Évaluation des bilans ex-post prévus à l'article L. 1511-6 du code des transports
LEBENTAL, Bruno ;MASSONI, Michel ;PERRIN, Thérèse
Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">Le rapport traite essentiellement des projets d'infrastructure constituant à ce jour la majorité des objets soumis à évaluation en application de l'article L. 1511-2. du code des transports, disposant «Les grands projets d'infrastructures et les grands choix technologiques sont évalués sur la base de critères homogènes mesurant les impacts des effets externes des transports sur, notamment, l'environnement, la sécurité et la santé et permettant des comparaisons à l'intérieur d'un même mode de transport ainsi qu'entre les modes ou les combinaisons de modes de transport.» L'origine de l'obligation d'établissement des bilans ex-post et l'objectif de ces bilans décrits, le rapport constate une forme de convergence avec les dispositifs de suivi et de bilan des effets sur l'environnement. Le rapprochement des cadres d'évaluation socio-économique et environnementale suggéré ne pourrait pas déboucher sur une fusion des deux dispositifs, de par la plus grande rapidité des effets économiques directs (évolution des trafics), que de ceux indirects (évolution de l'occupation des sols dans les zones desservies ou des milieux naturels des zones traversées). Le bilan ex-post permet d'obtenir une coupe instantanée, de détecter des tendances plus que des faits bien établis et de vérifier que les dispositifs mis en place pour un suivi sur le plus long terme sont pertinents. Le constat opéré de l'utilité des bilans ex-post pour l'ensemble des parties prenantes à un projet de transport, le rapport examine les améliorations envisageables sur les modalités d'organisation des maîtres d'ouvrages pour obtenir une meilleure qualité des rapports, et faciliter la mise à disposition du public du contenu des bilans ainsi réalisés. La documentation technique méthodologique mise à disposition des maîtres d'ouvrages et de leurs conseils, («fiches-outils» et guides établis par les organismes techniques réunis au sein du CEREMA), constitutive d'une base solide, nécessite des améliorations associant d'autres organismes spécialisés dans l'étude de l'environnement. Constatant des écarts parfois substantiels entre les prévisions de trafic et les trafics réellement observés, la mission a recommandé l'actualisation voire la refonte des modèles de trafics utilisés, pouvant s'appuyer sur les travaux d'analyse demandés par la DGITM, aux conclusions non encore mises en oeuvre. La mission recommande également de systématiser l'exercice des synthèses périodiques des bilans ex-post, pour l'évaluation de la mise en oeuvre des politiques de transport et de ces politiques elles-mêmes.</div>
Editeur
CGEDD
Descripteur Urbamet
évaluation
;analyse économique
;trafic
;qualité de service
;coût
;rentabilité
;infrastructure de transport
Descripteur écoplanete
méthodologie
;bilan environnemental
Thème
Infrastructures - Ouvrages d'art
;Transports
Texte intégral
MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
Évvaluation des bilans ex-post prevvus al l'article L. 1511-6 du code des transports
Rapport n° 011038-01 établi par
Bruno LEBENTAL, Michel MASSONI (coordonnateur) et Thérèse PERRIN
Janvier 2018
Les auteurs attestent qu'aucun des éléments de leurs activités passées ou présentes n'a affecté leur impartialité dans la rédaction de ce rapport.
Sommaire
Résumé.....................................................................................................................3 Liste des recommandations...................................................................................4 Introduction..............................................................................................................6 1. Une pratique originale régie par des textes anciens........................................7
1.1. Une pratique originale................................................................................................7 1.1.1. Présentation des bilans ex-post.......................................................................7 1.1.2. Objectifs des bilans ex-post.............................................................................8 1.1.3. Intérêt de nombreuses parties prenantes pour ces bilans..............................10 1.2. Un dispositif ancien...................................................................................................11 1.2.1. Des textes originaux modifiés à la marge depuis 35 ans...............................12 1.2.2. Des précisions apportées progressivement par circulaires ministérielles.......15
2. Une prise en compte de l'environnement qui monte en puissance, mais un essai qui n'est pas totalement transformé............................................................19
2.1. Le code de l'environnement se structure et se renforce...........................................19 2.2. Des instructions posent des passerelles entre les domaines des transports et de l'environnement............................................................................................................... 20
3. Des adaptations de textes à envisager pour renforcer l'efficacité des bilans ex-post.......................................................................................................................23
3.1. Rapprocher les cadres d'évaluation socio-économique et environnementale..........23 3.2. Consolider les bases réglementaires du volet environnemental du bilan ex-post et améliorer le rendu sur le volet socio-économique...........................................................23 3.3. Conditions de publicité, d'information et de participation du public dans la ligne de la convention d'Aarhus........................................................................................................24 3.4. Une palette d'outils importante, mais méritant quelques ajustements......................25
4. Des conditions de réalisation à faire évoluer pour tenir compte d'un contexte qui a changé.............................................................................................28
4.1. Une histoire compliquée...........................................................................................28 4.2. Les enseignements tirés des bilans ex-post.............................................................29 4.2.1. En matière socio-économique........................................................................29 4.2.2. Sur le plan de l'environnement.......................................................................34 4.3. Des évolutions attendues pour la réalisation des bilans ex-post...............................35 4.3.1. Renforcer la cohérence des évaluations socio-économiques et environnementales...................................................................................................35
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4.3.2. Renforcer la portée du volet environnemental du bilan ex-post par un bilan intermédiaire imposé dans le bilan ex-post..............................................................38 4.3.3. Les maîtres d'oeuvre devraient disposer de méthodologies complémentaires ................................................................................................................................. 39 4.4. Développer des évaluations de politique publique par la réalisation de « synthèses de bilans »....................................................................................................................... 42 4.5. Des outils d'analyse multi-critères devraient être rendus disponibles et pourraient s'adapter à la diversité des contraintes imposées aux infrastructures de transport.........43 4.6. Les maîtres d'ouvrage doivent se faire accompagner sur les parties les plus critiques des projets....................................................................................................................... 45 4.7. La qualité des bilans dépend de l'organisation des maîtres d'ouvrage et des obligations imposées par la puissance publique..............................................................46
Conclusion..............................................................................................................49 Annexes..................................................................................................................51 1. Lettre de mission................................................................................................52 2. Liste des personnes rencontrées.....................................................................53 3. Liste des avis de CGEDD sur les bilans ex-post.............................................55 4. Fondamentaux de l'étude d'impact et évolution du code de l'environnement ...................................................................................................................................58 5. Glossaire des sigles et acronymes...................................................................65
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Résumé
L'article L. 1511-2. du code des transports dispose que « Les grands projets d'infrastructures et les grands choix technologiques sont évalués sur la base de critères homogènes mesurant les impacts des effets externes des transports sur, notamment, l'environnement, la sécurité et la santé et permettant des comparaisons à l'intérieur d'un même mode de transport ainsi qu'entre les modes ou les combinaisons de modes de transport. » L'évaluation au sens de ce code couvre donc une large gamme de sujets et les aspects à évaluer vont très au-delà des seuls aspects de l'économie des transports. Le rapport traite essentiellement des projets d'infrastructure qui constituent encore aujourd'hui la majorité des objets soumis à évaluation en application de cet article. Après une description de l'origine de l'obligation d'établissement des bilans ex-post et de l'objectif de ces bilans, le rapport constate une certaine forme de convergence avec les dispositifs de suivi et de bilan des effets sur l'environnement ce qui suggère un rapprochement des cadres d'évaluation socio-économique et environnementale. Un tel rapprochement ne pourrait toutefois déboucher sur une fusion des deux dispositifs, car les effets économiques directs (évolution des trafics), sont plus rapides que les effets économiques indirects (évolution de l'occupation des sols dans les zones desservies ou des milieux naturels des zones traversées). Ces derniers se concrétisent parfois bien plus tard que la période à laquelle le bilan ex-post est établi. Dans ces domaines, le bilan ex-post permet d'obtenir une coupe instantanée, de détecter des tendances plus que des faits bien établis et de vérifier que les dispositifs mis en place pour un suivi sur le plus long terme sont pertinents. Après le constat de la persistance de l'utilité des bilans ex-post pour l'ensemble des parties prenantes à un projet de transport, le rapport examine les améliorations envisageables tant sur le fond des sujets examinés que concernent les modalités d'organisation des maîtres d'ouvrages pour obtenir une meilleure qualité des rapports et faciliter la mise à disposition du public du contenu des bilans ainsi réalisés. La documentation technique méthodologique mise à disposition des maîtres d'ouvrages et de leurs conseils, principalement les « fiches-outils » et les guides antérieurement établis par les organismes techniques aujourd'hui réunis au sein du CEREMA constitue une base solide. Elle nécessite néanmoins des améliorations pouvant requérir en particulier la participation d'autres organismes spécialisés dans l'étude de l'environnement. Constatant des écarts parfois substantiels entre les prévisions de trafic et les trafics réellement observés, la mission a recommandé l'actualisation voire la refonte des modèles de trafics utilisés. Ces actions pourraient utilement s'appuyer sur les travaux d'analyse effectués à la demande de la DGITM mais dont les conclusions n'ont pas encore été mises en oeuvre. La mission recommande également de systématiser l'exercice des synthèses périodiques des bilans ex-post. Ces synthèses sont des outils nécessaires pour l'évaluation de la mise en oeuvre des politiques de transport et de ces politiques ellesmêmes.
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Liste des recommandations
Recommandation à la DGITM et au CEREMA : Veiller à la mise en oeuvre effective des procédures convenues de fixation des priorités et d'allocation des moyens afin de faciliter la production dans les délais de bilans ex-post de bonne qualité. Cela doit passer par une détection précoce des dérives éventuelles et leur traitement à l'occasion des rencontres entre les directeurs. Recommandation à la DGITM : Décider des suites à donner aux différents avis d'experts sur les améliorations nécessaires des modèles de trafics utilisés dans les études ex-ante et les bilans ex-post. Recommandation à la DGITM et au CEREMA : Généraliser la démarche de réalisation de guides dédiés aux grands types d'infrastructure, en veillant à associer plus systématiquement aux réflexions les organismes spécialisés et opérationnels sur les questions environnementales, et à développer la prise en compte des questions relatives à la proportionnalité. Recommandation à la DGITM : Conforter dans les instructions la nécessité de réalisation d'un bilan intermédiaire à un an, ciblé en particulier sur l'appréciation de la qualité du suivi environnemental mis en place et sa pertinence pour la réalisation des bilans ex-post. Recommandation à la DGITM : Compléter le guide « études d'impact des infrastructures linéaires » par des méthodologies relatives aux mesures de suivi environnemental, à l'établissement de bilans capables d'appréhender les effets des mesures et ceux du projet dans son ensemble, et à l'information du public sur le contenu des bilans. Recommandation à la DGITM, au CGDD et au CGEDD : Réaliser et publier tous les cinq ans une synthèse des bilans ex-post. La réalisation de cette synthèse devrait impliquer la DGITM, le CGDD et le CGEDD. Cela suppose que la DGITM organise un suivi de l'activité des maîtres d'ouvrages concernés en vue d'obtenir la production des bilans dans les délais prescrits. Recommandation au CGEDD : Les synthèses périodiques devraient concourir à l'évaluation des politiques de transport. Elles devraient être l'occasion de procéder à une évaluation des méthodologies utilisées. Recommandation à la DGITM : Les prochains bilans ex-post devraient être l'occasion d'expérimenter des outils modernes d'analyse multi-critères pour les différents types d'infrastructure (ouvrage routier interurbain, TCSP, ligne ferroviaire). Recommandation à la DGITM et au CGDD : Réfléchir à l'extension de la charte d'engagement des bureaux d'études en matière environnementale au domaine des études de transport.
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Recommandation à la DGITM : Mettre à jour les dispositions de l'article R.1511-8 du code des transports en fonction de l'évolution de la partie législative de ce code.
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Introduction
Le principe des évaluations ex-post est de comparer les résultats et les effets observés après la mise en oeuvre d'un projet de transport avec les hypothèses dimensionnantes et les prévisions des mêmes effets effectuées ex-ante. Ces évaluations visent à s'assurer non seulement de l'efficacité et de l'efficience économique de l'investissement et de son financement, mais aussi de la réalité des effets prévus en matière d'amélioration du système de transport, de protection de l'environnement ou de développement territorial. Or, l'évaluation d'ensemble économique, sociale et environnementale des projets constitue un des principaux instruments de la justification, et donc de l'acceptabilité des choix publics. Le rapport de juin 2015 de la Commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique sur la démocratisation du dialogue environnemental présidée par Alain Richard avait ainsi insisté sur l'importance de la qualité de l'information produite, en particulier son objectivité, sa pertinence, son caractère aussi complet que possible et son actualité. L'évaluation ex-post des projets publics est un exercice de transparence salutaire vis-à-vis du public qui doit pouvoir apprécier la confiance qu'il peut avoir dans les prévisions qui lui ont été présentées. C'est un élément de la crédibilité des procédures ultérieures. L'évaluation ex-post contribue au retour d'expérience qui peut permettre d'améliorer les méthodes et outils de l'évaluation ex-ante et ex-post. Elle permet aussi de vérifier l'atteinte des objectifs initialement assignés au projet, d'analyser les écarts, d'en comprendre les raisons, d'enrichir, par la capitalisation, la démarche globale d'évaluation des projets. L'article L. 1511-2. du code des transports dispose que « Les grands projets d'infrastructures et les grands choix technologiques sont évalués sur la base de critères homogènes mesurant les impacts des effets externes des transports sur, notamment, l'environnement, la sécurité et la santé et permettant des comparaisons à l'intérieur d'un même mode de transport ainsi qu'entre les modes ou les combinaisons de modes de transport. » L'évaluation au sens de ce code couvre donc une large gamme de sujets et les aspects à évaluer vont très au-delà des seuls aspects de l'économie des transports. La suite du rapport traite essentiellement des projets d'infrastructure qui constituent encore aujourd'hui la majorité des objets soumis à évaluation en application de cet article.
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1. Une pratique originale régie par des textes anciens
1.1. Une pratique originale 1.1.1. Présentation des bilans ex-post
Comme le rappelle le rapport d'information du 28 septembre 2016 (n° 858) 1 fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le financement des infrastructures de transport, les bilans ex-post permettent une évaluation a posteriori des infrastructures de transport. C'est la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs (LOTI) en son article 14 qui a institué l'obligation pour les maîtres d'ouvrage de réaliser une évaluation socio-économique de leurs infrastructures de transport, assortie d'un bilan trois à cinq ans après leur mise en service. La LOTI date de 1982. Elle contient de nombreuses dispositions et les obligations d'évaluation ex-ante et ex-post qu'elle contient ne représentent qu'une petite partie du texte. La LOTI a été complétée et amendée à plusieurs reprises, en particulier en 1995 (loi Pasqua), 1999 (Loi Voynet), 2009 (Loi Grenelle 1) et finalement en 2010 lorsque l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 l'abroge dans le cadre de la codification des transports. Les articles 1,3, 14 et 14-1 de la LOTI ont été modifiés par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 pour introduire les exigences en matière environnementale, de santé et de développement durable. Puis, la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001 a modifié l'article 4 de la LOTI en substituant les schémas de service de transports aux schémas directeurs d'infrastructure. Par ailleurs, la loi n°2009-967 du 3 août 2009 (art. 16) avait disposé qu'un « schéma national des infrastructures de transport fixe les orientations de l'État en matière d'entretien, de modernisation et de développement des réseaux relevant de sa compétence, de réduction des impacts environnementaux et de la consommation des espaces agricoles et naturels, et en matière d'aides apportées aux collectivités territoriales pour le développement de leurs propres réseaux ». Depuis la codification du code des transports par l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010, les articles L1511-1 à L1511-7 de ce code se substituent à l'ex article 14 de la loi d'orientation des transports intérieurs précitée. En revanche, son décret d'application n°84-617 du 17 juillet 19842 est pratiquement resté inchangé jusqu'à sa codification par le décret n° 2014-530 du 22 mai 2014 relatif à certaines dispositions de la partie réglementaire du code des transports. On peut simplement observer que le seuil au-dessus duquel l'évaluation ex-post est requise est passé de 500 Millions de francs à 545 Millions de francs (83,1 M euros) en 1989 et que ce seuil est resté inchangé depuis lors. Les termes relatifs aux évaluations ex-ante et ex-post des grandes infrastructures de transport sont codifiés aux articles R1511-1
1
Rapport d'information n° 858 (2015-2016) fait au nom de la commission des finances du Sénat « Infrastructures de transport : sélectionner rigoureusement, financer durablement » 28 septembre 2016. Décret n°84-617 du 17 juillet 1984 relatif à l'application de l'article 14 de la loi 82-1153 du 30 décembre 1982 relatif aux grands projets d'infrastructures, aux grands choix technologiques et aux schémas directeurs d'infrastructures en matière de transports intérieurs.
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à R1511-10 du code des transports3. Il en résulte que, dans cette matière, la partie réglementaire du code des transports peut paraître en retrait par rapport à la partie législative et les conditions pratiques de mise en oeuvre des bilans ex-post sont à rechercher dans des instructions du gouvernement4 ce qui introduit une forme de discontinuité dans la chaîne des textes régissant les bilans ex-post.
1.1.2. Objectifs des bilans ex-post
L'établissement des bilans ex-post constitue un exercice ambitieux qui nécessite des moyens pouvant être importants et pose des problèmes de méthodologie et d'organisation. Il convient de vérifier que les objectifs poursuivis sont suffisamment connus par les maîtres d'ouvrage qui doivent mettre en oeuvre les moyens nécessaires et que le processus est efficient et proportionné aux objectifs à atteindre. Les entretiens menés par la mission confirment que les motivations principales des bilans ex-post sont : · d'évaluer le degré d'atteinte des objectifs initialement assignés aux projets, et leurs effets réels en termes d'avantages et d'inconvénients ; · de comparer les résultats observés aux effets attendus ex-ante et analyser et expliquer les écarts éventuellement observés ; · d'identifier les effets observés et non prévus dans l'évaluation ex-ante. Il s'agit donc essentiellement d'un précieux retour d'expérience, permettant de renforcer la pertinence et la crédibilité des études socio-économiques et environnementales des projets similaires à venir. Les entretiens menés par la mission confirment ces objectifs originels qui restent d'actualité et y ajoutent une attente sociétale de démonstration de la pertinence même des objectifs des projets une fois réalisés, en raison d'une attention accrue portée par le public sur la balance avec les impacts, notamment en termes environnementaux, sociaux et économiques des grands projets d'infrastructure. À cet égard, le bilan ex-post fournit l'opportunité de vérifier le bien fondé des hypothèses, simulations et modélisations faites lors des études ex-ante et rapportées dans les dossiers d'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique. Il permet aussi d'apprécier si les critères retenus pour justifier cette déclaration d'utilité publique ont effectivement été atteints ce qui permet de mieux anticiper les aléas pouvant affecter de futurs projets de même nature. Il faut toutefois ajouter que si les objectifs en termes d'efficience sont bien compris et de ce fait en général bien mis en oeuvre, ceux qui relèvent du principe de proportionnalité5 restent les parents pauvres des évaluations pratiquées. L'application de ce principe doit permettre d'éviter que les enjeux les plus importants des projets de transport en matière d'environnement ne soient pas correctement couverts alors que
3
Les conditions de publicité et d'information du public s'agissant du bilan ex-post sont passées de l'article 7 du décret 84-617 à l'article L.1511-4. La suite du rapport revient sur ce sujet. Voir les §3-3 et §4-3-3-2 Anciennement circulaires. L'application de ce principe est demandée par le point 4 de l'instruction du gouvernement du 16 juin 2014 (Instruction Royal). À cet effet, il y a lieu d'examiner la sensibilité du territoire concerné et les impacts prévisibles du projet.
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l'attention serait concentrée sur des sujets moins importants mais plus faciles à analyser et à traiter. D'une façon générale, ce principe fait partie du triptyque « adaptation, nécessité, proportionnalité » qui doit guider l'action publique 6 lorsqu'elle vise à concilier plusieurs exigences, notamment la liberté de déplacement, la protection de l'environnement ou le droit de propriété dans le cas d'espèce. L'utilité des bilans pour la vie du projet est évidemment limitée puisque l'infrastructure est mise en service lorsque le bilan ex-post est réalisé. Cependant, si le principe de proportionnalité était correctement appliqué, ce constat ne devrait pas exclure une certaine capacité à réinterroger les mesures afférentes ou le suivi du projet, ainsi que ses modalités d'exploitation. Ce constat n'est pas récent. Un rapport de septembre 2002 du CGPC 7 a analysé cette question de façon détaillée et a défini sept composantes de l'utilité des bilans ex-post : · confronter la réalité aux prévisions, espérances et craintes exprimées dans l'évaluation initiale ; · donner des éléments d'appréciation sur les conditions de réalisation de l'opération et d'exploitation de l'ouvrage tout comme sur ses effets de toutes sortes ; · permettre de s'assurer que les engagements de l'État ou du maître d'ouvrage ont bien été tenus et de vérifier a posteriori leur pertinence ; · expliquer les écarts entre la réalité constatée et les prévisions en matière de coûts, de trafics, d'environnement, de rentabilité économique et, lorsque c'est pertinent, de rentabilité financière ; · permettre de valoriser les effets positifs constatés par référence aux objectifs et de remédier, le cas échéant, aux effets négatifs ; · contribuer à l'information du public par : · l'information objective sur ce qui a été réalisé et sur les effets constatés ; · la démonstration du respect des engagements pris ou l'explication du non respect desdits engagements ; · l'exposition des éléments d'appréciation de l'efficacité, de l'impact et de l'intérêt de l'opération réalisée sur la base de constatations de faits ; · contribuer à améliorer les évaluations futures ex-ante et ex-post.
6
« Le principe de proportionnalité, protecteur des libertés » , Conférence de Jean Marc Sauvé viceprésident du Conseil d'État en mars 2017 accessible par http://www.conseiletat.fr/content/download/94367/908074/version/1/file/2017-03-17 %20-%20Institut%20Portalis.pdf Rapport n°2001-0183-01 « Établissement du bilan des grands projets d'infrastructure prévu par l'article 14 de la loi d'orientation sur le transport intérieur (LOTI) ».
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Plus récemment, la DGITM8 a précisé à la commission des finances du Sénat que la méthodologie retenue pour l'élaboration de ces bilans ex-post consiste à : · évaluer si les objectifs du projet ont été atteints ; · analyser et expliquer les écarts entre la prévision (évaluation ex-ante) et la réalisation (évaluation ex-post) du projet pour les paramètres clés de l'évaluation (coûts, trafics, sécurité, rentabilité, environnement...) ; · identifier les effets non prévus dans l'évaluation ex-ante. Au cours de leurs auditions, les sénateurs ont pu constater que l'existence de cette obligation avait permis d'améliorer considérablement au cours du temps la qualité des études menées lors de la préparation des projets d'infrastructures et avait contribué à responsabiliser davantage les maîtres d'ouvrage, rendus conscients que toute sous-estimation grossière des coûts de construction ou surestimation excessive des trafics apparaîtraient clairement a posteriori à la lumière des bilans ex-post. L'ensemble de ces appréciations confirment les attendus de la note technique du 27 juin 2014 de la DGITM, précisés dans son chapitre 7. Ces évaluations visent à s'assurer non seulement de l'efficacité et de l'efficience économique de l'investissement et de son financement, mais aussi de la réalité des effets prévus en matière d'amélioration du système de transport, de protection de l'environnement ou de développement territorial. Il convient de noter que la France est le seul pays de l'OCDE à réaliser systématiquement des études socio-économiques ex-post de ses infrastructures de transport. En Europe, la seule institution à avoir mis en place ce type de dispositif est la Banque européenne d'investissement (BEI).
1.1.3. Intérêt de nombreuses parties prenantes pour ces bilans
Les entretiens ont également montré un intérêt des bilans ex-post pour certaines parties prenantes et permettent de caractériser les objectifs que l'on peut assigner dans ce domaine aux bilans ex-post : · Pour les chercheurs, les bilans ex-post fournissent de nombreuses données sur les territoires concernés. Il s'agit d'une source précieuse d'informations détaillées sur des périodes relativement longues. · Il en est de même pour les associations notamment environnementales qui sont souvent des partenaires pour la réalisation d'inventaires spécialisés ou difficiles à faire. Dans ce dernier cas, le maître d'ouvrage peut bénéficier de leur savoir-faire et de leur connaissance du terrain. On peut également s'interroger sur les autres parties prenantes, suivant en cela l'instruction d'octobre 2014 qui laisse à l'appréciation du maître d'ouvrage une analyse plus fine de l'impact du projet sur les opérateurs économiques et sur les usagers.
8
Ministère de la transition écologique et solidaire Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.
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Sur ce point la mission considère que l'instruction d'octobre 2014 mérite une application plus encadrée. Nous verrons au chapitre 3 comment le guide méthodologique réalisé en décembre 2011 par le SETRA recommandait de traiter le sujet et quelles sont les évolutions souhaitables au chapitre 4.
1.2. Un dispositif ancien
Il convient ici de rappeler que le principe de l'évaluation est la suite naturelle de la « théorie du bilan », formalisée dans une décision régulièrement confirmée du Conseil d'État datant de 19719. Pour déclarer d'utilité publique un projet, cette théorie met en balance ses avantages avec ses inconvénients, qu'il s'agisse de son coût, de ses répercussions sur l'environnement ou de ses conséquences sur la propriété privée. Cette formalisation s'inscrivait dans une évolution naturelle du droit de l'expropriation qui visait à garantir le droit à la propriété individuelle sans empêcher les projets d'intérêt général. Depuis cette décision, le Conseil d'État prend en compte dans les constructions classiques du droit administratif les préoccupations écologiques qui sont, comme d'autres finalités, d'intérêt général10. Mais il doit disposer des outils et moyens lui permettant d'appréhender les réalités écologiques. Pour éclairer la délibération et la prise de décision, le juge administratif dispose des moyens classiques d'instruction ouverts par le code de justice administrative dont le principal est celui de l'expertise. L'écueil à éviter dans ce domaine est celui des querelles d'experts ou des incohérences de dossiers qui pourraient, sur certains sujets, perturber le règlement des contentieux environnementaux. Il est donc nécessaire de fonder au mieux les éléments scientifiques et techniques à prendre en compte dans les décisions, de les restituer sous une forme claire et accessible sans pour autant qu'elle soit réductrice, et de clairement dissocier leur présentation de celle du processus de décision politique. La prise en compte de l'environnement dans les calculs socio-économiques est le plus souvent limitée aux composantes de l'environnement qui disposent d'une valeur tutélaire (notamment les GES et la pollution de l'air) et les évaluations sont souvent insuffisantes pour les autres composantes en dépit des instructions qui demandent de compléter les résultats du calcul socio-économique par une présentation qualitative et si possible quantitative des effets non monétarisables. De ce fait, les volets environnementaux des bilans ex-post présentent un enjeu important que le rapport se propose de traiter, y compris sous l'angle des méthodes utilisées pour communiquer sur les données environnementales recueillies à l'occasion des opérations visées par les bilans ex-post. Sur ce point, la mission considère qu'il s'agit d'un sujet à part entière qui est présenté au § 4-3-2.
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Ministre de l'équipement et du logement c/ Fédération de défense des personnes concernées par le projet actuellement dénommé « Ville nouvelle Est » Décision n°78 825 du 28 mai 1971 Voir « Y a-t-il des caribous au Palais-Royal ? » Intervention de Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'État, le 14 mai 2012 lors de la séance d'ouverture du cycle de conférences sur les enjeux juridiques de l'environnement
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1.2.1. Des textes originaux modifiés à la marge depuis 35 ans
1.2.1.1. Le contenu des textes On peut observer que malgré ses multiples évolutions, inévitables pour un texte d'une portée aussi large, les dispositions issues de l'article 14 initial de la LOTI, tout comme celles de son décret d'application sont restées pratiquement inchangées, notamment celles relatives aux bilans, comme si la matière qu'elle traitait était restée figée dans un monde des transports par ailleurs en évolution permanente. Le code des transports fixe le cadre général de l'évaluation ex-ante et ex-post des choix relatifs aux infrastructures, aux équipements et aux matériels de transport, dans la mesure où leur réalisation repose, en totalité ou en partie, sur un financement public. Il importe de démontrer ex-ante (article L.1511-1) l'efficacité économique et sociale de l'opération. A cet effet, il convient de tenir compte « ... des besoins des usagers, des impératifs de sécurité et de protection de l'environnement, des objectifs de la politique d'aménagement du territoire, des nécessités de la défense, de l'évolution prévisible des flux de transport nationaux et internationaux, du coût financier et, plus généralement, des coûts économiques réels et des coûts sociaux, notamment de ceux résultant des atteintes à l'environnement. » L'article L.1511-2 précise d'ailleurs que : « Les grands projets d'infrastructures et les grands choix technologiques sont évalués sur la base de critères homogènes intégrant les impacts des effets externes des transports sur, notamment, l'environnement, la sécurité et la santé et permettant des comparaisons à l'intérieur d'un même mode de transport ainsi qu'entre les modes ou les combinaisons de modes de transport ». Quant au bilan ex-post, l'obligation de le réaliser résulte de l'article L.1511-6 qui dispose que : « Lorsque les opérations mentionnées à l'article L. 1511-2 sont réalisées avec le concours de financements publics, un bilan des résultats économiques et sociaux est établi au plus tard cinq ans après leur mise en service. Ce bilan est rendu public ». Les conditions de réalisation des évaluations ex-ante et ex-post sont précisées par le décret n°84-617 du 17 juillet 1984 codifié. S'agissant précisément des bilans ex-post, ils sont traités par les articles R.1511-8 à R.1511-10 qui disposent que : · le bilan ex-post des résultats économiques et sociaux des infrastructures dont le projet avait été soumis à l'évaluation, est établi par le maître d'ouvrage au moins trois ans et au plus cinq ans après la mise en service des infrastructures concernées et la collecte des informations nécessaires au bilan est organisée par le maître d'ouvrage dès la réalisation du projet ; · pour les projets mentionnés à l'article R.1511-1, ce bilan est soumis à l'avis du Conseil général de l'environnement et du développement durable ; · le dossier du bilan, accompagné le cas échéant de l'avis du CGEDD, est mis à la disposition du public dans les conditions de publicité et sous réserve des secrets mentionnés au premier alinéa de l'article L. 1511-4.
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1.2.1.2. Dès l'origine, une vision large de l'évaluation L'ancienneté et la brièveté des textes relatifs à l'obligation d'évaluation ex-post et leur quasi-stabilité depuis l'origine ont pu laisser penser que la part essentielle du bilan ex-post est circonscrit à un calcul économique qui restitue sous une forme synthétique les évolutions des principales données du projet d'infrastructure une fois réalisé. Or, dès l'adoption de la LOTI, l'intention du législateur était de donner à l'évaluation des projets de transport, ex-ante et ex-post, un caractère large et intégrateur des multiples aspects qui sous-tendent les projets d'infrastructure. Pour s'en convaincre, il suffit de se référer aux propos du rapporteur du projet de loi devant l'Assemblée nationale11 lors de la présentation de ce projet :« Dorénavant, il faudra prendre en compte, pour l'appréciation de l'efficacité, des notions qualitatives comme les besoins et les avantages, les conséquences économiques et les conséquences sociales, directes ou indirectes, immédiates ou à terme, des notions comme l'évolution prévisible des flux de transports et des coûts financiers, les disparités et les inégalités, la comparaison multicritère des différentes solutions envisagées, les coûts totaux supportés par les différents acteurs, en particulier par la puissance publique, les différentes formes de contraintes extérieures. Les choix intermodaux devront donc se fonder sur une comparaison de leur efficacité économique et sociale respective. » Dès l'origine, le législateur appelle donc à une analyse économique élargie intégrant les conséquences économiques et les conséquences sociales, directes ou indirectes. Le calcul économique apparaît ainsi comme une composante, essentielle mais non unique, de l'analyse de l'utilité collective des projets. En 1990 le gouvernement Rocard, sous la plume de six ministres 12, demandait au Commissariat général du Plan d'organiser une réflexion sur les transports afin d'assurer la cohérence de la planification, de la programmation et du financement des grands projets d'infrastructures de transport. Il s'agissait, en particulier, d'évaluer sur une base homogène les avantages et les coûts de l'ensemble des projets d'équipements publics. Le rapport intitulé « Transports 2010 » contenait un certain nombre recommandations touchant à l'évaluation des projets et aux critères de choix : de
· mettre en chantier une réflexion stratégique à long terme afin de préciser les mesures de politique tarifaire, réglementaire, financière, etc. à mettre en oeuvre et les priorités à définir pour la réalisation des schémas d'infrastructure dans le cadre du Marché Unique, afin que les transports contribuent dans les meilleures conditions à la croissance de notre économie ; · mettre en place à l'occasion de la préparation de chaque Plan un groupe de travail chargé d'élaborer une vision stratégique à moyen terme, c'est-à-dire de transcrire pour la période couverte par le Plan la réflexion stratégique à long terme ;
11
Alain Chenard, Député-Maire de Nantes, 1e séance du 12 octobre 1982, (débats p 5636). Ministre d'État, Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget ; Ministre de l'Équipement, du Logement, des Transports et de la Mer ; Ministre délégué chargé du Budget ; Ministre délégué auprès du Ministre de l'Industrie et de l'Aménagement du Territoire, Chargé de l'Aménagement du Territoire et des Reconversions ; Secrétaire d'État auprès du Premier Ministre Chargé du Plan ; Secrétaire d'État auprès du Premier Ministre chargé de l'Environnement et de la Prévention des Risques Technologiques et Naturels Majeurs.
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· veiller à prendre en compte la protection de l'environnement dans toutes les démarches ; · demander au Ministère de l'Équipement et des Transports d'avoir recours de façon systématique à une expertise extérieure de manière à valider les grands projets d'infrastructure promus par lui-même ou par les grandes entreprises publiques, portant notamment sur les aspects financiers et techniques et sur les délais ; · trouver un consensus avec tous les intéressés (à l'époque Ministère de l'Équipement et des Transports, Entreprises, Ministère de l'Économie et des Finances, Ministère de l'Environnement) sur les méthodes d'évaluation des grands projets et de calcul de rentabilité, et réviser ces méthodes tous les cinq ans. À cet égard, dans sa présentation du rapport, le Commissaire au Plan, Jean-Baptiste de Foucauld, indiquait que les méthodes de choix des projets d'investissements devaient être améliorées. Il observait qu'un consensus interministériel avait été dégagé sur deux points. D'une part, le principe selon lequel les critères de décision doivent être adaptés à l'horizon retenu et aux niveaux de choix en cause. Concrètement, les décisions à long terme doivent obéir à des considérations stratégiques et politiques (par exemple des stratégies de décongestion d'axes de transit Nord-Sud). Le choix des investissements à réaliser, par exemple leur inscription de principe aux divers schémas directeurs, doit obéir à des critères de rentabilité socio-économique. L'ordre de réalisation de ceux-ci, enfin, doit obéir plutôt à des critères financiers, afin de réaliser en priorité les projets qui dégagent un fort autofinancement. D'autre part des progrès méthodologiques devaient être réalisés dans deux directions : · mettre en place des instruments d'évaluation des projets communs aux différentes administrations concernées, ce qui n'était pas le cas à l'époque (1992) ; · réaliser périodiquement, comme c'était déjà le cas dans certains pays européens, un exercice de vision stratégique à cinq ou sept ans. Depuis 1992, la mise en oeuvre de ces recommandations a peu avancé et présente des difficultés qui méritent attention. Force est de constater que l'articulation recommandée par le premier point entre méthode d'analyse, choix de critères et type de décision à prendre n'est toujours pas intégrée dans le corps de doctrine de l'administration française. Dans un rapport de novembre 1994 sous le titre « Transports : pour un meilleur choix des investissements », le groupe de travail présidé par Marcel Boiteux expose que « Le calcul économique, malgré ses insuffisances, est encore ce qu'il y a de mieux pour évaluer des projets d'investissement. Mais comme tous les effets ne peuvent être monétarisés, ni restreints à un chiffre unique, il convient de compléter les critères quantitatifs de rentabilité par des tests de sensibilité aux hypothèses et par une description soigneuse des éléments non incorporables dans les calculs, et des effets attendus du projet ».
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Quant au second point, il suffit d'observer les difficultés rencontrées par le schéma national des infrastructures de transport prévu par l'article 17 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement et les suites très partielles données aux recommandations de la Commission Mobilité 21 pour constater que la méthodologie des décisions en matière de transport reste plus empreinte d'opportunisme au gré des fluctuations politiques que fondée sur un consensus de méthode reconnu par tous au titre de l'intérêt public.
1.2.2. Des précisions apportées progressivement par circulaires ministérielles
La circulaire Bianco du 15 décembre 1992 relative à la conduite des grands projets nationaux d'infrastructures aborde la question des bilans ex-post dans la perspective du suivi de la mise en oeuvre des engagements de l'État. Partant du constat que, à partir des observations recueillies pendant l'enquête publique et des avis exprimés par la commission d'enquête et le Conseil d'État, des modifications, parfois importantes, peuvent être décidées pour améliorer un projet de transport et son insertion (environnement, aménagement du territoire, développement local, etc.) dans les territoires concernés, cette circulaire prescrit que ces modifications ainsi que les principales dispositions en matière d'insertion déjà prévues par le projet soumis à l'enquête seront rendues publiques en même temps que l'acte déclaratif d'utilité publique, permettant ainsi une meilleure information des citoyens. La circulaire demande aux préfets de constituer, avec les responsables locaux concernés un comité de suivi de la mise en oeuvre des engagements de l'État. Le maître d'ouvrage doit rapporter régulièrement devant ce comité. Précisant les termes de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 et de son décret d'application du 17 juillet 1984, la circulaire prescrit également l'établissement par le maître d'ouvrage d'un bilan économique, social et environnemental de l'infrastructure entre trois ans et cinq ans après sa mise en service. Ce bilan doit être présenté au comité de suivi des engagements de l'État réuni par le préfet. Cette circulaire qui visait principalement à tirer les leçons de conflits avec les riverains et les associations locales lors de l'élaboration du projet de LGV « Méditerranée » mettait surtout l'accent sur la conduite des concertations préalables à la décision publique. Toutefois, elle considère que le débat public ne s'arrête pas à la prise de décision, que le maître d'ouvrage doit régulièrement rendre compte de la mise en oeuvre des engagements de l'État, des experts pouvant être sollicités pour « évaluer les propositions » que le préfet peut « compléter ». Ainsi elle intégrait sans ambiguïté le bilan ex-post au processus pour contribuer au renforcement de la crédibilité de la parole de l'État, le faisant même précéder de la présentation d'un bilan intermédiaire au terme d'un an après la mise en service. Il faut toutefois attendre encore plus d'une dizaine d'années pour que de nouvelles précisions soient apportées par circulaire. La circulaire Robien prescrit l'application d'une instruction cadre 13 qui traite du suivi des éléments de base de l'évaluation en vue d'établir ultérieurement le bilan « a posteriori ». Il faut observer que la matière était encore peu fournie du fait des retards constatés dans la réalisation de ces bilans, retards ayant entraîné la constitution en 2002 d'un groupe travail du CGPC sur l'établissement de ces bilans ex-post. La circulaire Robien rappelle que l'article 14 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 prescrit pour les grands projets d'infrastructures réalisés avec le concours de financements publics, l'établissement d'un bilan des
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Instruction cadre relative aux méthodes d'évaluation économique des grands projets d'infrastructures de transport 25 mars 2004 mise à jour le 27 mai 2005.
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résultats économiques et sociaux, établi au plus tard cinq ans après leur mise en service. Elle expose que le bilan « a posteriori » des résultats économiques et sociaux a pour premier objet de confronter la réalité aux prévisions, espérances et craintes exprimées dans l'évaluation initiale, qu'il doit donner des éléments d'appréciation sur les conditions de réalisation de l'opération et d'exploitation de l'ouvrage tout comme sur ses effets de toutes sortes et qu'il doit également permettre de s'assurer que les engagements de l'État et du maître d'ouvrage ont bien été tenus, et de vérifier a posteriori leur pertinence. Elle précise que si le bilan économique chiffré constitue le noyau dur de l'évaluation, les questions d'équité territoriale et sociale, de développement territorial et d'environnement en sont partie intégrante, que ces éléments soient ou non quantifiables ou monétarisables. Afin d'expliquer les écarts entre la réalité constatée et les prévisions, cette analyse doit porter sur tous les composants de l'évaluation initiale en mettant l'accent sur les éléments qui expliquent le mieux ces écarts : · historique, objectifs et description de l'opération ; · définition du scénario de référence (sans projet) ; · consistance, coût et modalités de financement des investissements ; coûts d'entretien et d'exploitation ; · effets du projet sur les usagers : amélioration des services rendus quantitatifs et qualitatifs (accessibilité, rapidité, coût, fiabilité, confort, commodité, sécurité) ; · trafics et recettes (sur la nouvelle infrastructure, sur les autres infrastructures concernées du même mode et sur les autres modes) et effets sur l'organisation plurimodale des transports (transferts modaux) ; · rentabilité socio-économique pour la collectivité (décomposée par catégorie d'agents) ; · le cas échéant, rentabilité financière (pour le gestionnaire de l'infrastructure et le cas échéant les opérateurs de transports et les autres opérateurs) et impact sur les finances publiques de l'État et des collectivités territoriales ; · engagements de l'État ou du maître d'ouvrage notamment en ce qui concerne les impacts sur l'environnement, et la compatibilité avec un développement durable ; · impacts sur l'aménagement des territoires, le développement économique et l'emploi, en fonction de la spécificité de l'opération. De même que l'instruction Robien, qu'elle remplace, l'instruction du gouvernement du 16 juin 2014 (Instruction Royal) développe des éléments de méthode selon une conception également extensive de l'évaluation économique des grands projets d'infrastructures de transport. La note technique du 27 juin 2014 de la DGITM qui lui est rattachée contient un §7 traitant spécifiquement de l'évaluation ex-post et la préparation du retour d'expérience. Ce texte rappelle que le principe de ces évaluations ex-post est de comparer les effets observés une fois le projet mis en service avec les prévisions effectuées ex-ante. Ces évaluations visent à s'assurer non seulement de l'efficacité et de l'efficience économique de l'investissement et de son financement, mais aussi de la réalité des effets prévus en matière d'environnement ou de développement territorial.
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Elles permettent un retour d'expérience qui améliore les méthodes et outils de l'évaluation ex-ante et ex-post. Il s'agit de vérifier l'atteinte des objectifs initialement assignés au projet, d'analyser les écarts, d'en comprendre les raisons, d'enrichir, par la capitalisation, la démarche globale d'évaluation pour les prochains projets. La production des évaluations ex-post s'intègre donc dans le dispositif plus large de retour d'expérience. La note technique rappelle également que dans son volet environnemental, l'évaluation s'articule avec le suivi à réaliser au titre des articles R.122-14 et 15 du code de l'environnement. Le contenu de l'évaluation ex-post est précisé. Les sujets à traiter sont regroupés en deux grandes catégories, la socio-économie et l'environnement, qui doivent toutes deux s'intéresser aux effets directs, indirects ou induits (tels que le développement de l'urbanisation), sur le court et le long terme, temporaires ou permanents. S'agissant de la socio-économie, la note technique du 27 juin 2014 relative à l'évaluation des projets de transport demande de rapporter les éléments suivants : · Sous l'angle social, sont visés les effets sur la santé, la sécurité des personnes et la réduction des inégalités, à savoir l'impact de l'infrastructure sur les populations fragiles, la desserte équilibrée des espaces et l'accessibilité aux divers services publics. · Les thèmes économiques portent sur les acteurs en relation avec le projet de transport, les gains de temps et les coûts d'usage des divers usagers (résidents, opérateurs économiques, tourisme, etc.) et les gestionnaires d'infrastructures. L'impact de l'infrastructure sur le développement économique et urbain doit également être traité. · Pour préciser ces facteurs, il est demandé de rappeler les objectifs prévus au regard du scénario de référence et des hypothèses retenues, notamment s'agissant des hypothèses exogènes retenues à l'époque et leurs conséquences sur les trafics et recettes. Au titre du volet environnemental, l'objectif est de dresser le bilan des impacts réels du projet et de les comparer à ceux prévus ex-ante, notamment par l'étude d'impact et par les documents d'incidence rendus éventuellement nécessaires au titre d'autorisations spécifiques (eau, Natura 2000, sites classés, espaces et espèces protégés, défrichement, etc.). · Les principaux thèmes environnementaux portent sur les milieux naturels (consommation d'espace et transformation des sols, zones humides, biodiversité), les émissions de gaz à effet de serre et de polluants locaux, la consommation des ressources, les nuisances sonores et les risques naturels. · L'analyse ex-ante doit permettre de rendre compte de la démarche « Éviter, réduire, compenser » qui consiste à considérer l'environnement le plus en amont possible et rechercher la conception qui aura le moindre impact en termes environnementaux tout en répondant aux objectifs poursuivis à un coût raisonnable pendant la durée de vie du projet. · L'analyse ex-post s'appuie notamment sur les prescriptions figurant dans les décisions d'autorisation du projet et sur les engagements de l'État ou du maître d'ouvrage, notamment en ce qui concerne le contenu détaillé et les modalités de réalisation du projet. Comme développé plus loin (cf § 4-3-3), l'analyse des
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moyens mis en place doit être complétée par celle des résultats effectivement obtenus. Même si le texte de l'article L.1511-6 est relativement imprécis sur le contenu de l'évaluation ex-post, puisqu'il se borne à prescrire l'établissement d'un « bilan des résultats économiques et sociaux », il n'est pas possible de soutenir que ce bilan est, ou devrait être, restreint à un constat des trafics réels et à un calcul économique fondé sur ces trafics. L'intention exprimée par le législateur lors des débats parlementaires ayant précédé l'adoption de la LOTI et les différentes instructions ministérielles montrent que l'exercice d'évaluation ex-post demandé va au-delà de cette acception restreinte. En premier lieu, un calcul économique effectué environ cinq ans après la mise en service d'un projet suppose la réalisation de nouvelles prévisions de trafic intégrant la connaissance acquise depuis la réalisation des prévisions de trafic présentées à l'appui de la déclaration d'intérêt public. En second lieu, les différentes circulaires relatives à l'évaluation en matière de transport qui se sont succédé depuis une vingtaine d'années prescrivent de procéder à des évaluations donnant une vision de plus en plus globale des projets concernés, répondant en cela aux préoccupations des parties prenantes exprimées lors des débats publics auxquels ont donné lieu les projets de transports. Les bilans ex-post doivent donc suivre ce mouvement global correspondant à une attente de la société que le législateur avait bien anticipée. Ceci étant posé, la technique du bilan ex-post impose un décalage dans le temps qui est inévitable dès lors que le bilan ex-post doit, comme expliqué au § 1-1-2 permettre une comparaison entre les résultats observés et les effets attendus afin d'analyser et expliquer les écarts éventuellement observés. Le bilan ex-post doit donc, dans toute la mesure du possible être méthodologiquement comparable à l'évaluation ex-ante tant pour la modélisation des trafics prévisibles au-delà de la période de sa réalisation que pour les autres aspects pertinents de l'analyse des effets de la réalisation du projet. Pour autant, il ne doit pas être uniquement focalisé sur les thématiques abordées par l'évaluation ex-ante, au risque d'occulter des effets non anticipés, et doit au contraire permettre pleinement d'apprécier tous les effets notables, ou significatifs, « constatés » du projet.
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2. Une prise en compte de l'environnement qui monte en puissance, mais un essai qui n'est pas totalement transformé
2.1. Le code de l'environnement se structure et se renforce
Les dispositions législatives et réglementaires qui régissent aujourd'hui le processus d'évaluation environnementale sont au coeur du titre II du livre 1 er du code de l'environnement pour l'information et la participation du citoyen. Elles définissent les critères de soumission, le contenu de l'étude d'impact et les modalités de recueil des avis et de la consultation du public nécessaires pour autoriser le projet. L'obligation de réaliser une étude d'impact des projets est née de la loi n°76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. De fait, depuis 1976, le droit de l'environnement s'est vu considérablement renforcé, notamment sous l'impulsion des directives européennes. On retient en particulier concernant les projets la directive 85/337/CEE, codifiée par la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011, elle-même amendée par la directive 2014/52/UE du 16 avril 2014, transposée dans le code de l'environnement par ordonnance d'août 2016, qui a fixé au 16 mai 2017 l'application de ces dernières dispositions. Progressivement, l'étude d'impact est, à tout le moins pour les « grands projets », devenue le pivot de l'analyse des effets des projets sur l'environnement, même si des dispositions plus spécifiques, relevant de polices spéciales, peuvent coexister, avec des liens de plus en plus étroits : document d'incidences « loi sur l'eau »14, installations classées pour la protection de l'environnement 15, évaluation des incidences Natura 200016, dérogation pour la destruction d'espèces, habitats et sites géologiques protégés17, autorisations au titre des sites classés 18, défrichement19, etc., dont les procédures sont aujourd'hui rassemblées sous le timbre unique de l'« autorisation environnementale »20. On peut distinguer dans le droit français trois périodes homogènes notamment vis-à-vis de l'évolution du contenu de l'étude d'impact (cf. tableau détaillé en annexe 4) : · De 1976 à 2010 sont posées les bases de l'étude d'impact, avec notamment l'introduction de la séquence ERC « éviter réduire compenser » (le terme de « supprimer » était alors employé, il a été remplacé ultérieurement par « éviter »).
14
Articles L.214-1 et suivants du code de l'environnement. Articles L.511-1 et suivants du code de l'environnement. Article L.414-4 du code de l'environnement. Articles L.411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement. Article L.341-10 du code de l'environnement. Articles L.341-1 et suivants du code forestier. Articles L.181-1 et suivants du code de l'environnement.
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· De 2010 à 2016, le contenu de l'étude d'impact se renforce avec la loi Grenelle II du 12 juillet 2010. Les textes remplacent une approche en termes de travaux, d'aménagement et d'ouvrage par une première approche de la notion de projet, qu'ils associent à une notion de programme, dès lors que plusieurs projets constituent une unité fonctionnelle. Une appréciation des impacts de l'ensemble du programme doit être incluse dans l'étude d'impact du projet. Deux autres points importants de contenu sont introduits : · une esquisse des solutions de substitution examinées par le maître d'ouvrage et les raisons du choix du projet, ainsi que la « présentation des principales modalités de suivi de ces mesures [ERC] et du suivi de leurs effets sur l'environnement ou la santé humaine ». · La partie réglementaire précise que la décision d'autorisation mentionne le suivi des effets du projet, le suivi des mesures ERC et le suivi de leurs effets, et les modalités de transmission des bilans correspondants. · À partir de 201621 les projets sont désormais compris en droit national comme en droit communautaire ; ils doivent être considérés dans leur globalité, quel que soit le fractionnement de leur réalisation dans le temps et dans l'espace, y compris en cas de maîtrises d'ouvrage multiples. En corollaire, la notion de programme a disparu. Le rapprochement vers le droit européen s'est également traduit par l'étendue et la structuration du champ de l'étude d'impact, ce qui aura des conséquences à terme sur les bilans ex-post. L'obligation de suivi est ainsi élargie aux « prescriptions, mesures et caractéristiques du projet ». Le code de l'environnement pose le principe de proportionnalité du contenu de l'étude d'impact « à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine ». Comme nous allons le voir ci-après (cf. § 4-3-1) ce principe de proportionnalité a une portée plus générale.
2.2. Des instructions posent des passerelles entre les domaines des transports et de l'environnement
Les exigences des trois générations d'étude d'impact font preuve d'une remarquable constance en reconnaissant les spécificités des infrastructures de transport, l'étude d'impact devant inclure « une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité, évaluation des consommations énergétiques résultant de l'exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu'elle entraîne ou permet d'éviter »22. En dépit d'une base législative et réglementaire relativement discrète sur les questions territoriales et environnementales et ainsi qu'exposé plus haut, les instructions issues de la LOTI ont dès l'origine sorti les évaluations socio-économiques du seul champ de l'analyse socio-économique monétarisée en introduisant des considérations qualitatives multi-thématiques.
21
Ordonnance n°2016-1058 du 3 août 2016 (décret n°2016-1110 du 11 août 2016) et ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017. À cet égard il faut rappeler que les aménagements d'itinéraires par tronçons successifs doivent faire l'objet d'une étude d'impact d'ensemble.
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Il faut évidemment reconnaître que le calcul socio-économique n'est pas capable d'intégrer de façon cohérente tous les effets potentiellement notables ou significatifs d'un projet et que ceux qu'il faut laisser en dehors ne doivent pas non plus être exclus de toute forme d'analyse. On peut alors essayer de traduire ces effets par des critères, d'attribuer des indicateurs quantitatifs voire qualitatifs à ces critères puis d'agréger partiellement ces indicateurs, pour ne retenir au final qu'un nombre restreint de « notes » correspondant à des catégories agrégées de critères pertinents pour l'opération. Mal utilisées, par exemple avec des pondérations inadéquates, les méthodes de ce type globalement qualifiées de « multicritères », peuvent s'avérer subjectives et peu transparentes23. Pourtant, en juin 2001, dans un rapport faisant écho à ses propos de 1994 évoqués ci-dessus (voir en page 14) et intitulé « Transports : choix des investissements et coût des nuisances », Marcel Boiteux précisait, d'une part que « Il apparaît en réalité que cette opposition entre les bilans socio-économiques et les analyses multicritères est largement factice, le résultat monétarisé d'un bilan ne prétendant pas plus dicter la décision que l'analyse multicritères n'impliquerait une pondération quasi uniforme des divers critères examinés. » et, d'autre part, que « l'intérêt de faire du bilan socio- économique, non le critère mais le noyau de l'estimation de la valeur d'un projet, c'est de permettre une analyse des raisons pour lesquelles on est conduit à s'écarter de la solution à laquelle ce seul bilan aurait conduit, et de pouvoir ainsi chiffrer le surcoût de la décision ». Progressivement s'est constitué autour de cette acception un corpus de procédures, de méthodes et d'outils. L'étude d'impact a alors constitué la référence du volet environnemental des évaluations ex-ante. Lorsque l'échéance des premiers bilans ex-post s'est rapprochée, les instructions et guides techniques se sont attachés à préciser les attendus et modalités des bilans environnementaux24, veillant à la nécessaire intégration à ces bilans des résultats issus des obligations déjà en place au titre des polices spéciales, notamment la « loi sur l'eau ». En 2001, a été produit un premier « bilan de bilans environnementaux »25. Au travers de ces instructions, et de celles qui leur succèdent 26, sont posés les principes de base du bilan environnemental : continuité entre l'étude d'impact et le bilan, nécessité d'archivage et de disposer de l'ensemble des éléments d'évaluation du projet, depuis les études initiales jusqu'à la date de réalisation du bilan, mise en place des dispositifs de suivi dès les premiers stades de réalisation, complémentarité entre le bilan économique et social et le bilan environnemental, transparence pour le public, mise en oeuvre de mesures correctives si certains dispositifs se sont avérés inefficaces, nécessité le cas échéant d'opérations complémentaires de suivi, etc. Sont précisés les contenus du bilan intermédiaire à 1 an et du bilan à 5 ans, en particulier le champ des « observations » nécessaire. Les instructions précisent également que ce bilan environnemental est rapporté, avec les bilans social et économique, devant le comité de suivi de la mise en oeuvre des engagements de l'État.
23
Ce point est approfondi au § 4-5. Suivis et bilans environnementaux Projets routiers interurbains Guide méthodologique. SETRA. 1996. Suivis et bilans environnementaux Projets routiers urbains Guide méthodologique. CERTU. 1998.
24
25
Bilan des bilans environnementaux. Centre d'études techniques de l'Équipement. Mai 2001. Note méthodologique pour l'élaboration des bilans LOTI des transports collectifs en site propres CERTU 2003. Élaboration des bilans ex-post pour les projets routiers SETRA 2011.
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On peut noter l'instruction jointe à la circulaire n° 2004-63 du 22 novembre 2004 27 relative à la concertation entre les services de l'environnement et les services de l'équipement pour l'élaboration et l'instruction des projets routiers du réseau national qui vise « l'insertion, le plus en amont possible, des préoccupations environnementales ». Elle invite en particulier les services des routes à associer les directions régionales de l'environnement pour « l'élaboration du cahier des charges des suivis et bilans environnementaux ». Depuis 2012, la partie réglementaire du code de l'environnement a précisé les spécificités des infrastructures de transport, en introduisant l'analyse des conséquences prévisibles du projet sur le développement éventuel de l'urbanisation, des enjeux écologiques et risques potentiels liés aux aménagements fonciers agricoles et forestiers induits, des hypothèses de trafic, conditions de circulation et méthodes de calcul utilisées, et des principes des mesures de protection contre les nuisances sonores. De son côté la note technique du 27 juin 2014 associée à l'instruction « Royal » vise explicitement les dispositions nouvelles du code de l'environnement. Les instructions techniques associées28 et les guides relatifs à l'évaluation des projets de transports 29 s'appuient de plus en plus explicitement sur les dispositions du code de l'environnement au fur et à mesure de leur consolidation : « Le dispositif d'étude d'impact n'est donc pas limité à la seule phase de définition du projet mais doit accompagner, sur les aspects environnementaux, la démarche d'évaluation du projet de transport. Dans le cas où de tels dispositifs de suivi existent, ils doivent alimenter la partie environnementale du bilan a posteriori voire la constituer. »30 Ainsi les dispositions des instructions « transport » et les dispositions du code de l'environnement présentent-elles une cohérence appréciable en ce qui concerne l'établissement des bilans des projets soumis à décision publique.
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http://www2.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/instruction-circ22nov04.pdf Note technique du 27 juin 2014 relative à l'évaluation des projets de transport et fiches associées DGITM. Élaboration des bilans ex-post pour les projets routiers SETRA 2011. Évaluation a posteriori des transports collectifs en site propre CEREMA 2015.
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Évaluation a posteriori des transports collectifs en site propres CEREMA 2015.
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3. Des adaptations de textes à envisager pour renforcer l'efficacité des bilans ex-post
3.1. Rapprocher les environnementale
cadres
d'évaluation
socio-économique
et
L'évaluation socio-économique et l'étude d'impact des infrastructures de transport poursuivent des objectifs communs : informer et fournir des éléments les plus impartiaux pour les décisions. L'Autorité environnementale du CGEDD (Ae), dans sa note du 13 septembre 201731, relève néanmoins certaines « étanchéités » entre les deux cadres d'évaluation, que l'instruction de 2014 n'a pas permis de dépasser. Pour autant, elle ne remet pas en question le constat de cohérence exposé plus avant, l'essentiel des remarques tenant à des définitions à rapprocher, à la cohérence des périmètres, à des difficultés à prendre en compte certains enjeux environnementaux et surtout à des pratiques des maîtres d'ouvrage à faire évoluer. La mission observe que les questions d'homogénéisation des cadres d'évaluation qu'elle soulève sont anciennes et figuraient déjà en substance dans les propos du Commissaire au Plan en 1992. Des propositions d'évolution à construire conjointement entre le CGDD et la DGITM pourraient améliorer grandement le cadre de travail des maîtres d'ouvrage des grandes infrastructures de transport comme le montre la suite du rapport.
3.2. Consolider les bases réglementaires du volet environnemental du bilan ex-post et améliorer le rendu sur le volet socio-économique
Comme précisé plus haut, l'intégration de suivis environnementaux dans les études d'impact, a été introduite tardivement, en 2012. L'obligation de les réaliser a été assortie par l'article R.122-13 (R.122-14 jusqu'en 2016) d'une obligation, qui doit être transcrite dans l'acte d'autorisation, de transmission de bilans à l'autorité décisionnaire selon un calendrier fixé par elle. Cette disposition du code de l'environnement a totalement confirmé les principes du volet environnemental des bilans ex-post dans le domaine des transports. Les dispositifs mis en place avec le bilan ex-post, et pour les ouvrages publics, avec le comité de suivi des engagements de l'État, constituent un cadre approprié pour sa mise en oeuvre. On peut néanmoins constater que si le code des transports prévoit d'intégrer les impératifs de protection de l'environnement pour l'élaboration des projets et leur évaluation ex-ante, le bilan ex-post porte principalement sur les résultats économiques et sociaux même si le guide d'application a largement développé le bilan environnemental. Certes, les dispositions du code de l'environnement ont permis de donner une assise réglementaire et législative au volet environnemental du bilan ex-post des infrastructures de transport. Toutefois une telle articulation n'est explicitement prévue par aucun des deux codes, et la restriction formelle du champ des bilans ex-post ne
31
Note Ae 2017-N-05 du 13 septembre 2017 « Évaluations socio-économiques des projets d'infrastructures linéaires de transport ».
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facilite pas son appropriation par les acteurs de la sphère environnementale qui se sont désintéressés de cet outil intégrateur. Un maître d'ouvrage peut valablement considérer que tout ce qui n'a pas été demandé par le comité de suivi est sans fondement réglementaire et donc superflu. Sur le plan environnemental comme sur le plan socio-économique, un maître d'ouvrage peut considérer qu'en dehors de ce qui est spécifiquement précisé dans les actes administratifs liés à l'utilité publique du projet, il a une grande latitude d'appréciation sur le contenu du bilan. En effet, la circulaire d'octobre 2014 se contente de laisser à son appréciation le bilan des différents effets observés tant sur les différents opérateurs économiques que sur les usagers qui peuvent prendre les formes les plus variées selon les situations locales32. La mission considère que cette approche « minimaliste » n'est pas satisfaisante et que les bilans ex-post donnent l'occasion de mettre en place une voie alternative que la suite du rapport se propose d'expliciter sans pour autant alourdir exagérément la charge des maîtres d'ouvrages. L'idée qu'il convient de faire prévaloir est de rechercher un usage optimisé de l'ensemble des données acquises par le maître d'ouvrage (et ses sous-traitants) lors du montage de l'opération et des étapes successives précédant le bilan ex-post. Cette compréhension extensive, dont il faudra montrer qu'elle n'est pas génératrice de surcoûts inconsidérés, est d'ailleurs en phase avec les obligations d'information qui sont l'objet du paragraphe suivant.
3.3. Conditions de publicité, d'information et de participation du public dans la ligne de la convention d'Aarhus
En introduisant un droit à l'information qui permet une meilleure implication des citoyens dans les décisions environnementales et l'exercice des recours, la convention d'Aarhus s'est imposée en tant qu'outil de gouvernance publique à tous les niveaux pour renforcer les liens entre la société civile et les institutions. Ses principes ont été déclinés par la charte de l'environnement qui a défini la portée du dialogue environnemental, et repris par la charte de la participation du public publiée en 2016. L'ordonnance du 3 août 201633 vise essentiellement l'amont de la prise de décision pour les projets, plans et programmes soumis à évaluation environnementale hors champ de la Commission nationale du débat public (articles L. 120-1 à L. 121-23 du code de l'environnement).
32
La fiche-outil d'octobre 2014 concernant les bilans ex-post, au point 4. Données relatives aux effets sur le territoire 4.1. Choix des indicateurs est libellée ainsi. « Après avoir retenu les différents thèmes à approfondir et circonscrit les effets à suivre, il s'agit de choisir les indicateurs pertinents pour suivre l'évolution de ces effets sur le territoire et les expliquer dans le bilan ex-post » avec une note de bas de page qui, loin de lever le doute, confirme cette impression « Étant entendu que ce volet du bilan ex-post ne concerne qu'un nombre limité d'effets, ceux jugés les plus pertinents au regard du projet et de son contexte. ». Ordonnance du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement.
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Toutefois c'est bien l'ensemble de l'évaluation économique, sociale et environnementale, la qualité de l'information produite, en particulier son objectivité, sa pertinence, son caractère aussi complet que possible et son actualité, qui constituent les instruments de la justification, et donc de l'acceptabilité des choix publics. À ce titre, l'évaluation ex-post des projets publics, élément de la crédibilité des procédures ultérieures, est un exercice de transparence salutaire vis-à-vis du public. Ces obligations d'information sont un autre exemple des difficultés que peuvent rencontrer les maîtres d'ouvrage à mesurer les exigences qui s'imposent à eux. Dans le meilleur des cas, l'obligation d'information devient un enjeu de communication pour le maître d'ouvrage qui se limite aux aspects les plus visibles du bilan environnemental ou socio-économique alors que les exigences de transparence imposent une présentation équilibrée qui fait écho au bilan de l'enquête d'utilité publique suivant en cela la théorie du bilan retenue par le Conseil d'État (cf. en page 11). Le recul dont dispose l'administration sur la base des bilans ex-post réalisés fournit l'opportunité d'une adaptation des pratiques actuelles comme le montre la suite du rapport qui commence par présenter les outils disponibles (§ 3.4) avant de passer, au chapitre 4, aux recommandations de la mission pour améliorer le dispositif actuel.
3.4. Une
palette ajustements
d'outils
importante,
mais
méritant
quelques
L'instruction du 16 juin 2014 relative à l'évaluation des projets de transport présente le cadre général d'évaluation (§ 3) en trois volets : · l'analyse stratégique ; · l'analyse des effets des différentes options de projet ; · la synthèse. Un paragraphe 4 complète cette approche par des « principes de proportionnalité et de progressivité de l'évaluation » et indique que « les moyens mis en oeuvre pour apprécier les effets du projet ainsi que la profondeur des analyses sont adaptés à l'ampleur du projet et à l'importance des enjeux et des effets envisageables ». Il souligne que « lorsque le cadre général a été utilisé pour l'évaluation préalable à l'enquête publique, il permet également de présenter le bilan ex-post ». Les fiches outils traitent des sujets suivants : · analyse stratégique ; · situation existante, scénario de référence et option de référence ; · objectifs du projet : définition et hiérarchisation ; · études nécessaires à la réalisation et à l'évaluation du projet ; · aires d'études ; · analyse de la demande de transport ;
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· coûts d'investissement ; · coûts d'entretien et d'exploitation ; · analyse qualitative et quantitative des effets (13 fiches) ; · monétarisation ; · analyse financière ; · synthèse de l'évaluation ; · évaluation ex-post. Les fiches relatives à l'analyse qualitative et quantitative des effets reprennent la plus grande part des thèmes de l'annexe 4 de la note technique du 27 juin 2014. En revanche la note technique du 27 juin 2014 est extrêmement lapidaire 34 s'agissant du principe de proportionnalité. Elle reprend, sans vraiment les expliciter, les termes de l'instruction du gouvernement. Or ce principe est la « clé de voûte » d'une bonne évaluation ex-ante ou ex-post, il doit donc être appliqué avec soin dans le traitement des thèmes suivants : · historique, objectifs et contenu de l'opération ; · éléments relatifs à la gouvernance du projet (particulièrement les débats publics) et à son évolution ; · définition du scénario de référence, et notamment les hypothèses exogènes retenues à l'époque ; · définition de l'option de référence ; recensement des hypothèses (méthodes, données) et outils (logiciels) utilisés dans l'évaluation ex-ante ; · consistance, coût et modalités de financement des investissements ; · coûts d'entretien et d'exploitation ; · effets du projet sur les grands indicateurs de référence ; · effets du projet sur les usagers : amélioration des services rendus quantitatifs et qualitatifs (accessibilité, rapidité, fiabilité, confort, commodité, sécurité) ; · trafics et recettes (sur la nouvelle infrastructure ou service, sur les autres infrastructures et services concernés du même mode et sur les autres modes) et les effets sur le système plurimodal des transports (transferts modaux) ; · valeur actualisée nette socio-économique et autres indicateurs (décomposés par catégorie d'agents si possible) ; · le cas échéant, rentabilité financière (pour le gestionnaire de l'infrastructure et le cas échéant les opérateurs de transports et les autres opérateurs), effet sur les finances publiques de l'État et des collectivités territoriales ;
34
« L'évaluation est proportionnée à l'étendue et à la nature du projet, à ses objectifs, aux enjeux en présence, aux effets prévisibles du projet. »
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· éléments relatifs aux risques (identification, gestion, occurrences éventuelles) ; · effets sur l'aménagement des territoires, le développement économique, l'urbanisme et l'emploi, en fonction de la spécificité de l'opération. Ces thèmes sont plutôt bien analysés dans les différents outils disponibles et notamment dans les fiches outils, même si quelques améliorations pourraient être souhaitables. La plupart des éléments attendus en matière d'évaluation au niveau social, économique et environnemental se retrouvent dans le dernier thème, à caractère intégrateur, qui est décliné, pour les aspects environnementaux et territoriaux, en neuf fiches outils. Ces fiches portent sur : · les aires d'études (fiche commune aux différents sujets) ; · la santé ; · les GES ; · la pollution locale de l'air ; · le bruit ; · les eaux superficielles et souterraines ; · la biodiversité ; · les risques naturels ; · le paysage et le patrimoine ; · l'urbanisme. Ces fiches sont globalement bien construites et sont sous-tendues par de nombreux guides du RST plutôt complets et précis, et notamment le guide du SETRA sur les bilans ex-post de décembre 2011 qui reste largement d'actualité malgré sa relative ancienneté. La situation est assez différente pour les effets socio-économiques qui sont plus diversifiés et surtout plus difficiles à catégoriser compte tenu de la variété des situations rencontrées. Un travail complémentaire serait par ailleurs nécessaire pour compléter l'analyse des fiches relatives à l'environnement. Ce sujet qui n'est pas, à strictement parler, dans le champ de la mission n'a pas été approfondi. Il convient en outre de mentionner particulièrement l'existence de la fiche-outil de l'item VIII du catalogue traitant des données à recueillir pour l'évaluation ex-post. Elle devrait être enrichie en ce qui concerne le volet « effets environnementaux ».
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4. Des conditions de réalisation à faire évoluer pour tenir compte d'un contexte qui a changé
4.1. Une histoire compliquée
La mise en oeuvre de l'idée novatrice pour l'administration de l'obligation du bilan ex-post a mis du temps à produire des conséquences tangibles. On peut distinguer trois périodes : · une période de démarrage laborieux ayant entraîné la mission du CGPC de 2002 qui s'est traduite par un premier bilan des bilans présenté ci-dessus (cf. page 9) ; · une montée en régime ayant permis de rattraper le retard jusqu'en 2014/15 où l'on constate une mobilisation des organismes techniques avec l'élaboration de guides méthodologiques très attendus par les maîtres d'ouvrage et les maîtres d'oeuvre qui y trouvent des solutions ayant valeur de « soft law »35 ; · un ralentissement, corrélé avec la mise en place du CEREMA, une complexification du fonctionnement de l'administration et une réduction drastique des moyens disponibles tant budgétaires qu'humains, qui freinent l'élaboration de nouveaux guides également très attendus par les maîtres d'ouvrages. Cela se reflète dans le rythme de sortie des avis du CGEDD qui a connu un nouveau ralentissement très marqué en 2016 après un pic en 2015 correspondant à un apurement de dossiers réalisés en 2013 et 2014 pour rattraper la chute du nombre des avis enregistrée de 2012 à 201436.
9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015
Figure 1 : Nombre d'avis du CGEDD sur les bilans LOTI
35
À défaut de ces guides, les maîtres d'ouvrage et les maîtres d'oeuvre se trouvent dans une obligation de résultat difficile à obtenir dans un tel contexte, ce qui les met en insécurité juridique face à n'importe quelle partie prenante qui contesterait tout ou partie du constat des effets une fois le projet réalisé. La liste des avis émis par le CGEDD figure en annexe 2.
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Les changements de structure de l'administration et ceux des organismes techniques de l'administration (CETE, SETRA) consécutifs à la création du CEREMA ont éloigné ces organismes de leurs donneurs d'ordre traditionnels. Ils ont perturbé les processus de production et d'évaluation des bilans notamment routiers. En matière d'autoroutes, les CETE étaient traditionnellement impliqués dans la réalisation des études ex-ante et ex-post sous la supervision méthodologique du SETRA. Certains CETE étaient également impliqués dans la production des bilans au bénéfice des maîtres d'ouvrage. Ce mélange des genres, quand il est analysé dans le détail, ne révèle pas de faille. La séparation des fonctions est bien réalisée, mais devrait être mieux formalisée pour garantir un niveau de services équivalent tout en réduisant les risques de conflit d'intérêt. La DGITM et le CEREMA ont d'ores et déjà mis en place des procédures pour fluidifier les échanges et s'assurer du partage des priorités. Elles ne sont pas spécifiques aux bilans ex-post et la mission ne peut qu'en prendre acte et souligner l'importance de les rendre effectives dans les meilleurs délais afin de contribuer à la qualité des études et des bilans. En substance, il s'agit des points suivants : · Dans un contexte où la tension sur le personnel et les moyens budgétaires est très forte, l'accent a été mis sur les délais nécessaires pour faire évoluer les compétences qui sont jugées critiques dans le domaine de l'évaluation et des autres domaines concernant les infrastructures37. · Le CEREMA a ainsi opté pour que chaque direction territoriale dispose d'une compétence en matière de modélisation des trafics. Il reste toutefois à préciser si et comment une modernisation des modèles de trafic exploités par le CEREMA peut être réalisée par ce dernier en particulier pour assister la DGITM. · Le CEREMA a aussi décidé de créer un guichet unique géré par la Direction technique Infrastructure de transports et matériaux (DTecITM) afin de filtrer l'ensemble des demandes qui peuvent émerger de l'administration centrale et des services extérieurs. 1. Recommandation à la DGITM et au CEREMA : Veiller à la mise en oeuvre effective des procédures convenues de fixation des priorités et d'allocation des moyens afin de faciliter la production dans les délais de bilans ex-post de bonne qualité. Cela doit passer par une détection précoce des dérives éventuelles et leur traitement à l'occasion des rencontres entre les directeurs.
4.2. Les enseignements tirés des bilans ex-post 4.2.1. En matière socio-économique
En matière socio-économique, ces enseignements sont généralement spécifiques à chaque projet et manifestent que les effets d'un projet résultent d'un ensemble de facteurs dont les interactions dépendent des conditions de l'espèce et des mesures
37
Les compétences nécessaires pour répondre aux exigences imposées par l'instruction de juin 2014 ne sont pas considérées comme essentiellement différentes de celles nécessaires avant cette instruction. Cela concerne également les bilans ex-post.
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d'accompagnement prises par les responsables locaux en complément de l'offre de transport accrue permise par le projet. La synthèse que constitue le bilan socio-économique ex-post doit être analysée dans toutes ses composantes pour permettre une meilleure compréhension des effets et tenter d'expliquer les écarts avec les prévisions. Des analyses des bilans ex-post ont néanmoins permis de faire quelques constats généraux38. En ce qui concerne les autoroutes concédées, les prévisions de trafic révèlent plus souvent une sous-estimation des prévisions qu'une surestimation. En effet, les incertitudes des prévisions concernent principalement les affectations de trafic sur le réseau routier et, plus particulièrement, entre le réseau sans péage et le réseau avec péage. Pour ces projets, il y a peu de transferts modaux et la phase d'affectation du trafic est généralement bien maîtrisée dans les modèles utilisés en France. En revanche les taux de rentabilité interne socio-économiques sont la plupart du temps inférieurs aux prévisions, du fait d'un biais d'optimisme généralement constaté dans l'évaluation ex-ante des coûts de construction39. Les taux de rentabilité interne financiers ne sont pas nécessairement calculés ce qui fait que leur comparaison n'est pas possible. Tableau 1. Comparaisons ex-ante/ex-post des bilans LOTI : rentabilités socio-économiques pour les voies rapides et autoroutes
Section concernée A49 Grenoble Valence (En service en 1992) A57 Cuers-Le Cannet des Maures (En service en 1992)
Écarts ex-ante/ex-post TRE immédiat prévu : 14 % TRE immédiat observé : 19 % TRE prévu : 20 % TRE ex-post : 14,8 %
Principale explication Coûts très contrôlés et trafics supérieurs aux trafics prévus. Trafics supérieurs aux trafics prévus mais très forte dérive des coûts. Coûts contrôlés mais trafics très inférieurs aux prévisions. Trafics très inférieurs aux prévisions.
A54 TRE immédiat prévu : 30 % St Martin de Crau-Salon de Provence TRE immédiat observé : 15,4 % (En service en 1996) A837 Saintes-Rochefort (En service en 1997) A83 Nantes-Niort (En service en 2001) A20 Brive-Montauban (En service en 2003) TRE immédiat prévu : 13 % TRE immédiat observé : 5 % TRE ex-post : 15 % Supérieur au TRE prévu non précisé dans le bilan TRE prévu : 8 % TRE ex-post : 8 %
Dérive des coûts plus que compensée par un trafic très supérieur au trafic prévu. Dérive des coûts compensée par un trafic très supérieur au prévu.
38
Le plus récent des documents consultés par la mission est le rapport d'Alain Bonnafous, Professeur émérite de l'Université de Lyon (LET), « les observatoires permanents comme instruments d'évaluation ex-post : le cas français », document de Référence No 2014-10 préparé pour la Table Ronde sur L'Évaluation ex-post des investissements et interventions publiques dans les transports (15-16 septembre 2014, OCDE, Paris). Cette tendance est aussi répandue à l'étranger pour différentes catégories de grands projets d'infrastructures, avec des amplitudes dépendant de la complexité et du type de projet étudié, voir Flyvbjerg B., Bruzelius N, et Rothengatter W. (2003) « Megaprojects and Risk : An Anatomy of Ambition », Cambridge University Press.
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Tableau 1 (suite). Comparaisons ex-ante/ex-post des bilans LOTI : rentabilités socioéconomiques pour les voies rapides et autoroutes
Section concernée A28 Alençon-Tours (En service en 2005) A 85 Angers-Vierzon (mise en service de janvier 1997 à janvier 2007)
Écarts ex-ante/ex-post TRE prévu : 15,5 % TRE ex-post : 10 %
Principale explication Dérive des coûts
Angers-Tours TRE prévu : 11,8 % TRE ex-post : 13,5 % Tours-Vierzon TRE prévu : 12,5 % TRE ex-post : 8,6 % TRE immédiat prévu : 46,8 % TRE immédiat observé : 22,6 % TRE prévu : 15,5 % TRE ex-post : 18,3 %
Dérive des coûts surtout pour Angers-Tours mais trafics supérieur au trafic prévu
A 77 Cosne Cours sur Loire Nevers mise en service de février 1984 à septembre 2004 A 28 Alencon Rouen (Mise en service octobre 2005)
Dérive des coûts de la partie réalisée aux normes autoroutières mais consistance revue à la baisse. Trafic très inférieur à la prévision Coûts de construction et d'exploitation globalement maîtrisés, trafics constatés au niveau de l'hypothèse haute de la prévision Coûts sous estimés, trafic PL surestimé, trafic VL en ligne avec les prévisions Coûts sous estimés de 25 % dans la partie ouest et surestimés de 6 % dans la partie est. Trafics sous estimés d'environ 45 % dans la partie ouest et de 20 % dans la partie est. Coûts de construction surestimés, coûts d'exploitation sous estimés trafics sous estimés
A 43 mise en service de janvier 1997 TRE prévu : 3,16 % à juillet 2000 TRE ex-post : 1,23 % A29 Neufchâtel en Bray Amiens Saint Quentin mise en service de juin 2001 à janvier 2005 TRE immédiat prévu A29 est : 8,1 % TRE immédiat prévu A29 ouest : 12,3 % TRE immédiat observé A29 : 8,4 % TRE prévu : non renseigné TRE observé : 8,7 % A 432 La Boisse-Saint Laurent de Mure mise en service en 1991 et 2003 TRE immédiat prévu : 21 % TRE immédiat observé : 24 %
Source : A. Bonnafous 2014 et Données issues des avis CGEDD sur les bilans ex-post.
En ce qui concerne les lignes nouvelles à grande vitesse (LGV) les taux de rentabilité interne socio-économique et les taux de rentabilité interne financiers doivent être calculés et la comparaison est possible. Sur l'échantillon des projets mis en service en 1992 et 200740, les taux ex-post sont systématiquement inférieurs aux taux ex-ante. Les écarts entre prévisions et réalisations résultent, d'une part des coûts souvent mal maîtrisés et, d'autre part de trafics qui sont souvent inférieurs aux prévisions. Les dérives de coûts concernent fréquemment l'infrastructure 41. La sous-estimation des coûts peut provenir d'une appréciation trop optimiste des projeteurs, mais il faut aussi constater l'existence de modifications de la consistance des projets après les premières évaluations, ce qui s'explique généralement par des investissements complémentaires. Il faut aussi tenir compte du risque de conjoncture tendue sur le marché des travaux publics. Mais les coûts « industriels », d'achat et d'exploitation du matériel roulant peuvent aussi présenter des dérives encore plus difficiles à expliquer.
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Excluant donc la LN1 Paris-Lyon. Avec des coûts constatés supérieurs de 20 % aux prévisions comme pour les LGV Atlantique, NordEurope et Est (Phase 1).
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La prévision de trafic est ici plus délicate que dans le cas des autoroutes, car il s'agit de prévoir un trafic induit par l'amélioration sensible de l'offre, mais aussi un transfert modal qu'il est plus difficile de maîtriser. Alors que ces prévisions avaient été de grande qualité pour la LGV Atlantique, elles ont été surestimées pour la LGV Nord-Europe tant pour le report modal de la route vers le rail pour les transports courts du type Paris-Lille que pour le report du transport aérien vers le transport ferroviaire compte tenu des baisses de tarif très sensibles sur Paris-Londres et Paris-Bruxelles que les transporteurs aériens ont pratiquées et que la prévision ex-ante n'avait pas pris en compte. On peut aussi observer des erreurs d'appréciation de la situation de référence à partir de laquelle on calcule les effets du projet. Dans le domaine ferroviaire, la baisse tendancielle des trafics sur les lignes classiques n'a pas été suffisamment prise en compte pour l'évaluation de certaines LGV. Tableau 2. Comparaisons ex-ante/ex-post des bilans LOTI : rentabilités socio-économiques pour les lignes à grande vitesse
Projet de LGV LGV Atlantique (En service en 1992) Écarts ex-ante/ex-post TRE Prévu : 23,6 % ex-post : 14 % TRI Prévu : 12,9 % ex-post : 8,5 % Trafics et recettes supérieurs aux prévisions mais forte dérive de tous les coûts (supérieure à 20 %). Trafics inférieurs aux prévisions mais avec des tarifs accrus, une recette presque confirmée mais +20 % en coûts d'infrastructure. Gains de trafic inférieurs aux prévisions et dérive des coûts du matériel roulant et de l'exploitation. Trafics de référence inférieurs et dérive des coûts du matériel roulant et de l'exploitation. Trafics de référence confirmés mais gains de trafic inférieurs et dérive des coûts du matériel roulant et de l'exploitation. Dérive des coûts (+20,2 %) en partie compensée par un trafic supérieur au prévu Principale explication
LGV Nord-Europe (En service en 1993) (Liaison avec la Belgique en 1996) Interconnexion Île-de-France (En service en 1994)
Prévu : 20,3 % ex-post : 5 %
Prévu : 12,9 % ex-post : 2,9 %
Prévu : 14,1 % ex-post : 6,9 %
Prévu : 22,3 % ex-post : 15 %
LGV Rhône-Alpes (En service en 1994) LGV Méditerranée (En service en 2001)
Prévu : 14 % ex-post : 10,6 % Prévu : 11 % ex-post : 8,1 %
Prévu : 9 % ex-post : 6,1 % Prévu : 8 % ex-post : 4,1 %
LGV Est (En service en 2007)
Prévu : 8,5 % ex-post : 4,2 %
Prévu : 7,2 % ex-post : 5,9 %
Source : A. Bonnafous 2014 et données issues des avis CGEDD sur les bilans ex-post.
Dans le domaine routier non concédé un constat similaire renvoie pour partie à la question de la qualité et de la pertinence des modèles de prévision de trafic mis en oeuvre à l'occasion des évaluations ex-ante. Cette question a été abordée par le rapport de septembre 2013 sur l'évaluation socio-économique des investissements publics42. Les recommandations formulées sur les fondements techniques des modèles et sur la gouvernance permettant d'assurer une meilleure confiance dans leurs résultats n'ont pas encore été suivies d'effet dans les services du ministère et dans les organismes et entreprises qui en dépendent. Cette situation non satisfaisante pour les études ex-ante se transpose aisément aux études ex-post qui doivent s'efforcer d'appliquer les mêmes méthodes pour permettre une comparaison pertinente entre les résultats des
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Chapitre 2-4 du rapport de la mission présidée par Émile Quinet.
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deux types d'études. Postérieurement à la parution de l'instruction du gouvernement du 16 juin 2014 portant sur l'évaluation des projets de transport, la DGITM a judicieusement mis en place en janvier 2015 un Comité méthodologique et scientifique de l'évaluation, chargé de l'assister dans la hiérarchisation des travaux de développement technique à mener sur le nouveau cadre méthodologique et de recommander les travaux à mener pour faire progresser et tester des méthodes d'évaluation à incorporer dans les nouveaux textes. Ce Comité a déjà débattu des insuffisances des modélisations actuellement mise en oeuvre par l'administration43. Il est maintenant nécessaire que l'administration décide des suites opérationnelles qu'elle entend donner aux différents avis d'experts sur les modélisations de trafic qu'elle utilise ou qui sont utilisés par les établissements dont elle assure la tutelle afin de fiabiliser les prévisions utilisées dans les études ex-ante et les bilans ex-post. 2. Recommandation à la DGITM : Décider des suites à donner aux différents avis d'experts sur les améliorations nécessaires des modèles de trafics utilisés dans les études ex-ante et les bilans ex-post. Certains facteurs de surestimation des taux de rentabilité sont communs à tous les modes. Tel est le cas du choix d'hypothèses macroéconomiques trop optimistes (croissance du PIB ou du PIB par tête, revenus des ménages) qui conduisent à surestimer la croissance potentielle des trafics. Tel est aussi le cas de la sous-estimation de l'élasticité-prix qui conduit par exemple à minorer l'effet d'une hausse tarifaire sur la baisse des trafics. La récurrence de ces biais d'évaluation a conduit certains commentateurs à recommander d'adopter d'autres dispositions pour fiabiliser les études ex-ante et ex-post. C'est ainsi que le Cercle des transports44 a écrit que « Les évaluations, rendues obligatoires par la loi de 1982 d'orientation des transports intérieurs sont actuellement réalisées par les futurs maîtres d'ouvrages sans contrôle indépendant ni contre expertise, ce qui met en cause leur fiabilité. La sophistication croissante des méthodes complique la compréhension des phénomènes sans améliorer leur prise en compte par les responsables des études. Ces évaluations pour être crédibles et efficaces ne peuvent être conduites dans un cadre dépendant des administrations. Les auteurs proposent donc que soit créée une Autorité indépendante d'évaluation qui contrôlerait ces évaluations qui seraient soumises à son accord... ». Cette question du doute sur l'objectivité des études réalisées par les maîtres d'ouvrages des projets a également été soulevée par FNE. Ce qui ne posait aucun problème de principe en 1982 doit aujourd'hui être examiné à la lumière des débats ouverts dans tous les domaines sur la prévention des conflits d'intérêt et sur l'indépendance des évaluateurs.
43
S'agissant de la prise en compte des effets spatiaux des infrastructures, on peut aussi mentionner que le guide « Évaluation environnementale Infrastructures de transport et urbanisation : préconisations méthodologiques. CGDD. Novembre 2017 » précise que « Pour aller plus loin et préciser l'approche quantitative lorsque les enjeux le nécessitent, des outils plus avancés de modélisation, avec toutes leurs limites, pourront être développés spécifiquement (modèles LUTI,...). ». Voir « Transport et dette publique : des membres du Cercle des transports alertent sur la dérive des déficits publics résultant des transports » avril 2012.
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La solution d'une Autorité indépendante45 d'évaluation préconisée par le Cercle des transports serait encore plus difficile à mettre en oeuvre depuis la promulgation de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. Toutefois, cette question a été pour une large part résolue avec le décret n° 2013-1211 du 23 décembre 2013 relatif à la procédure d'évaluation des investissements publics en application de l'article 17 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 qui confie au Commissariat Général pour l'investissement le rôle de contre-expert pour les études ex-ante des projets les plus importants. En ce qui concerne les études ex-post, même si la LOTI n'employait pas expressément le terme de contre-expertise, l'avis du CGEDD requis pour les projets de l'État les plus important peut jouer un rôle semblable, à la condition que les rapporteurs du CGEDD puissent disposer des informations nécessaires et mobiliser l'expertise des organismes techniques dépendant du ministère ce qui suppose que ces dernières maintiennent cette expertise et que celle-ci reste accessible pour alimenter les avis des rapporteurs. La mission a noté une attente importante des partenaires, en particulier de la société civile, l'avis du CGEDD constituant normalement une synthèse critique du bilan facilitant sa compréhension. Y répondre pleinement suppose la mobilisation de compétences du CGEDD sur l'ensemble des champs du bilan. En revanche, une solution consistant à confier au CGEDD le contrôle de tous les bilans, irait à l'encontre des recommandations du rapport de 2002 du CGPC 46qui préconisait même de décharger le Conseil de l'obligation de donner systématiquement son avis sur tous les bilans et de se borner à établir un rapport annuel sur les conditions de mise en oeuvre de l'article 14 de la LOTI. Pour sa part, la mission recommande une solution intermédiaire qui compléterait l'analyse des bilans ex-post faite par le CGEDD, par des analyses à réaliser sous l'égide de la DGITM sur les autres projets (cf. recommandation n°5).
4.2.2. Sur le plan de l'environnement
Si l'on considère qu'une infrastructure est réalisée entre cinq et dix ans (pour les plus importantes d'entre elles) après son autorisation, et que le bilan final ex-post au titre du code des transports doit être réalisé entre trois et cinq ans après sa mise en service, la plupart de ceux qui sont actuellement soumis à l'avis du CGEDD concernent des projets qui relèvent encore de la première génération d'étude d'impact. De telles études d'impact n'ont pas non plus fait l'objet d'un avis d'autorité environnementale satisfaisant aux conditions posées par les directives européennes. L'obligation de suivi environnemental à laquelle ces projets ont été soumis tenait principalement aux dispositions des polices spéciales, par définition sectorisées, et aux instructions issues du code des transports pour le bilan ex-post.
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Le Cercle semble donc recommander une Autorité administrative indépendante (AAI). Voir §II-5 du rapport du CGPC n° 2001-0183-01 de septembre 2002.
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Aussi la production des bilans environnementaux est-elle particulièrement hétérogène. À côté de bilans réellement constitutifs d'une démarche globale d'évaluation, on trouve des dossiers qui peuvent éventuellement comprendre des points intéressants sur des thématiques environnementales, mais dont l'avis du CGEDD souligne que « le point important est l'absence de référence à l'environnement dans le bilan présenté par le maître d'ouvrage ». En matière environnementale, les maîtres d'ouvrage ont des difficultés à trouver un équilibre entre les demandes qui peuvent se faire jour au niveau local et le juste respect des bilans environnementaux tels qu'ils sont visés par les textes communautaires à la base des évaluations environnementales actuelles. Ces difficultés sont très différenciées selon la nature des sujets à traiter : · une sensibilité en général très forte quand il s'agit de la grande faune. Les problèmes que posent les grandes infrastructures à la grande faune sont bien connus des maîtres d'oeuvre spécialisés et relativement faciles à traiter par des ouvrages ad-hoc. La question de l'effectivité des solutions ainsi réalisées commence également à être bien posée ; · une difficulté systématique à apprécier les impacts sur la petite faune dont les enjeux nécessitent une connaissance du fonctionnement des milieux et donc une vraie mobilisation des ONG environnementales capables de fournir l'information pertinente. Notamment s'agissant de la biodiversité ordinaire, elle est très peu considérée par les approches ex-ante. En revanche, elle suscite très naturellement des attentes au niveau ex-post ; · une difficulté systématique à apprécier les effets sur la qualité des milieux naturels (eau, air) et leurs fonctionnalités, alors que les effets quantitatifs sont souvent bien modélisés (bruit, rehaussement des lignes d'eau lié aux ouvrages hydrauliques).
4.3. Des évolutions attendues pour la réalisation des bilans ex-post 4.3.1. Renforcer la cohérence des évaluations socio-économiques et environnementales
Comme pour les évaluations socio-économiques, la DGITM, au coeur du dialogue avec les maîtres d'ouvrage, a un rôle moteur à jouer pour porter un haut niveau d'exigence sur la qualité des évaluations environnementales et rappeler que l'étude d'impact ne constitue que le produit final d'un processus intégré qui doit accompagner toute la conception d'un ouvrage. Il convient également de veiller à la cohérence avec les données utilisées pour l'évaluation socio-économique. La mission relève l'importance du travail récemment réalisé ou en cours, pour renforcer la qualité des études d'impact des infrastructures de transport, et plus spécifiquement la prise en compte de certains enjeux. On peut citer à cet égard le tout récent guide pour la réalisation des études d'impact des infrastructures linéaires de transport47, ainsi que deux rapports spécifiques aux volets « eau » et « espèces
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Guide méthodologique L'étude d'impact Projets d'infrastructures linéaires de transport. CEREMA. 2015.
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protégées »48. La mission relève également que ces deux derniers documents sont principalement orientés vers la sécurité juridique qui constitue une préoccupation légitime des maîtres d'ouvrage. La mission considère que ces documents constituent un premier pas visant à améliorer la prise en compte de l'environnement par les projets. Il sera toutefois nécessaire d'approfondir les aspects plus techniques dans ces domaines. Par ailleurs, le commissariat général au développement durable (CGDD) vient de finaliser un guide pour une meilleure prise en compte du développement de l'urbanisation induit49. La mission a également eu connaissance d'un projet de révision de la circulaire du 25 février 2005 relative à la prise en compte des effets sur la santé de la pollution de l'air dans les études d'impact des infrastructures routières, présenté par la DGITM et par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) comme une priorité. En dépit des difficultés pour faire aboutir ces sujets, les liens sont bien établis entre les services centraux pour la définition d'orientations communes pour la mise en oeuvre de la réglementation environnementale. Concernant les échanges d'expériences avec les experts environnementaux, ils sont engagés en particulier concernant la prise en compte des espèces protégées, ainsi qu'en témoigne un séminaire de restitution du rapport sur la sécurisation des projets, volet espèces protégées, tenu fin novembre 2017, durant lequel le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) a présenté ses attendus. La démarche sera utilement élargie à d'autres praticiens et, sans remettre en cause le chef de filat du CEREMA, reconnu par les maîtres d'ouvrage, pourrait être consolidée par une co-rédaction de certains documents, notamment avec l'Agence française de la biodiversité. Le document de référence pour réaliser un bilan ex-post est le guide réalisé par le SETRA en décembre 2011 pour les projets routiers. Bien qu'un peu ancien, il reste largement d'actualité et très pertinent sur de nombreux aspects même s'il mérite quelques ajustements au regard de la réglementation communautaire, de la dernière ordonnance de transposition50, actuellement en cours de ratification ou de l'instruction de juin 2014 qui sont intervenus postérieurement à sa publication. Nous avons présenté au § 3.4 les outils mis en place en accompagnement de cette dernière instruction. Le guide apporte des compléments utiles par sa présentation très cohérente en détaillant dans la pratique les différents thèmes abordés par les fiches outils. On trouve ainsi un chapitre 1 qui traite de la « mise en oeuvre et (du) contenu du bilan ex-post », un chapitre 2 qui traite de la « contribution de l'infrastructure au développement du territoire » et un chapitre 3 qui traite du volet « transport et économie de l'opération ». Il conviendrait cependant de revoir la place du volet environnemental traité en fin de chapitre 1 et dans un chapitre 4 dédié comme si le volet environnemental était complémentaire aux sujets traités aux chapitres 2 et 3, alors que la prise en compte de l'environnement fait partie intégrante du développement du territoire et de l'économie de l'opération.
48
Sécurisation des projets d'infrastructures linéaires de transports. Volet eau (novembre 2017). Volet espèces protégées (juillet 2017). CEREMA Évaluation environnementale Infrastructures de transport et urbanisation : préconisations méthodologiques. CGDD. Novembre 2017. Ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement (DEVD1630022L).
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Une telle démarche serait à étendre aux autres domaines que le domaine routier. Pour traiter au mieux de ces sujets, un premier pas important serait de modifier les fiches outils associées à la note technique du 27 juin 2014 pour corriger quelques discordances qui peuvent être à l'origine d'incompréhensions essentiellement fondées sur une hiérarchisation insuffisante des enjeux environnementaux du projet. Ceux-ci sont précisément définis par le guide sur l'étude d'impact des projets d'infrastructures linéaires de transport comme résultant d'une analyse croisée des caractéristiques et enjeux intrinsèques du territoire avec une évaluation de leur sensibilité au projet, exprimant le risque d'altération, de dégradation ou de destruction du fait de la réalisation de l'infrastructure. Ainsi, en matière d'évaluation ex-post comme en matière d'étude d'impact, l'analyse de la situation doit s'intéresser aux composantes de l'environnement les plus constituantes de la richesse du territoire et les plus vulnérables aux travaux réalisés. Cette hiérarchisation est particulièrement délicate à mettre en oeuvre dans des analyses où de nombreux sujets ne peuvent être décrits que de manière qualitative. Elle est toutefois nécessaire à la bonne application du principe de proportionnalité51. Sans prétendre à l'exhaustivité mais uniquement à titre d'exemple, la mission a relevé quelques sujets qui pourraient utilement être développés dans un groupe de travail pluridisciplinaire en vue d'améliorer les fiches-outils et la prise en compte de ce principe : la contribution du mode de transport et plus précisément de l'infrastructure considérée aux prévisions et engagements pris au niveau national concernant la pollution de l'air et la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; s'agissant de la pollution de l'air, la différenciation des impacts selon la sensibilité de la population (par exemple, écoles ou résidences pour personnes âgées) ; l'appréciation du risque de pollution chronique ou accidentelle sur la qualité des eaux au regard de l'état des milieux impactés par l'infrastructure, du principe de non dégradation et des objectifs de retour au bon état ; la dynamique d'évolution des milieux naturels et les pressions subies par les milieux, qui pourra conduire à s'intéresser de manière spécifique à une biodiversité ordinaire relictuelle dans un contexte de forte urbanisation ; etc. Ces exemples montrent bien les difficultés méthodologiques à approcher de manière raisonnée les différents facteurs qui influent sur l'appréciation globale de l'opération 52 et expliquent sans aucun doute que la proportionnalité reste, comme indiqué au chapitre 1, le parent pauvre des évaluations pratiquées puisqu'il n'existe à ce jour aucun document applicatif qui détaille vraiment le sujet. 3. Recommandation à la DGITM et au CEREMA : Généraliser la démarche de réalisation de guides dédiés aux grands types d'infrastructure, en veillant à associer plus systématiquement aux réflexions les organismes spécialisés et opérationnels sur les questions environnementales, et à développer la prise en compte des questions relatives à la proportionnalité.
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Point 4 de l'instruction du gouvernement du 16 juin 2014 (Instruction Royal). Voir des éléments complémentaires au §4.5.
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4.3.2. Renforcer la portée du volet environnemental du bilan ex-post par un bilan intermédiaire imposé dans le bilan ex-post
Des mesures de nature similaire aux suivis environnementaux introduits depuis 2012 existaient antérieurement au titre de polices spéciales et s'appliquaient aux infrastructures de transport, par exemple au titre de la « loi sur l'eau » depuis 1992, visant la réalisation et la transmission d'analyses, de mesures, de contrôle et de surveillance. Elles peuvent encore trop souvent conduire à transmettre des données brutes ou à peine interprétées. La notion de bilan qui existe désormais dans le code de l'environnement doit conduire à une modification significative de ces pratiques antérieures. Le code de l'environnement a en effet marqué un pas important, dont il est nécessaire d'apprécier la portée effective selon plusieurs entrées et notamment : · précision de la rédaction de l'acte, ou des actes d'autorisation du projet imposant le suivi, par référence aux termes de l'étude d'impact et des éventuelles propositions complémentaires issues des besoins des autorisations successives ; · effectivité du suivi prévu ; · pertinence du suivi mis en place ; · transmission des bilans à l'autorité décisionnaire ; · transmission des décisionnaire ; bilans à l'autorité environnementale par l'autorité
· qualité et exploitabilité des bilans transmis ; · exploitation des éléments reçus par les services destinataires ; · analyse de la nécessité de prévoir une évolution du dispositif de suivi ; · analyse des conséquences éventuelles sur les prescriptions applicables au projet. Il apparaît pourtant à la mission que le bilan ex-post offre, pour la mise en place des suivis et bilans environnementaux des projets d'infrastructures linéaires, un cadre déjà structuré qui peine à se mettre réellement en place sur l'ensemble des projets 53. Le bilan intermédiaire préconisé par la circulaire technique et rappelé par les guides techniques mais relativement peu pratiqué, paraît adapté notamment à la vérification des deux premiers points. Il s'agit en premier lieu de vérifier que les moyens prévus sont en place. Au-delà, il est tout particulièrement important de vérifier dès ce stade que les dispositions pour le suivi des effets et des mesures sont correctement connectées avec les données recueillies pour la constitution de l'état de référence dans l'étude d'impact.
53
Sous l'impulsion de la loi de reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages d'août 2016 et des propositions pour la modernisation du droit de l'environnement, des travaux sont en cours par le CGDD, qui visent à consolider la mise en oeuvre de la doctrine ERC, en particulier la mise en place d'un outil instructeur de gestion, géolocalisation, suivi et contrôle des mesures compensatoires et d'une plate-forme cartographique de diffusion au grand public.
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Le bilan à cinq ans doit quant à lui viser une appréciation sur l'efficacité du dispositif mis en place pour apprécier un éventuel décalage entre les prévisions de l'étude d'impact et la réalité des effets sur l'environnement et le territoire du projet et des mesures ERC. Il est en conséquence pertinent pour porter sur l'ensemble des autres points. À l'exception d'un nombre limité de thématiques, certes importantes telles que le bruit, ou dans une moindre mesure la qualité de l'air, tous les résultats permettant d'apprécier la réalité des effets du projet et des mesures ne pourront encore être révélés à cette échéance. Même s'il permet de dégager des tendances, le bilan à cinq ans ne constitue en conséquence dans le domaine environnemental qu'un point d'étape. En revanche en vérifiant la qualité du suivi mis en place et des bilans environnementaux transmis, le bilan à cinq ans permet de garantir que les conditions sont réunies pour observer les évolutions de l'environnement, vérifier leur conformité par rapport aux prévisions de l'étude d'impact, et le cas échéant, prévoir une évolution de certaines composantes du projet ou la mise en oeuvre de mesures correctives ou compensatoires complémentaires. Cette dimension importante du bilan ex-post qui, pour ce qui concerne les questions environnementales ne marque pas la fin, mais le démarrage d'un processus destiné à accompagner l'ouvrage dans la durée, doit être attentivement vérifiée par le CGEDD pour les dossiers qu'il a à connaître (et mieux formalisé pour les autres). Ainsi qu'il est développé au § 4.2.2, la qualité du volet environnemental des bilans ex-post reste très hétérogène. La même remarque peut être faite pour le volet territorial. Une manière de pallier ces difficultés est d'imposer un bilan intermédiaire dont le bilan ex-post devra rendre compte, alors qu'actuellement, il est seulement recommandé. Il faut noter que ce bilan intermédiaire serait l'occasion de préciser les conditions d'archivage de ces nouvelles informations. 4. Recommandation à la DGITM : Conforter dans les instructions la nécessité de réalisation d'un bilan intermédiaire à un an, ciblé en particulier sur l'appréciation de la qualité du suivi environnemental mis en place et sa pertinence pour la réalisation des bilans ex-post.
4.3.3. Les maîtres d'oeuvre devraient disposer de méthodologies complémentaires
4.3.3.1. Pour faciliter la réalisation des suivis et des environnementaux des infrastructures de transport linéaires bilans
Il ressort des constats que la mission a pu faire que les suivis environnementaux aujourd'hui en cours, bien que s'appuyant sur les obligations du code de l'environnement, ne sont pas réellement en « ordre de marche » pour constituer les bases d'une réelle démarche globale d'évaluation. Le sujet des suivis environnementaux reste de fait peu développé dans les guides de référence déjà mentionnés, et celui des bilans encore moins. Il n'existe aucun document permettant d'aborder précisément l'ensemble des questions que doit se
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poser le maître d'ouvrage dès la constitution de son étude d'impact 54. Cette observation n'est pas spécifique aux infrastructures de transport, et l'opportunité d'un guide dédié pourra être posée dans un autre cadre. Les outils spécifiques aux infrastructures de transport devraient néanmoins sans attendre rappeler certains fondamentaux tels que les notions d'indicateurs pertinents au regard des enjeux environnementaux du projet, d'état de référence, d'efficacité des mesures et d'obligation de résultats, d'interprétation des données pour l'appréciation des effets réels du projet, etc. Afin d'en faciliter l'appropriation par les maîtres d'ouvrage, le sujet des suivis et des bilans pourrait faire l'objet de développements sectoriels (TCSP route ferroviaire). 4.3.3.2. Pour intégrer un périmètre de plus en plus large Entre les intervenants autour d'un projet, il existe une différence d'approche qu'il devient nécessaire d'expliciter pour clarifier les attentes : · Les maîtres d'ouvrage et les maîtres d'oeuvre travaillent dans une logique d'objectifs de résultats au regard de la satisfaction des objectifs du projet. C'est encore plus vrai dans un cadre de concession de service public ou de PPP. C'est une logique financière qui est sous-tendue par l'atteinte des fonctionnalités recherchées au coût minimal. · S'agissant de la protection de l'environnement (séquence ERC), les directives européennes confirmées par de multiples jurisprudences de la CJUE imposent aux maîtres d'ouvrage et aux maîtres d'oeuvre de satisfaire à des objectifs de moyens par le respect des procédures, mais également de résultats « compte tenu des connaissances et des méthodes d'évaluation existantes ». · Dans la pratique, et pour les raisons détaillées ci-dessus (cf. § 1.2.3), les maîtres d'ouvrage et les maîtres d'oeuvre peinent à trouver des solutions adaptées à toutes les situations et surcompensent dans les domaines qu'ils savent gérer (exemple de la grande faune). Au final, les deux approches se retrouvent sur certains points (tels que l'intégration du coût effectif des mesures compensatoires dans les bilans ex-post), et la difficulté à synthétiser le volet environnemental des bilans réduit souvent le bilan ex-post à la prise en compte de composantes environnementales auxquelles on peut affecter une valeur monétaire dans le calcul socio-économique, ce qui est fortement réducteur 55, et à la présentation d'inventaires plus ou moins détaillés en fonction des sujets observés. Début 2017, le CEREMA s'est vu confier la définition d'une méthodologie de suivi des mesures environnementales faune flore pour les projets d'infrastructures linéaires de transport, qui devrait être restituée fin 2018. Sans préjuger des conclusions et recommandations qui seront issues de ce travail, la mission invite le CEREMA ainsi que la DEB et la DGITM commanditaires, à s'assurer que le suivi permettra réellement
54
Les guides cités précédemment (note 24) posent des bases intéressantes, Ils restent néanmoins sur une approche très descriptive par thématique et ne font pas émerger la question du lien essentiel entre les enjeux environnementaux du projet et les suivis à mettre en place. De ce fait, ils peinent à inviter le maître d'ouvrage à une réflexion plus évaluative. Voir le rapport « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes » d'avril 2009 réalisé pour le Centre d'Analyse Stratégique par le groupe de travail présidé par Bernard Chevassus-au-Louis.
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un bilan des effets du projet sur l'environnement et le territoire du projet, et non des seuls effets des mesures inscrites dans les engagements de l'État. Ce point suppose que la démarche soit élargie, selon un calendrier à définir précisément, à l'ensemble des thématiques environnementales à enjeux pour les infrastructures de transports : eau, risques, bruit, pollution de l'air et santé humaine, gaz à effets de serre et contribution au changement climatique, etc. Les bilans ex-post imposés par le code des transports fournissent en outre une opportunité d'aller au-delà de l'analyse socio-économique traditionnelle, notamment en permettant de tracer l'histoire d'une infrastructure et en fournissant des éléments d'appréciation qualitative de son intégration sociale et environnementale. 4.3.3.3. Pour mieux répondre à des exigences accrues d'information et de transparence Au-delà de la nécessaire interprétation des données brutes qui constitue la clé du passage du suivi au bilan, un point délicat auquel sont confrontés les maîtres d'ouvrage est de rendre accessible les résultats aux personnes non spécialisées, et notamment le grand public. L'esprit de la Convention d'Aarhus et des textes pris pour son application est en effet de fournir ces données de base mais également de manière plus synthétique une information sur l'état de l'environnement qui résulte de la réalisation de l'infrastructure. Un point important peut être, par exemple, l'évolution des populations (grande et petite faune, flore spécifique, etc), de la qualité des eaux, ou de la qualité de l'air. Les maîtres d'ouvrage considèrent parfois remplir leurs obligations d'information par des opérations de communication ciblées sur les résultats des mesures de compensation, ou sur des espèces dont ils ne justifient pas préalablement de leur importance pour caractériser l'état de l'environnement. Dans le prolongement de l'observation faite au § 4-3-2 sur les besoins d'accompagnement méthodologique pour la réalisation des suivis et des bilans, il serait utile que l'administration précise ces obligations de communication. Des éléments méthodologiques pourraient décrire les rubriques principales et les modalités que les maîtres d'ouvrage devraient a minima respecter pour satisfaire aux obligations d'informations : · la nature des données sur lesquelles il faut communiquer ; · la manière de communiquer pour rendre accessible ces données (indication du public visé) ; · et enfin, la méthode de communication. 5. Recommandation à la DGITM : Compléter le guide « études d'impact des infrastructures linéaires » par des méthodologies relatives aux mesures de suivi environnemental, à l'établissement de bilans capables d'appréhender les effets des mesures et ceux du projet dans son ensemble, et à l'information du public sur le contenu des bilans.
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La mission note par ailleurs des modalités d'accès aux bilans peu intuitives et surtout hétérogènes. Les bilans d'infrastructure ferroviaires sont accessibles à partir de la page des ressources documentaires du site SNCF Réseau. Pour le domaine routier, le référencement internet des mots clés « bilan loti » assortis du nom d'une infrastructure (par exemple bilan Loti A65) renvoie uniquement au téléchargement de l'avis du CGEDD, mais ne donne pas accès au bilan lui-même. Les mots-clés « bilan loti autoroute » renvoient au site du CGEDD, qui lui-même renvoie, en bas de la page, au site de la DGITM, où il est possible de chercher la rubrique des bilans routiers. Celle-ci est en revanche directement référencée si l'on recherche « bilan loti routier ». La situation est encore plus hétérogène pour les infrastructures de portée plus locale, pour lesquelles il existe autant de modalités d'accès que de projets, les pages référencées étant de plus fréquemment obsolètes. La mission recommande un travail approfondi sur cette question, qui permettrait de rationaliser les référencements internet. Pour chaque infrastructure, l'information devra être rendue accessible de cette manière sur le site du maître d'ouvrage, et sa mise à disposition devra être relayée par des messages dans la presse locale et nationale à l'instar de ce qui se fait traditionnellement pour annoncer les enquêtes publiques d'opérations de taille significative. Cette obligation ferait l'objet d'une inscription dans les actes de concession. La DGITM pourrait également utilement s'inspirer par exemple des dispositifs du site de l'inventaire national du patrimoine naturel (qui regroupe et cartographie toutes les informations sur les sites Natura 2000, parcs, réserves, ZNIEFF, etc.) ou du site du ministère dédié aux installations classées, dans la perspective de création d'une plateforme dédiée permettant un accès centralisé aux bilans ex-post.
4.4. Développer des évaluations de politique publique par la réalisation de « synthèses de bilans »
La culture de l'évaluation était essentiellement développée par les centres techniques, aujourd'hui regroupés au sein du CEREMA, ce qui se traduisait notamment par la production de guides techniques de grande qualité. Les évolutions de structure qu'ont connues ces dernières années la DGITM et les services techniques du ministère ont eu pour effet de modifier cette situation. La mission estime néanmoins que cette culture de l'évaluation ne tient pas à la seule production de tels guides, et que la DGITM doit être à même de la diffuser dans ses propres services et auprès de l'ensemble des maîtres d'ouvrage. Par exemple, au sein de la sous-direction des transports ferroviaires et collectifs et des déplacements urbains, le bureau des opérateurs et des infrastructures de transport collectif a tenté d'intégrer des demandes de fournitures d'éléments socio-économiques dans l'appel à projet TCSP 2013. Pour autant, ces éléments ne faisaient pas partie des critères de choix pour l'attribution des subventions et seules un quart des réponses ont abordé le thème. De telles initiatives, qui concourent à la sensibilisation, l'information et la formation des maîtres d'ouvrages sont à encourager, mais leurs attentes nécessitent d'être précisées. Une manière efficace d'opérer serait de s'appuyer sur les retours d'expériences disponibles qui suffisent amplement pour ajuster les outils existants. Sans sous-estimer les difficultés à mobiliser les ressources nécessaires la mission considère que l'administration devrait réaliser à intervalle régulier (tous les cinq ans, par exemple) une synthèse des bilans ex-post pour mettre en évidence les évolutions constatées.
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6. Recommandation à la DGITM, au CGDD et au CGEDD : Réaliser et publier tous les cinq ans une synthèse des bilans ex-post. La réalisation de cette synthèse devrait impliquer la DGITM, le CGDD et le CGEDD. Cela suppose que la DGITM organise un suivi de l'activité des maîtres d'ouvrages concernés en vue d'obtenir la production des bilans dans les délais prescrits. Ces synthèses devraient être réalisées sur la base de cahiers des charges facilitant l'évolution des outils à la disposition des maîtres d'ouvrage et organisées selon un schéma analogue à celui des évaluations de politique publique (mise en place d'un comité de pilotage et d'une équipe projet). S'agissant d'évaluations qui auraient vocation à être récurrentes, il n'y aurait pas d'inconvénient à en simplifier le formalisme pour en faciliter la réalisation. Nous avons souligné dans les chapitres précédents l'intérêt que les maîtres d'ouvrage disent trouver dans les guides méthodologiques pour faciliter l'accomplissement de leurs différentes obligations. Ces synthèses seraient aussi l'occasion d'évaluer les apports de ces guides sur des bases objectives. 7. Recommandation au CGEDD : Les synthèses périodiques devraient concourir à l'évaluation des politiques de transport. Elles devraient être l'occasion de procéder à une évaluation des méthodologies utilisées.
4.5. Des outils d'analyse multi-critères devraient être rendus disponibles et pourraient s'adapter à la diversité des contraintes imposées aux infrastructures de transport
L'approche multi-thématique d'une opération d'infrastructure nécessite des outils adaptés à la grande variété des situations rencontrées. L'ensemble des acteurs s'accorde à reconnaître que la prise en compte des services écosystémiques dans le calcul socio-économique ne permet pas d'assurer une prise en compte suffisante de l'environnement. Il en va de même des dynamiques territoriales. Les causes en sont connues : limitation aux composantes auxquelles est affectée une valeur tutélaire, soit essentiellement les émissions de gaz à effets de serre, la pollution de l'air et les nuisances sonores ; monétarisation du coût des mesures environnementales, tandis que le bénéfice environnemental collectif correspondant ne l'est pas, etc. De ce fait, certains intervenants recommandent d'utiliser des méthodes d'analyse multi-critères56. Il n'entre pas dans le champ de la présente mission de revenir sur les fondements et la portée de l'évaluation socio-économique. Elle observe que l'instruction du gouvernement de juin 2014 stipule qu'il convient de compléter les résultats du calcul socio-économique par une présentation qualitative et si possible quantitative des effets
56
Avis de France Nature Environnement sur l'évaluation socio-économique des projets d'infrastructures et son intégration au processus de concertation en France. Avis communiqué dans le cadre des travaux du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (Groupe présidé par Émile Quinet). Septembre 2013.
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non monétarisables57 afin que ceux-ci ne soient pas négligés par le processus de prise de décision. Cette disposition simple et efficace reste encore peu appliquée, vraisemblablement du fait de l'insuffisante pratique qu'en ont les maîtres d'ouvrage et les organismes techniques qui les assistent. En effet pour être réellement utiles, il faut que les différents effets non monétarisables soient présentés de façon suffisamment homogène pour pouvoir être comparés dans la perspective d'une application correcte du principe de proportionnalité rappelé au 4-3-1. En pratique, la prise de décision dans un contexte où le choix d'une option oblige à aborder de nombreuses thématiques dont certaines peuvent être concurrentes, voire franchement contradictoires, peut s'appuyer sur l'analyse multi-critères qui permet de synthétiser la variété des contraintes dans un formalisme unique qui permet d'apprécier où sont les points critiques des opérations, ce qui facilite ce choix. Tel a été le cas lors des travaux de la Commission Mobilité 21 remis au gouvernement en juin 201358 et du Conseil d'Orientation des Infrastructures remis le 1er février 201859. Ceci étant, les outils d'analyse multi-critères existant aujourd'hui sont loin d'être universels. Dans la pratique des études d'impact, l'approche multicritère des problèmes se traduit souvent par un usage au final assez pauvre sans que l'on sache exactement apprécier la pertinence des paramètres retenus et quels sont les facteurs de pondération les plus adaptés. La mission considère toutefois que la recherche dans ce domaine a suffisamment progressé pour qu'il soit possible de tester des méthodes qui mettront en valeur les paramètres sur lesquels les risques (environnementaux et/ou socio-économiques) sont les plus sensibles permettant ainsi de fournir des informations intéressantes aux décideurs sur leurs marges de manoeuvre pour faire évoluer un projet. Bien utilisés, les outils d'analyse multi-critères doivent pouvoir rationaliser des approches éparses autour de quelques caractéristiques bien adaptées à la nature du projet étudié. En effet, quelle que soit la sophistication de ces méthodes, il est vraisemblable qu'il restera très difficile de traiter par une méthode unique les opérations urbaines, les opérations inter-urbaines et les opérations ferroviaires. Compte tenu de la demande sociale d'approche globale de l'évaluation des projets de transport et des précautions méthodologiques qu'appellerait l'utilisation systématique de méthodes multicritères, des expérimentations devraient être menées à l'occasion de prochains bilans ex-post en liaison avec des organismes de recherche pour apprécier plus précisément le caractère informatif de ces méthodes dans les prises de décision. 8. Recommandation à la DGITM : Les prochains bilans ex-post devraient être l'occasion d'expérimenter des outils modernes d'analyse multi-critères pour les différents types d'infrastructure (ouvrage routier interurbain, TCSP, ligne ferroviaire).
57
Note technique du 27 juin 2014, Annexe 1, partie 5.2.1 Rapport de la Commission Mobilité 21 « Pour un schéma national de mobilité durable » accessible par le lien : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000396.pdf Rapport « Mobilités du quotidien : Répondre aux urgences et préparer l'avenir » (30/01/18).
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4.6. Les maîtres d'ouvrage doivent se faire accompagner sur les parties les plus critiques des projets
L'obligation d'établissement du bilan ex-post est d'autant plus délicate à satisfaire que l'organisation du maître d'ouvrage évolue depuis les études préliminaires jusqu'à la phase de DUP, en passant par la phase de travaux et jusqu'à la phase de mise en exploitation de l'infrastructure. Ces différentes étapes s'étalent sur des périodes allant de dix à quinze ans, voire plus. Les obligations nécessitent de reconstituer l'ensemble du dossier soumis à l'enquête d'utilité publique. Il en est ainsi au niveau des trafics qui servent à fonder les équilibres techniques et financiers de l'opération (les trafics constatés et les modèles de trafic utilisés pour anticiper les évolutions). Il en est de même pour les données environnementales qui se sont affinées au cours des études successives, notamment pour répondre aux exigences de la séquence ERC. La réponse à des exigences aussi précises sur des durées aussi longues nécessite un minimum d'anticipation et d'organisation. Dans le cadre de son obligation, le maître d'ouvrage doit présenter un ensemble cohérent de données qui seront communiquées au public. L'accompagnement du maître d'ouvrage par des structures compétentes est un facteur clé de réussite. Il est important que les bureaux d'études engagés auprès des maîtres d'ouvrage soient en capacité de justifier des mesures prises pour que le maître d'ouvrage puisse à son tour satisfaire à ses obligations réglementaires. Ce constat a conduit à mettre en place, en janvier 2017, la charte d'engagement des bureaux d'études, à ce stade uniquement centrée sur la qualité des études environnementales60. Les obligations imposées dans le domaine de l'évaluation environnementale se déclinent en sept catégories dont les trois premières sont généralistes et les quatre dernières font appel à des compétences spécialisées : · garantir l'indépendance ; · assurer un devoir de conseil et la confidentialité ; · travailler en toute transparence ; · proposer des moyens adaptés ; · identifier les compétences adaptées ; · mobiliser des compétences adaptées ; · disposer d'une capacité en organisation, en gestion de projet et d'un suivi de la qualité.
60
On trouvera à l'adresse suivante tous les éléments relatifs à cette charte : https://www.ecologiquesolidaire.gouv.fr/charte-dengagement-des-bureaux-detudes
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Les qualités nécessaires des bureaux d'études s'expriment en des termes identiques pour les études environnementales ou les études de transport. Il serait donc utile de réfléchir également à une charte d'engagement de même nature dans ce dernier domaine.
9. Recommandation à la DGITM et au CGDD : Réfléchir à l'extension de la charte d'engagement des bureaux d'études en matière environnementale au domaine des études de transport.
4.7. La qualité des bilans dépend de l'organisation des maîtres d'ouvrage et des obligations imposées par la puissance publique.
Les instructions successives ont mentionné cette nécessité. Dans la circulaire Robien il est demandé que le maître d'ouvrage du projet consigne tous les composants de l'évaluation dans un document de synthèse dont il assurera l'initialisation et le suivi tout au long de l'élaboration et de la réalisation du projet (à compter de l'établissement du dossier d'enquête publique préalable à la DUP), en notant les événements ayant conduit à une modification de tel ou tel de ces composants, qu'il s'agisse par exemple, d'un changement d'environnement économique, d'une évolution de la consistance du projet, des imperfections des méthodologies utilisées pour les prévisions ou de la non pertinence des données ou hypothèses ayant servi de base aux prévisions. Cet « historique » des composants de l'évaluation du projet, depuis les évaluations initiales jusqu'aux premières années de mise en exploitation constitue le document essentiel permettant d'en établir le bilan a posteriori prescrit par l'article 14 de la LOTI (devenu L.1511). Dans son § 7, la note technique du 27 juin 2014 de la DGITM traite également des dispositions très concrètes à prendre pour l'archivage des données de l'évaluation ex-ante et des documents préparatoires à la décision publique. En effet, il est rappelé que l'archivage des données incombe au maître d'ouvrage (maître d'ouvrage délégué en cas de concession ou de PPP). Cet archivage doit débuter dès le stade du débat public ou de la déclaration de projet et à tout le moins dès les études d'opportunité, même si les données servant de base à la comparaison ex-post / ex-ante seront les données officiellement présentées au public lors de l'enquête publique et de la déclaration d'utilité publique ou de la déclaration de projet et qui résultent généralement des études préalables. Il est expressément demandé d'archiver les données fondant les décisions d'approbation ministérielle. Il en est de même de toute modification de conception du projet avant sa réalisation. Enfin, à la lumière des difficultés d'organisation constatées lors de l'élaboration de certains bilans, la note technique traite de l'organisation dans la durée de la collecte des informations nécessaires à l'évaluation ex-post.
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Le processus de suivi-évaluation s'inscrit au long de quatre périodes caractéristiques : · la situation existante ou l'état initial avant la réalisation du projet qui aura servi de base aux évaluations ex-ante ; · la réalisation du projet : la période d'analyse des informations correspond à la durée de construction du projet ; · l'exploitation, une fois le projet mis en service ; · la réalisation de l'évaluation ex-post proprement dite. Le recueil des informations nécessaires à l'évaluation ex-post est l'un des éléments du système de suivi-évaluation. Il comporte des informations économiques, financières, environnementales et sociales, relatives à la gouvernance du projet et à l'identification, l'analyse et la gestion des risques. Le recueil des informations est mis en oeuvre dès la décision de réaliser le projet (souvent à partir de l'élaboration du dossier d'enquête publique ou de la déclaration de projet). Il se poursuit pendant la réalisation du projet et après la mise en service, ce qui nécessite qu'un budget et des moyens matériels et humains soient réservés à cet effet. Les dispositions de la note technique sont ainsi très complètes et visent à guider les maîtres d'ouvrage pour la réalisation des bilans. Pour répondre à l'exigence d'information et de transparence attendue actuellement, il conviendrait de clarifier les obligations des maîtres d'ouvrage au regard de l'ensemble des données accumulées tout au long de l'opération... Des dispositions techniques pourraient être spécifiées, à l'instar de celles existant désormais dans le code de l'environnement qui encadrent très précisément la conservation et la mise à disposition des études d'impact sous forme informatique61. Il a été rappelé plus haut que les instructions successives ont tenu une position constante sur la nécessité pour les maîtres d'ouvrage de s'impliquer dans la réalisation d'un bilan ex-post ambitieux, de nature à réellement répondre aux aspirations citoyennes de transparence et aux besoins de retours d'expérience. Repartant de son constat de dispositions réglementaire dans le domaine des transports qui ont peu évolué depuis 35 ans, la mission estime que la consolidation des dispositions du code, tout particulièrement son article R.1511-8 consacré aux bilans ex-post, serait de nature à réaffirmer cette position. Cet article est actuellement ainsi rédigé : « Le bilan, prévu par l'article L. 1511-6, des résultats économiques et sociaux des infrastructures dont le projet avait été soumis à l'évaluation, est établi par le maître d'ouvrage au moins trois ans et au plus cinq ans après la mise en service des infrastructures concernées.
61
Article R. 122-12 : « (...) les maîtres d'ouvrage versent leur étude d'impact, dans l'application informatique mise gratuitement à leur disposition par l'État, sous un format numérique ouvert pour une durée de quinze ans. Le fichier de cette étude est accompagné d'un fichier des données brutes environnementales utilisées dans l'étude, au format ouvert et aisément réutilisable, c'est-à-dire lisible par une machine et exploitable par traitement standardisé de données. » (dispositions applicables au 1er janvier 2018).
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La collecte des informations nécessaires au bilan est organisée par le maître d'ouvrage dès la réalisation du projet. » Trois points d'amélioration utile ont été relevés. · l'affirmation nécessaire d'assortir les résultats économiques et sociaux d'un volet environnemental conséquent ; · la passerelle à créer vers les dispositions du code de l'environnement qui prescrivent en particulier la réalisation d'un « suivi des incidences du projet sur l'environnement ou la santé humaine » (article L.122-1-1) et la transmission à l'autorité décisionnaire d'un « bilan (...) afin de vérifier le degré d'efficacité et la pérennité de ces prescriptions, mesures et caractéristiques », afin de montrer qu'il s'agit bien d'un même et unique dispositif ; · le rappel de la nécessité de collecte et d'archivage des données dès la réalisation des premières phases d'étude préalables à la décision d'autoriser l'infrastructure. 10. Recommandation à la DGITM : Mettre à jour les dispositions de l'article R.1511-8 du code des transports en fonction de l'évolution de la partie législative de ce code. Il en découlera certainement une nécessité de mise à jour de la fiche-outil VIII sur les données à recueillir pour le bilan ex-post.
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Conclusion
L'obligation faite aux maîtres d'ouvrages par la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs d'établir des bilans ex-post des projets de transport était une disposition innovante qui reste encore aujourd'hui une spécificité française. Trente-cinq ans après son instauration, cet exercice conserve sa pertinence et son actualité dans le contexte d'une demande d'information et de transparence toujours plus grande de la plupart des parties prenantes. Même si la partie législative du code des transports a été actualisée pour prévoir la prise en compte d'effets de plus en plus diversifiés dans les études des projets de transport, la partie réglementaire est restée pratiquement inchangée en ce qui concerne les bilans ex-post. Les instructions ministérielles successives ont toutefois apporté un certain nombre de précisions sur le contenu de l'obligation d'établissement du bilan ex-post. Pendant ce temps le code de l'environnement a évolué pour décrire de façon de plus en plus détaillée l'obligation du suivi des effets des projets de transports après leur réalisation. Il serait de bonne administration d'assurer la cohérence des obligations de suivi et de bilan pour donner plus de sens et d'utilité aux bilans et de faciliter la satisfaction de ces obligations pour les maîtres d'ouvrage. Les deux domaines de l'analyse économique des projets et de la protection de l'environnement devraient se retrouver naturellement dans un bilan ex-post en particulier lorsqu'il s'agit d'évaluer le bilan coût avantage des mesures de compensation. Au cours de ses travaux la mission a relevé l'insuffisance des méthodologies permettant une bonne application du principe de proportionnalité et donc le risque que les enjeux les plus importants des projets de transport en matière d'environnement ne soient pas correctement couverts alors que l'attention serait concentrée sur des sujets moins importants mais plus faciles à analyser et à traiter. La mission recommande l'engagement d'améliorations de la méthodologie d'élaboration des études des projets de transports utile à l'établissement des bilans expost pour éviter que l'exercice prescrit par la loi ne dérive vers un exercice formel et insuffisamment porteur de sens pour les maîtres d'ouvrage et pour les parties prenantes concernées par les effets des projets. Cela devrait passer par l'actualisation des commandes de méthodologie et d'études passées aux organismes techniques en veillant à associer toutes les disciplines concourant à l'établissement de bilans aussi complets que possible. Peut-être faudra-t-il, à cette occasion, réfléchir sur le rôle des comités de suivis à ce niveau. Ce sujet, qui dépasse le cadre de la lettre de mission, mériterait un développement spécifique tant l'existence de ces comités et l'impulsion qu'ils sont susceptibles de donner semblent déterminants pour le bon déroulement de l'opération et la réalisation d'une évaluation de qualité. De même faudrait-il s'interroger pour les opérations les plus importantes sur le statut et le rôle des observatoires qui permettent de structurer les suivis, tant socio-économiques qu'environnementaux, avant même les premières phases de la réalisation de l'infrastructure.
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Il importe toutefois de ne pas réduire les exercices de suivi et de bilan environnemental aux bilans ex-post. Le bilan ex-post fournit une première opportunité d'évaluer les effets à une date donnée d'un projet déjà réalisé et de comparer la situation réellement constatée avec les prévisions faites lors des études préalables à la décision d'engagement. Le suivi prescrit par le code de l'environnement a vocation à s'étendre dans le temps au-delà de la réalisation du bilan ex-post, en particulier parce que les effets observés continuent à se développer après cette réalisation. Les deux exercices apparaissent ainsi clairement comme complémentaires.
Michel Massoni
Bruno Lebental
Thérèse Perrin
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
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Annexes
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1. Lettre de mission
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2. Liste des personnes rencontrées
Organisme
Prénom
Nom
Fonction
Date de rencontre
LAET
Yves Xavier Jean-Jacques David
Crozet Bonnet
20 javril
25 avril Becker Meunier 25 avril (8 septembre) Chef du bureau I3DPP2 I3DDP2 25 avril 27 avril
CGDD SEEIDD Valery Lemaitre
8 septembre
Fabien LAET SNCF Réseau Alain Emmanuel Francois Jean-Francois Emmanuel Bertrand Xavier Olivier Helene
Benoit Bonnafous Favre-Bulle Tainturier Ducoing Kosal
DST-FCD3 Poupin Delache Gavaud Le Maitre SAGS-EP
3 mai
10 mai (7 juin) 10 mai 10 mai (18 septembre) 22 mai (18 septembre) 18 septembre DIT-ARN
Michel DGITM Guillaume Éric Christophe Olivier Nora Jordan Gaetan Martin AFB DGEC/SCEE/SD5/5 B Ae Veronique Edwige
Hersemul Brejassou Gardais Amat Guichou Susbielle
22 mai Cartier Jacolin De Wissocq De Billy Duclay DIT/RFV MARRN 12 juin 14 juin
Philippe
Ledenvic
16 juin
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Organisme
Prénom Georges Pascal Yves Tempez Rossigny Rougier
Nom
Fonction
Date de rencontre
DTecITM
CEREMA Serge Charlotte Pierre Francois FNE CEREMA FNE CGEDD/MRR CINOV Jean Bruno Christian Christian Thierry Christophe SYNTEC Ingénierie Anne Villette Le Bris Nouaille Thevenon Lhuissier Hosy Barthod Saniez Longepierre Zimmermann Délégué général Déléguée Construction Directeur Adjoint Directeur de projets Directrice Directeur Adjoint Directeur du laboratoire SPLOTT Directrice du laboratoire EASE Laboratoire EASE (spécialité environnement) Laboratoire SPLOTT (spécialité transports) D4P DterOuest/MISEDD DTecTV/EREN DTecTV/DD/STSM
16 juin
19 juin 22 juin 6 septembre 12 septembre 14 septembre
EGIS Environnement SETEC International INGEROP IRIS Conseil
Stéphane Lionel Claude Yves François
Pradon Bertrand Bessière Blondelot Combes
18 septembre
21 septembre
Véronique IFSTTAR/AME
Cerezo
22 septembre
Pascal
Gastineau
Martin
Koning
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3. Liste des avis de CGEDD sur les bilans ex-post
(Arrétée au 31 décembre 2016)
-- A432 section La Boisse Saint-Laurent-de-Mure-Avis n° 007513-01 mars 2016 -- Prolongement de la ligne 14 de la RATP Avis n° 010335-01 février 2016 -- Autoroute A29. Neufchâtel-en-Bray Amiens Saint-Quentin Avis n° 010308-01 décembre 2015 -- Autoroute A43 de la Maurienne Avis n° 010315-01 décembre 2015 -- Contournement nord d'Angers (autoroute A 11) Avis n° 010158-01 novembre 2015 -- Réalisation de l'autoroute A 28 Alençon Rouen Avis n° 010157-01 novembre 2015 -- Tramway T3 sur les boulevards des Maréchaux Sud à Paris-Avis n° 010205-01 juillet 2015 -- A77 Section non concédée Cosne-Cours-sur-Loire Nevers-Avis n° 010046-01 mai 2015 -- Autoroute A 85 Angers-Vierzon-Avis n° 010047-01 avril 2015 -- Liaison Ermont-Eaubonne Saint-Lazare (EESL) Avis n° 009847-01 janvier 2015 -- Réouverture aux voyageurs de la Grande Ceinture Ouest (GCO) Avis n° 00984601 janvier 2015 -- Voie express Rennes Saint-Malo (ex RN 137) Avis n° 009729-01 octobre 2014 -- LGV Est européenne (phase 1) Avis no_009145-01 juillet 2013 -- Autoroute A 28 Alençon-Tours Avis n° 008517-01 février 2013 -- Aménagement des infrastructures aéronautiques de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle Avis n° 008039-01 juillet 2012 -- Électrification de la ligne Rennes Saint-Malo Avis n° 007847-01 juillet 2011 -- Autoroute A83 Nantes Niort Avis n° 007538-01 juin 2011 -- Autoroute A 20 (Section Brive Montauban) Avis n°007284-01 avril 2011 -- Opération du tramway T2 Avis n°007715-01 mai 2011
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-- Section autoroutière de l'A75 Engayresque-La Cavalerie sud, comprenant le viaduc de Millau Avis n° 007191-01 février 2011 -- Autoroute A66 (bifurcation A61 Pamiers) Avis n° 007283-01 novembre 2010 -- Déviation de la RN 12 à Jouars Pontchartrain Avis n° 007447-01 novembre 2010 -- A16 : section concédée : L'Isle-Adam Amiens Boulogne et A16 : section non concédée : Boulogne Frontière Belgique Avis n° 007087-01 juillet 2010 -- A75 Clermont-Ferrand Sévérac-le-Château Avis n° 006652-01 avril 2010 -- Électrification de la ligne ferroviaire Paris Clermont-Ferrand Rapport n° 007156-01 janvier 2010 -- Autoroute A26 Châlons-en-Champagne Troyes Avis n° 003820-02 décembre 2009 -- Autoroute A51 Sisteron-La Saulce Avis n° 006654-01 novembre 2009 -- Autoroute A 29 sections Pont de Normandie-A13 et Le Havre-Saint-Saens et du Pont de Normandie Avis n° 006600-01 octobre 2009 -- Électrification de la ligne ferroviaire Paris Caen Cherbourg et de l'aménagement de la ligne ferroviaire Paris Granville Avis du CGEDD n° 006948-01 et n° 00694901 septembre 2009 -- Autoroute A5 La Francilienne Troyes Avis du CGEDD n°005616-01 janvier 2009 -- Électrification des lignes ferroviaires de Bretagne Avis du CGEDD n° 005921-01 juillet 2008 -- Autoroute A 39 Sections Dijon Dôle et Dôle Bourg-en-Bresse Avis CGPC n° 005322-01 juillet 2008 -- Autoroute A 19 Section Sens Courtenay Avis CGPC n° 005138-01 juillet 2008 -- LGV Rhône-Alpes et Méditerranée Rapport CGEDD n° 005448-01 Avis délibéré du CGEDD n°005448-01 juillet 2008 -- Avis du CGPC sur le bilan LOTI de l'autoroute A 77 Section Dordives Cosnesur-Loire Avis du CGPC n°005781-01 juin 2008 -- Avis du CGPC sur le bilan LOTI du « contrôle de vitesse des trains par balises (KVB) Avis du CGPC n° 005721-01 mars 2008 -- Autoroute A54 (Saint-Martin-de-Crau Salon-de-Provence) n° 005295-01 décembre 2007 -- Tunnel du Puymorens Avis CGPC n°005172-01 décembre 2007 -- Gares RER du Stade de France Bilan LOTI RER Stade de France RFF novembre 2006 Avis CGPC n° 005438-01) août 2007
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-- Autoroute A837 (Saintes-Rochefort) Société concessionnaire ASF n° 5173-01 / Avis du CGPC : A837 juillet 2007 -- RER D (interconnexion gare de Lyon-Châtelet), RER E (Eole) et ligne de métro 14 (Météor) Bilan LOTI interconnexion du RER D Châtelet-gare de Lyon RFF mars 2006 Bilan LOTI RER E RFF mars 2006 Avis CGPC n°004956-01 juin 2007 -- Autoroute non concédée A28 (Rouen-Abbeville) DRE Haute-Normandie et Picardie rapport relatif à l'A28 n° 004891-01 / Avis du CGPC : A28 février 2007 -- Autoroute non concédée A20 (Vierzon-Brive) Rapport Direction Régionale de l'Équipement du Limousin n°004812-01 / Avis du CGPC : A20 février 2007 -- RN 24 Direction Régionale de l'Équipement de la Bretagne n° 004813-01 / Avis du CGPC : RN24 janvier 2007 -- LGV Nord Europe et Interconnexion Ile-de-France Bilan LOTI LGV Nord RFF mai 2005 Bilan LOTI Interconnexion Ile-de-France RFF septembre 2005 Avis CGPC n°004624-01 juillet 2006 -- Autoroute A14 (Orgeval-Nanterre) Société concessionnaire SAPN Avis du CGPC : A14 novembre 2005 -- Autoroute A57 (Cuers/Le-Cannet-des-Maures) Société concessionnaire ESCOTA n° 2004-0263-01 / Avis du CGPC : A57 décembre 2004 -- Ligne de tramway entre Saint-Denis et Bobigny (93) Avis CGPC n°2002-0140-01 novembre 2003 -- TGV atlantique Avis CGPC n°1999-0163-01 juillet 2001 -- Aménagement de la liaison Montmélian-Albertville-Moûtiers concessionnaire AREA Avis du CGPC : A43 novembre 1999 Société
-- Autoroute A49 (Grenoble-Valence) Société concessionnaire AREA Avis du CGPC : A49 novembre 1999
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4. Fondamentaux de l'étude d'impact et évolution du code de l'environnement
(extraits susceptibles de s'appliquer aux infrastructures de transport)
Pour mémoire : L'étude d'impact est « transmise pour avis à l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement » depuis la loi n°2005-1319 du 26 octobre 2005. Le code retient aujourd'hui le seul terme d'« autorité environnementale ».
Contenu de l'étude d'impact (hors suivi et bilans)
L. 122-1 et L.122-3 actuels Un projet est constitué de travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage L.122-1 et L. 122-3 de 2010 à 2016 Notions : - de projet de travaux, d'aménagements et d'ouvrages - de programme (projets constituant une unité fonctionnelle) Les projets (susceptibles de...) sont précédés d'une étude d'impact Si réalisation échelonnée dans le temps, chaque étude d'impact doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme L.122-1 et L.122-3 avant 2010 Notions de travaux, d'aménagements et d'ouvrages
Les projets (susceptibles de...) font l'objet d'une évaluation environnementale Un projet doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l'espace et en cas de multiplicité de maîtres d'ouvrage, afin que ses incidences sur l'environnement soient évaluées dans leur globalité. Apprécier les incidences sur : la population et la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air et le climat, les bien matériels, le patrimoine culturel et le paysage, l'interaction entre ces facteurs, y compris celles susceptibles de résulter de la vulnérabilité du projet aux risques d'accidents majeurs et aux catastrophes au minimum : a) description du projet (localisation, conception, dimensions, autres caractéristiques pertinentes) b) description des incidences
Les études préalables (aux aménagements susceptibles de...) doivent comporter une étude d'impact
au minimum : description du projet, analyse de l'état initial de la zone susceptible d'être affectée et de son environnement, effets du projet sur l'environnement ou la santé humaine, y compris les effets cumulés avec d'autres projets connus, les mesures
au minimum : analyse de l'état initial du site et de son environnement, modifications que le projet y engendrerait, effets sur la santé, mesures envisagées pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les
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notables probables du projet sur l'environnement c) description des caractéristiques du projet et des mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser les incidences négatives notables probables sur l'environnement d) description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, eu égard aux incidences du projet sur l'environnement ; infrastructures de transport : analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité, évaluation des consommations énergétiques résultant de l'exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu'elle entraîne ou permet d'éviter e) résumé non technique f) Toute information supplémentaire, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et des éléments de l'environnement sur lesquels une incidence pourrait se produire.
proportionnées envisagées pour éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables.
conséquences dommageables pour l'environnement et la santé ;
esquisse des principales solutions de substitution qui ont été examinées par le maître d'ouvrage et une indication des principales raisons de son choix, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine
Idem actuel
Idem actuel
Idem actuel
R. 122-5 actuel
R. 122-5 de 2012 à 2016
Principes Idem actuel [travaux, ouvrages et aménagements]
R. 122-3 de 1976 à 2012
En relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement
Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone et à l'importance des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions, et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine Localisation Caractéristiques physiques, y compris travaux de démolition
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Description du projet Conception et dimension, en particulier caractéristiques
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nécessaires et exigences en matière d'utilisation des terres lors des phases de construction et de fonctionnement Principales caractéristiques de la phase opérationnelle : procédé de fabrication, demande et utilisation d'énergie, nature et quantité des matériaux et ressources naturelles utilisées Types et quantités de résidus et d'émissions attendus : pollution de l'eau, de l'air, du sol, du soussol, bruit, vibration, lumière, chaleur, radiation, types et quantités de déchets, en construction et en fonctionnement Description des apects pertinents de l'état actuel de l'environnement dénommée « scénario de référence » Evolution en cas de mise en oeuvre du projet Aperçu de l'évolution probable en l'absence de mise en oeuvre du projet [nota : notion d'effort raisonnable de l'évaluation] Facteurs susceptibles d'être affectés de manière notable : Population Santé humaine Biodiversité
physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement Principales caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication, notamment mis en oeuvre pendant l'exploitation, telles que la nature et la quantité des matériaux utilisés Estimation des types et des quantités des résidus et des émissions attendus résultant du fonctionnement du projet proposé
États de référence État initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur État initial du site et de son environnement, portant notamment sur
Population Bruit Faune et la flore, habitats naturels, sites, continuités écologiques, équilibres biologiques Sol Eau Air Facteurs climatiques Biens matériels Sites, patrimoine culturel et archéologique Paysages
Espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs Interrelations entre ces éléments Espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs
Richesses naturelles
Terres Sol Eau Air Climat Biens matériels Patrimoine culturel, y compris architecturaux et archéologiques Paysage
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Effets Incidences notables sur l'environnement, résultant : - de la construction et de l'existence du projet, y compris travaux de démolition - de l'utilisation des ressources naturelles, en particulier terres, sol, eau, biodiversité - de l'émission de polluant, du bruit, de la vibration, de la lumière, la chaleur et la radiation, de la création de nuisances et de l'élimination et la valorisation des déchets - des risques pour la santé humaines, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement - du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou appouvés - des incidences du projet sur le climat et de la vulnérabilité du projet au changement climatique - des technologies et des substances utilisées Sur les facteurs de l'article L. 122-1 [soit : - la population et la santé humaine ; - la biodiversité, en accordant une attention particulière aux espèces et aux habitats protégés au titre des directives oiseaux et habitats ; - les terres, le sol, l'eau, l'air et le climat ; - les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage ;] - l'interaction entre ces facteurs Effets directs, et le cas échéant indirects secondaires, cumulatifs, transfrontaliers, à court, moyen et long terme, permanents et temporaires, positifs et négatifs Incidences négatives liées à la vulnérabilité du projet à des risques d'accidents ou de catastrophes majeurs Mesures ER Préparation et réponse envisagée à ces situations d'urgence Effets du projet, effets cumulés avec d'autres projets connus Effets du projet
Sur les éléments ci-dessus et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux
Sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique Effets directs et indirects, temporaires et permanents
Effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme Vulnérabilité aux accidents
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Variantes Solutions de substitution raisonnables examinées et principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine Principales solutions de substitution examinées et raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu Raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu
Plans et programme Compatibilité PP et prise en compte SRCE Mesures Pour éviter les effets négatifs notables sur l'environnement ou la santé humaine, et réduire ceux n'ayant pu être évités Compenser, lorsque cela est possible les effets [résiduels] Idem actuel Pour supprimer, réduire
Idem actuel
et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé
Justifier l'impossibilité de compenser Estimation des dépenses ERC Exposé des effets attendus des mesures Méthodes de prévision ou éléments probants pour l'évaluation des incidences
Idem actuel Idem actuel Idem actuel Méthodes Méthodes pour l'état initial et l'évaluation des effets, raison du choix si plusieurs méthodes Difficultés techniques ou scientifiques Idem actuel
Méthodes pour l'évaluation des effets, raison du choix si plusieurs méthodes Idem
Noms, qualités et qualifications des experts, références des études
Noms et qualités des auteurs, références des études Programme Lorsque le projet concourt à la réalisation d'un programme de travaux dont la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact comprend une appréciation des impacts de l'ensemble du programme Lorsque la totalité des travaux prévus au programme est réalisée de manière simultanée, l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme. Lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact de chacune des phases de l'opération doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme
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Infrastructures de transport Conséquences prévisibles du projet sur le développement éventuel de l'urbanisation Enjeux écologiques et risques potentiels liés aux aménagements fonciers agricoles et forestiers (AFAF) induits Coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité Consommations énergétiques résultant de l'exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu'elle entraîne ou permet d'éviter Hypothèses de trafic, conditions de circulation et méthodes de calcul utilisées Principes des mesures de protection contre les nuisances sonores Vaut étude d'incidences si R. 181-14 satisfait (autorisation unique) Vaut évaluation d'incidences si R. 414-23 satisfait (Natura 2000) [et selon cas par cas] Idem actuel
Idem actuel
Idem actuel
Idem actuel
Idem actuel
Idem actuel
Idem actuel
Idem actuel
Passerelles Vaut document d'incidences si R. 214-6 satisfait (autorisation « loi sur l'eau ») Vaut évaluation d'incidences si R. 414-23 satisfait (Natura 2000)
Dispositions spécifiques aux bilans et suivis environnementaux
L. 122-1-1 actuel
La décision de l'autorité compétente (...) précise également les modalités du suivi des incidences du projet sur l'environnement ou la santé humaine
L. 122-3 de 2010 à 2016
(l'étude d'impact comprend...) une présentation des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets sur l'environnement ou la santé humaine
Avant 2010
R. 122-5 actuel
Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées
R. 122-5 de 2012 à 2016
(...) une présentation des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets sur les [composantes environnementales]
Avant 2012
R. 122-13 actuel
Le suivi de la réalisation des prescriptions, mesures et caractéristiques du projet
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R. 122-14 et R.122-15 de 2012 à 2016
La décision d'autorisation du projet mentionne : 1° les mesures (...) [ERC]
Avant 2012
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destinées à éviter, réduire et compenser les effets négatifs notables de celui-ci sur l'environnement et la santé humaine ainsi que le suivi de leurs effets sur l'environnement font l'objet d'un ou de plusieurs bilans réalisés sur une période donnée et selon un calendrier que l'autorité compétente détermine... ...afin de vérifier le degré d'efficacité et la pérennité de ces prescriptions, mesures et caractéristiques.
2° les modalités du suivi des effets du projet sur l'environnement ou la santé humaine ; 3° les modalités du suivi de la réalisation des mesures prévues au 1° ainsi que du suivi de leurs effets sur l'environnement, qui font l'objet d'un ou plusieurs bilans réalisés selon un calendrier que l'autorité compétente pour autoriser ou approuver détermine. Le suivi des mesures consiste en une présentation de l'état de réalisation de ces mesures, à travers un ou plusieurs bilans, permettant de vérifier le degré d'efficacité et la pérennité de ces mesures, sur une période donnée. Ce ou ces bilans sont transmis pour information par l'autorité compétente pour prendre la décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. Le contenu du dispositif de suivi est proportionné à la nature et aux dimensions du projet, à l'importance de ses impacts prévus sur l'environnement ou la santé humaine ainsi qu'à la sensibilité des milieux concernés. Au vu du ou des bilans du suivi des effets du projet sur l'environnement, une poursuite de ce suivi peut être envisagée par l'autorité qui a autorisé ou approuvé le projet
Ce ou ces bilans sont transmis pour information, par l'autorité compétente pour prendre la décision d'autorisation, aux autorités (...) qui ont été consultées [autorité environnementale]. Le dispositif de suivi est proportionné à la nature et aux dimensions du projet, à l'importance de ses incidences prévues sur l'environnement ou la santé humaine ainsi qu'à la sensibilité des milieux concernés. L'autorité compétente peut décider la poursuite du dispositif de suivi au vu du ou des bilans du suivi des incidences du projet sur l'environnement.
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5. Glossaire des sigles et acronymes
Acronyme BEI CEREMA CETE CGDD CGEDD CGPC CNPN DEB DGITM DTecITM ERC FNE GES IFFSTAR LGV LOTI LUTI OCDE RST SETRA SNCF TCSP ZNIEFF Signification Banque Européenne d'investissement Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement Centre d'études techniques de l'équipement Commissariat general au développement durable Conseil général de l'environnement et du développement durable Conseil général des ponts et chaussées Conseil national de protection de la nature Direction de l'eau et de la biodiversité Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer Direction technique Infrastructure de transport et matériaux Démarche « Éviter, Réduire, Compenser » France nature Gaz à effet de serre Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux Ligne à grande vitesse Loi d'orientation des transports intérieurs Land Use Transport Interaction Organisation de coopération et de développement économiques Réseau scientifique et technique Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements Société nationale des chemins de fer français Transport en commun en site propre Zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique
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