des tiers, qu'un dialogue structuré soit mis en place sous l'égide de la DGAl entre ces deux institutions, ce qui n'est pas suffisamment le cas aujourd'hui, en associant les directions scientifiques et en créant un programme conjoint d'amélioration de la performance des protocoles. Par ailleurs, la mission prend acte de la volonté exprimée par la Commission européenne devant les missionnaires de désigner un laboratoire communautaire de référence, afin de réduire rapidement mais progressivement l'éventail de performance des méthodes de détection actuellement utilisées par les États membres, dans le cadre d'une vision stratégique à laquelle la France doit apporter son plein concours. R4. Nonobstant la poursuite d'une surveillance de la sous-espèce multiplex, dans le cadre de la stratégie d'enrayement, orienter le dispositif de surveillance du territoire vers la détection précoce des sous-espèces de Xylella fastidiosa autres que multiplex, et vers une articulation entre la surveillance des espaces agricoles et naturels. Matérialiser cette évolution par une instruction technique spécifique de la DGAl pour la zone d'enrayement. L'instruction doit maintenir le principe du plan de surveillance annuel avec notamment la surveillance obligatoire par les services officiels des sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière, une fois que ceux-ci auront été identifiés, et prévoir spécifiquement la surveillance de l'environnement des pépinières d'immortelles. Par rapport au risque de l'arrivée éventuelle des sous-espèces pauca, fastidiosa ou sandyi, la mission demande, pour une détection précoce, de développer la surveillance : · dans les abords des ports et aéroports, voire des centres de tri postaux ; · dans les secteurs où la recherche viendrait à évoquer des suspicions d'autres sousespèces, sur les plantes hôtes87 de pauca et fastidiosa ; · dans les zones jugées à risque selon les travaux de l'INRA de simulation du risque par sous-espèce, · en faisant des tests d'identification des sous-espèces véhiculées par les insectes vecteurs, considérés comme des sentinelles, lorsque cette méthode pourra être employée en routine. Concernant le maquis, l'instruction pourrait confier au groupe de travail Forêt du CROPSAV, élargi au CBN et à la FREDON, le soin de proposer dix sites de suivi du maquis pendant dix ans. Dans ce contexte la mission recommande de clarifier l'organisation de la surveillance du maquis et les moyens à y consacrer, à la fois pour ce qui concerne l'intervention structurée du DSF (avec la collaboration active de l'ONF et du CRPF) et pour les prélèvements par la FREDON.
86 Cette situation n'existe pas en Espagne ni en Italie où la mission d'identification officielle des sous-espèces de Xylella fastidiosa détectée par le laboratoire national de référence a été confiée à des organismes de recherche qui travaillent sur cette bactérie, ce qui les oblige à se confronter aux protocoles des tests officiels. 87 La réglementation communautaire ne publie que des listes de plantes hôtes sur les sous-espèces fastidiosa, multiplex et pauca.
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R5. Renforcer la mise en oeuvre pratique des inspections des mouvements de végétaux à l'entrée et à la sortie de Corse : - développer la collaboration avec les services douaniers portuaires et aéroportuaires, y compris dans les centres de tri postaux ; - créer dans les ports des installations conformes aux bonnes pratiques d'inspection. Concernant le renforcement de la collaboration avec les personnels de contrôle des voyageurs dans les aéroports, et le développement de l'information des voyageurs, la mission suggère de s'inspirer de ce que fait l'aéroport de Palma de Majorque. Elle recommande aussi d'améliorer les conditions de réalisation des contrôles par les inspecteurs dans les ports : en collaboration avec les autorités portuaires et en vue de fluidifier les flux de véhicules tout en garantissant la sécurité et l'efficacité des agents, il est nécessaire de créer des installations conformes aux bonnes pratiques d'inspection, sur la base du cahier des charges d'un poste d'inspection sur les mouvements de végétaux.
R6. Pour permettre une certaine maîtrise des risques et anticiper une probable démarche contentieuse de la Commission européenne demandant l'abrogation de l'arrêté préfectoral du 30 avril 2015 sur les entrées de végétaux, tirer profit de l'obligation de prendre un arrêté préfectoral de mise en oeuvre des dérogations à l'interdiction de plantation de plantes hôtes prévues à l'article 5 de la décision d'exécution 2015/789. Concernant l'arrêté préfectoral, qui fonde la base juridique des inspections sur les entrées de végétaux, la mission considère que procéder à son adaptation alors que la Commission européenne vient d'écrire à la DGAl, en date du 22 mai 2018, pour demander une seconde fois son abrogation mettrait inutilement la France en situation délicate, sans pour autant permettre de résoudre tous les problèmes pratiques d'ores et déjà identifiés dans la mise en oeuvre opérationnelle du dispositif, notamment au regard des analyses de risque et de la lourdeur administrative. Elle estime qu'il vaut mieux, dans le contexte qui prévaut en Corse depuis 2015 et malgré la charge de travail que la gestion des demandes de dérogation fait peser sur les DDCSPP, attendre que la finalisation d'un projet, négocié avec les socio-professionnels et les experts, d'arrêté portant dérogation à l'interdiction de plantation de végétaux hôtes en Corse permette d'apprécier l'opérationnalité d'un dispositif plus conforme au droit communautaire et d'identifier les risques pour lesquels une solution opérationnelle ne peut être trouvée dans ce cadre. En effet la mission estime, que l'adoption et la mise en oeuvre de l'arrêté de dérogation à l'interdiction de plantation de végétaux hôtes en Corse, qu'elle recommande de prendre en application de l'article 5 de la décision d'exécution communautaire, devrait a priori permettre de facto, et sans attendre, de tester un autre dispositif de gestion des entrées de végétaux sensibles dans l'île.
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R7. Renforcer les actions d'information pour que les voyageurs soient sensibilisés à la question des risques phytosanitaires liés aux mouvements de végétaux à l'entrée et à la sortie de Corse, y compris en liaison avec les autorités de pays européens dont des ports et aéroports desservent la Corse, et développer la communication préfectorale à destination des résidents en Corse, au moins après chaque CROPSAV. La mission estime que l'information des voyageurs et des compagnies de transport terrestre et aérien de personnes devrait concerner tous les mouvements : que ce soit à l'entrée comme à la sortie avec des affichages dans les ports et aéroports français qui desservent la Corse et de demander aux Autorités des pays européens de faire de même dans leurs ports et aéroports desservant la Corse. Des campagnes d'informations factuelles vis-à-vis des habitants de la Corse permettraient de compléter et diffuser les informations présentes sur le site web de la DRAAF. À cet égard, un communiqué de presse pourrait être systématiquement publié à l'issue de chaque réunion du CROPSAV.
Signatures des auteurs
Pour le CGAAER
Pour le CGEDD
Jean-Louis BARJOL
Christian BARTHOD
Michel LARGUIER
Odile STEFANINI-MEYRIGNAC
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ANNEXES
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Annexe 1 : lettre de mission
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Annexe 2 : note de cadrage
Conseil Général de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Espaces Ruraux & Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable
NOTE DE CADRAGE concernant
Xylella fastidiosa en Corse : connaissances, risques afférents à sa présence pour la végétation cultivée ou naturelle, et stratégies d'enrayement
établie par
Jean-Louis BARJOL
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Odile STEFANINI-MEYRIGNAC
Ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts
Michel LARGUIER
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Christian BARTHOD
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Membres du CGAAER
Membres du CGEDD
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1. Cadre général 2. Contexte 3. Objectifs, champ et méthodologie proposés
3.1 Objectifs 3.2. Champ 3.3. Désignation des missionnaires 3.4. Méthodologie et phases de travail
4. Calendrier et attendus de la mission
4.1. Calendrier 4.2. Remise du rapport et réunions de clôture 4.3. Diffusion du rapport
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1. Cadre général
La recherche des causes de la crise de dépérissement des oliviers dans la région des Pouilles en Italie a permis d'incriminer la bactérie Xylella fastidiosa. Sur cette base, la Commission européenne a adopté dès février 2014 une décision d'exécution visant à empêcher la propagation de cet organisme nuisible dans l'Union. Par la suite la Commission a régulièrement complété cette décision. Xylella fastidiosa est une bactérie pathogène extrêmement polyphage. Elle colonise le xylème des plantes, et elle se transmet par l'intermédiaire d'insectes piqueurs-suceurs. En Corse, le cercope des prés (Philaenus spumarius), est suspecté d'être le principal vecteur de cette maladie. Cette bactérie est considérée comme originaire des Amériques, avec trois principales sousespèces installées respectivement en Amérique du Sud, Centrale et du Nord. À la suite de son identification en 2013 en Italie, elle est détectée en 2015 en Corse et en région PACA sur des végétaux d'ornement (polygales à feuilles de myrte). En 2016, elle est trouvée dans une pépinière en Allemagne. La même année, des foyers sont détectés dans les Baléares, puis en 2017 en Espagne continentale. La forte pression de surveillance exercée en France a permis d'identifier des foyers de Xylella fastidiosa sur le territoire national, dont 342 en Corse à fin 2017. Contrairement à la sous-espèce pauca de Xylella fastidiosa présente dans les Pouilles, celle officiellement identifiée à ce jour en Corse, à savoir la sous-espèce multiplex, ne provoque pas pour l'heure de dégâts significatifs dans la végétation insulaire. La détection en Europe et sur le territoire national de ce danger sanitaire classé 88 en première catégorie conduit la recherche à mener des travaux sur cette maladie, avec une évolution rapide des connaissances. Ainsi la mission est consciente, sur base des informations qui lui ont été communiquées, qu'il existe des présomptions de présence d'une diversité de sous-espèces en Corse, en attente de confirmation. Convaincue que l'éradication de la population bactérienne en place en Corse est impossible, la France a demandé à l'Union européenne de pouvoir mettre en place une stratégie d'enrayement, comme cela existe en Italie. Cette demande a reçu une réponse favorable avec la publication de la décision d'exécution (UE) 2017/2352 du 14 décembre 2017, qui constitue le nouveau cadre réglementaire de la gestion du risque phytosanitaire en Corse. Il appartient donc maintenant à la France de définir les modalités concrètes d'une stratégie d'enrayement de la bactérie en Corse et de les appliquer. Celle-ci s'inscrira dans le cadre général esquissé lors de réunion à haut niveau tenue sur le sujet à Paris le 1er décembre 2017.
88 Arrêté du 15 décembre 2014 relatif à la liste des dangers sanitaires de première et deuxième catégorie pour les espèces végétales. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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2. Contexte
La lettre de mission confiée au CGAAER et au CGEDD par les directrices de Cabinet des ministres de l'agriculture et l'alimentation (MAA) d'une part, de la transition écologique et solidaire (MTES) d'autre part, a été signée le 13 novembre 2017, avant la publication de la décision communautaire autorisant la France à mettre en oeuvre une procédure d'enrayement en Corse. Pour cette raison les missionnaires proposent une adaptation de la lettre de mission selon les modalités exposées ci-après. Les propositions formulées sont le fruit d'un premier travail bibliographique et d'entretiens préliminaires conduits avec :
les cabinets du MAA et du MTES ; le directeur général de l'alimentation du MAA, en présence de la sous-direction en charge de la protection des végétaux ; le préfet de région de Corse en présence du directeur de la DRAAF, de la directrice adjointe de la DREAL et de la chargée d'une mission Xylella auprès du préfet de région de Corse ;
le chef de département « santé des plantes et environnement » de l'INRA ; Jean-Yves RASPLUS et les autres chercheurs du Centre de Biologie pour la Gestion des Populations de l'INRA de Montpellier qui travaillent sur la détection de Xylella fastidiosa sur insectes vecteurs ;
Marie-Agnès JACQUES, chercheuse de l'équipe EmerSys de l'INRA d'Angers qui travaille sur la détection de Xylella fastidiosa sur plantes hôtes ;
le directeur de la santé du végétal de l'ANSES et de la responsable du laboratoire national de référence de l'ANSES chargé de l'identification officielle de la sous-espèce de Xylella fastidiosa suite à la détection, par lui-même ou par l'un des cinq laboratoires agréés, de la bactérie sur des échantillons végétaux prélevés par des agents habilités.
3. Objectifs, champ et méthodologie proposés
3.1 Objectifs
Dans le contexte de la récente décision d'exécution de l'Union Européenne relative aux mesures visant à éviter l'introduction et la propagation de Xylella fastidiosa, une mission de conseil est confiée au CGAAER et au CGEDD. Son objectif est d'éclairer la décision quant aux mesures à prendre pour mettre en oeuvre une stratégie d'enrayement de la bactérie en Corse. La mission devra objectiver la situation phytosanitaire grâce à :
un état des lieux du meilleur état des connaissances disponibles, portées à son attention, relatif aux méthodes de détection et d'identification de la bactérie, sur l'écologie des insectes ou sur plantes hôtes, rédigé dans le souci d'être compris par le plus grand nombre. La mission s'efforcera d'identifier de possibles pistes de progrès des méthodes officielles de détection mises en oeuvre en France, en
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conformité avec le cadre communautaire. Elle examinera les apports possibles à l'épidémiosurveillance des analyses faites par l'INRA, ainsi que par l'exploitation des résultats des kits de terrain ;
un inventaire des modalités de dissémination de la bactérie ainsi qu'un bilan des connaissances sur les aires de répartition actuelle et possible selon les modèles de simulation disponibles, au regard des implications pour la stratégie d'enrayement à mener en Corse, notamment en termes de circulation de produits végétaux entre la Corse et le continent ; une analyse fine de la situation particulière de la Corse en matière de biodiversité, de filières économiques spécifiques, d'acteurs sociaux et d'articulation des mesures sanitaires avec le droit français et européen, et à la prise en compte du patrimoine végétal naturel ou sub-naturel insulaire ; un état des lieux des mesures de prévention et de gestion mises en oeuvre par les différents acteurs en précisant la circulation des informations entre les différentes parties prenantes.
Sur cette base factuelle, la mission devra :
établir un diagnostic ; faire des propositions argumentées et proposer des scénarios tenant compte de la biodiversité insulaire et des réalités économiques de l'île pour :
mettre en oeuvre le dispositif réglementaire d'enrayement de la bactérie ; lutter contre la propagation de la bactérie à l'intérieur de la Corse, de la Corse vers le reste du territoire de l'Union européenne, et contre le risque d'introduction de nouvelles souches bactériennes plus pathogènes ou pouvant se recombiner avec celles présentes.
3.2. Champ
Le champ de la mission porte exclusivement sur la situation en Corse. Elle ne traitera pas la question de la lutte contre Xylella fastidiosa en région PACA, ni de la gestion du risque pour les autres régions françaises. Pour nourrir sa réflexion, si elle en éprouve le besoin, la mission pourra s'informer sur les modalités de mise en oeuvre de la procédure d'enrayement en Italie et en Espagne, et se rendre, à cet effet, dans la région des Pouilles et surtout dans l'Autonomie des Baléares qui présente un caractère insulaire similaire à celui de la Corse. De la même façon, elle pourra, si cela lui paraît pertinent, rencontrer l'unité de la santé des végétaux de la DG Santé à Bruxelles et les responsables du dossier Xylella à l'EFSA.
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3.3. Désignation des missionnaires
Deux membres du CGAAER ont été désignés par le bureau du CGAAER pour mener à bien cette mission :
Jean-Louis BARJOL, ingénieur général des ponts et des eaux et forêt ; Michel LARGUIER, ingénieur général des ponts et des eaux et forêt.
Cette mission est suivie au CGAAER par la section « Alimentation et Santé » et sa présidente, Viviane MOQUAY. Deux membres du CGEDD ont été désignés par le bureau du CGEDD pour mener à bien cette mission :
Odile STEFANINI-MEYRIGNAC, ingénieure générale des ponts et des eaux et forêt ; Christian BARTHOD, ingénieur général des ponts et des eaux et forêt.
Cette mission est suivie au CGEDD par la section « Milieux, Ressources et Risques » (MRR) et son président Nicolas FORRAY.
3.4. Méthodologie et phases de travail
Cette mission sera réalisée dans le respect des règles professionnelles et du code de déontologie du CGAAER et du CGEDD. La méthode de travail est fondée sur des entretiens avec les acteurs de ce dossier, la prise en compte des articles scientifiques publiés, et l'examen de tout document lié au thème de la mission. La mission sera conduite en 3 phases, sachant que les deux premières seront menées conjointement :
analyse de la situation en matière scientifique et réglementaire ; écoute de tous les acteurs concernés en Corse ; synthèse des deux points précédents et analyse des orientations envisageables.
Phase 1 : analyse de l'état de l'art en matière scientifique et réglementaire À partir d'entretiens approfondis avec des chercheurs, des responsables de la détection et de l'identification officielle de la bactérie et des fonctionnaires en charge de la mise en oeuvre de la réglementation, la mission cherchera à :
objectiver l'état des connaissances en matière de :
détection et identification des bactéries (niveaux espèce, sous-espèces et souches) sur plantes et sur insectes hôtes (y compris les pistes de progrès actuellement à l'étude), que ce soit à des fins de recherche scientifique ou réglementaires ;
répartition de l'épidémie, actuelle et possible selon les modèles de simulation ; modalités de dissémination de la bactérie ;
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méthodes de lutte contre la bactérie par voie directe (notamment le recours aux phages) ou indirectes (maîtrise des insectes vecteurs par des pratiques agronomiques pertinentes, la lutte biologique, des moyens de biocontrôle ou chimiques) sur les végétaux cultivés et/ou en milieu naturel ou sub-naturel dans le respect du patrimoine végétal et animal corses ;
historique de la présence de la population de la bactérie Xylella fastidiosa en Corse ;
cohérence du plan de prévention et de lutte mis en oeuvre en Corse avec le meilleur état des connaissances scientifiques disponibles ;
examiner l'évolution de la réglementation communautaire.
Dans cette phase, la mission se rapprochera de la mission CGAAER relative à « l'appui à la mise en oeuvre d'un réseau d'épidémiovigilance dans les îles méditerranéennes » pour nourrir une réflexion commune. Phase 2 : écoute de tous les acteurs corses concernés Pour établir la liste des acteurs à rencontrer, la mission s'appuiera principalement sur les suggestions du préfet de région de Corse, sans refuser les demandes d'entretien qui pourraient lui être faites spontanément. Lors de chaque entretien, la mission s'efforcera de comprendre les motivations économiques, environnementales, scientifiques et sociales de ses interlocuteurs et de bien appréhender les raisonnements qui leur seront exposés, avec si possible une clarification des interrelations entre acteurs, et des sources d'information auxquelles ses interlocuteurs font explicitement ou implicitement référence.
La mission s'efforcera également de se rendre compte de visu de l'état de gravité de la situation
sanitaire en se rendant sur des foyers considérés par les acteurs corses comme représentatifs. Il est probable que la mission ne pourra pas consulter lors d'un seul déplacement tous les acteurs ni se rendre sur le terrain. Elle devra donc aller plusieurs fois en Corse.
Phase 3 : phase d'analyse par la mission Sur la base des informations et des observations recueillies au cours des phases 1 et 2, les membres de la mission analyseront ces données et produiront leur rapport de mission. Ce rapport aura pour objectif d'analyser les principaux constats et d'émettre un avis sur :
les modalités permettant de vivre avec la bactérie dans le respect de la biodiversité insulaire et de l'équilibre des filières économiques végétales de l'île ; les stratégies possibles de lutter contre Xylella fastidiosa, en exposant leurs avantages, leurs inconvénients et leur faisabilité, en vue de :
limiter le réservoir de la bactérie ;
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lutter contre la propagation de la bactérie sur le territoire corse ; prévenir l'introduction de nouvelles souches en Corse et de sortie de bactéries vers le reste du territoire de l'Union européenne, assorties le cas échéant de recommandations en matière d'adaptations réglementaires.
Dans ce contexte, la mission sera particulièrement attentive à la coordination entre le dispositif de recherche et le dispositif réglementaire de détection et d'identification de la bactérie, notamment au niveau de la Corse.
4. Calendrier et attendus de la mission
4.1. Calendrier
Il est attendu de la mission qu'elle remette son rapport définitif au plus tard le 30 juin 2018. En tant que de besoin, une note d'étape pourrait être remise pour le 30 avril 2018.
4.2. Remise du rapport et réunions de clôture
Le rapport établi à l'issue de cette mission sera communiqué par les vice-présidents du CGAAER et du CGEDD aux ministres en charge de l'agriculture et de la transition écologiste et solidaire. Les principales recommandations du rapport seront présentées aux cabinets des ministres commanditaires sous forme de réunions de clôture de la mission.
4.3. Diffusion du rapport
Dans un premier temps, outres les cabinets ministériels, une diffusion limitée sera faite en direction :
du préfet de région Corse ; du directeur général de l'alimentation ; du directeur de l'eau et de la biodiversité ; du directeur général de l'INRA ; du directeur général de l'ANSES.
Dans un second temps, les cabinets des deux ministères décideront si le rapport peut être rendu public.
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Annexe 3 : liste des personnes rencontrées
Nom Prénom Viviane Moquay Claire Le Bigot
Organisme CGAAER
Fonction Présidente 3ème section
Date rencontre 5 décembre 2017
Cabinet du Ministre Conseillère alimentation, santé, 4 janvier Agriculture environnement Directeur de recherche INRA Montpellier Directeur de recherche Chargée de recherche Directrice du CBGP et directrice de recherche Préfecture de Corse CGAAER Préfet de Corse 9 janvier
Jean-Yves Rasplus Jean-Pierre Rossi Astrid Cruaud Flavie Vanlerberghe Bernard Schmeltz Sylvie Hubin Dedenys Patrick Dehaumont Alain Tridon DGAl Juliette Auricoste Saoussen Joudar
11 janvier
Membre, mission en cours sur 12 janvier divagation des animaux en Corse Directeur général Sous-directeur de la qualité, de la santé et de la protection des végétaux Cheffe du bureau de la santé des végétaux (BSV) Adjointe à cheffe BSV 15 janvier
Dominique Gombert Justine Roulot
Cabinet du Ministre de Directeur de cabinet adjoint la Transition Écolo- Conseillère en charge de la gique et Solidaire biodiversité, de l'eau et de la mer INRA Angers Directeur de recherche Directeur de la santé végétale ANSES Angers Cheffe de l'unité bactériologie, virologie et OGM Chef du département Santé des 25 janvier Plantes et Environnement Cheffe du bureau de la santé des végétaux (BSV) Adjointe à cheffe BSV 17 janvier
Marie-Agnès Jacques Charles Manceau Françoise Poliakoff
Christian Lannou Juliette Auricoste Saoussen Joudar
INRA Paris
DGAl
5 février
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Nom Prénom
Organisme Mission en Corse
Fonction
Date rencontre
Paul Hett Louis Cesari Fabienne Maestracci Gérard Gavory Sylvie Guenot-Rebiere Brigitte Dubeuf Joseph Colombani Jean-Marc Venturi Camille-Anaïs Choix Bruno Welschinger Marcel Lucciani François Casabianca Olivier Pailly Yann Froelicher Emmanuel Bloquel Marguerite Chartois
ONF SIDOC
Directeur régional Corse
Vice-président Syndicat de l'AOC Vice-présidente « Oliu di Corsica » Préfecture Haute-Corse Préfet de Haute-Corse Directrice adjointe DDCSPP 2B DREAL Conseillère du Préfet de Corse Président de la chambre régionale Chambres d'agriculture Président délégué et premier vice-président de la chambre d'agriculture de Haute-Corse Élue chambre Haute-Corse Président Pépinière « les Dirigeant agrumes du soleil » Président du centre de Corte Directeur unité citrus Directeur adjoint, généticien en amélioration des plantes Directeur du centre de ressources Syndicat pépiniéristes
5 mars
6 mars
INRA San-Giuliano
Contractuelle projet écoépidémiologie financé par la Collectivité Territoriale Corse 7 mars ODARC OEC Cheffe division économie Responsable filières végétales Président Directeur Conseillère du Président CBNC DRAAF SRAL DREAL Technicienne Directeur régional Chef du SRAL Conseillère Préfet de Corse 8 mars
Marie-Pierre Bianchini Daniel Sainte-Beuve François Sargentini Jean-Michel Palazzi Agnés Simonpietri Carole Piazza
Jacques Parodi Eric Lemonnier Brigitte Dubeuf
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Nom Prénom Jean-Christophe Arrii Cecilia Cauchi Michael Versini Sylvie Lemonnier Maud Barrel Pascal Krieger Brigitte Delahaye-Panchout Michael Lecat Romain Delmon Angélique Quilichini
Organisme
Fonction vice-
Date rencontre
Jeunes agriculteurs Président du syndicat, président SIDOC Corse-du-Sud Chambre agriculture Jeune agricultrice Corse-du-Sud Technicien PPAM DREAL Directrice adjointe Chargée de mission flore Directeur adjoint DDCSPP
8 mars
Adjointe au chef de service vétérinaire et phytosanitaire en production primaire Directeur 9 mars Directeur de cabinet Membre 16 mars (au téléphone)
FREDON Préfecture de Corse CSRPN de Corse
Mission à Majorque (Espagne) Evelio Antich Verdera Secrétaire général Délégation du Gouver- Directrice pour agriculture et Ana Maria Garcia Vallejo nement pêche José Maria Cobos Suarez Carmen Diaz José Maria Guitian Mateu Ginard i Sampol Andreu Juan Serra Carmen Diaz José Maria Guitian Andreu Juan Serra Joan Mayol Sena Omar Beidas Soler Juan D. Garcia Gouvernement des Baléares Ministère de l'Agriculture, Pêche, Alimentation et Environnement (MAPAMA) Gouvernement des Baléares MAPAMA Sous- directeur général de la santé et hygiène végétale et forestière Cheffe du service santé végétale Conseiller technique Directeur élevage général agriculture,
19 mars
Chef du service agricole Cheffe du service santé végétale Conseiller technique Chef du service agricole Chef du service des espèces forestières Responsable de la santé des plantes Technicien 20 mars
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Nom Prénom Alicia Nieto Lopez Francisco Adrover Alejandro Urbano Auran Pascual
Organisme
Fonction
Date rencontre
Technicienne de laboratoire Service d'amélioration Inspecteur de terrain agricole Tragsa Inspecteur Technicien santé végétale Retour mission sur Paris
20 mars
Christian Lannou
INRA Aix-Marseille Université/ Institut Méditerranéen de Biodiversité et d'Écologie (IMBE) DGAl
Chef du département de la santé 3 avril des plantes et environnement
Frédéric Medail
Président Conseil Scientifique CNB de Corse
4 avril (au téléphone)
Saoussen Joudar
Adjointe cheffe BSV
26 mars
Institut Agriculture Blanca Landa del Castillo Durable (IAS) à Cordoue François Charrier INRA Ile-de-France
Responsable laboratoire identification sous-espèce Xylella fastidiosa pour l'Espagne 11 avril Sociologue Chef département forêts santé des 12 avril
Frédéric Delport Alain Tridon
DGAl
Chef de service des actions sanitaires en productions primaires DGAl Sous-directrice de la qualité, de la santé et de la protection des végétaux Chef département santé des forêts Cheffe du (BSV) Sous-directeur adjoint SDQSPV 13 avril
Anne-Cécile Cotillon
Frédéric Delport Juliette Auricoste Pierre Claquin
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Nom Prénom
Organisme
Fonction Adjoint au sous-directeur Adjoint au chef de bureau Chargé de mission Juriste
Date rencontre
Sous-direction de la Jacques Wintergerst Lauprotection et de la rence Giuliani Arnault restauration des Lalanne écosystèmes terrestres, Jules Wizniak direction de l'eau et de la biodiversité (DEB)
13 avril puis 11 juin
Mission en Corse Florence Tessiot Annick Havet Adeline Millet Jean-Paul Mancel Monique Meunier APRODEC UNEP DDCSPP 2B
Directrice Cheffe service protection animale et végétales Chargée de mission Président Vice-présidente région Corse Pépiniériste Président Présidente CRVI Directrice Ingénieur Ingénieure APFEC Chambre agriculture 2B Président Animatrice filières Technicienne arboriculture Présidente AREFLEC Technicienne Technicien Pépinière familiale Pépiniériste de plants produits à partir de graines prélevées en milieu naturel Présidente SIDOC Vice-président Vice-présidente
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Jean-Yves Simongiovanni Membre Luc Meunier Josée Vanucci Nathalie Uscidda Gilles Salva Gabrielle Ciccolini Jean-Jacques Fieschi Stephanie Scavino Isabelle Milleliri Jean-Claude Ribaut Noémie Dubreuil Julien Balajas Famille Meunier Stéphane Rogliano UNEP 2A
16 avril
17 avril
Sandrine Marfisi Louis Cesari Françoise Maestracci
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18 avril
Nom Prénom Laeticia Hugot Geneviève Ettori Marc Gibernau Jérôme Albre Sophie Vincenti Laurence Signon Jacques Laurent Jennifer Mejean Bernard Schmeltz Gilles Simeoni
Organisme CBNC CRPF CNRS Corse Directrice Directrice
Fonction
Date rencontre 18 avril 19 avril
Directeur de recherches Chargé de recherches Post-doctorant entomologiste 19 avril
CNRS Saclay Syndicat AOP miel de Administrateur Corse Coordinatrice Préfecture Corse Préfet de Corse
19 avril 19 avril
Collectivité territoriale Président du conseil exécutif de 20 avril de Corse Corse Chambre 2A CDJA 2A Douanes agriculture Directeur Conseiller végétaux Président Inspecteur 20 avril 20 avril
Jean Dominique Rossi Michaël Versini Jean-Christophe Arrii Quentin Savignac
Mission dans les Pouilles (Italie) CIVI Italia Service phytosanitaire de la Région Pouilles Institut de la protection des plantes
Luigi Catalano Anna Percoco Pasquale Solazzo Donato Boscia
Directeur association Fonctionnaire Fonctionnaire Chercheur
23 avril
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Nom Prénom Enzo Manni Giovanni Melcarne Nicola Palma Gianni Cantele Mario Tenore Enzo Tarantino Leonardo Capitano Luigi Catalano Anna Percoco Gianluca Buemi Donato Metallo Gaetano Ladisa Donato Boscia Fabio Lazzari Diego Lazzari Federico Manni Francesco Trono Giuseppe Angelo Giulio Palumbo
Organisme Coopérative ACLI DOP Terra d'Otranto APROL Lecce Coldiretti Puglia Cons, Vivaisti Vite CIA Lecce ANVE CIVI- Italia SFR Puglia Ordine Agronomi TA Comune di Racale IAMB XF-ACTORS IPSP-CNR Pont-TE Ordine Agronomi LE CONFAGRI Coop ACLI APOL Vivaio Otranto Viteo asserore agricoltura Racale Institut de la protection Chercheur des plantes Chercheuse
Fonction
Date rencontre
24 avril
Donato Boscia Maria Saponari
26 avril
Retour mission en France Samuel Soubeyrand Davide Martinetti Florent Mouillot, Jean-Marc Limousin Jean-Marc Ourcival Jean-Yves Rasplus Jean-Pierre Rossi Astrid Cruaud INRA Montpellier Chercheur Chercheur
INRA Avignon Centre d'Écologie Fonctionnelle et Évolutive, CNRS de Montpellier
22 mai
Chercheurs
23 mai (téléphone)
Directeur de recherche Directeur de recherche Chargée de recherche
25 mai (téléphone) 25 mai (téléphone)
Marie-Agnès Jacques
INRA Angers
Directrice de recherche
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Nom Prénom Françoise Petter Camille Picard
Organisme OEPP
Fonction Directrice adjointe Adjoint scientifique
Date rencontre 30 mai
Françoise Poliakoff
ANSES
Cheffe de l'unité bactériologie, 1 juin virologie et OGM (téléphone) Mission à Bruxelles
Dorothée André DG Santé Pasquale Di Rubbo
Cheffe Unité protection des plantes Inspecteur au sein Unité Retour mission à Paris
12 juin
Juliette Auricoste DGAl Saoussen Joudar
Cheffe du bureau de la santé des végétaux (BSV) 13 juin Adjointe à la cheffe BSV
Christian Lannou
Inra
Directeur santé des plantes
18 juin (téléphone)
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Annexe 4 : liste des sigles utilisés
ADN ANSES CBGP CEFE CGAAER CGEDD CNB CNOPSAV CNR CNRS CROPSAV CRPF CRPM CSRPN DDCSPP DEB DGAl DRAAF DREAL DRRT EFSA EILA ETP FMSE FREDON Acide désoxyribonucléique Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail Centre de Biologie pour la Gestion des Populations Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux Conseil général de l'environnement et du développement durable Conservatoire national botanique Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale Consiglio Nazionale delle Ricerche (Conseil national de la recherche) Centre national de la recherche scientifique Conseil régional d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale Centre régional de la propriété forestière Code rural et de la pêche maritime Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations Direction de l'eau et de la biodiversité Direction générale de l'alimentation Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement Direction régionale à la recherche et à la technologie Autorité européenne de sécurité des aliments Essai inter laboratoire d'aptitude Équivalent temps plein Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles
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IRD INRA JORF LAMP LNR LSV MLST NIMP ODARC OEC OEPP ONF PACA PCR PEC PPAM PPE qPCR SIDOC SRAL ST UMR
Institut de recherche pour le développement Institut national de la recherche agronomique Journal officiel de la république française Loop mediated isothermal amplification Laboratoire national de référence Laboratoire de la santé des végétaux Multi locus sequence type Norme internationale pour les mesures phytosanitaires Office de développement agricole et rural de la Corse Office de l'environnement de la Corse Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes Office national des forêts Provence Alpes Côte d'Azur Polymerase chain reaction (réaction en chaîne par polymérase) Point d'entrée communautaire Plantes à parfum, aromatiques et médicinales Passeport phytosanitaire européen Quantitative polymerase chain reaction Syndicat Interprofessionnel Des Oléiculteurs de Corse Service Régional de l'Alimentation Sequence type Unité mixte de recherche
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Annexe 5 : liste des textes de références
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Arrêté du 18 mai 2009 fixant la liste des postes frontaliers de contrôle vétérinaire et phytosanitaire. Commission database of host plants found to be susceptible to Xylella fastidiosa in the Union territory Update 10, 15.02.2018. Commission database of validated tests for the identification of the Xylella fastidiosa and its subspecies as reffered to in article 3(2) of Commission implementing decision (EU) 2015/789, 12.12.2017. Diagnostics PM 7/24 (2) Xylella fastidiosa, Bulletin OEPP (2016) 0, 1-38. Diagnostics PM 7/76 (4) Use of EPPO diagnostic protocols, Bulletin OEPP (2017) 47, 7-9. Directive 2000/29/CE du Conseil du 8 mai 2000 - annexe IA1 : organismes nuisibles dont l'introduction et la dissémination doivent être interdites dans tous les États membres, partie : organismes nuisibles inconnus dans la communauté et importants pour toute la communauté. Directive 92/105/CEE de la Commission du 3 décembre 1992 établissant une certaine normalisation des passeports phytosanitaires à utiliser pour les mouvements de certains végétaux, produits végétaux ou autres objets à l'intérieur de la Communauté et fixant les modalités relatives à la délivrance de tels passeports phytosanitaires, ainsi que les conditions et modalités de leur remplacement (JO L 4 du 8.1.1993, p. 22). Directive 92/90/CEE de la Commission du 3 novembre 1992 établissant certaines obligations auxquelles sont soumis les producteurs et importateurs de végétaux, produits végétaux ou autres objets ainsi que les modalités de leur immatriculation (JO L 344 du 26.11.1992, p. 38). Guidelines for the survey of Xylella fastidiosa (Wells et al.) in the Union territory, 16 December 2015. Norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP) n° 31 du Secrétariat de la Convention internationale pour la protection des végétaux. Méthodes d'échantillonnage des envois. Publiée en 2008. Norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP) n°5 du Secrétariat de la Convention internationale pour la protection des végétaux. Glossaire des termes phytosanitaires. Publiée en 2017. OEPP (Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes), «Hot water treatment of grapevine to control Grapevine flavescence dorée phytoplasma», Bulletin OEPP/EPPO Bulletin, 2012, 42(3), 490492.
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Annexe 6 : bibliographie
Almeida Rodrigo P.P. , Can Apulia's olive trees be saved ? An introduced plant pathogen proves difficult to contain in southern Italy, Science, 22 july 2016, Vol. 353, issue 6297, pp. 346-348 Almeida Rodrigo P.P. and Nunney Leonard , How do plant diseases caused by Xylella fastidiosa emerge ? Plant Disease, November 2015, pp. 1457-1467 Chauvel G., Cruaud A., Legendre B., Germain J.-F. , Rasplus J.-Y., Mission d'expertise sur Xylella fastidiosa en Corse (du 3 au 11 août 2015), rapport définitif (31 août 2015), 139 pages Chatterjee S, Almeida RPP, Lindow S., Living in two worlds: the plant and insect lifestyles of Xylella fastidiosa, Annu. Rev. Phytopathol. 2008 , issue 46, pp. 24371 Choi H-K, Iandolino A, Goes da Silva F and Cook DR. Water deficit modulates the response of Vitis vinifera to the Pierce's disease pathogen Xylella fastidiosa, 2013, Molecular Plant-Microbe Interactions 26(6), 643657. Daugherty MP, Lopes JRS and Almeida RPP, Strain alfalfa water stress induced by Xylella fastidiosa, Eur.J. Plant Pathol. 127, 2010, pp. 333-340 Denancé N. et al., Several subspecies and sequence types are associated with the emergence of Xylella fastidiosa in natural settings in France, Plant pathology (2017), 66, pp. 1054-1064 Desprez-Lousteau ML, Synthèse bibliographique Xylella fastidiosa sur chênes (et autres arbres forestiers), 2016, non publiée, 9 pages EFSA Panel on Plant Health (PLH), Scientific Opinion on the risk to plant health posed by Xylella fastidiosa in the EU territory, with the identification and evaluation of risk reduction options, European Food Safety Authority (EFSA), EFSA Journal 2015; 13(1):3989 Godefroid Martin et al., Climate change and the potential distribution of Xylella fastidiosa in Europe (preprint posté le 28 mars 2018), 17 pages + cartes Hopkins DL, Purcell AH., Xylella fastidiosa: cause of Pierce's disease of grapevine and other emergent diseases., 2002, Plant Dis. 86, pp 05666 Misson Laurent et al., Phenological responses to extreme droughts in a mediterranean forest, Global Change Biology, 2011, pp. 1036-1048 Purcell Alexander, Paradigms : examples from the bacterium Xylella fastidiosa, Annu. Rev. Phytopathol., 2013, 51, pp. 339-356 Simpson A.J.G. et al. The genome sequence of the plant pathogen Xylella fastidiosa, Nature, 406 (2000), pp. 151-157 Soubeyrand Samuel et al., Inferring pathogen dynamics from temporal count data : the emergence of Xylella fastidiosa in France is probably not recent, New Phytologist, 2018, pp. 1-13 Sun Q., Sun Y., Walker MA and Labavitch JM, Vascular occlusions in grapevines with Pierce's disease make disease symptom development worse, 2013, Plant Physiol. 161, pp. 1529-1541
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Annexe 7 : les constats et l'état des connaissances
Avertissement : le présent état des connaissances ne prétend pas dresser une revue bibliographique exhaustive d'une littérature scientifique très abondante dans un domaine où l'état des connaissances progresse très vite, ni rendre compte de tout ce qui se passe en Corse. Les missionnaires n'en avaient ni la compétence, ni le temps. Ce qui est recherché dans cette annexe vise, autant que faire se peut, à contribuer à objectiver la situation observée en Corse et à la mettre en perspective par rapport à un panorama mondial et européen des principales connaissances actuellement disponibles. Les choix effectués pour dresser cet état des lieux ont dépendu à la fois des experts rencontrés, mais aussi et surtout des interférences de cet état des connaissances avec les débats en Corse, telles que les missionnaires les ont compris lors de leurs rencontres avec les parties prenantes et à la lecture de la documentation compilée. La bactérie Xylella fastidiosa Historiquement, l'identification de cette bactérie et des maladies qu'elle peut causer est associée à la maladie de Pierce, observée dès les années 1880 mais décrite précisément pour la première fois en 1892 par Newton Pierce sur vignoble en Californie89. La cause de cette maladie est longtemps restée une énigme. Alors que l'hypothèse privilégiée à partir des années 1930 était un virus, ce n'est qu'à la fin des années 1970 que l'hypothèse virale a été abandonnée (1978), que l'identification de la bactérie responsable, Xylella fastidiosa, a été faite90 et que le schéma de transmission par des insectes piqueurs suceurs de l'ordre des hémiptères (Hemiptera) a été mis en évidence. Xylella fastidiosa est une bactérie (classification : Bacteria, Proteobacteria, Xanthomonadaceae) en forme de bâtonnet, Gram-négatif, et confinée au xylème 91. X. fastidiosa est une des deux espèces du genre Xylella, incluant aussi X. taiwanensis décrite récemment. Elle révèle des parois cellulaires ondulées assez caractéristiques, n'est pas flagellée et ne forme pas de spores. Il s'agit de la première bactérie causant des dommages à des plantes dont l'intégralité du génome ait été séquencée92 (X. fastidiosa subsp. pauca souche 9a5c, responsable de la chlorose variégée des agrumes) ; ce séquençage d'excellente qualité a été fait à Campinas au Brésil et publié en 2000 dans Nature (Simpson et al., 2000, Nature). Cette bactérie est originaire des Amériques (du Sud, centrale et du Nord). Elle est à l'origine de graves dégâts économiques notamment sur la vigne (cf. la Californie), les oliviers (cf. les Pouilles), les agrumes (cf. le Brésil), les pêchers et les amandiers. Elle cause également des dégâts visibles sur des arbres urbains, sans doute stressés, aux USA et, plus ponctuellement et semble-t-il sans grandes conséquences économiques, en forêt d'Amérique du Nord.
89 Elle a provoqué des pertes considérables par exemple en Californie du Sud, détruisant plus de 35 000 hectares de vignes, entraînant le déplacement de la production vers le nord. (http://ephytia.inra.fr/fr/C/21525/Vigne-Maladie-de-Pierce-Xylellafastidiosa). 90 Même si, a posteriori, il a été montré que les premières photographies de cette bactérie ont été publiées en 1937. 91 Les vaisseaux du xylème sont constitués de faisceaux de cellules mortes alignées et entourées de lignine. Ils ont la capacité de transporter de grandes quantités d'eau et de nutriments depuis le sol jusqu'à l'« usine photosynthétique » que sont les feuilles. Le xylème conduit donc la sève brute (minérale). 92 En Europe, le séquençage de la souche de X. fastidiosa subsp. pauca, appelée à l'époque CoDiRO (abréviation de l'expression italienne Complesso del disseccamento rapido dell'olivo, donnée au départ au phénomène observé), responsable du déclin rapide de l'olivier a été fait à Bari (Giampetruzzi et al., 2015, GenomeA). C'est une qualité « brouillon » (draft). Comme il y avait une grande incertitude sur la souche qui avait été séquencée, un imbroglio sur les noms des différentes souches et de la maladie en Italie (avis de l'EFSA publié en 2016), les Italiens ont fait séquencer une autre souche qui avait été isolée en 2014. Cette nouvelle souche nommée « de Donno » (du nom du propriétaire du verger d'oliviers sur lequel le prélèvement de matériel végétal infecté a été fait) a été séquencée à Berkeley en utilisant 2 technologies, ce qui a permis d'aboutir à une séquence complète. Cette séquence a été publiée en 2017 (Giampetruzzi et al., 2017, GenomeA). Ces génomes des souches CoDiRO et de Donno sont pratiquement identiques, aux différences dues aux différentes méthodes de séquençage près. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Le caractère « potentiellement » pathogène de cette bactérie pour un végétal donné ne tient pas principalement à la production d'une toxine ou d'enzymes93 venant perturber le bon fonctionnement de l'organisme hôte : elle découle essentiellement du trop grand succès de son comportement endophyte94, conduisant à la formation d'un « biofilm » bactérien qui obstrue la circulation de la sève brute dans le xylème. Cela signifie que, dans certaines conditions encore mal cernées, une plante peut « héberger » la bactérie sans en être pénalisée, au moins en apparence, et donc sans manifester de symptômes. Ceci conduit même certains spécialistes à considérer cette bactérie avant tout comme un endophyte, plutôt que comme un organisme pathogène (Chatterjee et al., 2008). De nombreuses incertitudes demeurent concernant la diversité des souches de X. fastidiosa, leurs gammes d'hôtes et leur répartition dans le monde. Bien que X. fastidiosa soit considérée comme une seule espèce, il existe une relation complexe et encore mal définie entre les hôtes et les souches sévissant sur le terrain. Quatre sous-espèces sont généralement reconnues par la communauté scientifique, se différenciant globalement par leur gamme d'hôtes, mais avec quelques recouvrements (X. fastidiosa subsp. fastidiosa ; X. fastidiosa subsp. multiplex ; X. fastidiosa subsp. pauca ; X. fastidiosa subsp. sandyi)95. Néanmoins les analyses génétiques par la technique MLST (Multilocus Sequence Typing) ont plus récemment conduit à proposer d'identifier deux autres sous-espèces qui font encore débat : X. fastidiosa subsp. taschke et X. fastidiosa subsp. morus. L'approche réglementaire de la Commission européenne considère à ce jour les sous-espèces fastidiosa, multiplex et pauca, la sous-espèce sandyi n'ayant pas été identifiée sur le territoire de l'Union européenne par les méthodes officielles. La sous-espèce multiplex est largement répandue en Amérique du Nord (USA et Canada) où elle est essentiellement présente sur des végétaux ligneux (chênes, ormes, érables, amandiers, platanes, genre Prunus, ...), et en Amérique du Sud. En Amérique du Nord, les grands froids semblent jouer un certain rôle dans la régulation des populations bactériennes 96 ; la coévolution entre la bactérie et ces végétaux ligneux pérennes pourrait expliquer un relativement faible degré de dégâts économiques, sauf sur myrtilliers. La sous-espèce pauca, responsable des dégâts catastrophiques constatés sur les oliviers dans les Pouilles, mais aussi de dégâts sévères sur agrumes et dans une nettement moindre mesure sur caféier en Amérique centrale et en Amérique du Sud, semble originaire d'Amérique du Sud et avoir des exigences thermophiles nettes. Une partie de la variabilité génétique de la bactérie peut également être décrite par les Sequence Types (ST97), selon une logique qui n'est pas réductible à celle des sous-espèces. Ceci complique les interprétations des résultats des analyses, mais permet aussi des approches performantes pour retracer des introductions et qualifier des proximités entre origines géographiques.
93 Pour la seule maladie de Pierce (sur vigne), l'Université de Californie, à Berkeley (Nascimento et al., 2016) a mis en évidence que les bactéries situées dans le pétiole produisaient une enzyme (lipase) « transloquée » dans d'autres sites de la feuille et à l'origine des symptômes sur les marges de la feuille. Il n'est donc pas exclu que des enzymes puissent contribuer, de manière sans doute secondaire, à une certaine pathogénicité. 94 Les endophytes (du grec endo « dans », « végétal »; littéralement « à l'intérieur d'un végétal... ») sont des organismes (bactéries ou champignons en général) qui accomplissent tout ou partie de leur cycle de vie à l'intérieur d'une plante, de manière symbiotique (endosymbiote), c'est-à-dire soit avec un bénéfice mutuel pour les deux organismes, soit sans conséquences négatives pour la plante. 95 Un problème formel de respect des règles édictées par le comité international de taxonomie explique que seules les 2 sousespèces fastidiosa et multiplex sont dites « valides ». La sous-espèce pauca n'est pas validée, car la culture de la souche type n'a pas été déposée dans 2 collections internationales de 2 pays différents ; elle n'est pas accessible pour les chercheurs, et le nonrespect de cette règle du code a entraîné l'invalidité du nom. Néanmoins l'existence de cette sous-espèce est reconnue par tous. 96 Ceci est bien démontré sur la sous-espèce fastidiosa et reste encore à démontrer pour les autres sous-espèces : des travaux sont en cours sur ce sujet de l'effet des basses températures en Belgique et en Espagne, pas en France. 97 ST : Sequence Type, déterminé par une analyse MLST (MultiLocus sequence Typing) ; le n° est attribué par une base de données internationale, au fur et à mesure où de nouvelles ST sont identifiés. Actuellement on en est à ST81 [c'est le N° donné à la ST6* identifiée en Espagne]. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Les difficultés méthodologiques d'identification La répartition de X. fastidiosa dans la plante lorsqu'elle est contaminée peut-être très hétérogène, y compris sur des plantes symptomatiques, d'un rameau à l'autre, d'une feuille à l'autre. Ce point a été régulièrement rappelé à la mission par les experts rencontrés, français et étrangers, à propos de la localisation des prélèvements. Il est souvent mal identifié par les partenaires qui se focalisent sur le seul enjeu (très important) des analyses, alors même qu'il existe un premier enjeu au niveau du prélèvement, en fonction de la manière dont la bactérie se localise dans le végétal hôte échantillonné. Cet enjeu de localisation à des seuils détectables par les analyses n'est pas indépendant de la période de prélèvement en fonction de la saison de végétation, de la date de contamination et sans doute de la capacité d'adaptation de la plante, notamment en fonction de sa vigueur. Il peut donc être nécessaire de multiplier les échantillons pour être en mesure d'identifier à coup sûr la présence de la bactérie dans un végétal. Les missionnaires ont été informés par la Commission européenne (DG Santé) que cet enjeu majeur des modalités de prélèvement et d'échantillonnages pour l'efficience de la surveillance ferait prochainement l'objet d'un travail confié à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA, en anglais European Food Safety Authority, EFSA98), dans le cadre plus général de l'élaboration d'un guide portant sur la surveillance. Les difficultés de mise en culture de cette bactérie expliquent son nom d'espèce : fastidiosa. Même si la culture en reste généralement difficile, Maria Saponari, membre du CNR (Institut de virologie des plantes, à Bari99) et spécialiste reconnue de cette bactérie en Italie, a indiqué oralement aux missionnaires qu'il est aujourd'hui possible d'acquérir les bonnes pratiques (appelées « tours de main » par les experts consultés) nécessaires à la réussite d'une mise en culture de cette bactérie, notamment au Brésil. Elle dit ne plus rencontrer de difficultés, et rappelle qu'en cas d'incertitude sur les analyses pratiquées, le juge de paix doit rester l'identification de la bactérie par la mise en culture. Sans contester nullement l'enjeu des mises en culture, MarieAgnès Jacques (INRA) a rappelé à la mission que le contexte dans lequel travaille Maria Saponari (une sous-espèce pauca présente à des concentrations très fortes dans les végétaux, et l'olivier comme cible) ne peut pas être extrapolé au contexte français 100 (et à une autre sous-espèce (multiplex), des concentrations bactériennes beaucoup plus faibles, souvent à la limite du décelable par les méthodes officielles, et une quarantaine de végétaux différents, posant des problèmes complexes de méthodologies de mise en culture à adapter à chaque contexte), et ceci malgré l'acquisition des bonnes pratiques relatives à la culture de cette bactérie par un membre
98 Il s'agit d'une des principales agences de l'Union européenne. Elle est compétente pour toutes les questions ayant un impact direct ou indirect sur la sécurité alimentaire humaine et animale, dont celles concernant la santé et le bien-être animal la santé et la protection des plantes ainsi et la nutrition en général. Le siège de l'EFSA est à Parme. Elle fournit des conseils scientifiques sur les risques existants ou émergents dans ce domaine. Elle publie des avis, émis par son comité scientifique et ses groupes scientifiques, chacun dans sa sphère de compétence. Sur toute question relevant de sa compétence, l'Autorité doit communiquer de façon ouverte et transparente avec le grand public, en application du règlement européen n°178/2002 qui stipule : « Afin d'assurer la confiance dans les bases scientifiques de la législation alimentaire, les évaluations des risques doivent être réalisées de manière indépendante, objective et transparente et se fonder sur les informations et les données scientifiques disponibles (...) La confiance des institutions communautaires, du public et des parties intéressées dans l'Autorité est indispensable. C'est pourquoi il est primordial d'en garantir l'indépendance, la grande valeur scientifique, la transparence et l'efficacité. La coopération avec les États membres est aussi indispensable (...) En cas d'avis scientifiques divergents entre organismes scientifiques, des procédures doivent permettre de trouver une solution à la divergence ou de fournir aux gestionnaires des risques une information scientifique de base transparente (...) L'évaluation des risques est fondée sur les preuves scientifiques disponibles et elle est menée de manière indépendante, objective et transparente ». 99 Le CNR (en italien : Consignation Nationale d'elle Ricocher) est l'organisme public italien chargé de développer, promouvoir, défendre, transférer, et valoriser l'activité de recherche italienne dans les principaux secteurs de développement des connaissances et de leurs applications scientifiques, technologiques, économiques, et sociales. Le CNR est dépendant du Ministère italien de l'instruction, de l'université et de la recherche. Il dispose de centres dans diverses régions italiennes, dont celui des Pouilles à Bari. 100 Ni même probablement à la situation espagnole. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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du laboratoire d'Angers, en mars 2018, lors d'un stage dans le laboratoire de Leonardo de la Fuente aux USA, expert reconnu dans ce domaine. Les plantes hôtes et les plantes spécifiées au sens de la Commission européenne 1) En 1995, une revue bibliographique scientifique faite par deux spécialistes nord-américains de Xylella fastidiosa (Hill et Purcell) n'identifiait que 29 familles de végétaux pouvant héberger la bactérie, situation qui a beaucoup évolué depuis. Dans son analyse scientifique du risque posé par Xylella fastidiosa101, adoptée le 30 décembre 2014 (et publiée en 2015) sur la base d'un questionnement de 2013 de la Commission européenne, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) identifiait 309 espèces de plantes hôtes connues dans le monde, appartenant à 63 familles et 193 genres. Il est néanmoins important de rappeler que toutes ces espèces ne développent pas de maladies, et qu'une espèce végétale n'est pas nécessairement sensible à toutes les sous-espèces de la bactérie. Sur le site du ministère de l'agriculture (http://agriculture.gouv.fr/xylella-fastidiosa-cest-quoi, consulté le 2 mai 2018), il est désormais précisé qu'au total, « ce sont 359 espèces potentiellement hôtes de Xylella fastidiosa qui ont été recensées dans le monde (EFSA, février 2016 « mise à jour de la liste des végétaux hôtes de Xylella fastidiosa »). Cela concerne 75 familles et 204 genres. 2) Comme l'indique le ministère de l'agriculture, « Sur la base de cette liste pré-établie par l'EFSA, la Commission européenne a retenu une liste de plus de 200 espèces de végétaux sensibles à Xylella fastidiosa (Annexe I de la décision 2015/789 modifiée). Cette liste contient l'ensemble des végétaux pour lesquels au moins deux publications scientifiques ont montré leur sensibilité à la bactériose. Ces végétaux, lorsqu'ils sont destinés à la culture ou à la plantation, sont appelés « végétaux spécifiés ». Cette approche ne prend donc pas en compte l'essentiel des plantes du maquis corse, qui n'ont, la plupart du temps, pas vocation à être cultivées ou plantées, à l'exception des arbres ou de l'immortelle. Quelques espèces n'ayant manifestement pas vocation à être cultivées ou plantées figurent néanmoins sur cette liste, comme, par exemple, le calicotome. L'Annexe I à la décision d'exécution (UE) 2015/789 relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa, intitulée « Liste des végétaux dont la sensibilité aux isolats européens et non européens de l'organisme spécifié est connue (« végétaux spécifiés ») » comportait 188 noms (généralement d'espèces, mais parfois seulement de genres) à la date du 18 mai 2015. Les « Annexes I » aux décisions d'exécution en date du 12 mai 2016 et du 14 décembre 2017, ont rajouté des noms et en ont supprimé d'autres, portant le total actuel à 230 noms (194 espèces et 36 genres).
101 Scientific Opinion on the risk to plant health posed by Xylella fastidiosa in the EU territory, with the identification and evaluation of risk reduction options. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Haie de romarins contaminés par Xylella fastidiosa subsp. pauca près de Gallipoli dans les Pouilles, en zone d'enrayement
Haie de lauriers-roses contaminés par Xylella fastidiosa subsp. pauca près de Gallipoli dans les Pouilles, en zone d'enrayement
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Acacia contaminé par Xylella fastidiosa subsp. pauca près de Gallipoli dans les Pouilles, en zone d'enrayement
Polygale à feuilles de myrte contaminé par Xylella fastidiosa subsp. pauca près de Gallipoli dans les Pouilles, en zone d'enrayement
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3) L'actuelle liste des végétaux hôtes reconnus sensibles sur le territoire de l'Union européenne 102, en date du 15 février 2018, correspond à la 9 ème actualisation par la Commission européenne depuis la publication de la première liste le 21 décembre 2015 (dont 6 actualisations en 2016 et 2 en 2017). Liste des espèces sensibles à la sous-espèce (ssp.) 21/12/15 15/02/18
fastidiosa
multiplex
pauca
plusieurs ssp.
0 5
20 41
22 26
1 10
NB : pour connaître le nombre de plantes hôtes sensibles à une sous-espèce donnée, il faut additionner le chiffre de la colonne spécifique à la sous-espèce et un chiffre au maximum égal à celui de la dernière colonne, pour la sous-partie correspondant à la sous-espèce donnée. 4) Alors que l'identification de la ST53 sur olivier dans les Pouilles ne date que de 2013, la base de données internationale identifiait début 2018, 81 ST différentes. La mission constate donc la rapidité à laquelle la liste des espèces susceptibles d'héberger la bactérie dans le monde, la liste des végétaux spécifiés au sens de la Commission européenne et la liste des espèces hôtes constatées sur le territoire de l'Union européenne, et même la liste des ST, s'allongent. Dans l'état actuel des connaissances disponibles, ce constat illustre probablement plus la rapidité à laquelle les connaissances évoluent (selon la logique « plus on cherche, et plus on trouve »), qu'il ne mesure la vitesse d'extension d'une « épidémie ». Il serait exagérément optimiste de considérer qu'après trois ans d'observation dans les trois pays européens actuellement officiellement concernés, ces listes puissent être considérées comme désormais stabilisées. Dans l'état actuel des connaissances, il n'est en effet pas possible de prédire les espèces hôtes potentielles à la faveur d'une introduction d'une sous-espèce de X. fastidiosa dans un nouveau contexte floristique et climatique (Almeida R.P.P. and Nunney L., 2015), comme c'est le cas en Europe, tout particulièrement dans le contexte méditerranéen mais aussi probablement un peu plus au Nord. Au-delà des introductions de X. fastidiosa qui, dans l'état actuel des hypothèses faites par les experts, semblent être toutes significativement plus anciennes que la date d'identification des premiers foyers dans les Pouilles (Italie), aux Baléares 103 (Espagne) et en Corse (France) 104, il n'est en effet pas possible d'écarter l'hypothèse selon laquelle les conditions climatiques des dernières années dans la zone méditerranéenne pourraient avoir contribué à la manifestation de symptômes sur des végétaux du fait notamment de la thermo-sensibilité de l'expression de la maladie, conduisant à des analyses bactériologiques auxquelles il n'aurait pas été procédé précédemment.
102 Il s'agit de la liste des plantes hôtes qui ont été trouvées sensibles à Xylella fastidiosa sur le territoire de l'Union européenne, et qui ont fait l'objet d'une procédure officielle de notification par un État membre à la Commission européenne au vu du constat de nouveaux foyers. 103 Dans les Îles Baléares, la grande diversité génétique identifiée à ce jour présuppose de nombreux évènements d'introductions. La majorité des souches identifiées sont connues (multiplex ST6, ST81, ST7 et fastidiosa ST1), seul l'isolat pauca ST80 est nouveau pour la communauté scientifique (Source : CR de la conférence de Palma de Majorque de novembre 2017, par la DGAl). 104 Il s'agit des trois zones visitées par la mission et sur lesquelles des informations ont pu être réunies. Ceci ne préjuge pas de ce qui s'est passé sur le territoire continental de l'Espagne et de la France. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Par ailleurs il ne peut être exclu que certains pays du Sud de l'Union européenne n'ayant actuellement pas procédé à des déclarations officielles auprès de la Commission européenne puissent contribuer à court ou moyen terme à de nouvelles augmentations rapides de ces listes, si un premier foyer était officiellement constaté dans un de ces pays, conduisant à des mesures ciblées de surveillance. Il en va de même pour tout ou partie des pays du Sud de la Méditerranée. Certains chercheurs sont d'ores et déjà persuadés que la présence de X. fastidiosa ne peut être considérée comme limitée aux seuls pays ayant officiellement fait état de la détection de foyers, et que le réseau des scientifiques devrait contribuer à faire évoluer cette liste au cours des prochaines années. Cette incertitude pourrait également concerner la présence ou non de X. fastidiosa subsp. pauca hors des Pouilles, ou d'autres sous-espèces, compte tenu notamment du faible niveau de performance du test Elisa105 utilisé jusqu'à présent pour rechercher cette bactérie, y compris dans le cadre de la délivrance des passeports phytosanitaires. Le fait que le recours au test ELISA soit, depuis décembre 2017, cantonné aux seules zones infectées pourrait conduire à donner une autre image de la présence de la bactérie en Italie, si le recours à des analyses plus performantes hors zones déclarées infectées conduisait à déceler la présence de la bactérie à des concentrations que le test Elisa peine à détecter. L'évolution rapide des listes officielles dénote une forte réactivité de la Commission européenne, face à un problème sanitaire nouveau qui n'entre pas parfaitement dans le cadre conceptuel qui a présidé à la négociation de la directive 2000/29/CE du Conseil du 8 mai 2000 concernant les mesures de protection contre l'introduction dans la Communauté d'organismes nuisibles aux végétaux ou aux produits végétaux et contre leur propagation à l'intérieur de la Communauté. En effet le dispositif lié à la directive 2000/29/CE est principalement conçu pour : · · · maîtriser des organismes nuisibles de quarantaine présents sur un faible nombre d'espèces végétales ; définir les organismes nuisibles en restant aux niveaux du genre et de l'espèce, sans devoir aller jusqu'à la sous-espèce, ni au sequence type (ST) ; détecter et éradiquer les premiers foyers, en les assimilant à une introduction récente sur le territoire, sans prendre en compte une présence discrète et de longue date.
Cette situation pose néanmoins trois types de problèmes particulièrement difficiles à gérer simultanément d'un point de vue scientifique et selon des procédures administratives : · quelles garanties est-il possible de donner qu'une espèce végétale actuellement réputée indemne ne sera pas inscrite à court ou moyen terme sur la liste des végétaux spécifiés ou celle des plantes hôtes106 ? quel niveau de maîtrise des risques est-il possible de reconnaître à un passeport phytosanitaire européen107 reposant sur une liste constatée comme fortement évolutive ? comment prendre en compte le fait que le végétal peut porter la bactérie sans manifester de symptômes, souvent à des niveaux de charge bactérienne très difficiles à détecter par la plupart des analyses ?
· ·
105 Il faut au moins 10 000 bactéries pour identifier la présence de X. fastidiosa dans un échantillon, alors qu'il en suffit, en théorie, de 100 pour les tests qPCR (Marie-Agnès Jacques rappelle que cela correspond à une bactérie par tube, conduisant à une détection alors peu fiable car la distribution suit une loi de Poisson, des tailles de 1 000 bactéries sont détectées de manière fiable dans les matrices non inhibitrices). La mission note que dans la zone infectée des Pouilles il existe 100 000 à 10 000 000 bactéries par échantillon. 106 Cette question concerne à la fois l'inscription de nouveaux végétaux sensibles à une sous-espèce de Xylella fastidiosa, mais aussi le fait que des végétaux préalablement identifiés comme sensibles à une seule sous-espèce se révèlent ultérieurement sensibles à plusieurs sous-espèces, comme, par exemple, Nerium oleander, Lavandula dentata, ou Prunus dulcis. 107 Le passeport phytosanitaire européen (PPE) est délivré par l'État membre du lieu de départ au vu de contrôles effectués en application des protocoles d'inspection, avec notamment des prélèvements à des fins d'analyse conformes à la NIMP 31. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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La mission a entendu les inquiétudes manifestées par certains partenaires corses concernant la qualité et la fiabilité des réponses techniques et scientifiques qu'il est aujourd'hui possible de donner à ces trois questions. Tout en prenant acte du pragmatisme et de la forte réactivité de la Commission européenne, elle ne peut également que constater que l'État français est contraint par les règles communautaires, et que ses marges de manoeuvres sont limitées. Elle constate également qu'en l'absence d'un laboratoire européen de référence, l'amplitude des performances des différentes méthodes validées au sein de l'Union européenne ne contribue pas à fiabiliser les réponses qu'il est actuellement possible d'apporter aux trois questions identifiées. Malgré l'absence de cas référencé de jeune plantation contaminée par du matériel végétal porteur de X. fastidiosa venant de pépinières, cette différence entre le risque perçu et les mesures réglementaires de gestion du risque phytosanitaire explique, dans le cas de Xylella fastidiosa, le reproche parfois fait d'une dissociation ressentie par certains partenaires corses entre une gestion administrative du risque par l'État et une gestion véritablement sanitaire de la situation constatée. Les insectes vecteurs Le schéma de transmission de la bactérie passe nécessairement par des insectes piqueurs suceurs du xylème. Si aux États-Unis, les cicadelles ont joué un rôle majeur dans les épidémies (plus de 38 cicadelles impliquées, avec des taux de transmission très variables), en Europe d'autres familles d'insectes piqueurs suceurs du xylème sont également bien représentées et pourraient jouer un rôle important (Cicadella viridis, Cicadella lasiocarpae, les Aphrophoridae, les Cercopidae, Cicadidae et Tibicinidae). Néanmoins, à ce jour, en Europe, seule la responsabilité de Philaenus spumarius a été clairement démontrée, comme vecteur de X. fastidiosa subsp. pauca dans les Pouilles108. La question prioritaire est donc d'identifier l'espèce ou les espèces aptes à cette transmission, et responsable(s) de la transmission en Corse, en gardant en mémoire : · · d'une part qu'un insecte porteur de la bactérie n'est pas nécessairement un insecte transmetteur, d'autre part que la présence ou l'introduction d'un insecte très performant en matière de transmission109 peut changer fondamentalement la dynamique de la maladie, comme cela a été constaté sur la maladie de Pierce, après l'introduction ou l'arrivée naturelle en Californie, d'Homalodisca vitripenis en provenance du Mexique.
L'INRA a identifié a priori 11 espèces d'insectes vecteurs possibles en Corse, mais s'est rapidement focalisé (comme c'est également le cas en Italie et en Espagne) sur Philaenus spumarius, espèce extrêmement abondante très repérable par les « crachats de coucou » qui accompagnent ses premières phases de développement, en estimant disposer d'un faisceau de présomption suffisamment solide pour fonder un projet de recherche de terrain sur cette hypothèse. Cette espèce n'avait jamais bénéficié jusque-là d'une attention particulière de la recherche, au point qu'on ne la trouve pas dans les collections entomologiques. La forte variabilité constatée des genitalia pourrait laisser penser à un complexe d'espèces, et peut-être même à l'existence d'une entité génétique corse, selon l'INRA (source J.Y. Rasplus).
108 Néanmoins en janvier 2018, Maria Saponari a indiqué que Neophilaenus campestris et Philaenus italosignus étaient également vecteurs de Xf dans les Pouilles (http://www.xfactorsproject.eu/press_review/research-outcomes-xylella-xf-actors-ponte-projects/). 109 Dans l'état actuel de ce qui est constaté, selon l'INRA, les insectes européens transmetteurs de la bactérie semblent très peu efficaces par rapport à ce qui est observé aux USA. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Mousse nommée « crachat de coucou » dont s'entourent les larves de Philaenus spumarius. Photo prise près d'un olivier contaminé par Xylella fastidiosa subsp. pauca dans les Pouilles.
Mousse nommée « crachat de coucou » dont s'entourent les larves de Philaenus spumarius. Photo prise près d'un olivier contaminé par Xylella fastidiosa subsp. pauca dans les Pouilles.
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Pour comprendre le cycle biologique de cette espèce, il reste une grande inconnue sur la localisation des adultes pendant la période estivale chaude, de mi-mai à mi-octobre : dans le sol, comme en fait l'hypothèse, l'équipe110 du Centre de Biologie pour la Gestion des Populations (CBGP) de l'INRA Montpellier, ou tout au sommet des arbres, comme le pense l'équipe de Marc Gibernau (CNRS). L'observation du terrain autour du centre CNRS de Vignola (près d'Ajaccio) a montré que 35 espèces de cicadelles sont présentes, dont trois espèces nettement dominantes : Philaenus spumarius, mais aussi Euscelis lineolates (effectif le plus élevé) et Latilica maculipes. Ces deux dernières espèces sont réputées s'alimenter sur phloème, même si localement Jérôme Albre (post-doctorant) a montré que les adultes d'Euscelis lineolates peuvent s'alimenter « un tout petit peu » sur xylème. Ce dernier constat ne semble néanmoins pas de nature à expliquer l'épidémie, les chercheurs nord-américains lient la probabilité de la contamination à la capacité d'une espèce à piquer souvent et longuement un végétal (source : J.Y. Rasplus). Il reste par ailleurs un doute sur la possibilité que, dans une moindre mesure, la transmission de la bactérie puisse se faire également par des cigales111 (quatre espèces présentes en Corse112, dont trois endémiques). L'équipe du CBGP de l'INRA Montpellier pense être en mesure de donner connaissance de ses premières analyses sur ce sujet fin 2018. Les insectes se « contaminent » et deviennent porteurs de la bactérie dès le stade jeune adulte, sur la plante hôte déjà infectée aux dépens de laquelle ils se développent (notamment le ciste). La charge bactérienne augmente ensuite au fur et à mesure de la multiplication des piqûres par succion de xylème sur des végétaux déjà contaminés. Les capacités de mobilité autonome de P. spumarius sont clairement faibles, limitée à 100 à 160 mètres par an selon les experts et la littérature scientifique (même si ce point n'a pas fait l'objet de confirmation scientifique en Corse). Il existe une forte présomption que le ciste de Montpellier soit particulièrement attractif pour le développement de l'insecte, ce qui semble une spécificité de la Corse par rapport à ce qui est observé sur le continent113. De manière assez constante à travers la Corse (11 points de prélèvement bien répartis), environ 20 % des insectes sont trouvés contaminés par l'INRA. Par ailleurs 6 % des insectes contaminés semblent porter les deux ST. Dans les Pouilles, à la différence de la Corse, il est possible de voir un front de progression de la maladie qui remonte vers le Nord, à la vitesse d'environ 10 km par an (vitesse qui semble se ralentir114), mais aussi vers le Sud de la botte italienne. Cette vitesse de progression n'est clairement pas imputable aux seuls déplacements autonomes de l'insecte vecteur identifié, Philaenus spumarius. Ceci met l'accent sur le transport passif de l'insecte, souvent évoqué dans la littérature scientifique à la faveur des coups de vent, mais pour lequel les experts italiens mettent également en cause le transport involontaire par des véhicules115.
110 Jean-Yves Rasplus, Astrid Cruaud et Jean-Pierre Rossi 111 Il est à noter que, dans le cadre de la mission DGAl sur le dépérissement des oliviers en Corse, Bernard Boutte (département de la santé des forêts) a identifié des piqûres de cigales sur olivier. 112 Cicadetta fangoana - La Cigale du Fango - Endémique Corse, c'est la plus commune ; Cicada orni - La Cigale grise - Commune dans l'espace méditerranéen ; Tibicina corsica subsp. corsica - La Cigale corse - Endémique Corse ; Tibicina nigronervosa - La Cigale à nervures noires - Endémique Corse 113 Cette spécificité explique le projet de recherche mené en Corse par l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier, visant à étudier la dynamique de la population de P. spumarius sur ciste en fonction de son environnement proche, en faisant varier plusieurs paramètres (abondance du ciste, structure locale de la végétation, diversité des cultures proches,...). 114 Nonobstant le fait qu'un nouveau foyer a été identifié dans la zone tampon. 115 Donato Boscia, expert national italien de Xylella fastidiosa, a indiqué aux missionnaires que, dans les premiers temps de progression du front, il est possible de voir l'effet des voies routières de communication le long desquelles la progression est plus rapide, avant que l'épidémie ne ré-homogénéise le paysage. Ceci se traduit notamment par des foyers « pionniers » à proximité de stations-services ou de restaurants routiers, tous endroits où des véhicules s'arrêtent et où les portières sont ouvertes, CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Enfin la mission appelle l'attention sur la contradiction apparente entre la contamination des insectes et la contamination des végétaux en Corse, selon les résultats obtenus par le CBPG de l'INRA de Montpellier. En effet, alors que l'ANSES n'identifie que la sous-espèce multiplex (et que l'INRA d'Angers n'a identifié sur végétaux que deux spécimens de sous-espèces autres, nonobstant le nombre des « indéterminés »), l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier116 identifie un nombre très significatif d'insectes dont le cibarium 117 colonisé par X. fastidiosa qui hébergerait à la fois la sous-espèce multiplex et « autre chose ». Cette situation conduit à s'interroger sur les mécanismes de transmission de l'insecte à la plante, sur ce qui pourrait expliquer la présence détectée de la seule sous-espèce multiplex dans les végétaux de Corse, et sur le risque d'être un jour confronté à cet « autre chose » sur végétal. Les symptômes La plupart des publications de vulgarisation sur Xylella fastidiosa sont accompagnées de photographies présumées représentatives des symptômes accompagnant cette contamination pour chaque espèce végétale. Mais ces symptômes sont généralement plus ou moins les mêmes que ceux découlant d'un stress hydrique. Des études assez récentes suggèrent que le développement des symptômes est, au moins au début, une conséquence des réponses physiologiques déclenchées par un déficit hydrique ressenti par la plante (Choi et al. 2013 ; Daugherty et al. 2010 ; Sun and al., 2013). Les publications scientifiques insistent d'une part sur la présence fréquente de végétaux porteurs de la bactérie mais ne manifestant pas de symptômes 118, d'autre part sur le décalage temporel possible entre la contamination bactérienne et l'apparition éventuelle de symptômes : dans certains cas ce décalage peut être de plusieurs mois 119, voire de plusieurs années (R.P.P. Almeida120, 2016). Les symptômes ne sont par ailleurs pas proportionnels au nombre de bactéries. Ceci semble refléter en partie la complexité du processus de contamination d'un végétal. Dans son compte-rendu de la Conférence de Palma de Majorque (novembre 2017), la DGAl indique : « Les études visant à mieux caractériser la bactérie mettent en évidence l'implication de certaines molécules et substances actives dans le processus de contamination de la plante. Tandis que le calcium et les facteurs de transmission diffusibles (DSF) semblent favoriser la virulence de la bactérie en facilitant la production de biofilm (blocage de la circulation de la sève brute) ou l'adhérence in planta de la bactérie, le N-AcétylCystéine (NAC) joue un rôle de perturbateur de production de biofilm. Il existe par ailleurs une communauté de bactéries endophytes inhérentes à chaque végétal dont il a été montré que certaines espèces peuvent jouer un rôle antibactérien visà-vis de Xylella fastidiosa. » Quoi qu'il en soit, les symptômes présentés dans ces documents pédagogiques ne semblent être qu'exceptionnellement caractéristiques, encore moins spécifiques d'une contamination par Xylella fastidiosa. Ils peuvent souvent évoquer également d'autres causes possibles, biotiques ou abiotiques. Donato Boscia121, expert national italien de Xylella fastidiosa, à propos de la liste des
permettant à des insectes de sortir. 116 Avec des méthodologies propres reposant sur des bases assez proches de celles de l'équipe INRA d'Angers sur les végétaux, et donc a priori susceptibles de susciter le même type de questionnement de l'ANSES à partir des méthodes officielles. 117 Cibarium : cavité antérieure de la bouche de l'insecte, placée entre la base de l'hypopharynx et la face inférieure du clypéus 118 En Corse, de juillet 2015 à octobre 2017, 723 prélèvements positifs étaient issus de végétaux présentant des symptômes, mais 144 prélèvements positifs avaient été faits sur des végétaux asymptomatiques. 119 Maria Saponari et al. (EFSA supporting publication : EN-1013 de mars 2016) : pour de jeunes plants d'oliviers, cela peut prendre 12 à 14 mois pour manifester des symptômes après une inoculation artificielle sous serre. 120 Pour la vigne, végétal pour lequel un effort considérable de recherche a été mené, Almeida estime qu'il faut généralement 1 à 2 ans pour exprimer la maladie (source : contact de la FREDON Alsace avec Almeida lors de son passage en Alsace). 121 Membre du Conseil national de la recherche (en italien : Consiglio Nazionale delle Ricerche) ou CNR. Il est virologiste spécialisé CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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végétaux hôtes de la sous-espèce pauca, estime même que seul le laurier-rose (Nerium oleander) semble présenter la plupart du temps (mais pas toujours, comme les missionnaires ont pu le constater sur des pieds sur lesquels une analyse au test Elisa avait pourtant été positive) des symptômes relativement spécifiques de Xylella fastidiosa (dessèchement en bandes longitudinales). Pour les autres végétaux, et en dehors d'une zone connue pour être hautement infectée, le doute est systématiquement permis : seules les analyses de laboratoires peuvent établir la contamination bactérienne, sans pouvoir absolument éliminer l'hypothèse de la contribution d'autres causes biotiques ou abiotiques. Sur oliviers dans les Pouilles, et ceci dans des cas de figure variés allant d'un nouveau cas très récemment détecté dans la zone tampon (présumée indemne jusque-là) à l'examen d'un gradient d'ancienneté de la contamination dans le Sud de la zone infectée, les missionnaires ont pu constater l'extrême difficulté à trouver des constantes dans l'aspect des feuillages sur des arbres pourtant testés positifs. Sur olivier, seul le flétrissement sur les rameaux et les pousses de petit diamètre, avec présence des feuilles sèches (et de petites olives desséchées) sur le rameau jusqu'aux fortes pluies hivernales reste un point commun. Les fortes pluies semblent faire tomber les feuilles sèches sur l'ensemble du rameau (mais pas les petites olives desséchées), donnant cet aspect de branche ou rameau secs portant de petites olives desséchées, comme observé par les missionnaires aux Baléares et dans les Pouilles. Les missionnaires ne se souviennent pas l'avoir vu en Corse (présence de rameaux secs, mais sans petites olives desséchées). Mais sur olivier, selon les experts italiens, ces symptômes peuvent être aussi ceux de la verticiliose, ou même « autre chose » (par exemple, une carence minérale) : seules les analyses bactériologiques peuvent dire si la bactérie Xylella fastidiosa est bien présente. NB : au moins sur olivier dans les Pouilles, la vitesse d'évolution de la maladie semble augmenter nettement avec l'âge de l'arbre, dans un contexte où les experts italiens ont précisé à la mission qu'il pré-existait des problèmes sanitaires (notamment fongiques) sur beaucoup de vieux arbres. Néanmoins, l'extension de l'épidémie à des niveaux de charge bactérienne très élevée a ensuite fait disparaître la capacité à discriminer le comportement individuel des vieux arbres en fonction de l'état sanitaire individuel préexistant à la contamination. Ce constat complique l'approche concernant les oliviers jeunes, pour lesquels l'arbre semblerait en mesure de mieux résister à des inoculations, et ne pas manifester de symptômes malgré la présence de la bactérie. Les photographies prises en Corse par la mission sur des oliviers que le Syndicat interprofessionnel des oléiculteurs de Corse (SIDOC) estime très probablement contaminés 122 par Xylella fastidiosa ont été montrées à Donato Boscia. Celui-ci est resté très prudent 123 : cela pourrait être compatible avec des dégâts dus à Xylella fastidiosa, mais cela pourrait aussi évoquer d'autres causes, et seules les analyses bactériologiques peuvent être considérées comme probantes. Dans l'état actuel de ce qu'ils ont vu en Corse, les missionnaires sont donc conduits à mettre en garde contre des déductions hâtives à partir de la seule symptomatologie du feuillage, avant les analyses bactériologiques. Néanmoins les missionnaires gardent aussi en mémoire le
en sérologie (développement et application des anticorps polyclonaux et monoclonaux pour l'identification des souches). Il est expert auprès de l'EFSA, et coordonnateur de plusieurs projets de recherche, italiens ou communautaires, sur Xylella fastidiosa. 122 A ce stade du raisonnement concernant les symptômes, il n'est pas encore pris en compte le débat sur les résultats positifs des analyses INRA au regard des analyses négatives faites par l'ANSES selon la méthode officielle. 123 Dans l'état des informations dont elle dispose, la mission n'a pas identifié d'éléments probants et validés scientifiquement laissant penser que chaque sous-espèce de X. fastidiosa se manifesterait par une symptomatologie spécifique. Elle garde néanmoins en mémoire les travaux de l'Université de Californie sur la maladie de Pierce, montrant que la sous-espèce fastidiosa produit une lipase responsable des symptômes à la marge des feuilles ; l'absence de travaux équivalent sur d'autres sousespèces et d'autres végétaux empêchent actuellement toute généralisation, à plus forte raison toute approche par sous-espèce. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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constat que les prélèvements effectués par les chercheurs sur des végétaux symptomatiques (même si les symptômes peuvent également traduire un stress hydrique) conduisent à un taux élevé de résultats positifs pour les analyses INRA (le LNR ne recevant a priori pas d'échantillons utilisés pour des projets de recherche, à l'exception de trois échantillons d'oliviers trouvés positifs par l'INRA lors de sa campagne de prélèvements et d'analyses de juin 2017). Cet appel à la prudence concernant les symptômes visuels conduit nécessairement à rendre absolument cruciale la clarification de la situation totalement spécifique à la France, où les analyses officielles faites par le LNR et les analyses faites par l'INRA dans un cadre de recherche peuvent dessiner un « paysage épidémiologique » en partie différent. Par ailleurs, contrairement à ce qui est parfois affirmé par certains partenaires corses, la contamination ne se fait pas nécessairement de proche en proche. Le « critère du rond124 » ne peut pas être considéré comme un symptôme fiable d'une contamination bactérienne par Xylella fastidiosa ; a contrario l'absence de dépérissement en rond ne peut donc pas conduire à exclure une responsabilité de la bactérie. Ce constat d'une contamination qui ne se propage pas nécessairement de proche en proche est mentionné dans des publications scientifiques, et les missionnaires ont pu l'observer dans les Pouilles d'une part sur des plants de romarin en alignement, d'autre part sur des plants de laurier-rose en alignement, avec des végétaux analysés positifs par le CNR. Les facteurs qui président à la contamination (nombre de piqûres d'insectes et charge bactérienne transmise, état de vigueur de la plante, résistance éventuelle différenciée des plants,..) et à l'expression de la maladie ne sont pas suffisamment connus à ce jour 125. La dissémination de la bactérie hors des Amériques et les périodes d'introduction en Corse La dissémination de la bactérie hors des Amériques semble très largement liée aux échanges internationaux de végétaux, et peut-être d'insectes infectés. Sur le territoire de l'Union européenne, sur la base des informations officielles disponibles, elle est désormais durablement implantée en Italie (région des Pouilles), en Espagne (Baléares sauf l'île de Formentera, province d'Alicante) et en France (Corse, Var et Alpes-maritimes). Mais par ailleurs des foyers ponctuels ont immédiatement été éradiqués en Allemagne (dans une pépinière), en Espagne (une oliveraie près de Madrid, une serre dans la région d'Almeria 126) et en République tchèque (sur un lot de végétaux importés d'Espagne), comme ce fut également le cas en France continentale (Seine-et-Marne, sur pommier). R.P.P. Almeida, spécialiste américain (Université de Berkeley, Californie) de la bactérie ? a parfois évoqué des cas de X. fastidiosa (apparemment non confirmés) observés en 1998 au Kosovo127, région proche (du moins pour les échanges économiques) avec la région des Pouilles. Hors du territoire de l'Union européenne, la bactérie est également identifiée en Turquie, en Iran et à Taïwan.
124 Expression utilisée par certains partenaires devant la mission pour décrire un type de propagation de proche en proche, censé créer, sur un site infecté depuis quelques années, une mosaïque plus ou moins circulaire de végétaux dépérissants ou morts. 125 Par exemple, empiriquement, aux endroits visités par la mission dans les Pouilles, les lauriers-roses à fleurs blanches semblaient beaucoup plus sensibles que ceux à fleurs rouges, et Donato Boscia, expert national italien de Xylella fastidiosa, estime que cela semble être un constat assez général. 126 La mission ne dispose pas à ce stade d'information sur le recours ou non par l'Espagne à la possibilité de ne pas établir de zone délimitée et d'en notifier les raisons à la Commission européenne conformément à l'alinéa 6 de l'article 4 de la Décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission. 127 Cette information a été publiée par Berisha en 1998, après un travail scientifiquement solide, même s'il n'a pas été officiellement reconnu par les autorités du pays : il y avait eu isolement de la souche, caractérisation immunologique et identification moléculaire, plus des tests de pouvoir pathogène. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Comme indiqué précédemment à propos du séquençage génétique intégral de la souche « de Donno », le niveau de la sous-espèce n'est pas le seul niveau utile de caractérisation de la bactérie au niveau du génôme : il est nécessaire de prendre également en compte les ST 128 (Sequence Types) pour analyser les proximités génétiques au sein des mêmes sous-espèces, et formuler des hypothèses sur les origines et l'ancienneté des importations de végétaux contaminés. C'est ainsi que, dans le cas des Pouilles, l'hypothèse de l'introduction relativement récente (sans doute vers 2005, avant l'observation des premiers symptômes sévères en 2008, selon Donato Boscia, la notification officielle à la Commission de la présence de X. fastidiosa datant du 21 octobre 2013) de la bactérie, sans doute par des caféiers ornementaux ou des lauriers-roses originaires du Costa-Rica (ou du Honduras) a pu être considérée comme hautement crédible, compte tenu du fait que la ST53 identifiée est caractéristique de ces pays d'Amérique centrale. C'est également à partir du constat que X. fastidiosa subsp. multiplex en Corse se caractérise essentiellement par deux ST assez proches129 des ST6 et ST7 nord-américaines, qu'il a été possible de faire des hypothèses concernant une relative ancienneté de la présence en Corse de ces souches, en évaluant la distance génétique entre les souches françaises et nordaméricaines130 pour chaque ST : il pourrait y avoir eu deux périodes d'introduction de la bactérie en Corse, dans les années 1965131 pour ST7 et dans les années 1980132 pour ST6 (source : MarieAgnès Jacques, INRA). À partir d'une tout autre approche, une modélisation reposant sur des statistiques épidémiologiques prenant en compte la seule dynamique temporelle, un autre chercheur de l'INRA (Samuel Soubeyrand et al., 2018) privilégie l'hypothèse d'une introduction dans les années 1985 (incertitude : plus ou moins 8 ans), avec l'existence d'un « compartiment caché » jouant le rôle de réservoir d'infection, qui pourrait être les cistes 133, en supposant la constance du modèle épidémiologique dans le temps (donc sans évolution du climat, notamment). Sur la base d'un autre modèle prenant en compte la dynamique spatio-temporelle pour la seule Corse du Sud 134, une doctorante travaillant dans le même laboratoire de biostatistiques conclurait à l'hypothèse vraisemblable d'une première infection dans la zone d'Ajaccio (plutôt au Nord de la commune) dans les années 1965-70. À partir d'une troisième famille d'approche, reposant sur les caractéristiques de l'insecte vecteur actuellement privilégié par l'INRA (Philaenus spumarius), et notamment la présence généralisée d'un taux d'infection de l'ordre de 20 %, il serait même envisageable d'avancer l'hypothèse d'une introduction encore plus ancienne, datant peut-être des importations de porte-greffes issus d'espèces américaines et résistants au Phylloxera, pour replanter après la grande crise du Phylloxera135 (source orale : Jean-Yves Rasplus, INRA).
128 Même le niveau des ST ne permet pas d'affecter à une « souche » particulière une liste spécifique de végétaux hôtes. Par exemple, en Corse, ST6 est spécifiquement liée à 11 végétaux hôtes et ST7 à 7 végétaux hôtes, mais les ST6 et ST7 françaises partagent 12 végétaux hôtes. Par ailleurs le laboratoire de l'INRA d'Angers identifie ST53, ST76 et ST79 ainsi que des mélanges de souches. 129 C'est ce pourquoi il est préférable de parler des ST6 et ST7 françaises, plutôt que des ST6 et ST7 de manière générale. 130 Souche Dixon pour ST6 et Griffin pour ST7. 131 Avec un intervalle de confiance en matière d'ancienneté allant de 42 à 142 ans. 132 Avec un intervalle de confiance en matière d'ancienneté allant de 14 à 388 ans. 133 L'article « Inferring pathogen dynamics from temporal count data : the emergence of Xylella fastidiosa in France is probably non recent » (New Phytologist) identifie deux scénarios vraisemblable, avec ou sans compartiment caché. En l'absence d'un compartiment caché (hypothèse moins vraisemblable que l'autre), l'introduction en Corse de X. fastidiosa daterait du début des années 2000. 134 Ce choix repose sur le sentiment des biostatisticiens que la configuration des foyers en Corse du Nord indiquerait plutôt plusieurs introductions différentes. 135 Le directeur de la FREDON de Corse a appelé l'attention de la mission sur le fait que le grand foyer de maquis infesté dans les environs de Cauro se trouve juste à côté d'une ancienne exploitation qui a été une des premières de Corse à importer des portegreffes américains. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Enfin la mission note l'impossibilité d'identifier depuis 2015 un front de progression du type de celui observé dans les Pouilles, front qui semble indissociable d'une introduction récente selon Donato Boscia, de l'Institut de virologie des plantes à Bari. L'hypothèse de l'ancienneté de l'introduction de la bactérie en Corse est donc confortée par la convergence d'approches méthodologiquement différentes, tout en restant à ce stade fondée sur des corrélations, pas sur des preuves directes. Sur cette base la mission estime qu'il est hautement probable que l'introduction de X. fastidiosa en Corse date d'un moment où l'enjeu sanitaire relatif à cette bactérie n'était ni identifié ni identifiable comme actuellement, avant même la création du passeport phytosanitaire européen en 1992 136et son application aux végétaux hôtes après la découverte de la bactérie en Italie. Les années 1965-1980 semblent par ailleurs avoir été des années particulièrement actives en matière d'introduction de végétaux en Corse. La mission relève notamment que : · la responsabilité de la bactérie dans la maladie de Pierce sur vigne, et dans la chlorose panachée des agrumes au Brésil n'a été vraiment identifiée qu'à partir des années 1980, et le nombre de végétaux susceptibles d'héberger la bactérie a longtemps été très largement sous-estimé (cf. infra). Ce n'est qu'au début des années 2000 (Hopkins D.L. and Purcell A.H., 2002) que les spécialistes nord-américains ont commencé à estimer que cette bactérie représentait « une des nouvelles menaces sanitaires les plus significatives dans les Amériques » ; les importations de végétaux en Corse concernaient aussi bien des besoins ornementaux que de renouvellement des cultures pérennes, comme l'olivier, généralement à partir de pépinières toscanes (Italie). Jusqu'à l'identification en 2013 des ravages effectués dans les Pouilles par X. fastidiosa subsp. pauca, il n'existait pas de raison scientifique probante pouvant conduire les pouvoirs publics à identifier un risque sanitaire grave au niveau du commerce intracommunautaire.
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Dès lors, pour la mission, le défi technique et scientifique le plus pertinent du point de vue opérationnel ne concerne pas le fait d'identifier précisément le moment précis et le contexte de l'introduction de la bactérie en Corse, mais bien de comprendre pourquoi cette bactérie probablement présente depuis quelques décennies n'a été identifiée en Corse qu'en 2015. Il est notamment légitime de s'interroger sur la part respective de deux facteurs explicatifs vraisemblables, qui ne s'excluent a priori pas l'un l'autre : · · le fait de trouver ce qu'on cherche, depuis la mise en place d'une surveillance à la diligence de l'État, opérationnelle à compter du printemps 2015 ; la manifestation de symptômes, peut-être en relation avec les conditions climatiques, compte tenu de ce que l'on sait en matière d'interférences entre la bactérie, la plante et l'environnement, notamment via le stress hydrique et la température.
La situation en Corse La première identification d'un foyer de X. fastidiosa a été faite à Propriano en juillet 2015, sur polygale. Fin 2017, les analyses officielles sur près de 16 000 échantillons (de juillet 2015 à octobre 2017) avaient identifié 925 cas positifs et 36 espèces hôtes en Corse. Les espèces pour lesquelles le taux le plus fort d'échantillons positifs au regard des échantillons prélevés sont : Calicotome villosa (33 %), Polygala myrtifolia (26 %), Spartium junceum (21 %), Helichrysum italicum (14 %), Cistus monspeliensis (11 %) : à part le polygale à feuille de myrte (Polygala
136 Le passeport phytosanitaire européen a été créé par la directive 92/105/CEE du 3 décembre 1992. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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myrtifolia), espèce ornementale exotique qu'on trouve dans les jardins, même si certains exemplaires s'en sont échappés, il s'agit d'espèces du maquis, même si l'immortelle d'Italie (Helichrysum italicum) est cultivée, essentiellement dans la perspective de fabriquer des huiles essentielles. En 2016, selon la FREDON de Corse, plus de la moitié des échantillons positifs (sous-espèce multiplex) a été prélevée dans le milieu naturel, même si les importantes difficultés d'accessibilité du maquis expliquent que ces prélèvements ont été faits soit à proximité de zones habitées soit le long des routes. La dimension « maquis » de la présence de X. fastidiosa en Corse semble donc patente, alors que c'est un point considéré comme très marginal dans les Pouilles mais aussi, dans une moindre mesure, aux Baléares, compte tenu de la moindre extension d'une végétation naturelle ou subnaturelle dans ces deux zones. La mission a visité avec la FREDON de Corse deux zones de maquis de basse altitude (La Parata, près d'Ajaccio, et dans les environs de Cauro) où des dépérissements et mortalités sont observés sur des surfaces allant d'une dizaine à une centaine d'hectares et où des analyses ont été positives, avec ou sans détermination de la sous-espèce 137. Sur un foyer important situé sur la commune de Cauro, où des prélèvements ont permis d'identifier la sous-espèce multiplex alors que d'autres prélèvement sont indéterminés 138, la plupart des calicotomes sont morts ou en train de mourir (février 2017), alors que des chênes, des oléastres et des filaires semblent présenter par ailleurs des symptômes justifiant un suivi durant la saison de végétation 2018. Il est à noter qu'un chêne vert est positif, mais sans que le LNR soit en mesure d'identifier la sous-espèce, malgré trois analyses sur des prélèvements successifs. Par ailleurs, pour ce qui concerne les espèces cultivées (agricoles ou ornementales), actuellement et sans préjuger d'une possible évolution au cours des prochaines années139, la mission ne peut que souscrire au résumé lapidaire fait par Donato Boscia sur la différence entre les Pouilles et la Corse : la crise dans les Pouilles découle des dégâts massifs causés par la bactérie sur certains végétaux, au premier chef l'olivier, alors que la crise actuelle en Corse découle essentiellement des débats sur les modalités administratives de gestion de la présence de la bactérie. La mission garde par ailleurs en mémoire la différence entre une zone d'infection récente (Les Pouilles) et la Corse pour laquelle un faisceau convergent d'approches laisse penser à une infection déjà ancienne (Cf. supra : La dissémination de la bactérie hors des Amériques et les périodes d'introduction en Corse). Toutes les analyses de l'ANSES sur des échantillons de végétaux prélevés en Corse mettent en évidence la seule sous-espèce multiplex. Néanmoins, à partir d'analyses faites sur insectes (donc en dehors du cadre des analyses menées selon la gamme des protocoles validés par l'OEPP), à partir d'analyses MLST 140 sur 2 loci des gènes de ménage141 analysés, l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier estime qu'il existe une forte
137 La mission garde en mémoire que dans environ un quart des analyses, il n'est pas possible d'identifier la sous-espèce, et que dès lors les conditions fixées par la DGAl ne sont pas réunies pour déclarer un foyer. Le passage en stratégie d'enrayement déplace significativement l'enjeu opérationnel d'identifier de nouveaux « foyers officiels ». Néanmoins la mission considère que, dans le contexte du débat en Corse et du besoin de démontrer que la surveillance prend bien en compte toutes les informations permettant d'orienter les investigations de terrain, il convient de rendre publiques ces suspicions de « foyers potentiels », selon des modalités graphiques particulières empêchant toute confusion avec les « foyers officiels », afin d'orienter la surveillance, tout particulièrement pour des espèces qui n'ont pas ou rarement été identifiées positives par les analyses officielles. 138 Il semble particulièrement difficile d'identifier la sous-espèce sur les échantillons positifs de calicotome. 139 La mission pense notamment au contexte posé par l'identification pour la première fois de la bactérie sur olivier par l'INRA, sans que cette présence ne soit néanmoins confirmée à ce stade par l'ANSES, dans un contexte où des oliviers montrent des symptômes préoccupants de dépérissement en partie depuis l'automne 2017, et surtout le printemps 2018. 140 Il n'est pas toujours possible d'obtenir des résultats interprétables avec cette méthode. Par exemple, avec le calicotome, cela ne marche dans un tiers des cas. 141 Et donc pas sur la totalité des sept sites de ménage préconisés actuellement (choix effectué aux USA en 2005), mais dans un cadre qui se rapproche des discussions actuellement en cours pour simplifier et rendre moins coûteuses les analyses MLST sur CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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présomption de présence de X. fastidiosa subsp. fastidiosa en Corse (mais semble-t-il avec une souche relevant de la lignée présente sur caféier, pas sur la vigne : source Marie-Agnès Jacques). A ce jour aucune analyse sur végétal n'a permis de confirmer la présence de la sous-espèce fastidiosa en Corse. Néanmoins, sur végétal, également à partir de 2 loci (un commun avec un de ceux identifiés par l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier), il est identifié également la probabilité de la présence d'une souche de la sous-espèce sandyi proche de la sous-espèce fastidiosa (source Marie-Agnès Jacques). S'il est fait l'hypothèse qu'il s'agit bien de la même entité indéterminée, et donc que l'on prend en compte les 3 loci provenant des deux approches différentes (sur insecte et sur végétal), la probabilité de la présence de la sous-espèce fastidiosa en Corse, mais à des niveaux très difficiles à détecter, serait renforcée. Par ailleurs, selon les analyses de l'INRA sur végétaux, il a été identifié la présence : · de la sous-espèce sandyi142, sur un seul échantillon de polygale, sans que la mission ne sache s'il s'agissait d'un plant récemment importé ; · de la sous-espèce pauca143 (ST53 non confirmé par une seconde prise d'échantillon en vue de son analyse), sur un seul échantillon de chêne vert situé en Balagne (2016), qui a fait l'objet d'une destruction immédiate à l'initiative des services de l'État, bien qu'il n'ait pas eu préalablement de confirmation par le LNR, et ceci sans que de nouveaux prélèvements aient permis d'envisager une éventuelle confirmation ou infirmation a posteriori par la méthode MA039 utilisée par le LNR144 ; Dans les deux cas, il est extrêmement difficile de tirer des conclusions scientifiquement probantes à ce stade. D'une part il est possible de faire raisonnablement l'hypothèse que le niveau de sensibilité plus élevé revendiqué par la méthode mise en oeuvre par l'INRA entraîne logiquement des discordances avec la méthode officielle, dès lors qu'elle identifierait ce que les caractéristiques intrinsèques de la méthode officielle ne permettent pas de mettre en évidence 145. D'autre part, sans que la mission prétende trancher dans un domaine où elle n'est pas scientifiquement compétente, elle garde en mémoire la mise en garde des experts italiens rencontrés vis-à-vis de toute détection d'une nouvelle sous-espèce dans une nouvelle zone sur la base d'un seul prélèvement et d'une analyse qu'il n'a pas été possible de réitérer, faute de nouvel échantillon accessible : une telle présence unique et isolée n'est pas impossible pour une introduction récente de végétal, mais ce n'est a priori pas le cas de figure à privilégier au moins pour un chêne vert. À plusieurs reprises, l'INRA a signalé au LNR des cas où ses analyses identifient des oliviers ornementaux contaminés par X. fastidiosa subsp. multiplex, mais sans jamais que l'ANSES ne confirme ce résultat par la méthode officielle. Néanmoins la mission considère comme très important de ne pas donner le sentiment de confondre la description « clinique » de l'état de la
végétal. Un gène de ménage est un gène qui s'exprime dans tous les types cellulaires et dont les produits assurent les fonctions indispensables à la survie des cellules. Ils ne subissent donc pas de régulation. Les gènes de ménage forme l'expression des gènes ou l'expression génique. Il est à noter que pour l'ANSES le seul cas où la sous-espèce sandyi a été identifiée en France concerne un plan de caféier. Ce qui ne signifie pas pour autant une souche CoDIRO ou de Donno. La mission a pris connaissance du « retour d'expérience » rédigé par la DDCSPP de Haute-Corse sur le cas du « chêne de Balagne ». En 2015, un prélèvement réalisé sur un chêne vert (Overcus ilex) en Balagne (Corse), hors foyer, avait relevé un résultat qualifié de positif dans un premier temps pour la détection de Xylella fastidiosa, puis le LSV nous a fait part de ses doutes sur le résultat. Le chêne a été détruit dès l'annonce de ce résultat et d'autres prélèvements aux alentours ont été réalisés : tous négatifs. En mars 2016, un rapport d'analyse correctif du LSV statue sur un résultat final indéterminé. Le rapport évoque un changement de la MA039 et des règles de décision de détermination du statut d'un échantillon, qui, en avril 2015, n'étaient pas encore stabilisées. Au regard des nouvelles règles de décisions, le résultat d'avril 2015 aurait donné un résultat indéterminé pour la détection de Xylella fastidiosa. La mission est par ailleurs consciente des performances limitées de la méthode officielle, telle que mise en oeuvre actuellement par l'ANSES, sur les végétaux où des inhibiteurs sont présents, notamment les oliviers et les chênes (Cf. le chapitre sur les méthodes d'analyse).
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maladie avec la réunion des conditions administratives permettant à l'État de recourir aux dispositions juridiquement contraignantes découlant du droit communautaire et national. Dans l'état actuel des informations dont elle dispose, et nonobstant les travaux en cours entre l'INRA et l'ANSES pour comprendre les résultats différents des prélèvements effectués sur des oliviers identifiés comme présentant des symptômes par le SIDOC au printemps 2018, la mission note donc que la présence de X. fastidiosa sur olivier en Corse ne fait pas l'objet d'un consensus entre l'INRA et l'ANSES à ce jour (21 juin 2018). En tout état de cause, cette situation ne permet pas d'imputer à la bactérie les dépérissements actuellement observés sur oliviers. C'est ce pourquoi la mission diligentée par la DGAl sur le dépérissement des oliviers en Corse pour en identifier toutes les causes possibles est parfaitement pertinente et opportune. Enfin la mission garde en mémoire que plus d'une demi-douzaine d'espèces végétales ont été positives aux analyses de l'INRA sans l'être aux analyses du LNR. La liste des 36 espèces végétales présentes en Corse identifiées comme hôtes effectifs de la bactérie en juillet 2017 est possiblement sous-estimée146 d'un pourcentage qui ne peut être considéré comme négligeable. La bactérie, l'hôte, l'insecte et l'environnement La caractéristique fondamentale de la dynamique épidémiologique de X. fastidiosa repose sur les interactions entre la bactérie, la plante, l'insecte vecteur et l'environnement (notamment climatique : température, pluviométrie et réserve utile du sol, compte tenu de l'enjeu « stress hydrique »), ce qui introduit un niveau fort de complexité qui n'existe pas toujours dans les maladies végétales ou animales les plus connues. Il est clairement impossible de mener des expérimentations faisant varier simultanément ces trois facteurs (ou familles de facteurs), même s'il est possible de multiplier les placettes d'observation pour tenter de les prendre en compte, comme ce qui est actuellement mis en place par l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier dans le cadre du projet de recherche animé et financé par la Collectivité de Corse, et reposant sur environ 120 placettes en végétation naturelle ou subnaturelle, mais souvent à proximité de cultures agricoles (olivier, vigne, rosacées, immortelles). Aussi bien les suivis de terrain que les analyses en laboratoire rendent la recherche coûteuse, notamment en termes de personnels mobilisés, alors même qu'il s'agit d'un facteur limitant bien identifié. La capacité de recherche sur X. fastidiosa est actuellement clairement limitée par le nombre de personnel de recherche. Cette situation, au moins pour les expérimentations de terrain, conduit nécessairement à chercher des synergies entre structures mobilisables. Dans l'état de ce que comprend la mission, cela rend également probable qu'il ne sera pas possible de mettre en évidence des schémas causaux simples, et qu'il sera nécessaire de raisonner en termes de facteurs prédisposants, de facteurs déclenchants et de facteurs aggravants. Sur une base biostatistique reposant sur les foyers identifiés par les analyses validées par l'ANSES, l'équipe de l'INRA d'Avignon (Samuel Soubeyrand) identifie notamment le caractère déterminant des trois facteurs suivants : · · · les températures journalières minimales de janvier et février, avec (travaux en cours non encore finalisés et validés) un seuil compris entre 5 et 5,4 °C ; le stress hydrique ; des usages du sol liés aux activités humaines, facteur dont la portée justifie néanmoins
146 En gardant également en mémoire que les analyses de l'ANSES ont parfois identifié la présence de la bactérie sans pouvoir déterminer la sous-espèce, conduisant à ne pas prendre en compte ce résultat dans les décomptes officiels, ce qui conduit aussi à considérer la liste des 36 comme sous-estimée. Néanmoins selon les informations dont dispose la mission, cela ne concerne que des espèces pour lesquelles l'INRA a identifié la présence de la bactérie et la sous-espèce : il n'y a donc pas de double compte. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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une certaine prudence, car les échantillons récoltés ne sont pas statistiquement uniformément répartis sur tous les cas de figure en matière d'occupation du sol, compte tenu du fait que le maquis est difficilement accessible et que les prélèvements dans le maquis sont essentiellement faits à côté de villages, de cultures ou de routes. L'attention de la mission a été appelée par de nombreux acteurs corses sur l'ampleur des stress climatiques de ces dernières années, y compris hors période estivale, et sur les particularités des températures et de la pluviométrie depuis quelques années (et en particulier 2017). Certains font donc des hypothèses en termes aussi bien d'effet-seuil que d'effets cumulés, pouvant avoir interféré par la dynamique de la bactérie et de ses insectes vecteurs, mais aussi en termes de stress hydrique. Néanmoins, mise à part les réflexions de la FREDON, la mission n'a identifié aucun travail mené en Corse sur ce point pour tenter de caractériser, soit les spécificités climatiques de ces dernières années, soit les tendances depuis les années 1960 (présumées avoir vu l'introduction de la bactérie en Corse), soit en termes d'effets cumulés. La mission a donc interrogé une équipe du CNRS de Montpellier travaillant sur le stress hydrique des chênes verts (cf. Chapitre milieux naturels et annexe sur le même sujet). En réponse à une question de la mission, J.Y. Rasplus (INRA) a répondu par mail : « Le résultat combiné de la réponse bactérienne et celle du vecteur, à la fois soumis à une sécheresse estivale plus forte sur versant sud (diminuant la présence des deux organismes), mais à une température globalement plus élevée en hiver est difficile à prédire, et le résultat en termes épidémiologiques encore plus. On peut poser comme hypothèse que la présence de la bactérie est facilitée par la température hivernale plus douce, mais que la présence du vecteur ne devrait pas trop être affectée, car il estive en période chaude. Donc globalement, cela devrait résulter en des versants sud plus propices à la présence de Xf, sauf à ce que les températures estivales trop chaudes aient un effet délétère sur la bactérie. » Concernant la bactérie, il pourrait exister une certaine régulation par le climat, du type de celle décrite en Amérique du Nord pour la sous-espèce fastidiosa en Californie, et présumée pour la sous-espèce multiplex dont la présence en Corse est avérée. Ceci pourrait expliquer, à l'occasion de périodes de froid (dont le seuil de température et de durée est actuellement difficile à caractériser), un « certain » assainissement de « certains » végétaux restant néanmoins contaminés, conduisant la maladie à repartir avec la chaleur. Ceci semble cohérent avec la capacité de certains vieux polygales à donner le sentiment d'être morts, mais de repartir en végétation après des périodes de froid. L'altitude maximale d'observation de Philaenus spumarius par l'INRA en Corse semble avoir été de 885 mètres à Salice, Bocca di Tartavellu ; néanmoins quelques individus ont été collectés plus haut. Mais l'espèce semble capable de vivre bien plus haut, et l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier dit l'avoir collectée à 1700 m d'altitude dans les Alpes. Ceci peut être mis en relation avec le fait que l'échantillon végétal contaminé à la plus haute altitude identifié par les prospections de la FREDON est une immortelle à 933 mètres d'altitude, le long d'une route. Concernant les analyses sur végétal, l'altitude semble un facteur important, puisque selon la FREDON de Corse, le pourcentage d'échantillons positifs passe d'environ 30 % pour les prélèvements entre 0 et 100 mètres, à quasiment 0 % au-delà de 600 mètres. En prenant en compte la bactérie, son vecteur et les paramètres de l'environnement, l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier confirme le discours de Donato Boscia selon lequel la sous-espèce pauca, incontestablement la plus virulente actuellement en Europe, semble globalement adaptée à un contexte climatique chaud dont l'extension est actuellement assez limitée en Europe méditerranéenne (même si le changement climatique pourrait agrandir cette zone potentiellement
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accueillante). Elle ne représente donc pas le danger le plus fort pour l'Europe dans son ensemble, ce qui n'est pas nécessairement le cas pour les zones méditerranéennes les plus chaudes. Par contre, le risque lié à la sortie de la sous-espèce multiplex de la forêt tempérée nord-américaine où les équilibres actuels reflètent une coévolution depuis 5 ou 10 000 ans pourrait représenter un danger qu'il n'est pas simple de caractériser. Dans un « pré-print147 » rendu public , l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier propose des cartes de probabilité décrivant les zones où la bactérie pourrait trouver des conditions favorables, actuellement et dans le cadre de certaines hypothèses sur la changement climatique 148. Le niveau de précision de telles approches reposant sur des approches statistiques à un moment où toutes les connaissances ne peuvent être considérées comme stabilisées sur les exigences (et compensations éventuelles entre facteurs) de la bactérie pour causer des dommages significatifs, ne permet cependant pas de répondre précisément à la question du risque d'introduction de la sous-espèce pauca en Corse149 : la mission propose de considérer comme a priori faible, mais pas nulle, la probabilité que la sous-espèce pauca puisse rencontrer en Corse des conditions facilitant son développement et des dégâts. Les risques de recombinaison À la faveur de l'introduction de X. fastidiosa dans une nouvelle région, il existe deux effets possibles : · · l'émergence d'une maladie déjà décrite sur un végétal donné, mais dans une nouvelle région ; l'émergence d'une nouvelle maladie jamais encore décrite sur un nouveau végétal hôte.
X. fastidiosa est une bactérie particulièrement apte à la recombinaison. Or les recombinaisons génétiques favorisent le second effet sus-mentionné. Ainsi aux USA, le génome de la « nouvelle » sous-espèce morus (identifiée sur Morus alba) semble constitué de manière à peu près égale de matériel génétique issu de la sous-espèce fastidiosa et de la sous-espèce multiplex : les sept gènes de ménage analysés par MLST sont en effet constitués de 3 gènes de la sous-espèce fastidiosa, de trois gènes de la sous-espèce multiplex et d'un gène provenant d'une recombinaison des deux sous-espèces. Des échanges génétiques ont créé un nouveau génome via une « recombinaison homologue interspécifique » (interspecific homologous recombination, IHR en anglais). Des études portant sur des isolats de X. fastidiosa sur Citrus et sur caféier au Brésil ont par ailleurs démontré une telle recombinaison IHR depuis la sous-espèce multiplex sur la sous-espèce pauca (Almeida et al., 2008 ; Nunney et al., 2012). Ceci conduit Almeida et Nunney (2015) à estimer que : · la question des flux de gènes est une question importante pour l'émergence des maladies dues à X. fastidiosa ; · l'introduction de nouveaux allèles dans une région où X. fastidiosa est déjà présente représente un risque significatif, et mérite d'être prise en compte par les autorités régulatrices des échanges.
147 Projet d'article soumis à une revue scientifique, mais rendu immédiatement public sur un site spécialisé, donc avant la publication officielle qui n'interviendra qu'après relecture par les pairs. 148 L'équipe du CNRS de Vignola a évoqué devant la mission l'hypothèse que le changement climatique pourrait peut-être favoriser le passage à deux générations par ans de P. spumarius, en rappelant que Euscelis lineolates se caractérise d'ores et déjà deux générations par an en Corse. 149 La mission garde en mémoire le constat italien que la vitesse de progression du front d'infection vers le Nord dans les Pouilles semble se ralentir, ce qui pourrait peut-être être mis en relation avec des conditions environnementales (et notamment climatiques) moins favorables, sans qu'il soit actuellement possible de le démontrer. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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En plus de la présence massive de deux ST (ST6 et ST7) en France les analyses de l'INRA ont conduit à identifier en Corse, dans trois échantillons, trois autres ST : ST53 (sous-espèce pauca dans le cas dit du « chêne de Balagne », dans un contexte où l'éradication immédiate n'a pas permis de réitérer les analyses), ST76 (rattachée à la sous-espèce sandyi, déjà décrite sur caféiers interceptés en Île-de-France et Pays de la Loire, pas en Corse), et surtout ST79. Cette ST79, rattachée à la sous-espèce multiplex, trouvée sur polygale, peut laisser penser 150 à une recombinaison entre les sous-espèces multiplex (ST6 ou ST7) et sandyi (ST72 ou ST76), sans que l'on puisse trancher entre les deux hypothèses selon lesquelles cette recombinaison aurait eu lieu en Corse ou hors de Corse. L'ANSES n'a jamais pu, dans ses analyses, confirmer la présence de recombinants, mais considère cette hypothèse comme suffisamment vraisemblable pour l'inclure sur ses cartes (source : Françoise Poliakoff). Au sein d'une même sous-espèce, il existe par ailleurs des accumulations de mutations génétiques ponctuelles (Lousteau, 2016, synthèse bibliographique sur X. fastidiosa sur chênes et autres arbres forestiers), mais aussi des échanges génétiques. L'ensemble de ces considérations devrait conduire à une réelle vigilance dans les programmes de sélection de végétaux résistants ou tolérants à Xylella fastidiosa en vue de leur plantation en Corse. La recherche en cours en France Au niveau européen, il existe un très important effort de recherche scientifique financé par la Commission européenne (projets XF ACTORS et POnTE 151) auquel des chercheurs français de l'INRA (équipes d'Angers, Avignon et Montpellier) participent. Cette situation explique sans doute le discours selon lequel globalement l'argent n'est actuellement pas un facteur limitant pour avancer dans la compréhension du problème et l'identification de possibles pistes de lutte 152. L'attention de la mission a été appelée sur le fait que certaines hypothèses privilégiées par l'INRA à partir notamment des caractéristiques et spécificités de ce qui est observé en Corse, qui diffère grandement du cas italien, ne vont pas nécessairement dans le sens privilégié par la recherche européenne, et qu'à ce titre il n'a pas toujours été facile d'obtenir des financements européens. Par ailleurs la mission a été sensible à la perspective que tout ou partie de ces recherches donne assez rapidement au gestionnaire du risque des outils ou informations permettant d'améliorer les analyses actuelles, voire d'anticiper certains problèmes. Cette situation rend donc à la fois utile et opportun que les pouvoirs publics français manifestent leur implication dans la recherche sur X. fastidiosa, dès lors que les hypothèses formulées par les équipes de recherche sont clairement enracinées dans un contexte différent de celui de l'Italie et de l'Espagne. De ce point de vue, la promesse faite par la DGAl d'accorder une subvention de 200 000 euros au projet mené par l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier était pertinente. L'INRA a été amené à se substituer en partie à la DGAl, en suscitant des incompréhensions que la mission estime opportun de dissiper. Dans ce contexte, la mission souligne l'intérêt et l'enjeu de la décision 153 de la Collectivité de Corse
150 Il ne peut pas non plus être totalement exclu qu'il puisse y avoir eu présence sur le même végétal des deux sous-espèces de la bactérie. 151 La mission estime que le présent rapport n'est pas le lieu pour décrire et apprécier les projets de recherche financés par la Commission européenne. 152 Toutes les équipes rencontrées ont fait état que le facteur limitant pour elles est bien davantage les effectifs de personnels qualifiés que les crédits. 153 Cette décision va au-delà du seul financement, puisque la Collectivité de Corse a décidé de porter elle-même le projet de recherche (et de ne pas confier ce soin à l'INRA), ce qui manifeste de manière emblématique son implication politique et stratégique forte dans la compréhension et la gestion de ce problème sanitaire. Ce choix permet à la Collectivité de Corse d'être rapidement et régulièrement informée des avancées de la recherche, et de développer des liens avec les équipes de recherches subventionnées. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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de financer un programme de recherche proposé par l'INRA (centre de San-Giuliano), reposant sur quatre axes (test de sensibilité sur certains végétaux corses, approche éco-épidémiologique, protection des collections d'agrumes, dimension sociologique de la gestion du problème X. fastidiosa en Corse). Elle regrette que la participation financière de l'État soit limitée à la seule question des équipements permettant la protection de la collection d'agrumes. Elle constate que la composition du comité de pilotage de ce projet ne semble pas permettre actuellement à la DRAAF, service de l'État administrativement responsable de la gestion technico-administrative du dossier X. fastidiosa en Corse, de participer aux échanges et de bénéficier des informations les plus récentes sur la recherche. De plus l'État, par ailleurs déjà représenté dans ce comité par la DRT et la DREAL, ne participe pas à toutes les réunions, ce qui peut être pénalisant pour une bonne circulation de l'information. De manière générale, la mission a constaté que les trois équipes de l'INRA (Angers, Montpellier et Avignon) actuellement impliquées dans le dossier X. fastidiosa, bien que dotées de moyens humains très limités affectés à X. fastidiosa, effectuent un travail remarquable, qui donne d'ores et déjà de la visibilité européenne aux approches actuellement privilégiées par la recherche française, avec la volonté de miser sur des technologies innovantes. Ceci se voit notamment au travers de la participation à des colloques, à l'intégration en cours dans le réseau européen des chercheurs et experts reconnus par l'OEPP et la Commission européenne, mais aussi via une activité soutenue de publications scientifiques, y compris sous la forme de « pré-prints » avant même la validation par les pairs dans le cadre des comités de lecture. Cependant ces trois équipes mènent leurs travaux de manière assez indépendante154, dans un cadre où le département compétent de l'INRA ne s'est actuellement pas mis en situation d'organiser une coordination plus forte, ni ne semble le souhaiter, ce qui pourrait nuire à l'efficience globale de l'approche scientifique de cette bactérie et de ses impacts pour les cultures et les milieux naturels en France. La mission souligne l'intérêt de l'initiative prise par l'INRA d'organiser un séminaire d'information sur l'état des connaissances, très ouvert, en octobre 2017, à Paris. La mission ne peut qu'inciter l'INRA à rééditer ce type d'initiative (si possible en Corse), en veillant à ce que les acteurs corses soient informés bien à l'amont, dans le cadre notamment du CROPSAV. La mission partage avec le chef de département de l'INRA la conviction qu'il est nécessaire de mobiliser rapidement de nouvelles compétences scientifiques, permettant de mieux articuler les approches écologiques et agronomiques, pour travailler sur les approches prophylactiques, sans se limiter au seul contexte corse. Par ailleurs il existe un manque de collaboration entre l'INRA et l'ANSES sur l'amélioration des méthodes de détection et d'analyses, conduisant à des relations non optimales entre organismes et à des messages de fait différents vis-à-vis des partenaires corses. Cette situation est très préjudiciable au regard de la question cruciale des résultats non systématiquement convergents sur le diagnostic de la maladie en Corse : liste des plantes-hôtes, présence d'une ou plusieurs sous-espèces, ST... même si la mission est très sensible au fait qu'une méthode utilisée en recherche n'a pas forcément vocation à être utilisée en routine. Il est légitime qu'elle opte pour un niveau de sensibilité plus élevé et il est recevable de ne pas demander une convergence, les objectifs des deux approches étant différents.
154 Par exemple, le choix de recourir à la méthode nested MLST a été pris en parallèle par les équipes d'Angers et de Montpellier, mais de manière indépendante et non concertée, découverte a posteriori. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Annexe 8 : le cadre réglementaire de la lutte contre Xylella fastidiosa 1 Organisation de la réglementation
La réglementation relative aux mesures contre Xylella fastidiosa est fondée sur trois niveaux :
1.1 le niveau communautaire :
·
pour la réglementation à caractère général ;
la directive 2000/29/CE du Conseil du 8 mai 2000 fixe les mesures de protection contre l'introduction dans la Communauté européenne d'organismes nuisibles aux végétaux, et contre leur propagation à l'intérieur de la Communauté. Les inspections sur les végétaux et les produits végétaux dans les points d'entrée communautaires (PEC), les pépinières et les revendeurs de végétaux, pour chercher l'éventuelle présence de Xylella fastidiosa et de ses vecteurs, sont fondés sur cette directive. En effet, ce texte classe comme organismes nuisibles dont l'introduction et la dissémination doivent être interdites dans tous les États membres :
la bactérie Xylella fastidiosa (annexe IA1155) ; les Cicadellidae156 non européens connus en tant que vecteurs de la maladie de Pierce causée par Xylella fastidiosa (annexe IA1). Le risque d'introduction sur le territoire de l'Union européenne de ces arthropodes, meilleurs vecteurs de Xylella fastidiosa que les insectes piqueurs-suceurs européens, suscite en effet des inquiétudes.
le règlement (UE) 2016/2031 du 26 octobre 2016 (dit règlement santé des végétaux) relatif aux mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux, constitue une refonte de la législation phytosanitaire de l'Union Européenne. Il abrogera et remplacera sept directives du Conseil sur les organismes nuisibles (dont la directive 2000/29/CE) et deviendra pleinement applicable le 13 décembre 2019. la décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission du 18 mai 2015 fixe les mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa. Ce texte est fréquemment révisé. Les dernières modifications ont été apportées par la Décision d'exécution (UE) 2017/2352 de la Commission du 14 décembre 2017, qui classe la Corse comme une zone d'enrayement (annexe II partie B), et non plus d'éradication. Cette disposition ouvre donc pour la France la possibilité de mettre en oeuvre les mesures d'enrayement. la base de données157 de la Commission répertoriant les végétaux hôtes sensibles à Xylella fastidiosa sur le territoire de l'Union. La décision d'exécution (UE) 2015/789 renvoie à plusieurs reprises vers cette base de données, dont la dernière version publiée à ce jour date du 15 février 2018. la base de données158 de la Commission répertoriant les tests validés pour la détection de Xylella fastidiosa et l'identification de ses sous-espèces.
·
pour la réglementation spécifique à Xylella fastidiosa :
155 Annexe IA1 : organismes nuisibles dont l'introduction et la dissémination doivent être interdites dans tous les États membres, partie : organismes nuisibles inconnus dans la communauté et importants pour toute la communauté. 156 Carneocephala fulgida, Draeculacephala minerva, Graphocephala atropunctata. 157 Commission database of host plants found to be susceptible to Xylella fastidiosa in the Union territory Update 10, 15.02.2018. 158 Commission database of validated tests for the identification of the Xylella fastidiosa and its subspecies as reffered to in article 3(2) of Commission implementing decision (EU) 2015/789, 12.12.2017. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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1.2 le niveau ministériel :
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l'arrêté ministériel du 15 décembre 2014 classe Xylella fastidiosa comme un danger sanitaire de 1ère catégorie pour les espèces végétales. Les principales conséquences de ce classement sont les suivantes :
en application de l'article L.201-1 du code rural et de la pêche maritime, cet agent pathogène requiert, dans un but d'intérêt général, des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte rendues obligatoires par l'autorité administrative. l'article L.201-7 du code rural et de la pêche maritime précise que les laboratoires doivent communiquer immédiatement à l'autorité administrative tout résultat d'analyse conduisant à suspecter ou constater la présence d'un danger sanitaire de première catégorie, ce qui est donc le cas de Xylella fastidiosa.
·
l'arrêté ministériel du 23 décembre 2015 rend d'application immédiate les mesures définies par la décision d'exécution (UE) 2015/789, et donne aux préfets le pouvoir de définir les zones délimitées (cf. ci-après). Ce texte a été modifié par l'arrêté ministériel du 17 janvier 2018, précisant pour les mesures d'enrayement, qu'elles sont mises en oeuvre pour l'ensemble de la Corse. l'arrêté ministériel du 26 juillet 2017 porte sur la prise en charge partielle des indemnisations versées par le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) aux agriculteurs ayant subi des pertes économiques consécutives aux mesures de lutte contre Xylella fastidiosa.
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1.3 le niveau préfectoral :
Les préfets des régions Corse et PACA ont adopté des arrêtés fixant des mesures de lutte contre Xylella fastidiosa. Pour la Corse, il s'agit des textes suivants :
·
l'arrêté préfectoral n° 15-580 du 30 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse. Ce texte a été modifié par l'arrêté n°15-970 du 9 octobre 2015. Il interdit l'introduction des végétaux spécifiés en Corse quelle que soit leur origine, mais en prévoyant des mesures dérogatoires pour les professionnels sous conditions. Les dérogations ne peuvent pas porter toutefois sur du matériel végétal en provenance de zones délimitées vis à-vis de Xylella fastidiosa. Le principe même de cet arrêté et l'existence de ces dérogations, reposant sur une analyse de risque, au cas par cas et évolutive, qui ne fait pas l'objet d'une procédure écrite vis-à-vis des professionnels, suscitent de vifs débats avec des points de vue très différents selon les secteurs d'activité, et une démarche contentieuse est en cours devant le Tribunal administratif. l'arrêté préfectoral n° 15-0887 du 25 septembre 2015 relatif au recensement et à la destruction ciblée des polygales à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia) en Corse. Ce texte a été modifiée par l'arrêté n°16-1864 du 3 octobre 2016.
·
2 Mesures communautaires pour éviter l'introduction et la propagation de Xylella fastidiosa.
La décision d'exécution (UE) 2015/789 détermine l'essentiel des mesures destinées à éviter l'introduction et la propagation de Xylella fastidiosa. Le contenu de ce texte est synthétisé dans les paragraphes qui suivent.
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2.1 Les végétaux spécifiés et les végétaux hôtes.
La décision d'exécution 2015/789 fait une distinction dans son article premier entre les végétaux spécifiés et les végétaux hôtes.
2.1.1 Les végétaux spécifiés
Les végétaux spécifiés sont les végétaux destinés à la culture ou à la plantation dont la sensibilité aux isolats européens et non européens de Xylella fastidiosa est connue. Sur le plan formel, les végétaux spécifiés sont les végétaux hôtes de Xylella fastidiosa et tous les végétaux destinés à la plantation, à l'exception des semences, appartenant aux genres ou aux espèces énumérés à l'annexe I de la décision d'exécution 2015/789. La liste initiale des végétaux spécifiés a été modifiée par les trois décisions d'exécution de 2015, 2016 et 2017, avec l'ajout de nouveaux végétaux et la suppression d'autres espèces. La dernière version de la liste des végétaux spécifiés porte sur 230 plantes (194 espèces et 36 genres). Elle est sensiblement plus longue que celle des végétaux hôtes, puisqu'elle englobe cette dernière.
2.1.2 Les végétaux hôtes
Les végétaux hôtes sont les végétaux destinés à la plantation 159, à l'exception des semences, appartenant aux genres ou espèces énumérés dans la base de données de la Commission répertoriant les végétaux hôtes sensibles à Xylella fastidiosa sur le territoire de l'Union. Ces végétaux ont donc été détectés contaminés par Xylella fastidiosa sur le territoire de l'Union, par une ou plusieurs de ses sous-espèces. Cette base de données fournit les listes de végétaux hôtes pour chacune des sous-espèces de Xylella fastidiosa. En conséquence, il est important de connaître la sous-espèce de Xylella fastidiosa dans un foyer en zone d'enrayement ou en zone d'éradication. En effet l'identification de la sous-espèce permet de savoir quels sont les végétaux hôtes cités dans la liste correspondante qui devront respectivement, selon la zone, être surveillés ou arrachés dans un rayon de 100 m autour du foyer. Ces listes sont mises à jour périodiquement en fonction des nouvelles détections sur le territoire de l'Union européenne. Il faut compter un délai de 6 mois entre la détection et la mise à jour de la base de données. Par exemple, le renforcement de la surveillance en région PACA a conduit à détecter en 2017 la présence de Xylella fastidiosa subsp. multiplex sur la luzerne (Medicago sativa), et sur un végétal d'ornement, l'Euryops à fleurs de chrysanthème (Euryops chrysanthemoides). Ces deux végétaux ont été ajoutées à la liste relative à la sous-espèce multiplex en février 2018. Par ailleurs, l'olivier (Olea europaea) a également été inséré en juillet 2017 dans la liste des végétaux hôtes de la sous-espèce multiplex. Cette inscription présente des conséquences pour la filière oléicole lors de la gestion des foyers en zone d'éradication : obligation d'arrachage dans un rayon de 100 mètres autour du foyer avec Xylella fastidiosa subsp. multiplex. La liste communautaire des végétaux hôtes pour Xylella fastidiosa cite un grand nombre d'espèces présentes en Corse :
·
des végétaux poussant dans le milieu naturel : asperge sauvage (Asparagus acutifolius), calicotome velu (Calicotome villosa), ciste de Montpellier (Cistus monspeliensis), faux genêt d'Espagne (Spartium junceum), genêt de Corse (Genista corsica), immortelle d'Italie
159 En pratique la liste communautaire des végétaux hôtes comporte également de nombreux végétaux des espaces naturels non cultivés et non « destinés à la plantation ». CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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(Helichrysum italicum), phagnalon des rochers (Phagnalon saxatile), laurier-rose160 (Nerium oleander), romarin (Rosmarinus officinalis)...
·
des plantes cultivées comme végétaux d'ornement : laurier-rose (Nerium oleander), polygale à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia)... des végétaux cultivés en zones agricoles : amandier (Prunus dulcis), cerisier (Prunus avium), olivier (Olea europaea), prunier (Prunus domestica), vigne (Vitis vinifera), immortelle d'Italie (Helichrysum italicum).romarin (Rosmarinus officinalis)...
·
En revanche, le clémentinier (Citrus clementina) et le pomelo (Citrus maxima), qui sont des productions importantes en Corse, ne sont pas inscrites dans la liste des végétaux hôtes (aucune détection sur le territoire de l'Union européenne), tout en étant dans la liste des végétaux spécifiés.
2.2 Les mesures de surveillance du territoire.
La décision d'exécution communautaire rend obligatoire la déclaration de toute détection et de toute suspicion de présence de Xylella fastidiosa auprès de l'autorité phytosanitaire, qui prend les mesures nécessaires pour confirmer cette présence (article 2). Les détections doivent être signalées à la Commission européenne et aux autres États membres. Elle impose également aux États membres de mener des enquêtes annuelles visant à déceler la présence de ce pathogène sur les végétaux spécifiés. Ces plans de surveillance doivent tenir compte des lignes directrices161 énoncées par la Commission, et recourir aux tests analytiques de détection et d'identification de Xylella fastidiosa et de ses sous-espèces cités dans la base de données communautaire (article 3). Les diagnostics doivent être réalisés en conformité avec les protocoles de l'OEPP162. La présence de Xylella fastidiosa (article 3.2) fait l'objet :
·
dans les zones délimitées (cf. ci-après) d'une détection au moyen d'un test, et si les résultats sont positifs, son identité est déterminée au moyen d'au moins un test moléculaire supplémentaire positif ; dans les zones non délimitées, d'une détection au moyen d'un test moléculaire, et si les résultats sont positifs, son identité est déterminée au moyen d'au moins un test moléculaire supplémentaire positif.
·
En France, des laboratoires sont agréés pour mettre en oeuvre la méthode officielle MA039 fondée sur le test de PCR en temps réel selon Harper (qPCR). Ils réalisent le premier des tests prévus par la réglementation communautaire. En cas de résultat positif, ils communiquent les échantillons au laboratoire national de référence de l'ANSES à Angers, pour effectuer le second de ces tests, et une identification de la sous-espèce de Xylella fastidiosa. Chaque État membre doit, avant le 31 décembre 2016, établir un plan d'urgence énonçant les actions à entreprendre sur son territoire en cas de présence confirmée ou suspectée de Xylella fastidiosa (article 3 bis).
160 Cette espèce pousse naturellement à l'état sauvage en Corse, le long de ruisseaux à écoulement saisonnier (ruisseaux des environs de Saint-Florent, Fium'Albino, ruisseau de Farinole, ruisseau de Luri) ; elle bénéfice alors du statut d'espèce protégée. 161 Guidelines for the survey of Xylella fastidiosa (Wells et al.) in the Union territory, 16 December 2015. 162 Diagnostics PM 7/24 (2) Xylella fastidiosa, Bulletin OEPP (2016) 0, 1-38. Diagnostics PM 7/76 (4) Use of EPPO diagnostic protocols, Bulletin OEPP (2017) 47, 7-9. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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2.3 Les zones délimitées.
Lorsque Xylella fastidiosa est identifié sur son territoire, l'État membre établit une zone délimitée (article 4) comprenant :
·
une zone infectée engobant tous les végétaux infectés, présentant des symptômes ou susceptibles d'être infectés ; une zone tampon autour de la zone infestée d'une largeur d'au moins 5 km. Sous certaines conditions d'assainissement et de surveillance du territoire, la largeur de la zone tampon peut être réduite à 1 km. En revanche, lorsque des mesures d'enrayement sont mises en oeuvre, la largeur est d'au moins 10 km (article 4.2).
·
Dans le cas de la Corse, la totalité du territoire insulaire a été déclarée comme une zone infectée. Comme il n'y a pas de territoire dans un rayon de 10 km autour de la Corse, il n'y a pas de zone tampon autour de la zone infectée. Toute la Corse est donc une zone délimitée. En fonction des résultats de la surveillance du territoire au fil du temps, ces zones peuvent être levées, ou bien, au contraire, elles doivent être étendues. La plantation de végétaux hôtes dans les zones infectées est interdite, sauf dans le cas de sites matériellement protégés contre l'introduction de Xylella fastidiosa par ses vecteurs (article 5). Par dérogation et sous conditions, l'État membre peut accorder des autorisations de plantation de végétaux hôtes dans les zones infectées si le territoire est classé en enrayement. Il doit privilégier les variétés présentant une tolérance ou une résistance à Xylella fastidiosa.
2.4 Les mesures d'éradication.
Dans une zone délimitée, lorsqu'un végétal fait l'objet d'analyses révélant une contamination, l'État membre doit enlever immédiatement (article 6) dans un rayon de 100 mètres autour du foyer (soit un peu plus de 3 hectares), et détruire de manière à éviter la propagation de la maladie :
· · ·
les végétaux infectés ; les végétaux avec des symptômes ou soupçonnés d'être infectés ; les végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire.
Toutefois, les végétaux hôtes dont la valeur historique est officiellement reconnue ne sont pas détruits s'ils sont indemnes, physiquement isolés des vecteurs et s'ils bénéficient de bonnes pratiques agricoles sanitaires. Dans un rayon de 100 mètres autour de chacun des végétaux infectés :
·
des traitements163 phytosanitaires doivent être appliqués contre les insectes vecteurs avant l'enlèvement des végétaux contaminés ; des échantillons doivent être prélevés sur les végétaux spécifiés à des fins d'analyse en respectant la norme NIMP n° 31164.
·
L'origine de l'infection doit être recherchée, et les États membres concernés par les mouvements des végétaux contaminés doivent être informés.
Dans la zone tampon, la surveillance de la santé des végétaux s'appuie sur un quadrillage du
163 Le terme de traitement est ici employé au sens de la norme NIMP n°5, à savoir : « Procédure officielle pour la destruction, l'inactivation, l'élimination ou la stérilisation d'organismes nuisibles, ou pour la dévitalisation », et non seulement pour désigner des traitements avec des produits phytopharmaceutiques. 164 Méthodes d'échantillonnage des envois Norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP) n° 31 du Secrétariat de la Convention internationale pour la protection des végétaux (Rome, publiée en 2008). CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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territoire :
· ·
en carrés de 100 mètres de côté sur au moins 1 kilomètre autour de la zone infectée ; en carrés de 1 kilomètre de côté dans le reste de la zone tampon. mener des enquêtes annuelles sur l'état sanitaire des végétaux spécifiés ; sensibiliser le public aux menaces liées à Xylella fastidiosa et aux mesures adoptées pour empêcher son introduction et sa propagation. Il met en place une signalisation routière indiquant les limites de la zone délimitée ; appliquer des pratiques agricoles adaptées pour la gestion de la bactérie et de ses vecteurs.
L'État membre doit aussi :
· ·
·
2.5 Les mesures d'enrayement.
Par dérogation (article 7), l'État membre peut décider d'appliquer les mesures d'enrayement dans la zone définie dans l'annexe II de la décision d'exécution. Dans ce cas, la liste suivante de mesures doit être mise en oeuvre :
·
enlever et détruire tous les végétaux dont l'infection a été constatée (et uniquement ceuxci), en prenant les précautions nécessaires pour éviter la propagation de Xylella fastidiosa ; avant l'enlèvement des végétaux contaminés, procéder à des traitements phytosanitaires appropriés contre les insectes vecteurs et contre les végétaux susceptibles d'héberger ces vecteurs. Ces traitements peuvent inclure, s'il y a lieu, l'enlèvement de végétaux. prélever au moins deux fois par an dans un rayon de 100 mètres autour du foyer des échantillons sur les végétaux hôtes à des fins d'analyse en respectant la norme NIMP n° 31 ; appliquer des pratiques agricoles adaptées pour la gestion de la bactérie et de ses vecteurs ; mener des enquêtes annuelles, au moins dans les lieux suivants :
·
·
·
·
l'environnement de sites de production de végétaux spécifiés destinés à être déplacés par dérogation en dehors des zones délimitées ; les sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière ; les zones infestées situées à moins de 20 km du reste du territoire. Ce dernier point ne s'applique pas à la Corse (article 7.7).
Dans ces trois types de lieux, la surveillance s'appuie sur un quadrillage en carrés de 100 mètres de côté. La pratique de terrain montre que si une zone de maquis se trouve dans le périmètre à surveiller, il peut être extrêmement difficile ou impossible de pénétrer dans le milieu naturel. Le classement de la Corse comme une zone d'enrayement et la décision ministérielle d'appliquer les mesures d'enrayement entraînent les modifications présentées dans le tableau suivant.
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Différences entre les mesures d'éradication et d'enrayement pour la Corse
Mesures Gestion des foyers.
Zone d'éradication
Zone d'enrayement en Corse
Destruction dans un rayon de Destruction uniquement des 100 m autour du foyer des : végétaux dont l'infection a été constatée. · végétaux infectés ;
·
végétaux avec symptômes soupçonnés infectés ;
des ou d'être
·
végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire.
Dérogation à la destruction pour les végétaux hôtes indemnes à valeur historique, sous conditions. Traitements avant Avant enlèvement des végétaux l'enlèvement des infectés : traitements phytovégétaux contaminés. sanitaires appropriés contre les insectes vecteurs dans un rayon de 100 mètres autour du foyer. Avant enlèvement des végétaux infectés : traitements phytosanitaires appropriés contre les insectes vecteurs et contre les végétaux susceptibles d'héberger ces vecteurs.
Surveillance dans un Prélèvements sur les végétaux Prélèvements au moins deux fois rayon de 100 m autour spécifiés à des fins d'analyse. par an sur les végétaux hôtes à du foyer. des fins d'analyse. Surveillance dans zone tampon. Enquêtes annuelles la Quadrillage du territoire en zone Pas de zone tampon en Corse. tampon. Enquêtes sur l'état sanitaire des Enquêtes au moins dans : végétaux spécifiés. · l'environnement de sites de végétaux spécifiés destinés à être déplacés en dehors des zones délimitées ;
·
les sites de végétaux avec une valeur particulière.
Dans ces lieux : quadrillage du territoire en carrés de 100 m de côtés.
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2.6 Les mouvements intracommunautaires de végétaux.
En dehors des cultures in vitro, et des végétaux spécifiés résistants à la sous-espèce de Xylella fastidiosa présente, et précisés dans l'annexe III 165 de la décision communautaire, les végétaux spécifiés cultivés dans une zone délimitée sont interdits de déplacement (article 9) :
· ·
vers les zones tampons ; en dehors des zones délimitées.
Par dérogation (article 9.2), ces mouvements peuvent avoir lieu si les végétaux spécifiés ont été cultivés sur site :
· · · · ·
immatriculé166 au titre du contrôle phytosanitaire ; protégé matériellement contre l'introduction de Xylella fastidiosa par ses vecteurs ; traité contre les insectes vecteurs ; inspecté deux fois par an par l'organisme officiel ; entouré d'une zone de 100 mètres inspectée deux fois par an par l'organisme officiel, et surveillée en continu par les exploitants ; surveillé en continu par l'exploitant pour rechercher des symptômes de Xylella fastidiosa et des insectes vecteurs ; bénéficiant d'une autorisation par l'organisme officiel en tant que site indemne de Xylella fastidiosa et de ses vecteurs.
·
·
Outre la mise en oeuvre des éléments repris ci-dessus, avant le mouvement des végétaux :
· ·
des traitements sont réalisés sur les lots contre les insectes vecteurs ; des analyses annuelles sont réalisées sur des échantillons des végétaux spécifiés présents sur le site ; une inspection visuelle officielle et des tests moléculaires sont effectuées sur les lots de végétaux spécifiés, à un moment aussi proche que possible du mouvement.
·
Par dérogation, les mouvements de végétaux dormants de Vitis sont également possibles depuis un site immatriculé si le matériel végétal a subi un traitement par thermothérapie selon la norme OEPP167. Lorsque les végétaux spécifiés sont déplacés à travers des zones délimitées ou à l'intérieur de celles-ci, ils sont déplacés dans des récipients, conteneurs ou emballages fermés pour ne pas être contaminés par Xylella fastidiosa ou infestés par un insecte vecteur.
165 Variétés de végétaux spécifiés non sensibles à la souche concernée des sous-espèces de l'organisme spécifié, annexe III de la décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission du 18 mai 2015. 166 Directive 92/90/CEE de la Commission du 3 novembre 1992 établissant certaines obligations auxquelles sont soumis les producteurs et importateurs de végétaux, produits végétaux ou autres objets ainsi que les modalités de leur immatriculation (JO L 344 du 26.11.1992, p. 38). 167 OEPP (Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes), «Hot water treatment of grapevine to control Grapevine flavescence dorée phytoplasma», Bulletin OEPP/EPPO Bulletin, 2012, 42(3), 490492. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Les végétaux spécifiés cultivés dans une zone délimitée ne sont déplacés vers et sur le territoire de l'Union européenne que s'ils sont accompagnés d'un passeport phytosanitaire européen168. Les végétaux hôtes cultivés à l'extérieur des zones délimitées ne peuvent se déplacer à l'intérieur de l'Union européenne que si :
· · ·
ils sont produits dans un site faisant l'objet d'une inspection officielle annuelle ; ils sont accompagnés d'un passeport phytosanitaire européen ; des exigences spécifiques (article 9.8) sont respectées dans le cas de six espèces végétales présentant un risque particulier : caféier (Coffea sp.), lavande dentée (Lavandula dentata), laurier-rose (Nerium oleander), olivier (Olea europaea), polygale à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia) et amandier (Prunus dulcis). En effet, les végétaux destinés à la plantation (à l'exception des semences) pour ces espèces doivent avoir été cultivés sur un site faisant l'objet d'une inspection officielle annuelle, et d'un prélèvement d'échantillons pour des analyses selon la procédure prévue pour les zones non délimitées.
Des exigences sont également fixées pour les mouvements des plantes-mères initiales de certaines espèces végétales, et les végétaux spécifiés cultivés in vitro (article 9bis). Des règles de traçabilité sont définies (article 10), ainsi qu'un cadre pour les contrôles officiels des mouvements de végétaux spécifiés. Enfin, des campagnes de sensibilisation doivent être réalisées vers le grand public, les voyageurs, les professionnels et les transporteurs internationaux. L'application à la Corse des principes liés aux mouvements intracommunautaires de végétaux est résumé dans le tableau ci-après.
168 Directive 92/105/CEE de la Commission du 3 décembre 1992 établissant une certaine normalisation des passeports
phytosanitaires à utiliser pour les mouvements de certains végétaux, produits végétaux ou autres objets à l'intérieur de la Communauté et fixant les modalités relatives à la délivrance de tels passeports phytosanitaires, ainsi que les conditions et modalités de leur remplacement (JO L 4 du 8.1.1993, p. 22). CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Mouvements intracommunautaires de végétaux en lien avec le risque Xylella fastidiosa en Corse Déplacement Mouvement Départ Arrivée Interdit pour les végétaux spécifiés, sauf dérogation accordée sous les conditions définies par l'article 9.2. Autorisé pour les végétaux dormants de Vitis depuis un site immatriculé si le matériel végétal a subi un traitement par thermothérapie, et autres conditions. Autorisé sous conditions pour les cultures in vitro et les variétés résistantes précisées dans l'annexe III de la décision communautaire.169 Végétaux accompagnés d'un PPE. Corse (entièrement Zone tampon de la Sans objet : pas de zone tampon en Corse. en zone délimitée) zone délimitée Corse (entièrement Corse (entièrement Les végétaux spécifiés doivent être déplacés dans en zone délimitée) en zone délimitée) des récipients, conteneurs ou emballages fermés. Zone délimitée hors Corse (entièrement Interdit par l'arrêté préfectoral, même pour les de Corse en zone délimitée) professionnels. Zone non délimitée Corse (entièrement Interdit par l'arrêté préfectoral, sauf dérogation en zone délimitée) sous conditions au cas par cas pour les professionnels.
Corse (entièrement Zone non délimitée en zone délimitée)
PPE : passeport phytosanitaire européen
2.7 Les importations de végétaux en provenance des pays tiers
L'introduction dans l'Union de végétaux du genre Coffea destinés à la plantation, à l'exception des semences, originaires du Costa Rica ou du Honduras est interdite (article 15). Par ailleurs, l'autorité phytosanitaire doit être informée du déplacement des caféiers précédemment introduits. Des exigences supplémentaires sont fixées pour les importations de végétaux spécifiés en provenance de pays tiers, selon que la bactérie soit connue (article 17) ou inconnue (article 16). Des règles sont fixées pour le contrôle des végétaux dans les points d'entrée communautaires (PEC) (article 18). Toutefois, il n'y a pas de PEC en Corse 170, et les végétaux originaires des pays tiers soumis au contrôle phytosanitaire ne peuvent pas arriver directement dans l'île. Par ailleurs, il n'existe pas à ce jour de liaison commerciale maritime ou aérienne entre la Corse et une ville hors du territoire européen.
169 Aujourd'hui cette liste ne comporte que trois variétés de Vitis inscrites comme résistantes à X.f. pauca 170 Arrêté du 18 mai 2009 fixant la liste des postes frontaliers de contrôle vétérinaire et phytosanitaire. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Annexe 9 : chronologie
2010 : apparition du « Olive Quick Decline Syndrome » (OQDS) en Apulie (sud-est de l'Italie). Fin 2010 : organisation par le réseau COST 873 d'un séminaire spécifique sur Xylella fastidiosa à l'Istituto Agronomico Mediterraneo di Bari. 2012 : des caféiers ornementaux (Coffea arabica et Coffea canephora) porteurs de la Xylella fastidiosa, en provenance du Mexique et de l'Équateur, sont interceptés à l'importation en France après une identification par l'ANSES-LSV. 21 octobre 2013 : notification par les autorités italiennes de la détection de Xylella fastidiosa sur oliviers touchés par le OQDS à Gallipoli dans les Pouilles. La sous-espèce identifiée est pauca, et la souche est nommée CoDiRO. L'épidémie connaît une forte expansion par la suite. Novembre 2013 : information nationale en CNOPSAV. 2014 : Xylella fastidiosa est détectée aux Pays-Bas, sur des caféiers provenant du Costa Rica. 2014 : l'ANSES-LSV organise un essai inter-laboratoires de validation des méthodes de détection, sur financement POSEIDOM. Ces essais conduisent à retenir une méthode de détection par PCR en temps réel basée sur Harper et al., 2010. Elle est proposée par l'ANSES comme méthode officielle de détection pour la mise en place d'un plan de surveillance national. 13 février 2014 : première décision d'exécution 2014/87/UE concernant des mesures visant à empêcher la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Well et Raju). 27 février 2014 : diffusion de la décision d'exécution par la FREDON Corse aux pépiniéristes. 4 mars 2014 : établissement par la FREDON de Corse de la liste des parasites émergents avec diffusion à l'ensemble des agents. 19 mars 2014 : première surveillance de végétaux susceptibles d'être contaminés par Xylella fastidiosa par la FREDON de Corse, sur un olivier symptomatique d'un particulier. 2 mai 2014 : note nationale d'alerte DGAl-ANSES sur Xylella fastidiosa, avec des photos des symptômes sur les végétaux hôtes. 23 juillet 2014 : deuxième décision d'exécution (UE) 2014/497 concernant des mesures visant à empêcher l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Well et Raju). Remplace la décision 2014/87/UE
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13 août 2014 : diffusion par la FREDON Corse de la note nationale d'alerte sur Xylella fastidiosa auprès des pépiniéristes. 18 août 2014 : création par des producteurs (oléiculture, maraîchage, castanéiculture, forêt) du Collectif Xylella fastidiosa, collectif de lutte contre la bactérie, en réponse à l'invitation de Femu a Corsica. 19 septembre 2014 : CROPSAV Corse consacré en partie à Xylella fastidiosa Septembre 2014 : la FREDON de Corse participe aux contrôles des entrées de végétaux (particuliers et professionnels) dans les ports et dans les espaces verts, particuliers et pépinières. Questions précises posées au SRAL suite aux premières observations. Questions posées à l'ANSES quant aux techniques de prélèvements d'échantillons. Échange SRAL-ANSES-FREDON Corse. Réponses précises du SRAL sur l'organisation au port et décisions à prendre le 24/09/2014 25 septembre 2014 : délibération n°14/173 AC de l'Assemblée de Corse portant adoption d'une motion relative à la nécessité d'empêcher l'introduction en Corse de la bactérie Xylella fastidiosa. Il est notamment demandé de suspendre l'entrée en Corse de plants végétaux. Octobre 2014 : mission dans les Pouilles du SIDOC (financement ODARC) 10 octobre 2014 : « Prévention de l'introduction en Corse de la Xylella Fastidiosa », Point par le préfet de Corse sur l'action des services de l'État 17 octobre 2014 : AG du SIDOC. Présentation par Louis Cesari des retours de la mission financée par l'ODARC, en présence du SRAL. 21 au 22 octobre 2014 : symposium sur Xylella fastidiosa à Gallipoli : « International Symposium on the European outbreak of Xylella fastidiosa in olive ». Présence de la FREDON de Corse, d'élus de l'Assemblée de Corse, Culletivu Xylella, CTC, ODARC, oléiculteurs... Présentation des travaux de l'ANSES sur la méthode de détection. Présence de la DGAl. 23 au 24 octobre 2014 : suite du symposium : technical laboratory workshops at the CRSFA, Locorotondo (dans les Pouilles). Fin octobre 2014 à mi-novembre 2014 : surveillance renforcée par la FREDON de Corse sur les plants de caféier. 20 décembre 2014 : conférence-débat, organisée par l'INRA sur le site de San-Giuliano, sur la biologie de Xylella fastidiosa, avec le professeur Joseph Bové.
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Fin 2014 : de nouveaux lots de caféiers d'ornement en provenance des Pays-Bas, sont interceptés par les inspecteurs à l'importation, et la présence de Xylella fastidiosa est de nouveau confirmée par l'ANSES-LSV. 6 janvier 2015 : expertise de l'European Food Safety Authority (EFSA) « Scientific Opinion on the risks to plant health posed by Xylella fastidiosa in the EU territory, with the identification and evaluation of risk reduction options ». Février 2015 : la FREDON de Corse diffuse auprès du public et des professionnels une plaquette sur Xylella fastidiosa qu'elle a réalisée, et qui a été validée par la préfecture et la DGAl. Elle réalise également 3 posters validés. Un numéro vert d'information sur Xylella fastidiosa est rendu public. Il connaît un pic d'appels (229) en septembre 2015, puis il tombe à 15 en décembre, apparemment par peur des traitements insecticides et des arrachages. Mars 2015 : formations par la FREDON de Corse à la reconnaissance des symptômes pour les agents des douanes (formation sur site). 2 avril 2015 : premier arrêté ministériel relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa (version consolidée au 7 mai 2015) : il précise les conditions de lutte obligatoire, d'importation de végétaux spécifiés, de circulation de végétaux spécifiés dans l'Union Européenne et les obligations de déclaration en cas de présence ou de suspicion de Xylella fastidiosa. 4 avril 2015 : formalisation par écrit du programme de surveillance de Xylella fastidiosa pour 2015 par la FREDON de Corse. 7 avril 2015 : CROPSAV de Corse entièrement consacré à Xylella fastidiosa. 10 avril 2015 : la première note de service (NS 2015-335) de la DGAl décrivant un plan de surveillance spécifique pour Xylella fastidiosa 11 avril 2015 : instruction technique DGAL/SDQPV/2015-335 « Renforcement de la surveillance Xylella fastidiosa sur les flux et chez les établissements revendeurs ». 15 avril 2015 : détection et destruction par la DRIAAF Île-de-France d'un plant de caféier ornemental porteur de la bactérie chez un revendeur de plants de Rungis. Il avait été importé d'Amérique centrale via les Pays-Bas. 30 avril 2015 : arrêté n°15-580 du préfet de Corse relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse. Il interdit l'introduction des végétaux spécifiés quelle que soit leur origine, sauf dérogation pour les professionnels. Mai 2015 : réalisation par la FREDON de Corse d'un document facilitant la reconnaissance des espèces spécifiées et végétaux hôte à destination des agents de la DDCSPP et des siens.
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13 mai 2015 : deuxième Instruction technique DGAL/SDQPV/2015-449 de la DGAl sur le plan de surveillance, plus complète, qui abroge la précédente (celle du 11 avril 2015). 18 mai 2015 : troisième décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). 22 mai 2015 : deuxième arrêté ministériel abrogeant l'arrêté du 2 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa (Well and Raju). 3 au 11 août 2015 : mission d'expertise, à la demande de la DGAl, sur Xylella fastidiosa en Corse, composée de Gilbert Chauvel (DGAl), Astrid Cruaud (INRA), Bruno Legendre (ANSES), JeanFrançois Germain (ANSES), Jean-Yves Rasplus (INRA). 22 juillet 2015 : le premier foyer de Xylella fastidiosa en Corse est découvert sur des Polygala myrtifolia, présentant des symptômes de brûlures foliaires, sur la commune de Propriano, après qu'une technicienne de la Chambre d'agriculture de Corse-du-sud ait signalé à la FREDON des symptômes suspects sur polygale à feuilles de myrte. La FREDON procède à des prélèvements et les envoie au laboratoire national de référence pour Xylella fastidiosa de l'ANSES à Angers. 29 juillet 2015 : déplacement en Corse de M. Stéphane LE FOLL, ministre en charge de l'agriculture, pour rencontrer les professionnels et les services officiels en charge du dossier Xylella fastidiosa. 22 août 2015 : déplacement en Corse de Mme Ségolène ROYAL, ministre en charge de l'environnement, avec une rencontre avec des pépiniéristes et la FREDON au sujet de Xylella fastidiosa. 23 septembre 2015 : création d'un Collectif à propos de Xylella fastidiosa par les pépiniéristes, les paysagistes et les responsables des jardineries insulaires, à Alistro. 25 septembre 2015 : arrêté n°15-887 du préfet de Corse relatif au recensement et à la destruction ciblée des polygales à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia) en Corse (modifié le 3 octobre 2016). 12 octobre 2015 : le premier foyer de Xylella fastidiosa en PACA est découvert sur des Polygala myrtifolia, sur la commune de Nice, dans le quartier Saint-Isidore. 14 octobre 2015 : publication de la méthode officielle MA039 de détection de Xylella fastidiosa sur pétioles et nervures de plantes hôtes, avec la note de service DGAL/SDQPV/2015-862. 30 octobre 2015 : CROPSAV de Corse entièrement consacré à Xylella fastidiosa
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Début novembre : formation à la reconnaissance des symptômes pour les agents FREDON élargie aux agents DDCSPP et à ceux du Conseil Général Corse du Sud. 26 novembre 2015 : CNOPSAV avec, à l'ordre du jour, le point de situation sur Xylella fastidiosa, le projet d'arrêté national (le 3ème) et le projet de plan d'action national. Octobre-Novembre 2015 : Première capture d'insectes par la FREDON Corse pour analyse. Novembre 2015 : lancement d'un programme communautaire de recherche, dénommé POnTE (Pest Organisms Threatening Europe), doté de 6,8 M euros sur 4 ans, couvrant plusieurs organismes nuisibles, dont Xylella fastidiosa. Il vise notamment à améliorer les connaissances relatives à Xylella fastidiosa et à ses vecteurs en ce qui concerne l'olivier, la vigne, les agrumes, les fruits à noyau, les plantes ornementales et les arbres paysagers de grande importance socioéconomique. 17 décembre 2015 : quatrième décision d'exécution (UE) 2015/2417 de la Commission modifiant la décision d'exécution (UE) 2015/789 relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). 23 décembre 2015 : troisième arrêté ministériel relatif aux mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa. Les dispositions de la décision d'exécution de la Commission (UE) 2015/789 modifiée relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.) sont d'application immédiate. 6 janvier 2017 : diffusion (instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-39) du Plan national d'intervention sanitaire d'urgence Xylella fastidiosa 3 au 12 février 2016 : audit des inspecteurs de la DG Santé en France sur la situation et les contrôles officiels sur Xylella fastidiosa. 10 mars 2016 : Séminaire organisé par l'ANSES sur Xylella fastidiosa : Quels défis pour l'évaluation et la gestion des risques pour les cultures et l'environnement ? 12 mai 2016 : décision d'exécution (UE) 2016/764 de la Commission modifiant la décision d'exécution (UE) 2015/789 relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). 18 mai 2016 : instruction technique DGAL/SDQPV/2016-413 définissant les modalités de mise en oeuvre de la surveillance de Xylella fastidiosa sur le territoire national, hors zones délimitées, pour l'année 2016. 16 juin 2016 : notification par l'Allemagne à l'Union la Commission européenne de la détection de Xylella fastidiosa ssp. fastidiosa dans une pépinière de Saxe sur laurier-rose et romarin.
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8 juillet 2016 : instruction technique DGAL/SDQPV/2016-558, qui précise les modalités d'application de la décision 2015/789 en ce qui concerne la gestion des foyers de Xylella fastidiosa. Octobre 2016 : première détection de Xylella fastidiosa sous espèce fastidiosa à l'île de Majorque, à Porto Cristo, dans une jardinerie sur trois cerisiers. Par la suite, la sous-espèce multiplex a été identifiée à Majorque et Minorque et la sous-espèce pauca à Ibiza. Novembre 2016 : lancement du programme communautaire de recherche « XF-ACTORS - Xylella Fastidiosa Active Containment Through a multidisciplinary Oriented Research Strategy (enrayement actif de Xylella fastidiosa par une stratégie de recherche à orientation multidisciplinaire), doté d'un budget d'environ 7 millions d'EUR pour la période 2016-2020. Le projet vise à encourager un ensemble complet d'activités destinées à améliorer les connaissances relatives à la bactérie et à élaborer des solutions de prévention et de contrôle, ainsi que des outils d'analyse des risques et des politiques relatives à la santé des végétaux. 20 au 31 mars 2017 : second audit des inspecteurs de la DG Santé en France sur la situation et les contrôles officiels sur Xylella fastidiosa. 12 au 23 juin 2017 : audit des inspecteurs de la DG Santé en Espagne sur la situation et les contrôles officiels sur Xylella fastidiosa. 29 juin 2017 : première détection de Xylella fastidiosa en Espagne continentale, sur un verger d'amandiers près d'Alicante. La sous-espèce identifiée est multiplex. 26 juillet 2017 : arrêté ministériel relatif à la prise en charge partielle des indemnisations versées par le Fond national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental aux agriculteurs ayant subi des pertes économiques consécutives aux mesures de lutte contre Xylella fastidiosa. 1er août 2017 : Instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-653 définissant les modalités de mise en oeuvre de la surveillance de Xylella fastidiosa sur le territoire exempt et visant une action pluriannuelle (texte en vigueur à la date de remise du présent rapport). 24 octobre 2017 : séminaire de restitution des travaux de recherche sur Xylella fastidiosa, organisé par l'INRA à Paris. 13 au 15 novembre 2017 : conférence internationale à Palma de Majorque : « European Conference on Xylella 2017. Finding reponses to a global problem. » 30 novembre au 1er décembre 2017 : réunion de haut niveau à Paris sur Xylella fastidiosa, avec les délégations de Croatie, Chypre, France, Allemagne, Italie, Malte, Portugal, Slovénie, Espagne, Grèce, en présence du Commissaire européen à la santé et à la sécurité alimentaire.
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11 décembre 2017 : rapport d'enquête sur les voies d'introduction et de dissémination de la bactérie Xylella fastidiosa en France, analyse de la filière française « Filière-Bois et Plants de vigne », par la Brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires. 14 décembre 2017 : cinquième décision d'exécution (UE) 2017/2352 de la Commission modifiant la décision d'exécution (UE) 2015/789 relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). La Corse est classée en zone d'enrayement. 17 janvier 2018 : quatrième arrêté ministériel modifiant l'arrêté du 23 décembre 2015 relatif aux mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). En application de l'article 7 de la décision d'exécution 2015/789 modifiée, les mesures d'enrayement sont mises en oeuvre pour l'ensemble de la collectivité Corse. 14 mars 2018 : instruction technique DGAL/SDQSPV/2018-194 sur la Méthode d'analyse MOA 008 pour la détection de Xylella fastidiosa (ELISA) ; instruction technique DGAL/SDPAL/2018-196 sur les dispositions applicables au réseau de laboratoires agréés pour la recherche de Xylella fastidiosa sur végétaux par méthode d'amplification en chaîne par polymérase (PCR) en temps réel et par méthodes sérologiques ELISA ; instruction technique DGAL/SDPAL/2018-197 sur l'appel à candidatures, au sein du réseau existant de laboratoires agréés pour la recherche de Xylella fastidiosa par méthode d'amplification en chaîne par polymérase (PCR), pour la réalisation d'analyses officielles de recherche de Xylella fastidiosa par méthodes sérologiques (ELISA). 22 mai 2018 : lettre de la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire (Commission européenne) au directeur général de l'alimentation du ministère français de l'agriculture, concernant la « nécessité » pour la France de « réexaminer » l'arrêté préfectoral du 30 avril 2015.
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Annexe 10 : mise en oeuvre de la réglementation 1 Organisation générale de la mise en oeuvre de la réglementation
Au sens de la Convention Internationale de la Protection des Végétaux 171 (CIPV), l'Organisation nationale de la protection des végétaux (ONPV) est assurée en France par la Direction Générale de l'Alimentation (DGAl) du Ministère en charge de l'agriculture. Ainsi, la DGAl publie des instructions techniques qui citent ou traitent de Xylella fastidiosa dans le cadre :
·
de notes de service à caractère général : orientations stratégiques et priorités, délivrance du passeport phytosanitaire européen (PPE), inspections à l'importation en provenance de pays tiers, surveillance de la santé des forêts, etc. de notes de service spécifiques à Xylella fastidiosa : méthode d'analyse officielle, appel à candidature de laboratoires, plan de surveillance, plan national d'intervention sanitaire d'urgence, délivrance du PPE en zone délimitée. par les DRAAF-SRAL en métropole, et les DAAF-SALIM dans les régions ultrapériphériques. Toutefois, en Corse, les missions d'inspection sont mises en oeuvre par les Directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) sous le pilotage et la coordination de la DRAAF-SRAL (cf. le chapitre sur les acteurs et la gouvernance). par les délégataires sous le contrôle des DRAAF-SRAL. En Corse, pour Xylella fastidiosa, il s'agit de la FREDON qui agit dans le cadre de conventions passées avec les DDCSPP : une convention cadre quinquennale et une convention annuelle d'exécution technique et financière pour chaque département.
·
Les inspections sur le terrain en santé des végétaux sont réalisées :
·
·
2 Les moyens financiers déployés pour mettre en oeuvre la réglementation.
La DGAl finance les actions de mise en oeuvre de la réglementation en santé des végétaux par le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » :
·
en hors titre 2 (crédits d'intervention) : le financement relève de l'action 1 « Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale ». L'objectif172 de cette action est de « Permettre d'assurer des conditions de productions des végétaux garantissant la santé publique et la protection des végétaux » ; pour le titre 2 (personnel) : les crédits viennent des articles 60 (moyens permanents) et 61 (moyens d'ajustement).
·
La lutte contre Xylella fastidiosa a bénéficié des moyens du BOP 206 pour financer les actions de la FREDON, les personnels contractuels en services déconcentrés, les achats d'équipements et de consommables, les frais d'analyses en laboratoire, les opérations de désinsectisation et d'arrachage, de communication et de formation. Le tableau suivant détaille l'évolution des coûts liés à Xylella fastidiosa entre 2015 et 2018.
171 172
Convention internationale pour la protection des végétaux. Texte révisé et approuvé par la 29 conférence de la FAO. Nov. 1997. La direction générale de l'alimentation rapport d'activité en bref 2017.
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Evolution des moyens du BOP 206 en Corse pour la lutte contre Xylella fastidiosa
2015 Personnels (1) dont SRAL dont DDCSPP 2A dont DDCSPP 2B dont FREDON(3) Équipements, consommables dont DDCSPP 2A dont DDCSPP 2B Analyses dont LDA dont LSV dont frais envois Désinsectisation, arrachage Communication, formation Total 439 337,00 67 156,00 268 285,00 29 370,00 74 526,00 7 194,11 4 441,46 3 478,28 762 876,08 116 880,00 643 302,00 2 694,08 264 307,65 11 726,70
2016
2017
2018 (2)
Total
895 923,50 1 230 920,00 50 820,00 78 087,75 129 765,75 637 250,00 3 861,00 200,00 3 661,00 986 233,00 945 360,00 34 848,00 6 025,00 65 563,06 1 300,00 53 954,00 123 028,00 224 338,00 829 600,00 3 000,00 700,00 2 300,00 390 860,00 389 160,00 0,00 1 700,00 1 338,00 34 539,60
797 732,00 3 363 912,50 32 586,00 123 028,00 224 338,00 204 516,00 592 428,75 607 811,75
417 780,00 1 959 156,00 14 055,11 5 341,46 9 439,28 289 000,00 2 428 969,08 288 000,00 1 739 400,00 0,00 1 000,00 6 000,00 500,00 678 150,00 11 419,08 337 208,71 48 066,30 6 192 211,70
1 485 441,54 1 952 880,56 1 660 657,60 1 093 232,00
(1) Pour les agents de l'État : moyens permanents relevant du titre 2 article 60. (2) Estimation des crédits initiaux, hors crédits spécifiques ultérieurs. (3) Montants des conventions annuelles FREDON avec les DDCSPP auxquels il faut rajouter 46 200 dans le cadre d'une convention 2016-2017 avec le SRAL pour la surveillance des vecteurs.
Les financements liés aux personnels sont destinés aux activités suivantes :
·
pour les contractuels en DDCSPP : gestion des foyers, instructions des demandes de dérogations à l'introduction, inspections dans les ports pour les entrées et les sorties des végétaux ; pour les contractuels en DRAAF-SRAL : appui au pilotage et à la coordination des DDCSPP, missions techniques ; pour les employés de la FREDON : réalisation de la surveillance du territoire, y compris la surveillance des foyers en 2017, et contribution aux contrôles dans les ports.
·
·
Pour la campagne 2018, les conventions initiales entre la FREDON et les DDCSPP portent sur un total de 417 780,00 (hors crédits spécifiques ultérieurs), avec 48 100 pour la Corse-du-Sud et 369 680 pour la Haute-Corse).
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L'écart observé sur le plan financier entre les départements est lié aux différences d'activité :
·
la Haute-Corse concentre une forte partie des zones de culture (plaine orientale et Balagne) ; la FREDON participe aux contrôles quotidiens des entrées et sorties de végétaux dans le port de Bastia) ; la surveillance en Corse-du-Sud s'est allégée avec l'arrêt de l'inspection systématique du quadrillage en carrés en zone tampon (cf. infra la partie sur les stratégies de surveillance en 2018). le financement total depuis le début des actions de lutte contre Xylella fastidiosa en Corse représente plus de 6,1 M. 39 % de ce montant est consommé par les frais d'analyses, ce qui montre le poids du volet analytique dans la gestion opérationnelle de ce dossier ; 33 % est consacré au financement des actions confiées à la FREDON Corse, qui joue un rôle essentiel dans le dispositif phytosanitaire, conformément aux responsabilités confiées aux organismes à vocation sanitaire173 par le code rural et de la pêche maritime ; le budget de la FREDON pour Xylella fastidiosa a été multiplié par plus de 13 entre 2015 et 2017.
·
·
Les observations suivantes sur les faits marquants du volet budgétaire peuvent être soulignées :
·
·
·
·
Ces données montrent le poids de la surveillance du territoire dans le budget de lutte contre Xylella fastidiosa, et l'importance de l'effort accompli pour avoir une vision claire de l'état sanitaire de la Corse. Enfin d'évaluer l'effort réalisé, le tableau suivant montre la part de Xylella fastidiosa en Corse dans le budget national de « Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale », soit l'action 1 du BOP 206.
Comparaison du budget national de prévention et de gestion des risques inhérents à la production végétale et du coût de la lutte contre Xylella fastidiosa en Corse
2015
BOP 206 action 1 (1) Budget Xylella fastidiosa en Corse action 1 (2) Pourcentage 21 000 000 1 120 630
2016
22 000 000 1 694 207
2017
28 700 000 1 259 337
5,3 %
7,7 %
4,4 %
(1) Sources : La direction générale de l'alimentation Rapport d'activité en bref 2015, 2016 et 2017. (2) Budget hors crédits liés aux agents de l'État contractuels qui relèvent du titre 2, et non du hors titre 2 - action 1.
173 Article L.201-9 du code rural et de la pêche maritime : « L'autorité administrative peut confier, par voie de convention, des missions de surveillance et de prévention à des organismes à vocation sanitaire [,,.]. Ces missions peuvent être étendues aux mesures de lutte contre les dangers sanitaires. Les organismes à vocation sanitaire sont des personnes morales reconnues par l'autorité administrative dans les conditions définies par décret en Conseil d'État, dont l'objet essentiel est la protection de l'état sanitaire des animaux, des végétaux, des produits végétaux, des aliments pour animaux ou des denrées alimentaires d'origine animale, dans le secteur d'activité et l'aire géographique sur lesquels elles interviennent. » CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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3 La construction d'une vision de la situation phytosanitaire
3.1 Les éléments de la vision des services de l'État
La vision de la situation phytosanitaire par les services de l'État fait l'objet de vifs débats en Corse de la part de certains acteurs économiques et sociaux. En ce qui concerne la présence de Xylella fastidiosa, elle est fondée sur quatre éléments : · la notion d'analyse officielle des échantillons prélevés par du personnel habilité pour détecter la présence de la bactérie ; · la performance de la méthode analytique officielle employée. Ce point est plus particulièrement mis en cause. Il est développé dans le chapitre sur les méthodes analytiques ; · l'arbre de décision conduisant à déclarer la présence d'un foyer de Xylella fastidiosa, avec la définition des zones délimitées qui en découle. · le fait que le dispositif est conçu avant tout pour faire émerger une vision épidémiologique dynamique sur l'ensemble du territoire surveillé, et non pour garantir une certitude en tous points du territoire.
3.2 La notion d'analyse officielle
Le dispositif des laboratoires réalisant les analyses officielles des échantillons que leur adressent des agents habilités est fondé sur :
·
un réseau de laboratoires agréés174 à cette fin par l'autorité administrative, au titre de L.202-1 du code rural et de la pêche maritime. En juin 2018, il s'agit des cinq laboratoires départementaux d'analyses (LDA) suivants : LDA 13, 22, 31, 67, 71.
un laboratoire national de référence (LNR) désigné par l'arrêté du 29 décembre 2009 modifié désignant les laboratoires nationaux de référence dans le domaine de la santé publique vétérinaire et phytosanitaire. Pour les bactéries phytopathogènes telles que Xylella fastidiosa, il s'agit du Laboratoire de la santé des végétaux de l'ANSES, Unité bactériologie, virologie, OGM de la station d'Angers. Les prélèvements sur le terrain sont envoyés pour dépistage à l'un des laboratoires agréés, en fonction de la région de prélèvement. En cas de résultat positif, l'échantillon est transmis au laboratoire national de référence, qui effectue : · une analyse de confirmation ; · une analyse d'identification de la sous-espèce.
·
Pour qu'une analyse soit officielle, les trois conditions suivantes doivent être remplies :
·
la personne effectuant le prélèvement du matériel végétal doit être habilitée (garantie d'indépendance et de compétence). Les personnes concernées sont : au titre du L.205-7 du CRPM, des agents habilités à rechercher et à constater les infractions définis à l'article L.205-1 du CRPM (concerne en particulier les agents des DRAAF-SRAL et des DDCSPP de Corse) ; au titre du L.251-7 du CRPM, des représentants des organismes délégataires désignés par l'autorité administrative conformément à l'article L.201-13 (concerne en particulier les employés FREDON) ; le prélèvement doit être analysé dans le laboratoire national de référence ou dans un laboratoire agréé.
La liste exhaustive des laboratoires agréés selon les organismes nuisibles réglementés est consultable à l'adresse suivante :
·
174
http://agriculture.gouv.fr/telecharger/89416?token=19f0c4d26ede400f2023bfdd18cfd3ca CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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·
les laboratoires agréés doivent appliquer la méthode officielle publiée au Bulletin officiel en application de l'article R 202-17. Pour Xylella fastidiosa, il s'agit de la méthode MA039, basée sur la technique de la PCR en temps réel, et publiée au Bulletin Officiel du ministère chargé de l'agriculture avec la note de service DGAL/SDQPV/2018-342 du 24/05/2018. Ces méthodes évoluent très régulièrement. En revanche, le laboratoire national de référence applique soit la méthode officielle MA039, soit une méthode interne (article R.202-5) pour confirmer la détection. Il recourt ensuite à une méthode interne pour identifier la sous-espèce.
En conséquence, un résultat d'analyse n'est pas officiel si la personne qui a prélevé n'est pas habilitée, si le laboratoire n'est pas agréé ou si la méthode du laboratoire agréé n'est pas officielle.
3.3 Règles de décision pour la détection officielle d'un foyer en France
La Direction Générale de l'Alimentation, en tant qu'autorité phytosanitaire en France, a élaboré un arbre de décision pour conclure à la détection officielle d'un foyer. Il tient compte :
·
de la réglementation communautaire, avec la décision d'exécution 2015/789, notamment l'article 3 relatif aux enquêtes sur la présence de l'organisme spécifié sur le territoire des États membres ; des recommandations du protocole OEPP PM 7/24 sur les diagnostics de Xylella fastidiosa (notamment le fait de réaliser deux analyses selon des tests moléculaires différents en zone non délimitée) : voir le diagramme de décision de cette norme dans l'addendum 1.
·
À la suite d'un échantillonnage, les principaux éléments à respecter pour conclure à un foyer, selon la réglementation et le protocole OEPP, sont les suivants :
·
en zone non délimitée, la détection de Xylella fastidiosa doit être faite avec au moins deux tests moléculaires positifs et différents dans leurs principes biologiques ou visant des parties différentes du génome pour détecter Xylella fastidiosa ; en zone délimitée, un seul test (moléculaire ou non) positif peut être considéré comme suffisant ; en zone délimitée comme en zone non délimitée, l'identité de l'organisme présent doit être déterminée avec au moins un test moléculaire supplémentaire.
·
·
Pendant plusieurs années, la procédure appliquée en France utilisait les principales bases suivantes :
·
l'analyse de détection selon la méthode MA039 appliquée par les LDA agréés, plus sa confirmation par le LNR constituaient le premier test moléculaire ; l'analyse d'identification selon la méthode MLST servait en même temps de deuxième test moléculaire de détection ; en zone non délimitée, les résultats positifs de ces deux tests moléculaires permettaient de conclure à un foyer, alors que le premier test suffisait en zone délimitée.
·
·
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Dès la publication en septembre 2016 de la révision du protocole OEPP PM7/24, la DGAl et l'ANSES ont cherché un second test moléculaire de détection, autre que le test Harper de type qPCR sur lequel la méthode MA039 est fondée. Plutôt que choisir un autre test de type qPCR comme le fait l'Espagne avec le test Francis, le test Minsavage basé sur une PCR conventionnelle a été retenu et le laboratoire de la santé des végétaux de l'ANSES l'a intégré dans son schéma de détection de Xylella fastidiosa à partir du 16 mars 2017 : voir l'addendum 2. Ce test est décrit dans l'annexe 4 du protocole PM7/24 et il figure dans la liste des tests validés par la Commission européenne pour les zones délimitées, publiée en décembre 2017. Les informations sur les foyers officiellement détectés sont transmises à la Commission européenne. Les signalements sur les nouvelles plantes hôtes identifiées alimentent les mises à jour de la base de données communautaire correspondante. Les règles de décision conduisant, à partir des résultats analytiques, à conclure ou non à un foyer de Xylella fastidiosa sont décrites dans le tableau ci-après, pour les différents cas rencontrés.
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Règles de décision pour conclure à un foyer de Xylella fastidiosa (source : DGAL-SDQSPV)
Zone de prélèvement Zone indemne (dite zone non délimitée)
Analyse de première intention (LDA) qPCR (MA039)
Résultat d'analyse de première intention (LDA) Positif
Analyse de confirmation (LNR)
Résultat d'analyse de confirmation (LNR)
Analyse d'identification (LNR) MLSA/MLST
Résultat de l'identification (LNR) Sous-espèce identifiée Sous-espèce non identifiée
Résultat final
Conclusion
PCR Minsavage Positif
Positif, sous-espèce identifiée Positif, sous-espèce non identifiée
Nouveau foyer
Nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires Pas de nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires
Zone indemne
qPCR (MA039)
Positif
PCR Minsavage Indéterminé
-
-
Indéterminé
Zone indemne
qPCR (MA039)
Positif
PCR Minsavage Négatif
-
-
Négatif
Pas de nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires
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Zone de prélèvement Zone indemne
Analyse de première intention (LDA) qPCR (MA039)
Résultat d'analyse de première intention (LDA) Indéterminé
Analyse de confirmation (LNR) qPCR* (MA039)
Résultat d'analyse de confirmation (LNR) Indéterminé
Analyse d'identification (LNR) -
Résultat de l'identification (LNR) -
Résultat final
Conclusion
Indéterminé
Pas de nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires
Zone indemne
qPCR (MA039)
Indéterminé
qPCR* (MA039)
Positif**
MLST/MLSA
Sous-espèce identifiée
Positif, sous-espèce identifiée
Nouveau foyer
Sous-espèce non identifiée
Positif, sous-espèce non identifiée
Nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires
Zone indemne
qPCR (MA039)
Indéterminé
qPCR* (MA039)* -
Négatif
-
-
Négatif
Pas de nouveau foyer Pas de nouveau foyer
Zone indemne
qPCR (MA039)
Négatif
-
-
-
Négatif
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Zone de prélèvement Zone délimitée
Analyse de première intention (LDA) qPCR (MA039)
Résultat d'analyse de première intention (LDA) Positif (espèce hôte connue)
Analyse de confirmation (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat d'analyse de confirmation (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Analyse d'identification (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat de l'identification (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat final
Conclusion
Positif
Extension de la zone délimitée
Zone délimitée
qPCR (MA039)
Positif (espèce non hôte)
qPCR**** (MA039)
Positif
MLST/MLSA
Sous-espèce identifiée Sous-espèce non identifiée
Positif, sous-espèce identifiée Positif, sous-espèce non identifiée
Extension de la zone délimitée Extension de la zone délimitée Prélèvements et analyses supplémentaires Extension de la zone délimitée Prélèvements et analyses supplémentaires Extension de la zone délimitée Prélèvements et analyses supplémentaires
Zone délimitée
qPCR (MA039)
Positif (espèce non hôte)
qPCR**** (MA039)
Indéterminé
-
-
Positif, sous-espèce non identifiée (MLST non réalisée) Positif, sous-espèce non identifiée (MLST non réalisée)
Zone délimitée
qPCR (MA039)
Positif (espèce non hôte)
qPCR**** (MA039)
Négatif
-
-
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Zone de prélèvement Zone délimitée
Analyse de première intention (LDA) qPCR (MA039)
Résultat d'analyse de première intention (LDA) Indéterminé
Analyse de confirmation (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat d'analyse de confirmation (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Analyse d'identification (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat de l'identification (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat final
Conclusion
Indéterminé
Pas d'extension de foyer
Zone délimitée
qPCR (MA039)
Négatif
-
-
-
-
Négatif
Pas d'extension de foyer
* ** *** ****
La qPCR est utilisée car il s'agit en premier lieu de lever l'ambiguïté sur le premier résultat « indéterminé ». Ce cas ne s'est jamais produit. Dans la pratique, ces analyses sont réalisées par le LNR bien que non obligatoires au sens de l'article 3 de la décision d'exécution 2015/789/UE. La qPCR est utilisée ici afin de vérifier que l'échantillon est bien positif avant de procéder à la méthode MLST qui est plus coûteuse et moins sensible.
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4 La mise en oeuvre des méthodes analytiques
1/ Les bases réglementaires des méthodes officielles sont communautaires et nationales a/ La Commission a renforcé ses exigences en matière de recherche de la présence de Xylella fastidiosa Après que l'Italie ait informé le 21 octobre 2013 les autres États membres et la Commission de la présence de Xylella fastidiosa sur son territoire, cette dernière a publié en février 2014 une décision d'exécution rendant obligatoire la réalisation par les États membres d'enquêtes annuelles. Dès le mois de juillet 2014 la décision d'exécution est modifiée et précise notamment qu'il est dorénavant demandé aux États membres que les recherches de Xylella fastidiosa « se fondent sur des principes techniques et scientifiques fiables et [soient] effectuées à des moments propices à la détection de l'organisme spécifié. Elles tiennent compte des éléments de preuves scientifiques et techniques disponibles, de la biologie de l'organisme spécifié et de ses vecteurs, de la présence et de la biologie de végétaux spécifiés ou de végétaux susceptibles d'être des plantes hôtes et de toute autre information pertinente quant à la présence de l'organisme spécifié ». À cet égard il convient de noter que dès 2004 l'Organisation Européenne et méditerranéenne pour la Protection des Plantes175 (OEPP) avait produit un protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa (PM 7/24), adapté une première fois en septembre 2016 176. Ce protocole de diagnostic a été utilisé par les autorités nationales pour asseoir leur programme de détection de Xylella fastidiosa. Trois ans plus tard, en décembre 2017, la Commission va plus loin et fixe la liste des tests officiels validés pour la détection de Xylella fastidiosa et l'identification de ses sous-espèces. Cette liste est une reprise de presque tous les tests qui figurent dans le protocole de diagnostic de l'OEPP mais sans y faire explicitement référence et sans reprendre la description ni les données de validation de ces tests (même si les laboratoires nationaux de référence l'utilisent pour auto-évaluer le mode opératoire177 de mise en oeuvre des tests qu'ils ont retenus). Cette liste précise, en fonction de la nature infectée ou non des zones enquêtées, le type de tests qui doivent être réalisés pour déterminer et identifier la présence de Xylella fastidiosa. Elle se divise donc en deux parties :
·
la première partie de la liste contient 8 méthodes (elles sont développées dans l'addendum en fin de cette présente annexe) permettant de détecter la présence de la bactérie. Elle se subdivise elle-même en deux sous-listes :
La première sous-liste s'adresse aux zones dites délimitées (autrement dit à la fois aux zones où la présence de la bactérie a été avérée, dites infectées, et à une zone adjacente, dite tampon) et, dans les zones non délimitées, aux sites de production de six végétaux hôtes178 destinés à la circulation dans l'Union. Elle contient 6 tests dont 4 tests moléculaires (3 basés sur la technologie relative à la réaction de
175 https://www.eppo.int/ABOUT_EPPO/about_eppo.htm 176 https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/epp.12327 sachant qu'une nouvelle version est sous presse (https://www.eppo.int/News&Events/18-23616_PM_7-24_in_press.pdf) et qu'une quatrième version serait déjà envisagée. 177 Le mode opératoire de mise en oeuvre d'un test tient notamment compte du type de matériel et d'équipement dont dispose le laboratoire. 178 Il s'agit des espèces du genre Coffea et de Lavendula dentata, Nerium oleander, Olea europaea, Polygala myrtifolia et Prunus dulcis.
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polymérisation en chaîne de l'ADN en répétant un cycle de températures différentes179 - connue sous le sigle PCR - et un basée sur la technologie d'amplification de l'ADN à température constante - connue sous le sigle LAMP - ) et deux tests de type immunologique (ELISA et Immunofluorescence). La seconde sous-liste s'adresse aux zones non délimitées et aux sites de production de végétaux hôtes autres que les 6 concernés par la première sousliste. Elle contient deux tests moléculaires repris de la liste précédente. la seconde partie de la liste contient 3 tests moléculaires permettant d'identifier les sousespèces de Xylella fastidiosa.
·
Commentaires : 1. La mission a constaté que le choix des tests, qui permettent la détermination de Xylella fastidiosa, a été et reste un sujet d'inquiétude et de débat très vif en Corse, conduisant à un trouble préjudiciable à la mise en oeuvre de la surveillance et de la lutte relatives à cette bactérie. Ainsi les résultats contradictoires des analyses réalisées selon des tests et/ou des modes opératoires différents par l'ANSES et l'INRA a nourri l'existence d'un soupçon assez largement répandu, sur le thème « L'État cache des choses » ou « L'État ment » (cf.infra). Il n'est pas acquis que la publication par la Commission européenne en décembre 2017 d'une liste de tests validés suffise à lever ce soupçon, même si elle peut contribuer à éclairer ce débat. 2. Pour construire sa liste de tests validés, la Commission s'est appuyée sur le protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa de l'OEPP180, même si elle n'y fait pas explicitement référence et n'en reprend ni la description des tests ni leurs données de validation. Les laboratoires continuent donc d'utiliser le protocole de l'OEPP pour auto-évaluer leur aptitude à mettre en oeuvre les tests qu'ils choisissent. 3. De même la Commission ne donne pas d'instructions sur les méthodes d'extraction de l'ADN qui sera ensuite analysé selon tel ou tel test moléculaire. Une fois encore c'est dans le protocole de l'OEPP que les laboratoires vont chercher des informations sur les données de validation de ces différentes méthodes. Lors de sa réunion avec la DG Santé la mission a appris que le laboratoire européen de référence pour les bactérioses serait chargé de travailler sur ce sujet et elle s'en félicite. Elle suggère qu'il travaille en outre sur des lignes directrices concernant la mise en culture de la bactérie. En effet la mission a entendu d'une part l'Institut de virologie des plantes à Bari (Pouilles), pour qui des techniques d'isolement sont assez faciles à acquérir 181 et permettent d'obtenir des cultures de Xylella fastidiosa à partir de tissus végétaux contaminés. Elle a aussi entendu une chercheuse de l'INRA qui souligne que les données manquent pour justifier une grande facilité d'isolement et que, dans les Pouilles, la forte contamination du matériel végétal faciliterait la mise en culture de la bactérie182.
179 C'est pour cette raison qu'en PCR on compte le nombre de cycles à partir duquel on identifie la production croissante du matériel génétique recherché. Voir l'addendum 3 de l'annexe 10. 180 https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/epp.12327 Il s'agit de la version n°2 en date de septembre 2016. 181 On rappelle à cet égard que l'adjectif fastidiosa a été choisi au départ en référence à ces difficultés de culture in vitro de la bactérie. 182 Pour sa part le LSV a indiqué à la mission que son laboratoire a pu isoler 47 souches de Xylella fastidiosa sous espèce multiplex en Corse à ce jour.
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4. Les tests de la liste n'ont pas le même seuil de sensibilité (ce qui veut dire que la réponse positive de chaque test dépend du nombre de bactéries présentes dans l'échantillon analysé183) et l'écart d'un test à l'autre varie d'un facteur qui peut atteindre 1 à 100 (voire plus en fonction des matrices végétales). En d'autre termes l'objectif politique d'éradication, de la bactérie de toute partie infectée du territoire de l'Union européenne se heurte en pratique à l'adoption d'une liste de tests dont la sensibilité varie d'un facteur 1 à 100 et dans laquelle chaque État membre est libre de choisir son test. Pourtant, au regard du droit communautaire, tous les tests choisis par les États membres au sein de la liste ont la même légitimité, et produisent les mêmes effets juridiques, même si leurs performances techniques ne sont pas les mêmes. Ainsi pour déceler la bactérie sur des végétaux prélevés en zone délimitée et sur six végétaux hôtes cultivés en zone non délimitée et destinés à circuler dans l'Union, certains États choisiront en première analyse un test moléculaire tandis que d'autres choisiront un test ELISA ou un test d'immunofluorescence moins sensibles (avec respectivement 105 bactéries par ml et 104). 5. Le choix de retenir un test plus ou moins sensible dans la liste de la Commission est une prérogative des États membres. S'ils retiennent des tests peu sensibles, cela rendra très difficile l'identification précoce de la présence d'une nouvelle sous espèce de la bactérie. D'autre part ce choix sera de nature, pour les échanges intracommunautaires, à impacter la fiabilité du Passeport Phytosanitaire Européen (PPE) censé garantir le caractère sain du végétal qu'il accompagne, d'autant plus que dans le cas de Xylella fastidiosa la manifestation des symptômes peut être différée pendant une période longue184. 6. Jusqu'à la publication de la liste des tests validés, les États membres n'étaient tenus que de mettre en oeuvre des analyses reposant sur des « principes scientifiques et des techniques fiables ». Compte tenu des commentaires du point 3 ci-dessus relatif aux seuils de sensibilité des divers tests, le choix de l'Italie de n'utiliser que des tests ELISA (les moins sensibles) pour déterminer la présence de Xylella fastidiosa sur son territoire semblait techniquement neutre pour la zone infectée des Pouilles, où les concentrations bactériennes sont très fortes, mais avait pu paraître beaucoup plus discutable pour le reste de son territoire, notamment pour la délivrance des PPE dans les zones qui expédient ou exportent des végétaux hôtes. La mission a été informée que suite à la publication de la liste de tests, l'Italie utiliserait le test moléculaire LAMP en zone non délimitée (sauf sur les 6 végétaux hôtes destinés à circuler dans l'Union qui continueront à être testés par ELISA).
183 Or la distribution de la bactérie dans un végétal n'est pas homogène et le protocole de prise d'échantillon sur un végétal est donc un sujet majeur. La DG Santé l' a bien compris puisque l'EFSA va faire l'objet d'une saisine à cet égard (cf infra dans le texte). 184 Sur ce point précis la Commission a invité la mission à relativiser la question de la fiabilité du PPE fondée sur l'emploi du test ELISA ou IF pour les 6 végétaux hôtes produits en sites de production en zone non délimitée et destinés à circuler dans l'Union. En effet elle considère que le fait que cette zone non délimitée fasse l'objet d'une surveillance par test moléculaire apporte en soi une garantie suffisante.
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Par ailleurs, pour mettre en oeuvre ces tests, la Commission ne donne pas d'instructions précises185 sur le protocole de prélèvement des échantillons de plantes à tester. Elle se contente de recommander que les échantillons soient prélevés au moment où les symptômes sont les plus visibles, ce qu'il faut comprendre par en sève montante qui se produit entre la fin du printemps et le début de l'automne. Si ce point de calendrier de prélèvements ne fait pas vraiment débat 186, il n'en est pas de même concernant le lieu de prélèvement sur le végétal, mais la Commission ne donne que la nature des tissus à prélever pas la localisation. Elle va demander à l'EFSA de produire des lignes directrices en la matière, d'autant plus nécessaires que la distribution de Xylella fastidiosa dans un végétal n'est pas homogène et que des prélèvements en des points différents sur un végétal contaminé (sur les feuilles, les rameaux non ligneux, près du sol ou le plus haut possible ...) peuvent conduire à des résultats différents . À cet égard la mission invite donc la DGAl à actualiser immédiatement son instruction technique, dès que seront connus les premiers résultats de l'EFSA et à tenir compte des recommandations que le LSV a transmises à la DGAl concernant les prélèvements sur olivier et qui reposent sur l'expérience des scientifiques italiens du Centre International des Hautes Études Méditerranéennes de Bari. b/ En France le dispositif de détection de la présence de la bactérie repose sur un test de type moléculaire mis en oeuvre par un réseau de laboratoires agréés Le laboratoire de la santé des végétaux (LSV) de l'ANSES basé à Angers a été désigné par l'arrêté du 8 mars 2018, modifiant l'arrêté du 29 décembre 2009, comme laboratoire national de référence pour toutes les bactéries phytopathogènes sur matrices autres que bananiers, agrumes et plantes tropicales. En pratique c'est le laboratoire de référence pour Xylella fastidiosa sur toute matrice végétale puisqu'il analyse aussi agrumes et caféiers. Dés octobre 2015 le LSV a fait le choix d'une détection de la bactérie sur base d'un test moléculaire, à savoir un test PCR en temps réel basé sur Harper et al, 2010 (and erratum 2013), et a publié son mode opératoire de mise en oeuvre de ce test en décrivant deux protocoles d'extraction de l'ADN (l'un automatisé et l'autre manuel) mais tous deux basés sur la méthode QuickPick pour l'extraction de l'ADN (voir infra et addendum en fin de la présente annexe). C'est la méthode MA039. Au plan organisationnel, cette méthode, officialisée par note de service de la DGAl 187, est mise en oeuvre par un réseau de 5 laboratoires agréés par la DGAl sur avis du LSV. Ils sont chargés de réaliser les analyses dites de « première intention ». Ensuite, en cas de résultat positif, cette même méthode est également mise en oeuvre par le LSV pour confirmer les résultats positifs de « première intention ». La mission note qu'une version n°2 de la méthode MA039 a été rédigée par l'ANSES, pour introduire des modifications mineures 188 et que cette version n°2 a été officialisée par note de
185 La Commission renvoie d'une part vers une norme à caractère général : « Méthodes d'échantillonnage des envois Norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP) n° 31 du Secrétariat de la Convention internationale pour la protection des végétaux (Rome, publiée en 2008) ». D'autre part en date du 16 décembre 2015, sous le timbre de la DG Santé elle a publié des recommandations pour la surveillance de Xylella fastidiosa dans le territoire de l'Union. 186 Car même si l'OEPP dans la version sous presse de son Protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa parle plutôt de la période de fin du printemps à l'automne (sans préciser début) en général on choisit le printemps pour faire les prélèvements. 187 Voir la note DGAl/SDQPV/2015-862 du 15/10/2015 sur https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2015-862. 188 Les modifications portent notamment sur une température de 5°C au lieu de < -18°C pour stocker les reliquats d'échantillons ; l'introduction de la possibilité de prélever sur rameaux non ligneux et tiges ; une révision de la régle d'interprétation des résultats
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service DGAL/SDQPV/2018/342 du 25/04/2018189, sans faire référence à la liste des tests officiels que la Commission européenne a publié en décembre 2017, alors que le test qPCR Harper et al, 2010 (and erratum 2013) y figure. Commentaires : 1. L'organisation par la France d'un réseau de laboratoires de premier niveau, agréés sur la base de leur compétence à mettre en oeuvre le protocole du test choisi pour détecter la présence de la bactérie (la méthode MA039 dans ce cas) est similaire à ce que la mission a observé en Espagne. Y compris le schéma qui prévoit qu'en cas de résultat positif au niveau d'un laboratoire de premier niveau, ce résultat doit être confirmé par le laboratoire national de référence lui-même. Mais la différence est qu'en Espagne le laboratoire de premier niveau réalise deux tests moléculaires différents (une qPCR Harper et une qPCR Francis) que vérifie le laboratoire national, alors qu'en France la même méthode est répétée par le LSV. 2. Les laboratoires français de premier niveau ne testent que de l'ADN extrait par la méthode QuickPick. Sur des échantillons d'oliviers et de chêne, cette situation peut laisser supposer que leurs résultats indéterminés auraient pu être positifs avec un ADN extrait par la méthode CTAB. Comme ils n'envoient au LSV que des échantillons positifs après extraction par QuickPick, l'argument de la non différence de résultats entre les échantillons dont l'extrait a été obtenu par QuickPick et ceux dont l'extrait a été obtenu par CTAB laisse la mission insatisfaite : le risque de sous-estimation de la présence de la bactérie n'est pas écarté. Le risque de faux négatifs n'est pas totalement maîtrisé. 3. La Commission a confirmé à la mission son souhait que le futur laboratoire européen de référence travaille sur les questions d'harmonisation, en organisant non seulement des essais circulaires mais aussi des formations, conformément au règlement 2017/625 du Parlement et du Conseil du 17 mars 2017. Concernant la prise des échantillons eux-mêmes, la mission souligne que par instruction technique du 18/05/2016 (en son annexe 3) la DGAl a précisé les parties du végétal à prélever : « Pour des végétaux symptomatiques, il convient de réaliser au moins 4 prélèvements de rameaux, répartis sur différents points du houppier. L'idéal est de prélever à la fois des rameaux présentant des feuilles saines et des feuilles en cours de dessèchement (mais pas totalement desséchées car le laboratoire ne réalisera pas l'analyse sachant que dans ce cas, la bactérie est morte et dégradée) ». Cela étant la FREDON a informé la mission avoir constaté empiriquement, pour certains végétaux, que les résultats d'analyse de l'ANSES avait été différents en fonction de la localisation du prélèvement sur le végétal. Sur cette base empirique, il lui arrivait donc de prendre quelques libertés avec l'instruction technique de la DGAl en prélevant sur certains végétaux ses échantillons plutôt près du sol de façon à accroître la probabilité d'avoir des résultats
pour prendre en compte l'ensemble des combinaisons possibles, l'ajout de la possibilité d'émettre des résultats sur extrait dilué au dixième et l'introduction de l'application de la règle du cut-off de la publication Harper et al ., 2010, erratum 2013. On notera que que sur cette règle du cut-off la publication de Harper fixe un seuil entre résultats positifs et négatifs à 38 cycles. En passant de 40 à 38 la modification de la MA039 aligne donc le seuil au-delà duquel un résultat est négatif sur la valeur fixée par Harper Mais la MA039 conserve la notion de résultats indéterminés, qui n'existe pas dans la publication de Harper, pour des résultats compris entre 35 et 38 cycles. 189 Voir : https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2018-342
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positifs (voir également le point ci-dessous). La mission rappelle (cf. supra) qu'elle demande sa mise à jour dès parution des premiers résultats de l'EFSA. Sur ce même sujet des échantillons, rappelons que l'officialisation de la version n°2 de la méthode MA039 de l'ANSES, le 25/4/2018, a introduit la possibilité de préparer les échantillons à analyser à partir des rameaux non ligneux et des tiges et non plus seulement à partir des feuilles. Mais, à notre connaissance, l'instruction technique du 18/05/2016 n'a pas été modifiée concernant le protocole de prélèvement. c/ pour l'identification de la sous-espèce, la liste de la Commission se contente de citer trois tests moléculaires alors que l'enjeu du protocole de leur mise en oeuvre est essentiel Le LSV est chargé de l'identification des sous-espèces de la bactérie sur les échantillons positifs à l'issue de la mise en oeuvre de la méthode MA039 par un laboratoire agréé et de sa répétition par le LSV190. Jusqu'en 2016 l'ANSES mettait en oeuvre, selon des modes opératoires qui lui étaient propres, les deux tests de PCR conventionnelles qui ont été inscrits en décembre 2017 sur la liste communautaire des tests moléculaires validés pour identifier les sous-espèces de Xylella fastidiosa, à savoir :
·
Hernandez-Martinez et al., 2006, pour identifier les sous-espèces fastidiosa, multiplex et sandyi ; Pooler et Hartung., 1995, pour identifier la sous-espèce pauca.
·
Actuellement l'ANSES utilise un mode opératoire propre de mise en oeuvre du test MLST 191, basé sur Yuan et al., 2010, qui figure aussi dans la liste communautaire mais permet d'identifier toutes les sous-espèces. Elle travaille aussi sur un nouveau test de PCR en temps réel (Ouyang et al, 2013) qui a fait son apparition dans la version n°3 du Protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa de l'OEPP et dont l'avenir dira s'il est repris dans la liste de la Commission pour pouvoir être mis en oeuvre par les États membres. La liste de la Commission ne dit rien sur la mise en oeuvre de ses tests et il est donc d'usage de se reporter au protocole de l'OEPP (actuellement PM 7/24(3) sous presse). Ce texte précise que le test vise à identifier 7 gènes de ménage 192 amplifiés individuellement de façon à pouvoir identifier la sous-espèce présente dans l'échantillon. Mais des travaux sont en cours et l'OEPP pourrait valider le fait qu'un nombre plus réduit de gènes de ménages (on parle de 2 ou 3) est suffisant pour identifier la sous-espèce de Xylella fastidiosa. Cette modification aurait pour effet d'augmenter le nombre d'échantillons pour lesquels la sous-espèce de la bactérie présente est identifié (et donc de déclarer plus de foyers dans les pays qui attendent pour ce faire d'identifier la sous-espèce) car aujourd'hui on bute souvent sur la faible quantité d'ADN disponible pour faire les 7 manipulations. Pour le moment (janvier 2018) l'ANSES a déclaré à la mission ne pas être
190 191 192 Comme déjà indiqué supra si le recours au test ELISA se met en place il n'y aura plus de recherche de la sous-espèce sur les échantillons détectés comme infestés à l'issue d'un test ELISA confirmé par MA039. Voir addendum à la fin de la présente annexe pour plus de détail sur la nature de ce test. L'identification des sous-espèces de Xylella fastidiosa exige d'aller plus loin que la simple reconnaissance de la chaîne de nucléotides amplifiée en PCR qui signe seulement la présence de Xf. Pour cela on identifie des gènes (c'est-à-dire des séquences de nucléotides plus longues) spécifiques, A l'heure actuelle on estime que 7 gènes dit de ménage (ce qualificatif exprime le fait que ces gènes permettent la production de constituants indispensables à la survie de la bactérie) sont suffisants pour cette identification. On fait donc successivement 7 PCR pour amplifier et identifier des chaînes spécifiques de nucléotides de ces 7 gènes.
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satisfaite de sa méthode de séquençage et préférer envoyer ses extraits de 7 gènes de ménages amplifiés par PCR conventionnelle à un prestataire extérieur qui fait le séquençage. Le résultat sert à classer le ST dans l'arbre phylogénique. Le séquençage complet de trois souches de multiplex a été fait à la demande de la DGAl et a permis d'identifier la présence en Corse de deux souches multiplex proches l'une de la souche Dixon ST 7 et l'autre de la souche Griffin ST 6 (voir annexe 7). Commentaires : 1. La liste de la Commission européenne des tests moléculaires validés pour l'identification des sous-espèces de Xylella fastidiosa contient trois tests, qui sont développés dans le Protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa de l'OEPP qui souligne, dans sa version PM 7/24(3) sous presse, que ces tests ont été mis au point pour de l'ADN obtenu de cultures pures de la bactérie et que lorsqu'on utilise de l'ADN extrait de végétaux, et encore plus d'insectes infectés, la qualité et la quantité de l'ADN obtenu ou de possibles contaminations peuvent empêcher d'amplifier tous les gènes et d'attribuer l'échantillon à une sous-espèce. Pour autant la liste des tests officiels de la Commission ne contient pas l'isolement des bactéries. 2, Le test choisi par l'ANSES pour identifier les sous-espèces de Xylella fastidiosa est la MLST basée sur Yuan et al,, 2010. Comme le mode opératoire de mise en oeuvre de ce test n'est appliqué que par le LSV, il n'a pas été publié par la DGAl, mais le statut de LNR du LSV confère ipso facto à cette méthode un caractère officiel. 2/ La détermination d'une contamination de végétaux par Xylella fastidiosa et l'identification de la sous-espèce présente peuvent revêtir un caractère non officiel et éventuellement se traduire par des résultats différents de ceux réalisés par le laboratoire de référence. En premier lieu il convient de rappeler que le caractère officiel d'un résultat repose sur le fait que :
· ·
le prélèvement est effectué par un agent agréé à cet effet ; le test est mis en oeuvre par le laboratoire national de référence de l'État (ou par l'un des laboratoires agréés de première intention) avec la méthode officielle.
Autrement dit, pour la France, si un laboratoire public ou privé, autre que le LSV ou que l'un des 5 laboratoires agréés, met en oeuvre un test de la liste communautaire y compris en appliquant la méthode du LSV officialisée par la DGAl, les résultats de ce test ne peuvent pas être considérés comme officiels et ne peuvent pas avoir d'effet juridique, au sens où ils ne créent pas pour l'État membre l'obligation de mettre en oeuvre les mesures prévues par la décision d'exécution de la Commission européenne, sauf celle de confirmer ou infirmer cette présence. En effet la mission rappelle l'obligation d'informer les autorités nationales en cas de résultat positif ou même de simple suspicion (article 2 de la Décision d'exécution de la Commission européenne nº 789/2015 et article L 201-7 du code rural et de la pêche maritime), et ceci quel que soit le processus ayant conduit à ce résultat positif ou à cette suspicion et l'obligation qui en découle pour l'État membre de prendre des mesures pour confirmer cette présence, en vue de la déclaration, le cas échéant, d'un nouveau foyer.
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a/ Travaux de l'INRA La France se caractérise par le fait que son institution de recherche, l'INRA, ne fait pas partie des cinq laboratoires agréés. En outre l'INRA n'est pas officiellement chargé de faire l'identification des sous-espèces à partir des échantillons de végétaux infectés que lui transmettrait le LSV (comme c'est le cas en Espagne, voir supra). L'INRA n'a donc aucune obligation de mettre en oeuvre les tests validés de la Commission. Il mène ses travaux sans avoir à se positionner par rapport à ces tests et poursuit ses activités de recherche de façon autonome. L'INRA peut décider, pour ses travaux de recherche, de développer ses propres méthodes (y compris ses propres protocoles de mise en oeuvre de tests existants193). A cet égard la mission a noté qu'il travaille sur un nouveau test de MLST appelé nested MLST dont la sensibilité serait beaucoup plus grande que celle d'une PCR en temps réel. Mais les chercheurs italiens et le secrétariat de l'OEPP interrogés par la mission, sont réticents à la généralisation de ce test car il présente un risque de contamination élevé (donc un risque de faux positifs élevé) du fait qu'il emboîte deux PCR. La mission a également interrogé le laboratoire du CICS de Cordoue, chargé de l'identification des sous-espèces de Xylella fastidiosa en Espagne et à qui l'INRA a envoyé un descriptif de son test. Sa conclusion va dans le même sens tout en étant plus précise194. b/ la gestion des résultats d'analyse différents entre INRA et ANSES En mars 2018 le Syndicat Interprofessionnel Des Oléiculteurs de Corse (SIDOC) a adressé 25 échantillons de différents végétaux, dont des oliviers, à l'INRA d'Angers pour une recherche de la présence de Xylella fastidiosa. Le 29 mars l'INRA a informé la DGAl et le SIDOC qu'elle avait détecté 5 végétaux positifs dont un olivier. Le 3 avril le SIDOC a diffusé un communiqué de presse dans lequel il annonce que « les oliviers des ronds-points de Baleone et Caldaniccia ont été déclarés positifs » et déclare que « les analyses officielles ne sont pas fiables ». Le 18 mai le Préfet de Corse publie un communiqué de presse dans lequel il mentionne que suite aux résultats positifs rendus par l'INRA sur des prélèvements d'oliviers réalisés par le SIDOC début avril195, l'État a fait procéder à de nouveaux prélèvements officiels sur les végétaux concernés196, que les analyses ont été conduites en parallèle avec les méthodes expérimentales utilisées par l'INRA197, et celles officielles utilisées par l'ANSES et que les résultats sont tous négatifs à ce stade. Il ajoute que de ce fait, l'ANSES et l'INRA poursuivent leurs travaux en étroite
193 Comme par exemple le test MLST basée sur Yuan et al., 2010 qui figure dans la liste de la Commission européenne et qui permet de déterminer à partir de 7 gènes de ménage toutes les sous-espèces mais aussi le test MLSA Scally et al., 2005 qui ne figure pas dans la liste de la Commission européenne du 15 décembre 2017. 194 Il a précisé à la mission qu'il a réussi à amplifier les 7 gènes pour des échantillons de plantes représentant des difficultés d'analyse, ainsi que pour quelques insectes. Il a testé cette méthode sur amandier et plantes peu fréquentes de Majorque (comme Nerium oleander et Juglans) mais pas sur olivier ni sur chêne (car jusqu'à présent Xylella fastidiosa n'a pas été détectée sur cette espèce). Il précise avoir extrait l'ADN par la méthode CTAB et par la méthode Mericon, sans noter de différence. Il ajoute qu'il serait très prudent quant à la généralisation de la nested MLST car il est facile d'avoir des contaminations. Pour cette raison il recommanderait de réserver cette méthode à des laboratoires bien entraînés, disposant de différentes pièces pour séparer les phases de travail et dans les cas où ils n'ont pas réussi à avoir une bonne amplification par MLST conventionnelle. A cet égard, il propose de faire la MLST conventionnelle en utilisant les amorces choisies par l'INRA d'Angers de façon à économiser du temps et de l'argent si on doit ensuite passer à une nested MLST. 195 La mission ne comprend pas cet usage du pluriel et souligne que le mail de l'INRA, dont il a reçu copie parle d'un olivier au rond point de Baleone. Mais comme on parle de prélèvements effectués en avril, peut être s'agit-il d'un autre lot de prélèvements. 196 Sans certitude néanmoins que le prélèvement ait été fait au même endroit du végétal. 197 D'une part il s'agit d'une méthode publiée de longue date visant à faire exploser les biofilms par sonification (ultra-sons) pour permettre un meilleur accès à l'ADN et d'autre part de la méthode CTAB de l'OEPP (sans ajout, contrairement à l'ANSES jusqu'en avril 2018) d'une étape d'agitation de la préparation avant passage à l'étape suivante de l'analyse.
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collaboration pour tenter d'expliquer les causes de divergence et faire progresser les méthodes d'analyse, que de nouveaux prélèvements officiels sont en cours et seront analysés simultanément par chaque laboratoire. Après avoir interrogé à la fin du mois de mai l'ANSES et l'INRA, la mission comprend que sur 3 échantillons nouveaux envoyés par la FREDON, l'ANSES a appliqué la méthode officielle MA039 et le protocole INRA c'est-à-dire le même test PCR Harper que celui mis en oeuvre par l'ANSES mais avec trois différences : un passage aux ultrasons du broyat de végétaux (pour faciliter la libération de l'ADN du fait de l'éclatement des cellules), puis une extraction de l'ADN par la méthode CTAB et enfin un passage en PCR avec une concentration du milieu réactionnel à 10 µL. Les résultats de l'INRA et de l'ANSES sur la méthode INRA n'ayant pas été les mêmes, le protocole de l'INRA a été analysé. Il est apparu que l'ANSES ajoutait dans la méthode CTAB une étape de remise en suspension de l'ADN par agitation de la préparation (non mentionnée dans le protocole OEPP) et qui risquait selon l'INRA de provoquer une perte d'ADN pour l'étape suivante. Il est aussi apparu que l'INRA appliquait une concentration des deux amorces et de l'enzyme avec une multiplication par trois par rapport aux valeurs du Protocole de l'OEPP (reprises dans la méthode MA039 de l'ANSES). Enfin la mission a noté que l'arbre décisionnel était différent entre l'INRA qui fait une moyenne des résultats de 3 PCR par échantillons analysés et l'ANSES qui exige 3 résultats positifs sur 4 pour se prononcer. Un nouvel essai comparatif a donc été programmé la semaine du 4 au 8 juin sur 20 nouveaux échantillons. L'INRA comme l'ANSES appliqueront la méthode INRA à chaque fois en présence d'un technicien de chaque laboratoire. La mission n'a pas eu connaissance des résultats. c/ les kits commerciaux Face au développement d'une demande de la part des propriétaires de végétaux susceptibles d'être infectés par Xylella fastidiosa, des sociétés ont mis au point et commercialisent des kits de détection de la présence de cette bactérie. Certains kits reposent sur des tests de type ELISA (sociétés Agdia, Agritest et Loewe), d'autres sur des tests de type Immunofluorescence (Loewe) et d'autres enfin sur la méthode LAMP (Agdia, Embiotec et Qualiplante). Sauf pour le test de type LAMP de la société Agdia des données sur ces tests figurent dans la version n°3 sous presse du Protocole de diagnostic de l'OEPP. Concernant le test de type LAMP de la société Agdia, la mission a été informée qu'il a été testé à l'été 2017 par l'INRA qui a constaté que :
· ·
les positifs selon le kit étaient positifs selon l'INRA les indéterminés selon l'INRA n'étaient pas positifs selon le kit
L'INRA a informé la mission qu'un travail de collaboration a été engagé avec cette société pour tester davantage de matrices végétales (11 contre 4 à 5 actuellement opérationnelles) et que l'ANSES n'a pas souhaité s'associer au projet. Comme méthode témoin, l'INRA a choisi une extraction d'ADN par méthode CTAB qui sera suivie d'une qPCR. Un point intéressant est que l'enzyme utilisée par Agdia semble moins sensible aux inhibiteurs du chêne ou de l'olivier que l'enzyme classiquement utilisée en PCR en temps réel.
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Suite à un résultat positif du kit Agdia à l'été 2017 sur un olivier, le SIDOC a décidé de demander des analyses à l'INRA, après que l'ANSES ait conclu négativement sur la présence de la bactérie dans cet olivier (cf supra). Même si ces tests n'ont aucune valeur juridique, la mission rappelle qu'en cas de résultat positif (ou de suspicion) cette information doit être portée à la connaissance de la DGAl, en application de la décision d'exécution de la commission et du code rural et de la pêche maritime par le détenteur de cette information. Par ailleurs la mission recommande que cette information soit non seulement vérifiée, comme cela est prévu par les textes communautaire et français, mais soit aussi prise en compte dans l'établissement du plan de surveillance pour que des prélèvements officiels soient effectués dans la zone où un végétal a été détecté comme positif par ces kits commerciaux. 3/ La détermination de la présence de Xylella fastidiosa dans ses insectes vecteurs est un angle mort de la réglementation alors qu'elle pourrait servir dans une approche de surveillance renforcée et que des tests existent a) La Commission envisage les vecteurs sous l'angle de leur maintien à un niveau le plus bas possible et d'une protection contre leur introduction dans des sites de production de végétaux Dans sa décision d'exécution 2015 /789, la Commission ne définit pas dans l'article 1 relatif aux définitions ce que sont les vecteurs de Xylella fastidiosa mais les mentionne dans d'autres articles à travers le prisme de :
·
leur biologie que doivent prendre en compte les enquêtes annuelles visant à déceler la présence de Xylella fastidiosa sur des végétaux spécifiés (article 3) ; leur présence et leur biologie pour délimiter les zones infectées et tampon (article 4) ; leur absence pour déroger à l'établissement d'une zone infectée (article 4) ou pour accepter des mouvements de végétaux à partir d'un site de production situé dans une zone délimitée ou dans un pays tiers où la présence de Xylella fastidiosa est connue (articles 9 et 17) ; l'installation de protections matérielles contre leur introduction dans des sites de production de végétaux (articles 5, 9 et 17) ou sur des végétaux lors de leurs mouvements (articles 9 et 17) ; traitements phytosanitaires et de pratiques agricoles adaptées que ce soit dans le cadre de la conduite de mesures d'éradication (article 6), d'enrayement (article 7), de gestion de la zone de surveillance en Italie (article 8) ; traitements phytosanitaires dans le cadre de gestion de l'intérieur des sites de production de végétaux et des zones de 200 mètres autour de ces sites et avant le mouvement des végétaux produits (articles 9 et 17) ; risque de leur présence sur les végétaux spécifiés en mouvements pour fixer l'intensité des contrôles (article 11).
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La Commission a donc adopté une approche surtout centrée sur le maintien des vecteurs à un niveau le plus bas possible et sur la protection contre leur introduction dans des sites de production de végétaux destinés à être expédiés ou exportés et situés en zones infestées. Mais de fait les articles 3 et 4 ouvrent la porte à une vision dans laquelle le vecteur devient une aide à la décision. C'est dans cette direction que la mission estime que l'effort doit être renforcé. b/ car la surveillance de la présence de Xylella fastidiosa par PCR dans ses vecteurs peut, sous certaines réserves, devenir une aide à la décision en l'utilisant dans un rôle de sentinelle. Il est admis (cf. protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa de l'OEPP) que le test ELISA ne se prête pas à la détection de la bactérie dans les insectes, car il n'est pas assez sensible pour dépister la quantité de bactéries présentes dans la cavité buccale de l'insecte. En revanche la présence de Xylella fastidiosa peut être détectée par PCR à partir d'un broyat de la tête de l'insecte infecté (avec ou sans les yeux qui jouent un rôle inhibiteur dans certains protocoles) dont l'ADN a été extrait par la méthode CTAB198. De tels test sont conduits par l'équipe ANSES de Montpellier et par l'équipe de recherche de l'INRA de Montpellier. De son côté le LSV d'Angers a déjà constitué un dossier de validation d'une méthode sur insecte individuel. Une fois l'ADN amplifié par PCR, on retrouve les débats sur le choix du test permettant l'identification de la sous-espèce : MLST ou nested MLST. La mission rappelle donc à cet égard les réticences exprimées par divers chercheurs et par l'OEPP (aux travaux duquel l'équipe INRA de Montpellier ne participe pas) vis-à-vis de la nested MLST à cause de son risque élevé de contamination (et donc de faux positifs). Elle ajoute aussi que l'OEPP, dans son Protocole de diagnostic PM 7/24(3) sous presse, précise que les faibles concentrations de bactéries dans un insecte rendent encore plus difficile que sur une plante l'identification des sous-espèces par le test MLST. La mission est consciente que des travaux de calibration de méthode et surtout d'automatisation pour traiter en routine de nombreux échantillons restent à faire, mais elle souligne que par une méthode moléculaire la probabilité de détecter Xylella fastidiosa dans la cavité buccale d'un insecte infecté est beaucoup plus élevée (à dire d'experts) que dans une plante infectée (au sein de laquelle la concentration en bactéries varie d'un endroit à l'autre). Aussi dans un contexte de passage en première analyse à des tests ELISA (cf supra) de bon nombre de végétaux, la mission est convaincue que la conduite de campagnes de prélèvements d'insectes dans des lieux identifiés comme à risque (sur base notamment de la carte de la récente publication de J.Y. Rasplus de l'INRA 199 ) serait une mesure de bonne précaution car cela permettrait de leur faire jouer un rôle de sentinelles vis-à-vis de la détection de l'introduction de nouvelles sous-espèces de la bactérie. Ainsi alerté sur la présence d'insectes infectés par test PCR, si la détermination de la sous-espèce par MLST ne s'avère pas possible, il serait alors pertinent de prélever des végétaux dans les zones où l'insecte infecté a été découvert et de les analyser pour détecter la présence de Xylella fastidiosa et identifier la sous-espèce afin de connaître le plus tôt possible l'introduction éventuelle de nouvelles sous-espèces en Corse et d'adapter sans délai le plan de lutte contre Xylella fastidiosa en Corse.
198 Les données de validation de ce type d'extraction d'ADN sur insecte figurent dans le document PM 7 /24 (2) de l'OEPP. 199 Using insects to detect, monitor and predict the distribution of Xylella fastidiosa: a case study in Corsica. Astrid Cruaud, AnneAlicia Gonzalez, Martin Godefroid, Sabine Nidelet, Jean-Claude Streito, Jean-Marc Thuillier, Jean-Pierre Rossi, Sylvain Santoni and Jean-Yves Rasplus.
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5 La surveillance du territoire
5.1 La zone délimitée en Corse
La note de service relative au plan national d'intervention sanitaire d'urgence Xylella fastidiosa (DGAL/SDQSPV/2017-39 du 06/01/2017) décrit la procédure à suivre à partir de la détection d'un foyer pour définir la zone infectée et la zone tampon dans un arrêté préfectoral. La prescription est la suivante : « Les zones infectées et tampons sont élargies à mesure que des plantes sont trouvées positives, de façon à ce que la zone infectée couvre une surface d'un rayon de 100 mètres minimum et la zone tampon un rayon de 10 kilomètres minimum autour de chaque plante positive ». Dans le cas d'un foyer isolé, ces zones se présentent comme indiqué dans le schéma ci-après.
Définition d'une zone délimitée autour d'un foyer isolé
En application de ces dispositions, la zone délimitée en Corse couvrait en décembre 2017 une large partie du territoire de l'île, comme précisé dans la carte ci-après. À la suite de la décision d'exécution 2017-2352 du 14 décembre 2017, la Corse n'est plus classée en 2018 comme une zone d'éradication de Xylella fastidiosa, mais comme une zone d'enrayement. En conséquence, comme vu dans le chapitre décrivant la réglementation : · toute la surface de la Corse est considérée comme une zone infectée ;
·
il n'y a pas de zone tampon sur le territoire de l'île.
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Sur le plan opérationnel, il y a une grande différence entre appliquer les exigences réglementaires et les dispositions des notes de services : · pour une zone infectée en éradication sur un rayon de 100 m autour d'un plant contaminé ; · pour une zone infectée élargie à l'ensemble du territoire de la Corse en vue de l'enrayement. De même, la différence entre les surfaces concernées en régions PACA et Corse peut être notée, comme le montre la carte qui suit, issue de la base de données Shiny de l'ANSES. Tout en respectant les principes énoncés au niveau national, les stratégies de surveillance du territoire doivent donc s'adapter à ces caractéristiques régionales.
Les zones délimitées pour Xylella fastidiosa en France (source : base de données Shiny, consultation du 14 juin 2018)
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Zones délimitées et emplacement des foyers en décembre 2017 (source DRAAF Corse)
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5.2 Instructions techniques sur la surveillance du territoire
La réglementation communautaire impose aux États membres de mener des enquêtes annuelles visant à déceler la présence de Xylella fastidiosa. Dans les zones d'éradication comme dans les zones d'enrayement, elle impose des prélèvements dans l'environnement des foyers. Dans les zones d'éradication, une surveillance doit être faite dans les zones tampon. En revanche, dans les zones d'enrayement, les enquêtes annuelles ne sont obligatoires que dans l'environnement de certains sites. Deux notes de service de la DGAl organisent la surveillance du territoire :
·
dans les zones non délimitées : le plan de surveillance national pluriannuel de Xylella fastidiosa : instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-653 du 01/08/2017 ; en zone infectée et en zone tampon : le plan national d'intervention sanitaire d'urgence Xylella fastidiosa : instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-39 du 06/01/2017. Cette note de service est toutefois très orientée vers la gestion des foyers en zone d'éradication, et elle ne prévoit pas de modalités de surveillance du territoire propres aux zones d'enrayement.
·
Par ailleurs, la délivrance du passeport phytosanitaire européen (PPE) pour les végétaux hôtes de Xylella fastidiosa, et pour les végétaux spécifiés ayant été cultivés pendant au moins une partie de leur existence dans une zone délimitée, fait l'objet d'une instruction spécifique : DGAL/SDQSPV/2018-258 du 04/04/2018. Les chapitres ci-après résument le travail de surveillance du territoire accompli jusqu'en 2017.
5.3 Surveillance programmée officielle
5.3.1 Surveillance des foyers et de leur environnement
Une surveillance est exercée sur des foyers et leur environnement ciblés en fonction de la présence de cultures sensibles à proximité, ou s'étendant sur une surface importante. En 2017, la FREDON a suivi 14 foyers en inspectant deux fois par an les 100 m autour des foyers, et les parcelles cultivées comprises dans cette zone. Les abords et l'intérieur des parcelles sont examinés y compris au-delà des 100 m. Il n'y a pas eu cette année d'analyse positive sur les végétaux prélevés. Par ailleurs, un prélèvement d'insectes a été réalisé sur chaque foyer, et envoyé à l'unité d'entomologie de l'ANSES, à Montpellier, sans retour d'information à ce jour. A titre d'exemple, le carte ci-dessous représente la surveillance exercée autour d'un foyer avec des parcelles de vigne dans un rayon de 100 m.
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Foyer situé sur la commune de Grosseto-Prugna (Corse-du-Sud) avec des parcelles de vigne dans un rayon de 100 m (source FREDON Corse)
En Haute-Corse, en 2017, une surveillance a été exercée autour des foyers avec un quadrillage :
· ·
de 100 m de côté dans le kilomètre autour des foyers ; de 1 km de côté sur un kilomètre supplémentaire.
L'exemple ci-dessous, en Balagne, permet de visualiser ce dispositif.
Quadrillage des zones à surveiller (en bleu) autour de foyers en Balagne (Source : FREDON Corse)
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5.3.2 Surveillance en zone quadrillée
En zone d'éradication, la réglementation communautaire prévoit une surveillance avec un quadrillage de la zone tampon. En 2016, une action de surveillance de grande envergure a été mise en oeuvre en Corse-du-Sud avec un quadrillage selon des points d'inspection tous les 5 km dans la zone délimitée, pour les sites à une altitude inférieure à 600 mètres. La quasi-totalité des points inspectés se trouvaient en milieu naturel. Dans les 90 points inspectés, 928 plantes ont été examinées et 765 prélèvements ont été effectués. Sur 760 analyses réalisées par l'ANSES, il y a eu 96 positifs, soit un taux de 12,6 %. Les végétaux détectés contaminés appartenaient principalement aux espèces suivantes :
· · · · ·
Calicotome villosa (39 positifs sur 139 prélèvements) ; Helichrysum italicum (32 positifs sur 113 prélèvements) ; Lavandula stoechas (9 positifs sur 82 prélèvements) ; Genista corsica (7 positifs sur 37 prélèvements) ; Cistus monspeliensis (2 positifs sur 59 prélèvements).
Les graphiques ci-après montrent le quadrillage employé et la répartition géographique des prélèvements et des résultats d'analyse. En vue de préparer un projet de zone de confinement selon une hypothèse de découpage de la Corse en deux zones, un quadrillage en carrés de 1 km de côté a été réalisé le long de la frontière entre la zone délimitée et la zone non délimitée. La carte ci-après montre la répartition de la zone surveillée. Les prélèvements ont été réalisés à 97 % en milieu naturel en 2016. Sur 1 976 analyses réalisées, 3 % ont été positives. Les principaux végétaux contaminés sont les suivants :
· · · ·
Helichrysum italicum (32 positifs sur 355 analyses) ; Cistus monspeliensis (8 positifs sur 11 analyses) ; Cistus salviifolius (8 positifs sur 154 analyses) ; Genista corsica (6 positifs sur 37 analyses).
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Quadrillage de la Corse-du-Sud selon des points d'inspection tous les 5 km (Source : FREDON Corse)
Répartition des prélèvements de végétaux et résultats (Source : FREDON Corse)
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Zone avec un quadrillage en carrés de 1 km de côté le long de la frontière entre les zones délimitées et non délimitées (Source : FREDON Corse)
En conclusion, la méthode de quadrillage sur de vastes zones a permis d'avoir un aperçu de la présence de Xylella fastidiosa sur les végétaux poussant dans les milieux naturels. Ce type de surveillance n'a pas été reconduit en 2017, ce qui conduit à une interrogation sur la surveillance phytosanitaire des zones naturelles : voir le chapitre 4 sur les milieux naturels.
5.3.3 Surveillance des zones agricoles avec des cultures sensibles
Dans la zone non délimitée, la note de service sur le plan de surveillance national pluriannuel prévoit la prospection de parcelles et de sites potentiellement à risque pour :
· · · ·
l'arboriculture fruitière ; les cultures ornementales et les JEVI (Jardins, Espaces Verts et Infrastructures) ; la vigne ; les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM).
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En arboriculture fruitière, le nombre minimum de parcelles programmées par culture et les inspections réalisées en Corse sont précisées dans le tableau ci-après.
Nombre de parcelles à prospecter en arboriculture fruitière et programme réalisé en 2017 (source FREDON Corse)
Culture
Genre espèce
Nb minimum de parcelles à prospecter (1) 20 25 20 0 100 20 10
Nombre parcelles prospectées
Surface
Nombre de positifs
Abricotier Agrumes Amandier Cerisier Olivier Pêcher Prunier
Prunus armeniaca Citrus sp. Prunus dulcis Prunus cerasus Olea europaea Prunus persica Prunus domestica
15 169 21 1 137 25 5
17,0 ha 197,7 ha 35,3 ha 0,5 ha 283,2 ha 35,3 ha 4,9 ha
0 0 0 0 0 0 0
(1) Note de service DGAL/SDQSPV/2017-653, pour ce qui concerne la Corse.
Pour la vigne, la note de service prévoit de coupler la surveillance sur Xylella fastidiosa avec les prospections sur la flavescence dorée de la vigne. Pour la Corse, un objectif minimum de 1 % de surveillance des vignobles est fixé.
Résultats de la surveillance sur vigne en 2017 (source FREDON Corse)
Secteur
Surface
Taux de surveillance
Nombre de parcelles inspectées 209 89 298
Nombre de prélèvements
Nombre de positifs
Corse-du-Sud Haute-Corse Total
426 ha 338 ha 764 ha
13,2 %
118 38 156
0 0 0
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L'exemple ci-dessous illustre la mise en oeuvre de ce dispositif.
Carte de surveillance couplée avec les prospections sur la flavescence dorée de la vigne sur la commune de Tallone (source FREDON Corse)
Les plants de vignes font l'objet d'inspections par FranceAgriMer (vignes mères 200), ou par la FREDON (vignoble) dans le cadre d'un suivi couplé avec la flavescence dorée. De plus, les greffons sortant de Corse en vue de leur bouturage sur le continent subissent à leur arrivée un traitement à l'eau chaude dans une station agréée.
5.3.4 Surveillance des abords des ports
L'analyse des risques en Corse a conduit à identifier les abords des ports comme des secteurs à surveiller (les contrôles dans les ports à l'entrée et à la sortie des végétaux sont traités dans le chapitre 8 de la présente annexe). En effet, les vecteurs de Xylella fastidiosa peuvent être transportés de manière passive par les véhicules de tourisme et les camions en provenance de l'Europe continentale. Cette surveillance présente en particulier un enjeu pour détecter les premiers foyers des sous-espèces pauca et fastidiosa. Dans l'hypothèse d'une telle dissémination, les plantes d'ornements sensibles sur les ports et leurs abords seront potentiellement les premiers végétaux touchés par la maladie. En conséquence, la surveillance porte sur les massifs et les alignements du domaine public, et si possible les haies des particuliers visibles de la route. Les inspections sont réalisées dans un périmètre de 200 m autour des ports. Les ports concernés sont en priorité ceux avec des lignes maritimes avec l'Italie : Bastia, Propriano, Porto-Vecchio, Ajaccio, Bonifacio, l'Île Rousse, et Calvi. En 2017, 55 prélèvements ont été réalisés en Corse-du-Sud et 178 en Haute-Corse. Tous les échantillons sont négatifs. A titre d'illustration, l'image ci-après représente le périmètre de la surveillance autour du port de Bastia.
200 Les vignes mères de porte-greffes et de greffons fournissent aux pépinières viticoles le matériel végétal destiné à la confection des plants vendus aux viticulteurs.
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Périmètre surveillé autour du port de Bastia (source FREDON Corse)
5.3.5 Surveillance des zones considérées comme indemnes avant le passage en enrayement
La cartographie des prélèvements depuis 2015 montre l'absence de positifs sur certains secteurs comme le désert des Agriates et le Cap Corse, mais aussi le faible taux de prélèvements dans ces zones de maquis, au demeurant peu accessibles. Afin de pouvoir couvrir tout le territoire et de mieux connaître la situation en zone naturelle faiblement accessible, la programmation d'une prospection dans ces secteurs de maquis a été décidée en concertation avec les DDCSPP et la FREDON. La Balagne a également été ciblée en prospection en milieu naturel pour augmenter le nombre de prélèvements dans des zones encore indemnes où des cultures sensibles étaient bien présentes.
5.3.6 Inspections liées aux dérogations à l'introduction
L'arrêté préfectoral n°15-580 du 30 avril 2015 interdit en Corse l'introduction des végétaux spécifiés en Corse quelle que soit leur origine. Mais des dérogations sous conditions et au cas par cas sont prévues pour les professionnels. Des contrôles à destination chez les pépiniéristes et chez les producteurs agricoles sont confiés à la FREDON. Une priorité est donnée à la surveillance des végétaux hôtes de Xylella fastidiosa pauca.
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5.3.7 Prélèvements d'insectes vecteurs
Une surveillance des insectes potentiellement vecteurs a été mise en place sur les foyers. Sur plus de 1800 insectes piqueurs-suceurs de xylème prélevés en 2015 et 2016, 93 % appartiennent à l'espèce Philaenus spumarius. Les analyses bactériologiques menées sur 335 Philaenus spumarius récoltés en 2015 se sont avérées positives vis-à-vis de Xylella fastidiosa multiplex pour 28 individus (soit 8 %). Un programme de collectes bimensuelles d'insectes potentiellement vecteurs sur les sites de six foyers de Xylella fastidiosa a été confié à la FREDON au cours de la période octobre 2016 à mai 2017. Les prélèvements sont adressés à l'unité d'entomologie de l'ANSES à Montpellier, puis des analyses bactériologiques sont faites. La mission n'a pas eu connaissance de résultats sur cette dernière période. Elle est d'avis que des enseignements devraient être tirés de l'ensemble de ces résultats.
5.3.8 Recensement et analyse des polygales à feuille de myrte
L'arrêté préfectoral n° 15-887 du 25 septembre 2015 a organisé une action de recensement et de destruction ciblée des polygales à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia). Il a été modifié par l'arrêté n°16-1864 du 3 octobre 2016, qui interdit la plantation, la multiplication, et la distribution à titre onéreux ou gratuit de polygales à feuille de myrte en Corse. Dans le cadre de l'action de recensement, et via un numéro vert, la FREDON a reçu des appels téléphoniques. Au total, 233 polygales ont été inspectés, chez 112 propriétaires dans 40 communes différentes. Les 133 prélèvements effectués ont donné 19 analyses positives et 14 identifications de la souche multiplex.
Carte des inspections sur Polygala myrtifolia et des résultats d'analyses (source FREDON Corse)
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5.4 Bilan de la surveillance du territoire
Selon les données présentées lors du CROPSAV du 25 janvier 2018, depuis 2015, la surveillance du territoire officielle en Corse a obtenu les résultats suivants :
· · ·
15 722 échantillons analysés. La carte ci-après précise la localisation des prélèvements. 918 échantillons positifs, soit 5,8 % du total ; une seule sous-espèce identifiée : multiplex, avec deux « Sequence Types » : ST 6 et ST 7; 36 espèces hôtes identifiées (cf. la liste des végétaux dans le tableau ci-après) ; 354 foyers déclarés (cf. la carte des zones délimitées) ; les foyers sont situés essentiellement en milieux naturels (maquis, forêt) et en zone urbaine ; à cette date, il n'y a pas eu de détection officielle sur un végétal cultivé 201 dans des parcelles agricoles entretenues.
· · ·
·
La surveillance du territoire depuis 2015 a permis d'accumuler des informations et des connaissances sur toutes sortes de milieux où poussent des végétaux sensibles à Xylella fastidiosa. Cette expérience montre l'intérêt d'avoir une vision panoramique des foyers dans le cas d'une bactériose fortement polyphage. La mission s'interroge sur le quasi-arrêt de la surveillance programmée dans le maquis depuis 2017. À ce titre, elle formule des recommandations pour prolonger ces travaux d'une façon adaptée à l'enrayement dans le chapitre du rapport relatif aux milieux naturels.
201 Courant 2016, un amandier a été trouvé positif avec une identification de la sous-espèce multiplex, dans la région de Balagne, au nord de la Corse. Il était situé dans un jardin et non dans une parcelle de production.
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Localisation des prélèvements entre 2015 et fin 2017 (source DRAAF Corse)
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Espèces de végétaux en Corse avec des analyses positives pour Xylella fastidiosa au 31 décembre 2017 (source : CROPSAV du 25 janvier 2018)
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6 La gestion des foyers en Corse
Une fois la présence de Xylella fastidiosa reconnue, la gestion des foyers est mise en oeuvre par les agents des DDCSPP. Outre les dispositions générales liées à l'exercice des pouvoirs de police administrative, le cadre réglementaire appliqué est défini par :
·
la décision d'exécution 2015/789 qui prévoit notamment :
en zone d'éradication l'enlèvement des végétaux infectés, et dans un rayon de 100 mètres l'enlèvement des végétaux hôtes quel que soit leur état sanitaire et des végétaux symptomatiques ou suspects ; en zone d'enrayement l'enlèvement des seuls végétaux infectés ;
·
le code rural et de la pêche maritime, en particulier les articles L.251-9 et L.251-10 relatifs à la mise en oeuvre des mesures de lutte prévues par la réglementation et à la destruction des végétaux ; l'article 3 de l'arrêté préfectoral n°15-580 du 30 avril 2015.
·
À propos de l'arrachage des végétaux hôtes autour des foyers, le rapport d'audit 202 de la DG SANTE indique en 2016 : « Dans le cas des trois premiers foyers détectés en Corse, on est parti du principe que l'infection a été provoquée par la sous-espèce pauca de Xf ; par conséquent, dans la zone de 100 m autour de la ZI, les végétaux hôtes de cette sous-espèce et tous les végétaux symptomatiques d'autres espèces ont été arrachés. Plus tard, partant de l'hypothèse que Pm était la source proéminente d'infection, chaque végétal de cette espèce a été arraché. » (Pm = polygale à feuilles de myrte). Mais en 2017, le rapport d'audit203 précise : « En Corse, seules les mesures d'éradication mises en oeuvre en réaction aux premiers foyers détectés en 2015 étaient pleinement conformes aux dispositions de la décision. [...] En raison des préoccupations évoquées plus haut et des difficultés d'accès, tous les végétaux hôtes présents dans les ZI nouvellement établies en Corse ne sont pas arrachés et détruits. » (ZI = zone infectée). L'enlèvement des végétaux hôtes apparemment indemnes n'a été donc mis en oeuvre que pour les trois premiers foyers. Toutefois, cette problématique n'a plus à être prise en compte depuis le passage de la Corse en zone d'enrayement. Le bilan de la gestion des végétaux contaminés, tant que la Corse était en zone d'éradication, se présente comme suit :
·
les 354 foyers détectés ont tous fait l'objet par les DDCSPP de notifications adressées aux propriétaires pour ordonner des mesures d'arrachage des végétaux contaminés et des autres végétaux hôtes dans un rayon de 100 mètres, à réaliser par les intéressés ; pour les 17 foyers en Haute-Corse, les arrachages des plantes index (végétal confirmé infecté et déclenchant le foyer) ont tous été vérifiés, de même que l'arrachage des végétaux détectés infectés lors des prélèvements ultérieurs ;
·
202 DG (SANTE) 2016-8793. L'extrait cité expose la gestion des foyers avant que la sous-espèce multiplex n'ait été identifiée. 203 DG(SANTE) 2017-6141
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·
pour les 337 foyers en Corse-du-Sud, en raison du nombre de sites, les moyens ont été concentrés sur la vérification des arrachages de plantes index qui est proche de 100 % pour 2015 et 2016. Pour les foyers de la campagne 2017, des vérifications d'arrachage restent à faire ou sont en cours. Dans 20 % des foyers, des végétaux infectés secondaires ont été détectés près des plantes index, et leur arrachage a été vérifié à plus de 70 %.
Les DDCSPP rencontrent des difficultés à faire respecter la réglementation faute d'accessibilité des sites ou de réponse de la part des propriétaires ou détenteurs. Les conditions prévues par le code rural et de la pêche maritime pour une mise en oeuvre d'office sont rarement réunies en Corse204. L'accès aux lieux à des fins de destruction devant se faire en présence de l'intéressé, et pour éviter des contentieux administratifs voire des poursuites pénales, la DDCSPP se heurte aux problèmes :
·
des propriétaires qui ne répondent pas ou sont absents en grande partie de l'année, ce qui est très courant en Corse. Un grand nombre de résidences secondaires sont inoccupées une bonne partie de l'année. du régime de succession particulier en Corse, avec de nombreuses propriétés qui appartiennent en indivision à des familles entières.
·
204 La mission a cru comprendre qu'aux Baléares une brigade d'élimination se charge de l'arrachage et que dans les Pouilles les carabinieri forestale auraient le pouvoir d'intervenir si le propriétaire n'arrache pas.
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7 Les mouvements de végétaux sortant de Corse
7.1 Renforcement des enjeux pour les mouvements de végétaux sortant de Corse.
Le passage en enrayement s'est accompagné d'un classement de toute la Corse en zone infectée en raison de l'absence de zone tampon. La mission n'a pas connaissance de réactions de partenaires commerciaux voyant la Corse comme une menace pour l'état sanitaire des cultures sur leur territoire. En revanche, lors de sa rencontre avec la cheffe de l'Unité de santé des végétaux de la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne, celle-ci a souligné l'attention portée par son Institution aux risques de dissémination de Xylella fastidiosa depuis les zones infectées comme la Corse. L'obligation de respecter les exigences de la réglementation communautaire et de mettre en oeuvre les mesures prévues a été soulignée.
7.2 Demandes de dérogations pour la sortie de plants hors de Corse
7.2.1 Dérogations au titre de l'article 9.2
Hors cultures in vitro et végétaux résistants205, les plants de végétaux spécifiés cultivés dans une zone délimitée sont interdits de déplacement en dehors de la zone délimitée par la réglementation communautaire. Toutefois, une dérogation peut être accordée aux végétaux spécifiés cultivés sur un site répondant aux exigences de l'article 9.2 de la décision d'exécution 2015/789. Tout le territoire de la Corse étant désormais en zone délimitée, et selon les informations recueillies par la mission, trois établissements ont manifesté leur souhait de bénéficier de la dérogation prévue par l'article 9.2 pour sortir des plants de Corse :
· · ·
l'INRA de San-Giuliano pour sa collection d'agrumes ; la pépinière « Agrumes du Soleil » à Vescovato ; le GAEC « Corse Plants Production » à San-Giuliano, pour des micro-plants d'immortelle, de romarin, de myrte et de lavande.
Les dossiers de ces établissements sont en cours d'instruction en DDCSPP. Ils sont par ailleurs inspectés au titre de la délivrance du passeport phytosanitaire européen, et l'environnement des sites est prospecté par la FREDON. À ce jour, aucune dérogation n'a été délivrée par les services déconcentrés aux établissements souhaitant faire sortir de Corse des végétaux spécifiés. La pépinière a vécu sur l'expédition de ses plants considérés comme sains, car produits avant l'élargissement de la zone délimitée liée à l'entrée en enrayement.
205 Ces végétaux sont précisés dans l'annexe III de la décision 2015/789 portant sur les variétés des végétaux spécifiés non sensibles selon les souches concernées des sous- espèces de Xylella fastidiosa.
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La mission a dialogué avec des producteurs potentiellement concernés par ces dérogations. Le renforcement des exigences phytosanitaires liée à l'article 9.2, en raison du passage de l'ensemble de la Corse en zone délimitée, constitue un obstacle difficile à franchir pour ces établissements. Les coûts liés aux serres insect-proof et aux analyses sont difficiles à prendre en charge, en particulier pour les petites structures De plus, elles réduisent la compétitivité des végétaux proposés sur le marché international. Seule la station de l'INRA semble être en mesure de s'adapter, et de mobiliser les investissements et les compétences nécessaires. La situation ainsi créée est problématique, dans la mesure où des producteurs de plants renoncent à produire du matériel végétal destiné à sortir de Corse. Le développement de telles filières valorisant du matériel végétal spécifiquement corse et à forte valeur ajoutée est ainsi affecté.
7.2.2 Dérogations au titre de l'article 9.4 bis
Le cas des demandes de dérogations pour la sortie des plants de Vitis des zones délimitées au titre de l'article 9.4 bis est examiné dans le corps du rapport.
7.3 Les inspections de végétaux sortant de Corse
Ce point est également traité dans le corps du rapport, notamment pour illustrer les actions réalisées par l'aéroport de Palma de Majorque pour l'information des voyageurs, et pour mettre à la disposition des voyageurs et des personnels chargés du contrôle des bacs destinés aux déchets végétaux présentant un risque biologique.
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8 Les mouvements de végétaux entrant en Corse
8.1 L'arrêté préfectoral du 30 avril 2015
Les débats et les propositions au sujet de l'arrêté préfectoral du 30 avril 2015 sont examinées dans le corps du rapport.
8.2 La délivrance des dérogations
Les demandes de dérogation pour introduire en Corse des végétaux sont déposées auprès des DDCSPP. Les appréciations sont instruites au cas par cas en s'appuyant sur un arbre de décision. Pour éviter des distorsions de traitements selon les services, les directions de la DRAAF et des DDCSPP ont mis en place une coordination technique des inspecteurs pilotée par le Service régional de l'alimentation (SRAL), pour examiner l'évolution de l'arbre de décision et l'harmonisation de sa mise en oeuvre. De plus, l'arbre de décision a fait l'objet d'un groupe de travail réuni par le SRAL le 13 janvier 2017 avec la participation d'organisations professionnelles (CDJA 2A, CDA 2A, CDA 2B, CRA, ODARC, UNEP, Syndicat Oliu di Corsica). Outre le refus de végétaux accompagnés d'un passeport phytosanitaire européen, l'arbre de décision présente une série de problèmes :
·
il s'est complexité au fil du temps à mesure des différents cas rencontrés par les inspecteurs, notamment à mesure des découvertes de nouvelles zones contaminées, et en distinguant les végétaux hôtes de multiplex, pauca et fastidiosa. Des simplifications ont toutefois été introduites en mars 2018 comme l'arrêt de la distinction entre producteurs et revendeurs pour les végétaux hôtes de multiplex. il filtre les origines au-delà des zones délimitées, en s'appliquant à des provinces entières, voire à des pays ; il génère des tensions sur les espèces végétales représentant une forte valeur ajoutée commerciale comme le laurier-rose ; il n'est pas rendu public dans son détail faute d'être opposable, ce qui suscite des interrogations sur les attributions de dérogations.
·
·
·
La mission a été informée des difficultés des inspecteurs pour appliquer l'arbre de décision du fait de sa complexité.
8.3 Les inspections à l'introduction
Les inspections à l'introduction, y compris les contrôles dans les centres postaux, et les propositions formulées sont exposées dans le corps du rapport.
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8.4 Le bilan des dérogations et des contrôles à l'entrée
Lors du CROPSAV du 25 janvier 2018, le bilan ci-dessous des dérogations a été présenté.
Nombre de plants entrés à la suite des dérogations délivrées en 2017 (source : CROPSAV) Nb de plants Vitis vinifera (vigne) Solanum (tomates, aubergines) Nerium oleander (laurier rose) Prunus spp. dont : pêchers amandiers laurier cerises abricotiers cerisiers pruniers merisiers Rubus spp. (framboisiers...) Westringia fruticosa Olea europaea (oliviers) Citrus spp. (agrumes) Ficus carica (figuiers) Grevillea juniperina Metrosideros spp. Autres 16 193 5 701 3 351 2 044 1 694 955 759 58 160 Corse-du-Sud 144 652 232 204 29 158 5 215 941 996 1 374 658 581 393 150 4 478 300 2 213 663 667 424 36 75 416 Haute-Corse 1 199 367 326 335 12 708 28 941 12 814 8 075 2 531 3 008 896 879 430 20 671 6 001 5 564 2 707 2 361 1 379 795 133 576 Total 1 344 019 558 539 41 866 34 156 13 755 9 071 3 905 3 666 1 477 1 272 580
Ceux des acteurs qui sont favorables à une interdiction totale des introductions de végétaux hôtes manifestent leur inquiétude devant l'importance des nombres de plants introduits en Corse. La mission a interrogé des pétitionnaires à ce sujet. Ils ont souligné que leurs demandes de dérogation portent sur des végétaux choisis pour être conformes aux exigences de l'arrêté préfectoral, ce qui explique les montants enregistrés.
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Un focus a également été présenté sur les dérogations portant sur des oliviers.
Nombre de dérogations sur oliviers en 2017 (source : CROPSAV) Corse-du-Sud Nb de dérogations concernant Olea europaea Espagne Provenances Italie France Pépinière Destinataires Producteur Jardinerie 65 58 0 7 49 0 16 Haute-Corse 34 22 0 12 15 0 19 Total 99 80 0 19 64 0 35
De plus, 408 inspections ont été réalisées en 2017 sur les lieux de destination des végétaux bénéficiant de dérogation, et il y a eu 3 non-conformités détectées. Pour les contrôles dans les ports à l'entrée des végétaux, le bilan est le suivant :
Contrôle des introductions dans les ports en 2017 (source : CROPSAV) Nb de contrôles aux ports à l'arrivée en Corse Nb de bateaux contrôlés Nb de lots végétaux interceptés Nb de lots de végétaux refoulés ou détruits Nb de végétaux refoulés ou détruits 452 950 210 151 1 500
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ADDENDUM 1
Diagramme extrait du protocole OEPP PM 7/24 (2) sur les diagnostics de Xylella fastidiosa
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ADDENDUM 2
Schéma de détection de Xylella fastidiosa du Laboratoire de la santé des végétaux de l'Anse (Source : ANSES)
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ADDENDUM 3
Le texte qui suit (et auquel fait renvoi la partie 2.a supra) vise à présenter de façon à la fois compréhensible pour des lecteurs non experts et acceptable par des scientifiques les différentes méthodes sur lesquelles reposent les tests de la liste que la Commission européenne a publiée le 15 décembre 2017 .
1/ Méthodes d'analyse basées sur des tests immunologiques
Il s'agit de tests qui reposent sur la capacité d'un anticorps à se fixer sur une molécule spécifique appelée son antigène. L'antigène dans notre cas est une molécule spécifique de Xylella fastidiosa. L'anticorps est lui produit par un animal (le plus souvent un lapin) à qui on a injecté la bactérie car cette injection active un mécanisme de défense de son système sanguin. Des laboratoires spécialisés se chargent de cette manipulation et commercialisent les sérums contenant l'anticorps souhaité. a) ELISA Le test ELISA se caractérise par le fait que la réaction anticorps antigène contenu dans le broyat de feuilles et pétioles de la plante infectée, est visualisée par une réaction colorée produite par l'action sur un substrat d'une enzyme préalablement fixée à l'anticorps (d'où le nom du test de dosage d'immunoréaction par enzyme liée). La sensibilité d'un test ELISA est relativement basse puisqu'elle ne détecte la présence de la bactérie qu'au-dessus d'une concentration de 105 bactéries par ml (voire 104 dans le meilleur des cas) tel qu'indiqué dans le protocole de diagnostic de l'OEPP En revanche c'est un test peu coûteux. Il faut également noter l'inconvénient que la réaction enzymatique rend cette technique dépendante de la température, du pH et de l'éclairement et que certains végétaux (chênes par exemple) peuvent provoquer de faux positifs à cause de forts « bruits de fond ». b) Immunofluorescence Dans ce cas, la réaction entre l'anticorps et l'antigène est visualisée par la fluorescence émise par la substance chimique (de la famille des fluorochromes) préalablement fixée à l'anticorps lorsqu'elle est exposée à des rayons ultraviolets. La sensibilité d'un tel test indiquée dans le protocole de diagnostic de l'OEPP est de 10 4 bactéries par ml.
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2/ Méthodes basées sur l'analyse moléculaire
Il s'agit de tests qui cherchent à reconnaître une succession de nucléotides sur un brin d'ADN 206 de la bactérie car cette succession est spécifique non seulement de la bactérie mais aussi de ses sous-espèces. Ces tests reposent donc sur la « récupération » de cette succession de nucléotides et sur son amplification (réplication en grande quantité) ultérieure à l'aide d'une enzyme pour pouvoir l'analyser ensuite. Cette technique est utilisée depuis une trentaine d'années. a/ La PCR Il existe plusieurs méthodes de PCR d'abord selon qu'elles sont dites conventionnelles ou en temps réel (ou quantitative) mais il n'y a aucune différence dans la réaction enzymatique. Les PCR en temps réel sont plus récentes et mesurent à chaque cycle de réplication la quantité de la succession de nucléotides produite tandis que la PCR conventionnelle examine seulement le point d'arrivée après 40 cycles de réplication. Pour réaliser une PCR on utilise une enzyme, chargée de la réplication de la succession de nucléotides, deux amorces qui s'accouplent au brin d'ADN en délimitant (l'une au début et l'autre à la fin) la zone que l'enzyme va répliquer et une sonde dont la fluorescence permet de détecter la quantité de nucléotides répliqués puisqu'elle se fixe sur eux et que l'intensité dépend du nombre de couples ainsi formés. Pour la suite de la présentation, nous allons nous limiter à la méthode MA039 de l'ANSES qui est une méthode de type PCR en temps réel basée sur Harper et al ., 2010 ; erratum 2013. Dans cette méthode les deux amorces sont constituées d'une succession respectivement de 19 et 21 nucléotides spécifique de Xylella fastidiosa. Elles sont fabriquées à la demande par des laboratoires spécialisés. Comme du reste la sonde qui est dans le cas de la méthode ANSES une autre succession spécifique de 21 nucléotides mais dont chaque extrémité porte l'une un fluorophore et l'autre un désactivateur. En pratique si de l'ADN de Xylella fastidiosa est présent dans l'échantillon, les deux amorces se brancheront sur la succession de nucléotides du brin d'ADN qui leur est complémentaire 205 et la zone du brin d'ADN ainsi isolée entre ces deux amorces sera répliquée par l'enzyme. Dans une PCR la réaction enzymatique de production de cette chaîne de nucléotides est obtenue par la succession d'un cycle thermique répété plusieurs fois : une première phase de chauffage (généralement 10 à 15 minutes à 95 °C) permet de séparer les brins de la double hélice, d'homogénéiser le milieu de réaction et d'activer l'enzyme de réaction ; une deuxième phase (généralement 2 à 60 secondes à 56-64 °C) permet aux enzymes de s'accrocher aux brins d'ADN ;
206 L'ADN est une macromolécule biologique présente dans toutes les cellules vivantes (donc dans les bactéries) qui se présente sous la forme de deux brins enroulés l'un autour de l'autre pour former la fameuse double hélice. Chaque brin est composé de la même succession de nucléotides (on distingue quatre types : Adénine, Cytosine, Guanine ou Thymine) et l'ordre de cette succession constitue la séquence génétique propre à chaque organisme vivant. Enfin cet ordre est inversé sur chaque brin et les deux brins sont liés entre eux au niveau des nucléotides en respectant des règles de complémentarité (Adénine avec Thymine et Cytosine avec Guanine).
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une troisième phase (généralement 4 à 120 secondes à 72 °C) permet à l'enzyme de produire la succession de nucléotide complémentaire de la portion de brin d'ADN à laquelle elle s'est accrochée lors de la phase précédente.
C'est la répétition du cycle thermique qui va permettre la production en quantité croissante de molécules composées de la succession de nucléotides caractéristiques de Xylella fastidiosa. Comme il y a deux brins la production est exponentielle. Le protocole de l'OEPP (qui reprend les données de validation de l'ANSES), indique que la sensibilité de cette méthode varie selon les végétaux : de seulement 102 bactéries par ml sur citrus à 105 bactéries par ml sur oliviers. Pour information parmi les trois tests que la Commission valide pour identifier les sous-espèces de Xylella fastidiosa il y a deux PCR conventionnelles (Hernandez-Martinez et al.,2006 et Pooler & Hartung, 1995). La première utilise 3 couples d'amorces (pour pouvoir distinguer sandyi, multiplex et fastidiosa) et la seconde un seul couple spécifique de pauca. b/ La LAMP C'est le test choisi par l'Italie comme premier test moléculaire à mettre en oeuvre dans les zones non délimitées. C'est également le test sur lequel repose un des tests de la société Agdia, utilisé par les oléiculteurs en Corse. La LAMP est une PCR dont l'amplification est isotherme comme son nom complet l'indique (Loop mediated isothermal amplification). La séquence cible de nucléotides est en effet amplifiée à un température constante de 60-65° Celsius et la méthode utilise 4 amorces pour identifier 6 régions sur le brin d'ADN, En outre la réaction est accélérée par l'utilisation d'une paire d'amorces bouclées (loop primers). La détection du produit d'amplification est déterminé par photométrie de la turbidité de la solution qui augmente avec la précipitation d'une quantité croissante de pyrophosphates de magnésium, co-produits par la réaction d'amplification. On a l'habitude de dire de la LAMP que c'est une PCR low cost. c/ la MLST La Multilocus sequence typing (MLST) est utilisée après une PCR. Sur la succession de nucléotides amplifiés il s'agit d'obtenir de façon précise la succession des nucléotides. En effet il est possible que par mutation un nucléotide soit différent. Cette modification signe ce qu'on appelle le Sequence-type d'une souche et permet de l'affecter précisément dans l'arbre phylogénique d'une sous-espèce. Or lorsqu'on utilise une sonde pour identifier cette séquence par fixation de brins complémentaires c'est un peu comme si dans une fermeture éclair un cran manquait (dans ce cas le nucléotide de la succession amplifiée n'est pas le complémentaire de celui présent sur la sonde) : ce défaut n'empêche pas de joindre les deux pans de la fermeture éclair (on identifie alors la sous-espèce) mais pas le sequence typing.
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En pratique il convient de faire 7 PCR pour identifier et séquencer 7 gènes et avoir une identification de la sous-espèce. Cette contrainte explique le taux important d'indéterminés lorsque insuffisamment d'ADN de la bactérie est disponible. Suite à des discussions entre experts lors de l'élaboration de la révision du protocole de diagnostic de l'OEPP il a été accepté que l'on peut recommander de commencer les analyses sur 2 gènes et si les ST ne sont pas interprétables à passer à 3 puis à 7.
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ADDENDUM 4
Classement des cultures en zones agricoles par surfaces décroissantes, inscription sur les listes de végétaux spécifiés et de végétaux hôtes, détection en France et aux Baléares
Culture (1)
Nom latin
Surface (1)
Quantité produite (1) 388 789 hl 1 441 t Farine : 39 t 32 500 t 305 t 3 000 t 3 591 t 5 516 t 120 t 2 412 t 1 530 t 686 t
Nb producteurs (1) 280 176 78 144 42 39 35 122 -
Culture inscrite sur la liste des végétaux spécifiés (2) Oui Oui Non Oui Oui Non Non Oui Non Oui Oui Oui
Culture inscrite sur les listes des végétaux hôtes par ssp de Xf (3) fastidiosa multiplex, pauca Non Non Indépendamment des ssp Non Non Non Non Non Non Non
Détection en France (méthode officielle) (4) Non Non Non Non ST7 (6) Non Non Non Non Non Non Non
Détection aux Baléares (5) fastidiosa ST1 multiplex ST81, pauca ST80 Non Non fastidiosa ST1, multiplex ST81 Non Non Non Non Non Non Non Page 183/203
Vigne Olive Châtaigne Clémentine Amande Kiwi Melon Pomelo Noisette Pêche Nectarines Abricot
Vitis vinifera Olea europaea Castanea sativa Citrus clementina Prunus dulcis Actinidia deliciosa Cucumis melo Citrus maxima Corylus avellana Prunus persica P. persica nucipersica Prunus armeniaca
5 849 ha 2 135 ha 1 320 ha 1 210 ha 370 ha 320 ha 180 ha 167 ha 150 ha 134 ha 85 ha 49 ha
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Culture (1)
Nom latin
Surface (1)
Quantité produite (1) 1 720 t 3 075 t 839 t 585 t 1 530 t 504 t 280 t 85 t 765 t 1 075 t
Nb producteurs (1) -
Culture inscrite sur la liste des végétaux spécifiés (2) Non Oui Non Oui Non Non Oui Oui Non Non
Culture inscrite sur les listes des végétaux hôtes par ssp de Xf (3) Non Non Non multiplex Non Non Non fastidiosa, pauca Non Non
Détection en France (méthode officielle) (4) Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non
Détection aux Baléares (5) Non Non Non ST indéterminée Non Non Non fastidiosa ST1 Non Non
Pomme Tomate Courgette Prunes de bouche Pastèque Fraise Aubergine Cerise Concombre Salade
Malus domestica Solanum lycopersicum Cucurbita pepo Prunus domestica Citrullus lanatus Fragaria ananassa Solanum melongena Prunus avium Cucumis sativus Lactuca sativa
43 ha 41 ha 40 ha 39 ha 34 ha 16 ha 12 ha 11 ha 9 ha -
(1) Chiffres clefs de l'agriculture Corse : campagne 2016. Collectivité de Corse, DRAAF Corse, Chambre d'agriculture de Corse. (2) Annexe I de la décision d'exécution 2015-789 de la Commission (modifiée). Version du 1er mars 2018. (3) Commission database of host plants found to be susceptible to Xylella fastidiosa in the Union territory update 10 15.02.2018. (4) Xylella fastidiosa : méthodes de détection et d'identification dans les plantes et les vecteurs, connaissances et limites biologiques. Françoise POLIAKOFF Anses- Laboratoire de la santé des végétaux, Unité bactériologie, virologie, OGM ANGERS. 17 janvier 2018. (5) Situacion y control oficial de Xylella fastidiosa en las islas Balerares. Andreu Juan Serra, Jefe del Servicio de Agricultura, Conselleria de medi ambient, Agricultura i pesca, Direccio general d'agriclutura i ramaderia. Mise à jour du 15 mars 2018. (6) Détection dans un jardin.
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Annexe 11 : compléments d'analyse relatifsaux milieux naturels et subnaturels
Modalités actuelles de la surveillance de ces milieux concernant la bactérie
Alors que le maquis et les forêts abritaient en juillet 2017 24 des 36 espèces officiellement identifiées comme espèces hôtes de la bactérie en Corse 207, ces formations végétales ne semblent pas faire l'objet d'une surveillance programmée officielle, même si un pourcentage élevé de prélèvements, et plus encore d'échantillons positifs les concernent. Par ailleurs le maquis est très difficilement pénétrable, et les échantillons prélevés dans le maquis l'ont essentiellement été près des villages, des cultures et des routes ou chemins. Au-delà des hypothèses que l'on peut faire en extrapolant les analyses disponibles, la mission constate qu'il n'est actuellement pas possible de considérer que l'on dispose en Corse d'une vision représentative de la présence de la bactérie dans le maquis. Néanmoins il semble raisonnable de penser que l'implantation de la bactérie n'est pas récente, au moins dans les zones les plus facilement accessibles à l'insecte. Alors que les plans et les instructions publiés par la DGAl ne traitent pas explicitement et clairement de ces formations végétales dans la surveillance programmée qui cible les espèces cultivées, et du niveau de surveillance qui est souhaitable, les nombreux échantillons analysés de 2015 à 2017 s'expliquent historiquement par les prélèvements effectués :
·
sur un maillage de 5 × 5 km en 2016 en Corse du Sud, dans la zone tampon, à une altitude inférieure à 600 m ; la quasi-totalité des points d'inspection se situaient en milieu naturel208 : 24 en forêt et 710 dans le maquis ou apparenté, pour seulement 24 en zone de culture ; sur un maillage de 1 × 1 km en 2017 en Corse du Sud, à une altitude inférieure à 600 m, sur 10 km de part et d'autre de la frontière Nord de la zone délimitée, dans le cadre d'une réflexion sur une possible zone d'enrayement à un moment où toute la Corse n'était pas concernée par une telle perspective ; les prélèvements ont été réalisés dans la plupart des cas dans le milieu naturel (97 % des prélèvements) ; 188 en forêt et 1976 dans le maquis (ou apparenté) ; sur un maillage systématique de 100 × 100 m à l'intérieur d'un carré de 1 × 1 km en 2017 en Haute-Corse, autour des seuls foyers identifiés précédemment ; dans le cadre d'une surveillance non programmée, en fonction des informations recueillies et des symptômes identifiés à l'occasion d'autres activités de surveillance de cultures agricoles (ou de forêts par le département de la santé des forêts, DSF).
·
·
·
207
Chiffre passé au printemps 2018 à 44 espèces hôtes en Corse, selon la base de données Shiny mise à la disposition de la mission en juin 2018. 208 Les trois plantes les plus prélevées ont été Calicotome villosa (18 %), Helichrysum italicum (15 %) et Lavandula stoechas (10 %). Le taux de positifs pour ces plantes est de 28 % pour Calicotome villosa et Helichrysum italicum et de 11 % pour Lavandula stoechas.
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Désormais l'ensemble de la Corse est en zone d'enrayement, et les obligations communautaires découlant de la décision d'exécution du 14 décembre 2017 ne concernent plus que la surveillance :
·
autour des pépinières et des « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière » (vocabulaire de la décision de décembre 2017) ; autour des foyers « historiques », deux fois par an ; non programmée, en fonction des informations recueillies et des symptômes identifiés à l'occasion d'autres activités de surveillance de cultures agricoles209.
· ·
La pression de surveillance sur la végétation du maquis devrait a priori diminuer, sans que la mission puisse quantifier à ce jour en quoi le maquis restera concerné par ce « minimum obligatoire » de surveillance. En forêt (mais pas dans le maquis), le département de la santé des forêts (DSF), dont un correspondant-observateur est un agent de la DDCSPP de Haute-Corse, habilité à faire des prélèvements, s'est impliqué dans la surveillance de X. fastidiosa, en initiant 44 prélèvements sur chêne vert et chêne liège autour de foyers connus, en 2015. L'investissement du DSF s'est ensuite nettement ralenti sous l'effet conjugué de deux facteurs : une certaine « lassitude » découlant du caractère systématiquement négatif des analyses ANSES sur les chênes, et la réévaluation en conséquence de l'hypothèse d'un effet climatique, du type de celui constaté en 2003210, pour expliquer la situation de certains arbres ou de certaines formations végétales. Les débats vifs sur X. fastidiosa au sein de la société en Corse dépassent largement les problématiques forestières. Néanmoins ils conduisent actuellement l'Office national des forêts (ONF211) et le Centre régional de la propriété forestière (intervenant en forêt privée), très concerné par les peuplements de chêne vert de basse altitude, à se remobiliser sur le sujet. Ces deux organismes envisagent en effet de s'investir, de manière concertée, dans la vigilance et la surveillance, et de réanimer le groupe de travail « forêt » du CROPSAV (qui ne s'était réuni qu'une seule fois), et ceci en coopération avec le DSF qui a affirmé à la mission sa nouvelle motivation dans ce domaine. Le DSF est depuis quelques années un service de la DGAl, et les instructions de la DGAl sur X. fastidiosa mentionnent bien la participation du DSF dans la surveillance programmée non officielle212. Mais cette activité semble envisagée dans le cadre de son activité ordinaire 213 (et donc
209 La mission note néanmoins que la convention DDCSPP-FREDON en 2018, mais pour la seule Haute-Corse, parle d'inspections des végétaux dans des secteurs peu inspectés. 210 Les inquiétudes suite à la crise climatique de 2003 avaient en effet conduit à la mise en place de nouvelles placettes de suivi du chêne vert et du chêne liège dans le cadre du « réseau canicule », en plus des 7 placettes permanentes sur chêne vert et des 2 sur chêne liège (réseau européen 16 × 16 km). Les arbres s'étant progressivement remis, les placettes supplémentaires ont été abandonnées. Le DSF s'est depuis plutôt concentré sur le dépérissement du chêne liège, pour lequel il existe des hypothèses complexes mêlant facteurs climatiques, âge, blessures anciennes, nouvelles modalités de levée du liège et concurrence du chêne vert. 211 agissant pour le compte de la Collectivité de Corse et des communes propriétaires de terrains boisés relevant du régime forestier, a priori peu concerné par les formations végétales à chêne vert. 212 Cf. Instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-39 du 06/01/2017 ; Instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-653 du 01/08/2017 ; plan d'action Xylella fastidiosa 2017-2018. 213 Instruction d'août 2017 : « Surveillance programmée non officielle : La surveillance de X. fastidiosa est intégrée aux observations réalisées dans le cadre de réseaux d'épidémiosurveillance existants et visant des organismes nuisibles réglementés ou non : le réseau Santé des Forêts (DSF) et le réseau de Surveillance Biologique du Territoire (SBT) porté par le plan Ecophyto. »... « Des correspondants doivent être désignés sur la base de leurs compétences techniques phytosanitaires et leur connaissance de X. fastidiosa. Ils ont vocation à être le premier niveau d'échanges techniques en cas de signalement de dépérissements anormaux observés dans le cadre de la surveillance biologique du territoire, de la surveillance de la santé des forêts et de la surveillance événementielle (surveillances détaillées ci-après). Ils sont chargés de la délivrance d'informations sur X. fastidiosa et ses symptômes, et d'analyser les signalements qui leur sont adressés. S'ils estiment que le signalement constitue une suspicion, ils
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a priori sur les forêts relevant du régime forestier ou suivies par le Centre régional de la propriété forestière, CRPF), sans aborder la question de sa responsabilité ou non dans la surveillance du maquis. La mission constate qu'au printemps 2018, l'enjeu de la responsabilité du DSF, dans la surveillance de X. fastidiosa sur les terrains ne relevant pas de la compétence administrative de l'Office national des forêts (ONF) ou du CRPF mérite encore d'être clarifiée et les moyens consacrés à cette éventuelle nouvelle mission réévalués, notamment pour mobiliser les correspondants-observateurs de l'ONF et du CRPF sur le maquis. Il semble révélateur que le DSF ne dispose pas encore de code pour désigner l'oléastre et l'arbousier dans ses outils propres. Plus globalement, au-delà de la question pratique et opérationnelle de l'implication du DSF, la question de la compétence administrative et de la motivation pour la surveillance des formations de maquis n'est à ce jour pas clairement résolue. C'est un point qui ne relève pas que d'une décision opérationnelle interne au DSF ; en effet une telle décision implique que ce dernier dispose de moyens à cet effet, mais nécessite aussi que les instructions de la DGAl ne visent pas seulement les cultures agricoles, en donnant, à tort ou à raison, le sentiment de considérer la surveillance du maquis seulement comme une mesure de précaution au regard du risque pour les cultures. Le besoin d'une clarification sur la surveillance et les prélèvements afférents dans le maquis concerne également la FREDON, notamment via les conventions entre la FREDON et les deux DDCSPP, dans le cadre défini par la DRAAF (SRAL).
Quelques constats sur les paramètres climatiques
Concernant ce qui se passe de manière visible dans les milieux naturels et subnaturels, très nombreux ont été les interlocuteurs de la mission qui ont avancé l'hypothèse du stress hydrique, soit seul, soit en combinaison avec la bactérie, pour expliquer les rougissements, mortalités de branches et plus rarement mortalité de végétaux. Il a souvent été fait mention du rougissement du maquis en 2003, mais dans un contexte où le maquis semblait s'être ensuite rétabli au cours des années suivantes. Tous nos interlocuteurs ont néanmoins insisté sur l'intensité et les spécificités du stress hydrique en 2017, notamment au printemps et en automne. Néanmoins, parmi tous les interlocuteurs rencontrés par la mission en Corse, seule la FREDON de Corse semble avoir tenté d'objectiver la situation climatique des dernières années, pour essayer de comprendre en quoi les années récentes, notamment 2015, 2016 et 2017 pourraient expliquer l'apparition des symptômes de stress hydrique et/ou la manifestation de la bactérie. Le directeur de la FREDON a communiqué à la mission ses essais de réflexion sur la base des données synthétiques de la station météorologique d'Ajaccio (température moyenne annuelle et pluie annuelle :
en informent la DRAAF-SRAl qui procède ou fait procéder à un prélèvement dans le cadre d'une inspection officielle. Chaque DRAAF-SRAl doit veiller à actualiser la liste des correspondants-Xylella. Les correspondants observateurs du réseau Santé des forêts peuvent être désignés correspondants-Xylella. » ... « Les symptômes de dépérissements anormaux en forêt entrent dans le cadre de la surveillance définie par la note de service DGAL/SDQPV/N2010-8118 du 27 avril 2010. Tous les symptômes susceptibles d'être attribués à X. fastidiosa feront l'objet d'une fiche de signalement O "organisme envahissant" XYLEFAS, adressé au pôle interrégional santé des forêts accompagnée de photographies et/ou d'échantillons en tant que de besoin. Pour permettre de préciser le diagnostic lorsque X. fastidiosa ne sera pas détectée, il est conseillé de prélever, en complément, des échantillons destinés à une analyse mycologique. Ces investigations complémentaires seront suivies sous la forme de fiches V "veille sanitaire" liées à la fiche O initiale. La programmation de cette surveillance est effectuée par les pôles santé des forêts, prioritairement sur les oléastres et chênes. Les données sont transmises à l'Unité de Coordination d'Appui à la Surveillance (UCAS) de l'Anses à fréquence mensuelle (voir partie 6.1). »
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Pour Ajaccio, les années les plus chaudes des trois dernières décennies ont été 2014, 2015 et 2016 ; suivent ensuite 2006, 2017, 2009 et 2003. Les années les plus sèches de la période récente sont 2006 et 2017, suivies de 2015. Les années 2015 et 2017 sont donc toutes deux remarquables à la fois par la température moyenne et par les faibles précipitations, causant donc un stress hydrique élevé. Par ailleurs, suivant une logique assez proche des résultats obtenus par les biostatisticiens de l'INRA sur l'importance de la température hivernale (sans retenir exactement les mêmes paramètres de température), mais sans prendre en compte les autres facteurs identifiés par les chercheurs comme « déterminants » à partir des analyses statistiques (notamment le facteur « stress hydrique »), la FREDON a publié, en 2015, sur son site une carte « basée sur les températures minimales des mois de novembre, décembre, janvier, février et de mars, et suivant le modèle climatique « CLIMEX » couplé à l'altitude », où « des zones ont été délimitées où la bactérie Xylella fastidiosa serait potentiellement la plus dangereuse. ». Cette carte est toujours accessible sur le site de la FREDON en 2018. Tout en appréciant le volontarisme de la FREDON dans la valorisation de ses données en interaction avec le climat, la mission estime qu'il est préférable de privilégier les cartes de l'INRA d'Avignon qui valorisent l'ensemble des données officielles disponibles 214, et de faire évoluer ces
214 La mission s'est par ailleurs interrogée sur ce que modifierait dans les cartes produites le fait de prendre en compte les analyses non officielles de l'INRA d'Angers, notamment pour les espèces végétales hôtes supplémentaires selon les résultats du laboratoire INRA d'Angers.
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cartes grâce à des données supplémentaires dont ne disposent actuellement pas les biostatisticiens de l'INRA. C'est pourquoi la mission a invité ces derniers à prendre contact d'une part avec le Conservatoire botanique national (CBN) de Corse, d'autre part avec la FREDON, qui disposent tous deux d'informations précieuses et de la capacité à discuter d'hypothèses à partir de leurs observations de terrain. La mission a également pris contact avec l'équipe du CNRS (Centre d'Écologie Fonctionnelle et Évolutive) de Montpellier travaillant sur les stress climatiques en zone méditerranéenne, à partir d'un dispositif expérimental centré sur les taillis de chêne vert dans l'Hérault (site expérimental de Puéchabon215). Cette équipe du CNRS (Jean-Marc Ourcival, Florent Mouillot, Jean-Marc Limousin) a publié la synthèse suivante sur le caractère exceptionnel de l'année 2017 avec la carte ci-jointe, incluant la Corse216, sur la base des travaux de Florent Mouillot : « L'année 2017 bat le double record de la sécheresse la plus intense (minimum absolu de potentiel hydrique de -5 MPa comparé à -3.4 MPa en moyenne) et de la sécheresse la plus sévère en intensité cumulée sur la saison estivale (intégrale du potentiel hydrique sur l'été ou WSI de -335 MPa jour comparé à -168 MPa jour en moyenne). L'indice cumulé du VARI (Visible Atmospherically Resistant Index) calculé à partir des images Modis217 sur la période 2001-2017 est fortement corrélé à la variabilité interannuelle du WSI sur le site expérimental de Puéchabon. L'analyse régionale de l'année d'occurrence du minimum de VARI estival cumulé rencontré sur la période 2001-2017 illustre l'étendue du caractère exceptionnel de la sécheresse 2017... ». Pour le site de Puéchabon, avec seulement 41 mm de précipitation cumulée entre le 15 juin et le 15 octobre, l'été 2017 s'affiche comme le plus sec depuis plus de 40 ans. La carte suivante montre que certains points évoqués dans cette courte synthèse sont de nature à dire quelque chose de la situation en Corse entre 2001 et 2017, notamment sur le caractère exceptionnel du climat de 2017.
215 Le site expérimental de Puéchabon dans l'Hérault (SO forêt méditerranéenne de l'OSU Oreme) enregistre depuis 1998 les variables témoignant de l'impact de la variabilité climatique sur le fonctionnement de l'écosystème à chêne vert. Le stress hydrique des arbres y est suivi en mesurant la tension de la sève dans le bois (potentiel hydrique). 216 In Bulletin Theia n°8 de novembre 2017 : Ourcival J.M., Mouillot F., Limousin J.M. Record de sécheresse en 2017: observations locales et bilan régional par télédétection. https://fr.calameo.com/read/00409531020c900a246bf. 217 Le Moderate-Resolution Imaging Spectroradiometer (MODIS, que l'on peut traduire en français par « Radiomètre spectral pour imagerie de résolution moyenne ») est une série d'instruments d'observation scientifique couplés à un système embarqué satellitaire, lancé par la NASA à bord du satellite Terra en 1999, puis à bord du satellite Aqua (deux satellites de l'EOS - Earth Observing System, un programme de la NASA destiné à l'observation à long terme des sols, biosphère, atmosphère et océans de la Terre).
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Carte régionale identifiant l'année de plus faible VARI estival cumulé sur la période 2001-2017 (2017 en rouge), ainsi que les contours des incendies >30ha en noir. La variation annuelle du VARI et WSI sur le site de Puéchabon est présentée dans l'encadré. Source : Jean-Marc Ourcival, Florent Mouillot,Jean-Marc Limousin (Cefe / CNRS)
Sur la base conventionnelle du « drought Code » (basé sur les trois critères climatiques218 des cinq composantes du calcul de l'indice forêt météo 219) qui prend en compte un bilan hydrique simplifié journalier, Frédéric Mouillot ((IRD, UMR CEFE) a accepté, à la demande de la mission, de produire des cartes de la Corse traduisant cet indice sur la période 1960 220-2017, en utilisant les données Météo France SAFRAN journalières (8 km de résolution). Les cartes d'anomalies (DC Année X / DC moyen 1960-2017) figurent en annexe. La tendance moyenne sur la totalité de la Corse figure ci-dessous :
218 La réserve utile du sol, estimée forfaitairement pour l'ensemble de la Corse, en se limitant à la seule couche superficielle du sol ; le calcul de l'évapotranspiration et les précipitations du jour. 219 L'indice forêt météo (IFM) est une estimation du risque d'occurrence d'un feu de forêt calculé par plusieurs services météorologiques nationaux dont Météo-France et le Service météorologique du Canada. Il se base sur un modèle empirique canadien développé et utilisé au Canada dès 1976. est calculée à partir de cinq composantes qui tiennent compte des effets de la teneur en eau des combustibles et du vent sur le comportement des incendies. Les trois premières composantes sont des indices d'humidité des combustibles et les deux autres sont des indices de comportement du feu. 220 L'année 1960 a été choisie en tenant compte que, selon les calculs de divergence génétique, la première introduction en Corse de la bactérie aurait eu lieu.
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Il ressort de ce premier niveau d'analyse une vision un peu différente mais complémentaire de l'analyse menée par la FREDON. Sur les 57 dernières années, l'année 2017 serait exceptionnelle, à niveau équivalent de l'année 1970, loin devant 1976, suivi par 2003. Il est donc hautement probable que la végétation du maquis ait été confrontée à des conditions climatiques particulièrement éprouvantes, se traduisant par un stress hydrique élevé. La mission note que les modalités de calcul de cet indice calculé sur une base journalière permettent bien de prendre en compte la précocité de la sécheresse printanière et la longueur de la sécheresse automnale. Il s'agit néanmoins d'un indice qui n'évalue qu'indirectement le stress hydrique. C'est ce pourquoi Frédéric Mouillot a complété l'analyse, pour les années 2001-2017, par le calcul de l'indice VARI susmentionné, indice de sécheresse de la végétation obtenu à partir du capteur satellital MODIS à 5 km de résolution : cet indice est supposé être relié à la teneur en eau de la végétation au pas de temps journalier, et donner une appréciation directe de l'intensité du stress hydrique. La comparaison des courbes des deux indices montre qu'ils sont effectivement très reliés, en montrant une bonne relation entre sécheresse climatique (drought code) et sécheresse physiologique des plantes (VARI). Là aussi l'année 2017 ressort de manière exceptionnelle. Il semble donc légitime de raisonner sur la base du « drought code » pour analyser les séries longues climatiques et apprécier l'intensité du stress hydrique auquel a été soumise la végétation naturelle et subnaturelle.
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La mission relève donc le caractère exceptionnel de 2017 en matière de stress hydrique, et considère qu'il n'est pas possible de chercher à évaluer une responsabilité de la bactérie dans les rougissements et dépérissements identifiés dans le maquis, sans devoir prendre en compte le climat, tout en gardant en mémoire que les travaux de Samuel Soubeyrand montrent une bonne corrélation entre le stress hydrique et la probabilité de trouver Xylella fastidiosa dans les prélèvements effectués.
Enfin le département de la santé des forêts, confronté régulièrement à des dépérissements complexes221 où interviennent des facteurs climatiques, envisage de travailler avec le modèle BILJOU222 (https://appgeodb.nancy.inra.fr/biljou/), qui est un outil de simulation du bilan hydrique des forêts, mis au point par l'INRA (André Granier, Vincent Badeau, Nathalie Bréda). Mais à ce
221 A ce stade, le DSF n'exclue pas des effets synergiques de la sécheresse avec la défoliation due à Lymantria dispar (bombyx disparate) en Corse du Sud, et surveille attentivement l'absence en Corse de Xylosandrus compactus (récemment introduit du côté du Cap d'Antibes), scolyte de très petite taille (présent sur des rameaux fins) qui cause un rougissement massif du maquis du parc national de Circeo en Italie. 222 Le modèle BILJOU© est un outil de recherche mis à disposition de la communauté des gestionnaires forestiers, des enseignants et des étudiants, des chercheurs. Ce modèle, avec un outil de simulation en ligne proposé, est en évolution constante, liées aux avancées de notre connaissance des mécanismes d'interactions entre les écosystèmes forestiers et leur environnement climatique et édaphique. Enfin, cet outil (voir licence) ne peut être utilisé à des fins commerciales. Le site a été développé dans le cadre d'un projet du Réseau Mixte Technologique AFORCE et avec un soutien du GIP ECOFOR.
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jour le DSF ne dispose pas, pour les zones de taillis de chêne vert ou de maquis dépérissants en Corse, des données prenant effectivement en compte la pente, d'exposition, le transfert latéral d'eau et la réserve utile du sol, comme le demande ce modèle. Mais une utilisation partielle du modèle conduit d'ores et déjà à mettre en évidence qu'en 2017, le stress hydrique vécu par les arbres aurait commencé très tôt (avril).
Calcul du « drought code » de 1960 à 2017 (source : Florent Mouillot, CNRS)
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Légende
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Calcul de l'indice VARI (source : Florent Mouillot, CNRS)
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Cas particulier du chêne vert
Si la mission s'est intéressée au chêne vert, c'est que cette espèce est connue comme une des essences forestières les plus résistantes à un stress hydrique 223. Dès lors, pour ce qui concerne l'effet du climat, il peut être considéré comme un indicateur de la gravité d'une situation de stress hydrique quand il manifeste visuellement des problèmes à grande échelle. Or il peut être également infecté par la bactérie et mérite donc d'être considéré comme une cible privilégiée pour organiser une surveillance sanitaire intégrée du maquis. En Corse il couvre environ 140 000 ha, et la mission a pu constater l'existence d'un problème visible dans certaines zones, notamment à basse altitude. Le chêne vert a été choisi comme modèle par l'équipe du CNRS de Montpellier qui travaille sur l'étude à long terme des échanges d'eau et de carbone dans l'écosystème forestier méditerranéen, afin de prévoir sa réponse à différentes conditions de sécheresse que pourrait entraîner le changement climatique. Le site expérimental de Puéchabon (Hérault) est équipé d'une tour de mesure des flux et de systèmes d'exclusion totale ou partielle de la pluie sur le taillis de chêne vert. Les deux alinéas qui suivent résument l'état actuel des résultats de cette équipe, et notamment ceux de Jean-Marc Limousin. Le chêne vert se caractérise par une croissance en deux phases au printemps et à l'automne, et la précocité du stress hydrique au printemps 224 est le facteur qui a le plus fort impact sur la croissance. En 2016, sur le dispositif de Puéchabon, 61 % des branches ont manifesté des symptômes de stress hydrique, et 31 % des feuilles ont séché et sont tombées pendant l'été. Le potentiel hydrique nocturne a battu le record de valeurs négatives sur le site en 2016 puis en 2017 : -5.03 MPa (le précédent record en 1998 était de -4.26 MPa), et les potentiels atteints en 2016 et 2017 correspondent au début de la perte de conductance hydraulique conduisant à la cavitation225. Une nouvelle pousse de feuilles à l'automne 2016 a permis a certains arbres de récupérer leur surface foliaire. Mais les feuilles ayant poussé à l'automne étaient plus petites, moins épaisses, et avaient moins de chlorophylle. De manière générale, on assiste à une augmentation méditerranéennes sous l'effet conjoint de la mortalité et d'un déficit hydrique estival est la principale contrainte sur méditerranéennes, mais l'augmentation de température estivale important. La mission relève que :
223 Déjà en moyenne , avec 50 % de vaisseaux embolisés, un conifère meurt, tandis qu'un feuillu ne succombe qu'à 90 % (source Sylvain Delzon, INRA). L'étude du fonctionnement hydraulique des espèces de chênes co-occurrentes dans la forêt d'Hourtin (chêne vert (Q. ilex) et pédonculé (Q. robur)) a permis à l'INRA de montrer que Q. ilex présente des taux d'embolie négligeables en période de stress hydrique et possède une grande marge de sécurité (Urli et al. 2014). Il s'agit d'une inquiétude parfois exprimée devant la mission : les sécheresses en Corse commenceraient de plus en plus tôt. Cela semble avoir été le cas en 2017, même si la mission n'a jamais réussi à se faire communiquer des données chiffrées sur ce point : seul le DSF a pu commenter les premiers résultats d'une approche sur ce point. Chaque jour, les arbres transpirent de grandes quantités d'eau afin de refroidir leurs feuilles tout en absorbant du dioxyde de carbone pour la photosynthèse. Cette eau est absorbée dans le sol et transportée par un réseau de fins conduits qui relient les racines aux feuilles grâce à une pompe aspirante dont le moteur est l'énergie solaire. Garder ce système hydraulique fonctionnel est donc l'un des principaux problèmes auxquels sont confrontées les plantes en période de sécheresse. Ce système est en effet très vulnérable et risque de se désamorcer par formation d'embolie gazeuse. Lorsque le sol se dessèche, la sève des arbres est exposée à de très fortes tensions qui peuvent rompre les colonnes d'eau à l'intérieur de leur système vasculaire. Ce phénomène de cavitation produit une embolie gazeuse de la même manière que des thromboses peuvent bloquer le système circulatoire des humains. Lorsque l'intensité de la sécheresse s'accentue, l'embolie s'accumule dans le système vasculaire jusqu'à ce que l'arbre se dessèche et meure. (https://www6.bordeauxaquitaine.inra.fr/biogeco/Recherche/Au-sein-des-equipes/Ecologie-et-Genomique-Fonctionnelles/Archives/Archives2012/Cavitation-Nature).
de la défoliation des forêts ajustement écohydrologique. Le le fonctionnement des forêts et hivernale jouent aussi un rôle
224 225
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en première approximation les effets physiologiques d'une cavitation (embolie découlant de la présence d'une bulle de gaz dans le xylème) et ceux du film que la bactérie réussit à former dans un vaisseau de xylème sont a priori les mêmes ; en l'absence de toxine ou enzyme produite par X. fastidiosa, les symptômes peuvent se recouvrir très largement ; les corrélations trouvées par les biostatisticiens de l'INRA entre foyer officiel et stress hydrique calculé laisse supposer des conditions climatiques à réunir pour les deux phénomènes qui peuvent largement se recouper, notamment en 2017, probablement en 2016 et possiblement en 2015.
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Dès lors les analyses positives pour X. fastidiosa sur chêne vert en Corse (même si l'ANSES ne réussit pas à identifier la sous-espèce) conduisent à s'interroger dans deux directions :
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Comment peut-on apprécier les effets cumulés, et peut-être synergiques, entre les conditions d'un stress hydrique intense lié au climat et celles du développement de la bactérie, pour apprécier la manifestation des symptômes ? la présence de la bactérie peut-elle modifier la résilience a priori forte du chêne vert après une année de stress hydrique intense, voire après les effets cumulés de deux années consécutives (2016 et 2017) où le potentiel hydrique du végétal était proche de la perte de conductance, et donc de la cavitation, qui plus est après une année 2015 déjà climatiquement éprouvante ?
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Rappel des choix faits dans les Baléares pour la mise en oeuvre de la stratégie d'enrayement dans les milieux naturels et subnaturels
La direction générale des espaces naturels et de la biodiversité 226 de l'Autonomie des Baléares (que la mission n'a pu rencontrer lors de sa visite à Majorque) a publié le 23 février 2018 son plan de surveillance et de lutte contre X. fastidiosa dans les milieux forestiers et naturels des îles, dans le cadre de la stratégie d'enrayement. Il s'agit d'un plan distinct de celui élaboré pour le reste des territoires insulaires, traitant des espaces agricoles et des végétaux d'ornement. La mission rappelle que la première infection a été identifiée aux Baléares le 6 octobre 2016, et que l'approche conjointe de l'Autonomie des Baléares et du ministère de l'agriculture espagnol a rapidement su mobiliser les acteurs politiques, professionnels et administratifs au service d'un projet que tous souhaitent le plus opérationnel possible. Le plan rappelle le résultat des analyses menées depuis 2016 sur la végétation forestière ou de milieux naturels (en échantillonnant 31 espèces différentes, sans se limiter aux arbres), montrant à la fois un nombre d'analyses moindre (4 011 échantillons fin 2017, dont 503 en forêt ou milieux apparentés et parmi ces 503, 85 positifs), mais aussi une situation assez différente de ce qui est constaté en Corse, avec une forte contamination des oléastres (et des oliviers). Au total 18 espèces ont été reconnues comme hôtes de la bactérie aux Baléares, dont (outre les espèces déjà mentionnées) Acacia saligna, Calicotoma spinosa, Cistus monpeliensis, Faxinus angustifolia, Juglans regia, Nerium oleander, Prunus avium, Genista lucida, Lavandula dentata, Rosmarinus officinalis...
226 Administrativement compétente pour les forêts.
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Au-delà des dispositions transversales communes aux deux plans, la mission note que les investigations de surveillance couvriront :
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les sites de production de végétaux ayant vocation à sortir des îles pour aller sur le continent, comme imposé par la décision communautaire, même si la mission avait compris que ce cas n'existait pas aux Baléares ; les alentours (bande large de 200 mètres) des « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière ». Dans le secteur forestier, la traduction opérationnelle vise : une pépinière administrative concernant à la fois la forêt et un jardin botanique ; les plantations d'ormes résistants à la graphiose ; une liste d'arbres remarquables définis par une loi adoptée par le Parlement de l'Autonomie des Baléares ; les arbres des espèces ligneuses protégées. Concernant les milieux naturels et subnaturels, une liste est annoncée comme étant en cours d'élaboration ; l'ensemble des forêts (sans que l'on puisse comprendre dans quelle mesure, le terme de forêt couvre ou non des formations du type maquis) des Baléares, dans le cadre d'un maillage systématique de 1 × 1 km, avec une attention particulière portée au chêne vert et au pin d'Alep. la procédure de destruction des individus contaminés immédiatement après que le résultat des analyses est connu, après usage des produits insecticides figurant sur une liste de produits agréés à cet effet, dont certains semblent de nature à avoir un impact fort sur la biodiversité (organophosphorés, pyréthrinoïdes, néonicotinoïdes...) ; l'annonce d'un guide des bonnes pratiques forestières vis-à-vis de X. fastidiosa en cours de rédaction, sans que des premiers éléments en soient donnés.
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La mission note :
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Selon ce que la lecture de ce plan laisse comprendre, il n'existerait pas de difficulté d'accès la végétation naturelle et subnaturelles des Baléares (à la différence de ce qui est constaté en Corse pour le maquis, et de ce qui est identifié par les experts italiens dans certaines zones limitées des Pouilles), ni de problème identifié pour utiliser des insecticides puissants dans ces milieux naturels ou forestiers. Par ailleurs les moyens humains ne semblent pas un facteur limitant pour mettre en oeuvre ce plan, tout comme cela a également été constaté dans les Pouilles. La situation en Corse semble donc différente sur ces différents points pour ce qui concerne le maquis.
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Code de l'environnement versus code rural
Pour la présente réflexion concernant des questions soulevées dans le débat en Corse, la mission garde en mémoire qu'en droit communautaire, le passeport phytosanitaire européen est réputé garantir le caractère sain des végétaux introduits en Corse avec ce document. Néanmoins, dans l'annexe consacrée aux constats et à l'état des connaissances, il a été fait mention des spécificités de la bactérie Xylella fastidiosa et des questions qui en découlent pour l'efficacité du dispositif réglementaire en vigueur. C'est bien sur la base de ces questions que certains acteurs en Corse évoquent l'opportunité de faire appel au code de l'environnement pour « améliorer » cette efficacité. 1) dans le cas où une espèce bénéficiant d'un régime de protection stricte au sens du code de l'environnement (article L. 411-1) serait reconnue infectée par la bactérie X. fastidiosa, la mission identifie trois problèmes nécessitant une clarification écrite par une instruction du ministère chargé de l'environnement, le cas échéant conjointement avec le ministère de l'agriculture chargé de la lutte contre cette bactérie :
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le dispositif dit « d'enlèvement » (c'est-à-dire de destruction soit du seul spécimen contaminé dans le cas d'une mesure d'enrayement, soit du spécimen contaminé et de tous les végétaux spécifiés dans un rayon de 100 m dans le cas d'une mesure d'éradication) prévu par la décision communautaire s'applique-t-il malgré le statut d'espèce protégée et le cas échéant malgré l'existence d'un « plan national d'actions » officiel (prévu à l'article L. 411-3 du code de l'environnement) ? le dispositif prévu par la décision communautaire s'applique-t-il quel que soit l'enjeu de l'état de conservation de la population de l'espèce protégée, notamment s'il ne reste que quelques individus de cette espèce, localement, nationalement ou internationalement ? En supposant que le dispositif communautaire lié à X. fastidiosa s'applique dans tous les cas aux espèces protégées, comment articuler les dispositions de la décision communautaire qui prévoit notamment « l'enlèvement a lieu immédiatement après la détermination officielle de la présence de l'organisme spécifié », et les dispositions du code de l'environnement qui prévoient une procédure administrative de consultation préalable avant formalisation d'une décision préfectorale (voire nationale) pour la destruction de spécimens d'une espèce protégée ?
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La mission a rencontré à cet effet la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), chargée de la mise en oeuvre des dispositions du code de l'environnement s'appliquant aux espèces protégées. Dans l'état actuel de ses analyses, les réponses de la DEB sont les suivantes :
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concernant la première question, l'article L. 411-2 I 4° prévoit que « La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ». Par ailleurs l'enjeu de la politique de lutte contre une bactérie susceptible de causer des mortalités à la fois à des espèces
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ornementales, cultivées et de milieux naturels, et le cas échéant d'espèces protégées, semble a priori bien correspondre aux conditions prévues par les rubriques a, b et c de cet article ;
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concernant la seconde question, au regard des enjeux relevant du code de l'environnement, la destruction de spécimens d'une espèce protégée doit être strictement conditionnée à des mesures compensatoires permettant de garantir le « maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle », ces mesures compensatoires proportionnées devant avoir été validées par des experts, notamment ceux du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN) de Corse, fonctionnant comme une tierce expertise ; la DEB rappelle que la directive communautaire de 1992 dite « Habitats, faune, flore » prévoit un régime de protection stricte de certaines espèces, et les mesures compensatoires susmentionnées font partie du dispositif communautaire, au même titre que la lutte contre certains organismes pathogènes ; concernant la troisième question, la DEB estime qu'une procédure de consultation en urgence du CSRPN peut a priori être menée en 15 jours (délai restant néanmoins à valider avec la DREAL), et qu'un tel délai peut être considéré comme un compromis acceptable pour considérer que le terme « immédiatement » figurant dans la décision communautaire serait respecté, dès lors que le délai incompressible découle du besoin impératif de respecter un autre texte communautaire ; le vrai facteur limitant est la préexistence ou non de réflexions concernant la définition précise et opérationnelles des conditions permettant le « maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle » ; la mission note que cette préexistence des conditions est a priori satisfaite dans le cas d'un plan national d'actions, mais pas garantie dans les autres cas de figure, ce qui nécessite que la DEB et le CBN de Corse, voire le CSRPN s'emparent « préventivement » du sujet.
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La mission estime que dans l'état actuel des réflexions concernant la mise en oeuvre des mesures d'enrayement, ces trois réponses paraissent « opérationnelles », sans sous-estimer néanmoins le besoin de discussions plus approfondies entre la DGAl et la DEB concernant l'imputation des dépenses liées à de telles mesures compensatoires. En effet la rédaction du code de l'environnement (qui ne vise pas vraiment ce cas de figure) semblerait imputer cette dépense au service de l'État chargé d'appliquer des textes communautaires d'enlèvement des végétaux contaminés213, sans pouvoir d'appréciation, et donc la DRAAF et la DDCSPP, qui ne disposent clairement pas de crédits à cet effet et risquent de se retourner vers la DREAL. 2) Compte tenu de l'enjeu lié aux milieux naturels et subnaturels de Corse, certains partenaires évoquent le besoin ou l'opportunité de mobiliser certaines dispositions du code de l'environnement pour limiter l'introduction en Corse d'espèces végétales susceptibles d'être contaminées par X. fastidiosa et donc de représenter un danger pour le patrimoine insulaire en matière de biodiversité, tout particulièrement pour les espèces protégées. Une seconde motivation également mentionnée est que les peines prévues par le code de l'environnement seraient plus dissuasives que celles du code rural.
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La mission a identifié deux pistes soulevées dans le cadre des réflexions menées en Corse :
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il existe chez certains acteurs la tentation d'assimiler la bactérie X. fastidiosa à une espèce exotique envahissante, et à souhaiter sa mention dans une liste officielle d'espèces considérés comme « susceptibles de porter préjudice aux milieux naturels, aux usages qui leur sont associés ou à la faune et à la flore sauvages », conduisant à appliquer les articles L. 411-5 et L. 411-6 du code de l'environnement ; d'autres acteurs font référence aux possibilités offertes par les dispositions de l'article L. 411-6 du code de l'environnement qui permettent d'interdire l'introduction 227, « y compris le transit sous surveillance douanière, la détention, le transport, le colportage, l'utilisation, l'échange, la mise en vente, la vente ou l'achat de tout spécimen vivant » d'espèces végétales à la fois non indigènes au territoire d'introduction et non cultivées, dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l'agriculture. En effet cet article, bien que figurant sous un titre mentionnant les espèces exotiques envahissantes, est écrit de manière à ne pas se limiter au seul concept juridique des « espèces exotiques envahissantes » au sens du règlement communautaire.
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La mission a rencontré à cet effet la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), chargée de la mise en oeuvre des dispositions du code de l'environnement susceptibles de traduire opérationnellement ces pistes de réflexion. Dans l'état actuel de ses analyses, les réflexions de la DEB et de la mission sont les suivantes :
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concernant le premier point, il semble difficile d'utiliser des dispositions relatives aux espèces exotiques envahissantes pour la bactérie sans s'exposer au risque d'une requalification en détournement de procédure. Xylella fastidiosa relève des modalités de lutte prévues au code rural et des pêches maritimes (CRPM) pour la protection des végétaux contre les organismes nuisibles. Cette espèce ne relève donc clairement pas des considérations habituellement retenues pour conduire à sa désignation comme espèce exotique envahissante préoccupante pour l'environnement. Il ne faut pas générer de confusion avec la notion de dangers sanitaires pour lesquels la base législative du code de l'environnement relative aux espèces exotiques envahissantes n'est pas pertinente et en rester sur les dispositions du CRPM. X. fastidiosa est un danger sanitaire de première catégorie, ce qui permet la mise en oeuvre de mesures de lutte adaptées ; concernant le second point, il serait nécessaire de trouver un accord entre le ministère chargé de l'agriculture et le ministère chargé de l'environnement pour mettre en place un dispositif qui interfère nécessairement avec la mise en oeuvre du dispositif sanitaire placé sous la responsabilité du ministère chargé de l'agriculture, même si les espèces concernées ne pourraient être que des espèces naturellement présentes dans le milieu naturel et non cultivées. Utiliser cet article pour des espèces végétales susceptibles de porter la bactérie reviendrait plus ou moins à la logique de ce qui avait été envisagé un temps pour protéger l'abeille noire d'Ouessant contre l'introduction d'abeilles du continent, par ailleurs susceptibles de porter le varroa 228. Une telle option ne peut résoudre les
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227 Dans le domaine concerné par les présentes réflexions, les articles modifiés ou complétés par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages n'ont pas encore fait l'objet des décrets d'applications. La rédaction actuelle de l'article R. 411-4 pourrait néanmoins laisser supposer que « l'introduction sur le territoire national » peut aussi être comprise comme l'introduction sur « certaines parties du territoire ». 228 Le ministère chargé de l'agriculture n'avait alors pas accepté de suivre le ministère chargé de l'environnement dans cette approche.
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questions concernant les importations des espèces actuellement cultivées, et serait de nature à compliquer le dispositif réglementaire. Elle ne semblerait a priori pertinente que pour le laurier-rose, à la condition impérative de démontrer, préalablement et par tous moyens appropriés, que le laurier rose naturellement présent en Corse et protégé est bien une entité botanique spécifique indigène. Par ailleurs la mission appelle l'attention sur le fait que la liste des opérations interdites listées par le code de l'environnement est « non sécable » en morceaux, et nécessiterait donc en même temps une politique active de destruction (non détention) de tous les lauriers roses présents dans les jardins et les ronds-points (issus d'importations du continent). Il pourrait être envisageable de les remplacer par des lauriers roses multipliés à partir de cette source locale, selon la logique « corsica grana », mais au risque de faire basculer le laurier-rose dans la catégorie des espèces cultivées. D'une manière générale, la DEB et la mission estiment peu solide juridiquement la possibilité de se servir du code de l'environnement pour apporter une réponse à un problème relevant clairement du code rural, même dans l'objectif de protéger des habitats naturels ou des espèces sauvages du maquis.
L'invocation du principe de précaution
Pour justifier l'application du principe de précaution 229 figurant dans la loi constitutionnelle n° 2005205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement (JORF n°0051 du 2 mars 2005 page 3697), il convient de mettre en avant des éléments circonstanciés de nature à accréditer l'hypothèse d'un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement ou d'atteinte à l'environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé. Quand il s'agit d'un projet (au sens de la directive communautaire de 1985 révisée en 2014 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement), le débat porte alors sur la qualité de l'étude d'impact et les mesures qu'elle prévoit pour parer à la réalisation du dommage. Dans le débat sur le recours au principe de précaution en Corse à propos de la bactérie Xylella fastidiosa, la mise en cause ne porte pas sur un « projet », mais indissociablement sur le dispositif législatif et réglementaire qui concerne Xylella fastidiosa en France, et sur les modalités pratiques d'application de ce dispositif en Corse. Il est invoqué le risque de dommage grave et irréversible que ce dispositif ferait courir au patrimoine végétal, cultivé ou naturel, de la Corse et à ses paysages, en tant qu'il ne protégerait pas suffisamment l'île contre le risque d'introduction de nouvelles sous-espèces ou de nouvelles ST. Ce débat, par ailleurs en partie compréhensible du point de vue technique (Cf. certaines incertitudes identifiées dans l'annexe 7) est mené dans un contexte qui n'est néanmoins pas exactement celui considéré comme juridiquement opérationnel par le Conseil constitutionnel à propos de cette Charte230. Il s'agit en effet d'un dispositif législatif (et réglementaire) permanent,
229 « Article 5. Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». 230 Site internet du Conseil constitutionnel : « Tant dans cette décision [décision n° 2013-346 QPC du 11 octobre 2013] que dans la décision n° 2014-694 DC du 28 mai 2014, le Conseil constitutionnel se refuse à considérer que le principe de précaution serait une norme constitutionnelle à l'aune de laquelle pourraient être contrôlées des dispositions législatives instaurant des mesures qui ne sont pas « provisoires ».
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qui plus est, transcrivant un dispositif juridique communautaire s'imposant aux États membres. Dès lors la doctrine du Conseil constitutionnel conduit la mission, dans les limites de ses compétences et de l'analyse technique qu'elle a pu mener, à ne pas retenir la pertinence juridique de ce principe pour apprécier la validité d'un tel dispositif. Par ailleurs, le cadre défini en 2010 par le rapport de l'Assemblée nationale 231 sur l'application de cet article 5 ne semble pas être totalement réuni à ce jour, et le présent rapport de mission ne peut être considéré comme solidement adossé aux trois séquences mentionnées232. La mission n'a pas cherché à approfondir plus avant ses investigations dans un domaine de compétence qui n'est pas le sien, et n'a abordé ce sujet que parce qu'il a été au coeur de certaines interpellations qui lui ont été faites.
231 Rapport d'information fait au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation de la mise en oeuvre de l'article 5 de la Charte de l'environnement relatif à l'application du principe de précaution, par MM. Alain Gest et Philippe Tourtellier, députés. 232 « La mise en oeuvre effective du « régime de précaution », et des mesures de précaution proprement dites, par les autorités publiques est structurée par trois séquences, dont l'organisation en France n'est pas aujourd'hui systématique et varie parfois selon le domaine concerné : en premier lieu, les autorités publiques devraient pouvoir disposer d'une revue des études scientifiques les plus récentes et de toutes informations susceptibles de la compléter, afin d'être en mesure d'identifier un risque déterminé et hypothétique en matière environnementale ou sanitaire. En deuxième lieu, les autorités publiques devraient pouvoir passer commande d'études scientifiques, à tout le moins les susciter, évaluant le risque ainsi identifié, afin de mesurer la pertinence des mesures de précaution mises en oeuvre et, le cas échéant, de les réviser. En troisième lieu, les autorités publiques devraient pouvoir évaluer le rapport entre les bénéfices et les risques des mesures de précaution envisageables, en envisageant ce rapport sous un angle sociétal global, c'est-à-dire en replaçant la gestion du risque dans l'ensemble de l'action publique. »
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INVALIDE) (ATTENTION: OPTION 'était pas conforme aux exigences de la décision en ce qui concerne les mouvements de végétaux spécifiés en Corse. » Dans les conclusions concernant les aspects organisationnels des contrôles phytosanitaires, il est à nouveau souligné : « En Corse, l'arrêté préfectoral nº 15-580 du 30 avril 2015 n'est pas conforme aux exigences de la décision en ce qui concerne l'introduction dans l'île des végétaux spécifiés ». Lors de la réunion sur Xylella fastidiosa de haut niveau du 1er décembre 2017 à Paris, en présence de la Commission européenne et des ministres des États membre concernés, le Commissaire à la santé a rappelé cette non-conformité à la France. De plus, la cheffe de l'Unité de santé des végétaux de la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire a informé la mission que la Commission européenne a envoyé à l'autorité phytosanitaire française deux courriers pour demander l'abrogation de cet arrêté préfectoral, l'un en 2015 et l'autre en mai 2018. La conséquence logique de cette contestation juridique par la Commission de la situation actuelle est une probable mise en demeure de la France dans le cadre d'une procédure pré-contentieuse pour mettre un terme au dispositif actuel.
55 DG(SANTE) 2016-8793 56 DG(SANTE) 2017-6141
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La mission est consciente que le dispositif actuel est chronophage pour les agents de la DDCSPP en gestion administrative au détriment de la surveillance de terrain. Jusqu'à ce qu'elle se rende à Bruxelles le 12 juin 2018, la mission envisageait néanmoins comme possible de conserver l'arrêté, avec toutefois une simplification de l'arbre de décision. En raison de la position de la Commission européenne, la mission propose de considérer que l'urgence n'est plus de procéder à une amélioration à la marge de l'arrêté préfectoral, mais de préparer un autre dispositif fondé sur une base juridique plus solide pour maîtriser les plantations de végétaux sensibles.
3.6.2.
Construire un autre dispositif
SI l'arrêté préfectoral est abrogé à la suite d'une mise en demeure ou d'une démarche contentieuse de la Commission européenne, les végétaux accompagnés d'un passeport phytosanitaire européen (PPE) pourront entrer librement en Corse, y compris ceux originaires d'une zone délimitée s'ils respectent les dispositions des articles 9.2 ou 9.4. Une telle évolution sera particulièrement mal comprise par plusieurs acteurs en Corse. En effet, elle ne tiendrait pas parfaitement compte de l'analyse des risques développée en lien avec les introductions de végétaux, reposant notamment sur certaines incertitudes scientifiques développées dans l'annexe 7. Outre la démarche contentieuse du SIDOC auprès du préfet en vue de l'interdiction de l'introduction de végétaux en Corse, elle irait clairement à l'encontre de la position constante de l'Assemblée de Corse. Cette dernière a en effet adopté à l'unanimité le 25 septembre 2014 la délibération n° 14/173 AC portant adoption d'une motion relative à la nécessité d'empêcher l'introduction en Corse de la bactérie Xylella fastidiosa. Il est en particulier précisé : « L'Assemblée de Corse acte la nécessité de suspendre l'entrée de plants végétaux en Corse tant que la bactérie Xylella fastidiosa ne sera pas éradiquée dans la zone contaminée du sud de l'Italie ». Les termes de cette délibération ont été réitérés le 27 avril 2018 avec l'adoption de la délibération n° 18/124 AC portant adoption d'une motion relative à Xylella fastidiosa. La mission propose dès à présent, sans attendre la probable abrogation de l'actuel arrêté préfectoral, de préparer activement un autre dispositif également susceptible de minimiser le risque d'introduction de nouvelles sous-espèces ou de nouvelles ST, tout en étant conforme au droit communautaire. La mission a recherché un dispositif avec une base juridique forte qui permette une certaine maîtrise des flux de végétaux plantés en Corse. Dans cet objectif, elle propose de recourir à l'article 5 de la décision d'exécution 2015-789, qui porte sur l'interdiction de plantation de végétaux hôtes dans des zones infectées. Cet article précise : « 1. La plantation de végétaux hôtes dans des zones infectées est interdite, sauf dans le cas de sites qui sont matériellement protégés contre l'introduction de l'organisme spécifié par ses vecteurs.
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2. Par dérogation au paragraphe 1, l'État membre concerné peut accorder des autorisations de plantation de végétaux hôtes dans les zones infectées énumérées à l'annexe II si des mesures d'enrayement conformes à l'article 7 sont appliquées, sauf dans la zone de 20 kilomètres visée à l'article 7, paragraphe 7, point c). Lorsqu'il accorde ces autorisations, l'État membre concerné privilégie les végétaux hôtes appartenant à des variétés pour lesquelles une évaluation a montré qu'elles tolèrent l'organisme spécifié ou sont résistantes à celui-ci. » Le contexte de la Corse est propice à la mise en oeuvre de cet article, puisque pour mémoire :
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tout le territoire de la Corse est classé en zone infectée ; tout le territoire de la Corse doit voir s'appliquer les mesures d'enrayement prévues à l'article 7 ; du fait de son caractère insulaire, la zone de 20 kilomètres visée à l'article 7, paragraphe 7, point c) ne s'applique pas à la Corse.
Pour anticiper le moment où il ne serait plus possible de maintenir le dispositif actuel, la mission suggère donc de travailler activement dans l'esprit de remplacer l'arrêté préfectoral actuel d'interdiction d'introduction en Corse de végétaux spécifiés sauf dérogations à l'égard des professionnels. Elle propose la publication d'un arrêté préfectoral d'interdiction des plantations de végétaux hôtes, sauf dérogations, fondé sur l'article 5 de la décision d'exécution 2015-789. À ce jour, toutes les bases techniques et scientifiques ne sont pas connues pour construire un dispositif solide et cohérent. Il faudra donc accepter de travailler dans un premier temps seulement à dire d'experts, et de mettre en place rapidement des expérimentations (cf. le chapitre sur les pratiques agricoles). Il est indispensable de réunir rapidement les familles professionnelles pour identifier les végétaux hôtes devant bénéficier de l'autorisation de plantation. Comme l'autorisation de plantation porte à la fois sur les végétaux introduits et sur ceux produits en Corse, il sera nécessaire de se prononcer sur les variétés appropriées, qu'elles soient spécifiquement corses, produites localement ou introduites en Corse, en fonction des besoins, des possibilités de production et des connaissances sur les caractéristiques des cultivars. Les recommandations émises par ailleurs par la mission pour développer les travaux expérimentaux de recherche de variétés locales tolérantes ou résistantes à Xylella fastidiosa, sont cohérentes avec l'article 5. Le caractère de moindre sensibilité n'est toutefois pas une obligation pour la délivrance des dérogations. Le dispositif proposé permettra de clarifier la répartition des rôles entre l'État en charge des aspects régaliens et les professionnels qui devront définir les variétés et des espèces qu'ils souhaitent voir développer en Corse.
3.6.3.
Les inspections à l'introduction
Les contrôles dans les ports sur les végétaux entrants sont réalisées par les DDCSPP, avec l'appui de la FREDON en Haute-Corse.
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Le travail des inspecteurs est difficile :
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les conditions matérielles de travail au port ne sont pas bonnes : absence de bureau dans les ports, de zone de contrôle phytosanitaire, de quai de contrôle, d'éclairage des marchandises, de petit laboratoire sur place pour examiner les végétaux, de personnel mis à disposition par les ports pour la manutention des marchandises... Des conteneurs ont toutefois été achetés pour entreposer les végétaux saisis ; le laps de temps pour réagir est d'autant plus court que le ralentissement des flux de marchandises et de voyageurs arrivant dans les ports génère des conflits dans un contexte de manque de place ; l'absence de transmission des rôles des bateaux (par deux compagnies sur trois) complique la réalisation des contrôles.
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Outre, la poursuite de la simplification engagée, la mission identifie les pistes suivantes pour renforcer l'efficacité et l'efficience des inspections à l'entrée de végétaux en améliorant les conditions de réalisation des contrôles :
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définir le cahier des charges d'un poste d'inspection et du matériel de contrôle nécessaire en s'inspirant des points d'entrée communautaires pour les inspections à l'importation en provenance des pays-tiers. À ce sujet, l'expertise de la Sousdirection des affaires sanitaires européennes et internationales de la Direction générale de l'alimentation pourra être mobilisée ; lors de la préparation du dialogue de gestion pour le BOP 206, augmenter la dotation d'objectifs57 (DO) des DDCSPP pour tenir compte de la charge de travail liée à ces inspections dans les ports ; prendre l'attache des autorités portuaires des ports d'Ajaccio et de Bastia pour examiner la mise en oeuvre de ce projet, notamment dans la perspective de préserver la fluidité des flux de camions et l'attractivité de ces ports.
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3.6.4.
Les contrôles dans les centres postaux.
Les Douanes réalisent des contrôles dans les centres postaux d'Ajaccio et de Bastia. Les agents contribuent ainsi aux inspections à l'entrée et à la sortie des végétaux. Les contrôles sont aléatoires ou orientés en fonction des pays d'origine, des types d'emballages, des expéditeurs et des destinataires. En raison du développement du commerce des végétaux par internet, ce lieu de contrôle doit faire l'objet d'une attention particulière. Avec l'évolution des habitudes de consommation, les particuliers peuvent trouver en effet, via internet, des offres à un prix attractif, et avec des conditions de livraison satisfaisantes. Cette voie d'entrée présente un risque si des flux importants de végétaux vers les particuliers échappent aux inspections.
57 La dotation d'objectifs intègre le plafond d'emplois du programme 206 (titulaires et non-titulaires), les agents mis à disposition du ministère en charge de l'agriculture, ainsi que les ETPt rémunérés par le ministère en charge de l'environnement au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (programme 217) dont la gestion est déléguée à la DGAl.
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Exemple de vente de caféier ornemental sur le site internet d'une entreprise connue de commerce en ligne
La mission identifie comme piste de travail de développer la collaboration avec le service des Douanes pour les contrôles dans les centres postaux. Une réflexion est nécessaire sur le contrôle phytosanitaire des flux de végétaux achetés sur internet, en particulier lorsqu'ils sont livrés par des transporteurs, sans passer par les centres de tri postaux.
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4. MILIEUX NATURELS
Avertissement : le présent chapitre est écrit dans un contexte technico-juridique très largement différent de celui qui prévalait lors des discussions préalables au choix d'une mission CGAAERCGEDD. En effet les obligations communautaires pour l'éradication des foyers identifiés dans les milieux naturels et subnaturels, essentiellement le maquis, ont immédiatement posé à la fois des difficultés majeures de faisabilité pratique, et des questions sur l'opportunité de l'usage des produits chimiques et de la destruction systématique de trois hectares autour du foyer. Par ailleurs l'importance des analyses positives sur des espèces de maquis 58 et les dépérissements ou mortalités observées de loin, laissait supposer que l'application rigoureuse des textes communautaires en matière d'éradication pourrait conduire à des chantiers massifs de destruction du maquis, précédés de traitements chimiques. La décision de décembre 2017, faisant entrer la Corse en stratégie d'enrayement, a rendu partiellement caduc ce débat (nonobstant les difficultés persistantes d'intervention dans le maquis pour mener la surveillance dans les règles de l'art, mais aussi pour utiliser les insecticides demandés par la réglementation), sans néanmoins faire disparaître d'autres questions que la mission s'est efforcée de traiter dans le meilleur état des connaissances auxquelles elle a pu avoir accès.
4.1. Bref rappel sur les milieux concernés
Selon les données issues de la méthodologie Corine Land Cover pour l'année 2012, les espaces agricoles ne couvrent qu'environ 12 % (un peu plus de 100 000 ha), alors que les milieux à végétation arbustive et/ou herbacée concernent 44 % (un peu moins de 400 000 ha), et les forêts59 30 % (de l'ordre de 250 000 ha) de la surface de l'île (8 680 km²). Le terme de maquis désigne des formations végétales arbustives plus ou moins élevées, dont la hauteur peut varier de 0,5 à 7 mètres selon le stade de dégradation 60, dont la surface est très importante aux étages thermo et méso 61 méditerranéen, plus réduite à l'étage supra méditerranéen. Lors de ses entretiens en Corse, la mission a pu constater simultanément l'attachement très fort, identitaire, aux paysages de maquis, et en même temps de l'association souvent faite du maquis à un révélateur d'un abandon des usages, de la désertification et d'une dynamique envahissante et inquiétante. Néanmoins, globalement, la préoccupation sur l'évolution des paysages en cas de problème sanitaire grave sur le maquis est bien réelle, et mérite d'être considérée comme un élément qui compte dans la crise à propos de X. fastidiosa en Corse.
58 La base Shiny au 14 juin 2018 indique que 33 % de Calicotome villosa prélevés ont été analysés positifs ainsi que les Cistus monspeliensis (10 %) et la Lavandua sp. (12 %). 59 Pour l'IGN, établissement public chargé de l'inventaire forestier, la définition de la forêt est un terrain de superficie au moins égale à 50 ares où croissent des végétaux ligneux dépassant 5 mètres de hauteur à maturité in situ et de couvert supérieur à 10 %. 60 Les maquis peuvent connaître des dynamiques progressives ou régressives. Dans la forme la plus dégradée, le maquis peut n'être composé pratiquement que de cistes de Montpellier. Dans sa forme la plus évoluée, proche de la forêt, il est dominé par l'arbousier, la bruyère arborescente et le chêne vert. 61 L'étage méso-méditerranéen a plusieurs frontières en Corse mais s'étend fréquemment jusqu'à 700 mètres d'altitude aux ubacs et 1 000 mètres d'altitude aux adrets. En bord de mer, cet étage est présent sur quelques endroits et est régi par les gelées hivernales : lorsque les gelées hivernales sont absentes, on parle de l'étage thermo-méditerranéen ; sur les zones où le thermoméditerranéen n'a pas pu s'implanter et les gelées sont présentes, on parle alors de l'étage méso-méditerranéen. Dans ces conditions le méso-méditerranéen commencera autour de 150 mètres d'altitude. La végétation retrouvée est un maquis composé de cistaies, de forêts de caducifoliées, de forêts sclérophylles ou encore de fruticées naines. La différence entre l'étage thermoméditerranéen et l'étage méso-méditerranéen est visible au niveau floristique par la disparition de végétaux très thermophiles.
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La mission a pu constater visuellement que le paysage peut être, à plusieurs endroits, nettement marqué par un maquis rougissant et par des dépérissements, mortalités de branches, des mortalités de végétaux ligneux, voire plus ponctuellement d'arbres, notamment dans des sites où la présence ponctuelle de X. fastidiosa a été démontrée par des analyses officielles. Le paysage est un élément important du patrimoine corse, dont la valeur économique via le tourisme est importante. À l'exception de la plaine orientale, le paysage est par ailleurs marqué par l'intrication forte entre les cultures et le maquis, offrant de fait une interface importante pour les « échanges » d'insectes et la facilitation du passage de la bactérie de la végétation naturelle aux cultures, et réciproquement. Dans certaines zones où le maquis s'est fortement rapproché des habitations, la proximité entre les jardins et la végétation du maquis est également à souligner. Pour la mission, le maquis fait intrinsèquement partie de la problématique du dossier X. fastidiosa en Corse. Il n'est pas possible de cloisonner les approches en estimant que, nonobstant la question des plantes ornementales, il y aurait un volet agricole du problème, et parallèlement un volet « maquis et forêt » qu'il serait possible de gérer indépendamment. La décision de décembre 2017 de placer l'ensemble de la Corse en stratégie d'enrayement conduit nécessairement à estimer qu'il faut « vivre avec la bactérie » et que le maquis est une donnée incontournable, indispensable à prendre en compte. En matière de biodiversité, la Corse a des particularités écologiques d'autant plus importantes qu'elle est une île. De nombreuses espèces y sont endémiques. Et l'introduction de nouveaux agents pathogènes et d'espèces exotiques envahissantes est un problème particulièrement aigu, dès lors que ces introductions peuvent menacer, de manière avérée ou potentielle, des espèces endémiques rares, et même très rares. Dès lors que les espèces hôtes de la réglementation européenne (pour la sous-espèce multiplex) concernaient en juillet 2017 24 espèces structurantes des végétations indigènes, le Conservatoire botanique de Corse (CBN62) de Corse identifiait en août 2017 environ 557 000 ha de formations végétales naturelles ou subnaturelles potentiellement concernées par la présence de X. fastidiosa subsp. multiplex en Corse, soit environ 63 % du territoire insulaire63. Selon ce travail, disponible auprès du CBN, « parmi les 62 Habitats Natura 2000 présents en Corse, 24 habitats dont 4 habitats prioritaires sont potentiellement touchés. Au-delà de la qualité fortement patrimoniale de ces habitats, cela représente, comme le montre la carte, une superficie d'environ 49 268 ha d'habitats N 2000 potentiellement concernés soit 39 % des sites (126 270 ha) Natura 2000, dont 9 809 ha (20 %) sont des habitats prioritaires. » (citation). Pour les seuls sites naturels emblématiques du Parc marin international des Bouches de Bonifaccio (partie terrestre
62 Un conservatoire botanique national, abrégé par le sigle CBN, est un conservatoire botanique français agréé par le ministère chargé de la protection de la nature pour une zone géographique donnée. Cet agrément a été rendu possible en 1988. Les organismes ainsi agréés ont un caractère scientifique et sont spécialisés dans la connaissance et la conservation des plantes sauvages menacées sur le territoire national. En 2004, leurs missions ont été étendues officiellement à la connaissance de l'ensemble de la flore sauvage et des habitats naturels, ainsi qu'à la conservation des habitats naturels. Ils sont regroupés par la Fédération des conservatoires botaniques nationaux. Depuis, le 1er janvier 2017, la coordination technique des CBN est assurée par la nouvelle Agence française pour la biodiversité. Le Conservatoire botanique national de Corse est un service de l'Office de l'environnement de la Corse (OEC), agréé en 2008. 63 Cela ne signifie nullement que, même dans le cas d'une mortalité massive des végétaux sensibles à la bactérie, on aboutirait à un « désert », mais que les associations végétales qui caractérisent la végétation naturelle et subnaturelle en Corse évolueraient dans un sens que l'on ne sait anticiper que très marginalement, mais avec des effets potentiels forts sur certains paysages et sur l'état de conservation des habitats naturels d'intérêt communautaire et de certaines espèces qui ont justifié la désignation de sites Natura 2000 ou d'aires protégées en droit national.
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de la Réserve naturelle de Corse) et du site du patrimoine mondial de l'humanité de PortoScandola (reconnaissance par l'UNESCO, mais également classé en Réserve naturelle de Corse), à partir de la cartographie fine des formations végétales de ces deux sites, le premier pourrait être potentiellement concerné pour 82 % de sa surface terrestre, et le second à hauteur de 75 %.
4.2. Propositions de la mission pour la surveillance des milieux naturels et subnaturels en Corse
Le BOP 206 qui finance la surveillance de X. fastidiosa est intitulé de manière limitative « Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation ». La mission constate aussi la compétence de la DGAl pour gérer l'ensemble de la mise en oeuvre opérationnelle des décisions communautaires concernant cette bactérie. Le présent dossier décloisonne nettement l'approche agricole et l'approche forestière, mais aussi celle qui concerne le maquis, qui ne peut pas rester dans le « non-dit ». La gestion par la DGAl du dossier X. fastidiosa en Corse devrait, pour la mission, prendre en compte une approche intégrée, clairement assumée et reposant explicitement sur la solidarité des gestions sanitaire du maquis et des cultures, selon la logique « One health » promue au niveau international, tout particulièrement par la FAO, même si le concept a surtout été approfondi dans le secteur médical et vétérinaire. À la lumière des analyses prenant en compte le facteur climatique, figurant en annexe, la mission constate les spécificités des années 2014, 2015 et 2016 (notamment en termes de chaleur, et pour 2015 également en termes de pluviométrie) et plus encore le caractère exceptionnel de l'année 2017 au regard du stress climatique pour la végétation (seulement comparable à 1970 au cours des 57 dernières années) en Corse. Dès lors, la mission considère qu'il n'est pas possible de chercher à évaluer une responsabilité de la bactérie dans les rougissements et dépérissements identifiés dans le maquis, sans devoir prendre en compte le climat, tout en gardant en mémoire que les travaux de Samuel Soubeyrand64 (INRA) montrent une bonne corrélation entre le stress hydrique et la probabilité de trouver Xylella fastidiosa subsp. multiplex dans les prélèvements effectués. L'appréciation de la résilience du maquis confronté à la fois à un stress hydrique particulièrement intense, à la répétition des stress hydriques et à la présence de la bactérie (au moins sur certaines espèces structurantes du maquis) est un enjeu fort. À la lumière de l'état des connaissances figurant en annexe, la mission ne peut exclure que la présence de la sous-espèce multiplex, bien présente dans les milieux forestiers nord-américains où elle ne cause pas de dégâts significatifs compte tenu probablement d'une longue coévolution, puisse, le cas échéant, devenir un problème préoccupant pour certains écosystèmes « forestiers » européens, et donc potentiellement pour le maquis corse et certaines forêts de chênes. Dans l'état de ce que la mission apprécie comme raisonnable et « faisable », elle considère :
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qu'il n'est pas envisageable de chercher à développer une surveillance générale du maquis à prétention de représentativité, compte tenu notamment des difficultés d'accès à nombreuses zones et des moyens qu'il est raisonnable d'y consacrer, notamment en situation d'enrayement ;
64 Voir annexe n°7 sur les constats et l'état des connaissances.
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que la multiplication des nouveaux points de surveillance avec prélèvements (hors suivi des foyers historiques) dans le maquis ou les forêts n'apportera qu'une aide limitée pour comprendre ce qui se passe et fonder une action, mais qu'un suivi organisé d'un échantillonnage représentatif des peuplements de chêne verts qui connaissent des difficultés serait opportun, sous l'égide du DSF ; qu'il est néanmoins possible de formaliser une surveillance programmée ciblée visant à la fois les formations forestières et le maquis, après négociation entre le DSF, l'ONF, le CRPF et la FREDON, en traitant selon des modalités différentes les zones d'imbrication entre cultures et maquis, et les vastes zones de forêt ou de maquis, en adaptant l'ambition aux moyens disponibles ; qu'il convient par ailleurs d'identifier formellement les « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière » dans le maquis pour lesquels une surveillance particulière est obligatoire, en prenant en compte notamment les arbres remarquables, les sites Natura 2000, les réserves naturelles de Corse et les sites classés à forte dimension paysagère, mais sans chercher à tout couvrir. Dans le contexte corse, il semble raisonnable de cibler la surveillance65 sur les parties accessibles de l'intérieur de ces sites, sans s'arrêter à la lettre de la décision d'exécution du 14 décembre qui vise une surveillance autour de ces sites. En effet la décision communautaire du 14 décembre 2017 vise à détecter précocement une contamination encore extérieure au site, reflétant ainsi une approche valide pour les zones récemment contaminées qui n'est pas pertinente pour la Corse66 ; qu'il est prioritaire de mettre par ailleurs en place un dispositif d'observation d'un nombre limité (dix ?) de sites choisis de manière concertée entre CBN, ONF, CRPF, DSF, FREDON, et le cas échéant chercheurs intéressés, pour apprécier sur au moins dix ans la résilience du maquis et des formations forestières à chêne vert, et tenter d'identifier les facteurs prédisposants, déclenchants et aggravants mettant en cause les interactions entre le climat, le stress hydrique et la présence de la bactérie. les choix soient vraiment partagés entre les organismes concernés, et validés par la DREAL et la DRAAF, après avis du conseil scientifique du CBN et du conseil scientifique X. fastidiosa mis en place auprès du préfet (Cf. supra la partie Gouvernance) ; la priorité soit donnée à des sites entre 10 et 500 ha, (traversés par un chemin, une piste DFCI ou un sentier pour accéder à des placettes de suivi), allant du bord de mer à 600 m d'altitude, en explorant la diversité des formes dynamiques et régressives des formations végétales à chêne vert, avec une attention particulière au ciste ;
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Concernant ce dernier dispositif d'observation, il semble impératif que :
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65 Dans ce contexte, il sera nécessaire d'arracher les spécimens reconnus comme contaminés, et de respecter les règles communautaires imposant l'usage préalable d'insecticides. La mission est consciente du fait que les insecticides autorisés sont susceptibles de causer des dommages à la biodiversité (les insecticides compatibles avec l'agriculture biologique étant réputés peu efficaces sur P. spumarius) et qu'il sera nécessaire d'obtenir à cet effet une dérogation temporaire, faute d'homologation pour un usage dans le maquis. Les échanges de la mission avec la Commission européenne ne laissent aucun doute sur l'obligation communautaire afférente, en pleine conscience du fait que les dommages ponctuels afférents à la biodiversité seront probablement moins forts que les dommages que causeraient des mortalités significatives imputables à X. fastidiosa sur des écosystèmes naturels ou des espèces patrimoniales. 66 La mission a eu l'occasion de présenter et d'argumenter cet écart envisagé à la lettre de la décision d'exécution, lors de son rendez-vous du 12 juin à la DG Santé ; elle a compris que, dans ce domaine, la situation corse peut effectivement justifier des adaptations.
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l'effort de description du milieu et des végétaux (notamment tous ceux qui ont été reconnus comme espèces hôtes en Corse), et de surveillance à différentes échelles (y compris par utilisation de drones) soit calibré en fonction des moyens à coup sûr mobilisables pendant au moins dix ans ; les méthodologies de suivi aux différentes échelles soient discutées avec le conseil scientifique du CBN et les experts de l'INRA qui suivent les placettes permanentes en forêt.
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Dans l'esprit de la mission il ne s'agit pas d'envisager un dispositif aussi lourd que les placettes RENECOFOR67, mais de combiner une capacité d'intégrer dans le temps des observations plus fines, y compris en termes de présence de la bactérie (via les analyses), et des observations à échelle de dizaine ou centaine d'hectares où les facteurs climatiques et les déterminants d'un stress hydrique peuvent être analysés selon un gradient. La mission recommande de confier cette responsabilité conjointement au DSF et au CBN qui doivent recevoir à cette fin des assurances en matière de continuité des moyens mis à leur disposition (crédits et possibilité de recourir à des CDD). Nota : compte tenu de ce que la mission a entendu sur le sujet, le suivi sanitaire du chêne liège en Corse semble relever d'approches plus classiques et déjà largement existantes sous l'égide du département de la santé des forêts, dans le cadre d'un réseau qui concerne toute la zone méditerranéenne de présence du chêne liège et explore également les techniques de remise en exploitation de la suberaie. Par ailleurs les projets de relance de l'exploitation du chêne vert pour le bois de chauffe rend opportun de s'interroger sur les possibles effets collatéraux de modes d'exploitation qui favoriseraient le développement du ciste dans une première phase. Le projet affiché par certains partenaires forestiers corses de réfléchir à la formalisation de bonnes pratiques sylvicoles mérite d'être encouragé. La mission identifie les pistes de réflexion suivantes :
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clarifier l'organisation de la surveillance du maquis et les moyens à y consacrer, à la fois pour ce qui concerne l'intervention structurée du DSF (avec la collaboration active de l'ONF et du CRPF) et pour les prélèvements par la FREDON ; d'identifier formellement avec la collaboration du CBN et de la FREDON, les « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière » dans le maquis pour lesquels une surveillance particulière est obligatoire, en prenant en compte notamment les sites Natura 2000 et les réserves naturelles de Corse, mais sans chercher à tout couvrir ; confier au groupe de travail Forêt du CROPSAV, élargi au CBN et à la FREDON, le soin de proposer dix sites de suivi du maquis pendant dix ans, selon les principes énoncés précédemment ;
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67 RENECOFOR est le REseau National de suivi à long terme des ECOsystèmes FORestiers, créé par l'Office national des forêts (ONF), dans un contexte communautaire qui implique 34 pays européens qui ont de tels réseaux. Il vise l'observation et le suivi de 102 sites permanents. Le suivi est prévu sur au moins 30 ans (de 1992 à 2022). Chaque parcelle fait l'objet d'un protocole standardisé de mesures périodiques (2à 3 fois par an, tous les ans, ou tous les 5 ou 10 ans selon les cas) de plusieurs dizaines de paramètres.
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confier au groupe de travail Forêt du CROPSAV, élargi au CBN et à la FREDON, le soin d'élaborer un guide des bonnes pratiques sylvicoles en matière d'exploitation des formations végétales dominées par le chêne vert, eu égard notamment à la dynamique du ciste.
Nota : la mission a par ailleurs analysé (cf. annexe n° 11) la proposition parfois soulevée de faire appel au code de l'environnement pour gérer le contexte susceptible d'influencer l'état des milieux naturels et subnaturels au regard de Xylella fastidiosa. D'une manière générale, la mission estime peu solide juridiquement la possibilité de se servir du code de l'environnement pour apporter une réponse à un problème relevant clairement du code rural, même dans l'objectif de protéger des habitats naturels ou des espèces sauvages du maquis.
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5. PRATIQUES AGRICOLES
Aussi bien dans le cadre des mesures d'éradication que des mesures d'enrayement, la réglementation précise que l'État membre doit appliquer des pratiques agricoles adaptées pour la gestion de la bactérie et de ses vecteurs. En effet, compte tenu de l'interaction entre la bactérie, le vecteur et la plante dans un environnement donné, ces pratiques visent à agir sur l'environnement pour réduire les populations bactériennes et vectorielles ainsi que sur la sélection végétale. La décision d'exécution 2015/789 de la Commission du 18 mai 2015 précise, en effet, dans son article 7-paragraphe 6 concernant les mesures d'enrayement que « l'État membre concerné applique des pratiques agricoles adaptées pour la gestion de l'organisme spécifié et de ses vecteurs ». La décision d'exécution 2017/2352 de la Commission du 14 décembre 2017 indique, dans son point 4, modifiant l'article 5 de la décision 2015/789, que par dérogation en zone d'enrayement l'État membre peut autoriser la plantation de végétaux hôtes dans les zones infectées de la zone délimité mais pas dans la zone tampon des 20 km visée à l'article 768. Il est précisé que, lorsque l'État membre accorde ces autorisations, « il privilégie les végétaux hôtes appartenant à des variétés pour lesquelles une évaluation a montré qu'elles tolèrent l'organisme spécifié ou sont résistantes à celui-ci ». La mission a constaté des écarts importants dans la mise en oeuvre des décisions d'exécution au cours des visites qu'elle a effectuées en Corse, aux Baléares et dans les Pouilles.
5.1. En Corse et au niveau national
En Corse, les végétaux hôtes cultivés en zones agricoles et sensibles à Xylella fastidiosa subsp multiplex sont l'amandier (Prunus dulcis), l'olivier (Olea europaea), le prunier (Prunus domestica), l'immortelle d'Italie (Helichrysum italicum), le romarin (Rosmanirus officinalis). Les végétaux hôtes, cultivés en zones agricoles sensibles à d'autres sous-espèces que multiplex sont le cerisier (Prunus avium) et la vigne (Vitis vinifera). Le clémentinier (Citrus clementina) et le pomelo (Citrus maxima), qui sont des productions importantes en Corse, ne sont pas inscrites dans la liste des végétaux hôtes. Les végétaux d'ornement sensibles à Xylella fastidiosa sbsp multiplex sont nombreux aussi . Pour n'en citer que quelques-uns : le polygale à feuille de myrte (Polygala myrtifolia), la lavande (Lavandula sp), le laurier-rose69 (Nerium oleander) et le géranium (Pelargonium sp). Parmi ces végétaux hôtes, certains prélèvements ont été trouvés positifs à la méthode officielle. Au 05/06/2018, ont été analysés positifs 2 échantillons sur 159 d'amandier (Prunus dulcis)70, 87 échantillons sur 661 d'immortelle d'Italie (Helichrysum italicum), 2 échantillons sur 574 de romarin (Rosmanirus officinalis), 13 échantillons sur 151 de géranium (Pelargonium sp.), 21 échantillons positifs sur 167 de lavande (Lavandula sp), 489 positifs sur 1913 de polygale (Polygala myrtifolia).
68 Cette disposition concernant la zone tampon ne s'applique pas à la Corse puisqu'elle n'en possède pas. 69 Nonobstant le laurier rose indigène en Corse, espèce protégée qu'on trouve le long de certains cours d'eau. 70 Il s'agit de prélèvement sur un même arbre dans un jardin peu entretenu.
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5.1.1.
Concernant la réflexion sur les pratiques culturales des végétaux hôtes cultivés en zone agricole
À l'échelle de la parcelle, au sens de la gestion du sol, de l'eau, des vecteurs, du couvert végétal qui héberge les vecteurs à un stade de leur développement, et de la pratique de la taille, la mission a constaté une faible mobilisation des acteurs professionnels en Corse. La chambre régionale d'agriculture, les chambres départementales d'agriculture de Haute-Corse et de Corse du Sud ne conduisent pour l'instant aucun travail sur ce sujet au regard du risque de Xylella. Des travaux ont été initiés par l'INRA de Corte en septembre 2017, en collaboration étroite avec le CBN de Corse, avec des financements de l'Office de l'environnement de Corse (OEC) et de la délégation régionale à la recherche et à la technologie (DRRT) concernant l'analyse écoépidémiologique des relations plantes -insectes vecteurs. Comme indiqué dans la partie « État des connaissances », la DRAAF ne fait pour l'instant pas partie du comité de pilotage. La mission considère que cette situation est regrettable et recommande sa participation. Sa présence permettrait de mieux articuler trois temps très complémentaires : la gestion de crise, l'acquisition de connaissances pour mieux comprendre, la mise en oeuvre concrète de la stratégie d'enrayement. Le SRAL, dans la définition de la stratégie de surveillance en date du 10 novembre 2017, évoque un certain nombre de pratiques agricoles favorables pouvant contribuer à gérer et à limiter le risque de diffusion de Xylella fastidiosa : · suivi attentif et régulier de l'état sanitaire des végétaux cultivés, réalisé par les professionnels et les techniciens compétents, permettant une détection précoce de symptômes évocateurs de la maladie ; · taille ou récolte annuelle des végétaux visant à réduire la masse de végétation peu lignifiée, attractive pour les insectes vecteurs. Toute branche avec des symptômes douteux doit être éliminée rapidement afin d'éviter la diffusion de la bactérie dans la plante ; · privilégier le développement de végétaux non hôtes autour des parcelles agricoles, ce qui permet de créer un système de barrière végétale freinant la diffusion dans des parcelles dont la taille moyenne est assez petite. A contrario la présence de cistes de Montpellier, sur lesquels les nymphes de Philaenus spumarius semblent se développer préférentiellement en Corse, est à éviter71 ; · traçabilité de la production à partir de plants certifiés sains qui ont été élevés en zone indemne ou dans des conditions de protection anti-vectorielle ; · surveillance des insectes vecteurs et traitements adaptés le cas échéant. Le dernier CROPSAV en date du 25 janvier 2018 a consacré une partie de la présentation à cette thématique des pratiques agricoles, la DRAAF appelant de ses voeux « la poursuite des réflexions à court et moyen terme par les professionnels des filières »72. La réflexion des professionnels nécessite que ceux-ci soient nourris des résultats de la recherche, deviennent des acteurs éclairés de la mise en oeuvre de la stratégie d'enrayement. La DRAAF, les chambres consulaires et l'association de recherche et d'expérimentation sur les fruits et légumes en Corse (AREFLEC) devraient d'être informées rapidement des premiers résultats des travaux menés par l'INRA.
71 À noter que cette proposition est contestée par le SIDOC. 72 Voir diaporama « Présentation SRAL Xylella » sur le site de la DRAAF Corse.
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La mission identifie la piste de travail : mettre en place, rapidement, filière par filière, des groupes de travail nourris des premiers résultats de recherche, réfléchissant à la mise en oeuvre de bonnes pratiques culturales et engageant avec les techniciens des filières des expérimentations terrain. Au niveau national, partant du constat de la faiblesse de la recherche appliquée concernant les pratiques prophylactiques, le chef du département Santé des plantes et environnement à l'INRA et président du conseil scientifique et technique de l'institut français de la vigne et du vin (IFV) a initié en février 2018 une réunion associant les agronomes et les écologues de son département ainsi que les partenaires du monde de la vigne. Son ambition est d'initier des programmes de recherche appliquée concernant les pratiques agricoles dans la parcelle en lien avec les écosystèmes environnants. La mission identifie la piste de travail pour la DGAl : veiller à ce qu'un de ces programmes associe les acteurs corses et qu'une partie des travaux porte sur la prise en compte des interactions entre les cultures et les écosystèmes naturels et subnaturels corses.
5.1.2.
Concernant les tests variétaux des végétaux hôtes cultivés en zone agricole
L'INRA de Corte, dans le cadre du dispositif conçu en août 2015 suite à la visite du ministre S. Le Foll, conduit des tests de sensibilité de certains végétaux cultivés en lien avec l'INRA d'Angers qui possède une serre qualifiée de S3 73, car il n'en existe pas sur le territoire corse. Trois agrumes ont été testés (2 variétés de clémentines et un pomelo) ainsi qu'un olivier (variété Sabine). Les observations ont été conduites sur 6 mois, suite à inoculation de la bactérie sur plantes saines. L'INRA d'Angers a mené cette expérimentation sur des crédits propres. La période de 6 mois est considérée par l'INRA d'Angers comme trop courte, l'idéal étant de mener les observations sur une période de un à deux ans (cf. annexe n°7). Les prélèvements ont fait l'objet d'analyses selon la méthode INRA. Les résultats de cette expérimentation n'ont été présentées ni à la DRAAF, ni au CROPSAV. Les tests doivent être menés sur l'ensemble des végétaux hôtes cultivés en zone agricole et sensibles à Xylella fastidiosa subsp. multiplex, et ce sans tarder. Mais il n'est pas inutile, en lien étroit avec les filières, de se poser la question de tester la résistance de variétés de végétaux hôtes cultivés sensibles à d'autres sous-espèces. Enfin, la Commission européenne interrogée par la mission sur la situation des « Agrumes du soleil », entreprise confrontée aux exigences de la réglementation concernant les mouvements des plants de citrus qu'elle expédie sur le continent mentionne la nécessité de prouver la résistance à Xf. suite à inoculation « pendant au moins deux ans ». Cela pose la question à la fois de l'investissement dans une serre en Corse, capable d'accueillir ces tests et de la structure capable de les mener (INRA ? AREFLEC ?).
73 Les serres sont classées en 4 catégories (de S1à S4) en fonction de leur niveau de protection évalué sur une liste de critères nombreux (matériaux de construction, nature du sol, aération, abords, système de vide de paillasse, douche, signalisation du risque pour l'environnement, destruction des plantes, accès, vêtements, effluents, registre pour les expériences).
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La mission identifie les pistes de travail suivantes :
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poursuivre et élargir les tests variétaux, initiés par l'INRA en serre S3, sur une durée d'au moins deux ans ; examiner la possibilité d'une installation conséquente en Corse pour faire des tests de résistance et tolérance par inoculation de Xf., en faisant attention :
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au respect des exigences de confinement imposées par la directive 2008/61/CE ; à l'acceptabilité pour les producteurs proches d'une telle installation où Xf. est manipulée (cf. le contentieux de la sharka des Prunus avec l'INRA).
L'ODARC privilégie systématiquement, lors de l'attribution de ses financements, les filières de production corse sans, jusqu'à présent, avoir pour autant initié une recherche sur la résistance variétale des variétés corses. Les travaux menés devraient permettre ainsi à l'ODARC d'affiner sa stratégie d'attributions de financements en privilégiant certaines variétés, végétal hôte par végétal hôte. L'attention de la mission a été attirée à plusieurs reprises par de nombreux acteurs sur la situation des producteurs d'immortelle. L'immortelle est le végétal majeur de la filière plantes aromatiques et médicinales (PPAM) en Corse. La situation et les caractéristiques géographiques confèrent à la Corse des sites exceptionnels pour la culture de l'immortelle et des caractéristiques particulières à l'essence74 qui en est extraite75. Ces éléments expliquent le dynamisme et la notoriété de cette filière. Malgré les efforts consentis par les professionnels de la filière durant les 20 années écoulées, le volume de production d'huile est encore loin de satisfaire la demande. Soutenue par les partenaires dans le cadre des contrats de plan État/Région pour accroître la production insulaire en favorisant la mise en culture de PPAM, la filière poursuit sa dynamique d'extension avec actuellement une cinquantaine d'hectares nouveaux plantés par an et l'installation de jeunes agriculteurs. Cependant, de nombreux acteurs, notamment les chambres d'agriculture et le CDJA, ont fait part à la mission de leurs interrogations quant à l'accompagnement des jeunes dans des projets d'installation. La mission est d'avis que cette politique d'installation peut se poursuivre si un plan de surveillance spécifique des plantations est mis en place en lien avec la profession. Les producteurs de PPAM de Corse sont impliqués dans la protection de leurs productions et mettent en place des pratiques garantissant un risque minimal selon la DRAAF :
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production des plants en Corse à partir de graines (absence de risque de la transmission de Xylella fastidiosa) ; suivi visuel pluriannuel des cultures de PPAM afin de s'assurer d'une productivité intéressante ; les productions sont pesées et répertoriées garantissant une grande réactivité en cas de diminution de la production ; récolte annuelle permettant de régénérer les plantes limitant ainsi les risques sanitaires liés au vieillissement de l'organe végétatif ; désherbage mécanique des inter-rangs qui implique plusieurs passages dans l'année. Il permet de limiter la concurrence et les plants de PPAM sont ainsi plus résistants aux attaques de ravageurs ;
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74 L'attention de la mission a cependant été appelée sur le cas d'un pépiniériste vendant des immortelles sur le continent. 75 D'où un contrat avec un industriel de la cosmétique.
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entretien régulier des tournières (zone périmétrale de manoeuvre des tracteurs) en périphérie des parcelles permettant de créer des zones tampons autour des cultures de nature à limiter la présence de vecteurs potentiels.
Les plants d'immortelle sont effectivement aujourd'hui issus de variétés population 76. En 2007, à l'époque où Xylella fastidiosa n'avait pas encore été détectée, le conseil scientifique du CBN avait produit une analyse de risque de la mise en culture de végétaux prélevés dans la flore sauvage corse (cas de l'immortelle d'Italie). L'analyse pointait la nécessité que les plants d'espèces appartenant à la flore naturelle de Corse soient produits sur l'île à partir du matériel végétal local, le CBN s'impliquant dans les actions menées par la filière sur les sites de cueillette et sur les enjeux environnementaux liés à la mise en culture. Le CBN de Corse a travaillé depuis 2011 dans le cadre d'un appel à projet de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité, intitulé « Conservation et utilisation durables d'espèces végétales indigènes pour développer des filières locales », au développement d'une filière de production de plants d'origine locale. Ainsi, en décembre 2015, la marque « Corsica Grana » a été déposée auprès de l'Institut National de la Propriété intellectuelle. Elle permet désormais de certifier les plantes et semences produites en Corse à partir de matériel végétal issu de populations insulaires « sauvages » et d'assurer leur traçabilité. Aujourd'hui, aucune recherche appliquée sur la résistance variétale des plants issus des variétés population n'a encore été menée alors que 87 échantillons ont été analysés positifs en milieu naturel. Un focus sur l'aspect résistance variétale des immortelles semble fondamental à la mission. La filière oléicole, dès 2013, a travaillé sur la mise en place d'actions destinées à l'amélioration de la connaissance des variétés corses, la mise en valeur et la conservation de la diversité génétique du patrimoine oléicole insulaire et la production de plants corses. L'AREFLEC joue un rôle essentiel dans cette filière de production de plants corse. En effet, elle prélève le matériel végétal sur des oliviers corses et le multiplie en pépinière avant de le fournir à la filière oléicole. Les bois sont prélevés sur des oliviers analysés comme sains par l'ANSES et les plants sont produits en serres insect-proof. Mais l'AREFLEC se pose de nombreuses questions aujourd'hui sur le caractère réellement sain du matériel prélevé au regard des dépérissements d'oliviers proches de ceux considérés comme présentant un intérêt génétique et sur lesquels le matériel génétique a été prélevé. Les variétés prélevées sont-elles résistantes ? D'autres variétés le seraient-elles davantage ? À cet égard, il est à noter que, dans son bulletin de liaison du mois de juin 2018, le SIDOC annonce le gel en 2019 du programme de ventes de plants certifiés par l'AREFLEC.
76 On entend par variété de population (ou encore variété ancienne ou variété paysanne) celle que le paysan sélectionne lors de sa récolte pour constituer sa future semence. Les « variétés populations » représentent un ensemble d'individus non identiques constituant une population. Ce terme souligne leur intérêt en matière de diversité.
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5.2. Dans les Pouilles
5.2.1. Pratiques culturales à la parcelle
Les observations et la recherche appliquée conduites par les entomologistes de l'université de Bari ont conclu à la nécessité de faucher la végétation herbacée entre mars et avril pour limiter la population d'insectes vecteurs. Le gouvernement a rendu certaines pratiques obligatoires : Afin de réduire la propagation de la bactérie, « la lutte contre les insectes juvéniles par des moyens mécaniques est obligatoire dans les zones délimitées de mars au 30 avril et recommandée dans la zone indemne de la Région des Pouilles.... Le contrôle des stades de jeunesse des vecteurs est obligatoire dans les zones agricoles, extra-agricoles et urbaines, à travers le travail superficiel de la terre, le déchiquetage et l'enfouissement de la végétation spontanée. Les travaux mécaniques doivent être réalisés par les propriétaires / gestionnaires / locataires (privés ou publics) des surfaces agricoles cultivées / non cultivées, des espaces verts publics, le long des bords des routes et le long des canaux. Il convient de noter que la non-exécution des mesures phytosanitaires obligatoires implique l'application des sanctions prévues par le décret-loi n ° 214/2005 »77. Les carabiniers sont en charge de la surveillance du respect des règles à partir du 1 er mai. Les infractions sont sanctionnées financièrement (amende). De plus, les personnes en infraction ne sont plus éligibles aux subventions. Parallèlement 33 sites d'observation et de comptage des insectes ont été installés. Ces observations sont transmises aux associations de producteurs par le biais de bulletins sanitaires. Les traitements insecticides78 sont rendus obligatoires à partir d'une certaine date. Les directives pour le confinement de la diffusion de Xylella fastidiosa subsp. pauca ceppo CoDiRO79 présentent un tableau des substances actives et de leur efficacité. Une substance est considérée comme étant très efficace80. Il s'agit de l'imidaclopride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes dont l'utilisation fait l'objet de nombreuses controverses 81. Viennent ensuite deux autres substances actives : l'étofenprox, pseudo-pyréthrinoïde et la buprofezine qui appartient à la famille chimique des thiadiazines. Le guide préconise des périodes de traitement entre mai et juillet et en septembre-octobre. Cette question de traitement insecticide considérée comme un élément de bonne pratique agricole dans la lutte contre la bactérie interroge la mission dans sa mise en oeuvre (formation et habilitation des agriculteurs82, choix de l'insecticide, choix de la période la plus favorable, prise en compte de l'environnement et conditions réglementaires d'emploi pour cet usage) et dans les risques de déséquilibres entomologiques et écologiques que de tels traitements peuvent entraîner83.
77 78 79 80 81 Traduction de la plaquette « Xylella fastidiosa, sous-espèce pauca ST53- Intervention obligatoire pour la lutte contre les vecteurs ». A ce stade, aucune possibilité de lutte biologique n'existe. Publiées dès 2014. ++++ sur une échelle allant de ++ à ++++ http://presse.inra.fr/Communiques-de-presse/Declin-des-abeilles-l-effet-conjugue-pesticide-parasite-affecte-aussi-la-survie-desreines 82 Par obtention du Certiphyto. 83 Interrogée sur ce point, lors du rendez-vous du 12 juin 2018, la DG Santé a fait part à la mission de sa conviction que l'arrêt de la propagation de la maladie est bonne pour la biodiversité, et que les dispositions communautaires sont donc cohérentes avec les objectifs de la Commission concernant Natura 2000 et la préservation de la biodiversité, conduisant à assumer certains impacts ponctuels problématiques de l'utilisation des insecticides, tout en rappelant que le choix des insecticides relève de la compétence des Etats membres.
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Travail superficiel de la terre pour éliminer la végétation herbacée hébergeant les insectes vecteurs de Xylella fastidiosa (verger d'oliviers dans la zone tampon des Pouilles, Italie)
Deux vergers d'oliviers avec à droite une variété locale sensible à Xylella fastidiosa et à gauche la variété Leccino (dans la zone d'enrayement des Pouilles, Italie)
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5.2.2.
Tests de résistance variétale
Un travail est mené avec des grands professionnels oléicoles (qui autofinancent une part très significative du projet) et l'équipe de l'institut de virologie des plantes à Bari, en lien avec des équipes de recherche au Brésil. Ces tests de résistance se font en partie en plein air : la mission a observé une parcelle où des oliviers symptomatiques faisaient l'objet de greffes multiples afin d'observer leur résistance. Les premières observations montrent que la variété Leccino est plus résistante. Elles montrent aussi que les arbres âgés sont moins résistants qu'un arbre jeune, d'où une sensibilité plus importante des plantations plus âgées.
5.3. Aux Baléares
5.3.1. Pratiques culturales à la parcelle
Le service agricole du gouvernement des Baléares a publié dès mai 2017 un guide de bonnes pratiques agronomiques pour la prévention contre la bactérie Xylella fastidiosa84. Ce guide s'est largement inspiré de l'expérience des Pouilles et a vocation à être distribué à l'ensemble des agriculteurs des Baléares. Dans une première partie, le guide donne des renseignements très généraux sur les symptômes, la bactérie et les vecteurs. Dans une deuxième partie, il développe les bonnes pratiques de gestion du sol, de gestion de la fertilisation, de gestion de l'eau mais aussi de la taille et du contrôle des vecteurs aussi bien en agriculture conventionnelle qu'en agriculture biologique 85. De la même façon que dans les Pouilles, le guide développe pour chaque essence d'arbres fruitiers cultivés la liste des substances actives conseillées. On y retrouve l'imidaclopride pour les oliviers, les amandiers, les agrumes et la vigne. Parallèlement le service agricole conduit des observations de terrain sur amandier, qui ont mis en évidence des facteurs de sensibilité à Xylella fastidiosa subsp fastidiosa ST1. Parmi les facteurs : l'âge de la plantation avec une sensibilité plus importante pour des arbres de plus de 20 ans, le régime hydrique avec une sensibilité à l'absence d'irrigation, les variétés avec une sensibilité plus importante pour les variétés locales, la pratique de la culture associée avec une incidence plus forte de la maladie, l'abandon de l'entretien des parcelles. La mission a compris qu'à la différence des Pouilles, les bonnes pratiques ne sont pas rendues obligatoires dans la mesure où elles ont été diffusées avant les premiers résultats des programmes de recherche appliquée coordonnés par le service agricole du gouvernement.
84 Voir : http://www.ajesporles.net/noticies/bones-practiques-prevenir-la-xylella-fastidiosa-que-ja-amenca-la-serra 85 Le guide est consultable à l'adresse suivante : http://www.mapama.gob.es/es/agricultura/temas/sanidad-vegetal/xylella- fastidiosa/
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5.3.2.
Tests de résistance variétale
Ceux-ci sont conduits en serres « insect-proof » par le service agricole du gouvernement des Baléares à Palma de Majorque, sur un terrain situé juste à côté du laboratoire régional d'analyse des végétaux . Des observations de terrain sont aussi conduites qui permettent de classifier les variétés en trois catégories : non affectées, peu affectées et très affectées. La mission identifie les pistes de travail suivantes :
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communiquer les premiers résultats de la recherche appliquée menée aux Baléares et dans les Pouilles concernant les pratiques agricoles à la parcelle et la mise en place des premières bonnes pratiques, notamment la fauche du couvert au printemps sans attendre les résultats de la recherche appliquée qui serait initiée en Corse ; mettre en place au sein du CROPSAV d'un groupe de travail « recherche appliquée » en charge de faire émerger les thématiques de recherche appliquée, puis d'identifier les acteurs de cette recherche et les sources de financement, et de faire le suivi des expérimentations agronomiques et phytosanitaires réalisées.
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Serre insect-proof dans l'île de Majorque pour les essais en contamination artificielle destinés à identifier les variétés résistantes ou tolérantes à Xylella fastidiosa
Essais en cours dans l'île de Majorque avec des contaminations artificielles sur vigne, amandier et olivier pour identifier des variétés résistantes ou tolérantes à Xylella fastidiosa
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6. COMMUNICATION ET SENSIBILISATION
6.1. Mettre en oeuvre des campagnes de sensibilisation
Dès le mois de décembre 2015, un article 13 bis est ajouté à la décision d'exécution 2015 / 789 de la Commission du 18 mai 2015. Cet ajout consiste à demander aux États membres de « mettre à la disposition du grand public, des voyageurs, des professionnels et des transporteurs internationaux des informations sur les risques que présente l'organisme spécifié pour le territoire de l'Union européenne ». Le texte précise qu'il convient qu'ils « mettent ces informations à disposition au moyen de campagnes de sensibilisation ciblées sur les sites internet respectifs des organismes officiels responsables ou sur les sites désignés par ces organismes ».
6.2. Les États membres ont mis en place des sites internet
Que se soit en Espagne, en France ou en Italie la mission a constaté l'existence de pages internet dédiées à Xylella fastidiosa, avec une information très riche. Ces pages sont portées par les autorités nationales et par les autorités régionales comme on peut le constater dans le tableau suivant qui donne les liens pour accéder à ces pages.
Niveau national
Niveau régional
Espagne http://www.mapama.gob.es/es/agric Sur le site du ministère régional de la ultura/temas/sanidadCommunauté autonome des Baléares en charge vegetal/xylella-fastidiosa/ de l'environnement, de l'agriculture et de la pêche, on trouve un espace dédié à la bactérie : https://www.caib.es/sites/sanitatvegetal/es/inicio1542/?campa=yes France http://agriculture.gouv.fr/xylellaliens-utiles-et-documentation Le site de la DRAAF Corse a un espace dédié : http://draaf.corse.agriculture.gouv.fr/Xylellafastidiosa-en-Corse De même, la FREDON : http://www.fredoncorse.com/actions/xylella_fastidiosa.htm Italie https://www.politicheagricole.it/flex/c Le site de la Région (http://www.regione.puglia.it) m/FixedPages/Common/Search.v3. renvoie quand on cherche Xylella au site dédié : php/L/IT/s/1 http://www.emergenzaxylella.it/portal/portale_ges tione_agricoltura
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Pour information, on notera que sur le site de la Collectivité de Corse figurent deux textes sur Xylella portant l'un sur une délibération des 26 et 27 avril 2018 et l'autre sur un compte rendu de conférence de presse OEC / ODARC en date du 10 avril 2018 (https://www.isula.corsica/search/xylella/).
6.3. Les campagnes de sensibilisation prennent des formes variées, et la plus aboutie est à Majorque
Force est de constater que si les sites ont été mis en place avec beaucoup d'information, la notion de campagnes de sensibilisation ciblées prend des formes différentes. En France, depuis le dernier Salon de l'agriculture, le ministère a mis en place du matériel visuel relatif à l'interdiction d'introduire du matériel végétal en Corse. Lors de son passage en Corse du 16 au 20 avril 2018, la mission n'a pas constaté d'information diffusée dans les aéroports de Bastia et d'Ajaccio. Aux Baléares, les campagnes visent à alerter les voyageurs sur l'interdiction de sortie de végétaux. À l'aéroport de Palma de Majorque, la mission a constaté des panneaux d'information en ce sens. De plus, des bacs destinés aux déchets végétaux présentant un risque biologique sont mis à la disposition des voyageurs et des personnels chargés du contrôle. La Garde civile interrogée a informé la mission que si des végétaux étaient détectés par l'examen aux rayons X par les agents de sécurité, ils étaient appelés pour intervenir et consigner les végétaux. C'est la forme la plus aboutie de communication et de contrôle observée par la mission. Dans les Pouilles la mission n'a vu aucune information visuelle permettant aux voyageurs de savoir qu'ils entraient en zone tampon ou zone infestée le long des routes. De la même façon, elle n'a constaté aucun affichage à l'aéroport de Bari (il est vrai hors zone délimitée) concernant Xylella fastidiosa, et il lui a été dit que la situation était la même à l'aéroport de Brindisi (en zone infectée).
6.4. Piste de réflexions
La mission estime que l'information des voyageurs et des compagnies de transport terrestre et aérien de personnes devrait concerner tous les mouvements ; que ce soit à l'entrée comme à la sortie, avec des affichages dans les ports et aéroports français qui desservent la Corse. Il conviendrait aussi de demander aux autorités italiennes de faire de même dans leurs ports desservant la Corse. La mission est également d'avis qu'il conviendrait de mener des campagnes d'informations factuelles vis-à-vis des résidents en Corse. Ceci permettrait de compléter et diffuser les informations présentes sur les sites web de la DRAAF et de la FREDON. Par exemple un communiqué de presse pourrait être systématiquement publié à l'issue de chaque réunion du CROPSAV.
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Information des voyageurs dans l'aéroport de Palma (Baléares)
Élimination des végétaux sortant des Baléares dans l'aéroport de Palma : bacs pour les déchets végétaux présentant un risque biologique destinés aux voyageurs et aux personnels chargés du contrôle (Source : GOIB)
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Panneau lumineux informant les voyageurs de l'aéroport de Palma sur les végétaux interdits de sortie des Baléares en raison des risques liés à Xylella fastidiosa.
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7. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Après avoir écouté toutes les parties prenantes, que ce soit celles de la recherche, de l'administration et des milieux socio-économiques en France (sur le continent et en Corse) comme en Espagne (à Palma de Majorque) ou en Italie (dans les Pouilles), la mission a accumulé un matériel très riche. À partir de celui-ci, elle s'est efforcée de dresser un état le plus objectif possible de la situation en Corse. Forte de ce constat, et en réponse à la commande qui lui avait été faite, elle a formulé sept recommandations pour accompagner le passage d'un dispositif d'éradication de la bactérie Xylella fastidiosa en Corse à un dispositif d'enrayement, qui tienne compte de la présence ancienne dans l'île de certains ST de la sous-espèce multiplex de la bactérie. La mission souligne que le changement de cadre réglementaire est une opportunité pour toutes les parties concernées, car elle offre la possibilité de se projeter collectivement vers l'avenir en faisant sur les mesures à prendre, des choix partagés et basés sur des informations objectives. Ces mesures doivent porter en priorité sur :
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une recherche la plus ouverte à tous avec un partage le plus en amont possible de l'avancée des connaissances scientifiques (y compris sur les méthodes d'analyse) ; la mise en place de programmes de recherche appliquée répondant à des questions concrètes soulevées par la décision communautaire, et avec pour objectif ultime la capacité à produire sain dans un environnement contaminé. La mission souligne les enjeux des tests de tolérance ou de résistance à la bactérie pour des espèces cultivées en Corse, ou encore de l'identification de bonnes pratiques agricoles permettant de réduire le risque de propagation de la bactérie par les insectes vecteurs ; les méthodes d'analyse qui doivent continuer à évoluer pour améliorer l'exactitude du diagnostic et la surveillance sur tous les types de végétaux ; la production d'un plan urgence face au risque de l'introduction de nouvelles sous-espèces de Xylella fastidiosa ou de nouveaux ST de la sous-espèce multiplex. Ce plan doit s'accompagner d'un dispositif de surveillance adapté avec des cartographies pertinentes, articulant la surveillance des espaces agricoles et des espaces naturels. L'enjeu du dispositif de surveillance est de tendre vers la détection précoce des sous-espèces de Xylella fastidiosa autres que multiplex, sans obérer la poursuite de la surveillance de multiplex, notamment en milieu agricole. Ainsi le contrôle des mouvements de végétaux aux points d'entrée et de sortie (ports, aéroports et centres de tri postaux) et la surveillance de leur environnement doit permettre d'identifier le plus tôt possible l'arrivée éventuelle de nouvelles souches ou sous-espèces. L'objectif d'enrayement de l'infection causée par Xylella fastidiosa subsp. multiplex doit fonctionner en particulier à l'égard de l'éventuelle présence de la bactérie sur des végétaux cultivés en zone agricole ; l'adoption d'un arrêté de dérogation à l'interdiction de plantations de végétaux hôtes en zone infectée et d'un arrêté qui liste les sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière ; des actions de communication à l'attention des agents économiques mais aussi des voyageurs qui entrent et sortent de l'île pour les sensibiliser et les rendre acteurs, à leur niveau, de la lutte contre Xylella fastidiosa en Corse.
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Les débats préalables à l'adoption de ces mesures, conduiront les acteurs locaux, filière par filière, à définir, en amont de ces consultations, leur vision de l'avenir de l'agriculture corse et ainsi contribueront à faire émerger une vision partagée de l'évolution souhaitée. Dans cet esprit la mission a donc émis les sept recommandations suivantes qui reposent sur les pistes de réflexions présentées de façon détaillée au fil des diverses parties du rapport : R1. Mettre en place un conseil scientifique auprès du Préfet de la Corse avec une information du Comité régional d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CROPSAV) par l'INRA de San-Giuliano et le Conservatoire botanique national (CBN) de Corse ; et sans attendre 2019, organiser un séminaire de restitution scientifique en Corse. Ce conseil aura pour vocation, face à l'évolution rapide des connaissances, de permettre aux services de l'État en Corse de mieux s'appuyer sur le meilleur état des connaissances disponibles, et d'aider le Préfet à gérer la stratégie d'enrayement dans le cadre des instructions de la DGAl. En bénéficiant de l'expertise technique de l'ANSES et de la FREDON, ce conseil associera toutes les équipes de recherche travaillant en Corse, y compris le directeur du centre INRA de San-Giuliano et la directrice du CBN de Corse (qui sont membres du CROPSAV). Il sera confié à ces deux derniers la tâche d'informer régulièrement le CROPSAV sur l'actualité scientifique nationale et internationale. Pour commencer à faire le point sur le meilleur état des connaissances disponibles, il paraît pertinent d'organiser en Corse, avant la fin de l'année 2018, un séminaire d'une journée en Corse, sur la modèle de ce qui a été fait à Paris en octobre 2017, à l'attention de tous les partenaires concernés et en invitant quelques scientifiques et professionnels espagnols et italiens. R2. Mettre en place des groupes de travail pour étudier les questions techniques avant leur présentation en CROPSAV. Parmi les questions à court terme figurent l'adoption d'un arrêté de dérogation pour la Corse à l'interdiction de planter des végétaux hôtes en zone infectée par la bactérie Xylella fastidiosa, et d'un arrêté listant les sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière, ainsi que la question de la station de traitement à l'eau chaude des plants de vigne. Parmi les questions à moyen terme figure le lancement d'un programme de recherches appliquées. Il portera sur des tests de résistance et de tolérance à la sous-espèce multiplex, sur de bonnes pratiques agricoles ainsi qu'une réflexion pour anticiper « les scénarios du pire » (identification de pauca, fastidiosa, sandyi ; foyers sur cultures en parcelles agricoles) et leur gestion. Ces groupes de travail ont vocation à s'exprimer de façon pragmatique sur des questions essentielles concernant la mise en oeuvre opérationnelle de la stratégie d'enrayement. L'ambition de la mission est que la présentation de leurs conclusions en séance plénière du CROPSAV facilite la prise de décisions partagées et la réelle mise en application de celles-ci.
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La mission souligne que l'établissement de la liste des végétaux hôtes autorisés à la plantation (et donc à l'entrée sous réserve de l'arrêté préfectoral actuel) conduira chaque filière à se projeter vers l'avenir et à argumenter ses choix. Elle ajoute que cette liste pourra évoluer en fonction des résultats des essais de tolérance et de résistance qu'elle recommande de conduire. La liste des « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière » pour lesquels une surveillance particulière est obligatoire, devra prendre en compte notamment les sites Natura 2000 et les réserves naturelles de Corse, mais sans chercher à tout couvrir. Son élaboration devrait compter sur la collaboration du CBN et de la FREDON. Concernant la station de traitement à l'eau chaude des plants de vigne avant leur sortie de Corse en application de la décision d'exécution de la Commission européenne, la mission insiste pour que se mette en place le comité souhaité par le préfet de Corse avec l'Office du Développement Agricole et Rural de la Corse (ODARC), la Collectivité de Corse, les services de l'État et les représentants de la filière viticole. Dans l'identification des moyens de répondre rapidement aux besoins techniques, humains et financiers de ce projet, la mission, suggère d'examiner l'intérêt d'un traitement à l'eau chaude des plants de vigne entrant en Corse, et de prévoir des expérimentations sur l'effet du traitement à l'eau chaude des plants de production autres que la vigne et non sensibles à Xylella fastidiosa subsp. multiplex (Citrus notamment) afin de faire évoluer l'annexe III de la décision d'exécution. Sur ce thème le groupe de travail devrait être sollicité pour fournir des arguments sur la fiabilité des mesures actuelles de confinement dans le protocole d'envoi vers le continent des plants de vigne afin de justifier le maintien temporaire du dispositif dérogatoire actuel devant l'audit de la Commission européenne prévu en Corse à l'automne 2018. Concernant le programme de recherches appliquées le groupe de travail ad hoc au sein du CROPSAV devrait avoir la charge de faire émerger les thématiques de recherche appliquée, puis d'identifier les acteurs de cette recherche et les sources de financement, et de faire le suivi des expérimentations agronomiques et phytosanitaires réalisées. La mission pense que parmi ces thèmes devraient figurer (en liaison avec la rédaction de l'arrêté sur la dérogation à l'interdiction de plantation de végétaux hôtes) la poursuite et l'élargissement des tests variétaux, initiés par l'INRA en serre S3, en examinant la possibilité d'une installation en Corse pour faire ces tests de résistance et tolérance. Concernant la mise en oeuvre de bonnes pratiques culturales, la mission recommande de prendre connaissance des premiers résultats de la recherche appliquée menée aux Baléares et dans les Pouilles concernant les pratiques agricoles à la parcelle (notamment la fauche du couvert au printemps), puis d'engager en Corse des expérimentations de terrain, avec les techniciens de filières. Elle recommande également que la DGAl veille à ce qu'un programme porte sur la prise en compte des interactions entre les cultures et les écosystèmes naturels et subnaturels corses. Pour ce qui de l'élaboration d'un guide des bonnes pratiques sylvicoles en matière d'exploitation des formations végétales dominées par le chêne vert, ce travail devrait être confié au groupe de travail Forêt du CROPSAV, élargi au CBN et à la FREDON. Quant à l'exercice d'anticipation, il devrait aboutir à la rédaction d'un projet d'arrêté préfectoral visant à calibrer les dispositions à prendre aussi bien en cas de détection d'une sous-espèce
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nouvelle (a priori un rebasculement de la zone concernée en éradication au moins pour les premiers temps, prenant en compte la quasi-impossibilité de détruire dans le maquis les plantes hôtes dans un rayon de 100 mètres autour d'un foyer) qu'en cas de détection de Xylella fastidiosa sur les cultures dans des parcelles agricoles (dispositif d'indemnisation des mesures d'arrachage, mais aussi examiner la mise en place d'un dispositif inspiré de la gestion des foyers pour la flavescence dorée de la vigne et la sharka des Prunus pour une meilleure acceptabilité sociale des arrachages). R3. Pour les échantillons de végétaux contenant des inhibiteurs (en particulier les oliviers) des efforts de recherche doivent être engagés pour améliorer les performances du diagnostic. Sans attendre, le laboratoire de santé des végétaux (LSV), laboratoire national de référence, devrait utiliser la méthode CTAB (et non QuickPick) pour l'extraction de l'ADN des échantillons d'oliviers destinés à être analysés par test moléculaire. Il devrait agir ainsi non seulement pour les échantillons positifs transmis par les laboratoires agréés de première intention mais aussi sur un pourcentage, à fixer, d'échantillons trouvés négatifs ou indéterminés par ces laboratoires pour réduire le risque de faux négatifs. Le recours aux tests immunoenzymatiques (ELISA) réputés moins sensibles, ne doit pas être retenu sur les espèces végétales cultivées. Une analyse comparative de la performance et du coût des méthodes de référence existantes et du protocole utilisé dans le cadre de la recherche par l'INRA doit être réalisée rapidement. Pour le recours à la méthode CTAB et la conduite de travaux de recherche pour améliorer les performances des méthodes d'analyse sur des végétaux contenant des inhibiteurs, la recommandation repose sur ce que la mission a lu dans la littérature scientifique. Pour le test de confirmation, visant à réduire le risque de faux négatifs, la recommandation s'inspire de ce que la mission a vu en Espagne. Concernant la décision déjà prise par la DGAl de recourir à un test non moléculaire en première analyse (test ELISA) en Corse, la mission est d'avis, pour des raisons de bonne compréhension par les acteurs corses de ce qui est recherché par une telle décision, qu'il est important de limiter le champ de son application à des plantes sans enjeu agricole (à cet égard il conviendrait de ne pas l'utiliser sur les immortelles cultivées) et de l'accompagner d'un plan de renforcement de la surveillance par test moléculaire visant à détecter sans délai l'éventuelle présence des sousespèces fastidiosa et pauca dans le vignoble et l'arboriculture corse (notamment agrumes, amandiers, oliviers). D'une autre nature, mais tout aussi importante, est l'attention que le LSV devra porter à la qualité des réactifs achetés par les laboratoires agréés pour s'assurer qu'ils proviennent d'un même lot et que ce lot est testé préalablement par ses soins avant son utilisation, afin d'avoir des conditions de travail optimales et reproductibles entre laboratoires officiels.
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Face à la situation qui voit coexister deux entités différentes 86, l'une pour mener des missions de laboratoire national de référence (l'ANSES) et l'autre pour mener des missions de recherche (l'INRA), la mission recommande, pour éviter les mises en tension par des tiers, qu'un dialogue structuré soit mis en place sous l'égide de la DGAl entre ces deux institutions, ce qui n'est pas suffisamment le cas aujourd'hui, en associant les directions scientifiques et en créant un programme conjoint d'amélioration de la performance des protocoles. Par ailleurs, la mission prend acte de la volonté exprimée par la Commission européenne devant les missionnaires de désigner un laboratoire communautaire de référence, afin de réduire rapidement mais progressivement l'éventail de performance des méthodes de détection actuellement utilisées par les États membres, dans le cadre d'une vision stratégique à laquelle la France doit apporter son plein concours. R4. Nonobstant la poursuite d'une surveillance de la sous-espèce multiplex, dans le cadre de la stratégie d'enrayement, orienter le dispositif de surveillance du territoire vers la détection précoce des sous-espèces de Xylella fastidiosa autres que multiplex, et vers une articulation entre la surveillance des espaces agricoles et naturels. Matérialiser cette évolution par une instruction technique spécifique de la DGAl pour la zone d'enrayement. L'instruction doit maintenir le principe du plan de surveillance annuel avec notamment la surveillance obligatoire par les services officiels des sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière, une fois que ceux-ci auront été identifiés, et prévoir spécifiquement la surveillance de l'environnement des pépinières d'immortelles. Par rapport au risque de l'arrivée éventuelle des sous-espèces pauca, fastidiosa ou sandyi, la mission demande, pour une détection précoce, de développer la surveillance : · dans les abords des ports et aéroports, voire des centres de tri postaux ; · dans les secteurs où la recherche viendrait à évoquer des suspicions d'autres sousespèces, sur les plantes hôtes87 de pauca et fastidiosa ; · dans les zones jugées à risque selon les travaux de l'INRA de simulation du risque par sous-espèce, · en faisant des tests d'identification des sous-espèces véhiculées par les insectes vecteurs, considérés comme des sentinelles, lorsque cette méthode pourra être employée en routine. Concernant le maquis, l'instruction pourrait confier au groupe de travail Forêt du CROPSAV, élargi au CBN et à la FREDON, le soin de proposer dix sites de suivi du maquis pendant dix ans. Dans ce contexte la mission recommande de clarifier l'organisation de la surveillance du maquis et les moyens à y consacrer, à la fois pour ce qui concerne l'intervention structurée du DSF (avec la collaboration active de l'ONF et du CRPF) et pour les prélèvements par la FREDON.
86 Cette situation n'existe pas en Espagne ni en Italie où la mission d'identification officielle des sous-espèces de Xylella fastidiosa détectée par le laboratoire national de référence a été confiée à des organismes de recherche qui travaillent sur cette bactérie, ce qui les oblige à se confronter aux protocoles des tests officiels. 87 La réglementation communautaire ne publie que des listes de plantes hôtes sur les sous-espèces fastidiosa, multiplex et pauca.
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R5. Renforcer la mise en oeuvre pratique des inspections des mouvements de végétaux à l'entrée et à la sortie de Corse : - développer la collaboration avec les services douaniers portuaires et aéroportuaires, y compris dans les centres de tri postaux ; - créer dans les ports des installations conformes aux bonnes pratiques d'inspection. Concernant le renforcement de la collaboration avec les personnels de contrôle des voyageurs dans les aéroports, et le développement de l'information des voyageurs, la mission suggère de s'inspirer de ce que fait l'aéroport de Palma de Majorque. Elle recommande aussi d'améliorer les conditions de réalisation des contrôles par les inspecteurs dans les ports : en collaboration avec les autorités portuaires et en vue de fluidifier les flux de véhicules tout en garantissant la sécurité et l'efficacité des agents, il est nécessaire de créer des installations conformes aux bonnes pratiques d'inspection, sur la base du cahier des charges d'un poste d'inspection sur les mouvements de végétaux.
R6. Pour permettre une certaine maîtrise des risques et anticiper une probable démarche contentieuse de la Commission européenne demandant l'abrogation de l'arrêté préfectoral du 30 avril 2015 sur les entrées de végétaux, tirer profit de l'obligation de prendre un arrêté préfectoral de mise en oeuvre des dérogations à l'interdiction de plantation de plantes hôtes prévues à l'article 5 de la décision d'exécution 2015/789. Concernant l'arrêté préfectoral, qui fonde la base juridique des inspections sur les entrées de végétaux, la mission considère que procéder à son adaptation alors que la Commission européenne vient d'écrire à la DGAl, en date du 22 mai 2018, pour demander une seconde fois son abrogation mettrait inutilement la France en situation délicate, sans pour autant permettre de résoudre tous les problèmes pratiques d'ores et déjà identifiés dans la mise en oeuvre opérationnelle du dispositif, notamment au regard des analyses de risque et de la lourdeur administrative. Elle estime qu'il vaut mieux, dans le contexte qui prévaut en Corse depuis 2015 et malgré la charge de travail que la gestion des demandes de dérogation fait peser sur les DDCSPP, attendre que la finalisation d'un projet, négocié avec les socio-professionnels et les experts, d'arrêté portant dérogation à l'interdiction de plantation de végétaux hôtes en Corse permette d'apprécier l'opérationnalité d'un dispositif plus conforme au droit communautaire et d'identifier les risques pour lesquels une solution opérationnelle ne peut être trouvée dans ce cadre. En effet la mission estime, que l'adoption et la mise en oeuvre de l'arrêté de dérogation à l'interdiction de plantation de végétaux hôtes en Corse, qu'elle recommande de prendre en application de l'article 5 de la décision d'exécution communautaire, devrait a priori permettre de facto, et sans attendre, de tester un autre dispositif de gestion des entrées de végétaux sensibles dans l'île.
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R7. Renforcer les actions d'information pour que les voyageurs soient sensibilisés à la question des risques phytosanitaires liés aux mouvements de végétaux à l'entrée et à la sortie de Corse, y compris en liaison avec les autorités de pays européens dont des ports et aéroports desservent la Corse, et développer la communication préfectorale à destination des résidents en Corse, au moins après chaque CROPSAV. La mission estime que l'information des voyageurs et des compagnies de transport terrestre et aérien de personnes devrait concerner tous les mouvements : que ce soit à l'entrée comme à la sortie avec des affichages dans les ports et aéroports français qui desservent la Corse et de demander aux Autorités des pays européens de faire de même dans leurs ports et aéroports desservant la Corse. Des campagnes d'informations factuelles vis-à-vis des habitants de la Corse permettraient de compléter et diffuser les informations présentes sur le site web de la DRAAF. À cet égard, un communiqué de presse pourrait être systématiquement publié à l'issue de chaque réunion du CROPSAV.
Signatures des auteurs
Pour le CGAAER
Pour le CGEDD
Jean-Louis BARJOL
Christian BARTHOD
Michel LARGUIER
Odile STEFANINI-MEYRIGNAC
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ANNEXES
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Annexe 1 : lettre de mission
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Annexe 2 : note de cadrage
Conseil Général de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Espaces Ruraux & Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable
NOTE DE CADRAGE concernant
Xylella fastidiosa en Corse : connaissances, risques afférents à sa présence pour la végétation cultivée ou naturelle, et stratégies d'enrayement
établie par
Jean-Louis BARJOL
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Odile STEFANINI-MEYRIGNAC
Ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts
Michel LARGUIER
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Christian BARTHOD
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Membres du CGAAER
Membres du CGEDD
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1. Cadre général 2. Contexte 3. Objectifs, champ et méthodologie proposés
3.1 Objectifs 3.2. Champ 3.3. Désignation des missionnaires 3.4. Méthodologie et phases de travail
4. Calendrier et attendus de la mission
4.1. Calendrier 4.2. Remise du rapport et réunions de clôture 4.3. Diffusion du rapport
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1. Cadre général
La recherche des causes de la crise de dépérissement des oliviers dans la région des Pouilles en Italie a permis d'incriminer la bactérie Xylella fastidiosa. Sur cette base, la Commission européenne a adopté dès février 2014 une décision d'exécution visant à empêcher la propagation de cet organisme nuisible dans l'Union. Par la suite la Commission a régulièrement complété cette décision. Xylella fastidiosa est une bactérie pathogène extrêmement polyphage. Elle colonise le xylème des plantes, et elle se transmet par l'intermédiaire d'insectes piqueurs-suceurs. En Corse, le cercope des prés (Philaenus spumarius), est suspecté d'être le principal vecteur de cette maladie. Cette bactérie est considérée comme originaire des Amériques, avec trois principales sousespèces installées respectivement en Amérique du Sud, Centrale et du Nord. À la suite de son identification en 2013 en Italie, elle est détectée en 2015 en Corse et en région PACA sur des végétaux d'ornement (polygales à feuilles de myrte). En 2016, elle est trouvée dans une pépinière en Allemagne. La même année, des foyers sont détectés dans les Baléares, puis en 2017 en Espagne continentale. La forte pression de surveillance exercée en France a permis d'identifier des foyers de Xylella fastidiosa sur le territoire national, dont 342 en Corse à fin 2017. Contrairement à la sous-espèce pauca de Xylella fastidiosa présente dans les Pouilles, celle officiellement identifiée à ce jour en Corse, à savoir la sous-espèce multiplex, ne provoque pas pour l'heure de dégâts significatifs dans la végétation insulaire. La détection en Europe et sur le territoire national de ce danger sanitaire classé 88 en première catégorie conduit la recherche à mener des travaux sur cette maladie, avec une évolution rapide des connaissances. Ainsi la mission est consciente, sur base des informations qui lui ont été communiquées, qu'il existe des présomptions de présence d'une diversité de sous-espèces en Corse, en attente de confirmation. Convaincue que l'éradication de la population bactérienne en place en Corse est impossible, la France a demandé à l'Union européenne de pouvoir mettre en place une stratégie d'enrayement, comme cela existe en Italie. Cette demande a reçu une réponse favorable avec la publication de la décision d'exécution (UE) 2017/2352 du 14 décembre 2017, qui constitue le nouveau cadre réglementaire de la gestion du risque phytosanitaire en Corse. Il appartient donc maintenant à la France de définir les modalités concrètes d'une stratégie d'enrayement de la bactérie en Corse et de les appliquer. Celle-ci s'inscrira dans le cadre général esquissé lors de réunion à haut niveau tenue sur le sujet à Paris le 1er décembre 2017.
88 Arrêté du 15 décembre 2014 relatif à la liste des dangers sanitaires de première et deuxième catégorie pour les espèces végétales. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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2. Contexte
La lettre de mission confiée au CGAAER et au CGEDD par les directrices de Cabinet des ministres de l'agriculture et l'alimentation (MAA) d'une part, de la transition écologique et solidaire (MTES) d'autre part, a été signée le 13 novembre 2017, avant la publication de la décision communautaire autorisant la France à mettre en oeuvre une procédure d'enrayement en Corse. Pour cette raison les missionnaires proposent une adaptation de la lettre de mission selon les modalités exposées ci-après. Les propositions formulées sont le fruit d'un premier travail bibliographique et d'entretiens préliminaires conduits avec :
les cabinets du MAA et du MTES ; le directeur général de l'alimentation du MAA, en présence de la sous-direction en charge de la protection des végétaux ; le préfet de région de Corse en présence du directeur de la DRAAF, de la directrice adjointe de la DREAL et de la chargée d'une mission Xylella auprès du préfet de région de Corse ;
le chef de département « santé des plantes et environnement » de l'INRA ; Jean-Yves RASPLUS et les autres chercheurs du Centre de Biologie pour la Gestion des Populations de l'INRA de Montpellier qui travaillent sur la détection de Xylella fastidiosa sur insectes vecteurs ;
Marie-Agnès JACQUES, chercheuse de l'équipe EmerSys de l'INRA d'Angers qui travaille sur la détection de Xylella fastidiosa sur plantes hôtes ;
le directeur de la santé du végétal de l'ANSES et de la responsable du laboratoire national de référence de l'ANSES chargé de l'identification officielle de la sous-espèce de Xylella fastidiosa suite à la détection, par lui-même ou par l'un des cinq laboratoires agréés, de la bactérie sur des échantillons végétaux prélevés par des agents habilités.
3. Objectifs, champ et méthodologie proposés
3.1 Objectifs
Dans le contexte de la récente décision d'exécution de l'Union Européenne relative aux mesures visant à éviter l'introduction et la propagation de Xylella fastidiosa, une mission de conseil est confiée au CGAAER et au CGEDD. Son objectif est d'éclairer la décision quant aux mesures à prendre pour mettre en oeuvre une stratégie d'enrayement de la bactérie en Corse. La mission devra objectiver la situation phytosanitaire grâce à :
un état des lieux du meilleur état des connaissances disponibles, portées à son attention, relatif aux méthodes de détection et d'identification de la bactérie, sur l'écologie des insectes ou sur plantes hôtes, rédigé dans le souci d'être compris par le plus grand nombre. La mission s'efforcera d'identifier de possibles pistes de progrès des méthodes officielles de détection mises en oeuvre en France, en
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conformité avec le cadre communautaire. Elle examinera les apports possibles à l'épidémiosurveillance des analyses faites par l'INRA, ainsi que par l'exploitation des résultats des kits de terrain ;
un inventaire des modalités de dissémination de la bactérie ainsi qu'un bilan des connaissances sur les aires de répartition actuelle et possible selon les modèles de simulation disponibles, au regard des implications pour la stratégie d'enrayement à mener en Corse, notamment en termes de circulation de produits végétaux entre la Corse et le continent ; une analyse fine de la situation particulière de la Corse en matière de biodiversité, de filières économiques spécifiques, d'acteurs sociaux et d'articulation des mesures sanitaires avec le droit français et européen, et à la prise en compte du patrimoine végétal naturel ou sub-naturel insulaire ; un état des lieux des mesures de prévention et de gestion mises en oeuvre par les différents acteurs en précisant la circulation des informations entre les différentes parties prenantes.
Sur cette base factuelle, la mission devra :
établir un diagnostic ; faire des propositions argumentées et proposer des scénarios tenant compte de la biodiversité insulaire et des réalités économiques de l'île pour :
mettre en oeuvre le dispositif réglementaire d'enrayement de la bactérie ; lutter contre la propagation de la bactérie à l'intérieur de la Corse, de la Corse vers le reste du territoire de l'Union européenne, et contre le risque d'introduction de nouvelles souches bactériennes plus pathogènes ou pouvant se recombiner avec celles présentes.
3.2. Champ
Le champ de la mission porte exclusivement sur la situation en Corse. Elle ne traitera pas la question de la lutte contre Xylella fastidiosa en région PACA, ni de la gestion du risque pour les autres régions françaises. Pour nourrir sa réflexion, si elle en éprouve le besoin, la mission pourra s'informer sur les modalités de mise en oeuvre de la procédure d'enrayement en Italie et en Espagne, et se rendre, à cet effet, dans la région des Pouilles et surtout dans l'Autonomie des Baléares qui présente un caractère insulaire similaire à celui de la Corse. De la même façon, elle pourra, si cela lui paraît pertinent, rencontrer l'unité de la santé des végétaux de la DG Santé à Bruxelles et les responsables du dossier Xylella à l'EFSA.
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3.3. Désignation des missionnaires
Deux membres du CGAAER ont été désignés par le bureau du CGAAER pour mener à bien cette mission :
Jean-Louis BARJOL, ingénieur général des ponts et des eaux et forêt ; Michel LARGUIER, ingénieur général des ponts et des eaux et forêt.
Cette mission est suivie au CGAAER par la section « Alimentation et Santé » et sa présidente, Viviane MOQUAY. Deux membres du CGEDD ont été désignés par le bureau du CGEDD pour mener à bien cette mission :
Odile STEFANINI-MEYRIGNAC, ingénieure générale des ponts et des eaux et forêt ; Christian BARTHOD, ingénieur général des ponts et des eaux et forêt.
Cette mission est suivie au CGEDD par la section « Milieux, Ressources et Risques » (MRR) et son président Nicolas FORRAY.
3.4. Méthodologie et phases de travail
Cette mission sera réalisée dans le respect des règles professionnelles et du code de déontologie du CGAAER et du CGEDD. La méthode de travail est fondée sur des entretiens avec les acteurs de ce dossier, la prise en compte des articles scientifiques publiés, et l'examen de tout document lié au thème de la mission. La mission sera conduite en 3 phases, sachant que les deux premières seront menées conjointement :
analyse de la situation en matière scientifique et réglementaire ; écoute de tous les acteurs concernés en Corse ; synthèse des deux points précédents et analyse des orientations envisageables.
Phase 1 : analyse de l'état de l'art en matière scientifique et réglementaire À partir d'entretiens approfondis avec des chercheurs, des responsables de la détection et de l'identification officielle de la bactérie et des fonctionnaires en charge de la mise en oeuvre de la réglementation, la mission cherchera à :
objectiver l'état des connaissances en matière de :
détection et identification des bactéries (niveaux espèce, sous-espèces et souches) sur plantes et sur insectes hôtes (y compris les pistes de progrès actuellement à l'étude), que ce soit à des fins de recherche scientifique ou réglementaires ;
répartition de l'épidémie, actuelle et possible selon les modèles de simulation ; modalités de dissémination de la bactérie ;
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méthodes de lutte contre la bactérie par voie directe (notamment le recours aux phages) ou indirectes (maîtrise des insectes vecteurs par des pratiques agronomiques pertinentes, la lutte biologique, des moyens de biocontrôle ou chimiques) sur les végétaux cultivés et/ou en milieu naturel ou sub-naturel dans le respect du patrimoine végétal et animal corses ;
historique de la présence de la population de la bactérie Xylella fastidiosa en Corse ;
cohérence du plan de prévention et de lutte mis en oeuvre en Corse avec le meilleur état des connaissances scientifiques disponibles ;
examiner l'évolution de la réglementation communautaire.
Dans cette phase, la mission se rapprochera de la mission CGAAER relative à « l'appui à la mise en oeuvre d'un réseau d'épidémiovigilance dans les îles méditerranéennes » pour nourrir une réflexion commune. Phase 2 : écoute de tous les acteurs corses concernés Pour établir la liste des acteurs à rencontrer, la mission s'appuiera principalement sur les suggestions du préfet de région de Corse, sans refuser les demandes d'entretien qui pourraient lui être faites spontanément. Lors de chaque entretien, la mission s'efforcera de comprendre les motivations économiques, environnementales, scientifiques et sociales de ses interlocuteurs et de bien appréhender les raisonnements qui leur seront exposés, avec si possible une clarification des interrelations entre acteurs, et des sources d'information auxquelles ses interlocuteurs font explicitement ou implicitement référence.
La mission s'efforcera également de se rendre compte de visu de l'état de gravité de la situation
sanitaire en se rendant sur des foyers considérés par les acteurs corses comme représentatifs. Il est probable que la mission ne pourra pas consulter lors d'un seul déplacement tous les acteurs ni se rendre sur le terrain. Elle devra donc aller plusieurs fois en Corse.
Phase 3 : phase d'analyse par la mission Sur la base des informations et des observations recueillies au cours des phases 1 et 2, les membres de la mission analyseront ces données et produiront leur rapport de mission. Ce rapport aura pour objectif d'analyser les principaux constats et d'émettre un avis sur :
les modalités permettant de vivre avec la bactérie dans le respect de la biodiversité insulaire et de l'équilibre des filières économiques végétales de l'île ; les stratégies possibles de lutter contre Xylella fastidiosa, en exposant leurs avantages, leurs inconvénients et leur faisabilité, en vue de :
limiter le réservoir de la bactérie ;
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lutter contre la propagation de la bactérie sur le territoire corse ; prévenir l'introduction de nouvelles souches en Corse et de sortie de bactéries vers le reste du territoire de l'Union européenne, assorties le cas échéant de recommandations en matière d'adaptations réglementaires.
Dans ce contexte, la mission sera particulièrement attentive à la coordination entre le dispositif de recherche et le dispositif réglementaire de détection et d'identification de la bactérie, notamment au niveau de la Corse.
4. Calendrier et attendus de la mission
4.1. Calendrier
Il est attendu de la mission qu'elle remette son rapport définitif au plus tard le 30 juin 2018. En tant que de besoin, une note d'étape pourrait être remise pour le 30 avril 2018.
4.2. Remise du rapport et réunions de clôture
Le rapport établi à l'issue de cette mission sera communiqué par les vice-présidents du CGAAER et du CGEDD aux ministres en charge de l'agriculture et de la transition écologiste et solidaire. Les principales recommandations du rapport seront présentées aux cabinets des ministres commanditaires sous forme de réunions de clôture de la mission.
4.3. Diffusion du rapport
Dans un premier temps, outres les cabinets ministériels, une diffusion limitée sera faite en direction :
du préfet de région Corse ; du directeur général de l'alimentation ; du directeur de l'eau et de la biodiversité ; du directeur général de l'INRA ; du directeur général de l'ANSES.
Dans un second temps, les cabinets des deux ministères décideront si le rapport peut être rendu public.
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Annexe 3 : liste des personnes rencontrées
Nom Prénom Viviane Moquay Claire Le Bigot
Organisme CGAAER
Fonction Présidente 3ème section
Date rencontre 5 décembre 2017
Cabinet du Ministre Conseillère alimentation, santé, 4 janvier Agriculture environnement Directeur de recherche INRA Montpellier Directeur de recherche Chargée de recherche Directrice du CBGP et directrice de recherche Préfecture de Corse CGAAER Préfet de Corse 9 janvier
Jean-Yves Rasplus Jean-Pierre Rossi Astrid Cruaud Flavie Vanlerberghe Bernard Schmeltz Sylvie Hubin Dedenys Patrick Dehaumont Alain Tridon DGAl Juliette Auricoste Saoussen Joudar
11 janvier
Membre, mission en cours sur 12 janvier divagation des animaux en Corse Directeur général Sous-directeur de la qualité, de la santé et de la protection des végétaux Cheffe du bureau de la santé des végétaux (BSV) Adjointe à cheffe BSV 15 janvier
Dominique Gombert Justine Roulot
Cabinet du Ministre de Directeur de cabinet adjoint la Transition Écolo- Conseillère en charge de la gique et Solidaire biodiversité, de l'eau et de la mer INRA Angers Directeur de recherche Directeur de la santé végétale ANSES Angers Cheffe de l'unité bactériologie, virologie et OGM Chef du département Santé des 25 janvier Plantes et Environnement Cheffe du bureau de la santé des végétaux (BSV) Adjointe à cheffe BSV 17 janvier
Marie-Agnès Jacques Charles Manceau Françoise Poliakoff
Christian Lannou Juliette Auricoste Saoussen Joudar
INRA Paris
DGAl
5 février
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Nom Prénom
Organisme Mission en Corse
Fonction
Date rencontre
Paul Hett Louis Cesari Fabienne Maestracci Gérard Gavory Sylvie Guenot-Rebiere Brigitte Dubeuf Joseph Colombani Jean-Marc Venturi Camille-Anaïs Choix Bruno Welschinger Marcel Lucciani François Casabianca Olivier Pailly Yann Froelicher Emmanuel Bloquel Marguerite Chartois
ONF SIDOC
Directeur régional Corse
Vice-président Syndicat de l'AOC Vice-présidente « Oliu di Corsica » Préfecture Haute-Corse Préfet de Haute-Corse Directrice adjointe DDCSPP 2B DREAL Conseillère du Préfet de Corse Président de la chambre régionale Chambres d'agriculture Président délégué et premier vice-président de la chambre d'agriculture de Haute-Corse Élue chambre Haute-Corse Président Pépinière « les Dirigeant agrumes du soleil » Président du centre de Corte Directeur unité citrus Directeur adjoint, généticien en amélioration des plantes Directeur du centre de ressources Syndicat pépiniéristes
5 mars
6 mars
INRA San-Giuliano
Contractuelle projet écoépidémiologie financé par la Collectivité Territoriale Corse 7 mars ODARC OEC Cheffe division économie Responsable filières végétales Président Directeur Conseillère du Président CBNC DRAAF SRAL DREAL Technicienne Directeur régional Chef du SRAL Conseillère Préfet de Corse 8 mars
Marie-Pierre Bianchini Daniel Sainte-Beuve François Sargentini Jean-Michel Palazzi Agnés Simonpietri Carole Piazza
Jacques Parodi Eric Lemonnier Brigitte Dubeuf
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Nom Prénom Jean-Christophe Arrii Cecilia Cauchi Michael Versini Sylvie Lemonnier Maud Barrel Pascal Krieger Brigitte Delahaye-Panchout Michael Lecat Romain Delmon Angélique Quilichini
Organisme
Fonction vice-
Date rencontre
Jeunes agriculteurs Président du syndicat, président SIDOC Corse-du-Sud Chambre agriculture Jeune agricultrice Corse-du-Sud Technicien PPAM DREAL Directrice adjointe Chargée de mission flore Directeur adjoint DDCSPP
8 mars
Adjointe au chef de service vétérinaire et phytosanitaire en production primaire Directeur 9 mars Directeur de cabinet Membre 16 mars (au téléphone)
FREDON Préfecture de Corse CSRPN de Corse
Mission à Majorque (Espagne) Evelio Antich Verdera Secrétaire général Délégation du Gouver- Directrice pour agriculture et Ana Maria Garcia Vallejo nement pêche José Maria Cobos Suarez Carmen Diaz José Maria Guitian Mateu Ginard i Sampol Andreu Juan Serra Carmen Diaz José Maria Guitian Andreu Juan Serra Joan Mayol Sena Omar Beidas Soler Juan D. Garcia Gouvernement des Baléares Ministère de l'Agriculture, Pêche, Alimentation et Environnement (MAPAMA) Gouvernement des Baléares MAPAMA Sous- directeur général de la santé et hygiène végétale et forestière Cheffe du service santé végétale Conseiller technique Directeur élevage général agriculture,
19 mars
Chef du service agricole Cheffe du service santé végétale Conseiller technique Chef du service agricole Chef du service des espèces forestières Responsable de la santé des plantes Technicien 20 mars
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Nom Prénom Alicia Nieto Lopez Francisco Adrover Alejandro Urbano Auran Pascual
Organisme
Fonction
Date rencontre
Technicienne de laboratoire Service d'amélioration Inspecteur de terrain agricole Tragsa Inspecteur Technicien santé végétale Retour mission sur Paris
20 mars
Christian Lannou
INRA Aix-Marseille Université/ Institut Méditerranéen de Biodiversité et d'Écologie (IMBE) DGAl
Chef du département de la santé 3 avril des plantes et environnement
Frédéric Medail
Président Conseil Scientifique CNB de Corse
4 avril (au téléphone)
Saoussen Joudar
Adjointe cheffe BSV
26 mars
Institut Agriculture Blanca Landa del Castillo Durable (IAS) à Cordoue François Charrier INRA Ile-de-France
Responsable laboratoire identification sous-espèce Xylella fastidiosa pour l'Espagne 11 avril Sociologue Chef département forêts santé des 12 avril
Frédéric Delport Alain Tridon
DGAl
Chef de service des actions sanitaires en productions primaires DGAl Sous-directrice de la qualité, de la santé et de la protection des végétaux Chef département santé des forêts Cheffe du (BSV) Sous-directeur adjoint SDQSPV 13 avril
Anne-Cécile Cotillon
Frédéric Delport Juliette Auricoste Pierre Claquin
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Nom Prénom
Organisme
Fonction Adjoint au sous-directeur Adjoint au chef de bureau Chargé de mission Juriste
Date rencontre
Sous-direction de la Jacques Wintergerst Lauprotection et de la rence Giuliani Arnault restauration des Lalanne écosystèmes terrestres, Jules Wizniak direction de l'eau et de la biodiversité (DEB)
13 avril puis 11 juin
Mission en Corse Florence Tessiot Annick Havet Adeline Millet Jean-Paul Mancel Monique Meunier APRODEC UNEP DDCSPP 2B
Directrice Cheffe service protection animale et végétales Chargée de mission Président Vice-présidente région Corse Pépiniériste Président Présidente CRVI Directrice Ingénieur Ingénieure APFEC Chambre agriculture 2B Président Animatrice filières Technicienne arboriculture Présidente AREFLEC Technicienne Technicien Pépinière familiale Pépiniériste de plants produits à partir de graines prélevées en milieu naturel Présidente SIDOC Vice-président Vice-présidente
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Jean-Yves Simongiovanni Membre Luc Meunier Josée Vanucci Nathalie Uscidda Gilles Salva Gabrielle Ciccolini Jean-Jacques Fieschi Stephanie Scavino Isabelle Milleliri Jean-Claude Ribaut Noémie Dubreuil Julien Balajas Famille Meunier Stéphane Rogliano UNEP 2A
16 avril
17 avril
Sandrine Marfisi Louis Cesari Françoise Maestracci
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18 avril
Nom Prénom Laeticia Hugot Geneviève Ettori Marc Gibernau Jérôme Albre Sophie Vincenti Laurence Signon Jacques Laurent Jennifer Mejean Bernard Schmeltz Gilles Simeoni
Organisme CBNC CRPF CNRS Corse Directrice Directrice
Fonction
Date rencontre 18 avril 19 avril
Directeur de recherches Chargé de recherches Post-doctorant entomologiste 19 avril
CNRS Saclay Syndicat AOP miel de Administrateur Corse Coordinatrice Préfecture Corse Préfet de Corse
19 avril 19 avril
Collectivité territoriale Président du conseil exécutif de 20 avril de Corse Corse Chambre 2A CDJA 2A Douanes agriculture Directeur Conseiller végétaux Président Inspecteur 20 avril 20 avril
Jean Dominique Rossi Michaël Versini Jean-Christophe Arrii Quentin Savignac
Mission dans les Pouilles (Italie) CIVI Italia Service phytosanitaire de la Région Pouilles Institut de la protection des plantes
Luigi Catalano Anna Percoco Pasquale Solazzo Donato Boscia
Directeur association Fonctionnaire Fonctionnaire Chercheur
23 avril
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Nom Prénom Enzo Manni Giovanni Melcarne Nicola Palma Gianni Cantele Mario Tenore Enzo Tarantino Leonardo Capitano Luigi Catalano Anna Percoco Gianluca Buemi Donato Metallo Gaetano Ladisa Donato Boscia Fabio Lazzari Diego Lazzari Federico Manni Francesco Trono Giuseppe Angelo Giulio Palumbo
Organisme Coopérative ACLI DOP Terra d'Otranto APROL Lecce Coldiretti Puglia Cons, Vivaisti Vite CIA Lecce ANVE CIVI- Italia SFR Puglia Ordine Agronomi TA Comune di Racale IAMB XF-ACTORS IPSP-CNR Pont-TE Ordine Agronomi LE CONFAGRI Coop ACLI APOL Vivaio Otranto Viteo asserore agricoltura Racale Institut de la protection Chercheur des plantes Chercheuse
Fonction
Date rencontre
24 avril
Donato Boscia Maria Saponari
26 avril
Retour mission en France Samuel Soubeyrand Davide Martinetti Florent Mouillot, Jean-Marc Limousin Jean-Marc Ourcival Jean-Yves Rasplus Jean-Pierre Rossi Astrid Cruaud INRA Montpellier Chercheur Chercheur
INRA Avignon Centre d'Écologie Fonctionnelle et Évolutive, CNRS de Montpellier
22 mai
Chercheurs
23 mai (téléphone)
Directeur de recherche Directeur de recherche Chargée de recherche
25 mai (téléphone) 25 mai (téléphone)
Marie-Agnès Jacques
INRA Angers
Directrice de recherche
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Nom Prénom Françoise Petter Camille Picard
Organisme OEPP
Fonction Directrice adjointe Adjoint scientifique
Date rencontre 30 mai
Françoise Poliakoff
ANSES
Cheffe de l'unité bactériologie, 1 juin virologie et OGM (téléphone) Mission à Bruxelles
Dorothée André DG Santé Pasquale Di Rubbo
Cheffe Unité protection des plantes Inspecteur au sein Unité Retour mission à Paris
12 juin
Juliette Auricoste DGAl Saoussen Joudar
Cheffe du bureau de la santé des végétaux (BSV) 13 juin Adjointe à la cheffe BSV
Christian Lannou
Inra
Directeur santé des plantes
18 juin (téléphone)
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Annexe 4 : liste des sigles utilisés
ADN ANSES CBGP CEFE CGAAER CGEDD CNB CNOPSAV CNR CNRS CROPSAV CRPF CRPM CSRPN DDCSPP DEB DGAl DRAAF DREAL DRRT EFSA EILA ETP FMSE FREDON Acide désoxyribonucléique Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail Centre de Biologie pour la Gestion des Populations Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux Conseil général de l'environnement et du développement durable Conservatoire national botanique Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale Consiglio Nazionale delle Ricerche (Conseil national de la recherche) Centre national de la recherche scientifique Conseil régional d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale Centre régional de la propriété forestière Code rural et de la pêche maritime Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations Direction de l'eau et de la biodiversité Direction générale de l'alimentation Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement Direction régionale à la recherche et à la technologie Autorité européenne de sécurité des aliments Essai inter laboratoire d'aptitude Équivalent temps plein Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles
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IRD INRA JORF LAMP LNR LSV MLST NIMP ODARC OEC OEPP ONF PACA PCR PEC PPAM PPE qPCR SIDOC SRAL ST UMR
Institut de recherche pour le développement Institut national de la recherche agronomique Journal officiel de la république française Loop mediated isothermal amplification Laboratoire national de référence Laboratoire de la santé des végétaux Multi locus sequence type Norme internationale pour les mesures phytosanitaires Office de développement agricole et rural de la Corse Office de l'environnement de la Corse Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes Office national des forêts Provence Alpes Côte d'Azur Polymerase chain reaction (réaction en chaîne par polymérase) Point d'entrée communautaire Plantes à parfum, aromatiques et médicinales Passeport phytosanitaire européen Quantitative polymerase chain reaction Syndicat Interprofessionnel Des Oléiculteurs de Corse Service Régional de l'Alimentation Sequence type Unité mixte de recherche
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Annexe 5 : liste des textes de références
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Arrêté du 18 mai 2009 fixant la liste des postes frontaliers de contrôle vétérinaire et phytosanitaire. Commission database of host plants found to be susceptible to Xylella fastidiosa in the Union territory Update 10, 15.02.2018. Commission database of validated tests for the identification of the Xylella fastidiosa and its subspecies as reffered to in article 3(2) of Commission implementing decision (EU) 2015/789, 12.12.2017. Diagnostics PM 7/24 (2) Xylella fastidiosa, Bulletin OEPP (2016) 0, 1-38. Diagnostics PM 7/76 (4) Use of EPPO diagnostic protocols, Bulletin OEPP (2017) 47, 7-9. Directive 2000/29/CE du Conseil du 8 mai 2000 - annexe IA1 : organismes nuisibles dont l'introduction et la dissémination doivent être interdites dans tous les États membres, partie : organismes nuisibles inconnus dans la communauté et importants pour toute la communauté. Directive 92/105/CEE de la Commission du 3 décembre 1992 établissant une certaine normalisation des passeports phytosanitaires à utiliser pour les mouvements de certains végétaux, produits végétaux ou autres objets à l'intérieur de la Communauté et fixant les modalités relatives à la délivrance de tels passeports phytosanitaires, ainsi que les conditions et modalités de leur remplacement (JO L 4 du 8.1.1993, p. 22). Directive 92/90/CEE de la Commission du 3 novembre 1992 établissant certaines obligations auxquelles sont soumis les producteurs et importateurs de végétaux, produits végétaux ou autres objets ainsi que les modalités de leur immatriculation (JO L 344 du 26.11.1992, p. 38). Guidelines for the survey of Xylella fastidiosa (Wells et al.) in the Union territory, 16 December 2015. Norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP) n° 31 du Secrétariat de la Convention internationale pour la protection des végétaux. Méthodes d'échantillonnage des envois. Publiée en 2008. Norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP) n°5 du Secrétariat de la Convention internationale pour la protection des végétaux. Glossaire des termes phytosanitaires. Publiée en 2017. OEPP (Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes), «Hot water treatment of grapevine to control Grapevine flavescence dorée phytoplasma», Bulletin OEPP/EPPO Bulletin, 2012, 42(3), 490492.
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Annexe 6 : bibliographie
Almeida Rodrigo P.P. , Can Apulia's olive trees be saved ? An introduced plant pathogen proves difficult to contain in southern Italy, Science, 22 july 2016, Vol. 353, issue 6297, pp. 346-348 Almeida Rodrigo P.P. and Nunney Leonard , How do plant diseases caused by Xylella fastidiosa emerge ? Plant Disease, November 2015, pp. 1457-1467 Chauvel G., Cruaud A., Legendre B., Germain J.-F. , Rasplus J.-Y., Mission d'expertise sur Xylella fastidiosa en Corse (du 3 au 11 août 2015), rapport définitif (31 août 2015), 139 pages Chatterjee S, Almeida RPP, Lindow S., Living in two worlds: the plant and insect lifestyles of Xylella fastidiosa, Annu. Rev. Phytopathol. 2008 , issue 46, pp. 24371 Choi H-K, Iandolino A, Goes da Silva F and Cook DR. Water deficit modulates the response of Vitis vinifera to the Pierce's disease pathogen Xylella fastidiosa, 2013, Molecular Plant-Microbe Interactions 26(6), 643657. Daugherty MP, Lopes JRS and Almeida RPP, Strain alfalfa water stress induced by Xylella fastidiosa, Eur.J. Plant Pathol. 127, 2010, pp. 333-340 Denancé N. et al., Several subspecies and sequence types are associated with the emergence of Xylella fastidiosa in natural settings in France, Plant pathology (2017), 66, pp. 1054-1064 Desprez-Lousteau ML, Synthèse bibliographique Xylella fastidiosa sur chênes (et autres arbres forestiers), 2016, non publiée, 9 pages EFSA Panel on Plant Health (PLH), Scientific Opinion on the risk to plant health posed by Xylella fastidiosa in the EU territory, with the identification and evaluation of risk reduction options, European Food Safety Authority (EFSA), EFSA Journal 2015; 13(1):3989 Godefroid Martin et al., Climate change and the potential distribution of Xylella fastidiosa in Europe (preprint posté le 28 mars 2018), 17 pages + cartes Hopkins DL, Purcell AH., Xylella fastidiosa: cause of Pierce's disease of grapevine and other emergent diseases., 2002, Plant Dis. 86, pp 05666 Misson Laurent et al., Phenological responses to extreme droughts in a mediterranean forest, Global Change Biology, 2011, pp. 1036-1048 Purcell Alexander, Paradigms : examples from the bacterium Xylella fastidiosa, Annu. Rev. Phytopathol., 2013, 51, pp. 339-356 Simpson A.J.G. et al. The genome sequence of the plant pathogen Xylella fastidiosa, Nature, 406 (2000), pp. 151-157 Soubeyrand Samuel et al., Inferring pathogen dynamics from temporal count data : the emergence of Xylella fastidiosa in France is probably not recent, New Phytologist, 2018, pp. 1-13 Sun Q., Sun Y., Walker MA and Labavitch JM, Vascular occlusions in grapevines with Pierce's disease make disease symptom development worse, 2013, Plant Physiol. 161, pp. 1529-1541
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Annexe 7 : les constats et l'état des connaissances
Avertissement : le présent état des connaissances ne prétend pas dresser une revue bibliographique exhaustive d'une littérature scientifique très abondante dans un domaine où l'état des connaissances progresse très vite, ni rendre compte de tout ce qui se passe en Corse. Les missionnaires n'en avaient ni la compétence, ni le temps. Ce qui est recherché dans cette annexe vise, autant que faire se peut, à contribuer à objectiver la situation observée en Corse et à la mettre en perspective par rapport à un panorama mondial et européen des principales connaissances actuellement disponibles. Les choix effectués pour dresser cet état des lieux ont dépendu à la fois des experts rencontrés, mais aussi et surtout des interférences de cet état des connaissances avec les débats en Corse, telles que les missionnaires les ont compris lors de leurs rencontres avec les parties prenantes et à la lecture de la documentation compilée. La bactérie Xylella fastidiosa Historiquement, l'identification de cette bactérie et des maladies qu'elle peut causer est associée à la maladie de Pierce, observée dès les années 1880 mais décrite précisément pour la première fois en 1892 par Newton Pierce sur vignoble en Californie89. La cause de cette maladie est longtemps restée une énigme. Alors que l'hypothèse privilégiée à partir des années 1930 était un virus, ce n'est qu'à la fin des années 1970 que l'hypothèse virale a été abandonnée (1978), que l'identification de la bactérie responsable, Xylella fastidiosa, a été faite90 et que le schéma de transmission par des insectes piqueurs suceurs de l'ordre des hémiptères (Hemiptera) a été mis en évidence. Xylella fastidiosa est une bactérie (classification : Bacteria, Proteobacteria, Xanthomonadaceae) en forme de bâtonnet, Gram-négatif, et confinée au xylème 91. X. fastidiosa est une des deux espèces du genre Xylella, incluant aussi X. taiwanensis décrite récemment. Elle révèle des parois cellulaires ondulées assez caractéristiques, n'est pas flagellée et ne forme pas de spores. Il s'agit de la première bactérie causant des dommages à des plantes dont l'intégralité du génome ait été séquencée92 (X. fastidiosa subsp. pauca souche 9a5c, responsable de la chlorose variégée des agrumes) ; ce séquençage d'excellente qualité a été fait à Campinas au Brésil et publié en 2000 dans Nature (Simpson et al., 2000, Nature). Cette bactérie est originaire des Amériques (du Sud, centrale et du Nord). Elle est à l'origine de graves dégâts économiques notamment sur la vigne (cf. la Californie), les oliviers (cf. les Pouilles), les agrumes (cf. le Brésil), les pêchers et les amandiers. Elle cause également des dégâts visibles sur des arbres urbains, sans doute stressés, aux USA et, plus ponctuellement et semble-t-il sans grandes conséquences économiques, en forêt d'Amérique du Nord.
89 Elle a provoqué des pertes considérables par exemple en Californie du Sud, détruisant plus de 35 000 hectares de vignes, entraînant le déplacement de la production vers le nord. (http://ephytia.inra.fr/fr/C/21525/Vigne-Maladie-de-Pierce-Xylellafastidiosa). 90 Même si, a posteriori, il a été montré que les premières photographies de cette bactérie ont été publiées en 1937. 91 Les vaisseaux du xylème sont constitués de faisceaux de cellules mortes alignées et entourées de lignine. Ils ont la capacité de transporter de grandes quantités d'eau et de nutriments depuis le sol jusqu'à l'« usine photosynthétique » que sont les feuilles. Le xylème conduit donc la sève brute (minérale). 92 En Europe, le séquençage de la souche de X. fastidiosa subsp. pauca, appelée à l'époque CoDiRO (abréviation de l'expression italienne Complesso del disseccamento rapido dell'olivo, donnée au départ au phénomène observé), responsable du déclin rapide de l'olivier a été fait à Bari (Giampetruzzi et al., 2015, GenomeA). C'est une qualité « brouillon » (draft). Comme il y avait une grande incertitude sur la souche qui avait été séquencée, un imbroglio sur les noms des différentes souches et de la maladie en Italie (avis de l'EFSA publié en 2016), les Italiens ont fait séquencer une autre souche qui avait été isolée en 2014. Cette nouvelle souche nommée « de Donno » (du nom du propriétaire du verger d'oliviers sur lequel le prélèvement de matériel végétal infecté a été fait) a été séquencée à Berkeley en utilisant 2 technologies, ce qui a permis d'aboutir à une séquence complète. Cette séquence a été publiée en 2017 (Giampetruzzi et al., 2017, GenomeA). Ces génomes des souches CoDiRO et de Donno sont pratiquement identiques, aux différences dues aux différentes méthodes de séquençage près. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Le caractère « potentiellement » pathogène de cette bactérie pour un végétal donné ne tient pas principalement à la production d'une toxine ou d'enzymes93 venant perturber le bon fonctionnement de l'organisme hôte : elle découle essentiellement du trop grand succès de son comportement endophyte94, conduisant à la formation d'un « biofilm » bactérien qui obstrue la circulation de la sève brute dans le xylème. Cela signifie que, dans certaines conditions encore mal cernées, une plante peut « héberger » la bactérie sans en être pénalisée, au moins en apparence, et donc sans manifester de symptômes. Ceci conduit même certains spécialistes à considérer cette bactérie avant tout comme un endophyte, plutôt que comme un organisme pathogène (Chatterjee et al., 2008). De nombreuses incertitudes demeurent concernant la diversité des souches de X. fastidiosa, leurs gammes d'hôtes et leur répartition dans le monde. Bien que X. fastidiosa soit considérée comme une seule espèce, il existe une relation complexe et encore mal définie entre les hôtes et les souches sévissant sur le terrain. Quatre sous-espèces sont généralement reconnues par la communauté scientifique, se différenciant globalement par leur gamme d'hôtes, mais avec quelques recouvrements (X. fastidiosa subsp. fastidiosa ; X. fastidiosa subsp. multiplex ; X. fastidiosa subsp. pauca ; X. fastidiosa subsp. sandyi)95. Néanmoins les analyses génétiques par la technique MLST (Multilocus Sequence Typing) ont plus récemment conduit à proposer d'identifier deux autres sous-espèces qui font encore débat : X. fastidiosa subsp. taschke et X. fastidiosa subsp. morus. L'approche réglementaire de la Commission européenne considère à ce jour les sous-espèces fastidiosa, multiplex et pauca, la sous-espèce sandyi n'ayant pas été identifiée sur le territoire de l'Union européenne par les méthodes officielles. La sous-espèce multiplex est largement répandue en Amérique du Nord (USA et Canada) où elle est essentiellement présente sur des végétaux ligneux (chênes, ormes, érables, amandiers, platanes, genre Prunus, ...), et en Amérique du Sud. En Amérique du Nord, les grands froids semblent jouer un certain rôle dans la régulation des populations bactériennes 96 ; la coévolution entre la bactérie et ces végétaux ligneux pérennes pourrait expliquer un relativement faible degré de dégâts économiques, sauf sur myrtilliers. La sous-espèce pauca, responsable des dégâts catastrophiques constatés sur les oliviers dans les Pouilles, mais aussi de dégâts sévères sur agrumes et dans une nettement moindre mesure sur caféier en Amérique centrale et en Amérique du Sud, semble originaire d'Amérique du Sud et avoir des exigences thermophiles nettes. Une partie de la variabilité génétique de la bactérie peut également être décrite par les Sequence Types (ST97), selon une logique qui n'est pas réductible à celle des sous-espèces. Ceci complique les interprétations des résultats des analyses, mais permet aussi des approches performantes pour retracer des introductions et qualifier des proximités entre origines géographiques.
93 Pour la seule maladie de Pierce (sur vigne), l'Université de Californie, à Berkeley (Nascimento et al., 2016) a mis en évidence que les bactéries situées dans le pétiole produisaient une enzyme (lipase) « transloquée » dans d'autres sites de la feuille et à l'origine des symptômes sur les marges de la feuille. Il n'est donc pas exclu que des enzymes puissent contribuer, de manière sans doute secondaire, à une certaine pathogénicité. 94 Les endophytes (du grec endo « dans », « végétal »; littéralement « à l'intérieur d'un végétal... ») sont des organismes (bactéries ou champignons en général) qui accomplissent tout ou partie de leur cycle de vie à l'intérieur d'une plante, de manière symbiotique (endosymbiote), c'est-à-dire soit avec un bénéfice mutuel pour les deux organismes, soit sans conséquences négatives pour la plante. 95 Un problème formel de respect des règles édictées par le comité international de taxonomie explique que seules les 2 sousespèces fastidiosa et multiplex sont dites « valides ». La sous-espèce pauca n'est pas validée, car la culture de la souche type n'a pas été déposée dans 2 collections internationales de 2 pays différents ; elle n'est pas accessible pour les chercheurs, et le nonrespect de cette règle du code a entraîné l'invalidité du nom. Néanmoins l'existence de cette sous-espèce est reconnue par tous. 96 Ceci est bien démontré sur la sous-espèce fastidiosa et reste encore à démontrer pour les autres sous-espèces : des travaux sont en cours sur ce sujet de l'effet des basses températures en Belgique et en Espagne, pas en France. 97 ST : Sequence Type, déterminé par une analyse MLST (MultiLocus sequence Typing) ; le n° est attribué par une base de données internationale, au fur et à mesure où de nouvelles ST sont identifiés. Actuellement on en est à ST81 [c'est le N° donné à la ST6* identifiée en Espagne]. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Les difficultés méthodologiques d'identification La répartition de X. fastidiosa dans la plante lorsqu'elle est contaminée peut-être très hétérogène, y compris sur des plantes symptomatiques, d'un rameau à l'autre, d'une feuille à l'autre. Ce point a été régulièrement rappelé à la mission par les experts rencontrés, français et étrangers, à propos de la localisation des prélèvements. Il est souvent mal identifié par les partenaires qui se focalisent sur le seul enjeu (très important) des analyses, alors même qu'il existe un premier enjeu au niveau du prélèvement, en fonction de la manière dont la bactérie se localise dans le végétal hôte échantillonné. Cet enjeu de localisation à des seuils détectables par les analyses n'est pas indépendant de la période de prélèvement en fonction de la saison de végétation, de la date de contamination et sans doute de la capacité d'adaptation de la plante, notamment en fonction de sa vigueur. Il peut donc être nécessaire de multiplier les échantillons pour être en mesure d'identifier à coup sûr la présence de la bactérie dans un végétal. Les missionnaires ont été informés par la Commission européenne (DG Santé) que cet enjeu majeur des modalités de prélèvement et d'échantillonnages pour l'efficience de la surveillance ferait prochainement l'objet d'un travail confié à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA, en anglais European Food Safety Authority, EFSA98), dans le cadre plus général de l'élaboration d'un guide portant sur la surveillance. Les difficultés de mise en culture de cette bactérie expliquent son nom d'espèce : fastidiosa. Même si la culture en reste généralement difficile, Maria Saponari, membre du CNR (Institut de virologie des plantes, à Bari99) et spécialiste reconnue de cette bactérie en Italie, a indiqué oralement aux missionnaires qu'il est aujourd'hui possible d'acquérir les bonnes pratiques (appelées « tours de main » par les experts consultés) nécessaires à la réussite d'une mise en culture de cette bactérie, notamment au Brésil. Elle dit ne plus rencontrer de difficultés, et rappelle qu'en cas d'incertitude sur les analyses pratiquées, le juge de paix doit rester l'identification de la bactérie par la mise en culture. Sans contester nullement l'enjeu des mises en culture, MarieAgnès Jacques (INRA) a rappelé à la mission que le contexte dans lequel travaille Maria Saponari (une sous-espèce pauca présente à des concentrations très fortes dans les végétaux, et l'olivier comme cible) ne peut pas être extrapolé au contexte français 100 (et à une autre sous-espèce (multiplex), des concentrations bactériennes beaucoup plus faibles, souvent à la limite du décelable par les méthodes officielles, et une quarantaine de végétaux différents, posant des problèmes complexes de méthodologies de mise en culture à adapter à chaque contexte), et ceci malgré l'acquisition des bonnes pratiques relatives à la culture de cette bactérie par un membre
98 Il s'agit d'une des principales agences de l'Union européenne. Elle est compétente pour toutes les questions ayant un impact direct ou indirect sur la sécurité alimentaire humaine et animale, dont celles concernant la santé et le bien-être animal la santé et la protection des plantes ainsi et la nutrition en général. Le siège de l'EFSA est à Parme. Elle fournit des conseils scientifiques sur les risques existants ou émergents dans ce domaine. Elle publie des avis, émis par son comité scientifique et ses groupes scientifiques, chacun dans sa sphère de compétence. Sur toute question relevant de sa compétence, l'Autorité doit communiquer de façon ouverte et transparente avec le grand public, en application du règlement européen n°178/2002 qui stipule : « Afin d'assurer la confiance dans les bases scientifiques de la législation alimentaire, les évaluations des risques doivent être réalisées de manière indépendante, objective et transparente et se fonder sur les informations et les données scientifiques disponibles (...) La confiance des institutions communautaires, du public et des parties intéressées dans l'Autorité est indispensable. C'est pourquoi il est primordial d'en garantir l'indépendance, la grande valeur scientifique, la transparence et l'efficacité. La coopération avec les États membres est aussi indispensable (...) En cas d'avis scientifiques divergents entre organismes scientifiques, des procédures doivent permettre de trouver une solution à la divergence ou de fournir aux gestionnaires des risques une information scientifique de base transparente (...) L'évaluation des risques est fondée sur les preuves scientifiques disponibles et elle est menée de manière indépendante, objective et transparente ». 99 Le CNR (en italien : Consignation Nationale d'elle Ricocher) est l'organisme public italien chargé de développer, promouvoir, défendre, transférer, et valoriser l'activité de recherche italienne dans les principaux secteurs de développement des connaissances et de leurs applications scientifiques, technologiques, économiques, et sociales. Le CNR est dépendant du Ministère italien de l'instruction, de l'université et de la recherche. Il dispose de centres dans diverses régions italiennes, dont celui des Pouilles à Bari. 100 Ni même probablement à la situation espagnole. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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du laboratoire d'Angers, en mars 2018, lors d'un stage dans le laboratoire de Leonardo de la Fuente aux USA, expert reconnu dans ce domaine. Les plantes hôtes et les plantes spécifiées au sens de la Commission européenne 1) En 1995, une revue bibliographique scientifique faite par deux spécialistes nord-américains de Xylella fastidiosa (Hill et Purcell) n'identifiait que 29 familles de végétaux pouvant héberger la bactérie, situation qui a beaucoup évolué depuis. Dans son analyse scientifique du risque posé par Xylella fastidiosa101, adoptée le 30 décembre 2014 (et publiée en 2015) sur la base d'un questionnement de 2013 de la Commission européenne, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) identifiait 309 espèces de plantes hôtes connues dans le monde, appartenant à 63 familles et 193 genres. Il est néanmoins important de rappeler que toutes ces espèces ne développent pas de maladies, et qu'une espèce végétale n'est pas nécessairement sensible à toutes les sous-espèces de la bactérie. Sur le site du ministère de l'agriculture (http://agriculture.gouv.fr/xylella-fastidiosa-cest-quoi, consulté le 2 mai 2018), il est désormais précisé qu'au total, « ce sont 359 espèces potentiellement hôtes de Xylella fastidiosa qui ont été recensées dans le monde (EFSA, février 2016 « mise à jour de la liste des végétaux hôtes de Xylella fastidiosa »). Cela concerne 75 familles et 204 genres. 2) Comme l'indique le ministère de l'agriculture, « Sur la base de cette liste pré-établie par l'EFSA, la Commission européenne a retenu une liste de plus de 200 espèces de végétaux sensibles à Xylella fastidiosa (Annexe I de la décision 2015/789 modifiée). Cette liste contient l'ensemble des végétaux pour lesquels au moins deux publications scientifiques ont montré leur sensibilité à la bactériose. Ces végétaux, lorsqu'ils sont destinés à la culture ou à la plantation, sont appelés « végétaux spécifiés ». Cette approche ne prend donc pas en compte l'essentiel des plantes du maquis corse, qui n'ont, la plupart du temps, pas vocation à être cultivées ou plantées, à l'exception des arbres ou de l'immortelle. Quelques espèces n'ayant manifestement pas vocation à être cultivées ou plantées figurent néanmoins sur cette liste, comme, par exemple, le calicotome. L'Annexe I à la décision d'exécution (UE) 2015/789 relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa, intitulée « Liste des végétaux dont la sensibilité aux isolats européens et non européens de l'organisme spécifié est connue (« végétaux spécifiés ») » comportait 188 noms (généralement d'espèces, mais parfois seulement de genres) à la date du 18 mai 2015. Les « Annexes I » aux décisions d'exécution en date du 12 mai 2016 et du 14 décembre 2017, ont rajouté des noms et en ont supprimé d'autres, portant le total actuel à 230 noms (194 espèces et 36 genres).
101 Scientific Opinion on the risk to plant health posed by Xylella fastidiosa in the EU territory, with the identification and evaluation of risk reduction options. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Haie de romarins contaminés par Xylella fastidiosa subsp. pauca près de Gallipoli dans les Pouilles, en zone d'enrayement
Haie de lauriers-roses contaminés par Xylella fastidiosa subsp. pauca près de Gallipoli dans les Pouilles, en zone d'enrayement
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Acacia contaminé par Xylella fastidiosa subsp. pauca près de Gallipoli dans les Pouilles, en zone d'enrayement
Polygale à feuilles de myrte contaminé par Xylella fastidiosa subsp. pauca près de Gallipoli dans les Pouilles, en zone d'enrayement
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3) L'actuelle liste des végétaux hôtes reconnus sensibles sur le territoire de l'Union européenne 102, en date du 15 février 2018, correspond à la 9 ème actualisation par la Commission européenne depuis la publication de la première liste le 21 décembre 2015 (dont 6 actualisations en 2016 et 2 en 2017). Liste des espèces sensibles à la sous-espèce (ssp.) 21/12/15 15/02/18
fastidiosa
multiplex
pauca
plusieurs ssp.
0 5
20 41
22 26
1 10
NB : pour connaître le nombre de plantes hôtes sensibles à une sous-espèce donnée, il faut additionner le chiffre de la colonne spécifique à la sous-espèce et un chiffre au maximum égal à celui de la dernière colonne, pour la sous-partie correspondant à la sous-espèce donnée. 4) Alors que l'identification de la ST53 sur olivier dans les Pouilles ne date que de 2013, la base de données internationale identifiait début 2018, 81 ST différentes. La mission constate donc la rapidité à laquelle la liste des espèces susceptibles d'héberger la bactérie dans le monde, la liste des végétaux spécifiés au sens de la Commission européenne et la liste des espèces hôtes constatées sur le territoire de l'Union européenne, et même la liste des ST, s'allongent. Dans l'état actuel des connaissances disponibles, ce constat illustre probablement plus la rapidité à laquelle les connaissances évoluent (selon la logique « plus on cherche, et plus on trouve »), qu'il ne mesure la vitesse d'extension d'une « épidémie ». Il serait exagérément optimiste de considérer qu'après trois ans d'observation dans les trois pays européens actuellement officiellement concernés, ces listes puissent être considérées comme désormais stabilisées. Dans l'état actuel des connaissances, il n'est en effet pas possible de prédire les espèces hôtes potentielles à la faveur d'une introduction d'une sous-espèce de X. fastidiosa dans un nouveau contexte floristique et climatique (Almeida R.P.P. and Nunney L., 2015), comme c'est le cas en Europe, tout particulièrement dans le contexte méditerranéen mais aussi probablement un peu plus au Nord. Au-delà des introductions de X. fastidiosa qui, dans l'état actuel des hypothèses faites par les experts, semblent être toutes significativement plus anciennes que la date d'identification des premiers foyers dans les Pouilles (Italie), aux Baléares 103 (Espagne) et en Corse (France) 104, il n'est en effet pas possible d'écarter l'hypothèse selon laquelle les conditions climatiques des dernières années dans la zone méditerranéenne pourraient avoir contribué à la manifestation de symptômes sur des végétaux du fait notamment de la thermo-sensibilité de l'expression de la maladie, conduisant à des analyses bactériologiques auxquelles il n'aurait pas été procédé précédemment.
102 Il s'agit de la liste des plantes hôtes qui ont été trouvées sensibles à Xylella fastidiosa sur le territoire de l'Union européenne, et qui ont fait l'objet d'une procédure officielle de notification par un État membre à la Commission européenne au vu du constat de nouveaux foyers. 103 Dans les Îles Baléares, la grande diversité génétique identifiée à ce jour présuppose de nombreux évènements d'introductions. La majorité des souches identifiées sont connues (multiplex ST6, ST81, ST7 et fastidiosa ST1), seul l'isolat pauca ST80 est nouveau pour la communauté scientifique (Source : CR de la conférence de Palma de Majorque de novembre 2017, par la DGAl). 104 Il s'agit des trois zones visitées par la mission et sur lesquelles des informations ont pu être réunies. Ceci ne préjuge pas de ce qui s'est passé sur le territoire continental de l'Espagne et de la France. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Par ailleurs il ne peut être exclu que certains pays du Sud de l'Union européenne n'ayant actuellement pas procédé à des déclarations officielles auprès de la Commission européenne puissent contribuer à court ou moyen terme à de nouvelles augmentations rapides de ces listes, si un premier foyer était officiellement constaté dans un de ces pays, conduisant à des mesures ciblées de surveillance. Il en va de même pour tout ou partie des pays du Sud de la Méditerranée. Certains chercheurs sont d'ores et déjà persuadés que la présence de X. fastidiosa ne peut être considérée comme limitée aux seuls pays ayant officiellement fait état de la détection de foyers, et que le réseau des scientifiques devrait contribuer à faire évoluer cette liste au cours des prochaines années. Cette incertitude pourrait également concerner la présence ou non de X. fastidiosa subsp. pauca hors des Pouilles, ou d'autres sous-espèces, compte tenu notamment du faible niveau de performance du test Elisa105 utilisé jusqu'à présent pour rechercher cette bactérie, y compris dans le cadre de la délivrance des passeports phytosanitaires. Le fait que le recours au test ELISA soit, depuis décembre 2017, cantonné aux seules zones infectées pourrait conduire à donner une autre image de la présence de la bactérie en Italie, si le recours à des analyses plus performantes hors zones déclarées infectées conduisait à déceler la présence de la bactérie à des concentrations que le test Elisa peine à détecter. L'évolution rapide des listes officielles dénote une forte réactivité de la Commission européenne, face à un problème sanitaire nouveau qui n'entre pas parfaitement dans le cadre conceptuel qui a présidé à la négociation de la directive 2000/29/CE du Conseil du 8 mai 2000 concernant les mesures de protection contre l'introduction dans la Communauté d'organismes nuisibles aux végétaux ou aux produits végétaux et contre leur propagation à l'intérieur de la Communauté. En effet le dispositif lié à la directive 2000/29/CE est principalement conçu pour : · · · maîtriser des organismes nuisibles de quarantaine présents sur un faible nombre d'espèces végétales ; définir les organismes nuisibles en restant aux niveaux du genre et de l'espèce, sans devoir aller jusqu'à la sous-espèce, ni au sequence type (ST) ; détecter et éradiquer les premiers foyers, en les assimilant à une introduction récente sur le territoire, sans prendre en compte une présence discrète et de longue date.
Cette situation pose néanmoins trois types de problèmes particulièrement difficiles à gérer simultanément d'un point de vue scientifique et selon des procédures administratives : · quelles garanties est-il possible de donner qu'une espèce végétale actuellement réputée indemne ne sera pas inscrite à court ou moyen terme sur la liste des végétaux spécifiés ou celle des plantes hôtes106 ? quel niveau de maîtrise des risques est-il possible de reconnaître à un passeport phytosanitaire européen107 reposant sur une liste constatée comme fortement évolutive ? comment prendre en compte le fait que le végétal peut porter la bactérie sans manifester de symptômes, souvent à des niveaux de charge bactérienne très difficiles à détecter par la plupart des analyses ?
· ·
105 Il faut au moins 10 000 bactéries pour identifier la présence de X. fastidiosa dans un échantillon, alors qu'il en suffit, en théorie, de 100 pour les tests qPCR (Marie-Agnès Jacques rappelle que cela correspond à une bactérie par tube, conduisant à une détection alors peu fiable car la distribution suit une loi de Poisson, des tailles de 1 000 bactéries sont détectées de manière fiable dans les matrices non inhibitrices). La mission note que dans la zone infectée des Pouilles il existe 100 000 à 10 000 000 bactéries par échantillon. 106 Cette question concerne à la fois l'inscription de nouveaux végétaux sensibles à une sous-espèce de Xylella fastidiosa, mais aussi le fait que des végétaux préalablement identifiés comme sensibles à une seule sous-espèce se révèlent ultérieurement sensibles à plusieurs sous-espèces, comme, par exemple, Nerium oleander, Lavandula dentata, ou Prunus dulcis. 107 Le passeport phytosanitaire européen (PPE) est délivré par l'État membre du lieu de départ au vu de contrôles effectués en application des protocoles d'inspection, avec notamment des prélèvements à des fins d'analyse conformes à la NIMP 31. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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La mission a entendu les inquiétudes manifestées par certains partenaires corses concernant la qualité et la fiabilité des réponses techniques et scientifiques qu'il est aujourd'hui possible de donner à ces trois questions. Tout en prenant acte du pragmatisme et de la forte réactivité de la Commission européenne, elle ne peut également que constater que l'État français est contraint par les règles communautaires, et que ses marges de manoeuvres sont limitées. Elle constate également qu'en l'absence d'un laboratoire européen de référence, l'amplitude des performances des différentes méthodes validées au sein de l'Union européenne ne contribue pas à fiabiliser les réponses qu'il est actuellement possible d'apporter aux trois questions identifiées. Malgré l'absence de cas référencé de jeune plantation contaminée par du matériel végétal porteur de X. fastidiosa venant de pépinières, cette différence entre le risque perçu et les mesures réglementaires de gestion du risque phytosanitaire explique, dans le cas de Xylella fastidiosa, le reproche parfois fait d'une dissociation ressentie par certains partenaires corses entre une gestion administrative du risque par l'État et une gestion véritablement sanitaire de la situation constatée. Les insectes vecteurs Le schéma de transmission de la bactérie passe nécessairement par des insectes piqueurs suceurs du xylème. Si aux États-Unis, les cicadelles ont joué un rôle majeur dans les épidémies (plus de 38 cicadelles impliquées, avec des taux de transmission très variables), en Europe d'autres familles d'insectes piqueurs suceurs du xylème sont également bien représentées et pourraient jouer un rôle important (Cicadella viridis, Cicadella lasiocarpae, les Aphrophoridae, les Cercopidae, Cicadidae et Tibicinidae). Néanmoins, à ce jour, en Europe, seule la responsabilité de Philaenus spumarius a été clairement démontrée, comme vecteur de X. fastidiosa subsp. pauca dans les Pouilles108. La question prioritaire est donc d'identifier l'espèce ou les espèces aptes à cette transmission, et responsable(s) de la transmission en Corse, en gardant en mémoire : · · d'une part qu'un insecte porteur de la bactérie n'est pas nécessairement un insecte transmetteur, d'autre part que la présence ou l'introduction d'un insecte très performant en matière de transmission109 peut changer fondamentalement la dynamique de la maladie, comme cela a été constaté sur la maladie de Pierce, après l'introduction ou l'arrivée naturelle en Californie, d'Homalodisca vitripenis en provenance du Mexique.
L'INRA a identifié a priori 11 espèces d'insectes vecteurs possibles en Corse, mais s'est rapidement focalisé (comme c'est également le cas en Italie et en Espagne) sur Philaenus spumarius, espèce extrêmement abondante très repérable par les « crachats de coucou » qui accompagnent ses premières phases de développement, en estimant disposer d'un faisceau de présomption suffisamment solide pour fonder un projet de recherche de terrain sur cette hypothèse. Cette espèce n'avait jamais bénéficié jusque-là d'une attention particulière de la recherche, au point qu'on ne la trouve pas dans les collections entomologiques. La forte variabilité constatée des genitalia pourrait laisser penser à un complexe d'espèces, et peut-être même à l'existence d'une entité génétique corse, selon l'INRA (source J.Y. Rasplus).
108 Néanmoins en janvier 2018, Maria Saponari a indiqué que Neophilaenus campestris et Philaenus italosignus étaient également vecteurs de Xf dans les Pouilles (http://www.xfactorsproject.eu/press_review/research-outcomes-xylella-xf-actors-ponte-projects/). 109 Dans l'état actuel de ce qui est constaté, selon l'INRA, les insectes européens transmetteurs de la bactérie semblent très peu efficaces par rapport à ce qui est observé aux USA. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Mousse nommée « crachat de coucou » dont s'entourent les larves de Philaenus spumarius. Photo prise près d'un olivier contaminé par Xylella fastidiosa subsp. pauca dans les Pouilles.
Mousse nommée « crachat de coucou » dont s'entourent les larves de Philaenus spumarius. Photo prise près d'un olivier contaminé par Xylella fastidiosa subsp. pauca dans les Pouilles.
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Pour comprendre le cycle biologique de cette espèce, il reste une grande inconnue sur la localisation des adultes pendant la période estivale chaude, de mi-mai à mi-octobre : dans le sol, comme en fait l'hypothèse, l'équipe110 du Centre de Biologie pour la Gestion des Populations (CBGP) de l'INRA Montpellier, ou tout au sommet des arbres, comme le pense l'équipe de Marc Gibernau (CNRS). L'observation du terrain autour du centre CNRS de Vignola (près d'Ajaccio) a montré que 35 espèces de cicadelles sont présentes, dont trois espèces nettement dominantes : Philaenus spumarius, mais aussi Euscelis lineolates (effectif le plus élevé) et Latilica maculipes. Ces deux dernières espèces sont réputées s'alimenter sur phloème, même si localement Jérôme Albre (post-doctorant) a montré que les adultes d'Euscelis lineolates peuvent s'alimenter « un tout petit peu » sur xylème. Ce dernier constat ne semble néanmoins pas de nature à expliquer l'épidémie, les chercheurs nord-américains lient la probabilité de la contamination à la capacité d'une espèce à piquer souvent et longuement un végétal (source : J.Y. Rasplus). Il reste par ailleurs un doute sur la possibilité que, dans une moindre mesure, la transmission de la bactérie puisse se faire également par des cigales111 (quatre espèces présentes en Corse112, dont trois endémiques). L'équipe du CBGP de l'INRA Montpellier pense être en mesure de donner connaissance de ses premières analyses sur ce sujet fin 2018. Les insectes se « contaminent » et deviennent porteurs de la bactérie dès le stade jeune adulte, sur la plante hôte déjà infectée aux dépens de laquelle ils se développent (notamment le ciste). La charge bactérienne augmente ensuite au fur et à mesure de la multiplication des piqûres par succion de xylème sur des végétaux déjà contaminés. Les capacités de mobilité autonome de P. spumarius sont clairement faibles, limitée à 100 à 160 mètres par an selon les experts et la littérature scientifique (même si ce point n'a pas fait l'objet de confirmation scientifique en Corse). Il existe une forte présomption que le ciste de Montpellier soit particulièrement attractif pour le développement de l'insecte, ce qui semble une spécificité de la Corse par rapport à ce qui est observé sur le continent113. De manière assez constante à travers la Corse (11 points de prélèvement bien répartis), environ 20 % des insectes sont trouvés contaminés par l'INRA. Par ailleurs 6 % des insectes contaminés semblent porter les deux ST. Dans les Pouilles, à la différence de la Corse, il est possible de voir un front de progression de la maladie qui remonte vers le Nord, à la vitesse d'environ 10 km par an (vitesse qui semble se ralentir114), mais aussi vers le Sud de la botte italienne. Cette vitesse de progression n'est clairement pas imputable aux seuls déplacements autonomes de l'insecte vecteur identifié, Philaenus spumarius. Ceci met l'accent sur le transport passif de l'insecte, souvent évoqué dans la littérature scientifique à la faveur des coups de vent, mais pour lequel les experts italiens mettent également en cause le transport involontaire par des véhicules115.
110 Jean-Yves Rasplus, Astrid Cruaud et Jean-Pierre Rossi 111 Il est à noter que, dans le cadre de la mission DGAl sur le dépérissement des oliviers en Corse, Bernard Boutte (département de la santé des forêts) a identifié des piqûres de cigales sur olivier. 112 Cicadetta fangoana - La Cigale du Fango - Endémique Corse, c'est la plus commune ; Cicada orni - La Cigale grise - Commune dans l'espace méditerranéen ; Tibicina corsica subsp. corsica - La Cigale corse - Endémique Corse ; Tibicina nigronervosa - La Cigale à nervures noires - Endémique Corse 113 Cette spécificité explique le projet de recherche mené en Corse par l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier, visant à étudier la dynamique de la population de P. spumarius sur ciste en fonction de son environnement proche, en faisant varier plusieurs paramètres (abondance du ciste, structure locale de la végétation, diversité des cultures proches,...). 114 Nonobstant le fait qu'un nouveau foyer a été identifié dans la zone tampon. 115 Donato Boscia, expert national italien de Xylella fastidiosa, a indiqué aux missionnaires que, dans les premiers temps de progression du front, il est possible de voir l'effet des voies routières de communication le long desquelles la progression est plus rapide, avant que l'épidémie ne ré-homogénéise le paysage. Ceci se traduit notamment par des foyers « pionniers » à proximité de stations-services ou de restaurants routiers, tous endroits où des véhicules s'arrêtent et où les portières sont ouvertes, CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Enfin la mission appelle l'attention sur la contradiction apparente entre la contamination des insectes et la contamination des végétaux en Corse, selon les résultats obtenus par le CBPG de l'INRA de Montpellier. En effet, alors que l'ANSES n'identifie que la sous-espèce multiplex (et que l'INRA d'Angers n'a identifié sur végétaux que deux spécimens de sous-espèces autres, nonobstant le nombre des « indéterminés »), l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier116 identifie un nombre très significatif d'insectes dont le cibarium 117 colonisé par X. fastidiosa qui hébergerait à la fois la sous-espèce multiplex et « autre chose ». Cette situation conduit à s'interroger sur les mécanismes de transmission de l'insecte à la plante, sur ce qui pourrait expliquer la présence détectée de la seule sous-espèce multiplex dans les végétaux de Corse, et sur le risque d'être un jour confronté à cet « autre chose » sur végétal. Les symptômes La plupart des publications de vulgarisation sur Xylella fastidiosa sont accompagnées de photographies présumées représentatives des symptômes accompagnant cette contamination pour chaque espèce végétale. Mais ces symptômes sont généralement plus ou moins les mêmes que ceux découlant d'un stress hydrique. Des études assez récentes suggèrent que le développement des symptômes est, au moins au début, une conséquence des réponses physiologiques déclenchées par un déficit hydrique ressenti par la plante (Choi et al. 2013 ; Daugherty et al. 2010 ; Sun and al., 2013). Les publications scientifiques insistent d'une part sur la présence fréquente de végétaux porteurs de la bactérie mais ne manifestant pas de symptômes 118, d'autre part sur le décalage temporel possible entre la contamination bactérienne et l'apparition éventuelle de symptômes : dans certains cas ce décalage peut être de plusieurs mois 119, voire de plusieurs années (R.P.P. Almeida120, 2016). Les symptômes ne sont par ailleurs pas proportionnels au nombre de bactéries. Ceci semble refléter en partie la complexité du processus de contamination d'un végétal. Dans son compte-rendu de la Conférence de Palma de Majorque (novembre 2017), la DGAl indique : « Les études visant à mieux caractériser la bactérie mettent en évidence l'implication de certaines molécules et substances actives dans le processus de contamination de la plante. Tandis que le calcium et les facteurs de transmission diffusibles (DSF) semblent favoriser la virulence de la bactérie en facilitant la production de biofilm (blocage de la circulation de la sève brute) ou l'adhérence in planta de la bactérie, le N-AcétylCystéine (NAC) joue un rôle de perturbateur de production de biofilm. Il existe par ailleurs une communauté de bactéries endophytes inhérentes à chaque végétal dont il a été montré que certaines espèces peuvent jouer un rôle antibactérien visà-vis de Xylella fastidiosa. » Quoi qu'il en soit, les symptômes présentés dans ces documents pédagogiques ne semblent être qu'exceptionnellement caractéristiques, encore moins spécifiques d'une contamination par Xylella fastidiosa. Ils peuvent souvent évoquer également d'autres causes possibles, biotiques ou abiotiques. Donato Boscia121, expert national italien de Xylella fastidiosa, à propos de la liste des
permettant à des insectes de sortir. 116 Avec des méthodologies propres reposant sur des bases assez proches de celles de l'équipe INRA d'Angers sur les végétaux, et donc a priori susceptibles de susciter le même type de questionnement de l'ANSES à partir des méthodes officielles. 117 Cibarium : cavité antérieure de la bouche de l'insecte, placée entre la base de l'hypopharynx et la face inférieure du clypéus 118 En Corse, de juillet 2015 à octobre 2017, 723 prélèvements positifs étaient issus de végétaux présentant des symptômes, mais 144 prélèvements positifs avaient été faits sur des végétaux asymptomatiques. 119 Maria Saponari et al. (EFSA supporting publication : EN-1013 de mars 2016) : pour de jeunes plants d'oliviers, cela peut prendre 12 à 14 mois pour manifester des symptômes après une inoculation artificielle sous serre. 120 Pour la vigne, végétal pour lequel un effort considérable de recherche a été mené, Almeida estime qu'il faut généralement 1 à 2 ans pour exprimer la maladie (source : contact de la FREDON Alsace avec Almeida lors de son passage en Alsace). 121 Membre du Conseil national de la recherche (en italien : Consiglio Nazionale delle Ricerche) ou CNR. Il est virologiste spécialisé CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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végétaux hôtes de la sous-espèce pauca, estime même que seul le laurier-rose (Nerium oleander) semble présenter la plupart du temps (mais pas toujours, comme les missionnaires ont pu le constater sur des pieds sur lesquels une analyse au test Elisa avait pourtant été positive) des symptômes relativement spécifiques de Xylella fastidiosa (dessèchement en bandes longitudinales). Pour les autres végétaux, et en dehors d'une zone connue pour être hautement infectée, le doute est systématiquement permis : seules les analyses de laboratoires peuvent établir la contamination bactérienne, sans pouvoir absolument éliminer l'hypothèse de la contribution d'autres causes biotiques ou abiotiques. Sur oliviers dans les Pouilles, et ceci dans des cas de figure variés allant d'un nouveau cas très récemment détecté dans la zone tampon (présumée indemne jusque-là) à l'examen d'un gradient d'ancienneté de la contamination dans le Sud de la zone infectée, les missionnaires ont pu constater l'extrême difficulté à trouver des constantes dans l'aspect des feuillages sur des arbres pourtant testés positifs. Sur olivier, seul le flétrissement sur les rameaux et les pousses de petit diamètre, avec présence des feuilles sèches (et de petites olives desséchées) sur le rameau jusqu'aux fortes pluies hivernales reste un point commun. Les fortes pluies semblent faire tomber les feuilles sèches sur l'ensemble du rameau (mais pas les petites olives desséchées), donnant cet aspect de branche ou rameau secs portant de petites olives desséchées, comme observé par les missionnaires aux Baléares et dans les Pouilles. Les missionnaires ne se souviennent pas l'avoir vu en Corse (présence de rameaux secs, mais sans petites olives desséchées). Mais sur olivier, selon les experts italiens, ces symptômes peuvent être aussi ceux de la verticiliose, ou même « autre chose » (par exemple, une carence minérale) : seules les analyses bactériologiques peuvent dire si la bactérie Xylella fastidiosa est bien présente. NB : au moins sur olivier dans les Pouilles, la vitesse d'évolution de la maladie semble augmenter nettement avec l'âge de l'arbre, dans un contexte où les experts italiens ont précisé à la mission qu'il pré-existait des problèmes sanitaires (notamment fongiques) sur beaucoup de vieux arbres. Néanmoins, l'extension de l'épidémie à des niveaux de charge bactérienne très élevée a ensuite fait disparaître la capacité à discriminer le comportement individuel des vieux arbres en fonction de l'état sanitaire individuel préexistant à la contamination. Ce constat complique l'approche concernant les oliviers jeunes, pour lesquels l'arbre semblerait en mesure de mieux résister à des inoculations, et ne pas manifester de symptômes malgré la présence de la bactérie. Les photographies prises en Corse par la mission sur des oliviers que le Syndicat interprofessionnel des oléiculteurs de Corse (SIDOC) estime très probablement contaminés 122 par Xylella fastidiosa ont été montrées à Donato Boscia. Celui-ci est resté très prudent 123 : cela pourrait être compatible avec des dégâts dus à Xylella fastidiosa, mais cela pourrait aussi évoquer d'autres causes, et seules les analyses bactériologiques peuvent être considérées comme probantes. Dans l'état actuel de ce qu'ils ont vu en Corse, les missionnaires sont donc conduits à mettre en garde contre des déductions hâtives à partir de la seule symptomatologie du feuillage, avant les analyses bactériologiques. Néanmoins les missionnaires gardent aussi en mémoire le
en sérologie (développement et application des anticorps polyclonaux et monoclonaux pour l'identification des souches). Il est expert auprès de l'EFSA, et coordonnateur de plusieurs projets de recherche, italiens ou communautaires, sur Xylella fastidiosa. 122 A ce stade du raisonnement concernant les symptômes, il n'est pas encore pris en compte le débat sur les résultats positifs des analyses INRA au regard des analyses négatives faites par l'ANSES selon la méthode officielle. 123 Dans l'état des informations dont elle dispose, la mission n'a pas identifié d'éléments probants et validés scientifiquement laissant penser que chaque sous-espèce de X. fastidiosa se manifesterait par une symptomatologie spécifique. Elle garde néanmoins en mémoire les travaux de l'Université de Californie sur la maladie de Pierce, montrant que la sous-espèce fastidiosa produit une lipase responsable des symptômes à la marge des feuilles ; l'absence de travaux équivalent sur d'autres sousespèces et d'autres végétaux empêchent actuellement toute généralisation, à plus forte raison toute approche par sous-espèce. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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constat que les prélèvements effectués par les chercheurs sur des végétaux symptomatiques (même si les symptômes peuvent également traduire un stress hydrique) conduisent à un taux élevé de résultats positifs pour les analyses INRA (le LNR ne recevant a priori pas d'échantillons utilisés pour des projets de recherche, à l'exception de trois échantillons d'oliviers trouvés positifs par l'INRA lors de sa campagne de prélèvements et d'analyses de juin 2017). Cet appel à la prudence concernant les symptômes visuels conduit nécessairement à rendre absolument cruciale la clarification de la situation totalement spécifique à la France, où les analyses officielles faites par le LNR et les analyses faites par l'INRA dans un cadre de recherche peuvent dessiner un « paysage épidémiologique » en partie différent. Par ailleurs, contrairement à ce qui est parfois affirmé par certains partenaires corses, la contamination ne se fait pas nécessairement de proche en proche. Le « critère du rond124 » ne peut pas être considéré comme un symptôme fiable d'une contamination bactérienne par Xylella fastidiosa ; a contrario l'absence de dépérissement en rond ne peut donc pas conduire à exclure une responsabilité de la bactérie. Ce constat d'une contamination qui ne se propage pas nécessairement de proche en proche est mentionné dans des publications scientifiques, et les missionnaires ont pu l'observer dans les Pouilles d'une part sur des plants de romarin en alignement, d'autre part sur des plants de laurier-rose en alignement, avec des végétaux analysés positifs par le CNR. Les facteurs qui président à la contamination (nombre de piqûres d'insectes et charge bactérienne transmise, état de vigueur de la plante, résistance éventuelle différenciée des plants,..) et à l'expression de la maladie ne sont pas suffisamment connus à ce jour 125. La dissémination de la bactérie hors des Amériques et les périodes d'introduction en Corse La dissémination de la bactérie hors des Amériques semble très largement liée aux échanges internationaux de végétaux, et peut-être d'insectes infectés. Sur le territoire de l'Union européenne, sur la base des informations officielles disponibles, elle est désormais durablement implantée en Italie (région des Pouilles), en Espagne (Baléares sauf l'île de Formentera, province d'Alicante) et en France (Corse, Var et Alpes-maritimes). Mais par ailleurs des foyers ponctuels ont immédiatement été éradiqués en Allemagne (dans une pépinière), en Espagne (une oliveraie près de Madrid, une serre dans la région d'Almeria 126) et en République tchèque (sur un lot de végétaux importés d'Espagne), comme ce fut également le cas en France continentale (Seine-et-Marne, sur pommier). R.P.P. Almeida, spécialiste américain (Université de Berkeley, Californie) de la bactérie ? a parfois évoqué des cas de X. fastidiosa (apparemment non confirmés) observés en 1998 au Kosovo127, région proche (du moins pour les échanges économiques) avec la région des Pouilles. Hors du territoire de l'Union européenne, la bactérie est également identifiée en Turquie, en Iran et à Taïwan.
124 Expression utilisée par certains partenaires devant la mission pour décrire un type de propagation de proche en proche, censé créer, sur un site infecté depuis quelques années, une mosaïque plus ou moins circulaire de végétaux dépérissants ou morts. 125 Par exemple, empiriquement, aux endroits visités par la mission dans les Pouilles, les lauriers-roses à fleurs blanches semblaient beaucoup plus sensibles que ceux à fleurs rouges, et Donato Boscia, expert national italien de Xylella fastidiosa, estime que cela semble être un constat assez général. 126 La mission ne dispose pas à ce stade d'information sur le recours ou non par l'Espagne à la possibilité de ne pas établir de zone délimitée et d'en notifier les raisons à la Commission européenne conformément à l'alinéa 6 de l'article 4 de la Décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission. 127 Cette information a été publiée par Berisha en 1998, après un travail scientifiquement solide, même s'il n'a pas été officiellement reconnu par les autorités du pays : il y avait eu isolement de la souche, caractérisation immunologique et identification moléculaire, plus des tests de pouvoir pathogène. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Comme indiqué précédemment à propos du séquençage génétique intégral de la souche « de Donno », le niveau de la sous-espèce n'est pas le seul niveau utile de caractérisation de la bactérie au niveau du génôme : il est nécessaire de prendre également en compte les ST 128 (Sequence Types) pour analyser les proximités génétiques au sein des mêmes sous-espèces, et formuler des hypothèses sur les origines et l'ancienneté des importations de végétaux contaminés. C'est ainsi que, dans le cas des Pouilles, l'hypothèse de l'introduction relativement récente (sans doute vers 2005, avant l'observation des premiers symptômes sévères en 2008, selon Donato Boscia, la notification officielle à la Commission de la présence de X. fastidiosa datant du 21 octobre 2013) de la bactérie, sans doute par des caféiers ornementaux ou des lauriers-roses originaires du Costa-Rica (ou du Honduras) a pu être considérée comme hautement crédible, compte tenu du fait que la ST53 identifiée est caractéristique de ces pays d'Amérique centrale. C'est également à partir du constat que X. fastidiosa subsp. multiplex en Corse se caractérise essentiellement par deux ST assez proches129 des ST6 et ST7 nord-américaines, qu'il a été possible de faire des hypothèses concernant une relative ancienneté de la présence en Corse de ces souches, en évaluant la distance génétique entre les souches françaises et nordaméricaines130 pour chaque ST : il pourrait y avoir eu deux périodes d'introduction de la bactérie en Corse, dans les années 1965131 pour ST7 et dans les années 1980132 pour ST6 (source : MarieAgnès Jacques, INRA). À partir d'une tout autre approche, une modélisation reposant sur des statistiques épidémiologiques prenant en compte la seule dynamique temporelle, un autre chercheur de l'INRA (Samuel Soubeyrand et al., 2018) privilégie l'hypothèse d'une introduction dans les années 1985 (incertitude : plus ou moins 8 ans), avec l'existence d'un « compartiment caché » jouant le rôle de réservoir d'infection, qui pourrait être les cistes 133, en supposant la constance du modèle épidémiologique dans le temps (donc sans évolution du climat, notamment). Sur la base d'un autre modèle prenant en compte la dynamique spatio-temporelle pour la seule Corse du Sud 134, une doctorante travaillant dans le même laboratoire de biostatistiques conclurait à l'hypothèse vraisemblable d'une première infection dans la zone d'Ajaccio (plutôt au Nord de la commune) dans les années 1965-70. À partir d'une troisième famille d'approche, reposant sur les caractéristiques de l'insecte vecteur actuellement privilégié par l'INRA (Philaenus spumarius), et notamment la présence généralisée d'un taux d'infection de l'ordre de 20 %, il serait même envisageable d'avancer l'hypothèse d'une introduction encore plus ancienne, datant peut-être des importations de porte-greffes issus d'espèces américaines et résistants au Phylloxera, pour replanter après la grande crise du Phylloxera135 (source orale : Jean-Yves Rasplus, INRA).
128 Même le niveau des ST ne permet pas d'affecter à une « souche » particulière une liste spécifique de végétaux hôtes. Par exemple, en Corse, ST6 est spécifiquement liée à 11 végétaux hôtes et ST7 à 7 végétaux hôtes, mais les ST6 et ST7 françaises partagent 12 végétaux hôtes. Par ailleurs le laboratoire de l'INRA d'Angers identifie ST53, ST76 et ST79 ainsi que des mélanges de souches. 129 C'est ce pourquoi il est préférable de parler des ST6 et ST7 françaises, plutôt que des ST6 et ST7 de manière générale. 130 Souche Dixon pour ST6 et Griffin pour ST7. 131 Avec un intervalle de confiance en matière d'ancienneté allant de 42 à 142 ans. 132 Avec un intervalle de confiance en matière d'ancienneté allant de 14 à 388 ans. 133 L'article « Inferring pathogen dynamics from temporal count data : the emergence of Xylella fastidiosa in France is probably non recent » (New Phytologist) identifie deux scénarios vraisemblable, avec ou sans compartiment caché. En l'absence d'un compartiment caché (hypothèse moins vraisemblable que l'autre), l'introduction en Corse de X. fastidiosa daterait du début des années 2000. 134 Ce choix repose sur le sentiment des biostatisticiens que la configuration des foyers en Corse du Nord indiquerait plutôt plusieurs introductions différentes. 135 Le directeur de la FREDON de Corse a appelé l'attention de la mission sur le fait que le grand foyer de maquis infesté dans les environs de Cauro se trouve juste à côté d'une ancienne exploitation qui a été une des premières de Corse à importer des portegreffes américains. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Enfin la mission note l'impossibilité d'identifier depuis 2015 un front de progression du type de celui observé dans les Pouilles, front qui semble indissociable d'une introduction récente selon Donato Boscia, de l'Institut de virologie des plantes à Bari. L'hypothèse de l'ancienneté de l'introduction de la bactérie en Corse est donc confortée par la convergence d'approches méthodologiquement différentes, tout en restant à ce stade fondée sur des corrélations, pas sur des preuves directes. Sur cette base la mission estime qu'il est hautement probable que l'introduction de X. fastidiosa en Corse date d'un moment où l'enjeu sanitaire relatif à cette bactérie n'était ni identifié ni identifiable comme actuellement, avant même la création du passeport phytosanitaire européen en 1992 136et son application aux végétaux hôtes après la découverte de la bactérie en Italie. Les années 1965-1980 semblent par ailleurs avoir été des années particulièrement actives en matière d'introduction de végétaux en Corse. La mission relève notamment que : · la responsabilité de la bactérie dans la maladie de Pierce sur vigne, et dans la chlorose panachée des agrumes au Brésil n'a été vraiment identifiée qu'à partir des années 1980, et le nombre de végétaux susceptibles d'héberger la bactérie a longtemps été très largement sous-estimé (cf. infra). Ce n'est qu'au début des années 2000 (Hopkins D.L. and Purcell A.H., 2002) que les spécialistes nord-américains ont commencé à estimer que cette bactérie représentait « une des nouvelles menaces sanitaires les plus significatives dans les Amériques » ; les importations de végétaux en Corse concernaient aussi bien des besoins ornementaux que de renouvellement des cultures pérennes, comme l'olivier, généralement à partir de pépinières toscanes (Italie). Jusqu'à l'identification en 2013 des ravages effectués dans les Pouilles par X. fastidiosa subsp. pauca, il n'existait pas de raison scientifique probante pouvant conduire les pouvoirs publics à identifier un risque sanitaire grave au niveau du commerce intracommunautaire.
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Dès lors, pour la mission, le défi technique et scientifique le plus pertinent du point de vue opérationnel ne concerne pas le fait d'identifier précisément le moment précis et le contexte de l'introduction de la bactérie en Corse, mais bien de comprendre pourquoi cette bactérie probablement présente depuis quelques décennies n'a été identifiée en Corse qu'en 2015. Il est notamment légitime de s'interroger sur la part respective de deux facteurs explicatifs vraisemblables, qui ne s'excluent a priori pas l'un l'autre : · · le fait de trouver ce qu'on cherche, depuis la mise en place d'une surveillance à la diligence de l'État, opérationnelle à compter du printemps 2015 ; la manifestation de symptômes, peut-être en relation avec les conditions climatiques, compte tenu de ce que l'on sait en matière d'interférences entre la bactérie, la plante et l'environnement, notamment via le stress hydrique et la température.
La situation en Corse La première identification d'un foyer de X. fastidiosa a été faite à Propriano en juillet 2015, sur polygale. Fin 2017, les analyses officielles sur près de 16 000 échantillons (de juillet 2015 à octobre 2017) avaient identifié 925 cas positifs et 36 espèces hôtes en Corse. Les espèces pour lesquelles le taux le plus fort d'échantillons positifs au regard des échantillons prélevés sont : Calicotome villosa (33 %), Polygala myrtifolia (26 %), Spartium junceum (21 %), Helichrysum italicum (14 %), Cistus monspeliensis (11 %) : à part le polygale à feuille de myrte (Polygala
136 Le passeport phytosanitaire européen a été créé par la directive 92/105/CEE du 3 décembre 1992. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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myrtifolia), espèce ornementale exotique qu'on trouve dans les jardins, même si certains exemplaires s'en sont échappés, il s'agit d'espèces du maquis, même si l'immortelle d'Italie (Helichrysum italicum) est cultivée, essentiellement dans la perspective de fabriquer des huiles essentielles. En 2016, selon la FREDON de Corse, plus de la moitié des échantillons positifs (sous-espèce multiplex) a été prélevée dans le milieu naturel, même si les importantes difficultés d'accessibilité du maquis expliquent que ces prélèvements ont été faits soit à proximité de zones habitées soit le long des routes. La dimension « maquis » de la présence de X. fastidiosa en Corse semble donc patente, alors que c'est un point considéré comme très marginal dans les Pouilles mais aussi, dans une moindre mesure, aux Baléares, compte tenu de la moindre extension d'une végétation naturelle ou subnaturelle dans ces deux zones. La mission a visité avec la FREDON de Corse deux zones de maquis de basse altitude (La Parata, près d'Ajaccio, et dans les environs de Cauro) où des dépérissements et mortalités sont observés sur des surfaces allant d'une dizaine à une centaine d'hectares et où des analyses ont été positives, avec ou sans détermination de la sous-espèce 137. Sur un foyer important situé sur la commune de Cauro, où des prélèvements ont permis d'identifier la sous-espèce multiplex alors que d'autres prélèvement sont indéterminés 138, la plupart des calicotomes sont morts ou en train de mourir (février 2017), alors que des chênes, des oléastres et des filaires semblent présenter par ailleurs des symptômes justifiant un suivi durant la saison de végétation 2018. Il est à noter qu'un chêne vert est positif, mais sans que le LNR soit en mesure d'identifier la sous-espèce, malgré trois analyses sur des prélèvements successifs. Par ailleurs, pour ce qui concerne les espèces cultivées (agricoles ou ornementales), actuellement et sans préjuger d'une possible évolution au cours des prochaines années139, la mission ne peut que souscrire au résumé lapidaire fait par Donato Boscia sur la différence entre les Pouilles et la Corse : la crise dans les Pouilles découle des dégâts massifs causés par la bactérie sur certains végétaux, au premier chef l'olivier, alors que la crise actuelle en Corse découle essentiellement des débats sur les modalités administratives de gestion de la présence de la bactérie. La mission garde par ailleurs en mémoire la différence entre une zone d'infection récente (Les Pouilles) et la Corse pour laquelle un faisceau convergent d'approches laisse penser à une infection déjà ancienne (Cf. supra : La dissémination de la bactérie hors des Amériques et les périodes d'introduction en Corse). Toutes les analyses de l'ANSES sur des échantillons de végétaux prélevés en Corse mettent en évidence la seule sous-espèce multiplex. Néanmoins, à partir d'analyses faites sur insectes (donc en dehors du cadre des analyses menées selon la gamme des protocoles validés par l'OEPP), à partir d'analyses MLST 140 sur 2 loci des gènes de ménage141 analysés, l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier estime qu'il existe une forte
137 La mission garde en mémoire que dans environ un quart des analyses, il n'est pas possible d'identifier la sous-espèce, et que dès lors les conditions fixées par la DGAl ne sont pas réunies pour déclarer un foyer. Le passage en stratégie d'enrayement déplace significativement l'enjeu opérationnel d'identifier de nouveaux « foyers officiels ». Néanmoins la mission considère que, dans le contexte du débat en Corse et du besoin de démontrer que la surveillance prend bien en compte toutes les informations permettant d'orienter les investigations de terrain, il convient de rendre publiques ces suspicions de « foyers potentiels », selon des modalités graphiques particulières empêchant toute confusion avec les « foyers officiels », afin d'orienter la surveillance, tout particulièrement pour des espèces qui n'ont pas ou rarement été identifiées positives par les analyses officielles. 138 Il semble particulièrement difficile d'identifier la sous-espèce sur les échantillons positifs de calicotome. 139 La mission pense notamment au contexte posé par l'identification pour la première fois de la bactérie sur olivier par l'INRA, sans que cette présence ne soit néanmoins confirmée à ce stade par l'ANSES, dans un contexte où des oliviers montrent des symptômes préoccupants de dépérissement en partie depuis l'automne 2017, et surtout le printemps 2018. 140 Il n'est pas toujours possible d'obtenir des résultats interprétables avec cette méthode. Par exemple, avec le calicotome, cela ne marche dans un tiers des cas. 141 Et donc pas sur la totalité des sept sites de ménage préconisés actuellement (choix effectué aux USA en 2005), mais dans un cadre qui se rapproche des discussions actuellement en cours pour simplifier et rendre moins coûteuses les analyses MLST sur CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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présomption de présence de X. fastidiosa subsp. fastidiosa en Corse (mais semble-t-il avec une souche relevant de la lignée présente sur caféier, pas sur la vigne : source Marie-Agnès Jacques). A ce jour aucune analyse sur végétal n'a permis de confirmer la présence de la sous-espèce fastidiosa en Corse. Néanmoins, sur végétal, également à partir de 2 loci (un commun avec un de ceux identifiés par l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier), il est identifié également la probabilité de la présence d'une souche de la sous-espèce sandyi proche de la sous-espèce fastidiosa (source Marie-Agnès Jacques). S'il est fait l'hypothèse qu'il s'agit bien de la même entité indéterminée, et donc que l'on prend en compte les 3 loci provenant des deux approches différentes (sur insecte et sur végétal), la probabilité de la présence de la sous-espèce fastidiosa en Corse, mais à des niveaux très difficiles à détecter, serait renforcée. Par ailleurs, selon les analyses de l'INRA sur végétaux, il a été identifié la présence : · de la sous-espèce sandyi142, sur un seul échantillon de polygale, sans que la mission ne sache s'il s'agissait d'un plant récemment importé ; · de la sous-espèce pauca143 (ST53 non confirmé par une seconde prise d'échantillon en vue de son analyse), sur un seul échantillon de chêne vert situé en Balagne (2016), qui a fait l'objet d'une destruction immédiate à l'initiative des services de l'État, bien qu'il n'ait pas eu préalablement de confirmation par le LNR, et ceci sans que de nouveaux prélèvements aient permis d'envisager une éventuelle confirmation ou infirmation a posteriori par la méthode MA039 utilisée par le LNR144 ; Dans les deux cas, il est extrêmement difficile de tirer des conclusions scientifiquement probantes à ce stade. D'une part il est possible de faire raisonnablement l'hypothèse que le niveau de sensibilité plus élevé revendiqué par la méthode mise en oeuvre par l'INRA entraîne logiquement des discordances avec la méthode officielle, dès lors qu'elle identifierait ce que les caractéristiques intrinsèques de la méthode officielle ne permettent pas de mettre en évidence 145. D'autre part, sans que la mission prétende trancher dans un domaine où elle n'est pas scientifiquement compétente, elle garde en mémoire la mise en garde des experts italiens rencontrés vis-à-vis de toute détection d'une nouvelle sous-espèce dans une nouvelle zone sur la base d'un seul prélèvement et d'une analyse qu'il n'a pas été possible de réitérer, faute de nouvel échantillon accessible : une telle présence unique et isolée n'est pas impossible pour une introduction récente de végétal, mais ce n'est a priori pas le cas de figure à privilégier au moins pour un chêne vert. À plusieurs reprises, l'INRA a signalé au LNR des cas où ses analyses identifient des oliviers ornementaux contaminés par X. fastidiosa subsp. multiplex, mais sans jamais que l'ANSES ne confirme ce résultat par la méthode officielle. Néanmoins la mission considère comme très important de ne pas donner le sentiment de confondre la description « clinique » de l'état de la
végétal. Un gène de ménage est un gène qui s'exprime dans tous les types cellulaires et dont les produits assurent les fonctions indispensables à la survie des cellules. Ils ne subissent donc pas de régulation. Les gènes de ménage forme l'expression des gènes ou l'expression génique. Il est à noter que pour l'ANSES le seul cas où la sous-espèce sandyi a été identifiée en France concerne un plan de caféier. Ce qui ne signifie pas pour autant une souche CoDIRO ou de Donno. La mission a pris connaissance du « retour d'expérience » rédigé par la DDCSPP de Haute-Corse sur le cas du « chêne de Balagne ». En 2015, un prélèvement réalisé sur un chêne vert (Overcus ilex) en Balagne (Corse), hors foyer, avait relevé un résultat qualifié de positif dans un premier temps pour la détection de Xylella fastidiosa, puis le LSV nous a fait part de ses doutes sur le résultat. Le chêne a été détruit dès l'annonce de ce résultat et d'autres prélèvements aux alentours ont été réalisés : tous négatifs. En mars 2016, un rapport d'analyse correctif du LSV statue sur un résultat final indéterminé. Le rapport évoque un changement de la MA039 et des règles de décision de détermination du statut d'un échantillon, qui, en avril 2015, n'étaient pas encore stabilisées. Au regard des nouvelles règles de décisions, le résultat d'avril 2015 aurait donné un résultat indéterminé pour la détection de Xylella fastidiosa. La mission est par ailleurs consciente des performances limitées de la méthode officielle, telle que mise en oeuvre actuellement par l'ANSES, sur les végétaux où des inhibiteurs sont présents, notamment les oliviers et les chênes (Cf. le chapitre sur les méthodes d'analyse).
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maladie avec la réunion des conditions administratives permettant à l'État de recourir aux dispositions juridiquement contraignantes découlant du droit communautaire et national. Dans l'état actuel des informations dont elle dispose, et nonobstant les travaux en cours entre l'INRA et l'ANSES pour comprendre les résultats différents des prélèvements effectués sur des oliviers identifiés comme présentant des symptômes par le SIDOC au printemps 2018, la mission note donc que la présence de X. fastidiosa sur olivier en Corse ne fait pas l'objet d'un consensus entre l'INRA et l'ANSES à ce jour (21 juin 2018). En tout état de cause, cette situation ne permet pas d'imputer à la bactérie les dépérissements actuellement observés sur oliviers. C'est ce pourquoi la mission diligentée par la DGAl sur le dépérissement des oliviers en Corse pour en identifier toutes les causes possibles est parfaitement pertinente et opportune. Enfin la mission garde en mémoire que plus d'une demi-douzaine d'espèces végétales ont été positives aux analyses de l'INRA sans l'être aux analyses du LNR. La liste des 36 espèces végétales présentes en Corse identifiées comme hôtes effectifs de la bactérie en juillet 2017 est possiblement sous-estimée146 d'un pourcentage qui ne peut être considéré comme négligeable. La bactérie, l'hôte, l'insecte et l'environnement La caractéristique fondamentale de la dynamique épidémiologique de X. fastidiosa repose sur les interactions entre la bactérie, la plante, l'insecte vecteur et l'environnement (notamment climatique : température, pluviométrie et réserve utile du sol, compte tenu de l'enjeu « stress hydrique »), ce qui introduit un niveau fort de complexité qui n'existe pas toujours dans les maladies végétales ou animales les plus connues. Il est clairement impossible de mener des expérimentations faisant varier simultanément ces trois facteurs (ou familles de facteurs), même s'il est possible de multiplier les placettes d'observation pour tenter de les prendre en compte, comme ce qui est actuellement mis en place par l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier dans le cadre du projet de recherche animé et financé par la Collectivité de Corse, et reposant sur environ 120 placettes en végétation naturelle ou subnaturelle, mais souvent à proximité de cultures agricoles (olivier, vigne, rosacées, immortelles). Aussi bien les suivis de terrain que les analyses en laboratoire rendent la recherche coûteuse, notamment en termes de personnels mobilisés, alors même qu'il s'agit d'un facteur limitant bien identifié. La capacité de recherche sur X. fastidiosa est actuellement clairement limitée par le nombre de personnel de recherche. Cette situation, au moins pour les expérimentations de terrain, conduit nécessairement à chercher des synergies entre structures mobilisables. Dans l'état de ce que comprend la mission, cela rend également probable qu'il ne sera pas possible de mettre en évidence des schémas causaux simples, et qu'il sera nécessaire de raisonner en termes de facteurs prédisposants, de facteurs déclenchants et de facteurs aggravants. Sur une base biostatistique reposant sur les foyers identifiés par les analyses validées par l'ANSES, l'équipe de l'INRA d'Avignon (Samuel Soubeyrand) identifie notamment le caractère déterminant des trois facteurs suivants : · · · les températures journalières minimales de janvier et février, avec (travaux en cours non encore finalisés et validés) un seuil compris entre 5 et 5,4 °C ; le stress hydrique ; des usages du sol liés aux activités humaines, facteur dont la portée justifie néanmoins
146 En gardant également en mémoire que les analyses de l'ANSES ont parfois identifié la présence de la bactérie sans pouvoir déterminer la sous-espèce, conduisant à ne pas prendre en compte ce résultat dans les décomptes officiels, ce qui conduit aussi à considérer la liste des 36 comme sous-estimée. Néanmoins selon les informations dont dispose la mission, cela ne concerne que des espèces pour lesquelles l'INRA a identifié la présence de la bactérie et la sous-espèce : il n'y a donc pas de double compte. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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une certaine prudence, car les échantillons récoltés ne sont pas statistiquement uniformément répartis sur tous les cas de figure en matière d'occupation du sol, compte tenu du fait que le maquis est difficilement accessible et que les prélèvements dans le maquis sont essentiellement faits à côté de villages, de cultures ou de routes. L'attention de la mission a été appelée par de nombreux acteurs corses sur l'ampleur des stress climatiques de ces dernières années, y compris hors période estivale, et sur les particularités des températures et de la pluviométrie depuis quelques années (et en particulier 2017). Certains font donc des hypothèses en termes aussi bien d'effet-seuil que d'effets cumulés, pouvant avoir interféré par la dynamique de la bactérie et de ses insectes vecteurs, mais aussi en termes de stress hydrique. Néanmoins, mise à part les réflexions de la FREDON, la mission n'a identifié aucun travail mené en Corse sur ce point pour tenter de caractériser, soit les spécificités climatiques de ces dernières années, soit les tendances depuis les années 1960 (présumées avoir vu l'introduction de la bactérie en Corse), soit en termes d'effets cumulés. La mission a donc interrogé une équipe du CNRS de Montpellier travaillant sur le stress hydrique des chênes verts (cf. Chapitre milieux naturels et annexe sur le même sujet). En réponse à une question de la mission, J.Y. Rasplus (INRA) a répondu par mail : « Le résultat combiné de la réponse bactérienne et celle du vecteur, à la fois soumis à une sécheresse estivale plus forte sur versant sud (diminuant la présence des deux organismes), mais à une température globalement plus élevée en hiver est difficile à prédire, et le résultat en termes épidémiologiques encore plus. On peut poser comme hypothèse que la présence de la bactérie est facilitée par la température hivernale plus douce, mais que la présence du vecteur ne devrait pas trop être affectée, car il estive en période chaude. Donc globalement, cela devrait résulter en des versants sud plus propices à la présence de Xf, sauf à ce que les températures estivales trop chaudes aient un effet délétère sur la bactérie. » Concernant la bactérie, il pourrait exister une certaine régulation par le climat, du type de celle décrite en Amérique du Nord pour la sous-espèce fastidiosa en Californie, et présumée pour la sous-espèce multiplex dont la présence en Corse est avérée. Ceci pourrait expliquer, à l'occasion de périodes de froid (dont le seuil de température et de durée est actuellement difficile à caractériser), un « certain » assainissement de « certains » végétaux restant néanmoins contaminés, conduisant la maladie à repartir avec la chaleur. Ceci semble cohérent avec la capacité de certains vieux polygales à donner le sentiment d'être morts, mais de repartir en végétation après des périodes de froid. L'altitude maximale d'observation de Philaenus spumarius par l'INRA en Corse semble avoir été de 885 mètres à Salice, Bocca di Tartavellu ; néanmoins quelques individus ont été collectés plus haut. Mais l'espèce semble capable de vivre bien plus haut, et l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier dit l'avoir collectée à 1700 m d'altitude dans les Alpes. Ceci peut être mis en relation avec le fait que l'échantillon végétal contaminé à la plus haute altitude identifié par les prospections de la FREDON est une immortelle à 933 mètres d'altitude, le long d'une route. Concernant les analyses sur végétal, l'altitude semble un facteur important, puisque selon la FREDON de Corse, le pourcentage d'échantillons positifs passe d'environ 30 % pour les prélèvements entre 0 et 100 mètres, à quasiment 0 % au-delà de 600 mètres. En prenant en compte la bactérie, son vecteur et les paramètres de l'environnement, l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier confirme le discours de Donato Boscia selon lequel la sous-espèce pauca, incontestablement la plus virulente actuellement en Europe, semble globalement adaptée à un contexte climatique chaud dont l'extension est actuellement assez limitée en Europe méditerranéenne (même si le changement climatique pourrait agrandir cette zone potentiellement
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accueillante). Elle ne représente donc pas le danger le plus fort pour l'Europe dans son ensemble, ce qui n'est pas nécessairement le cas pour les zones méditerranéennes les plus chaudes. Par contre, le risque lié à la sortie de la sous-espèce multiplex de la forêt tempérée nord-américaine où les équilibres actuels reflètent une coévolution depuis 5 ou 10 000 ans pourrait représenter un danger qu'il n'est pas simple de caractériser. Dans un « pré-print147 » rendu public , l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier propose des cartes de probabilité décrivant les zones où la bactérie pourrait trouver des conditions favorables, actuellement et dans le cadre de certaines hypothèses sur la changement climatique 148. Le niveau de précision de telles approches reposant sur des approches statistiques à un moment où toutes les connaissances ne peuvent être considérées comme stabilisées sur les exigences (et compensations éventuelles entre facteurs) de la bactérie pour causer des dommages significatifs, ne permet cependant pas de répondre précisément à la question du risque d'introduction de la sous-espèce pauca en Corse149 : la mission propose de considérer comme a priori faible, mais pas nulle, la probabilité que la sous-espèce pauca puisse rencontrer en Corse des conditions facilitant son développement et des dégâts. Les risques de recombinaison À la faveur de l'introduction de X. fastidiosa dans une nouvelle région, il existe deux effets possibles : · · l'émergence d'une maladie déjà décrite sur un végétal donné, mais dans une nouvelle région ; l'émergence d'une nouvelle maladie jamais encore décrite sur un nouveau végétal hôte.
X. fastidiosa est une bactérie particulièrement apte à la recombinaison. Or les recombinaisons génétiques favorisent le second effet sus-mentionné. Ainsi aux USA, le génome de la « nouvelle » sous-espèce morus (identifiée sur Morus alba) semble constitué de manière à peu près égale de matériel génétique issu de la sous-espèce fastidiosa et de la sous-espèce multiplex : les sept gènes de ménage analysés par MLST sont en effet constitués de 3 gènes de la sous-espèce fastidiosa, de trois gènes de la sous-espèce multiplex et d'un gène provenant d'une recombinaison des deux sous-espèces. Des échanges génétiques ont créé un nouveau génome via une « recombinaison homologue interspécifique » (interspecific homologous recombination, IHR en anglais). Des études portant sur des isolats de X. fastidiosa sur Citrus et sur caféier au Brésil ont par ailleurs démontré une telle recombinaison IHR depuis la sous-espèce multiplex sur la sous-espèce pauca (Almeida et al., 2008 ; Nunney et al., 2012). Ceci conduit Almeida et Nunney (2015) à estimer que : · la question des flux de gènes est une question importante pour l'émergence des maladies dues à X. fastidiosa ; · l'introduction de nouveaux allèles dans une région où X. fastidiosa est déjà présente représente un risque significatif, et mérite d'être prise en compte par les autorités régulatrices des échanges.
147 Projet d'article soumis à une revue scientifique, mais rendu immédiatement public sur un site spécialisé, donc avant la publication officielle qui n'interviendra qu'après relecture par les pairs. 148 L'équipe du CNRS de Vignola a évoqué devant la mission l'hypothèse que le changement climatique pourrait peut-être favoriser le passage à deux générations par ans de P. spumarius, en rappelant que Euscelis lineolates se caractérise d'ores et déjà deux générations par an en Corse. 149 La mission garde en mémoire le constat italien que la vitesse de progression du front d'infection vers le Nord dans les Pouilles semble se ralentir, ce qui pourrait peut-être être mis en relation avec des conditions environnementales (et notamment climatiques) moins favorables, sans qu'il soit actuellement possible de le démontrer. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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En plus de la présence massive de deux ST (ST6 et ST7) en France les analyses de l'INRA ont conduit à identifier en Corse, dans trois échantillons, trois autres ST : ST53 (sous-espèce pauca dans le cas dit du « chêne de Balagne », dans un contexte où l'éradication immédiate n'a pas permis de réitérer les analyses), ST76 (rattachée à la sous-espèce sandyi, déjà décrite sur caféiers interceptés en Île-de-France et Pays de la Loire, pas en Corse), et surtout ST79. Cette ST79, rattachée à la sous-espèce multiplex, trouvée sur polygale, peut laisser penser 150 à une recombinaison entre les sous-espèces multiplex (ST6 ou ST7) et sandyi (ST72 ou ST76), sans que l'on puisse trancher entre les deux hypothèses selon lesquelles cette recombinaison aurait eu lieu en Corse ou hors de Corse. L'ANSES n'a jamais pu, dans ses analyses, confirmer la présence de recombinants, mais considère cette hypothèse comme suffisamment vraisemblable pour l'inclure sur ses cartes (source : Françoise Poliakoff). Au sein d'une même sous-espèce, il existe par ailleurs des accumulations de mutations génétiques ponctuelles (Lousteau, 2016, synthèse bibliographique sur X. fastidiosa sur chênes et autres arbres forestiers), mais aussi des échanges génétiques. L'ensemble de ces considérations devrait conduire à une réelle vigilance dans les programmes de sélection de végétaux résistants ou tolérants à Xylella fastidiosa en vue de leur plantation en Corse. La recherche en cours en France Au niveau européen, il existe un très important effort de recherche scientifique financé par la Commission européenne (projets XF ACTORS et POnTE 151) auquel des chercheurs français de l'INRA (équipes d'Angers, Avignon et Montpellier) participent. Cette situation explique sans doute le discours selon lequel globalement l'argent n'est actuellement pas un facteur limitant pour avancer dans la compréhension du problème et l'identification de possibles pistes de lutte 152. L'attention de la mission a été appelée sur le fait que certaines hypothèses privilégiées par l'INRA à partir notamment des caractéristiques et spécificités de ce qui est observé en Corse, qui diffère grandement du cas italien, ne vont pas nécessairement dans le sens privilégié par la recherche européenne, et qu'à ce titre il n'a pas toujours été facile d'obtenir des financements européens. Par ailleurs la mission a été sensible à la perspective que tout ou partie de ces recherches donne assez rapidement au gestionnaire du risque des outils ou informations permettant d'améliorer les analyses actuelles, voire d'anticiper certains problèmes. Cette situation rend donc à la fois utile et opportun que les pouvoirs publics français manifestent leur implication dans la recherche sur X. fastidiosa, dès lors que les hypothèses formulées par les équipes de recherche sont clairement enracinées dans un contexte différent de celui de l'Italie et de l'Espagne. De ce point de vue, la promesse faite par la DGAl d'accorder une subvention de 200 000 euros au projet mené par l'équipe CBGP de l'INRA Montpellier était pertinente. L'INRA a été amené à se substituer en partie à la DGAl, en suscitant des incompréhensions que la mission estime opportun de dissiper. Dans ce contexte, la mission souligne l'intérêt et l'enjeu de la décision 153 de la Collectivité de Corse
150 Il ne peut pas non plus être totalement exclu qu'il puisse y avoir eu présence sur le même végétal des deux sous-espèces de la bactérie. 151 La mission estime que le présent rapport n'est pas le lieu pour décrire et apprécier les projets de recherche financés par la Commission européenne. 152 Toutes les équipes rencontrées ont fait état que le facteur limitant pour elles est bien davantage les effectifs de personnels qualifiés que les crédits. 153 Cette décision va au-delà du seul financement, puisque la Collectivité de Corse a décidé de porter elle-même le projet de recherche (et de ne pas confier ce soin à l'INRA), ce qui manifeste de manière emblématique son implication politique et stratégique forte dans la compréhension et la gestion de ce problème sanitaire. Ce choix permet à la Collectivité de Corse d'être rapidement et régulièrement informée des avancées de la recherche, et de développer des liens avec les équipes de recherches subventionnées. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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de financer un programme de recherche proposé par l'INRA (centre de San-Giuliano), reposant sur quatre axes (test de sensibilité sur certains végétaux corses, approche éco-épidémiologique, protection des collections d'agrumes, dimension sociologique de la gestion du problème X. fastidiosa en Corse). Elle regrette que la participation financière de l'État soit limitée à la seule question des équipements permettant la protection de la collection d'agrumes. Elle constate que la composition du comité de pilotage de ce projet ne semble pas permettre actuellement à la DRAAF, service de l'État administrativement responsable de la gestion technico-administrative du dossier X. fastidiosa en Corse, de participer aux échanges et de bénéficier des informations les plus récentes sur la recherche. De plus l'État, par ailleurs déjà représenté dans ce comité par la DRT et la DREAL, ne participe pas à toutes les réunions, ce qui peut être pénalisant pour une bonne circulation de l'information. De manière générale, la mission a constaté que les trois équipes de l'INRA (Angers, Montpellier et Avignon) actuellement impliquées dans le dossier X. fastidiosa, bien que dotées de moyens humains très limités affectés à X. fastidiosa, effectuent un travail remarquable, qui donne d'ores et déjà de la visibilité européenne aux approches actuellement privilégiées par la recherche française, avec la volonté de miser sur des technologies innovantes. Ceci se voit notamment au travers de la participation à des colloques, à l'intégration en cours dans le réseau européen des chercheurs et experts reconnus par l'OEPP et la Commission européenne, mais aussi via une activité soutenue de publications scientifiques, y compris sous la forme de « pré-prints » avant même la validation par les pairs dans le cadre des comités de lecture. Cependant ces trois équipes mènent leurs travaux de manière assez indépendante154, dans un cadre où le département compétent de l'INRA ne s'est actuellement pas mis en situation d'organiser une coordination plus forte, ni ne semble le souhaiter, ce qui pourrait nuire à l'efficience globale de l'approche scientifique de cette bactérie et de ses impacts pour les cultures et les milieux naturels en France. La mission souligne l'intérêt de l'initiative prise par l'INRA d'organiser un séminaire d'information sur l'état des connaissances, très ouvert, en octobre 2017, à Paris. La mission ne peut qu'inciter l'INRA à rééditer ce type d'initiative (si possible en Corse), en veillant à ce que les acteurs corses soient informés bien à l'amont, dans le cadre notamment du CROPSAV. La mission partage avec le chef de département de l'INRA la conviction qu'il est nécessaire de mobiliser rapidement de nouvelles compétences scientifiques, permettant de mieux articuler les approches écologiques et agronomiques, pour travailler sur les approches prophylactiques, sans se limiter au seul contexte corse. Par ailleurs il existe un manque de collaboration entre l'INRA et l'ANSES sur l'amélioration des méthodes de détection et d'analyses, conduisant à des relations non optimales entre organismes et à des messages de fait différents vis-à-vis des partenaires corses. Cette situation est très préjudiciable au regard de la question cruciale des résultats non systématiquement convergents sur le diagnostic de la maladie en Corse : liste des plantes-hôtes, présence d'une ou plusieurs sous-espèces, ST... même si la mission est très sensible au fait qu'une méthode utilisée en recherche n'a pas forcément vocation à être utilisée en routine. Il est légitime qu'elle opte pour un niveau de sensibilité plus élevé et il est recevable de ne pas demander une convergence, les objectifs des deux approches étant différents.
154 Par exemple, le choix de recourir à la méthode nested MLST a été pris en parallèle par les équipes d'Angers et de Montpellier, mais de manière indépendante et non concertée, découverte a posteriori. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Annexe 8 : le cadre réglementaire de la lutte contre Xylella fastidiosa 1 Organisation de la réglementation
La réglementation relative aux mesures contre Xylella fastidiosa est fondée sur trois niveaux :
1.1 le niveau communautaire :
·
pour la réglementation à caractère général ;
la directive 2000/29/CE du Conseil du 8 mai 2000 fixe les mesures de protection contre l'introduction dans la Communauté européenne d'organismes nuisibles aux végétaux, et contre leur propagation à l'intérieur de la Communauté. Les inspections sur les végétaux et les produits végétaux dans les points d'entrée communautaires (PEC), les pépinières et les revendeurs de végétaux, pour chercher l'éventuelle présence de Xylella fastidiosa et de ses vecteurs, sont fondés sur cette directive. En effet, ce texte classe comme organismes nuisibles dont l'introduction et la dissémination doivent être interdites dans tous les États membres :
la bactérie Xylella fastidiosa (annexe IA1155) ; les Cicadellidae156 non européens connus en tant que vecteurs de la maladie de Pierce causée par Xylella fastidiosa (annexe IA1). Le risque d'introduction sur le territoire de l'Union européenne de ces arthropodes, meilleurs vecteurs de Xylella fastidiosa que les insectes piqueurs-suceurs européens, suscite en effet des inquiétudes.
le règlement (UE) 2016/2031 du 26 octobre 2016 (dit règlement santé des végétaux) relatif aux mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux, constitue une refonte de la législation phytosanitaire de l'Union Européenne. Il abrogera et remplacera sept directives du Conseil sur les organismes nuisibles (dont la directive 2000/29/CE) et deviendra pleinement applicable le 13 décembre 2019. la décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission du 18 mai 2015 fixe les mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa. Ce texte est fréquemment révisé. Les dernières modifications ont été apportées par la Décision d'exécution (UE) 2017/2352 de la Commission du 14 décembre 2017, qui classe la Corse comme une zone d'enrayement (annexe II partie B), et non plus d'éradication. Cette disposition ouvre donc pour la France la possibilité de mettre en oeuvre les mesures d'enrayement. la base de données157 de la Commission répertoriant les végétaux hôtes sensibles à Xylella fastidiosa sur le territoire de l'Union. La décision d'exécution (UE) 2015/789 renvoie à plusieurs reprises vers cette base de données, dont la dernière version publiée à ce jour date du 15 février 2018. la base de données158 de la Commission répertoriant les tests validés pour la détection de Xylella fastidiosa et l'identification de ses sous-espèces.
·
pour la réglementation spécifique à Xylella fastidiosa :
155 Annexe IA1 : organismes nuisibles dont l'introduction et la dissémination doivent être interdites dans tous les États membres, partie : organismes nuisibles inconnus dans la communauté et importants pour toute la communauté. 156 Carneocephala fulgida, Draeculacephala minerva, Graphocephala atropunctata. 157 Commission database of host plants found to be susceptible to Xylella fastidiosa in the Union territory Update 10, 15.02.2018. 158 Commission database of validated tests for the identification of the Xylella fastidiosa and its subspecies as reffered to in article 3(2) of Commission implementing decision (EU) 2015/789, 12.12.2017. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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1.2 le niveau ministériel :
·
l'arrêté ministériel du 15 décembre 2014 classe Xylella fastidiosa comme un danger sanitaire de 1ère catégorie pour les espèces végétales. Les principales conséquences de ce classement sont les suivantes :
en application de l'article L.201-1 du code rural et de la pêche maritime, cet agent pathogène requiert, dans un but d'intérêt général, des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte rendues obligatoires par l'autorité administrative. l'article L.201-7 du code rural et de la pêche maritime précise que les laboratoires doivent communiquer immédiatement à l'autorité administrative tout résultat d'analyse conduisant à suspecter ou constater la présence d'un danger sanitaire de première catégorie, ce qui est donc le cas de Xylella fastidiosa.
·
l'arrêté ministériel du 23 décembre 2015 rend d'application immédiate les mesures définies par la décision d'exécution (UE) 2015/789, et donne aux préfets le pouvoir de définir les zones délimitées (cf. ci-après). Ce texte a été modifié par l'arrêté ministériel du 17 janvier 2018, précisant pour les mesures d'enrayement, qu'elles sont mises en oeuvre pour l'ensemble de la Corse. l'arrêté ministériel du 26 juillet 2017 porte sur la prise en charge partielle des indemnisations versées par le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) aux agriculteurs ayant subi des pertes économiques consécutives aux mesures de lutte contre Xylella fastidiosa.
·
1.3 le niveau préfectoral :
Les préfets des régions Corse et PACA ont adopté des arrêtés fixant des mesures de lutte contre Xylella fastidiosa. Pour la Corse, il s'agit des textes suivants :
·
l'arrêté préfectoral n° 15-580 du 30 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse. Ce texte a été modifié par l'arrêté n°15-970 du 9 octobre 2015. Il interdit l'introduction des végétaux spécifiés en Corse quelle que soit leur origine, mais en prévoyant des mesures dérogatoires pour les professionnels sous conditions. Les dérogations ne peuvent pas porter toutefois sur du matériel végétal en provenance de zones délimitées vis à-vis de Xylella fastidiosa. Le principe même de cet arrêté et l'existence de ces dérogations, reposant sur une analyse de risque, au cas par cas et évolutive, qui ne fait pas l'objet d'une procédure écrite vis-à-vis des professionnels, suscitent de vifs débats avec des points de vue très différents selon les secteurs d'activité, et une démarche contentieuse est en cours devant le Tribunal administratif. l'arrêté préfectoral n° 15-0887 du 25 septembre 2015 relatif au recensement et à la destruction ciblée des polygales à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia) en Corse. Ce texte a été modifiée par l'arrêté n°16-1864 du 3 octobre 2016.
·
2 Mesures communautaires pour éviter l'introduction et la propagation de Xylella fastidiosa.
La décision d'exécution (UE) 2015/789 détermine l'essentiel des mesures destinées à éviter l'introduction et la propagation de Xylella fastidiosa. Le contenu de ce texte est synthétisé dans les paragraphes qui suivent.
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2.1 Les végétaux spécifiés et les végétaux hôtes.
La décision d'exécution 2015/789 fait une distinction dans son article premier entre les végétaux spécifiés et les végétaux hôtes.
2.1.1 Les végétaux spécifiés
Les végétaux spécifiés sont les végétaux destinés à la culture ou à la plantation dont la sensibilité aux isolats européens et non européens de Xylella fastidiosa est connue. Sur le plan formel, les végétaux spécifiés sont les végétaux hôtes de Xylella fastidiosa et tous les végétaux destinés à la plantation, à l'exception des semences, appartenant aux genres ou aux espèces énumérés à l'annexe I de la décision d'exécution 2015/789. La liste initiale des végétaux spécifiés a été modifiée par les trois décisions d'exécution de 2015, 2016 et 2017, avec l'ajout de nouveaux végétaux et la suppression d'autres espèces. La dernière version de la liste des végétaux spécifiés porte sur 230 plantes (194 espèces et 36 genres). Elle est sensiblement plus longue que celle des végétaux hôtes, puisqu'elle englobe cette dernière.
2.1.2 Les végétaux hôtes
Les végétaux hôtes sont les végétaux destinés à la plantation 159, à l'exception des semences, appartenant aux genres ou espèces énumérés dans la base de données de la Commission répertoriant les végétaux hôtes sensibles à Xylella fastidiosa sur le territoire de l'Union. Ces végétaux ont donc été détectés contaminés par Xylella fastidiosa sur le territoire de l'Union, par une ou plusieurs de ses sous-espèces. Cette base de données fournit les listes de végétaux hôtes pour chacune des sous-espèces de Xylella fastidiosa. En conséquence, il est important de connaître la sous-espèce de Xylella fastidiosa dans un foyer en zone d'enrayement ou en zone d'éradication. En effet l'identification de la sous-espèce permet de savoir quels sont les végétaux hôtes cités dans la liste correspondante qui devront respectivement, selon la zone, être surveillés ou arrachés dans un rayon de 100 m autour du foyer. Ces listes sont mises à jour périodiquement en fonction des nouvelles détections sur le territoire de l'Union européenne. Il faut compter un délai de 6 mois entre la détection et la mise à jour de la base de données. Par exemple, le renforcement de la surveillance en région PACA a conduit à détecter en 2017 la présence de Xylella fastidiosa subsp. multiplex sur la luzerne (Medicago sativa), et sur un végétal d'ornement, l'Euryops à fleurs de chrysanthème (Euryops chrysanthemoides). Ces deux végétaux ont été ajoutées à la liste relative à la sous-espèce multiplex en février 2018. Par ailleurs, l'olivier (Olea europaea) a également été inséré en juillet 2017 dans la liste des végétaux hôtes de la sous-espèce multiplex. Cette inscription présente des conséquences pour la filière oléicole lors de la gestion des foyers en zone d'éradication : obligation d'arrachage dans un rayon de 100 mètres autour du foyer avec Xylella fastidiosa subsp. multiplex. La liste communautaire des végétaux hôtes pour Xylella fastidiosa cite un grand nombre d'espèces présentes en Corse :
·
des végétaux poussant dans le milieu naturel : asperge sauvage (Asparagus acutifolius), calicotome velu (Calicotome villosa), ciste de Montpellier (Cistus monspeliensis), faux genêt d'Espagne (Spartium junceum), genêt de Corse (Genista corsica), immortelle d'Italie
159 En pratique la liste communautaire des végétaux hôtes comporte également de nombreux végétaux des espaces naturels non cultivés et non « destinés à la plantation ». CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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(Helichrysum italicum), phagnalon des rochers (Phagnalon saxatile), laurier-rose160 (Nerium oleander), romarin (Rosmarinus officinalis)...
·
des plantes cultivées comme végétaux d'ornement : laurier-rose (Nerium oleander), polygale à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia)... des végétaux cultivés en zones agricoles : amandier (Prunus dulcis), cerisier (Prunus avium), olivier (Olea europaea), prunier (Prunus domestica), vigne (Vitis vinifera), immortelle d'Italie (Helichrysum italicum).romarin (Rosmarinus officinalis)...
·
En revanche, le clémentinier (Citrus clementina) et le pomelo (Citrus maxima), qui sont des productions importantes en Corse, ne sont pas inscrites dans la liste des végétaux hôtes (aucune détection sur le territoire de l'Union européenne), tout en étant dans la liste des végétaux spécifiés.
2.2 Les mesures de surveillance du territoire.
La décision d'exécution communautaire rend obligatoire la déclaration de toute détection et de toute suspicion de présence de Xylella fastidiosa auprès de l'autorité phytosanitaire, qui prend les mesures nécessaires pour confirmer cette présence (article 2). Les détections doivent être signalées à la Commission européenne et aux autres États membres. Elle impose également aux États membres de mener des enquêtes annuelles visant à déceler la présence de ce pathogène sur les végétaux spécifiés. Ces plans de surveillance doivent tenir compte des lignes directrices161 énoncées par la Commission, et recourir aux tests analytiques de détection et d'identification de Xylella fastidiosa et de ses sous-espèces cités dans la base de données communautaire (article 3). Les diagnostics doivent être réalisés en conformité avec les protocoles de l'OEPP162. La présence de Xylella fastidiosa (article 3.2) fait l'objet :
·
dans les zones délimitées (cf. ci-après) d'une détection au moyen d'un test, et si les résultats sont positifs, son identité est déterminée au moyen d'au moins un test moléculaire supplémentaire positif ; dans les zones non délimitées, d'une détection au moyen d'un test moléculaire, et si les résultats sont positifs, son identité est déterminée au moyen d'au moins un test moléculaire supplémentaire positif.
·
En France, des laboratoires sont agréés pour mettre en oeuvre la méthode officielle MA039 fondée sur le test de PCR en temps réel selon Harper (qPCR). Ils réalisent le premier des tests prévus par la réglementation communautaire. En cas de résultat positif, ils communiquent les échantillons au laboratoire national de référence de l'ANSES à Angers, pour effectuer le second de ces tests, et une identification de la sous-espèce de Xylella fastidiosa. Chaque État membre doit, avant le 31 décembre 2016, établir un plan d'urgence énonçant les actions à entreprendre sur son territoire en cas de présence confirmée ou suspectée de Xylella fastidiosa (article 3 bis).
160 Cette espèce pousse naturellement à l'état sauvage en Corse, le long de ruisseaux à écoulement saisonnier (ruisseaux des environs de Saint-Florent, Fium'Albino, ruisseau de Farinole, ruisseau de Luri) ; elle bénéfice alors du statut d'espèce protégée. 161 Guidelines for the survey of Xylella fastidiosa (Wells et al.) in the Union territory, 16 December 2015. 162 Diagnostics PM 7/24 (2) Xylella fastidiosa, Bulletin OEPP (2016) 0, 1-38. Diagnostics PM 7/76 (4) Use of EPPO diagnostic protocols, Bulletin OEPP (2017) 47, 7-9. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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2.3 Les zones délimitées.
Lorsque Xylella fastidiosa est identifié sur son territoire, l'État membre établit une zone délimitée (article 4) comprenant :
·
une zone infectée engobant tous les végétaux infectés, présentant des symptômes ou susceptibles d'être infectés ; une zone tampon autour de la zone infestée d'une largeur d'au moins 5 km. Sous certaines conditions d'assainissement et de surveillance du territoire, la largeur de la zone tampon peut être réduite à 1 km. En revanche, lorsque des mesures d'enrayement sont mises en oeuvre, la largeur est d'au moins 10 km (article 4.2).
·
Dans le cas de la Corse, la totalité du territoire insulaire a été déclarée comme une zone infectée. Comme il n'y a pas de territoire dans un rayon de 10 km autour de la Corse, il n'y a pas de zone tampon autour de la zone infectée. Toute la Corse est donc une zone délimitée. En fonction des résultats de la surveillance du territoire au fil du temps, ces zones peuvent être levées, ou bien, au contraire, elles doivent être étendues. La plantation de végétaux hôtes dans les zones infectées est interdite, sauf dans le cas de sites matériellement protégés contre l'introduction de Xylella fastidiosa par ses vecteurs (article 5). Par dérogation et sous conditions, l'État membre peut accorder des autorisations de plantation de végétaux hôtes dans les zones infectées si le territoire est classé en enrayement. Il doit privilégier les variétés présentant une tolérance ou une résistance à Xylella fastidiosa.
2.4 Les mesures d'éradication.
Dans une zone délimitée, lorsqu'un végétal fait l'objet d'analyses révélant une contamination, l'État membre doit enlever immédiatement (article 6) dans un rayon de 100 mètres autour du foyer (soit un peu plus de 3 hectares), et détruire de manière à éviter la propagation de la maladie :
· · ·
les végétaux infectés ; les végétaux avec des symptômes ou soupçonnés d'être infectés ; les végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire.
Toutefois, les végétaux hôtes dont la valeur historique est officiellement reconnue ne sont pas détruits s'ils sont indemnes, physiquement isolés des vecteurs et s'ils bénéficient de bonnes pratiques agricoles sanitaires. Dans un rayon de 100 mètres autour de chacun des végétaux infectés :
·
des traitements163 phytosanitaires doivent être appliqués contre les insectes vecteurs avant l'enlèvement des végétaux contaminés ; des échantillons doivent être prélevés sur les végétaux spécifiés à des fins d'analyse en respectant la norme NIMP n° 31164.
·
L'origine de l'infection doit être recherchée, et les États membres concernés par les mouvements des végétaux contaminés doivent être informés.
Dans la zone tampon, la surveillance de la santé des végétaux s'appuie sur un quadrillage du
163 Le terme de traitement est ici employé au sens de la norme NIMP n°5, à savoir : « Procédure officielle pour la destruction, l'inactivation, l'élimination ou la stérilisation d'organismes nuisibles, ou pour la dévitalisation », et non seulement pour désigner des traitements avec des produits phytopharmaceutiques. 164 Méthodes d'échantillonnage des envois Norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP) n° 31 du Secrétariat de la Convention internationale pour la protection des végétaux (Rome, publiée en 2008). CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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territoire :
· ·
en carrés de 100 mètres de côté sur au moins 1 kilomètre autour de la zone infectée ; en carrés de 1 kilomètre de côté dans le reste de la zone tampon. mener des enquêtes annuelles sur l'état sanitaire des végétaux spécifiés ; sensibiliser le public aux menaces liées à Xylella fastidiosa et aux mesures adoptées pour empêcher son introduction et sa propagation. Il met en place une signalisation routière indiquant les limites de la zone délimitée ; appliquer des pratiques agricoles adaptées pour la gestion de la bactérie et de ses vecteurs.
L'État membre doit aussi :
· ·
·
2.5 Les mesures d'enrayement.
Par dérogation (article 7), l'État membre peut décider d'appliquer les mesures d'enrayement dans la zone définie dans l'annexe II de la décision d'exécution. Dans ce cas, la liste suivante de mesures doit être mise en oeuvre :
·
enlever et détruire tous les végétaux dont l'infection a été constatée (et uniquement ceuxci), en prenant les précautions nécessaires pour éviter la propagation de Xylella fastidiosa ; avant l'enlèvement des végétaux contaminés, procéder à des traitements phytosanitaires appropriés contre les insectes vecteurs et contre les végétaux susceptibles d'héberger ces vecteurs. Ces traitements peuvent inclure, s'il y a lieu, l'enlèvement de végétaux. prélever au moins deux fois par an dans un rayon de 100 mètres autour du foyer des échantillons sur les végétaux hôtes à des fins d'analyse en respectant la norme NIMP n° 31 ; appliquer des pratiques agricoles adaptées pour la gestion de la bactérie et de ses vecteurs ; mener des enquêtes annuelles, au moins dans les lieux suivants :
·
·
·
·
l'environnement de sites de production de végétaux spécifiés destinés à être déplacés par dérogation en dehors des zones délimitées ; les sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière ; les zones infestées situées à moins de 20 km du reste du territoire. Ce dernier point ne s'applique pas à la Corse (article 7.7).
Dans ces trois types de lieux, la surveillance s'appuie sur un quadrillage en carrés de 100 mètres de côté. La pratique de terrain montre que si une zone de maquis se trouve dans le périmètre à surveiller, il peut être extrêmement difficile ou impossible de pénétrer dans le milieu naturel. Le classement de la Corse comme une zone d'enrayement et la décision ministérielle d'appliquer les mesures d'enrayement entraînent les modifications présentées dans le tableau suivant.
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Différences entre les mesures d'éradication et d'enrayement pour la Corse
Mesures Gestion des foyers.
Zone d'éradication
Zone d'enrayement en Corse
Destruction dans un rayon de Destruction uniquement des 100 m autour du foyer des : végétaux dont l'infection a été constatée. · végétaux infectés ;
·
végétaux avec symptômes soupçonnés infectés ;
des ou d'être
·
végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire.
Dérogation à la destruction pour les végétaux hôtes indemnes à valeur historique, sous conditions. Traitements avant Avant enlèvement des végétaux l'enlèvement des infectés : traitements phytovégétaux contaminés. sanitaires appropriés contre les insectes vecteurs dans un rayon de 100 mètres autour du foyer. Avant enlèvement des végétaux infectés : traitements phytosanitaires appropriés contre les insectes vecteurs et contre les végétaux susceptibles d'héberger ces vecteurs.
Surveillance dans un Prélèvements sur les végétaux Prélèvements au moins deux fois rayon de 100 m autour spécifiés à des fins d'analyse. par an sur les végétaux hôtes à du foyer. des fins d'analyse. Surveillance dans zone tampon. Enquêtes annuelles la Quadrillage du territoire en zone Pas de zone tampon en Corse. tampon. Enquêtes sur l'état sanitaire des Enquêtes au moins dans : végétaux spécifiés. · l'environnement de sites de végétaux spécifiés destinés à être déplacés en dehors des zones délimitées ;
·
les sites de végétaux avec une valeur particulière.
Dans ces lieux : quadrillage du territoire en carrés de 100 m de côtés.
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2.6 Les mouvements intracommunautaires de végétaux.
En dehors des cultures in vitro, et des végétaux spécifiés résistants à la sous-espèce de Xylella fastidiosa présente, et précisés dans l'annexe III 165 de la décision communautaire, les végétaux spécifiés cultivés dans une zone délimitée sont interdits de déplacement (article 9) :
· ·
vers les zones tampons ; en dehors des zones délimitées.
Par dérogation (article 9.2), ces mouvements peuvent avoir lieu si les végétaux spécifiés ont été cultivés sur site :
· · · · ·
immatriculé166 au titre du contrôle phytosanitaire ; protégé matériellement contre l'introduction de Xylella fastidiosa par ses vecteurs ; traité contre les insectes vecteurs ; inspecté deux fois par an par l'organisme officiel ; entouré d'une zone de 100 mètres inspectée deux fois par an par l'organisme officiel, et surveillée en continu par les exploitants ; surveillé en continu par l'exploitant pour rechercher des symptômes de Xylella fastidiosa et des insectes vecteurs ; bénéficiant d'une autorisation par l'organisme officiel en tant que site indemne de Xylella fastidiosa et de ses vecteurs.
·
·
Outre la mise en oeuvre des éléments repris ci-dessus, avant le mouvement des végétaux :
· ·
des traitements sont réalisés sur les lots contre les insectes vecteurs ; des analyses annuelles sont réalisées sur des échantillons des végétaux spécifiés présents sur le site ; une inspection visuelle officielle et des tests moléculaires sont effectuées sur les lots de végétaux spécifiés, à un moment aussi proche que possible du mouvement.
·
Par dérogation, les mouvements de végétaux dormants de Vitis sont également possibles depuis un site immatriculé si le matériel végétal a subi un traitement par thermothérapie selon la norme OEPP167. Lorsque les végétaux spécifiés sont déplacés à travers des zones délimitées ou à l'intérieur de celles-ci, ils sont déplacés dans des récipients, conteneurs ou emballages fermés pour ne pas être contaminés par Xylella fastidiosa ou infestés par un insecte vecteur.
165 Variétés de végétaux spécifiés non sensibles à la souche concernée des sous-espèces de l'organisme spécifié, annexe III de la décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission du 18 mai 2015. 166 Directive 92/90/CEE de la Commission du 3 novembre 1992 établissant certaines obligations auxquelles sont soumis les producteurs et importateurs de végétaux, produits végétaux ou autres objets ainsi que les modalités de leur immatriculation (JO L 344 du 26.11.1992, p. 38). 167 OEPP (Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes), «Hot water treatment of grapevine to control Grapevine flavescence dorée phytoplasma», Bulletin OEPP/EPPO Bulletin, 2012, 42(3), 490492. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Les végétaux spécifiés cultivés dans une zone délimitée ne sont déplacés vers et sur le territoire de l'Union européenne que s'ils sont accompagnés d'un passeport phytosanitaire européen168. Les végétaux hôtes cultivés à l'extérieur des zones délimitées ne peuvent se déplacer à l'intérieur de l'Union européenne que si :
· · ·
ils sont produits dans un site faisant l'objet d'une inspection officielle annuelle ; ils sont accompagnés d'un passeport phytosanitaire européen ; des exigences spécifiques (article 9.8) sont respectées dans le cas de six espèces végétales présentant un risque particulier : caféier (Coffea sp.), lavande dentée (Lavandula dentata), laurier-rose (Nerium oleander), olivier (Olea europaea), polygale à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia) et amandier (Prunus dulcis). En effet, les végétaux destinés à la plantation (à l'exception des semences) pour ces espèces doivent avoir été cultivés sur un site faisant l'objet d'une inspection officielle annuelle, et d'un prélèvement d'échantillons pour des analyses selon la procédure prévue pour les zones non délimitées.
Des exigences sont également fixées pour les mouvements des plantes-mères initiales de certaines espèces végétales, et les végétaux spécifiés cultivés in vitro (article 9bis). Des règles de traçabilité sont définies (article 10), ainsi qu'un cadre pour les contrôles officiels des mouvements de végétaux spécifiés. Enfin, des campagnes de sensibilisation doivent être réalisées vers le grand public, les voyageurs, les professionnels et les transporteurs internationaux. L'application à la Corse des principes liés aux mouvements intracommunautaires de végétaux est résumé dans le tableau ci-après.
168 Directive 92/105/CEE de la Commission du 3 décembre 1992 établissant une certaine normalisation des passeports
phytosanitaires à utiliser pour les mouvements de certains végétaux, produits végétaux ou autres objets à l'intérieur de la Communauté et fixant les modalités relatives à la délivrance de tels passeports phytosanitaires, ainsi que les conditions et modalités de leur remplacement (JO L 4 du 8.1.1993, p. 22). CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Mouvements intracommunautaires de végétaux en lien avec le risque Xylella fastidiosa en Corse Déplacement Mouvement Départ Arrivée Interdit pour les végétaux spécifiés, sauf dérogation accordée sous les conditions définies par l'article 9.2. Autorisé pour les végétaux dormants de Vitis depuis un site immatriculé si le matériel végétal a subi un traitement par thermothérapie, et autres conditions. Autorisé sous conditions pour les cultures in vitro et les variétés résistantes précisées dans l'annexe III de la décision communautaire.169 Végétaux accompagnés d'un PPE. Corse (entièrement Zone tampon de la Sans objet : pas de zone tampon en Corse. en zone délimitée) zone délimitée Corse (entièrement Corse (entièrement Les végétaux spécifiés doivent être déplacés dans en zone délimitée) en zone délimitée) des récipients, conteneurs ou emballages fermés. Zone délimitée hors Corse (entièrement Interdit par l'arrêté préfectoral, même pour les de Corse en zone délimitée) professionnels. Zone non délimitée Corse (entièrement Interdit par l'arrêté préfectoral, sauf dérogation en zone délimitée) sous conditions au cas par cas pour les professionnels.
Corse (entièrement Zone non délimitée en zone délimitée)
PPE : passeport phytosanitaire européen
2.7 Les importations de végétaux en provenance des pays tiers
L'introduction dans l'Union de végétaux du genre Coffea destinés à la plantation, à l'exception des semences, originaires du Costa Rica ou du Honduras est interdite (article 15). Par ailleurs, l'autorité phytosanitaire doit être informée du déplacement des caféiers précédemment introduits. Des exigences supplémentaires sont fixées pour les importations de végétaux spécifiés en provenance de pays tiers, selon que la bactérie soit connue (article 17) ou inconnue (article 16). Des règles sont fixées pour le contrôle des végétaux dans les points d'entrée communautaires (PEC) (article 18). Toutefois, il n'y a pas de PEC en Corse 170, et les végétaux originaires des pays tiers soumis au contrôle phytosanitaire ne peuvent pas arriver directement dans l'île. Par ailleurs, il n'existe pas à ce jour de liaison commerciale maritime ou aérienne entre la Corse et une ville hors du territoire européen.
169 Aujourd'hui cette liste ne comporte que trois variétés de Vitis inscrites comme résistantes à X.f. pauca 170 Arrêté du 18 mai 2009 fixant la liste des postes frontaliers de contrôle vétérinaire et phytosanitaire. CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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Annexe 9 : chronologie
2010 : apparition du « Olive Quick Decline Syndrome » (OQDS) en Apulie (sud-est de l'Italie). Fin 2010 : organisation par le réseau COST 873 d'un séminaire spécifique sur Xylella fastidiosa à l'Istituto Agronomico Mediterraneo di Bari. 2012 : des caféiers ornementaux (Coffea arabica et Coffea canephora) porteurs de la Xylella fastidiosa, en provenance du Mexique et de l'Équateur, sont interceptés à l'importation en France après une identification par l'ANSES-LSV. 21 octobre 2013 : notification par les autorités italiennes de la détection de Xylella fastidiosa sur oliviers touchés par le OQDS à Gallipoli dans les Pouilles. La sous-espèce identifiée est pauca, et la souche est nommée CoDiRO. L'épidémie connaît une forte expansion par la suite. Novembre 2013 : information nationale en CNOPSAV. 2014 : Xylella fastidiosa est détectée aux Pays-Bas, sur des caféiers provenant du Costa Rica. 2014 : l'ANSES-LSV organise un essai inter-laboratoires de validation des méthodes de détection, sur financement POSEIDOM. Ces essais conduisent à retenir une méthode de détection par PCR en temps réel basée sur Harper et al., 2010. Elle est proposée par l'ANSES comme méthode officielle de détection pour la mise en place d'un plan de surveillance national. 13 février 2014 : première décision d'exécution 2014/87/UE concernant des mesures visant à empêcher la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Well et Raju). 27 février 2014 : diffusion de la décision d'exécution par la FREDON Corse aux pépiniéristes. 4 mars 2014 : établissement par la FREDON de Corse de la liste des parasites émergents avec diffusion à l'ensemble des agents. 19 mars 2014 : première surveillance de végétaux susceptibles d'être contaminés par Xylella fastidiosa par la FREDON de Corse, sur un olivier symptomatique d'un particulier. 2 mai 2014 : note nationale d'alerte DGAl-ANSES sur Xylella fastidiosa, avec des photos des symptômes sur les végétaux hôtes. 23 juillet 2014 : deuxième décision d'exécution (UE) 2014/497 concernant des mesures visant à empêcher l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Well et Raju). Remplace la décision 2014/87/UE
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13 août 2014 : diffusion par la FREDON Corse de la note nationale d'alerte sur Xylella fastidiosa auprès des pépiniéristes. 18 août 2014 : création par des producteurs (oléiculture, maraîchage, castanéiculture, forêt) du Collectif Xylella fastidiosa, collectif de lutte contre la bactérie, en réponse à l'invitation de Femu a Corsica. 19 septembre 2014 : CROPSAV Corse consacré en partie à Xylella fastidiosa Septembre 2014 : la FREDON de Corse participe aux contrôles des entrées de végétaux (particuliers et professionnels) dans les ports et dans les espaces verts, particuliers et pépinières. Questions précises posées au SRAL suite aux premières observations. Questions posées à l'ANSES quant aux techniques de prélèvements d'échantillons. Échange SRAL-ANSES-FREDON Corse. Réponses précises du SRAL sur l'organisation au port et décisions à prendre le 24/09/2014 25 septembre 2014 : délibération n°14/173 AC de l'Assemblée de Corse portant adoption d'une motion relative à la nécessité d'empêcher l'introduction en Corse de la bactérie Xylella fastidiosa. Il est notamment demandé de suspendre l'entrée en Corse de plants végétaux. Octobre 2014 : mission dans les Pouilles du SIDOC (financement ODARC) 10 octobre 2014 : « Prévention de l'introduction en Corse de la Xylella Fastidiosa », Point par le préfet de Corse sur l'action des services de l'État 17 octobre 2014 : AG du SIDOC. Présentation par Louis Cesari des retours de la mission financée par l'ODARC, en présence du SRAL. 21 au 22 octobre 2014 : symposium sur Xylella fastidiosa à Gallipoli : « International Symposium on the European outbreak of Xylella fastidiosa in olive ». Présence de la FREDON de Corse, d'élus de l'Assemblée de Corse, Culletivu Xylella, CTC, ODARC, oléiculteurs... Présentation des travaux de l'ANSES sur la méthode de détection. Présence de la DGAl. 23 au 24 octobre 2014 : suite du symposium : technical laboratory workshops at the CRSFA, Locorotondo (dans les Pouilles). Fin octobre 2014 à mi-novembre 2014 : surveillance renforcée par la FREDON de Corse sur les plants de caféier. 20 décembre 2014 : conférence-débat, organisée par l'INRA sur le site de San-Giuliano, sur la biologie de Xylella fastidiosa, avec le professeur Joseph Bové.
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Fin 2014 : de nouveaux lots de caféiers d'ornement en provenance des Pays-Bas, sont interceptés par les inspecteurs à l'importation, et la présence de Xylella fastidiosa est de nouveau confirmée par l'ANSES-LSV. 6 janvier 2015 : expertise de l'European Food Safety Authority (EFSA) « Scientific Opinion on the risks to plant health posed by Xylella fastidiosa in the EU territory, with the identification and evaluation of risk reduction options ». Février 2015 : la FREDON de Corse diffuse auprès du public et des professionnels une plaquette sur Xylella fastidiosa qu'elle a réalisée, et qui a été validée par la préfecture et la DGAl. Elle réalise également 3 posters validés. Un numéro vert d'information sur Xylella fastidiosa est rendu public. Il connaît un pic d'appels (229) en septembre 2015, puis il tombe à 15 en décembre, apparemment par peur des traitements insecticides et des arrachages. Mars 2015 : formations par la FREDON de Corse à la reconnaissance des symptômes pour les agents des douanes (formation sur site). 2 avril 2015 : premier arrêté ministériel relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa (version consolidée au 7 mai 2015) : il précise les conditions de lutte obligatoire, d'importation de végétaux spécifiés, de circulation de végétaux spécifiés dans l'Union Européenne et les obligations de déclaration en cas de présence ou de suspicion de Xylella fastidiosa. 4 avril 2015 : formalisation par écrit du programme de surveillance de Xylella fastidiosa pour 2015 par la FREDON de Corse. 7 avril 2015 : CROPSAV de Corse entièrement consacré à Xylella fastidiosa. 10 avril 2015 : la première note de service (NS 2015-335) de la DGAl décrivant un plan de surveillance spécifique pour Xylella fastidiosa 11 avril 2015 : instruction technique DGAL/SDQPV/2015-335 « Renforcement de la surveillance Xylella fastidiosa sur les flux et chez les établissements revendeurs ». 15 avril 2015 : détection et destruction par la DRIAAF Île-de-France d'un plant de caféier ornemental porteur de la bactérie chez un revendeur de plants de Rungis. Il avait été importé d'Amérique centrale via les Pays-Bas. 30 avril 2015 : arrêté n°15-580 du préfet de Corse relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse. Il interdit l'introduction des végétaux spécifiés quelle que soit leur origine, sauf dérogation pour les professionnels. Mai 2015 : réalisation par la FREDON de Corse d'un document facilitant la reconnaissance des espèces spécifiées et végétaux hôte à destination des agents de la DDCSPP et des siens.
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13 mai 2015 : deuxième Instruction technique DGAL/SDQPV/2015-449 de la DGAl sur le plan de surveillance, plus complète, qui abroge la précédente (celle du 11 avril 2015). 18 mai 2015 : troisième décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). 22 mai 2015 : deuxième arrêté ministériel abrogeant l'arrêté du 2 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa (Well and Raju). 3 au 11 août 2015 : mission d'expertise, à la demande de la DGAl, sur Xylella fastidiosa en Corse, composée de Gilbert Chauvel (DGAl), Astrid Cruaud (INRA), Bruno Legendre (ANSES), JeanFrançois Germain (ANSES), Jean-Yves Rasplus (INRA). 22 juillet 2015 : le premier foyer de Xylella fastidiosa en Corse est découvert sur des Polygala myrtifolia, présentant des symptômes de brûlures foliaires, sur la commune de Propriano, après qu'une technicienne de la Chambre d'agriculture de Corse-du-sud ait signalé à la FREDON des symptômes suspects sur polygale à feuilles de myrte. La FREDON procède à des prélèvements et les envoie au laboratoire national de référence pour Xylella fastidiosa de l'ANSES à Angers. 29 juillet 2015 : déplacement en Corse de M. Stéphane LE FOLL, ministre en charge de l'agriculture, pour rencontrer les professionnels et les services officiels en charge du dossier Xylella fastidiosa. 22 août 2015 : déplacement en Corse de Mme Ségolène ROYAL, ministre en charge de l'environnement, avec une rencontre avec des pépiniéristes et la FREDON au sujet de Xylella fastidiosa. 23 septembre 2015 : création d'un Collectif à propos de Xylella fastidiosa par les pépiniéristes, les paysagistes et les responsables des jardineries insulaires, à Alistro. 25 septembre 2015 : arrêté n°15-887 du préfet de Corse relatif au recensement et à la destruction ciblée des polygales à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia) en Corse (modifié le 3 octobre 2016). 12 octobre 2015 : le premier foyer de Xylella fastidiosa en PACA est découvert sur des Polygala myrtifolia, sur la commune de Nice, dans le quartier Saint-Isidore. 14 octobre 2015 : publication de la méthode officielle MA039 de détection de Xylella fastidiosa sur pétioles et nervures de plantes hôtes, avec la note de service DGAL/SDQPV/2015-862. 30 octobre 2015 : CROPSAV de Corse entièrement consacré à Xylella fastidiosa
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Début novembre : formation à la reconnaissance des symptômes pour les agents FREDON élargie aux agents DDCSPP et à ceux du Conseil Général Corse du Sud. 26 novembre 2015 : CNOPSAV avec, à l'ordre du jour, le point de situation sur Xylella fastidiosa, le projet d'arrêté national (le 3ème) et le projet de plan d'action national. Octobre-Novembre 2015 : Première capture d'insectes par la FREDON Corse pour analyse. Novembre 2015 : lancement d'un programme communautaire de recherche, dénommé POnTE (Pest Organisms Threatening Europe), doté de 6,8 M euros sur 4 ans, couvrant plusieurs organismes nuisibles, dont Xylella fastidiosa. Il vise notamment à améliorer les connaissances relatives à Xylella fastidiosa et à ses vecteurs en ce qui concerne l'olivier, la vigne, les agrumes, les fruits à noyau, les plantes ornementales et les arbres paysagers de grande importance socioéconomique. 17 décembre 2015 : quatrième décision d'exécution (UE) 2015/2417 de la Commission modifiant la décision d'exécution (UE) 2015/789 relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). 23 décembre 2015 : troisième arrêté ministériel relatif aux mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa. Les dispositions de la décision d'exécution de la Commission (UE) 2015/789 modifiée relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.) sont d'application immédiate. 6 janvier 2017 : diffusion (instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-39) du Plan national d'intervention sanitaire d'urgence Xylella fastidiosa 3 au 12 février 2016 : audit des inspecteurs de la DG Santé en France sur la situation et les contrôles officiels sur Xylella fastidiosa. 10 mars 2016 : Séminaire organisé par l'ANSES sur Xylella fastidiosa : Quels défis pour l'évaluation et la gestion des risques pour les cultures et l'environnement ? 12 mai 2016 : décision d'exécution (UE) 2016/764 de la Commission modifiant la décision d'exécution (UE) 2015/789 relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). 18 mai 2016 : instruction technique DGAL/SDQPV/2016-413 définissant les modalités de mise en oeuvre de la surveillance de Xylella fastidiosa sur le territoire national, hors zones délimitées, pour l'année 2016. 16 juin 2016 : notification par l'Allemagne à l'Union la Commission européenne de la détection de Xylella fastidiosa ssp. fastidiosa dans une pépinière de Saxe sur laurier-rose et romarin.
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8 juillet 2016 : instruction technique DGAL/SDQPV/2016-558, qui précise les modalités d'application de la décision 2015/789 en ce qui concerne la gestion des foyers de Xylella fastidiosa. Octobre 2016 : première détection de Xylella fastidiosa sous espèce fastidiosa à l'île de Majorque, à Porto Cristo, dans une jardinerie sur trois cerisiers. Par la suite, la sous-espèce multiplex a été identifiée à Majorque et Minorque et la sous-espèce pauca à Ibiza. Novembre 2016 : lancement du programme communautaire de recherche « XF-ACTORS - Xylella Fastidiosa Active Containment Through a multidisciplinary Oriented Research Strategy (enrayement actif de Xylella fastidiosa par une stratégie de recherche à orientation multidisciplinaire), doté d'un budget d'environ 7 millions d'EUR pour la période 2016-2020. Le projet vise à encourager un ensemble complet d'activités destinées à améliorer les connaissances relatives à la bactérie et à élaborer des solutions de prévention et de contrôle, ainsi que des outils d'analyse des risques et des politiques relatives à la santé des végétaux. 20 au 31 mars 2017 : second audit des inspecteurs de la DG Santé en France sur la situation et les contrôles officiels sur Xylella fastidiosa. 12 au 23 juin 2017 : audit des inspecteurs de la DG Santé en Espagne sur la situation et les contrôles officiels sur Xylella fastidiosa. 29 juin 2017 : première détection de Xylella fastidiosa en Espagne continentale, sur un verger d'amandiers près d'Alicante. La sous-espèce identifiée est multiplex. 26 juillet 2017 : arrêté ministériel relatif à la prise en charge partielle des indemnisations versées par le Fond national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental aux agriculteurs ayant subi des pertes économiques consécutives aux mesures de lutte contre Xylella fastidiosa. 1er août 2017 : Instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-653 définissant les modalités de mise en oeuvre de la surveillance de Xylella fastidiosa sur le territoire exempt et visant une action pluriannuelle (texte en vigueur à la date de remise du présent rapport). 24 octobre 2017 : séminaire de restitution des travaux de recherche sur Xylella fastidiosa, organisé par l'INRA à Paris. 13 au 15 novembre 2017 : conférence internationale à Palma de Majorque : « European Conference on Xylella 2017. Finding reponses to a global problem. » 30 novembre au 1er décembre 2017 : réunion de haut niveau à Paris sur Xylella fastidiosa, avec les délégations de Croatie, Chypre, France, Allemagne, Italie, Malte, Portugal, Slovénie, Espagne, Grèce, en présence du Commissaire européen à la santé et à la sécurité alimentaire.
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11 décembre 2017 : rapport d'enquête sur les voies d'introduction et de dissémination de la bactérie Xylella fastidiosa en France, analyse de la filière française « Filière-Bois et Plants de vigne », par la Brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires. 14 décembre 2017 : cinquième décision d'exécution (UE) 2017/2352 de la Commission modifiant la décision d'exécution (UE) 2015/789 relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). La Corse est classée en zone d'enrayement. 17 janvier 2018 : quatrième arrêté ministériel modifiant l'arrêté du 23 décembre 2015 relatif aux mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.). En application de l'article 7 de la décision d'exécution 2015/789 modifiée, les mesures d'enrayement sont mises en oeuvre pour l'ensemble de la collectivité Corse. 14 mars 2018 : instruction technique DGAL/SDQSPV/2018-194 sur la Méthode d'analyse MOA 008 pour la détection de Xylella fastidiosa (ELISA) ; instruction technique DGAL/SDPAL/2018-196 sur les dispositions applicables au réseau de laboratoires agréés pour la recherche de Xylella fastidiosa sur végétaux par méthode d'amplification en chaîne par polymérase (PCR) en temps réel et par méthodes sérologiques ELISA ; instruction technique DGAL/SDPAL/2018-197 sur l'appel à candidatures, au sein du réseau existant de laboratoires agréés pour la recherche de Xylella fastidiosa par méthode d'amplification en chaîne par polymérase (PCR), pour la réalisation d'analyses officielles de recherche de Xylella fastidiosa par méthodes sérologiques (ELISA). 22 mai 2018 : lettre de la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire (Commission européenne) au directeur général de l'alimentation du ministère français de l'agriculture, concernant la « nécessité » pour la France de « réexaminer » l'arrêté préfectoral du 30 avril 2015.
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Annexe 10 : mise en oeuvre de la réglementation 1 Organisation générale de la mise en oeuvre de la réglementation
Au sens de la Convention Internationale de la Protection des Végétaux 171 (CIPV), l'Organisation nationale de la protection des végétaux (ONPV) est assurée en France par la Direction Générale de l'Alimentation (DGAl) du Ministère en charge de l'agriculture. Ainsi, la DGAl publie des instructions techniques qui citent ou traitent de Xylella fastidiosa dans le cadre :
·
de notes de service à caractère général : orientations stratégiques et priorités, délivrance du passeport phytosanitaire européen (PPE), inspections à l'importation en provenance de pays tiers, surveillance de la santé des forêts, etc. de notes de service spécifiques à Xylella fastidiosa : méthode d'analyse officielle, appel à candidature de laboratoires, plan de surveillance, plan national d'intervention sanitaire d'urgence, délivrance du PPE en zone délimitée. par les DRAAF-SRAL en métropole, et les DAAF-SALIM dans les régions ultrapériphériques. Toutefois, en Corse, les missions d'inspection sont mises en oeuvre par les Directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) sous le pilotage et la coordination de la DRAAF-SRAL (cf. le chapitre sur les acteurs et la gouvernance). par les délégataires sous le contrôle des DRAAF-SRAL. En Corse, pour Xylella fastidiosa, il s'agit de la FREDON qui agit dans le cadre de conventions passées avec les DDCSPP : une convention cadre quinquennale et une convention annuelle d'exécution technique et financière pour chaque département.
·
Les inspections sur le terrain en santé des végétaux sont réalisées :
·
·
2 Les moyens financiers déployés pour mettre en oeuvre la réglementation.
La DGAl finance les actions de mise en oeuvre de la réglementation en santé des végétaux par le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » :
·
en hors titre 2 (crédits d'intervention) : le financement relève de l'action 1 « Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale ». L'objectif172 de cette action est de « Permettre d'assurer des conditions de productions des végétaux garantissant la santé publique et la protection des végétaux » ; pour le titre 2 (personnel) : les crédits viennent des articles 60 (moyens permanents) et 61 (moyens d'ajustement).
·
La lutte contre Xylella fastidiosa a bénéficié des moyens du BOP 206 pour financer les actions de la FREDON, les personnels contractuels en services déconcentrés, les achats d'équipements et de consommables, les frais d'analyses en laboratoire, les opérations de désinsectisation et d'arrachage, de communication et de formation. Le tableau suivant détaille l'évolution des coûts liés à Xylella fastidiosa entre 2015 et 2018.
171 172
Convention internationale pour la protection des végétaux. Texte révisé et approuvé par la 29 conférence de la FAO. Nov. 1997. La direction générale de l'alimentation rapport d'activité en bref 2017.
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Evolution des moyens du BOP 206 en Corse pour la lutte contre Xylella fastidiosa
2015 Personnels (1) dont SRAL dont DDCSPP 2A dont DDCSPP 2B dont FREDON(3) Équipements, consommables dont DDCSPP 2A dont DDCSPP 2B Analyses dont LDA dont LSV dont frais envois Désinsectisation, arrachage Communication, formation Total 439 337,00 67 156,00 268 285,00 29 370,00 74 526,00 7 194,11 4 441,46 3 478,28 762 876,08 116 880,00 643 302,00 2 694,08 264 307,65 11 726,70
2016
2017
2018 (2)
Total
895 923,50 1 230 920,00 50 820,00 78 087,75 129 765,75 637 250,00 3 861,00 200,00 3 661,00 986 233,00 945 360,00 34 848,00 6 025,00 65 563,06 1 300,00 53 954,00 123 028,00 224 338,00 829 600,00 3 000,00 700,00 2 300,00 390 860,00 389 160,00 0,00 1 700,00 1 338,00 34 539,60
797 732,00 3 363 912,50 32 586,00 123 028,00 224 338,00 204 516,00 592 428,75 607 811,75
417 780,00 1 959 156,00 14 055,11 5 341,46 9 439,28 289 000,00 2 428 969,08 288 000,00 1 739 400,00 0,00 1 000,00 6 000,00 500,00 678 150,00 11 419,08 337 208,71 48 066,30 6 192 211,70
1 485 441,54 1 952 880,56 1 660 657,60 1 093 232,00
(1) Pour les agents de l'État : moyens permanents relevant du titre 2 article 60. (2) Estimation des crédits initiaux, hors crédits spécifiques ultérieurs. (3) Montants des conventions annuelles FREDON avec les DDCSPP auxquels il faut rajouter 46 200 dans le cadre d'une convention 2016-2017 avec le SRAL pour la surveillance des vecteurs.
Les financements liés aux personnels sont destinés aux activités suivantes :
·
pour les contractuels en DDCSPP : gestion des foyers, instructions des demandes de dérogations à l'introduction, inspections dans les ports pour les entrées et les sorties des végétaux ; pour les contractuels en DRAAF-SRAL : appui au pilotage et à la coordination des DDCSPP, missions techniques ; pour les employés de la FREDON : réalisation de la surveillance du territoire, y compris la surveillance des foyers en 2017, et contribution aux contrôles dans les ports.
·
·
Pour la campagne 2018, les conventions initiales entre la FREDON et les DDCSPP portent sur un total de 417 780,00 (hors crédits spécifiques ultérieurs), avec 48 100 pour la Corse-du-Sud et 369 680 pour la Haute-Corse).
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L'écart observé sur le plan financier entre les départements est lié aux différences d'activité :
·
la Haute-Corse concentre une forte partie des zones de culture (plaine orientale et Balagne) ; la FREDON participe aux contrôles quotidiens des entrées et sorties de végétaux dans le port de Bastia) ; la surveillance en Corse-du-Sud s'est allégée avec l'arrêt de l'inspection systématique du quadrillage en carrés en zone tampon (cf. infra la partie sur les stratégies de surveillance en 2018). le financement total depuis le début des actions de lutte contre Xylella fastidiosa en Corse représente plus de 6,1 M. 39 % de ce montant est consommé par les frais d'analyses, ce qui montre le poids du volet analytique dans la gestion opérationnelle de ce dossier ; 33 % est consacré au financement des actions confiées à la FREDON Corse, qui joue un rôle essentiel dans le dispositif phytosanitaire, conformément aux responsabilités confiées aux organismes à vocation sanitaire173 par le code rural et de la pêche maritime ; le budget de la FREDON pour Xylella fastidiosa a été multiplié par plus de 13 entre 2015 et 2017.
·
·
Les observations suivantes sur les faits marquants du volet budgétaire peuvent être soulignées :
·
·
·
·
Ces données montrent le poids de la surveillance du territoire dans le budget de lutte contre Xylella fastidiosa, et l'importance de l'effort accompli pour avoir une vision claire de l'état sanitaire de la Corse. Enfin d'évaluer l'effort réalisé, le tableau suivant montre la part de Xylella fastidiosa en Corse dans le budget national de « Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale », soit l'action 1 du BOP 206.
Comparaison du budget national de prévention et de gestion des risques inhérents à la production végétale et du coût de la lutte contre Xylella fastidiosa en Corse
2015
BOP 206 action 1 (1) Budget Xylella fastidiosa en Corse action 1 (2) Pourcentage 21 000 000 1 120 630
2016
22 000 000 1 694 207
2017
28 700 000 1 259 337
5,3 %
7,7 %
4,4 %
(1) Sources : La direction générale de l'alimentation Rapport d'activité en bref 2015, 2016 et 2017. (2) Budget hors crédits liés aux agents de l'État contractuels qui relèvent du titre 2, et non du hors titre 2 - action 1.
173 Article L.201-9 du code rural et de la pêche maritime : « L'autorité administrative peut confier, par voie de convention, des missions de surveillance et de prévention à des organismes à vocation sanitaire [,,.]. Ces missions peuvent être étendues aux mesures de lutte contre les dangers sanitaires. Les organismes à vocation sanitaire sont des personnes morales reconnues par l'autorité administrative dans les conditions définies par décret en Conseil d'État, dont l'objet essentiel est la protection de l'état sanitaire des animaux, des végétaux, des produits végétaux, des aliments pour animaux ou des denrées alimentaires d'origine animale, dans le secteur d'activité et l'aire géographique sur lesquels elles interviennent. » CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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3 La construction d'une vision de la situation phytosanitaire
3.1 Les éléments de la vision des services de l'État
La vision de la situation phytosanitaire par les services de l'État fait l'objet de vifs débats en Corse de la part de certains acteurs économiques et sociaux. En ce qui concerne la présence de Xylella fastidiosa, elle est fondée sur quatre éléments : · la notion d'analyse officielle des échantillons prélevés par du personnel habilité pour détecter la présence de la bactérie ; · la performance de la méthode analytique officielle employée. Ce point est plus particulièrement mis en cause. Il est développé dans le chapitre sur les méthodes analytiques ; · l'arbre de décision conduisant à déclarer la présence d'un foyer de Xylella fastidiosa, avec la définition des zones délimitées qui en découle. · le fait que le dispositif est conçu avant tout pour faire émerger une vision épidémiologique dynamique sur l'ensemble du territoire surveillé, et non pour garantir une certitude en tous points du territoire.
3.2 La notion d'analyse officielle
Le dispositif des laboratoires réalisant les analyses officielles des échantillons que leur adressent des agents habilités est fondé sur :
·
un réseau de laboratoires agréés174 à cette fin par l'autorité administrative, au titre de L.202-1 du code rural et de la pêche maritime. En juin 2018, il s'agit des cinq laboratoires départementaux d'analyses (LDA) suivants : LDA 13, 22, 31, 67, 71.
un laboratoire national de référence (LNR) désigné par l'arrêté du 29 décembre 2009 modifié désignant les laboratoires nationaux de référence dans le domaine de la santé publique vétérinaire et phytosanitaire. Pour les bactéries phytopathogènes telles que Xylella fastidiosa, il s'agit du Laboratoire de la santé des végétaux de l'ANSES, Unité bactériologie, virologie, OGM de la station d'Angers. Les prélèvements sur le terrain sont envoyés pour dépistage à l'un des laboratoires agréés, en fonction de la région de prélèvement. En cas de résultat positif, l'échantillon est transmis au laboratoire national de référence, qui effectue : · une analyse de confirmation ; · une analyse d'identification de la sous-espèce.
·
Pour qu'une analyse soit officielle, les trois conditions suivantes doivent être remplies :
·
la personne effectuant le prélèvement du matériel végétal doit être habilitée (garantie d'indépendance et de compétence). Les personnes concernées sont : au titre du L.205-7 du CRPM, des agents habilités à rechercher et à constater les infractions définis à l'article L.205-1 du CRPM (concerne en particulier les agents des DRAAF-SRAL et des DDCSPP de Corse) ; au titre du L.251-7 du CRPM, des représentants des organismes délégataires désignés par l'autorité administrative conformément à l'article L.201-13 (concerne en particulier les employés FREDON) ; le prélèvement doit être analysé dans le laboratoire national de référence ou dans un laboratoire agréé.
La liste exhaustive des laboratoires agréés selon les organismes nuisibles réglementés est consultable à l'adresse suivante :
·
174
http://agriculture.gouv.fr/telecharger/89416?token=19f0c4d26ede400f2023bfdd18cfd3ca CGAAER n°17120 CGEDD n° 011653-01 PUBLIÉ
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·
les laboratoires agréés doivent appliquer la méthode officielle publiée au Bulletin officiel en application de l'article R 202-17. Pour Xylella fastidiosa, il s'agit de la méthode MA039, basée sur la technique de la PCR en temps réel, et publiée au Bulletin Officiel du ministère chargé de l'agriculture avec la note de service DGAL/SDQPV/2018-342 du 24/05/2018. Ces méthodes évoluent très régulièrement. En revanche, le laboratoire national de référence applique soit la méthode officielle MA039, soit une méthode interne (article R.202-5) pour confirmer la détection. Il recourt ensuite à une méthode interne pour identifier la sous-espèce.
En conséquence, un résultat d'analyse n'est pas officiel si la personne qui a prélevé n'est pas habilitée, si le laboratoire n'est pas agréé ou si la méthode du laboratoire agréé n'est pas officielle.
3.3 Règles de décision pour la détection officielle d'un foyer en France
La Direction Générale de l'Alimentation, en tant qu'autorité phytosanitaire en France, a élaboré un arbre de décision pour conclure à la détection officielle d'un foyer. Il tient compte :
·
de la réglementation communautaire, avec la décision d'exécution 2015/789, notamment l'article 3 relatif aux enquêtes sur la présence de l'organisme spécifié sur le territoire des États membres ; des recommandations du protocole OEPP PM 7/24 sur les diagnostics de Xylella fastidiosa (notamment le fait de réaliser deux analyses selon des tests moléculaires différents en zone non délimitée) : voir le diagramme de décision de cette norme dans l'addendum 1.
·
À la suite d'un échantillonnage, les principaux éléments à respecter pour conclure à un foyer, selon la réglementation et le protocole OEPP, sont les suivants :
·
en zone non délimitée, la détection de Xylella fastidiosa doit être faite avec au moins deux tests moléculaires positifs et différents dans leurs principes biologiques ou visant des parties différentes du génome pour détecter Xylella fastidiosa ; en zone délimitée, un seul test (moléculaire ou non) positif peut être considéré comme suffisant ; en zone délimitée comme en zone non délimitée, l'identité de l'organisme présent doit être déterminée avec au moins un test moléculaire supplémentaire.
·
·
Pendant plusieurs années, la procédure appliquée en France utilisait les principales bases suivantes :
·
l'analyse de détection selon la méthode MA039 appliquée par les LDA agréés, plus sa confirmation par le LNR constituaient le premier test moléculaire ; l'analyse d'identification selon la méthode MLST servait en même temps de deuxième test moléculaire de détection ; en zone non délimitée, les résultats positifs de ces deux tests moléculaires permettaient de conclure à un foyer, alors que le premier test suffisait en zone délimitée.
·
·
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Dès la publication en septembre 2016 de la révision du protocole OEPP PM7/24, la DGAl et l'ANSES ont cherché un second test moléculaire de détection, autre que le test Harper de type qPCR sur lequel la méthode MA039 est fondée. Plutôt que choisir un autre test de type qPCR comme le fait l'Espagne avec le test Francis, le test Minsavage basé sur une PCR conventionnelle a été retenu et le laboratoire de la santé des végétaux de l'ANSES l'a intégré dans son schéma de détection de Xylella fastidiosa à partir du 16 mars 2017 : voir l'addendum 2. Ce test est décrit dans l'annexe 4 du protocole PM7/24 et il figure dans la liste des tests validés par la Commission européenne pour les zones délimitées, publiée en décembre 2017. Les informations sur les foyers officiellement détectés sont transmises à la Commission européenne. Les signalements sur les nouvelles plantes hôtes identifiées alimentent les mises à jour de la base de données communautaire correspondante. Les règles de décision conduisant, à partir des résultats analytiques, à conclure ou non à un foyer de Xylella fastidiosa sont décrites dans le tableau ci-après, pour les différents cas rencontrés.
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Règles de décision pour conclure à un foyer de Xylella fastidiosa (source : DGAL-SDQSPV)
Zone de prélèvement Zone indemne (dite zone non délimitée)
Analyse de première intention (LDA) qPCR (MA039)
Résultat d'analyse de première intention (LDA) Positif
Analyse de confirmation (LNR)
Résultat d'analyse de confirmation (LNR)
Analyse d'identification (LNR) MLSA/MLST
Résultat de l'identification (LNR) Sous-espèce identifiée Sous-espèce non identifiée
Résultat final
Conclusion
PCR Minsavage Positif
Positif, sous-espèce identifiée Positif, sous-espèce non identifiée
Nouveau foyer
Nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires Pas de nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires
Zone indemne
qPCR (MA039)
Positif
PCR Minsavage Indéterminé
-
-
Indéterminé
Zone indemne
qPCR (MA039)
Positif
PCR Minsavage Négatif
-
-
Négatif
Pas de nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires
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Zone de prélèvement Zone indemne
Analyse de première intention (LDA) qPCR (MA039)
Résultat d'analyse de première intention (LDA) Indéterminé
Analyse de confirmation (LNR) qPCR* (MA039)
Résultat d'analyse de confirmation (LNR) Indéterminé
Analyse d'identification (LNR) -
Résultat de l'identification (LNR) -
Résultat final
Conclusion
Indéterminé
Pas de nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires
Zone indemne
qPCR (MA039)
Indéterminé
qPCR* (MA039)
Positif**
MLST/MLSA
Sous-espèce identifiée
Positif, sous-espèce identifiée
Nouveau foyer
Sous-espèce non identifiée
Positif, sous-espèce non identifiée
Nouveau foyer Prélèvements et analyses supplémentaires
Zone indemne
qPCR (MA039)
Indéterminé
qPCR* (MA039)* -
Négatif
-
-
Négatif
Pas de nouveau foyer Pas de nouveau foyer
Zone indemne
qPCR (MA039)
Négatif
-
-
-
Négatif
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Zone de prélèvement Zone délimitée
Analyse de première intention (LDA) qPCR (MA039)
Résultat d'analyse de première intention (LDA) Positif (espèce hôte connue)
Analyse de confirmation (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat d'analyse de confirmation (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Analyse d'identification (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat de l'identification (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat final
Conclusion
Positif
Extension de la zone délimitée
Zone délimitée
qPCR (MA039)
Positif (espèce non hôte)
qPCR**** (MA039)
Positif
MLST/MLSA
Sous-espèce identifiée Sous-espèce non identifiée
Positif, sous-espèce identifiée Positif, sous-espèce non identifiée
Extension de la zone délimitée Extension de la zone délimitée Prélèvements et analyses supplémentaires Extension de la zone délimitée Prélèvements et analyses supplémentaires Extension de la zone délimitée Prélèvements et analyses supplémentaires
Zone délimitée
qPCR (MA039)
Positif (espèce non hôte)
qPCR**** (MA039)
Indéterminé
-
-
Positif, sous-espèce non identifiée (MLST non réalisée) Positif, sous-espèce non identifiée (MLST non réalisée)
Zone délimitée
qPCR (MA039)
Positif (espèce non hôte)
qPCR**** (MA039)
Négatif
-
-
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Zone de prélèvement Zone délimitée
Analyse de première intention (LDA) qPCR (MA039)
Résultat d'analyse de première intention (LDA) Indéterminé
Analyse de confirmation (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat d'analyse de confirmation (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Analyse d'identification (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat de l'identification (LNR) Analyses non réalisées sauf demande du SRAL***
Résultat final
Conclusion
Indéterminé
Pas d'extension de foyer
Zone délimitée
qPCR (MA039)
Négatif
-
-
-
-
Négatif
Pas d'extension de foyer
* ** *** ****
La qPCR est utilisée car il s'agit en premier lieu de lever l'ambiguïté sur le premier résultat « indéterminé ». Ce cas ne s'est jamais produit. Dans la pratique, ces analyses sont réalisées par le LNR bien que non obligatoires au sens de l'article 3 de la décision d'exécution 2015/789/UE. La qPCR est utilisée ici afin de vérifier que l'échantillon est bien positif avant de procéder à la méthode MLST qui est plus coûteuse et moins sensible.
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4 La mise en oeuvre des méthodes analytiques
1/ Les bases réglementaires des méthodes officielles sont communautaires et nationales a/ La Commission a renforcé ses exigences en matière de recherche de la présence de Xylella fastidiosa Après que l'Italie ait informé le 21 octobre 2013 les autres États membres et la Commission de la présence de Xylella fastidiosa sur son territoire, cette dernière a publié en février 2014 une décision d'exécution rendant obligatoire la réalisation par les États membres d'enquêtes annuelles. Dès le mois de juillet 2014 la décision d'exécution est modifiée et précise notamment qu'il est dorénavant demandé aux États membres que les recherches de Xylella fastidiosa « se fondent sur des principes techniques et scientifiques fiables et [soient] effectuées à des moments propices à la détection de l'organisme spécifié. Elles tiennent compte des éléments de preuves scientifiques et techniques disponibles, de la biologie de l'organisme spécifié et de ses vecteurs, de la présence et de la biologie de végétaux spécifiés ou de végétaux susceptibles d'être des plantes hôtes et de toute autre information pertinente quant à la présence de l'organisme spécifié ». À cet égard il convient de noter que dès 2004 l'Organisation Européenne et méditerranéenne pour la Protection des Plantes175 (OEPP) avait produit un protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa (PM 7/24), adapté une première fois en septembre 2016 176. Ce protocole de diagnostic a été utilisé par les autorités nationales pour asseoir leur programme de détection de Xylella fastidiosa. Trois ans plus tard, en décembre 2017, la Commission va plus loin et fixe la liste des tests officiels validés pour la détection de Xylella fastidiosa et l'identification de ses sous-espèces. Cette liste est une reprise de presque tous les tests qui figurent dans le protocole de diagnostic de l'OEPP mais sans y faire explicitement référence et sans reprendre la description ni les données de validation de ces tests (même si les laboratoires nationaux de référence l'utilisent pour auto-évaluer le mode opératoire177 de mise en oeuvre des tests qu'ils ont retenus). Cette liste précise, en fonction de la nature infectée ou non des zones enquêtées, le type de tests qui doivent être réalisés pour déterminer et identifier la présence de Xylella fastidiosa. Elle se divise donc en deux parties :
·
la première partie de la liste contient 8 méthodes (elles sont développées dans l'addendum en fin de cette présente annexe) permettant de détecter la présence de la bactérie. Elle se subdivise elle-même en deux sous-listes :
La première sous-liste s'adresse aux zones dites délimitées (autrement dit à la fois aux zones où la présence de la bactérie a été avérée, dites infectées, et à une zone adjacente, dite tampon) et, dans les zones non délimitées, aux sites de production de six végétaux hôtes178 destinés à la circulation dans l'Union. Elle contient 6 tests dont 4 tests moléculaires (3 basés sur la technologie relative à la réaction de
175 https://www.eppo.int/ABOUT_EPPO/about_eppo.htm 176 https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/epp.12327 sachant qu'une nouvelle version est sous presse (https://www.eppo.int/News&Events/18-23616_PM_7-24_in_press.pdf) et qu'une quatrième version serait déjà envisagée. 177 Le mode opératoire de mise en oeuvre d'un test tient notamment compte du type de matériel et d'équipement dont dispose le laboratoire. 178 Il s'agit des espèces du genre Coffea et de Lavendula dentata, Nerium oleander, Olea europaea, Polygala myrtifolia et Prunus dulcis.
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polymérisation en chaîne de l'ADN en répétant un cycle de températures différentes179 - connue sous le sigle PCR - et un basée sur la technologie d'amplification de l'ADN à température constante - connue sous le sigle LAMP - ) et deux tests de type immunologique (ELISA et Immunofluorescence). La seconde sous-liste s'adresse aux zones non délimitées et aux sites de production de végétaux hôtes autres que les 6 concernés par la première sousliste. Elle contient deux tests moléculaires repris de la liste précédente. la seconde partie de la liste contient 3 tests moléculaires permettant d'identifier les sousespèces de Xylella fastidiosa.
·
Commentaires : 1. La mission a constaté que le choix des tests, qui permettent la détermination de Xylella fastidiosa, a été et reste un sujet d'inquiétude et de débat très vif en Corse, conduisant à un trouble préjudiciable à la mise en oeuvre de la surveillance et de la lutte relatives à cette bactérie. Ainsi les résultats contradictoires des analyses réalisées selon des tests et/ou des modes opératoires différents par l'ANSES et l'INRA a nourri l'existence d'un soupçon assez largement répandu, sur le thème « L'État cache des choses » ou « L'État ment » (cf.infra). Il n'est pas acquis que la publication par la Commission européenne en décembre 2017 d'une liste de tests validés suffise à lever ce soupçon, même si elle peut contribuer à éclairer ce débat. 2. Pour construire sa liste de tests validés, la Commission s'est appuyée sur le protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa de l'OEPP180, même si elle n'y fait pas explicitement référence et n'en reprend ni la description des tests ni leurs données de validation. Les laboratoires continuent donc d'utiliser le protocole de l'OEPP pour auto-évaluer leur aptitude à mettre en oeuvre les tests qu'ils choisissent. 3. De même la Commission ne donne pas d'instructions sur les méthodes d'extraction de l'ADN qui sera ensuite analysé selon tel ou tel test moléculaire. Une fois encore c'est dans le protocole de l'OEPP que les laboratoires vont chercher des informations sur les données de validation de ces différentes méthodes. Lors de sa réunion avec la DG Santé la mission a appris que le laboratoire européen de référence pour les bactérioses serait chargé de travailler sur ce sujet et elle s'en félicite. Elle suggère qu'il travaille en outre sur des lignes directrices concernant la mise en culture de la bactérie. En effet la mission a entendu d'une part l'Institut de virologie des plantes à Bari (Pouilles), pour qui des techniques d'isolement sont assez faciles à acquérir 181 et permettent d'obtenir des cultures de Xylella fastidiosa à partir de tissus végétaux contaminés. Elle a aussi entendu une chercheuse de l'INRA qui souligne que les données manquent pour justifier une grande facilité d'isolement et que, dans les Pouilles, la forte contamination du matériel végétal faciliterait la mise en culture de la bactérie182.
179 C'est pour cette raison qu'en PCR on compte le nombre de cycles à partir duquel on identifie la production croissante du matériel génétique recherché. Voir l'addendum 3 de l'annexe 10. 180 https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/epp.12327 Il s'agit de la version n°2 en date de septembre 2016. 181 On rappelle à cet égard que l'adjectif fastidiosa a été choisi au départ en référence à ces difficultés de culture in vitro de la bactérie. 182 Pour sa part le LSV a indiqué à la mission que son laboratoire a pu isoler 47 souches de Xylella fastidiosa sous espèce multiplex en Corse à ce jour.
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4. Les tests de la liste n'ont pas le même seuil de sensibilité (ce qui veut dire que la réponse positive de chaque test dépend du nombre de bactéries présentes dans l'échantillon analysé183) et l'écart d'un test à l'autre varie d'un facteur qui peut atteindre 1 à 100 (voire plus en fonction des matrices végétales). En d'autre termes l'objectif politique d'éradication, de la bactérie de toute partie infectée du territoire de l'Union européenne se heurte en pratique à l'adoption d'une liste de tests dont la sensibilité varie d'un facteur 1 à 100 et dans laquelle chaque État membre est libre de choisir son test. Pourtant, au regard du droit communautaire, tous les tests choisis par les États membres au sein de la liste ont la même légitimité, et produisent les mêmes effets juridiques, même si leurs performances techniques ne sont pas les mêmes. Ainsi pour déceler la bactérie sur des végétaux prélevés en zone délimitée et sur six végétaux hôtes cultivés en zone non délimitée et destinés à circuler dans l'Union, certains États choisiront en première analyse un test moléculaire tandis que d'autres choisiront un test ELISA ou un test d'immunofluorescence moins sensibles (avec respectivement 105 bactéries par ml et 104). 5. Le choix de retenir un test plus ou moins sensible dans la liste de la Commission est une prérogative des États membres. S'ils retiennent des tests peu sensibles, cela rendra très difficile l'identification précoce de la présence d'une nouvelle sous espèce de la bactérie. D'autre part ce choix sera de nature, pour les échanges intracommunautaires, à impacter la fiabilité du Passeport Phytosanitaire Européen (PPE) censé garantir le caractère sain du végétal qu'il accompagne, d'autant plus que dans le cas de Xylella fastidiosa la manifestation des symptômes peut être différée pendant une période longue184. 6. Jusqu'à la publication de la liste des tests validés, les États membres n'étaient tenus que de mettre en oeuvre des analyses reposant sur des « principes scientifiques et des techniques fiables ». Compte tenu des commentaires du point 3 ci-dessus relatif aux seuils de sensibilité des divers tests, le choix de l'Italie de n'utiliser que des tests ELISA (les moins sensibles) pour déterminer la présence de Xylella fastidiosa sur son territoire semblait techniquement neutre pour la zone infectée des Pouilles, où les concentrations bactériennes sont très fortes, mais avait pu paraître beaucoup plus discutable pour le reste de son territoire, notamment pour la délivrance des PPE dans les zones qui expédient ou exportent des végétaux hôtes. La mission a été informée que suite à la publication de la liste de tests, l'Italie utiliserait le test moléculaire LAMP en zone non délimitée (sauf sur les 6 végétaux hôtes destinés à circuler dans l'Union qui continueront à être testés par ELISA).
183 Or la distribution de la bactérie dans un végétal n'est pas homogène et le protocole de prise d'échantillon sur un végétal est donc un sujet majeur. La DG Santé l' a bien compris puisque l'EFSA va faire l'objet d'une saisine à cet égard (cf infra dans le texte). 184 Sur ce point précis la Commission a invité la mission à relativiser la question de la fiabilité du PPE fondée sur l'emploi du test ELISA ou IF pour les 6 végétaux hôtes produits en sites de production en zone non délimitée et destinés à circuler dans l'Union. En effet elle considère que le fait que cette zone non délimitée fasse l'objet d'une surveillance par test moléculaire apporte en soi une garantie suffisante.
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Par ailleurs, pour mettre en oeuvre ces tests, la Commission ne donne pas d'instructions précises185 sur le protocole de prélèvement des échantillons de plantes à tester. Elle se contente de recommander que les échantillons soient prélevés au moment où les symptômes sont les plus visibles, ce qu'il faut comprendre par en sève montante qui se produit entre la fin du printemps et le début de l'automne. Si ce point de calendrier de prélèvements ne fait pas vraiment débat 186, il n'en est pas de même concernant le lieu de prélèvement sur le végétal, mais la Commission ne donne que la nature des tissus à prélever pas la localisation. Elle va demander à l'EFSA de produire des lignes directrices en la matière, d'autant plus nécessaires que la distribution de Xylella fastidiosa dans un végétal n'est pas homogène et que des prélèvements en des points différents sur un végétal contaminé (sur les feuilles, les rameaux non ligneux, près du sol ou le plus haut possible ...) peuvent conduire à des résultats différents . À cet égard la mission invite donc la DGAl à actualiser immédiatement son instruction technique, dès que seront connus les premiers résultats de l'EFSA et à tenir compte des recommandations que le LSV a transmises à la DGAl concernant les prélèvements sur olivier et qui reposent sur l'expérience des scientifiques italiens du Centre International des Hautes Études Méditerranéennes de Bari. b/ En France le dispositif de détection de la présence de la bactérie repose sur un test de type moléculaire mis en oeuvre par un réseau de laboratoires agréés Le laboratoire de la santé des végétaux (LSV) de l'ANSES basé à Angers a été désigné par l'arrêté du 8 mars 2018, modifiant l'arrêté du 29 décembre 2009, comme laboratoire national de référence pour toutes les bactéries phytopathogènes sur matrices autres que bananiers, agrumes et plantes tropicales. En pratique c'est le laboratoire de référence pour Xylella fastidiosa sur toute matrice végétale puisqu'il analyse aussi agrumes et caféiers. Dés octobre 2015 le LSV a fait le choix d'une détection de la bactérie sur base d'un test moléculaire, à savoir un test PCR en temps réel basé sur Harper et al, 2010 (and erratum 2013), et a publié son mode opératoire de mise en oeuvre de ce test en décrivant deux protocoles d'extraction de l'ADN (l'un automatisé et l'autre manuel) mais tous deux basés sur la méthode QuickPick pour l'extraction de l'ADN (voir infra et addendum en fin de la présente annexe). C'est la méthode MA039. Au plan organisationnel, cette méthode, officialisée par note de service de la DGAl 187, est mise en oeuvre par un réseau de 5 laboratoires agréés par la DGAl sur avis du LSV. Ils sont chargés de réaliser les analyses dites de « première intention ». Ensuite, en cas de résultat positif, cette même méthode est également mise en oeuvre par le LSV pour confirmer les résultats positifs de « première intention ». La mission note qu'une version n°2 de la méthode MA039 a été rédigée par l'ANSES, pour introduire des modifications mineures 188 et que cette version n°2 a été officialisée par note de
185 La Commission renvoie d'une part vers une norme à caractère général : « Méthodes d'échantillonnage des envois Norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP) n° 31 du Secrétariat de la Convention internationale pour la protection des végétaux (Rome, publiée en 2008) ». D'autre part en date du 16 décembre 2015, sous le timbre de la DG Santé elle a publié des recommandations pour la surveillance de Xylella fastidiosa dans le territoire de l'Union. 186 Car même si l'OEPP dans la version sous presse de son Protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa parle plutôt de la période de fin du printemps à l'automne (sans préciser début) en général on choisit le printemps pour faire les prélèvements. 187 Voir la note DGAl/SDQPV/2015-862 du 15/10/2015 sur https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2015-862. 188 Les modifications portent notamment sur une température de 5°C au lieu de < -18°C pour stocker les reliquats d'échantillons ; l'introduction de la possibilité de prélever sur rameaux non ligneux et tiges ; une révision de la régle d'interprétation des résultats
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service DGAL/SDQPV/2018/342 du 25/04/2018189, sans faire référence à la liste des tests officiels que la Commission européenne a publié en décembre 2017, alors que le test qPCR Harper et al, 2010 (and erratum 2013) y figure. Commentaires : 1. L'organisation par la France d'un réseau de laboratoires de premier niveau, agréés sur la base de leur compétence à mettre en oeuvre le protocole du test choisi pour détecter la présence de la bactérie (la méthode MA039 dans ce cas) est similaire à ce que la mission a observé en Espagne. Y compris le schéma qui prévoit qu'en cas de résultat positif au niveau d'un laboratoire de premier niveau, ce résultat doit être confirmé par le laboratoire national de référence lui-même. Mais la différence est qu'en Espagne le laboratoire de premier niveau réalise deux tests moléculaires différents (une qPCR Harper et une qPCR Francis) que vérifie le laboratoire national, alors qu'en France la même méthode est répétée par le LSV. 2. Les laboratoires français de premier niveau ne testent que de l'ADN extrait par la méthode QuickPick. Sur des échantillons d'oliviers et de chêne, cette situation peut laisser supposer que leurs résultats indéterminés auraient pu être positifs avec un ADN extrait par la méthode CTAB. Comme ils n'envoient au LSV que des échantillons positifs après extraction par QuickPick, l'argument de la non différence de résultats entre les échantillons dont l'extrait a été obtenu par QuickPick et ceux dont l'extrait a été obtenu par CTAB laisse la mission insatisfaite : le risque de sous-estimation de la présence de la bactérie n'est pas écarté. Le risque de faux négatifs n'est pas totalement maîtrisé. 3. La Commission a confirmé à la mission son souhait que le futur laboratoire européen de référence travaille sur les questions d'harmonisation, en organisant non seulement des essais circulaires mais aussi des formations, conformément au règlement 2017/625 du Parlement et du Conseil du 17 mars 2017. Concernant la prise des échantillons eux-mêmes, la mission souligne que par instruction technique du 18/05/2016 (en son annexe 3) la DGAl a précisé les parties du végétal à prélever : « Pour des végétaux symptomatiques, il convient de réaliser au moins 4 prélèvements de rameaux, répartis sur différents points du houppier. L'idéal est de prélever à la fois des rameaux présentant des feuilles saines et des feuilles en cours de dessèchement (mais pas totalement desséchées car le laboratoire ne réalisera pas l'analyse sachant que dans ce cas, la bactérie est morte et dégradée) ». Cela étant la FREDON a informé la mission avoir constaté empiriquement, pour certains végétaux, que les résultats d'analyse de l'ANSES avait été différents en fonction de la localisation du prélèvement sur le végétal. Sur cette base empirique, il lui arrivait donc de prendre quelques libertés avec l'instruction technique de la DGAl en prélevant sur certains végétaux ses échantillons plutôt près du sol de façon à accroître la probabilité d'avoir des résultats
pour prendre en compte l'ensemble des combinaisons possibles, l'ajout de la possibilité d'émettre des résultats sur extrait dilué au dixième et l'introduction de l'application de la règle du cut-off de la publication Harper et al ., 2010, erratum 2013. On notera que que sur cette règle du cut-off la publication de Harper fixe un seuil entre résultats positifs et négatifs à 38 cycles. En passant de 40 à 38 la modification de la MA039 aligne donc le seuil au-delà duquel un résultat est négatif sur la valeur fixée par Harper Mais la MA039 conserve la notion de résultats indéterminés, qui n'existe pas dans la publication de Harper, pour des résultats compris entre 35 et 38 cycles. 189 Voir : https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2018-342
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positifs (voir également le point ci-dessous). La mission rappelle (cf. supra) qu'elle demande sa mise à jour dès parution des premiers résultats de l'EFSA. Sur ce même sujet des échantillons, rappelons que l'officialisation de la version n°2 de la méthode MA039 de l'ANSES, le 25/4/2018, a introduit la possibilité de préparer les échantillons à analyser à partir des rameaux non ligneux et des tiges et non plus seulement à partir des feuilles. Mais, à notre connaissance, l'instruction technique du 18/05/2016 n'a pas été modifiée concernant le protocole de prélèvement. c/ pour l'identification de la sous-espèce, la liste de la Commission se contente de citer trois tests moléculaires alors que l'enjeu du protocole de leur mise en oeuvre est essentiel Le LSV est chargé de l'identification des sous-espèces de la bactérie sur les échantillons positifs à l'issue de la mise en oeuvre de la méthode MA039 par un laboratoire agréé et de sa répétition par le LSV190. Jusqu'en 2016 l'ANSES mettait en oeuvre, selon des modes opératoires qui lui étaient propres, les deux tests de PCR conventionnelles qui ont été inscrits en décembre 2017 sur la liste communautaire des tests moléculaires validés pour identifier les sous-espèces de Xylella fastidiosa, à savoir :
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Hernandez-Martinez et al., 2006, pour identifier les sous-espèces fastidiosa, multiplex et sandyi ; Pooler et Hartung., 1995, pour identifier la sous-espèce pauca.
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Actuellement l'ANSES utilise un mode opératoire propre de mise en oeuvre du test MLST 191, basé sur Yuan et al., 2010, qui figure aussi dans la liste communautaire mais permet d'identifier toutes les sous-espèces. Elle travaille aussi sur un nouveau test de PCR en temps réel (Ouyang et al, 2013) qui a fait son apparition dans la version n°3 du Protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa de l'OEPP et dont l'avenir dira s'il est repris dans la liste de la Commission pour pouvoir être mis en oeuvre par les États membres. La liste de la Commission ne dit rien sur la mise en oeuvre de ses tests et il est donc d'usage de se reporter au protocole de l'OEPP (actuellement PM 7/24(3) sous presse). Ce texte précise que le test vise à identifier 7 gènes de ménage 192 amplifiés individuellement de façon à pouvoir identifier la sous-espèce présente dans l'échantillon. Mais des travaux sont en cours et l'OEPP pourrait valider le fait qu'un nombre plus réduit de gènes de ménages (on parle de 2 ou 3) est suffisant pour identifier la sous-espèce de Xylella fastidiosa. Cette modification aurait pour effet d'augmenter le nombre d'échantillons pour lesquels la sous-espèce de la bactérie présente est identifié (et donc de déclarer plus de foyers dans les pays qui attendent pour ce faire d'identifier la sous-espèce) car aujourd'hui on bute souvent sur la faible quantité d'ADN disponible pour faire les 7 manipulations. Pour le moment (janvier 2018) l'ANSES a déclaré à la mission ne pas être
190 191 192 Comme déjà indiqué supra si le recours au test ELISA se met en place il n'y aura plus de recherche de la sous-espèce sur les échantillons détectés comme infestés à l'issue d'un test ELISA confirmé par MA039. Voir addendum à la fin de la présente annexe pour plus de détail sur la nature de ce test. L'identification des sous-espèces de Xylella fastidiosa exige d'aller plus loin que la simple reconnaissance de la chaîne de nucléotides amplifiée en PCR qui signe seulement la présence de Xf. Pour cela on identifie des gènes (c'est-à-dire des séquences de nucléotides plus longues) spécifiques, A l'heure actuelle on estime que 7 gènes dit de ménage (ce qualificatif exprime le fait que ces gènes permettent la production de constituants indispensables à la survie de la bactérie) sont suffisants pour cette identification. On fait donc successivement 7 PCR pour amplifier et identifier des chaînes spécifiques de nucléotides de ces 7 gènes.
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satisfaite de sa méthode de séquençage et préférer envoyer ses extraits de 7 gènes de ménages amplifiés par PCR conventionnelle à un prestataire extérieur qui fait le séquençage. Le résultat sert à classer le ST dans l'arbre phylogénique. Le séquençage complet de trois souches de multiplex a été fait à la demande de la DGAl et a permis d'identifier la présence en Corse de deux souches multiplex proches l'une de la souche Dixon ST 7 et l'autre de la souche Griffin ST 6 (voir annexe 7). Commentaires : 1. La liste de la Commission européenne des tests moléculaires validés pour l'identification des sous-espèces de Xylella fastidiosa contient trois tests, qui sont développés dans le Protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa de l'OEPP qui souligne, dans sa version PM 7/24(3) sous presse, que ces tests ont été mis au point pour de l'ADN obtenu de cultures pures de la bactérie et que lorsqu'on utilise de l'ADN extrait de végétaux, et encore plus d'insectes infectés, la qualité et la quantité de l'ADN obtenu ou de possibles contaminations peuvent empêcher d'amplifier tous les gènes et d'attribuer l'échantillon à une sous-espèce. Pour autant la liste des tests officiels de la Commission ne contient pas l'isolement des bactéries. 2, Le test choisi par l'ANSES pour identifier les sous-espèces de Xylella fastidiosa est la MLST basée sur Yuan et al,, 2010. Comme le mode opératoire de mise en oeuvre de ce test n'est appliqué que par le LSV, il n'a pas été publié par la DGAl, mais le statut de LNR du LSV confère ipso facto à cette méthode un caractère officiel. 2/ La détermination d'une contamination de végétaux par Xylella fastidiosa et l'identification de la sous-espèce présente peuvent revêtir un caractère non officiel et éventuellement se traduire par des résultats différents de ceux réalisés par le laboratoire de référence. En premier lieu il convient de rappeler que le caractère officiel d'un résultat repose sur le fait que :
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le prélèvement est effectué par un agent agréé à cet effet ; le test est mis en oeuvre par le laboratoire national de référence de l'État (ou par l'un des laboratoires agréés de première intention) avec la méthode officielle.
Autrement dit, pour la France, si un laboratoire public ou privé, autre que le LSV ou que l'un des 5 laboratoires agréés, met en oeuvre un test de la liste communautaire y compris en appliquant la méthode du LSV officialisée par la DGAl, les résultats de ce test ne peuvent pas être considérés comme officiels et ne peuvent pas avoir d'effet juridique, au sens où ils ne créent pas pour l'État membre l'obligation de mettre en oeuvre les mesures prévues par la décision d'exécution de la Commission européenne, sauf celle de confirmer ou infirmer cette présence. En effet la mission rappelle l'obligation d'informer les autorités nationales en cas de résultat positif ou même de simple suspicion (article 2 de la Décision d'exécution de la Commission européenne nº 789/2015 et article L 201-7 du code rural et de la pêche maritime), et ceci quel que soit le processus ayant conduit à ce résultat positif ou à cette suspicion et l'obligation qui en découle pour l'État membre de prendre des mesures pour confirmer cette présence, en vue de la déclaration, le cas échéant, d'un nouveau foyer.
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a/ Travaux de l'INRA La France se caractérise par le fait que son institution de recherche, l'INRA, ne fait pas partie des cinq laboratoires agréés. En outre l'INRA n'est pas officiellement chargé de faire l'identification des sous-espèces à partir des échantillons de végétaux infectés que lui transmettrait le LSV (comme c'est le cas en Espagne, voir supra). L'INRA n'a donc aucune obligation de mettre en oeuvre les tests validés de la Commission. Il mène ses travaux sans avoir à se positionner par rapport à ces tests et poursuit ses activités de recherche de façon autonome. L'INRA peut décider, pour ses travaux de recherche, de développer ses propres méthodes (y compris ses propres protocoles de mise en oeuvre de tests existants193). A cet égard la mission a noté qu'il travaille sur un nouveau test de MLST appelé nested MLST dont la sensibilité serait beaucoup plus grande que celle d'une PCR en temps réel. Mais les chercheurs italiens et le secrétariat de l'OEPP interrogés par la mission, sont réticents à la généralisation de ce test car il présente un risque de contamination élevé (donc un risque de faux positifs élevé) du fait qu'il emboîte deux PCR. La mission a également interrogé le laboratoire du CICS de Cordoue, chargé de l'identification des sous-espèces de Xylella fastidiosa en Espagne et à qui l'INRA a envoyé un descriptif de son test. Sa conclusion va dans le même sens tout en étant plus précise194. b/ la gestion des résultats d'analyse différents entre INRA et ANSES En mars 2018 le Syndicat Interprofessionnel Des Oléiculteurs de Corse (SIDOC) a adressé 25 échantillons de différents végétaux, dont des oliviers, à l'INRA d'Angers pour une recherche de la présence de Xylella fastidiosa. Le 29 mars l'INRA a informé la DGAl et le SIDOC qu'elle avait détecté 5 végétaux positifs dont un olivier. Le 3 avril le SIDOC a diffusé un communiqué de presse dans lequel il annonce que « les oliviers des ronds-points de Baleone et Caldaniccia ont été déclarés positifs » et déclare que « les analyses officielles ne sont pas fiables ». Le 18 mai le Préfet de Corse publie un communiqué de presse dans lequel il mentionne que suite aux résultats positifs rendus par l'INRA sur des prélèvements d'oliviers réalisés par le SIDOC début avril195, l'État a fait procéder à de nouveaux prélèvements officiels sur les végétaux concernés196, que les analyses ont été conduites en parallèle avec les méthodes expérimentales utilisées par l'INRA197, et celles officielles utilisées par l'ANSES et que les résultats sont tous négatifs à ce stade. Il ajoute que de ce fait, l'ANSES et l'INRA poursuivent leurs travaux en étroite
193 Comme par exemple le test MLST basée sur Yuan et al., 2010 qui figure dans la liste de la Commission européenne et qui permet de déterminer à partir de 7 gènes de ménage toutes les sous-espèces mais aussi le test MLSA Scally et al., 2005 qui ne figure pas dans la liste de la Commission européenne du 15 décembre 2017. 194 Il a précisé à la mission qu'il a réussi à amplifier les 7 gènes pour des échantillons de plantes représentant des difficultés d'analyse, ainsi que pour quelques insectes. Il a testé cette méthode sur amandier et plantes peu fréquentes de Majorque (comme Nerium oleander et Juglans) mais pas sur olivier ni sur chêne (car jusqu'à présent Xylella fastidiosa n'a pas été détectée sur cette espèce). Il précise avoir extrait l'ADN par la méthode CTAB et par la méthode Mericon, sans noter de différence. Il ajoute qu'il serait très prudent quant à la généralisation de la nested MLST car il est facile d'avoir des contaminations. Pour cette raison il recommanderait de réserver cette méthode à des laboratoires bien entraînés, disposant de différentes pièces pour séparer les phases de travail et dans les cas où ils n'ont pas réussi à avoir une bonne amplification par MLST conventionnelle. A cet égard, il propose de faire la MLST conventionnelle en utilisant les amorces choisies par l'INRA d'Angers de façon à économiser du temps et de l'argent si on doit ensuite passer à une nested MLST. 195 La mission ne comprend pas cet usage du pluriel et souligne que le mail de l'INRA, dont il a reçu copie parle d'un olivier au rond point de Baleone. Mais comme on parle de prélèvements effectués en avril, peut être s'agit-il d'un autre lot de prélèvements. 196 Sans certitude néanmoins que le prélèvement ait été fait au même endroit du végétal. 197 D'une part il s'agit d'une méthode publiée de longue date visant à faire exploser les biofilms par sonification (ultra-sons) pour permettre un meilleur accès à l'ADN et d'autre part de la méthode CTAB de l'OEPP (sans ajout, contrairement à l'ANSES jusqu'en avril 2018) d'une étape d'agitation de la préparation avant passage à l'étape suivante de l'analyse.
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collaboration pour tenter d'expliquer les causes de divergence et faire progresser les méthodes d'analyse, que de nouveaux prélèvements officiels sont en cours et seront analysés simultanément par chaque laboratoire. Après avoir interrogé à la fin du mois de mai l'ANSES et l'INRA, la mission comprend que sur 3 échantillons nouveaux envoyés par la FREDON, l'ANSES a appliqué la méthode officielle MA039 et le protocole INRA c'est-à-dire le même test PCR Harper que celui mis en oeuvre par l'ANSES mais avec trois différences : un passage aux ultrasons du broyat de végétaux (pour faciliter la libération de l'ADN du fait de l'éclatement des cellules), puis une extraction de l'ADN par la méthode CTAB et enfin un passage en PCR avec une concentration du milieu réactionnel à 10 µL. Les résultats de l'INRA et de l'ANSES sur la méthode INRA n'ayant pas été les mêmes, le protocole de l'INRA a été analysé. Il est apparu que l'ANSES ajoutait dans la méthode CTAB une étape de remise en suspension de l'ADN par agitation de la préparation (non mentionnée dans le protocole OEPP) et qui risquait selon l'INRA de provoquer une perte d'ADN pour l'étape suivante. Il est aussi apparu que l'INRA appliquait une concentration des deux amorces et de l'enzyme avec une multiplication par trois par rapport aux valeurs du Protocole de l'OEPP (reprises dans la méthode MA039 de l'ANSES). Enfin la mission a noté que l'arbre décisionnel était différent entre l'INRA qui fait une moyenne des résultats de 3 PCR par échantillons analysés et l'ANSES qui exige 3 résultats positifs sur 4 pour se prononcer. Un nouvel essai comparatif a donc été programmé la semaine du 4 au 8 juin sur 20 nouveaux échantillons. L'INRA comme l'ANSES appliqueront la méthode INRA à chaque fois en présence d'un technicien de chaque laboratoire. La mission n'a pas eu connaissance des résultats. c/ les kits commerciaux Face au développement d'une demande de la part des propriétaires de végétaux susceptibles d'être infectés par Xylella fastidiosa, des sociétés ont mis au point et commercialisent des kits de détection de la présence de cette bactérie. Certains kits reposent sur des tests de type ELISA (sociétés Agdia, Agritest et Loewe), d'autres sur des tests de type Immunofluorescence (Loewe) et d'autres enfin sur la méthode LAMP (Agdia, Embiotec et Qualiplante). Sauf pour le test de type LAMP de la société Agdia des données sur ces tests figurent dans la version n°3 sous presse du Protocole de diagnostic de l'OEPP. Concernant le test de type LAMP de la société Agdia, la mission a été informée qu'il a été testé à l'été 2017 par l'INRA qui a constaté que :
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les positifs selon le kit étaient positifs selon l'INRA les indéterminés selon l'INRA n'étaient pas positifs selon le kit
L'INRA a informé la mission qu'un travail de collaboration a été engagé avec cette société pour tester davantage de matrices végétales (11 contre 4 à 5 actuellement opérationnelles) et que l'ANSES n'a pas souhaité s'associer au projet. Comme méthode témoin, l'INRA a choisi une extraction d'ADN par méthode CTAB qui sera suivie d'une qPCR. Un point intéressant est que l'enzyme utilisée par Agdia semble moins sensible aux inhibiteurs du chêne ou de l'olivier que l'enzyme classiquement utilisée en PCR en temps réel.
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Suite à un résultat positif du kit Agdia à l'été 2017 sur un olivier, le SIDOC a décidé de demander des analyses à l'INRA, après que l'ANSES ait conclu négativement sur la présence de la bactérie dans cet olivier (cf supra). Même si ces tests n'ont aucune valeur juridique, la mission rappelle qu'en cas de résultat positif (ou de suspicion) cette information doit être portée à la connaissance de la DGAl, en application de la décision d'exécution de la commission et du code rural et de la pêche maritime par le détenteur de cette information. Par ailleurs la mission recommande que cette information soit non seulement vérifiée, comme cela est prévu par les textes communautaire et français, mais soit aussi prise en compte dans l'établissement du plan de surveillance pour que des prélèvements officiels soient effectués dans la zone où un végétal a été détecté comme positif par ces kits commerciaux. 3/ La détermination de la présence de Xylella fastidiosa dans ses insectes vecteurs est un angle mort de la réglementation alors qu'elle pourrait servir dans une approche de surveillance renforcée et que des tests existent a) La Commission envisage les vecteurs sous l'angle de leur maintien à un niveau le plus bas possible et d'une protection contre leur introduction dans des sites de production de végétaux Dans sa décision d'exécution 2015 /789, la Commission ne définit pas dans l'article 1 relatif aux définitions ce que sont les vecteurs de Xylella fastidiosa mais les mentionne dans d'autres articles à travers le prisme de :
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leur biologie que doivent prendre en compte les enquêtes annuelles visant à déceler la présence de Xylella fastidiosa sur des végétaux spécifiés (article 3) ; leur présence et leur biologie pour délimiter les zones infectées et tampon (article 4) ; leur absence pour déroger à l'établissement d'une zone infectée (article 4) ou pour accepter des mouvements de végétaux à partir d'un site de production situé dans une zone délimitée ou dans un pays tiers où la présence de Xylella fastidiosa est connue (articles 9 et 17) ; l'installation de protections matérielles contre leur introduction dans des sites de production de végétaux (articles 5, 9 et 17) ou sur des végétaux lors de leurs mouvements (articles 9 et 17) ; traitements phytosanitaires et de pratiques agricoles adaptées que ce soit dans le cadre de la conduite de mesures d'éradication (article 6), d'enrayement (article 7), de gestion de la zone de surveillance en Italie (article 8) ; traitements phytosanitaires dans le cadre de gestion de l'intérieur des sites de production de végétaux et des zones de 200 mètres autour de ces sites et avant le mouvement des végétaux produits (articles 9 et 17) ; risque de leur présence sur les végétaux spécifiés en mouvements pour fixer l'intensité des contrôles (article 11).
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La Commission a donc adopté une approche surtout centrée sur le maintien des vecteurs à un niveau le plus bas possible et sur la protection contre leur introduction dans des sites de production de végétaux destinés à être expédiés ou exportés et situés en zones infestées. Mais de fait les articles 3 et 4 ouvrent la porte à une vision dans laquelle le vecteur devient une aide à la décision. C'est dans cette direction que la mission estime que l'effort doit être renforcé. b/ car la surveillance de la présence de Xylella fastidiosa par PCR dans ses vecteurs peut, sous certaines réserves, devenir une aide à la décision en l'utilisant dans un rôle de sentinelle. Il est admis (cf. protocole de diagnostic de Xylella fastidiosa de l'OEPP) que le test ELISA ne se prête pas à la détection de la bactérie dans les insectes, car il n'est pas assez sensible pour dépister la quantité de bactéries présentes dans la cavité buccale de l'insecte. En revanche la présence de Xylella fastidiosa peut être détectée par PCR à partir d'un broyat de la tête de l'insecte infecté (avec ou sans les yeux qui jouent un rôle inhibiteur dans certains protocoles) dont l'ADN a été extrait par la méthode CTAB198. De tels test sont conduits par l'équipe ANSES de Montpellier et par l'équipe de recherche de l'INRA de Montpellier. De son côté le LSV d'Angers a déjà constitué un dossier de validation d'une méthode sur insecte individuel. Une fois l'ADN amplifié par PCR, on retrouve les débats sur le choix du test permettant l'identification de la sous-espèce : MLST ou nested MLST. La mission rappelle donc à cet égard les réticences exprimées par divers chercheurs et par l'OEPP (aux travaux duquel l'équipe INRA de Montpellier ne participe pas) vis-à-vis de la nested MLST à cause de son risque élevé de contamination (et donc de faux positifs). Elle ajoute aussi que l'OEPP, dans son Protocole de diagnostic PM 7/24(3) sous presse, précise que les faibles concentrations de bactéries dans un insecte rendent encore plus difficile que sur une plante l'identification des sous-espèces par le test MLST. La mission est consciente que des travaux de calibration de méthode et surtout d'automatisation pour traiter en routine de nombreux échantillons restent à faire, mais elle souligne que par une méthode moléculaire la probabilité de détecter Xylella fastidiosa dans la cavité buccale d'un insecte infecté est beaucoup plus élevée (à dire d'experts) que dans une plante infectée (au sein de laquelle la concentration en bactéries varie d'un endroit à l'autre). Aussi dans un contexte de passage en première analyse à des tests ELISA (cf supra) de bon nombre de végétaux, la mission est convaincue que la conduite de campagnes de prélèvements d'insectes dans des lieux identifiés comme à risque (sur base notamment de la carte de la récente publication de J.Y. Rasplus de l'INRA 199 ) serait une mesure de bonne précaution car cela permettrait de leur faire jouer un rôle de sentinelles vis-à-vis de la détection de l'introduction de nouvelles sous-espèces de la bactérie. Ainsi alerté sur la présence d'insectes infectés par test PCR, si la détermination de la sous-espèce par MLST ne s'avère pas possible, il serait alors pertinent de prélever des végétaux dans les zones où l'insecte infecté a été découvert et de les analyser pour détecter la présence de Xylella fastidiosa et identifier la sous-espèce afin de connaître le plus tôt possible l'introduction éventuelle de nouvelles sous-espèces en Corse et d'adapter sans délai le plan de lutte contre Xylella fastidiosa en Corse.
198 Les données de validation de ce type d'extraction d'ADN sur insecte figurent dans le document PM 7 /24 (2) de l'OEPP. 199 Using insects to detect, monitor and predict the distribution of Xylella fastidiosa: a case study in Corsica. Astrid Cruaud, AnneAlicia Gonzalez, Martin Godefroid, Sabine Nidelet, Jean-Claude Streito, Jean-Marc Thuillier, Jean-Pierre Rossi, Sylvain Santoni and Jean-Yves Rasplus.
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5 La surveillance du territoire
5.1 La zone délimitée en Corse
La note de service relative au plan national d'intervention sanitaire d'urgence Xylella fastidiosa (DGAL/SDQSPV/2017-39 du 06/01/2017) décrit la procédure à suivre à partir de la détection d'un foyer pour définir la zone infectée et la zone tampon dans un arrêté préfectoral. La prescription est la suivante : « Les zones infectées et tampons sont élargies à mesure que des plantes sont trouvées positives, de façon à ce que la zone infectée couvre une surface d'un rayon de 100 mètres minimum et la zone tampon un rayon de 10 kilomètres minimum autour de chaque plante positive ». Dans le cas d'un foyer isolé, ces zones se présentent comme indiqué dans le schéma ci-après.
Définition d'une zone délimitée autour d'un foyer isolé
En application de ces dispositions, la zone délimitée en Corse couvrait en décembre 2017 une large partie du territoire de l'île, comme précisé dans la carte ci-après. À la suite de la décision d'exécution 2017-2352 du 14 décembre 2017, la Corse n'est plus classée en 2018 comme une zone d'éradication de Xylella fastidiosa, mais comme une zone d'enrayement. En conséquence, comme vu dans le chapitre décrivant la réglementation : · toute la surface de la Corse est considérée comme une zone infectée ;
·
il n'y a pas de zone tampon sur le territoire de l'île.
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Sur le plan opérationnel, il y a une grande différence entre appliquer les exigences réglementaires et les dispositions des notes de services : · pour une zone infectée en éradication sur un rayon de 100 m autour d'un plant contaminé ; · pour une zone infectée élargie à l'ensemble du territoire de la Corse en vue de l'enrayement. De même, la différence entre les surfaces concernées en régions PACA et Corse peut être notée, comme le montre la carte qui suit, issue de la base de données Shiny de l'ANSES. Tout en respectant les principes énoncés au niveau national, les stratégies de surveillance du territoire doivent donc s'adapter à ces caractéristiques régionales.
Les zones délimitées pour Xylella fastidiosa en France (source : base de données Shiny, consultation du 14 juin 2018)
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Zones délimitées et emplacement des foyers en décembre 2017 (source DRAAF Corse)
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5.2 Instructions techniques sur la surveillance du territoire
La réglementation communautaire impose aux États membres de mener des enquêtes annuelles visant à déceler la présence de Xylella fastidiosa. Dans les zones d'éradication comme dans les zones d'enrayement, elle impose des prélèvements dans l'environnement des foyers. Dans les zones d'éradication, une surveillance doit être faite dans les zones tampon. En revanche, dans les zones d'enrayement, les enquêtes annuelles ne sont obligatoires que dans l'environnement de certains sites. Deux notes de service de la DGAl organisent la surveillance du territoire :
·
dans les zones non délimitées : le plan de surveillance national pluriannuel de Xylella fastidiosa : instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-653 du 01/08/2017 ; en zone infectée et en zone tampon : le plan national d'intervention sanitaire d'urgence Xylella fastidiosa : instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-39 du 06/01/2017. Cette note de service est toutefois très orientée vers la gestion des foyers en zone d'éradication, et elle ne prévoit pas de modalités de surveillance du territoire propres aux zones d'enrayement.
·
Par ailleurs, la délivrance du passeport phytosanitaire européen (PPE) pour les végétaux hôtes de Xylella fastidiosa, et pour les végétaux spécifiés ayant été cultivés pendant au moins une partie de leur existence dans une zone délimitée, fait l'objet d'une instruction spécifique : DGAL/SDQSPV/2018-258 du 04/04/2018. Les chapitres ci-après résument le travail de surveillance du territoire accompli jusqu'en 2017.
5.3 Surveillance programmée officielle
5.3.1 Surveillance des foyers et de leur environnement
Une surveillance est exercée sur des foyers et leur environnement ciblés en fonction de la présence de cultures sensibles à proximité, ou s'étendant sur une surface importante. En 2017, la FREDON a suivi 14 foyers en inspectant deux fois par an les 100 m autour des foyers, et les parcelles cultivées comprises dans cette zone. Les abords et l'intérieur des parcelles sont examinés y compris au-delà des 100 m. Il n'y a pas eu cette année d'analyse positive sur les végétaux prélevés. Par ailleurs, un prélèvement d'insectes a été réalisé sur chaque foyer, et envoyé à l'unité d'entomologie de l'ANSES, à Montpellier, sans retour d'information à ce jour. A titre d'exemple, le carte ci-dessous représente la surveillance exercée autour d'un foyer avec des parcelles de vigne dans un rayon de 100 m.
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Foyer situé sur la commune de Grosseto-Prugna (Corse-du-Sud) avec des parcelles de vigne dans un rayon de 100 m (source FREDON Corse)
En Haute-Corse, en 2017, une surveillance a été exercée autour des foyers avec un quadrillage :
· ·
de 100 m de côté dans le kilomètre autour des foyers ; de 1 km de côté sur un kilomètre supplémentaire.
L'exemple ci-dessous, en Balagne, permet de visualiser ce dispositif.
Quadrillage des zones à surveiller (en bleu) autour de foyers en Balagne (Source : FREDON Corse)
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5.3.2 Surveillance en zone quadrillée
En zone d'éradication, la réglementation communautaire prévoit une surveillance avec un quadrillage de la zone tampon. En 2016, une action de surveillance de grande envergure a été mise en oeuvre en Corse-du-Sud avec un quadrillage selon des points d'inspection tous les 5 km dans la zone délimitée, pour les sites à une altitude inférieure à 600 mètres. La quasi-totalité des points inspectés se trouvaient en milieu naturel. Dans les 90 points inspectés, 928 plantes ont été examinées et 765 prélèvements ont été effectués. Sur 760 analyses réalisées par l'ANSES, il y a eu 96 positifs, soit un taux de 12,6 %. Les végétaux détectés contaminés appartenaient principalement aux espèces suivantes :
· · · · ·
Calicotome villosa (39 positifs sur 139 prélèvements) ; Helichrysum italicum (32 positifs sur 113 prélèvements) ; Lavandula stoechas (9 positifs sur 82 prélèvements) ; Genista corsica (7 positifs sur 37 prélèvements) ; Cistus monspeliensis (2 positifs sur 59 prélèvements).
Les graphiques ci-après montrent le quadrillage employé et la répartition géographique des prélèvements et des résultats d'analyse. En vue de préparer un projet de zone de confinement selon une hypothèse de découpage de la Corse en deux zones, un quadrillage en carrés de 1 km de côté a été réalisé le long de la frontière entre la zone délimitée et la zone non délimitée. La carte ci-après montre la répartition de la zone surveillée. Les prélèvements ont été réalisés à 97 % en milieu naturel en 2016. Sur 1 976 analyses réalisées, 3 % ont été positives. Les principaux végétaux contaminés sont les suivants :
· · · ·
Helichrysum italicum (32 positifs sur 355 analyses) ; Cistus monspeliensis (8 positifs sur 11 analyses) ; Cistus salviifolius (8 positifs sur 154 analyses) ; Genista corsica (6 positifs sur 37 analyses).
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Quadrillage de la Corse-du-Sud selon des points d'inspection tous les 5 km (Source : FREDON Corse)
Répartition des prélèvements de végétaux et résultats (Source : FREDON Corse)
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Zone avec un quadrillage en carrés de 1 km de côté le long de la frontière entre les zones délimitées et non délimitées (Source : FREDON Corse)
En conclusion, la méthode de quadrillage sur de vastes zones a permis d'avoir un aperçu de la présence de Xylella fastidiosa sur les végétaux poussant dans les milieux naturels. Ce type de surveillance n'a pas été reconduit en 2017, ce qui conduit à une interrogation sur la surveillance phytosanitaire des zones naturelles : voir le chapitre 4 sur les milieux naturels.
5.3.3 Surveillance des zones agricoles avec des cultures sensibles
Dans la zone non délimitée, la note de service sur le plan de surveillance national pluriannuel prévoit la prospection de parcelles et de sites potentiellement à risque pour :
· · · ·
l'arboriculture fruitière ; les cultures ornementales et les JEVI (Jardins, Espaces Verts et Infrastructures) ; la vigne ; les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM).
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En arboriculture fruitière, le nombre minimum de parcelles programmées par culture et les inspections réalisées en Corse sont précisées dans le tableau ci-après.
Nombre de parcelles à prospecter en arboriculture fruitière et programme réalisé en 2017 (source FREDON Corse)
Culture
Genre espèce
Nb minimum de parcelles à prospecter (1) 20 25 20 0 100 20 10
Nombre parcelles prospectées
Surface
Nombre de positifs
Abricotier Agrumes Amandier Cerisier Olivier Pêcher Prunier
Prunus armeniaca Citrus sp. Prunus dulcis Prunus cerasus Olea europaea Prunus persica Prunus domestica
15 169 21 1 137 25 5
17,0 ha 197,7 ha 35,3 ha 0,5 ha 283,2 ha 35,3 ha 4,9 ha
0 0 0 0 0 0 0
(1) Note de service DGAL/SDQSPV/2017-653, pour ce qui concerne la Corse.
Pour la vigne, la note de service prévoit de coupler la surveillance sur Xylella fastidiosa avec les prospections sur la flavescence dorée de la vigne. Pour la Corse, un objectif minimum de 1 % de surveillance des vignobles est fixé.
Résultats de la surveillance sur vigne en 2017 (source FREDON Corse)
Secteur
Surface
Taux de surveillance
Nombre de parcelles inspectées 209 89 298
Nombre de prélèvements
Nombre de positifs
Corse-du-Sud Haute-Corse Total
426 ha 338 ha 764 ha
13,2 %
118 38 156
0 0 0
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L'exemple ci-dessous illustre la mise en oeuvre de ce dispositif.
Carte de surveillance couplée avec les prospections sur la flavescence dorée de la vigne sur la commune de Tallone (source FREDON Corse)
Les plants de vignes font l'objet d'inspections par FranceAgriMer (vignes mères 200), ou par la FREDON (vignoble) dans le cadre d'un suivi couplé avec la flavescence dorée. De plus, les greffons sortant de Corse en vue de leur bouturage sur le continent subissent à leur arrivée un traitement à l'eau chaude dans une station agréée.
5.3.4 Surveillance des abords des ports
L'analyse des risques en Corse a conduit à identifier les abords des ports comme des secteurs à surveiller (les contrôles dans les ports à l'entrée et à la sortie des végétaux sont traités dans le chapitre 8 de la présente annexe). En effet, les vecteurs de Xylella fastidiosa peuvent être transportés de manière passive par les véhicules de tourisme et les camions en provenance de l'Europe continentale. Cette surveillance présente en particulier un enjeu pour détecter les premiers foyers des sous-espèces pauca et fastidiosa. Dans l'hypothèse d'une telle dissémination, les plantes d'ornements sensibles sur les ports et leurs abords seront potentiellement les premiers végétaux touchés par la maladie. En conséquence, la surveillance porte sur les massifs et les alignements du domaine public, et si possible les haies des particuliers visibles de la route. Les inspections sont réalisées dans un périmètre de 200 m autour des ports. Les ports concernés sont en priorité ceux avec des lignes maritimes avec l'Italie : Bastia, Propriano, Porto-Vecchio, Ajaccio, Bonifacio, l'Île Rousse, et Calvi. En 2017, 55 prélèvements ont été réalisés en Corse-du-Sud et 178 en Haute-Corse. Tous les échantillons sont négatifs. A titre d'illustration, l'image ci-après représente le périmètre de la surveillance autour du port de Bastia.
200 Les vignes mères de porte-greffes et de greffons fournissent aux pépinières viticoles le matériel végétal destiné à la confection des plants vendus aux viticulteurs.
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Périmètre surveillé autour du port de Bastia (source FREDON Corse)
5.3.5 Surveillance des zones considérées comme indemnes avant le passage en enrayement
La cartographie des prélèvements depuis 2015 montre l'absence de positifs sur certains secteurs comme le désert des Agriates et le Cap Corse, mais aussi le faible taux de prélèvements dans ces zones de maquis, au demeurant peu accessibles. Afin de pouvoir couvrir tout le territoire et de mieux connaître la situation en zone naturelle faiblement accessible, la programmation d'une prospection dans ces secteurs de maquis a été décidée en concertation avec les DDCSPP et la FREDON. La Balagne a également été ciblée en prospection en milieu naturel pour augmenter le nombre de prélèvements dans des zones encore indemnes où des cultures sensibles étaient bien présentes.
5.3.6 Inspections liées aux dérogations à l'introduction
L'arrêté préfectoral n°15-580 du 30 avril 2015 interdit en Corse l'introduction des végétaux spécifiés en Corse quelle que soit leur origine. Mais des dérogations sous conditions et au cas par cas sont prévues pour les professionnels. Des contrôles à destination chez les pépiniéristes et chez les producteurs agricoles sont confiés à la FREDON. Une priorité est donnée à la surveillance des végétaux hôtes de Xylella fastidiosa pauca.
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5.3.7 Prélèvements d'insectes vecteurs
Une surveillance des insectes potentiellement vecteurs a été mise en place sur les foyers. Sur plus de 1800 insectes piqueurs-suceurs de xylème prélevés en 2015 et 2016, 93 % appartiennent à l'espèce Philaenus spumarius. Les analyses bactériologiques menées sur 335 Philaenus spumarius récoltés en 2015 se sont avérées positives vis-à-vis de Xylella fastidiosa multiplex pour 28 individus (soit 8 %). Un programme de collectes bimensuelles d'insectes potentiellement vecteurs sur les sites de six foyers de Xylella fastidiosa a été confié à la FREDON au cours de la période octobre 2016 à mai 2017. Les prélèvements sont adressés à l'unité d'entomologie de l'ANSES à Montpellier, puis des analyses bactériologiques sont faites. La mission n'a pas eu connaissance de résultats sur cette dernière période. Elle est d'avis que des enseignements devraient être tirés de l'ensemble de ces résultats.
5.3.8 Recensement et analyse des polygales à feuille de myrte
L'arrêté préfectoral n° 15-887 du 25 septembre 2015 a organisé une action de recensement et de destruction ciblée des polygales à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia). Il a été modifié par l'arrêté n°16-1864 du 3 octobre 2016, qui interdit la plantation, la multiplication, et la distribution à titre onéreux ou gratuit de polygales à feuille de myrte en Corse. Dans le cadre de l'action de recensement, et via un numéro vert, la FREDON a reçu des appels téléphoniques. Au total, 233 polygales ont été inspectés, chez 112 propriétaires dans 40 communes différentes. Les 133 prélèvements effectués ont donné 19 analyses positives et 14 identifications de la souche multiplex.
Carte des inspections sur Polygala myrtifolia et des résultats d'analyses (source FREDON Corse)
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5.4 Bilan de la surveillance du territoire
Selon les données présentées lors du CROPSAV du 25 janvier 2018, depuis 2015, la surveillance du territoire officielle en Corse a obtenu les résultats suivants :
· · ·
15 722 échantillons analysés. La carte ci-après précise la localisation des prélèvements. 918 échantillons positifs, soit 5,8 % du total ; une seule sous-espèce identifiée : multiplex, avec deux « Sequence Types » : ST 6 et ST 7; 36 espèces hôtes identifiées (cf. la liste des végétaux dans le tableau ci-après) ; 354 foyers déclarés (cf. la carte des zones délimitées) ; les foyers sont situés essentiellement en milieux naturels (maquis, forêt) et en zone urbaine ; à cette date, il n'y a pas eu de détection officielle sur un végétal cultivé 201 dans des parcelles agricoles entretenues.
· · ·
·
La surveillance du territoire depuis 2015 a permis d'accumuler des informations et des connaissances sur toutes sortes de milieux où poussent des végétaux sensibles à Xylella fastidiosa. Cette expérience montre l'intérêt d'avoir une vision panoramique des foyers dans le cas d'une bactériose fortement polyphage. La mission s'interroge sur le quasi-arrêt de la surveillance programmée dans le maquis depuis 2017. À ce titre, elle formule des recommandations pour prolonger ces travaux d'une façon adaptée à l'enrayement dans le chapitre du rapport relatif aux milieux naturels.
201 Courant 2016, un amandier a été trouvé positif avec une identification de la sous-espèce multiplex, dans la région de Balagne, au nord de la Corse. Il était situé dans un jardin et non dans une parcelle de production.
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Localisation des prélèvements entre 2015 et fin 2017 (source DRAAF Corse)
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Espèces de végétaux en Corse avec des analyses positives pour Xylella fastidiosa au 31 décembre 2017 (source : CROPSAV du 25 janvier 2018)
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6 La gestion des foyers en Corse
Une fois la présence de Xylella fastidiosa reconnue, la gestion des foyers est mise en oeuvre par les agents des DDCSPP. Outre les dispositions générales liées à l'exercice des pouvoirs de police administrative, le cadre réglementaire appliqué est défini par :
·
la décision d'exécution 2015/789 qui prévoit notamment :
en zone d'éradication l'enlèvement des végétaux infectés, et dans un rayon de 100 mètres l'enlèvement des végétaux hôtes quel que soit leur état sanitaire et des végétaux symptomatiques ou suspects ; en zone d'enrayement l'enlèvement des seuls végétaux infectés ;
·
le code rural et de la pêche maritime, en particulier les articles L.251-9 et L.251-10 relatifs à la mise en oeuvre des mesures de lutte prévues par la réglementation et à la destruction des végétaux ; l'article 3 de l'arrêté préfectoral n°15-580 du 30 avril 2015.
·
À propos de l'arrachage des végétaux hôtes autour des foyers, le rapport d'audit 202 de la DG SANTE indique en 2016 : « Dans le cas des trois premiers foyers détectés en Corse, on est parti du principe que l'infection a été provoquée par la sous-espèce pauca de Xf ; par conséquent, dans la zone de 100 m autour de la ZI, les végétaux hôtes de cette sous-espèce et tous les végétaux symptomatiques d'autres espèces ont été arrachés. Plus tard, partant de l'hypothèse que Pm était la source proéminente d'infection, chaque végétal de cette espèce a été arraché. » (Pm = polygale à feuilles de myrte). Mais en 2017, le rapport d'audit203 précise : « En Corse, seules les mesures d'éradication mises en oeuvre en réaction aux premiers foyers détectés en 2015 étaient pleinement conformes aux dispositions de la décision. [...] En raison des préoccupations évoquées plus haut et des difficultés d'accès, tous les végétaux hôtes présents dans les ZI nouvellement établies en Corse ne sont pas arrachés et détruits. » (ZI = zone infectée). L'enlèvement des végétaux hôtes apparemment indemnes n'a été donc mis en oeuvre que pour les trois premiers foyers. Toutefois, cette problématique n'a plus à être prise en compte depuis le passage de la Corse en zone d'enrayement. Le bilan de la gestion des végétaux contaminés, tant que la Corse était en zone d'éradication, se présente comme suit :
·
les 354 foyers détectés ont tous fait l'objet par les DDCSPP de notifications adressées aux propriétaires pour ordonner des mesures d'arrachage des végétaux contaminés et des autres végétaux hôtes dans un rayon de 100 mètres, à réaliser par les intéressés ; pour les 17 foyers en Haute-Corse, les arrachages des plantes index (végétal confirmé infecté et déclenchant le foyer) ont tous été vérifiés, de même que l'arrachage des végétaux détectés infectés lors des prélèvements ultérieurs ;
·
202 DG (SANTE) 2016-8793. L'extrait cité expose la gestion des foyers avant que la sous-espèce multiplex n'ait été identifiée. 203 DG(SANTE) 2017-6141
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·
pour les 337 foyers en Corse-du-Sud, en raison du nombre de sites, les moyens ont été concentrés sur la vérification des arrachages de plantes index qui est proche de 100 % pour 2015 et 2016. Pour les foyers de la campagne 2017, des vérifications d'arrachage restent à faire ou sont en cours. Dans 20 % des foyers, des végétaux infectés secondaires ont été détectés près des plantes index, et leur arrachage a été vérifié à plus de 70 %.
Les DDCSPP rencontrent des difficultés à faire respecter la réglementation faute d'accessibilité des sites ou de réponse de la part des propriétaires ou détenteurs. Les conditions prévues par le code rural et de la pêche maritime pour une mise en oeuvre d'office sont rarement réunies en Corse204. L'accès aux lieux à des fins de destruction devant se faire en présence de l'intéressé, et pour éviter des contentieux administratifs voire des poursuites pénales, la DDCSPP se heurte aux problèmes :
·
des propriétaires qui ne répondent pas ou sont absents en grande partie de l'année, ce qui est très courant en Corse. Un grand nombre de résidences secondaires sont inoccupées une bonne partie de l'année. du régime de succession particulier en Corse, avec de nombreuses propriétés qui appartiennent en indivision à des familles entières.
·
204 La mission a cru comprendre qu'aux Baléares une brigade d'élimination se charge de l'arrachage et que dans les Pouilles les carabinieri forestale auraient le pouvoir d'intervenir si le propriétaire n'arrache pas.
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7 Les mouvements de végétaux sortant de Corse
7.1 Renforcement des enjeux pour les mouvements de végétaux sortant de Corse.
Le passage en enrayement s'est accompagné d'un classement de toute la Corse en zone infectée en raison de l'absence de zone tampon. La mission n'a pas connaissance de réactions de partenaires commerciaux voyant la Corse comme une menace pour l'état sanitaire des cultures sur leur territoire. En revanche, lors de sa rencontre avec la cheffe de l'Unité de santé des végétaux de la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne, celle-ci a souligné l'attention portée par son Institution aux risques de dissémination de Xylella fastidiosa depuis les zones infectées comme la Corse. L'obligation de respecter les exigences de la réglementation communautaire et de mettre en oeuvre les mesures prévues a été soulignée.
7.2 Demandes de dérogations pour la sortie de plants hors de Corse
7.2.1 Dérogations au titre de l'article 9.2
Hors cultures in vitro et végétaux résistants205, les plants de végétaux spécifiés cultivés dans une zone délimitée sont interdits de déplacement en dehors de la zone délimitée par la réglementation communautaire. Toutefois, une dérogation peut être accordée aux végétaux spécifiés cultivés sur un site répondant aux exigences de l'article 9.2 de la décision d'exécution 2015/789. Tout le territoire de la Corse étant désormais en zone délimitée, et selon les informations recueillies par la mission, trois établissements ont manifesté leur souhait de bénéficier de la dérogation prévue par l'article 9.2 pour sortir des plants de Corse :
· · ·
l'INRA de San-Giuliano pour sa collection d'agrumes ; la pépinière « Agrumes du Soleil » à Vescovato ; le GAEC « Corse Plants Production » à San-Giuliano, pour des micro-plants d'immortelle, de romarin, de myrte et de lavande.
Les dossiers de ces établissements sont en cours d'instruction en DDCSPP. Ils sont par ailleurs inspectés au titre de la délivrance du passeport phytosanitaire européen, et l'environnement des sites est prospecté par la FREDON. À ce jour, aucune dérogation n'a été délivrée par les services déconcentrés aux établissements souhaitant faire sortir de Corse des végétaux spécifiés. La pépinière a vécu sur l'expédition de ses plants considérés comme sains, car produits avant l'élargissement de la zone délimitée liée à l'entrée en enrayement.
205 Ces végétaux sont précisés dans l'annexe III de la décision 2015/789 portant sur les variétés des végétaux spécifiés non sensibles selon les souches concernées des sous- espèces de Xylella fastidiosa.
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La mission a dialogué avec des producteurs potentiellement concernés par ces dérogations. Le renforcement des exigences phytosanitaires liée à l'article 9.2, en raison du passage de l'ensemble de la Corse en zone délimitée, constitue un obstacle difficile à franchir pour ces établissements. Les coûts liés aux serres insect-proof et aux analyses sont difficiles à prendre en charge, en particulier pour les petites structures De plus, elles réduisent la compétitivité des végétaux proposés sur le marché international. Seule la station de l'INRA semble être en mesure de s'adapter, et de mobiliser les investissements et les compétences nécessaires. La situation ainsi créée est problématique, dans la mesure où des producteurs de plants renoncent à produire du matériel végétal destiné à sortir de Corse. Le développement de telles filières valorisant du matériel végétal spécifiquement corse et à forte valeur ajoutée est ainsi affecté.
7.2.2 Dérogations au titre de l'article 9.4 bis
Le cas des demandes de dérogations pour la sortie des plants de Vitis des zones délimitées au titre de l'article 9.4 bis est examiné dans le corps du rapport.
7.3 Les inspections de végétaux sortant de Corse
Ce point est également traité dans le corps du rapport, notamment pour illustrer les actions réalisées par l'aéroport de Palma de Majorque pour l'information des voyageurs, et pour mettre à la disposition des voyageurs et des personnels chargés du contrôle des bacs destinés aux déchets végétaux présentant un risque biologique.
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8 Les mouvements de végétaux entrant en Corse
8.1 L'arrêté préfectoral du 30 avril 2015
Les débats et les propositions au sujet de l'arrêté préfectoral du 30 avril 2015 sont examinées dans le corps du rapport.
8.2 La délivrance des dérogations
Les demandes de dérogation pour introduire en Corse des végétaux sont déposées auprès des DDCSPP. Les appréciations sont instruites au cas par cas en s'appuyant sur un arbre de décision. Pour éviter des distorsions de traitements selon les services, les directions de la DRAAF et des DDCSPP ont mis en place une coordination technique des inspecteurs pilotée par le Service régional de l'alimentation (SRAL), pour examiner l'évolution de l'arbre de décision et l'harmonisation de sa mise en oeuvre. De plus, l'arbre de décision a fait l'objet d'un groupe de travail réuni par le SRAL le 13 janvier 2017 avec la participation d'organisations professionnelles (CDJA 2A, CDA 2A, CDA 2B, CRA, ODARC, UNEP, Syndicat Oliu di Corsica). Outre le refus de végétaux accompagnés d'un passeport phytosanitaire européen, l'arbre de décision présente une série de problèmes :
·
il s'est complexité au fil du temps à mesure des différents cas rencontrés par les inspecteurs, notamment à mesure des découvertes de nouvelles zones contaminées, et en distinguant les végétaux hôtes de multiplex, pauca et fastidiosa. Des simplifications ont toutefois été introduites en mars 2018 comme l'arrêt de la distinction entre producteurs et revendeurs pour les végétaux hôtes de multiplex. il filtre les origines au-delà des zones délimitées, en s'appliquant à des provinces entières, voire à des pays ; il génère des tensions sur les espèces végétales représentant une forte valeur ajoutée commerciale comme le laurier-rose ; il n'est pas rendu public dans son détail faute d'être opposable, ce qui suscite des interrogations sur les attributions de dérogations.
·
·
·
La mission a été informée des difficultés des inspecteurs pour appliquer l'arbre de décision du fait de sa complexité.
8.3 Les inspections à l'introduction
Les inspections à l'introduction, y compris les contrôles dans les centres postaux, et les propositions formulées sont exposées dans le corps du rapport.
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8.4 Le bilan des dérogations et des contrôles à l'entrée
Lors du CROPSAV du 25 janvier 2018, le bilan ci-dessous des dérogations a été présenté.
Nombre de plants entrés à la suite des dérogations délivrées en 2017 (source : CROPSAV) Nb de plants Vitis vinifera (vigne) Solanum (tomates, aubergines) Nerium oleander (laurier rose) Prunus spp. dont : pêchers amandiers laurier cerises abricotiers cerisiers pruniers merisiers Rubus spp. (framboisiers...) Westringia fruticosa Olea europaea (oliviers) Citrus spp. (agrumes) Ficus carica (figuiers) Grevillea juniperina Metrosideros spp. Autres 16 193 5 701 3 351 2 044 1 694 955 759 58 160 Corse-du-Sud 144 652 232 204 29 158 5 215 941 996 1 374 658 581 393 150 4 478 300 2 213 663 667 424 36 75 416 Haute-Corse 1 199 367 326 335 12 708 28 941 12 814 8 075 2 531 3 008 896 879 430 20 671 6 001 5 564 2 707 2 361 1 379 795 133 576 Total 1 344 019 558 539 41 866 34 156 13 755 9 071 3 905 3 666 1 477 1 272 580
Ceux des acteurs qui sont favorables à une interdiction totale des introductions de végétaux hôtes manifestent leur inquiétude devant l'importance des nombres de plants introduits en Corse. La mission a interrogé des pétitionnaires à ce sujet. Ils ont souligné que leurs demandes de dérogation portent sur des végétaux choisis pour être conformes aux exigences de l'arrêté préfectoral, ce qui explique les montants enregistrés.
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Un focus a également été présenté sur les dérogations portant sur des oliviers.
Nombre de dérogations sur oliviers en 2017 (source : CROPSAV) Corse-du-Sud Nb de dérogations concernant Olea europaea Espagne Provenances Italie France Pépinière Destinataires Producteur Jardinerie 65 58 0 7 49 0 16 Haute-Corse 34 22 0 12 15 0 19 Total 99 80 0 19 64 0 35
De plus, 408 inspections ont été réalisées en 2017 sur les lieux de destination des végétaux bénéficiant de dérogation, et il y a eu 3 non-conformités détectées. Pour les contrôles dans les ports à l'entrée des végétaux, le bilan est le suivant :
Contrôle des introductions dans les ports en 2017 (source : CROPSAV) Nb de contrôles aux ports à l'arrivée en Corse Nb de bateaux contrôlés Nb de lots végétaux interceptés Nb de lots de végétaux refoulés ou détruits Nb de végétaux refoulés ou détruits 452 950 210 151 1 500
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ADDENDUM 1
Diagramme extrait du protocole OEPP PM 7/24 (2) sur les diagnostics de Xylella fastidiosa
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ADDENDUM 2
Schéma de détection de Xylella fastidiosa du Laboratoire de la santé des végétaux de l'Anse (Source : ANSES)
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ADDENDUM 3
Le texte qui suit (et auquel fait renvoi la partie 2.a supra) vise à présenter de façon à la fois compréhensible pour des lecteurs non experts et acceptable par des scientifiques les différentes méthodes sur lesquelles reposent les tests de la liste que la Commission européenne a publiée le 15 décembre 2017 .
1/ Méthodes d'analyse basées sur des tests immunologiques
Il s'agit de tests qui reposent sur la capacité d'un anticorps à se fixer sur une molécule spécifique appelée son antigène. L'antigène dans notre cas est une molécule spécifique de Xylella fastidiosa. L'anticorps est lui produit par un animal (le plus souvent un lapin) à qui on a injecté la bactérie car cette injection active un mécanisme de défense de son système sanguin. Des laboratoires spécialisés se chargent de cette manipulation et commercialisent les sérums contenant l'anticorps souhaité. a) ELISA Le test ELISA se caractérise par le fait que la réaction anticorps antigène contenu dans le broyat de feuilles et pétioles de la plante infectée, est visualisée par une réaction colorée produite par l'action sur un substrat d'une enzyme préalablement fixée à l'anticorps (d'où le nom du test de dosage d'immunoréaction par enzyme liée). La sensibilité d'un test ELISA est relativement basse puisqu'elle ne détecte la présence de la bactérie qu'au-dessus d'une concentration de 105 bactéries par ml (voire 104 dans le meilleur des cas) tel qu'indiqué dans le protocole de diagnostic de l'OEPP En revanche c'est un test peu coûteux. Il faut également noter l'inconvénient que la réaction enzymatique rend cette technique dépendante de la température, du pH et de l'éclairement et que certains végétaux (chênes par exemple) peuvent provoquer de faux positifs à cause de forts « bruits de fond ». b) Immunofluorescence Dans ce cas, la réaction entre l'anticorps et l'antigène est visualisée par la fluorescence émise par la substance chimique (de la famille des fluorochromes) préalablement fixée à l'anticorps lorsqu'elle est exposée à des rayons ultraviolets. La sensibilité d'un tel test indiquée dans le protocole de diagnostic de l'OEPP est de 10 4 bactéries par ml.
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2/ Méthodes basées sur l'analyse moléculaire
Il s'agit de tests qui cherchent à reconnaître une succession de nucléotides sur un brin d'ADN 206 de la bactérie car cette succession est spécifique non seulement de la bactérie mais aussi de ses sous-espèces. Ces tests reposent donc sur la « récupération » de cette succession de nucléotides et sur son amplification (réplication en grande quantité) ultérieure à l'aide d'une enzyme pour pouvoir l'analyser ensuite. Cette technique est utilisée depuis une trentaine d'années. a/ La PCR Il existe plusieurs méthodes de PCR d'abord selon qu'elles sont dites conventionnelles ou en temps réel (ou quantitative) mais il n'y a aucune différence dans la réaction enzymatique. Les PCR en temps réel sont plus récentes et mesurent à chaque cycle de réplication la quantité de la succession de nucléotides produite tandis que la PCR conventionnelle examine seulement le point d'arrivée après 40 cycles de réplication. Pour réaliser une PCR on utilise une enzyme, chargée de la réplication de la succession de nucléotides, deux amorces qui s'accouplent au brin d'ADN en délimitant (l'une au début et l'autre à la fin) la zone que l'enzyme va répliquer et une sonde dont la fluorescence permet de détecter la quantité de nucléotides répliqués puisqu'elle se fixe sur eux et que l'intensité dépend du nombre de couples ainsi formés. Pour la suite de la présentation, nous allons nous limiter à la méthode MA039 de l'ANSES qui est une méthode de type PCR en temps réel basée sur Harper et al ., 2010 ; erratum 2013. Dans cette méthode les deux amorces sont constituées d'une succession respectivement de 19 et 21 nucléotides spécifique de Xylella fastidiosa. Elles sont fabriquées à la demande par des laboratoires spécialisés. Comme du reste la sonde qui est dans le cas de la méthode ANSES une autre succession spécifique de 21 nucléotides mais dont chaque extrémité porte l'une un fluorophore et l'autre un désactivateur. En pratique si de l'ADN de Xylella fastidiosa est présent dans l'échantillon, les deux amorces se brancheront sur la succession de nucléotides du brin d'ADN qui leur est complémentaire 205 et la zone du brin d'ADN ainsi isolée entre ces deux amorces sera répliquée par l'enzyme. Dans une PCR la réaction enzymatique de production de cette chaîne de nucléotides est obtenue par la succession d'un cycle thermique répété plusieurs fois : une première phase de chauffage (généralement 10 à 15 minutes à 95 °C) permet de séparer les brins de la double hélice, d'homogénéiser le milieu de réaction et d'activer l'enzyme de réaction ; une deuxième phase (généralement 2 à 60 secondes à 56-64 °C) permet aux enzymes de s'accrocher aux brins d'ADN ;
206 L'ADN est une macromolécule biologique présente dans toutes les cellules vivantes (donc dans les bactéries) qui se présente sous la forme de deux brins enroulés l'un autour de l'autre pour former la fameuse double hélice. Chaque brin est composé de la même succession de nucléotides (on distingue quatre types : Adénine, Cytosine, Guanine ou Thymine) et l'ordre de cette succession constitue la séquence génétique propre à chaque organisme vivant. Enfin cet ordre est inversé sur chaque brin et les deux brins sont liés entre eux au niveau des nucléotides en respectant des règles de complémentarité (Adénine avec Thymine et Cytosine avec Guanine).
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une troisième phase (généralement 4 à 120 secondes à 72 °C) permet à l'enzyme de produire la succession de nucléotide complémentaire de la portion de brin d'ADN à laquelle elle s'est accrochée lors de la phase précédente.
C'est la répétition du cycle thermique qui va permettre la production en quantité croissante de molécules composées de la succession de nucléotides caractéristiques de Xylella fastidiosa. Comme il y a deux brins la production est exponentielle. Le protocole de l'OEPP (qui reprend les données de validation de l'ANSES), indique que la sensibilité de cette méthode varie selon les végétaux : de seulement 102 bactéries par ml sur citrus à 105 bactéries par ml sur oliviers. Pour information parmi les trois tests que la Commission valide pour identifier les sous-espèces de Xylella fastidiosa il y a deux PCR conventionnelles (Hernandez-Martinez et al.,2006 et Pooler & Hartung, 1995). La première utilise 3 couples d'amorces (pour pouvoir distinguer sandyi, multiplex et fastidiosa) et la seconde un seul couple spécifique de pauca. b/ La LAMP C'est le test choisi par l'Italie comme premier test moléculaire à mettre en oeuvre dans les zones non délimitées. C'est également le test sur lequel repose un des tests de la société Agdia, utilisé par les oléiculteurs en Corse. La LAMP est une PCR dont l'amplification est isotherme comme son nom complet l'indique (Loop mediated isothermal amplification). La séquence cible de nucléotides est en effet amplifiée à un température constante de 60-65° Celsius et la méthode utilise 4 amorces pour identifier 6 régions sur le brin d'ADN, En outre la réaction est accélérée par l'utilisation d'une paire d'amorces bouclées (loop primers). La détection du produit d'amplification est déterminé par photométrie de la turbidité de la solution qui augmente avec la précipitation d'une quantité croissante de pyrophosphates de magnésium, co-produits par la réaction d'amplification. On a l'habitude de dire de la LAMP que c'est une PCR low cost. c/ la MLST La Multilocus sequence typing (MLST) est utilisée après une PCR. Sur la succession de nucléotides amplifiés il s'agit d'obtenir de façon précise la succession des nucléotides. En effet il est possible que par mutation un nucléotide soit différent. Cette modification signe ce qu'on appelle le Sequence-type d'une souche et permet de l'affecter précisément dans l'arbre phylogénique d'une sous-espèce. Or lorsqu'on utilise une sonde pour identifier cette séquence par fixation de brins complémentaires c'est un peu comme si dans une fermeture éclair un cran manquait (dans ce cas le nucléotide de la succession amplifiée n'est pas le complémentaire de celui présent sur la sonde) : ce défaut n'empêche pas de joindre les deux pans de la fermeture éclair (on identifie alors la sous-espèce) mais pas le sequence typing.
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En pratique il convient de faire 7 PCR pour identifier et séquencer 7 gènes et avoir une identification de la sous-espèce. Cette contrainte explique le taux important d'indéterminés lorsque insuffisamment d'ADN de la bactérie est disponible. Suite à des discussions entre experts lors de l'élaboration de la révision du protocole de diagnostic de l'OEPP il a été accepté que l'on peut recommander de commencer les analyses sur 2 gènes et si les ST ne sont pas interprétables à passer à 3 puis à 7.
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ADDENDUM 4
Classement des cultures en zones agricoles par surfaces décroissantes, inscription sur les listes de végétaux spécifiés et de végétaux hôtes, détection en France et aux Baléares
Culture (1)
Nom latin
Surface (1)
Quantité produite (1) 388 789 hl 1 441 t Farine : 39 t 32 500 t 305 t 3 000 t 3 591 t 5 516 t 120 t 2 412 t 1 530 t 686 t
Nb producteurs (1) 280 176 78 144 42 39 35 122 -
Culture inscrite sur la liste des végétaux spécifiés (2) Oui Oui Non Oui Oui Non Non Oui Non Oui Oui Oui
Culture inscrite sur les listes des végétaux hôtes par ssp de Xf (3) fastidiosa multiplex, pauca Non Non Indépendamment des ssp Non Non Non Non Non Non Non
Détection en France (méthode officielle) (4) Non Non Non Non ST7 (6) Non Non Non Non Non Non Non
Détection aux Baléares (5) fastidiosa ST1 multiplex ST81, pauca ST80 Non Non fastidiosa ST1, multiplex ST81 Non Non Non Non Non Non Non Page 183/203
Vigne Olive Châtaigne Clémentine Amande Kiwi Melon Pomelo Noisette Pêche Nectarines Abricot
Vitis vinifera Olea europaea Castanea sativa Citrus clementina Prunus dulcis Actinidia deliciosa Cucumis melo Citrus maxima Corylus avellana Prunus persica P. persica nucipersica Prunus armeniaca
5 849 ha 2 135 ha 1 320 ha 1 210 ha 370 ha 320 ha 180 ha 167 ha 150 ha 134 ha 85 ha 49 ha
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Culture (1)
Nom latin
Surface (1)
Quantité produite (1) 1 720 t 3 075 t 839 t 585 t 1 530 t 504 t 280 t 85 t 765 t 1 075 t
Nb producteurs (1) -
Culture inscrite sur la liste des végétaux spécifiés (2) Non Oui Non Oui Non Non Oui Oui Non Non
Culture inscrite sur les listes des végétaux hôtes par ssp de Xf (3) Non Non Non multiplex Non Non Non fastidiosa, pauca Non Non
Détection en France (méthode officielle) (4) Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non
Détection aux Baléares (5) Non Non Non ST indéterminée Non Non Non fastidiosa ST1 Non Non
Pomme Tomate Courgette Prunes de bouche Pastèque Fraise Aubergine Cerise Concombre Salade
Malus domestica Solanum lycopersicum Cucurbita pepo Prunus domestica Citrullus lanatus Fragaria ananassa Solanum melongena Prunus avium Cucumis sativus Lactuca sativa
43 ha 41 ha 40 ha 39 ha 34 ha 16 ha 12 ha 11 ha 9 ha -
(1) Chiffres clefs de l'agriculture Corse : campagne 2016. Collectivité de Corse, DRAAF Corse, Chambre d'agriculture de Corse. (2) Annexe I de la décision d'exécution 2015-789 de la Commission (modifiée). Version du 1er mars 2018. (3) Commission database of host plants found to be susceptible to Xylella fastidiosa in the Union territory update 10 15.02.2018. (4) Xylella fastidiosa : méthodes de détection et d'identification dans les plantes et les vecteurs, connaissances et limites biologiques. Françoise POLIAKOFF Anses- Laboratoire de la santé des végétaux, Unité bactériologie, virologie, OGM ANGERS. 17 janvier 2018. (5) Situacion y control oficial de Xylella fastidiosa en las islas Balerares. Andreu Juan Serra, Jefe del Servicio de Agricultura, Conselleria de medi ambient, Agricultura i pesca, Direccio general d'agriclutura i ramaderia. Mise à jour du 15 mars 2018. (6) Détection dans un jardin.
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Annexe 11 : compléments d'analyse relatifsaux milieux naturels et subnaturels
Modalités actuelles de la surveillance de ces milieux concernant la bactérie
Alors que le maquis et les forêts abritaient en juillet 2017 24 des 36 espèces officiellement identifiées comme espèces hôtes de la bactérie en Corse 207, ces formations végétales ne semblent pas faire l'objet d'une surveillance programmée officielle, même si un pourcentage élevé de prélèvements, et plus encore d'échantillons positifs les concernent. Par ailleurs le maquis est très difficilement pénétrable, et les échantillons prélevés dans le maquis l'ont essentiellement été près des villages, des cultures et des routes ou chemins. Au-delà des hypothèses que l'on peut faire en extrapolant les analyses disponibles, la mission constate qu'il n'est actuellement pas possible de considérer que l'on dispose en Corse d'une vision représentative de la présence de la bactérie dans le maquis. Néanmoins il semble raisonnable de penser que l'implantation de la bactérie n'est pas récente, au moins dans les zones les plus facilement accessibles à l'insecte. Alors que les plans et les instructions publiés par la DGAl ne traitent pas explicitement et clairement de ces formations végétales dans la surveillance programmée qui cible les espèces cultivées, et du niveau de surveillance qui est souhaitable, les nombreux échantillons analysés de 2015 à 2017 s'expliquent historiquement par les prélèvements effectués :
·
sur un maillage de 5 × 5 km en 2016 en Corse du Sud, dans la zone tampon, à une altitude inférieure à 600 m ; la quasi-totalité des points d'inspection se situaient en milieu naturel208 : 24 en forêt et 710 dans le maquis ou apparenté, pour seulement 24 en zone de culture ; sur un maillage de 1 × 1 km en 2017 en Corse du Sud, à une altitude inférieure à 600 m, sur 10 km de part et d'autre de la frontière Nord de la zone délimitée, dans le cadre d'une réflexion sur une possible zone d'enrayement à un moment où toute la Corse n'était pas concernée par une telle perspective ; les prélèvements ont été réalisés dans la plupart des cas dans le milieu naturel (97 % des prélèvements) ; 188 en forêt et 1976 dans le maquis (ou apparenté) ; sur un maillage systématique de 100 × 100 m à l'intérieur d'un carré de 1 × 1 km en 2017 en Haute-Corse, autour des seuls foyers identifiés précédemment ; dans le cadre d'une surveillance non programmée, en fonction des informations recueillies et des symptômes identifiés à l'occasion d'autres activités de surveillance de cultures agricoles (ou de forêts par le département de la santé des forêts, DSF).
·
·
·
207
Chiffre passé au printemps 2018 à 44 espèces hôtes en Corse, selon la base de données Shiny mise à la disposition de la mission en juin 2018. 208 Les trois plantes les plus prélevées ont été Calicotome villosa (18 %), Helichrysum italicum (15 %) et Lavandula stoechas (10 %). Le taux de positifs pour ces plantes est de 28 % pour Calicotome villosa et Helichrysum italicum et de 11 % pour Lavandula stoechas.
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Désormais l'ensemble de la Corse est en zone d'enrayement, et les obligations communautaires découlant de la décision d'exécution du 14 décembre 2017 ne concernent plus que la surveillance :
·
autour des pépinières et des « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière » (vocabulaire de la décision de décembre 2017) ; autour des foyers « historiques », deux fois par an ; non programmée, en fonction des informations recueillies et des symptômes identifiés à l'occasion d'autres activités de surveillance de cultures agricoles209.
· ·
La pression de surveillance sur la végétation du maquis devrait a priori diminuer, sans que la mission puisse quantifier à ce jour en quoi le maquis restera concerné par ce « minimum obligatoire » de surveillance. En forêt (mais pas dans le maquis), le département de la santé des forêts (DSF), dont un correspondant-observateur est un agent de la DDCSPP de Haute-Corse, habilité à faire des prélèvements, s'est impliqué dans la surveillance de X. fastidiosa, en initiant 44 prélèvements sur chêne vert et chêne liège autour de foyers connus, en 2015. L'investissement du DSF s'est ensuite nettement ralenti sous l'effet conjugué de deux facteurs : une certaine « lassitude » découlant du caractère systématiquement négatif des analyses ANSES sur les chênes, et la réévaluation en conséquence de l'hypothèse d'un effet climatique, du type de celui constaté en 2003210, pour expliquer la situation de certains arbres ou de certaines formations végétales. Les débats vifs sur X. fastidiosa au sein de la société en Corse dépassent largement les problématiques forestières. Néanmoins ils conduisent actuellement l'Office national des forêts (ONF211) et le Centre régional de la propriété forestière (intervenant en forêt privée), très concerné par les peuplements de chêne vert de basse altitude, à se remobiliser sur le sujet. Ces deux organismes envisagent en effet de s'investir, de manière concertée, dans la vigilance et la surveillance, et de réanimer le groupe de travail « forêt » du CROPSAV (qui ne s'était réuni qu'une seule fois), et ceci en coopération avec le DSF qui a affirmé à la mission sa nouvelle motivation dans ce domaine. Le DSF est depuis quelques années un service de la DGAl, et les instructions de la DGAl sur X. fastidiosa mentionnent bien la participation du DSF dans la surveillance programmée non officielle212. Mais cette activité semble envisagée dans le cadre de son activité ordinaire 213 (et donc
209 La mission note néanmoins que la convention DDCSPP-FREDON en 2018, mais pour la seule Haute-Corse, parle d'inspections des végétaux dans des secteurs peu inspectés. 210 Les inquiétudes suite à la crise climatique de 2003 avaient en effet conduit à la mise en place de nouvelles placettes de suivi du chêne vert et du chêne liège dans le cadre du « réseau canicule », en plus des 7 placettes permanentes sur chêne vert et des 2 sur chêne liège (réseau européen 16 × 16 km). Les arbres s'étant progressivement remis, les placettes supplémentaires ont été abandonnées. Le DSF s'est depuis plutôt concentré sur le dépérissement du chêne liège, pour lequel il existe des hypothèses complexes mêlant facteurs climatiques, âge, blessures anciennes, nouvelles modalités de levée du liège et concurrence du chêne vert. 211 agissant pour le compte de la Collectivité de Corse et des communes propriétaires de terrains boisés relevant du régime forestier, a priori peu concerné par les formations végétales à chêne vert. 212 Cf. Instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-39 du 06/01/2017 ; Instruction technique DGAL/SDQSPV/2017-653 du 01/08/2017 ; plan d'action Xylella fastidiosa 2017-2018. 213 Instruction d'août 2017 : « Surveillance programmée non officielle : La surveillance de X. fastidiosa est intégrée aux observations réalisées dans le cadre de réseaux d'épidémiosurveillance existants et visant des organismes nuisibles réglementés ou non : le réseau Santé des Forêts (DSF) et le réseau de Surveillance Biologique du Territoire (SBT) porté par le plan Ecophyto. »... « Des correspondants doivent être désignés sur la base de leurs compétences techniques phytosanitaires et leur connaissance de X. fastidiosa. Ils ont vocation à être le premier niveau d'échanges techniques en cas de signalement de dépérissements anormaux observés dans le cadre de la surveillance biologique du territoire, de la surveillance de la santé des forêts et de la surveillance événementielle (surveillances détaillées ci-après). Ils sont chargés de la délivrance d'informations sur X. fastidiosa et ses symptômes, et d'analyser les signalements qui leur sont adressés. S'ils estiment que le signalement constitue une suspicion, ils
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a priori sur les forêts relevant du régime forestier ou suivies par le Centre régional de la propriété forestière, CRPF), sans aborder la question de sa responsabilité ou non dans la surveillance du maquis. La mission constate qu'au printemps 2018, l'enjeu de la responsabilité du DSF, dans la surveillance de X. fastidiosa sur les terrains ne relevant pas de la compétence administrative de l'Office national des forêts (ONF) ou du CRPF mérite encore d'être clarifiée et les moyens consacrés à cette éventuelle nouvelle mission réévalués, notamment pour mobiliser les correspondants-observateurs de l'ONF et du CRPF sur le maquis. Il semble révélateur que le DSF ne dispose pas encore de code pour désigner l'oléastre et l'arbousier dans ses outils propres. Plus globalement, au-delà de la question pratique et opérationnelle de l'implication du DSF, la question de la compétence administrative et de la motivation pour la surveillance des formations de maquis n'est à ce jour pas clairement résolue. C'est un point qui ne relève pas que d'une décision opérationnelle interne au DSF ; en effet une telle décision implique que ce dernier dispose de moyens à cet effet, mais nécessite aussi que les instructions de la DGAl ne visent pas seulement les cultures agricoles, en donnant, à tort ou à raison, le sentiment de considérer la surveillance du maquis seulement comme une mesure de précaution au regard du risque pour les cultures. Le besoin d'une clarification sur la surveillance et les prélèvements afférents dans le maquis concerne également la FREDON, notamment via les conventions entre la FREDON et les deux DDCSPP, dans le cadre défini par la DRAAF (SRAL).
Quelques constats sur les paramètres climatiques
Concernant ce qui se passe de manière visible dans les milieux naturels et subnaturels, très nombreux ont été les interlocuteurs de la mission qui ont avancé l'hypothèse du stress hydrique, soit seul, soit en combinaison avec la bactérie, pour expliquer les rougissements, mortalités de branches et plus rarement mortalité de végétaux. Il a souvent été fait mention du rougissement du maquis en 2003, mais dans un contexte où le maquis semblait s'être ensuite rétabli au cours des années suivantes. Tous nos interlocuteurs ont néanmoins insisté sur l'intensité et les spécificités du stress hydrique en 2017, notamment au printemps et en automne. Néanmoins, parmi tous les interlocuteurs rencontrés par la mission en Corse, seule la FREDON de Corse semble avoir tenté d'objectiver la situation climatique des dernières années, pour essayer de comprendre en quoi les années récentes, notamment 2015, 2016 et 2017 pourraient expliquer l'apparition des symptômes de stress hydrique et/ou la manifestation de la bactérie. Le directeur de la FREDON a communiqué à la mission ses essais de réflexion sur la base des données synthétiques de la station météorologique d'Ajaccio (température moyenne annuelle et pluie annuelle :
en informent la DRAAF-SRAl qui procède ou fait procéder à un prélèvement dans le cadre d'une inspection officielle. Chaque DRAAF-SRAl doit veiller à actualiser la liste des correspondants-Xylella. Les correspondants observateurs du réseau Santé des forêts peuvent être désignés correspondants-Xylella. » ... « Les symptômes de dépérissements anormaux en forêt entrent dans le cadre de la surveillance définie par la note de service DGAL/SDQPV/N2010-8118 du 27 avril 2010. Tous les symptômes susceptibles d'être attribués à X. fastidiosa feront l'objet d'une fiche de signalement O "organisme envahissant" XYLEFAS, adressé au pôle interrégional santé des forêts accompagnée de photographies et/ou d'échantillons en tant que de besoin. Pour permettre de préciser le diagnostic lorsque X. fastidiosa ne sera pas détectée, il est conseillé de prélever, en complément, des échantillons destinés à une analyse mycologique. Ces investigations complémentaires seront suivies sous la forme de fiches V "veille sanitaire" liées à la fiche O initiale. La programmation de cette surveillance est effectuée par les pôles santé des forêts, prioritairement sur les oléastres et chênes. Les données sont transmises à l'Unité de Coordination d'Appui à la Surveillance (UCAS) de l'Anses à fréquence mensuelle (voir partie 6.1). »
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Pour Ajaccio, les années les plus chaudes des trois dernières décennies ont été 2014, 2015 et 2016 ; suivent ensuite 2006, 2017, 2009 et 2003. Les années les plus sèches de la période récente sont 2006 et 2017, suivies de 2015. Les années 2015 et 2017 sont donc toutes deux remarquables à la fois par la température moyenne et par les faibles précipitations, causant donc un stress hydrique élevé. Par ailleurs, suivant une logique assez proche des résultats obtenus par les biostatisticiens de l'INRA sur l'importance de la température hivernale (sans retenir exactement les mêmes paramètres de température), mais sans prendre en compte les autres facteurs identifiés par les chercheurs comme « déterminants » à partir des analyses statistiques (notamment le facteur « stress hydrique »), la FREDON a publié, en 2015, sur son site une carte « basée sur les températures minimales des mois de novembre, décembre, janvier, février et de mars, et suivant le modèle climatique « CLIMEX » couplé à l'altitude », où « des zones ont été délimitées où la bactérie Xylella fastidiosa serait potentiellement la plus dangereuse. ». Cette carte est toujours accessible sur le site de la FREDON en 2018. Tout en appréciant le volontarisme de la FREDON dans la valorisation de ses données en interaction avec le climat, la mission estime qu'il est préférable de privilégier les cartes de l'INRA d'Avignon qui valorisent l'ensemble des données officielles disponibles 214, et de faire évoluer ces
214 La mission s'est par ailleurs interrogée sur ce que modifierait dans les cartes produites le fait de prendre en compte les analyses non officielles de l'INRA d'Angers, notamment pour les espèces végétales hôtes supplémentaires selon les résultats du laboratoire INRA d'Angers.
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cartes grâce à des données supplémentaires dont ne disposent actuellement pas les biostatisticiens de l'INRA. C'est pourquoi la mission a invité ces derniers à prendre contact d'une part avec le Conservatoire botanique national (CBN) de Corse, d'autre part avec la FREDON, qui disposent tous deux d'informations précieuses et de la capacité à discuter d'hypothèses à partir de leurs observations de terrain. La mission a également pris contact avec l'équipe du CNRS (Centre d'Écologie Fonctionnelle et Évolutive) de Montpellier travaillant sur les stress climatiques en zone méditerranéenne, à partir d'un dispositif expérimental centré sur les taillis de chêne vert dans l'Hérault (site expérimental de Puéchabon215). Cette équipe du CNRS (Jean-Marc Ourcival, Florent Mouillot, Jean-Marc Limousin) a publié la synthèse suivante sur le caractère exceptionnel de l'année 2017 avec la carte ci-jointe, incluant la Corse216, sur la base des travaux de Florent Mouillot : « L'année 2017 bat le double record de la sécheresse la plus intense (minimum absolu de potentiel hydrique de -5 MPa comparé à -3.4 MPa en moyenne) et de la sécheresse la plus sévère en intensité cumulée sur la saison estivale (intégrale du potentiel hydrique sur l'été ou WSI de -335 MPa jour comparé à -168 MPa jour en moyenne). L'indice cumulé du VARI (Visible Atmospherically Resistant Index) calculé à partir des images Modis217 sur la période 2001-2017 est fortement corrélé à la variabilité interannuelle du WSI sur le site expérimental de Puéchabon. L'analyse régionale de l'année d'occurrence du minimum de VARI estival cumulé rencontré sur la période 2001-2017 illustre l'étendue du caractère exceptionnel de la sécheresse 2017... ». Pour le site de Puéchabon, avec seulement 41 mm de précipitation cumulée entre le 15 juin et le 15 octobre, l'été 2017 s'affiche comme le plus sec depuis plus de 40 ans. La carte suivante montre que certains points évoqués dans cette courte synthèse sont de nature à dire quelque chose de la situation en Corse entre 2001 et 2017, notamment sur le caractère exceptionnel du climat de 2017.
215 Le site expérimental de Puéchabon dans l'Hérault (SO forêt méditerranéenne de l'OSU Oreme) enregistre depuis 1998 les variables témoignant de l'impact de la variabilité climatique sur le fonctionnement de l'écosystème à chêne vert. Le stress hydrique des arbres y est suivi en mesurant la tension de la sève dans le bois (potentiel hydrique). 216 In Bulletin Theia n°8 de novembre 2017 : Ourcival J.M., Mouillot F., Limousin J.M. Record de sécheresse en 2017: observations locales et bilan régional par télédétection. https://fr.calameo.com/read/00409531020c900a246bf. 217 Le Moderate-Resolution Imaging Spectroradiometer (MODIS, que l'on peut traduire en français par « Radiomètre spectral pour imagerie de résolution moyenne ») est une série d'instruments d'observation scientifique couplés à un système embarqué satellitaire, lancé par la NASA à bord du satellite Terra en 1999, puis à bord du satellite Aqua (deux satellites de l'EOS - Earth Observing System, un programme de la NASA destiné à l'observation à long terme des sols, biosphère, atmosphère et océans de la Terre).
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Carte régionale identifiant l'année de plus faible VARI estival cumulé sur la période 2001-2017 (2017 en rouge), ainsi que les contours des incendies >30ha en noir. La variation annuelle du VARI et WSI sur le site de Puéchabon est présentée dans l'encadré. Source : Jean-Marc Ourcival, Florent Mouillot,Jean-Marc Limousin (Cefe / CNRS)
Sur la base conventionnelle du « drought Code » (basé sur les trois critères climatiques218 des cinq composantes du calcul de l'indice forêt météo 219) qui prend en compte un bilan hydrique simplifié journalier, Frédéric Mouillot ((IRD, UMR CEFE) a accepté, à la demande de la mission, de produire des cartes de la Corse traduisant cet indice sur la période 1960 220-2017, en utilisant les données Météo France SAFRAN journalières (8 km de résolution). Les cartes d'anomalies (DC Année X / DC moyen 1960-2017) figurent en annexe. La tendance moyenne sur la totalité de la Corse figure ci-dessous :
218 La réserve utile du sol, estimée forfaitairement pour l'ensemble de la Corse, en se limitant à la seule couche superficielle du sol ; le calcul de l'évapotranspiration et les précipitations du jour. 219 L'indice forêt météo (IFM) est une estimation du risque d'occurrence d'un feu de forêt calculé par plusieurs services météorologiques nationaux dont Météo-France et le Service météorologique du Canada. Il se base sur un modèle empirique canadien développé et utilisé au Canada dès 1976. est calculée à partir de cinq composantes qui tiennent compte des effets de la teneur en eau des combustibles et du vent sur le comportement des incendies. Les trois premières composantes sont des indices d'humidité des combustibles et les deux autres sont des indices de comportement du feu. 220 L'année 1960 a été choisie en tenant compte que, selon les calculs de divergence génétique, la première introduction en Corse de la bactérie aurait eu lieu.
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Il ressort de ce premier niveau d'analyse une vision un peu différente mais complémentaire de l'analyse menée par la FREDON. Sur les 57 dernières années, l'année 2017 serait exceptionnelle, à niveau équivalent de l'année 1970, loin devant 1976, suivi par 2003. Il est donc hautement probable que la végétation du maquis ait été confrontée à des conditions climatiques particulièrement éprouvantes, se traduisant par un stress hydrique élevé. La mission note que les modalités de calcul de cet indice calculé sur une base journalière permettent bien de prendre en compte la précocité de la sécheresse printanière et la longueur de la sécheresse automnale. Il s'agit néanmoins d'un indice qui n'évalue qu'indirectement le stress hydrique. C'est ce pourquoi Frédéric Mouillot a complété l'analyse, pour les années 2001-2017, par le calcul de l'indice VARI susmentionné, indice de sécheresse de la végétation obtenu à partir du capteur satellital MODIS à 5 km de résolution : cet indice est supposé être relié à la teneur en eau de la végétation au pas de temps journalier, et donner une appréciation directe de l'intensité du stress hydrique. La comparaison des courbes des deux indices montre qu'ils sont effectivement très reliés, en montrant une bonne relation entre sécheresse climatique (drought code) et sécheresse physiologique des plantes (VARI). Là aussi l'année 2017 ressort de manière exceptionnelle. Il semble donc légitime de raisonner sur la base du « drought code » pour analyser les séries longues climatiques et apprécier l'intensité du stress hydrique auquel a été soumise la végétation naturelle et subnaturelle.
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La mission relève donc le caractère exceptionnel de 2017 en matière de stress hydrique, et considère qu'il n'est pas possible de chercher à évaluer une responsabilité de la bactérie dans les rougissements et dépérissements identifiés dans le maquis, sans devoir prendre en compte le climat, tout en gardant en mémoire que les travaux de Samuel Soubeyrand montrent une bonne corrélation entre le stress hydrique et la probabilité de trouver Xylella fastidiosa dans les prélèvements effectués.
Enfin le département de la santé des forêts, confronté régulièrement à des dépérissements complexes221 où interviennent des facteurs climatiques, envisage de travailler avec le modèle BILJOU222 (https://appgeodb.nancy.inra.fr/biljou/), qui est un outil de simulation du bilan hydrique des forêts, mis au point par l'INRA (André Granier, Vincent Badeau, Nathalie Bréda). Mais à ce
221 A ce stade, le DSF n'exclue pas des effets synergiques de la sécheresse avec la défoliation due à Lymantria dispar (bombyx disparate) en Corse du Sud, et surveille attentivement l'absence en Corse de Xylosandrus compactus (récemment introduit du côté du Cap d'Antibes), scolyte de très petite taille (présent sur des rameaux fins) qui cause un rougissement massif du maquis du parc national de Circeo en Italie. 222 Le modèle BILJOU© est un outil de recherche mis à disposition de la communauté des gestionnaires forestiers, des enseignants et des étudiants, des chercheurs. Ce modèle, avec un outil de simulation en ligne proposé, est en évolution constante, liées aux avancées de notre connaissance des mécanismes d'interactions entre les écosystèmes forestiers et leur environnement climatique et édaphique. Enfin, cet outil (voir licence) ne peut être utilisé à des fins commerciales. Le site a été développé dans le cadre d'un projet du Réseau Mixte Technologique AFORCE et avec un soutien du GIP ECOFOR.
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jour le DSF ne dispose pas, pour les zones de taillis de chêne vert ou de maquis dépérissants en Corse, des données prenant effectivement en compte la pente, d'exposition, le transfert latéral d'eau et la réserve utile du sol, comme le demande ce modèle. Mais une utilisation partielle du modèle conduit d'ores et déjà à mettre en évidence qu'en 2017, le stress hydrique vécu par les arbres aurait commencé très tôt (avril).
Calcul du « drought code » de 1960 à 2017 (source : Florent Mouillot, CNRS)
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Légende
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Calcul de l'indice VARI (source : Florent Mouillot, CNRS)
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Cas particulier du chêne vert
Si la mission s'est intéressée au chêne vert, c'est que cette espèce est connue comme une des essences forestières les plus résistantes à un stress hydrique 223. Dès lors, pour ce qui concerne l'effet du climat, il peut être considéré comme un indicateur de la gravité d'une situation de stress hydrique quand il manifeste visuellement des problèmes à grande échelle. Or il peut être également infecté par la bactérie et mérite donc d'être considéré comme une cible privilégiée pour organiser une surveillance sanitaire intégrée du maquis. En Corse il couvre environ 140 000 ha, et la mission a pu constater l'existence d'un problème visible dans certaines zones, notamment à basse altitude. Le chêne vert a été choisi comme modèle par l'équipe du CNRS de Montpellier qui travaille sur l'étude à long terme des échanges d'eau et de carbone dans l'écosystème forestier méditerranéen, afin de prévoir sa réponse à différentes conditions de sécheresse que pourrait entraîner le changement climatique. Le site expérimental de Puéchabon (Hérault) est équipé d'une tour de mesure des flux et de systèmes d'exclusion totale ou partielle de la pluie sur le taillis de chêne vert. Les deux alinéas qui suivent résument l'état actuel des résultats de cette équipe, et notamment ceux de Jean-Marc Limousin. Le chêne vert se caractérise par une croissance en deux phases au printemps et à l'automne, et la précocité du stress hydrique au printemps 224 est le facteur qui a le plus fort impact sur la croissance. En 2016, sur le dispositif de Puéchabon, 61 % des branches ont manifesté des symptômes de stress hydrique, et 31 % des feuilles ont séché et sont tombées pendant l'été. Le potentiel hydrique nocturne a battu le record de valeurs négatives sur le site en 2016 puis en 2017 : -5.03 MPa (le précédent record en 1998 était de -4.26 MPa), et les potentiels atteints en 2016 et 2017 correspondent au début de la perte de conductance hydraulique conduisant à la cavitation225. Une nouvelle pousse de feuilles à l'automne 2016 a permis a certains arbres de récupérer leur surface foliaire. Mais les feuilles ayant poussé à l'automne étaient plus petites, moins épaisses, et avaient moins de chlorophylle. De manière générale, on assiste à une augmentation méditerranéennes sous l'effet conjoint de la mortalité et d'un déficit hydrique estival est la principale contrainte sur méditerranéennes, mais l'augmentation de température estivale important. La mission relève que :
223 Déjà en moyenne , avec 50 % de vaisseaux embolisés, un conifère meurt, tandis qu'un feuillu ne succombe qu'à 90 % (source Sylvain Delzon, INRA). L'étude du fonctionnement hydraulique des espèces de chênes co-occurrentes dans la forêt d'Hourtin (chêne vert (Q. ilex) et pédonculé (Q. robur)) a permis à l'INRA de montrer que Q. ilex présente des taux d'embolie négligeables en période de stress hydrique et possède une grande marge de sécurité (Urli et al. 2014). Il s'agit d'une inquiétude parfois exprimée devant la mission : les sécheresses en Corse commenceraient de plus en plus tôt. Cela semble avoir été le cas en 2017, même si la mission n'a jamais réussi à se faire communiquer des données chiffrées sur ce point : seul le DSF a pu commenter les premiers résultats d'une approche sur ce point. Chaque jour, les arbres transpirent de grandes quantités d'eau afin de refroidir leurs feuilles tout en absorbant du dioxyde de carbone pour la photosynthèse. Cette eau est absorbée dans le sol et transportée par un réseau de fins conduits qui relient les racines aux feuilles grâce à une pompe aspirante dont le moteur est l'énergie solaire. Garder ce système hydraulique fonctionnel est donc l'un des principaux problèmes auxquels sont confrontées les plantes en période de sécheresse. Ce système est en effet très vulnérable et risque de se désamorcer par formation d'embolie gazeuse. Lorsque le sol se dessèche, la sève des arbres est exposée à de très fortes tensions qui peuvent rompre les colonnes d'eau à l'intérieur de leur système vasculaire. Ce phénomène de cavitation produit une embolie gazeuse de la même manière que des thromboses peuvent bloquer le système circulatoire des humains. Lorsque l'intensité de la sécheresse s'accentue, l'embolie s'accumule dans le système vasculaire jusqu'à ce que l'arbre se dessèche et meure. (https://www6.bordeauxaquitaine.inra.fr/biogeco/Recherche/Au-sein-des-equipes/Ecologie-et-Genomique-Fonctionnelles/Archives/Archives2012/Cavitation-Nature).
de la défoliation des forêts ajustement écohydrologique. Le le fonctionnement des forêts et hivernale jouent aussi un rôle
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en première approximation les effets physiologiques d'une cavitation (embolie découlant de la présence d'une bulle de gaz dans le xylème) et ceux du film que la bactérie réussit à former dans un vaisseau de xylème sont a priori les mêmes ; en l'absence de toxine ou enzyme produite par X. fastidiosa, les symptômes peuvent se recouvrir très largement ; les corrélations trouvées par les biostatisticiens de l'INRA entre foyer officiel et stress hydrique calculé laisse supposer des conditions climatiques à réunir pour les deux phénomènes qui peuvent largement se recouper, notamment en 2017, probablement en 2016 et possiblement en 2015.
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Dès lors les analyses positives pour X. fastidiosa sur chêne vert en Corse (même si l'ANSES ne réussit pas à identifier la sous-espèce) conduisent à s'interroger dans deux directions :
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Comment peut-on apprécier les effets cumulés, et peut-être synergiques, entre les conditions d'un stress hydrique intense lié au climat et celles du développement de la bactérie, pour apprécier la manifestation des symptômes ? la présence de la bactérie peut-elle modifier la résilience a priori forte du chêne vert après une année de stress hydrique intense, voire après les effets cumulés de deux années consécutives (2016 et 2017) où le potentiel hydrique du végétal était proche de la perte de conductance, et donc de la cavitation, qui plus est après une année 2015 déjà climatiquement éprouvante ?
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Rappel des choix faits dans les Baléares pour la mise en oeuvre de la stratégie d'enrayement dans les milieux naturels et subnaturels
La direction générale des espaces naturels et de la biodiversité 226 de l'Autonomie des Baléares (que la mission n'a pu rencontrer lors de sa visite à Majorque) a publié le 23 février 2018 son plan de surveillance et de lutte contre X. fastidiosa dans les milieux forestiers et naturels des îles, dans le cadre de la stratégie d'enrayement. Il s'agit d'un plan distinct de celui élaboré pour le reste des territoires insulaires, traitant des espaces agricoles et des végétaux d'ornement. La mission rappelle que la première infection a été identifiée aux Baléares le 6 octobre 2016, et que l'approche conjointe de l'Autonomie des Baléares et du ministère de l'agriculture espagnol a rapidement su mobiliser les acteurs politiques, professionnels et administratifs au service d'un projet que tous souhaitent le plus opérationnel possible. Le plan rappelle le résultat des analyses menées depuis 2016 sur la végétation forestière ou de milieux naturels (en échantillonnant 31 espèces différentes, sans se limiter aux arbres), montrant à la fois un nombre d'analyses moindre (4 011 échantillons fin 2017, dont 503 en forêt ou milieux apparentés et parmi ces 503, 85 positifs), mais aussi une situation assez différente de ce qui est constaté en Corse, avec une forte contamination des oléastres (et des oliviers). Au total 18 espèces ont été reconnues comme hôtes de la bactérie aux Baléares, dont (outre les espèces déjà mentionnées) Acacia saligna, Calicotoma spinosa, Cistus monpeliensis, Faxinus angustifolia, Juglans regia, Nerium oleander, Prunus avium, Genista lucida, Lavandula dentata, Rosmarinus officinalis...
226 Administrativement compétente pour les forêts.
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Au-delà des dispositions transversales communes aux deux plans, la mission note que les investigations de surveillance couvriront :
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les sites de production de végétaux ayant vocation à sortir des îles pour aller sur le continent, comme imposé par la décision communautaire, même si la mission avait compris que ce cas n'existait pas aux Baléares ; les alentours (bande large de 200 mètres) des « sites de végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière ». Dans le secteur forestier, la traduction opérationnelle vise : une pépinière administrative concernant à la fois la forêt et un jardin botanique ; les plantations d'ormes résistants à la graphiose ; une liste d'arbres remarquables définis par une loi adoptée par le Parlement de l'Autonomie des Baléares ; les arbres des espèces ligneuses protégées. Concernant les milieux naturels et subnaturels, une liste est annoncée comme étant en cours d'élaboration ; l'ensemble des forêts (sans que l'on puisse comprendre dans quelle mesure, le terme de forêt couvre ou non des formations du type maquis) des Baléares, dans le cadre d'un maillage systématique de 1 × 1 km, avec une attention particulière portée au chêne vert et au pin d'Alep. la procédure de destruction des individus contaminés immédiatement après que le résultat des analyses est connu, après usage des produits insecticides figurant sur une liste de produits agréés à cet effet, dont certains semblent de nature à avoir un impact fort sur la biodiversité (organophosphorés, pyréthrinoïdes, néonicotinoïdes...) ; l'annonce d'un guide des bonnes pratiques forestières vis-à-vis de X. fastidiosa en cours de rédaction, sans que des premiers éléments en soient donnés.
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La mission note :
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Selon ce que la lecture de ce plan laisse comprendre, il n'existerait pas de difficulté d'accès la végétation naturelle et subnaturelles des Baléares (à la différence de ce qui est constaté en Corse pour le maquis, et de ce qui est identifié par les experts italiens dans certaines zones limitées des Pouilles), ni de problème identifié pour utiliser des insecticides puissants dans ces milieux naturels ou forestiers. Par ailleurs les moyens humains ne semblent pas un facteur limitant pour mettre en oeuvre ce plan, tout comme cela a également été constaté dans les Pouilles. La situation en Corse semble donc différente sur ces différents points pour ce qui concerne le maquis.
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Code de l'environnement versus code rural
Pour la présente réflexion concernant des questions soulevées dans le débat en Corse, la mission garde en mémoire qu'en droit communautaire, le passeport phytosanitaire européen est réputé garantir le caractère sain des végétaux introduits en Corse avec ce document. Néanmoins, dans l'annexe consacrée aux constats et à l'état des connaissances, il a été fait mention des spécificités de la bactérie Xylella fastidiosa et des questions qui en découlent pour l'efficacité du dispositif réglementaire en vigueur. C'est bien sur la base de ces questions que certains acteurs en Corse évoquent l'opportunité de faire appel au code de l'environnement pour « améliorer » cette efficacité. 1) dans le cas où une espèce bénéficiant d'un régime de protection stricte au sens du code de l'environnement (article L. 411-1) serait reconnue infectée par la bactérie X. fastidiosa, la mission identifie trois problèmes nécessitant une clarification écrite par une instruction du ministère chargé de l'environnement, le cas échéant conjointement avec le ministère de l'agriculture chargé de la lutte contre cette bactérie :
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le dispositif dit « d'enlèvement » (c'est-à-dire de destruction soit du seul spécimen contaminé dans le cas d'une mesure d'enrayement, soit du spécimen contaminé et de tous les végétaux spécifiés dans un rayon de 100 m dans le cas d'une mesure d'éradication) prévu par la décision communautaire s'applique-t-il malgré le statut d'espèce protégée et le cas échéant malgré l'existence d'un « plan national d'actions » officiel (prévu à l'article L. 411-3 du code de l'environnement) ? le dispositif prévu par la décision communautaire s'applique-t-il quel que soit l'enjeu de l'état de conservation de la population de l'espèce protégée, notamment s'il ne reste que quelques individus de cette espèce, localement, nationalement ou internationalement ? En supposant que le dispositif communautaire lié à X. fastidiosa s'applique dans tous les cas aux espèces protégées, comment articuler les dispositions de la décision communautaire qui prévoit notamment « l'enlèvement a lieu immédiatement après la détermination officielle de la présence de l'organisme spécifié », et les dispositions du code de l'environnement qui prévoient une procédure administrative de consultation préalable avant formalisation d'une décision préfectorale (voire nationale) pour la destruction de spécimens d'une espèce protégée ?
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La mission a rencontré à cet effet la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), chargée de la mise en oeuvre des dispositions du code de l'environnement s'appliquant aux espèces protégées. Dans l'état actuel de ses analyses, les réponses de la DEB sont les suivantes :
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concernant la première question, l'article L. 411-2 I 4° prévoit que « La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ». Par ailleurs l'enjeu de la politique de lutte contre une bactérie susceptible de causer des mortalités à la fois à des espèces
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ornementales, cultivées et de milieux naturels, et le cas échéant d'espèces protégées, semble a priori bien correspondre aux conditions prévues par les rubriques a, b et c de cet article ;
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concernant la seconde question, au regard des enjeux relevant du code de l'environnement, la destruction de spécimens d'une espèce protégée doit être strictement conditionnée à des mesures compensatoires permettant de garantir le « maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle », ces mesures compensatoires proportionnées devant avoir été validées par des experts, notamment ceux du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN) de Corse, fonctionnant comme une tierce expertise ; la DEB rappelle que la directive communautaire de 1992 dite « Habitats, faune, flore » prévoit un régime de protection stricte de certaines espèces, et les mesures compensatoires susmentionnées font partie du dispositif communautaire, au même titre que la lutte contre certains organismes pathogènes ; concernant la troisième question, la DEB estime qu'une procédure de consultation en urgence du CSRPN peut a priori être menée en 15 jours (délai restant néanmoins à valider avec la DREAL), et qu'un tel délai peut être considéré comme un compromis acceptable pour considérer que le terme « immédiatement » figurant dans la décision communautaire serait respecté, dès lors que le délai incompressible découle du besoin impératif de respecter un autre texte communautaire ; le vrai facteur limitant est la préexistence ou non de réflexions concernant la définition précise et opérationnelles des conditions permettant le « maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle » ; la mission note que cette préexistence des conditions est a priori satisfaite dans le cas d'un plan national d'actions, mais pas garantie dans les autres cas de figure, ce qui nécessite que la DEB et le CBN de Corse, voire le CSRPN s'emparent « préventivement » du sujet.
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La mission estime que dans l'état actuel des réflexions concernant la mise en oeuvre des mesures d'enrayement, ces trois réponses paraissent « opérationnelles », sans sous-estimer néanmoins le besoin de discussions plus approfondies entre la DGAl et la DEB concernant l'imputation des dépenses liées à de telles mesures compensatoires. En effet la rédaction du code de l'environnement (qui ne vise pas vraiment ce cas de figure) semblerait imputer cette dépense au service de l'État chargé d'appliquer des textes communautaires d'enlèvement des végétaux contaminés213, sans pouvoir d'appréciation, et donc la DRAAF et la DDCSPP, qui ne disposent clairement pas de crédits à cet effet et risquent de se retourner vers la DREAL. 2) Compte tenu de l'enjeu lié aux milieux naturels et subnaturels de Corse, certains partenaires évoquent le besoin ou l'opportunité de mobiliser certaines dispositions du code de l'environnement pour limiter l'introduction en Corse d'espèces végétales susceptibles d'être contaminées par X. fastidiosa et donc de représenter un danger pour le patrimoine insulaire en matière de biodiversité, tout particulièrement pour les espèces protégées. Une seconde motivation également mentionnée est que les peines prévues par le code de l'environnement seraient plus dissuasives que celles du code rural.
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La mission a identifié deux pistes soulevées dans le cadre des réflexions menées en Corse :
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il existe chez certains acteurs la tentation d'assimiler la bactérie X. fastidiosa à une espèce exotique envahissante, et à souhaiter sa mention dans une liste officielle d'espèces considérés comme « susceptibles de porter préjudice aux milieux naturels, aux usages qui leur sont associés ou à la faune et à la flore sauvages », conduisant à appliquer les articles L. 411-5 et L. 411-6 du code de l'environnement ; d'autres acteurs font référence aux possibilités offertes par les dispositions de l'article L. 411-6 du code de l'environnement qui permettent d'interdire l'introduction 227, « y compris le transit sous surveillance douanière, la détention, le transport, le colportage, l'utilisation, l'échange, la mise en vente, la vente ou l'achat de tout spécimen vivant » d'espèces végétales à la fois non indigènes au territoire d'introduction et non cultivées, dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l'agriculture. En effet cet article, bien que figurant sous un titre mentionnant les espèces exotiques envahissantes, est écrit de manière à ne pas se limiter au seul concept juridique des « espèces exotiques envahissantes » au sens du règlement communautaire.
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La mission a rencontré à cet effet la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), chargée de la mise en oeuvre des dispositions du code de l'environnement susceptibles de traduire opérationnellement ces pistes de réflexion. Dans l'état actuel de ses analyses, les réflexions de la DEB et de la mission sont les suivantes :
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concernant le premier point, il semble difficile d'utiliser des dispositions relatives aux espèces exotiques envahissantes pour la bactérie sans s'exposer au risque d'une requalification en détournement de procédure. Xylella fastidiosa relève des modalités de lutte prévues au code rural et des pêches maritimes (CRPM) pour la protection des végétaux contre les organismes nuisibles. Cette espèce ne relève donc clairement pas des considérations habituellement retenues pour conduire à sa désignation comme espèce exotique envahissante préoccupante pour l'environnement. Il ne faut pas générer de confusion avec la notion de dangers sanitaires pour lesquels la base législative du code de l'environnement relative aux espèces exotiques envahissantes n'est pas pertinente et en rester sur les dispositions du CRPM. X. fastidiosa est un danger sanitaire de première catégorie, ce qui permet la mise en oeuvre de mesures de lutte adaptées ; concernant le second point, il serait nécessaire de trouver un accord entre le ministère chargé de l'agriculture et le ministère chargé de l'environnement pour mettre en place un dispositif qui interfère nécessairement avec la mise en oeuvre du dispositif sanitaire placé sous la responsabilité du ministère chargé de l'agriculture, même si les espèces concernées ne pourraient être que des espèces naturellement présentes dans le milieu naturel et non cultivées. Utiliser cet article pour des espèces végétales susceptibles de porter la bactérie reviendrait plus ou moins à la logique de ce qui avait été envisagé un temps pour protéger l'abeille noire d'Ouessant contre l'introduction d'abeilles du continent, par ailleurs susceptibles de porter le varroa 228. Une telle option ne peut résoudre les
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227 Dans le domaine concerné par les présentes réflexions, les articles modifiés ou complétés par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages n'ont pas encore fait l'objet des décrets d'applications. La rédaction actuelle de l'article R. 411-4 pourrait néanmoins laisser supposer que « l'introduction sur le territoire national » peut aussi être comprise comme l'introduction sur « certaines parties du territoire ». 228 Le ministère chargé de l'agriculture n'avait alors pas accepté de suivre le ministère chargé de l'environnement dans cette approche.
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questions concernant les importations des espèces actuellement cultivées, et serait de nature à compliquer le dispositif réglementaire. Elle ne semblerait a priori pertinente que pour le laurier-rose, à la condition impérative de démontrer, préalablement et par tous moyens appropriés, que le laurier rose naturellement présent en Corse et protégé est bien une entité botanique spécifique indigène. Par ailleurs la mission appelle l'attention sur le fait que la liste des opérations interdites listées par le code de l'environnement est « non sécable » en morceaux, et nécessiterait donc en même temps une politique active de destruction (non détention) de tous les lauriers roses présents dans les jardins et les ronds-points (issus d'importations du continent). Il pourrait être envisageable de les remplacer par des lauriers roses multipliés à partir de cette source locale, selon la logique « corsica grana », mais au risque de faire basculer le laurier-rose dans la catégorie des espèces cultivées. D'une manière générale, la DEB et la mission estiment peu solide juridiquement la possibilité de se servir du code de l'environnement pour apporter une réponse à un problème relevant clairement du code rural, même dans l'objectif de protéger des habitats naturels ou des espèces sauvages du maquis.
L'invocation du principe de précaution
Pour justifier l'application du principe de précaution 229 figurant dans la loi constitutionnelle n° 2005205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement (JORF n°0051 du 2 mars 2005 page 3697), il convient de mettre en avant des éléments circonstanciés de nature à accréditer l'hypothèse d'un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement ou d'atteinte à l'environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé. Quand il s'agit d'un projet (au sens de la directive communautaire de 1985 révisée en 2014 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement), le débat porte alors sur la qualité de l'étude d'impact et les mesures qu'elle prévoit pour parer à la réalisation du dommage. Dans le débat sur le recours au principe de précaution en Corse à propos de la bactérie Xylella fastidiosa, la mise en cause ne porte pas sur un « projet », mais indissociablement sur le dispositif législatif et réglementaire qui concerne Xylella fastidiosa en France, et sur les modalités pratiques d'application de ce dispositif en Corse. Il est invoqué le risque de dommage grave et irréversible que ce dispositif ferait courir au patrimoine végétal, cultivé ou naturel, de la Corse et à ses paysages, en tant qu'il ne protégerait pas suffisamment l'île contre le risque d'introduction de nouvelles sous-espèces ou de nouvelles ST. Ce débat, par ailleurs en partie compréhensible du point de vue technique (Cf. certaines incertitudes identifiées dans l'annexe 7) est mené dans un contexte qui n'est néanmoins pas exactement celui considéré comme juridiquement opérationnel par le Conseil constitutionnel à propos de cette Charte230. Il s'agit en effet d'un dispositif législatif (et réglementaire) permanent,
229 « Article 5. Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». 230 Site internet du Conseil constitutionnel : « Tant dans cette décision [décision n° 2013-346 QPC du 11 octobre 2013] que dans la décision n° 2014-694 DC du 28 mai 2014, le Conseil constitutionnel se refuse à considérer que le principe de précaution serait une norme constitutionnelle à l'aune de laquelle pourraient être contrôlées des dispositions législatives instaurant des mesures qui ne sont pas « provisoires ».
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qui plus est, transcrivant un dispositif juridique communautaire s'imposant aux États membres. Dès lors la doctrine du Conseil constitutionnel conduit la mission, dans les limites de ses compétences et de l'analyse technique qu'elle a pu mener, à ne pas retenir la pertinence juridique de ce principe pour apprécier la validité d'un tel dispositif. Par ailleurs, le cadre défini en 2010 par le rapport de l'Assemblée nationale 231 sur l'application de cet article 5 ne semble pas être totalement réuni à ce jour, et le présent rapport de mission ne peut être considéré comme solidement adossé aux trois séquences mentionnées232. La mission n'a pas cherché à approfondir plus avant ses investigations dans un domaine de compétence qui n'est pas le sien, et n'a abordé ce sujet que parce qu'il a été au coeur de certaines interpellations qui lui ont été faites.
231 Rapport d'information fait au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation de la mise en oeuvre de l'article 5 de la Charte de l'environnement relatif à l'application du principe de précaution, par MM. Alain Gest et Philippe Tourtellier, députés. 232 « La mise en oeuvre effective du « régime de précaution », et des mesures de précaution proprement dites, par les autorités publiques est structurée par trois séquences, dont l'organisation en France n'est pas aujourd'hui systématique et varie parfois selon le domaine concerné : en premier lieu, les autorités publiques devraient pouvoir disposer d'une revue des études scientifiques les plus récentes et de toutes informations susceptibles de la compléter, afin d'être en mesure d'identifier un risque déterminé et hypothétique en matière environnementale ou sanitaire. En deuxième lieu, les autorités publiques devraient pouvoir passer commande d'études scientifiques, à tout le moins les susciter, évaluant le risque ainsi identifié, afin de mesurer la pertinence des mesures de précaution mises en oeuvre et, le cas échéant, de les réviser. En troisième lieu, les autorités publiques devraient pouvoir évaluer le rapport entre les bénéfices et les risques des mesures de précaution envisageables, en envisageant ce rapport sous un angle sociétal global, c'est-à-dire en replaçant la gestion du risque dans l'ensemble de l'action publique. »
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