Démarches paysagères en Europe. Éléments de parangonnage pour les politiques publiques françaises

CABRIT, Jean-Luc ; SOULIE, Marie-Christine ; THIBAULT, Jean-Pierre

Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
Auteur secondaire
Résumé
<p style="margin-bottom: 0cm; font-style: normal; font-weight: normal; text-decoration: none; text-align: justify;"><span style="font-size:12px;"><font color="#000000"><font face="Liberation Sans, sans-serif"><font style="font-size: 10pt">En ratifiant en 2006 la Convention européenne du paysage, la France a pris l'engagement d'une amélioration de la qualité de ses paysages et d'une meilleure maîtrise de leur évolution, notamment dans les espaces ruraux et les périphéries urbaines. Se plaçant dans ce cadre, et poursuivant ses travaux sur la politique du paysage en France, le CGEDD a entrepris d'observer et d'analyser les politiques paysagères de huit pays voisins : Irlande, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Suisse, Italie et Espagne, dont les pratiques et certaines expériences pourraient être utilement transposées dans le contexte national. Le rapport commence par évoquer les tendances significatives observées au fil des investigations ; note deux grands domaines d'évolution, celui des principes et celui des pratiques. Il examine ensuite les marges de progrès de la France dans la mise en oeuvre de la Convention et formule huit recommandations. La première, de nature transversale, consiste à élaborer une stratégie nationale interministérielle du paysage, qui aborderait le paysage comme une dimension facilitatrice et intégratrice des politiques sectorielles et non comme une politique annexe ou isolée. Les sept autres recommandations contribuent à la mise en oeuvre de la première, en proposant des mesures permettant, soit d'en alimenter les réflexions préalables, soit de lancer la dynamique en préparant l'avenir. Le rapport conclut sur les résistances à la mise en oeuvre des engagements européens de la France dans ce domaine, du fait des cloisonnements administratifs et disciplinaires. Devant le fort désir de contribution citoyenne aux actions locales sur les territoires et l'exigence accrue d'un cadre de vie de qualité, la France doit poursuivre, amplifier et surtout mieux coordonner ses actions en faveur de la reconquête qualitative du paysage.</font></font></font></span>
Editeur
CGEDD
Descripteur Urbamet
stratégie ; politique publique ; évaluation des politiques publiques ; aspect juridique ; éducation ; paysage ; paysagisme
Descripteur écoplanete
politique du paysage ; étude de paysage ; aménagement du paysage ; comparaison internationale
Thème
Environnement - Paysage ; Aménagement du territoire
Texte intégral
MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE Démarches paysagères en Europe Éléments de parangonnage pour les politiques publiques françaises Maisons en bande à Cobh ­ Irlande ­ photo JLC Rapport n°010731-01 établi par Jean-Luc CABRIT (coordonnateur), Marie-Christine SOULIÉ et Jean-Pierre THIBAULT décembre 2017 Les auteurs attestent qu'aucun des éléments de leurs activités passées ou présentes n'a affecté leur impartialité dans la rédaction de ce rapport. Sommaire Résumé......................................................................................................................3 Liste des recommandations....................................................................................5 Introduction...............................................................................................................7 1. Formuler l'objectif, préciser la méthode............................................................8 1.1. Contexte : la Convention européenne du paysage.....................................................8 1.2. Objectif : trouver en Europe des bonnes pratiques à adapter en France....................9 1.3. Méthode : une recherche sur des thèmes préalablement ciblés...............................10 1.3.1. Quatre thèmes de recherches........................................................................10 1.3.2. Un panel de huit États ou régions d'Europe...................................................10 1.3.3. Limites : complexité et diversité......................................................................11 1.3.4. Un rapport en deux volets..............................................................................12 2. Les politiques paysagères en Europe : des conceptions progressivement harmonisées et des pratiques convergentes.......................................................14 2.1. Harmonisation des conceptions dans le domaine du paysage.................................14 2.1.1. L'appropriation quasi unanime d'une définition complexe..............................14 2.1.2. La connaissance des paysages : méthodes et finalités convergentes...........15 2.1.3. La formation des professionnels : niveau d'exigence et homologie des compétences............................................................................................................17 2.2. Convergence des pratiques......................................................................................19 2.2.1. Des stratégies nationales à dimension interministérielle................................19 2.2.2. Des politiques sectorielles facilitées...............................................................20 2.2.3. L'émergence de démarches d'initiative locale................................................22 2.3. Des marges de progrès pour la France dans la mise en oeuvre de la Convention européenne..................................................................................................................... 24 2.3.1. Des engagements partiellement tenus...........................................................24 2.3.2. Une réalité en demi-teinte..............................................................................27 3. S'inspirer des pays européens pour aller plus loin dans nos politiques de paysage.....................................................................................................................30 3.1. La formulation d'une stratégie nationale...................................................................30 3.1.1. Quatre exemples européens..........................................................................31 3.1.2. Vers une stratégie nationale interministérielle du paysage en France............32 3.2. Une échelle régionale pour la mise en oeuvre de la Convention...............................34 3.2.1. Quatre exemples européens..........................................................................34 3.2.2. Vers un renforcement du niveau régional pour la mise en oeuvre de la CEP en France...................................................................................................................... 36 3.3. L'organisation des professionnels de la conception paysagère................................37 3.3.1. L'organisation de la profession dans cinq pays voisins..................................38 3.3.2. La France pourrait s'inspirer des organisations pro-actives et structurées des organisations professionnelles dans les pays anglo-saxons....................................40 3.4. Systématiser l'éducation et la sensibilisation au paysage.........................................41 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 1/173 3.4.1. L'école et l'apprentissage du paysage............................................................41 3.4.2. La sensibilisation de tous les acteurs contribue à une application renforcée des politiques en matière de paysage......................................................................42 3.4.3. Des initiatives françaises qui mériteraient d'être mieux identifiées.................43 3.5. Le développement de politiques agro-paysagères....................................................44 « Une partie de plaine agricole en fort contact avec l'urbanisation ».......................45 Parc agricole sud de Milan ­ Photo JLC.................................................................45 3.5.1. Quatre références européennes....................................................................46 3.5.2. Vers des démarches agro-paysagères en France..........................................47 3.6. Aller au-delà de la trame verte et bleue : des usages multiples pour les espaces ouverts agricoles, naturels et urbains..............................................................................48 3.6.1. L'expérience anglaise : une démarche d'infrastructure verte élargie prônant avec efficacité la multifonctionnalité des espaces ouverts.......................................49 3.6.2. Une expérience qui tend à se développer dans d'autres pays voisins...........49 3.6.3. En France, une évolution de la Trame verte et bleue devient nécessaire.......50 3.7. Vers une approche paysagère de la planification urbaine.........................................51 3.7.1. Cinq références européennes :......................................................................52 3.7.2. Vers une continuité entre connaissance du paysage et approche paysagère de la planification.....................................................................................................54 3.8. Une participation du public à conforter......................................................................55 3.8.1. Le paysage « perçu par les populations » dans la CEP :...............................55 « La charte du paysage du Priorat en Catalogne fournit l'exemple d'un projet de paysage impulsé et piloté par les habitants »...........................................................57 La reconquête paysagère des vignobles du Priorat ­ Photo JLC............................57 3.8.2. Les constats de la mission dans les États visités...........................................58 3.8.3. En France des améliorations souhaitables s'agissant de la participation du public aux politiques de paysages............................................................................59 Conclusion...............................................................................................................61 Annexes...................................................................................................................65 1. Lettre de mission................................................................................................66 2. Liste des personnes rencontrées.....................................................................67 3. Fiches par pays...................................................................................................73 4. Fiches thématiques..........................................................................................140 5. Éléments de bibliographie, sites internets et téléchargements..................162 6. Glossaire des sigles et acronymes.................................................................171 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 2/173 Résumé Dans un contexte de dégradation générale des paysages, (tout particulièrement dans les espaces ruraux et périurbains), la ratification par la France en 2006 de la Convention européenne du paysage du Conseil de l'Europe a engagé celle-ci dans un objectif de qualité de son espace portant sur les territoires vécus et non plus seulement sur les sites d'exception. Se plaçant délibérément dans ce cadre, et poursuivant ses travaux sur la politique du paysage en France1, le CGEDD a entrepris d'observer et d'analyser les politiques paysagères de huit pays voisins : Irlande, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Suisse, Italie et Espagne, dont les pratiques et certaines expériences pourraient être utilement transposées dans le contexte national. Le rapport commence par évoquer les tendances significatives observées au fil des investigations. Il note deux grands domaines d'évolution, celui des principes et celui des pratiques. En matière d'approches conceptuelles, il apparaît que les pays et régions étudiés ou visités convergent dans la prise en compte de certains aspects de la Convention : introduction de la définition du paysage dans les textes législatifs ou réglementaires (Suisse, Italie, Espagne, Irlande, Royaume-Uni) ; effort général de développement de la connaissance en préalable à la planification et au projet (Royaume-Uni, Belgique, Espagne) ; élévation du niveau de formation des professionnels (Belgique, Suisse, Royaume-Uni). En matière de pratiques, le rapport constate également des convergences : la définition de stratégies nationales du paysage à dimension interministérielle, que l'Irlande, les Pays-Bas ou la Suisse notamment, éprouvent le besoin de formuler et de mettre en débat ; le fait que le paysage s'impose comme une dimension facilitatrice de politiques sectorielles et non comme une politique additionnelle, en Suisse ou en Italie avec l'agriculture par exemple, ou au Royaume-Uni pour la santé publique ; enfin l'émergence d'initiatives remontantes, issues des acteurs des territoires : communautés espagnoles, Wallonie en Belgique, ou encore Irlande. Dans un second temps, la mission examine les marges de progrès de la France dans la mise en oeuvre de la Convention. Alors qu'elle vient d'intégrer dans la loi la définition européenne du paysage et qu'elle a notablement progressé en matière de connaissance des paysages et de formation des paysagistes, elle reste en retrait en termes de participation des populations aux politiques paysagères et de formation au paysage des autres professionnels de l'aménagement. En outre la sensibilisation et l'éducation au paysage font l'objet d'initiatives foisonnantes mais insuffisamment valorisées et coordonnées. La bonne connaissance des paysages n'aboutit que rarement à la formulation d'objectifs de qualité à intégrer dans les projets locaux et la dimension paysagère des politiques sectorielles est peu formalisée en dehors des espaces protégés. L'analyse de ces lacunes et des exemples fournis par nos voisins européens conduit à formuler huit recommandations, qui constituent, selon la mission, un tout cohérent : · La première recommandation, de nature transversale, consiste à élaborer une stratégie nationale interministérielle du paysage, afin de décloisonner les 1 Voir en particulier le rapport CGEDD « Paysage et aménagement : propositions pour un plan national d'action » avril 2014 ­ Jean-Luc Cabrit, Denis Clément et Marie-Pierre Doizelet. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 3/173 approches dans une vision d'ensemble et de conférer une autre dimension à la mise en oeuvre locale de la transition écologique, plus directement perceptible par les citoyens. Les sept autres recommandations contribuent à la mise en oeuvre de la première, en proposant des mesures permettant, soit d'en alimenter les réflexions préalables, soit de lancer la dynamique en préparant l'avenir. Elles portent sur : · la nécessaire déclinaison à l'échelle des nouvelles régions de la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage ; · la consolidation des organisations de professionnels du paysage en vue de développer l'expertise et de diffuser la culture du paysage auprès des décideurs et des services ; · la mise en oeuvre d'un bilan des actions conduites en matière d'éducation et de sensibilisation au paysage des populations, des scolaires et des professionnels en vue de leur meilleure diffusion et généralisation ; · l'élaboration d'un plan d'action agriculture et paysage, visant en particulier une gestion qualitative de l'espace agricole et sa bonne complémentarité avec l'espace urbanisé ; · l'évolution de la trame verte et bleue, d'une approche essentiellement naturaliste et quantitative vers une vision territoriale d'espaces ouverts multifonctionnels ; · la systématisation de l'approche sensible du territoire et de la prise en compte de la qualité perceptible du cadre de vie dans la planification urbaine ; · le renforcement de la participation du public dans les politiques paysagères. Le rapport conclut sur les résistances à la mise en oeuvre des engagements européens de la France dans ce domaine, du fait des cloisonnements administratifs et disciplinaires à tous niveaux : décideurs, administrations spécialisées, associations. Devant le fort désir de contribution citoyenne aux actions locales sur les territoires et l'exigence accrue d'un cadre de vie de qualité, la France doit poursuivre, amplifier et surtout mieux coordonner ses actions en faveur de la reconquête qualitative du paysage. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 4/173 Liste des recommandations 1.Recommandation : Élaborer une stratégie nationale interministérielle du paysage mobilisant l'ensemble des ministères concernés, des collectivités et acteurs publics, associatifs et professionnels..................32 2.Recommandation : Anticiper la déclinaison de la stratégie nationale à l'échelle régionale : - en faisant évoluer les textes pour accroître les compétences des régions en matière de paysage, avec un rôle de « chef de file » en la matière ; - en mettant en place un réseau « paysage » dans chaque région de France qui n'en dispose pas encore, si nécessaire piloté par l'État et réunissant toutes les structures intéressées : services de l'État, conseil régional et autres collectivités locales, associations, universitaires, professionnels... Ce réseau serait notamment chargé d'une mission d'animation, de réflexion et de soutien.........................................................36 3.Recommandation [à la DGALN] : Afin de démultiplier l'expertise paysagère sur le territoire, susciter la montée en puissance des organisations représentatives des paysagistes..........................................40 4.Recommandation : Élaborer avec le ministre de l'Éducation nationale une politique de sensibilisation au paysage des scolaires, des populations, des maîtres d'ouvrages et des professionnels de l'aménagement à partir d'un bilan des initiatives existantes.....................43 5.Recommandation : Proposer au ministre de l'Agriculture et de l'alimentation l'engagement d'une mission conjointe CGEDD-CGAER en vue de l'élaboration d'un plan d'action agriculture et paysage, visant une gestion qualitative de l'espace agricole et sa bonne complémentarité avec l'espace urbanisé...................................................................................47 6.Recommandation [à la DGALN] : Élargir la Trame verte et bleue au-delà de la biodiversité à une approche territoriale multifonctionnelle structurant le paysage rural et urbain...........................................................50 7.Recommandation [à la DGALN] : Assurer la continuité entre connaissance et action dans les démarches paysagères, en prenant mieux en compte les orientations issues des atlas de paysage dans les documents de planification, et en particulier en prévoyant l'introduction dans les PLU(i) d'une OAP-paysage transversale fondée sur les enjeux identifiés dans les atlas de paysage.............................................................54 8.Recommandation [à la DGALN] : Conformément à la Convention européenne du paysage, mieux garantir la participation citoyenne dans les politiques paysagères, tant pour la connaissance (atlas de paysage) que pour la planification et la mise en oeuvre des projets (plans de paysages). Compléter à cet effet le guide pratique et la circulaire correspondant à ces deux outils...................................................................59 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 5/173 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 6/173 Introduction Faisant suite à un premier travail achevé au printemps 2011 et intitulé « connaître le paysage pour en reconnaître la valeur »2, le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a publié en avril 2014 un rapport intitulé « Paysage et aménagement : propositions pour un plan d'action national (mission de conseil sur la politique du paysage) »3. Ce rapport a été suivi d'une contribution de l'association des paysagistes-conseils de l'État4 qui l'a accompagnée d'un certain nombre de propositions concrètes. La présente mission s'inscrit dans la continuité des travaux déjà entrepris par le Conseil général sur le paysage. Le rapport de 2014 dressait le constat d'un manque global de maîtrise paysagère des projets impactant le territoire, malgré quelques réalisations exemplaires en France. À la suite de sa publication, un plan national d'action a été annoncé par une communication en conseil des ministres le 14 octobre 2014. Il constituait une réponse politique adaptée à la situation d'urgence mise en avant dans le rapport. Il proposait dix mesures consistant pour l'essentiel en une nouvelle impulsion donnée aux outils « classiques » des politiques paysagères françaises menées depuis les années 1990. Aujourd'hui, alors que la Convention européenne du paysage (adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe à Strasbourg le 19 juillet 2000 et ouverte à la signature à Florence le 20 octobre 2000), demande aux États membres de reconnaître juridiquement le paysage, la France vient d'introduire presque mot pour mot sa définition dans le code de l'environnement 5 : « partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels ou humains et de leurs interrelations dynamiques ». Au-delà de la politique de protection des paysages d'exception, c'est ainsi le cadre de vie et les aspirations de tous qui doivent être pris en compte. Malgré l'action engagée, beaucoup reste à faire en vue d'une reconquête qualitative du paysage de la vie quotidienne, qu'il soit urbain, périurbain ou rural, dans l'aménagement de l'espace et des territoires. Au-delà de considérations esthétiques ou patrimoniales, la question est en effet de savoir de quelle manière l'approche paysagère peut améliorer la qualité de vie quotidienne et le bien-être des habitants, alors que les transformations des paysages qui nous entourent sont liées à des projets sectoriels (infrastructures, habitat, agriculture...), à des influences (climat, pression urbaine...) et à des acteurs (maîtres d'ouvrages, citoyens...) de toutes natures qui sont difficiles à coordonner pour aboutir à un résultat cohérent et harmonieux. Face à ce constat, il est apparu nécessaire, pour enrichir la réflexion, de mieux comprendre de quelle manière d'autres États ou régions européens mettent en oeuvre la Convention dans leur politique. Des exemples utiles, des pratiques intéressantes, des savoir-faire, que l'on pourrait mettre en pratique ont été rassemblés, en tenant compte des institutions et contextes culturels nationaux pour mieux les transposer en France. 2 3 Rédigé par Anne Fortier-Kriegel avec le concours de Bernard Brillet. Ce rapport, dû à Jean-Luc Cabrit, Denis Clément et Marie-Pierre Doizelet, aboutit à des propositions pour une politique nationale du paysage, associant les collectivités, selon quatre axes stratégiques : outils ; acteurs ; mise en oeuvre sur le terrain ; affirmation politique. « Vers une stratégie du paysage ­ Contribution à une politique du paysage » ­ octobre 2015. article L. 350-1 A du code de l'environnement (loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages). Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 7/173 4 5 1. Formuler l'objectif, préciser la méthode 1.1. Contexte : la Convention européenne du paysage Dans les années 80, à la fin des « trente glorieuses », l'Europe émerge d'une phase de croissance économique accélérée qui a fortement transformé la morphologie de ses espaces quotidiens : industrialisation de l'agriculture et déprise du monde rural, étalement urbain et déstructuration des périphéries, morcellement du territoire par les infrastructures de transports, « entrées de villes » chaotiques. Le ralentissement de la croissance et la réunification politique du continent au seuil des années 90 posent alors partout en Europe la question du cadre de vie. Il ne s'agit plus seulement de protéger certains espaces naturels ou urbains d'exception, mais de reconsidérer l'ensemble des espaces vécus, marqués par la juxtaposition de politiques sectorielles, en offrant à chaque citoyen, au quotidien, des lieux de vie ou de travail où il puisse retrouver ses repères, percevoir une cohérence d'ensemble et « se sentir bien ». Parallèlement, l'exigence écologique a accompagné ce processus : réduire les pollutions, préserver les écosystèmes, limiter les risques naturels ou industriels, c'était aussi promouvoir une nouvelle approche du cadre de vie, entendue de manière globale. Instance fondée pour promouvoir la culture et les droits de l'Homme, le Conseil de l'Europe, déjà à la source de plusieurs conventions replaçant le patrimoine au centre de la vie économique et sociale6, s'est alors saisi de cette exigence sociétale : des travaux ont été développés au niveau intergouvernemental dans le cadre des comités directeurs en charge de l'environnement. L'assemblée parlementaire et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux7 ont ainsi pu inscrire la question du paysage à l'agenda politique des États. Ces paysages, cadre de vie des populations, porteurs de nouveaux enjeux, devaient bénéficier d'une approche élargie, d'une définition commune et d'un champ de travail commun. Trente-huit États ont à ce jour ratifié la Convention européenne du paysage (CEP). En la signant, puis en la ratifiant le 1er juillet 2006, la France s'est elle-même engagée à mener une politique paysagère conforme à ces principes et à aux objectifs préconisés. Ratifiée et publiée, elle fait partie intégrante de l'ordre juridique français. A ce titre, ses dispositions s'imposent à la France et en France, d'autant que la plupart d'entre elles sont par ailleurs inscrites dans les textes. Le travail de la mission se place donc explicitement dans ce contexte. Ce rapport n'a pas vocation, en revanche, à traiter de la politique européenne du paysage à travers les politiques portées par l'Union européenne. Celle-ci n'aborde en effet les questions de paysage que de manière implicite ou indirecte : les règlements agricoles ou les directives sur l'eau et la nature ont des conséquences paysagères évidentes, et le dispositif d'évaluation des incidences sur l'environnement des plans, projets et programmes englobe bien le paysage dans son champ d'application 8. La mission est néanmoins tout à fait consciente de l'apport majeur de l'Union 6 Notamment la Convention de Grenade « pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe », du 3 octobre 1985. Elle promeut la notion de « conservation intégrée » : en affirmant que « les meilleures chances d'avenir du patrimoine résident dans son utilisation » et que « Si la conservation des biens constitue une charge, elle est aussi source de revenus et de création d'emplois ». « Deuxième chambre » du Conseil de l'Europe, moins connue que son assemblée parlementaire ; instituée en 1957, elle est composée de 648 délégués, conseillers régionaux et municipaux, maires et présidents de région, représentant plus de 200.000 collectivités de 47 pays européens. Démarches paysagères en Europe Page 8/173 7 Rapport n°010731-01 européenne ; elle estime à cet effet, qu'il serait opportun de compléter son analyse par une étude sur les capacités financières de l'Union européenne à abonder les efforts des États membres9 pour promouvoir des projets sur le paysage. Elle dispose en effet d'outils financiers déterminants à travers ses programmes sectoriels ou ses fonds structurels et particulièrement le fonds européen de développement régional (FEDER), le fonds européen agricole et de développement rural régional (FEADER) pour les projets en milieu rural et agricole ou encore les fonds dédiés à la coopération interrégionale. De même, la mission n'abordera pas les politiques de labellisation des « paysages culturels » menée par l'Unesco dans le cadre de la Convention du patrimoine mondial de 1972. Porteuse de références paysagères majeures pour les politiques nationales, cette convention ne considère que les territoires « à valeur universelle exceptionnelle », alors que la Convention européenne du paysage du Conseil de l'Europe s'attache, elle, à l'ensemble du territoire, « dans les espaces remarquables comme dans ceux du quotidien »10. Rappelons, en effet, que, par la signature de cette convention, chaque État-partie s'engage : à reconnaître juridiquement le paysage, composante essentielle du cadre de vie ; à mettre en oeuvre des politiques de protection, de gestion et d'aménagement des paysages ; à mettre en place des procédures de participation du public et des acteurs concernés ; à intégrer le paysage dans les politiques sectorielles (aménagement du territoire, urbanisme, culture, environnement, agriculture, politique sociale, économie, etc.) Plus particulièrement, chaque État s'engage sur plusieurs mesures : sensibilisation ; promotion de la formation des spécialistes du paysage, des professionnels de l'aménagement et des associations ; prise en compte du paysage dans l'enseignement scolaire et universitaire ; identification des paysages et des valeurs que leur attribuent les populations et suivi de leurs transformations ; formulation d'objectifs de qualité paysagère ; mise en place des moyens nécessaires à la politique des paysages. La partie 2-3. est consacrée au bilan de la mise en oeuvre des engagements ainsi contractés par la France. 1.2. Objectif : trouver en Europe des bonnes pratiques à adapter en France Dans ce contexte, le principal objectif de la mission était de repérer dans les États étudiés des solutions ou des pratiques susceptibles d'être adaptées en France, en se concentrant le cas échéant sur le caractère intégrateur du paysage dans les politiques sectorielles sur le territoire. Toujours dans l'esprit de la CEP, le champ des investigations était orienté sur le paysage du quotidien, naturel, agricole ou périurbain. L'objectif était d'aborder les questions de gestion ou de valorisation des paysages, dans le cadre législatif et/ou réglementaire en vigueur dans chaque État, ainsi que la gouvernance. Il s'agissait, enfin, d'examiner plus particulièrement la place du paysagiste et la prise en compte des populations dans la décision. 8 Même si l'exercice d'évaluation tend prioritairement à minimiser ces incidences, donc à considérer le paysage essentiellement sous l'angle de la préservation. ainsi que des États associés comme la Suisse ou les pays de l'Association européenne de libre échange (AELE). Préambule de la CEP § 7. Démarches paysagères en Europe Page 9/173 9 10 Rapport n°010731-01 1.3. Méthode : une recherche sur des thèmes préalablement ciblés 1.3.1. Quatre thèmes de recherches Si la Convention aborde l'ensemble des aspects de la politique du paysage (protection, gestion et aménagement), la mission ne traite pas des aspects patrimoniaux et de la protection. En outre, loin de prétendre à l'exhaustivité, ce travail n'est pas une recherche « scientifique » et certainement pas une étude comparative visant à évaluer l'avancement des politiques paysagères de nos voisins européens. Les réflexions préliminaires de la mission ont été alimentées par les rapports du CGEDD précités et par des entretiens avec le cabinet et l'administration centrale du Ministère en charge de la politique du paysage11, avec des membres du Comité de pilotage chargé du suivi du plan de relance de la politique du paysage d'octobre 2014, et avec des paysagistes français ayant une expérience à l'étranger. La mission a ainsi pu ébaucher quelques domaines de progrès possibles pour la politique française du paysage. A l'issue de cette phase, quatre thèmes d'investigation principaux ont été retenus : · l'organisation des États par rapport aux politiques nationales de paysage et les outils existants de prise en compte du paysage ; · la prise en compte de la population (gouvernance participative, rôle du paysage en matière identitaire...) ; · la profession de paysagiste-concepteur (contenu de la formation des paysagistes, organisation de la profession, sa place dans la maîtrise d'ouvrage, modalités de la maîtrise d'oeuvre...) ; · la maîtrise d'ouvrage (publique/privée ; pertinence de son organisation selon les échelles d'intervention (planification, projet de territoire ou urbain) ; existence et structuration d'une ingénierie paysagère des professionnels de l'aménagement ; mécanismes de déclenchement du projet paysager, volontaire ou réglementaire ; degré de « culture paysagère » ; politiques de formations / sensibilisation à la qualité paysagère ; coopération entre les collectivités locales...) La mission souhaitait porter un regard sur l'incidence de ces thèmes sur les politiques sectorielles qui « fabriquent » le paysage (planification, biodiversité, politique agricole, énergies renouvelables, transports, réchauffement climatique, consommation de l'espace, lisières urbaines...). Il a fallu constater que cette « classification » est un peu artificielle : en réalité, les choses sont très intriquées. Par exemple, un projet de paysage local ayant un impact sur différents secteurs (agricole, énergétique, etc.) est rendu possible par la mobilisation d'acteurs locaux associant plus ou moins les populations, mais dans un cadre favorisé par une culture et une politique nationales, des appuis financiers ou techniques régionales, la présence de professionnels, etc. 1.3.2. Un panel de huit États ou régions d'Europe Devant l'ampleur du sujet, la mission s'est rapprochée de la secrétaire exécutive de la CEP au Conseil de l'Europe à Strasbourg. Elle lui a fourni nombre de contacts et une abondante littérature qui ont permis d'orienter les recherches documentaires et, pour des raisons pratiques, de sélectionner un panel restreint d'États ou de régions d'Europe susceptibles d'apporter les éléments de réponse à ses préoccupations. Elle a 11 Le Ministère de l'Écologie et du Développement durable, aujourd'hui Ministère de la Transition écologique et solidaire Démarches paysagères en Europe Page 10/173 Rapport n°010731-01 également recherché des exemples de projets concrets, illustrant les effets d'une politique ou d'un projet dans lequel le paysage a été moteur. À ce stade la mission a bénéficié d'une opportunité : la dix-huitième réunion du Conseil de l'Europe à Erevan (Arménie), en octobre 2016, consacrée aux politiques de mise en oeuvre de la CEP. Complétée ultérieurement par la neuvième conférence du Conseil de l'Europe sur la CEP, en mars 2017 à Strasbourg, elle a permis de recueillir nombre d'informations et de prendre des contacts auprès de délégués de plusieurs pays européens, qui ont facilité par la suite l'organisation des visites sur place. Des missions très différentes ont ainsi été engagées dans six pays. Leur contenu a été élaboré avec différents interlocuteurs, issus des milieux institutionnels, professionnels ou universitaires. Ont ainsi été retenus l'Irlande, la région Catalogne en Espagne, la région Wallonie et la communauté française en Belgique, la Suisse, la métropole milanaise en Italie, ainsi que l'Angleterre. Deux États, et non des moindres en matière de politiques paysagères, n'ont pu être visités : l'Allemagne et les Pays-Bas. Un travail documentaire important et des entretiens effectués à Paris ont toutefois permis à la mission de réunir de nombreuses informations sur ces deux pays. L'échantillon comprend donc huit États, régions ou métropoles de ces États, pour lesquels les informations collectées ont été synthétisées, sous forme de fiches, auxquelles s'ajoutent des synthèses thématiques résultant des recherches documentaires. Ces fiches figurent en annexe. Elles constituent par ailleurs des documents autonomes qui servent de matière première à ce travail. Ceci explique un contenu parfois identique entre les fiches et certains passages du présent rapport. 1.3.3. Limites : complexité et diversité La mission s'est heurtée à un certain nombre de limites : · les personnes rencontrées ont très certainement influé sur le choix et le contenu des thématiques abordées, suivant qu'ils relèvent des institutions, du milieu professionnel ou universitaire. A contrario, la variété de leurs positionnements offrait justement l'intérêt de la multiplicité des approches ; · compte tenu de la complexité et du caractère transversal et pluridisciplinaire du paysage, il a été quasi impossible de déterminer des sites comparables où appliquer une grille de lecture commune. De même la diversité des situations et des enjeux rendait difficile une « comparaison », d'ailleurs hors de propos ; · les problèmes linguistiques, la difficulté de trouver des interlocuteurs, la brièveté des missions, le petit nombre d'États visités, augmentent le risque d'être passé à côté de choses importantes. Pour les mêmes raisons la possibilité de visiter des réalisations concrètes a été assez limitée ; · en outre, pour les États fédéraux ou à régionalisme important, la mission a dû, pour des raisons matérielles, privilégier certaines régions (Wallonie et communauté française en Belgique, Catalogne en Espagne, région de Milan en Italie, Angleterre au Royaume-uni) ou renoncer à rencontrer certains niveaux institutionnels (Cantons en Suisse par exemple). Cette approche ne saurait être interprétée comme un désintérêt pour les autres régions ou pour les pays dont elles dépendent. Dans ces cas, le travail a été complété par des entretiens ou des recherches documentaires. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 11/173 1.3.4. Un rapport en deux volets La méthode de travail suivie a conduit à présenter le rapport en deux volets : · Le premier volet (partie 2.) est une synthèse des missions sur place, dégageant quelques grandes tendances de la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage du Conseil de l'Europe dans les différents États visités ; Ce volet s'achève (chap. 2.3.) sur l'analyse de l'état d'avancement de notre pays, en regard des engagements pris dans le cadre de la Convention. Cette analyse a permis la structuration des recommandations et leur insertion dans le cadre de la Convention européenne du paysage ; · Le deuxième volet (partie 3.) est l'argumentaire des recommandations ; il développe nos propositions à partir de la transposition des observations faites dans chaque pays. Pour conclure, on peut considérer que la mission relève plus de la démarche exploratoire que du parangonnage au sens strict. Inventé dans le monde de l'entreprise, le parangonnage ou benchmarking obéit en effet à des règles précises, sur des champs très ciblés, par exemple sur l'amélioration de processus comparables. En l'espèce, il était impossible d'inventer une grille de critères pour comparer des choses non comparables. Toutefois, la mission a fait siens quelques préceptes du parangonnage strictement compris12 : · reconnaître que tel ou tel processus actuel n'est pas satisfaisant et avoir la volonté de s'inscrire dans une démarche de changement et de remise en cause ; · compte tenu de l'investissement important qu'il demande aux personnes rencontrées, nécessité d'avoir la volonté de donner autant que l'on reçoit ; · aboutir à définir un plan d'action et des objectifs à atteindre, en surveillant la mise en place des axes d'amélioration. 12 En consultant quelques sites spécialisés dont www.knowllence.com/ Démarches paysagères en Europe Page 12/173 Rapport n°010731-01 « Un effort général de développement de la connaissance paysagère » Atlas des paysages de Wallonie : n°4 La Haine et la Sambre ­ Source http://cpdt.wallonie.be Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 13/173 2. Les politiques paysagères en Europe : des conceptions progressivement harmonisées et des pratiques convergentes L'ouverture de la Convention de Florence à la signature a suscité (et sans doute provoqué) une phase de convergence des politiques de paysages entre les États -parties. Dix-sept ans après, celles-ci présentent des signes évidents de maturité. Le dépassement de l'approche patrimoniale du paysage est le tout premier point commun noté par la mission dans l'ensemble des États signataires de la Convention : affiché dès le préambule, le triptyque « protection, gestion et aménagement » est effectivement mis en oeuvre dans l'essentiel des pays visités ou étudiés. Tous ces États commencent par identifier leurs paysages exceptionnels, mais de moins en moins nombreux sont ceux qui s'arrêtent à ce stade. En second lieu, il convient de rappeler, à ce stade du rapport, que la définition de compromis qui a été donnée du paysage par les négociateurs du texte de la Convention traduit un délicat équilibre entre objectivation et prise en compte des perceptions sociales, entre valeurs humaines et constats écologiques. Mais l'adhésion à ce compromis n'était pas acquise et les politiques publiques qui devaient en découler n'allaient pas de soi. Le travail d'observation effectué, bien que non exhaustif, permet de dégager des tendances communes européennes dans ces domaines. Elles sont exposées ci-après, et sont un arrière-plan utile aux recommandations formulées pour les politiques françaises dans la partie suivante. 2.1. Harmonisation des conceptions dans le domaine du paysage Les ratifications successives de la CEP vont accompagner et souvent faciliter cette harmonisation dans trois domaines : la définition-même du paysage, le primat de sa connaissance pour susciter les aménagements ou restaurations nécessaires, la formation de professionnels aptes à lancer ou accompagner ce processus. 2.1.1. L'appropriation quasi unanime d'une définition complexe La définition du paysage portée par la Convention est loin de la simplicité de la « partie d'un pays que la nature présente à l'oeil » que le dictionnaire Robert a repris de la vision des géographes de la fin du 19e siècle (« étendue de pays qui s'offre à la vue»). On est au contraire dans une double proposition complexe qui mêle le perceptif (« telle que perçue ») et l'objectif (« le caractère résulte de facteurs »). Autant dire que l'appropriation de cette définition par les acteurs politiques ou les professionnels de l'aménagement ne va pas de soi. Or la mission a pu constater, dans la lecture des textes juridiques, doctrinaux ou guides pratiques qu'elle a pu se procurer, que cette définition était reprise comme point de départ commun, jusque dans les pays que leur très ancienne tradition culturelle paysagère aurait pu conduire à préférer une expression plus traditionnelle : ainsi, au Royaume-Uni le guide pratique édicté par l'agence Natural England pour promouvoir la « Green Infrastructure » (cf. infra 3.6.1) reprend textuellement la définition européenne dans l'une des finalités qu'il assigne à ce nouveau concept d'armature territoriale promu par les paysagistes britanniques13. De même, en Italie, le site internet du ministère des Biens et activités culturelles et du tourisme consacre-t-il un onglet de 13 Lire notamment la page 21 du publications.naturalengland.org.uk/file/94026 document « Green Infrastructure Guidance » : Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 14/173 première page à la CEP et à la définition qu'elle donne. Enfin, aux Pays-Bas, autre exemple de vieille tradition paysagère14 l'Agenda Landschap publié par le gouvernement en 2008 ­ trois ans après la ratification de la Convention par ce pays ­ pose d'entrée de jeu la question : « qu'est-ce que le paysage ? » et y répond sans la moindre restriction ou nuance par l'énoncé de la définition européenne. A l'opposé l'Allemagne et l'Autriche n'ont pas signé la CEP. Nous avons cru déceler une certaine réticence de ces pays à l'introduction d'une définition dont les dispositions seraient, pour eux, en-deçà de leurs pratiques actuelles. Le sujet semble faire débat en Allemagne. La conception germanique « écologique » du paysage inclut toutefois une dimension culturelle et une participation citoyenne à l'élaboration de la planification paysagère en phase avec la CEP. La Suisse, pays à la charnière des traditions culturelles latine et germanique, est un cas intéressant, dans la mesure où elle a profondément évolué dans sa conception du paysage. Alors que la « Conception Paysage Suisse », adoptée en 1997, document contraignant pour l'ensemble des services fédéraux, était fondée prioritairement sur une vision « naturaliste » du paysage15, l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) publiait en 2003 une stratégie « paysage 2020 » qui le définissait ainsi : « Le paysage [...] constitue l'espace économique et le cadre de vie des personnes habitant dans notre pays. Il naît de l'interaction entre des processus naturels, des facteurs socioculturels et notre perception personnelle [...] Le paysage est donc le résultat de la combinaison dynamique entre la réalité façonnée par les activités humaines et notre représentation personnelle de cette réalité ». En outre, le document « Paysage 2020 ­ Analyses et tendances »16 ­ édité par l'OFEV en 2016 en vue de la révision de la « Conception » de 1997 ­ propose une vision du paysage qui reprend les éléments de définition de la CEP et en particulier l'engagement de ses signataires de favoriser la participation du public : « associer la population aux procédures d'aménagement et de décision contribue largement à favoriser son identification avec le paysage et ainsi à renforcer son adhésion aux projets réalisés ». Un phénomène de reprise parfois mot à mot des orientations que la Convention développe dans ses textes stratégiques a en outre été constaté en Irlande (Stratégie 2015) ou en Catalogne (loi régionale 2005). On se reportera pour ces deux cas aux fiches correspondantes en annexe. 2.1.2. La connaissance des paysages : méthodes et finalités convergentes La seconde tendance constatée est l'effort général de développement de la connaissance paysagère. A quelques exceptions près, les pays visités ou étudiés par la mission ont développé des systèmes d'inventaires qui présentent des méthodologies convergentes. Ce travail donne souvent lieu à une analyse critique d'où peuvent émerger des objectifs de qualité paysagère susceptibles de guider l'action. Les documents d'inventaire des paysages utilisent tous les notions d'unité paysagères, de structures et d'éléments de paysage pour décrire les strates géographiques et 14 les paysagistes y ont fait jeu égal avec les ingénieurs dans toute la campagne de poldérisation qui a marqué le pays entre les années 1930 à 1960. cf. https://www.bafu.admin.ch/.../conception_paysagesuisse-partieiconception.pdf. https://www.rts.ch/la-1ere/programmes/factuel/6219126.html/BINARY/Paysage%202020%20OFEV.pdf Démarches paysagères en Europe Page 15/173 15 16 Rapport n°010731-01 humaines du territoire et les représentations sociales de l'espace, avec très souvent des approches cartographiques en trois dimensions. Les entités décrites correspondent dans certains cas aux circonscriptions politiques ou administratives (Catalogne) ; dans d'autres cas c'est la géographie et/ou la perception spatiale qui priment (Wallonie, Angleterre). On note toutefois la part très variable prise par les savoirs locaux par rapport aux analyses d'experts, dans leur élaboration. Ces inventaires sont achevés en Catalogne ou en Angleterre, à mi-parcours en Wallonie, en cours de lancement en Irlande ; si leur incomplétude n'empêche pas d'autres initiatives de se développer, ils sont considérés comme le socle de politiques paysagères cohérentes. Citons quelques exemples à ce stade : A. Le Royaume-uni est sans doute le premier à avoir mené cet exercice : le Landscape Character Assesment (LCA) y remonte aux années soixante et constitue la pierre angulaire des politiques du paysage. Ce travail de caractérisation des paysages et de leurs facteurs d'évolution a été mené à l'échelle nationale, régionale et locale. A l'origine, l'analyse reposait sur une approche objective, scientifique et quantitative. Elle s'est ensuite enrichie de la perception du paysage par le citoyen. Au terme d'un programme d'identification/caractérisation, une carte nationale de qualification des paysages a été dressée et mise en ligne en septembre 2014 (National Character Areas Profiles, corporate report). Elle décrit 159 ensembles paysagers différents (landscape areas) décrits dans huit volumes par région géographique17. B. L'Irlande n'a pas encore débuté cet exercice, mais en fait la première priorité identifiée dans sa « stratégie nationale » adoptée en 201518. Toutefois, des travaux ont été menés à l'échelon local, qui illustrent la méthode qui sera employée, dont plusieurs traits méritent d'être mentionnés. L'Heritage Council, agence officielle d'animation sur les patrimoines (voir la fiche traitant de l'Irlande en annexe), a en effet réalisé le LCA du Comté de Clare. Il y décrit 21 unités paysagères terrestres mais aussi maritimes (Landscape Character Areas et Seascape Character Areas). L'énoncé méthodologique préalable indique que la participation des habitants apporte des indications qui auraient échappé aux experts extérieurs, et qu'elle permet la construction de consensus sur les pressions et les enjeux du paysage. Le document se conclut ainsi par une analyse des pressions subies par le paysage (Forces for Change) : mutations agricoles, expansion urbaine, tourisme, industries extractives... et par des mesures (Broad Landscape Guidance) qui s'apparentent à des objectifs de qualité paysagère. C. En Wallonie, l'inventaire a été réalisé à deux niveaux : · une opération d'identification a été entreprise dès 2002 par la « Commission permanente du développement territorial ». Les résultats ont été publiés dans un document intitulé «les territoires paysagers de Wallonie » (échelle 1/50 000è) identifiant 79 « territoires paysagers », regroupés en 13 « ensembles » ; · chacun de ces treize ensembles fait désormais l'objet d'une politique de réalisation d' « atlas », à l'échelle du 1/20.000e, qui comportent une analyse 17 Par exemple, dans la région North-East England, on trouve 25 National character areas parmi lesquelles Northumberland Sandstone Hills ou yne Gap and Hadrian's Wall. Document complet à consulter sur : www.gov.uk/government/publications/national-character-area-profiles-data-for-localdecision-making/national-character-area-profiles. L'Irlande du Nord a achevé cet exercice et presse les responsables du Sud de rejoindre la dynamique ainsi enclenchée : les 46 unités paysagères (landscape character areas) définies dans les six comtés de l'Ulster sont en effet nécessairement transfrontalières. Démarches paysagères en Europe Page 16/173 18 Rapport n°010731-01 approfondie des paysages, de leur histoire et de leurs évolutions prévisibles. Ils se veulent outils de connaissance, de sensibilisation et de gestion. Il s'agit d'une collection d'ouvrages dont cinq ont déjà été publiés19. L'élaboration des atlas, considérés comme des documents de référence à valeur quasi scientifique, est confiée à un réseau d'experts et d'universités. La dimension concertation consiste à adjoindre à l'équipe de rédaction un panel d'acteurs locaux aboutissant à un chapitre intitulé « des regards sur le paysage ». Cette façon de faire peut aboutir à des inflexions significatives, y compris la remise en cause des délimitations de certaines « aires » (unités) paysagères. Il faut enfin noter que les atlas fixent des « objectifs de gestion paysagère » et proposent des pistes d'action. D. La Catalogne a défini, dans sa loi régionale sur le paysage (art. 10), des catàlegs, « documents descriptifs et prospectifs qui déterminent la typologie des paysages identifient leurs valeurs et leur état de conservation et proposent les objectifs de qualité à atteindre » ; leur approbation « est du ressort du Conseiller à l'Aménagement du Territoire, après exécution de démarches d'information publique et de consultation auprès des collectivités locales et des organisations économiques et sociales concernées » : il ne s'agit donc pas à proprement parler de démarches mobilisant le public. En revanche ces documents vont jusqu'à l'énoncé d'objectifs de qualité. L'élaboration des catàlegs est confiée à l' « Observatoire catalan du paysage », organisme semi-public dont il sera question plus loin (cf. partie 3.1.) Leur périmètre correspond à chacune des sept « vigueries » de Catalogne20 qui sont les unités de base de la planification stratégique. Les sept catalogues sont désormais approuvés. Quatre d'entre eux ont fait l'objet d'une édition pédagogique largement illustrée. Les trois autres publications sont en cours. *** Pour conclure, même si tous les pays n'en font pas un système 21, la connaissance du paysage en Europe semble donc gagner du terrain comme fondement des politiques dans ce domaine. Elle n'est pas toujours une occasion d'appel au savoir citoyen, mais elle est très fréquemment préfiguratrice d'actions plus concrètes : les inventaires vont en effet jusqu'à l'expression des objectifs de qualité paysagère. 2.1.3. La formation des professionnels : niveau d'exigence et homologie des compétences Troisième tendance constatée, la formation des professionnels du paysage 22 tend, elle aussi, à l'harmonisation dans le sens d'une affirmation de spécificité professionnelle et d'un degré d'exigence académique accrus. Cette tendance s'inscrit dans le cadre du processus de Bologne qui a mis progressivement en place des règles communes pour les études supérieures dans 47 pays d'Europe23. Il en découle notamment le système LMD (Licence, Master, Doctorat) qui crée un cadre commun de reconnaissance du 19 Entre-Vesdre-et-Meuse, Plateaux brabançon et hesbignon, Moyen plateau condrusien, Ardenne centrale et Thiérache, Haine et Sambre. Aire métropolitaine de Barcelone, « Alt Pirineu » et Val d'Aran, comarques de Gérone, comarques centrales, pays de Lérida, plaine de Tarragone, pays de l'Ebre. Ainsi, la Suisse se contente d'un « inventaire fédéral » régulièrement actualisé, mais centré sur les paysages patrimoniaux, et l'Italie d'une approche équivalente dans le cadre de sa loi de 2004 qui a fortement étendu les paysages « sous contrôle ». Voir les fiches correspondantes en annexes. Dans ce qui suit le terme de « paysagiste » sera le cas échéant utilisé de façon générique, le titre donné aux professionnels du paysage différant d'un pays à l'autre, Démarches paysagères en Europe Page 17/173 20 21 22 Rapport n°010731-01 niveau des études permettant la mobilité des étudiants, des diplômés et des chercheurs d'un État à l'autre. La conséquence pour la formation en paysage a été le passage progressif d'un niveau de trois années à un niveau de cinq années d'études supérieures, ce qui signifie, dans les pays concernés, que l'on cesse de considérer le paysage comme une activité « professionnelle » nécessitant la mise en oeuvre de savoir-faire techniques, mais comme un cursus académique de droit commun avec la mixité enseignementrecherche qui caractérise l'enseignement supérieur. L'évolution des études d'architecte-paysagiste dans la communauté française de Belgique est révélatrice de cette évolution. Il existe actuellement à Bruxelles et en Wallonie deux grands niveaux de formation dans le domaine du paysage : · « bachelier », délivrant en 3 ans un enseignement mixte théorie-pratique : bachelier « professionnalisant » orienté vers l'architecture des jardins et l'aménagement des places publiques ; « bachelier de transition » orienté vers de futures études de master. · master, en 2 ans supplémentaires, formant à la profession d'architectepaysagiste et délivré à l'issue d'une formation universitaire théorique et pratique (en « haute école »). Le master est directement accessible aux titulaires du « bachelier de transition » et à l'issue d'une année « passerelle » pour les titulaires du bachelier « professionnalisant »24. En termes de finalités des études, la présentation du cursus indique que : « le futur architecte du paysage acquerra les connaissances et compétences nécessaires pour devenir : [...] un scientifique appréhendant des processus complexes à diverses échelles, formés aux approches multidisciplinaires et au dialogue avec d'autres spécialistes »25. Cette formation de niveau master date d'une décennie à peine : jusqu'au seuil des années 2000, les « paysagistes » belges ne pouvaient se prévaloir que d'une formation qui les mettait en situation minorée vis-à-vis des ingénieurs ou des architectes, notamment dans le secteur public où leur rôle se limitait souvent à l'entretien des parcs et des jardins. La Suisse a connu une évolution comparable. La formation des paysagistes (« architectes paysagistes ») y est assurée pour l'essentiel par deux écoles : l'HEPIA (Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève) et l'HSR (Hochschule für Technik de Rapperswil, en Suisse alémanique) qui proposent toutes deux un Bachelor en architecture du paysage en 3 ans, puis, pour l'HEPIA, un 23 Le mouvement a été amorcé par la déclaration signée à Bologne du 19 juin 1999 par 29 premiers pays d'Europe. Les études de bachelier et de Master d'architecte-paysagiste sont dispensées par trois établissements d'enseignement, qui travaillent en collaboration : 24 · · · 25 L'ISIa Gembloux (Institut Supérieur Industriel agronomique), qui est un des établissements de la Haute École Charlemagne. La faculté d'architecture La Cambre-Horta qui appartient à l'Université Libre de Bruxelles. Le Gembloux Agro-Bio Tech, créé en 1860 et intégré à l'Université de Liège depuis 2009, qui forme des universitaires et des ingénieurs dans les domaines des sciences agronomiques et de l'ingénierie biologique Pour en savoir plus, lien de téléchargement de la brochure : http://www.gembloux.ulg.ac.be/wpcontent/uploads/2011/09/book-archi-paysagiste-2015-v4-web.pdf Démarches paysagères en Europe Page 18/173 Rapport n°010731-01 « master en développement territorial » et pour l'HSR un master d'ingénieur avec orientation « Planification du territoire et architecture du paysage ». En Suisse, comme en Belgique, les titulaires d'un diplôme de niveau licence sont soumis à un examen d'entrée dans les associations professionnelles d'architectespaysagistes26, alors que les étudiants sortant d'études de master ne le sont pas. Au Royaume-Uni, le niveau d'exigence académique pour les landscape-architects n'est pas un phénomène récent : 14 universités y assurent un BA (licence) en paysage, le master en paysage étant délivré par 13 établissements. Mais il est important de noter que les licenciates en paysage peuvent certes adhérer au prestigieux Landscape Institute qui regroupe les architectes-paysagistes du secteur privé comme du secteur public (cf. partie 3.2.3.), mais pas comme membre à part entière (chartered member), au contraire des titulaires du Master. La tendance constatée par la mission dans les pays étudiés est donc que là où elle existe, la formation des paysagistes tend à accroître à la fois sa durée et son niveau académique, tout en se situant toujours à la charnière de la conception dans l'espace et des sciences du vivant. Un dernier exemple de cette évolution est le cas des formations au paysage dispensées depuis une vingtaine d'années à Barcelone. En Espagne, où la profession de paysagiste n'est pas encore reconnue légalement, il existe pourtant deux masters d'architecture du paysage ; il ne s'est agi, pendant longtemps que d'une spécialité post-diplôme d'architecte. Puis, des passerelles ont été érigées avec le monde de l'écologie ou de l'horticulture afin de créer deux cycles complets en paysage, avec un statut de reconnaissance de l'État pour le premier et un statut privé pour l'autre. Les États signataires de la CEP sont loin d'être homogènes à ce sujet, mais la mission estime toutefois que l'élèvement du niveau de formation des professionnels est une tendance avérée. 2.2. Convergence des pratiques Forts de ce constat d'harmonisation des concepts, des méthodes et de la formation, il faut à présent s'interroger sur ses conséquences concrètes. Les politiques du paysage chez nos voisins connaissent-elles des convergences significatives dont nous pourrions tirer profit ? La mission pense en avoir détecté trois : le nombre important d'énoncés stratégiques, que plusieurs états éprouvent le besoin de formuler et de mettre en débat ; le fait que le paysage s'impose comme une dimension intégratrice et facilitatrice de politiques intersectorielles et non comme une politique autonome ; le nombre croissant d'initiatives remontantes, issues des acteurs des territoires, même dans des États où l'action publique reste fortement centralisée. 2.2.1. Des stratégies nationales à dimension interministérielle Au moins quatre États Européens parmi ceux étudiés par la mission ont mis en place, sous diverses formes, des stratégies nationales, c'est à dire qu'ils ont affiché des objectifs, établi des priorités d'action et choisi des cibles pour leurs politiques de paysage. 26 Respectivement l'Association belge des Architectes de Jardins et des Architectes Paysagistes (ABAJP) et la Fédération suisse des architectes paysagistes (FSAP) Démarches paysagères en Europe Page 19/173 Rapport n°010731-01 Les modalités formelles de ces énoncés stratégiques seront détaillées dans la partie 3.1. Elles vont de l'édiction d'une loi régionale (Catalogne, 2005), à des déclarations gouvernementales ou ministérielles : le Conseil fédéral (gouvernement) suisse adopte ainsi en 2003 une résolution « Paysage 2020 » ; aux Pays-Bas un Agenda Landschap publié en 2008 est préfacé par deux ministres. Enfin l'Irlande se dote en 2015 d'une National Landscape Strategy déjà évoquée27. Mais avant tout, ces États ont affiché que le paysage est considéré dès l'abord comme pris en compte à travers toutes les politiques sectorielles, et non pas comme une politique à part. Chacun d'eux mobilise l'ensemble des départements, ministères ou agences au profit d'une politique de qualité commune. Tous les départements ministériels participent à l'élaboration puis au suivi de la stratégie. Ainsi en Irlande (5e et 6e objectifs de la stratégie) il est prévu d'identifier les politiques sectorielles nationales ayant des conséquences paysagères et, pour chacune d'elles, une dimension paysagère spécifique (Department specific landscape policy). Chacun des organismes identifiés devra rédiger régulièrement un rapport sur l'état du paysage dans son domaine (atteinte d'objectifs de qualité paysagère dans son activité), l'ensemble faisant l'objet d'une compilation par le ministère de la culture, chef de file de la stratégie. Le comité de pilotage mis en place dernièrement pour suivre la mise en oeuvre de celle-ci comprend d'ailleurs une dizaine de membres issus de ces ministères ou agences28. En Suisse, la « Conception Paysage » de 1997 mettait en exergue la contribution paysagère de chacune des 13 politiques sectorielles identifiées (qui vont du tourisme à la défense, à l'énergie ­ notamment hydroélectricité ­ et, plus classiquement, au patrimoine culturel et à l'agriculture)29. Le nombre de ces documents, le caractère officiel de leur forme et leur contenu intersectoriel en font une tendance importante des politiques européennes du paysage. Si tous les pays n'ont pas adopté ce type d'action qui affirme des objectifs et met en place une cohérence des politiques ministérielles, on va voir que l'affirmation d'une dimension paysagère dans plusieurs politiques sectorielles constitue une autre tendance observée, qui décline ou complète ce premier constat : le paysage est de moins en moins une politique en soi, mais de plus en plus une approche à la fois facilitatrice et qualifiante des politiques publiques en général. 2.2.2. Des politiques sectorielles facilitées La mission a pu constater le développement, dans plusieurs pays, de politiques où le paysage était mis en rapport avec des enjeux « verticaux » de politiques publiques. 27 Son avant-propos signé de l'actuelle ministre de la culture décrit avec force le paysage comme « our ultimate ressource », qui a « soutenu, nourri et protégé » les Irlandais pendant des siècles. Le paysage, poursuit-elle, ne se résume pas à l'« étonnante ruralité et au rivage spectaculaire » de l'Irlande, mais englobe « the ordinary and the everyday ». Dont le tourisme, l'agriculture, le logement, l'environnement, le climat et l'énergie (ministères), et la forêt, le patrimoine, et les transports (agences gouvernementales). Le plan comporte une première partie « objectifs généraux », puis 13 chapitres sectoriels successifs comportant chacun entre six et quinze sous-objectifs à « caractère contraignant ». www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/paysage/publications-etudes/publications/conceptionpaysage-suisse.html Démarches paysagères en Europe Page 20/173 28 29 Rapport n°010731-01 Jusqu'à présent, les préoccupations portaient plutôt sur le lien paysage-planification, c'est-à-dire sur une dimension qualitative de l'aménagement (trop souvent assimilé à « l'embellissement » ou au « volet paysager »). De fait, les réunions annuelles de ateliers du Conseil de l'Europe pour la mise en oeuvre de la CEP ont d'abord porté sur des types ou des catégories de territoires (« Villes, banlieues et espaces périurbains » à Cork en 2005, « accessibilité et attractivité des territoires ruraux », à Andorre en 2007, « politiques de planification et gouvernance », à Piestany (Slovaquie) en 2008, etc.) pour lesquelles le paysage était de façon évidente, le dispositif central. Au cours des dernières années toutefois, les thématiques ont évolué : infrastructures (Cordoue, 2011) et même économie (Turquie, 2014)30. Le paysage devient donc le premier terme de propositions dont la conjonction « et » est l'élément central : « paysage et énergie », « paysage et agriculture », « paysage et santé publique », ce qui lui confère cette dimension fédératrice et sans doute facilitatrice, observée ci-dessus dans la description des stratégies paysagères nationales. En ce qui concerne les politiques énergétiques (et en particulier les éoliennes), la mission a noté les difficultés de démarches pourtant intéressantes, en Irlande, en Suisse et en Catalogne. En Irlande, il s'agissait en fait, du récit d'un échec dans une tentative planificatrice locale : il y a une dizaine d'années, le County Council de Cork avait commandé, dans le cadre de son plan de développement un schéma directeur éolien. Ce dernier prévoyait un secteur prioritaire d'une vingtaine de machines, qui devait occuper l'horizon de manière ordonnée à l'est de la cathédrale dans la baie de Queenstown. Peu après, des usines chimiques ont souhaité s'implanter au sud-ouest de la baie, dans la perspective de la cathédrale. La législation leur imposant de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre, l'auto-production d'énergie renouvelable a été considérée comme une compensation adéquate par les services de développement économique du Comté. Comme il était plus simple de construire les éoliennes sur leur propre terrain, ils ont obtenu un arbitrage favorable à cette solution de la part des autorités du Comté. Ce cas de figure a fait école et s'est renouvelé trois fois31. Pour ce qui concerne la Catalogne et la Suisse, il s'est agi, respectivement pour l'Observatoire catalan du paysage et pour l'Office fédéral de l'Environnement (OFEV), de tentatives d'édicter des « lignes directrices » pour l'implantation de fermes éoliennes : l'OFEV a ainsi travaillé sur un projet de guide « paysage et éoliennes », mais l'a abandonné devant le manque d'intérêt de l'Office Fédéral de l'Énergie et de la « faîtière » (syndicat) des entreprises du secteur Swisseol32. On en est donc réduit à une carte nationale qui se divise en « zones de protection sans pesée des intérêts », où tout projet est exclu, en « zones en principe à exclure », où un éventuel projet éolien est à justifier, et en « zones sous réserve de coordination » où les intérêts opposés sont en principe plus faciles à prendre en compte33. 30 Voir la liste complète de ces ateliers et les liens pour la version numérique de leurs actes sur le site du Conseil de l'Europe: http://www.coe.int/fr/web/landscape/workshops Certes, dans un vaste panorama d'îles proches et de perspectives lointaines vers les rivages de l'océan, les éoliennes limitées pour l'instant à quatre mâts constituent même une ponctuation plutôt heureuse. Mais le procédé utilisé est aux antipodes d'une méthode rationnelle de composition d'un paysage intégrant harmonieusement des éoliennes. L'Observatoire catalan du paysage a, sur le même sujet, fait part à la mission d'un des rares échecs qu'il a rencontrés dans son rôle de conseil au gouvernement : il s'agit du thème des éoliennes, pour lequel il avait proposé des « lignes directrices » qui n'ont pas été mises en chantier, du fait de la puissance du lobby économique dans ce domaine. Démarches paysagères en Europe Page 21/173 31 32 Rapport n°010731-01 En ce qui concerne l'agriculture, plusieurs exemples réussis ont en revanche été observés. Ils seront décrits plus en détail dans la partie 3.5. La politique paysagère suisse est ainsi particulièrement intéressante : elle mêle « mesures de masse », à conséquences paysagères indirectes (ex : obligation pour chaque ferme d'avoir quatre productions alimentaires, induisant une réduction de taille du parcellaire) et politiques de subventions directes à des projets collectifs à finalité explicitement paysagère. En Irlande, sous l'égide de l'Heritage Council, et afin d'utiliser au mieux les fonds européens Natura 2000 dans le cadre d'un développement global en lien avec la gestion de l'espace agricole, des politiques paysagères agricoles ont été mises en place sur les 25 uplands que compte l'île34. Enfin, en Italie, la politique des « parcs agricoles » tente de dépasser une finalité initiale de protection patrimoniale contre l'étalement urbain, pour donner lieu à des initiatives de rapprochement avec les citadins et de mise en valeur de productions liées à l'image du paysage (rizière ou prairie). Enfin, une liaison forte entre le paysage et le domaine de la santé publique a été établi dans deux pays au moins : · en Angleterre, le Landscape Institute, organisme déjà mentionné, a rédigé une brochure, Public Health and Landscape35, qui cite plusieurs exemples de réalisations paysagères ayant favorisé la qualité de l'air, ou bien la dépollution des sols et de l'eau, ou encore l'exercice physique. La restauration paysagère des « espaces dégradés » est particulièrement illustrée ; en termes de lien social, les community gardens (jardins partagés) sont cités en exemple ; il est également question du projet de paysage de Priory Green Estate, à King's Cross (Londres) dont l'objectif était que les gens se sentent « fiers de leur quartier ». · en Suisse, l'OFEV a soutenu un programme de recherche « Le paysage à votre santé ! » qui a donné lieu à la publication d'une brochure à destination du grand public « Promotion de la santé et aménagement du paysage »36, où celui-ci est décrit « comme ressource pour le bien-être », du point de vue psychique, physique et social (en tant qu'espace de rencontre et de contact). Ainsi, dans plusieurs pays et dans des domaines significatifs, le paysage s'affirme comme une dimension importante des politiques sectorielles qui dépasse le simple « supplément esthétique » pour devenir un véritable outil au service de ces politiques. 2.2.3. L'émergence de démarches d'initiative locale Dans de nombreux pays, la politique paysagère reste une affaire de gouvernement central ou régional, à partir de normes, d'orientations « descendantes ». La mission a cependant noté avec intérêt l'émergence d'un mouvement symétrique : la population et les acteurs des territoires prennent l'initiative de démarches de projets dont la qualité paysagère est l'objet principal, ou du moins le catalyseur. 33 Les options des plans directeurs cantonaux peuvent être très différentes : le canton de Vaud a établi un zonage d'accueil en fonction du paysage, alors que celui de Zoug refuse quasiment toute éolienne. Les Uplands sont les 25 territoires situés au-dessus de 150m dont les points culminants sont situés audessus de 300m d'altitude. https://www.landscapeinstitute.org/PDF/Contribute/PublicHealthandLandscape_CreatingHealthyPlaces _FINAL.pdf en téléchargement. Téléchargeable sur www.sl-fp.ch/getdatei.php?datei_id=1587 Démarches paysagères en Europe Page 22/173 34 35 36 Rapport n°010731-01 En Catalogne, la loi régionale a ainsi prévu que des Cartas del Paisatge d'échelle intercommunale et d'initiative locale pouvaient être élaborées : ces documents de projets, signés par l'ensemble des acteurs locaux, reçoivent un accompagnement méthodologique de l'Observatoire catalan du paysage et, une fois achevés, une « reconnaissance » par la Generalitat (gouvernement régional)37. Si ces initiatives locales restent soigneusement encadrées, les animateurs de l'Observatoire ont fait part à la mission de l'émergence actuelle d'initiatives locales non prévues dans la loi notamment dans certains quartiers urbains (par exemple, dans la ville de Santa Coloma de Gramanet, 150.000 habitants, dans la périphérie de Barcelone38). En Suisse, la mission a noté également l'émergence depuis une dizaine d'années de démarches d'initiative territoriale prenant le relais d'une politique d'aménagement de l'espace très hiérarchisée entre les trois niveaux d'administration fédérale, cantonale et communale : les 17 parcs naturels régionaux ou périurbains créés en dix ans à peine39 et les « projets de contribution à la qualité du paysage » dans le domaine agricole, qui rencontrent un grand succès, en sont des illustrations significatives. En Italie, ont déjà été évoquées, au sein-même du parc agricole de Milan, des initiatives citoyennes de rapprochement entre citadins et agriculteurs à partir d'un projet micro-local de paysage valorisant les productions et proposant aux citadins des parcours pédagogiques et ludiques au milieu des rizières. La mission rappelle enfin l'initiative irlandaise de démarches participatives dans les Uplands (voir annexes fiche Irlande) dont les acteurs locaux, notamment agricoles, ont été les promoteurs, ainsi que le potentiel des « Neighbourhood plans » (planification de voisinage) récemment mis en place par le « National Planning Policy Framework40 » de 2012 au Royaume-Uni. *** Définition, politiques de connaissance et d'inventaires du paysage, formation des professionnels, sont des concepts qui tendent à s'homogénéiser sur le continent européen. Dans le même temps, les politiques publiques adoptent des stratégies d'ensemble, découvrent la dimension facilitatrice de l'approche paysagère, constatent et accompagnent des initiatives locales de plus en plus nombreuses et innovantes. Rappelons qu'il ne s'agit là que de constats partiels, effectués au gré de visites, d'entretiens ou de recherches, dont a été rappelé en première partie le caractère pragmatique. La mission estime néanmoins que la répétition de ces constats en fait pour le moins des « signaux faibles » préfigurant des évolutions de temps long à l'échelle du continent européen. Il faut à présent examiner comment notre pays s'inscrit ­ ou non ­ dans ces tendances, et en quoi certaines d'entre elles peuvent lui servir, sinon de modèles, du moins de référence, pour dynamiser ses propres politiques paysagères. C'est l'objet du chapitre suivant. 37 38 Six d'entre elles l'ont obtenue à ce jour. Le paysage utilisé ici comme outil d'intégration sociale dans un espace urbain à forte population immigrée. Créés à partir de 2007 pour préserver et promouvoir les paysages, la biodiversité et les biens culturels d'un territoire rural ou périurbain, ils couvrent aujourd'hui 12 % du territoire suisse. Cadre national de la politique d'aménagement. Démarches paysagères en Europe Page 23/173 39 40 Rapport n°010731-01 2.3. Des marges de progrès pour la France dans la mise en oeuvre de la Convention européenne En ratifiant la Convention européenne du paysage, la France s'est engagée à mettre en oeuvre les orientations et actions prévues par ses signataires. La première question est donc de savoir dans quelle mesure notre pays remplit ses engagements dans ce domaine. A partir de ce constat, on verra, dans la troisième partie du présent rapport, de quelle manière certaines pratiques constatées et analysées dans les pays européens voisins peuvent inspirer des dynamiques nouvelles dans la politique française du paysage. 2.3.1. Des engagements partiellement tenus La Convention comporte 18 articles répartis en 4 chapitres. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux articles 4, 5 et 6 de son chapitre II - « Mesures nationales ». Une mise en oeuvre de la Convention qui reste au niveau de l'État L'article 4 de la Convention stipule que « chaque partie met en oeuvre la présente Convention [...] selon la répartition des compétences qui lui est propre ». En France, seule une circulaire, signée le 1er mars 2007 par la Ministre chargée du paysage, Nelly Ollin, demande aux préfets d'organiser une réunion de sensibilisation annuelle à laquelle « associer les collectivités territoriales » et de « proposer aux collectivités de débattre des principaux objectifs de qualité paysagère ». La circulaire ne donne pas d'orientation visant la prise en charge, même partielle, de politiques paysagères par les services déconcentrés de l'État, dont un bilan mériterait d'être fait. A ce jour, le paysage ne fait toujours pas partie des compétences explicitement déléguées, lors des récentes lois d'organisation territoriale, aux régions ou aux métropoles qui en sont les principales bénéficiaires 41. Dans notre pays, c'est bien l'État42 qui est directement le moteur de l'application des engagements de la CEP et non leur simple garant ou coordinateur. En cas de reproche de non application de la Convention, la France ne pourrait donc se retrancher derrière des compétences exercées à l'échelon local ou régional comme pourraient le faire l'Espagne, l'Allemagne, la Suisse ou l'Italie. Des engagements généraux partiellement concrétisés L'article 5 ­ mesures générales ­ de la CEP indique que chaque partie prend les engagements suivants : a. « reconnaître juridiquement le paysage » : · la France vient de le faire à l'occasion de la loi « pour la reconquête de la biodiversité de la nature et du paysage » du 8 août 2016 en reprenant quasi mot pour mot la définition de l'article 1 de la Convention. Ce premier engagement peut donc désormais être considéré comme tenu. 41 La loi sur « la modernisation de l'action publique territoriale et l'affirmation des métropoles » (MAPTAM) du 27 janvier 2014 ne contient pas une seule fois le mot « paysage » et celle relative à « la nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRE) du 7 août 2015 une seule fois. Un amendement sénatorial à la loi « biodiversité » qui instituait les régions « cheffes de file » en matière de politique du paysage a été écarté par le gouvernement. Démarches paysagères en Europe Page 24/173 42 Rapport n°010731-01 b. « définir et mettre en oeuvre des politiques du paysage » visant sa protection, sa gestion et son aménagement « par l'adoption des mesures particulières visées à l'article 6 ». On verra le détail de ces mesures page suivante. c. « mettre en place des procédures de participation du public, des autorités locales et régionales et des autres acteurs concernés ». · A ce jour, seule la méthode de réalisation des atlas de paysage évoque les méthodes participatives ; la définition des atlas figurant dans la loi susmentionnée n'y fait référence qu'indirectement, en prescrivant que ces documents doivent « tenir compte [...] des valeurs particulières qui sont attribuées [aux paysages] par les acteurs socio-économiques et les populations concernées » ; quant aux « objectifs de qualité paysagère », la définition qui en est donnée dans cette même loi s'écarte de celle donnée par la CEP : elle ne fait pas mention des « aspirations des populations » qui sont pourtant au centre de la définition européenne des « objectifs »43. Les engagements de la France concernant la participation des populations dans le domaine du paysage restent donc à préciser ou affirmer plus nettement. d. « intégrer le paysage dans les politiques d'aménagement du territoire, l'urbanisme, et dans les politiques culturelle, environnementale, agricole, sociale et économique ainsi que dans les autres politiques pouvant avoir un effet direct ou indirect sur le paysage ». · Cette dimension paysagère des politiques sectorielles reste à affirmer, même si, en urbanisme, les schémas de cohérence territoriale (SCoT) doivent désormais fixer (parmi quatorze autres exigences de contenu 44), « des objectifs de qualité paysagère », ou si, en matière d'infrastructures, le réseau routier national a connu, il y a quelques années, une politique paysagère active et explicite45. Mais les lois relatives à des secteurs aussi impactants pour les paysages que l'agriculture, le logement ou l'énergie ne l'abordent que via des objectifs généraux, portant sur la protection (mais de façon marginale ou indirecte sur sa gestion ou sur son aménagement), comme pour la récente « loi d'avenir sur l'agriculture »46. Là encore l'engagement pris par la France d'intégrer le paysage dans les politiques sectorielles reste à concrétiser, à quelques exceptions près. Des engagements particuliers encore à mettre en oeuvre L'article 6 ­ mesures particulières ­ prévoit des engagements plus précis encore : 43 Art L. 350-1 C du code de l'environnement :« Les objectifs de qualité paysagère mentionnés à l'article L. 141-4 du code de l'urbanisme et à l'article L. 333-1 du présent code désignent les orientations visant à conserver, à accompagner les évolutions ou à engendrer des transformations des structures paysagères, permettant de garantir la qualité et la diversité des paysages à l'échelle nationale », à comparer à l'article 1-c de la CEP qui définit ces derniers comme « la formulation par les autorités publiques compétentes, pour un paysage donné, des aspirations des populations en ce qui concerne les caractéristiques paysagères de leur cadre de vie ». Article L. 122-1-3 du code de l'urbanisme issu de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) du 24 mars 2014 : « Le projet d'aménagement et de développement durables fixe les objectifs des politiques publiques d'urbanisme, du logement, des transports et des déplacements, d'implantation commerciale, d'équipements structurants, de développement économique, touristique et culturel, de développement des communications électroniques, de qualité paysagère, de protection et de mise en valeur des espaces naturels, agricoles et forestiers, de préservation et de mise en valeur des ressources naturelles, de lutte contre l'étalement urbain, de préservation et de remise en bon état des continuités écologiques ». Avec notamment la mise en place de la politique du « 1 % paysage et développement » qui consacre une partie des sommes investies à la reconquête qualitative du territoire visible depuis la nouvelle infrastructure réalisée. Loi du 13 octobre 2014. Démarches paysagères en Europe Page 25/173 44 45 46 Rapport n°010731-01 « A. sensibilisation : Chaque partie s'engage à accroître la sensibilisation de la société civile, des organisations privées et des autorités publiques à la valeur des paysages, à leur rôle et à leur transformation ». · Dans ce domaine la politique nationale de la France se résume à des initiatives ponctuelles, comme le plan d'action national en faveur des paysages de 2014, comprenant une dizaine d'actions dont un concours de photographies « mon paysage au quotidien », le recensement d'actions en faveur des paysages « 1000 paysages en actions », etc. Au niveau des services déconcentrés de l'État ou d'acteurs comme les PNR ou les CAUE, des initiatives intéressantes sont prises, mais de manière dispersée, peu coordonnées et mal connues 47. Une politique nationale et régulière de sensibilisation du public (le cas échéant partenariale ou sous-traitée à des réseaux d'acteurs) reste donc à mettre en place pour respecter cet engagement particulier. « B. Formation et éducation : Chaque partie s'engage à promouvoir : a. la formation de spécialistes de la connaissance et de l'intervention sur les paysages ; » · Dans ce domaine, on peut considérer que la France respecte son engagement puisque la formation de paysagistes de niveau master, conforme aux normes de l'IFLA48 est assurée dans cinq écoles, quatre d'entre elles délivrant désormais un diplôme d'État dont les contenus sont précisés par les textes49. On peut toutefois s'interroger sur le faible nombre de paysagistes en France par rapport à certains pays voisins (cf. partie 3.3.2.), sur l'absence de tutelle du ministère chargé du paysage et du suivi de la profession sur les établissements de formation ; ceux-ci sont pris en charge par trois autres ministères (agriculture, culture et enseignement supérieur), et leur répartition territoriale manque d'une organisation rationnelle. « b. des programmes pluridisciplinaires de formation sur la politique [...] du paysage, destinés aux professionnels du secteur privé et public et associations concernées » · Il s'agit de familiariser les professionnels de l'aménagement (architectes, urbanistes, mais aussi ingénieurs, agronomes, forestiers) à l'approche paysagère concernant la protection, la gestion et l'aménagement des territoires urbains et ruraux. En dépit d'écoles délivrant à la fois le diplôme d'architecte ou d'ingénieur écologue, cette approche semble absente des autres formations préparant à l'ingénierie territoriale. Cet engagement ne peut pas aujourd'hui être considéré comme rempli, en dépit d'éventuelles initiatives locales, dont il n'existe pas de recensement. « c. des enseignements scolaire ou universitaire abordant, dans les disciplines intéressées, les valeurs attachées au paysage et les questions relatives à sa protection, gestion ou aménagement » · Dans le domaine de l'enseignement scolaire, il existe des initiatives locales ponctuelles de sensibilisation, voire de lecture du paysage, organisées à différents niveaux et dans le cadre de différentes disciplines (géographie, sciences de la vie et de la terre...), mais il n'existe ni recensement, ni encadrement de ces initiatives, ni outils pédagogiques diffusés à cet effet. Là encore, cet engagement ne peut pas aujourd'hui être considéré comme rempli : 47 Voir à ce sujet le bilan en demi-teinte des enquêtes menées par le CGEDD auprès des DREAL et des DDT(M) dans le rapport de 2014 « Paysage et aménagement : propositions pour un plan d'action national » déjà cité. IFLA : International Federation of Landscape Architects. Décret du 24 novembre 2014 portant création du diplôme d'État de paysagiste. Démarches paysagères en Europe Page 26/173 48 49 Rapport n°010731-01 un état des pratiques dans les établissements d'enseignement serait a minima nécessaire. « C. Identification et qualification : [...] en vue d'une meilleure connaissance de ses paysages, chaque partie s'engage : à identifier ses propres paysages, sur l'ensemble de son territoire ; à analyser leurs caractéristiques ainsi que les dynamiques et les pressions qui les modifient ; à en suivre les transformations ; à qualifier les paysages identifiés en tenant compte des valeurs particulières qui leur sont attribuées par les acteurs et les populations concernés [...] » « D. Objectifs de qualité paysagère : Chaque partie s'engage à formuler des objectifs de qualité paysagère pour les paysages identifiés et qualifiés, après consultation du public [...] » · Dans la version anglaise de la Convention, le mot « qualifier » est traduit par « assess », terme qui signifie aussi « évaluer ». Dans les pays anglo-saxons, cet engagement se traduit donc par la réalisation de « landscape character assessments (LCA) » et, en France, par la rédaction d'atlas de paysage, selon des méthodes d'élaboration et des présentations qui tendent à s'homogénéiser, et couvrent aujourd'hui plus des 9/10è du territoire. Toutefois le paragraphe D. cidessus de la Convention suppose un continuum, sur le même territoire, entre démarche de connaissance paysagère et formulation d'objectifs. En France, cette continuité n'existe que dans certains atlas, du fait d'une dynamique locale favorable permettant de formuler des objectifs de qualité sur la base des travaux effectués. La loi et les instructions ministérielles dissocient cependant les deux démarches à la fois en termes d'échelle territoriale (les atlas sont « départementaux », les objectifs de qualité formulés dans le cadre du SCoT avec les limites que l'on l'a vu plus haut) et en termes de mode d'élaboration (le guide méthodologique des atlas de paysage ne va pas jusqu'à l'énoncé d'objectifs ou de stratégies). En outre il peut paraître difficile au Département, qui le plus souvent cofinance l'atlas à son échelle, de fixer des objectifs sur ses territoires (en particulier aux communes) alors que la Constitution interdit toute tutelle d'une collectivité territoriale sur l'autre. L'engagement de la France est pratiquement tenu en termes d'identification et de qualification de ses paysages (moyennant certaines mises à jour et compléments ponctuels nécessaires). En revanche, il est encore fragmentaire, voire exceptionnel en termes de formulation des objectifs de qualité. « E. Mise en oeuvre : [...] chaque partie s'engage à mettre en place des moyens d'intervention visant la protection, la gestion et/ou l'aménagement des paysages » ; · Formulé en termes assez vagues (les États sont libres de l'affectation de leurs ressources humaines ou financières), cet engagement suppose pour l'essentiel que les « moyens d'intervention » soient identifiés, mais il ne va pas jusqu'à suggérer que lesdits moyens soient proportionnés aux enjeux à traiter. En France, les moyens des services de l'État sont, pour les 9/10èmes, consacrés au premier terme du triptyque de la CEP : « la protection, la gestion et l'aménagement » se contentent d'effectifs et de moyens assez réduits. On peut donc dire que la France tient ses engagements en termes de moyens mis en place concernant la protection, mais avec une fragilité inquiétante des effectifs et des crédits dédiés à la gestion et à l'aménagement des paysages. 2.3.2. Une réalité en demi-teinte L'analyse qui précède appelle donc une réponse contrastée : Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 27/173 · La France a bien suivi (et parfois anticipé) les prescriptions de la CEP en termes de connaissance et d'évaluation qualitative de ses paysages, ainsi qu'en termes de formation des spécialistes dans ce domaine. Elle vient en outre d'intégrer la définition européenne du paysage, à deux mots près, dans son droit interne. · En revanche, le continuum entre connaissance paysagère et formulation d'objectifs de qualité y est rarement établi et la dimension paysagère des politiques sectorielles est peu formalisée en dehors des espaces sous statut de protection. En outre, elle reste en retrait en termes de participation des populations aux politiques paysagères et de formation au paysage des professionnels de l'aménagement. Par ailleurs, la sensibilisation et l'éducation au paysage ne sont pas recensées ou formalisées. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 28/173 « En Suisse, le paysage est pris en compte à travers toutes les politiques sectorielles et non pas comme une politique à part. » Palais fédéral suisse à Berne ­ Fresque de Charles Giron représentant le lac des Quatre-Cantons ­ source Wikipedia Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 29/173 3. S'inspirer des pays européens pour aller plus loin dans nos politiques de paysage La mission a pu constater que, compte-tenu de son influence à l'étranger et de l'image positive de la France en matière de paysages, les instances de suivi de la CEP et des autres États-parties ont de fortes attentes à son égard. Or l'analyse effectuée dans la partie précédente montre que la réalité est plus nuancée et que la France peut encore progresser dans ce domaine pour devenir conforme à cette image. Les pratiques de nos voisins suggèrent des domaines d'amélioration pour les politiques paysagères françaises, à condition d'en transposer les méthodes ou les outils en tenant compte du contexte national. Les chapitres qui suivent proposent ainsi huit pistes de progrès. Toutefois, certains domaines n'ont pas ou peu été évoqués. En matière de périurbain, d'entrées de villes ou de publicité, le contexte de la mission et des acteurs rencontrés n'a permis d'aborder cette question pourtant essentielle que de manière marginale lors de certains déplacements. La démarche paysagère peut apporter des réponses intéressantes en vue de l'amélioration de la qualité des projets et une mission spécifique transdisciplinaire serait nécessaire tant les exemples abondent. Quant à l'approche paysagère de la planification, elle est abordée au chapitre 3.7. Par ailleurs, pour d'autres domaines, comme l'énergie ou la santé, la mission n'a pas rencontré, dans les huit pays étudiés, de références suffisantes pour être transposées en recommandations concrètes. Ces deux domaines sont abordés dans le chapitre 2.2.2. de ce rapport : · En ce qui concerne le lien énergie-paysage, on observe les mêmes difficultés qu'en France à établir une méthode de travail (Suisse, Catalogne) ou à gérer l'implantation de dispositifs de production dans le cadre d'un véritable projet de paysage (éoliennes en Irlande). · Pour ce qui est de l'effet du paysage sur la santé publique, des avancées de la réflexion ont pu être observées, en Suisse et en Angleterre. Pour autant, ces travaux se situent encore, tout comme en France 50, au niveau de la recherche et de l'énoncé de principes et non de programmes concrets. La mission, tout en ne formulant donc pas de recommandation dans ces domaines stratégiques appelle l'attention du Ministre sur le rôle positif que l'approche paysagère peut jouer dans le processus de transition énergétique tout comme dans les plans d'action santé-environnement. 3.1. La formulation d'une stratégie nationale La mission a plus particulièrement observé trois États et une communauté autonome51 assurant la prise en compte de la politique du paysage par un document formel énonçant des objectifs généraux et des modalités de mise en oeuvre. Ces documents s'analysent comme l'obligation faite aux politiques sectorielles des ministères techniques de prévoir une dimension ou une approche paysagère. Des conseils, 50 Un colloque national « Paysage, Urbanisme et Santé » s'est ainsi déroulé à Rennes du 25 au 27 novembre 2014 et a donné lieu à de nombreux partages d'expériences. http://www.villes-sante.com/uncategorized/paysage-urbanisme-et-sante-journees-des-villes-sante-etcolloque-de-la-sfse-25-27-novembre-2014/ La Hongrie vient d'adopter un document similaire qui peut être consulté à l'adresse suivante :http://www.kormany.hu/download/f/8f/11000/Hungarian%20National%20Landscape %20Strategy_2017-2026_webre.pdf . La mission a eu connaissance trop tard de cette adoption pour analyser le texte, mais son existence renforce la démonstration menée ici. Démarches paysagères en Europe Page 30/173 51 Rapport n°010731-01 collèges ou institutions rassemblant les acteurs publics et privés du paysage élaborent et suivent la stratégie ainsi énoncée. 3.1.1. Quatre exemples européens A. Les Pays-Bas La première feuille de route stratégique consacrée au paysage date de 1977, avec la présentation de la Visie Landschapsbouw (perspective de développement du paysage) qui dès cette époque, affirme la nécessité de développer des plans de paysage. Les fondements de la politique actuelle ont été posés dans une Nota Landschap en 1992, élargie à trois ministères importants en 1999 (Éducation, culture et sciences ; Habitat, urbanisme ; Environnement, transports, gestion de l'eau) sous le nom de Nota Belvedere (mémorandum Belvédère). Cette feuille de route décennale (1999-2009) prend la valeur culturelle du paysage comme fil directeur de la planification spatiale. Une nouvelle stratégie a été adoptée fin 2008 : l' Agenda Landschap (Agenda paysage) fixant les objectifs de la politique néerlandaise jusqu'en 2020. B. La Suisse Une stratégie paysagère y a été définie dès 1997 : la « Conception Paysage suisse », approuvée par le Conseil fédéral (gouvernement)52 : la première vertu de cette « conception » est l'intégration de la dimension paysagère dans treize politiques sectorielles (tourisme, défense, énergie, patrimoine culturel, agriculture, etc.). Le document présente un caractère contraignant pour tous les services fédéraux impliqués : ainsi, sur l'aménagement des cours d'eau, il est prescrit d'« assurer la protection contre les crues par un entretien naturel des cours d'eau et de limiter les endiguements à un minimum » ; pour les transports, on doit « saisir les opportunités de transformations ou d'extensions d'installations pour assainir les situations insatisfaisantes du point de vue naturel et paysager ». De façon générale, le paysage y est ainsi considéré comme pris en compte à travers toutes les politiques sectorielles et non pas comme une politique à part. En 2003, une véritable prospective stratégique fondée sur un état des lieux critique intitulé « Paysage 2020 » se donne pour objectif de « faire concorder toutes les politiques et les actions de la Confédération afin de favoriser une gestion du paysage respectant les critères du développement durable ». C. La communauté autonome de Catalogne, en Espagne Il ne s'agit pas ici d'un document stratégique, mais d'une loi régionale, adoptée en 2005 par le parlement catalan. Cette loi énonce une stratégie d'ensemble et crée des outils de politique paysagère et un système de suivi collégial et pluraliste dans le cadre d'un consortium regroupant acteurs du territoire et du paysage : Generalitat, autorités locales, secteurs social, professionnel et économique... Un dispositif cohérent et complet est ainsi institué : connaissance normalisée du paysage, encadrement des instruments de planification territoriale, « chartes » opérationnelles de reconquête qualitative, accompagné par une politique de formation, d'éducation et de sensibilisation. 52 Cette conception devrait être réactualisée en 2018 ou 2019. Démarches paysagères en Europe Page 31/173 Rapport n°010731-01 Cet ensemble est supervisé et évalué par un organe régional consultatif, l'observatori català del paisatge, essentiel à la mise en oeuvre de la loi. Elle le définit comme « un organisme de soutien et de collaboration avec le gouvernement catalan pour les questions liées à l'élaboration, l'application et la gestion des politiques du paysage » et garantit sa pluralité et son ancrage sociétal et territorial. Il comporte un conseil directeur composé de représentants des différents départements exécutifs, des universités, des associations, des maires et des professions actives sur les territoires : architectes, ingénieurs agronomes, écologues, géologues, travaux publics... D. L'Irlande La rédaction de la National landscape strategy for Ireland 2015-2025 a démarré en 2011 avec la publication d'un livre blanc soumis à consultation publique. Les 77 contributions qui en ont résulté ont été examinées par un comité de pilotage composé des départements ministériels concernés, des organisations non gouvernementales et des « parties prenantes » économiques. Ce travail a abouti (juillet 2014) à un projet (draft) donnant lieu à un débat public permettant de recueillir 95 contributions. Le document rappelle qu'un nombre important de politiques sectorielles (agriculture, forêt, mer, industrie, énergie, aménagement du territoire, transport, tourisme et loisirs, patrimoine...) ont des effets « considérables » sur la qualité du paysage, et que les plans de développement dans ces domaines doivent intégrer des objectifs paysagers. La Strategy énonce six objectifs : il s'agit en premier lieu (1) de « reconnaître le paysage dans le droit »53 et (2) de développer sa connaissance par l'écriture d'un National Landscape Character Assessment54 ; elle rejoint la « conception » suisse en prévoyant (3) de développer des Department specific landscape policies55 identifiant la dimension paysagère spécifique de chaque politique sectorielle ; le texte comporte (4) la sensibilisation du public (sur les atouts touristique, économique et écologique du paysage face aux défis du climat, de la sécurité alimentaire, de la santé et du bienêtre). Il prévoit (5) d'identifier les besoins en éducation, recherche et formation en matière de paysage mais aussi dans les matières connexes (ingénierie, architecture, hydrologie, agriculture etc.)56 et enfin (6) de renforcer la participation du public. 3.1.2. Vers une stratégie nationale interministérielle du paysage en France Les quatre approches stratégiques ainsi décrites n'ont pas leur équivalent en France. Le seul énoncé officiel d'objectifs de la politique du paysage est l'introduction du fascicule de présentation de la CEP, diffusé en 2007 à l'occasion de sa publication au Journal officiel : « L'objectif de la politique du paysage [...] est de préserver la diversité des paysages français » ; pour atteindre cet objectif trois leviers étaient prévus : développer la connaissance « des quelques 2000 paysages qui composent notre pays », « renforcer la cohérence » entre les échelles et les secteurs des politiques publiques, au profit d'une « préoccupation de qualité des territoires », enfin, « soutenir la compétence », en particulier la formation de professionnels. 53 L'action correspondante ayant déjà été effectuée en 2010 par l'inclusion de la définition de la Convention européenne du paysage dans la loi d'aménagement du territoire. qui correspond à un « atlas national du paysage ». politiques ministérielles de paysage. L'année 2017 devrait être celle du démarrage effectif de la stratégie : la première réunion de son steering group s'est tenue ce printemps, avec une vingtaine de membres issus des différents départements ministériels et agences publiques, les professionnels et les universitaires concernés. Démarches paysagères en Europe Page 32/173 54 55 56 Rapport n°010731-01 Ce texte, encore à connotation défensive face à la banalisation des paysages, appelait à la cohérence des politiques sectorielles mais n'était signé que par une seule ministre57. En outre, par nature, ce document n'a pas fait l'objet d'un débat public ou d'une concertation. Il n'a, à ce jour, pas été actualisé. En 2014, un « plan d'action pour la reconquête des paysages et la place de la nature en ville »58 affirmait les paysages comme « éléments déterminants du cadre de vie, de la santé et du bien-être de chacun » et affichait que « seule la mise en mouvement conjointe des citoyens, des entreprises, des territoires et de l'État [pouvait] donner à la reconquête des paysages l'élan d'une mobilisation partagée ». Mais Il ne s'agissait pas d'une véritable stratégie partagée et interministérielle. L'exposé des motifs de la loi « biodiversité »59, votée en 2016, premier texte législatif relatif au paysage depuis 1993, se borne à indiquer que l'on passe « d'une logique de protection des paysages remarquables vers une prise en compte de tous les paysages ». Pour remédier à l'état général préoccupant de ses paysages, analysé dans le rapport du CGEDD de 2014 déjà cité, la politique française est aujourd'hui constituée d'un certain nombre de moyens (outils opérationnels : plans de paysage, atlas... opérateurs publics ou privés : CAUE, PNR, paysagistes-conseils...), mais il y manque des objectifs d'ensemble, l'articulation des acteurs et l'affirmation d'une dimension qualitative des politiques sectorielles. L'énoncé ­ après écriture collective et concertée - d'une véritable stratégie nationale du paysage, à l'image du texte irlandais, de la « loi » catalane, ou de la « conception » suisse, aurait donc un triple avantage : · permettre un débat national sur les objectifs de cette politique, et, dans ce cadre, dépasser une posture défensive en promouvant le paysage comme une méthode d'action sur les territoires ; · mobiliser les acteurs du paysage sur les territoires comme à l'échelon central : professionnels, maîtres d'ouvrage, acteurs économiques, sociaux et environnementaux, simples habitants ; cette mobilisation est nécessaire pour l'énoncé du document stratégique, mais aussi pour le pilotage de sa mise en oeuvre ; · faire en sorte que, à toutes les échelles, les politiques sectorielles énoncent la dimension paysagère de leur action, non seulement en termes d' « impact », mais surtout d'apports qualitatifs au territoire et de cohérence avec les politiques voisines 60. 1. Recommandation : Élaborer une stratégie nationale interministérielle du paysage mobilisant l'ensemble des ministères concernés, des collectivités et acteurs publics, associatifs et professionnels. 57 58 Celle-ci ne disposait à l'époque que d'un périmètre d'intervention restreint. Annoncé par une communication en conseil des ministres de Ségolène Royal le 25 septembre 2014, faisant suite au rapport du CGEDD « paysage et aménagement, pour un plan national d'actions » remis à la ministre quelques mois plus tôt. « Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » promulguée le 8 août 2016. il s'agirait ainsi de multiplier les « Viaduc de Millau », d'impulser les politiques agroforestières, ou encore de promouvoir la singularité architecturale et l'ancrage territorial des écoquartiers, pour ne prendre que quelques exemples parmi les plus évidents des politiques à dimension paysagère menées par les départements ministériels voisins ou connexes de celui chargé des paysages... Démarches paysagères en Europe Page 33/173 59 60 Rapport n°010731-01 3.2. Une échelle régionale pour la mise en oeuvre de la Convention Dans presque tous les pays européens, la mise en oeuvre de la CEP s'effectue à trois ou quatre niveaux : au niveau national, s'agissant du cadre institutionnel et de l'énoncé des principes ; au niveau local, pour l'urbanisme et les projets ; au(x) niveau(x) intermédiaire(s), pour la mise en oeuvre des inventaires de paysages, l'animation, le soutien aux projets locaux. Ainsi, nombre d'États ont confié, de façon plus ou moins encadrée, la politique d'aménagement du territoire et du paysage à l'échelon intermédiaire : Länder allemands, communautés autonomes espagnoles, régions italiennes, cantons suisses, régions et communautés linguistiques belges. 3.2.1. Quatre exemples européens A. L'Espagne On observe quatre niveaux de compétences : État ; communautés autonomes ; provinces ; communes. L'État a ratifié la CEP en 2007 (entrée en vigueur en 2008). Un inventaire préliminaire des paysages du pays, l'« Atlas des paysages d'Espagne » a été mis en place. Il fournit un cadre pour les études et politiques régionales. Les 17 communautés autonomes ont compétence sur l'aménagement du territoire, l'urbanisme, le logement. Elles légifèrent, organisent la connaissance, encouragent les initiatives locales, animent le dialogue entre les acteurs, diffusent la culture paysagère. Ce sont elles, de fait, qui mettent en oeuvre la CEP, chacune avec ses lois et son rythme : l'Andalousie par exemple a publié son atlas des paysages et approuvé en 2012 une stratégie du paysage ; le Pays basque a intégré la CEP en 2014 et lancé une politique d'inventaire de 14 « aires fonctionnelles », de façon participative, aboutissant à des objectifs de qualité paysagère et des plans d'actions proches de nos plans de paysage. En Catalogne, la loi sur le paysage a été votée en 2005 (cf. supra 3.1.) Au niveau local, l'urbanisme est géré par les communes, qui peuvent se regrouper. L'initiative de projets liés à la CEP (chartes de paysage par exemple, en Catalogne), leur revient, dans le cadre défini par la Communauté. B. La Belgique On trouve ici trois niveaux de compétences : l'État fédéral ; les régions et communautés linguistiques ; les communes. La CEP a été ratifiée par l'État en 2004. · Les trois régions peuvent légiférer et disposent d'une très grande autonomie, dans presque tous les domaines, y compris de créer ou fusionner des communes. L'application de la CEP est, là encore, du ressort des régions. L'approche y est différente, aboutissant à des typologies paysagères distinctes : · En Flandre, un premier atlas a été publié en 2001 par le ministère flamand sur la base d'un inventaire des paysages traditionnels utilisé dès 1993. Depuis 2004, l'Agence Flamande pour le Patrimoine Immobilier (Vlaanderen Agentshap Onroerend Erfgoed) est chargée de l'actualisation et de la gestion de l'Atlas.61 · En Wallonie, la région, s'appuie sur la Commission Permanente du Développement Territorial (CPDT), plate-forme de recherche et d'échanges, pour rédiger les atlas de paysage (cf. supra 2.1.2.). 61 Cf. « Caractérisation interrégionale des paysages de la Belgique » https://echogeo.revues.org/12266 Démarches paysagères en Europe Page 34/173 Rapport n°010731-01 Au niveau local, un « schéma de structure communale » pour la planification opérationnelle, non obligatoire, prend en compte l'identification de la structure paysagère avec une cartographie détaillée des paysages communaux. C. L'Italie Quatre niveaux de compétences sont recensés : l'État ; les régions ; les provinces ; les communes. L'État a ratifié la CEP en 2006. La politique du paysage dépend du Ministerio di Beni et activittà culturale. La législation sur le paysage, au début orientée vers la protection, a été élargie à des catégories entières de « biens paysagers » : montagnes, lacs, volcans, rivières, zones côtières (loi « Galasso » de 1985). Selon une étude62, la législation italienne protégerait ainsi environ 141.000 km² de territoire à valeur paysagère, soit 48% du territoire national ; la valeur du paysage y est clairement reconnue comme ressource naturelle produisant des revenus économiques. Le nouveau Code des biens culturels et du paysage de 2004 renforce la prévalence de la planification du paysage sur les autres outils de planification. Les vingt régions ont en charge la politique territoriale. Elles élaborent, en collaboration avec l'État, les plans d'aménagements paysagers (piani paesagisticci) qui décrivent les caractères des unités paysagères et fixent des objectifs de qualité. Une fois approuvés par l'État, ils prévalent sur les documents nationaux, régionaux ou provinciaux de planification des sols et permettent à la région de s'affranchir, dans un contexte législatif très protecteur, des avis conformes du ministère de la culture sur les projets d'aménagement. D. L'Allemagne Quatre niveaux de compétences sont également sollicités : l'État fédéral ; le Land ; la région administrative ou district ; la commune. La conception allemande du paysage, très opérationnelle dans sa mise en oeuvre, s'appuie principalement sur sa dimension écologique, mais avec une dimension culturelle et une participation citoyenne à l'élaboration des documents de planification paysagère qui ne la rendent pas étrangère à la CEP que l'Allemagne n'a pourtant pas ratifiée à ce jour (cf. ci-dessus 2.1.1.) Dans ce pays très urbanisé, l'espace doit être économisé et planifié. Il existe un système hiérarchisé de planification paysagère imbriqué dans la planification territoriale. Au niveau fédéral, la loi de protection de la nature inclut la planification paysagère (Landschaftsplanung). Même si le paysage y est considéré plus du point de vue des écosystèmes, de l'accessibilité des zones de loisir, ou de la préservation des espaces ruraux et naturels, il existe, sur le terrain, une approche qualitative d'ensemble sur le bâti et le non bâti, qui aboutit à des paysages parfaitement maîtrisés. Les seize Länder sont de taille variable mais comparables en superficie à nos grandes régions. Ils rédigent leurs propres lois de protection de la nature et du paysage et élaborent des programmes de paysage (Landschaftsprogramm) à leur échelle. A l'échelle des districts sont élaborés des « plans-cadres de paysage ». Les municipalités, ayant compétence en matière de protection des paysages, établissent des plans d'aménagement paysager (Landschaftsplan), élaborés avec une participation citoyenne. E. Un bilan européen 62 Cf. article de José Luis Bermejo Latre, « la protection du paysage en Italie », Site Internet Persée Revue Européenne de Droit de l'Environnement - 2005 Démarches paysagères en Europe Page 35/173 Rapport n°010731-01 Dans les exemples précédents, et quelle que soit leur organisation territoriale, on voit que le niveau intermédiaire prend en charge, sous des formes très diverses : · La connaissance des paysages, produite au niveau régional ou infra-régional : plans-cadres de districts en Allemagne ; plans d'aménagement paysager en Italie ; « catalogues » de paysage en Espagne ; atlas de paysage en Belgique. · La « planification paysagère », prise en compte dans les plans d'aménagement paysager en Italie, les plans-cadres de districts en Allemagne, ou dans des textes législatifs en Espagne ; les chartes paysagères (Catalogne) ou plans d'actions (Pays basque) doivent être repris dans les documents d'urbanisme. · L'animation, l'éducation et la sensibilisation, qui sont souvent confiées à des organismes, associations, réseaux très actifs : Observatori del paisatje en Catalogne, Agence pour le Patrimoine Immobilier en Flandre, Fondation rurale et Plate-forme paysage en Wallonie, parcs naturels régionaux, etc. Le constat est que l'échelle régionale semble la plus dynamique et cohérente pour la mise en oeuvre de la CEP. Le degré d'autonomie des régions joue évidemment un rôle prépondérant. La mission a fait ce même constat d'efficacité, de cohérence et de dynamisme dans des États présentant avec ces régions ou autonomies une homologie de superficie et/ou de population : c'est le cas de l'Irlande, de la Suisse, ou des Pays-Bas63. A l'inverse, les acteurs anglais de l'aménagement du territoire déplorent la suppression de l'échelon régional intervenue récemment, et qui n'a épargné que le Grand Londres. 3.2.2. Vers un renforcement du niveau régional pour la mise en oeuvre de la CEP en France En France, la politique du paysage est gérée par l'État : au niveau central, par un bureau de quelques personnes et, au niveau territorial, par des services déconcentrés assez peu dotés en personnel dédié à ce domaine. En dehors de l'État, on constate par rapport à nos voisins un déficit d'obligation de l'échelon régional en matière de paysage. La notion de chef de file64 reste encore imprécise et ne porte pas explicitement sur le paysage. En outre le département est concerné par le paysage, dans la mesure où le choix a été fait de privilégier les atlas de paysage à cette échelle et parce qu'il finance les CAUE. En matière de connaissance paysagère, l'intégration des données des atlas départementaux (ou régionaux) de paysage dans la planification régionale serait indispensable. En la matière, la région a pour le moment à sa charge l'élaboration du SRADDET, créé par la loi NOTRe65. Ce document ­ désormais opposable ­ doit prendre en compte la dimension paysagère à son échelle, mais la loi qui le définit ne comporte qu'une seule fois le mot paysage, sous l'angle de la seule protection et non de la gestion ou de l'aménagement66 (cf. supra 2.3.1.). 63 Respectivement 4,6 M., 8,4 M. et 17 M. d'hab. à comparer à l'Occitanie (7,5 M. d'hab) ou au Grand-Est (5,5 M. d'hab.). Loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, codifiée à l'article L.1111-19 du code général des collectivités locales. Loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) du 7 août 2015 cf. article L.4251.1 du code général des collectivités locales : « [...] Les objectifs [...] peuvent préciser, pour les territoires mentionnés à l'article L.46-1 du même code, les modalités de conciliation des objectifs de protection de l'environnement, du patrimoine et des paysages. [...] » Démarches paysagères en Europe Page 36/173 64 65 66 Rapport n°010731-01 La dynamique opérationnelle paysagère ne se situe donc qu'à l'échelle plus restreinte des territoires de projet (SCoT, plans de paysage, chartes de PNR), qui auraient besoin de s'inscrire dans une réflexion plus large : le rôle de chef de file de la Région mérite donc d'être élargi au paysage, ce rôle étant déjà reconnu dans le domaine de l'aménagement du territoire, et plus récemment de la biodiversité67. En ce qui concerne l'animation, l'éducation et la sensibilisation et l'appui technique aux projets, un véritable réseau d'acteurs, animé par l'État serait nécessaire, alliant capacité de réflexion, connaissance du territoire et savoir-faire technique (institutions, chercheurs, associations, techniciens, etc). Le réseau de l'ancienne région MidiPyrénées s'est récemment élargi à la nouvelle région Occitanie et un projet similaire est en cours pour Rhône-Alpes-Auvergne. Ce système est à généraliser, le niveau national pouvant alors animer un « réseau de réseaux » qui démultiplierait son action. Aujourd'hui, dans l'état de notre législation, la région a la possibilité de s'intéresser au paysage, mais, en l'absence d'une véritable incitation, s'en saisira-t-elle ? C'est son rôle de chef de file qu'il convient de conforter pour y inclure la mise en oeuvre de la CEP, sans remettre en cause les attributions actuelles des services régionaux de l'État. Comme le proposait le rapport du CGEDD de 2014 rappelé en introduction, la mission pense qu'il faut lancer une véritable réflexion sur le rôle des régions en matière de mise en oeuvre de la CEP, afin de préparer les évolutions législatives futures, en la complétant d'une réflexion sur le rôle des services de l'État déconcentrés et leur articulation avec la collectivité régionale. 2. Recommandation : Anticiper la déclinaison de la stratégie nationale à l'échelle régionale : - en faisant évoluer les textes pour accroître les compétences des régions en matière de paysage, avec un rôle de « chef de file » en la matière ; - en mettant en place un réseau « paysage » dans chaque région de France qui n'en dispose pas encore, si nécessaire piloté par l'État et réunissant toutes les structures intéressées : services de l'État, conseil régional et autres collectivités locales, associations, universitaires, professionnels... Ce réseau serait notamment chargé d'une mission d'animation, de réflexion et de soutien. 3.3. L'organisation des professionnels de la conception paysagère L'article 6 - B de la CEP engage les États à promouvoir la formation de spécialistes de la connaissance et de l'intervention sur les paysages. L'enseignement du paysage et l'organisation de la profession y revêtent une importance particulière. Une filière de formation existe désormais dans de nombreux États-parties. Sa montée en puissance académique et l'homogénéisation progressive de ses contenus ont été décrits en seconde partie de ce rapport (2.1.3. et dans la fiche thématique n°2 en annexe). Au regard des situations décrites, la formation en France des professionnels du paysage apparaît comme clairement identifiée et structurée, dans le cadre d'un diplôme d'État (cf. supra 2.3.1.) et de plusieurs établissements d'enseignement supérieur dont la coordination progresse68. 67 68 Loi du 16 août 2016 « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ». La mission rappelle néanmoins la césure entre suivi de la profession, assurée par le Ministère de la transition écologique et solidaire, et tutelle des établissements d'enseignement, assurée, selon les cas, par les ministères de l'agriculture, de la culture et de l'enseignement supérieur. Démarches paysagères en Europe Page 37/173 Rapport n°010731-01 En ce qui concerne l'organisation de la profession, le constat est plus nuancé : la comparaison avec certains de nos voisins peut fournir des références utiles. 3.3.1. L'organisation de la profession dans cinq pays voisins Les cinq pays ci-après, en particulier l'Angleterre et l'Irlande, offrent l'exemple d'une profession très structurée et active dans la définition des politiques. A. Au Royaume-Uni, le Landscape Institute (LI) a le statut de Royal chartered body69. Créé en 1929, il est chargé de « promouvoir la profession du paysage au profit de la société toute entière ». S'il n'est pas obligatoire d'être membre de cet institut pour mener un exercice professionnel de paysagiste, dans les faits, la quasi-totalité des commandes ou des postes requérant une telle compétence revient à ses adhérents. Celui-ci totalise 5391 membres, dont 4643 en activité (chiffres avril 2017) soit deux fois et demi plus qu'en France pour une population équivalente70. La majorité de ces membres sont des chartered members (CMLI) ­ membres agréés ­ ayant passé avec succès un examen d'entrée, généralement deux ans et demi après l'obtention du diplôme (examen pour lequel l'institut organise des cycles préparatoires). Le Landscape Institute joue un rôle très actif dans la promotion du paysage auprès du public (avec notamment l'organisation annuelle de prix : les « landscape awards ») et dans les politiques publiques. En outre, ses membres se retrouvent souvent à des postes-clefs de l'administration ou de ses agences. Ainsi, on en recense sept au sein de l'agence Natural England71, cheville ouvrière de la politique du paysage et de la mise en oeuvre de la CEP au Royaume-Uni. D'autre part, l'organisation défend la présence de paysagistes dans les collectivités locales. Cette stratégie de présence auprès du maître d'ouvrage contribue à la prise en compte du paysage dès la conception du projet et sensibilise les décideurs et représentants d'autres secteurs (infrastructures, aménageurs, écologues, promoteurs notamment) aux objectifs de qualité paysagère. De façon générale, l'Institut informe ses membres de l'évolution des commandes potentielles par une prospective sur les secteurs où leur savoir-faire sera requis dans les prochaines années. Inversement il promeut l'apport spécifique des paysagistes dans les différents aspects de l'aménagement de l'espace : une brochure « Lanscape architecture, a guide for clients » détaille les postures contemporaines du métier72. Enfin, la profession a joué et joue encore un rôle majeur dans la promotion de la démarche « d'infrastructure verte » (cf. infra 3.6.) B. En Irlande, l'Irish Landscape Institute (ILI) créé en 1992 constitue une organisation des professionnels du paysage inspirée de la précédente, mais d'échelle plus modeste. Elle accueille les paysagistes du secteur public comme du secteur privé. Les membres doivent être titulaires d'un master obtenu au terme d'un cursus reconnu par 69 70 71 Ce qui est l'équivalent de nos « associations reconnues d'utilité publique ». 55 M d'habitants pour la seule Angleterre, 65 pour le Royaume-Uni. Natural England est une agence placée sous la tutelle du DEFRA, comparable à l'AFB avec une mission générale en matière de conservation et protection de la biodiversité et du paysage pour l'Angleterre ; la collecte de l'information et la connaissance dans ces domaines ; elle participe à la gestion de l'environnement dans un objectif de bien-être social et économique. Voir infra fiche pays Angleterre. Ce document est téléchargeable avec le lien suivant : https://www.landscapeinstitute.org/PDF/Contribute/Landscapearchitecture-Aguideforclients2012A3.pdf Démarches paysagères en Europe Page 38/173 72 Rapport n°010731-01 la Fédération internationale des architectes-paysagistes (IFLA). En 2016, l'ILI comptait 160 membres dont une centaine de membres actifs. Pour devenir membre de l'institut, il est requis de réussir un examen professionnel ouvert aux diplômés en paysage. L'appartenance à l'ILI n'est pas une condition nécessaire à l'exercice professionnel mais il est pris en compte pour toutes commandes significatives. C. On trouve, en Suisse, une Fédération des architectes-paysagistes (FSAP). Créée en 1925 à Zurich, elle compte aujourd'hui plus de 500 membres, dont la moitié sont indépendants, les autres employés dans des agences privées, des administrations publiques ou dans l'enseignement. Pour adhérer, il faut justifier du diplôme de paysagiste et de trois ans d'activité professionnelle. Les titulaires d'un Bachelor dans le domaine du paysage sont soumis à examen d'entrée. Reconnue par l'IFLA, la FSAP joue un rôle important de sensibilisation du public notamment via la très réputée publication « ANTHOS»73, trimestrielle et bilingue français-allemand. D. En Belgique, la profession de paysagiste est représentée par « l'association belge des jardiniers et des architectes paysagistes » (ABJAP ­ BVTL en Flamand), également membre de l'IFLA. Les titulaires d'un master sont affiliés d'office, tandis que les titulaires d'une licence (bachelier) doivent justifier de deux années d'expérience professionnelle et présenter un dossier d'admission. Actuellement, l'association mène une action en faveur de la reconnaissance du titre. Elle compte 125 membres sur l'ensemble de la Belgique. E. En Allemagne, les trois professions liées à la conception de l'espace, architectes, urbanistes et paysagistes, sont organisées au niveau de chaque Land en Kammer qui sont l'équivalent des ordres professionnels en France ; l'inscription dans un Land vaut autorisation d'exercice de la profession dans toute l'Allemagne. La chambre fédérale des architectes annonce 7.000 architectes-paysagistes adhérents74, mais compte-tenu des paysagistes du secteur public, non affiliés, il y en a certainement beaucoup plus. Il semble toutefois que les disciplines de l'architecture, de l'urbanisme et du paysage soient assez compartimentées75. En outre, l'exercice de la profession de paysagiste est lui-même subdivisé en « projet » (Entwurf) autorisant la conception de parcs et d'espaces publics et « planification » (Plannung) permettant l'intervention sur le « grand paysage ». Il est ainsi difficile pour un paysagiste de suivre un projet complexe nécessitant la mise en oeuvre conjointe des différentes spécialités. Sur l'ensemble des pays étudiés, on peut récapituler les effectifs connus des paysagistes dans le tableau suivant76. Ces chiffres ne donnent toutefois qu'un ordre d'idée ; ils ne sont pas homogènes et donc à interpréter avec beaucoup de prudence : l'inscription des paysagistes à une association ou à un ordre n'est pas nécessaire dans tous les pays pour exercer ; les associations peuvent comprendre des paysagistes non actifs (chômeurs, retraités, étudiants...) ; les paysagistes du secteur public sont parfois 73 Voir sur leur site https://www.anthos.ch/français/anthos, les thèmes des numéros en cours ou à venir pour l'année 2017 : « les chantiers », « les espaces pour bouger », « la participation », « protection des inondations ». Voir site de la chambre fédérale des architectes (Bundes Architekten Kammer) : https://www.bak.de/ Témoignage d'Henri Bava (Agence TER) qui exerce près de la moitié de son activité professionnelle outre-Rhin. Une partie des chiffres provient des données fournies par les sites des organismes de paysagistes, complétées par une étude comparative « les paysagistes dans le monde » Pierre Donadieu ­ Topia Démarches paysagères en Europe Page 39/173 74 75 76 Rapport n°010731-01 comptés, parfois non ; en Italie, le nombre de paysagistes en tant que tels est très faible, mais beaucoup de projets de paysage sont réalisés par des architectes, etc. État / Région (et organisation représentative) Allemagne (BAK) Nb de paysagistes diplômés Population Quota par habitants 7000 adhérents hors secteur public 2000 actifs (dont 650 à la FFP) 100 actifs sur 160 membres 154 paysagistes inscrits à l'ordre 83 M.hab. Un pour 12 000 hab. France (FFP) Irlande (Irish Landscape institute) Italie (ordre des architectes et des paysagistes) Pays-Bas (NVTL) Royaume-uni (Landscape institute) Suisse (FSAP) Belgique (ABJAP - BVTL) 67 M.hab. 4,7 M.hab. 62 M.hab. Un pour 33 000 hab. Un pour 47 000 hab. Un pour 400 000 hab. 800 inscrits au NVTL 4643 actifs sur 5391 membres 500 y compris secteur public 125 adhérents (total non connu) 17 M.hab. 65 M.hab. 8,4 M.hab. 11,4 M.hab. Un pour 21 000 hab. Un pour 14 000 hab. Un pour 16 000 hab. Un pour 91 000 hab. 3.3.2. La France pourrait s'inspirer des organisations pro-actives et structurées des organisations professionnelles dans les pays anglo-saxons. En France, depuis la loi du 8 août 2016, le titre de paysagiste-concepteur est reconnu, ce qui ne lui confère nullement un monopole dans les commandes publiques ou privées, mais identifie la nature particulière et autonome de la profession. La Fédération française du paysage (FFP) représente les paysagistes-concepteurs. Elle a pour mission « la promotion et le développement du paysage dans le cadre de vie ». Elle s'est mobilisée avec succès pour la reconnaissance de ce titre, mais sa représentativité est encore faible parmi les professionnels : son site internet77 précise en effet qu'elle « regroupe plus de 650 membres soit un professionnel sur trois ». (Il y a environ deux mille paysagistes dans notre pays, soit un pour 33.000 habitants). La Fédération présente une certaine faiblesse de moyens liée notamment à son déficit de représentativité, comparé à d'autres pays. Cela lui interdit de lancer par exemple l'équivalent des chantiers d'envergure du Landscape Institute outre-Manche en matière de prospective ou de promotion de l'approche paysagère, bien que ses dix fédérations régionales organisent des actions de promotion dynamiques. Au plan national, elle s'appuie sur Val'Hor78, dont elle est membre, pour organiser, tous les deux ans des « victoires du paysage » qui récompensent les conceptions originales. Même si elle compte dans ses rangs un pourcentage significatif de paysagistes du secteur public ou parapublic, la FFP est perçue comme prioritairement représentative des paysagistes libéraux. On trouve aussi, auprès des services centraux et déconcentrés de l'État, des paysagistes-conseils (PCE) recrutés parmi les paysagistes justifiant huit années d'exercice professionnel dans le secteur privé. A raison de deux jours par mois, ces 77 78 http://www.f-f-p.org/fr/ Val'hor est reconnue par l'État depuis 1998 comme l'Interprofession française de l'horticulture, de la fleuristerie et du paysage. Elle est constituée des organisations professionnelles représentatives des secteurs de la production, de la distribution et du commerce horticole, ainsi que du paysage et du jardin. cf. site http://www.valhor.fr/ Démarches paysagères en Europe Page 40/173 Rapport n°010731-01 auxiliaires du service public prodiguent conseils et formations aux services auprès desquels ils sont placés79. Ils sont regroupés en une association (APCE) qui compte 153 membres et mène des réflexions collectives sur les enjeux d'évolution du paysage français, à la demande ou non du ministère de tutelle. Il faut noter que seule une minorité de paysagistes-conseils de l'État est adhérente à la FFP. Le dispositif français, en matière de paysage, présente donc ici un point à améliorer : on ne peut mener de politique construite et structurée par une stratégie nationale que si les professionnels sont en mesure d'y apporter une contribution majeure : celle des spécialistes de la discipline. Loin de se borner à constater cette faiblesse, l'État doit trouver, avec la profession, les moyens d'une progressive montée en puissance. 3. Recommandation [à la DGALN] : Afin de démultiplier l'expertise paysagère sur le territoire, susciter la montée en puissance des organisations représentatives des paysagistes. 3.4. Systématiser l'éducation et la sensibilisation au paysage L'évolution contemporaine a conduit à reconnaître aux citoyens un droit à participer aux politiques du paysage. Or, l'affirmation de ce principe suppose une sensibilité des habitants au paysage et à la politique qui s'y rattache. La sensibilisation dès l'école à sa valeur et à sa compréhension conditionne l'efficacité de la participation citoyenne. Elle est complétée par des initiatives de diffusion des savoirs relatifs aux paysages et à leur évolution, qui accroissent les capacités de tous à les lire et à les comprendre. C'est d'ailleurs un des objectifs de la CEP . 3.4.1. L'école et l'apprentissage du paysage. L'article 6.B.c de la Convention (cf. supra 2.3.1.) engage en effet les États-parties à promouvoir le paysage dans les disciplines qui le concernent dans l'enseignement scolaire et universitaire. Parmi les cas étudiés, deux d'entre eux, la Catalogne et la Wallonie ont présenté à la mission des initiatives d'éducation au paysage. Une démarche comparable est prévue en Irlande. En Catalogne, l'Observatoire du paysage déploie une vaste activité de diffusion de la culture paysagère. Il a publié à destination des élèves de l'enseignement secondaire, un « kit d'éducation au paysage » mis au point avec des professeurs de différentes disciplines (géographie, sciences naturelles...) et envoyé à tous les collèges. Il prend la forme de huit planches d'illustrations représentatives des grands types de paysages catalans ; elles sont modifiables pour permettre aux élèves de travailler à leur interprétation. Des cahiers d'activité éducatives, un guide de l'enseignant et un site internet complètent le dispositif. Le projet, dénommé « Ville, territoire, paysage », présente une vision dynamique et évolutive du paysage en trois séquences : descriptif de la vue panoramique du territoire choisi ; comparaison avec la même vue il y a vingt ans ; débat sur le paysage imaginé (ou souhaité) dans vingt ans. Cette action est le résultat d'un partenariat entre l'Observatoire et différents ministères de la Catalogne (ministère de la politique territoriale et des travaux publics, ministère de l'éducation). La Wallonie offre aussi l'exemple d'initiatives novatrices en matière d'éducation au paysage dans le primaire comme dans le secondaire, où des dossiers pédagogiques sont fournis par des associations ou par la fondation rurale de Wallonie. Un livret pédagogique, destiné aux enfants de 8 à 12 ans intitulé « le rôle de l'agriculteur dans la 79 Une circulaire du 2 mai 2012 précise leur rôle et leur mission : circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/05/cir_35327.pdf Démarches paysagères en Europe Page 41/173 Rapport n°010731-01 gestion de nos paysages », a ainsi été édité, dans le cadre d'une action portant sur le territoire du Beau canton, dont les objectifs sont les suivants : approcher la définition du paysage et apprendre les bases de la lecture d'un paysage ; comprendre son évolution ; différencier ses acteurs (habitants, agriculteurs, pouvoirs publics) ; mettre l'accent sur l'importance des agriculteurs, acteurs du paysage. Une autre initiative a été lancée conjointement par l'institut d'éco-pédagogie et le laboratoire de méthodologies des sciences géographiques de l'Université de Liège. Il s'agit d'une méthode d'utilisation d'internet et des outils multimédias qui consiste à élaborer des « hyperpaysages » : à partir de paysages « déjà prêts », les élèves peuvent soit naviguer en leur sein, soit en concevoir de nouveaux. La méthode aborde deux domaines : la nature et l'aménagement du territoire. Son usage pédagogique a donné lieu à un guide à l'intention des enseignants du secondaire. En Irlande, l'éducation au paysage est en cours d'introduction dans les programmes du primaire et du secondaire dans le cadre des « classes vertes » (Greenschools) conformément aux dispositions de la stratégie nationale pour le paysage (action N°15). 3.4.2. La sensibilisation de tous les acteurs contribue à une application renforcée des politiques en matière de paysage. La sensibilisation au paysage consiste à mieux faire comprendre les relations qui existent entre les activités quotidiennes de chaque acteur et le milieu naturel, l'habitat et les infrastructures. Elle peut revêtir des formes très variées. En Catalogne, la diffusion de la culture paysagère est une activité importante de l'Observatoire du paysage. Il publie de nombreux ouvrages, organise de colloques sur des thèmes pionniers (par exemple, franges urbaines, paysages et santé, etc.). Il confectionne des dossiers « paysage » pour des revues grand public locales ou nationales. Il contribue à la formation des formateurs. Dans plusieurs pays étudiés, les organisations professionnelles participent activement à la diffusion de la culture du paysage. Au Royaume-Uni, le Landscape Institute produit des brochures thématiques autour du paysage 80. En Suisse la revue « ANTHOS » de la Fédération suisse des architectes-paysagistes (cf. supra 3.3.1.) touche l'ensemble des professions de l'aménagement. En Irlande, la sensibilisation au paysage constitue un objectif majeur de la stratégie nationale en cours de mise en oeuvre. Parmi les actions prévues figurent le développement de programmes d'information du public, des prix de paysages, le soutien aux initiatives de participation du public. Enfin, la Pologne a instauré en 2016 une « journée du paysage » à l'occasion de la date anniversaire de la signature de la CEP (20 octobre). La 9e Conférence de la Convention européenne du paysage en mars 2017 a décidé d'étendre cette initiative en faisant désormais du 20 octobre la Journée internationale du paysage du Conseil de l'Europe. 80 Par exemple Landscape and public health (Paysage et santé publique). Démarches paysagères en Europe Page 42/173 Rapport n°010731-01 3.4.3. Des initiatives françaises qui mériteraient d'être mieux identifiées. Les initiatives ne manquent pas en France, vers les scolaires, le grand public, les élus locaux, ou des publics plus spécialisés comme celui des aménageurs. En ce qui concerne les écoles et collèges, les animations comparables à celle notée ci-dessus en Wallonie sont nombreuses81. Mais il n'en existe pas de recensement, même partiel. À titre d'illustration, on peut citer deux exemples ponctuels : · Le secrétariat de la CEP a recensé un projet de sensibilisation au paysage, « 3KCL-Paysages culturels karstiques », mené dans les années 2000 entre l'Italie, la Slovénie et la France, qui a donné lieu à une diffusion de la culture paysagère entre des écoles de chaque État membre et les universités de Padoue et de Nice-Sophia-Antipolis82. · De même, l'ouvrage « Paysages de Midi-Pyrénées, de la connaissance au projet » publié en 2015 par la DREAL et l'Union régionale des CAUE relate-t-il 83 un exemple parmi d'autres, l'expérience « Portraits de paysages dans la vallée de l'Arize », destiné en priorité à un public scolaire (une centaine d'enfants de 8 à 12 ans) avec l'intervention d'un plasticien pour illustrer l'action de sensibilisation engagée. Vis-à-vis du grand public, l'outil de la photographie et très souvent utilisé : le ministère de l'environnement a lancé, dès 1991, un « Observatoire photographique national du paysage ». Les services de l'État associés aux collectivités territoriales ont mis en place dix-neuf « itinéraires photographiques » labellisés84. Des commanditaires locaux de ces itinéraires ­ notamment les PNR85 ­ organisent des expositions ou des mises en ligne dont l'impact est fort, par exemple la POPP-Breizh (plate-forme de l'observatoire des paysages de Bretagne)86. Enfin deux concours nationaux (1992 et 2013) ont fait appel aux citoyens pour photographier leur environnement paysager87. Les CAUE88 réalisent en outre nombre d'interventions à destination des élus locaux : expositions, parcours de lecture des paysages, cahiers de recommandations et guides d'aménagement. Les services déconcentrés de l'État, même si peu d'entre eux organisent effectivement la « journée paysage » prévue par la circulaire du 1er mars 2007, prennent toute leur place dans cette acculturation du public et des élus89. 81 Ainsi le CRDP (centre régional de documentation pédagogique) Midi-Pyrénées a-t-il publié en 2000 une brochure intitulée « 50 activités avec le paysage ». Description in « Facettes du Paysage, réflexions et propositions pour la mise en oeuvre de la CEP », Ed. Conseil de l'Europe, janvier 2012, contribution de Benedetta Castiglioni « l'éducation au paysage à l'école, pp 264-264. p.116 et suivantes. Parcours virtuels dans le paysage re-photographiés dans le temps avec même angle et même focale. Les parcs naturels régionaux (PNR) gèrent six itinéraires nationaux sur dix-neuf. http://popp.applis-bretagne.fr/ Le second concours, organisé par le ministère, à l'occasion des vingt ans de la Loi de 1993, s'est traduit par une vision tragique de nos paysages contemporains, où dominaient, sous un ciel pluvieux, les friches industrielles et les gares de triage... Conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement. Voir le bilan des enquêtes menées par le CGEDD auprès des DREAL et des DDT(M) dans le rapport de 2014 « Paysage et aménagement : propositions pour un plan d'action national » de 2014 déjà cité. Démarches paysagères en Europe Page 43/173 82 83 84 85 86 87 88 89 Rapport n°010731-01 S'ajoutent à ce panorama les deux grands réseaux d'éducation à l'environnement issus de la mouvance « école et nature » des années 70-80 : les Centres permanents d'initiatives pour l'environnement (CPIE) et le réseau GRAINE (Groupe régionaux d'animation pour la nature et l'environnement), le lien étant parfois établi, dans leurs animations, entre biodiversité et paysage autour du thème du jardin90. Vis-à-vis des aménageurs, les éléments de bilan sont à peu près inexistants : des sensibilisations au paysage sont organisées régulièrement par le réseau de formation du ministère de la transition écologique (les CVRH 91 notamment ainsi que les écoles d'ingénieurs et de techniciens) ou, de façon semble-t-il plus ponctuelle, pour la formation des fonctionnaires territoriaux (au CNFPT 92). Dans ce domaine, comme dans les formations destinées au secteur privé, une enquête complète serait nécessaire. D'autres initiatives dispersées sur le terrain contribuent à une sensibilisation de la population aux enjeux de la politique du paysage. Elles mériteraient d'être structurées et leurs résultats capitalisés : faute d'une vision d'ensemble de l'état des lieux, il n'est en effet possible de maîtriser ni les messages diffusés (vision évolutive ou plus tournée vers la nostalgie...), ni les priorités d'action, en fonction des manques identifiés. Lancer un tel chantier est donc de première importance, les plans d'action qui suivront pouvant être d'échelle nationale ou régionale (cf. recommandation n° 2). 4. Recommandation : Élaborer avec le ministre de l'Éducation nationale une politique de sensibilisation au paysage des scolaires, des populations, des maîtres d'ouvrages et des professionnels de l'aménagement à partir d'un bilan des initiatives existantes. 3.5. Le développement de politiques agro-paysagères L'agriculture et la forêt occupent à elles deux près des neuf dixièmes de notre territoire et l'agriculture à elle-seule plus de la moitié93. Le paysage agricole est donc un enjeu majeur pour la qualité de notre territoire quotidien : en montagne ou en plaine, près ou loin des métropoles, les acteurs agricoles ont une responsabilité dans la manière dont le paysage évolue et dont sa perception suscite adhésion, indifférence, ou polémique de la part de nos concitoyens comme de nos visiteurs étrangers. Or, les approches paysagères sont souvent perçues comme préludes à de nouvelles contraintes par une profession agricole qui a déjà des difficultés à s'adapter aux besoins contradictoires de la société94. Pourtant, la mission a décelé quatre exemples où agriculture et paysage ont engagé un dialogue fructueux aboutissant à des réalisations concrètes ou à des processus intégrateurs mutuellement avantageux. 90 Le CPIE « Bigorre-Pyrénées » de Bagnères-de-Bigorre a ainsi dans son catalogue d'activités une très intéressante fiche « lecture de paysage, un moment pédagogique fort » qui rappelle, par sa méthode, le kit catalan évoqué supra (à télécharger sur le site www.cpie65.fr). Centres de valorisation des ressources humaines du Ministère de la Transition écologique et solidaire. Centre national de la fonction publique territoriale. Selon une étude d'Agreste, le service statistique du ministère en charge de l'agriculture, les paysages agricoles recouvrent plus de 282 000 km², soit 51% des surfaces totales de la France métropolitaine ­ deux tiers cultivés, un tiers en herbe ­ pour 40% de sols « naturels » (forêts ­ 30 % du total ­ landes, garrigues...) et 9% des sols artificialisés, en progression. Source : www.http://agriculture.gouv.fr/agriculture-et-foret/quelle-part-du-territoire-francais-est-occupee-parl'agriculture, 29/10/2014. Il suffit de se reporter aux débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de l'article 171 (consacré aux « objectifs de qualité paysagère ») de la loi « Biodiversité » du 8 août 2016. Démarches paysagères en Europe Page 44/173 91 92 93 94 Rapport n°010731-01 « Une partie de plaine agricole en fort contact avec l'urbanisation » Parc agricole sud de Milan ­ Photo JLC Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 45/173 3.5.1. Quatre références européennes A. La Suisse Une politique agricole confédérale s'est mise en place, à partir des années 9095, fondée notamment sur un système de « paiements directs » aux exploitants, en contrepartie de « prestations écologiques requises ». On note deux dispositifs à fort effet paysager : les « bordures tampon », où l'usage des pesticides est prohibé, le long des cours d'eau, des haies et des lisières forestières, ce qui conforte les structures paysagères concernées ; la rotation obligatoire des cultures, avec un minimum de quatre productions par exploitation qui a une incidence directe sur la taille des parcelles et conserve au paysage rural suisse un aspect voulu de mosaïque agricole. Plus intéressant encore, l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) a mis en place un programme 2014-2017 de « projets de contribution à la qualité du paysage ». Il s'agit, sur des entités paysagères homogènes, d'établir collectivement un programme cohérent de « maintien, promotion et développement des caractéristiques paysagères spécifiques ». L'initiative de la démarche appartient à un groupement local animé par une commune, par un parc régional ou par un groupe d'agriculteurs. Le programme couvre d'ores et déjà 35 000 exploitations (66 % des fermes ). Le succès et l'adhésion ont dépassé toutes les prévisions puisque sur les 150 millions de Francs Suisses du programme pluriannuel96, 125 ont déjà été engagés. B. L'Irlande Dans 25 uplands97, des projets de répartition optimale de la « boîte verte » de la PAC ont donné lieu à une approche paysagère d'initiative locale (community-led) du développement rural. Les animateurs de chacun de ces territoires ont mobilisé la société locale y compris les agriculteurs, au service d'un développement, notamment agricole et pastoral, adapté au caractère propre de chaque territoire. Parmi les enjeux traités figurent la compatibilité entre les activités récréatives ou touristiques et la mise en valeur pastorale : mise en place locale de réseaux de sentiers « durables » (c'est-à-dire non perturbants pour l'économie pastorale, par exemple contrôle de la divagation des chiens) ; promotion de produits et de services agricoles « du 21e siècle » (y compris énergie renouvelable98, service d'accueil, produits alimentaires locaux, éducation à l'environnement...). C. L'Italie Institué par une loi de la Région Lombardie de 1990, le parc Agricole Sud Milan couvre 47 000 ha de zones agricoles et forestières. Il gère avant tout des autorisations de 95 A la suite d'une « votation » citoyenne, et malgré l'opposition du monde rural : depuis 1996, l'article 104 de la constitution fédérale proclame le caractère multifonctionnel de l'agriculture : « La confédération veille à ce que l'agriculture [...] contribue substantiellement : à la sécurité de l'approvisionnement de la population ; à la conservation des ressources naturelles et à l'entretien du paysage rural ». Soit 5 % du total du budget de l'agriculture de la confédération, qui s'élève à 3Mds de Francs suisses. Dans cette île peu montagneuse qu'est l'Irlande, les Uplands sont les territoires situés au-dessus de 150m dont les points culminants dépassent 300m d'altitude. Ils totalisent 14 % de la surface totale de l'île, mais ne regroupent que 2% de sa population, en rapide déclin sur des terres qui ne répondent pas aux standards qui fondent la politique agricole européenne. Par exemple, la mise en valeur des « puits de carbone » que constituent les tourbières. Démarches paysagères en Europe Page 46/173 96 97 98 Rapport n°010731-01 travaux via une commission ad hoc, en fonction d'un zonage qui définit ce qu'il est possible de faire sur des secteurs à valeur patrimoniale, architecturale et paysagère. Cette gestion centralisée, citadine, parfois conflictuelle, est depuis peu pondérée par des initiatives locales, comme le Parc des rizières (Parco delle risaie) créé en 2008 par un groupe de résidents et d'agriculteurs, afin de préserver et d'améliorer cette partie de la plaine rizicole en fort contact avec l'urbanisation, à la fois dans sa fonction productive et pour favoriser l'accueil et le tourisme rural. Les circuits courts vers la ville ont cru en 10 ans, via les marchés ou des groupes d'achats solidaires. Outre cet exemple positif de lien paysage-agriculture, la visite du parc du Tessin 99 a permis d'observer une méthode efficace d'approche des acteurs agricoles pour multiplier ce type de lien. L'acquisition de la confiance y a été obtenue d'abord en résolvant leurs problèmes immédiats, puis en les aidant à monter des projets économiquement viables. Une fois ces deux étapes accomplies, on a pu faire prendre conscience que les alignements d'arbres, les haies, la rotation des cultures, ou le maintien d'un parcellaire assez réduit créent, s'ils sont bien gérés, un paysage et un environnement qui présentent un intérêt économique et touristique100. D. La Belgique / Wallonie C'est le même type d'approche qui a été décrit à la mission lors de sa rencontre, à Bruxelles, avec un responsable du Parc naturel des plaines de l'Escaut101. Le parc mène en effet une politique active vis-à-vis de cette population sensible que sont les agriculteurs : le sixième point de son plan d'action s'intitule « le paysage, pour une image restaurée des agriculteurs » : il s'agit d'aider à leur intégration sociale, notamment en les rapprochant des néo-ruraux qui leur sont parfois hostiles. Le parc affirme ainsi que « le projet agricole prime » dans les démarches entreprises. 3.5.2. Vers des démarches agro-paysagères en France En dépit de la méfiance qui marque les relations entre agriculture et paysage en France, les tentatives de mise en liaison ne sont pas absentes : dès les années 90 des corrélations étaient établies entre qualité des paysages et qualité des produits agricoles (avec le territoire pionnier du Beaufortin, puis la quarantaine de sites labellisés « paysages de reconquête »102). Plus récemment, dans les années 2000, la Fédération nationale des SAFER a initié un « Manifeste pour les paysages » qui a regroupé l'ensemble des parties prenantes bien au-delà des acteurs du monde rural. Dans le même élan, la Fédération nationale des CAUE lançait des rencontres biennales « paysage et agriculture » qui continuent d'être aujourd'hui de précieux lieux d'échanges. De son côté le Ministère de l'agriculture 99 Situé à une quarantaine de kilomètres à l'ouest de Milan, le parc adopte une forme linéaire nord-sud qui suit la rivière du Tessin, affluent du Pô. Il a été créé en 1974 pour protéger les milieux naturels de la vallée contre l'urbanisation. Par exemple, l'organisation de filières de vente directe dans un secteur où toute la production rizicole était autrefois vendue aux grandes rizeries a permis de montrer que les baisses de production de riz engendrées par la plantation de haies étaient largement compensées par les prix en vente directe. Parc limitrophe de notre PNR Scarpe-Escaut, avec lequel il coopère régulièrement. A noter que dans les parcs naturels de la Région Wallonie, des « programmes paysages » sont obligatoires. Lucette Laurens, géographe, en établit en 1997 le bilan dans la revue « Natures, sciences, société » : https://www.nss-journal.org/articles/nss/pdf/1997/02/nss19970502p45.pdf Démarches paysagères en Europe Page 47/173 100 101 102 Rapport n°010731-01 lançait des plans paysagers d'aménagement foncier agricoles et forestiers (AFAF) qui n'ont malheureusement pas été poursuivis103. Aujourd'hui, la loi d'avenir pour l'agriculture de 2014 ne mentionne la « préservation des paysages » que parmi une quinzaine d'objectifs nationaux. La Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises, au ministère de l'agriculture, ne se consacre que très marginalement aux politiques agro-paysagères, elle dispose toutefois d'un siège au comité de pilotage paysage national présidé par le DGALN. Enfin, le 29 juin 2015 le bureau du paysage a consacré une de ses journées trimestrielles d'animation au thème «agriculture et paysage », au ministère de l'Agriculture104. Ces actions mériteraient une vue d'ensemble, une impulsion politique et une réelle coordination. Les deux ministères concernés auraient donc intérêt à diligenter, sous le timbre de leurs inspections générales respectives, une enquête croisée sur l'histoire récente et les initiatives actuelles dans ce domaine, afin d'initier un véritable plan d'action pluriannuel : accompagnement facilitateur du tournant agro-écologique que prend aujourd'hui l'agriculture française, complémentarités agriculture-urbanisation qui prennent progressivement le pas sur l'antagonisme ancien entre ville et campagne105. 5. Recommandation : Proposer au ministre de l'Agriculture et de l'alimentation l'engagement d'une mission conjointe CGEDD-CGAER en vue de l'élaboration d'un plan d'action agriculture et paysage, visant une gestion qualitative de l'espace agricole et sa bonne complémentarité avec l'espace urbanisé. 3.6. Aller au-delà de la trame verte et bleue : des usages multiples pour les espaces ouverts agricoles, naturels et urbains En 2013, la Commission européenne a défini une stratégie pour l'infrastructure verte qui préconise son intégration dans les politiques de l'UE afin qu'elle devienne une composante intégrée de l'aménagement du territoire. Cette stratégie s'ancre dans celle en faveur de la biodiversité, mais va bien au-delà de sa préservation. L'infrastructure verte est définie comme « un réseau constitué de zones naturelles et semi-naturelles et d'autres éléments environnementaux faisant l'objet d'une planification stratégique, conçu et géré aux fins de la production d'une large gamme de services écosystémiques. Il intègre des espaces verts ou aquatiques et d'autres éléments physiques des zones terrestres, côtières et marines. À terre, l'infrastructure verte se retrouve en milieu rural ou urbain »106. Cette approche novatrice de l'aménagement de l'espace aborde le paysage dans sa globalité, non en vue d'un usage particulier. Cette démarche permet de mettre en oeuvre des actions qui relèvent de plusieurs politiques sectorielles (agriculture, tourisme, transports, prévention des risques naturels, amélioration du cadre de vie, loisirs...) en partant des données et des démarches paysagères. 103 Leur ancien promoteur au Ministère de l'agriculture, Régis Ambroise, vient de publier aux éditions « Educagri » une brochure intitulée « Agriculture et paysage, pour le meilleur » qui reprend et développe l'acquis de ces démarches. http://editions.educagri.fr/livres/4858-paysage-et-agriculturepour-le-meilleur-.html Actes téléchargeables: http://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/R%C3%A9sum %C3%A9s%20des%20interventions%20%28journ%C3%A9e%20des%20paysages%20du %2029%20juin%202015%29.pdf De « l'empiétement de la ville sur les terres arables » aux services d'alimentation et de délassement rendus par la « campagne » à la ville limitrophe. Voir le communiqué de la Commission européenne en date du 6 mai 2013, et la brochure explicative téléchargeable avec le lien http://ec.europa.eu/environment/pubs/pdf/factsheets/green_infra/fr.pdf Démarches paysagères en Europe Page 48/173 104 105 106 Rapport n°010731-01 3.6.1. L'expérience anglaise : une démarche d'infrastructure verte élargie prônant avec efficacité la multifonctionnalité des espaces ouverts. Actuellement, l'Angleterre offre une expérience intéressante de la mise en oeuvre de l'« infrastructure verte » (Green infrastructure / GI) / trame verte à partir d'une approche paysagère. L'approfondissement de cette question a été central lors de la visite de la mission dans ce pays. Dès 2008, l'outil « GI » est mentionné dans les documents stratégiques nationaux de planification. Sa définition se rapproche de celle de la Commission européenne. La démarche s'appuie sur la conception multifonctionnelle de l'infrastructure verte. Ainsi, dans le National planning policy framework, l'accent est mis sur la nécessité d'un usage multifonctionnel du foncier. Ce « cadrage national », qui s'impose aux autorités locales en matière de planification et d'aménagement, prévoit que la planification doit promouvoir, sur les espaces ouverts, des aménagements à usages mixtes et favoriser les retombées multiples (environnementales, sociales et économiques). Cet outil de planification contribue à la protection de la santé et à l'amélioration du bien-être des populations tout en protégeant les sites qu'elle englobe. Cette démarche a reçu le soutien actif du Landscape Institute déjà évoqué (qui l'a même sans doute inspirée). Plusieurs illustrations de cette démarche ont été présentées à la mission. Des expériences ont été menées à Bristol et à Sheffield. Dans cette dernière ville, la GI a permis la réalisation de bassins d'expansion des crues qui ont en même temps le caractère de parcs publics. La démarche se révèle aussi efficace lors de la restauration de territoires dégradés ou affectés par la désindustrialisation. Ainsi, Birmingham a été requalifiée à partir de l'aménagement des berges de ses canaux, tandis qu'à Stoke-onTrent, les anciennes voies ferrées ont servi de fil directeur à la remise à niveau du territoire urbain. Nos interlocuteurs ont souligné que la démarche de GI dans la planification est prise en compte de manière active lors de l'élaboration des plans locaux. Cependant, tous s'accordent sur le fait que sa mise en oeuvre suppose une coordination de l'ensemble des parties prenantes du projet assurée par l'autorité planificatrice (comté, district, neighbourhood). Cette coordination doit intervenir dès la conception du projet et en vue de sa gestion. Chargée en première ligne du suivi de la mise en oeuvre de cette infrastructure verte, l'agence Natural England107 a intégré en son sein une équipe dynamique et motivée de landscape architects qui conçoivent et diffusent les outils méthodologiques appropriés pour assurer cette pertinente multifonctionnalité de la trame. La nouvelle Agence française pour la biodiversité (AFB) ne possède pas de compétences équivalentes. 3.6.2. Une expérience qui tend à se développer dans d'autres pays voisins. En Allemagne, la fédération allemande des professionnels du paysage (Bund Deutscher Landschaftsarchitekten), dans un document daté de 2014108, défend l'infrastructure verte comme une opportunité en faveur de la planification. Son approche est 107 L'agence se définit comme suit : « We're the government's adviser for the natural environment in England, helping to protect England's nature and landscapes for people to enjoy and for the services they provide. » (nous conseillons le gouvernement en matière d'environnement naturel, contribuant à la protection de la nature et du paysage pour les prestations qu'ils rendent et pour l'agrément de tous). https://www.gov.uk/government/organisations/natural-england/about Démarches paysagères en Europe Page 49/173 Rapport n°010731-01 comparable à la démarche anglaise. Elle considère qu'il devient opportun d'aborder les fonctions sociale et écologique du paysage dans un contexte élargi. Elle entend se placer sur le devant du débat public. Dans les zones à forte densité de population, l'infrastructure verte offre une réponse aux besoins, en organisant la multifonctionnalité de l'espace. En Suisse, l'Office Fédéral de l'Environnement (OFEV) développe un concept de « prestations paysagères » qui s'apparente lui aussi à l'idée de pluri-fonctionnalité des espaces développée outre-Manche : « Les prestations du paysage désignent des fonctions du paysage utiles à l'homme (par exemple facteur économique, avantage territorial, patrimoine culturel, source d'identité, de détente et de santé) ; ces prestations comprennent aussi le support indispensable que représente le paysage pour la biodiversité et la régénération des ressources naturelles. » 109. 3.6.3. En France, une évolution de la Trame verte et bleue devient nécessaire. À la différence de l'Angleterre et de l'Allemagne, la France a choisi une conception restreinte du concept d'infrastructure verte essentiellement centrée sur la protection de la biodiversité : la Trame verte et bleue (TVB). Les lois Grenelle de 2009 et 2010 auraient pu faire des continuités écologiques un enjeu pour l'aménagement durable du territoire mais la TVB française a eu pour seul objectif d' « enrayer la perte de biodiversité », même si elle « contribue à [...] améliorer la qualité et la diversité des paysages », tout en « prenant en compte les activités humaines »110. La TVB s'affirme comme une politique sectorielle et verticale. Il en résulte une conception restreinte et fonctionnelle du foncier et une adhésion des acteurs locaux incertaine, au-delà de la prise en compte ­ souvent a minima ­ des « corridors » et « réservoirs » de biodiversité dans les documents d'urbanisme. Or, l'infrastructure verte, telle que conçue par l'Union européenne et mise en oeuvre ou envisagée dans quelques pays, n'est pas une politique mais un outil au service d'une politique d'aménagement, de programmation et de planification, véritable armature territoriale qui s'appuie sur l'approche paysagère des espaces ouverts. Cet outil offre la possibilité d'une conception et d'une gestion coordonnée de l'aménagement d'un espace. On trouve cependant en France des initiatives locales, mises en valeur et en réseau par l'actuel chef de projet TVB à la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), qui ont esquissé une approche coordonnée et multifonctionnelle du paysage. Ainsi, la charte internationale de Fontevraud111 tout en prônant la protection et la valorisation des paysages viticoles, élargit aux activités touristiques et à la connaissance patrimoniale et écologique les actions de gestion des territoires considérés. 108 In Green Infrastructure - a future topic in landscape architecture, Till Rehwaldt, président de la Fédération des Architectes-paysagistes allemands, BDLA - Bund Deutscher Landschaftsarchitekten, Berlin, 17 juillet 2014. In Stratégie Paysage de l'OFEV, Berne Octobre 2011, glossaire p. 25 https://www.bafu.admin.ch/.../landschaftsstrategiebafu.../strategie_paysagedelofev.pdf Loi du 12 Juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, article 122. Voir son descriptif sur le site de l'institut français de la vigne et du http://www.vignevin.com/recherche/territoires/paysages-viticoles/reseau-international-paysagesviticoles.html Démarches paysagères en Europe 109 110 111 vin : Rapport n°010731-01 Page 50/173 De même, l'expérience du « triangle vert de l'Essonne »112 illustre une volonté de coordination des acteurs sur un territoire donné dans le souci de parvenir à une conciliation des usages. Ce projet agri-urbain s'est fixé pour objectif d'assurer le maintien de l'activité agricole, de valoriser et mettre à profit la proximité urbaine et favoriser ainsi le développement d'activités économique et sociale nouvelles. Enfin, le projet s'emploie à faire reconnaître la valeur nourricière, mais aussi culturelle, paysagère et récréative du territoire. En France, la démarche de « corridor écologique » ou « trame verte et bleue » mériterait donc d'être développée et étendue à une véritable approche multifonctionnelle du paysage. Il s'agirait donc, tout en préservant la biodiversité, de limiter l'espace « artificialisé» dans une perspective de développement durable, de prendre en compte des effets du changement climatique (notamment les risques naturels induits) et des aspirations des citoyens à une amélioration de leur cadre de vie, rural et urbain et de leur vie quotidienne. Le récent rapport commandé par la DGALN à l'Association des paysagistes-conseils de l'État (APCE) préconise le recrutement d'équipes pluridisciplinaires pour élaborer ou réviser ces trames à l'échelon régional ou local 113. Il ne va pas toutefois jusqu'à affirmer la multifonctionnalité de ces espaces ou le lien ville-campagne qu'ils peuvent représenter, comme c'est aujourd'hui le cas dans les expériences d'outre-Manche ou comme le suggère la Commission européenne. Il faut donc utiliser l'approche paysagère pour aller plus loin. 6. Recommandation [à la DGALN] : Élargir la Trame verte et bleue au-delà de la biodiversité à une approche territoriale multifonctionnelle structurant le paysage rural et urbain. 3.7. Vers une approche paysagère de la planification urbaine Parce qu'il décrit à la fois le substrat physique et la logique des établissements humains sur un territoire, le paysage peut être le guide des démarches de planification spatiale et le vecteur d'adhésion des populations et acteurs concernés. Pourtant, les documents d'urbanisme réduisent souvent l'approche paysagère à un simple « volet » dédié aux éléments patrimoniaux et à la végétalisation des villes ou des villages. La connaissance paysagère est pourtant largement développée dans des atlas départementaux qui couvrent aujourd'hui neuf départements sur dix114; elle est parfois déclinée dans les projets d'aménagement et de développement durable (PADD) des SCOT ou PLU ; mais elle est peu souvent traduite dans les éléments prescriptifs ou opérationnels des documents d''urbanisme. La centaine de « plans de paysage » aujourd'hui en cours ne contredit pas ce constat : la connaissance paysagère, très avancée en France, est trop rarement le fil directeur de l'aménagement. Là encore, les pays voisins nous fournissent des références utiles pour renforcer l'usage de cette approche dans l'acte planificateur. 112 Développé à partir de 2003, sous l'impulsion notamment du paysagiste Thierry Laverne, par ailleurs élu local. http://www.trianglevert.org/ Voir à cet égard, le très intéressant rapport commandé par la DGALN à l'Association des Paysagistesconseils de l'État (APCE). Il été rendu en 2016 et est téléchargeable avec le lien suivant : http://www.paysagistes-conseils.org/sites/apce/files/contenus/rapport_ptvb_11_02_2017_0.pdf Même si leur actualisation serait parfois nécessaire et leur diffusion largement perfectible, ces atlas sont aujourd'hui un potentiel d'information précieux pour les planificateurs. Démarches paysagères en Europe Page 51/173 113 114 Rapport n°010731-01 3.7.1. Cinq références européennes : A. La Catalogne Dans cette communauté autonome, les « catalogues », déjà cités, qui « déterminent la typologie des paysages de Catalogne et identifient leurs valeurs », proposent également « les objectifs de qualité à atteindre »115. Ceux-ci doivent être transcrits en obligations juridiques sous la forme de directrius dans chacune des vigueries116 ; échelons stratégiques de l'aménagement de l'espace, les sept vigueries catalanes disposent d'un « plan territorial partiel » approuvé par la Generalitat et les 41 comarques (cantons) d'un « plan directeur territorial » compatible avec cette norme. Enfin l'échelle municipale est l'objet de Plans d'ordenacio urbanistics municipals (POUM) ­ comparables à nos PLU ­ qui doivent aussi respecter la norme supérieure. Les objectifs de qualité, inclus dans l'équivalent de nos atlas, sont donc directement transcrits en normes paysagères dans ce qui ressemble à un SCoT. En deçà de cette échelle, toutefois, on ne peut compter que sur le lien de compatibilité entre normes de planification urbaines de droit commun, sans que des structures et éléments de paysages d'une commune ou d'un canton soient assurées d'être réellement prises en compte. Ce sont les « chartes de paysages », volontaires, qui prennent alors le relais. B. La Suisse En matière d'aménagement de l'espace, ce pays n'est décentralisé qu'en apparence : chaque canton adopte certes un « plan directeur », mais celui-ci doit être approuvé par la Confédération. Ces plans directeurs ont « force obligatoire pour les autorités » et en particulier pour les plans d'affectation communaux (équivalents de nos PLU). Selon les cantons une « Conception d'évolution du paysage »117 peut être mise en oeuvre dans le cadre d'un plan d'affectation, ou même parfois d'un plan directeur. « Au point de vue juridique », lit-on sur le site de l'OFEV, « la Conception d'évolution du paysage représente une base pour la planification ». L'Office anime une plate-forme interactive d'échanges d'informations pour le développement de cette démarche. Cette plate-forme répertorie quelques 55 « Conceptions » ou LEK118 en cours ou achevées. Annexée au plan directeur de ce canton, la « Conception » du Jura, finalisée en 2010, n'est pas un document opérationnel, mais une méthodologie obligatoire, une « directive à l'attention des autorités communales ». Il y est écrit que les communes « doivent élaborer une Conception dans le cadre de la révision de leur plan d'aménagement local ». il ne peut donc y avoir de révision du plan sans lancement simultané d'une telle Conception. 115 116 Selon la « Llei del païsatge » du 8 juin 2005 déjà mentionnée. Deux seulement sont approuvées à ce jour. Certaines directives « provisoires » sont toutefois appliquées par anticipation. « Esquisse, juridiquement non contraignante, de l'évolution souhaitée du paysage, en vue de son utilisation durable et de sa mise en valeur écologique et esthétique » selon les lignes directrices diffusées par l'Office Fédéral de l'environnement (OFEV) à leur sujet (Annexe fiche-action AFBE06 NE7) : En allemand Landschafts entwicklungs konzept, LEK. Démarches paysagères en Europe Page 52/173 117 118 Rapport n°010731-01 C. Les Pays-Bas Dans ce pays les régions, intercommunalités et municipalités peuvent mettre en place des plans de développement du paysage (Landschapsontwikkelingsplan, LOP), destinés à encadrer les constructions et aménagements nouveaux. Leur réalisation est toutefois volontaire, à l'initiative des municipalités, des groupements de communes ou des régions. Leur développement a été encouragé par des subventions gouvernementales ; douze LOP sont en cours d'études ou de mise en oeuvre. L'articulation est forte avec les plans de zonage, les LOP doivent obligatoirement être le fondement des orientations du document local de planification, et le cas échéant, en constituer une partie intégrante. Il y a bien volontariat, mais au sein de celui-ci, obligation de transcription juridique des objectifs et des éléments opérationnels arrêtés. En outre, l'exécution des plans est assurée par un Landschapscoördinator (coordinateur de paysage119), chargé de cette transposition, et du suivi des réalisations. D. La Grande-Bretagne La gestion des paysages non protégés est assurée dans le cadre du national policy planning framework (NPPF). Les plans locaux (356 autorités locales sont en charge de planification) sont examinés par des agents de l'État (planning inspectors), qui se prononcent sur la régularité du plan local qui leur est soumis, avec appel à l'arbitrage du ministre en cas de désaccord. Parmi les critères d'appréciation figurent la prise en compte du Landscape Character Assessment (LCA) déjà évoqué (cf. supra 2.1.2.)120. La valeur d'un paysage peut donc fonder un refus d'approbation du plan ou d'autorisation d'aménagement. De plus, à l'occasion de l'élaboration d'un plan local d'aménagement, un bilan paysager (landscape evidence) s'appuie sur la LCA qui décrit le paysage et en suit les évolutions. E. L'Allemagne L'Allemagne met en oeuvre une vision assez descriptive du paysage, par typologies et zonages, avec de nombreuses cartes thématiques, beaucoup plus facile à quantifier et à inclure dans la planification. La méthodologie est très cadrée, la plupart des Länder ayant publié des méthodes d'élaboration des plans d'aménagement paysager, ce qui harmonise les contenus et les procédures à l'intérieur de chaque Land. Selon la loi fédérale, les documents de planification paysagère de chaque niveau territorial doivent être intégrés aux planifications territoriales et urbaines des niveaux correspondants, accordant à la planification paysagère la valeur et les effets juridiques de la planification territoriale. Cette intégration se fait soit par « intégration primaire », les outils paysagers étant conçus directement comme partie intégrante des plans urbains et territoriaux (Rhénanie-Palatinat, Bavière, Hesse), soit par « intégration secondaire », via un processus de pondération et d'évaluation (Bade-Wurtenberg, Schleswig-Holstein, Sarre). 119 Ces agents sont des professionnels privés sous contrat d'étude par les collectivités ou organismes porteurs. Rappelons la carte nationale de qualification des paysages dressée et mise en ligne en septembre 2014 (National Character Areas Profiles corporate report). Démarches paysagères en Europe Page 53/173 120 Rapport n°010731-01 L'ancienneté des politiques de protection et de gestion du paysage, le système hiérarchisé, le fait que le gouvernement fédéral subventionne l'élaboration et la mise en oeuvre des plans d'aménagement paysager, contribuent à garantir la cohérence des politiques et le respect des objectifs de qualité paysagère sur tout le territoire. La participation citoyenne à l'élaboration des documents conforte l'ensemble. 3.7.2. Vers une continuité entre connaissance du paysage et approche paysagère de la planification La continuité entre connaissance du paysage, normes et actions planificatrices, semble donc plus affirmée chez nos voisins que chez nous. En France, l'atlas de paysage a été récemment défini de manière limitative dans la loi du 8 août 2016121 comme un « document de connaissance qui a pour objet d'identifier, de caractériser et de qualifier les paysages du territoire départemental », à l'inverse de ce qui vient d'être rappelé pour son équivalent catalan (et de ce qui avait été vu précédemment concernant la Wallonie). Introduire une formulation d'objectifs de qualité paysagère dans les atlas, ce serait leur donner une dimension de guide pour les actions futures, déclinable par exemple dans les trois à dix SCoT que pourrait compter à terme chaque département122. Plusieurs atlas se sont d'ailleurs déjà dotés d'objectifs de qualité, tel celui de Meurthe et Moselle, élaboré en 2003, ou l'atlas « pratique » des paysages d'Auvergne, mis en ligne en 2014. Dans ce même objectif de continuité connaissance-action, on peut observer que la France se situe dans la moyenne en matière de couverture du territoire, rapportée à sa superficie, des démarches de type « plans de paysage »123 que l'on a rencontrées en Catalogne (« Cartas »), en Suisse (Cep ou LEK) ou aux Pays-Bas (LOP). Toutefois on a observé dans ce dernier cas que si de telles démarches relèvent du volontariat des collectivités locales, dès lors qu'elles sont menées, leurs résultats s'imposent, en termes juridiques et opérationnels, aux documents de planification correspondant aux échelles de projet. Il y a là une piste de progrès à explorer pour assurer la pérennité des démarches locales tributaires des alternances politiques. Une troisième piste de progrès dans cette recherche de continuité pourrait s'inspirer des exemples du Jura Suisse et de la Grande-Bretagne : les premiers imposent l'approche paysagère comme fil directeur de la planification, les seconds vérifient au stade de l'approbation du document la prise en compte des LCA (atlas) dans les orientations du plan d'urbanisme. Certes, l'esprit de notre code de l'urbanisme est celui d'une large décentralisation, alors que les pratiques suisses ou anglaises relèvent d'une logique de tutelle, surprenante mais effective dans ces pays. En revanche, notre code fixe bel et bien le cadre général, c'est-à-dire le langage commun, juridique et pratique de chacun des documents. 121 Nouvel article L. 350-1 B du Code de l'Environnement introduit par l'article 171 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016. Voir à cet égard le rapport du CGEDD N°010656-01, avril 2017, « quelles évolutions pour les schémas de cohérence territoriale » de Ruth Marques, François Duval et Philippe Iselin. La circulaire du 21 mars 1995 en donne la définition suivante : « Un plan de paysage est un dispositif contractuel, élaboré conjointement par l'État et les collectivités territoriales concernées. Il n'a pas de valeur réglementaire. Son élaboration comprend trois étapes : un diagnostic paysager, l'élaboration d'un projet exprimant à la fois des objectifs généraux de préservation et d'évolution du paysage et un programme d'actions en faveur du paysage qui peuvent être réglementaires, opérationnelles, pédagogiques... » Démarches paysagères en Europe Page 54/173 122 123 Rapport n°010731-01 C'est sans doute dans ce cadre (de méthode plus que de contrôle) que réside la capacité d'opérer la continuité recherchée entre une connaissance abondante et une mise en oeuvre pratique insuffisante des objectifs paysagers dans nos SCoT et PLU. De ce point de vue la piste d'« Orientations d'aménagement et de programmation » (OAP)124 transversales consacrées au paysage devrait être explorée125 : il s'agirait de faire le lien entre l'analyse sensible du territoire, souvent présente, comme on l'a vu, dans les rapports de présentations ou les PADD, et les parties juridiques opposables, où elle est rarement transcrite. Documents de projets, véritables guides à la fois pour les règlements de zones et pour les opérations d'aménagement, des OAP-paysages seraient ainsi le « chaînon manquant » dans le continuité recherchée126. 7. Recommandation [à la DGALN] : Assurer la continuité entre connaissance et action dans les démarches paysagères, en prenant mieux en compte les orientations issues des atlas de paysage dans les documents de planification, et en particulier en prévoyant l'introduction dans les PLU(i) d'une OAP-paysage transversale fondée sur les enjeux identifiés dans les atlas de paysage. 3.8. Une participation du public à conforter 3.8.1. Le paysage « perçu par les populations » dans la CEP : La Convention aborde la question de la participation de la société civile aux politiques paysagères à plusieurs niveaux127 : au niveau de la définition du paysage ­ elle remplace la subjectivité individuelle inhérente aux définitions classiques par l'expression d'une perception partagée : « partie de territoire telle que perçue par les populations » ­ mais aussi aux niveaux de la connaissance et de la qualification des paysages128. Elle évoque la définition des politiques publiques et la mise en oeuvre des projets en inscrivant, parmi les mesures visant la protection, la gestion et l'aménagement des paysages, la mise en place « des procédures de participation du public, des autorités locales et régionales, et des autres acteurs concernés par la conception et la réalisation des politiques du paysage ».129 Elle touche donc au champ de la participation citoyenne. Cette question, qui émerge à la fin des années 60, est de plus en plus sensible avec la remise en cause actuelle de la représentation politique et la revendication d'une participation de la société civile à la gouvernance, face à la mondialisation et au poids des lobbies ; cette demande se heurte souvent à la résistance des élus ­ les processus étant difficiles à maîtriser et 124 instaurées par la loi du 12 juillet 2010 dite loi Grenelle 2, les OAP exposent la manière dont la collectivité souhaite mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager des quartiers ou des secteurs de son territoire. L'article R 151-6 du Code de l'Urbanisme complète les attendus des « OAP sectorielles » en y introduisant un objectif d'insertion architecturale, urbaine et paysagère de ces secteurs. Il s'agit là d'une amorce intéressante. L'agglomération grenobloise (par ailleurs lauréate du dernier appel à projets « plans de paysage »), met en place une telle démarche, pour laquelle elle vient de recruter un maître d'oeuvre. Elle contribue en cela à l'émergence de ce principe dans les conventions internationales sur l'information et la participation du public : Convention d'Aarhus adoptée en 1998 et transposée depuis dans l'ordre juridique européen, processus d'évaluation environnementale de l'Union européenne qui couvre les aspects paysagers. Article 6C.1.b. de la Convention : [chaque partie s'engage] « à qualifier les paysages identifiés en tenant compte des valeurs particulières qui leur sont attribuées par les acteurs et les populations concernées. » Article 5c de la Convention. Démarches paysagères en Europe Page 55/173 125 126 127 128 129 Rapport n°010731-01 trop lents pour les cycles électoraux ­ et à celle des experts, réticents devant le « savoir citoyen ». Le Conseil de l'Europe est à l'origine de nombreux séminaires et publications 130 sur le thème de la participation dans différents États. Sur le paysage, il a mené dès 2008 différentes enquêtes dans les États parties pour s'assurer que la notion de « public » correspondait aux termes de la Convention, et étudier où intervenait la participation. Elle a abouti à plusieurs constats131 : a) la notion de « public » est encore disparate. Or, son acception conditionne l'efficacité de la participation. Pour la Convention, la participation concerne le public en général, sans avoir à justifier d'un intérêt juridiquement identifié 132. Dans certains États, le public s'entend des particuliers (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas...). Pour d'autres, le public désigne les autorités régionales et locales, acteurs institutionnels de la politique du paysage. En Espagne, les régions doivent consulter les intérêts sociaux (entrepreneurs, syndicats, associations environnementales) et les intérêts institutionnels, b) l'efficacité du dispositif dépend du stade et des modalités de la participation. Il ne semble pas exister de principe de participation dans le domaine spécifique du paysage. Elle est prévue dans des dispositions législatives (loi sur les procédures en Autriche, loi sur l'urbanisme en Irlande) qui s'appliquent indirectement au paysage. Un dispositif de participation du public très en amont de la décision en matière paysagère accroît sa portée. En Belgique comme au Royaume-Uni, la participation paysagère intervient ainsi dans le processus de planification dès le stade d'élaboration. Les modalités de participation sont diversifiées. Il peut s'agir d'une consultation du public afin de définir le contenu de l'étude d'incidence d'un projet (Belgique) ; d'une procédure d'enquête publique qui offre la possibilité de commentaires écrits, de plans ou schémas en rapport avec les paysages (Allemagne, Belgique, Espagne, Irlande, Italie, Pays-Bas) ou de commentaires oraux lors de réunions consultatives à l'occasion de projets (Allemagne, Italie, Pays-Bas) ; de consultation des communes sur le contenu du plan paysager élaboré au niveau régional (Italie) ; Plus récemment, le Conseil de l'Europe a commandé un rapport sur la question : « Paysage et démocratie ­ perspectives »133. Ce rapport aborde les modalités de mise en oeuvre de la démocratie dans le contexte du paysage et en particulier : l'échelle de gouvernance (l'échelle locale étant selon l'auteur la plus favorable à l'exercice d'une gouvernance partagée) ; le statut des acteurs (élus, associations et experts) ; les processus de participation, de la simple information à la participation réelle. Parmi les très intéressantes propositions de ce rapport, la mission note en particulier : 130 par exemple : « Les défis pour la société européenne à l'aube de l'an 2000 ­ Participation du public à l'aménagement d u territoire dans différents pays européens », Rapports et conclusions d'un séminaire dans le cadre de la Conférence européenne des ministres responsables de l'aménagement du territoire (CEMAT) qui s'est tenu à Bath les 26 et 27 avril 1995. Enquêtes synthétisées dans l'ouvrage collectif « Paysage et développement durable » (Éditions du Conseil de l'Europe 2008), voir notamment le chapitre 8 « paysage et participation du public », dû à Michel Prieur et Sylvie Durousseau. Aux termes de la Convention d'Aarhus à laquelle renvoie la CEP, le public s'entend comme : « « l'ensemble du public sans discrimination quant à la citoyenneté, la nationalité ou le domicile et, dans le cas d'une organisation non gouvernementale, sans discrimination quant au lieu où son siège est établi ». Yves Luginbühl : « Paysage et démocratie ­ perspectives ». Présenté lors de la 8e conférence du conseil de l'Europe sur la Convention européenne du paysage en mars 2015. Démarches paysagères en Europe Page 56/173 131 132 133 Rapport n°010731-01 · inciter les états à insérer des objectifs de qualité paysagère dans les politiques sectorielles, développer les documents d'urbanisme participatifs à dimension paysagère, systématiser les atlas participatifs et les articuler avec les observatoires photographiques ; · engager à l'échelle régionale des programmes d'action participatifs : plans, chartes ou contrats de paysage ; · localement, inciter les élus à mettre en oeuvre des actions de participation à l'amélioration du paysage. « La charte du paysage du Priorat en Catalogne fournit l'exemple d'un projet de paysage impulsé et piloté par les habitants » La reconquête paysagère des vignobles du Priorat ­ Photo JLC Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 57/173 3.8.2. Les constats de la mission dans les États visités Quel peut être l'apport de la mission dans ce champ déjà largement exploré ? Quelques cas rencontrés illustrent de manière efficace la mise en oeuvre des recommandations de la CEP : a) En termes de connaissance des paysages, l'équipe de rédaction des atlas de paysage en Wallonie (cf. 2.1.2.) s'adjoint les compétences d'un panel d'acteurs locaux pour une « enquête qualitative », qui aboutit parfois à la remise en cause des délimitations de certaines aires paysagères. Dans chaque atlas un chapitre intitulé « des regards sur le paysage » permet de cerner la façon dont les acteurs locaux perçoivent les paysages de leur région et la manière dont ils envisagent leur avenir. Cette participation peut légitimer en partie les objectifs de qualité paysagères figurant dans les atlas. De même on note, à titre d'exemple, l'initiative Wikipedra en Catalogne où plus d'une centaine de correspondants bénévoles se sont mobilisés pour un recensement citoyen d'éléments de paysage emblématiques, les cabanes de pierre sèche134. b) En ce qui concerne la définition des politiques, à laquelle on peut rattacher la planification, la mission note le cas de la Suisse, avec sa « Conception d'évolution du paysage » (cf. 3.7. supra) instrument volontaire d'application sur les territoires de la « Conception suisse du paysage ». Dans le cadrage méthodologique qu'il a édité à cet effet, l'Office fédéral de développement territorial (ARE) précise : « l'élaboration d'une Conception doit être conçue comme un processus participatif, intégrant les représentants des différentes utilisations du territoire» 135. Processus participatif et sensibilisation de tous sont essentiels, car « ils déterminent l'acceptation indispensable des projets. La Conception ne veut pas que seuls les acteurs directement intéressés [...] se sentent responsables du paysage. Elle veut impliquer l'ensemble des citoyens. »136 c) Pour ce qui est de la participation du public aux projets, l'exemple du Uplands forum en Irlande illustre une initiative locale où, dans la perspective d'un projet de territoire pour les Uplands la parole a été donnée aux communautés locales afin de susciter leur intérêt pour des projets qui améliorent leur qualité de vie et leur environnement, avec une participation inhabituelle des agriculteurs137. La charte du paysage du Priorat en Catalogne fournit l'exemple d'un projet de paysage impulsé et piloté par les habitants. Mue par un sentiment de marginalisation au sein de la Catalogne, la population de ce territoire a décidé de prendre en main le devenir du territoire en s'appuyant sur renouveau de l'économie viticole locale. Mais il est parfois difficile de faire se rencontrer les initiatives citoyennes avec les systèmes institutionnels de gestion ou de protection des paysages. Ainsi, en Italie, dans le parc agricole sud milanais (détaillé supra 3.5.1.), la gestion centralisée, issue du milieu citadin et visant une forme de sanctuarisation d'espaces agricoles périurbains, entre parfois en contradiction avec des initiatives locales, en particulier des agriculteurs, visant à pérenniser sa fonction productive, à favoriser l'accueil et le 134 135 136 Voir la carte interactive de cet inventaire citoyen sur http://wikipedra.catpaisatge.net Voir le site : https://www.are.admin.ch/are/fr/home/glossaire/landschaftsentwicklungskonzept--lek-.html Pour plus d'information sur les Conceptions d'évolution du paysage, voir annexes par pays, sur la Suisse, et le site http://www.lek-forum.ch Voir supra 3.2.5. ainsi que l'annexe par pays sur l'Irlande et le site https://irishuplandsforum.org/ Démarches paysagères en Europe Page 58/173 137 Rapport n°010731-01 tourisme rural et à créer des liens avec la ville via les marchés ou des groupes d'achats solidaires. 3.8.3. En France des améliorations souhaitables s'agissant de la participation du public aux politiques de paysages. Rappelons que le code de l'environnement pose un principe général de participation138 s'agissant des projets de décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement : le public peut formuler ses observations qui sont prises en compte par l'autorité compétente139. En France, l'approche participative est inscrite dans les codes de l'environnement et de l'urbanisme. Ici comme ailleurs, les procédures concernées ne s'appliquent la plupart du temps au paysage qu'indirectement (enquête publique, évaluation environnementale, élaboration des schémas régionaux ou plans locaux d'urbanisme...). Dans le domaine du paysage, une approche participative s'est cependant progressivement construite, qui demeure pragmatique et informelle plutôt que réglementaire, ce qui limite son effet opérationnel. En matière de connaissance des paysages, les habitants d'un territoire peuvent prendre une part active dans la caractérisation de leur cadre de vie avec les atlas des paysages : la loi du 8 août 2016140 précise que ces documents sont établis «en tenant compte du rôle des acteurs socio-économiques [...] et des valeurs particulières qui leur sont attribuées [...] par les populations concernées ». La méthode nationale d'élaboration de ces documents, actualisée en 2015 141 fait ainsi référence à « l'association des acteurs engagés dans la production de connaissance » et indique que « la participation du public [est] le gage d'une gestion démocratique du paysage et du cadre de vie » (p.10 et 11). Mais ces énoncés de principe ne sont pas des injonctions de même niveau que celles qui touchent, par exemple, au vocabulaire (unités/structures/éléments paysagers) permettant l'interopérabilité des documents. Lors de la réalisation de certains atlas, comme celui d'Auvergne, le choix d'une méthode dite « atelier mobile des paysages » a heureusement associé des dizaines de personnes en les faisant participer à des parcours en minibus. Mais cette intensité participative demeure une exception. Pour sa part, la démarche de plan de paysage s'inscrit dans le cadre d'un projet de territoire. Lancée à l'initiative d'une collectivité locale, elle invite l'ensemble des acteurs à repenser la manière de concevoir l'aménagement autour du paysage et les implique dans leur cadre de vie. Les procédures participatives occupent une place croissante dans les dossiers de candidatures présentées aux appels à projets nationaux 142. Mais ces démarches restent informelles et la circulaire du 21 mars 1995, qui les cadre, ne mentionne pas la participation des populations et acteurs locaux à leur élaboration : la participation est fréquente dans les faits, mais elle n'est pas juridiquement garantie en droit. 138 En application de l'article 7 de la charte de l'environnement, intégrée en 2005 dans le bloc de constitutionnalité. cf. article L. 110-1 du code de l'environnement. L'article L. 120-1 y définit les modalités d'exercice de ce principe : mise à disposition par voie électronique du projet et d'une note de présentation, adoption à l'expiration d'un délai permettant la prise en compte des observations déposées par le public. Loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. À télécharger à partir de l'adresse suivante : http://www.developpementdurable.gouv.fr/IMG/pdf/Methode_Atlas_des_paysages_2015-francais_version_web_cle7f9e61.pdf L'importance et la qualité de la participation du public est d'ailleurs l'un des critères de choix du jury dans les appels à projets qui ont eu lieu en 2013, 2015 et 2017. Démarches paysagères en Europe Page 59/173 139 140 141 142 Rapport n°010731-01 Contrairement à leurs équivalents dans les États voisins, les outils français de connaissance et d'action au bénéfice de la qualité paysagère manquent d'une dimension participative juridiquement encadrée143. Ils mériteraient donc de se voir reconnaître cette dimension afin que l'approche participative y prenne tout son sens. 8. Recommandation [à la DGALN] : Conformément à la Convention européenne du paysage, mieux garantir la participation citoyenne dans les politiques paysagères, tant pour la connaissance (atlas de paysage) que pour la planification et la mise en oeuvre des projets (plans de paysages). Compléter à cet effet le guide pratique et la circulaire correspondant à ces deux outils. 143 Sous réserve, notamment des dispositions de transposition des directives de l'Union européenne en matière d'évaluation environnementale et celles relatives au débat public ; directive 2014/52/UE du Parlement et du Conseil du 16 avril 2014. Démarches paysagères en Europe Page 60/173 Rapport n°010731-01 Conclusion L'observation, certes partielle, des progrès de la Convention européenne du paysage chez quelques-uns de nos voisins a conduit la mission à décrire et analyser des politiques et stratégies variées et inventives. Chaque État les met en oeuvre à son rythme, développant ses propres solutions en lien avec ses spécificités et son histoire, dans un esprit d'échange et vers un but commun : tenir les engagements pris. Le cadre par nature restreint de la mission lui a toutefois permis d'avoir un aperçu de la variété des expériences, des idées, des pratiques, des difficultés aussi, de chacun des partenaires. La variété des efforts des institutions, associations, professions, et des initiatives citoyennes montre bien que chacun développe des solutions à sa mesure pour avancer par l'approche paysagère vers un mieux-vivre ensemble. En ce qui la concerne, la France a depuis longtemps développé la protection de ses paysages les plus prestigieux. Elle ne fait en revanche qu'amorcer sa mutation vers une politique paysagère plus orientée vers les espaces du quotidien, le projet et la participation citoyenne. Il existe dans la société une conscience diffuse de la dégradation des paysages ­ espaces ruraux, entrées de ville, abords d'infrastructures ­ qui se poursuit encore aujourd'hui du fait de cultures administratives sectorisées, techniques et peu sensibles à l'espace vécu. Notre pays dispose de certains outils, innovants et originaux : les parcs naturels régionaux, institués en 1967 ; les CAUE, créés dix ans plus tard (dont la compétence sur le paysage est explicitement reconnue par la loi du 8 août 2016) ; les plans de paysage, introduits en France dès la fin des années 80 ; le recours aux paysagistes-conseils de l'État, institués en 1993. Mais ces outils restent marginaux face à des logiques techniques, économiques et politiques puissantes, aggravées par le désintérêt fréquent des décideurs pour une question « non quantifiable » : contrairement à ce qui se passe chez nombre de nos voisins le paysage est encore trop souvent considéré, soit comme une contrainte, soit comme un élément anecdotique ou superflu. La France court un risque à poursuivre des politiques publiques dont elle sous-estime la nécessaire cohérence, car l'absence de vision d'ensemble de l'espace conduit à une dégradation progressive du cadre de vie. Des conflits parfois coûteux surgissent ainsi entre énergie et biodiversité, ou entre prévention des risques et construction de logements, alors qu'une approche paysagère fédératrice aurait pu les régler en amont. La perte insidieuse de notre capital paysager est dommageable à la qualité de vie, mais aussi au tourisme et à l'attractivité de nos territoires. Devant l'ampleur de la reconquête qualitative à mener et des défis contemporains, tels que les conséquences paysagères de la transition énergétique, les outils et actions actuels, pour certains innovants et efficaces, mais trop ponctuels et dispersés, ne sauraient suffire. Il convient à présent de définir une véritable stratégie d'ensemble pour les intégrer dans une perspective plus générale, en établissant des priorités en fonction des acteurs et des territoires concernés. Il faudra dans le même temps décliner cette stratégie à l'échelle des nouvelles régions, conférer une dimension paysagère aux politiques sectorielles et faire progresser la culture paysagère de l'ensemble de nos concitoyens. À cet effet il sera indispensable de développer les savoir-faire et d'augmenter le nombre des spécialistes de la qualité de l'espace ­ paysagistes et autres professionnels ­ qui devront être autant concepteurs que médiateurs de la participation citoyenne. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 61/173 Si la mission propose de décloisonner les habitudes et les spécialités techniques pour mettre en oeuvre une stratégie nationale du paysage, elle préconise aussi quelques mesures pragmatiques à mettre en oeuvre sans tarder et qui donneront lieu à un suivi et à une évaluation régulière. Une politique résolue de reconquête paysagère, fédérant les politiques sectorielles et permettant la participation de tous, serait un outil efficace pour faciliter les transitions en cours. Les réussites identifiées par la mission chez nos voisins européens montrent à cet égard des chemins prometteurs : c'est par la même vision d'ensemble que la France pourra tenir les engagements qu'elle a pris par la signature et la ratification de la Convention européenne du paysage du Conseil de l'Europe. Jean-Luc Cabrit Marie-Christine Soulié Jean-Pierre Thibault Paysagiste D.P.L.G. Ingénieur en Chef des TPE Inspectrice générale de l'administration du développement durable Inspecteur général de l'administration du développement durable Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 62/173 REMERCIEMENTS La mission souhaite remercier tous ses collègues européens, qui se sont mobilisés dans leurs pays respectifs pour faciliter son travail, organiser les rencontres et les visites sur place, et qui ont pris le temps de lui expliquer en détail la politique paysagère de leur pays et leur action. Elle a été particulièrement sensible à l'accueil amical, généreux et chaleureux qui lui a été partout réservé, révélant une envie de partager et de communiquer, malgré les obstacles de la langue : les hôtes de la mission n'ont fait que conforter son optimisme sur le devenir de l'Europe. La mission remercie spécialement l'ambassade de France à Londres sans qui elle n'aurait pu mener à bien son déplacement en Angleterre. Et enfin, elle remercie tout particulièrement la secrétaire exécutive de la Convention européenne du paysage, Maguelonne Dejant-Pons, qui lui a ouvert de multiples portes et à qui elle souhaite de continuer longtemps à oeuvrer au bénéfice des paysages européens avec enthousiasme et conviction. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 63/173 Annexes Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 65/173 1. Lettre de mission Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 66/173 2. Liste des personnes rencontrées Remerciements (noms et qualités des personnes rencontrées, accueil, etc.) Nom Prénom Organisme Fonction Date de rencontre Mission en Irlande ­ du 24 au 28 janvier 2017 Atkinson Wesley Wiclow Mountains National Park à Glendalough Heritage Council à Kilkenny Université de Cork Directeur régional 26/01/17 Starett Michaël Directeur 26/01/17 Black Deirdre Paysagiste enseignante Chercheur au Centre d'études paysagères Principal Advisor 25/01/17 Collins Tim Université de Galway 25/01/17 Colreavy Martin Division for built heritage, architectural policy and strategic infrastructures Dept of Arts Heritage, rural and Gaeltacht affairs 25/01/17 Cumming Willie Architecte Du 25 au 27/01/17 Fitzgerald Fitzpatrick Helena David Université de Dublin (UCD) - école d'architecture de Dublin Université de Dublin (UCD) Architecte Chef d'établissement 26/01/17 25/01/17 Foley Karen Professeure à l'école d'architecture de Dublin Paysagiste Urbaniste, spécialiste des projets participatifs 25/01/17 Harns Harvey Mary-Ann Alison 25/01/17 26/01/17 Heurich Michaël Université de Dublin (UCD) Professeur à l'école d'architecture de Dublin Paysagiste ­ Président de l'ILI 25/01/17 Hutchinson Peter 25/01/17 Kavanagh Victoria Université de Dublin (UCD) Université de Dublin (UCD) Professeure à l'école d'architecture de Dublin Paysagiste ­ professeure à l'école d'architecture de Dublin, Archéologue, enseignant Directeur 25/01/17 Meeres Sophia du 25 au 27/01/17 et à Erevan les 05 et 06/10/16 Newman Conor Université de Galway 25/01/17 O' Donovan Paddy Université de Cork département des arts, études celtiques et sciences sociales 27/01/17 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 67/173 Nom O'Regan Terry Prénom Organisme association Landscape Alliance Université de Cork Centre for Planning Education and Research Dept of Arts Heritage, rural and Gaeltacht affairs Université de Dublin (UCD) Agence Transport infrastructure Ireland Fonction Président Date de rencontre 27/01/17 O'Sullivan Brendan Enseignant et chercheur 27/01/17 Ritchie Marc 25/01/17 Von Maltzan Sophie Professeure à l'école d'architecture de Dublin Paysagiste et délégué irlandais auprès de l'IFLA, 25/01/17 Williams Tony 25 et 26/01/2017 Mission en Espagne (Catalogne) ­ du 1er au 3 février 2017 et rencontres préparatoires Bartomeus Sandra Municipalité de Torroella de Montgrí DREAL Occitanie Direction de l'Aménagement Instituto del Patrimonio Cultural de Espana Adjointe au maire 03/02/17 Brossard-Lottigier Sylvie Cheffe de Division Du 01 au 03/02/17 Caro Carmen Coordinatrice des plans nationaux du patrimoine culturel Responsable du projet de renaturation des urbanisations littorales Paysagiste enseignant à l'école du paysage de Barcelone Les 05 et 06/10/16 à Erevan Colomer Agata Bureau d'études auprès de la Municipalité de Torroella de Montgrí 03/02/17 Franch, Marti 03/02/17 Gamero Jordi Municipalité de Torroella de Montgrí Comarca du Priorat Municipalité de Torroella de Montgrí Municipalité de Torroella de Montgrí Observatoire catalan du paysage association Prioritat Université de Girona Service Communication de la ville Président Service Communication de la ville Adjoint au maire 03/02/17 Garcia Gumà Joan Carles Inés 02/02/17 03/02/17 Martinoy Josep 03/02/17 Nogué Joan Directeur 01/02/17 Parés Quintana Carme Xavier Membre Enseignant - Directeur scientifique du projet de renaturation Maire et président du CA du parc naturel de Montsant Coordonnateur 02/02/17 03/02/17 Sabaté Jordi Commune de la Vilella Baixa 02/02/17 Sala Pere Observatoire catalan du paysage 01/02/17 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 68/173 Nom Vaqué Vernet Vinyes Joan Prénom Organisme association Prioritat association Prioritat Commune de la Vilella Alta Fonction Membre Coordinatrice Maire Date de rencontre 02/02/17 02/02/17 02/02/17 Roser Marc Mission en Suisse ­ du 8 au 9 février 2017 Camenzind Reto Office fédéral du développement territorial Office fédéral du développement territorial Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage (CFNP) OFEV (Office fédéral de l'environnement) OFEV (Office fédéral de l'environnement) Chargé des questions de planification et d'aménagement Chargé des questions d'énergie 09/02/17 Cataneo Mattia 08/02/17 Guggisberg Fredi Secrétaire de la Commission 08/02/17 Magnin Benoît Chef de la section gestion du Paysage Architecte-paysagiste, en charge de l'aménagement et de la perception du paysage. Co-présidente de la FSAP, (fédération suisse des architectespaysagistes) 08 et 09/02/2017 Moll Claudia 09/02/17 Raemy Matthieu OFAG (Office fédéral de l'agriculture) Section Espace rural Chargé de projets de paysage Chargé des parcs d'importance nationale Chef de la division Espèces, écosystèmes, paysages Chef de projet de Observatoire du paysage suisse et des stratégies paysagères Chef de la Section espace rural 09/02/17 Remund Simone 08/02/17 Romang Hans OFEV (Office fédéral de l'environnement) 08/02/2017 Rudaz Gilles OFEV (Office fédéral de l'environnement) 08 et 09/02/2017 Stremlow Matthias OFEV (Office fédéral de l'environnement) 08 et 09/02/2017 Mission en Belgique (Région Wallonne et Communauté francophone) ­ 15 février 2017 Bragard Daniel Parc naturel des plaines de l'Escaut Chargé de mission aménagement du territoire ­ urbanisme Attachée - Docteur en géographie 15/02/17 Deconninck Mireille Direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie de la région Wallonnie. (DGO4 15/02/17 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 69/173 Nom Hubert Yves Prénom Organisme JNC International s.a (Joining Nature and Cities) Fonction Architecte-paysagiste membre du comité de direction Membre collectif PAP Date de rencontre 15/02/17 Kempf Mathilde Collectif PAP (Paysages de l'après-pétrole) Le Vingtième Siècle Bureau (agence) Bas Smets JNC International s.a (Joining Nature and Cities) Architecte urbaniste Membre collectif PAP Illustrateur Directeur-gérant 15/02/17 Rémi Smets Georges Bas 15/02/37 29/06/17 Van der Vaeren Guillaume administrateur de JNC Président de la fédération bruxelloise de l'urbanisme 15/02/17 Mission en Italie (Région Lombarde) ­ 10 et 11 avril 2017 et entretiens préparatoires Barone Carla architecte, présidente de la Commissione per il paesaggio del Parco Agricolo Sud Milano Parco del Ticino Chargé de mission agriculture Enseignante au Dipartimento di Architettura, Ingegneria delle Costruzioni e Ambiente Costruito Vice-président 10/04/17 Bove Michele 10/04/17 Branduini Paola Politecnico di Milano - 10 et 11/04/17 Di Domenico Sergio Associazione Parco delle Risaie Parco delle Risaie Municipalité de Milan 10/04/17 Fedeli Giannachi Lucia Giovanna Agricultrice Chargée de la mise en oeuvre de la politique Milan métropole rurale Organisateur du séminaire de l''APCE en Italie (2013) Directrice du département Sciences agronomiques et animales, enseignantchercheur en agronomie des territoires Auteur d'une thèse à l'ENSP sur le paysage et la transition énergétique Agronome, chercheur sur l'organisation spatiale et paysagère des systèmes de culture et les pratiques agricoles 10/04/17 10/04/17 Giorgis Sébastien Paysagiste-conseil de l'Etat 25/07/16 Maraccini Elisa Institut Polytechnique LaSalle de Beauvais. Entretien téléphonique 16/02/17 Pistoni Roberta Politecnico di Milano Entretien téléphonique 14/12/16 Entretien téléphonique 16/02/17 Rizzo Davide Institut Polytechnique LaSalle de Beauvais. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 70/173 Nom Scazzosi Prénom Lionella Organisme Politecnico di Milano,, Fonction Architecte et enseignante sur la protection de l'environnement et la gestion du paysage Date de rencontre 10/04/17 et à Erevan les 05 et 06/10/16 Mission au Royaume-Uni (Angleterre) ­ du 26 au 29 avril 2017 Bennelick, Drew Heritage (HLF) Lottery fund directeur 28/04/17 Bolton Clubb Chris Rupert Natural England Association des directeurs de l'Environnement, de l'Economie, de la Planification et des Transports (ADEPT) Landscape Institute Landscape specialist Président 28/04/17 27/04/17 Cook Daniel Chief executive (directeur) Chargée du dossier de la Green Infrastructure Conseiller Economique 28/04/17 Craddock, Veronica Landscape Institute 28/04/17 Fatras Christian Ambassade de France à Londres Historic England. Ambassade de France à Londres Landscape Institute 27-28/04/17 Holyoak Johnston-Roussillon Vince Victoria Chargé de mission Attachée 27/04/17 27-28/04/17 Phillips Ian Vice-président, représentant de l'Angleterre à l'IFLA Chief Planner 28/04/17 Quatermain Steve Department for Communities and Local Government (DCLG) Ambassade de France à Londres Department for environment, Food and rural affairs (DEFRA) Natural England Historic England. London Bourough of Barnet 27/04/17 Ronez Benoit Attaché économique 27-28/04/17 Steiner Sarah Chargée de mission 27/04/17 Tudor Tunnicliffe Watson Christine Sarah Emma Landscape specialist Chargée de mission Cheffe de la planification stratégique 28/04/17 27/04/17 27/04/17 Conseil de l'Europe, France, personnalités diverses Bava Henri Agence TER Paysagiste ­ enseignant à l'ENSP Directeur du département paysage à l'Institut de technologie de Karlsruhe 11/10/16 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 71/173 Nom Blumenfeld Prénom Hervé Organisme Anciennement IAURIF Fonction Architecte-urbaniste en retraite auteur de recherches sur la politique paysagère de Berlin Chargé de mission au bureau des paysages et de la publicité Secrétaire exécutive de la Convention européenne du paysage Cheffe du bureau des paysages et de la publicité Paysagiste ­ enseignante à l'ENSP Chargé de mission TVB à la Direction de l'eau et de la biodiversité Adjointe à la cheffe du bureau des paysages et de la publicité Étudiante en paysage Doctorat en cours en Allemagne Date de rencontre 09/12/2016 De Beaulieu Gilles Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN Conseil de l'Europe 19/12/16 29/03/17 Déjeant-Pons Maguelone 16/09/2016 05 et 06/10/16 Faivre Juliette Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN 19/12/16 29/03/17 Helms Karine Karin Helms Sarl IFLA Europe 11/10/16 Labat Didier Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN 15/12/17 Laon Perrine Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN 19/12/16 29/03/17 Leconte Louise Agrocampus ouest Angers 05/12/16 et à Erevan les 05 et 06/10/16 Luginbuhl Yves Directeur de recherche émérite au CNRS Expert auprès du Conseil de l'Europe Erevan les 05 et 06/10/16 15/03/17 Mangin Karine Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN Chargée de mission au bureau des paysages et de la publicité Directrice adjointe en charge de la ville et constructions durables et des paysages Sous-directrice de la qualité du cadre de vie 26/08/16 19/12/16 29/03/17 15/09/16 Peskine Hélène Cabinet du Ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer Soleille Pastèle Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN 26/08/16 Transy Julien Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN Chargé de mission au bureau des paysages et de la publicité 19/12/16 29/03/17 et à Erevan les 05 et 06/10/16 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 72/173 3. Fiches par pays Allemagne Belgique ­ Communauté française et région Wallonie Espagne ­ Catalogne Irlande Italie ­ Métropole milanaise Pays-Bas Royaume-uni ­ Angleterre Suisse p.74 p.82 p.90 p.98 p.107 p.116 p.122 p.131 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 73/173 Pays : Allemagne Source : recherches bibliographiques - Interviews Problématiques initiales identifiées Un pays réputé pour la rigueur et l'organisation de sa planification territoriale et paysagère. Intérêt : · système hiérarchisé de planification paysagère ; · le plan d'aménagement paysager d'échelle communale est subventionné. Il est facultatif, mais s'il est décidé, il est contraignant une fois approuvé. En pratique, la presque totalité du territoire est couverte. Il s'applique au document d'occupation des sols ; · profession organisée en « Kammer », « Lanschaftsarchitekt » distinct du « Landschaftsplanner » ; · restauration de paysages dégradés (IBA/IGA). Questionnement : · la notion de paysage « naturaliste » mise en oeuvre est-elle si différente dans ses résultats de la vision de la CEP qui s'applique à tous les espaces ? Le résultat de la démarche donne des paysages cohérents, sans que sa perception soit au coeur de la planification ; · comment s'articulent le plan d'aménagement paysager et le document d'occupation des sols ? Les acteurs rencontrés · Chercheurs, paysagistes bi-nationaux Contexte national - 357.000 km² - 82,8 M.hab. ­ 232 hab./km² - Capitale fédérale Berlin (3.5 M.hab.) Statut : république fédérale (Bund) ­ 16 états (Länder) dont 3 villes-États : Berlin, Brême et Hambourg ­ 430 arrondissements ou villesarrondissements, LandKreis, sous-ensembles des régions administratives ou districts (Bezirke) qui, eux, n'existent pas partout ­ 12.000 communes (Gemeinde) Organisation territoriale · L'Allemagne est une république fédérale régie par la Loi fondamentale (Grundgesetz). Elle possède un parlement bicaméral, le Bundestag et le Bundesrat (Conseil fédéral, qui réunit les représentants des Länder). Le Bund a des compétences à l'échelle nationale : affaires étrangères, défense, nationalité, monnaie, frontières, etc. L'organisation territoriale de l'Allemagne comporte plusieurs échelons locaux, dont certains sont propres à certaines Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 74/173 · · · zones. Le Bund ne dispose pas de structures déconcentrées importantes et n'a pas de lien avec les collectivités locales. Chaque Land a sa propre constitution, un parlement et un gouvernement. Il est souverain en matière de culture, de police, de droit communal et peut lever des impôts. Il peut égiférer, sur certains domaines (droit, logement, énergie, circulation routière...), auxquels s'ajoutent depuis 2006 de nouvelles compétences (enseignement supérieur, aménagement du territoire, protection de la nature, conservation des sites naturels...). Les Länder sont divisés en « régions » administratives qui permettent surtout la planification. Le Landkreis, arrondissement à la fois collectivité locale et circonscription administrative du Land, est soit « rural » soit « urbain » suivant les cas. Les villes-États de Berlin, Hambourg et Brême ne comptent aucun Landkreis. Chaque Kreis comprend un conseil élu et un exécutif, met en oeuvre les politiques publiques de sa compétence (autoroutes, hôpitaux...). Les arrondissements ont un rôle de péréquation entre communes et peuvent obliger les plus petites à s'associer. Les Gemeinden (communes) ont une structure et des règles d'organisation et de fonctionnement variables selon le Land. Elles sont dirigées par un conseil et un exécutif élus. Elles ont, de nos jours, des pouvoirs limités : (zones d'activités, politiques culturelle et commerciale locales, écoles, santé, action sociale, mais aussi habitat, et protection des paysages). Elles peuvent coopérer sous plusieurs formes, en particulier : · la convention de délégation de certaines compétences à une commune mandataire, · le syndicat de communes, quelquefois obligatoire, · l'association des métropoles et de leurs zones péri-urbaines, à l'image des communautés urbaines françaises, Urbanisme et aménagement du territoire · La planification spatiale se fait au niveau fédéral (Bund), au niveau du Land, et à l'intérieur du Land, à l'échelle des « régions » ou districts (Bezirk) et au niveau de la commune (Gemeinde). Il existe en Allemagne une relation étroite entre la planification spatiale et le paysage (au sens de paysage naturel). Le législateur considère que, dans ce pays densément urbanisé, où la nature est soumise à de fortes pressions et où l'espace ouvert est rare, le développement ne peut avoir lieu que sur la base d'une planification précise et avec le souci d'économiser les surfaces. Un des principes de la loi (compensation/substitution) est que toute personne responsable de la destruction de valeurs environnementales doit une compensation, sous forme financière ou d'apport de terrains. Ce système nécessite une sorte de planification des territoires de compensation qui arrive à ses limites, et une harmonisation des réponses des Länder. · Au niveau du Land, les plans régionaux sont élaborés soit par l'autorité du Land, soit confiés à des groupements de collectivités locales, associations territoriales qui ne correspondent pas nécessairement aux limites administratives, lorsque le territoire du Land comprend « des aires d'influence de plusieurs centres urbains de niveau supérieur ». Ces « régions de planification » (Planungsregionen) élaborent le document régional mais doivent le faire approuver par le Land. Il y a au total 103 régions de planification · La planification territoriale au niveau communal (Bauleitplanung) se fait via : le plan de zonage (Flächennutzungplan) contraignant seulement pour les autorités planificatrices, Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 75/173 les plans de développement (Bebauungsplan), qui ne portent que sur certaines parties bâtie de la commune et sont opposables directement aux citoyens. De manière générale, les documents de planification ne sont juridiquement contraignants que pour les autorités publiques en charge de la planification aux différents niveaux. Politique du paysage La Convention européenne du paysage (CEP) n'a pas été ratifiée par l'Allemagne, celle-ci estimant, selon certains de nos interlocuteurs, que ses dispositions seraient endeçà de ses pratiques actuelles. Ce sujet semble faire débat dans le pays. La conception « écologique » du paysage à l'allemande inclut toutefois une dimension culturelle et une participation citoyenne à l'élaboration de la planification paysagère qui ne la rendent en effet pas étrangère à la CEP. La politique du paysage obéit au même système hiérarchisé que pour la planification : · Les Länder adoptent les objectifs de la loi fédérale et rédigent des lois de protection de la nature et du paysage propres (Landesnaturschutzgesetz), adaptées à leur territoire. Elles écrivent les programmes de paysage (Landschaftsprogramm), outils stratégiques à leur échelle, qui définissent les objectifs et les règles de base pour la protection, la gestion et la planification dans chaque Land. Ces objectifs sont intégrés dans la planification territoriale de chaque Land (Landesplanung). · Les districts (Regierungsbezirke) ou les arrondissements (LandKreis), (en fonction de l'organisation de chaque Land) élaborent les plans-cadres de paysage (Landschaftsrahmenplan) : ces documents à l'échelle (1/100.000° à 1/25.000°) contiennent des informations exhaustives sur l'état actuel du paysage : ressources, sol, eau, climat et air, espèces et habitats, « mise en scène » du paysage, zones ouvertes, ainsi que sur les objectifs de protection, de gestion et de planification. La participation citoyenne joue un rôle significatif dans leur élaboration. Ces plans sont intégrés à la planification territoriale correspondant à ce niveau (Regionalplanung). · Les communes (Gemeinden) mettent en oeuvre les plans d'aménagement paysager (Landschaftsplan), à leur échelle (1/10.000° à 1/5.000°), qui précisent et mettent en oeuvre les mesures des plans-cadres de paysage. Ils définissent les objectifs paysagers, les usages du paysage, les limites du développement urbain. La participation citoyenne est importante dans leur élaboration. Ils ont un impact sur les stratégies urbaines de développement en s'intégrant dans la planification territoriale locale. Il existe aussi un document à l'échelle inférieure, qui planifie certains secteurs locaux, surtout les espaces ouverts et espaces verts, le plan de développement vert (Grünordnungsplan) à une échelle très locale (1/2.500° à 1/1.000°). La conception paysagère allemande Au concept de paysage en Allemagne correspondent différents mots dérivés de Landschaft, et notamment, dans les textes réglementaires, les mots Landschaft et LandschaftBild : le premier relevant plutôt du paysage géographique (dont l'esthétique n'est pas exclue), le second du paysage sensible, peut-être plus proche de la nôtre. Le paysage sensible, hérité de la vision romantique du XIX° siècle, a abouti au début du XX°siècle à des législations nationales dans différents pays d'Europe y compris en Allemagne (en Prusse en particulier) sur la protection des paysages emblématiques. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 76/173 L'Allemagne, avec la Suisse, a été le premier pays européen à incorporer la gestion du paysage dans sa législation. Elle a adopté en 1976 la loi fédérale de protection de la nature (Bundesnaturschutzgesetz), où s'inscrit la planification paysagère (Landschaftsplanung). Dès le début, la conception allemande du paysage dans cette loi, qui imprègne actuellement toute la planification, s'appuie principalement sur sa dimension écologique. Lors de la réunification, après 2002, une nouvelle loi fédérale de protection de la nature a été adoptée, incluant le réseau Natura 2000 et les lois antérieures des deux pays. Les politiques de planification paysagère sont conduites par l'Agence fédérale de protection de la nature (Bundesant für Naturschutz) Bien que l'objectif principal de la loi concerne la nature, le paysage reste une des composantes de la protection et de l'amélioration des écosystèmes. On lit dans les « Dispositions générales » de la loi : « Nature et paysage doivent être protégés en raison de leur valeur intrinsèque, comme fondement de la vie et de la santé des personnes, pour les générations futures, dans les zones peuplées ou non. La diversité biologique ; le fonctionnement de l'écosystème (y compris la capacité de régénération et de l'utilisation durable des produits naturels) ; la diversité, l'originalité, la beauté et la valeur récréative de la nature et du paysage ; sont fixés à long terme. » Ces dernières notions sont reprises un peu plus loin, en précisant qu'elles « doivent être assurées en permanence, en particulier en ce qui concerne : 1) les paysages naturels et les paysages culturels historiques, afin de préserver leur culture, leur bâti et les monuments archéologiques de la défiguration, de l'étalement urbain et autres déficiences ; 2) les fonctions de loisirs de la campagne, qui doivent être réglementairement identifiées et rendues accessibles. » La loi fédérale fixe treize objectifs, dont : la préservation de l'équilibre naturel ; la préservation et la disponibilité des zones non urbanisées et des sols ; la préservation des grands paysages contre les atteintes liées à l'exploitation des ressources naturelles et les mesures de réaménagement paysager ; la protection et amélioration des plans et cours d'eau ; la pollution ; le climat ; la sauvegarde de la végétation, de la faune et de ses biotopes ; la préservation et l'accessibilité de zones de loisir ; la préservation des caractères originaux des paysages ruraux et du patrimoine agraire et naturel. La loi comporte aussi des mesures de connaissance, formation, gestion, protection et planification des paysages qui promeuvent un développement économique et social compatible avec l'équilibre territorial et l'amélioration de la qualité des paysages. Sur le territoire allemand, le paysage est de la responsabilité de tous : les citoyens, qui sont associés à l'élaboration d'un certain nombre de documents à l'échelle des districts et des communes ; les organismes et les institutions, qui doivent adopter des règles paysagères et les mettre en oeuvre. Comment le paysage s'intègre-t-il à la planification territoriale et urbaine ? On a vu que l'Allemagne met en oeuvre une vision essentiellement géographique et naturaliste du paysage. Cette conception très descriptive du paysage par typologies est beaucoup plus facile à quantifier et à inclure dans des documents de planification. La méthodologie de description est très cadrée, la plupart des Länder ayant publié des méthodes d'élaboration des plans d'aménagement paysager, ce qui harmonise les contenus et les procédures à l'intérieur de chaque Land. On aboutit ainsi à un zonage Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 77/173 très analytique avec de nombreuses cartes thématiques (voir ci-dessous plan d'aménagement paysager communal). La loi fédérale prévoit que les documents de planification paysagère de chaque niveau territorial doivent être intégrés aux planifications territoriales et urbaines des niveaux correspondants, accordant à la planification paysagère la valeur et les effets juridiques de la planification territoriale, comme prévu par le code de la construction (Baugesetzbuch). Cette intégration peut se faire de deux façons : · soit par « intégration primaire » (Primärintegration) : les outils paysagers sont conçus directement comme partie intégrante des plans urbains et territoriaux (Rhénanie-Palatinat, Bavière, Hesse) ; · soit par « intégration secondaire » (Sekünderintegration) : via un processus de pondération et d'évaluation (Abwägung), le contenu des documents paysagers, initialement élaborés de façon autonome, sont en partie ou en totalité intégrés aux plans urbains et territoriaux (Bade-Wurtenberg, Schleswig-Holstein et Sarre). L'ancienneté des politiques de protection et de gestion du paysage, le système hiérarchique, le fait que le gouvernement fédéral subventionne l'élaboration et la mise en oeuvre des plans d'aménagement paysager, enfin le système de compensation/substitution, applicable à tout projet qui touche des valeurs environnementales, contribuent à garantir la cohérence des politiques et le respect des objectifs de qualité paysagère sur tout le territoire. Ils garantissent aussi la participation citoyenne dans l'élaboration des différents outils. Cependant, selon une étude de l'Observatoire catalan du paysage144, le fait même que tout ce système de planification soit très établi, rigide et soigneusement balisé, rend très difficile de proposer de nouveaux outils d'aménagement paysager qui ne soient pas déjà prévus par la loi fédérale, malgré les effort de diverses organisations de la société civile pour inventer un système plus souple qui permettrait d'inclure d'autres types d'initiatives. Contenu d'un plan d'aménagement paysager communal (Landschaftsplan) Le document du plan d'aménagement paysager est divisé en trois parties : 1) inventaire et évaluation, 2) objectifs de planification, 3) mesures de planification. Le contenu de ce document conduirait à le qualifier, en France, de plan d'écologie et de paysage. Les plans d'aménagement paysager, principalement basés sur la dimension écologique du paysage, comprennent de multiples aspects concernant la protection, la conservation, la régénération et le développement de la nature et du paysage (unités paysagères, caractères du paysage à protéger, restauration, réhabilitation et amélioration, etc.), ainsi que l'analyse de l'évolution historique du paysage : les cartes sont nombreuses : eau, biodiversité (espèces végétales et animales) sols, agriculture, tourisme, loisirs, végétation, sous-sols, biotopes, types de paysages, patrimoine bâti ou naturel, protections. Les plans visent notamment à réduire la consommation des terres et l'impact paysager, à promouvoir la qualité de vie des populations et donc l'attractivité et le développement économique, à garantir l'intégrité des écosystèmes et de la gestion des ressources en eau, à développer les usages récréatifs et le tourisme, en facilitant l'accessibilité des zones naturelles et rurales à travers des 144 « la planificatió del paisatge en l'ambit local a Europa » étude comparative réalisée par Observatoire catalan du paysage, septembre 2014, pp 16-17, et pp 30-33. Démarches paysagères en Europe Page 78/173 Rapport n°010731-01 « connecteurs verts », à promouvoir les produits locaux et à accroître le sentiment d'identité locale. Le plan d'aménagement paysager apparaît ainsi chargé de multiples missions très concrètes dont l'aspect « visuel » n'est qu'une des facettes. Les cartes répertorient des connaissances, avec des zonages, de surfaces et de symboles, sans aucun aspect sensible, comme le montre la carte de synthèse du plan d'aménagement paysager de la ville de Winnenden (28.000h ­ Bade-Wurtemberg) ci-dessous, avec sa légende traduite en Français. Le Landschaftplan de Winnenden (2015) En matière d'objectifs, par exemple le plan d'aménagement paysager de la ville de Norderstedt (Schlesvig-Holstein), approuvé en 2007, (exemple pris par l'étude catalane) bénéficie d'un financement public. Il poursuit les objectifs suivants : (A) la protection et la création de réseaux écologiques; (B) la protection, la restauration, l'amélioration, le développement et l'entretien de certaines parties de la nature et du paysage, en assurant une utilisation récréative qui respecte la nature; (C) la protection, la restauration, le développement et l'entretien des habitats et des espèces végétales et animales sauvages, et des biotopes protégés par la loi; (D) la protection, la régénération et l'amélioration de la qualité de la terre, de l'eau, de l'air et du climat; (E) l'élimination ou la réduction des effets négatifs sur l'environnement naturel; (F) le maintien et le développement de la diversité, de l'originalité et de la beauté de la nature, et (G) la protection et le soin des paysages culturels historiques et autres paysages particulièrement importants. On voit que le contenu du plan d'aménagement paysager de Norderstedt est fortement concentré sur l'étude et l'évaluation de l'écologie du paysage. Dans la dernière partie du plan (mesures de planification) sont définies les mesures et les actions de protection et de gestion de la nature et du paysage à mettre en place. Y participent tous les acteurs impliqués : administration publique locale, services gouvernementaux concernés, propriétaires fonciers, utilisateurs, grand public, planificateurs, associations, ONG, etc. Le contenu de cette phase doit être d'accès facile afin d'améliorer les chances de réussite dans la mise en oeuvre. De même, les mesures sont décrites dans le détail, avec un calendrier de mise en oeuvre, des mesures de communication et des précisions sur les modalités de mise en oeuvre (comment, où et avec quel soutien financier). La restauration des territoires dégradés : les IBA et les IGA L'Allemagne a mis en place des procédures particulièrement intéressantes de restauration des territoires dégradés, les IBA (Internationale Bauaustellungen, littéralement « expositions internationales de bâtiment »). Elles sont nées dans les années 50, dans le cadre de la reconstruction d'après-guerre. Il s'agit d'opérations pilotées au niveau fédéral pour régénérer les quartiers et les friches industrielles. Un appel à projets est lancé tous les dix ans aux villes d'Allemagne, chaque candidate étant évaluée à partir d'une proposition de programme. La lauréate reçoit du niveau fédéral et du Land de quoi rémunérer pendant la décennie une équipe pluridisciplinaire destinée à concevoir, puis à conduire le projet de réhabilitation. L'équipe et le directeur de projet sont totalement indépendants des structures administratives pré-existantes (ce qui peut engendrer des tensions avec les équipes techniques en place). Ils sont chargés de rechercher les investisseurs et les sources de financement nécessaires à la réalisation et à la gestion ultérieure du projet. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 79/173 Le paysage est de plus en plus un levier d'action dans le cadre de cette procédure. Des IGA (Internationale Gartenaustellungen, littéralement « expositions internationales de jardins») sont désormais programmées. L'opération la plus connue est celle de l'Emscher Park, dans la Ruhr, qui a commencé en 1999 et est pilotée par le paysagiste Karl Ganzer. L'un des enjeux importants est la reconquête d'un sol et d'une eau gravement pollués par les activités industrielles qui se sont développées dans cette vallée depuis plus d'un siècle. La nouvelle génération des IBA sera intéressante à suivre car elle introduit (parfois de manière conflictuelle) une dimension participative. C'est le cas du secteur de l'aéroport de Tempelhof, à Berlin (contexte de conflit aigu avec la population locale, lors d'une première tentative), ou du quartier de Willemsburg, à Hambourg (50 acteurs dénombrés dans ce dernier cas). Selon les mêmes principes ­ appel à projets pour restauration urbaine et paysagère, équipe indépendante, durée décennale ­ déclinés à l'échelle du Land, puis de l'agglomération, des Bundesgartenschau et des Landesgartenschau se sont récemment développés. Parfois initiés par la filière horticole, ils permettent notamment d'organiser des expositions d'une durée de six mois, avec des éléments temporaires, mais aussi définitifs. Le Land de Rhénanie du nord-Westphalie organise quant à lui des « Regionale », procédures opérationnelles comparables sur des espaces dont on s'interroge sur l'avenir ex : le Zwischenstadt (entre-deux-villes) entre Cologne et Bonn visant à constituer à cet endroit une Grüne Metropole. Au total, les IBA/IGA et leurs déclinaisons à plus petite échelle restent des outils d'exception, mais les résultats concrets qu'ils obtiennent et la procédure qu'ils mettent en oeuvre ont une influence importante sur les territoires « ordinaires ». La profession de paysagiste Les trois professions liées à la conception de l'espace, architectes, urbanistes et paysagistes, sont chacune organisées au niveau de chaque Land en Kammer qui sont l'équivalent des ordres professionnels en France ; l'inscription dans un Land vaut autorisation d'exercice de la profession dans toute l'Allemagne. L'accès au grade de docteur en paysage (ou en architecture ou en urbanisme) dépend à la fois des travaux académiques réalisés, mais aussi du bilan de l'activité professionnelle pratiquée et de la capacité à la théoriser. Selon un de nos interlocuteurs, la limite de ce qui apparaît comme une reconnaissance professionnelle est le compartimentage des trois disciplines, l'exercice de la profession de paysagiste étant lui-même subdivisé en « projet » (Entwurf) permettant la conception de parcs et d'espaces publics urbains et « planification » (Plannung) permettant les interventions sur le « grand paysage ». De ce fait, il est difficile de suivre un projet complexe nécessitant la mise en oeuvre conjointe des trois spécialités (construction, végétal, design urbain). De même pour un maître d'ouvrage, ce type de compartimentage rend difficile l'énoncé d'une « question ouverte » sur le territoire. A retenir : A notre avis, ce système permet d'inclure dans la planification des considérations de préservation de la nature, de trame verte et bleue, d'équilibre des zones agricoles et forestières, et de protection des paysages historiques. En ce sens il participe et influence fortement le projet de planification. De même, les plans de développement vert permettent d'intégrer une trame verte à l'échelle des quartiers. Tout ce système Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 80/173 fait appel au zonage, même quand il s'agit de nature. Les perceptions visuelles ne sont toutefois pas exclues, on trouve par exemple des préconisations du type « préserver la vue sur le pont ». Cette planification paysagère oblige à réfléchir de manière approfondie à la constitution de l'espace, qui aboutit à des paysages pensés, mais peut-être de manière plus fonctionnelle que sensible, tout au moins au stade de la planification. Toutefois, sur le terrain, comme à Francfort par exemple, l'articulation des zonages se fait de manière très pensée, et des fonctionnalités apparemment incompatibles (zones agricoles, urbanisation, zones de loisirs, axes de transports) se juxtaposent de manière cohérente : les projets de paysage étant confiés à des professionnels chevronnés et reconnus qui, eux, prennent en compte l'espace à trois dimensions, les aspects sensibles et la concertation avec la population. Politiques nationales - Une loi fédérale de protection de la nature où s'inscrit la planification paysagère à tous les échelons. - Un plan d'aménagement paysager subventionné, d'échelle communale et non pas à l'échelle de l'unité paysagère. En pratique, la presque totalité du territoire est couverte. - Le plan est facultatif, mais s'il est décidé, il est contraignant une fois approuvé et s'applique au document d'occupation des sols Prise en compte - les populations sont associées à l'élaboration des documents des populations de planification paysagère à l'échelle des districts et des communes ; - la qualité de vie, le tourisme, l'accès à la nature, les usages récréatifs sont pris en compte . Profession - Une profession structurée et reconnue, mais trop compartimentée - En nombre satisfaisant (7000 paysagistes contre 2000 en France) sans compter les paysagistes dans le secteur public Maîtrise d'ouvrage Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 81/173 Pays : Belgique ­ Région Wallonne Source : recherches bibliographiques et visite du 15 février 2017 Problématiques initiales identifiées Détection, par le biais de la documentation du Conseil de l'Europe et d'une étude comparative réalisée par Observatoire catalan du paysage, d'une politique d'atlas de paysage. Intérêt : Une politique avec au niveau régional, un cadre juridique d'aménagement du territoire, qui prescrit explicitement la prise en compte du paysage dans les documents communaux d'urbanisme, des « atlas » normalisés par « ensemble paysager » à l'échelle du pays et fixant des «objectifs de gestion paysagère», et des « programmes de paysage », outil local volontaire, pouvant aboutir à des actions à court, moyen et long termes sur les territoires intercommunaux. Questionnement : Cette politique est-elle la même dans les deux autres régions (flamande et capitale ?) Dans quelle mesure est-elle opérationnelle ? Comment le raisonnement par unités paysagères des atlas s'applique-t-il aux communes ? Commentse met en place la concertation ? Les acteurs rencontrés · Niveau régional : Gouvernement : Direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie de la région Wallonnie (DGO4). · Niveau local (projet de territoire) : Parc naturel des plaines de l'Escaut · Milieu universitaire : Université libre de Bruxelles . · Paysagiste et urbaniste libéraux, enseignants, maîtres d'oeuvre. Contexte national La Belgique - 30.528 km² - 11,3 M.hab. ­ 368 hab./km² - Capitale : Bruxelles (180.000hab. région Bruxelles-Capitale 1,2 M.hab. agglo. 2,7 M.hab.) Statut : monarchie constitutionnelle fédérale ­ un état central ­ 3 communautés linguistiques et 3 régions territoriales ­ 10 provinces subdivisées en arrondissements ­ 589 communes. Organisation territoriale belge · Le pays est divisé depuis 1970 en trois communautés linguistiques et trois régions territoriales. Il est composé de deux groupes principaux : les néerlandophones (57 % de la population) majoritairement dans la région de Flandre, au nord, et les francophones (43 % des Belges) majoritairement dans la région de Wallonie, au sud, auxquels s'ajoute un petit groupe de Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 82/173 · germanophones, représentant moins de 1% de la population (environ 80 000 personnes, dans l'est de la Wallonie). Une troisième région, celle de BruxellesCapitale, bilingue, de 19 communes, est une enclave majoritairement francophone en Région flamande. Les trois régions disposent d'une très grande autonomie en particulier dans les domaines de l'économie, de l'emploi, de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, de l'agriculture, des travaux publics, du logement, du tourisme, de l'énergie, de l'environnement, etc. Elles ont également compétence sur l'organisation des pouvoirs locaux (dont la commune) : composition, compétences, fonctionnement et financement, tutelle, règles électorales, statut du personnel des pouvoirs locaux. Les Régions peuvent également augmenter le nombre des communes ou les fusionner. Politique du paysage La CEP a été ratifiée par l'État en 2004, après ratification par chacune des régions et communautés. (Le niveau fédéral n'a aucune préséance par rapport aux entités fédérées dans leurs domaines de compétences.) Son application est du ressort des régions. L'approche est différente entre le nord et le sud du pays, aboutissant à des typologies paysagère différentes : · En Flandre, un premier atlas en a été publié en 2001 par le ministère flamand sur la base d'un inventaire des paysages traditionnels utilisé dès 1993. Depuis 2004, l'Agence Flamande pour le Patrimoine Immobilier (Vlaanderen Agentshap Onroerend Erfgoed) est chargée de l'actualisation et de la gestion de l'Atlas. · En Wallonie (voir plus loin), la région s'appuie sur la Commission Permanente du Développement Territorial (CPDT), plate-forme de recherche et d'échanges pour rédiger les atlas de paysage, conçus comme des documents scientifiques, en y incluant les objectifs de qualité paysagère. Contexte wallon - 16.844 km² - 3,6 M.hab. ­ 213 hab./km² - Capitale Namur (111.000 hab. (arrondisst 316.000 M.hab.) Statut : entité fédérée.de wallonne - 5 provinces - 20 arrondissements - 262 communes la région Documents de planification territoriale en Wallonie La région wallonne a la compétence de l'aménagement du territoire et l'urbanisme. Un nouveau « Code du développement territorial », qui devait être promulgué en 2017, le fait passer d'une approche réglementaire à une approche de négociation et de projet. La région s'est dotée d'un outil d'orientation : le SDER (Schéma de développement de l'espace régional) : il exprime les options d'aménagement pour l'ensemble du territoire wallon qui sont ensuite traduites au niveau communal. Il est aussi chargé de mettre en oeuvre les plans de secteur, la gestion du paysage la rénovation urbaine, etc. A l'échelle des 20 arrondissements, 23 plans de secteur ont été élaborés par la région et portent sur le zonage, les mesures d'aménagement et les voies de communication. Ils subdivisent le territoire en différentes zones constructibles (habitat, zones industrielles et artisanales, services, équipements communautaires et de service Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 83/173 public, zones de loisirs) ou non constructibles ou à constructibilité ciblée (zones agricoles, forestières, espaces verts, zones d'extraction, etc.). Une réforme est envisagée en vue de rénover ces plans déjà anciens, rigides et conçus sur des prévisions de croissance trop élevées. Les compétences communales sont très larges, couvrant tout ce qui relève de « l'intérêt communal » (les besoins collectifs des habitants). Un schéma de structure communal (ou pluri-communal) peut être établi, non obligatoire, et sans valeur réglementaire. Il s'agit d'une planification opérationnelle basée sur des programmes d'actions, sur l'ensemble du territoire communal. Il est impératif pour les investissements communaux, obligatoire contractuellement pour toute personne qui perçoit des subventions et qui, en contrepartie, doit prendre des engagements en vue d'exécuter le schéma de structure. Le schéma de structure communal s'appuie, en particulier, sur l'identification de la structure paysagère du territoire communal. Nombre de communes bénéficient ainsi d'une cartographie relativement détaillée des paysages communaux, l'échelle de la commune wallonne étant en moyenne de 64 km² (France : 15 km²) ­ une politique de fusion engagée en 1977 au niveau national a fait passer leur nombre de 2500 à 589 ­ Elles peuvent utiliser les services d'un « CATU », conseiller en aménagement du territoire et urbanisme, pas obligatoire, mais subventionné, qui est assisté d'une Commission consultative d'aménagement du territoire (CCAT). Politique du paysage en Wallonie La Région wallonne a ratifié la Convention européenne du paysage en 2001. La DGO4 (Direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie) intervient sur la gestion des paysages remarquables protégés par un classement ; la réhabilitation de paysages dégradés ; les paysages ordinaires, via l'urbanisme et l'aménagement. En Wallonie, le paysage est abordé indirectement dans les textes. Le Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine (CWATUP) précise que « Le territoire de la Région wallonne est un patrimoine commun de ses habitants. La Région et les autres autorités publiques, [...] sont gestionnaires et garants de l'aménagement du territoire. Elles rencontrent de manière durable les besoins [...] de la collectivité par la gestion qualitative du cadre de vie, par l'utilisation parcimonieuse du sol, [...] et par la conservation et le développement du patrimoine culturel, naturel et paysager. » Ainsi le paysage est considéré comme critère de référence pour certaines procédures et actes d'aménagement, avec l'obligation d'intégrer la dimension paysagère dans les documents d'aménagement : plan de secteur, schéma de structure communal. En outre le CWATUP prend le paysage dans une acception large, sensible. On notera par exemple plusieurs dispositions s (comme l'article 113), qui conditionnent certaines dérogations, « pour autant que les actes et travaux projetés soit respectent, soit structurent, soit recomposent les lignes de force du paysage ». Cette légalisation implique donc que le paysage doit être pris en compte dans certaines procédures et mesures de gestion et dans les documents de planification comme les plans de secteurs des arrondissements, ou les schémas de structure communaux. On note l'existence des programmes de paysage, de nature volontaire, qui contribuent à protéger des domaines spécifiques. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 84/173 Comptes-rendus des rencontres Politiques paysagères En matière de connaissance, de formation et de sensibilisation, on notera différents inventaires et publications au niveau régional, mis en oeuvre par la région avec des associations ou organismes : · inventaire des périmètres d'intérêt paysager et des points de vue remarquables ; inventaires du patrimoine ; · atlas de paysages ; · publications et ouvrages relatif à l'intégration paysagère des constructions en milieu rural, sur la prise en compte du paysage dans l'aménagement ou la gestion de l'espace rural ; Ces actions sont mises en oeuvre par la DGO4 ou avec des associations ou organismes : · L'ADESA (Action et Défense de l'Environnement de la vallée de la Senne et de ses affluents), association active sur le patrimoine naturel, paysager et bâti, le cadre de vie. Dont le champ d'action s'est étendu sur toute la Région. · La Commission Permanente du Développement Territorial (CPDT) dispose d'un statut officiel. Cette plate-forme de recherche, de formation et d'échanges rassemble des universitaires chercheurs. Elle a une vocation d'expertise et de recherche, de diffusion et de formation dans l'aménagement du territoire et de l'urbanisme. Elle reçoit des subsides de fonctionnement et de recherche, dont l'identification des paysages de Wallonie. · Au niveau local, nombre d'actions sont menées par différentes associations, souvent encouragées par la DGO4 (observatoire photographique du paysage, études paysagères, réalisation d'atlas communaux du paysage, centre d'interprétation du paysage...). · Une « plate-forme paysage » d'échanges et de cohérence des projets paysage initiée et financée par la DGO4 en 2006 réunit à cet effet les différentes structures publiques menant une action dans ce domaine : parcs naturels, contrats de rivière, groupes d'action locale (GAL), associations, CPDT. Les atlas de paysage Dès 2001, la Région wallonne a confié à la CPDT la mission d'identifier et de caractériser les paysages wallons. Une première étape a abouti à identifier 79 territoires paysagers regroupés en 13 ensembles. Cette démarche a fait l'objet d'une publication intitulée " Les territoires paysagers de Wallonie", qui couvre toute la région, à l'échelle du 1/50.000e. Pour chacun des 13 ensembles identifiés, des Atlas des paysages plus approfondis sont programmés, à l'échelle du 1/20.000e. Dédiés à une analyse des paysages et de leurs évolutions, ces outils de connaissance, de sensibilisation et de gestion des paysages à l'échelle d'un ensemble paysager sont publiés au rythme d'un tous les deux ans. Cinq atlas ont été publiés mais le rythme risque de baisser faute de moyens suffisants. Les atlas comprennent une table des matières identique pour chacun : paysages, contexte, histoire, dynamiques, « regards sur le paysage » (voir ci-après), les « aires paysagères » (unités) ou territoires paysagers, les enjeux, les pistes d'action et mesures à prendre. Les atlas contiennent ainsi les objectifs de qualité paysagère fixés par la Convention européenne du paysage. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 85/173 Chaque atlas comporte un chapitre intitulé « des regards sur le paysage» : une enquête est menée auprès d'acteurs locaux (associations, élus régionaux, intercommunaux ou communaux, organismes, acteurs du monde culturel, du monde agricole ou forestier, etc.) habitant la région et considérés comme des porte-parole de la population. Le but est de mieux cerner la façon dont ces acteurs perçoivent leurs paysages et leur avenir. Cette vision subjective et vivante complète l'approche objective menée dans l'atlas et aboutit parfois à remettre en question les délimitations de certaines aires paysagères proposées par l'étude. Les atlas de paysage se veulent scientifiques, objectifs et incontestables. C'est la raison pour laquelle ils sont confiés à un réseau d'experts et d'universités, et non pas sous-traités à des bureaux d'études. La dimension concertation est prise en compte, par les sociologues et, on l'a vu, par la rubrique « regards », mais plutôt en aval du processus. C'est une des limites de l'exercice, tout comme le fait que ces documents, largement publiés et diffusés, ne sont pas soumis à approbation des autorités locales. Les atlas sont considérés comme un support à toutes sortes d'actions (découverte de paysage, réseau des « voiries lentes » Ce sont des documents de référence et d'orientation sans valeur réglementaire, très précis, destinés à aider les décideurs, ou à fournir des argumentaires aux citoyens, bureaux d'études, écoles, associations. Ils sont en particuliers utilisés par les Commissions consultatives communales d'aménagement du territoire et de mobilité (CCATM), organes consultatifs créés par les communes qui le souhaitent. Une fois créées, ces commissions sont obligatoirement consultées pour certaines matières et peuvent se saisir de sujets locaux. Un projet de territoire : Le parc naturel des plaines de l'Escaut Le parc naturel des plaines de l'Escaut est un des dix parcs naturels de Wallonie, créé par décret sur la base d'une démarche locale. Le parc comprend six communes et existe depuis 20 ans ; il compte 63.000 habitants sur une superficie de 26.500 ha. et emploie une vingtaine de personnes. Un Groupe d'Action Locale (GAL) vient de se créer sur le même territoire pour s'inscrire dans le programme de développement rural de Wallonie, afin de bénéficier des subventions européennes (LEADER). En Wallonie, en milieu rural, la planification se fait via deux outils : le schéma de structure communal (ou le schéma pluricommunal) et le PCDR (programme communal de développement rural), en relation avec la fondation rurale de Wallonie (FRW), qui est une sorte d'établissement public financé par le ministère de l'agriculture régional. Les parcs sont consultés pour les permis de construire par les communes, mais aussi sur de multiples sujets, ce qui a incité à mettre en place des chartes paysagères. Dans les parcs, contrairement aux autres territoires, les programmes de paysage sont obligatoires. Le paysage est un marqueur important qui peut être convoqué dans de nombreux domaines : connaissance, urbanisme, espaces publics, vitrine pour les entreprises, tourisme, agriculture, filière bois/énergie. De ce fait, le parc naturel des plaines de l'Escaut intervient dans de multiples domaines par des opérations concrètes de petite échelle, mais très nombreuses : · actions et subventions sur de petits projets, plantations de haies, abords de fermes, entrées de villages et espaces publics ; · études sectorielles ; Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 86/173 · · sensibilisation du public (ex l' observatoire transfrontalier des paysages, les semaines de l'aménagement du territoire, organisées par thèmes (éoliennes, infrastructures, etc.); observatoire photographique transfrontalier avec le PNR Scarpe-Escaut voisin. Le parc mène une politique active vis-à-vis des agriculteurs : l'action « le paysage, pour une image restaurée des agriculteurs » permet d'aider à l'intégration sociale des agriculteurs, notamment en les rapprochant des populations de néo-ruraux qui leur sont parfois hostiles. Enfin, le parc a publié, dans le cadre de son « atlas des paysages », des fiches de recommandations portant sur les lignes de force du paysage, le patrimoine bâti rural, les lotissements, les clôtures, les panneaux photovoltaïques, etc... Les paysagistes : formation, recherche, organisation professionnelle Formation et recherche Il existe en Wallonie deux grands niveaux de formation dans le domaine : · « bachelier », en 3 ans, orientant soit vers l'architecture des jardins et l'aménagement des espaces publics (professionnalisant, à dominante pratique), soit vers des études de mastère (« bachelier de transition »), les deux achevés par un stage de 12 semaines · mastère, en 2 ans supplémentaires, formant à la profession d'architectepaysagiste et délivré à l'issue d'une formation universitaire théorique et pratique (en « haute école). Ce mastère est directement accessible aux titulaires du « bachelier de transition » et à l'issue d'une année « passerelle » pour les titulaires du bachelier professionnalisant, ou encore sur dossier pour les titulaires de certains diplômes comme celui d'architecte. Les études de bachelier et de master architecte paysagiste sont dispensées par trois établissements d'enseignement, qui travaillent en collaboration : · l'ISIa Gembloux (Institut Supérieur Industriel agronomique) ; · la faculté d'architecture La Cambre-Horta (Université Libre de Bruxelles) ; · Gembloux Agro-Bio Tech, intégré à l'Université de Liège, qui forme des universitaires et des ingénieurs dans les domaines des sciences agronomiques et de l'ingénierie biologique . Le cursus de formation se déroule en alternance sur les 3 sites (avec un stage de 12 semaines en bureau d'études ou collectivité locale en fin de 3è année) ; il se place explicitement sous l'égide de la CEP, avec cinq domaines d'acquisition de connaissance (habiter, percevoir, environnement, produire, maîtriser les outils transversaux (SIG, droit...), des ateliers de projets et le Travail de fin d'études (TFE). Un cours spécifique de gestion participative du projet est dispensé en 1ère année de mastère, avec un module « paysage et société » pour en fournir les bases théoriques. Un doctorat en paysage est en projet, car pour le moment, les architectes du paysage qui veulent disposer de ce titre doivent passer par l'architecture ou la bio-ingénierie. Il existe d'autres écoles de paysage en Flandre (Gand et Vilwoorde), mais pas de niveau mastère. Si par exemple on a besoin d'un bureau d'étude pour un atlas de paysage, c'est chez un géographe qu'on trouvera les compétences. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 87/173 Organisation professionnelle Avec le mastère on peut travailler et ouvrir son agence. Le titre n'est pas protégé. Il semble que les étudiants trouvent tous du travail. La formation compte beaucoup d'étudiants français. Les français disposant du seul BTS « jardins » doivent faire tout le cursus. Le diplôme est reconnu à l'étranger. De plus en plus de paysagistes vont dans le secteur public en Wallonie. Le niveau a beaucoup monté, du fait du travail considérable d'organisation de l'enseignement entrepris depuis une dizaine d'années. Avant le niveau était celui de bachelier, et les administrations belges n'engageaient de paysagistes que pour les parcs et jardins. Les appels de candidatures pour les postes publics commencent à évoluer mais pour aménager des espaces publics, on demande encore bien souvent un architecte. Il existe un ordre des architectes en Belgique. Pour ce qui est des paysagistes, il existe une « Association belge des Architectes de Jardins et des Architectes Paysagistes » (ABAJP). Les titulaires d'un mastère y sont inscrits d'office, les titulaires d'un bachelier doivent justifier de deux ans d'expérience professionnelle et présenter un dossier d'admission. L'ABAJP mène une action de reconnaissance du titre, de diffusion des informations et d'échanges sur la pratique professionnelle. L'ABAJP est membre de l'IFLA (International Federation of Landscape Architects). Elle compte environ 125 membres sur l'ensemble de la Belgique, essentiellement ceux qui pratiquent le métier à temps plein, ce qui est rare : en effet le marché est faible, très concurrentiel et bien souvent les paysagistes ont une autre activité. En Flandre, beaucoup de paysagistes font du jardin privé : il y a une tradition horticole en Flandre, due à la rareté et à la cherté du terrain, associée à un marché du petit plant qui a influencé le jardin. La sensibilisation au paysage Il existe, dans le primaire (éducation au milieu) des sensibilisations au paysage. Dans le secondaire il existe des modules, obligatoires dans certains cursus. Les enseignants, plutôt les professeurs de géographie dans le secondaire, dont le paysage est une des thématiques, ont besoin de mallettes pédagogiques ou d'aide de chargés de mission qui font des interventions. Ces aides ou des dossiers pédagogiques sont souvent fournis ou édités par différentes associations ou par la « fondation rurale de Wallonie » (FRW), qui est un organisme privé et indépendant, en charge de missions de service public, et qui oeuvre pour le développement des régions rurales en soutenant des projets économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Elle a réalisé par exemple une action de sensibilisation des enfants de 8 à 12 ans intitulée « le rôle de l'agriculteur dans la gestion de nos paysages ». Cette action est localisée sur le territoire du « Beau Canton » qui se situe entre deux structures géologiques différentes, l'Ardenne et la Lorraine. Elle y a constitué un « Parc des paysages », centre d'interprétation pour faire découvrir à tous ­ habitants et visiteurs ­ la richesse des interrelations entre l'Homme et son milieu. Les objectifs de l'activité pédagogique sont d'approcher la définition du paysage et de fournir les bases de la lecture d'un paysage ; de comprendre que le paysage évolue ; de différencier les acteurs du paysage (agriculteurs, forestiers, habitants, pouvoirs publics, ...) ; de comprendre que les agriculteurs sont des acteurs importants du paysage. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 88/173 A retenir : Politiques - un réseau informel mais très actif d'acteurs publics et nationales institutionnels, la « plate-forme paysage » réuni par (Région Wallonne) l'administration Wallonne. Il permet la mise en réseau des très nombreuses initiatives locales notamment en milieu rural. - un système d'Atlas de paysage réalisés par le gouvernement wallon et une équipe d'universitaires, avec une participation citoyenne plutôt en aval de leur réalisation. Ces documents intègrent les objectifs de qualité paysagère correspondant à leur territoire. Prise en compte Les « regards sur le paysage » des atlas des populations Profession des études d'« architecte-paysagiste » réorganisées depuis dix ans selon les recommandations de l'IFLA : mastère en cinq ans au programme référencé aux orientations de la CEP ; mis en place par deux universités et une « haute école ». Il s'agit d'une tendance européenne d'élévation du niveau d'études des professionnels du paysage. Maîtrise d'ouvrage Une culture nationale imprégnée de l'art des jardins. De plus en plus de paysagistes accèdent à la maîtrise d'ouvrage publique du fait de la montée du niveau des études. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 89/173 Pays : Espagne ­ Communauté autonome catalane Source : recherches bibliographiques et visite des 1, 2 et 3 février 2017 Problématiques initiales identifiées Détection d'une loi paysage catalane de 2005 dans la documentation du Conseil de l'Europe. Intérêt : · une stratégie interministérielle du gouvernement de la Communauté autonome Catalane (« llei del païsatge ») qui met en place un opérateur : l' « Observatori » ;. Atlas de paysage systématiques incluant des objectifs de qualité et aboutissant à des « directives ». · des chartes paysagères initiées et signées par les acteurs locaux au niveau de l'unité paysagère. · un programme d'éducation au paysage pour les écoles et collèges. Questionnement : comment se met en oeuvre localement cette loi, quels sont ses effets ? Quid de la profession de paysagiste ? Les acteurs rencontrés · Niveau Communauté autonome : Observatoire Catalan des paysages, sorte de Groupement d'intérêt public (GIP), réunissant essentiellement des personnes publiques, (administration, universités, organisations professionnelles, associations, collectivités). · Niveau local (projet de territoire) : Comarque, parc naturel, municipalités, associations. · Niveau local (projet de reconquête paysagère littorale) : municipalité, parc naturel, maître d'oeuvre, Université (directeur scientifique du projet) · Un paysagiste libéral, professeur à l'école du paysage de Barcelone, maître d'oeuvre. Contexte national L'Espagne - 506.000 km² - 46,5 M.hab. ­ 92 hab./km² - Capitale Madrid (agglo. 6 M.hab.) Statut : monarchie constitutionnelle ­ un état central ­ 17 communautés autonomes ­ 50 provinces ­ 8.112 municipalités Organisation territoriale · Les communautés autonomes disposent d'une grande autonomie et ont compétence sur l'aménagement, l'environnement, le développement économique, l'enseignement, la culture, la santé, la police... Elle comportent un Parlement, un président élu par le Parlement et nommé par le roi, et un exécutif. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 90/173 · · Les compétences des provinces, en général assez réduites, varient suivant les communautés autonomes. La gestion des communes est exercée par les mairies (en Catalogne ajuntament). Elles peuvent se regrouper : la comarca est un regroupement de municipalités qui peuvent avoir un rôle administratif, comme par exemple en Catalogne et en Aragon. la mancommunidad est une sorte d'intercommunalité à laquelle les communes délèguent une partie de leurs compétences afin de mutualiser des services. Urbanisme et aménagement du territoire Le droit de l'urbanisme est décentralisé, les 17 communautés autonomes ayant une très large compétence législative, en particulier sur l'aménagement du territoire, l'urbanisme, le logement. L'État conserve un certain nombre de prérogatives, égalités des droits, responsabilité des administrations publiques, etc. Le droit de l'urbanisme est fondé sur la classification des sols (urbanisé, urbanisable, non urbanisable) Un certain nombre de lois ont modernisé le droit, dont le décret législatif royal du 20/06/2008 (qui refonde le droit des sols dans une perspective de développement soutenable et de lutte contre la spéculation). Politique du paysage La Convention européenne du paysage (CEP) a été ratifiée en 2007 et entrée en vigueur en 2008. Le paysage était jusqu'alors abordé de façon latente dans des lois sectorielles sur les forêts, l'aménagement du territoire, les espaces naturels protégés, la protection du patrimoine historico-artistique et l'urbanisme. L'État a mis en place, par décret royal du 20 avril 2011, un inventaire préliminaire des paysages du pays, l'« Atlas des paysages d'Espagne » qui fournit un cadre pour les études et politiques régionales. Les Communautés autonomes mettent en oeuvre la CEP, chacune avec ses lois et à son rythme. L'Andalousie par exemple a publié un atlas des paysages andalous et approuvé en 2012 une stratégie du paysage ; le Pays basque a intégré la CEP par un décret de 2014 et lancé une politique d'inventaire en cours de 14 territoires, de manière participative en utilisant Internet, aboutissant à des objectifs de qualité paysagère et des plans d'actions proches de nos plans de paysage, etc. En Catalogne, la loi sur le paysage a été votée en 2005, anticipant la ratification nationale de la CEP. Contexte catalan - 31.950 km² - 7,6 M.hab. ­ 237 hab./km² - Capitale Barcelone (agglo.5,5 M.hab.) Statut : communauté autonome. - la Généralitat - quatre provinces (sept vigueries selon la loi catalane) - 41 comarcas - 946 municipalités Documents de planification territoriale en Catalogne : · « plan territorial partiel » pour chacune des 7 vigueries, approuvé par la Generalitat ; Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 91/173 · · · · « plan directeur territorial » pour chaque comarca, compatible avec la norme supérieure ; pour la région urbaine de Barcelone, un plan territorial général approuvé par la Generalitat ; certains secteurs urbains complexes disposent de « plans directeurs urbanistiques » (PDU, équivalents de nos SCOT) soumis à l'approbation de l'échelon supérieur ; la municipalité fait l'objet de « plans d'ordenacio urbanistics municipals » (POUM) d'un niveau comparable à nos PLU. Ils font l'objet d'un examen par une « commission territoriale urbanistique » (CTU) avant leur approbation. Comptes-rendus des rencontres Politiques paysagères L'Observatori a été fondé en 2004 et officialisé par la « Llei del Paisatge » (8 juin 2005) comme « organisme de soutien et de collaboration avec l'administration du gouvernement catalan ». La loi prévoit un « Fonds du paysage » notamment utilisé pour des opérations exemplaires et reproductibles de restauration du paysage dans les franges urbaines. Avec l'éclatement de la bulle immobilière, élément déclencheur du mouvement sociétal en matière de paysage qui avait abouti à la loi de 2005, le montant du fonds a beaucoup baissé. L'Observatoire a de nombreuses activités : · écriture des 7 atlas (catàlegs) de paysages, un par viguerie, approuvés de 2007 à 2014. Quatre ont déjà fait l'objet d'une édition pédagogique illustrée. Selon la loi, ces catalogues doivent être transcrits en obligations juridiques sous la forme de directrius dans chaque viguerie ; deux seulement sont approuvées à ce jour, certaines étant toutefois appliquées par anticipation. Les catàlegs ont défini des objectifs de qualité paysagère (à la différence des atlas français), selon un processus participatif équilibré entre population (via des réunions, des plateformes en ligne...), élus locaux et experts. activité de diffusion de la culture paysagère : nombreux colloques et ouvrages sur des thèmes parfois pionniers (« paysages et santé ») et interventions dans des revues grand public. Publication large d'un kit d'éducation au paysage, à l'usage des enseignants des collèges, élaboré avec des professeurs (géographie, sciences naturelles...) et des formations de formateurs. Il n'y a toutefois pas d'évaluation à ce jour. activités de consultance, au niveau central ou local. L'observatoire appuie les Cartas (chartes) del Paisatge d'échelle intercommunale : créées par la loi, elles n'ont pas vocation à couvrir l'ensemble du territoire catalan, mais ces documents de projets d'initiative locale, signés par l'ensemble des acteurs locaux reçoivent une « reconnaissance » de la Generalitat si elles sont conformes aux objectifs de qualité paysagère définis dans les catàlegs. Toutes ne sont pas reconnues (six l'ont obtenue) : échelle inappropriée, actions orientées vers le tourisme, la communication. L'échelle idéale doit être limitée à quelques unités paysagères maximum. · · Émergent actuellement des initiatives locales non prévues par la loi : plans de paysages, initiatives municipales, projets paysagers dans certains quartiers urbains (où le paysage devient outil d'intégration sociale, car l'urbanisme traditionnel ne correspondrait plus à l'aspiration sociétale à une gouvernance différente). Autre initiative « remontante » citée : le réseau « Wikipedra », recensement citoyen des cabanes de pierre sèche, avec 129 correspondants bénévoles. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 92/173 Bilan selon l'Observatoire : douze ans après sa promulgation, la Llei del Paisatge devrait faire l'objet d'une évaluation, voire d'une révision pour intégrer ces nouvelles initiatives locales. Il serait également utile de généraliser la mise en oeuvre des objectifs de qualité des catàlegs, au-delà de la planification urbaine, à l'ensemble des politiques sectorielles : infrastructures, agriculture, énergie notamment. Pour le moment, la loi ne prévoit que des « études d'impact et d'intégration paysagères » au sujet desquelles l'Observatori est régulièrement consulté, mais dont la prise en compte effective résulte d'arbitrages internes au gouvernement catalan. Afin de dépasser ces études d'impact et d'aboutir à de véritables doctrines paysagères sur les politiques sectorielles, il faudrait mettre en place un conseil consultatif national (plus officiel que le Conseil consultatif de l'Observatoire), permettant de rassembler les parties prenantes. Un des rares échecs signalé par l'observatoire en tant que conseil au gouvernement : le thème des éoliennes, où une proposition de « lignes directrices » n'a pas été mise en chantier, du fait du lobbying dans ce domaine. Pour les années à venir, l'Observatoire prévoit une stratégie décennale qui comporte dix domaines d'investigation, parmi lesquels : vivre et produire dans un environnement de qualité ; contribution du paysage au développement local ; création de nouveaux paysages de référence ; paysage et valeurs collectives ; paysage créateur d'emploi ; énergie et paysage, etc. Un projet de territoire : la Charte de paysage du Priorat Il s'agit d'un projet de territoire situé sur une comarca de 23 communes, intéressant à trois titres : un projet réellement impulsé et piloté par ses habitants, avec une volonté permanente de dépassement ; un projet fondé sur les ressources agricoles locales, avec une volonté de conserver la maîtrise» ; un projet qui aboutit à la création de nouvelles formes paysagères adaptées à « l'agriculture du 21e siècle ». 1- Un projet initié par les habitants : La Carta (charte) del Paisatge est née d'un sentiment de délaissement au début des années 90, après un long déclin et un fort exode rural. Un renouveau de la viticulture fait alors penser qu' « il est tout de même possible d'habiter ici », en se prenant en charge, dans un territoire dont la rudesse et la singularité créent un sentiment d'appartenance et une sensibilité paysagère latente (« le paysage est le visage du territoire »). L'élément déclencheur de la démarche est un projet d'implantation d'éoliennes sur l'emblématique Serra de Montsant. Les habitants se mobilisent alors contre ce projet venu de l'extérieur, après bien d'autres. Les instances locales opposent un contre-projet qui analyse combien le Priorat peut absorber de machines et où les implanter. L'opérateur énergétique se retire, mais le mouvement est créé : la décision est prise dès 2004 d'une démarche paysagère qui s'inscrira dans la catégorie des cartas créée par la loi de 2005. Conclue en octobre 2012, la charte est signée par treize communes, par le parc naturel de Montsant, les conseils régulateurs des appellations viticoles, les acteurs agricoles, industriels et touristiques locaux. Les objectifs de qualité paysagère concernent les silhouettes villageoises, le patrimoine architectural, les accès aux villages, les référents visuels du territoire, l'activité économique et notamment agricole, mais aussi le développement d'une conscience paysagère par l'enseignement, la recherche de « nouveaux points de vue sur le paysage », de nouveaux modes de gestion et Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 93/173 d'intervention. Le plan d'action prévoit le montage d'un dossier de candidature au patrimoine mondial au titre des paysages culturels, afin surtout de mobiliser les acteurs locaux sur un défi : « le chemin est plus important que l'objectif ». 2- La maîtrise du développement agricole : Le projet de territoire du Priorat est très lié à la viticulture, mais le paysage agricole est plus complexe, dominé par les productions méditerranéennes : vin, olives, amandes et quelques céréales. Le monde agricole a évolué, au cours des 8 années de l'élaboration de la carta, d'une attitude prudente à une contribution active, estimant que la démarche pouvait procurer « une meilleure vie ». L'un des objectifs de la Charte est donc de consolider et développer l'activité agricole. Un office foncier a été créé à cet effet, qui est l'une des institutions de gestion paysagère la plus prometteuse, selon nos interlocuteurs. L'autre activité motrice du développement du territoire est le tourisme, que la comarca veut localement maîtriser, en limitant les investissements à des activités compatibles avec l'esprit des lieux : réseau dense de sentiers, chambres d'hôtes et agro-tourisme, pas d'équipement de grande échelle. Les acteurs institutionnels du Priorat ont signé à cet effet une « charte du tourisme durable » autour de « valeurs » énoncées du territoire : mosaïque agricole, anciennes mines, sites archéologiques pré-ibériques et travail de la pierre sèche. 3- Un nouveau paysage : La visite du territoire a confirmé que le projet de paysage consistait, au-delà de restaurations d'anciens bancals et des murets de pierre sèche, à promouvoir un nouveau type de paysage fondé sur l'utilisation rationnelle des sols en forte pente et le choix de cultures adaptées au climat, avec de nouvelles formes de terrasses accessibles à des engins mécaniques de petite taille ; inscrites dans les courbes de niveau ces nouvelles banquettes dessinent un paysage de nature à renouveler les archétypes paysagers de la culture en terrasse. De même l'économie viticole a adopté, pour la construction de ses chais (cellars), une architecture contemporaine parfois contestable mais qui se réfère aux coloris, à l'implantation ou aux morphologies locales. Un projet de reconquête paysagère : « Life Pletera » de Torroella de Montgri Le projet est porté par la Municipalité. La station balnéaire d'Estartit, sur la commune de Torroella de Montgri, était progressivement gagnée par l'urbanisation côtière, comme une grande partie de la côte catalane, sans tenir compte des phénomènes hydrologiques et sédimentologiques qui assuraient l'équilibre de la plaine rétro-littorale. En 1987 se construit en bord de mer, en remblai, une « promenade » de près d'un kilomètre, dont les abords devaient être viabilisés et urbanisés après remblaiement d'une lagune arrière-dunaire. Les remontées salines par un chenal situé au sud du nouvel équipement ont dès lors commencé à rendre stériles les champs situés en arrière. Un premier îlot de logements était néanmoins construit au début des années 2000. Le site est inclus depuis 2005 dans un site Natura 2000 destiné à sauvegarder une espèce de poisson endémique, l'aphanius d'Espagne, puis, en 2010, est englobé par la Generalitat dans le nouveau Parc naturel de Montgri, des Iles Medes et de la BaixTer. Enfin, une nouvelle municipalité décide de mettre en oeuvre une reconquête paysagère d'ensemble, incluant la « désurbanisation » du site : enlèvement des Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 94/173 remblais accumulés et démolition des kilomètres de voirie mis en place afin de recréer la lagune disparue. Les travaux, d'un montant de 2,5M (financé à 75% par le programme européen LIFE et le solde par la Generalitat, le Parc et la municipalité maître d'ouvrage) ont bien avancé : l'eau est désormais présente et les premiers flamants sont de retour. Il reste à terminer les excavations, à créer des cheminements doux et des observatoires de l'avifaune, à canaliser les accès du public à la plage en consolidant la défense naturelle du trait de côte, à suivre la reconstitution des milieux naturels et à encourager la réimplantation d'activités agricoles ou pastorales en amont. Le processus doit être accompagné d'interventions artistiques. Globalement, le projet ne se borne pas à « réparer » : il crée un nouvel attrait, par la découverte de la nature, et rend ainsi « positif » le nouveau paysage qu'il met en place, appuyé sur le caractère et les richesses du lieu. Cette renaturation est d'une ampleur inédite sur la côte méditerranéenne : il ne s'agit pas seulement de supprimer une voirie, comme au Grand Travers, près du Grau du Roi, ou de réhabiliter une friche, industrielle comme à Paulilles, ou touristique comme au Cap Creus (voir ci-après), mais bien de supprimer une trame urbaine complète certes non encore bâtie, mais déjà acquise par des constructeurs qui ont entrepris une série de recours judiciaires. Toutefois, si le gain paysager global est évident, le système de cheminements et d'équipements de découverte pourrait utilement bénéficier du regard d'un paysagiste pour mieux exprimer l'esprit de cette Aiguamol (marais) ressuscitée. Rencontre avec un paysagiste : la profession ­ le projet du Cap de Creus 1 - La profession : son statut, ses modes d'intervention : Selon notre interlocuteur, la profession de paysagiste n'est reconnue ni en Espagne, ni en Catalogne, malgré l'existence d'une Association espagnole des paysagistes (AEP) dont l'audience reste faible. Certes, il existe une « école » barcelonaise de traitement des espaces publics, née après la fin de la dictature. Des architectes-urbanistes ont investi ce champ, avec des personnalités marquantes comme Oriol Bohigas, Joan Busquets, Beth Galí, Enric Miralles, ou Manolo Ruiz Sánchez, mais entre les architectes et les ingénieurs, les paysagistes n'ont pas pu trouver leur place. Il existe à l'Université de Barcelone deux Mastères d'architecture du paysage, mais il ne s'est agi, pendant longtemps que d'une spécialité post-diplôme d'architecte. Sous l'impulsion de Rosa Barba (1995-2001) elle-même urbaniste, des passerelles ont été érigées avec le monde de l'écologie ou de l'horticulture afin de créer un cycle complet en paysage et une pluralité des origines des étudiants du mastère. Les effectifs de ce cursus sont de deux fois 25 au sein de l'Université avec un statut de reconnaissance de l'État pour le premier et un statut privé pour l'autre (aujourd'hui ce dernier est principalement fréquenté par des ressortissants étrangers italiens et hispanophones). Les ateliers y sont fondés sur la pratique du projet, avec peu de cours orientés vers la connaissance ou l'approche territoriale. Mais même pour des concours portant sur la création des grands espaces publics, ce sont des compétences d'architecte ou d'ingénieur civil qui sont requises dans les appels de candidatures. En conséquence, selon notre interlocuteur, les remarquables travaux de l'observatoire resteraient abstraits, peu opérationnels avec un faible lien avec la pratique quotidienne qui permettrait d'illustrer les principes et orientations défendus. On pourrait ainsi Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 95/173 impliquer davantage les paysagistes, comme on commence à le faire en France, dans la mise en oeuvre opérationnelle de la trame verte et bleue. 2 - La reconquête de la friche touristique de Cap Creus C'est un projet dont notre interlocuteur a été maître d'oeuvre. Il s'agissait de réhabiliter la friche touristique laissée sur cet espace minéral exceptionnel (une « radiographie de la Terre ») par la fermeture, en 2003 du village de vacances du Club Méditerranée. La fermeture était intervenue du fait du vieillissement de l'infrastructure, dont la mise aux normes aurait coûté très cher, et de son inclusion, à partir de 1998, dans un parc naturel, dont les valeurs étaient aux antipodes de cette implantation. L'opération de « déconstruction » a coûté 11M (dont 7 M de l'État Espagnol et 4 M de la Generalitat de Catalogne). Il ne s'agissait pas seulement de démolir, mais de trier, traiter et exporter la plupart des matériaux, sauf les soubassements des immeubles qui avaient été construits en pierre locale. En outre il fallait donner à cet espace une vocation de découverte par le public de la richesse géologique du Cap Creus (formes animalières de certains rochers notamment), sans occulter son histoire récente de village de vacances. Il s'est donc agi de mettre en scène, au sens littéral (l'auteur parle de « promenades chorégraphiques ») la découverte du site. Cela a été obtenu par le traitement des sentiers qui permettent la perception des affleurements rocheux dans le ruban de cheminement, mais aussi en guidant le visiteur (des lisses basses métalliques longent le cheminement) ou en le surprenant (le sentier débouche brusquement sur un à-pic...). Une évocation de l'ancienne destination des lieux est obtenue par le maintien de la structure en acier corten d'un ancien bâtiment du village. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 96/173 A retenir : Politiques nationales (Communauté autonome Catalane) - Une loi paysage de 2005 qui reprend textuellement la Convention européenne du paysage et définit une stratégie - Un « observatoire du paysage », sorte d'établissement public ou GIP comportant associations de tous ordres, gouvernement catalan et collectivités, administrations, universités, organisations professionnelles. Il est en charge de l'élaboration des « atlas », ainsi que d'un rôle d'animateur et d'appui à la politique du paysage. - Des « catalogues » de paysage, un par viguerie, couvrant l'ensemble du territoire, munis d'objectifs de qualité paysagère et de listes d'actions à mettre en oeuvre de façon contraignante via des « directives paysagères » s'appliquant aux documents d'urbanisme - Un kit de formation à destination des enseignants, diffusés à tous les collèges. Prise en compte - Des chartes de paysage ou autres initiatives issues des des populations acteurs locaux mais encouragées et encadrées par l'observatoire si compatibles avec les directives Profession Maîtrise d'ouvrage - Un projet de réhabilitation paysagère où l'intervention du paysagiste a été essentielle. - Un projet de territoire au niveau local initié parles citoyens et maîtrisé par les acteurs locaux - Un projet original de reconquête paysagère littorale initié par une municipalité, avec une logique à dimension plutôt écologique Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 97/173 Pays : Irlande Source : recherches bibliographiques et visite sur place des 24-28 janvier 2017 Problématiques initiales identifiées Communication sur la National Landscape Strategy for Ireland, 2015-2025 lors des Ateliers de la Convention européenne du paysage, à Erevan, les 5-6 octobre 2016. Intérêt : Une stratégie cohérente, englobant l'ensemble des aspects des politiques de paysage telles que décrites dans la CEP (y compris politiques sectorielles, formation des aménageurs, éducation et participation du public... Elle est politiquement portée par une ministre de la culture qui décrit le paysage comme l'ultime ressource (« our ultimate resource »), qui a « soutenu, nourri et protégé » les irlandais pendant des siècles, et qui englobe la campagne, les villes et les villages, the ordinary and the everyday. Questionnement : cette stratégie exemplaire est-elle effectivement mise en oeuvre ? A quelle problématique répond-elle ? Quels acteurs la soutiennent ? Quelles réalisations concrètes l'illustrent, la contredisent ou la préfigurent ? Les acteurs rencontrés · Niveau État : Ministère de la culture (Department of Arts, Heritage, Regional, Rural and the Gaeltacht145, Transport Infrastructure Ireland, Heritage Council, établissement public de l'État chargé des patrimoines culturels et naturels, Parc national des Wicklows Mountains (sud de Dublin). · Universitaires et professionnels : Universités de Dublin, Cork et Galway 146, Irish Landscape Institute (association des professionnels du paysage). · Monde associatif : Landscape Alliance Ireland, organisatrice depuis 1995 de sept éditions d'un Landscape Forum à périodicité irrégulière. Contexte national - 70 000 km² - 4,7 M.hab.147 ­ 66 habitants/km² - Capitale : Dublin : 1,8 M.hab. (soit près de 40 % du total), la seconde aire urbaine du pays, Cork, en compte 250 000. Statut : république ­ un état central ­ 8 régions ­ 35 comtés ­ 80 communes Organisation territoriale L'Irlande est divisée en 8 régions, qui sont des structures administratives chargées de gérer les fonds structurels européens. Les 35 comtés, en revanche, sont dotés chacun d'un county council ou, pour les 5 agglomérations principales, d'un city council, élus 145 Affaires gaéliques : développement de la langue et de la culture, notamment dans les régions de l'ouest où le gaélique reste la langue maternelle de la population. Cette dernière étant la représentante irlandaise dans UNISCAPE, réseau universitaire qui est l'organisme consultatif de la CEP dans les domaines de la recherche et de l'éducation l'Irlande du nord, pour sa part, compte 1,8M.hab. Démarches paysagères en Europe Page 98/173 146 147 Rapport n°010731-01 pour cinq ans mais dont l'exécutif (chief executive) est un agent de l'État nommé pour 7 ans. Cet exécutif peut refuser d'appliquer les résolutions votées par le conseil, et a, dans ce cas, le dernier mot. Il existe enfin 80 communes dotées d'un conseil local (75 « conseils de bourgs » et les 5 city councils déjà cités. , Ce pays, certes de petite taille, est l'un des plus centralisés d'Europe. Une politique paysagère d'initiative locale est donc a priori un concept sans pertinence, même si certaines communautés acquièrent aujourd'hui une capacité de proposition, notamment dans le monde rural, et si des comtés ont pu lancer des Landscape character assessments (atlas de paysage, voir ci-après) auxquels ont a d'ailleurs reproché leur caractère incomplet ou hétéroclites, dès lors qu'ils ne déclinaient pas un Atlas national, dont tout le monde attend la mise en place. Urbanisme et aménagement du territoire 1- Contexte socio-démographique : L'Irlande comptait au milieu du 19è siècle huit millions d'habitants. Les famines, les guerres et une émigration massive ont fait chuter continuellement cette population jusqu'à ne plus totaliser que 2,8 millions d'habitants en 1960. Après ce siècle de déclin, l'inversion de la courbe démographique lors du « boom » des années 1990-2000 a fortement marqué les aménageurs : où installer cette population nouvelle, et comment éviter le déséquilibre qui s'accentue entre l'agglomération-capitale et le reste du pays ? Par ailleurs, sous la domination britannique, la plupart des sujets irlandais, notamment ceux de confession catholique ont été longtemps privés du droit de propriété (fin 19è siècle, les catholiques ne détenaient que 5 % de la terre). Avec l'indépendance les irlandais acquièrent enfin ce droit et les grands domaines des landlords sont divisés en petites parcelles occupées par les anciens métayers. « Inscrite dans la constitution », la propriété en Irlande ne souffre aucune restriction sous forme de servitudes ou de régulations. Sauf pour de grandes expropriations destinées, ces dernières années, à la constitution du réseau autoroutier, il n'existe pas de limite à la jouissance du propriétaire : ainsi les parcs nationaux Irlandais sont des domaines privés de l'État constitués de legs ou d'acquisitions, ce qui en fait de véritables « dentelles » foncières. De même, il n'y a pas d'équivalent irlandais, à notre servitude de passage le long du littoral ou à l'action foncière d'un Conservatoire du littoral. Les politiques paysagères ne disposent pas de l'outil foncier, ou de servitudes grevant la propriété privée qui sont des instruments importants dans d'autres pays. 2- Planification spatiale: La politique de planification et d'aménagement du territoire porte la marque de la centralisation de l'État : il existe une stricte hiérarchie entre les documents aux différentes échelles, chacun devant être une déclinaison de celui d'échelle supérieure : · au plan national, une National Spatial Strategy (NSS) établie pour 18 ans (2004-2020) ; · dans les régions, des Regional Guidelines ; · dans les comtés (compétents pour délivrer des «permis d'urbanisme ») des Development Plans qui ont un caractère opposable aux particuliers ; · enfin, dans les communes, des Local Plans qui ne couvrent qu'une partie du territoire et ont un caractère directement opérationnel . Genèse et contenu de la National Landscape Strategy Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 99/173 Publié en 2015, ce document a connu une gestation longue : au moins une décennie de discussions et une certaine impatience de la société civile et des professionnels. Le démarrage officiel de la démarche date de 2011 (publication d'un livre blanc), sept ans après la ratification de la CEP (2007). L'Irlande avait par ailleurs en 2010 amendé la loi sur l'aménagement du territoire édictée en 2000, pour y inclure la définition du paysage telle qu'elle figure dans la CEP, et prévoir l'inclusion de lignes directrices paysagères aux différents niveaux de planification. Enfin, l'organisation à Cork en juin 2005 des 3è Ateliers de mise en oeuvre de la CEP, sous l'impulsion de la dynamique fédération associative Landscape Alliance a sans doute constitué un accélérateur dans la prise de conscience : l'enjeu y était en effet clairement défini : un paysage identitaire fort, premier générateur d'attractivité touristique, confronté aux conséquences de la célèbre croissance économique à deux chiffres du « tigre celtique » au milieu des années 90 (avec les conséquences en termes d'expansion urbaine, d'infrastructures, d'intensification agricole, etc.)148. Le « livre blanc » de 2011 a été soumis à consultation publique. Les 77 contributions qui en ont résulté ont été examinées par un comité de pilotage (Steering Group) composé des différents départements ministériels concernés, des organisations non gouvernementales et des « parties prenantes » économiques. Ce comité a mis en place trois groupes de travail (focus groups) sur la politique elle-même, l'analyse des caractéristiques environnementales, et la participation publique. Ce travail a abouti en juillet 2014 à un projet (draft) de stratégie nationale paysagère. 95 contributions ont été reçues à l'issue du débat public auquel cette publication a donné lieu. Le document final intègre ces contributions, dont il est dit que les principales portaient sur l'impact des infrastructures sur le paysage, et la manière de relever ce défi. Six objectifs-clés et 19 actions opérationnelles La référence à la Convention européenne du paysage est constante puisque chacun des six objectifs développés est référencé aux articles 5, 6 et 9 de cette convention (p 12), et que le premier objectif affiché de la stratégie est de « mettre en oeuvre la CEP en intégrant le paysage dans notre approche du développement durable ». Le document rappelle qu'un nombre important de politiques sectorielles (agriculture, forêt, mer, industrie, énergie, aménagement du territoire, transport, tourisme et loisirs, patrimoine naturel et culturel...) ont des effets « considérables, négatifs ou positifs » sur le caractère ou la qualité du paysage (p 15), et que les plans de développement dans ces domaines doivent (are required) intégrer des objectifs paysagers149. Le chef du département responsable de cette politique la décrit comme une « conduite du changement » (management of change) », à l'opposé de toute « mise sous cloche » (freezing). Les Six objectifs proprement dits obéissent à une chronologie et à une logique cohérente : 1. clarifier la définition : « reconnaître le paysage dans le Droit » : simple rappel car l'action correspondante a déjà été effectuée en 2010 comme on vient de le voir ; 2. développer la connaissance par l'écriture d'un atlas national du paysage (National Landscape Character Assessment. et après achèvement de cet exercice, mise en chantier de déclinaisons locales selon des statutory guidelines (guides 148 Intervention de Bruce Mc Cormack, Department of Environment, Heritage and Local Government, pp 133-136, actes des Ateliers de la CEP à Cork en 2005. Éditions du Conseil de l'Europe. La « conception paysage suisse » de 1997 était déjà fondée sur ce « paysagement » obligatoire des politiques sectorielles de la Confédération. Démarches paysagères en Europe Page 100/173 149 Rapport n°010731-01 3. 4. 5. 6. méthodologiques) nationales. Ces atlas locaux sont destinés à « informer et guider » les politiques locales de paysage (development plans et local plans). développer des « politiques de paysage » : en identifiant, pour chaque politique sectorielle une dimension paysagère spécifique (Department specific landscape policy). Chacun des organismes identifiés (agences ou ministères) devra rédiger régulièrement un rapport sur l'état du paysage dans son domaine , l'ensemble faisant l'objet d'une publication par le ministère chef de file. accroître la sensibilisation du public au paysage (landscape awareness) : des outils d'analyse paysagère « décrivant de façon simple et claire » les dynamiques paysagères doivent être mis en place. Des programmes d'information doivent être développés « sur la manière dont le paysage est un atout touristique, économique et écologique et dont il peut répondre aux défis du changement climatique, de la sécurité alimentaire, de la santé et du bien-être ». identifier les besoins en éducation recherche et formation : un état des lieux est d'abord prévu, non seulement en matière de paysage stricto sensu mais aussi dans les matières connexes (ingénierie, architecture, hydrologie, agriculture...). Enfin, il est prévu d'introduire une éducation au paysage dans les cursus scolaires . renforcer la participation du public : Sont prévus dans ce domaine, le développement et la diffusion de méthodes participatives, l'encouragement aux initiatives citoyennes. La Stratégie doit être pilotée par le ministère concerné (Department of Arts, Heritage, Rural Affairs and the Gaeltacht, DAHRAG), avec le « concours actif » des autres ministères pertinents, agences, partenaires et « parties prenantes ». Lecture faite de ce document stratégique, exemplaire par sa cohérence et son exhaustivité, l'objectif de la visite sur place de la Mission était à la fois d'évaluer et d'illustrer sa mise en oeuvre. Comptes-rendus des rencontres Politiques paysagères : mise en oeuvre de la « Strategy » Au plan central, après une année 2016 peu active, sauf du côté des ONG (un National Landscape Forum réuni en juin par Landscape Alliance) et du monde universitaire, l'année 2017 devait être celle du démarrage effectif de la mise en oeuvre : La première réunion du steering group reconstitué s'est tenue au printemps : la liste des membres a été remise à la Mission : elle comporte une vingtaine de membres issus des différents départements ministériels ­ outre le DAHRRAG, le tourisme, l'agriculture, le logement, l'environnement, le climat et l'énergie ­ des agences ­ forêt, patrimoine, transports ­ les professionnels du paysage, de l'architecture, de l'urbanisme, les universitaires étant encore invités à désigner leurs représentants. La mise en oeuvre, sous deux ans, du National Landscape Character Assessment (NLCA) chantier prioritaire de la stratégie, tire son urgence non seulement d'une demande insistante de l'ensemble des acteurs irlandais du paysage, mais aussi du quasi achèvement de l'exercice équivalent mené en Irlande du nord : leur responsables pressent leurs homologues du sud de rejoindre la dynamique ainsi enclenchée : les 46 unités paysagères (landscape character areas) définies dans les six comtés de l'Ulster sont nécessairement transfrontalières ; l'inclusion dans le steering group d'un administrateur du Système d'Information Géographique, et d'un Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 101/173 responsable de l'observatoire géologique d'Irlande, confirme la priorité donnée à ce chantier. Dans le domaine des infrastructures de transports, dont le développement a accompagné le « boom », on s'est très vite rendu compte de l'absence d'outils efficaces pour assurer leur insertion dans les territoires traversés. Le problème s'est alors posé de rassembler des données scientifiques objectives et des données perceptives : un LVIA (Landscape Visuel Impact Assessment) a été mis en place, mais la caractérisation des Landscape Character Areas (unités paysagères) traversées par les nouvelles autoroutes serait urgente : raison de plus de finaliser au plus tôt la NLCA. Enfin, tout ce qui relève de la sensibilisation et de l'éducation est en outre de la responsabilité de l'agence Heritage Council (cf ci-dessous). Un épisode significatif : les éoliennes en baie de Cobh (Queenstown)150 Il y a une dizaine d'années, le County Council de Cork avait commandé, dans le cadre de son plan de développement un schéma directeur éolien, qui prévoyait un secteur prioritaire de développement d'une vingtaine de machines, qui devait occuper l'horizon à l'est de la Cathédrale dans la baie de Queenstown (à 15 km au sud-est de Cork). Peu après, plusieurs usines pétro ou carbo-chimiques ont manifesté (pendant le temps du « boom ») leur souhait de s'implanter dans la baie à l'ouest-sud-ouest de la perspective de la cathédrale, non loin d'implantations sidérurgiques désaffectées. La législation leur imposait une compensation de leur activité fortement polluante et émettrice de gaz à effet de serre. L'auto-production d'énergie renouvelable pour alimenter leur consommation propre a été considérée comme une compensation adéquate par les services de développement économique du Comté (sans contact de leur part avec le service de planification). Comme il était plus simple de réaliser la construction des éoliennes sur leur propre terrain que dans d'autres secteurs dont ils ne maîtrisaient pas la propriété, ils ont obtenu un arbitrage favorable à cette solution de la part du chief executive du Comté. Ce cas de figure s'est déjà renouvelé trois fois ... Certes l'implantation actuelle, limitée à quatre mâts, ne choque pas, à l'échelle de la baie : dans un vaste panorama d'îles proches et de perspectives lointaines vers les rivages de l'océan, les éoliennes constituent une ponctuation plutôt heureuse. Mais le procédé utilisé est aux antipodes d'une méthode de composition d'un paysage intégrant harmonieusement des éoliennes. Animation territoriale : les activités de l'Heritage Council Fondé en 1988 et placé sous la tutelle du Ministère de la Culture (DAHRAG) et confirmé par la loi sur le patrimoine (Heritage Act) de 1995, Heritage Council est un établissement public (public body) alimenté à 90 % par une dotation gouvernementale, et pour le solde par des fonds européens. Dès le départ, il s'est positionné sur une vision holistique et dynamique du patrimoine : ses domaines d'intervention vont de l'archéologie à la nature, en passant par le patrimoine marin ou vernaculaire. Basée à Kilkenny, à 150 km au sud-ouest de Dublin, c'est une petite structure de 15 emplois permanents à peine, mais avec une dotation qui lui a permis de soutenir, depuis l'origine, près de 6000 projets pour un total de 28 M. dans de nombreux domaines patrimoniaux. Son directeur résume le positionnement du Council, en indiquant que « l'État irlandais étant propriétaire d'environ un cinquième du territoire, le domaine d'activité de [son] équipe porte sur les quatre cinquièmes restants », sur 150 Source : récit sur place, le 26 janvier 2017 de Brendan O'Sullivan, enseignant et chercheur au Centre for Planning Education and Research, à l'université de Cork, ex agent du service planification du Comté). Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 102/173 lesquels il intervient par la sensibilisation, l'éducation, l'animation d'initiatives locales, ou des concours dotés de prix ou de subventions. Il peut compter, à cet effet sur les 28 heritage officers, corps de fonctionnaires institué il y a 15 ans, qui est l'un des seuls à n'avoir pas subi de restrictions d'effectifs dans la période qui a suivi la crise financière de 2008. Au nombre d'un ou deux par comté, ces animateurs du patrimoine sont des relais efficaces des programmes du Council. Celuici assure l'animation de leur réseau, au moyen de réunions annuelles. Les principaux domaines d'intervention du Council sont aussi bien l'éducation à la nature que des programmes d'études et de sensibilisation thématiques (villes fortifiées d'Irlande, mise en valeur des canaux, patrimoine maritime, faune sauvage...), et une aide aux comtés pour l'intégration des enjeux patrimoniaux dans la planification. Sous l'onglet « paysage » du site du Council, on lit la prise de position suivante : « Notre vision du paysage irlandais est celle d'une paysage dynamique et vivant, qui harmonise les besoins matériels et spirituels de la population avec les exigences de la nature, d'une manière qui bénéficie à tous sur le long terme ». 1- Actions concrètes: Le mode d'action le plus courant est le soutien aux initiatives locales en faveur de tous les types de patrimoine (une part significative concerne des éléments ou des structures paysagères : restauration de toitures en chaume, mise en valeur des paysages paléochrétiens du Donegal, aménagement des berges à Wexford.... Mais le Council assure également le pilotage d'études de connaissance et d'inventaire des paysages. Il en est ainsi de l'Atlas des paysages (Landscape Character Assessment) du Comté de Clare. Cet atlas décrit les 21 unités paysagères (Landscape Character Areas )151 : l'introduction du rapport indique que la participation des habitants permet un recueil de l'information plus rapide, qu'elle apporte des indications qui auraient échappé aux experts extérieurs, et qu'elle permet la construction de consensus sur les enjeux du paysage. Le document analyse les pressions subies par le paysage (mutations agricoles, expansion urbaine, infrastructures, forêts, tourisme et loisirs, industries extractives), et propose une série de mesures (Broad Landscape Guidance) qui pourraient s'apparenter à des objectifs de qualité paysagère. 2- Sensibilisation et formation : Cinq sessions de formation à l'écriture d'un atlas de paysage ont été organisées entre 2009 et 2011. La landscape wheel ci-contre, due au Pr Carys Swanwick, a été l'un des outils pédagogiques utilisés à cette occasion pour révéler la richesse et les articulations de l'approche paysagère, entre le lieu et la population, avec une mobilisation des cinq sens qui avait rarement été explicite (en bas et à gauche de la roue). Une dizaine de partenaires ont contribué à ces formations, dont l'Observatoire Catalan du paysage. Chaque session de deux jours était ponctuée de visites de terrain et comportait le remplissage d'une grille de qualification du paysage observé (par exemple, en termes d'équilibre, un paysage peut être noté comme « harmonious, balanced, discordant, chaotic » et, en termes de plaisir perceptif, un paysage sera : « offensive [au sens d' « offensant le regard »], pleasant, attractive, beautiful ». 151 Parmi lesquelles les célèbres Falaises de Moher et les lappiaz des Burrens Démarches paysagères en Europe Page 103/173 Rapport n°010731-01 3- Une action du Heritage Council : les projets bottom-up de l'Irish Uplands Forum152 Dans cette île peu montagneuse qu'est l'Irlande, les Uplands sont les 25 territoires situés au-dessus de 150m dont les points culminants sont situés au-dessus de 300m d'altitude. Ils totalisent 14% de la surface de l'île, mais ne regroupent que 2% de sa population, sur des terres qui ne répondent pas aux standards de modernisation qui fondent la politique agricole européenne153. Cela pose le problème du maintien des services et du revenu de la population et de sa capacité à gérer l'environnement et le paysage, avec l'impact touristique négatif qu'un phénomène d'abandon pourrait avoir. Il s'est agi, dans un pays très centralisé, de donner la parole aux communautés locales d'acteurs, et de susciter ou d'accompagner leur engagement en faveur à la fois d'une meilleure qualité de vie et d'une préservation d'un environnement fragile. Cette volonté participative était bien en phase avec les objectifs généraux du Heritage Council, ce qui explique son soutien à la mise en place du réseau. L'un des éléments les plus remarquables a été de faire participer (et s'exprimer) la population la plus stratégique de ces territoires, les farmers, considérés un peu partout en Irlande comme le groupe social le plus difficile à mobiliser en faveur du paysage. L'étude-diagnostic globale des 25 territoires a été menée en 2015-2016. Elle a mis en place une animation personnalisée et adaptée à chacun des cas de figure : une coopérative (Slive Bloom), un county council (Tiperarry), un laboratoire universitaire (Kerry), une société de défense des races locales (Burren), des associations patrimoniales (abords de la Chaussée des Géants), etc. Des groupes locaux de volontaires ont été formés pour promouvoir des projets d'utilisation de la « boîte verte » de la PAC (Locally-led Agri-environmental Schemes) qui pourraient permettre le maintien voire une reconquête « innovante » des terres concernées. Parmi les enjeux traités figurent : a) la compatibilité entre les activités récréatives ou touristique et la mise en valeur pastorale : mise en place locale de réseaux de sentiers « durables » c'est à dire non perturbants pour l'économie pastorale (ex : contrôle de la divagation des chiens) ; b) la mise en place d'activités privées, mais localement contrôlées, d'accueil des touristes, de vente des produits locaux, de services à la personne ; c) la mise en place de produits et de services agricoles « du 21è siècle » (y compris énergie renouvelable, service d'accueil, produits alimentaires locaux, éducation à l'environnement... 4- un exemple d'action sur les Uplands : les Blackstairs Mountains154 Le groupe fondé en 2014 compte 24 membres dont un nombre très significatif de fermiers. Il s'agissait à l'origine d'utiliser au mieux les fonds européens destinés à gérer les sites désignés au titre de la Directive « Habitats ». Au-delà de cette gestion, le groupe s'est orienté vers le contrôle local de ces dotations au profit d'un développement plus global : meilleure gestion au profit des farmers des usages récréatifs de l'espace agricole et leur rôle essentiel dans la gestion et l'amélioration du patrimoine bâti, naturel et immatériel, ceci à partir de huit réunions de terrain et de trois farm walks, soit au total 800 heures de bénévolat . 152 Source : Source : Uplands Community Study, brochure rédigée par Alan Hill, et éditée par l'Irish Upland Forum en mai 2016, avec l'appui d'Heritage Council). www.irishuplandsforum.org Il faut noter que le réseau de ces territoires, au nombre de 25, est commun aux deux parties de l'île, à raison de 6 pour l'Irlande du nord, et de 19 pour la République. Compte-rendu par Helena Fitzgerald de sa mission d'animation du Farming Group sur ce secteur de plus de 5000 ha et culminant à 796m, entre les comtés de Carlow et de Wexford (sud de Dublin). Démarches paysagères en Europe Page 104/173 153 154 Rapport n°010731-01 Le groupe est informel (même s'il organise des réunions de terrain dont la participation est régulièrement d'une centaine de personnes), et son animation a été bénévole (sauf un contrat à mi-temps sur 5 mois en 2015). Son budget a été de 40 000 sur 18 mois. Malgré la modestie de ses moyens et sa fragilité structurelle il a pu intervenir sur les activités touristiques, le programme des sentiers, et mettre en place un Vegetation Management Plan, première étape d'un schéma local agri-environnemental. La profession de paysagiste : l'Irish Landscape Institute (ILI) Constitué en 1992 l'ILI est une organisation ouverte aux paysagistes du secteur public comme du secteur privé, aux diplômés et aux étudiants en paysage. Les professionnels et les diplômés doivent avoir suivi un cursus de Mastère donnant accès à la profession d'architecte-paysagiste. L'ILI comptait en 2016 160 membres, avec un secteur privé qui totalise 25 agences, pour la plupart à Dublin (90%) ou à Cork (deux ou trois). La plus ancienne date de 1966. On ne peut être membre de l'ILI que si l'on a réussi un examen professionnel, organisé par l'Institut tous les ans et ouvert aux diplômés. Si l'appartenance à l'ILI n'est pas une condition nécessaire à l'exercice professionnel (la profession n'est pas protégée), le titre de MILI (member of the ILI) accolé au nom de la personne, équivaut de fait à une trade mark155. L'Institut gère un code de déontologie et est chargé de promouvoir la profession auprès du grand public. Contrairement au Royaume Uni (malgré une diminution récente dans celui-ci), il n'existe que très peu de paysagistes dans le secteur public. Toutefois, le corps des Heritage Officers (cf. ci-dessus), pourrait être une condition favorable aux commandes dans ce domaine. L'ILI organise tous les deux ans des landscape awards. Les projets primés sont en général des jardins ou des espaces publics, créés ou restaurés (le prix du public est ainsi allé à un memorial garden de la 1ère guerre mondiale... .../... 155 Certains organismes publics comme l'OPW (Office of Public Works) réservent leurs commandes à des professionnels portant ce titre. Démarches paysagères en Europe Page 105/173 Rapport n°010731-01 A retenir : L'Irlande a mis au point au terme d'un riche débat national, une stratégie paysagère exemplaire. Sa mise en oeuvre effective, dans un pays où « tous les acteurs du paysage se connaissent » reste encore lente, voire incertaine. Des institutions patrimoniales originales, une profession dynamique et une montée en puissance d'initiative locales qui pouvaient paraître improbables sont toutefois de réels gages de réussite. Politiques nationales - Une « stratégie nationale du paysage » très complète et cohérente, inspirée par la Convention européenne du paysage. - Le lancement imminent d'un National Landscape Character Assessment, NLCA (atlas national du paysage) qui, dans un pays très centralisé, est considéré comme le préalable à des déclinaisons par comté ; - Un établissement public chargé de l'animation des questions de patrimoine dans leur ensemble (nature, culture et paysage), le Heritage Council, souple, dynamique et créatif, appuyé dans les comtés par un réseau d'Heritage Officers. Prise en compte - une volonté d'associer la population aux premiers exercices des populations partiels de connaissance du paysage (exemple du LCA du comté de Clare) - l'expérience du Irish Uplands Forum qui a réussi la mobilisation des acteurs locaux, notamment des « farmers » dans 25 territoires. Profession - Un Irish Landscape Institute représentatif et dynamique à l'échelle d'un pays de petite taille : 165 membres soit 1 pour 29 000 habitants (ratio un peu supérieur à celui de la France qui est de 1 pour 33 000. Maîtrise d'ouvrage - sans objet réel du fait de la centralisation du pays. Ne pas négliger toutefois l'influence sur le terrain des 28 Heritage Officers. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 106/173 Pays : Italie ­ Métropole de Milan Source : recherches bibliographiques, entretiens et visite des 10 et 11 avril 2017 Problématiques initiales identifiées Détection, suite à des entretiens avec le milieu universitaire italien, en particulier lors des Ateliers de la Convention européenne du paysage, à Erevan, les 5-6 octobre 2016, de cas concrets intéressants de gestion paysagère des espaces agricoles en lisières urbaines de Milan. Intérêt : Une politique décentralisée de gestion paysagère sur un secteur sensible, la périphérie urbaine, avec une problématique de relations entre agriculteurs et citadins. En outre l'Italie a mis en oeuvre un système de plans régionaux de paysage qui doivent être pris en compte dans la planification territoriale. Questionnement : dans la relation paysage et agriculture. Comment le pysage est-il considéré par les différents acteurs que sont les agriculteurs et les citadins. Comment sont prises en compte les initiatives de terrain ? Les acteurs rencontrés · Niveau métropolitain : Municipalité de Milan, service en charge de la mise en oeuvre de la politique Milan métropole rurale ­ Commission du paysage du Parc Agricole Sud Milan. · Niveau local (projet de territoire) : Agriculteurs et associations du Parc agricole sud Milan ­ Parc naturel régional du Tessin · Milieu universitaire : enseignants-chercheurs du Politecnico di Milano. Contexte national L'Italie - 301.336 km² - 61,8 M.hab. ­ 206 hab./km² - Capitale : Rome (2,9 M.hab. - aire urbaine. 4,2 M.hab.) Statut : république parlementaire ­ un état central ­ 20 régions dont 5 autonomes ­ 110 provinces dont 2 autonomes ­ 8100 communes. Organisation territoriale italienne L'Italie est une république unitaire avec un fort niveau de régionalisme. Son organisation territoriale se compose de : · l'État est représenté au niveau de chaque région et province par un commissaire du gouvernement. Avec la décentralisation, il a perdu la majeure partie de ses pouvoirs et a pour fonction essentielle de garantir l'ordre public. Les régions 15 régions ont un statut ordinaire et 5 régions ont une autonomie à statut spécial : Sicile, Sardaigne, Val d'Aoste, Frioul-Vénétie-Julienne, Trentin-HautAdige. qui ont une autonomie en matière d'organisation de la justice, d'éducation, de protection de l'environnement, de financement et de culture. Démarches paysagères en Europe Page 107/173 · Rapport n°010731-01 · · · Les régions ont une compétence législative. Leurs lois ont la même valeur que les lois nationales, sous réserve d'être approuvées par le Commissaire du Gouvernement. Les régions ont en charge la politique territoriale (transports, travaux publics, culture, tourisme, urbanisation, police locale, hôpitaux, administration territoriale). L'État conserve un certain contrôle sur la gestion de la région. Les provinces Elles ont un caractère autonome. Les provinces possèdent un grand nombre de compétences propres en sus des fonctions déléguées par l'État et les régions. Mais le système est variable en fonction des régions. Les communes La commune a des compétences propres (santé, assistance, urbanisme et logement). La participation des citoyens à la définition des politiques est affirmée par la loi, via notamment des referendums locaux, généralement consultatifs, ou des pétitions, sur lesquels les conseils municipaux ou provinciaux sont obligés de se prononcer. D'autres structures intercommunales existent, en particulier les communautés de montagne ou les villes métropolitaines. Ces dernières concernent les plus grandes agglomérations italiennes et se substituent aux provinces correspondantes. Elles sont en place depuis 2014. Il existe des « conventions » et de « consortiums » (sortes de syndicats intercommunaux a vocation multiple). Les communes peuvent aussi recourir à des « unions de communes », forme plus institutionnelle. Il existe des « conférences de service » et les « accords de programme », comparables aux contrats de plan français. Contexte Lombard - 23.863 km² - 10 M.hab. ­ 420 hab./km² - Capitale Milan (1,4 M.hab. ­ métropole : 5M.hab. ­ aire urbaine 7,1 M.hab.) Statut : région autonome - une ville métropolitaine (Milan) - 11 provinces - 1530 communes Planification territoriale A] Le plan territorial de coordination (niveau régional et provincial) La planification territoriale se fait via le plan territorial de coordination, ou PTC, plan d'urbanisme qui porte sur les choix stratégiques, concernant les infrastructures routières, la protection de l'environnement à sauvegarder et les prévisions de développement urbain. Il existe deux types de PTC : le Plan d'aménagement de la coordination régionale ou RPTC et le Plan d'aménagement de la coordination provinciale ou PTCP. Ce plan n'a pas d'effet sur les particuliers. Il comporte un volet paysager. B] Le plan régulateur général (PRG) et le plan de gouvernement territorial (PGT) Le PRG est le plan de niveau communal. L'Italie a une tradition d'autonomie communale et l'urbanisme n'a jamais été centralisé, comme en France. En outre la culture des architectes prime et l'intérêt pour la qualité de l'espace urbain est plus populaire en Italie. Les plans régulateurs italiens procèdent d'un zonage qui traduit un bilan de l'existant et des intentions globales. Ainsi au sein d'une même zone, les droits à construire varient en fonction de l'architecture des bâtiments. Il y a un véritable projet de ville et la préoccupation de qualité de l'espace imprègne tout le document. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 108/173 Le PRG doit prendre en considération tout le territoire de la commune. Il est établi pour une durée indéterminée, mais peut être modifié si nécessaire. Il établit aux 1/2.000° la subdivision en zones, la possibilité de construire et à quelle fin (résidentielle, industrielle, artisanale ou de bureaux), la typologie immobilière, la dimension minimale du lot constructible, la hauteur, la densité, le rapport de couverture et la distance par rapport aux autres édifices, etc. Le PRG divise le territoire municipal en zones : secteurs à caractère historique, ou de valeur environnementale, zones bâties, d'urbanisation future, industrielles, agricoles, d'équipements, etc. Le PRG fait l'objet d'une concertation avec les habitants, qui peut conduire à des modifications. Il est soumis à l'approbation de la région qui peut apporter les modifications nécessaires afin d'assurer le respect des lois ou des plans de niveau supérieur. En Lombardie, le PRG a été remplacé par le plan de gouvernement territorial (PGT) comme outil de planification du développement au niveau municipal. Cet instrument de planification a été mis en place par une loi régionale de mars 2005, qui ajoute un certain nombre de changements : l participation citoyenne ; la compensation, permettant, en cas de projets publics, de procéder à des échanges de parcelles avec les propriétaires ; la péréquation, selon laquelle les avantages de la transformation urbaine doivent être équitablement répartis entre les propriétaires de terrains destinés à des usages urbains ; l'incitation en matière d'urbanisme, qui prévoit la possibilité de dépasser les seuils constructibles si le projet présente d'importants avantages publics. C ) Politique paysagère et le plan d'aménagement paysager Le paysage : la politique du paysage dépend du Ministerio di Beni et activittà culturale. La Convention européenne du paysage - CEP a été ratifiée en 2006. La protection du paysage a fait l'objet d'une première loi en 1939, dite de protection des beautés naturelles. Elle est reconnue par l'article 9 de la constitution italienne, qui indique en substance que la République exerce la protection du paysage de la nation. Elle a été modifiée en 1985 par la loi dite Galasso : la protection des paysages y est élargie à des catégories entières de « biens paysagers » comme les montagnes, les lacs, les volcans, les rivières, les zones côtières, les parcs et les réserves, les forêts et autres. Cette loi admet le concept de « plan territorial avec validité paysagère ». La législation italienne protégerait ainsi environ 141.000 km² de territoire à valeur paysagère, soit 48% du territoire national ; la valeur du paysage y est clairement reconnue comme ressource naturelle produisant des revenus économiques.156 Ces textes ont été refondus en 1999 dans un souci de simplification et de mise en cohérence, mais l'adoption de la CEP, qui a élargi le paysage et le fait considérer comme une partie du « patrimoine culturel national », et la réforme institutionnelle en matière de distribution territoriale des compétences entre État et régions, ont abouti en 2004 à un Code des biens culturels et du paysage. La planification du paysage y est renforcée, ainsi que sa prépondérance sur les autres instruments de planification, promouvant ainsi les plans paysagers et leur élaboration conjointe entre État, régions et entités locales. Le plan d'aménagement paysager est un plan d'urbanisme spatial, élaboré par la Région en collaboration avec le ministère du Patrimoine et de la Culture, qui vise à 156 Ce paragraphe et le suivant sont inspirés d'un article de José Luis Bermejo Latre, de l'université de Saragosse, « la protection du paysage en Italie », Site Internet Persée - Revue Européenne de Droit de l'Environnement - 2005 Démarches paysagères en Europe Page 109/173 Rapport n°010731-01 protéger et à mettre en valeur les paysages. Les plans d'aménagement paysager décrivent les caractéristiques du paysage, découpés en unités. Pour chacune, ils définissent des exigences spécifiques et des objectifs de conservation et de restauration des valeurs paysagères, de régénération des zones dégradées, de protection des secteurs particuliers, d'entretien des éléments du paysage et des prescriptions en matière de silhouette bâtie et d'aménagement urbain. Ils comprennent la fixation d'objectifs de qualité paysagère. En ce qui concerne l'ordre hiérarchique des instruments de planification, le plan d'aménagement paysager est un puissant instrument de contrôle car il prévaut sur les plans et les programmes nationaux et régionaux et d'autres actes touchant à la planification des sols et notamment le PTC. Ils doivent être approuvés par l'État, puisqu'ils comportent une délégation à la région de compétences de l'État (et notamment de la sopraintendenza, l'équivalent de l'ABF). Le contenu de ces plans est donc examiné avec précision et tous ne sont pas approuvés. Ainsi le plan paysage de Lombardie, en cours, n'a pas encore été approuvé à défaut d'un volet opérationnel. Les deux plans de paysage de Toscane et des Pouilles ont été approuvés et peuvent donc fonder des recours et servir à l'élaboration de documents de planification de niveau inférieur. De nombreuses municipalités ont constitué une commission du paysage. En Emilie-Romagne, le plan paysager, intégré au plan territorial régional, est en cours de refonte. D] Les Parcs naturels régionaux Les parcs régionaux italiens, assez semblables à nos PNR, se composent de zones terrestres, de rivières, de lacs et éventuellement de zone liées à la mer, donnant sur la côte, présentant un grand intérêt sur le plan environnemental et naturel, qui constituent, dans une ou plusieurs régions voisines, un système homogène, identifié par la structure des lieux naturels, l'intérêt des paysages et les traditions culturelles des populations locales. On compte plus d'une centaine de parcs, pour une surface de 1.200.000 ha. Un certain nombre de parcs régionaux ne figurent pas dans la liste officielle mais sont assimilés, comme le parc agricole de Milan. Comptes-rendus des rencontres Politique agricole de Milan Sur la commune de Milan, le plan de gouvernement du territoire (PGT) équivalent du PLU en Lombardie, date de 2012. La métropole est récente, elle doit remplacer la province, et le nouveau plan est en cours d'élaboration. Le plan vise un rééquilibrage ville-rural et prévoit quatre districts ruraux pour Milan. Ces districts ruraux sont des territoires avec une identité culturelle et territoriale dont le projet est porté par des exploitants agricoles réunis en sociétés coopératives, avec des aides financières de la région. Il s'agit de combiner écologie, aménagement du territoire et production (riz, maïs, céréales...) La ville participe à l'élaboration des plans de développement de district. Ceux-ci définissent des objectifs en matière d'aménagement rural, de paysage, d'agriculture. Un accord stratégique général a été trouvé, aboutissant à un plan sur les quatre districts, portant sur les corridors écologiques, la gestion de l'eau, la rénovation des immeubles agricoles, la multifonctionnalité et l'identité culturelle. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 110/173 Par ailleurs des expérimentations sont en cours. Cette année, Milano restauration, qui gère toutes les cantines de Milan, a signé des contrats avec les agriculteurs, en introduisant le critère du produit typiquement local. Le parc agricole de Milan 1) Contexte Face à la croissance urbaine de Milan, la nécessité d'instruments de planification à une échelle métropolitaine est apparue dans les années 50. Dans ce contexte, contrairement aux secteurs nord dont l'agriculture traditionnelle diversifiée n'a pas résisté à l'urbanisation, les secteurs sud de Milan comportaient une agriculture liée à l'eau possédant des caractères forts. Il a été décidé dès la fin des années 60 d'en favoriser le maintien, avec les avantages que représentaient ces espaces ruraux ouverts, en matière de paysage, de secteurs naturels, d'aménités et de patrimoine bâti. On y trouve notamment des abbayes qui ont été les premières à bonifier le territoire, mais aussi un certain nombre de fermes ou cascine à l'architecture monumentale, apparues dès la Renaissance mais fortement développées au XVIII° siècle, propriétés nobiliaires, de grands bourgeois, voire d'institutions publiques, hôpitaux ou orphelinats. Elles étaient organisées selon un système de cours et de bâtiments aux fonctions spécialisées (logement des maîtres, des employés, granges, transformation (fromage, etc.) étables... Dans la région, l'eau est un élément fondamental, avec un réseau de canaux de tailles diverses : grands canaux navigables, (Naviglio grande, Naviglio pavese) reliant Milan au Pô, accompagnés d'un « chevelu » dense de canaux plus petits, bordés d'alignements d'arbres, les roggia, alimentés par des résurgences et permettant par un système d'irrigation très sophistiqué l'alimentation de rizières et des marcite. Les marcite sont des prés irrigués et pâturés toute l'année qui produisent un fourrage réputé. L'eau est également présente dans de nombreuses carrières envahies par la nappe phréatique et qui se renaturalisent. 2) le Parc agricole Dans ce contexte très riche, l'idée du parc Agricole Sud Milan a mûri dans les années 70 et 80, avec pour objectif de créer une vaste aire de développement agricole permettant des usages récréatifs pour les citadins, pour finalement être institué par une loi régionale de 1990. Il dépend de la métropole de Milan et couvre les zones agricoles et forestières de 61 communes, pour un total de 47.000 ha. En tant qu'observateurs étrangers, nous avons été surpris par le fait que l'agriculture de ce parc semble peu dédiée au maraîchage péri-urbain, mais à des grandes cultures céréalières, dont le riz, et à la prairie et à l'élevage. La partie cultivée du parc comporte 37.000 ha avec plus de 1.000 fermes. Administrativement, le parc est un service de la métropole de Milan et comporte un conseil directeur réunissant des représentants des maires élus, le président de la métropole, des conseillers métropolitains, des représentants du monde agricole, des associations de protection de l'environnement, etc. Le budget est alimenté par les municipalités. Il comprend trois comités : une commission du paysage, un comité technique agricole et 3° comité ? Il est soutenu par le fond de développement régional européen. La région lombarde peut contribuer à certains projets spécifiques. D'autres soutiens financiers peuvent être obtenus auprès de fondations privées, notamment la fondation CARIPLO, (Cassa di Risparmio delle Provincie Lombarde). La Caisse d'Epargne a une double activité de crédit et d'aide sociale avec comme mission le soutien à l'économie du territoire lombard et l'essor social et culturel. Du fait de la Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 111/173 nécessité légale de séparer les deux activités, l'action d'aide sociale a été confiée à la Fondazione Cassa di Risparmio delle Provincie Lombarde, créée pour la circonstance. Avec un effectif de 23 agents, employés par la ville, le Parc agricole gère de façon assez centralisée les autorisations de travaux, via la Commissione per il paesaggio del Parco AgricoIo, en fonction d'un zonage qui définit ce qu'il est possible de faire suivant les secteurs agricoles, les infrastructures et les parcs publics, ainsi que sur les secteurs à valeur patrimoniale, architecturale et paysagère, où sont prévus des règlements plus restrictifs. Sur les zones humides, la construction est interdite. Sur les zones paysagères protégées ou les Cascine, la décision se fait au cas par cas. Notre visite de l'après-midi nous montrera que les autorisations sont perçues comme parfois longues et tâtillonnes : les dossiers doivent passer devant la commission du paysage, des services de la métropole, mais aussi devant la sopraintendenza, c'est-à-dire l'équivalent de l'ABF... La commission du paysage délivre environ 150 autorisations par an. Le Parc donne un avis (simple) sur les projets des zones urbaines limitrophes. 3) Bilan et questions Selon le Parc, le bilan, après 17 ans d'existence, est en demi-teinte : il a évité une urbanisation incontrôlée, et les élus, au début méfiants, ont constaté une indéniable amélioration de la qualité de vie. Mais, même si la dégradation des paysages a été jugulée, les moyens insuffisants ne permettent que difficilement des opérations de requalification paysagère sur ressources propres ou le soutien aux marcite. Un label a été créé sur certains produits du parc, et une politique de valorisation et d'information du public sur les produits et les paysages a été mise en oeuvre par l'Association du parc des rizières (voir ci-après). Du coté des agriculteurs, on vu les difficultés d'obtention des autorisations de travaux. Enfin des conflits apparaissent, par exemple sur les gravières qui ne peuvent s'étendre ou sur la construction de grandes infrastructures routières métropolitaines qui empiètent sur le territoire du parc. Un système de compensations existe mais semble avoir du mal à fonctionner. Nos visites dans le parc nous ont montré des paysages très typiques, globalement très plats, animés de très belles fermes, de monastères, d'églises, d'alignements de peupliers le long des canaux, de routes et de chemins établis sur les petites digues qui cloisonnent le paysage et séparent les rizières en jouant subtilement sur les différences de niveau. La qualité de ces paysages reste assez variable, du fait de la proximité de la ville et des équipements qu'elle demande : lignes à haute tension, voirie routière, secteurs urbains enclavés, et une présence automobile très prégnante sur certains secteurs. Le contraste entre les hauts immeubles de la banlieue milanaise, et les champs et boisements qui les accompagnent est assez surprenant. Nous avons noté que cette campagne proche est très fréquentée par les citadins, qui pratiquent jogging, vélo, ou promenade du chien. Une des questions posées est celle de l'articulation de ce système plutôt centralisé, qui reflète une perception citadine sur la campagne, avec les initiatives locales. Le parc indique les encourager et les soutenir, quoique assez peu financièrement, et plutôt pour des musées comme l'Uffizio del Gusto e del paesaggio comportant un centre de documentation sur le paysage et un laboratoire de cuisine. L'Association du parc des Rizières, le Parco delle risaie L'Association du Parc des Rizières, organisme sans but lucratif, a été créée en 2008 par un groupe de résidents et d'agriculteurs, unis par un intérêt commun à préserver et à améliorer cette partie du parc Sud de Milan, secteur agricole en fort contact avec Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 112/173 l'urbanisation, dans sa fonction productive, mais aussi pour promouvoir les activités de la nature, favoriser l'accueil, le tourisme rural. Un des messages adressé aux citadins est que cette zone verte n'est pas un parc urbain, mais qu'il peut être fréquenté suivant certaines règles et dans le respect de l'agriculture, principale « gestionnaire » du paysage. L'Association, soutenue par la municipalité de Milan, la Région Lombarde, les services de l'Agriculture de la province de Milan et d'autres institutions, développe des animations, notamment via des interventions artistiques, ainsi que des projets relatifs à différents thèmes : accessibilité, culture, gastronomie (le risotto), information, éducation (2 à 3.000 enfants des écoles visitent le parc chaque année), création d'itinéraires de découverte des paysages, à pied ou à vélo, tourisme rural. Elle contribue à la sélection des produits et services certifiés par la marque du parc. Dans le secteur, la production consiste essentiellement en riz (55.000 assiettes de riz par jour toute l'année !) et en fourrage. Une grande partie du riz part de façon anonyme dans l'industrie agroalimentaire. Seule une partie du riz, principalement de variété « carnaroli », qui est vendu via des contrats avec la grande distribution, est utilisé dans la cuisine locale et est spécifiquement destiné à l'élaboration du risotto de Milan. Contrairement à certains fromages locaux (le stracchino), une très grande partie du riz produit (95%) ne possède pas de label. D'autres produits sont labellisés, comme certains légumes (courgettes) ou des pâtes fraîches produites à partir de farines de blé dur ou tendre. Le label est un label de qualité environnementale, mais pas un label de produit. Enfin, les circuits courts en direction de la ville ont cru en 10 ans, par le biais des marchés ou de groupe d'achats solidaires (équivalent de nos AMAP). La résistance des agriculteurs au parc a été forte au début, et dans les années 2000, ils « en avaient marre du parc » dont ils ne voyaient pas les avantages. Différents outils et actions de communication ont été mis en oeuvre pour se rapprocher des agriculteurs, pour les rendre plus visibles des citadins. Mais l'aide technique du Parc est limitée faute de moyens et même aujourd'hui, selon l'agricultrice que nous avons rencontrée, les relations des agriculteurs avec le Parc agricole ne sont pas toujours faciles, notamment du fait de la rigidité bureaucratique de l'administration du Parc. On a évoqué plus haut les délais d'autorisation de travaux : un projet de transformation d'un bâtiment agricole en chambre d'hôtes lui a demandé 2 ans d'attente, ce qui lui a fait perdre beaucoup d'argent. L'autorisation a finalement été obtenue, sans que s'explique la raison de tant d'atermoiements. Mais, plus positivement, un certain rapport a été retrouvé avec les citadins, à qui cependant il faut parfois rappeler quelques règles, comme nous avons pu en être témoins. Il existe une charte paysagère du parc pro cittadine verso la sostenibilità qui réunit différents partenaires : associations, institut Politecnico, agriculteurs, société des Navigli, et dont le but est de rapprocher les citadins de la campagne en rendant navigables les voies d'eau et la vente de produits dans la Darsena, l'ancien port de Milan. Le Parco Ticino ­ le parc du Tessin Le Parc a employé une centaine de personnes jusqu'à la fin des années 2000, mais aujourd'hui, les effectifs sont en baisse et tournent autour de 50 à 60 . Le budget est de 8 à 12millions d' dont 1million d' de la région Lombarde. Il est alimenté par des contributions des municipalités (2 par habitant et par an), par la fondation CARIPLO, et différents financements liés aux projets : projets Life, Europe, subventions du ministère de l'environnement. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 113/173 Le parc comporte un comité directeur, avec un président, nommé par la région et 5 conseillers choisis parmi les élus ; une assemblée du parc, composée des 47 communes, des 3 provinces, d'associations environnementales. Fait symptomatique, elle ne comporte pas d'agriculteurs... Il existe une commission du label, qui, elle, comporte des agriculteurs. Le territoire du parc est situé à une quarantaine de kilomètres à l'ouest de Milan. Il adopte une forme linéaire nord-sud qui suit la rivière du Tessin, affluent du Pô. Premier parc régional d'Italie, il a été créé en 1974 pour protéger la rivière et les milieux naturels de la vallée contre l'industrialisation et l'urbanisation d'une aire parmi les plus densément peuplées d'Italie. Le parc borde d'ailleurs l'un des deux aéroports de Milan, Milano-Malpensa. Très semblable à nos PNR, il s'étend sur trois provinces et 47 communes et possède une superficie de 92.000 ha (120 km du nord au sud, 3 à 10 km de large), dont 25% en surfaces naturelles, constituant le noyau du parc, 20% de surfaces urbaines, et 55% de terres agricoles. Dans le parc, les exploitations ont une surface moyenne de 30 ha, plutôt petites, mais la moyenne italienne est de 10 ha. Les paysages sont variés : si, dans la vallée, zones naturelles, réserves de biodiversité et activités de loisirs sont orientées vers le Tessin et l'eau, le plateau reste destiné à la grande culture intensive (maïs, riz, blé) et aux prairies en herbe ou marcite pour l'élevage bovin. Comme sur le parc agricole de Milan, les horizons y sont très plats et sillonnés depuis le Moyen-âge de canaux, d'alignements de peupliers et de fermes à la belle architecture. Nous avons pu admirer une grange en brique dont le traitement et la silhouette ne le cédaient en rien à un temple antique. Les marcite forment une structure très spécifique : ces prés sont irrigués toute l'année par un système hiérarchisé de canaux, ce qui permet à l'herbe de pousser même en hiver : ces parcelles restent vertes alors que les alentours sont enneigés et couverts de givre. Aujourd'hui ne subsistent que 300 ha de marcite sur une soixantaine d'exploitations. Pâturés ou fauchés, ils produisent un fourrage réputé, l'« or vert », coupé dix fois par par an. Y étaient autrefois associés certains métiers, comme les Campari, qui géraient subtilement les ouvertures de vannes en équilibrant la distribution des eaux. Le parc a effectué un travail considérable auprès des agriculteurs. Après une période conflictuelle dans les années 70 à 90, la concertation s'est améliorée. L'acquisition de leur confiance a été obtenue d'abord en résolvant leurs problèmes immédiats, puis en les aidant à monter leurs projets et à monter les dossiers de subvention ou d'autorisation. Maintenant, le parc va plus loin, surtout en montrant l'exemple, en organisant des expérimentations concluantes, etc. Il s'agit de faire prendre conscience que les alignements d'arbres, les haies, la rotation des cultures, le maintien d'un parcellaire assez réduit et l'augmentation des prairies de pâturage créent, s'ils sont bien gérés, un paysage et un environnement qui améliorent la qualité de vie de tous et qui présentent un intérêt économique et touristique. Ainsi, l'organisation de filières de vente directe, dans un secteur où 90% de la production rizicole était autrefois vendue aux grandes rizeries, a permis de montrer que les baisses de production engendrées par la plantation de haies étaient largement compensées par les prix de vente. En ce qui concerne les parties urbaines, le parc travaille sur certains dossiers, notamment sur les parties historiques, avec les architectes de la Sopraintendenza, ou intervient sur les limites des zones urbaines, au moment de leur définition. En revanche notre interlocuteur n'a pas connaissance d'actions sur la qualité de l'espace public, ou des lisières urbaines. Il faut cependant considérer que toutes les communes ont une commission du paysage, où le parc est représenté. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 114/173 Les paysagistes : formation, recherche, organisation professionnelle La profession semble encore assez mal connue en Italie. C'est l'Ordre des architectes et des paysagistes (Ordine Nazionale Architetti, Pianificatori, Paesaggisti e Conservatori) qui donne l'agrément d'architecte-paysagiste. Cet Ordre semble assez hiérarchisé : 1 architecte, 2 planificateur, 3 paysagiste, 4 conservateur. L'architecte peut agir sur tous domaines, contrairement aux autres, et ce même s'il n'est pas formé à ce type de projet. Selon une étude comparative 157, 154 architectes paysagistes sont inscrits à l'Ordre des architectes et des paysagistes en 2014 (à comparer au nombre d'architectes, environ 85.000). L'Association des architectes paysagistes (AIAPP, Associazione Italiana di Architettura del Paesaggio), (environ 700 adhérents) publie depuis 1998 le magazine Landscape Architecture. Il existe un cursus de master à Florence et Gênes (en faculté d'architecture) et des cursus sont en cours de création à Turin et Milan. On note en Italie un métier spécifique, agronome-paysagiste, parti au départ de la profession d'horticulteur. A Milan, il y a un cursus agronomie en lien avec le paysage. Turin intègre le paysage dans la formation agronomique. A retenir : Politiques publiques - le plan régional d'aménagement paysager (piano paesaggistico), qui vise à protéger, gérer et mettre en valeur les paysages et qui comprend la fixation d'objectifs de qualité paysagère. Après approbation par l'État, il prévaut sur les plans et les programmes nationaux et régionaux et documents de planification. Un statut de parc agricole géré à l'échelle d'une métropole ; - une difficulté à faire se rencontrer les démarches « top-down » et « bottom-up » ; - la lien entre agriculture productive ET la gestion du paysage ; - le contact citadins ­ agriculteurs avec une notion de « prestation paysagère » ; - l'importance de l'animation (associations...) Prise en compte - Participation citoyenne affirmée par la loi. Il existe des des populations systèmes de referendums locaux ou de pétitions, sur lesquels les conseils municipaux ou provinciaux sont obligés de se prononcer. Profession Maîtrise d'ouvrage Une association des architectes paysagistes (AIAPP) qui publie le magazine Landscape Architecture. 157 Topia « Les paysagistes dans le monde ­ Texte collectif ­ (2008-2014) - Pierre Donadieu http://topia.fr/wpcontent/uploads/2014/11/Les_paysagistes_dans_le_monde.pdf Démarches paysagères en Europe Page 115/173 Rapport n°010731-01 Pays : Pays-Bas Source : recherches bibliographiques, notamment actes du séminaire 2008 des Paysagistes-conseils de l'État en 2008 aux Pays-Bas158. Problématiques initiales identifiées Pays de dimension réduite et de forte densité de population, les Pays-Bas ont intégré de longue date un souci de la qualité paysagère jusqu'aux échelles territoriales les plus réduites. Ils ont développé une « école de paysage » remarquée en Europe. Intérêt : On peut sans doute dire que les Pays-Bas sont le berceau des « plans de paysage » qui se sont ensuite développés sous diverses formes dans de nombreux pays d'Europe avec trois caractéristiques principales : · une échelle territoriale de dimension moyenne (plusieurs communes) · une démarche volontaire et prospective fondée sur une analyse des caractéristiques et enjeux paysagers du territoire concerné · une déclinaison à la fois dans le droit des sols (plans et règlement de zonages) et dans des opérations concrètes d'amélioration de la qualité. Questionnement : Confrontés aux défis actuels (changement climatique et montée des océans, transition écologique dans le domaine agricole, pressions urbaines) les Pays-Bas sauront-ils préserver la qualité de l'aménagement qui faisait dire à Karin Helms, organisatrice du séminaire des paysagistes-conseils de l'État, à Rotterdam en 2008 : « Dans le paysage néerlandais, l'innovation n'est pas juste une réponse nécessaire pour s'adapter au contexte technique très mouvant. Elle est aussi le moyen de créer une identité propre à chaque lieu, une « distinction culturelle » sans laquelle les Pays-Bas auraient pu devenir ennuyeux » ? Les acteurs rencontrés : · Niveau Etat : Le représentant des Pays Bas aux Ateliers 2016 de la CEP à Erevan (chef de projet « paysage » au ministère des affaires économiques). · Profession : paysagistes français ou belges ayant exercé aux Pays-Bas. Contexte national - 41 526 km2 (dont 7 600 km² en eau, 20 % du territoire terrestre étant audessous du niveau de la mer) - 17 M.hab. ­ 496 hab./km² - Capitale : La Haye : 502 243 habitants (Amsterdam :690 000 hab, Rotterdam :617 000 hab.) Statut : monarchie constitutionnelle - un état central - 12 provinces - 408 communes, dont les deux-tiers comptent plus de 20 000 hab. 158 Actes téléchargeables avec le lien: http://www.paysagistes-conseils.org/sites/apce/files/contenus/apcerotterdamweb.pdf Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 116/173 Organisation territoriale néerlandaise Tant au niveau de la province que de la commune, la législation et l'administration sont régies par les principes de cogestion (les trois niveaux d'administration sont compétents, avec l'État central, pour oeuvrer dans un même domaine, comme par exemple sur l'urbanisme) et de prise de décision collégiale (l'» exécutif » est toujours un groupe de personnes incluant le représentant du gouvernement). Dans certains cas, une loi peut faire d'une matière qui relevait de l'autonomie communale, soit un objet de cogestion, soit une compétence désormais provinciale. Les communes sont administrées par un bourgmestre et les provinces par un « commissaire du roi » l'un et l'autre nommés le gouvernement. Mais celui ci est tenu de les choisir le bourgmestre parmi des candidats respectivement proposés par le conseil municipal et les «états provinciaux». En ce qui concerne l'aménagement des espaces et l'urbanisme : les Etats provinciaux élaborent des plans d'action directeurs pour l'aménagement des espaces (streekplan) ; le Conseil exécutif provincial approuve les plans d'utilisation des sols établis par les communes. Celles-ci élaborent des ces plans et délivrent les autorisations d'urbanisme. Les «waterschappen »(administration locales des eaux), au nombre de 25, sont des entités compétentes pour tout ce qui touche à l'eau ; elles ont notamment pour tâche d'assurer la protection des terres contre les eaux, sujet capital aux Pays-Bas. Elles ont des compétences qui dépassent évidemment les limites des communes et provinces. Certaines de ces institutions datent du moyen-âge. Elles sont administrées par une assemblée élue par les propriétaires fonciers et les habitants de leur ressort. Orientations de la politique du paysage aux Pays-Bas La première feuille de route stratégique exclusivement consacrée au paysage date de 1977, avec la présentation de la « Visie Landschapsbouw » (perspective de développement du paysage) qui dès cette époque, affirme la nécessité de développer des plans de paysage. Les fondements de la politique actuelle seront posés dans une « Nota Landschap » en 1992, stratégie élargie à 3 ministères importants en 1999 (Éducation, culture et sciences, Habitat, urbanisme et environnement, Transports, travaux publics et gestion de l'eau) sous le nom de « Nota Belvedere » (mémorandum Belvedère), feuille de route décennale (1999-2009) qui prend pour axe central la valeur culturelle du paysage, et fait de l'identité historique et sociale des territoires le fil directeur de la politique de planification spatiale. La « conception Belvedere » est fondée sur le principe que l'adaptation est le vecteur le plus efficace de la protection. À la demande de la société civile, une nouvelle stratégie sera adoptée dès la fin 2008 : l' « Agenda Landschap » (Agenda paysage) fixe les objectifs de la politique néerlandaise jusqu'en 2020, dont l'objectif est de promouvoir un paysage attractif tant pour les citoyens que pour les acteurs économiques ». Le mouvement social quant à lui, a adopté en novembre 2005 un « Landschaps Manifest », signé par 47 associations et présenté par l'État néerlandais à l'édition Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 117/173 2010-2011 du Prix du paysage du Conseil de l'Europe. Il est présenté en ces termes159 : « Le Manifeste pour le paysage a été conçu pour mettre en exergue l'importance du paysage et améliorer la qualité du paysage des Pays-Bas. En promouvant l'implication des citoyens, l'échange de savoir-faire entre les organisations, l'amélioration de la qualité de l'aménagement du paysage ainsi que l'analyse des outils d'entretien actuels, ainsi qu'en recherchant des financements durables auprès des pouvoirs publics, la Fondation du Manifeste pour le paysage a montré qu'elle était un acteur clé du «rayonnement du paysage». Quarante-sept organisations collaborent à des fins de sensibilisation et de coordination des initiatives de soutien à l'entretien du paysage. En réunissant des organisations non gouvernementales ayant des objectifs différents, mais partageant toutes le même souci du paysage, la Fondation du Manifeste pour le paysage est parvenue à faire progresser sensiblement l'intérêt des autorités et du public pour le paysage. Cette démarche crée une force qui oeuvre pour la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage en utilisant tous les moyens à sa portée, qu'il s'agisse de l'amélioration des politiques ayant trait au paysage ou des campagnes «l'aménagement paysager de votre cour». Le contenu du manifeste promeut l'idée que le paysage doit être l'affaire de tous et profiter à tous, et que la beauté représente un aspect important du développement. Les instruments de prise en compte du paysage au niveau régional et local : L'État a produit, à l'usage des collectivités, un cadre stratégique pour le développement d'un paysage de qualité (Landschap Ontwikkelen met Kwaliteit, LOK), sous la forme d'un guide applicable à l'élaboration des plans de zonage. Le LOK est fondé sur les qualités naturelles (sol, eau, fane et flore), culturelle (histoire, architecture), la valeur d'usage (notamment récréative), et la « qualité perceptive » (contrastes visuels, tranquillité, silence...). De façon opérationnelle, les régions, intercommunalités et communes peuvent mettre en place des plans de développement du paysage (Landschapsontwikkelingsplan, LOP), complétés, à l'échelon local par des plans de qualité du paysage (Beeldkwaliteitplan, BKP) destinés à encadrer les constructions et aménagements nouveaux. Les LOP : Leur réalisation est volontaire, à l'initiative des municipalités, des groupements de communes ou des régions. Leur développement a été encouragé par des subventions gouvernementales et par l'implication du mouvement associatif ; 12 LOP sont actuellement en cours d'études ou de mise en oeuvre. La participation citoyenne est une condition nécessaire au financement extérieur de ces plans. L'articulation est forte avec les plans d'utilisation des sols, les LOP doivent obligatoirement être le fondement les orientations du document local de planification, et le cas échéant, constituer une partie intégrante de ceux-ci ; les LOP rentrent dans un niveau de détail important et à une échelle territoriale fine. L'exécution des plans est assurée par l'embauche de Landschapscoördinator (coordinateurs de paysage), chargés de la transposition des plans dans l'ensemble des 159 Publication du conseil de l'Europe présentant les sessions 200 et 2010-2011 du Prix du paysage. Téléchargement: https://rm.coe.int/16802f299a, page 57. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 118/173 normes juridiques, des programmes et des réalisations. Ces agents sont des professionnels privés sous contrat d'étude par les collectivités ou organismes porteurs. Les LOP néerlandais, dont sont issus les plans de paysage français, se composent de trois parties : 1. l'analyse paysagère du territoire ; 2. la « vision ­ visie - stratégique », à partir d'objectifs de qualité de l'espace ; 3. le programme d'actions, avec identification, pour chacune d'elles, de son responsable, de ses acteurs, et de son financement. Un document cartographique détaillé accompagne l'ensemble. NB : les quelques documents LOP repérés sur internet ont été rédigés par des « Landschapsarchitekten » Les BKP : Les « plans de qualité du paysage », également établis sur la base du volontariat, mais sans procédure normalisée, s'imposent néanmoins, une fois réalisés, aux permis de construire et à la morphologie des nouveaux développement urbains. Ils sont complémentaires des LOP, dont ils concrétisent et illustrent les intentions (la visie), notamment en cas d'urbanisation de nouveaux territoires ruraux, en termes d'harmonie entre éléments construits et espaces naturels, entre les structures paysagères existante et nouveaux éléments introduits. À la différence des LOP, dont l'expression graphique principale est en deux dimensions, les BKP sont avant tout illustrés par des plans-masses ou des croquis de détail. Ils sont intégrés aux plans d'utilisation des sols locaux. Le rôle du Landschapscoördinator évoqué ci-dessus est également crucial dans l'établissement et la gestion de ces documents. Les « nationale landschappen », paysages de référence de la politique nationale de qualité Les 20 paysages culturels néerlandais « les plus précieux » et représentatifs ont été désignés « paysages nationaux » en 2006. Il s'agit de lieux où se combinent de manière particulièrement caractéristique les valeurs historiques, naturelles et culturelles. Il ne s'agit pas seulement d'une « protection » puisque de gros efforts ont été consentis dans le même temps pour y assurer l'accueil et la sensibilisation du public, ainsi que l'association de leurs propriétaires ou gestionnaires agricoles et forestiers, ainsi acteurs cruciaux dans ce pays ­ que les gestionnaires de l'eau. Une Fondation à but non lucratif, Stichting Nationale Landschappen, a été constituée deux années après la désignation des 20 sites : elle a pour but d'en assurer la gestion et « de renforcer la coopération entre toutes les parties concernées, dont les autorités locales et régionales et les investisseurs privés ». Parmi les paysages ainsi désignés et mis en gestion figure le paysage linéaire (85km) de « la nouvelle ligne de flottaison hollandaise » (« Nieuwe Hollandse Waterlinie »), Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 119/173 dont la mise en valeur a fait l'objet d'une candidature au prix du paysage du conseil de l'Europe 2014-2015, et sera présentée à la désignation au patrimoine mondial en 2019. La profession et la formation des paysagistes aux Pays-Bas L'émergence de la profession de paysagiste aux Pays-Bas est inséparable de la reconstruction du pays après la seconde guerre mondiale. La personnalité de J.T.P. Bijhouwer (1898-1974), dont Jacques Sgard suivit l'enseignement, domine cette période : le métier se détache de la conservation et investit la grande échelle, urbaine comme rurale. Les paysagistes sont essentiellement dans le secteur public, aux côtés des ingénieurs chargés de rebâtir le pays et de contrer la menace maritime toujours présente (des paysagistes ont été intégrés dans les équipes de réalisation des grands polders du Zuiderzee). L'Ile de Walcheren (photo ci-dessus), en Zélande, volontairement inondée pendant la guerre, a été entièrement redessinée à la fin des années 50, à la fois en termes fonctionnels et esthétique Elle a servi de modèle aux « plans de paysage » qui se sont développés à partir de cette période, et qui ont fait école dans plusieurs pays d'Europe, dont la France. Témoin de la place des paysagistes dans le secteur public des années 60 aux années 80, c'est un paysagiste qui dirigea pendant cette période le service national des forêts. La conception paysagère s'exerce également dans les projets urbains, notamment dans le programme VINEX160, ayant pour objectif, dès les années 90, de limiter le mitage et l'étalement des villes en construisant des quartiers à forte densité, soit en continuité des villes soit même en milieu rural, dans un cadre très « dessiné » tirant notamment partie du réseau de canaux qui en constituent souvent les limites. A partir des années 80, l'État perd sa suprématie sur l'aménagement du territoire et une quarantaine de grandes agences privées de paysagistes sont créées. 2000 personnes161 travaillaient en 2008 dans l'aménagement du territoire au titre des agences de concepteurs, 400 d'entre elles étant issues d'écoles de paysage (Wageningen162, Amsterdam, Larenstein, faculté d'architecture de Delft...). La profession de paysagiste est protégée, et gérée par un ordre très dynamique qui décerne chaque année le prix Bijhouwer, dont la réalisation lauréate concourt ensuite au prix du paysage du Conseil de l'Europe. A retenir : Malgré une documentation partielle, l'obstacle de la langue et l'absence de témoignage direct des acteurs néerlandais du paysage, les Pays-Bas apportent des contributions importantes à la problématique européenne : stratégie nationale, culture paysagère très ancrée dans la population, profession nombreuse et reconnue, vision dynamique et non conservatrice de la qualité paysagère, et matrice européenne des plans de paysage (développés dans ce pays dès les années 50). 160 Du nom d'une loi de 1995, prévoyant un programme de construction d'un million de logements nouveaux en 10 ans. Soit 1 pour 8400 habitants ! Voir la présentation (en anglais) du master d'architecte-paysagiste (landscape-architecture and planning) sur le site de cette université : http://www.wur.nl/en/Education-Programmes/master/MScprogrammes/MSc-Landscape-Architecture-and-Planning.htm Démarches paysagères en Europe Page 120/173 161 162 Rapport n°010731-01 Politiques nationales - Une stratégie nationale, « Agenda Landschap 2008-2020» qui cite explicitement la définition de la CEP ; - Un réseau de Nationale Landschappen fondé sur une vision dynamique de la protection ; - des lignes directrices nationales pour les plans de paysages (Landschapsontwikkelingsplan, LOP). Prise en - Les LOP ne sont soutenus financièrement que s'ils mettent en oeuvre compte des une dimension participative ; populations - Le « Landschaps Manifest » signé par 47 associations traduit la mobilisation de la société civile en faveur de la qualité du paysage. Profession Maîtrise d'ouvrage - Puissante numériquement (2000), juridiquement (un ordre) et intellectuellement (vision dynamique et progressiste du paysage) - Intérêt des « Landschapscoördinator » dans les communes qui ont entrepris un plan de paysage. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 121/173 Pays : Royaume-Uni ­ Angleterre Source : recherche bibliographique et entretiens dans le cadre de la visite à Londres des 28-29 avril 2017. Problématiques identifiées Dans le cadre de sa politique de planification, le Royaume-uni a développé une démarche « d'infrastructure verte », où le paysage occupe une place centrale. Les professionnels du paysage se regroupent au sein du « Landscape Institute », organisation professionnelle structurée, active dans la défense des problématiques liées au paysage et le soutien de ses membres dans les institutions publiques comme dans l'activité libérale Questionnement : quels enseignements retenir de l'organisation des professionnels du paysages ? Quelles sont la portée, les effets et les conditions de réussite de la démarche d'infrastructure verte pour la prise en compte du paysage dans les politiques d'aménagement du territoire et les autres politiques sectorielles ? Les acteurs rencontrés. · Au niveau ministériel : représentants du ministère de l'environnement de l'alimentation et des affaires rurales (DEFRA ; department for environment, food and rural affairs) et du ministère des collectivités territoriales (DCLG : department for communities and local government). · Des représentants des agences gouvernementales: Natural England, Historic England, Heritage Lottery Fund. · Des représentants des collectivités locales : Barnet (district de Londres) Association des directeurs de l'environnement, des affaires économiques et de la planification (ADPET). Contexte national - 242 495 km² Monarchie constitutionnelle. - Royaume-Uni :65,11 M.hab. ­ 261 Systèmes de « dévolution » à l'Écosse, hab/km² (Angleterre : 55 M.hab.) au Pays de Galles et à l'Irlande du Nord - Capitale : Londres : 8,17 M.hab. (Aire urbaine : 12,3 M.hab.) Organisation territoriale Le Royaume Uni est constitué de quatre nations : l'Angleterre, l'Écosse, l'Irlande du Nord et le Pays de Galles. L'Angleterre comprend 9 régions. La région de Londres, appelée Grand Londres, est divisée en 32 boroughs (districts londoniens dont la Cité de Londres). Elle est administrée par la Greater London Authority et par la London Assembly. Les autres régions se composent de comtés et d'« autorités unitaires ». Les comtés se subdivisent en districts. Les autorités unitaires combinent les compétences des comtés et des districts. En dessous des districts se trouvent les « paroisses civiles ». Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 122/173 L'Ecosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord bénéficient d'un système de dévolution qui les dotent d'institutions propres et de compétences particulières dans un certain nombre de domaines, dont celui de la planification. Urbanisme et aménagement du territoire La mise en oeuvre de la CEP, la réglementation en matière de planification et la gouvernance en la matière sont distinctes en Angleterre, Écosse, Pays de Galles et Irlande du Nord. La mission s'est limitée à la seule situation de l'Angleterre. Par ailleurs, depuis le localism Act de 2011, à l'exception du Grand Londres, il n'existe plus de niveau régional pour les questions de planification. Le gouvernement a établi un cadre stratégique national, le National Planning Policy Framework, avec lequel les documents locaux de planifications doivent être compatibles (voir infra). Politique du paysage 1- Généralités et acteurs Historiquement, le paysage a toujours bénéficié d'une reconnaissance sociale importante. Dans ce contexte, la CEP a été signée et ratifiée en 2006 (même année que la France) par le Royaume Uni. Le DEFRA (Department for Environement, Food and Rural Affairs) est responsable de sa mise en oeuvre mais a confié cette responsabilité à l'agence Natural England dont il assure la tutelle. En complément, plusieurs agences gouvernementales, dont Natural England, Historic England ainsi que les onze Parcs nationaux notamment, jouent un rôle dans l'évaluation et le développement des politiques du paysage. Les entretiens avec les représentants du DEFRA ont mis en évidence la place restreinte occupée par le ministère chargé de l'environnement dans la définition des politiques paysagères dès lors qu'elle s'inscrit dans une démarche de planification. Ainsi, le document cadre stratégique National Planning Policy Framework (NPPF) a été rédigé par un autre département ministériel, le Department for communities and local government (DCLG). Le DEFRA traite des questions de protection de la nature et d'environnement ; la majeure partie de ses activités est tournée vers la politique agricole et l'alimentation. Parmi les 33 « agences » qui relèvent de sa tutelle, on trouve l'agence de l'environnement, Natural England et les onze parcs nationaux . Sa compétence est limitée à l'Angleterre, cette compétence étant dévolue (devolved) à l'Écosse, au Pays de Galles et à l'Irlande du Nord chacune pour ce qui les concerne163. Les questions relatives au paysage sont principalement suivies par l'agence gouvernementale Natural England. Cette agence a joué un rôle actif dans la réalisation de la landscape characterisation assessment (LCA), l'équivalent de nos atlas de paysage. Historic England traite des questions relatives aux « sites » (au sens patrimonial). Cet établissement relève de la tutelle du ministère de la Culture. Il joue un rôle de conseil auprès des autorités locales et s'intéresse au paysage au titre de ces missions. Au Pays de Galles, Irlande et Écosse, la mise en oeuvre de la CEP relève de l'Assemblée du gouvernement Gallois, du Département de l'Environnement en Irlande du Nord et du Directorate de l'environnement et de la forêt écossais ainsi que des agences Historic Scotland et Scottish Natural Heritage. 163 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 123/173 Les onze parcs nationaux jouent un rôle important dans la politique du paysage. Ils disposent de pouvoirs de planification et élaborent des politiques de préservation des « beautés naturelles ». Ils définissent un plan « d'obligations économiques » d'une durée de cinq ans. Ce plan de gestion, à moyen terme doit obtenir l'accord de toutes les autorités locales. Il pose des conditions au développement et a un impact sur les zones limitrophes du parc. Tout promoteur ou développeur devra démontrer qu'il a bien pris en compte ces conditions, les autorisations foncières étant au final attribuées par les districts et les boroughs 2- Le Landscape Character Assesment (LCA) : une identification des paysages à l'échelle nationale. Depuis les années soixante, la pierre angulaire des politiques du paysage en Angleterre et en Écosse a été constituée par la caractérisation des paysages et de leurs facteurs d'évolution, travail mené à l'échelle nationale, régionale et locale. La notion de «caractère du paysage » est fondée sur la différenciation entre les paysages et les traits qui les caractérisent. A l'origine, l'analyse reposait sur une approche objective, scientifique et quantitative. Elle s'est ensuite enrichie de la perception du paysage par ses habitants. Depuis 1993, la caractérisation du paysage (LCA) est devenue un élément de base dans le processus de planification. Cet instrument identifie les caractéristiques qui font sens pour celui-ci. C'est un outil d'information, de planification et de développement. La LCA peut être menée au niveau de planification pertinent (local ou de voisinage). Au terme de ce programme de caractérisation des paysages, une carte a été dressée qui, pour l'Angleterre, recense 159 aires (areas) différentes décrites dans huit volumes. Les autorités locales ont pris une part active dans la caractérisation de leur paysage. 3- Un cadrage stratégique et des orientations nationales en vue du développement durable : le national planning policy Framework (NPPF) Le NPPF est un document stratégique élaboré par le ministère des collectivités locales (DCLG). Mis en place en 2012, c'est un outil stratégique national global qui a vocation à guider les autorités locales lors de l'élaboration de leurs documents de planification. Il fixe les orientations stratégiques qui doivent être inscrites dans le plan local (Local Plan) qui comprend une core strategy qui précise les objectifs de long terme (15-20 ans) du territoire considéré (area) qu'il entend développer (expansion urbaine, zones à réhabiliter, nouvelles implantations...). Il définit une vision d'ensemble de la zone, identifie les points clefs à traiter et dresse une cartographie des principaux projets. Une cinquantaine de mesures ou dispositions du NPPF qui mentionnent explicitement ou implicitement le paysage ont été recensées par le Landscape Institute (organisation professionnelle regroupant les paysagistes ­ voir infra). Plusieurs d'entre elles prescrivent des éléments de contenu du plan local, parmi lesquels : · optimiser les possibilités du site en vue de son développement, créer et soutenir un usage multifonctionnel de l'espace (dont espaces verts) ; · tenir compte du caractère local et historique, refléter l'identité de l'environnement local ; · améliorer le panorama (visual attraction) par la mise en valeur du paysage (architecture and appropriate landscaping). Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 124/173 · · · · · · Le NPPF précise que la planification locale doit notamment comprendre : la Green infrastructure (GI) en ce qu'elle contribue à l'amélioration du bien-être des habitants, et contribue à la réhabilitation des zones détériorées ; la prise en compte des effets du changement climatique sur le paysage ; la qualité des espaces naturels et de la biodiversité ; le développement de l'évaluation du paysage intégré aux qualifications historiques du paysage dans zones qui pourraient s'urbaniser ; la conservation des paysages côtiers qui n'ont pas encore été construits et la préservation de leur accessibilité. Le dispositif de planification 1- le cadre juridique et la gouvernance de la planification Le premier texte relatif à un système de planification "moderne" a été le Town and Country planning Act 1947. Ce texte complexe soumettait l'aménagement et l'usage du foncier au contrôle des pouvoirs publics conformément aux règles de la planification. Cette législation crée les autorités locales de planification qui ont pour mission l'élaboration des plans et le contrôle des projets d'aménagement et de développement. Cette loi est demeurée inchangée jusqu'à une série de textes qui se sont succédé à partir de 1990, le dernier en date étant le Localism Act en 2011. Depuis cette dernière loi, les autorités locales sont compétentes en matière d'aménagement et de planification. Il s'agit : des conseils de comtés, des conseils de districts ou des conseils de cité (city councils), des conseils de paroisse ou de villes (parish ou town councils). Ces derniers n'existent d'ailleurs pas partout. La majeure partie de la planification est réalisée par les districts. A l'exception de Londres, le niveau régional de planification a été supprimé164. On dénombre 356 autorités locales dont 86 % ont rempli leur obligation d'élaborer un plan local d'aménagement. Progressivement, le dispositif tend à s'assouplir et à favorise des plans élaborés conjointement par plusieurs autorités locales aux territoires interdépendants. Sont exclus de cette compétence, les infrastructures de transports, les questions minières et les déchets, qui relèvent de la compétence des conseils des comtés. Par ailleurs, à Londres, le maire à la compétence de définir certains projets d'importance stratégique, tandis que la compétence de droit commun appartient aux 32 boroughs. Lorsqu'il existe un parc national, la compétence en matière de planification lui revient. 2- le local plan Le plan local traduit la stratégie des autorités locales chargées de la planification et sert de cadre pour les projets d'aménagements du territoire considéré. Il possède une portée contraignante. Il doit comprendre les documents suivants : · la core strategy, qui fixe la vision stratégique et les objectifs de développement pour la zone concernée au cours des 15 à 20 prochaines années. · le zonage avec sa cartographie (site allocations), qui identifie les sites précis nécessaires au développement (zones d'extension urbaines, nouvelles implantations, lieux de réhabilitation). · en tant que de besoin, les plans d'actions (area action plans) et le plan de développement (development plan document/ DPD). 3- les neighbourhood plans (plans de voisinage) 164 La suppression du niveau régional de la planification est regrettée en ce qu'elle empêche une vraie planification stratégique ; elle favorise toutefois le développement du bottom up (processus d'information ascendante) en rapprochant le niveau de planification de la population locale. Démarches paysagères en Europe Page 125/173 Rapport n°010731-01 La composante essentielle en est le volet logement pour lequel les besoins font l'objet d'une estimation objective. Pour ce faire, les autorités doivent toujours disposer d'une réserve foncière suffisante à échelle de 5 ans et fixer les limites de l'aménagement et du paysage naturel qu'elles cherchent à préserver. Ces documents demeurent soumis au contrôle des comtés afin de limiter les développements excessifs. 4- le contrôle des plans par des agents de l'État (planning inspectors) Les plans locaux sont contrôlés par le service de la planification dans lequel travaillent des agents de l'État, et non des collectivités locales. Ils mènent l'enquête sur une durée d'environ 9 mois avant de se prononcer sur la régularité du plan local qui leur est soumis. Les autorités planificatrices et les officiers du gouvernement central (planning officers ou inspectors ) qui contrôlent le contenu des plans locaux ont souvent des points de vue divergents. En 2016, 92 permis d'aménager ont été soumis au ministre (sur 150 000 demandes d'autorisations) du fait de divergences entre autorisés locales et planning inspectors du DEFRA. 20 000 demandes ont donné lieu à un appel : un tiers a été autorisé. 5- l'exemple du borough de Barnet Barnet fait partie intégrante du Grand Londres (32 boroughs au total). A ce titre, sa compétence en matière de planification est contrainte par la nécessaire prise en compte du plan de développement stratégique (Strategic Development Plan, SDP) de Londres. Actuellement, l'élaboration d'un nouveau SDP est en cours ainsi qu'un document stratégique environnemental qui traitera de l'infrastructure verte, de la biodiversité et de la santé. Les documents de planification de Barnet prennent en compte les choix opérés par les boroughs voisins notamment un plan de développement stratégique (SDP) d'infrastructure verte. Il s'agit d'interconnecter tous les "espaces verts". La caractérisation des paysages de Barnet et de ses sites historiques sont un atout pour la collectivité, d'où une politique de rénovation (regenerate) plutôt que de construction. L'autre spécificité de Barnet tient à sa localisation dans la green belt (ceinture verte) de Londres. La qualification de green belt constitue une planning designation depuis les années 40. Or, la politique de construction de 500 000 logements dans les zones où le marché immobilier connaît de fortes tensions entraîne de fortes pressions sur les green belt et en particulier à Barnet. La superficie du Grand Londres est en effet constituée à 47% d'espaces verts. La prise en compte du paysage dans la planification : la Green infrastructure. La prise en compte du paysage dans la planification est prescrite dans le NPPF (voir supra). L'outil privilégié pour la prise en compte du paysage est la Green infrastructure. 1- la notion d'infrastructure verte Dans les circulaires gouvernementales de 2008, l'infrastructure verte a été définie comme : « un réseau d'espace verts multifonctionnel existants ou nouveaux, ruraux et urbains, qui favorisent les processus naturels et écologiques. Elle contribue à la protection de la santé et de la qualité de vie de communautés ». Ce réseau, objet d'une stratégie de planification et de mise en oeuvre, inclut l'éventail le plus large d'espaces verts et autres éléments environnementaux. Il doit être conçu et Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 126/173 géré comme une ressource multifonctionnelle capable de produire des services écosystémiques et une qualité de vie attendus par le corps social. Sa conception et sa gestion contribuent au respect et au renforcement du caractère et de la spécificité du territoire au regard de son paysage. La GI est le fil conducteur dans et autour des zones urbanisées. Elle relie les zones urbaines avec leur hinterland et se retrouve à toutes les échelles territoriales. La GI s'intègre dans une démarche de planification centrée sur la prise en compte du développement durable et des effets du changement climatique. 2- Intérêt de la prise en compte de l'infrastructure verte dans la planification L'infrastructure verte joue un rôle de premier plan dans le processus de conception et de planification : elle tient compte du caractère du paysage et de ce qui fait sens pour ce lieu, et identifie les opportunités de participation de la communauté aux projets. L'infrastructure verte comporte une palette de fonctions potentielles et de services écosystémiques. Elle suppose une approche à partir de plusieurs points de vue qui conduit à un usage multifonctionnel du lieu. Outre des bénéfices en termes de santé, de bien-être, des bénéfices sociaux (éducation, renforcement de la cohésion sociale), d'écologie (renforcement de la biodiversité), un certain nombre de fonctions économiques ont été recensées, dont l'accroissement de la productivité du travail, l'augmentation de la durée de présence des visiteurs, l'augmentation de la valeur des biens immobiliers, la création d'emplois dans les secteurs de l'environnement, de la planification, de la construction, de la gestion de projets et des sites. Mais pour que la GI emporte des effets bénéfiques, deux conditions doivent être remplies: une conception et une gestion appropriée ce qui suppose un engagement effectif des partenaires et parties prenantes lors de la conception et de la réalisation de la GI. Les paysagistes et l'organisation de la profession : le Landscape Institute Au Royaume-Uni, le Landscape Institute (LI) est une organisation professionnelle structurée et très active. Créé en 1929, l'institut est chargé de « promouvoir la profession du paysage au profit de la société toute entière ». S'il n'est pas obligatoire d'être membre du LI pour mener un exercice professionnel dans le domaine du paysage, dans les faits, la quasi-totalité des commandes ou des postes requérant une telle compétence revient à ses membres. Le Landscape Institute totalise 5391 membres, dont 4643 en activité (avril 2017) soit deux fois et demi plus qu'en France pour une population équivalente (55 millions d'habitants pour la seule Angleterre, 65 pour le Royaume-Uni). La majorité de ces membres sont des chartered members (CMLI) ayant passé avec succès un examen d'entrée généralement deux ans et demi après l'obtention du diplôme (examen pour lequel l'institut organise des cycles préparatoires). 216 étudiants sont actuellement membres du LI, ainsi que 1262 licenciate (diplômés simples). Le Landscape Institute joue un rôle très actif dans la promotion de la place du paysage dans les politiques publiques. D'une part, il soutient ses membres qui occupent des postes-clefs dans l'administration ou ses agences. Ainsi, on recense 7 CMLI au sein de l'agence Natural England, cheville ouvrière de la politique du paysage au RoyaumeUni. D'autre part, l'organisation s'attache à défendre la présence de paysagistes Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 127/173 auprès des autorités planificatrices dans les collectivités locales. Cette stratégie de présence auprès du maître d'ouvrage est essentielle. Elle contribue à la prise en compte du paysage dès la conception d'un projet et sensibilise les décideurs et les représentants d'autres secteurs (infrastructures, aménageurs, écologues, promoteurs...) à la qualité paysagère. Enfin, la profession a joué et joue encore un rôle majeur dans la promotion de la démarche « d'infrastructure verte ». Il s'agit de mettre le paysage au premier plan des méthodes de travail de planification. Par ailleurs, le projet stratégique de l'Institut a retenu trois thèmes prioritaires : · promouvoir la valeur du « paysage comme infrastructure » (au travers l'implication des membres du LI ­ secteur public comme secteur privé ­ dans la promotion de la Green Infrastructure) ; · développer la profession « par l'acquisition de nouveaux savoir-faire » (new skills) ; · attirer vers la profession les nouvelles générations (inspiring the next generation into the profession). La réflexion de l'Institut l'amène à mettre l'accent à la fois sur les valeurs matérielles et immatérielles du paysage. Il note la nécessité de « quantifier » et d'évaluer les apports du paysage comme la beauté naturelle, le bien-être, ou la tranquillité. Il a rédigé à cet égard une brochure très argumentée sur le lien paysage-santé publique165. Une politique du paysage animée et mise en oeuvre par des agences gouvernementales. 1- Natural England Natural England compte 2000 agents. Cette agence est essentielle pour le traitement des questions liées au paysage et à la planification. Placée sous la tutelle du DEFRA, elle est née de la fusion en 2006 de English nature, Rural agency et Countryside agency166, qui a bouleversé l'équilibre en faveur de la biodiversité au détriment du paysage. On note la présence dans l'Agence de sept landscape-architects (membres actifs du Landscape institute), à mettre en rapport avec l'effectif total sus-indiqué. Parmi les missions attribuées à l'agence figure la mise en oeuvre de la Convention européenne (diffusion des concepts et du vocabulaire, mais aussi dimension paysagère des politiques sectorielles : énergie, ports, transports notamment, mais bien sûr, au premier rang, le cadre national de la politique de planification ­ NPPF). Au terme de la loi, l'agence exerce une mission de conseil auprès des autorités locales à leur demande. Elle assure la mise en oeuvre et l'actualisation des LCA (y compris dans ces dernières, la problématique du seascape (paysage vu depuis la mer). C'est elle qui réalise ou fait réaliser, si nécessaire, des landscape and visual character assessment dont l'objectif n'est pas de s'opposer aux projets d'aménagement, mais d'en obtenir une contribution positive à l'évolution du paysage (« better design »). Les travaux de l'équipe de paysagistes de Natural England s'oriente aujourd'hui vers le traitement des lisières urbaines (urban fringes), des ceintures vertes (green belts) en 165 166 Public Health and Landscape, creating healthy places. Novembre 2013 Voir Natural Environment and Rural Communities Act 2006, Chapitre 16 , Partie 1 , Chapitre 1 Natural England Démarches paysagères en Europe Page 128/173 Rapport n°010731-01 tant que ressources éducatives, et d'espaces ouverts "adoptés" par leur population, phénomène récent, surtout londonien, de mise en commun de la gestion (comparable à nos "jardins partagés" en ville). 2- l'Heritage lottery fund (HLF) Le HLF est un organisme (non-departmental public body, c'est-à-dire une agence interministérielle) de distribution de financements créé en 1994 par le gouvernement pour la mise en valeur du patrimoine. Il est abondé par les gains des jeux de loterie (il perçoit 5,6% du prix des billets vendus). Le fonds est administré par le National Héritage Memorial Fund (NHMF) qui décide de l'allocation des ressources. Il répond de son activité devant le Parlement via le ministère de la culture, des médias et des sports. Depuis sa création, 7,1 M£ ont permis de financer 40 000 projets notamment de restauration de milieux naturels et de mise en valeur de paysages (850 parcs publics et 3 200 projets de conservation de la faune et de la flore) ou de bâtiments patrimoniaux. La structure emploie 300 personnes. Elle a élaboré un plan stratégique 2013-2019 qui s'appuie sur une implication des communautés locales dans les projets faisant l'objet d'une dotation. Notre interlocuteur reconnaît qu'il existe un déficit de projets consacrés au paysage et à la nature. Les partenariats dans le domaine du paysage ont concerné 126 projets et ont reçu un financement de 237 M£. auxquels s'ajoutent 850 projets de parcs publics pour un montant de 842 M£. Les demandes émanaient auparavant à hauteur de 70% des collectivités locales. A présent, la majeure partie de ces demandes sont présentées par des Fondations ou des Parcs nationaux. La procédure commence par une demande de financement qui est instruite par un agent du HLF. Si la demande dépasse 200 £, la décision relève de la compétence du board qui est présidé par le Premier Ministre et comprend divers experts (archéologues, écologues, paysagistes selon les cas traités...). Le projet-type a une durée de réalisation de quatre à cinq ans. Parmi les exemples cités figurent le traitement de l'érosion côtière dans le Suffolk : organisation du repli des activités dans une zone protégée (AONB), ou bien la création d'une zone-tampon autour d'un site industriel gallois inscrit au patrimoine mondial (Blaenavon ironworks). Aujourd'hui, le Heritage Lottery Fund représente à peu près la seule source de financement en dehors des produits provenant des "taxes". Le plus souvent ces projets s'articulent avec les plans locaux d'aménagement, ou dans des territoires concernés par de grands projets d'infrastructure (HS2 rail :le plan d'équipement du pays en TGV). Il contribue à la Green Infrastructure essentiellement sur la restauration des rivières. 3- L'Agence "Historic England". Elle traite des questions relatives aux « sites » (dans le sens patrimonial167). Cet établissement relève de la tutelle du ministère de la culture, des médias et du sport. Il joue un rôle de conseil auprès des autorités locales s'agissant des questions de patrimoine, de tourisme. Il s'intéresse au paysage au titre de ces missions. A retenir : 167 Areas of outstanding natural beauty (AONB). Démarches paysagères en Europe Page 129/173 Rapport n°010731-01 Politiques nationales - Le National policy planning framework prescrit la prise en compte du paysage dans les documents de planification. - Rôle essentiel joué par des agences gouvernementales, notamment Natural England, et contrôle strict des planning inspectors Prise en compte des La possibilité d'élaborer des Neighbourhood plans à l'initiative populations des habitants fournit un exemple de procédure ascendante qui à terme aboutit à la mise au point d'un document de planification de valeur contraignante . Profession Le Landscape Institute est une organisation professionnelle très active qui a pour mission la promotion de la profession. Elle participe aux réflexions relatives au paysage et au développement de la démarche d'infrastructure verte. Elle fait en sorte que certains de ses membres occupent des postes utiles dans des agences qui traitent de question de paysage comme Natural England, ou auprès de responsables locaux. Les autorités compétences en matière de planification se trouvent au niveau local (comtés, districts, quartiers ou paroisses). Un certain nombre d'entre eux bénéficient de la présence de paysagistes. Maîtrise d'ouvrage Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 130/173 Pays : Suisse Sources : recherches bibliographiques (notamment brochure « Conserver et améliorer la qualité du paysage » éditée par l'Office Fédéral de l'Environnement en 2016 ). Visite des 8 et 9 février 2017. Problématiques initiales identifiées « Conception paysage suisse » adoptée dès 1997 par le gouvernement fédéral. Politiques sectorielles à dimension paysagère, notamment agriculture, énergie. Intérêts : · Mobilisation au profit de la qualité du paysage (symbole -un peu conservateurde l'identité de la Suisse...) de l'ensemble des « départements » du gouvernement fédéral. · Evolution en 20 ans de la « conception paysage suisse» d'une vision fortement naturaliste vers une approche perceptive conforme aux définitions de la CEP · l'émergence depuis une dizaine d'années de démarches d'initiative territoriale prenant le relais d'une politique d'aménagement de l'espace très hiérarchisée entre les trois niveaux d'administration fédérale, cantonale et communale (parcs naturels et politique agricole) · les concepts de « prestation paysagère », et une réflexion sur le lien paysagesanté. Questionnement : s'agit-il avant tout de « préserver une image » (la fresque qui figure derrière le siège du président du parlement fédéral), ou d'accompagner des évolutions de façon qualitative ? Les acteurs rencontrés Les différents « départements » du gouvernement fédéral : l'Office Fédéral de l'Environnement (OFEV), chef de file de la politique du paysage à ce niveau, qui avait mobilisé, sans difficulté identifiable, les principaux autres départements impliqués : l'Office fédéral du développement territorial (ARE - Amt für RaumEntwicklung) l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) 1. la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage (CFNP) 2. les parcs naturels (section espace rural de l'OFEV). Dans un autre registre, la co-présidente de la FSAP, (fédération suisse des architectespaysagistes) par ailleurs chargée de mission à l'OFEV Contexte national Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 131/173 La Suisse - 41 285 km² - 8,4 M.hab. - 203 hab/km² - Capitale : Berne : 129 000 habitants (5è ville loin derrière Zürich : 1,2 M d'hab) Statut : République fédérale ­ un état central, la « confédération » ­ 26 cantons dotés chacun de leur constitution (16 d'entre eux sont subdivisés en districts) ­ 2246 communes Organisation territoriale La Suisse est une confédération, formée depuis 1848 de 26 cantons de taille et de population très variées (1 600 km² en moyenne). Le pays est géographiquement divisé entre les Alpes, le Plateau suisse et le Jura. Les cantons sont souverains selon leur constitution respective, avec certaines limites. La répartition des compétences entre la Confédération et les cantons est formalisée dans la constitution fédérale. Chaque canton est divisé en communes, d'une superficie moyenne de 15 km² (France : 15,5 km²) soit au total 2246 communes . L'étendue des compétences propres de la commune dépend du canton, qui dans tous les cas exerce une tutelle plus ou moins marquée sur leurs décisions et prérogatives. Contrairement à une lecture purement juridique, les compétences confédérales ne sont toutefois pas négligeables : ce niveau, outre son poids financier et l'importance des politiques nationales qu'il mène (transports, énergie, cours d'eau...), est créateur de doctrines que les cantons déclinent sur leur territoire avec une certaine discipline. Urbanisme et aménagement du territoire La Confédération a la compétence de définir les principes de planification . Elle est toutefois légitime pour adopter des « conceptions168 » et plans sectoriels dans des domaines de sa compétence qui produisent des effets sur l'organisation du territoire (par exemple les chemins de fer ou les autoroutes). La Confédération est en outre compétente pour la coordination entre cantons et, dans une certaine mesure, en tant qu'autorité de surveillance des cantons. C'est ainsi notamment que les plans directeurs des cantons doivent être approuvés par le Conseil fédéral. Au niveau fédéral, il existe un « projet de territoire suisse », plus ou moins équivalent de notre stratégie nationale de développement durable, qui se décline en objectifs et en stratégies : le premier objectif s'intitule « préserver la qualité du cadre de vie et la diversité régionale » et dans le second objectif « ménager les ressources naturelles », il est fait mention de l' « importance accordée à la politique du paysage ». Chaque canton doit définir une réglementation d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire avec des prescriptions sur les différents outils de 168 Les « Conceptions », à la fois énoncés stratégiques et lignes directices définissent comment l'Etat coordonne les objec,tifs sectoriels et ses activités dans le cas de tâches à fort impact territorial et environnemental tout en posant un cadre contraignant pour les autorités cantonales. Démarches paysagères en Europe Page 132/173 Rapport n°010731-01 planification communaux et en matière d'autorisations de construire. Des différences existent au niveau des outils et des termes utilisés pour désigner les divers plans d'aménagement, mais aussi sur la répartition des compétences entre canton et communes. Chaque canton adopte un plan directeur cantonal. Les plans directeurs ont « force obligatoire pour les autorités » et en particulier pour les plans d'affectation communaux (équivalents de nos PLU). Dans la plupart, des cantons les communes sont compétentes pour adopter des plans d'affectation, ainsi qu'une réglementation des constructions. En matière d'autorisations de construire, les compétences communales diffèrent selon les cantons. Toutefois, c'est toujours le canton qui délivre les autorisations de construire « hors zone à bâtir ». Lignes directrices de la politique du paysage en Suisse La Convention européenne du paysage (CEP) y a été ratifiée en 2012. La politique paysagère a été définie par une « Conception Paysage suisse » approuvée par le Conseil fédéral (gouvernement) en 1997. Cette politique doit notamment « contrer la pression exercée par l'urbanisation et le développement des infrastructures de transport, ainsi que par le mitage et le morcellement qui en résultent. » Elle intègre la dimension paysagère dans 13 politiques sectorielles (tourisme, défense, énergie, patrimoine culturel, agriculture, etc.). Le document décrit 16 objectifs généraux de politiques paysagères à prendre en compte dans ces politiques verticales. Le paysage y est considéré comme pris en compte à travers toutes ces politiques, et non pas comme une politique à part. On note toutefois que la majorité des prescriptions concerne prioritairement la nature, révélant, à ce moment, une vision très naturaliste du paysage. Une évolution importante se fait jour dès 2003 avec la « stratégie paysage » qui sera approuvée par l'OFEV en 2011, peu avant la ratification par la Suisse de la CEP La vision du paysage qui y est proposée est beaucoup plus proche de celle de la Convention : la vision perceptive du territoire par les populations, les aspects culturels et l'évolutivité y sont désormais affirmés. Par ailleurs l'OFEV développe depuis les années 90 une approche du paysage visant les bénéfices que les populations peuvent en retirer. Ces « prestations paysagères » ont trait à l'identité, à l'attractivité, au bien-être, au « délassement » et à la qualité de vie. L'OFEV, en lien avec l'université, développe en outre un programme de recherche « santé et paysage » qui a donné lieu à la publication d'une brochure synthétique intitulée « Promotion de la santé et aménagement du paysage »169, où celui-ci est décrit « comme ressource pour le bien-être », du point de vue psychique, physique, mais aussi social ( espace de rencontre et de contact). La réactualisation formelle de la « Conception paysage suisse » (actant cette évolution) est aujourd'hui bien avancée : selon nos interlocuteurs, elle pourrait intervenir en 2018 ou 2019, en fonction de l'examen de son nouveau contenu par les différents départements dépendant des sept conseillers fédéraux, le conseil fédéral statuant nécessairement à l'unanimité. 169 Téléchargeable en PDF sur www.sl-fp.ch/getdatei.php?datei_id=1587 Démarches paysagères en Europe Page 133/173 Rapport n°010731-01 Comptes-rendus des rencontres et des recherches documentaires Instruments des politiques paysagères confédérales Ces instruments concernent à la fois des territoires particuliers et plusieurs politiques sectorielles stratégiques. a) les inventaires fédéraux des « paysages à valeur particulière » Il existe trois inventaires fédéraux « d'objets d'importance nationale » celui des paysages (naturels ou partiellement bâtis), celui du patrimoine bâti et celui des routes historiques170. L'Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d'importance nationale (IFP) concerne des paysages uniques ou typiques de la Suisse, des monuments naturels et des géotopes, qui doivent être conservés intacts ou au moins « ménagés le plus possible ». À ce jour 162 « objets » ont été répertoriés171. Ils couvrent environ 19% du territoire national. Un « objet » inventorié doit être conservé intact dans les conditions fixées par l'inventaire sauf si des intérêts équivalents ou supérieurs, également d'importance nationale, s'opposent à cette conservation. Les inventaires sont contraignants pour les activités relevant de la Confédération (« pesée des intérêts » obligatoire dans ce cas172) et les cantons doivent les prendre en compte dans leurs plans directeurs, approuvés par la Confédération, et qui s'imposent aux plans d'affectation communaux. b) les parcs naturels régionaux : Un seul parc national existait en Suisse, depuis 1914, celui des Grisons, dit « Le Parc National suisse ». Un élargissement du concept de parc (vision « développement durable » et initiative « remontante ») est entré en vigueur en 2007. Il s'agissait d'intégrer et de valoriser le paysage dans les processus socio-économiques à l'intérieur de ces nouveaux parcs. En l'espace de 10 ans à peine, 19 parcs ont ainsi été créés ou sont en cours de création. Ils représentent environ 12% de la superficie nationale. On distingue trois types de parcs : nationaux, régionaux, périurbains. Le parc national est constitué d'une zone centrale et d'une zone périphérique. La zone centrale sanctuarise les habitats faune-flore et restreint fortement les activités humaines. La zone périphérique comprend des villages, des paysages ruraux exploités dans le respect de la nature. Les parcs naturels régionaux sont des territoires ruraux remarquables par leurs paysages, leur biodiversité et leurs biens culturels. Conçus pour préserver et promouvoir ces richesses, à l'initiative d'une association, de citoyens, du canton ou de communes, ils ont pour objectif le développement durable de la région. Le ou les cantons concernés en sont les « garants territoriaux » (via le ou les plans directeurs cantonaux concernés) et la confédération leur octroie label et subventions. 170 Ce dernier : l' « Inventaire des voies de communication historiques de la Suisse » n'a pas son équivalent en France, ni dans la plupart des pays d'Europe. En revanche, certains biens du patrimoine mondial (chemins de St Jacques de Compostelle) sont désignés à ce titre. La démarche d'inventaire s'est effectuée en 4 étapes, échelonnées de 1977 à 1998. 50 % des « objets » inventoriés se situent à plus de 1000 m d'altitude ... L'implantation d'éoliennes a été tout récemment élevée au rang de politique d'intérêt national. Alors que précédemment, une telle implantation était écartée par principe des « objets » inventoriés, elle est désormais soumise à « pesée des intérêts ». Démarches paysagères en Europe Page 134/173 171 172 Rapport n°010731-01 Les Parcs naturels périurbains (créés et gérés comme les PNR) se situent à proximité des centres d'agglomérations et sont accessibles en transports publics. Ils comportent une zone centrale et une zone de transition. La première offre des habitats naturels intacts en matière de faune et de flore (elle est comparable à nos réserves biologiques intégrales). La zone de transition est une zone tampon qui permet nombre d'activités éducatives et de loisir à destination des citadins. c) énergie et paysage : C'est l'Office fédéral du développement territorial (ARE) qui élabore et met en oeuvre cette politique au niveau fédéral. En 2011, suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima, la Suisse prend la décision de sortir progressivement du nucléaire et de réorienter la production vers les sources renouvelables, décision confirmée le 21 mai dernier par une « votation fédérale ». C'est dans ce cadre qu'en 2016 a été approuvée une première série de mesures visant à développer les énergies renouvelables, tout en en mettant en avant le thème de l'intérêt national vis-à-vis des paysages. Pour l'éolien, de nombreux intérêts sont en jeu (protection de la biodiversité, fonctionnement des radars de l'aviation, bruit, infrastructures militaires et bien sûr paysage) et nécessitent un positionnement global de la Confédération. Pour ce faire, les intérêts de celle-ci ont été catégorisés sur une carte nationale, en « zones de protection sans pesée des intérêts », où tout projet est exclu, « zones en principe à exclure », où un éventuel projet éolien est à justifier, et « zones sous réserve de coordination » où les intérêts sont en principe plus faciles à prendre en compte. L'éolien est exclu des zones bâties. En matière de paysage, la confédération n'intervient que sur les inventaires fédéraux, ou sur les zones tampon des zones protégées. Les discussions sont menées au niveau du plan directeur cantonal et peuvent être très différentes d'un canton à l'autre. Ainsi le canton de Vaud a émis des recommandations sur la prise en compte du paysage173, alors que, par exemple celui de Zug, refuse quasiment toute éolienne. L'OFEV a travaillé sur un projet de guide « paysage et éoliennes », mais l'a abandonné devant le peu d'intérêt qu'il suscitait à la fois de la part de l'Office Fédéral de l'Energie, et de la « faîtière » (syndicat) des entreprises du secteur « Swisseol ». d) paysage et agriculture L'agriculture suisse occupe le tiers de la superficie totale du territoire (4 128 500 ha), dont 24 % en surface agricole proprement dite et 13 % de pâturages d'estive. La forêt quant à elle, couvre 31 % du territoire. Les problématiques sont très différentes entre le « plateau » marqué par la pression foncière due à l'urbanisation et la « montagne » où la pression est d'abord forestière (« embuissonnement » des pâturages). Or, la « montagne » occupe globalement 2/3 de la surface de la Confédération pour 1/4 de sa population. 173 Le chapitre correspondant du plan directeur du canton de Vaud comporte une cartographie précise, non seulement des zones d'exclusion, mais aussi, en positif, des zones où les implantations de parcs sont explicitement préconisées « la concentration sur un nombre restreint de sites propices est indispensable pour atténuer le mitage du territoire et éviter la banalisation du paysage » (p 337 du plan directeur cantonal, version 2015). Démarches paysagères en Europe Page 135/173 Rapport n°010731-01 Adopté en 1996 à la suite d'une votation citoyenne, et malgré l'opposition du monde rural, l'article 104 de la constitution fédérale proclame le caractère multifonctionnel de l'agriculture qui « contribue substantiellement (...) à la conservation des ressources naturelles et à l'entretien du paysage rural ». C'est sur ce principe que s'est mise en place, à partir des années 90, une politique agricole confédérale fondée à la fois sur des « améliorations foncières », sur une « revitalisation des cours d'eau » et sur un système de « paiements directs » aux exploitants, en contrepartie de « prestations écologiques requises » (ce qui équivaut à éco-conditionnalité des aides dans l'Union européenne), avec deux dispositifs dont l'effet paysager est majeur : 1) les « bordures tampon » où l'usage des pesticides est prohibé, d'une largeur de 6m le long des cours d'eau et de 3m le long des haies ou des lisières forestières : les structures paysagères concernées en sont confortées ; 2) la rotation obligatoire des cultures avec un minimum de quatre productions par exploitation, ce qui a une incidence directe sur la taille des parcelles, compte tenu notamment de la surface moyenne des exploitations : le paysage rural suisse est ainsi marqué par une mosaïque agricole à l'opposé des vastes étendues d'un seul tenant qui marquent aujourd'hui les openfields français. Plus directement centrée sur le paysage, l'OFAG a mis en place il y a trois ans (1 er programme 2014-2017) des « projets de contribution à la qualité du paysage » sous la forme d'aide directes à des exploitations dans le cadre d'un projet collectif élaboré localement. Il s'agit d'établir collectivement un programme cohérent de « maintien, promotion et développement des caractéristiques paysagères spécifiques ». Ces caractéristiques sont identifiées de façon collective par des interviews d'acteurs locaux. L'initiative de la démarche appartient à un groupement local animé soit par un groupe d'agriculteurs, soit par une commune, soit par un parc régional (cf ci-dessus), qui établit le diagnostic et le plan d'actions. Le canton vérifie la pertinence des mesures proposées, avant envoi à la Confédération pour validation et prise en compte. 134 projets étaient déjà lancés fin 2016. Le programme couvre d'ores et déjà 35 000 exploitations (66 % des fermes « à l'année ») et 3 900 exploitations d'estivage (soit 57 % du total). Le succès et l'adhésion ont dépassé toutes les prévisions puisque sur les 150 millions de de Francs Suisses du programme pluriannuel 174, 125 millions ont déjà été engagés. Le paysage sur les territoires : les « Conceptions d'évolution du paysage » (CEP) La définition officielle de cet instrument d'application sur les territoires de la Conception paysage suisse» figure sur le site de l'Office fédéral du développement territorial (ARE) : « Esquisse, juridiquement non contraignante, de l'évolution souhaitée du paysage, en vue de son utilisation durable et de sa mise en valeur écologique et esthétique. L'élaboration d'une CEP doit être conçue comme un processus participatif, intégrant les représentants des différentes utilisations du territoire. Elle est élaborée au niveau de la commune ou de la région.» Le contexte méthodologique en a été précisé par l'OFEV (Annexe fiche-action AFBE06 NE7) : La dimension participative permet d'obtenir un "guide" réaliste et applicable 174 Soit 5 % du total du budget de l'agriculture de la confédération, qui s'élève à 3Mds de CHF. Démarches paysagères en Europe Page 136/173 Rapport n°010731-01 présentant les moyens concrets pour arriver au paysage souhaité en tenant compte des projets de développement proposés par les intervenants. La fiche-action de l'OFEV poursuit : « Le processus participatif ainsi que la sensibilisation de toutes les personnes concernées sont essentiels, car ils déterminent l'acceptation indispensable des projets. La CEP ne veut pas que seuls les acteurs directement intéressés s'occupent et se sentent responsables du paysage. » L'Office a par ailleurs développé une « Boîte à outils CEP », instrument de travail destiné aux communes ou aux autres acteurs. Il anime un « forum CEP » qui utilise l'Internet comme plate-forme interactive pour donner et échanger des informations en faveur du développement de la CEP175. Le mot-clé CEP sur une recherche internet produit un nombre très important de références de toutes échelles, qui semble montrer le succès de cette procédure. La plate-forme susmentionnée répertorie quelques 55 CEP/LEK176 en cours ou achevées. L'exemple d'une CEP communale : Delémont, capitale du canton du Jura) Les communes du dernier-né des cantons suisses peuvent se lancer dans cette démarche à tout moment de leur convenance, mais, selon une directive cantonale de 2010, elles « doivent élaborer une CEP dans le cadre de la révision de leur plan d'aménagement local ». Il ne s'agit pas dans ce canton, d'une démarche volontaire mais bien d'une obligation : il ne peut y avoir de révision du plan d'aménagement sans lancement simultané d'une CEP. Le contenu des « livrables de la CEP » est énuméré par la directive cantonale, y compris le descriptif des mesures garantissant une participation effective de la population avec une « commission CEP » représentative de toutes les parties prenantes de la démarche et dont les pouvoirs sont étendus (c'est elle qui fixe les objectifs « avec le professionnel du paysage » - qui lui est donc lié - et établit le programme de travail). A Delémont, la procédure a été lancée début 2014, à l'occasion (et dans le cadre obligatoire) de la révision du plan directeur de la capitale du Jura (12 000 habitants)177. Le rapport rendu en juillet 2015 par le bureau d'étude à l'issue de la procédure participative identifie des « cordons boisés » soulignent le cours des deux rivières qui traversent la ville, tandis que « les allées d'arbres, les arbres isolés et les vergers » constituent un caractère fort du territoire communal, marqué par une véritable compénétration ville-campagne à préserver et valoriser. Ce « potentiel d'amélioration » qui touche à la fois la biodiversité et le bien-être ne doit pas, dit le rapport, rester au stade d'énoncé, mais s'articuler autour d' « un projet phare qui pourra donner rapidement corps à la démarche ». Ce dernier comporte trois axes : · « rénover et compléter les allées d'arbres en ville et hors la ville · rénover et renforcer les vergers des fermes (y compris par la mise en place de circuit courts de vente directe) · réaménager et revitaliser des cordons de cours d'eau » 175 176 177 Ce forum est hébergé sur le site internet de l'École d'ingénieurs de Rapperswil www.lek-forum.ch En allemand Landschaftsentwicklungskonzept, LEK. Le rapport final de 107 pages (http://www.delemont.ch/Htdocs/Files/v/10412.pdf) dont sont extraits les développements ci-dessous, contient à la fois le détail de la CEP adoptée, et en annexe les PV des réunions de concertation. Ces derniers méritent d'être lus car ils traduisent fidèlement l'état d'esprit des acteurs de terrain, leurs doutes, leurs difficultés, mais aussi leur engagement. Démarches paysagères en Europe Page 137/173 Rapport n°010731-01 Ce « projet-phare » comme outil d'adhésion à la démarche, est l'une des originalités méthodologiques de cette « conception ». Celle-ci se décline par ailleurs en 11 « objectifs paysagers » sectoriels, chacun d'eux décliné en actions à mener à plus ou moins court terme. Le niveau de détail et la variété des mesures concrètes qui composent ce programme soulignent la caractère très opérationnel des CEP, contrairement à ce que pourrait suggérer leur dénomination. La formation des paysagistes et l'organisation de la profession La filière paysage produit environ 70 diplômés de niveau master par an. Deux écoles dispensent un enseignement : HEPIA (Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève, en Suisse romande) et HSR (Hochschule für Technik de Rapperswil, en Suisse alémanique) qui proposent toutes deux un Bachelor en architecture du paysage en 3 ans. Pour ce qui est des Masters, HEPIA propose, en collaboration avec l'Université de Genève, le «Master en développement territorial» et HSR un Master d'ingénieur avec orientation «Planification du territoire et architecture du paysage». D'autres écoles forment des étudiants en ingéniérie de l'environnement avec des masters de type développement du territoire avec quelques modules sur le paysage, comme l'École polytechnique fédérale de Zurich (ETH : Eidgenössische Technische Hochschule) ou l'USI (Università della Svizzera italiana à Lugano) qui forme des architectes. Il existe une Fédération suisse des « architectes de paysage » (FSAP). Créée en 1925 à Zurich, elle compte aujourd'hui plus de 500 membres (soit un paysagiste pour 17 000 habitants), dont presque la moitié indépendants, les autres employés dans des agences privées, des administrations publiques ou dans l'enseignement. Pour adhérer, il faut justifier du diplôme de paysagiste et de 3 ans d'activité professionnelle. Les titulaires d'un Bachelor dans le domaine de l'architecture paysagère sont soumis à un examen d'entrée. La FSAP est reconnue par l'IFLA. Le « Fonds suisse pour le paysage »178 Depuis sa fondation en 1991 le Fonds a déjà soutenu plus de 2 360 projets avec environ 140 millions de francs suisses, ce qui a engendré et engendre des investissements de 400 à presque 550 millions de francs dans l'ensemble du pays. Le FSP octroie des aides financières incitatives à « l'initiative individuelle volontaire » afin de « favoriser la sauvegarde ou la restauration de paysages et de sites naturels ou culturels traditionnels ». Ces initiatives peuvent émaner d'organisations locales ou régionales (personnes privées, associations, fondations, communes, cantons) et « développer des effets de synergie en matière d'agriculture, de tourisme, de construction et d'artisanat traditionnel ». De nombreux projets stimulent la réalisation d'autres idées dans des domaines ou des territoires comparables. Parmi les projets soutenus par le FSP, on trouve « le renouvellement et le rétablissement d'éléments caractéristiques du paysage tels que par exemple des murs de pierres sèches, des toits en tavaillons, etc.(...), la revitalisation de vergers, de haies, d'allées et de lisières de forêts », mais aussi, des actions moins traditionnelles 178 https://fls-fsp.ch/?locale=fr Démarches paysagères en Europe Page 138/173 Rapport n°010731-01 comme «la renaturation de cours d'eau canalisés ou recouverts » ou bien « la rénovation de villages ou de localités selon des principes écologiques ». A retenir : Au carrefour des conceptions germanique et latine, la Suisse a rejoint la vision sensible et perceptive du paysage telle qu'elle est formulée dans la CEP. Elle considère le paysage non pas pour lui-même mais comme une dimension essentielle des politiques sectorielles et comme un « prestataire » au service du bien-être individuel et social. Ce pays où la parole et l'action sont longtemps restées « descendantes » expérimente depuis peu la fécondité opérationnelle des initiatives « bottom-up » dans le domaine du paysage. Politiques nationales - La « Conception paysage suisse » prévoir une dimension paysagère pour 13 politiques sectorielles fédérales ; - s'écartant de la vision naturaliste qui prévalait il y a encore 20 ans, la Suisse adopte désormais une définition du paysage calquée sur celle de la CEP, qu'elle a ratifiée en 2012. - la notion de « prestation paysagère » légitime l'attention portée par le gouvernement à la qualité des paysages et au suivi attentif de leur évolution ; parmi ces « prestations » figurent le « délassement », la santé et le bien-être ; Prise en compte - les « Conceptions d'évolution du paysage » ont une dimension des populations participative très affirmée ; - les parcs naturels régionaux sont issus d'initiatives locales, tout comme les « projets [agricoles] de contribution à la qualité du paysage » Profession - la formation des paysagistes, au niveau master, est assurée par des établissements de haut niveau, en Suisse romande comme alémanique. - une association représentative, la FSAP regroupe les quelques 500 « architectes de paysage » actifs en Suisse. Maîtrise d'ouvrage - Pas de paysagistes identifiés de façon significative dans les administrations cantonales ou communales ; Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 139/173 4. Fiches thématiques 1. Le paysage multifonctionnel et l'infrastructure verte 2. La formation des paysagistes et l'organisation de la profession 3. L'éducation et la sensibilisation au paysage 4. La participation du public p.141 p.146 p.153 p.157 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 140/173 FICHE THEMATIQUE N°1 : LE PAYSAGE MULTIFONCTIONNEL ET L'INFRASTRUCTURE VERTE Sources: · documents : «integrated landscape initiatives in Europe » : collaboration multisectorielle dans des paysages multifonctionnels. Études publiées dans la revue « land use policy » 58 (2016)43-53, publication Elsevier, 2016 ; «the multifunctionality of green infrastructure » ; in-depth-report, DG environment News alert service, commission européenne, mars 2012 ; communication de la Commission au parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions « Infrastructure verte- renforcer le capital naturel de l'Europe » [SWD (2013) 155 final], du 6.5.2013 ; · entretiens dans les pays visités ou en marge de visites. Le contexte général de l'émergence de l'infrastructure verte et d'une approche multifonctionnelle du paysage. La société humaine dépend des avantages prodigués par la nature (nourriture, matières premières, eau, air, prévention des inondations, loisirs...). Ces avantages sont appelés « services écosystémiques » et souvent considérés à tort comme illimités. Ainsi, en cas de prévention d'un risque d'inondations, les pouvoirs publics ont tendance à recourir à la construction d'une infrastructure grise plutôt que de se tourner vers des solutions offertes par la nature. Ainsi, en Europe, le capital naturel continue de se dégrader. Dans le même temps, le paysage a connu des évolutions graduelles ou rapide pour s'adapter aux demandes sociales. La rapidité actuelle de ces changements et leur ampleur sont sans précédent. Les paysages européens doivent faire face à des évolutions liées à la globalisation et à ses flux croissants de technologies, de commerce, d'investissement. L'urbanisation et la prolifération des constructions font partie du constat. Ces changements et ces défis, génèrent dans la société civile des attentes envers les productions locales et écologiques .Elle se sent concernée par la préservation de la biodiversité. Elle souhaite prendre une part plus active aux décisions touchant le paysage. En 2013, prenant en considération ces évolutions, la Commission européenne a défini une stratégie pour l'infrastructure verte qui préconise son intégration dans les politiques de l'Union Européenne afin qu'elle devienne une composante intégrée de l'aménagement du territoire. Cette stratégie s'ancre dans la stratégie en faveur de la biodiversité, mais elle va bien au-delà de la préservation de cette dernière. L'infrastructure verte peut offrir de multiples fonctions sur un même territoire, contrairement à l'infrastructure grise qui est monofonctionnelle. Le paysage s'inscrit au centre de la démarche. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 141/173 Démarche d'infrastructure verte et rôle intégrateur du paysage vont de pair. Ils s'appuient sur une conception multifonctionnelle du paysage qui contribue à trouver des réponses durables aux questions soulevées par la préservation et l'aménagement des territoires. l'Infrastructure verte se définit comme « un réseau constitué de zones naturelles et semi-naturelles et d'autres éléments environnementaux faisant l'objet d'une planification stratégique, conçu et géré aux fins de la production d'une large gamme de services écosystémiques. Il intègre des espaces verts (ou aquatiques dans le cas d'écosystèmes de ce type) et d'autres éléments physiques des zones terrestres (y compris côtières) et marines. À terre, l'infrastructure verte se retrouve en milieu rural ou urbain ». Étude sur des initiatives d'intégration du paysages. Une étude publiée en 2016 des « integrated landscape initiatives » (ILIs) en Europe (cf. références ci-dessus) s'est attachée à analyser des expériences d'initiatives collaboratives dont l'objet principal la promotion de la valeur du paysage à l'occasion de projets d'aménagement et de développement. Dans cette étude, les initiatives analysées comprennent des projets, programmes, plate-formes, initiatives ou un ensemble d'activités qui promeuvent un grand nombre de valeurs du paysage. Cela comprend les initiatives locales ascendantes (bottom-up) comme les initiatives lancées par les pouvoirs publics régionaux ou centraux. 338 initiatives dans 33 pays européens ont été retenues dans le cadre de ce travail. Les activités retenues et leurs résultats ont été regroupés en 5 domaines : · Gestion des ressources naturelles et préservation ; · Élevage et agriculture · Protection du patrimoine et des traditions ; · Activités rurales et amélioration du bien-être ; · Coordination multi sectorielle et planification. Cette dernière catégorie s'attachait à la promotion d'une gestion du paysage faisant appel à la coopération entre secteurs d'activité et parties prenantes, renforçant le rôle des communautés locales et la construction d'un capital social. Les principales difficultés rencontrées par ces initiatives sont liées au manque de financement (56%), aux fluctuations politiques (40%) ou à des responsables politiques frileux qui en freinent le développement (35%). Les initiatives étudiées met en évidence que de telles démarches constituent des formes innovantes de collaboration, à plusieurs niveaux, afin de mieux gérer l'évolution du paysage. Elles interviennent dans des paysages hétérogènes et contiennent des objectifs variés mettant en oeuvre des activités relevant de plusieurs domaines. Enfin, plusieurs parties prenantes sont impliquées dans le projet. La protection et la mise en valeur du patrimoine demeure un des objectifs les plus importants des integrated landscape initiatives (ILIs) et le domaine qui enregistre le plus de résultats, mais avec un traitement plus souple et compatible avec d'autres usage du sol. La protection de la nature et l'agriculture sont les secteurs d'activité les plus fréquemment concernés, suivis du tourisme et de l'éducation. Enfin, les groupes Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 142/173 les plus actifs en la matière sont les experts indépendants, les associations citoyennes et culturelles. Les ILIS ont une compréhension holistique du paysage. Elles s'intéressent au paysage comme un tout, non en vue d'un usage particulier ou d'une caractéristique spécifique. Une telle approche et la multifonctionnalité que ces initiatives promeuvent correspond à la diversité des objectifs poursuivis par ces projets. La plupart obtiennent des résultats dans 4 ou 5 domaines différents (nature, culture, agriculture, planification multi sectorielle). Un plus grand équilibre entre tous les enjeux peut ainsi être obtenu. Par ailleurs, l'émergence d'organisations citoyennes dépasse les frontières habituelles. Les initiatives donnent naissance à une gestion nouvelle et intégrée du paysage qui répond au bien-être personnel et social à l'échelle du paysage. Ces projets jouent un rôle de sensibilisation et de coordination multi sectorielle des parties prenantes. Ils ont contribué à l'implication de la communauté locale dans les activités de gestion du paysage. Des exemple d'usages multiples de l'espace. Une expérience anglaise qui illustre une démarche d'infrastructure verte élargie et qui prône avec efficacité la multifonctionnalité des paysages. Actuellement, le Royaume-Uni offre à l'étude une expérience intéressante de la mise en oeuvre de l'outil « infrastructure verte ». L'approfondissement de cette question a été centrale lors de la visite de la mission dans ce pays. Dès 2008, l'outil green infrastructure (GI) ­ Infrastructure verte ­ est mentionné dans les documents stratégiques nationaux de planification. Sa définition est quasi identique à celle reprise par la commission européenne. Le coeur de la démarche se trouve dans la conception multifonctionnelle de l'infrastructure verte. Ainsi, dans le National Planning Policy Framework, l'accent est mis sur la nécessité d'un usage multifonctionnel de l'espace. Ce document, dont le contenu s'impose aux autorités locales en matière de planification et d'aménagement, soutient que la planification doit promouvoir les aménagements à usages mixtes et favoriser les retombées multiples en zone rurale comme urbaine. Ces retombées sont environnementales, sociales et économiques. Cet outil de planification contribue à la protection de la santé et à l'amélioration du mieux-être des populations tout en protégeant les sites qu'elle englobe. Cette démarche a reçu le soutien actif du Lanscape Institute ( l'association britannique des paysagistes). L'outil Infrastructure verte joue un rôle clef lors de la conception d'un projet d'aménagement. Il favorise une vision partagée et la définition d'objectifs paysagers. Plusieurs illustrations de l'application de cette démarche ont été présentées à la mission. Des expériences ont été menées à Bristol et à Sheffield. Dans cette dernière ville, la GI a permis la réalisation de bassin d'expansion des crues qui ont en même temps le caractère de parcs publics. La démarche se révèle aussi efficace lors de la restauration de territoires dégradés ou affectés par le mouvement de désindustrialisation. Ainsi à Birmingham, la ville a été requalifiée à partir de l'aménagement des berges de ses canaux, tandis qu'à Stoke-on-Trent, les anciennes voies ferrées ont servi de fil directeur à la remise à niveau du territoire urbain. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 143/173 La mise en oeuvre de la démarche suppose une coordination de l'ensemble des parties prenantes du projet assurée par l'autorité planificatrice (comté, district, neighbourhood). Cette coordination doit intervenir dès la conception du projet et en vue de sa gestion. Une expérience encore peu développée dans d'autres pays voisins. En Allemagne, la fédération allemande des professionnels du paysage (Bund Deutscher Landschaftsarchitekten) dans un document daté de 2014 défend l'infrastructure verte comme une opportunité en faveur de la planification. Son approche est comparable à la vision anglaise de la démarche, qui déborde la simple protection de l'environnement et de la biodiversité. Elle considère qu'il devient opportun d'aborder les fonctions sociales et écologiques du paysage dans un contexte élargi. Elle souligne que l'infrastructure verte, qui prend en considération la durabilité, complète utilement les infrastructures grises, souvent pour un coût moindre. Elle entend se placer sur le devant du débat public. Dans les zones à forte densité de population, l'infrastructure verte offre une réponse aux besoins en organisant la multifonctionnalité de l'espace. En Belgique, plusieurs exemples d'aménagement s'articulent autour multifonctionnalité de l'espace : · de la Dans l'agglomération bruxelloise, la requalification en Parc urbain de la friche ferroviaire « Tour-et-Taxis » devait fournir un exemple saisissant et inattendu de cette dimension multifonctionnelle des territoires, qui devient un impératif universel devant la pénurie croissante d'espace en maints endroits de la planète179. Avant toute intervention de plantation, il fallait décaper le sol sur 30 cm d'épaisseur et se posait la question du devenir des gravats ainsi générés. La solution de « recyclage » de ce matériau à forte granulométrie a été son enfouissement dans la partie centrale du parc, pour constituer ainsi un espace de stockage naturel des eaux pluviales, véritable citerne destinée à l'arrosage du parc et même à l'alimentation en eau des immeubles alentour. L'économie ainsi réalisée (évacuation et traitement des gravats, fourniture d'eau ), chiffrée à un million d'Euros, a été réinvestie par le promoteur de l'opération , à hauteur de 20 %, dans de nouvelles plantations pour le parc (300 sujets déjà bien développés, et 1000 arbres « pionniers », dont la rapidité de pousse est déjà spectaculaire). Un autre exemple de multifonctionnalité est la requalification de l'écluse de Harelbeke sur la Lys, chantier réalisé en 2014 : il s'agissait au départ d'une simple rénovation technique d'un ouvrage de navigation. Cet ouvrage était situé sur une rivière « calibrée » c'est à dire transformée en canal. Mais cette transformation avait laissé subsister d'anciennes traces de méandres et étangs à demi asséchés et « enfrichés », que l'analyse paysagère a permis de révéler. Le paysagiste a alors proposé de recréer une île en utilisant le rivage d'un ancien méandre, réalisant aussi, par ce biais, la restauration piscicole du cours d'eau, dont les ouvrages interdisaient la remontée des poissons. L'installation des passages à poissons rejoignant le bas « naturel » de la Lys s'est alors heurtée à des exigences d'ingénierie écologiques complexes, les différentes espèces n'utilisant pas le même type d'échelle. Trois passes à poissons · 179 Bas Smets a cité à cet égard l'exemple de Singapour : dans cette Île-État densément peuplée, toute parcelle doit se voir affecter plusieurs rôles : un bassin de recueil des eaux pluviales pour la consommation humaine devra forcément être aussi un espace de détente urbaine où l'on pratiquera l'aviron... Démarches paysagères en Europe Page 144/173 Rapport n°010731-01 parallèles, surmontées d'une passerelle permettant l'observation par les promeneurs, permettent aujourd'hui à la fois d'unifier cette île réinventée (l'une des berges étant « naturelle », l'autre « calibrée »), de satisfaire aux normes de connectivité écologique. Entre cette dernière fonction, l'amélioration de la navigabilité (objectif initial de l'opération), et le nouveau rapport institué entre la ville et l'eau (l'agrément des citadins voisins ou riverains) on a là une belle illustration d'espace devenu multifonctionnel. A retenir : · L'approche multifonctionnelle de l'espace centrée sur la mise en valeur paysage prend de l'ampleur. Les expériences analysées mettent en avant nombreux bénéfices environnementaux, sociaux et économiques qui résultent. · Cette démarche suppose une fortes coordination en amont du projet l'ensemble des acteurs et un soutien volontariste des pouvoirs publics du les en de Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 145/173 FICHE THEMATIQUE N°2 LA FORMATION DES PAYSAGISTES ET L'ORGANISATION DE LA PROFESSION Sources : · documents : « Facettes du paysage ». Réflexions et propositions pour la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage » pp. 273-292, édition du Conseil de l'Europe, 2012, « Paysage et formation des architectes paysagistes », par Ingrid Salrlöv-Herlin, avec la collaboration du Conseil européen des écoles de paysage (ECLAS). ; · entretiens lors des visites en : Angleterre, Belgique (Wallonie), Espagne (Catalogne), Irlande, Italie (Milan), Suisse. Les États signataires de la Convention européenne du paysage s'engagent, aux termes de l'article 6B, à promouvoir « des programmes pluridisciplinaires de formation sur la politique, la protection, la gestion et l'aménagement du paysage, destinés aux professionnels du secteur privé et public et aux associations concernées ». Une filière de formation de spécialistes de la connaissance et de l'intervention sur les paysages existent désormais dans de nombreux États-parties. Toutefois, ni le cadre général de la formation, ni la reconnaissance et l'organisation de la profession ne sont uniformes, en particulier concernant la spécificité et l'autonomie de cette dernière. 1- La formation des paysagistes. 1-1- L'architecture de paysage est devenue un objet d'études autonome. Définition : L'architecture paysagère consiste à façonner l'espace extérieur à diverses échelles. Elle fait appel à l'aménagement, à la conception et à la gestion du paysage pour créer, entretenir, protéger et mettre en valeur les lieux. La discipline est d'une portée inhabituelle du fait de la nature extrêmement diverse du paysage (rural, urbain, péri-urbain). Elle s'appuie sur des méthodes et des concepts relevant des arts créatifs comme des sciences naturelles. Aujourd'hui, le coeur de l'activité professionnelle consiste à élaborer des solutions d'aménagement et de conception en réponse aux enjeux territoriaux de préservation et de développement du paysage. 1-2- Évolution de l'enseignement du paysage en Europe Jusqu'au début du XXè siècle, la formation des professionnels du paysage reste très hétérogène.On distingue quatre grandes étapes dans le développement de l'enseignement : Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 146/173 1. 1919-1949 : mise en place des premières formations dans plusieurs pays d'Europe septentrionale (notamment la Norvège) ; 2. 1950-1970 : création de nouveaux cursus afin de répondre aux besoins de la Reconstruction et à la montée des préoccupations environnementales. La discipline se développe fortement dans le nord-ouest de l'Europe tandis que son développement est bien moindre à l'est et dans le sud de l'Europe. 3. La décennie qui suit la « chute du rideau de fer » en 1989 entraîne une nouvelle étape avec l'émergence de nouveaux cursus dans certains pays d'Europe occidentale (Autriche, Italie, Espagne en particulier) qui créent leurs premières formations universitaires en architecture de paysage. Au cours de la période récente, on constate un développement de la profession et une augmentation du nombre d'étudiants et de professionnels. Cette évolution s'est accompagnée d'un renforcement de la recherche sur le paysage et un nombre croissant de publications universitaires. Ainsi, en 2008 on recensait en Europe , 95 facultés préparant à des diplômes de licence ou master en paysage (comprenant des cours d'aménagement, de conception et de gestion du paysage). Par ailleurs, plus de 25 universités offrent des cours dans cette discipline dans le cadre d'autres formations. 1-3- L'enseignement du paysage est conçu de manière diversifiée à travers l'Europe. La répartition géographique des formations reflète globalement la géographie du continent. Les pays les plus peuplés offrent un grand nombre de cursus (18 pour l'Allemagne) contre un seul dans un petit pays comme la Lettonie. Le plus souvent, les petits pays n'offrent pas de cursus complet, comme c'est le cas pour le Luxembourg. Trois groupes de pays se distinguent : · Ceux dans lesquels l'architecture paysagère contemporaine tire ses origines de l'horticulture ; · Ceux dans lesquels elle est issue de l'architecture, de l'aménagement du territoire ou des sciences environnementales; · Ceux dans lesquels elle dérive de l'agriculture, de la sylviculture ou de l'écologie et de la conservation, de la nature. L'enseignement et la recherche sont assurés par différentes catégories d'établissements d'enseignement supérieur. Ils peuvent être « techniques » ou « généraux » et offrir des spécialisations qui vont des beaux-arts à l'agriculture et à la sylviculture. L'étude réalisée par le Conseil de l'Europe (visée ci-dessus), met en évidence des différences considérables entre les structures d'enseignement. Toutefois, les méthodes d'enseignement sont moins différentes que l'on pourrait le penser de prime abord. La plupart des universités cherchent à proposer une formation large. Elles abordent les interventions dans le paysage sur plusieurs échelles temporelles et géographiques. Les cours portent tant sur les aménagements à grande échelle que la conception à plus petite échelle. Cependant, l'une des caractéristiques constantes est l'accent mis sur les travaux en atelier autour de projets d'aménagement et de conception. Il s'agit de la principale méthode d'enseignement. Afin de s'assurer du réalisme des projets, les établissements travaillent souvent avec des instances d'aménagement locales ou Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 147/173 régionales ou bien avec d'autres vraies organisations clientes. Les formes d'enseignement plus traditionnelles (cours séminaires et cours magistraux) fournissent les savoirs et connaissances pour l'analyse et la qualification des contextes physique, écologique, sociologique et institutionnels des projets d'aménagement. La mise en place du processus de Bologne qui a harmonisé le déroulement des cursus universitaires dans les États-membres de l'Union Européenne a conduit à une restructuration de cursus en architecture de paysage en 5 ou 6 ans composés de deux cycles séparés correspondant aux niveaux « licence » et « mastère » du « LMD ». Une plus grande harmonisation des cursus devrait en outre résulter de la mise en place du réseau LENÔTRE qui réunit les universités organisées au sein de l'ECLAS (European Council of Landscape-Architrecture Schools ­ Conseil européen des écoles de paysage). De même, les recommandations pédagogiques publiées par l'EFLA (European Federation for Landscape Architecture ­ Fédération européenne pour l'architecture de paysage) constituent un autre facteur de rapprochement. Toutefois, dans trois pays méditerranéens, la Grèce, l'Italie et l'Espagne, le processus de mise en place de cursus d'architecture de paysage qui a eu lieu dans le reste de l'Europe, semble se heurter à l'opposition des architectes. Ainsi, l'Espagne compte moins de cursus d'architecture paysagère que son voisin le Portugal, pays beaucoup plus petit. Il en résulte une pénurie de professionnels bien formés à une approche intégrée de l'aménagement, de la conception et de la gestion des paysages, au sud de l'Europe. 1-4- Exemples de quatre des pays voisins visités. En Suisse, la formation au paysage est abordée dans l'enseignement supérieur en géographie ou environnement, mais pas de manière coordonnée. Pour ce qui est de la formation des paysagistes (architectes de paysage), deux écoles dispensent un enseignement : l'HEPIA (Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève, en Suisse romande) et l'HSR (Hochschule für Technik de Rapperswil, en Suisse alémanique) qui proposent toutes deux un Bachelor en architecture du paysage en 3 ans. Pour ce qui est des Masters, HEPIA propose, en collaboration avec l'Université de Genève, le « Master en développement territorial » et HSR un Master d'ingénieur avec orientation « Planification du territoire et architecture du paysage ». D'autres écoles forment des étudiants en ingéniérie de l'environnement avec des masters de type développement du territoire et systèmes d'infrastructures, avec quelques modules sur le paysage. On citera aussi : · L'École polytechnique fédérale de Zurich (ETH : Eidgenössische Technische Hochschule) qui propose dans le cadre de la filière « Architecture et sciences de la construction » des Bachelor et Master d'architecte et d'ingénieur en Génie de l'environnement. · L'USI (Università della Svizzera italiana à Lugano) qui forme des architectes. Il manque donc un cursus complet en paysage. L'architecture de paysage ne donne que très rarement lieu à un Master actuellement. L'obtention d'un Doctorat sur le paysage nécessite le recours à des « moyens détournés ». De plus, la filière paysage, Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 148/173 qui forme environ 70 diplômés chaque année, ne bénéficie pas d'une reconnaissance professionnelle du fait de la prédominance des architectes dans les secteurs de l'urbanisme et de l'aménagement. La recherche en matière de paysage est conduite dans 32 institutions (Ecole Polytechnique de Lausanne ; ETH de Zürich ; Institut fédéral de recherche sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) ; Universités de Fribourg, de Neuchâtel, de Lausanne, de Berne, de la Suisse italienne ; Haute école spécialisée de Suisse occidentale ; Agroscope ; Swiss Topo ; Fachhochschule Ostschweiz ; haute école de Zürich pour la science appliquée...). L'office fédéral de l'environnement (OFEV) contribue à ces travaux de recherche à condition qu'ils soient directement utilisables par l'administration. En Angleterre, ce sont 14 universités qui assurent la formation à un Bachelor of Art (licence) en paysage dont 7 au sens strict, auxquelles s'ajoutent 7 autres cursus mixtes avec l'écologie, l'urbanisme, l'architecture, les sciences de l'environnement ou l'art des jardins (Garden Design). Le Mastère en paysage (équivalent du Diplôme d'État français) est délivré par 13 établissements, dont 10 au sens strict. La recherche en paysage existe en Angleterre (Landscape research group), mais l'organisation représentant la profession (Landscape Institute) n'est pas directement impliquée. En Belgique/Wallonie, on recense deux niveaux de formation supérieure : · le « bachelier » (licence), en 3 ans, orientant vers l'architecture des jardins et l'aménagement des places publiques (bachelier professionnalisant, à dominante pratique), ou vers de futures études de mastère (« bachelier de transition », plus mixte théorie-pratique). L'un et l'autre sont achevés par un stage de 12 semaines · le master, en 2 ans supplémentaires, préparant à la profession d'architectepaysagiste et délivré à l'issue d'une formation universitaire théorique et pratique (en « haute école »). Ce mastère est directement accessible aux titulaires du « bachelier de transition » et à l'issue d'une année « passerelle » pour les titulaires du « bachelier » professionnalisant, ou encore sur dossier pour les titulaires de certains diplômes comme celui d'architecte. Les études de bachelier et de master architecte paysagiste (ce dernier compte des promotions de 30 à 40 étudiants par an). sont dispensées par trois établissements d'enseignement, qui travaillent en collaboration : · l'ISIA Gembloux (Institut Supérieur Industriel agronomique), qui est un des établissements de la Haute École Charlemagne. · La faculté d'architecture La Cambre-Horta qui appartient à l'Université Libre de Bruxelles. Elle résulte de la fusion en 2010 des Instituts Supérieurs d'Architecture La Cambre et Victor Horta. · Le Gembloux Agro-Bio Tech, créé en 1860 et intégré à l'Université de Liège depuis 2009, qui forme des universitaires et des ingénieurs dans les domaines des sciences agronomiques et de l'ingénierie biologique. Actuellement, il n'existe pas de doctorat en paysage. Les étudiants qui souhaitent préparer une thèse doivent le faire en suivant la filière du cursus architecture ou bioingéniérie. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 149/173 En Espagne/Catalogne, Il existe à l'Université de Barcelone deux Mastères d'architecture du paysage, mais il ne s'est agi, pendant longtemps que d'une spécialité post-diplôme d'architecte. Sous l'impulsion de Rosa Barba (1995-2001) elle-même urbaniste, des passerelles ont été érigées avec le monde de l'écologie ou de l'horticulture afin de créer un cycle complet en paysage et une pluralité d'origine des étudiants du mastère. Les effectifs de ce cursus sont de deux fois 25 au sein de l'Université avec un statut de reconnaissance de l'État pour le premier et un statut privé pour l'autre (aujourd'hui ce dernier est principalement fréquenté par des ressortissants étrangers italiens et hispanophones). Les Ateliers y sont fondés sur la pratique du projet, avec peu de cours orientés vers la connaissance ou l'approche territoriale. Mais même pour des concours portant sur la création des grands espaces publics, ce sont des compétences d'architecte ou d'ingénieur civil qui sont requises dans les appels de candidatures. La portée professionnalisante cette formation est mal reconnue. 2- L'organisation de la profession de paysagiste. Lors de ses visites de terrain, la mission s'est particulièrement attachée à étudier l'organisation et le rôle des organisations des professionnels du paysage. L'Irlande et le Royaume-Uni offrent l'exemple d'une profession très structurée, active dans la défense du paysage et de l'intervention de ses membres dans la définition des politiques de ce même paysage. En Irlande, l'Irish Landscape Institute (ILI) créé en 1992 constitue l'organisation des professionnels du paysage. Elle résulte de la fusion de deux structures antérieures « l'Irish chapter of the institute of landscape architects et de L'institute of landscape horticulture of Ireland. Cette organisation accueille les architectes paysagistes du secteur public comme du secteur privé. Les membres doivent être titulaires d'un master obtenu au terme d'un cursus reconnu par la fédération internationale des architectes-paysagers (IFLA) comme donnant accès à la profession d'architecte paysagiste. L'organisation accueille aussi parmi ses membres des professionnels de la planification, de l'architecture, de l'ingéniérie, de l'horticulture. En 2016, l'ILI comptait 160 membres dont une centaine de membres actifs. Les professionnels se répartissent entre le secteur privé (25 agences) et le secteur public (même s'ils y sont peu nombreux). Pour devenir membre de l'institut, il est requis de réussir un examen professionnel organisé par celui-ci et ouvert aux diplômés en paysage. Cependant, l'appartenance à l'ILI n'est pas une condition nécessaire à l'exercice professionnel mais il est pris en compte pour toutes commandes significatives. Bien qu'il ne soit pas un « ordre » au sens strict, l'ILI joue ce rôle. au Royaume-Uni, le Landscape Institute (LI) est une organisation professionnelle structurée et très active. Créée en 1929, elle est chargé de « promouvoir la profession du paysage au profit de la société toute entière ». S'il n'est pas obligatoire d'être membre du LI pour mener un exercice professionnel dans le domaine du paysage, dans les faits, la quasi-totalité des commandes ou des postes requérant une telle compétence, revient à ses membres. Celui-ci totalise 5391 membres, dont 4643 en activité (chiffres avril 2017) soit deux fois et demi plus qu'en France pour une population équivalente (55 M.d'hab. pour la seule Angleterre, 65 pour le Royaume-Uni). La majorité de ces membres sont des chartered members (CMLI) - des membres agréés ­ ayant réussi un examen d'entrée Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 150/173 généralement passé deux ans et demi après l'obtention du diplôme (examen pour lequel l'institut organise par ailleurs des cycles préparatoires). 216 étudiants sont actuellement membres du LI, ainsi que 1262 licenciate (diplômés simples). Le Landscape Institute joue un rôle très actif dans la promotion de la place du paysage dans les politiques publiques. D'une part, il place ses membres à des postes-clefs de l'administration ou de ses agences. Ainsi, on recense 7 de ses membres au sein de l'agence Natural England qui est la cheville ouvrière de la politique du paysage et de la mise en oeuvre de la Convention au royaume-Uni. D'autre part, l'organisation s'attache à défendre la présence d'architectes-paysagistes auprès des autorités planificatrices dans les collectivités locales. Cette stratégie de présence auprès du maître d'ouvrage est une action essentielle. Elle contribue à la prise en compte du paysage dès la conception d'un projet local et sensibilise les décideurs et les représentants d'autres secteurs (infrastructures, aménageurs, écologues, promoteurs notamment) au paysage et aux objectifs de qualité paysagère. Enfin, la profession a joué et joue encore un rôle majeur dans la promotion de la démarche « d'infrastructure verte ». Il s'agit de mettre le paysage au premier plan des méthodes de travail de planification. Le LI s'intéresse dans ce cadre à des projets spécifiques par exemple dans le Parc national des South Downs. On trouve en Suisse, une « Fédération suisse des architectes-paysagistes » (FSAP). Créée en 1925 à Zurich en tant que Fédération suisse des paysagistes, avant de fusionner en 1994 avec l'Association des architectes-paysagistes suisses AAPS, la FSAP compte aujourd'hui plus de 500 membres, dont presque la moitié sont indépendants, les autres employés dans des bureaux privés, des administrations publiques ou dans l'enseignement. Pour adhérer, il faut justifier du diplôme de paysagiste et de 3 ans d'activité professionnelle, soit au minimum huit années d'études et d'activité professionnelle. Les titulaires d'un Bachelor dans le domaine de l'architecture paysagère sont soumis à un examen d'entrée. La FSAP est reconnue par l'IFLA. La FSAP joue un rôle important en faveur de la sensibilisation du public notamment par la voie d'une publication quadrimestrielle « ANTHO » consacrée au paysage et dont la valeur est reconnue. En Belgique la profession de paysagiste est représentée par une association « l'association belge des jardins et des architectes-paysagistes » (ABAJP), membre de l'IFLA. Les titulaires d'un master sont affiliés d'office, tandis que les titulaires d'une licence (Bachelier) doivent justifier de deux années d'expérience professionnelle et présenter un dossier d'admission. Actuellement, l'association mène une action en faveur de la reconnaissance du titre. Elle compte 125 membres sur l'ensemble de la Belgique, essentiellement les professionnels qui exercent leur activité à temps plein.En effet, la taille réduite du marché très concurrentiel les conduit souvent à exercer une autre profession en parallèle. En Allemagne, les trois professions liées à la conception de l'espace, architectes, urbanistes et paysagistes, sont chacune organisées au niveau de chaque Land en Kammer qui sont l'équivalent des ordres professionnels en France ; l'inscription dans un Land vaut autorisation d'exercice de la profession dans toute l'Allemagne. L'accès Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 151/173 au grade de docteur en paysage (ou en architecture ou en urbanisme) dépend à la fois des travaux académiques réalisés, mais aussi du bilan de l'activité professionnelle pratiquée et de la capacité à la théoriser. Selon un de nos interlocuteurs, la limite de ce qui apparaît comme une reconnaissance professionnelle est le compartimentage des trois disciplines, l'exercice de la profession de paysagiste étant lui-même subdivisé en « projet » (Entwurf) permettant la conception de parcs et d'espaces publics urbains et « planification » (Plannung) permettant les interventions sur le « grand paysage ». De ce fait, il est difficile de suivre un projet complexe nécessitant la mise en oeuvre conjointe des trois spécialités (construction, végétal, design urbain). De même pour un maître d'ouvrage, ce type de compartimentage rend difficile l'énoncé d'une « question ouverte » sur le territoire. Dans les pays du sud, les paysagistes ne sont pas encore parvenus à faire reconnaître pleinement la différence de leur profession. En Espagne, la profession de paysagiste n'est pas reconnue malgré l'existence d'une Association espagnole des paysagistes (AEP) dont l'audience reste faible. Certes, il existe une « école » barcelonaise de traitement des espaces publics, née après la fin de la Dictature. Des architectes-urbanistes ont investi ce champ, avec des personnalités marquantes comme Oriol Bohigas, Joan Busquets, Beth Galí, Enric Miralles, ou Manolo Ruiz Sánchez, mais entre les architectes et les ingénieurs, les paysagistes n'ont pas encore pu trouver leur place. En Italie, la profession semble également assez mal connue. Elle dépend de l'Ordre des architectes et des paysagistes (Ordine Nazionale Architetti, Pianificatori, Paesaggisti e Conservatori), qui hiérarchise les métiers (architecte, planificateur, paysagiste, conservateur), l'architecte ayant la primauté sur tous domaines. L'ordre comprend 154 architectes paysagistes (pour 85 000 architectes). L'Association des architectes paysagistes (AIAPP, Associazione Italiana di Architettura del Paesaggio), comporte 700 adhérents et publie le magazine Landscape Architecture. À retenir : Le paysage est désormais une discipline autonome mais son enseignement se révèle très divers malgré une harmonisation issue de la mise en place des accords de Bologne. Cette diversité tient aussi à la nature multidisciplinaire de l'approche du paysage et aux fondements historiques variés de la formation. Cette diversité se retrouve dans l'organisation de la profession. Très structurée et active en matière de politique du paysage dans des pays comme l'Irlande, l'Angleterre et l'Allemagne, la profession peine encore à trouver sa place en Italie comme en Espagne, confrontée à une résistance forte des architectes. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 152/173 FICHE THEMATIQUE N°3 EDUCATION ET SENSIBILISATION AU PAYSAGE Sources : · documents : « Les facettes du paysage », éditions du Conseil de l'Europe, janvier 2012, pp 225-272 : « L'éducation au paysage à l'école » par Benedetta Castiglioni, experte auprès du Conseil de l'Europe. · entretiens lors des visites dans les pays étudiés. La Convention européenne du paysage (CEP) prévoit dans les mesures particulières de son article 6 l'engagement par les États-parties à accroître la sensibilisation de tous les acteurs à la valeur du paysage et à promouvoir dans les enseignements scolaires et universitaires les valeurs qui lui attachées. Par ailleurs, la protection, la gestion et l'aménagement du paysage participent de l'amélioration du cadre de vie des habitants d'un territoire. De plus, l'évolution contemporaine de la société reconnaît aux citoyens un droit à participer aux politiques du paysage. Or, l'affirmation de ce principe ne suffit pas. Il suppose une sensibilisation préalable des habitants à leur cadre de vie, aux paysages et aux questions relevant de la politique qui s'y rattache. La sensibilisation dès l'école à la lecture du paysage et à la compréhension de ses valeurs conditionne une participation future effective. Cette formation dans le cadre scolaire doit être complétée par des initiatives diversifiées qui diffusent les savoirs relatifs aux paysages et à leur évolution, accroissent les capacités de chacun à les lire et à les comprendre. Dans une étude menée à l'initiative du secrétariat de la Convention européenne du paysage, le constat de la place désormais acquise du facteur humain dans la définition du paysage emporte des conséquences en termes d'éducation dans les établissements scolaires, éducation qui se poursuit dans le cadre d'initiatives de sensibilisation des habitants eux-mêmes à la lecture du paysage qui constitue leur cadre de vie. L'humain est devenu un élément essentiel de la définition et de l'approche paysagère. L'humain occupe une place croissante dans la définition du paysage. Le paysage désigne une partie du territoire « telle que perçue par les populations », tandis que son caractère résulte de l'action « ...des facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations. La CEP vise « à la protection, à la gestion et à l'aménagement de tous les paysages européens » . Mais elle affiche aussi deux objectifs plus vastes : · le bien-être individuel et social ; · un développement durable fondé sur un équilibre harmonieux entre les besoins sociaux, l'économie et l'environnement. Ainsi, la mise en oeuvre d'une politique du paysage conforme à la CEP suppose l'existence de droits et de responsabilités pour tous les citoyens. Leur éducation et leur sensibilisation au paysage, dès leur plus jeune âge, deviennent alors indispensables. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 153/173 L'éducation au paysage répond aux objectifs de la Convention européenne du paysage et à ceux fixés par les Nations Unies dans le cadre de la « décennie des Nations Unies pour l'éducation au développement durable ». L'éducation étant la force d'entraînement des changements nécessaires, la sensibilisation des populations en vue de l'émergence d'une « démocratie du paysage » commence dès l'école. L'éducation au paysage comporte, principalement, la diffusion du savoir concernant les paysages et leurs évolutions, l'accroissement de la capacité à lire les paysages (identification et descriptions des éléments du paysage, caractéristiques immatérielles, facteurs naturels et humains, origine des paysages et leur évolution dans le temps). La Convention (dans la partie consacrée aux engagements des États insiste sur la nécessité d'activités pédagogiques contribuant à promouvoir « les valeurs attachées au paysage » non seulement de manière abstraite mais aussi en abordant les aspects pratiques tels que la protection, la gestion et l'aménagement). L'école et l'apprentissage du paysage. Plusieurs exemples peuvent être présentés, issus de l'étude du Conseil de l'Europe et des informations rassemblées lors de visites de la mission dans les pays étudiés En Espagne (Catalogne), l'observatoire du paysage déploie un vaste activité de diffusion de la culture paysagère. Parmi ses activités et à destination des élèves de l'enseignement secondaire, il a publié un « kit d'éducation au paysage » mis au point avec des professeurs de différentes disciplines (géographie, sciences naturelles, ..). Il prend la forme de planches d'illustrations modifiables pour permettre aux élèves de travailler en groupe à l'interprétation de paysages de Catalogne ; de cahiers d'activité éducatives ; d'un guide de l'enseignant et d'un site internet. Cette action, lancée dès 2007, s'inscrit dans le cadre de la loi d'août 2008 sur le paysage qui fixe des engagements en matière d'éducation conformément aux dispositions de la CEP. Elle est le résultat d'un partenariat entre plusieurs ministères de la Catalogne ( le ministère de la politique territoriale et des travaux publics, le ministère de l'éducation) et l'observatoire. Le projet est dénommé « Ville, territoire, paysage ». En Belgique, la Wallonie offre aussi l'exemple d'initiatives novatrices en matière d'éducation au paysage dans le primaire comme le secondaire. L'éducation au paysage fait partie intégrante de certains cursus. C'est l'une des thématiques enseignées par les professeurs de géographie. En vue de cet enseignement, des dossiers pédagogiques sont fournis par des associations ou par la fondation rurale de Wallonie. Un livret pédagogique, destiné à des enfants de 8 à 12 ans intitulé « le rôle de l'agriculteur dans la gestion de nos paysages », a ainsi été produit. Il est destiné à des enfants dans le cadre d'une action portant sur le territoire de « Beau canton » qui présente des caractéristiques intéressantes. Les objectifs de cette action sont : approcher la définition du paysage et apprendre les bases de la lecture d'un paysage ; Comprendre son évolution ; différencier ses acteurs (habitants, agriculteurs, pouvoirs publics) ; mettre l'accent sur l'importance des agriculteurs en tant qu'acteurs du paysage. Une autre initiative a été élaborée conjointement par l'institut d'éco-pédagogie et le laboratoire de méthodologie des sciences géographiques de l'université de Liège. Ceux-ci ont conçu ensemble une méthode d'utilisation d'internet et des outils multimédias pour l'éducation au paysage. Ce projet consiste à élaborer deux familles « d'hyperpaysages » pour sensibiliser à la nature et à l'aménagement du territoire. A Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 154/173 partir de ces paysages « déjà prêts » les élèves peuvent soit naviguer dans ces paysages soit en concevoir de nouveaux. En Irlande, l'éducation au paysage est en cours d'introduction dans les programmes scolaires du primaire et du secondaire dans le cadre des actuelles « classes verte » (Greenschools) conformément aux dispositions de la stratégie nationale pour le paysage (art.15). En Slovénie, une expérimentation intitulée « nous faisons notre paysage », a été menée d'octobre 2004 à mai 2005 par l'association slovène des architectes paysagistes en coopération avec le département de « paysagisme » de la faculté biotechnique de l'Université de Ljubljana. Le ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire a apporté un soutien financier au projet. Il s'agissait de diffuser des connaissances sur le paysage. Parmi les actions mises en place dans le cadre de ce projet figure la publication de cinq affiches sur « les paysages slovènes » ; un séminaire en vue d'une information des enseignants sur le projet ; la publication d'une mallette pédagogique destinés aux enseignants des écoles maternelles et primaires comme au grand public ; enfin des concours d'arts plastiques et de photographie destinés aux élèves de 4 à 15 ans, suivis de l'exposition des meilleurs travaux et clichés. un projet transfrontalier a également été mené dans lequel des établissements scolaires du sud de la France étaient impliqués. Il s'agissait du projet Cultura 2000 « 3KCL-Paysages culturels karstiques ». Ce projet mené de en 2004-2005 rassemblait le musée d'histoire naturelle d'archéologie de Montebelluna (Italie) avec la participation de centre de recherches et d'établissements scolaires italiens, français et slovènes. Il portait sur les particularités de 3 zones karstiques. Elles ont été visitées et analysées par trois équipes de recherche et explorées par les élèves d'écoles locales. Les centres de recherches (notamment les chercheurs du département de géographie de l'université de Padoue et ceux de Nice-Sophia-Antipolis) partageaient leurs méthodologies et leurs résultats tandis que les établissements scolaires jouaient le rôle de « diffuseurs », chargés d'élaborer une exposition et un site internet. Ce projet offrait l'occasion de développer et appliquer des stratégies éducatives de découvertes du paysage. Il visait d'une part l'éducation et la diffusion, d'autre part le partage avec un plus large public des connaissances acquises grâce à la recherche. La sensibilisation des acteurs. La sensibilisation des acteurs du paysage consiste à mieux faire comprendre les relations qui existent entre le cadre de vie et les activités que chaque acteur développe dans sa vie quotidienne, d'une part, et les caractéristiques du milieu naturel, de l'habitat et des infrastructures, d'autre part. Elle peut revêtir des formes très variées. En Catalogne, la diffusion de la culture paysagère est une activité importante de l'Observatoire des paysages. Il publie de nombreux ouvrages, organise de colloques sur des thèmes pionniers (par exemple paysages et santé) ; il collabore dans des revues « grand public » locales ou nationales. Il contribue enfin à la formation des formateurs. Dans plusieurs des pays visités, les organisations professionnelles participent activement à la diffusion de la culture du paysage. Au Royaume-Uni, Le Landscape Institute produit des brochures thématiques autour du paysage, par exemple sur le Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 155/173 paysage et la santé. Il en est de même en Suisse où la Fédération suisse des architectes-paysagistes (FSAP) publie la revue Anthos. Des publications similaires existent aussi en Italie. En Irlande,la sensibilisation du paysage constitue un objectif majeur de la stratégie nationale. Parmi les 5 actions prévues figurent la mise en place d'outils d'analyse paysagère, le développement de programmes d'information du public, des prix de paysages, le soutien aux initiatives de participation du public. Enfin, la Pologne a instauré une journée nationale du paysage, à la date anniversaire de la signature de la CEP (20 octobre) et propose d'étendre cette initiative à l'ensemble des États-parties à la Convention. A retenir : L'éducation au paysage dès le stade de l'enseignement scolaire prépare les citoyens de demain à une participation pertinente et active à la gestion de leur leur cadre de vie ; La sensibilisation à destination de tous les publics complète les actions en milieu scolaire et peut prendre les formes les plus variées. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 156/173 FICHE THEMATIQUE N°4 LA PARTICIPATION DU PUBLIC Sources : · documents : « paysage et développement durable. Les enjeux de la Convention européenne du paysage », 2008, pp 177-220 « paysage et participation du public » par Michel Prieur et Sylvie Durousseau, experts auprès du Conseil de l'Europe. · entretiens lors des déplacements dans les pays étudiés. Parmi les mesures particulières prévues par la CEP afin de promouvoir la protection, la gestion et l'aménagement des paysages, figure la mise en place « des procédures de participation du public, des autorités locales et régionales, et des autres acteurs concernés par la conception et la réalisation des politiques du paysage » -article 5c. Afin de mesurer la mise en ouvre de cette disposition dans les États parties à la Convention, le Conseil de l'Europe a fait réaliser une enquête dans ces différents États dont les résultats ont été rassemblés dans la publication de 2008 (citée ci-dessus). Le contexte La Convention européenne du paysage pose une définition du paysage centré autour de l'interrelation entre l'homme et son environnement. La paysage est « perçu par les populations » et il résulte de facteurs « naturels et/ou humains et de leurs interrelations ». De plus, dans un contexte de changement climatique et d'objectif de développement durable, le paysage est considéré comme un élément essentiel du cadre de vie. Dans ces conditions, la participation du public aux politiques du paysage prend tout son sens et apparaît incontournable au stade de la conception comme à celui de la mise en oeuvre d'une politique paysagère ou d'une politique qui comporte un volet paysager direct ou indirect. La Convention vise un public le plus large possible dans le cadre de procédure de participation aux différentes étapes de la politique paysagère (définition des projets, instruction des demandes individuelles, suivi de la mise en oeuvre de la politique). Cette participation doit être effective. Enfin, la CEP s'inscrit dans la lignée de plusieurs instruments conventionnels internationaux qui promeuvent et soutiennent la participation du public. A cet égard, la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement a posé les bases de cette participation. Elle distingue trois situations : les décisions relatives à des activités particulières, la participation concernant les plans, programmes et politiques, la participation lors des phases d'élaboration de dispositions réglementaires d'application générale. Le cadre juridique de la participation. Au terme de l'enquête menée par le secrétariat exécutif de la CEP, et dont rend compte l'ouvrage précité, le constat de l'absence d'une procédure participative spécifique en matière de politique du paysage a été fait. Des instruments divers existent néanmoins. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 157/173 En Allemagne, on relève l'existence de plans et programmes relatifs au paysage mais leur caractère contraignant est limité. En Italie, des plans paysagers existent depuis 1939, mais c'est la prise en compte du paysage dans la démarche de planification ou dans les autorisations délivrées qui sert de cadre à la participation. En Irlande, dans le cadre de la procédure d'urbanisme, l'autorité compétente peut consulter la population notamment sur des questions relatives au paysage. Au total, il n'existe pas de principe général de participation du public dans le domaine spécifique du paysage, mais des procédures inscrites dans des contextes variés. Autre exemple, en Italie, un Accord de coopération État-région relatif à l'exercice des pouvoirs en matière de paysage a été signé le 19 avril 2001 par le ministère des Biens et Activités culturelles et les régions italiennes. Dans son article 6, cet accord prévoit lors des procédures de planification paysagère d'assurer la coopération institutionnelle et la plus grande participation du public concerné et des associations qui protègent des intérêts généraux. Cette orientation de principe avait vocation à inspirer les politiques régionales de planification paysagère. A défaut de principe général, la participation peut figurer dans des dispositions ponctuelles. Ainsi, en Autriche, la participation est prévue par la loi sur les procédures administratives générales ou bien la loi sur l'étude d'impact environnementale. En Irlande, c'est la loi sur l'urbanisme et le développement de 2000 qui prévoit que toute personne peut participer à l'articulation des objectifs pour la protection de paysage dans le cadre des programmes de développement. Il en est de même de la loi sur la faune sauvage de 2000. Dans les États membres qui ont ratifié la CEP, son entrée en vigueur devrait donner lieu, le cas échéant, à une adaptation des dispositifs de participation existant. Quel public ? une notion diversement comprise. La CEP ne définit pas le public visé. La mention de la Convention d'Aarhus qui figure dans son préambule autorise à se référer à la définition que cette dernière donne du public. Il s'agit de « l'ensemble du public sans discrimination quant à la citoyenneté, la nationalité ou le domicile et, dans le cas d'une organisation non gouvernementale, sans discrimination quant au lieu où son siège est établi ». La notion de public est ainsi très large. En particulier, le droit à la participation doit être accessible au public en général sans avoir à justifier d'un intérêt juridiquement identifié. Pour certains pays, le public s'entend avant tout des particuliers. (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas, notamment). En pratique, ce terme désigne différentes catégories de personnes. En Italie, on distingue entre plusieurs catégories de particuliers. Ceux qui sont titulaires d'un droit subjectif (droit de propriété sur un terrain ou un immeuble) et les titulaires d'un intérêt légitime reconnu par l'administration et à caractère procédural. En Belgique, la participation prévue dans le cadre des contrats de rivière concerne les usagers, les associations et les riverains. En Irlande, les personnes les plus directement affectées à titre individuel peuvent participer à la désignation des zones de patrimoine naturel (natural Heritage area) dans la mesure où la désignation d'une zone entraîne des restrictions d'usage immédiates et affecte particulièrement les propriétaires. Pour d'autres pays, le public concerné désigne les autorités étatiques, régionales et locales. Ainsi, en Espagne, la protection du paysage s'exerce au moyen des plans d'aménagement des ressources naturelles. Ceux-ci sont de la compétence Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 158/173 des régions, qui doivent observer le principe de consultation des intérêts sociaux (associations d'entrepreneurs, syndicats de travailleurs), des « intérêts institutionnels » et des association de conservation de l'environnement. Enfin, la participation peut intervenir par l'ouverture au public des organes dirigeants de la structure chargée de la politique du paysage. Il peut s'agir d'une ouverture sans restriction (Pays-Bas, Irlande).ou bien d'une ouverture concentrée sur les autorités locales, régionales et les associations (Allemagne, Catalogne). En Belgique, le Conseil wallon de l'environnement et du développement durable intervient ainsi au niveau des études d'incidences. Il peut être amené à formuler des remarques concernant les incidences paysagères. La compréhension de la notion de public est essentielle parce qu'elle conditionne l'effectivité de la participation du public à la politique paysagère. A quel stade et selon quelles modalités participer ? En l'absence de procédure particulière à la participation en matière de paysage, il n'existe de fait pas de vraie distinction dans les procédures de participation entre conception et réalisation. On peut considérer que certains pays proposent une distinction en considérant que la conception de la politique du paysage s'opère par la voie de plans et de schémas tandis que la réalisation s'opère par voie de permis et d'autorisation. Ainsi, en matière de conception, en Belgique, la participation en matière paysagère intervient à l'occasion des mécanismes de participation prévus dans le cadre des outils généraux de planification. Les modalités de la participation sont très diversifiées. Les principales modalités de participation sont celles relevant des dispositifs d'autres politiques publiques. Il peut s'agir d'une consultation du public afin de définir le contenu de l'étude d'incidence d'un projet (Belgique) ; d'une procédure d'enquête publique qui offre la possibilité de formuler des commentaires écrits sur des projets, plans ou schémas en rapport avec les paysages (Allemagne, Belgique, Espagne, Irlande, Italie, Pays-Bas) ; dans d'autres cas, des commentaires oraux sont possibles dans le cadre de réunions consultatives à l'occasion de projets consacrées à la protection de la nature (Allemagne, Italie, Pays-Bas) ; enfin, il est prévu la consultation des communes concernées sur le contenu du plan paysager élaboré au niveau régional (Italie), ou bien la consultation d'instances et de personnes qualifiées (Belgique). L'influence du public sur la décision finale. Les procédures de participation et leurs résultats ne contraignent pas nécessairement la décision finale de l'administration, mais elles permettent cependant d'exercer une influence sur celle-ci. Ainsi, l'administration pourra être tenue de motiver sa décision en fonction des observations émises par le public. En Belgique, l'enquête publique est ainsi une formalité substantielle. Les constats de la mission dans les pays visités. Lors des déplacements dans certains des pays étudiés, les éléments suivants sont venus compléter ceux développés dans l'enquête précitée. L'exemple du Uplands forum en Irlande illustre une initiative locale de participation du public. Dans la perspective de la définition d'un projet de territoire pour les Uplands la parole a été donnée aux communautés locales d'acteurs afin qu'ils contribuent à la définition et à la mise en oeuvre des projets qui améliorent leur qualité de vie et Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 159/173 préservent leur environnement. Parmi la population consultée on note la participation remarquable et inhabituelle des farmers. La charte du paysage du Priorat en Espagne /Catalogne fournit un exemple de projet de paysage impulsé et piloté par les habitants du territoire. Le sentiment de délaissement de la population et le renouveau de l'économie viticole locale ont décidé ceux-ci à prendre en main le devenir du territoire. Plus généralement, les procédures ou initiatives de participation et leurs résultats ne contraignent pas nécessairement la décision finale de l'administration, mais elles permettent à tout le moins d'exercer une influence sur celle-ci. Ainsi, cela peut obliger l'administration à justifier ou faire évoluer sa décision en fonction des observations émises par le public. Propositions en vue d'améliorer la participation du public. Au terme de l'enquête réalisée, le Conseil de l'Europe a proposé d'avoir une politique participative ad hoc du paysage qui insiste sur le triptyque protectiongestion-aménagement et préconise un renforcement des instruments de participation du public destinés à accompagner la conception et la réalisation de la politique du paysage. S'agissant de la conception des politiques on relève notamment parmi les propositions : · ouvrir l'initiative de sélection d'une zone d'intérêt paysager aux institutions locales, aux populations locales ; · généraliser les procédures d'évaluation préalable à tout projet ayant un impact sur le paysage et rendre publique l'étude d'impact ; · permettre au public de formuler des observations et retenir le projet final en tenant compte des observations ainsi émises ; · enfin, diffuser le projet final retenu et les mesures nécessaires à sa réalisation. S'agissant de la réalisation de projets, les pistes suivantes pourraient être explorées : · privilégier les mesures de protection, de gestion ou de mise en valeur faisant intervenir la population locale ; · prévoir une périodicité pour le retour d'information sur la mise en oeuvre d'un projet ; prévoir une périodicité de révision du projet (moyen terme) ; · identifier au niveau national un service de référence pour accompagner les institutions locales et les initiatives populaires dans la mise en oeuvre des actions en faveur du paysage ; · enfin, favoriser les échanges d'expérience sur les initiatives réussies ou ayant échoué. A retenir : En général, Les procédures prévues dans la Convention européenne du paysage ne donnent pas lieu à l'affirmation d'un principe de participation spécifique aux politiques paysagères. De même, les procédures participatives résultent le plus souvent de textes encadrant d'autres politiques comme l'urbanisme ou la planification. L'importance de la qualité et du stade de la mise en oeuvre de la procédure de participation, de même que sa prise en considération lors des décisions relatives au paysage invitent à une amélioration de ces procédures afin de les rendre conformes aux dispositions de la Convention. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 160/173 5. Éléments de bibliographie, sites internets et téléchargements A) Etudes et ouvrages généraux : Site du Conseil de l'Europe, avec la rubrique consacrée à la Convention européenne du paysage : http://www.coe.int/fr/web/landscape. Quatre types de documents : 1) Les textes de référence · La Convention elle-même et « lignes directrices » pour sa mise en oeuvre réunis dans un livret téléchargeable : https://rm.coe.int/16802f80c7 Existe aussi dans une version papier reliée (98 p.) · Recueils de rapports d'experts en vue de la mise en oeuvre de la Convention (en français) : · « Paysage et développement durable » (2006) incluant notamment des rapports de Michel Prieur et Yves Luginbühl - https://rm.coe.int/16804897bd · « Facettes du paysage » (2012) avec notamment des rapports sur l'éducation et la formation. - https://rm.coe.int/16802f299c · « Dimensions du paysage » (2017) avec notamment une proposition de méthode de travail « paysage et éoliennes » et l'article « paysage et démocratie » d'Y Luginbühl cité ci-dessous.https://rm.coe.int/dimensions-dupaysage-reflexions-et-propositions-pour-la-mise-en-oeuvr/1680714486 2) Les actes des rencontres annuelles thématiques (« ateliers ») des parties au traité, édités ans la série « aménagement du territoire européen et paysage ». La plupart sont téléchargeables et sont rédigés pour une grande partie en anglais : http://www.coe.int/fr/web/landscape/publications · N° 72 : Paysage et bien-être individuel et social ; Paysage et aménagement du territoire » - Strasbourg, France, 27-28 novembre 2003 ; · N° 74 : « Sensibilisation, éducation et formation ; Instruments novateurs en vue de la protection, de la gestion et de l'aménagement du paysage » - Strasbourg, France, 23-24 mai 2002 ; · N° 82 : « Des paysages pour les villes, les banlieues et les espaces périurbains » - Cork, Irlande, 16-17 juin 2005 ; · N°83 : « Paysage et société » - Slovénie, Ljubljana, 11-12 mai 2006 ; · N° 84 : « Les objectifs de qualité paysagère : de la théorie à la pratique » Gironne, Espagne, 28-29 septembre 2006 ; · N° 88 : « Paysage et patrimoine rural » - Sibiu, Roumanie, 20-21 septembre 2007 ; · N° 89 : « Le paysage dans les politiques de planification et la gouvernance : vers un aménagement intégré du territoire » - Piestany, République slovaque, 24-25 avril 2008 ; · N° 93 : « Paysage et forces déterminantes » - Malmö, Suède, 8-9 octobre 2009 ; · N° 95 : « Paysage et infrastructures pour la société » - Cordoue, Espagne, 15-16 avril 2011 ; · N° 97 : « Paysage multifonctionnel » - Evora, Portugal, 20-21 octobre 2011 ; · N° 99 : « Le paysage comme nouvelle stratégie de l'aménagement du territoire, 1ère session» - Thessalonique, Grèce, 2-3 octobre 2012 ; Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 161/173 · N° 100 : « Le paysage comme nouvelle stratégie de l'aménagement du territoire, 2è session » - Cetinje, Monténégro, 2-3 octobre 2013 ; à paraître : · "Paysages durables et économie : de l'inestimable valeur naturelle et humaine du paysage" - Urgup, Turquie, 1-2 octobre 2014 ; · « Paysages et coopération transfrontalière : le paysage ne connaît pas de frontière » - Andorre la Vieille, Andorre, 1-2 octobre 2015 ; · « Les politiques nationales pour la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage : défis et opportunités » - Erevan, Arménie, 5-6 Octobre 2016. 3) Les livrets de présentation de l'ensemble des candidatures au Prix du paysage du Conseil de l'Europe (ce qui donne une bonne idée des tendances de la démarche paysagère dans les pays signataires de la Convention). Téléchargement : http://www.coe.int/fr/web/landscape/publications · Dernier sorti (2016) : N° 103 dans la même collection : "L'alliance du prix du paysage du Conseil de l'Europe » qui décrit les 4 premières sessions du prix (de 2008-2009 à 2014-2015) 4) Plusieurs numéros de la revue « Naturopa/Futuropa » consacrés spécifiquement au paysage ou à la CEP , là aussi téléchargeables : http://www.coe.int/fr/web/landscape/futuropa-magazines · « La Convention européenne du paysage » : deux ans après sa signature, avec des témoignages de ses rédacteurs. (Numéro 98 / 2002) · « Le paysage à travers la littérature » (Numéro 103 / 2005) · « Espace public et paysage : l'échelle humaine » (Numéro 03 / 2012) · « Paysage et coopération transfrontalière » (Numéro 02 / 2010) *** L'un des centres documentaires les plus complets sur les politiques européennes : l' « Observatori català del paisatge » : http://www.catpaisatge.net/cat/documentacio_cataleg.php On y trouve les quelques rares documents comparatifs sur les politiques du paysage en Europe ; tout particulièrement · « La planification du paysage à l'échelle locale en Europe. Les cas de l'Allemagne, de la France, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de la Suisse et de la Wallonie » Étude réalisée en 2014, en collaboration avec le Ministère du Tourisme et de l'Environnement portant sur les principaux outils et expériences de planification du paysage existants à l'échelle locale en Europe et sur l'analyse de leur lien avec la planification territoriale locale et l'urbanisme. http://www.catpaisatge.net/eng/monlocal_doc.php (disponible en catalan et en anglais) · « Comparing landscape planning in England, Germany and the Netherlands» Etude réalisée en 2010 par l'Université de Wageningen (Pays-Bas) par Rob Schröder, Dirk Wascher, Simon Odell et Chris Smith. http://www.catpaisatge.net/docs/landscape%20planning.pdf Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 162/173 *** Autres ouvrages et sites utiles pour cadrer (ou élargir) le sujet · « La mise en scène du monde » sous-titré « construction du paysage européen » Yves Luginbühl - 428 p. CNRS Editions, 2012 · Le rapport rédigé par Yves Luginbühl pour la 8è conférence Conseil de l'Europe : « Paysage et démocratie », à Strasbourg le 18 février 2015 (26p.), téléchargeable par : https://rm.coe.int/16806b08ca · « Paysage dans les espaces périurbains » contribution de Maguelonne Dejeant-Pons dans le « Cours intensif sur le paysage » manuel de 251p. rédigé à l'occasion de l'Université d'été 2008 de l'Union des avocats européens (Ouvrage collectif avec Giovanni Bana et Giorgio Pizziolo). · « La biorégion urbaine », Alberto Magnaghi, Editions Eterotopia, Paris 2014 (168p.) - Un écrit synthétique et accessible du chef de file du mouvement européen des « territorialistes » : · « Les paysagistes dans le monde » - monographie évolutive rédigée sous la direction de Pierre Donnadieu (in « Chroniques de Topia (20082014) » à l'École nationale Supérieure du paysage de Versailles (64p.) avec une introduction générale et des monographies sur 12 pays (Algérie, Argentine, Brésil, Chili, France, Italie, Liban, Maroc, PaysBas , Portugal, Tunisie, Vietnam). Téléchargeable via le site de l'Association des paysagistes-conseils de l'État : http://www.paysagistesconseils.org/sites/apce/files/contenus/publication_annuell e/2016/les_paysagistes_dans_le_monde.pdf. · Site du JoLA (Journal of Landscape Architecture), la revue quadrimestrielle de l'ECLAS (European Council of Landscape Architecture Schools), fondée en 2006. Revue multilingue dont les derniers numéros sont téléchargeables : http://www.jola-lab.eu/www/issues.html. La première livraison de 2017 comporte un descriptif (en anglais) du Grand-pré de Langueux, grand prix français du paysage 2013. *** B) ouvrages et sites par pays étudiés Allemagne · Le texte (en allemand) de la loi fédérale du 29 juillet 2009 portant renouvellement des règles de protection de la nature et de gestion du paysage (Gesetz zur Neuregelung des Rechts des Naturschutzes und der Landschaftspflege) : https://www.bfn.de/fileadmin/MDB/documents/themen/monitoring/BNatSch G.PDF · « Comparing landscape planning in England, Germany and the Netherlands » étude comparative réalisée par Alterra-report pour NaturalEngland ­ 2010. · Site du Bundesamt für Naturschutz - (Office fédéral de la conservation de la nature) https://www.bfn.de/ · Gaëlle Hallair. « Paysage et Landschaft : incompréhensions et malentendus entre les géographes allemands et français dans les années 30. » https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00595066/document A l'échelle des Länder : le Landschaftsprogramm - (programme de paysage) Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 163/173 · programme de paysage du Land de Brandebourg (2001, 70p. réactualisé en 2016): http://www.mlul.brandenburg.de/cms/detail.php/bb1.c.322337.de · LandschaftProgram Berlin 2016 : http://www.stadtentwicklung.berlin.de/umwelt/landschaftsplanung/lapro/index.shtml · Etude IAURIF sur le Programme de paysage et le plan d'utilisation des sols (Flächennutzungsplan) de Berlin (1994). A l'échelle de la commune : le plan d'aménagement paysager (Landschaftplan), plan de zonage et plan de développement : · Plan d'aménagement paysager de Fulda : http://www.stadtfulda.de/landschaftsplan/LP.htm) · Plan de zonage et plan de développement de Kronshagen : www.kronshagen.de · Plan d'aménagement paysager de la ville de Winnenden (carte) : http://www.winnenden.de/site/Winnenden_Responsive/get/params_E1961337147/390473/Landschaftsplan%20der%20Stadt%20Winnenden.jpg Sur les IBA (Internationale Bauaustellungen) et les IGA (Internationale Gartenaustellungen, littéralement « expositions internationales de jardins»): a) l'Emscher Park, dans la Ruhr : sur ce dernier cas, abondante littérature dont : · une étude de l'agence d'urbanisme de Lyon « une démarche innovante de réhabilitation industrielle et urbaine » (2008, 72p.) : http://www.urbalyon.org/AffichePDF/1534 · un travail critique de l'Université de Liège : « La stratégie paysagère de l'Emscher Park » ( Frédéric Simon, 2009-2010, 31p.) http://www.lema.ulg.ac.be/urba/Cours/Cas/0910/Emsher_simon.pdf b) Le Zwischenstadt (entre-deux-villes) entre Cologne et Bonn visant à constituer à cet endroit une Grüne Metropole. Voir compte-rendu du « Club Villeaménagement » du 11/09/2007 ; Conférence-débat animée par Ariella Masboungi, avec Thomas Sieverts, à propos de son livre « Entre-ville, une lecture de la Zwischenstadt »: http://www.club-villeamenagement.org/_upload/ressources/productions/5a7/2007/verbatim_5a7_sieverts. pdf Sur la profession de paysagiste : · site du Bund Deutscher Landschafsarchiteken (fédération allemande des architectes-paysagistes (1300 membres dont 800 en exercice libéral). Site en allemand et en anglais : http://www.bdla.de/english Belgique · Catherine Dubois, « Stratégie et instruments pour une politique régionale du paysage en Wallonie », thèse de doctorat de l'Université de Liège, 2010. Le propos est de « rassembler les acquis et instruments existants de la Région wallonne en matière de paysage, d'évaluer la contribution de chacun en réponse au nouvel enjeu de la gestion du paysage, puis d'inférer une proposition stratégique et d'optimiser le cadre instrumental pour une politique future » (309 pages) http://bictel-fusagx.ulg.ac.be/ETD-db/collection/available/FUSAGxetd-06022010175849/unrestricted/These_DuboisCatherine.pdf · Le site internet de la « conférence permanente du développement territorial », commanditaire et éditrice des atlas de paysage de la région wallone ; les cinq Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 164/173 atlas déjà publiés y sont téléchargeables, ainsi que la brochure de cadrage de cette politique : « les territoires paysagers de Wallonie », publiée en 2004 : http://cpdt.wallonie.be/sites/default/files/pdf/tout_0.pdf · Une synthèse sur la méthode wallone pour les atlas par Thaïs Pons, MarieFrançoise Godart et Mireille Deconinck publié dans « Projets de paysage » (revue de recherche en ligne inter-écoles de paysage en France) le 13/07/2012 http://www.projetsdepaysage.fr/fr/les_atlas_des_paysages_de_wallonie · Un projet de terrain : le « programme paysage » entre Sambre et Meuse : le livret de l'exposition de présentation de la démarche : http://www.entre-sambreet-meuse.be/IMG/pdf/brochure_expo.pdf · La brochure de présentation du Master d'architecte-paysagiste pour la communauté française de Belgique (Gembloux / La Cambre-Horta): http://www.gembloux.ulg.ac.be/wp-content/uploads/2011/09/book-archipaysagiste-2015-v4-web.pdf · Le livret d'analyse d'une activité pédagogique « Le rôle de l'agriculteur dans la gestion de nos paysages » réalisée les 24 et 25 mai 2007sur le territoire du Beau Canton, dans les Ardennes belges. http://ccbeaucanton.be/archive/BEAUCANTON_BE/IMG/PDF/CAPITALISATION_AG RICHARME.PDF Espagne / Catalogne · Sur le site du Ministère de la culture espagnol, l'identification de « 100 paysages culturels » emblématiques de la diversité paysagère, dans le cadre d'un « Plan Nacional de Paisaje Cultural » décliné dans les régions autonomes. http://www.mecd.gob.es/planes-nacionales/planes/paisajecultural/actuaciones/cien-paisajes-culturales-espa-a.html · A l'échelon catalan, le texte intégral de la loi « pour la protection, la gestion et l'aménagement du paysage » du 8 juin 2005. http://territori.gencat.cat/web/.content/home/01_departament/documentacio/territori_ urbanisme/paisatge/publicacions/llei_reglament_proteccio_gestio_ordenacio_paisatg e.pdf · Un ouvrage trilingue (catalan, castillan, anglais) édité en 2010 par la generalitat (gouvernement) : « La Política de paisatge a Catalunya » qui dresse, cinq ans après la loi, le panorama complet des politiques entreprises (Jaume Busquets i Fàbregas, édité par le « Departament de Política Territorial i Obres Públiques », 2010) · Déjà mentionné, le site de l'Observatori català http://www.catpaisatge.net/ sur lequel on trouve notamment del paisatge · les liens pour le téléchargement des 7 « catàlegs » (atlas) publiés : http://www.catpaisatge.net/fra/catalegs.php · le kit pédagogique « ville, territoire, paysage » (en catalan), avec les 12 plaquettes (ex : http://www.catpaisatge.net/educacio/lacerdanya/documentacio_lacerdanya/do cument_18.pdf avec le livret du maître : http://www.catpaisatge.net/educacio/professors/documents/document_4.pdf · le site de recensement des cabanes de pierre sèche : http://wikipedra.catpaisatge.net/ Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 165/173 · sur les territoires, deux exemples de « cartas del paisatge » (équivalents de plans de paysage) : · La vallée de Camprodon (Pyrénées): http://ichn.iec.cat/pdf/CapBEaleresTerFreser_presentacions/Mallarach_CartaP aisatge.pdf · la « comarca » du Priorat (Tarragone): liens pour télécharger les éléments constitutifs : http://www.priorat.cat/content/documents-de-la-carta-del-paisatge Grande Bretagne · Le cadrage national de la planification territoriale (National Planning Policy Framework, NPPF), sur le site du Department for communities and local government : https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/60 77/2116950.pdf · Sur le site du Department of Environment, Food and Rural Affairs (DEFRA), les lignes directrices des « LCA » (Atlas de paysage). Mise à jour en octobre 2014. https://www.gov.uk/guidance/landscape-and-seascape-characterassessments · Les 159 « National Character Areas » (NCA, objectifs de qualité par unité paysagère) dans leur version de 2014 http://publications.naturalengland.org.uk/category/587130 · avec l'exemple du « NCA profile » des tourbières du Dartmoor (2014) http://publications.naturalengland.org.uk/publication/5098832853467136? category=587130 L'infrastructure verte : · les lignes directrices nationales (GI Guidelines) sur le site du DEFRA (2009) : publications.naturalengland.org.uk/file/94026 · l'exemple de la région industrielle en reconversion de Stoke on Trent : http://www.staffordbc.gov.uk/live/Documents/Forward%20Planning/Examination %20Library%202013/D35-GREEN-INFRASTRUCTURE-STRATEGYEVIDENCE-BASE.pdf · Le cas particulier de la stratégie climatique (climate change adaptation plan) du parc national des South Downs : https://www.southdowns.gov.uk/wpcontent/uploads/2015/01/Climate-Change-Report-final-A4-pages-LR.pdf Le « Landscape paysagistes) Institute » : (la puissante organisation professionnelle des · son site internet : www.landscapeinstitute.org · deux de ses publications les plus intéressantes : · Le « guide for clients » : l'utilité sociale des paysagistes aujourd'hui ; https://www.landscapeinstitute.org/PDF/Contribute/Landscapearchitectur e-Aguideforclients2012A3.pdf · La brochure « santé publique et paysage ». https://www.landscapeinstitute.org/PDF/Contribute/PublicHealthandLandscape _CreatingHealthyPlaces_FINAL.pdf Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 166/173 Les projets, notamment paysagers, soutenus par le «fonds patrimoine » de la loterie nationale (Heritage Lottery Fund) : https://www.hlf.org.uk/our-projects Irlande · « stratégie nationale irlandaise pour le paysage 2015-2025 », téléchargeable sur le site gouvernemental : http://www.ahrrga.gov.ie/app/uploads/2015/07/NLandscape-Strategy-english-Web.pdf Organismes : · Irish Landscape Institute (organisation des professionnels du paysage) : http://www.irishlandscapeinstitute.com , ; · Landscape Alliance of Ireland http://www.lai-ireland.com/landscape-allianceireland.html, fédération des associations de promotion du paysage ; · Heritage Council d'Irlande : établissement public chargé de l'animation en matière de patrimoines naturel, culturel et paysager : http://www.heritagecouncil.ie/landscape Il commandité en 2004 l'étude de l'Atlas des paysages (Landscape Character Assessment) du Comté de Clare, document qui, même un peu ancien, mérite la lecture (en termes de participation du public et de formulation des objectifs de qualité paysagère) : oldsitehc.info/tirdhreach/publications/landscape-characterassessment-of-co-clare · Enfin, l'initiative « bottom up » en faveur des 25 Uplands et de leur agriculture a donné lieu en 2016 à un rapport d'étape qui décrit bien la démarche : http://irishuplandsforum.org/wp-content/uploads/2016/10/Irish-UplandsCommunities-Study-2016-FINAL.pdf Italie · Actes du séminaire 2014 des paysagistes-conseils de l'État à Rome : avec notamment des articles de Gioia Gibelli (projets régionaux), Paola Vigano (villeterritoire) et Roberto Magnaghi (plan paysager des Pouilles) : http://www.paysagistes-conseils.org/sites/apce/files/contenus/publication_apce_2014.pdf · Rapport sur l'état d'avancement des piani paesaggistici (plans paysagers régionaux). Rapport de Janvier 2017 : http://www.pabaac.beniculturali.it/opencms/multimedia/BASAE/documents/2017/ 03/09/1489061022947_stato_pianificaz._paesaggistica_gennaio_2017.pdf · Étude de droit comparé entre la planification paysagère Italienne et française menée par le CRESSON (Institut d'urbanisme de Grenoble) en 2004, par Gilles Novarina, Dominique Métais et Maddalena Micheletto : http://isidoredd.documentation.developpementdurable.gouv.fr/documents/Temis/0077/Temis-0077830/19652_rapport.pdf · José Luis Bermejo Latre, de l'université de Saragosse, « la protection du paysage en Italie », Persée - Revue Européenne de Droit de l'Environnement ­ 2005 : http://www.persee.fr/doc/reden_1283-8446_2005_num_9_2_1771 · GRIDAUH - Le droit de l'urbanisme en Italie - Alberto ROCCELLA - Professeur à l'Université de Milan - http://www.gridauh.fr/comptes-rendus-detravaux/urbanisme-sans-frontieres/italie/ · Site du Parc agricole de Milan-sud : http://www.cittametropolitana.mi.it/parco_agricolo_sud_milano/ Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 167/173 · Site du Parco delle Risaïe initiative locale au sein de ce parc : http://www.parcodellerisaie.it/it/ · « Les paysages agraires périurbains: vers la co-construction du territoire », « cahiers du développement urbain durable » Université de Lausanne 2011. Paola Branduini et Lionella Scazzosi, Politecnico di Milano. Une analyse de la démarche paysagère menée dans la périphérie milanaise : https://www.unil.ch/files/live/sites/ouvdd/files/shared/URBIA/urbia_12/chapitres_u rbia_12/3_Paysages_Agraires_Periurbains.pdf Pays-Bas · Actes du séminaire 2008 des paysagistes-conseils de l'État à Rotterdam, avec une présentation générale due à Karim Helms et une étude plus particulière de la Ranstad annulaire et de son « coeur vert » : http://www.paysagistesconseils.org/sites/apce/files/contenus/apcerotterdamweb.pdf · L'Agenda Landschap, stratégie gouvernementale adoptée en 2008, qui fixe la feuille de route paysage jusqu' en 2020 : https://www.rijksoverheid.nl/documenten/rapporten/2009/01/19/agendalandschap-geillustreerde-versie · Le Landschaps Manifest, adopté en novembre 2005 par 47 associations. Sa présentation en français est disponible sur la publication du conseil de l'Europe relative à la session 2010-2011 du Prix du paysage : https://rm.coe.int/16802f299a, page 63. · Site de l'Université de Wageningen (la principale formation au paysage du pays) : http://www.wur.nl/en/Education-Programmes/master/MScprogrammes/MSc-Landscape-Architecture-and-Planning.htm Suisse · « Conception Paysage suisse » (1997 - la première stratégie) : https://www.bafu.admin.ch/.../conception_paysagesuisse-partieiconception.pdf · « Conserver et améliorer la qualité du paysage, vue d'ensemble des instruments de politique paysagère », brochure publiée par l'Office fédéral de l'environnement (OFEV, Bundesamt für Umwelt) en 2016 : https://www.bafu.admin.ch/.../conserver_et_ameliorerlaqualitedupaysage.pdf · « Mutations du paysage » : les résultats du programme de monitoring « Observation du paysage suisse » que l'OFEV vient de faire paraître au printemps 2017 :https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/paysage/publicationsetudes/publications/mutation-du-paysage.html · « Paysage 2020 ­ Analyses et tendances », feuille de route opérationnelle également éditée par l'OFEV en 2003) : http://www.rts.ch/la1ere/programmes/factuel/6219126.html/BINARY/Paysage %202020%20OFEV.pdf · « Paysages et instruments novateurs, l'expérience de la Suisse », in « paysage et développement durable », Bertrand de Montmollin - éditions du Conseil de l'Europe, juillet 2006, op. cit. · Forum CEP-LEK (Conceptions d'évolution du paysage - Landschaftsentwicklungskonzept, démarches locales comparables à nos « plans de Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 168/173 paysage »), hébergé sur le site internet de l'École d'ingénieurs de Rapperswil : www.lek-forum.ch · Site du Fonds suisse pour le paysage, instrument d'intervention financière de la confédération : https://fls-fsp.ch · Site de la revue ANTHOS, éditée à Genève, mais de portée internationale : https://www.anthos.ch/francais. · Actes du séminaire 2011 des paysagistes-conseils de l'État en Suisse, (zooms sur l'agglomération transfrontalière de Genève et la rive nord du Léman : http://www.paysagistes-conseils.org/sites/apce/files/contenus/apcesuisseweb.pdf Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 169/173 6. Glossaire des sigles et acronymes Acronyme ABAJP ADEPT Signification Association belge des architectes de jardin et des architectes de paysage Association of directors for environment, planification and transport (directeurs dans des collectivités locales en Angleterre) Associazione Italiana di Architectura (association italienne des architectes paysagistes) Loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové Association des paysagistes-conseils de l'État Amt für raum Entwicklung (office fédéral développement territorial suisse) Bachelor of Art Bund Deutscher Landschaftarchitekten (fédération des architectes-paysagistes allemands). Commission communale d'aménagement d'aménagement du territoire et de mobilité Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement Convention européenne du paysage Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces Conseil général de l'environnement et du développement durable Chartered members landscape institute Commission permanente du développement territorial Centre permanent d'initiative pour l'environnement Commission territoriale urbanistique Centre de valorisation des ressources humaines (du ministère de la transition écologique et solidaire) Code wallon de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie Department of arts, heritage, rural affairs and the Gealtacht Department for communities and local gouvernment (Angleterre) Direction départemental des territoires et de la mer Direction de l'eau et de la biodiversité Department for environment, food and rural affairs (Angleterre) Development plan document Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature Eidgenössische Technische Hohchschule (Ecole polytechnique fédérale de Zürich) Fédération française du paysage Fédération suisse des architectes paysagistes Fondation rurale de Wallonie AIAPP ALUR APCE ARE BA BDLA CCTM CAUE CEP CGAAER CGEDD CMLI CPDT CPIE CTU CVRH CWATUP DAHRAG DCLG DDTM DEB DEFRA DPD DGALN ETH FFP FSAP FWR Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 170/173 Acronyme GAL GI HEIPA HLF HSR IBA IFLA IGA ILI LCA LI LEK LOK LOP MAPTAM NLCA NOTRE NPPF OFAG OFEV OAP PAC PADD PCDR POUM PADD PCE PTG PLU PNR PRG Signification Groupement d'action locale (Belgique) Green infrastructure Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève Heritage lottery fund Hochschule für Technik , Rapperswil, suisse alémanique Internationale Bauausstellungen International Federation of Landscape architects Internationale Gartenausstellungen Irish landscape institute Landscape character assesment Landscape institute Landschaft entwicklung Konzept Landschap Ontwikkelen met Kwaliteit Landschapsontwikkelingsplan Loi sur la modernisation de l'action publique territoriale et l'affirmation des métropoles National landscape character assesment (Irlande) Loi relative à la nouvelle organisation territoriale du 7 août 2015 National policy planning framework Office fédéral de l'agriculture (Suisse) Office fédéral de l'environnement (Suisse) Orientations d'aménagement et de programmation Politique agricole commune Projet d'aménagement et de développement durable Programme communal de développement rural Plans d'ordenacio urbanistics municipals Projet d'aménagement et de développement durable Paysagiste conseil de l'État Plan de gouvernement territorial Plan local d'urbanisme Parc naturel régional Plan régulateur régional (Italie) Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 171/173 Acronyme SCoT SRADDET Schéma de cohérence territoriale Signification Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires Travail de fin d'études Trame verte et bleue TFE TVB Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 172/173 http://www.developpement-durable.gouv.fr/ Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 173/173 (ATTENTION: OPTION ation. Il n'a, à ce jour, pas été actualisé. En 2014, un « plan d'action pour la reconquête des paysages et la place de la nature en ville »58 affirmait les paysages comme « éléments déterminants du cadre de vie, de la santé et du bien-être de chacun » et affichait que « seule la mise en mouvement conjointe des citoyens, des entreprises, des territoires et de l'État [pouvait] donner à la reconquête des paysages l'élan d'une mobilisation partagée ». Mais Il ne s'agissait pas d'une véritable stratégie partagée et interministérielle. L'exposé des motifs de la loi « biodiversité »59, votée en 2016, premier texte législatif relatif au paysage depuis 1993, se borne à indiquer que l'on passe « d'une logique de protection des paysages remarquables vers une prise en compte de tous les paysages ». Pour remédier à l'état général préoccupant de ses paysages, analysé dans le rapport du CGEDD de 2014 déjà cité, la politique française est aujourd'hui constituée d'un certain nombre de moyens (outils opérationnels : plans de paysage, atlas... opérateurs publics ou privés : CAUE, PNR, paysagistes-conseils...), mais il y manque des objectifs d'ensemble, l'articulation des acteurs et l'affirmation d'une dimension qualitative des politiques sectorielles. L'énoncé ­ après écriture collective et concertée - d'une véritable stratégie nationale du paysage, à l'image du texte irlandais, de la « loi » catalane, ou de la « conception » suisse, aurait donc un triple avantage : · permettre un débat national sur les objectifs de cette politique, et, dans ce cadre, dépasser une posture défensive en promouvant le paysage comme une méthode d'action sur les territoires ; · mobiliser les acteurs du paysage sur les territoires comme à l'échelon central : professionnels, maîtres d'ouvrage, acteurs économiques, sociaux et environnementaux, simples habitants ; cette mobilisation est nécessaire pour l'énoncé du document stratégique, mais aussi pour le pilotage de sa mise en oeuvre ; · faire en sorte que, à toutes les échelles, les politiques sectorielles énoncent la dimension paysagère de leur action, non seulement en termes d' « impact », mais surtout d'apports qualitatifs au territoire et de cohérence avec les politiques voisines 60. 1. Recommandation : Élaborer une stratégie nationale interministérielle du paysage mobilisant l'ensemble des ministères concernés, des collectivités et acteurs publics, associatifs et professionnels. 57 58 Celle-ci ne disposait à l'époque que d'un périmètre d'intervention restreint. Annoncé par une communication en conseil des ministres de Ségolène Royal le 25 septembre 2014, faisant suite au rapport du CGEDD « paysage et aménagement, pour un plan national d'actions » remis à la ministre quelques mois plus tôt. « Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » promulguée le 8 août 2016. il s'agirait ainsi de multiplier les « Viaduc de Millau », d'impulser les politiques agroforestières, ou encore de promouvoir la singularité architecturale et l'ancrage territorial des écoquartiers, pour ne prendre que quelques exemples parmi les plus évidents des politiques à dimension paysagère menées par les départements ministériels voisins ou connexes de celui chargé des paysages... Démarches paysagères en Europe Page 33/173 59 60 Rapport n°010731-01 3.2. Une échelle régionale pour la mise en oeuvre de la Convention Dans presque tous les pays européens, la mise en oeuvre de la CEP s'effectue à trois ou quatre niveaux : au niveau national, s'agissant du cadre institutionnel et de l'énoncé des principes ; au niveau local, pour l'urbanisme et les projets ; au(x) niveau(x) intermédiaire(s), pour la mise en oeuvre des inventaires de paysages, l'animation, le soutien aux projets locaux. Ainsi, nombre d'États ont confié, de façon plus ou moins encadrée, la politique d'aménagement du territoire et du paysage à l'échelon intermédiaire : Länder allemands, communautés autonomes espagnoles, régions italiennes, cantons suisses, régions et communautés linguistiques belges. 3.2.1. Quatre exemples européens A. L'Espagne On observe quatre niveaux de compétences : État ; communautés autonomes ; provinces ; communes. L'État a ratifié la CEP en 2007 (entrée en vigueur en 2008). Un inventaire préliminaire des paysages du pays, l'« Atlas des paysages d'Espagne » a été mis en place. Il fournit un cadre pour les études et politiques régionales. Les 17 communautés autonomes ont compétence sur l'aménagement du territoire, l'urbanisme, le logement. Elles légifèrent, organisent la connaissance, encouragent les initiatives locales, animent le dialogue entre les acteurs, diffusent la culture paysagère. Ce sont elles, de fait, qui mettent en oeuvre la CEP, chacune avec ses lois et son rythme : l'Andalousie par exemple a publié son atlas des paysages et approuvé en 2012 une stratégie du paysage ; le Pays basque a intégré la CEP en 2014 et lancé une politique d'inventaire de 14 « aires fonctionnelles », de façon participative, aboutissant à des objectifs de qualité paysagère et des plans d'actions proches de nos plans de paysage. En Catalogne, la loi sur le paysage a été votée en 2005 (cf. supra 3.1.) Au niveau local, l'urbanisme est géré par les communes, qui peuvent se regrouper. L'initiative de projets liés à la CEP (chartes de paysage par exemple, en Catalogne), leur revient, dans le cadre défini par la Communauté. B. La Belgique On trouve ici trois niveaux de compétences : l'État fédéral ; les régions et communautés linguistiques ; les communes. La CEP a été ratifiée par l'État en 2004. · Les trois régions peuvent légiférer et disposent d'une très grande autonomie, dans presque tous les domaines, y compris de créer ou fusionner des communes. L'application de la CEP est, là encore, du ressort des régions. L'approche y est différente, aboutissant à des typologies paysagères distinctes : · En Flandre, un premier atlas a été publié en 2001 par le ministère flamand sur la base d'un inventaire des paysages traditionnels utilisé dès 1993. Depuis 2004, l'Agence Flamande pour le Patrimoine Immobilier (Vlaanderen Agentshap Onroerend Erfgoed) est chargée de l'actualisation et de la gestion de l'Atlas.61 · En Wallonie, la région, s'appuie sur la Commission Permanente du Développement Territorial (CPDT), plate-forme de recherche et d'échanges, pour rédiger les atlas de paysage (cf. supra 2.1.2.). 61 Cf. « Caractérisation interrégionale des paysages de la Belgique » https://echogeo.revues.org/12266 Démarches paysagères en Europe Page 34/173 Rapport n°010731-01 Au niveau local, un « schéma de structure communale » pour la planification opérationnelle, non obligatoire, prend en compte l'identification de la structure paysagère avec une cartographie détaillée des paysages communaux. C. L'Italie Quatre niveaux de compétences sont recensés : l'État ; les régions ; les provinces ; les communes. L'État a ratifié la CEP en 2006. La politique du paysage dépend du Ministerio di Beni et activittà culturale. La législation sur le paysage, au début orientée vers la protection, a été élargie à des catégories entières de « biens paysagers » : montagnes, lacs, volcans, rivières, zones côtières (loi « Galasso » de 1985). Selon une étude62, la législation italienne protégerait ainsi environ 141.000 km² de territoire à valeur paysagère, soit 48% du territoire national ; la valeur du paysage y est clairement reconnue comme ressource naturelle produisant des revenus économiques. Le nouveau Code des biens culturels et du paysage de 2004 renforce la prévalence de la planification du paysage sur les autres outils de planification. Les vingt régions ont en charge la politique territoriale. Elles élaborent, en collaboration avec l'État, les plans d'aménagements paysagers (piani paesagisticci) qui décrivent les caractères des unités paysagères et fixent des objectifs de qualité. Une fois approuvés par l'État, ils prévalent sur les documents nationaux, régionaux ou provinciaux de planification des sols et permettent à la région de s'affranchir, dans un contexte législatif très protecteur, des avis conformes du ministère de la culture sur les projets d'aménagement. D. L'Allemagne Quatre niveaux de compétences sont également sollicités : l'État fédéral ; le Land ; la région administrative ou district ; la commune. La conception allemande du paysage, très opérationnelle dans sa mise en oeuvre, s'appuie principalement sur sa dimension écologique, mais avec une dimension culturelle et une participation citoyenne à l'élaboration des documents de planification paysagère qui ne la rendent pas étrangère à la CEP que l'Allemagne n'a pourtant pas ratifiée à ce jour (cf. ci-dessus 2.1.1.) Dans ce pays très urbanisé, l'espace doit être économisé et planifié. Il existe un système hiérarchisé de planification paysagère imbriqué dans la planification territoriale. Au niveau fédéral, la loi de protection de la nature inclut la planification paysagère (Landschaftsplanung). Même si le paysage y est considéré plus du point de vue des écosystèmes, de l'accessibilité des zones de loisir, ou de la préservation des espaces ruraux et naturels, il existe, sur le terrain, une approche qualitative d'ensemble sur le bâti et le non bâti, qui aboutit à des paysages parfaitement maîtrisés. Les seize Länder sont de taille variable mais comparables en superficie à nos grandes régions. Ils rédigent leurs propres lois de protection de la nature et du paysage et élaborent des programmes de paysage (Landschaftsprogramm) à leur échelle. A l'échelle des districts sont élaborés des « plans-cadres de paysage ». Les municipalités, ayant compétence en matière de protection des paysages, établissent des plans d'aménagement paysager (Landschaftsplan), élaborés avec une participation citoyenne. E. Un bilan européen 62 Cf. article de José Luis Bermejo Latre, « la protection du paysage en Italie », Site Internet Persée Revue Européenne de Droit de l'Environnement - 2005 Démarches paysagères en Europe Page 35/173 Rapport n°010731-01 Dans les exemples précédents, et quelle que soit leur organisation territoriale, on voit que le niveau intermédiaire prend en charge, sous des formes très diverses : · La connaissance des paysages, produite au niveau régional ou infra-régional : plans-cadres de districts en Allemagne ; plans d'aménagement paysager en Italie ; « catalogues » de paysage en Espagne ; atlas de paysage en Belgique. · La « planification paysagère », prise en compte dans les plans d'aménagement paysager en Italie, les plans-cadres de districts en Allemagne, ou dans des textes législatifs en Espagne ; les chartes paysagères (Catalogne) ou plans d'actions (Pays basque) doivent être repris dans les documents d'urbanisme. · L'animation, l'éducation et la sensibilisation, qui sont souvent confiées à des organismes, associations, réseaux très actifs : Observatori del paisatje en Catalogne, Agence pour le Patrimoine Immobilier en Flandre, Fondation rurale et Plate-forme paysage en Wallonie, parcs naturels régionaux, etc. Le constat est que l'échelle régionale semble la plus dynamique et cohérente pour la mise en oeuvre de la CEP. Le degré d'autonomie des régions joue évidemment un rôle prépondérant. La mission a fait ce même constat d'efficacité, de cohérence et de dynamisme dans des États présentant avec ces régions ou autonomies une homologie de superficie et/ou de population : c'est le cas de l'Irlande, de la Suisse, ou des Pays-Bas63. A l'inverse, les acteurs anglais de l'aménagement du territoire déplorent la suppression de l'échelon régional intervenue récemment, et qui n'a épargné que le Grand Londres. 3.2.2. Vers un renforcement du niveau régional pour la mise en oeuvre de la CEP en France En France, la politique du paysage est gérée par l'État : au niveau central, par un bureau de quelques personnes et, au niveau territorial, par des services déconcentrés assez peu dotés en personnel dédié à ce domaine. En dehors de l'État, on constate par rapport à nos voisins un déficit d'obligation de l'échelon régional en matière de paysage. La notion de chef de file64 reste encore imprécise et ne porte pas explicitement sur le paysage. En outre le département est concerné par le paysage, dans la mesure où le choix a été fait de privilégier les atlas de paysage à cette échelle et parce qu'il finance les CAUE. En matière de connaissance paysagère, l'intégration des données des atlas départementaux (ou régionaux) de paysage dans la planification régionale serait indispensable. En la matière, la région a pour le moment à sa charge l'élaboration du SRADDET, créé par la loi NOTRe65. Ce document ­ désormais opposable ­ doit prendre en compte la dimension paysagère à son échelle, mais la loi qui le définit ne comporte qu'une seule fois le mot paysage, sous l'angle de la seule protection et non de la gestion ou de l'aménagement66 (cf. supra 2.3.1.). 63 Respectivement 4,6 M., 8,4 M. et 17 M. d'hab. à comparer à l'Occitanie (7,5 M. d'hab) ou au Grand-Est (5,5 M. d'hab.). Loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, codifiée à l'article L.1111-19 du code général des collectivités locales. Loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) du 7 août 2015 cf. article L.4251.1 du code général des collectivités locales : « [...] Les objectifs [...] peuvent préciser, pour les territoires mentionnés à l'article L.46-1 du même code, les modalités de conciliation des objectifs de protection de l'environnement, du patrimoine et des paysages. [...] » Démarches paysagères en Europe Page 36/173 64 65 66 Rapport n°010731-01 La dynamique opérationnelle paysagère ne se situe donc qu'à l'échelle plus restreinte des territoires de projet (SCoT, plans de paysage, chartes de PNR), qui auraient besoin de s'inscrire dans une réflexion plus large : le rôle de chef de file de la Région mérite donc d'être élargi au paysage, ce rôle étant déjà reconnu dans le domaine de l'aménagement du territoire, et plus récemment de la biodiversité67. En ce qui concerne l'animation, l'éducation et la sensibilisation et l'appui technique aux projets, un véritable réseau d'acteurs, animé par l'État serait nécessaire, alliant capacité de réflexion, connaissance du territoire et savoir-faire technique (institutions, chercheurs, associations, techniciens, etc). Le réseau de l'ancienne région MidiPyrénées s'est récemment élargi à la nouvelle région Occitanie et un projet similaire est en cours pour Rhône-Alpes-Auvergne. Ce système est à généraliser, le niveau national pouvant alors animer un « réseau de réseaux » qui démultiplierait son action. Aujourd'hui, dans l'état de notre législation, la région a la possibilité de s'intéresser au paysage, mais, en l'absence d'une véritable incitation, s'en saisira-t-elle ? C'est son rôle de chef de file qu'il convient de conforter pour y inclure la mise en oeuvre de la CEP, sans remettre en cause les attributions actuelles des services régionaux de l'État. Comme le proposait le rapport du CGEDD de 2014 rappelé en introduction, la mission pense qu'il faut lancer une véritable réflexion sur le rôle des régions en matière de mise en oeuvre de la CEP, afin de préparer les évolutions législatives futures, en la complétant d'une réflexion sur le rôle des services de l'État déconcentrés et leur articulation avec la collectivité régionale. 2. Recommandation : Anticiper la déclinaison de la stratégie nationale à l'échelle régionale : - en faisant évoluer les textes pour accroître les compétences des régions en matière de paysage, avec un rôle de « chef de file » en la matière ; - en mettant en place un réseau « paysage » dans chaque région de France qui n'en dispose pas encore, si nécessaire piloté par l'État et réunissant toutes les structures intéressées : services de l'État, conseil régional et autres collectivités locales, associations, universitaires, professionnels... Ce réseau serait notamment chargé d'une mission d'animation, de réflexion et de soutien. 3.3. L'organisation des professionnels de la conception paysagère L'article 6 - B de la CEP engage les États à promouvoir la formation de spécialistes de la connaissance et de l'intervention sur les paysages. L'enseignement du paysage et l'organisation de la profession y revêtent une importance particulière. Une filière de formation existe désormais dans de nombreux États-parties. Sa montée en puissance académique et l'homogénéisation progressive de ses contenus ont été décrits en seconde partie de ce rapport (2.1.3. et dans la fiche thématique n°2 en annexe). Au regard des situations décrites, la formation en France des professionnels du paysage apparaît comme clairement identifiée et structurée, dans le cadre d'un diplôme d'État (cf. supra 2.3.1.) et de plusieurs établissements d'enseignement supérieur dont la coordination progresse68. 67 68 Loi du 16 août 2016 « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ». La mission rappelle néanmoins la césure entre suivi de la profession, assurée par le Ministère de la transition écologique et solidaire, et tutelle des établissements d'enseignement, assurée, selon les cas, par les ministères de l'agriculture, de la culture et de l'enseignement supérieur. Démarches paysagères en Europe Page 37/173 Rapport n°010731-01 En ce qui concerne l'organisation de la profession, le constat est plus nuancé : la comparaison avec certains de nos voisins peut fournir des références utiles. 3.3.1. L'organisation de la profession dans cinq pays voisins Les cinq pays ci-après, en particulier l'Angleterre et l'Irlande, offrent l'exemple d'une profession très structurée et active dans la définition des politiques. A. Au Royaume-Uni, le Landscape Institute (LI) a le statut de Royal chartered body69. Créé en 1929, il est chargé de « promouvoir la profession du paysage au profit de la société toute entière ». S'il n'est pas obligatoire d'être membre de cet institut pour mener un exercice professionnel de paysagiste, dans les faits, la quasi-totalité des commandes ou des postes requérant une telle compétence revient à ses adhérents. Celui-ci totalise 5391 membres, dont 4643 en activité (chiffres avril 2017) soit deux fois et demi plus qu'en France pour une population équivalente70. La majorité de ces membres sont des chartered members (CMLI) ­ membres agréés ­ ayant passé avec succès un examen d'entrée, généralement deux ans et demi après l'obtention du diplôme (examen pour lequel l'institut organise des cycles préparatoires). Le Landscape Institute joue un rôle très actif dans la promotion du paysage auprès du public (avec notamment l'organisation annuelle de prix : les « landscape awards ») et dans les politiques publiques. En outre, ses membres se retrouvent souvent à des postes-clefs de l'administration ou de ses agences. Ainsi, on en recense sept au sein de l'agence Natural England71, cheville ouvrière de la politique du paysage et de la mise en oeuvre de la CEP au Royaume-Uni. D'autre part, l'organisation défend la présence de paysagistes dans les collectivités locales. Cette stratégie de présence auprès du maître d'ouvrage contribue à la prise en compte du paysage dès la conception du projet et sensibilise les décideurs et représentants d'autres secteurs (infrastructures, aménageurs, écologues, promoteurs notamment) aux objectifs de qualité paysagère. De façon générale, l'Institut informe ses membres de l'évolution des commandes potentielles par une prospective sur les secteurs où leur savoir-faire sera requis dans les prochaines années. Inversement il promeut l'apport spécifique des paysagistes dans les différents aspects de l'aménagement de l'espace : une brochure « Lanscape architecture, a guide for clients » détaille les postures contemporaines du métier72. Enfin, la profession a joué et joue encore un rôle majeur dans la promotion de la démarche « d'infrastructure verte » (cf. infra 3.6.) B. En Irlande, l'Irish Landscape Institute (ILI) créé en 1992 constitue une organisation des professionnels du paysage inspirée de la précédente, mais d'échelle plus modeste. Elle accueille les paysagistes du secteur public comme du secteur privé. Les membres doivent être titulaires d'un master obtenu au terme d'un cursus reconnu par 69 70 71 Ce qui est l'équivalent de nos « associations reconnues d'utilité publique ». 55 M d'habitants pour la seule Angleterre, 65 pour le Royaume-Uni. Natural England est une agence placée sous la tutelle du DEFRA, comparable à l'AFB avec une mission générale en matière de conservation et protection de la biodiversité et du paysage pour l'Angleterre ; la collecte de l'information et la connaissance dans ces domaines ; elle participe à la gestion de l'environnement dans un objectif de bien-être social et économique. Voir infra fiche pays Angleterre. Ce document est téléchargeable avec le lien suivant : https://www.landscapeinstitute.org/PDF/Contribute/Landscapearchitecture-Aguideforclients2012A3.pdf Démarches paysagères en Europe Page 38/173 72 Rapport n°010731-01 la Fédération internationale des architectes-paysagistes (IFLA). En 2016, l'ILI comptait 160 membres dont une centaine de membres actifs. Pour devenir membre de l'institut, il est requis de réussir un examen professionnel ouvert aux diplômés en paysage. L'appartenance à l'ILI n'est pas une condition nécessaire à l'exercice professionnel mais il est pris en compte pour toutes commandes significatives. C. On trouve, en Suisse, une Fédération des architectes-paysagistes (FSAP). Créée en 1925 à Zurich, elle compte aujourd'hui plus de 500 membres, dont la moitié sont indépendants, les autres employés dans des agences privées, des administrations publiques ou dans l'enseignement. Pour adhérer, il faut justifier du diplôme de paysagiste et de trois ans d'activité professionnelle. Les titulaires d'un Bachelor dans le domaine du paysage sont soumis à examen d'entrée. Reconnue par l'IFLA, la FSAP joue un rôle important de sensibilisation du public notamment via la très réputée publication « ANTHOS»73, trimestrielle et bilingue français-allemand. D. En Belgique, la profession de paysagiste est représentée par « l'association belge des jardiniers et des architectes paysagistes » (ABJAP ­ BVTL en Flamand), également membre de l'IFLA. Les titulaires d'un master sont affiliés d'office, tandis que les titulaires d'une licence (bachelier) doivent justifier de deux années d'expérience professionnelle et présenter un dossier d'admission. Actuellement, l'association mène une action en faveur de la reconnaissance du titre. Elle compte 125 membres sur l'ensemble de la Belgique. E. En Allemagne, les trois professions liées à la conception de l'espace, architectes, urbanistes et paysagistes, sont organisées au niveau de chaque Land en Kammer qui sont l'équivalent des ordres professionnels en France ; l'inscription dans un Land vaut autorisation d'exercice de la profession dans toute l'Allemagne. La chambre fédérale des architectes annonce 7.000 architectes-paysagistes adhérents74, mais compte-tenu des paysagistes du secteur public, non affiliés, il y en a certainement beaucoup plus. Il semble toutefois que les disciplines de l'architecture, de l'urbanisme et du paysage soient assez compartimentées75. En outre, l'exercice de la profession de paysagiste est lui-même subdivisé en « projet » (Entwurf) autorisant la conception de parcs et d'espaces publics et « planification » (Plannung) permettant l'intervention sur le « grand paysage ». Il est ainsi difficile pour un paysagiste de suivre un projet complexe nécessitant la mise en oeuvre conjointe des différentes spécialités. Sur l'ensemble des pays étudiés, on peut récapituler les effectifs connus des paysagistes dans le tableau suivant76. Ces chiffres ne donnent toutefois qu'un ordre d'idée ; ils ne sont pas homogènes et donc à interpréter avec beaucoup de prudence : l'inscription des paysagistes à une association ou à un ordre n'est pas nécessaire dans tous les pays pour exercer ; les associations peuvent comprendre des paysagistes non actifs (chômeurs, retraités, étudiants...) ; les paysagistes du secteur public sont parfois 73 Voir sur leur site https://www.anthos.ch/français/anthos, les thèmes des numéros en cours ou à venir pour l'année 2017 : « les chantiers », « les espaces pour bouger », « la participation », « protection des inondations ». Voir site de la chambre fédérale des architectes (Bundes Architekten Kammer) : https://www.bak.de/ Témoignage d'Henri Bava (Agence TER) qui exerce près de la moitié de son activité professionnelle outre-Rhin. Une partie des chiffres provient des données fournies par les sites des organismes de paysagistes, complétées par une étude comparative « les paysagistes dans le monde » Pierre Donadieu ­ Topia Démarches paysagères en Europe Page 39/173 74 75 76 Rapport n°010731-01 comptés, parfois non ; en Italie, le nombre de paysagistes en tant que tels est très faible, mais beaucoup de projets de paysage sont réalisés par des architectes, etc. État / Région (et organisation représentative) Allemagne (BAK) Nb de paysagistes diplômés Population Quota par habitants 7000 adhérents hors secteur public 2000 actifs (dont 650 à la FFP) 100 actifs sur 160 membres 154 paysagistes inscrits à l'ordre 83 M.hab. Un pour 12 000 hab. France (FFP) Irlande (Irish Landscape institute) Italie (ordre des architectes et des paysagistes) Pays-Bas (NVTL) Royaume-uni (Landscape institute) Suisse (FSAP) Belgique (ABJAP - BVTL) 67 M.hab. 4,7 M.hab. 62 M.hab. Un pour 33 000 hab. Un pour 47 000 hab. Un pour 400 000 hab. 800 inscrits au NVTL 4643 actifs sur 5391 membres 500 y compris secteur public 125 adhérents (total non connu) 17 M.hab. 65 M.hab. 8,4 M.hab. 11,4 M.hab. Un pour 21 000 hab. Un pour 14 000 hab. Un pour 16 000 hab. Un pour 91 000 hab. 3.3.2. La France pourrait s'inspirer des organisations pro-actives et structurées des organisations professionnelles dans les pays anglo-saxons. En France, depuis la loi du 8 août 2016, le titre de paysagiste-concepteur est reconnu, ce qui ne lui confère nullement un monopole dans les commandes publiques ou privées, mais identifie la nature particulière et autonome de la profession. La Fédération française du paysage (FFP) représente les paysagistes-concepteurs. Elle a pour mission « la promotion et le développement du paysage dans le cadre de vie ». Elle s'est mobilisée avec succès pour la reconnaissance de ce titre, mais sa représentativité est encore faible parmi les professionnels : son site internet77 précise en effet qu'elle « regroupe plus de 650 membres soit un professionnel sur trois ». (Il y a environ deux mille paysagistes dans notre pays, soit un pour 33.000 habitants). La Fédération présente une certaine faiblesse de moyens liée notamment à son déficit de représentativité, comparé à d'autres pays. Cela lui interdit de lancer par exemple l'équivalent des chantiers d'envergure du Landscape Institute outre-Manche en matière de prospective ou de promotion de l'approche paysagère, bien que ses dix fédérations régionales organisent des actions de promotion dynamiques. Au plan national, elle s'appuie sur Val'Hor78, dont elle est membre, pour organiser, tous les deux ans des « victoires du paysage » qui récompensent les conceptions originales. Même si elle compte dans ses rangs un pourcentage significatif de paysagistes du secteur public ou parapublic, la FFP est perçue comme prioritairement représentative des paysagistes libéraux. On trouve aussi, auprès des services centraux et déconcentrés de l'État, des paysagistes-conseils (PCE) recrutés parmi les paysagistes justifiant huit années d'exercice professionnel dans le secteur privé. A raison de deux jours par mois, ces 77 78 http://www.f-f-p.org/fr/ Val'hor est reconnue par l'État depuis 1998 comme l'Interprofession française de l'horticulture, de la fleuristerie et du paysage. Elle est constituée des organisations professionnelles représentatives des secteurs de la production, de la distribution et du commerce horticole, ainsi que du paysage et du jardin. cf. site http://www.valhor.fr/ Démarches paysagères en Europe Page 40/173 Rapport n°010731-01 auxiliaires du service public prodiguent conseils et formations aux services auprès desquels ils sont placés79. Ils sont regroupés en une association (APCE) qui compte 153 membres et mène des réflexions collectives sur les enjeux d'évolution du paysage français, à la demande ou non du ministère de tutelle. Il faut noter que seule une minorité de paysagistes-conseils de l'État est adhérente à la FFP. Le dispositif français, en matière de paysage, présente donc ici un point à améliorer : on ne peut mener de politique construite et structurée par une stratégie nationale que si les professionnels sont en mesure d'y apporter une contribution majeure : celle des spécialistes de la discipline. Loin de se borner à constater cette faiblesse, l'État doit trouver, avec la profession, les moyens d'une progressive montée en puissance. 3. Recommandation [à la DGALN] : Afin de démultiplier l'expertise paysagère sur le territoire, susciter la montée en puissance des organisations représentatives des paysagistes. 3.4. Systématiser l'éducation et la sensibilisation au paysage L'évolution contemporaine a conduit à reconnaître aux citoyens un droit à participer aux politiques du paysage. Or, l'affirmation de ce principe suppose une sensibilité des habitants au paysage et à la politique qui s'y rattache. La sensibilisation dès l'école à sa valeur et à sa compréhension conditionne l'efficacité de la participation citoyenne. Elle est complétée par des initiatives de diffusion des savoirs relatifs aux paysages et à leur évolution, qui accroissent les capacités de tous à les lire et à les comprendre. C'est d'ailleurs un des objectifs de la CEP . 3.4.1. L'école et l'apprentissage du paysage. L'article 6.B.c de la Convention (cf. supra 2.3.1.) engage en effet les États-parties à promouvoir le paysage dans les disciplines qui le concernent dans l'enseignement scolaire et universitaire. Parmi les cas étudiés, deux d'entre eux, la Catalogne et la Wallonie ont présenté à la mission des initiatives d'éducation au paysage. Une démarche comparable est prévue en Irlande. En Catalogne, l'Observatoire du paysage déploie une vaste activité de diffusion de la culture paysagère. Il a publié à destination des élèves de l'enseignement secondaire, un « kit d'éducation au paysage » mis au point avec des professeurs de différentes disciplines (géographie, sciences naturelles...) et envoyé à tous les collèges. Il prend la forme de huit planches d'illustrations représentatives des grands types de paysages catalans ; elles sont modifiables pour permettre aux élèves de travailler à leur interprétation. Des cahiers d'activité éducatives, un guide de l'enseignant et un site internet complètent le dispositif. Le projet, dénommé « Ville, territoire, paysage », présente une vision dynamique et évolutive du paysage en trois séquences : descriptif de la vue panoramique du territoire choisi ; comparaison avec la même vue il y a vingt ans ; débat sur le paysage imaginé (ou souhaité) dans vingt ans. Cette action est le résultat d'un partenariat entre l'Observatoire et différents ministères de la Catalogne (ministère de la politique territoriale et des travaux publics, ministère de l'éducation). La Wallonie offre aussi l'exemple d'initiatives novatrices en matière d'éducation au paysage dans le primaire comme dans le secondaire, où des dossiers pédagogiques sont fournis par des associations ou par la fondation rurale de Wallonie. Un livret pédagogique, destiné aux enfants de 8 à 12 ans intitulé « le rôle de l'agriculteur dans la 79 Une circulaire du 2 mai 2012 précise leur rôle et leur mission : circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/05/cir_35327.pdf Démarches paysagères en Europe Page 41/173 Rapport n°010731-01 gestion de nos paysages », a ainsi été édité, dans le cadre d'une action portant sur le territoire du Beau canton, dont les objectifs sont les suivants : approcher la définition du paysage et apprendre les bases de la lecture d'un paysage ; comprendre son évolution ; différencier ses acteurs (habitants, agriculteurs, pouvoirs publics) ; mettre l'accent sur l'importance des agriculteurs, acteurs du paysage. Une autre initiative a été lancée conjointement par l'institut d'éco-pédagogie et le laboratoire de méthodologies des sciences géographiques de l'Université de Liège. Il s'agit d'une méthode d'utilisation d'internet et des outils multimédias qui consiste à élaborer des « hyperpaysages » : à partir de paysages « déjà prêts », les élèves peuvent soit naviguer en leur sein, soit en concevoir de nouveaux. La méthode aborde deux domaines : la nature et l'aménagement du territoire. Son usage pédagogique a donné lieu à un guide à l'intention des enseignants du secondaire. En Irlande, l'éducation au paysage est en cours d'introduction dans les programmes du primaire et du secondaire dans le cadre des « classes vertes » (Greenschools) conformément aux dispositions de la stratégie nationale pour le paysage (action N°15). 3.4.2. La sensibilisation de tous les acteurs contribue à une application renforcée des politiques en matière de paysage. La sensibilisation au paysage consiste à mieux faire comprendre les relations qui existent entre les activités quotidiennes de chaque acteur et le milieu naturel, l'habitat et les infrastructures. Elle peut revêtir des formes très variées. En Catalogne, la diffusion de la culture paysagère est une activité importante de l'Observatoire du paysage. Il publie de nombreux ouvrages, organise de colloques sur des thèmes pionniers (par exemple, franges urbaines, paysages et santé, etc.). Il confectionne des dossiers « paysage » pour des revues grand public locales ou nationales. Il contribue à la formation des formateurs. Dans plusieurs pays étudiés, les organisations professionnelles participent activement à la diffusion de la culture du paysage. Au Royaume-Uni, le Landscape Institute produit des brochures thématiques autour du paysage 80. En Suisse la revue « ANTHOS » de la Fédération suisse des architectes-paysagistes (cf. supra 3.3.1.) touche l'ensemble des professions de l'aménagement. En Irlande, la sensibilisation au paysage constitue un objectif majeur de la stratégie nationale en cours de mise en oeuvre. Parmi les actions prévues figurent le développement de programmes d'information du public, des prix de paysages, le soutien aux initiatives de participation du public. Enfin, la Pologne a instauré en 2016 une « journée du paysage » à l'occasion de la date anniversaire de la signature de la CEP (20 octobre). La 9e Conférence de la Convention européenne du paysage en mars 2017 a décidé d'étendre cette initiative en faisant désormais du 20 octobre la Journée internationale du paysage du Conseil de l'Europe. 80 Par exemple Landscape and public health (Paysage et santé publique). Démarches paysagères en Europe Page 42/173 Rapport n°010731-01 3.4.3. Des initiatives françaises qui mériteraient d'être mieux identifiées. Les initiatives ne manquent pas en France, vers les scolaires, le grand public, les élus locaux, ou des publics plus spécialisés comme celui des aménageurs. En ce qui concerne les écoles et collèges, les animations comparables à celle notée ci-dessus en Wallonie sont nombreuses81. Mais il n'en existe pas de recensement, même partiel. À titre d'illustration, on peut citer deux exemples ponctuels : · Le secrétariat de la CEP a recensé un projet de sensibilisation au paysage, « 3KCL-Paysages culturels karstiques », mené dans les années 2000 entre l'Italie, la Slovénie et la France, qui a donné lieu à une diffusion de la culture paysagère entre des écoles de chaque État membre et les universités de Padoue et de Nice-Sophia-Antipolis82. · De même, l'ouvrage « Paysages de Midi-Pyrénées, de la connaissance au projet » publié en 2015 par la DREAL et l'Union régionale des CAUE relate-t-il 83 un exemple parmi d'autres, l'expérience « Portraits de paysages dans la vallée de l'Arize », destiné en priorité à un public scolaire (une centaine d'enfants de 8 à 12 ans) avec l'intervention d'un plasticien pour illustrer l'action de sensibilisation engagée. Vis-à-vis du grand public, l'outil de la photographie et très souvent utilisé : le ministère de l'environnement a lancé, dès 1991, un « Observatoire photographique national du paysage ». Les services de l'État associés aux collectivités territoriales ont mis en place dix-neuf « itinéraires photographiques » labellisés84. Des commanditaires locaux de ces itinéraires ­ notamment les PNR85 ­ organisent des expositions ou des mises en ligne dont l'impact est fort, par exemple la POPP-Breizh (plate-forme de l'observatoire des paysages de Bretagne)86. Enfin deux concours nationaux (1992 et 2013) ont fait appel aux citoyens pour photographier leur environnement paysager87. Les CAUE88 réalisent en outre nombre d'interventions à destination des élus locaux : expositions, parcours de lecture des paysages, cahiers de recommandations et guides d'aménagement. Les services déconcentrés de l'État, même si peu d'entre eux organisent effectivement la « journée paysage » prévue par la circulaire du 1er mars 2007, prennent toute leur place dans cette acculturation du public et des élus89. 81 Ainsi le CRDP (centre régional de documentation pédagogique) Midi-Pyrénées a-t-il publié en 2000 une brochure intitulée « 50 activités avec le paysage ». Description in « Facettes du Paysage, réflexions et propositions pour la mise en oeuvre de la CEP », Ed. Conseil de l'Europe, janvier 2012, contribution de Benedetta Castiglioni « l'éducation au paysage à l'école, pp 264-264. p.116 et suivantes. Parcours virtuels dans le paysage re-photographiés dans le temps avec même angle et même focale. Les parcs naturels régionaux (PNR) gèrent six itinéraires nationaux sur dix-neuf. http://popp.applis-bretagne.fr/ Le second concours, organisé par le ministère, à l'occasion des vingt ans de la Loi de 1993, s'est traduit par une vision tragique de nos paysages contemporains, où dominaient, sous un ciel pluvieux, les friches industrielles et les gares de triage... Conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement. Voir le bilan des enquêtes menées par le CGEDD auprès des DREAL et des DDT(M) dans le rapport de 2014 « Paysage et aménagement : propositions pour un plan d'action national » de 2014 déjà cité. Démarches paysagères en Europe Page 43/173 82 83 84 85 86 87 88 89 Rapport n°010731-01 S'ajoutent à ce panorama les deux grands réseaux d'éducation à l'environnement issus de la mouvance « école et nature » des années 70-80 : les Centres permanents d'initiatives pour l'environnement (CPIE) et le réseau GRAINE (Groupe régionaux d'animation pour la nature et l'environnement), le lien étant parfois établi, dans leurs animations, entre biodiversité et paysage autour du thème du jardin90. Vis-à-vis des aménageurs, les éléments de bilan sont à peu près inexistants : des sensibilisations au paysage sont organisées régulièrement par le réseau de formation du ministère de la transition écologique (les CVRH 91 notamment ainsi que les écoles d'ingénieurs et de techniciens) ou, de façon semble-t-il plus ponctuelle, pour la formation des fonctionnaires territoriaux (au CNFPT 92). Dans ce domaine, comme dans les formations destinées au secteur privé, une enquête complète serait nécessaire. D'autres initiatives dispersées sur le terrain contribuent à une sensibilisation de la population aux enjeux de la politique du paysage. Elles mériteraient d'être structurées et leurs résultats capitalisés : faute d'une vision d'ensemble de l'état des lieux, il n'est en effet possible de maîtriser ni les messages diffusés (vision évolutive ou plus tournée vers la nostalgie...), ni les priorités d'action, en fonction des manques identifiés. Lancer un tel chantier est donc de première importance, les plans d'action qui suivront pouvant être d'échelle nationale ou régionale (cf. recommandation n° 2). 4. Recommandation : Élaborer avec le ministre de l'Éducation nationale une politique de sensibilisation au paysage des scolaires, des populations, des maîtres d'ouvrages et des professionnels de l'aménagement à partir d'un bilan des initiatives existantes. 3.5. Le développement de politiques agro-paysagères L'agriculture et la forêt occupent à elles deux près des neuf dixièmes de notre territoire et l'agriculture à elle-seule plus de la moitié93. Le paysage agricole est donc un enjeu majeur pour la qualité de notre territoire quotidien : en montagne ou en plaine, près ou loin des métropoles, les acteurs agricoles ont une responsabilité dans la manière dont le paysage évolue et dont sa perception suscite adhésion, indifférence, ou polémique de la part de nos concitoyens comme de nos visiteurs étrangers. Or, les approches paysagères sont souvent perçues comme préludes à de nouvelles contraintes par une profession agricole qui a déjà des difficultés à s'adapter aux besoins contradictoires de la société94. Pourtant, la mission a décelé quatre exemples où agriculture et paysage ont engagé un dialogue fructueux aboutissant à des réalisations concrètes ou à des processus intégrateurs mutuellement avantageux. 90 Le CPIE « Bigorre-Pyrénées » de Bagnères-de-Bigorre a ainsi dans son catalogue d'activités une très intéressante fiche « lecture de paysage, un moment pédagogique fort » qui rappelle, par sa méthode, le kit catalan évoqué supra (à télécharger sur le site www.cpie65.fr). Centres de valorisation des ressources humaines du Ministère de la Transition écologique et solidaire. Centre national de la fonction publique territoriale. Selon une étude d'Agreste, le service statistique du ministère en charge de l'agriculture, les paysages agricoles recouvrent plus de 282 000 km², soit 51% des surfaces totales de la France métropolitaine ­ deux tiers cultivés, un tiers en herbe ­ pour 40% de sols « naturels » (forêts ­ 30 % du total ­ landes, garrigues...) et 9% des sols artificialisés, en progression. Source : www.http://agriculture.gouv.fr/agriculture-et-foret/quelle-part-du-territoire-francais-est-occupee-parl'agriculture, 29/10/2014. Il suffit de se reporter aux débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de l'article 171 (consacré aux « objectifs de qualité paysagère ») de la loi « Biodiversité » du 8 août 2016. Démarches paysagères en Europe Page 44/173 91 92 93 94 Rapport n°010731-01 « Une partie de plaine agricole en fort contact avec l'urbanisation » Parc agricole sud de Milan ­ Photo JLC Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 45/173 3.5.1. Quatre références européennes A. La Suisse Une politique agricole confédérale s'est mise en place, à partir des années 9095, fondée notamment sur un système de « paiements directs » aux exploitants, en contrepartie de « prestations écologiques requises ». On note deux dispositifs à fort effet paysager : les « bordures tampon », où l'usage des pesticides est prohibé, le long des cours d'eau, des haies et des lisières forestières, ce qui conforte les structures paysagères concernées ; la rotation obligatoire des cultures, avec un minimum de quatre productions par exploitation qui a une incidence directe sur la taille des parcelles et conserve au paysage rural suisse un aspect voulu de mosaïque agricole. Plus intéressant encore, l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) a mis en place un programme 2014-2017 de « projets de contribution à la qualité du paysage ». Il s'agit, sur des entités paysagères homogènes, d'établir collectivement un programme cohérent de « maintien, promotion et développement des caractéristiques paysagères spécifiques ». L'initiative de la démarche appartient à un groupement local animé par une commune, par un parc régional ou par un groupe d'agriculteurs. Le programme couvre d'ores et déjà 35 000 exploitations (66 % des fermes ). Le succès et l'adhésion ont dépassé toutes les prévisions puisque sur les 150 millions de Francs Suisses du programme pluriannuel96, 125 ont déjà été engagés. B. L'Irlande Dans 25 uplands97, des projets de répartition optimale de la « boîte verte » de la PAC ont donné lieu à une approche paysagère d'initiative locale (community-led) du développement rural. Les animateurs de chacun de ces territoires ont mobilisé la société locale y compris les agriculteurs, au service d'un développement, notamment agricole et pastoral, adapté au caractère propre de chaque territoire. Parmi les enjeux traités figurent la compatibilité entre les activités récréatives ou touristiques et la mise en valeur pastorale : mise en place locale de réseaux de sentiers « durables » (c'est-à-dire non perturbants pour l'économie pastorale, par exemple contrôle de la divagation des chiens) ; promotion de produits et de services agricoles « du 21e siècle » (y compris énergie renouvelable98, service d'accueil, produits alimentaires locaux, éducation à l'environnement...). C. L'Italie Institué par une loi de la Région Lombardie de 1990, le parc Agricole Sud Milan couvre 47 000 ha de zones agricoles et forestières. Il gère avant tout des autorisations de 95 A la suite d'une « votation » citoyenne, et malgré l'opposition du monde rural : depuis 1996, l'article 104 de la constitution fédérale proclame le caractère multifonctionnel de l'agriculture : « La confédération veille à ce que l'agriculture [...] contribue substantiellement : à la sécurité de l'approvisionnement de la population ; à la conservation des ressources naturelles et à l'entretien du paysage rural ». Soit 5 % du total du budget de l'agriculture de la confédération, qui s'élève à 3Mds de Francs suisses. Dans cette île peu montagneuse qu'est l'Irlande, les Uplands sont les territoires situés au-dessus de 150m dont les points culminants dépassent 300m d'altitude. Ils totalisent 14 % de la surface totale de l'île, mais ne regroupent que 2% de sa population, en rapide déclin sur des terres qui ne répondent pas aux standards qui fondent la politique agricole européenne. Par exemple, la mise en valeur des « puits de carbone » que constituent les tourbières. Démarches paysagères en Europe Page 46/173 96 97 98 Rapport n°010731-01 travaux via une commission ad hoc, en fonction d'un zonage qui définit ce qu'il est possible de faire sur des secteurs à valeur patrimoniale, architecturale et paysagère. Cette gestion centralisée, citadine, parfois conflictuelle, est depuis peu pondérée par des initiatives locales, comme le Parc des rizières (Parco delle risaie) créé en 2008 par un groupe de résidents et d'agriculteurs, afin de préserver et d'améliorer cette partie de la plaine rizicole en fort contact avec l'urbanisation, à la fois dans sa fonction productive et pour favoriser l'accueil et le tourisme rural. Les circuits courts vers la ville ont cru en 10 ans, via les marchés ou des groupes d'achats solidaires. Outre cet exemple positif de lien paysage-agriculture, la visite du parc du Tessin 99 a permis d'observer une méthode efficace d'approche des acteurs agricoles pour multiplier ce type de lien. L'acquisition de la confiance y a été obtenue d'abord en résolvant leurs problèmes immédiats, puis en les aidant à monter des projets économiquement viables. Une fois ces deux étapes accomplies, on a pu faire prendre conscience que les alignements d'arbres, les haies, la rotation des cultures, ou le maintien d'un parcellaire assez réduit créent, s'ils sont bien gérés, un paysage et un environnement qui présentent un intérêt économique et touristique100. D. La Belgique / Wallonie C'est le même type d'approche qui a été décrit à la mission lors de sa rencontre, à Bruxelles, avec un responsable du Parc naturel des plaines de l'Escaut101. Le parc mène en effet une politique active vis-à-vis de cette population sensible que sont les agriculteurs : le sixième point de son plan d'action s'intitule « le paysage, pour une image restaurée des agriculteurs » : il s'agit d'aider à leur intégration sociale, notamment en les rapprochant des néo-ruraux qui leur sont parfois hostiles. Le parc affirme ainsi que « le projet agricole prime » dans les démarches entreprises. 3.5.2. Vers des démarches agro-paysagères en France En dépit de la méfiance qui marque les relations entre agriculture et paysage en France, les tentatives de mise en liaison ne sont pas absentes : dès les années 90 des corrélations étaient établies entre qualité des paysages et qualité des produits agricoles (avec le territoire pionnier du Beaufortin, puis la quarantaine de sites labellisés « paysages de reconquête »102). Plus récemment, dans les années 2000, la Fédération nationale des SAFER a initié un « Manifeste pour les paysages » qui a regroupé l'ensemble des parties prenantes bien au-delà des acteurs du monde rural. Dans le même élan, la Fédération nationale des CAUE lançait des rencontres biennales « paysage et agriculture » qui continuent d'être aujourd'hui de précieux lieux d'échanges. De son côté le Ministère de l'agriculture 99 Situé à une quarantaine de kilomètres à l'ouest de Milan, le parc adopte une forme linéaire nord-sud qui suit la rivière du Tessin, affluent du Pô. Il a été créé en 1974 pour protéger les milieux naturels de la vallée contre l'urbanisation. Par exemple, l'organisation de filières de vente directe dans un secteur où toute la production rizicole était autrefois vendue aux grandes rizeries a permis de montrer que les baisses de production de riz engendrées par la plantation de haies étaient largement compensées par les prix en vente directe. Parc limitrophe de notre PNR Scarpe-Escaut, avec lequel il coopère régulièrement. A noter que dans les parcs naturels de la Région Wallonie, des « programmes paysages » sont obligatoires. Lucette Laurens, géographe, en établit en 1997 le bilan dans la revue « Natures, sciences, société » : https://www.nss-journal.org/articles/nss/pdf/1997/02/nss19970502p45.pdf Démarches paysagères en Europe Page 47/173 100 101 102 Rapport n°010731-01 lançait des plans paysagers d'aménagement foncier agricoles et forestiers (AFAF) qui n'ont malheureusement pas été poursuivis103. Aujourd'hui, la loi d'avenir pour l'agriculture de 2014 ne mentionne la « préservation des paysages » que parmi une quinzaine d'objectifs nationaux. La Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises, au ministère de l'agriculture, ne se consacre que très marginalement aux politiques agro-paysagères, elle dispose toutefois d'un siège au comité de pilotage paysage national présidé par le DGALN. Enfin, le 29 juin 2015 le bureau du paysage a consacré une de ses journées trimestrielles d'animation au thème «agriculture et paysage », au ministère de l'Agriculture104. Ces actions mériteraient une vue d'ensemble, une impulsion politique et une réelle coordination. Les deux ministères concernés auraient donc intérêt à diligenter, sous le timbre de leurs inspections générales respectives, une enquête croisée sur l'histoire récente et les initiatives actuelles dans ce domaine, afin d'initier un véritable plan d'action pluriannuel : accompagnement facilitateur du tournant agro-écologique que prend aujourd'hui l'agriculture française, complémentarités agriculture-urbanisation qui prennent progressivement le pas sur l'antagonisme ancien entre ville et campagne105. 5. Recommandation : Proposer au ministre de l'Agriculture et de l'alimentation l'engagement d'une mission conjointe CGEDD-CGAER en vue de l'élaboration d'un plan d'action agriculture et paysage, visant une gestion qualitative de l'espace agricole et sa bonne complémentarité avec l'espace urbanisé. 3.6. Aller au-delà de la trame verte et bleue : des usages multiples pour les espaces ouverts agricoles, naturels et urbains En 2013, la Commission européenne a défini une stratégie pour l'infrastructure verte qui préconise son intégration dans les politiques de l'UE afin qu'elle devienne une composante intégrée de l'aménagement du territoire. Cette stratégie s'ancre dans celle en faveur de la biodiversité, mais va bien au-delà de sa préservation. L'infrastructure verte est définie comme « un réseau constitué de zones naturelles et semi-naturelles et d'autres éléments environnementaux faisant l'objet d'une planification stratégique, conçu et géré aux fins de la production d'une large gamme de services écosystémiques. Il intègre des espaces verts ou aquatiques et d'autres éléments physiques des zones terrestres, côtières et marines. À terre, l'infrastructure verte se retrouve en milieu rural ou urbain »106. Cette approche novatrice de l'aménagement de l'espace aborde le paysage dans sa globalité, non en vue d'un usage particulier. Cette démarche permet de mettre en oeuvre des actions qui relèvent de plusieurs politiques sectorielles (agriculture, tourisme, transports, prévention des risques naturels, amélioration du cadre de vie, loisirs...) en partant des données et des démarches paysagères. 103 Leur ancien promoteur au Ministère de l'agriculture, Régis Ambroise, vient de publier aux éditions « Educagri » une brochure intitulée « Agriculture et paysage, pour le meilleur » qui reprend et développe l'acquis de ces démarches. http://editions.educagri.fr/livres/4858-paysage-et-agriculturepour-le-meilleur-.html Actes téléchargeables: http://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/R%C3%A9sum %C3%A9s%20des%20interventions%20%28journ%C3%A9e%20des%20paysages%20du %2029%20juin%202015%29.pdf De « l'empiétement de la ville sur les terres arables » aux services d'alimentation et de délassement rendus par la « campagne » à la ville limitrophe. Voir le communiqué de la Commission européenne en date du 6 mai 2013, et la brochure explicative téléchargeable avec le lien http://ec.europa.eu/environment/pubs/pdf/factsheets/green_infra/fr.pdf Démarches paysagères en Europe Page 48/173 104 105 106 Rapport n°010731-01 3.6.1. L'expérience anglaise : une démarche d'infrastructure verte élargie prônant avec efficacité la multifonctionnalité des espaces ouverts. Actuellement, l'Angleterre offre une expérience intéressante de la mise en oeuvre de l'« infrastructure verte » (Green infrastructure / GI) / trame verte à partir d'une approche paysagère. L'approfondissement de cette question a été central lors de la visite de la mission dans ce pays. Dès 2008, l'outil « GI » est mentionné dans les documents stratégiques nationaux de planification. Sa définition se rapproche de celle de la Commission européenne. La démarche s'appuie sur la conception multifonctionnelle de l'infrastructure verte. Ainsi, dans le National planning policy framework, l'accent est mis sur la nécessité d'un usage multifonctionnel du foncier. Ce « cadrage national », qui s'impose aux autorités locales en matière de planification et d'aménagement, prévoit que la planification doit promouvoir, sur les espaces ouverts, des aménagements à usages mixtes et favoriser les retombées multiples (environnementales, sociales et économiques). Cet outil de planification contribue à la protection de la santé et à l'amélioration du bien-être des populations tout en protégeant les sites qu'elle englobe. Cette démarche a reçu le soutien actif du Landscape Institute déjà évoqué (qui l'a même sans doute inspirée). Plusieurs illustrations de cette démarche ont été présentées à la mission. Des expériences ont été menées à Bristol et à Sheffield. Dans cette dernière ville, la GI a permis la réalisation de bassins d'expansion des crues qui ont en même temps le caractère de parcs publics. La démarche se révèle aussi efficace lors de la restauration de territoires dégradés ou affectés par la désindustrialisation. Ainsi, Birmingham a été requalifiée à partir de l'aménagement des berges de ses canaux, tandis qu'à Stoke-onTrent, les anciennes voies ferrées ont servi de fil directeur à la remise à niveau du territoire urbain. Nos interlocuteurs ont souligné que la démarche de GI dans la planification est prise en compte de manière active lors de l'élaboration des plans locaux. Cependant, tous s'accordent sur le fait que sa mise en oeuvre suppose une coordination de l'ensemble des parties prenantes du projet assurée par l'autorité planificatrice (comté, district, neighbourhood). Cette coordination doit intervenir dès la conception du projet et en vue de sa gestion. Chargée en première ligne du suivi de la mise en oeuvre de cette infrastructure verte, l'agence Natural England107 a intégré en son sein une équipe dynamique et motivée de landscape architects qui conçoivent et diffusent les outils méthodologiques appropriés pour assurer cette pertinente multifonctionnalité de la trame. La nouvelle Agence française pour la biodiversité (AFB) ne possède pas de compétences équivalentes. 3.6.2. Une expérience qui tend à se développer dans d'autres pays voisins. En Allemagne, la fédération allemande des professionnels du paysage (Bund Deutscher Landschaftsarchitekten), dans un document daté de 2014108, défend l'infrastructure verte comme une opportunité en faveur de la planification. Son approche est 107 L'agence se définit comme suit : « We're the government's adviser for the natural environment in England, helping to protect England's nature and landscapes for people to enjoy and for the services they provide. » (nous conseillons le gouvernement en matière d'environnement naturel, contribuant à la protection de la nature et du paysage pour les prestations qu'ils rendent et pour l'agrément de tous). https://www.gov.uk/government/organisations/natural-england/about Démarches paysagères en Europe Page 49/173 Rapport n°010731-01 comparable à la démarche anglaise. Elle considère qu'il devient opportun d'aborder les fonctions sociale et écologique du paysage dans un contexte élargi. Elle entend se placer sur le devant du débat public. Dans les zones à forte densité de population, l'infrastructure verte offre une réponse aux besoins, en organisant la multifonctionnalité de l'espace. En Suisse, l'Office Fédéral de l'Environnement (OFEV) développe un concept de « prestations paysagères » qui s'apparente lui aussi à l'idée de pluri-fonctionnalité des espaces développée outre-Manche : « Les prestations du paysage désignent des fonctions du paysage utiles à l'homme (par exemple facteur économique, avantage territorial, patrimoine culturel, source d'identité, de détente et de santé) ; ces prestations comprennent aussi le support indispensable que représente le paysage pour la biodiversité et la régénération des ressources naturelles. » 109. 3.6.3. En France, une évolution de la Trame verte et bleue devient nécessaire. À la différence de l'Angleterre et de l'Allemagne, la France a choisi une conception restreinte du concept d'infrastructure verte essentiellement centrée sur la protection de la biodiversité : la Trame verte et bleue (TVB). Les lois Grenelle de 2009 et 2010 auraient pu faire des continuités écologiques un enjeu pour l'aménagement durable du territoire mais la TVB française a eu pour seul objectif d' « enrayer la perte de biodiversité », même si elle « contribue à [...] améliorer la qualité et la diversité des paysages », tout en « prenant en compte les activités humaines »110. La TVB s'affirme comme une politique sectorielle et verticale. Il en résulte une conception restreinte et fonctionnelle du foncier et une adhésion des acteurs locaux incertaine, au-delà de la prise en compte ­ souvent a minima ­ des « corridors » et « réservoirs » de biodiversité dans les documents d'urbanisme. Or, l'infrastructure verte, telle que conçue par l'Union européenne et mise en oeuvre ou envisagée dans quelques pays, n'est pas une politique mais un outil au service d'une politique d'aménagement, de programmation et de planification, véritable armature territoriale qui s'appuie sur l'approche paysagère des espaces ouverts. Cet outil offre la possibilité d'une conception et d'une gestion coordonnée de l'aménagement d'un espace. On trouve cependant en France des initiatives locales, mises en valeur et en réseau par l'actuel chef de projet TVB à la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), qui ont esquissé une approche coordonnée et multifonctionnelle du paysage. Ainsi, la charte internationale de Fontevraud111 tout en prônant la protection et la valorisation des paysages viticoles, élargit aux activités touristiques et à la connaissance patrimoniale et écologique les actions de gestion des territoires considérés. 108 In Green Infrastructure - a future topic in landscape architecture, Till Rehwaldt, président de la Fédération des Architectes-paysagistes allemands, BDLA - Bund Deutscher Landschaftsarchitekten, Berlin, 17 juillet 2014. In Stratégie Paysage de l'OFEV, Berne Octobre 2011, glossaire p. 25 https://www.bafu.admin.ch/.../landschaftsstrategiebafu.../strategie_paysagedelofev.pdf Loi du 12 Juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, article 122. Voir son descriptif sur le site de l'institut français de la vigne et du http://www.vignevin.com/recherche/territoires/paysages-viticoles/reseau-international-paysagesviticoles.html Démarches paysagères en Europe 109 110 111 vin : Rapport n°010731-01 Page 50/173 De même, l'expérience du « triangle vert de l'Essonne »112 illustre une volonté de coordination des acteurs sur un territoire donné dans le souci de parvenir à une conciliation des usages. Ce projet agri-urbain s'est fixé pour objectif d'assurer le maintien de l'activité agricole, de valoriser et mettre à profit la proximité urbaine et favoriser ainsi le développement d'activités économique et sociale nouvelles. Enfin, le projet s'emploie à faire reconnaître la valeur nourricière, mais aussi culturelle, paysagère et récréative du territoire. En France, la démarche de « corridor écologique » ou « trame verte et bleue » mériterait donc d'être développée et étendue à une véritable approche multifonctionnelle du paysage. Il s'agirait donc, tout en préservant la biodiversité, de limiter l'espace « artificialisé» dans une perspective de développement durable, de prendre en compte des effets du changement climatique (notamment les risques naturels induits) et des aspirations des citoyens à une amélioration de leur cadre de vie, rural et urbain et de leur vie quotidienne. Le récent rapport commandé par la DGALN à l'Association des paysagistes-conseils de l'État (APCE) préconise le recrutement d'équipes pluridisciplinaires pour élaborer ou réviser ces trames à l'échelon régional ou local 113. Il ne va pas toutefois jusqu'à affirmer la multifonctionnalité de ces espaces ou le lien ville-campagne qu'ils peuvent représenter, comme c'est aujourd'hui le cas dans les expériences d'outre-Manche ou comme le suggère la Commission européenne. Il faut donc utiliser l'approche paysagère pour aller plus loin. 6. Recommandation [à la DGALN] : Élargir la Trame verte et bleue au-delà de la biodiversité à une approche territoriale multifonctionnelle structurant le paysage rural et urbain. 3.7. Vers une approche paysagère de la planification urbaine Parce qu'il décrit à la fois le substrat physique et la logique des établissements humains sur un territoire, le paysage peut être le guide des démarches de planification spatiale et le vecteur d'adhésion des populations et acteurs concernés. Pourtant, les documents d'urbanisme réduisent souvent l'approche paysagère à un simple « volet » dédié aux éléments patrimoniaux et à la végétalisation des villes ou des villages. La connaissance paysagère est pourtant largement développée dans des atlas départementaux qui couvrent aujourd'hui neuf départements sur dix114; elle est parfois déclinée dans les projets d'aménagement et de développement durable (PADD) des SCOT ou PLU ; mais elle est peu souvent traduite dans les éléments prescriptifs ou opérationnels des documents d''urbanisme. La centaine de « plans de paysage » aujourd'hui en cours ne contredit pas ce constat : la connaissance paysagère, très avancée en France, est trop rarement le fil directeur de l'aménagement. Là encore, les pays voisins nous fournissent des références utiles pour renforcer l'usage de cette approche dans l'acte planificateur. 112 Développé à partir de 2003, sous l'impulsion notamment du paysagiste Thierry Laverne, par ailleurs élu local. http://www.trianglevert.org/ Voir à cet égard, le très intéressant rapport commandé par la DGALN à l'Association des Paysagistesconseils de l'État (APCE). Il été rendu en 2016 et est téléchargeable avec le lien suivant : http://www.paysagistes-conseils.org/sites/apce/files/contenus/rapport_ptvb_11_02_2017_0.pdf Même si leur actualisation serait parfois nécessaire et leur diffusion largement perfectible, ces atlas sont aujourd'hui un potentiel d'information précieux pour les planificateurs. Démarches paysagères en Europe Page 51/173 113 114 Rapport n°010731-01 3.7.1. Cinq références européennes : A. La Catalogne Dans cette communauté autonome, les « catalogues », déjà cités, qui « déterminent la typologie des paysages de Catalogne et identifient leurs valeurs », proposent également « les objectifs de qualité à atteindre »115. Ceux-ci doivent être transcrits en obligations juridiques sous la forme de directrius dans chacune des vigueries116 ; échelons stratégiques de l'aménagement de l'espace, les sept vigueries catalanes disposent d'un « plan territorial partiel » approuvé par la Generalitat et les 41 comarques (cantons) d'un « plan directeur territorial » compatible avec cette norme. Enfin l'échelle municipale est l'objet de Plans d'ordenacio urbanistics municipals (POUM) ­ comparables à nos PLU ­ qui doivent aussi respecter la norme supérieure. Les objectifs de qualité, inclus dans l'équivalent de nos atlas, sont donc directement transcrits en normes paysagères dans ce qui ressemble à un SCoT. En deçà de cette échelle, toutefois, on ne peut compter que sur le lien de compatibilité entre normes de planification urbaines de droit commun, sans que des structures et éléments de paysages d'une commune ou d'un canton soient assurées d'être réellement prises en compte. Ce sont les « chartes de paysages », volontaires, qui prennent alors le relais. B. La Suisse En matière d'aménagement de l'espace, ce pays n'est décentralisé qu'en apparence : chaque canton adopte certes un « plan directeur », mais celui-ci doit être approuvé par la Confédération. Ces plans directeurs ont « force obligatoire pour les autorités » et en particulier pour les plans d'affectation communaux (équivalents de nos PLU). Selon les cantons une « Conception d'évolution du paysage »117 peut être mise en oeuvre dans le cadre d'un plan d'affectation, ou même parfois d'un plan directeur. « Au point de vue juridique », lit-on sur le site de l'OFEV, « la Conception d'évolution du paysage représente une base pour la planification ». L'Office anime une plate-forme interactive d'échanges d'informations pour le développement de cette démarche. Cette plate-forme répertorie quelques 55 « Conceptions » ou LEK118 en cours ou achevées. Annexée au plan directeur de ce canton, la « Conception » du Jura, finalisée en 2010, n'est pas un document opérationnel, mais une méthodologie obligatoire, une « directive à l'attention des autorités communales ». Il y est écrit que les communes « doivent élaborer une Conception dans le cadre de la révision de leur plan d'aménagement local ». il ne peut donc y avoir de révision du plan sans lancement simultané d'une telle Conception. 115 116 Selon la « Llei del païsatge » du 8 juin 2005 déjà mentionnée. Deux seulement sont approuvées à ce jour. Certaines directives « provisoires » sont toutefois appliquées par anticipation. « Esquisse, juridiquement non contraignante, de l'évolution souhaitée du paysage, en vue de son utilisation durable et de sa mise en valeur écologique et esthétique » selon les lignes directrices diffusées par l'Office Fédéral de l'environnement (OFEV) à leur sujet (Annexe fiche-action AFBE06 NE7) : En allemand Landschafts entwicklungs konzept, LEK. Démarches paysagères en Europe Page 52/173 117 118 Rapport n°010731-01 C. Les Pays-Bas Dans ce pays les régions, intercommunalités et municipalités peuvent mettre en place des plans de développement du paysage (Landschapsontwikkelingsplan, LOP), destinés à encadrer les constructions et aménagements nouveaux. Leur réalisation est toutefois volontaire, à l'initiative des municipalités, des groupements de communes ou des régions. Leur développement a été encouragé par des subventions gouvernementales ; douze LOP sont en cours d'études ou de mise en oeuvre. L'articulation est forte avec les plans de zonage, les LOP doivent obligatoirement être le fondement des orientations du document local de planification, et le cas échéant, en constituer une partie intégrante. Il y a bien volontariat, mais au sein de celui-ci, obligation de transcription juridique des objectifs et des éléments opérationnels arrêtés. En outre, l'exécution des plans est assurée par un Landschapscoördinator (coordinateur de paysage119), chargé de cette transposition, et du suivi des réalisations. D. La Grande-Bretagne La gestion des paysages non protégés est assurée dans le cadre du national policy planning framework (NPPF). Les plans locaux (356 autorités locales sont en charge de planification) sont examinés par des agents de l'État (planning inspectors), qui se prononcent sur la régularité du plan local qui leur est soumis, avec appel à l'arbitrage du ministre en cas de désaccord. Parmi les critères d'appréciation figurent la prise en compte du Landscape Character Assessment (LCA) déjà évoqué (cf. supra 2.1.2.)120. La valeur d'un paysage peut donc fonder un refus d'approbation du plan ou d'autorisation d'aménagement. De plus, à l'occasion de l'élaboration d'un plan local d'aménagement, un bilan paysager (landscape evidence) s'appuie sur la LCA qui décrit le paysage et en suit les évolutions. E. L'Allemagne L'Allemagne met en oeuvre une vision assez descriptive du paysage, par typologies et zonages, avec de nombreuses cartes thématiques, beaucoup plus facile à quantifier et à inclure dans la planification. La méthodologie est très cadrée, la plupart des Länder ayant publié des méthodes d'élaboration des plans d'aménagement paysager, ce qui harmonise les contenus et les procédures à l'intérieur de chaque Land. Selon la loi fédérale, les documents de planification paysagère de chaque niveau territorial doivent être intégrés aux planifications territoriales et urbaines des niveaux correspondants, accordant à la planification paysagère la valeur et les effets juridiques de la planification territoriale. Cette intégration se fait soit par « intégration primaire », les outils paysagers étant conçus directement comme partie intégrante des plans urbains et territoriaux (Rhénanie-Palatinat, Bavière, Hesse), soit par « intégration secondaire », via un processus de pondération et d'évaluation (Bade-Wurtenberg, Schleswig-Holstein, Sarre). 119 Ces agents sont des professionnels privés sous contrat d'étude par les collectivités ou organismes porteurs. Rappelons la carte nationale de qualification des paysages dressée et mise en ligne en septembre 2014 (National Character Areas Profiles corporate report). Démarches paysagères en Europe Page 53/173 120 Rapport n°010731-01 L'ancienneté des politiques de protection et de gestion du paysage, le système hiérarchisé, le fait que le gouvernement fédéral subventionne l'élaboration et la mise en oeuvre des plans d'aménagement paysager, contribuent à garantir la cohérence des politiques et le respect des objectifs de qualité paysagère sur tout le territoire. La participation citoyenne à l'élaboration des documents conforte l'ensemble. 3.7.2. Vers une continuité entre connaissance du paysage et approche paysagère de la planification La continuité entre connaissance du paysage, normes et actions planificatrices, semble donc plus affirmée chez nos voisins que chez nous. En France, l'atlas de paysage a été récemment défini de manière limitative dans la loi du 8 août 2016121 comme un « document de connaissance qui a pour objet d'identifier, de caractériser et de qualifier les paysages du territoire départemental », à l'inverse de ce qui vient d'être rappelé pour son équivalent catalan (et de ce qui avait été vu précédemment concernant la Wallonie). Introduire une formulation d'objectifs de qualité paysagère dans les atlas, ce serait leur donner une dimension de guide pour les actions futures, déclinable par exemple dans les trois à dix SCoT que pourrait compter à terme chaque département122. Plusieurs atlas se sont d'ailleurs déjà dotés d'objectifs de qualité, tel celui de Meurthe et Moselle, élaboré en 2003, ou l'atlas « pratique » des paysages d'Auvergne, mis en ligne en 2014. Dans ce même objectif de continuité connaissance-action, on peut observer que la France se situe dans la moyenne en matière de couverture du territoire, rapportée à sa superficie, des démarches de type « plans de paysage »123 que l'on a rencontrées en Catalogne (« Cartas »), en Suisse (Cep ou LEK) ou aux Pays-Bas (LOP). Toutefois on a observé dans ce dernier cas que si de telles démarches relèvent du volontariat des collectivités locales, dès lors qu'elles sont menées, leurs résultats s'imposent, en termes juridiques et opérationnels, aux documents de planification correspondant aux échelles de projet. Il y a là une piste de progrès à explorer pour assurer la pérennité des démarches locales tributaires des alternances politiques. Une troisième piste de progrès dans cette recherche de continuité pourrait s'inspirer des exemples du Jura Suisse et de la Grande-Bretagne : les premiers imposent l'approche paysagère comme fil directeur de la planification, les seconds vérifient au stade de l'approbation du document la prise en compte des LCA (atlas) dans les orientations du plan d'urbanisme. Certes, l'esprit de notre code de l'urbanisme est celui d'une large décentralisation, alors que les pratiques suisses ou anglaises relèvent d'une logique de tutelle, surprenante mais effective dans ces pays. En revanche, notre code fixe bel et bien le cadre général, c'est-à-dire le langage commun, juridique et pratique de chacun des documents. 121 Nouvel article L. 350-1 B du Code de l'Environnement introduit par l'article 171 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016. Voir à cet égard le rapport du CGEDD N°010656-01, avril 2017, « quelles évolutions pour les schémas de cohérence territoriale » de Ruth Marques, François Duval et Philippe Iselin. La circulaire du 21 mars 1995 en donne la définition suivante : « Un plan de paysage est un dispositif contractuel, élaboré conjointement par l'État et les collectivités territoriales concernées. Il n'a pas de valeur réglementaire. Son élaboration comprend trois étapes : un diagnostic paysager, l'élaboration d'un projet exprimant à la fois des objectifs généraux de préservation et d'évolution du paysage et un programme d'actions en faveur du paysage qui peuvent être réglementaires, opérationnelles, pédagogiques... » Démarches paysagères en Europe Page 54/173 122 123 Rapport n°010731-01 C'est sans doute dans ce cadre (de méthode plus que de contrôle) que réside la capacité d'opérer la continuité recherchée entre une connaissance abondante et une mise en oeuvre pratique insuffisante des objectifs paysagers dans nos SCoT et PLU. De ce point de vue la piste d'« Orientations d'aménagement et de programmation » (OAP)124 transversales consacrées au paysage devrait être explorée125 : il s'agirait de faire le lien entre l'analyse sensible du territoire, souvent présente, comme on l'a vu, dans les rapports de présentations ou les PADD, et les parties juridiques opposables, où elle est rarement transcrite. Documents de projets, véritables guides à la fois pour les règlements de zones et pour les opérations d'aménagement, des OAP-paysages seraient ainsi le « chaînon manquant » dans le continuité recherchée126. 7. Recommandation [à la DGALN] : Assurer la continuité entre connaissance et action dans les démarches paysagères, en prenant mieux en compte les orientations issues des atlas de paysage dans les documents de planification, et en particulier en prévoyant l'introduction dans les PLU(i) d'une OAP-paysage transversale fondée sur les enjeux identifiés dans les atlas de paysage. 3.8. Une participation du public à conforter 3.8.1. Le paysage « perçu par les populations » dans la CEP : La Convention aborde la question de la participation de la société civile aux politiques paysagères à plusieurs niveaux127 : au niveau de la définition du paysage ­ elle remplace la subjectivité individuelle inhérente aux définitions classiques par l'expression d'une perception partagée : « partie de territoire telle que perçue par les populations » ­ mais aussi aux niveaux de la connaissance et de la qualification des paysages128. Elle évoque la définition des politiques publiques et la mise en oeuvre des projets en inscrivant, parmi les mesures visant la protection, la gestion et l'aménagement des paysages, la mise en place « des procédures de participation du public, des autorités locales et régionales, et des autres acteurs concernés par la conception et la réalisation des politiques du paysage ».129 Elle touche donc au champ de la participation citoyenne. Cette question, qui émerge à la fin des années 60, est de plus en plus sensible avec la remise en cause actuelle de la représentation politique et la revendication d'une participation de la société civile à la gouvernance, face à la mondialisation et au poids des lobbies ; cette demande se heurte souvent à la résistance des élus ­ les processus étant difficiles à maîtriser et 124 instaurées par la loi du 12 juillet 2010 dite loi Grenelle 2, les OAP exposent la manière dont la collectivité souhaite mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager des quartiers ou des secteurs de son territoire. L'article R 151-6 du Code de l'Urbanisme complète les attendus des « OAP sectorielles » en y introduisant un objectif d'insertion architecturale, urbaine et paysagère de ces secteurs. Il s'agit là d'une amorce intéressante. L'agglomération grenobloise (par ailleurs lauréate du dernier appel à projets « plans de paysage »), met en place une telle démarche, pour laquelle elle vient de recruter un maître d'oeuvre. Elle contribue en cela à l'émergence de ce principe dans les conventions internationales sur l'information et la participation du public : Convention d'Aarhus adoptée en 1998 et transposée depuis dans l'ordre juridique européen, processus d'évaluation environnementale de l'Union européenne qui couvre les aspects paysagers. Article 6C.1.b. de la Convention : [chaque partie s'engage] « à qualifier les paysages identifiés en tenant compte des valeurs particulières qui leur sont attribuées par les acteurs et les populations concernées. » Article 5c de la Convention. Démarches paysagères en Europe Page 55/173 125 126 127 128 129 Rapport n°010731-01 trop lents pour les cycles électoraux ­ et à celle des experts, réticents devant le « savoir citoyen ». Le Conseil de l'Europe est à l'origine de nombreux séminaires et publications 130 sur le thème de la participation dans différents États. Sur le paysage, il a mené dès 2008 différentes enquêtes dans les États parties pour s'assurer que la notion de « public » correspondait aux termes de la Convention, et étudier où intervenait la participation. Elle a abouti à plusieurs constats131 : a) la notion de « public » est encore disparate. Or, son acception conditionne l'efficacité de la participation. Pour la Convention, la participation concerne le public en général, sans avoir à justifier d'un intérêt juridiquement identifié 132. Dans certains États, le public s'entend des particuliers (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas...). Pour d'autres, le public désigne les autorités régionales et locales, acteurs institutionnels de la politique du paysage. En Espagne, les régions doivent consulter les intérêts sociaux (entrepreneurs, syndicats, associations environnementales) et les intérêts institutionnels, b) l'efficacité du dispositif dépend du stade et des modalités de la participation. Il ne semble pas exister de principe de participation dans le domaine spécifique du paysage. Elle est prévue dans des dispositions législatives (loi sur les procédures en Autriche, loi sur l'urbanisme en Irlande) qui s'appliquent indirectement au paysage. Un dispositif de participation du public très en amont de la décision en matière paysagère accroît sa portée. En Belgique comme au Royaume-Uni, la participation paysagère intervient ainsi dans le processus de planification dès le stade d'élaboration. Les modalités de participation sont diversifiées. Il peut s'agir d'une consultation du public afin de définir le contenu de l'étude d'incidence d'un projet (Belgique) ; d'une procédure d'enquête publique qui offre la possibilité de commentaires écrits, de plans ou schémas en rapport avec les paysages (Allemagne, Belgique, Espagne, Irlande, Italie, Pays-Bas) ou de commentaires oraux lors de réunions consultatives à l'occasion de projets (Allemagne, Italie, Pays-Bas) ; de consultation des communes sur le contenu du plan paysager élaboré au niveau régional (Italie) ; Plus récemment, le Conseil de l'Europe a commandé un rapport sur la question : « Paysage et démocratie ­ perspectives »133. Ce rapport aborde les modalités de mise en oeuvre de la démocratie dans le contexte du paysage et en particulier : l'échelle de gouvernance (l'échelle locale étant selon l'auteur la plus favorable à l'exercice d'une gouvernance partagée) ; le statut des acteurs (élus, associations et experts) ; les processus de participation, de la simple information à la participation réelle. Parmi les très intéressantes propositions de ce rapport, la mission note en particulier : 130 par exemple : « Les défis pour la société européenne à l'aube de l'an 2000 ­ Participation du public à l'aménagement d u territoire dans différents pays européens », Rapports et conclusions d'un séminaire dans le cadre de la Conférence européenne des ministres responsables de l'aménagement du territoire (CEMAT) qui s'est tenu à Bath les 26 et 27 avril 1995. Enquêtes synthétisées dans l'ouvrage collectif « Paysage et développement durable » (Éditions du Conseil de l'Europe 2008), voir notamment le chapitre 8 « paysage et participation du public », dû à Michel Prieur et Sylvie Durousseau. Aux termes de la Convention d'Aarhus à laquelle renvoie la CEP, le public s'entend comme : « « l'ensemble du public sans discrimination quant à la citoyenneté, la nationalité ou le domicile et, dans le cas d'une organisation non gouvernementale, sans discrimination quant au lieu où son siège est établi ». Yves Luginbühl : « Paysage et démocratie ­ perspectives ». Présenté lors de la 8e conférence du conseil de l'Europe sur la Convention européenne du paysage en mars 2015. Démarches paysagères en Europe Page 56/173 131 132 133 Rapport n°010731-01 · inciter les états à insérer des objectifs de qualité paysagère dans les politiques sectorielles, développer les documents d'urbanisme participatifs à dimension paysagère, systématiser les atlas participatifs et les articuler avec les observatoires photographiques ; · engager à l'échelle régionale des programmes d'action participatifs : plans, chartes ou contrats de paysage ; · localement, inciter les élus à mettre en oeuvre des actions de participation à l'amélioration du paysage. « La charte du paysage du Priorat en Catalogne fournit l'exemple d'un projet de paysage impulsé et piloté par les habitants » La reconquête paysagère des vignobles du Priorat ­ Photo JLC Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 57/173 3.8.2. Les constats de la mission dans les États visités Quel peut être l'apport de la mission dans ce champ déjà largement exploré ? Quelques cas rencontrés illustrent de manière efficace la mise en oeuvre des recommandations de la CEP : a) En termes de connaissance des paysages, l'équipe de rédaction des atlas de paysage en Wallonie (cf. 2.1.2.) s'adjoint les compétences d'un panel d'acteurs locaux pour une « enquête qualitative », qui aboutit parfois à la remise en cause des délimitations de certaines aires paysagères. Dans chaque atlas un chapitre intitulé « des regards sur le paysage » permet de cerner la façon dont les acteurs locaux perçoivent les paysages de leur région et la manière dont ils envisagent leur avenir. Cette participation peut légitimer en partie les objectifs de qualité paysagères figurant dans les atlas. De même on note, à titre d'exemple, l'initiative Wikipedra en Catalogne où plus d'une centaine de correspondants bénévoles se sont mobilisés pour un recensement citoyen d'éléments de paysage emblématiques, les cabanes de pierre sèche134. b) En ce qui concerne la définition des politiques, à laquelle on peut rattacher la planification, la mission note le cas de la Suisse, avec sa « Conception d'évolution du paysage » (cf. 3.7. supra) instrument volontaire d'application sur les territoires de la « Conception suisse du paysage ». Dans le cadrage méthodologique qu'il a édité à cet effet, l'Office fédéral de développement territorial (ARE) précise : « l'élaboration d'une Conception doit être conçue comme un processus participatif, intégrant les représentants des différentes utilisations du territoire» 135. Processus participatif et sensibilisation de tous sont essentiels, car « ils déterminent l'acceptation indispensable des projets. La Conception ne veut pas que seuls les acteurs directement intéressés [...] se sentent responsables du paysage. Elle veut impliquer l'ensemble des citoyens. »136 c) Pour ce qui est de la participation du public aux projets, l'exemple du Uplands forum en Irlande illustre une initiative locale où, dans la perspective d'un projet de territoire pour les Uplands la parole a été donnée aux communautés locales afin de susciter leur intérêt pour des projets qui améliorent leur qualité de vie et leur environnement, avec une participation inhabituelle des agriculteurs137. La charte du paysage du Priorat en Catalogne fournit l'exemple d'un projet de paysage impulsé et piloté par les habitants. Mue par un sentiment de marginalisation au sein de la Catalogne, la population de ce territoire a décidé de prendre en main le devenir du territoire en s'appuyant sur renouveau de l'économie viticole locale. Mais il est parfois difficile de faire se rencontrer les initiatives citoyennes avec les systèmes institutionnels de gestion ou de protection des paysages. Ainsi, en Italie, dans le parc agricole sud milanais (détaillé supra 3.5.1.), la gestion centralisée, issue du milieu citadin et visant une forme de sanctuarisation d'espaces agricoles périurbains, entre parfois en contradiction avec des initiatives locales, en particulier des agriculteurs, visant à pérenniser sa fonction productive, à favoriser l'accueil et le 134 135 136 Voir la carte interactive de cet inventaire citoyen sur http://wikipedra.catpaisatge.net Voir le site : https://www.are.admin.ch/are/fr/home/glossaire/landschaftsentwicklungskonzept--lek-.html Pour plus d'information sur les Conceptions d'évolution du paysage, voir annexes par pays, sur la Suisse, et le site http://www.lek-forum.ch Voir supra 3.2.5. ainsi que l'annexe par pays sur l'Irlande et le site https://irishuplandsforum.org/ Démarches paysagères en Europe Page 58/173 137 Rapport n°010731-01 tourisme rural et à créer des liens avec la ville via les marchés ou des groupes d'achats solidaires. 3.8.3. En France des améliorations souhaitables s'agissant de la participation du public aux politiques de paysages. Rappelons que le code de l'environnement pose un principe général de participation138 s'agissant des projets de décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement : le public peut formuler ses observations qui sont prises en compte par l'autorité compétente139. En France, l'approche participative est inscrite dans les codes de l'environnement et de l'urbanisme. Ici comme ailleurs, les procédures concernées ne s'appliquent la plupart du temps au paysage qu'indirectement (enquête publique, évaluation environnementale, élaboration des schémas régionaux ou plans locaux d'urbanisme...). Dans le domaine du paysage, une approche participative s'est cependant progressivement construite, qui demeure pragmatique et informelle plutôt que réglementaire, ce qui limite son effet opérationnel. En matière de connaissance des paysages, les habitants d'un territoire peuvent prendre une part active dans la caractérisation de leur cadre de vie avec les atlas des paysages : la loi du 8 août 2016140 précise que ces documents sont établis «en tenant compte du rôle des acteurs socio-économiques [...] et des valeurs particulières qui leur sont attribuées [...] par les populations concernées ». La méthode nationale d'élaboration de ces documents, actualisée en 2015 141 fait ainsi référence à « l'association des acteurs engagés dans la production de connaissance » et indique que « la participation du public [est] le gage d'une gestion démocratique du paysage et du cadre de vie » (p.10 et 11). Mais ces énoncés de principe ne sont pas des injonctions de même niveau que celles qui touchent, par exemple, au vocabulaire (unités/structures/éléments paysagers) permettant l'interopérabilité des documents. Lors de la réalisation de certains atlas, comme celui d'Auvergne, le choix d'une méthode dite « atelier mobile des paysages » a heureusement associé des dizaines de personnes en les faisant participer à des parcours en minibus. Mais cette intensité participative demeure une exception. Pour sa part, la démarche de plan de paysage s'inscrit dans le cadre d'un projet de territoire. Lancée à l'initiative d'une collectivité locale, elle invite l'ensemble des acteurs à repenser la manière de concevoir l'aménagement autour du paysage et les implique dans leur cadre de vie. Les procédures participatives occupent une place croissante dans les dossiers de candidatures présentées aux appels à projets nationaux 142. Mais ces démarches restent informelles et la circulaire du 21 mars 1995, qui les cadre, ne mentionne pas la participation des populations et acteurs locaux à leur élaboration : la participation est fréquente dans les faits, mais elle n'est pas juridiquement garantie en droit. 138 En application de l'article 7 de la charte de l'environnement, intégrée en 2005 dans le bloc de constitutionnalité. cf. article L. 110-1 du code de l'environnement. L'article L. 120-1 y définit les modalités d'exercice de ce principe : mise à disposition par voie électronique du projet et d'une note de présentation, adoption à l'expiration d'un délai permettant la prise en compte des observations déposées par le public. Loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. À télécharger à partir de l'adresse suivante : http://www.developpementdurable.gouv.fr/IMG/pdf/Methode_Atlas_des_paysages_2015-francais_version_web_cle7f9e61.pdf L'importance et la qualité de la participation du public est d'ailleurs l'un des critères de choix du jury dans les appels à projets qui ont eu lieu en 2013, 2015 et 2017. Démarches paysagères en Europe Page 59/173 139 140 141 142 Rapport n°010731-01 Contrairement à leurs équivalents dans les États voisins, les outils français de connaissance et d'action au bénéfice de la qualité paysagère manquent d'une dimension participative juridiquement encadrée143. Ils mériteraient donc de se voir reconnaître cette dimension afin que l'approche participative y prenne tout son sens. 8. Recommandation [à la DGALN] : Conformément à la Convention européenne du paysage, mieux garantir la participation citoyenne dans les politiques paysagères, tant pour la connaissance (atlas de paysage) que pour la planification et la mise en oeuvre des projets (plans de paysages). Compléter à cet effet le guide pratique et la circulaire correspondant à ces deux outils. 143 Sous réserve, notamment des dispositions de transposition des directives de l'Union européenne en matière d'évaluation environnementale et celles relatives au débat public ; directive 2014/52/UE du Parlement et du Conseil du 16 avril 2014. Démarches paysagères en Europe Page 60/173 Rapport n°010731-01 Conclusion L'observation, certes partielle, des progrès de la Convention européenne du paysage chez quelques-uns de nos voisins a conduit la mission à décrire et analyser des politiques et stratégies variées et inventives. Chaque État les met en oeuvre à son rythme, développant ses propres solutions en lien avec ses spécificités et son histoire, dans un esprit d'échange et vers un but commun : tenir les engagements pris. Le cadre par nature restreint de la mission lui a toutefois permis d'avoir un aperçu de la variété des expériences, des idées, des pratiques, des difficultés aussi, de chacun des partenaires. La variété des efforts des institutions, associations, professions, et des initiatives citoyennes montre bien que chacun développe des solutions à sa mesure pour avancer par l'approche paysagère vers un mieux-vivre ensemble. En ce qui la concerne, la France a depuis longtemps développé la protection de ses paysages les plus prestigieux. Elle ne fait en revanche qu'amorcer sa mutation vers une politique paysagère plus orientée vers les espaces du quotidien, le projet et la participation citoyenne. Il existe dans la société une conscience diffuse de la dégradation des paysages ­ espaces ruraux, entrées de ville, abords d'infrastructures ­ qui se poursuit encore aujourd'hui du fait de cultures administratives sectorisées, techniques et peu sensibles à l'espace vécu. Notre pays dispose de certains outils, innovants et originaux : les parcs naturels régionaux, institués en 1967 ; les CAUE, créés dix ans plus tard (dont la compétence sur le paysage est explicitement reconnue par la loi du 8 août 2016) ; les plans de paysage, introduits en France dès la fin des années 80 ; le recours aux paysagistes-conseils de l'État, institués en 1993. Mais ces outils restent marginaux face à des logiques techniques, économiques et politiques puissantes, aggravées par le désintérêt fréquent des décideurs pour une question « non quantifiable » : contrairement à ce qui se passe chez nombre de nos voisins le paysage est encore trop souvent considéré, soit comme une contrainte, soit comme un élément anecdotique ou superflu. La France court un risque à poursuivre des politiques publiques dont elle sous-estime la nécessaire cohérence, car l'absence de vision d'ensemble de l'espace conduit à une dégradation progressive du cadre de vie. Des conflits parfois coûteux surgissent ainsi entre énergie et biodiversité, ou entre prévention des risques et construction de logements, alors qu'une approche paysagère fédératrice aurait pu les régler en amont. La perte insidieuse de notre capital paysager est dommageable à la qualité de vie, mais aussi au tourisme et à l'attractivité de nos territoires. Devant l'ampleur de la reconquête qualitative à mener et des défis contemporains, tels que les conséquences paysagères de la transition énergétique, les outils et actions actuels, pour certains innovants et efficaces, mais trop ponctuels et dispersés, ne sauraient suffire. Il convient à présent de définir une véritable stratégie d'ensemble pour les intégrer dans une perspective plus générale, en établissant des priorités en fonction des acteurs et des territoires concernés. Il faudra dans le même temps décliner cette stratégie à l'échelle des nouvelles régions, conférer une dimension paysagère aux politiques sectorielles et faire progresser la culture paysagère de l'ensemble de nos concitoyens. À cet effet il sera indispensable de développer les savoir-faire et d'augmenter le nombre des spécialistes de la qualité de l'espace ­ paysagistes et autres professionnels ­ qui devront être autant concepteurs que médiateurs de la participation citoyenne. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 61/173 Si la mission propose de décloisonner les habitudes et les spécialités techniques pour mettre en oeuvre une stratégie nationale du paysage, elle préconise aussi quelques mesures pragmatiques à mettre en oeuvre sans tarder et qui donneront lieu à un suivi et à une évaluation régulière. Une politique résolue de reconquête paysagère, fédérant les politiques sectorielles et permettant la participation de tous, serait un outil efficace pour faciliter les transitions en cours. Les réussites identifiées par la mission chez nos voisins européens montrent à cet égard des chemins prometteurs : c'est par la même vision d'ensemble que la France pourra tenir les engagements qu'elle a pris par la signature et la ratification de la Convention européenne du paysage du Conseil de l'Europe. Jean-Luc Cabrit Marie-Christine Soulié Jean-Pierre Thibault Paysagiste D.P.L.G. Ingénieur en Chef des TPE Inspectrice générale de l'administration du développement durable Inspecteur général de l'administration du développement durable Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 62/173 REMERCIEMENTS La mission souhaite remercier tous ses collègues européens, qui se sont mobilisés dans leurs pays respectifs pour faciliter son travail, organiser les rencontres et les visites sur place, et qui ont pris le temps de lui expliquer en détail la politique paysagère de leur pays et leur action. Elle a été particulièrement sensible à l'accueil amical, généreux et chaleureux qui lui a été partout réservé, révélant une envie de partager et de communiquer, malgré les obstacles de la langue : les hôtes de la mission n'ont fait que conforter son optimisme sur le devenir de l'Europe. La mission remercie spécialement l'ambassade de France à Londres sans qui elle n'aurait pu mener à bien son déplacement en Angleterre. Et enfin, elle remercie tout particulièrement la secrétaire exécutive de la Convention européenne du paysage, Maguelonne Dejant-Pons, qui lui a ouvert de multiples portes et à qui elle souhaite de continuer longtemps à oeuvrer au bénéfice des paysages européens avec enthousiasme et conviction. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 63/173 Annexes Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 65/173 1. Lettre de mission Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 66/173 2. Liste des personnes rencontrées Remerciements (noms et qualités des personnes rencontrées, accueil, etc.) Nom Prénom Organisme Fonction Date de rencontre Mission en Irlande ­ du 24 au 28 janvier 2017 Atkinson Wesley Wiclow Mountains National Park à Glendalough Heritage Council à Kilkenny Université de Cork Directeur régional 26/01/17 Starett Michaël Directeur 26/01/17 Black Deirdre Paysagiste enseignante Chercheur au Centre d'études paysagères Principal Advisor 25/01/17 Collins Tim Université de Galway 25/01/17 Colreavy Martin Division for built heritage, architectural policy and strategic infrastructures Dept of Arts Heritage, rural and Gaeltacht affairs 25/01/17 Cumming Willie Architecte Du 25 au 27/01/17 Fitzgerald Fitzpatrick Helena David Université de Dublin (UCD) - école d'architecture de Dublin Université de Dublin (UCD) Architecte Chef d'établissement 26/01/17 25/01/17 Foley Karen Professeure à l'école d'architecture de Dublin Paysagiste Urbaniste, spécialiste des projets participatifs 25/01/17 Harns Harvey Mary-Ann Alison 25/01/17 26/01/17 Heurich Michaël Université de Dublin (UCD) Professeur à l'école d'architecture de Dublin Paysagiste ­ Président de l'ILI 25/01/17 Hutchinson Peter 25/01/17 Kavanagh Victoria Université de Dublin (UCD) Université de Dublin (UCD) Professeure à l'école d'architecture de Dublin Paysagiste ­ professeure à l'école d'architecture de Dublin, Archéologue, enseignant Directeur 25/01/17 Meeres Sophia du 25 au 27/01/17 et à Erevan les 05 et 06/10/16 Newman Conor Université de Galway 25/01/17 O' Donovan Paddy Université de Cork département des arts, études celtiques et sciences sociales 27/01/17 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 67/173 Nom O'Regan Terry Prénom Organisme association Landscape Alliance Université de Cork Centre for Planning Education and Research Dept of Arts Heritage, rural and Gaeltacht affairs Université de Dublin (UCD) Agence Transport infrastructure Ireland Fonction Président Date de rencontre 27/01/17 O'Sullivan Brendan Enseignant et chercheur 27/01/17 Ritchie Marc 25/01/17 Von Maltzan Sophie Professeure à l'école d'architecture de Dublin Paysagiste et délégué irlandais auprès de l'IFLA, 25/01/17 Williams Tony 25 et 26/01/2017 Mission en Espagne (Catalogne) ­ du 1er au 3 février 2017 et rencontres préparatoires Bartomeus Sandra Municipalité de Torroella de Montgrí DREAL Occitanie Direction de l'Aménagement Instituto del Patrimonio Cultural de Espana Adjointe au maire 03/02/17 Brossard-Lottigier Sylvie Cheffe de Division Du 01 au 03/02/17 Caro Carmen Coordinatrice des plans nationaux du patrimoine culturel Responsable du projet de renaturation des urbanisations littorales Paysagiste enseignant à l'école du paysage de Barcelone Les 05 et 06/10/16 à Erevan Colomer Agata Bureau d'études auprès de la Municipalité de Torroella de Montgrí 03/02/17 Franch, Marti 03/02/17 Gamero Jordi Municipalité de Torroella de Montgrí Comarca du Priorat Municipalité de Torroella de Montgrí Municipalité de Torroella de Montgrí Observatoire catalan du paysage association Prioritat Université de Girona Service Communication de la ville Président Service Communication de la ville Adjoint au maire 03/02/17 Garcia Gumà Joan Carles Inés 02/02/17 03/02/17 Martinoy Josep 03/02/17 Nogué Joan Directeur 01/02/17 Parés Quintana Carme Xavier Membre Enseignant - Directeur scientifique du projet de renaturation Maire et président du CA du parc naturel de Montsant Coordonnateur 02/02/17 03/02/17 Sabaté Jordi Commune de la Vilella Baixa 02/02/17 Sala Pere Observatoire catalan du paysage 01/02/17 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 68/173 Nom Vaqué Vernet Vinyes Joan Prénom Organisme association Prioritat association Prioritat Commune de la Vilella Alta Fonction Membre Coordinatrice Maire Date de rencontre 02/02/17 02/02/17 02/02/17 Roser Marc Mission en Suisse ­ du 8 au 9 février 2017 Camenzind Reto Office fédéral du développement territorial Office fédéral du développement territorial Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage (CFNP) OFEV (Office fédéral de l'environnement) OFEV (Office fédéral de l'environnement) Chargé des questions de planification et d'aménagement Chargé des questions d'énergie 09/02/17 Cataneo Mattia 08/02/17 Guggisberg Fredi Secrétaire de la Commission 08/02/17 Magnin Benoît Chef de la section gestion du Paysage Architecte-paysagiste, en charge de l'aménagement et de la perception du paysage. Co-présidente de la FSAP, (fédération suisse des architectespaysagistes) 08 et 09/02/2017 Moll Claudia 09/02/17 Raemy Matthieu OFAG (Office fédéral de l'agriculture) Section Espace rural Chargé de projets de paysage Chargé des parcs d'importance nationale Chef de la division Espèces, écosystèmes, paysages Chef de projet de Observatoire du paysage suisse et des stratégies paysagères Chef de la Section espace rural 09/02/17 Remund Simone 08/02/17 Romang Hans OFEV (Office fédéral de l'environnement) 08/02/2017 Rudaz Gilles OFEV (Office fédéral de l'environnement) 08 et 09/02/2017 Stremlow Matthias OFEV (Office fédéral de l'environnement) 08 et 09/02/2017 Mission en Belgique (Région Wallonne et Communauté francophone) ­ 15 février 2017 Bragard Daniel Parc naturel des plaines de l'Escaut Chargé de mission aménagement du territoire ­ urbanisme Attachée - Docteur en géographie 15/02/17 Deconninck Mireille Direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie de la région Wallonnie. (DGO4 15/02/17 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 69/173 Nom Hubert Yves Prénom Organisme JNC International s.a (Joining Nature and Cities) Fonction Architecte-paysagiste membre du comité de direction Membre collectif PAP Date de rencontre 15/02/17 Kempf Mathilde Collectif PAP (Paysages de l'après-pétrole) Le Vingtième Siècle Bureau (agence) Bas Smets JNC International s.a (Joining Nature and Cities) Architecte urbaniste Membre collectif PAP Illustrateur Directeur-gérant 15/02/17 Rémi Smets Georges Bas 15/02/37 29/06/17 Van der Vaeren Guillaume administrateur de JNC Président de la fédération bruxelloise de l'urbanisme 15/02/17 Mission en Italie (Région Lombarde) ­ 10 et 11 avril 2017 et entretiens préparatoires Barone Carla architecte, présidente de la Commissione per il paesaggio del Parco Agricolo Sud Milano Parco del Ticino Chargé de mission agriculture Enseignante au Dipartimento di Architettura, Ingegneria delle Costruzioni e Ambiente Costruito Vice-président 10/04/17 Bove Michele 10/04/17 Branduini Paola Politecnico di Milano - 10 et 11/04/17 Di Domenico Sergio Associazione Parco delle Risaie Parco delle Risaie Municipalité de Milan 10/04/17 Fedeli Giannachi Lucia Giovanna Agricultrice Chargée de la mise en oeuvre de la politique Milan métropole rurale Organisateur du séminaire de l''APCE en Italie (2013) Directrice du département Sciences agronomiques et animales, enseignantchercheur en agronomie des territoires Auteur d'une thèse à l'ENSP sur le paysage et la transition énergétique Agronome, chercheur sur l'organisation spatiale et paysagère des systèmes de culture et les pratiques agricoles 10/04/17 10/04/17 Giorgis Sébastien Paysagiste-conseil de l'Etat 25/07/16 Maraccini Elisa Institut Polytechnique LaSalle de Beauvais. Entretien téléphonique 16/02/17 Pistoni Roberta Politecnico di Milano Entretien téléphonique 14/12/16 Entretien téléphonique 16/02/17 Rizzo Davide Institut Polytechnique LaSalle de Beauvais. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 70/173 Nom Scazzosi Prénom Lionella Organisme Politecnico di Milano,, Fonction Architecte et enseignante sur la protection de l'environnement et la gestion du paysage Date de rencontre 10/04/17 et à Erevan les 05 et 06/10/16 Mission au Royaume-Uni (Angleterre) ­ du 26 au 29 avril 2017 Bennelick, Drew Heritage (HLF) Lottery fund directeur 28/04/17 Bolton Clubb Chris Rupert Natural England Association des directeurs de l'Environnement, de l'Economie, de la Planification et des Transports (ADEPT) Landscape Institute Landscape specialist Président 28/04/17 27/04/17 Cook Daniel Chief executive (directeur) Chargée du dossier de la Green Infrastructure Conseiller Economique 28/04/17 Craddock, Veronica Landscape Institute 28/04/17 Fatras Christian Ambassade de France à Londres Historic England. Ambassade de France à Londres Landscape Institute 27-28/04/17 Holyoak Johnston-Roussillon Vince Victoria Chargé de mission Attachée 27/04/17 27-28/04/17 Phillips Ian Vice-président, représentant de l'Angleterre à l'IFLA Chief Planner 28/04/17 Quatermain Steve Department for Communities and Local Government (DCLG) Ambassade de France à Londres Department for environment, Food and rural affairs (DEFRA) Natural England Historic England. London Bourough of Barnet 27/04/17 Ronez Benoit Attaché économique 27-28/04/17 Steiner Sarah Chargée de mission 27/04/17 Tudor Tunnicliffe Watson Christine Sarah Emma Landscape specialist Chargée de mission Cheffe de la planification stratégique 28/04/17 27/04/17 27/04/17 Conseil de l'Europe, France, personnalités diverses Bava Henri Agence TER Paysagiste ­ enseignant à l'ENSP Directeur du département paysage à l'Institut de technologie de Karlsruhe 11/10/16 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 71/173 Nom Blumenfeld Prénom Hervé Organisme Anciennement IAURIF Fonction Architecte-urbaniste en retraite auteur de recherches sur la politique paysagère de Berlin Chargé de mission au bureau des paysages et de la publicité Secrétaire exécutive de la Convention européenne du paysage Cheffe du bureau des paysages et de la publicité Paysagiste ­ enseignante à l'ENSP Chargé de mission TVB à la Direction de l'eau et de la biodiversité Adjointe à la cheffe du bureau des paysages et de la publicité Étudiante en paysage Doctorat en cours en Allemagne Date de rencontre 09/12/2016 De Beaulieu Gilles Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN Conseil de l'Europe 19/12/16 29/03/17 Déjeant-Pons Maguelone 16/09/2016 05 et 06/10/16 Faivre Juliette Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN 19/12/16 29/03/17 Helms Karine Karin Helms Sarl IFLA Europe 11/10/16 Labat Didier Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN 15/12/17 Laon Perrine Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN 19/12/16 29/03/17 Leconte Louise Agrocampus ouest Angers 05/12/16 et à Erevan les 05 et 06/10/16 Luginbuhl Yves Directeur de recherche émérite au CNRS Expert auprès du Conseil de l'Europe Erevan les 05 et 06/10/16 15/03/17 Mangin Karine Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN Chargée de mission au bureau des paysages et de la publicité Directrice adjointe en charge de la ville et constructions durables et des paysages Sous-directrice de la qualité du cadre de vie 26/08/16 19/12/16 29/03/17 15/09/16 Peskine Hélène Cabinet du Ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer Soleille Pastèle Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN 26/08/16 Transy Julien Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN Chargé de mission au bureau des paysages et de la publicité 19/12/16 29/03/17 et à Erevan les 05 et 06/10/16 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 72/173 3. Fiches par pays Allemagne Belgique ­ Communauté française et région Wallonie Espagne ­ Catalogne Irlande Italie ­ Métropole milanaise Pays-Bas Royaume-uni ­ Angleterre Suisse p.74 p.82 p.90 p.98 p.107 p.116 p.122 p.131 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 73/173 Pays : Allemagne Source : recherches bibliographiques - Interviews Problématiques initiales identifiées Un pays réputé pour la rigueur et l'organisation de sa planification territoriale et paysagère. Intérêt : · système hiérarchisé de planification paysagère ; · le plan d'aménagement paysager d'échelle communale est subventionné. Il est facultatif, mais s'il est décidé, il est contraignant une fois approuvé. En pratique, la presque totalité du territoire est couverte. Il s'applique au document d'occupation des sols ; · profession organisée en « Kammer », « Lanschaftsarchitekt » distinct du « Landschaftsplanner » ; · restauration de paysages dégradés (IBA/IGA). Questionnement : · la notion de paysage « naturaliste » mise en oeuvre est-elle si différente dans ses résultats de la vision de la CEP qui s'applique à tous les espaces ? Le résultat de la démarche donne des paysages cohérents, sans que sa perception soit au coeur de la planification ; · comment s'articulent le plan d'aménagement paysager et le document d'occupation des sols ? Les acteurs rencontrés · Chercheurs, paysagistes bi-nationaux Contexte national - 357.000 km² - 82,8 M.hab. ­ 232 hab./km² - Capitale fédérale Berlin (3.5 M.hab.) Statut : république fédérale (Bund) ­ 16 états (Länder) dont 3 villes-États : Berlin, Brême et Hambourg ­ 430 arrondissements ou villesarrondissements, LandKreis, sous-ensembles des régions administratives ou districts (Bezirke) qui, eux, n'existent pas partout ­ 12.000 communes (Gemeinde) Organisation territoriale · L'Allemagne est une république fédérale régie par la Loi fondamentale (Grundgesetz). Elle possède un parlement bicaméral, le Bundestag et le Bundesrat (Conseil fédéral, qui réunit les représentants des Länder). Le Bund a des compétences à l'échelle nationale : affaires étrangères, défense, nationalité, monnaie, frontières, etc. L'organisation territoriale de l'Allemagne comporte plusieurs échelons locaux, dont certains sont propres à certaines Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 74/173 · · · zones. Le Bund ne dispose pas de structures déconcentrées importantes et n'a pas de lien avec les collectivités locales. Chaque Land a sa propre constitution, un parlement et un gouvernement. Il est souverain en matière de culture, de police, de droit communal et peut lever des impôts. Il peut égiférer, sur certains domaines (droit, logement, énergie, circulation routière...), auxquels s'ajoutent depuis 2006 de nouvelles compétences (enseignement supérieur, aménagement du territoire, protection de la nature, conservation des sites naturels...). Les Länder sont divisés en « régions » administratives qui permettent surtout la planification. Le Landkreis, arrondissement à la fois collectivité locale et circonscription administrative du Land, est soit « rural » soit « urbain » suivant les cas. Les villes-États de Berlin, Hambourg et Brême ne comptent aucun Landkreis. Chaque Kreis comprend un conseil élu et un exécutif, met en oeuvre les politiques publiques de sa compétence (autoroutes, hôpitaux...). Les arrondissements ont un rôle de péréquation entre communes et peuvent obliger les plus petites à s'associer. Les Gemeinden (communes) ont une structure et des règles d'organisation et de fonctionnement variables selon le Land. Elles sont dirigées par un conseil et un exécutif élus. Elles ont, de nos jours, des pouvoirs limités : (zones d'activités, politiques culturelle et commerciale locales, écoles, santé, action sociale, mais aussi habitat, et protection des paysages). Elles peuvent coopérer sous plusieurs formes, en particulier : · la convention de délégation de certaines compétences à une commune mandataire, · le syndicat de communes, quelquefois obligatoire, · l'association des métropoles et de leurs zones péri-urbaines, à l'image des communautés urbaines françaises, Urbanisme et aménagement du territoire · La planification spatiale se fait au niveau fédéral (Bund), au niveau du Land, et à l'intérieur du Land, à l'échelle des « régions » ou districts (Bezirk) et au niveau de la commune (Gemeinde). Il existe en Allemagne une relation étroite entre la planification spatiale et le paysage (au sens de paysage naturel). Le législateur considère que, dans ce pays densément urbanisé, où la nature est soumise à de fortes pressions et où l'espace ouvert est rare, le développement ne peut avoir lieu que sur la base d'une planification précise et avec le souci d'économiser les surfaces. Un des principes de la loi (compensation/substitution) est que toute personne responsable de la destruction de valeurs environnementales doit une compensation, sous forme financière ou d'apport de terrains. Ce système nécessite une sorte de planification des territoires de compensation qui arrive à ses limites, et une harmonisation des réponses des Länder. · Au niveau du Land, les plans régionaux sont élaborés soit par l'autorité du Land, soit confiés à des groupements de collectivités locales, associations territoriales qui ne correspondent pas nécessairement aux limites administratives, lorsque le territoire du Land comprend « des aires d'influence de plusieurs centres urbains de niveau supérieur ». Ces « régions de planification » (Planungsregionen) élaborent le document régional mais doivent le faire approuver par le Land. Il y a au total 103 régions de planification · La planification territoriale au niveau communal (Bauleitplanung) se fait via : le plan de zonage (Flächennutzungplan) contraignant seulement pour les autorités planificatrices, Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 75/173 les plans de développement (Bebauungsplan), qui ne portent que sur certaines parties bâtie de la commune et sont opposables directement aux citoyens. De manière générale, les documents de planification ne sont juridiquement contraignants que pour les autorités publiques en charge de la planification aux différents niveaux. Politique du paysage La Convention européenne du paysage (CEP) n'a pas été ratifiée par l'Allemagne, celle-ci estimant, selon certains de nos interlocuteurs, que ses dispositions seraient endeçà de ses pratiques actuelles. Ce sujet semble faire débat dans le pays. La conception « écologique » du paysage à l'allemande inclut toutefois une dimension culturelle et une participation citoyenne à l'élaboration de la planification paysagère qui ne la rendent en effet pas étrangère à la CEP. La politique du paysage obéit au même système hiérarchisé que pour la planification : · Les Länder adoptent les objectifs de la loi fédérale et rédigent des lois de protection de la nature et du paysage propres (Landesnaturschutzgesetz), adaptées à leur territoire. Elles écrivent les programmes de paysage (Landschaftsprogramm), outils stratégiques à leur échelle, qui définissent les objectifs et les règles de base pour la protection, la gestion et la planification dans chaque Land. Ces objectifs sont intégrés dans la planification territoriale de chaque Land (Landesplanung). · Les districts (Regierungsbezirke) ou les arrondissements (LandKreis), (en fonction de l'organisation de chaque Land) élaborent les plans-cadres de paysage (Landschaftsrahmenplan) : ces documents à l'échelle (1/100.000° à 1/25.000°) contiennent des informations exhaustives sur l'état actuel du paysage : ressources, sol, eau, climat et air, espèces et habitats, « mise en scène » du paysage, zones ouvertes, ainsi que sur les objectifs de protection, de gestion et de planification. La participation citoyenne joue un rôle significatif dans leur élaboration. Ces plans sont intégrés à la planification territoriale correspondant à ce niveau (Regionalplanung). · Les communes (Gemeinden) mettent en oeuvre les plans d'aménagement paysager (Landschaftsplan), à leur échelle (1/10.000° à 1/5.000°), qui précisent et mettent en oeuvre les mesures des plans-cadres de paysage. Ils définissent les objectifs paysagers, les usages du paysage, les limites du développement urbain. La participation citoyenne est importante dans leur élaboration. Ils ont un impact sur les stratégies urbaines de développement en s'intégrant dans la planification territoriale locale. Il existe aussi un document à l'échelle inférieure, qui planifie certains secteurs locaux, surtout les espaces ouverts et espaces verts, le plan de développement vert (Grünordnungsplan) à une échelle très locale (1/2.500° à 1/1.000°). La conception paysagère allemande Au concept de paysage en Allemagne correspondent différents mots dérivés de Landschaft, et notamment, dans les textes réglementaires, les mots Landschaft et LandschaftBild : le premier relevant plutôt du paysage géographique (dont l'esthétique n'est pas exclue), le second du paysage sensible, peut-être plus proche de la nôtre. Le paysage sensible, hérité de la vision romantique du XIX° siècle, a abouti au début du XX°siècle à des législations nationales dans différents pays d'Europe y compris en Allemagne (en Prusse en particulier) sur la protection des paysages emblématiques. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 76/173 L'Allemagne, avec la Suisse, a été le premier pays européen à incorporer la gestion du paysage dans sa législation. Elle a adopté en 1976 la loi fédérale de protection de la nature (Bundesnaturschutzgesetz), où s'inscrit la planification paysagère (Landschaftsplanung). Dès le début, la conception allemande du paysage dans cette loi, qui imprègne actuellement toute la planification, s'appuie principalement sur sa dimension écologique. Lors de la réunification, après 2002, une nouvelle loi fédérale de protection de la nature a été adoptée, incluant le réseau Natura 2000 et les lois antérieures des deux pays. Les politiques de planification paysagère sont conduites par l'Agence fédérale de protection de la nature (Bundesant für Naturschutz) Bien que l'objectif principal de la loi concerne la nature, le paysage reste une des composantes de la protection et de l'amélioration des écosystèmes. On lit dans les « Dispositions générales » de la loi : « Nature et paysage doivent être protégés en raison de leur valeur intrinsèque, comme fondement de la vie et de la santé des personnes, pour les générations futures, dans les zones peuplées ou non. La diversité biologique ; le fonctionnement de l'écosystème (y compris la capacité de régénération et de l'utilisation durable des produits naturels) ; la diversité, l'originalité, la beauté et la valeur récréative de la nature et du paysage ; sont fixés à long terme. » Ces dernières notions sont reprises un peu plus loin, en précisant qu'elles « doivent être assurées en permanence, en particulier en ce qui concerne : 1) les paysages naturels et les paysages culturels historiques, afin de préserver leur culture, leur bâti et les monuments archéologiques de la défiguration, de l'étalement urbain et autres déficiences ; 2) les fonctions de loisirs de la campagne, qui doivent être réglementairement identifiées et rendues accessibles. » La loi fédérale fixe treize objectifs, dont : la préservation de l'équilibre naturel ; la préservation et la disponibilité des zones non urbanisées et des sols ; la préservation des grands paysages contre les atteintes liées à l'exploitation des ressources naturelles et les mesures de réaménagement paysager ; la protection et amélioration des plans et cours d'eau ; la pollution ; le climat ; la sauvegarde de la végétation, de la faune et de ses biotopes ; la préservation et l'accessibilité de zones de loisir ; la préservation des caractères originaux des paysages ruraux et du patrimoine agraire et naturel. La loi comporte aussi des mesures de connaissance, formation, gestion, protection et planification des paysages qui promeuvent un développement économique et social compatible avec l'équilibre territorial et l'amélioration de la qualité des paysages. Sur le territoire allemand, le paysage est de la responsabilité de tous : les citoyens, qui sont associés à l'élaboration d'un certain nombre de documents à l'échelle des districts et des communes ; les organismes et les institutions, qui doivent adopter des règles paysagères et les mettre en oeuvre. Comment le paysage s'intègre-t-il à la planification territoriale et urbaine ? On a vu que l'Allemagne met en oeuvre une vision essentiellement géographique et naturaliste du paysage. Cette conception très descriptive du paysage par typologies est beaucoup plus facile à quantifier et à inclure dans des documents de planification. La méthodologie de description est très cadrée, la plupart des Länder ayant publié des méthodes d'élaboration des plans d'aménagement paysager, ce qui harmonise les contenus et les procédures à l'intérieur de chaque Land. On aboutit ainsi à un zonage Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 77/173 très analytique avec de nombreuses cartes thématiques (voir ci-dessous plan d'aménagement paysager communal). La loi fédérale prévoit que les documents de planification paysagère de chaque niveau territorial doivent être intégrés aux planifications territoriales et urbaines des niveaux correspondants, accordant à la planification paysagère la valeur et les effets juridiques de la planification territoriale, comme prévu par le code de la construction (Baugesetzbuch). Cette intégration peut se faire de deux façons : · soit par « intégration primaire » (Primärintegration) : les outils paysagers sont conçus directement comme partie intégrante des plans urbains et territoriaux (Rhénanie-Palatinat, Bavière, Hesse) ; · soit par « intégration secondaire » (Sekünderintegration) : via un processus de pondération et d'évaluation (Abwägung), le contenu des documents paysagers, initialement élaborés de façon autonome, sont en partie ou en totalité intégrés aux plans urbains et territoriaux (Bade-Wurtenberg, Schleswig-Holstein et Sarre). L'ancienneté des politiques de protection et de gestion du paysage, le système hiérarchique, le fait que le gouvernement fédéral subventionne l'élaboration et la mise en oeuvre des plans d'aménagement paysager, enfin le système de compensation/substitution, applicable à tout projet qui touche des valeurs environnementales, contribuent à garantir la cohérence des politiques et le respect des objectifs de qualité paysagère sur tout le territoire. Ils garantissent aussi la participation citoyenne dans l'élaboration des différents outils. Cependant, selon une étude de l'Observatoire catalan du paysage144, le fait même que tout ce système de planification soit très établi, rigide et soigneusement balisé, rend très difficile de proposer de nouveaux outils d'aménagement paysager qui ne soient pas déjà prévus par la loi fédérale, malgré les effort de diverses organisations de la société civile pour inventer un système plus souple qui permettrait d'inclure d'autres types d'initiatives. Contenu d'un plan d'aménagement paysager communal (Landschaftsplan) Le document du plan d'aménagement paysager est divisé en trois parties : 1) inventaire et évaluation, 2) objectifs de planification, 3) mesures de planification. Le contenu de ce document conduirait à le qualifier, en France, de plan d'écologie et de paysage. Les plans d'aménagement paysager, principalement basés sur la dimension écologique du paysage, comprennent de multiples aspects concernant la protection, la conservation, la régénération et le développement de la nature et du paysage (unités paysagères, caractères du paysage à protéger, restauration, réhabilitation et amélioration, etc.), ainsi que l'analyse de l'évolution historique du paysage : les cartes sont nombreuses : eau, biodiversité (espèces végétales et animales) sols, agriculture, tourisme, loisirs, végétation, sous-sols, biotopes, types de paysages, patrimoine bâti ou naturel, protections. Les plans visent notamment à réduire la consommation des terres et l'impact paysager, à promouvoir la qualité de vie des populations et donc l'attractivité et le développement économique, à garantir l'intégrité des écosystèmes et de la gestion des ressources en eau, à développer les usages récréatifs et le tourisme, en facilitant l'accessibilité des zones naturelles et rurales à travers des 144 « la planificatió del paisatge en l'ambit local a Europa » étude comparative réalisée par Observatoire catalan du paysage, septembre 2014, pp 16-17, et pp 30-33. Démarches paysagères en Europe Page 78/173 Rapport n°010731-01 « connecteurs verts », à promouvoir les produits locaux et à accroître le sentiment d'identité locale. Le plan d'aménagement paysager apparaît ainsi chargé de multiples missions très concrètes dont l'aspect « visuel » n'est qu'une des facettes. Les cartes répertorient des connaissances, avec des zonages, de surfaces et de symboles, sans aucun aspect sensible, comme le montre la carte de synthèse du plan d'aménagement paysager de la ville de Winnenden (28.000h ­ Bade-Wurtemberg) ci-dessous, avec sa légende traduite en Français. Le Landschaftplan de Winnenden (2015) En matière d'objectifs, par exemple le plan d'aménagement paysager de la ville de Norderstedt (Schlesvig-Holstein), approuvé en 2007, (exemple pris par l'étude catalane) bénéficie d'un financement public. Il poursuit les objectifs suivants : (A) la protection et la création de réseaux écologiques; (B) la protection, la restauration, l'amélioration, le développement et l'entretien de certaines parties de la nature et du paysage, en assurant une utilisation récréative qui respecte la nature; (C) la protection, la restauration, le développement et l'entretien des habitats et des espèces végétales et animales sauvages, et des biotopes protégés par la loi; (D) la protection, la régénération et l'amélioration de la qualité de la terre, de l'eau, de l'air et du climat; (E) l'élimination ou la réduction des effets négatifs sur l'environnement naturel; (F) le maintien et le développement de la diversité, de l'originalité et de la beauté de la nature, et (G) la protection et le soin des paysages culturels historiques et autres paysages particulièrement importants. On voit que le contenu du plan d'aménagement paysager de Norderstedt est fortement concentré sur l'étude et l'évaluation de l'écologie du paysage. Dans la dernière partie du plan (mesures de planification) sont définies les mesures et les actions de protection et de gestion de la nature et du paysage à mettre en place. Y participent tous les acteurs impliqués : administration publique locale, services gouvernementaux concernés, propriétaires fonciers, utilisateurs, grand public, planificateurs, associations, ONG, etc. Le contenu de cette phase doit être d'accès facile afin d'améliorer les chances de réussite dans la mise en oeuvre. De même, les mesures sont décrites dans le détail, avec un calendrier de mise en oeuvre, des mesures de communication et des précisions sur les modalités de mise en oeuvre (comment, où et avec quel soutien financier). La restauration des territoires dégradés : les IBA et les IGA L'Allemagne a mis en place des procédures particulièrement intéressantes de restauration des territoires dégradés, les IBA (Internationale Bauaustellungen, littéralement « expositions internationales de bâtiment »). Elles sont nées dans les années 50, dans le cadre de la reconstruction d'après-guerre. Il s'agit d'opérations pilotées au niveau fédéral pour régénérer les quartiers et les friches industrielles. Un appel à projets est lancé tous les dix ans aux villes d'Allemagne, chaque candidate étant évaluée à partir d'une proposition de programme. La lauréate reçoit du niveau fédéral et du Land de quoi rémunérer pendant la décennie une équipe pluridisciplinaire destinée à concevoir, puis à conduire le projet de réhabilitation. L'équipe et le directeur de projet sont totalement indépendants des structures administratives pré-existantes (ce qui peut engendrer des tensions avec les équipes techniques en place). Ils sont chargés de rechercher les investisseurs et les sources de financement nécessaires à la réalisation et à la gestion ultérieure du projet. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 79/173 Le paysage est de plus en plus un levier d'action dans le cadre de cette procédure. Des IGA (Internationale Gartenaustellungen, littéralement « expositions internationales de jardins») sont désormais programmées. L'opération la plus connue est celle de l'Emscher Park, dans la Ruhr, qui a commencé en 1999 et est pilotée par le paysagiste Karl Ganzer. L'un des enjeux importants est la reconquête d'un sol et d'une eau gravement pollués par les activités industrielles qui se sont développées dans cette vallée depuis plus d'un siècle. La nouvelle génération des IBA sera intéressante à suivre car elle introduit (parfois de manière conflictuelle) une dimension participative. C'est le cas du secteur de l'aéroport de Tempelhof, à Berlin (contexte de conflit aigu avec la population locale, lors d'une première tentative), ou du quartier de Willemsburg, à Hambourg (50 acteurs dénombrés dans ce dernier cas). Selon les mêmes principes ­ appel à projets pour restauration urbaine et paysagère, équipe indépendante, durée décennale ­ déclinés à l'échelle du Land, puis de l'agglomération, des Bundesgartenschau et des Landesgartenschau se sont récemment développés. Parfois initiés par la filière horticole, ils permettent notamment d'organiser des expositions d'une durée de six mois, avec des éléments temporaires, mais aussi définitifs. Le Land de Rhénanie du nord-Westphalie organise quant à lui des « Regionale », procédures opérationnelles comparables sur des espaces dont on s'interroge sur l'avenir ex : le Zwischenstadt (entre-deux-villes) entre Cologne et Bonn visant à constituer à cet endroit une Grüne Metropole. Au total, les IBA/IGA et leurs déclinaisons à plus petite échelle restent des outils d'exception, mais les résultats concrets qu'ils obtiennent et la procédure qu'ils mettent en oeuvre ont une influence importante sur les territoires « ordinaires ». La profession de paysagiste Les trois professions liées à la conception de l'espace, architectes, urbanistes et paysagistes, sont chacune organisées au niveau de chaque Land en Kammer qui sont l'équivalent des ordres professionnels en France ; l'inscription dans un Land vaut autorisation d'exercice de la profession dans toute l'Allemagne. L'accès au grade de docteur en paysage (ou en architecture ou en urbanisme) dépend à la fois des travaux académiques réalisés, mais aussi du bilan de l'activité professionnelle pratiquée et de la capacité à la théoriser. Selon un de nos interlocuteurs, la limite de ce qui apparaît comme une reconnaissance professionnelle est le compartimentage des trois disciplines, l'exercice de la profession de paysagiste étant lui-même subdivisé en « projet » (Entwurf) permettant la conception de parcs et d'espaces publics urbains et « planification » (Plannung) permettant les interventions sur le « grand paysage ». De ce fait, il est difficile de suivre un projet complexe nécessitant la mise en oeuvre conjointe des trois spécialités (construction, végétal, design urbain). De même pour un maître d'ouvrage, ce type de compartimentage rend difficile l'énoncé d'une « question ouverte » sur le territoire. A retenir : A notre avis, ce système permet d'inclure dans la planification des considérations de préservation de la nature, de trame verte et bleue, d'équilibre des zones agricoles et forestières, et de protection des paysages historiques. En ce sens il participe et influence fortement le projet de planification. De même, les plans de développement vert permettent d'intégrer une trame verte à l'échelle des quartiers. Tout ce système Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 80/173 fait appel au zonage, même quand il s'agit de nature. Les perceptions visuelles ne sont toutefois pas exclues, on trouve par exemple des préconisations du type « préserver la vue sur le pont ». Cette planification paysagère oblige à réfléchir de manière approfondie à la constitution de l'espace, qui aboutit à des paysages pensés, mais peut-être de manière plus fonctionnelle que sensible, tout au moins au stade de la planification. Toutefois, sur le terrain, comme à Francfort par exemple, l'articulation des zonages se fait de manière très pensée, et des fonctionnalités apparemment incompatibles (zones agricoles, urbanisation, zones de loisirs, axes de transports) se juxtaposent de manière cohérente : les projets de paysage étant confiés à des professionnels chevronnés et reconnus qui, eux, prennent en compte l'espace à trois dimensions, les aspects sensibles et la concertation avec la population. Politiques nationales - Une loi fédérale de protection de la nature où s'inscrit la planification paysagère à tous les échelons. - Un plan d'aménagement paysager subventionné, d'échelle communale et non pas à l'échelle de l'unité paysagère. En pratique, la presque totalité du territoire est couverte. - Le plan est facultatif, mais s'il est décidé, il est contraignant une fois approuvé et s'applique au document d'occupation des sols Prise en compte - les populations sont associées à l'élaboration des documents des populations de planification paysagère à l'échelle des districts et des communes ; - la qualité de vie, le tourisme, l'accès à la nature, les usages récréatifs sont pris en compte . Profession - Une profession structurée et reconnue, mais trop compartimentée - En nombre satisfaisant (7000 paysagistes contre 2000 en France) sans compter les paysagistes dans le secteur public Maîtrise d'ouvrage Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 81/173 Pays : Belgique ­ Région Wallonne Source : recherches bibliographiques et visite du 15 février 2017 Problématiques initiales identifiées Détection, par le biais de la documentation du Conseil de l'Europe et d'une étude comparative réalisée par Observatoire catalan du paysage, d'une politique d'atlas de paysage. Intérêt : Une politique avec au niveau régional, un cadre juridique d'aménagement du territoire, qui prescrit explicitement la prise en compte du paysage dans les documents communaux d'urbanisme, des « atlas » normalisés par « ensemble paysager » à l'échelle du pays et fixant des «objectifs de gestion paysagère», et des « programmes de paysage », outil local volontaire, pouvant aboutir à des actions à court, moyen et long termes sur les territoires intercommunaux. Questionnement : Cette politique est-elle la même dans les deux autres régions (flamande et capitale ?) Dans quelle mesure est-elle opérationnelle ? Comment le raisonnement par unités paysagères des atlas s'applique-t-il aux communes ? Commentse met en place la concertation ? Les acteurs rencontrés · Niveau régional : Gouvernement : Direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie de la région Wallonnie (DGO4). · Niveau local (projet de territoire) : Parc naturel des plaines de l'Escaut · Milieu universitaire : Université libre de Bruxelles . · Paysagiste et urbaniste libéraux, enseignants, maîtres d'oeuvre. Contexte national La Belgique - 30.528 km² - 11,3 M.hab. ­ 368 hab./km² - Capitale : Bruxelles (180.000hab. région Bruxelles-Capitale 1,2 M.hab. agglo. 2,7 M.hab.) Statut : monarchie constitutionnelle fédérale ­ un état central ­ 3 communautés linguistiques et 3 régions territoriales ­ 10 provinces subdivisées en arrondissements ­ 589 communes. Organisation territoriale belge · Le pays est divisé depuis 1970 en trois communautés linguistiques et trois régions territoriales. Il est composé de deux groupes principaux : les néerlandophones (57 % de la population) majoritairement dans la région de Flandre, au nord, et les francophones (43 % des Belges) majoritairement dans la région de Wallonie, au sud, auxquels s'ajoute un petit groupe de Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 82/173 · germanophones, représentant moins de 1% de la population (environ 80 000 personnes, dans l'est de la Wallonie). Une troisième région, celle de BruxellesCapitale, bilingue, de 19 communes, est une enclave majoritairement francophone en Région flamande. Les trois régions disposent d'une très grande autonomie en particulier dans les domaines de l'économie, de l'emploi, de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, de l'agriculture, des travaux publics, du logement, du tourisme, de l'énergie, de l'environnement, etc. Elles ont également compétence sur l'organisation des pouvoirs locaux (dont la commune) : composition, compétences, fonctionnement et financement, tutelle, règles électorales, statut du personnel des pouvoirs locaux. Les Régions peuvent également augmenter le nombre des communes ou les fusionner. Politique du paysage La CEP a été ratifiée par l'État en 2004, après ratification par chacune des régions et communautés. (Le niveau fédéral n'a aucune préséance par rapport aux entités fédérées dans leurs domaines de compétences.) Son application est du ressort des régions. L'approche est différente entre le nord et le sud du pays, aboutissant à des typologies paysagère différentes : · En Flandre, un premier atlas en a été publié en 2001 par le ministère flamand sur la base d'un inventaire des paysages traditionnels utilisé dès 1993. Depuis 2004, l'Agence Flamande pour le Patrimoine Immobilier (Vlaanderen Agentshap Onroerend Erfgoed) est chargée de l'actualisation et de la gestion de l'Atlas. · En Wallonie (voir plus loin), la région s'appuie sur la Commission Permanente du Développement Territorial (CPDT), plate-forme de recherche et d'échanges pour rédiger les atlas de paysage, conçus comme des documents scientifiques, en y incluant les objectifs de qualité paysagère. Contexte wallon - 16.844 km² - 3,6 M.hab. ­ 213 hab./km² - Capitale Namur (111.000 hab. (arrondisst 316.000 M.hab.) Statut : entité fédérée.de wallonne - 5 provinces - 20 arrondissements - 262 communes la région Documents de planification territoriale en Wallonie La région wallonne a la compétence de l'aménagement du territoire et l'urbanisme. Un nouveau « Code du développement territorial », qui devait être promulgué en 2017, le fait passer d'une approche réglementaire à une approche de négociation et de projet. La région s'est dotée d'un outil d'orientation : le SDER (Schéma de développement de l'espace régional) : il exprime les options d'aménagement pour l'ensemble du territoire wallon qui sont ensuite traduites au niveau communal. Il est aussi chargé de mettre en oeuvre les plans de secteur, la gestion du paysage la rénovation urbaine, etc. A l'échelle des 20 arrondissements, 23 plans de secteur ont été élaborés par la région et portent sur le zonage, les mesures d'aménagement et les voies de communication. Ils subdivisent le territoire en différentes zones constructibles (habitat, zones industrielles et artisanales, services, équipements communautaires et de service Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 83/173 public, zones de loisirs) ou non constructibles ou à constructibilité ciblée (zones agricoles, forestières, espaces verts, zones d'extraction, etc.). Une réforme est envisagée en vue de rénover ces plans déjà anciens, rigides et conçus sur des prévisions de croissance trop élevées. Les compétences communales sont très larges, couvrant tout ce qui relève de « l'intérêt communal » (les besoins collectifs des habitants). Un schéma de structure communal (ou pluri-communal) peut être établi, non obligatoire, et sans valeur réglementaire. Il s'agit d'une planification opérationnelle basée sur des programmes d'actions, sur l'ensemble du territoire communal. Il est impératif pour les investissements communaux, obligatoire contractuellement pour toute personne qui perçoit des subventions et qui, en contrepartie, doit prendre des engagements en vue d'exécuter le schéma de structure. Le schéma de structure communal s'appuie, en particulier, sur l'identification de la structure paysagère du territoire communal. Nombre de communes bénéficient ainsi d'une cartographie relativement détaillée des paysages communaux, l'échelle de la commune wallonne étant en moyenne de 64 km² (France : 15 km²) ­ une politique de fusion engagée en 1977 au niveau national a fait passer leur nombre de 2500 à 589 ­ Elles peuvent utiliser les services d'un « CATU », conseiller en aménagement du territoire et urbanisme, pas obligatoire, mais subventionné, qui est assisté d'une Commission consultative d'aménagement du territoire (CCAT). Politique du paysage en Wallonie La Région wallonne a ratifié la Convention européenne du paysage en 2001. La DGO4 (Direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie) intervient sur la gestion des paysages remarquables protégés par un classement ; la réhabilitation de paysages dégradés ; les paysages ordinaires, via l'urbanisme et l'aménagement. En Wallonie, le paysage est abordé indirectement dans les textes. Le Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine (CWATUP) précise que « Le territoire de la Région wallonne est un patrimoine commun de ses habitants. La Région et les autres autorités publiques, [...] sont gestionnaires et garants de l'aménagement du territoire. Elles rencontrent de manière durable les besoins [...] de la collectivité par la gestion qualitative du cadre de vie, par l'utilisation parcimonieuse du sol, [...] et par la conservation et le développement du patrimoine culturel, naturel et paysager. » Ainsi le paysage est considéré comme critère de référence pour certaines procédures et actes d'aménagement, avec l'obligation d'intégrer la dimension paysagère dans les documents d'aménagement : plan de secteur, schéma de structure communal. En outre le CWATUP prend le paysage dans une acception large, sensible. On notera par exemple plusieurs dispositions s (comme l'article 113), qui conditionnent certaines dérogations, « pour autant que les actes et travaux projetés soit respectent, soit structurent, soit recomposent les lignes de force du paysage ». Cette légalisation implique donc que le paysage doit être pris en compte dans certaines procédures et mesures de gestion et dans les documents de planification comme les plans de secteurs des arrondissements, ou les schémas de structure communaux. On note l'existence des programmes de paysage, de nature volontaire, qui contribuent à protéger des domaines spécifiques. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 84/173 Comptes-rendus des rencontres Politiques paysagères En matière de connaissance, de formation et de sensibilisation, on notera différents inventaires et publications au niveau régional, mis en oeuvre par la région avec des associations ou organismes : · inventaire des périmètres d'intérêt paysager et des points de vue remarquables ; inventaires du patrimoine ; · atlas de paysages ; · publications et ouvrages relatif à l'intégration paysagère des constructions en milieu rural, sur la prise en compte du paysage dans l'aménagement ou la gestion de l'espace rural ; Ces actions sont mises en oeuvre par la DGO4 ou avec des associations ou organismes : · L'ADESA (Action et Défense de l'Environnement de la vallée de la Senne et de ses affluents), association active sur le patrimoine naturel, paysager et bâti, le cadre de vie. Dont le champ d'action s'est étendu sur toute la Région. · La Commission Permanente du Développement Territorial (CPDT) dispose d'un statut officiel. Cette plate-forme de recherche, de formation et d'échanges rassemble des universitaires chercheurs. Elle a une vocation d'expertise et de recherche, de diffusion et de formation dans l'aménagement du territoire et de l'urbanisme. Elle reçoit des subsides de fonctionnement et de recherche, dont l'identification des paysages de Wallonie. · Au niveau local, nombre d'actions sont menées par différentes associations, souvent encouragées par la DGO4 (observatoire photographique du paysage, études paysagères, réalisation d'atlas communaux du paysage, centre d'interprétation du paysage...). · Une « plate-forme paysage » d'échanges et de cohérence des projets paysage initiée et financée par la DGO4 en 2006 réunit à cet effet les différentes structures publiques menant une action dans ce domaine : parcs naturels, contrats de rivière, groupes d'action locale (GAL), associations, CPDT. Les atlas de paysage Dès 2001, la Région wallonne a confié à la CPDT la mission d'identifier et de caractériser les paysages wallons. Une première étape a abouti à identifier 79 territoires paysagers regroupés en 13 ensembles. Cette démarche a fait l'objet d'une publication intitulée " Les territoires paysagers de Wallonie", qui couvre toute la région, à l'échelle du 1/50.000e. Pour chacun des 13 ensembles identifiés, des Atlas des paysages plus approfondis sont programmés, à l'échelle du 1/20.000e. Dédiés à une analyse des paysages et de leurs évolutions, ces outils de connaissance, de sensibilisation et de gestion des paysages à l'échelle d'un ensemble paysager sont publiés au rythme d'un tous les deux ans. Cinq atlas ont été publiés mais le rythme risque de baisser faute de moyens suffisants. Les atlas comprennent une table des matières identique pour chacun : paysages, contexte, histoire, dynamiques, « regards sur le paysage » (voir ci-après), les « aires paysagères » (unités) ou territoires paysagers, les enjeux, les pistes d'action et mesures à prendre. Les atlas contiennent ainsi les objectifs de qualité paysagère fixés par la Convention européenne du paysage. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 85/173 Chaque atlas comporte un chapitre intitulé « des regards sur le paysage» : une enquête est menée auprès d'acteurs locaux (associations, élus régionaux, intercommunaux ou communaux, organismes, acteurs du monde culturel, du monde agricole ou forestier, etc.) habitant la région et considérés comme des porte-parole de la population. Le but est de mieux cerner la façon dont ces acteurs perçoivent leurs paysages et leur avenir. Cette vision subjective et vivante complète l'approche objective menée dans l'atlas et aboutit parfois à remettre en question les délimitations de certaines aires paysagères proposées par l'étude. Les atlas de paysage se veulent scientifiques, objectifs et incontestables. C'est la raison pour laquelle ils sont confiés à un réseau d'experts et d'universités, et non pas sous-traités à des bureaux d'études. La dimension concertation est prise en compte, par les sociologues et, on l'a vu, par la rubrique « regards », mais plutôt en aval du processus. C'est une des limites de l'exercice, tout comme le fait que ces documents, largement publiés et diffusés, ne sont pas soumis à approbation des autorités locales. Les atlas sont considérés comme un support à toutes sortes d'actions (découverte de paysage, réseau des « voiries lentes » Ce sont des documents de référence et d'orientation sans valeur réglementaire, très précis, destinés à aider les décideurs, ou à fournir des argumentaires aux citoyens, bureaux d'études, écoles, associations. Ils sont en particuliers utilisés par les Commissions consultatives communales d'aménagement du territoire et de mobilité (CCATM), organes consultatifs créés par les communes qui le souhaitent. Une fois créées, ces commissions sont obligatoirement consultées pour certaines matières et peuvent se saisir de sujets locaux. Un projet de territoire : Le parc naturel des plaines de l'Escaut Le parc naturel des plaines de l'Escaut est un des dix parcs naturels de Wallonie, créé par décret sur la base d'une démarche locale. Le parc comprend six communes et existe depuis 20 ans ; il compte 63.000 habitants sur une superficie de 26.500 ha. et emploie une vingtaine de personnes. Un Groupe d'Action Locale (GAL) vient de se créer sur le même territoire pour s'inscrire dans le programme de développement rural de Wallonie, afin de bénéficier des subventions européennes (LEADER). En Wallonie, en milieu rural, la planification se fait via deux outils : le schéma de structure communal (ou le schéma pluricommunal) et le PCDR (programme communal de développement rural), en relation avec la fondation rurale de Wallonie (FRW), qui est une sorte d'établissement public financé par le ministère de l'agriculture régional. Les parcs sont consultés pour les permis de construire par les communes, mais aussi sur de multiples sujets, ce qui a incité à mettre en place des chartes paysagères. Dans les parcs, contrairement aux autres territoires, les programmes de paysage sont obligatoires. Le paysage est un marqueur important qui peut être convoqué dans de nombreux domaines : connaissance, urbanisme, espaces publics, vitrine pour les entreprises, tourisme, agriculture, filière bois/énergie. De ce fait, le parc naturel des plaines de l'Escaut intervient dans de multiples domaines par des opérations concrètes de petite échelle, mais très nombreuses : · actions et subventions sur de petits projets, plantations de haies, abords de fermes, entrées de villages et espaces publics ; · études sectorielles ; Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 86/173 · · sensibilisation du public (ex l' observatoire transfrontalier des paysages, les semaines de l'aménagement du territoire, organisées par thèmes (éoliennes, infrastructures, etc.); observatoire photographique transfrontalier avec le PNR Scarpe-Escaut voisin. Le parc mène une politique active vis-à-vis des agriculteurs : l'action « le paysage, pour une image restaurée des agriculteurs » permet d'aider à l'intégration sociale des agriculteurs, notamment en les rapprochant des populations de néo-ruraux qui leur sont parfois hostiles. Enfin, le parc a publié, dans le cadre de son « atlas des paysages », des fiches de recommandations portant sur les lignes de force du paysage, le patrimoine bâti rural, les lotissements, les clôtures, les panneaux photovoltaïques, etc... Les paysagistes : formation, recherche, organisation professionnelle Formation et recherche Il existe en Wallonie deux grands niveaux de formation dans le domaine : · « bachelier », en 3 ans, orientant soit vers l'architecture des jardins et l'aménagement des espaces publics (professionnalisant, à dominante pratique), soit vers des études de mastère (« bachelier de transition »), les deux achevés par un stage de 12 semaines · mastère, en 2 ans supplémentaires, formant à la profession d'architectepaysagiste et délivré à l'issue d'une formation universitaire théorique et pratique (en « haute école). Ce mastère est directement accessible aux titulaires du « bachelier de transition » et à l'issue d'une année « passerelle » pour les titulaires du bachelier professionnalisant, ou encore sur dossier pour les titulaires de certains diplômes comme celui d'architecte. Les études de bachelier et de master architecte paysagiste sont dispensées par trois établissements d'enseignement, qui travaillent en collaboration : · l'ISIa Gembloux (Institut Supérieur Industriel agronomique) ; · la faculté d'architecture La Cambre-Horta (Université Libre de Bruxelles) ; · Gembloux Agro-Bio Tech, intégré à l'Université de Liège, qui forme des universitaires et des ingénieurs dans les domaines des sciences agronomiques et de l'ingénierie biologique . Le cursus de formation se déroule en alternance sur les 3 sites (avec un stage de 12 semaines en bureau d'études ou collectivité locale en fin de 3è année) ; il se place explicitement sous l'égide de la CEP, avec cinq domaines d'acquisition de connaissance (habiter, percevoir, environnement, produire, maîtriser les outils transversaux (SIG, droit...), des ateliers de projets et le Travail de fin d'études (TFE). Un cours spécifique de gestion participative du projet est dispensé en 1ère année de mastère, avec un module « paysage et société » pour en fournir les bases théoriques. Un doctorat en paysage est en projet, car pour le moment, les architectes du paysage qui veulent disposer de ce titre doivent passer par l'architecture ou la bio-ingénierie. Il existe d'autres écoles de paysage en Flandre (Gand et Vilwoorde), mais pas de niveau mastère. Si par exemple on a besoin d'un bureau d'étude pour un atlas de paysage, c'est chez un géographe qu'on trouvera les compétences. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 87/173 Organisation professionnelle Avec le mastère on peut travailler et ouvrir son agence. Le titre n'est pas protégé. Il semble que les étudiants trouvent tous du travail. La formation compte beaucoup d'étudiants français. Les français disposant du seul BTS « jardins » doivent faire tout le cursus. Le diplôme est reconnu à l'étranger. De plus en plus de paysagistes vont dans le secteur public en Wallonie. Le niveau a beaucoup monté, du fait du travail considérable d'organisation de l'enseignement entrepris depuis une dizaine d'années. Avant le niveau était celui de bachelier, et les administrations belges n'engageaient de paysagistes que pour les parcs et jardins. Les appels de candidatures pour les postes publics commencent à évoluer mais pour aménager des espaces publics, on demande encore bien souvent un architecte. Il existe un ordre des architectes en Belgique. Pour ce qui est des paysagistes, il existe une « Association belge des Architectes de Jardins et des Architectes Paysagistes » (ABAJP). Les titulaires d'un mastère y sont inscrits d'office, les titulaires d'un bachelier doivent justifier de deux ans d'expérience professionnelle et présenter un dossier d'admission. L'ABAJP mène une action de reconnaissance du titre, de diffusion des informations et d'échanges sur la pratique professionnelle. L'ABAJP est membre de l'IFLA (International Federation of Landscape Architects). Elle compte environ 125 membres sur l'ensemble de la Belgique, essentiellement ceux qui pratiquent le métier à temps plein, ce qui est rare : en effet le marché est faible, très concurrentiel et bien souvent les paysagistes ont une autre activité. En Flandre, beaucoup de paysagistes font du jardin privé : il y a une tradition horticole en Flandre, due à la rareté et à la cherté du terrain, associée à un marché du petit plant qui a influencé le jardin. La sensibilisation au paysage Il existe, dans le primaire (éducation au milieu) des sensibilisations au paysage. Dans le secondaire il existe des modules, obligatoires dans certains cursus. Les enseignants, plutôt les professeurs de géographie dans le secondaire, dont le paysage est une des thématiques, ont besoin de mallettes pédagogiques ou d'aide de chargés de mission qui font des interventions. Ces aides ou des dossiers pédagogiques sont souvent fournis ou édités par différentes associations ou par la « fondation rurale de Wallonie » (FRW), qui est un organisme privé et indépendant, en charge de missions de service public, et qui oeuvre pour le développement des régions rurales en soutenant des projets économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Elle a réalisé par exemple une action de sensibilisation des enfants de 8 à 12 ans intitulée « le rôle de l'agriculteur dans la gestion de nos paysages ». Cette action est localisée sur le territoire du « Beau Canton » qui se situe entre deux structures géologiques différentes, l'Ardenne et la Lorraine. Elle y a constitué un « Parc des paysages », centre d'interprétation pour faire découvrir à tous ­ habitants et visiteurs ­ la richesse des interrelations entre l'Homme et son milieu. Les objectifs de l'activité pédagogique sont d'approcher la définition du paysage et de fournir les bases de la lecture d'un paysage ; de comprendre que le paysage évolue ; de différencier les acteurs du paysage (agriculteurs, forestiers, habitants, pouvoirs publics, ...) ; de comprendre que les agriculteurs sont des acteurs importants du paysage. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 88/173 A retenir : Politiques - un réseau informel mais très actif d'acteurs publics et nationales institutionnels, la « plate-forme paysage » réuni par (Région Wallonne) l'administration Wallonne. Il permet la mise en réseau des très nombreuses initiatives locales notamment en milieu rural. - un système d'Atlas de paysage réalisés par le gouvernement wallon et une équipe d'universitaires, avec une participation citoyenne plutôt en aval de leur réalisation. Ces documents intègrent les objectifs de qualité paysagère correspondant à leur territoire. Prise en compte Les « regards sur le paysage » des atlas des populations Profession des études d'« architecte-paysagiste » réorganisées depuis dix ans selon les recommandations de l'IFLA : mastère en cinq ans au programme référencé aux orientations de la CEP ; mis en place par deux universités et une « haute école ». Il s'agit d'une tendance européenne d'élévation du niveau d'études des professionnels du paysage. Maîtrise d'ouvrage Une culture nationale imprégnée de l'art des jardins. De plus en plus de paysagistes accèdent à la maîtrise d'ouvrage publique du fait de la montée du niveau des études. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 89/173 Pays : Espagne ­ Communauté autonome catalane Source : recherches bibliographiques et visite des 1, 2 et 3 février 2017 Problématiques initiales identifiées Détection d'une loi paysage catalane de 2005 dans la documentation du Conseil de l'Europe. Intérêt : · une stratégie interministérielle du gouvernement de la Communauté autonome Catalane (« llei del païsatge ») qui met en place un opérateur : l' « Observatori » ;. Atlas de paysage systématiques incluant des objectifs de qualité et aboutissant à des « directives ». · des chartes paysagères initiées et signées par les acteurs locaux au niveau de l'unité paysagère. · un programme d'éducation au paysage pour les écoles et collèges. Questionnement : comment se met en oeuvre localement cette loi, quels sont ses effets ? Quid de la profession de paysagiste ? Les acteurs rencontrés · Niveau Communauté autonome : Observatoire Catalan des paysages, sorte de Groupement d'intérêt public (GIP), réunissant essentiellement des personnes publiques, (administration, universités, organisations professionnelles, associations, collectivités). · Niveau local (projet de territoire) : Comarque, parc naturel, municipalités, associations. · Niveau local (projet de reconquête paysagère littorale) : municipalité, parc naturel, maître d'oeuvre, Université (directeur scientifique du projet) · Un paysagiste libéral, professeur à l'école du paysage de Barcelone, maître d'oeuvre. Contexte national L'Espagne - 506.000 km² - 46,5 M.hab. ­ 92 hab./km² - Capitale Madrid (agglo. 6 M.hab.) Statut : monarchie constitutionnelle ­ un état central ­ 17 communautés autonomes ­ 50 provinces ­ 8.112 municipalités Organisation territoriale · Les communautés autonomes disposent d'une grande autonomie et ont compétence sur l'aménagement, l'environnement, le développement économique, l'enseignement, la culture, la santé, la police... Elle comportent un Parlement, un président élu par le Parlement et nommé par le roi, et un exécutif. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 90/173 · · Les compétences des provinces, en général assez réduites, varient suivant les communautés autonomes. La gestion des communes est exercée par les mairies (en Catalogne ajuntament). Elles peuvent se regrouper : la comarca est un regroupement de municipalités qui peuvent avoir un rôle administratif, comme par exemple en Catalogne et en Aragon. la mancommunidad est une sorte d'intercommunalité à laquelle les communes délèguent une partie de leurs compétences afin de mutualiser des services. Urbanisme et aménagement du territoire Le droit de l'urbanisme est décentralisé, les 17 communautés autonomes ayant une très large compétence législative, en particulier sur l'aménagement du territoire, l'urbanisme, le logement. L'État conserve un certain nombre de prérogatives, égalités des droits, responsabilité des administrations publiques, etc. Le droit de l'urbanisme est fondé sur la classification des sols (urbanisé, urbanisable, non urbanisable) Un certain nombre de lois ont modernisé le droit, dont le décret législatif royal du 20/06/2008 (qui refonde le droit des sols dans une perspective de développement soutenable et de lutte contre la spéculation). Politique du paysage La Convention européenne du paysage (CEP) a été ratifiée en 2007 et entrée en vigueur en 2008. Le paysage était jusqu'alors abordé de façon latente dans des lois sectorielles sur les forêts, l'aménagement du territoire, les espaces naturels protégés, la protection du patrimoine historico-artistique et l'urbanisme. L'État a mis en place, par décret royal du 20 avril 2011, un inventaire préliminaire des paysages du pays, l'« Atlas des paysages d'Espagne » qui fournit un cadre pour les études et politiques régionales. Les Communautés autonomes mettent en oeuvre la CEP, chacune avec ses lois et à son rythme. L'Andalousie par exemple a publié un atlas des paysages andalous et approuvé en 2012 une stratégie du paysage ; le Pays basque a intégré la CEP par un décret de 2014 et lancé une politique d'inventaire en cours de 14 territoires, de manière participative en utilisant Internet, aboutissant à des objectifs de qualité paysagère et des plans d'actions proches de nos plans de paysage, etc. En Catalogne, la loi sur le paysage a été votée en 2005, anticipant la ratification nationale de la CEP. Contexte catalan - 31.950 km² - 7,6 M.hab. ­ 237 hab./km² - Capitale Barcelone (agglo.5,5 M.hab.) Statut : communauté autonome. - la Généralitat - quatre provinces (sept vigueries selon la loi catalane) - 41 comarcas - 946 municipalités Documents de planification territoriale en Catalogne : · « plan territorial partiel » pour chacune des 7 vigueries, approuvé par la Generalitat ; Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 91/173 · · · · « plan directeur territorial » pour chaque comarca, compatible avec la norme supérieure ; pour la région urbaine de Barcelone, un plan territorial général approuvé par la Generalitat ; certains secteurs urbains complexes disposent de « plans directeurs urbanistiques » (PDU, équivalents de nos SCOT) soumis à l'approbation de l'échelon supérieur ; la municipalité fait l'objet de « plans d'ordenacio urbanistics municipals » (POUM) d'un niveau comparable à nos PLU. Ils font l'objet d'un examen par une « commission territoriale urbanistique » (CTU) avant leur approbation. Comptes-rendus des rencontres Politiques paysagères L'Observatori a été fondé en 2004 et officialisé par la « Llei del Paisatge » (8 juin 2005) comme « organisme de soutien et de collaboration avec l'administration du gouvernement catalan ». La loi prévoit un « Fonds du paysage » notamment utilisé pour des opérations exemplaires et reproductibles de restauration du paysage dans les franges urbaines. Avec l'éclatement de la bulle immobilière, élément déclencheur du mouvement sociétal en matière de paysage qui avait abouti à la loi de 2005, le montant du fonds a beaucoup baissé. L'Observatoire a de nombreuses activités : · écriture des 7 atlas (catàlegs) de paysages, un par viguerie, approuvés de 2007 à 2014. Quatre ont déjà fait l'objet d'une édition pédagogique illustrée. Selon la loi, ces catalogues doivent être transcrits en obligations juridiques sous la forme de directrius dans chaque viguerie ; deux seulement sont approuvées à ce jour, certaines étant toutefois appliquées par anticipation. Les catàlegs ont défini des objectifs de qualité paysagère (à la différence des atlas français), selon un processus participatif équilibré entre population (via des réunions, des plateformes en ligne...), élus locaux et experts. activité de diffusion de la culture paysagère : nombreux colloques et ouvrages sur des thèmes parfois pionniers (« paysages et santé ») et interventions dans des revues grand public. Publication large d'un kit d'éducation au paysage, à l'usage des enseignants des collèges, élaboré avec des professeurs (géographie, sciences naturelles...) et des formations de formateurs. Il n'y a toutefois pas d'évaluation à ce jour. activités de consultance, au niveau central ou local. L'observatoire appuie les Cartas (chartes) del Paisatge d'échelle intercommunale : créées par la loi, elles n'ont pas vocation à couvrir l'ensemble du territoire catalan, mais ces documents de projets d'initiative locale, signés par l'ensemble des acteurs locaux reçoivent une « reconnaissance » de la Generalitat si elles sont conformes aux objectifs de qualité paysagère définis dans les catàlegs. Toutes ne sont pas reconnues (six l'ont obtenue) : échelle inappropriée, actions orientées vers le tourisme, la communication. L'échelle idéale doit être limitée à quelques unités paysagères maximum. · · Émergent actuellement des initiatives locales non prévues par la loi : plans de paysages, initiatives municipales, projets paysagers dans certains quartiers urbains (où le paysage devient outil d'intégration sociale, car l'urbanisme traditionnel ne correspondrait plus à l'aspiration sociétale à une gouvernance différente). Autre initiative « remontante » citée : le réseau « Wikipedra », recensement citoyen des cabanes de pierre sèche, avec 129 correspondants bénévoles. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 92/173 Bilan selon l'Observatoire : douze ans après sa promulgation, la Llei del Paisatge devrait faire l'objet d'une évaluation, voire d'une révision pour intégrer ces nouvelles initiatives locales. Il serait également utile de généraliser la mise en oeuvre des objectifs de qualité des catàlegs, au-delà de la planification urbaine, à l'ensemble des politiques sectorielles : infrastructures, agriculture, énergie notamment. Pour le moment, la loi ne prévoit que des « études d'impact et d'intégration paysagères » au sujet desquelles l'Observatori est régulièrement consulté, mais dont la prise en compte effective résulte d'arbitrages internes au gouvernement catalan. Afin de dépasser ces études d'impact et d'aboutir à de véritables doctrines paysagères sur les politiques sectorielles, il faudrait mettre en place un conseil consultatif national (plus officiel que le Conseil consultatif de l'Observatoire), permettant de rassembler les parties prenantes. Un des rares échecs signalé par l'observatoire en tant que conseil au gouvernement : le thème des éoliennes, où une proposition de « lignes directrices » n'a pas été mise en chantier, du fait du lobbying dans ce domaine. Pour les années à venir, l'Observatoire prévoit une stratégie décennale qui comporte dix domaines d'investigation, parmi lesquels : vivre et produire dans un environnement de qualité ; contribution du paysage au développement local ; création de nouveaux paysages de référence ; paysage et valeurs collectives ; paysage créateur d'emploi ; énergie et paysage, etc. Un projet de territoire : la Charte de paysage du Priorat Il s'agit d'un projet de territoire situé sur une comarca de 23 communes, intéressant à trois titres : un projet réellement impulsé et piloté par ses habitants, avec une volonté permanente de dépassement ; un projet fondé sur les ressources agricoles locales, avec une volonté de conserver la maîtrise» ; un projet qui aboutit à la création de nouvelles formes paysagères adaptées à « l'agriculture du 21e siècle ». 1- Un projet initié par les habitants : La Carta (charte) del Paisatge est née d'un sentiment de délaissement au début des années 90, après un long déclin et un fort exode rural. Un renouveau de la viticulture fait alors penser qu' « il est tout de même possible d'habiter ici », en se prenant en charge, dans un territoire dont la rudesse et la singularité créent un sentiment d'appartenance et une sensibilité paysagère latente (« le paysage est le visage du territoire »). L'élément déclencheur de la démarche est un projet d'implantation d'éoliennes sur l'emblématique Serra de Montsant. Les habitants se mobilisent alors contre ce projet venu de l'extérieur, après bien d'autres. Les instances locales opposent un contre-projet qui analyse combien le Priorat peut absorber de machines et où les implanter. L'opérateur énergétique se retire, mais le mouvement est créé : la décision est prise dès 2004 d'une démarche paysagère qui s'inscrira dans la catégorie des cartas créée par la loi de 2005. Conclue en octobre 2012, la charte est signée par treize communes, par le parc naturel de Montsant, les conseils régulateurs des appellations viticoles, les acteurs agricoles, industriels et touristiques locaux. Les objectifs de qualité paysagère concernent les silhouettes villageoises, le patrimoine architectural, les accès aux villages, les référents visuels du territoire, l'activité économique et notamment agricole, mais aussi le développement d'une conscience paysagère par l'enseignement, la recherche de « nouveaux points de vue sur le paysage », de nouveaux modes de gestion et Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 93/173 d'intervention. Le plan d'action prévoit le montage d'un dossier de candidature au patrimoine mondial au titre des paysages culturels, afin surtout de mobiliser les acteurs locaux sur un défi : « le chemin est plus important que l'objectif ». 2- La maîtrise du développement agricole : Le projet de territoire du Priorat est très lié à la viticulture, mais le paysage agricole est plus complexe, dominé par les productions méditerranéennes : vin, olives, amandes et quelques céréales. Le monde agricole a évolué, au cours des 8 années de l'élaboration de la carta, d'une attitude prudente à une contribution active, estimant que la démarche pouvait procurer « une meilleure vie ». L'un des objectifs de la Charte est donc de consolider et développer l'activité agricole. Un office foncier a été créé à cet effet, qui est l'une des institutions de gestion paysagère la plus prometteuse, selon nos interlocuteurs. L'autre activité motrice du développement du territoire est le tourisme, que la comarca veut localement maîtriser, en limitant les investissements à des activités compatibles avec l'esprit des lieux : réseau dense de sentiers, chambres d'hôtes et agro-tourisme, pas d'équipement de grande échelle. Les acteurs institutionnels du Priorat ont signé à cet effet une « charte du tourisme durable » autour de « valeurs » énoncées du territoire : mosaïque agricole, anciennes mines, sites archéologiques pré-ibériques et travail de la pierre sèche. 3- Un nouveau paysage : La visite du territoire a confirmé que le projet de paysage consistait, au-delà de restaurations d'anciens bancals et des murets de pierre sèche, à promouvoir un nouveau type de paysage fondé sur l'utilisation rationnelle des sols en forte pente et le choix de cultures adaptées au climat, avec de nouvelles formes de terrasses accessibles à des engins mécaniques de petite taille ; inscrites dans les courbes de niveau ces nouvelles banquettes dessinent un paysage de nature à renouveler les archétypes paysagers de la culture en terrasse. De même l'économie viticole a adopté, pour la construction de ses chais (cellars), une architecture contemporaine parfois contestable mais qui se réfère aux coloris, à l'implantation ou aux morphologies locales. Un projet de reconquête paysagère : « Life Pletera » de Torroella de Montgri Le projet est porté par la Municipalité. La station balnéaire d'Estartit, sur la commune de Torroella de Montgri, était progressivement gagnée par l'urbanisation côtière, comme une grande partie de la côte catalane, sans tenir compte des phénomènes hydrologiques et sédimentologiques qui assuraient l'équilibre de la plaine rétro-littorale. En 1987 se construit en bord de mer, en remblai, une « promenade » de près d'un kilomètre, dont les abords devaient être viabilisés et urbanisés après remblaiement d'une lagune arrière-dunaire. Les remontées salines par un chenal situé au sud du nouvel équipement ont dès lors commencé à rendre stériles les champs situés en arrière. Un premier îlot de logements était néanmoins construit au début des années 2000. Le site est inclus depuis 2005 dans un site Natura 2000 destiné à sauvegarder une espèce de poisson endémique, l'aphanius d'Espagne, puis, en 2010, est englobé par la Generalitat dans le nouveau Parc naturel de Montgri, des Iles Medes et de la BaixTer. Enfin, une nouvelle municipalité décide de mettre en oeuvre une reconquête paysagère d'ensemble, incluant la « désurbanisation » du site : enlèvement des Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 94/173 remblais accumulés et démolition des kilomètres de voirie mis en place afin de recréer la lagune disparue. Les travaux, d'un montant de 2,5M (financé à 75% par le programme européen LIFE et le solde par la Generalitat, le Parc et la municipalité maître d'ouvrage) ont bien avancé : l'eau est désormais présente et les premiers flamants sont de retour. Il reste à terminer les excavations, à créer des cheminements doux et des observatoires de l'avifaune, à canaliser les accès du public à la plage en consolidant la défense naturelle du trait de côte, à suivre la reconstitution des milieux naturels et à encourager la réimplantation d'activités agricoles ou pastorales en amont. Le processus doit être accompagné d'interventions artistiques. Globalement, le projet ne se borne pas à « réparer » : il crée un nouvel attrait, par la découverte de la nature, et rend ainsi « positif » le nouveau paysage qu'il met en place, appuyé sur le caractère et les richesses du lieu. Cette renaturation est d'une ampleur inédite sur la côte méditerranéenne : il ne s'agit pas seulement de supprimer une voirie, comme au Grand Travers, près du Grau du Roi, ou de réhabiliter une friche, industrielle comme à Paulilles, ou touristique comme au Cap Creus (voir ci-après), mais bien de supprimer une trame urbaine complète certes non encore bâtie, mais déjà acquise par des constructeurs qui ont entrepris une série de recours judiciaires. Toutefois, si le gain paysager global est évident, le système de cheminements et d'équipements de découverte pourrait utilement bénéficier du regard d'un paysagiste pour mieux exprimer l'esprit de cette Aiguamol (marais) ressuscitée. Rencontre avec un paysagiste : la profession ­ le projet du Cap de Creus 1 - La profession : son statut, ses modes d'intervention : Selon notre interlocuteur, la profession de paysagiste n'est reconnue ni en Espagne, ni en Catalogne, malgré l'existence d'une Association espagnole des paysagistes (AEP) dont l'audience reste faible. Certes, il existe une « école » barcelonaise de traitement des espaces publics, née après la fin de la dictature. Des architectes-urbanistes ont investi ce champ, avec des personnalités marquantes comme Oriol Bohigas, Joan Busquets, Beth Galí, Enric Miralles, ou Manolo Ruiz Sánchez, mais entre les architectes et les ingénieurs, les paysagistes n'ont pas pu trouver leur place. Il existe à l'Université de Barcelone deux Mastères d'architecture du paysage, mais il ne s'est agi, pendant longtemps que d'une spécialité post-diplôme d'architecte. Sous l'impulsion de Rosa Barba (1995-2001) elle-même urbaniste, des passerelles ont été érigées avec le monde de l'écologie ou de l'horticulture afin de créer un cycle complet en paysage et une pluralité des origines des étudiants du mastère. Les effectifs de ce cursus sont de deux fois 25 au sein de l'Université avec un statut de reconnaissance de l'État pour le premier et un statut privé pour l'autre (aujourd'hui ce dernier est principalement fréquenté par des ressortissants étrangers italiens et hispanophones). Les ateliers y sont fondés sur la pratique du projet, avec peu de cours orientés vers la connaissance ou l'approche territoriale. Mais même pour des concours portant sur la création des grands espaces publics, ce sont des compétences d'architecte ou d'ingénieur civil qui sont requises dans les appels de candidatures. En conséquence, selon notre interlocuteur, les remarquables travaux de l'observatoire resteraient abstraits, peu opérationnels avec un faible lien avec la pratique quotidienne qui permettrait d'illustrer les principes et orientations défendus. On pourrait ainsi Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 95/173 impliquer davantage les paysagistes, comme on commence à le faire en France, dans la mise en oeuvre opérationnelle de la trame verte et bleue. 2 - La reconquête de la friche touristique de Cap Creus C'est un projet dont notre interlocuteur a été maître d'oeuvre. Il s'agissait de réhabiliter la friche touristique laissée sur cet espace minéral exceptionnel (une « radiographie de la Terre ») par la fermeture, en 2003 du village de vacances du Club Méditerranée. La fermeture était intervenue du fait du vieillissement de l'infrastructure, dont la mise aux normes aurait coûté très cher, et de son inclusion, à partir de 1998, dans un parc naturel, dont les valeurs étaient aux antipodes de cette implantation. L'opération de « déconstruction » a coûté 11M (dont 7 M de l'État Espagnol et 4 M de la Generalitat de Catalogne). Il ne s'agissait pas seulement de démolir, mais de trier, traiter et exporter la plupart des matériaux, sauf les soubassements des immeubles qui avaient été construits en pierre locale. En outre il fallait donner à cet espace une vocation de découverte par le public de la richesse géologique du Cap Creus (formes animalières de certains rochers notamment), sans occulter son histoire récente de village de vacances. Il s'est donc agi de mettre en scène, au sens littéral (l'auteur parle de « promenades chorégraphiques ») la découverte du site. Cela a été obtenu par le traitement des sentiers qui permettent la perception des affleurements rocheux dans le ruban de cheminement, mais aussi en guidant le visiteur (des lisses basses métalliques longent le cheminement) ou en le surprenant (le sentier débouche brusquement sur un à-pic...). Une évocation de l'ancienne destination des lieux est obtenue par le maintien de la structure en acier corten d'un ancien bâtiment du village. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 96/173 A retenir : Politiques nationales (Communauté autonome Catalane) - Une loi paysage de 2005 qui reprend textuellement la Convention européenne du paysage et définit une stratégie - Un « observatoire du paysage », sorte d'établissement public ou GIP comportant associations de tous ordres, gouvernement catalan et collectivités, administrations, universités, organisations professionnelles. Il est en charge de l'élaboration des « atlas », ainsi que d'un rôle d'animateur et d'appui à la politique du paysage. - Des « catalogues » de paysage, un par viguerie, couvrant l'ensemble du territoire, munis d'objectifs de qualité paysagère et de listes d'actions à mettre en oeuvre de façon contraignante via des « directives paysagères » s'appliquant aux documents d'urbanisme - Un kit de formation à destination des enseignants, diffusés à tous les collèges. Prise en compte - Des chartes de paysage ou autres initiatives issues des des populations acteurs locaux mais encouragées et encadrées par l'observatoire si compatibles avec les directives Profession Maîtrise d'ouvrage - Un projet de réhabilitation paysagère où l'intervention du paysagiste a été essentielle. - Un projet de territoire au niveau local initié parles citoyens et maîtrisé par les acteurs locaux - Un projet original de reconquête paysagère littorale initié par une municipalité, avec une logique à dimension plutôt écologique Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 97/173 Pays : Irlande Source : recherches bibliographiques et visite sur place des 24-28 janvier 2017 Problématiques initiales identifiées Communication sur la National Landscape Strategy for Ireland, 2015-2025 lors des Ateliers de la Convention européenne du paysage, à Erevan, les 5-6 octobre 2016. Intérêt : Une stratégie cohérente, englobant l'ensemble des aspects des politiques de paysage telles que décrites dans la CEP (y compris politiques sectorielles, formation des aménageurs, éducation et participation du public... Elle est politiquement portée par une ministre de la culture qui décrit le paysage comme l'ultime ressource (« our ultimate resource »), qui a « soutenu, nourri et protégé » les irlandais pendant des siècles, et qui englobe la campagne, les villes et les villages, the ordinary and the everyday. Questionnement : cette stratégie exemplaire est-elle effectivement mise en oeuvre ? A quelle problématique répond-elle ? Quels acteurs la soutiennent ? Quelles réalisations concrètes l'illustrent, la contredisent ou la préfigurent ? Les acteurs rencontrés · Niveau État : Ministère de la culture (Department of Arts, Heritage, Regional, Rural and the Gaeltacht145, Transport Infrastructure Ireland, Heritage Council, établissement public de l'État chargé des patrimoines culturels et naturels, Parc national des Wicklows Mountains (sud de Dublin). · Universitaires et professionnels : Universités de Dublin, Cork et Galway 146, Irish Landscape Institute (association des professionnels du paysage). · Monde associatif : Landscape Alliance Ireland, organisatrice depuis 1995 de sept éditions d'un Landscape Forum à périodicité irrégulière. Contexte national - 70 000 km² - 4,7 M.hab.147 ­ 66 habitants/km² - Capitale : Dublin : 1,8 M.hab. (soit près de 40 % du total), la seconde aire urbaine du pays, Cork, en compte 250 000. Statut : république ­ un état central ­ 8 régions ­ 35 comtés ­ 80 communes Organisation territoriale L'Irlande est divisée en 8 régions, qui sont des structures administratives chargées de gérer les fonds structurels européens. Les 35 comtés, en revanche, sont dotés chacun d'un county council ou, pour les 5 agglomérations principales, d'un city council, élus 145 Affaires gaéliques : développement de la langue et de la culture, notamment dans les régions de l'ouest où le gaélique reste la langue maternelle de la population. Cette dernière étant la représentante irlandaise dans UNISCAPE, réseau universitaire qui est l'organisme consultatif de la CEP dans les domaines de la recherche et de l'éducation l'Irlande du nord, pour sa part, compte 1,8M.hab. Démarches paysagères en Europe Page 98/173 146 147 Rapport n°010731-01 pour cinq ans mais dont l'exécutif (chief executive) est un agent de l'État nommé pour 7 ans. Cet exécutif peut refuser d'appliquer les résolutions votées par le conseil, et a, dans ce cas, le dernier mot. Il existe enfin 80 communes dotées d'un conseil local (75 « conseils de bourgs » et les 5 city councils déjà cités. , Ce pays, certes de petite taille, est l'un des plus centralisés d'Europe. Une politique paysagère d'initiative locale est donc a priori un concept sans pertinence, même si certaines communautés acquièrent aujourd'hui une capacité de proposition, notamment dans le monde rural, et si des comtés ont pu lancer des Landscape character assessments (atlas de paysage, voir ci-après) auxquels ont a d'ailleurs reproché leur caractère incomplet ou hétéroclites, dès lors qu'ils ne déclinaient pas un Atlas national, dont tout le monde attend la mise en place. Urbanisme et aménagement du territoire 1- Contexte socio-démographique : L'Irlande comptait au milieu du 19è siècle huit millions d'habitants. Les famines, les guerres et une émigration massive ont fait chuter continuellement cette population jusqu'à ne plus totaliser que 2,8 millions d'habitants en 1960. Après ce siècle de déclin, l'inversion de la courbe démographique lors du « boom » des années 1990-2000 a fortement marqué les aménageurs : où installer cette population nouvelle, et comment éviter le déséquilibre qui s'accentue entre l'agglomération-capitale et le reste du pays ? Par ailleurs, sous la domination britannique, la plupart des sujets irlandais, notamment ceux de confession catholique ont été longtemps privés du droit de propriété (fin 19è siècle, les catholiques ne détenaient que 5 % de la terre). Avec l'indépendance les irlandais acquièrent enfin ce droit et les grands domaines des landlords sont divisés en petites parcelles occupées par les anciens métayers. « Inscrite dans la constitution », la propriété en Irlande ne souffre aucune restriction sous forme de servitudes ou de régulations. Sauf pour de grandes expropriations destinées, ces dernières années, à la constitution du réseau autoroutier, il n'existe pas de limite à la jouissance du propriétaire : ainsi les parcs nationaux Irlandais sont des domaines privés de l'État constitués de legs ou d'acquisitions, ce qui en fait de véritables « dentelles » foncières. De même, il n'y a pas d'équivalent irlandais, à notre servitude de passage le long du littoral ou à l'action foncière d'un Conservatoire du littoral. Les politiques paysagères ne disposent pas de l'outil foncier, ou de servitudes grevant la propriété privée qui sont des instruments importants dans d'autres pays. 2- Planification spatiale: La politique de planification et d'aménagement du territoire porte la marque de la centralisation de l'État : il existe une stricte hiérarchie entre les documents aux différentes échelles, chacun devant être une déclinaison de celui d'échelle supérieure : · au plan national, une National Spatial Strategy (NSS) établie pour 18 ans (2004-2020) ; · dans les régions, des Regional Guidelines ; · dans les comtés (compétents pour délivrer des «permis d'urbanisme ») des Development Plans qui ont un caractère opposable aux particuliers ; · enfin, dans les communes, des Local Plans qui ne couvrent qu'une partie du territoire et ont un caractère directement opérationnel . Genèse et contenu de la National Landscape Strategy Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 99/173 Publié en 2015, ce document a connu une gestation longue : au moins une décennie de discussions et une certaine impatience de la société civile et des professionnels. Le démarrage officiel de la démarche date de 2011 (publication d'un livre blanc), sept ans après la ratification de la CEP (2007). L'Irlande avait par ailleurs en 2010 amendé la loi sur l'aménagement du territoire édictée en 2000, pour y inclure la définition du paysage telle qu'elle figure dans la CEP, et prévoir l'inclusion de lignes directrices paysagères aux différents niveaux de planification. Enfin, l'organisation à Cork en juin 2005 des 3è Ateliers de mise en oeuvre de la CEP, sous l'impulsion de la dynamique fédération associative Landscape Alliance a sans doute constitué un accélérateur dans la prise de conscience : l'enjeu y était en effet clairement défini : un paysage identitaire fort, premier générateur d'attractivité touristique, confronté aux conséquences de la célèbre croissance économique à deux chiffres du « tigre celtique » au milieu des années 90 (avec les conséquences en termes d'expansion urbaine, d'infrastructures, d'intensification agricole, etc.)148. Le « livre blanc » de 2011 a été soumis à consultation publique. Les 77 contributions qui en ont résulté ont été examinées par un comité de pilotage (Steering Group) composé des différents départements ministériels concernés, des organisations non gouvernementales et des « parties prenantes » économiques. Ce comité a mis en place trois groupes de travail (focus groups) sur la politique elle-même, l'analyse des caractéristiques environnementales, et la participation publique. Ce travail a abouti en juillet 2014 à un projet (draft) de stratégie nationale paysagère. 95 contributions ont été reçues à l'issue du débat public auquel cette publication a donné lieu. Le document final intègre ces contributions, dont il est dit que les principales portaient sur l'impact des infrastructures sur le paysage, et la manière de relever ce défi. Six objectifs-clés et 19 actions opérationnelles La référence à la Convention européenne du paysage est constante puisque chacun des six objectifs développés est référencé aux articles 5, 6 et 9 de cette convention (p 12), et que le premier objectif affiché de la stratégie est de « mettre en oeuvre la CEP en intégrant le paysage dans notre approche du développement durable ». Le document rappelle qu'un nombre important de politiques sectorielles (agriculture, forêt, mer, industrie, énergie, aménagement du territoire, transport, tourisme et loisirs, patrimoine naturel et culturel...) ont des effets « considérables, négatifs ou positifs » sur le caractère ou la qualité du paysage (p 15), et que les plans de développement dans ces domaines doivent (are required) intégrer des objectifs paysagers149. Le chef du département responsable de cette politique la décrit comme une « conduite du changement » (management of change) », à l'opposé de toute « mise sous cloche » (freezing). Les Six objectifs proprement dits obéissent à une chronologie et à une logique cohérente : 1. clarifier la définition : « reconnaître le paysage dans le Droit » : simple rappel car l'action correspondante a déjà été effectuée en 2010 comme on vient de le voir ; 2. développer la connaissance par l'écriture d'un atlas national du paysage (National Landscape Character Assessment. et après achèvement de cet exercice, mise en chantier de déclinaisons locales selon des statutory guidelines (guides 148 Intervention de Bruce Mc Cormack, Department of Environment, Heritage and Local Government, pp 133-136, actes des Ateliers de la CEP à Cork en 2005. Éditions du Conseil de l'Europe. La « conception paysage suisse » de 1997 était déjà fondée sur ce « paysagement » obligatoire des politiques sectorielles de la Confédération. Démarches paysagères en Europe Page 100/173 149 Rapport n°010731-01 3. 4. 5. 6. méthodologiques) nationales. Ces atlas locaux sont destinés à « informer et guider » les politiques locales de paysage (development plans et local plans). développer des « politiques de paysage » : en identifiant, pour chaque politique sectorielle une dimension paysagère spécifique (Department specific landscape policy). Chacun des organismes identifiés (agences ou ministères) devra rédiger régulièrement un rapport sur l'état du paysage dans son domaine , l'ensemble faisant l'objet d'une publication par le ministère chef de file. accroître la sensibilisation du public au paysage (landscape awareness) : des outils d'analyse paysagère « décrivant de façon simple et claire » les dynamiques paysagères doivent être mis en place. Des programmes d'information doivent être développés « sur la manière dont le paysage est un atout touristique, économique et écologique et dont il peut répondre aux défis du changement climatique, de la sécurité alimentaire, de la santé et du bien-être ». identifier les besoins en éducation recherche et formation : un état des lieux est d'abord prévu, non seulement en matière de paysage stricto sensu mais aussi dans les matières connexes (ingénierie, architecture, hydrologie, agriculture...). Enfin, il est prévu d'introduire une éducation au paysage dans les cursus scolaires . renforcer la participation du public : Sont prévus dans ce domaine, le développement et la diffusion de méthodes participatives, l'encouragement aux initiatives citoyennes. La Stratégie doit être pilotée par le ministère concerné (Department of Arts, Heritage, Rural Affairs and the Gaeltacht, DAHRAG), avec le « concours actif » des autres ministères pertinents, agences, partenaires et « parties prenantes ». Lecture faite de ce document stratégique, exemplaire par sa cohérence et son exhaustivité, l'objectif de la visite sur place de la Mission était à la fois d'évaluer et d'illustrer sa mise en oeuvre. Comptes-rendus des rencontres Politiques paysagères : mise en oeuvre de la « Strategy » Au plan central, après une année 2016 peu active, sauf du côté des ONG (un National Landscape Forum réuni en juin par Landscape Alliance) et du monde universitaire, l'année 2017 devait être celle du démarrage effectif de la mise en oeuvre : La première réunion du steering group reconstitué s'est tenue au printemps : la liste des membres a été remise à la Mission : elle comporte une vingtaine de membres issus des différents départements ministériels ­ outre le DAHRRAG, le tourisme, l'agriculture, le logement, l'environnement, le climat et l'énergie ­ des agences ­ forêt, patrimoine, transports ­ les professionnels du paysage, de l'architecture, de l'urbanisme, les universitaires étant encore invités à désigner leurs représentants. La mise en oeuvre, sous deux ans, du National Landscape Character Assessment (NLCA) chantier prioritaire de la stratégie, tire son urgence non seulement d'une demande insistante de l'ensemble des acteurs irlandais du paysage, mais aussi du quasi achèvement de l'exercice équivalent mené en Irlande du nord : leur responsables pressent leurs homologues du sud de rejoindre la dynamique ainsi enclenchée : les 46 unités paysagères (landscape character areas) définies dans les six comtés de l'Ulster sont nécessairement transfrontalières ; l'inclusion dans le steering group d'un administrateur du Système d'Information Géographique, et d'un Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 101/173 responsable de l'observatoire géologique d'Irlande, confirme la priorité donnée à ce chantier. Dans le domaine des infrastructures de transports, dont le développement a accompagné le « boom », on s'est très vite rendu compte de l'absence d'outils efficaces pour assurer leur insertion dans les territoires traversés. Le problème s'est alors posé de rassembler des données scientifiques objectives et des données perceptives : un LVIA (Landscape Visuel Impact Assessment) a été mis en place, mais la caractérisation des Landscape Character Areas (unités paysagères) traversées par les nouvelles autoroutes serait urgente : raison de plus de finaliser au plus tôt la NLCA. Enfin, tout ce qui relève de la sensibilisation et de l'éducation est en outre de la responsabilité de l'agence Heritage Council (cf ci-dessous). Un épisode significatif : les éoliennes en baie de Cobh (Queenstown)150 Il y a une dizaine d'années, le County Council de Cork avait commandé, dans le cadre de son plan de développement un schéma directeur éolien, qui prévoyait un secteur prioritaire de développement d'une vingtaine de machines, qui devait occuper l'horizon à l'est de la Cathédrale dans la baie de Queenstown (à 15 km au sud-est de Cork). Peu après, plusieurs usines pétro ou carbo-chimiques ont manifesté (pendant le temps du « boom ») leur souhait de s'implanter dans la baie à l'ouest-sud-ouest de la perspective de la cathédrale, non loin d'implantations sidérurgiques désaffectées. La législation leur imposait une compensation de leur activité fortement polluante et émettrice de gaz à effet de serre. L'auto-production d'énergie renouvelable pour alimenter leur consommation propre a été considérée comme une compensation adéquate par les services de développement économique du Comté (sans contact de leur part avec le service de planification). Comme il était plus simple de réaliser la construction des éoliennes sur leur propre terrain que dans d'autres secteurs dont ils ne maîtrisaient pas la propriété, ils ont obtenu un arbitrage favorable à cette solution de la part du chief executive du Comté. Ce cas de figure s'est déjà renouvelé trois fois ... Certes l'implantation actuelle, limitée à quatre mâts, ne choque pas, à l'échelle de la baie : dans un vaste panorama d'îles proches et de perspectives lointaines vers les rivages de l'océan, les éoliennes constituent une ponctuation plutôt heureuse. Mais le procédé utilisé est aux antipodes d'une méthode de composition d'un paysage intégrant harmonieusement des éoliennes. Animation territoriale : les activités de l'Heritage Council Fondé en 1988 et placé sous la tutelle du Ministère de la Culture (DAHRAG) et confirmé par la loi sur le patrimoine (Heritage Act) de 1995, Heritage Council est un établissement public (public body) alimenté à 90 % par une dotation gouvernementale, et pour le solde par des fonds européens. Dès le départ, il s'est positionné sur une vision holistique et dynamique du patrimoine : ses domaines d'intervention vont de l'archéologie à la nature, en passant par le patrimoine marin ou vernaculaire. Basée à Kilkenny, à 150 km au sud-ouest de Dublin, c'est une petite structure de 15 emplois permanents à peine, mais avec une dotation qui lui a permis de soutenir, depuis l'origine, près de 6000 projets pour un total de 28 M. dans de nombreux domaines patrimoniaux. Son directeur résume le positionnement du Council, en indiquant que « l'État irlandais étant propriétaire d'environ un cinquième du territoire, le domaine d'activité de [son] équipe porte sur les quatre cinquièmes restants », sur 150 Source : récit sur place, le 26 janvier 2017 de Brendan O'Sullivan, enseignant et chercheur au Centre for Planning Education and Research, à l'université de Cork, ex agent du service planification du Comté). Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 102/173 lesquels il intervient par la sensibilisation, l'éducation, l'animation d'initiatives locales, ou des concours dotés de prix ou de subventions. Il peut compter, à cet effet sur les 28 heritage officers, corps de fonctionnaires institué il y a 15 ans, qui est l'un des seuls à n'avoir pas subi de restrictions d'effectifs dans la période qui a suivi la crise financière de 2008. Au nombre d'un ou deux par comté, ces animateurs du patrimoine sont des relais efficaces des programmes du Council. Celuici assure l'animation de leur réseau, au moyen de réunions annuelles. Les principaux domaines d'intervention du Council sont aussi bien l'éducation à la nature que des programmes d'études et de sensibilisation thématiques (villes fortifiées d'Irlande, mise en valeur des canaux, patrimoine maritime, faune sauvage...), et une aide aux comtés pour l'intégration des enjeux patrimoniaux dans la planification. Sous l'onglet « paysage » du site du Council, on lit la prise de position suivante : « Notre vision du paysage irlandais est celle d'une paysage dynamique et vivant, qui harmonise les besoins matériels et spirituels de la population avec les exigences de la nature, d'une manière qui bénéficie à tous sur le long terme ». 1- Actions concrètes: Le mode d'action le plus courant est le soutien aux initiatives locales en faveur de tous les types de patrimoine (une part significative concerne des éléments ou des structures paysagères : restauration de toitures en chaume, mise en valeur des paysages paléochrétiens du Donegal, aménagement des berges à Wexford.... Mais le Council assure également le pilotage d'études de connaissance et d'inventaire des paysages. Il en est ainsi de l'Atlas des paysages (Landscape Character Assessment) du Comté de Clare. Cet atlas décrit les 21 unités paysagères (Landscape Character Areas )151 : l'introduction du rapport indique que la participation des habitants permet un recueil de l'information plus rapide, qu'elle apporte des indications qui auraient échappé aux experts extérieurs, et qu'elle permet la construction de consensus sur les enjeux du paysage. Le document analyse les pressions subies par le paysage (mutations agricoles, expansion urbaine, infrastructures, forêts, tourisme et loisirs, industries extractives), et propose une série de mesures (Broad Landscape Guidance) qui pourraient s'apparenter à des objectifs de qualité paysagère. 2- Sensibilisation et formation : Cinq sessions de formation à l'écriture d'un atlas de paysage ont été organisées entre 2009 et 2011. La landscape wheel ci-contre, due au Pr Carys Swanwick, a été l'un des outils pédagogiques utilisés à cette occasion pour révéler la richesse et les articulations de l'approche paysagère, entre le lieu et la population, avec une mobilisation des cinq sens qui avait rarement été explicite (en bas et à gauche de la roue). Une dizaine de partenaires ont contribué à ces formations, dont l'Observatoire Catalan du paysage. Chaque session de deux jours était ponctuée de visites de terrain et comportait le remplissage d'une grille de qualification du paysage observé (par exemple, en termes d'équilibre, un paysage peut être noté comme « harmonious, balanced, discordant, chaotic » et, en termes de plaisir perceptif, un paysage sera : « offensive [au sens d' « offensant le regard »], pleasant, attractive, beautiful ». 151 Parmi lesquelles les célèbres Falaises de Moher et les lappiaz des Burrens Démarches paysagères en Europe Page 103/173 Rapport n°010731-01 3- Une action du Heritage Council : les projets bottom-up de l'Irish Uplands Forum152 Dans cette île peu montagneuse qu'est l'Irlande, les Uplands sont les 25 territoires situés au-dessus de 150m dont les points culminants sont situés au-dessus de 300m d'altitude. Ils totalisent 14% de la surface de l'île, mais ne regroupent que 2% de sa population, sur des terres qui ne répondent pas aux standards de modernisation qui fondent la politique agricole européenne153. Cela pose le problème du maintien des services et du revenu de la population et de sa capacité à gérer l'environnement et le paysage, avec l'impact touristique négatif qu'un phénomène d'abandon pourrait avoir. Il s'est agi, dans un pays très centralisé, de donner la parole aux communautés locales d'acteurs, et de susciter ou d'accompagner leur engagement en faveur à la fois d'une meilleure qualité de vie et d'une préservation d'un environnement fragile. Cette volonté participative était bien en phase avec les objectifs généraux du Heritage Council, ce qui explique son soutien à la mise en place du réseau. L'un des éléments les plus remarquables a été de faire participer (et s'exprimer) la population la plus stratégique de ces territoires, les farmers, considérés un peu partout en Irlande comme le groupe social le plus difficile à mobiliser en faveur du paysage. L'étude-diagnostic globale des 25 territoires a été menée en 2015-2016. Elle a mis en place une animation personnalisée et adaptée à chacun des cas de figure : une coopérative (Slive Bloom), un county council (Tiperarry), un laboratoire universitaire (Kerry), une société de défense des races locales (Burren), des associations patrimoniales (abords de la Chaussée des Géants), etc. Des groupes locaux de volontaires ont été formés pour promouvoir des projets d'utilisation de la « boîte verte » de la PAC (Locally-led Agri-environmental Schemes) qui pourraient permettre le maintien voire une reconquête « innovante » des terres concernées. Parmi les enjeux traités figurent : a) la compatibilité entre les activités récréatives ou touristique et la mise en valeur pastorale : mise en place locale de réseaux de sentiers « durables » c'est à dire non perturbants pour l'économie pastorale (ex : contrôle de la divagation des chiens) ; b) la mise en place d'activités privées, mais localement contrôlées, d'accueil des touristes, de vente des produits locaux, de services à la personne ; c) la mise en place de produits et de services agricoles « du 21è siècle » (y compris énergie renouvelable, service d'accueil, produits alimentaires locaux, éducation à l'environnement... 4- un exemple d'action sur les Uplands : les Blackstairs Mountains154 Le groupe fondé en 2014 compte 24 membres dont un nombre très significatif de fermiers. Il s'agissait à l'origine d'utiliser au mieux les fonds européens destinés à gérer les sites désignés au titre de la Directive « Habitats ». Au-delà de cette gestion, le groupe s'est orienté vers le contrôle local de ces dotations au profit d'un développement plus global : meilleure gestion au profit des farmers des usages récréatifs de l'espace agricole et leur rôle essentiel dans la gestion et l'amélioration du patrimoine bâti, naturel et immatériel, ceci à partir de huit réunions de terrain et de trois farm walks, soit au total 800 heures de bénévolat . 152 Source : Source : Uplands Community Study, brochure rédigée par Alan Hill, et éditée par l'Irish Upland Forum en mai 2016, avec l'appui d'Heritage Council). www.irishuplandsforum.org Il faut noter que le réseau de ces territoires, au nombre de 25, est commun aux deux parties de l'île, à raison de 6 pour l'Irlande du nord, et de 19 pour la République. Compte-rendu par Helena Fitzgerald de sa mission d'animation du Farming Group sur ce secteur de plus de 5000 ha et culminant à 796m, entre les comtés de Carlow et de Wexford (sud de Dublin). Démarches paysagères en Europe Page 104/173 153 154 Rapport n°010731-01 Le groupe est informel (même s'il organise des réunions de terrain dont la participation est régulièrement d'une centaine de personnes), et son animation a été bénévole (sauf un contrat à mi-temps sur 5 mois en 2015). Son budget a été de 40 000 sur 18 mois. Malgré la modestie de ses moyens et sa fragilité structurelle il a pu intervenir sur les activités touristiques, le programme des sentiers, et mettre en place un Vegetation Management Plan, première étape d'un schéma local agri-environnemental. La profession de paysagiste : l'Irish Landscape Institute (ILI) Constitué en 1992 l'ILI est une organisation ouverte aux paysagistes du secteur public comme du secteur privé, aux diplômés et aux étudiants en paysage. Les professionnels et les diplômés doivent avoir suivi un cursus de Mastère donnant accès à la profession d'architecte-paysagiste. L'ILI comptait en 2016 160 membres, avec un secteur privé qui totalise 25 agences, pour la plupart à Dublin (90%) ou à Cork (deux ou trois). La plus ancienne date de 1966. On ne peut être membre de l'ILI que si l'on a réussi un examen professionnel, organisé par l'Institut tous les ans et ouvert aux diplômés. Si l'appartenance à l'ILI n'est pas une condition nécessaire à l'exercice professionnel (la profession n'est pas protégée), le titre de MILI (member of the ILI) accolé au nom de la personne, équivaut de fait à une trade mark155. L'Institut gère un code de déontologie et est chargé de promouvoir la profession auprès du grand public. Contrairement au Royaume Uni (malgré une diminution récente dans celui-ci), il n'existe que très peu de paysagistes dans le secteur public. Toutefois, le corps des Heritage Officers (cf. ci-dessus), pourrait être une condition favorable aux commandes dans ce domaine. L'ILI organise tous les deux ans des landscape awards. Les projets primés sont en général des jardins ou des espaces publics, créés ou restaurés (le prix du public est ainsi allé à un memorial garden de la 1ère guerre mondiale... .../... 155 Certains organismes publics comme l'OPW (Office of Public Works) réservent leurs commandes à des professionnels portant ce titre. Démarches paysagères en Europe Page 105/173 Rapport n°010731-01 A retenir : L'Irlande a mis au point au terme d'un riche débat national, une stratégie paysagère exemplaire. Sa mise en oeuvre effective, dans un pays où « tous les acteurs du paysage se connaissent » reste encore lente, voire incertaine. Des institutions patrimoniales originales, une profession dynamique et une montée en puissance d'initiative locales qui pouvaient paraître improbables sont toutefois de réels gages de réussite. Politiques nationales - Une « stratégie nationale du paysage » très complète et cohérente, inspirée par la Convention européenne du paysage. - Le lancement imminent d'un National Landscape Character Assessment, NLCA (atlas national du paysage) qui, dans un pays très centralisé, est considéré comme le préalable à des déclinaisons par comté ; - Un établissement public chargé de l'animation des questions de patrimoine dans leur ensemble (nature, culture et paysage), le Heritage Council, souple, dynamique et créatif, appuyé dans les comtés par un réseau d'Heritage Officers. Prise en compte - une volonté d'associer la population aux premiers exercices des populations partiels de connaissance du paysage (exemple du LCA du comté de Clare) - l'expérience du Irish Uplands Forum qui a réussi la mobilisation des acteurs locaux, notamment des « farmers » dans 25 territoires. Profession - Un Irish Landscape Institute représentatif et dynamique à l'échelle d'un pays de petite taille : 165 membres soit 1 pour 29 000 habitants (ratio un peu supérieur à celui de la France qui est de 1 pour 33 000. Maîtrise d'ouvrage - sans objet réel du fait de la centralisation du pays. Ne pas négliger toutefois l'influence sur le terrain des 28 Heritage Officers. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 106/173 Pays : Italie ­ Métropole de Milan Source : recherches bibliographiques, entretiens et visite des 10 et 11 avril 2017 Problématiques initiales identifiées Détection, suite à des entretiens avec le milieu universitaire italien, en particulier lors des Ateliers de la Convention européenne du paysage, à Erevan, les 5-6 octobre 2016, de cas concrets intéressants de gestion paysagère des espaces agricoles en lisières urbaines de Milan. Intérêt : Une politique décentralisée de gestion paysagère sur un secteur sensible, la périphérie urbaine, avec une problématique de relations entre agriculteurs et citadins. En outre l'Italie a mis en oeuvre un système de plans régionaux de paysage qui doivent être pris en compte dans la planification territoriale. Questionnement : dans la relation paysage et agriculture. Comment le pysage est-il considéré par les différents acteurs que sont les agriculteurs et les citadins. Comment sont prises en compte les initiatives de terrain ? Les acteurs rencontrés · Niveau métropolitain : Municipalité de Milan, service en charge de la mise en oeuvre de la politique Milan métropole rurale ­ Commission du paysage du Parc Agricole Sud Milan. · Niveau local (projet de territoire) : Agriculteurs et associations du Parc agricole sud Milan ­ Parc naturel régional du Tessin · Milieu universitaire : enseignants-chercheurs du Politecnico di Milano. Contexte national L'Italie - 301.336 km² - 61,8 M.hab. ­ 206 hab./km² - Capitale : Rome (2,9 M.hab. - aire urbaine. 4,2 M.hab.) Statut : république parlementaire ­ un état central ­ 20 régions dont 5 autonomes ­ 110 provinces dont 2 autonomes ­ 8100 communes. Organisation territoriale italienne L'Italie est une république unitaire avec un fort niveau de régionalisme. Son organisation territoriale se compose de : · l'État est représenté au niveau de chaque région et province par un commissaire du gouvernement. Avec la décentralisation, il a perdu la majeure partie de ses pouvoirs et a pour fonction essentielle de garantir l'ordre public. Les régions 15 régions ont un statut ordinaire et 5 régions ont une autonomie à statut spécial : Sicile, Sardaigne, Val d'Aoste, Frioul-Vénétie-Julienne, Trentin-HautAdige. qui ont une autonomie en matière d'organisation de la justice, d'éducation, de protection de l'environnement, de financement et de culture. Démarches paysagères en Europe Page 107/173 · Rapport n°010731-01 · · · Les régions ont une compétence législative. Leurs lois ont la même valeur que les lois nationales, sous réserve d'être approuvées par le Commissaire du Gouvernement. Les régions ont en charge la politique territoriale (transports, travaux publics, culture, tourisme, urbanisation, police locale, hôpitaux, administration territoriale). L'État conserve un certain contrôle sur la gestion de la région. Les provinces Elles ont un caractère autonome. Les provinces possèdent un grand nombre de compétences propres en sus des fonctions déléguées par l'État et les régions. Mais le système est variable en fonction des régions. Les communes La commune a des compétences propres (santé, assistance, urbanisme et logement). La participation des citoyens à la définition des politiques est affirmée par la loi, via notamment des referendums locaux, généralement consultatifs, ou des pétitions, sur lesquels les conseils municipaux ou provinciaux sont obligés de se prononcer. D'autres structures intercommunales existent, en particulier les communautés de montagne ou les villes métropolitaines. Ces dernières concernent les plus grandes agglomérations italiennes et se substituent aux provinces correspondantes. Elles sont en place depuis 2014. Il existe des « conventions » et de « consortiums » (sortes de syndicats intercommunaux a vocation multiple). Les communes peuvent aussi recourir à des « unions de communes », forme plus institutionnelle. Il existe des « conférences de service » et les « accords de programme », comparables aux contrats de plan français. Contexte Lombard - 23.863 km² - 10 M.hab. ­ 420 hab./km² - Capitale Milan (1,4 M.hab. ­ métropole : 5M.hab. ­ aire urbaine 7,1 M.hab.) Statut : région autonome - une ville métropolitaine (Milan) - 11 provinces - 1530 communes Planification territoriale A] Le plan territorial de coordination (niveau régional et provincial) La planification territoriale se fait via le plan territorial de coordination, ou PTC, plan d'urbanisme qui porte sur les choix stratégiques, concernant les infrastructures routières, la protection de l'environnement à sauvegarder et les prévisions de développement urbain. Il existe deux types de PTC : le Plan d'aménagement de la coordination régionale ou RPTC et le Plan d'aménagement de la coordination provinciale ou PTCP. Ce plan n'a pas d'effet sur les particuliers. Il comporte un volet paysager. B] Le plan régulateur général (PRG) et le plan de gouvernement territorial (PGT) Le PRG est le plan de niveau communal. L'Italie a une tradition d'autonomie communale et l'urbanisme n'a jamais été centralisé, comme en France. En outre la culture des architectes prime et l'intérêt pour la qualité de l'espace urbain est plus populaire en Italie. Les plans régulateurs italiens procèdent d'un zonage qui traduit un bilan de l'existant et des intentions globales. Ainsi au sein d'une même zone, les droits à construire varient en fonction de l'architecture des bâtiments. Il y a un véritable projet de ville et la préoccupation de qualité de l'espace imprègne tout le document. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 108/173 Le PRG doit prendre en considération tout le territoire de la commune. Il est établi pour une durée indéterminée, mais peut être modifié si nécessaire. Il établit aux 1/2.000° la subdivision en zones, la possibilité de construire et à quelle fin (résidentielle, industrielle, artisanale ou de bureaux), la typologie immobilière, la dimension minimale du lot constructible, la hauteur, la densité, le rapport de couverture et la distance par rapport aux autres édifices, etc. Le PRG divise le territoire municipal en zones : secteurs à caractère historique, ou de valeur environnementale, zones bâties, d'urbanisation future, industrielles, agricoles, d'équipements, etc. Le PRG fait l'objet d'une concertation avec les habitants, qui peut conduire à des modifications. Il est soumis à l'approbation de la région qui peut apporter les modifications nécessaires afin d'assurer le respect des lois ou des plans de niveau supérieur. En Lombardie, le PRG a été remplacé par le plan de gouvernement territorial (PGT) comme outil de planification du développement au niveau municipal. Cet instrument de planification a été mis en place par une loi régionale de mars 2005, qui ajoute un certain nombre de changements : l participation citoyenne ; la compensation, permettant, en cas de projets publics, de procéder à des échanges de parcelles avec les propriétaires ; la péréquation, selon laquelle les avantages de la transformation urbaine doivent être équitablement répartis entre les propriétaires de terrains destinés à des usages urbains ; l'incitation en matière d'urbanisme, qui prévoit la possibilité de dépasser les seuils constructibles si le projet présente d'importants avantages publics. C ) Politique paysagère et le plan d'aménagement paysager Le paysage : la politique du paysage dépend du Ministerio di Beni et activittà culturale. La Convention européenne du paysage - CEP a été ratifiée en 2006. La protection du paysage a fait l'objet d'une première loi en 1939, dite de protection des beautés naturelles. Elle est reconnue par l'article 9 de la constitution italienne, qui indique en substance que la République exerce la protection du paysage de la nation. Elle a été modifiée en 1985 par la loi dite Galasso : la protection des paysages y est élargie à des catégories entières de « biens paysagers » comme les montagnes, les lacs, les volcans, les rivières, les zones côtières, les parcs et les réserves, les forêts et autres. Cette loi admet le concept de « plan territorial avec validité paysagère ». La législation italienne protégerait ainsi environ 141.000 km² de territoire à valeur paysagère, soit 48% du territoire national ; la valeur du paysage y est clairement reconnue comme ressource naturelle produisant des revenus économiques.156 Ces textes ont été refondus en 1999 dans un souci de simplification et de mise en cohérence, mais l'adoption de la CEP, qui a élargi le paysage et le fait considérer comme une partie du « patrimoine culturel national », et la réforme institutionnelle en matière de distribution territoriale des compétences entre État et régions, ont abouti en 2004 à un Code des biens culturels et du paysage. La planification du paysage y est renforcée, ainsi que sa prépondérance sur les autres instruments de planification, promouvant ainsi les plans paysagers et leur élaboration conjointe entre État, régions et entités locales. Le plan d'aménagement paysager est un plan d'urbanisme spatial, élaboré par la Région en collaboration avec le ministère du Patrimoine et de la Culture, qui vise à 156 Ce paragraphe et le suivant sont inspirés d'un article de José Luis Bermejo Latre, de l'université de Saragosse, « la protection du paysage en Italie », Site Internet Persée - Revue Européenne de Droit de l'Environnement - 2005 Démarches paysagères en Europe Page 109/173 Rapport n°010731-01 protéger et à mettre en valeur les paysages. Les plans d'aménagement paysager décrivent les caractéristiques du paysage, découpés en unités. Pour chacune, ils définissent des exigences spécifiques et des objectifs de conservation et de restauration des valeurs paysagères, de régénération des zones dégradées, de protection des secteurs particuliers, d'entretien des éléments du paysage et des prescriptions en matière de silhouette bâtie et d'aménagement urbain. Ils comprennent la fixation d'objectifs de qualité paysagère. En ce qui concerne l'ordre hiérarchique des instruments de planification, le plan d'aménagement paysager est un puissant instrument de contrôle car il prévaut sur les plans et les programmes nationaux et régionaux et d'autres actes touchant à la planification des sols et notamment le PTC. Ils doivent être approuvés par l'État, puisqu'ils comportent une délégation à la région de compétences de l'État (et notamment de la sopraintendenza, l'équivalent de l'ABF). Le contenu de ces plans est donc examiné avec précision et tous ne sont pas approuvés. Ainsi le plan paysage de Lombardie, en cours, n'a pas encore été approuvé à défaut d'un volet opérationnel. Les deux plans de paysage de Toscane et des Pouilles ont été approuvés et peuvent donc fonder des recours et servir à l'élaboration de documents de planification de niveau inférieur. De nombreuses municipalités ont constitué une commission du paysage. En Emilie-Romagne, le plan paysager, intégré au plan territorial régional, est en cours de refonte. D] Les Parcs naturels régionaux Les parcs régionaux italiens, assez semblables à nos PNR, se composent de zones terrestres, de rivières, de lacs et éventuellement de zone liées à la mer, donnant sur la côte, présentant un grand intérêt sur le plan environnemental et naturel, qui constituent, dans une ou plusieurs régions voisines, un système homogène, identifié par la structure des lieux naturels, l'intérêt des paysages et les traditions culturelles des populations locales. On compte plus d'une centaine de parcs, pour une surface de 1.200.000 ha. Un certain nombre de parcs régionaux ne figurent pas dans la liste officielle mais sont assimilés, comme le parc agricole de Milan. Comptes-rendus des rencontres Politique agricole de Milan Sur la commune de Milan, le plan de gouvernement du territoire (PGT) équivalent du PLU en Lombardie, date de 2012. La métropole est récente, elle doit remplacer la province, et le nouveau plan est en cours d'élaboration. Le plan vise un rééquilibrage ville-rural et prévoit quatre districts ruraux pour Milan. Ces districts ruraux sont des territoires avec une identité culturelle et territoriale dont le projet est porté par des exploitants agricoles réunis en sociétés coopératives, avec des aides financières de la région. Il s'agit de combiner écologie, aménagement du territoire et production (riz, maïs, céréales...) La ville participe à l'élaboration des plans de développement de district. Ceux-ci définissent des objectifs en matière d'aménagement rural, de paysage, d'agriculture. Un accord stratégique général a été trouvé, aboutissant à un plan sur les quatre districts, portant sur les corridors écologiques, la gestion de l'eau, la rénovation des immeubles agricoles, la multifonctionnalité et l'identité culturelle. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 110/173 Par ailleurs des expérimentations sont en cours. Cette année, Milano restauration, qui gère toutes les cantines de Milan, a signé des contrats avec les agriculteurs, en introduisant le critère du produit typiquement local. Le parc agricole de Milan 1) Contexte Face à la croissance urbaine de Milan, la nécessité d'instruments de planification à une échelle métropolitaine est apparue dans les années 50. Dans ce contexte, contrairement aux secteurs nord dont l'agriculture traditionnelle diversifiée n'a pas résisté à l'urbanisation, les secteurs sud de Milan comportaient une agriculture liée à l'eau possédant des caractères forts. Il a été décidé dès la fin des années 60 d'en favoriser le maintien, avec les avantages que représentaient ces espaces ruraux ouverts, en matière de paysage, de secteurs naturels, d'aménités et de patrimoine bâti. On y trouve notamment des abbayes qui ont été les premières à bonifier le territoire, mais aussi un certain nombre de fermes ou cascine à l'architecture monumentale, apparues dès la Renaissance mais fortement développées au XVIII° siècle, propriétés nobiliaires, de grands bourgeois, voire d'institutions publiques, hôpitaux ou orphelinats. Elles étaient organisées selon un système de cours et de bâtiments aux fonctions spécialisées (logement des maîtres, des employés, granges, transformation (fromage, etc.) étables... Dans la région, l'eau est un élément fondamental, avec un réseau de canaux de tailles diverses : grands canaux navigables, (Naviglio grande, Naviglio pavese) reliant Milan au Pô, accompagnés d'un « chevelu » dense de canaux plus petits, bordés d'alignements d'arbres, les roggia, alimentés par des résurgences et permettant par un système d'irrigation très sophistiqué l'alimentation de rizières et des marcite. Les marcite sont des prés irrigués et pâturés toute l'année qui produisent un fourrage réputé. L'eau est également présente dans de nombreuses carrières envahies par la nappe phréatique et qui se renaturalisent. 2) le Parc agricole Dans ce contexte très riche, l'idée du parc Agricole Sud Milan a mûri dans les années 70 et 80, avec pour objectif de créer une vaste aire de développement agricole permettant des usages récréatifs pour les citadins, pour finalement être institué par une loi régionale de 1990. Il dépend de la métropole de Milan et couvre les zones agricoles et forestières de 61 communes, pour un total de 47.000 ha. En tant qu'observateurs étrangers, nous avons été surpris par le fait que l'agriculture de ce parc semble peu dédiée au maraîchage péri-urbain, mais à des grandes cultures céréalières, dont le riz, et à la prairie et à l'élevage. La partie cultivée du parc comporte 37.000 ha avec plus de 1.000 fermes. Administrativement, le parc est un service de la métropole de Milan et comporte un conseil directeur réunissant des représentants des maires élus, le président de la métropole, des conseillers métropolitains, des représentants du monde agricole, des associations de protection de l'environnement, etc. Le budget est alimenté par les municipalités. Il comprend trois comités : une commission du paysage, un comité technique agricole et 3° comité ? Il est soutenu par le fond de développement régional européen. La région lombarde peut contribuer à certains projets spécifiques. D'autres soutiens financiers peuvent être obtenus auprès de fondations privées, notamment la fondation CARIPLO, (Cassa di Risparmio delle Provincie Lombarde). La Caisse d'Epargne a une double activité de crédit et d'aide sociale avec comme mission le soutien à l'économie du territoire lombard et l'essor social et culturel. Du fait de la Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 111/173 nécessité légale de séparer les deux activités, l'action d'aide sociale a été confiée à la Fondazione Cassa di Risparmio delle Provincie Lombarde, créée pour la circonstance. Avec un effectif de 23 agents, employés par la ville, le Parc agricole gère de façon assez centralisée les autorisations de travaux, via la Commissione per il paesaggio del Parco AgricoIo, en fonction d'un zonage qui définit ce qu'il est possible de faire suivant les secteurs agricoles, les infrastructures et les parcs publics, ainsi que sur les secteurs à valeur patrimoniale, architecturale et paysagère, où sont prévus des règlements plus restrictifs. Sur les zones humides, la construction est interdite. Sur les zones paysagères protégées ou les Cascine, la décision se fait au cas par cas. Notre visite de l'après-midi nous montrera que les autorisations sont perçues comme parfois longues et tâtillonnes : les dossiers doivent passer devant la commission du paysage, des services de la métropole, mais aussi devant la sopraintendenza, c'est-à-dire l'équivalent de l'ABF... La commission du paysage délivre environ 150 autorisations par an. Le Parc donne un avis (simple) sur les projets des zones urbaines limitrophes. 3) Bilan et questions Selon le Parc, le bilan, après 17 ans d'existence, est en demi-teinte : il a évité une urbanisation incontrôlée, et les élus, au début méfiants, ont constaté une indéniable amélioration de la qualité de vie. Mais, même si la dégradation des paysages a été jugulée, les moyens insuffisants ne permettent que difficilement des opérations de requalification paysagère sur ressources propres ou le soutien aux marcite. Un label a été créé sur certains produits du parc, et une politique de valorisation et d'information du public sur les produits et les paysages a été mise en oeuvre par l'Association du parc des rizières (voir ci-après). Du coté des agriculteurs, on vu les difficultés d'obtention des autorisations de travaux. Enfin des conflits apparaissent, par exemple sur les gravières qui ne peuvent s'étendre ou sur la construction de grandes infrastructures routières métropolitaines qui empiètent sur le territoire du parc. Un système de compensations existe mais semble avoir du mal à fonctionner. Nos visites dans le parc nous ont montré des paysages très typiques, globalement très plats, animés de très belles fermes, de monastères, d'églises, d'alignements de peupliers le long des canaux, de routes et de chemins établis sur les petites digues qui cloisonnent le paysage et séparent les rizières en jouant subtilement sur les différences de niveau. La qualité de ces paysages reste assez variable, du fait de la proximité de la ville et des équipements qu'elle demande : lignes à haute tension, voirie routière, secteurs urbains enclavés, et une présence automobile très prégnante sur certains secteurs. Le contraste entre les hauts immeubles de la banlieue milanaise, et les champs et boisements qui les accompagnent est assez surprenant. Nous avons noté que cette campagne proche est très fréquentée par les citadins, qui pratiquent jogging, vélo, ou promenade du chien. Une des questions posées est celle de l'articulation de ce système plutôt centralisé, qui reflète une perception citadine sur la campagne, avec les initiatives locales. Le parc indique les encourager et les soutenir, quoique assez peu financièrement, et plutôt pour des musées comme l'Uffizio del Gusto e del paesaggio comportant un centre de documentation sur le paysage et un laboratoire de cuisine. L'Association du parc des Rizières, le Parco delle risaie L'Association du Parc des Rizières, organisme sans but lucratif, a été créée en 2008 par un groupe de résidents et d'agriculteurs, unis par un intérêt commun à préserver et à améliorer cette partie du parc Sud de Milan, secteur agricole en fort contact avec Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 112/173 l'urbanisation, dans sa fonction productive, mais aussi pour promouvoir les activités de la nature, favoriser l'accueil, le tourisme rural. Un des messages adressé aux citadins est que cette zone verte n'est pas un parc urbain, mais qu'il peut être fréquenté suivant certaines règles et dans le respect de l'agriculture, principale « gestionnaire » du paysage. L'Association, soutenue par la municipalité de Milan, la Région Lombarde, les services de l'Agriculture de la province de Milan et d'autres institutions, développe des animations, notamment via des interventions artistiques, ainsi que des projets relatifs à différents thèmes : accessibilité, culture, gastronomie (le risotto), information, éducation (2 à 3.000 enfants des écoles visitent le parc chaque année), création d'itinéraires de découverte des paysages, à pied ou à vélo, tourisme rural. Elle contribue à la sélection des produits et services certifiés par la marque du parc. Dans le secteur, la production consiste essentiellement en riz (55.000 assiettes de riz par jour toute l'année !) et en fourrage. Une grande partie du riz part de façon anonyme dans l'industrie agroalimentaire. Seule une partie du riz, principalement de variété « carnaroli », qui est vendu via des contrats avec la grande distribution, est utilisé dans la cuisine locale et est spécifiquement destiné à l'élaboration du risotto de Milan. Contrairement à certains fromages locaux (le stracchino), une très grande partie du riz produit (95%) ne possède pas de label. D'autres produits sont labellisés, comme certains légumes (courgettes) ou des pâtes fraîches produites à partir de farines de blé dur ou tendre. Le label est un label de qualité environnementale, mais pas un label de produit. Enfin, les circuits courts en direction de la ville ont cru en 10 ans, par le biais des marchés ou de groupe d'achats solidaires (équivalent de nos AMAP). La résistance des agriculteurs au parc a été forte au début, et dans les années 2000, ils « en avaient marre du parc » dont ils ne voyaient pas les avantages. Différents outils et actions de communication ont été mis en oeuvre pour se rapprocher des agriculteurs, pour les rendre plus visibles des citadins. Mais l'aide technique du Parc est limitée faute de moyens et même aujourd'hui, selon l'agricultrice que nous avons rencontrée, les relations des agriculteurs avec le Parc agricole ne sont pas toujours faciles, notamment du fait de la rigidité bureaucratique de l'administration du Parc. On a évoqué plus haut les délais d'autorisation de travaux : un projet de transformation d'un bâtiment agricole en chambre d'hôtes lui a demandé 2 ans d'attente, ce qui lui a fait perdre beaucoup d'argent. L'autorisation a finalement été obtenue, sans que s'explique la raison de tant d'atermoiements. Mais, plus positivement, un certain rapport a été retrouvé avec les citadins, à qui cependant il faut parfois rappeler quelques règles, comme nous avons pu en être témoins. Il existe une charte paysagère du parc pro cittadine verso la sostenibilità qui réunit différents partenaires : associations, institut Politecnico, agriculteurs, société des Navigli, et dont le but est de rapprocher les citadins de la campagne en rendant navigables les voies d'eau et la vente de produits dans la Darsena, l'ancien port de Milan. Le Parco Ticino ­ le parc du Tessin Le Parc a employé une centaine de personnes jusqu'à la fin des années 2000, mais aujourd'hui, les effectifs sont en baisse et tournent autour de 50 à 60 . Le budget est de 8 à 12millions d' dont 1million d' de la région Lombarde. Il est alimenté par des contributions des municipalités (2 par habitant et par an), par la fondation CARIPLO, et différents financements liés aux projets : projets Life, Europe, subventions du ministère de l'environnement. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 113/173 Le parc comporte un comité directeur, avec un président, nommé par la région et 5 conseillers choisis parmi les élus ; une assemblée du parc, composée des 47 communes, des 3 provinces, d'associations environnementales. Fait symptomatique, elle ne comporte pas d'agriculteurs... Il existe une commission du label, qui, elle, comporte des agriculteurs. Le territoire du parc est situé à une quarantaine de kilomètres à l'ouest de Milan. Il adopte une forme linéaire nord-sud qui suit la rivière du Tessin, affluent du Pô. Premier parc régional d'Italie, il a été créé en 1974 pour protéger la rivière et les milieux naturels de la vallée contre l'industrialisation et l'urbanisation d'une aire parmi les plus densément peuplées d'Italie. Le parc borde d'ailleurs l'un des deux aéroports de Milan, Milano-Malpensa. Très semblable à nos PNR, il s'étend sur trois provinces et 47 communes et possède une superficie de 92.000 ha (120 km du nord au sud, 3 à 10 km de large), dont 25% en surfaces naturelles, constituant le noyau du parc, 20% de surfaces urbaines, et 55% de terres agricoles. Dans le parc, les exploitations ont une surface moyenne de 30 ha, plutôt petites, mais la moyenne italienne est de 10 ha. Les paysages sont variés : si, dans la vallée, zones naturelles, réserves de biodiversité et activités de loisirs sont orientées vers le Tessin et l'eau, le plateau reste destiné à la grande culture intensive (maïs, riz, blé) et aux prairies en herbe ou marcite pour l'élevage bovin. Comme sur le parc agricole de Milan, les horizons y sont très plats et sillonnés depuis le Moyen-âge de canaux, d'alignements de peupliers et de fermes à la belle architecture. Nous avons pu admirer une grange en brique dont le traitement et la silhouette ne le cédaient en rien à un temple antique. Les marcite forment une structure très spécifique : ces prés sont irrigués toute l'année par un système hiérarchisé de canaux, ce qui permet à l'herbe de pousser même en hiver : ces parcelles restent vertes alors que les alentours sont enneigés et couverts de givre. Aujourd'hui ne subsistent que 300 ha de marcite sur une soixantaine d'exploitations. Pâturés ou fauchés, ils produisent un fourrage réputé, l'« or vert », coupé dix fois par par an. Y étaient autrefois associés certains métiers, comme les Campari, qui géraient subtilement les ouvertures de vannes en équilibrant la distribution des eaux. Le parc a effectué un travail considérable auprès des agriculteurs. Après une période conflictuelle dans les années 70 à 90, la concertation s'est améliorée. L'acquisition de leur confiance a été obtenue d'abord en résolvant leurs problèmes immédiats, puis en les aidant à monter leurs projets et à monter les dossiers de subvention ou d'autorisation. Maintenant, le parc va plus loin, surtout en montrant l'exemple, en organisant des expérimentations concluantes, etc. Il s'agit de faire prendre conscience que les alignements d'arbres, les haies, la rotation des cultures, le maintien d'un parcellaire assez réduit et l'augmentation des prairies de pâturage créent, s'ils sont bien gérés, un paysage et un environnement qui améliorent la qualité de vie de tous et qui présentent un intérêt économique et touristique. Ainsi, l'organisation de filières de vente directe, dans un secteur où 90% de la production rizicole était autrefois vendue aux grandes rizeries, a permis de montrer que les baisses de production engendrées par la plantation de haies étaient largement compensées par les prix de vente. En ce qui concerne les parties urbaines, le parc travaille sur certains dossiers, notamment sur les parties historiques, avec les architectes de la Sopraintendenza, ou intervient sur les limites des zones urbaines, au moment de leur définition. En revanche notre interlocuteur n'a pas connaissance d'actions sur la qualité de l'espace public, ou des lisières urbaines. Il faut cependant considérer que toutes les communes ont une commission du paysage, où le parc est représenté. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 114/173 Les paysagistes : formation, recherche, organisation professionnelle La profession semble encore assez mal connue en Italie. C'est l'Ordre des architectes et des paysagistes (Ordine Nazionale Architetti, Pianificatori, Paesaggisti e Conservatori) qui donne l'agrément d'architecte-paysagiste. Cet Ordre semble assez hiérarchisé : 1 architecte, 2 planificateur, 3 paysagiste, 4 conservateur. L'architecte peut agir sur tous domaines, contrairement aux autres, et ce même s'il n'est pas formé à ce type de projet. Selon une étude comparative 157, 154 architectes paysagistes sont inscrits à l'Ordre des architectes et des paysagistes en 2014 (à comparer au nombre d'architectes, environ 85.000). L'Association des architectes paysagistes (AIAPP, Associazione Italiana di Architettura del Paesaggio), (environ 700 adhérents) publie depuis 1998 le magazine Landscape Architecture. Il existe un cursus de master à Florence et Gênes (en faculté d'architecture) et des cursus sont en cours de création à Turin et Milan. On note en Italie un métier spécifique, agronome-paysagiste, parti au départ de la profession d'horticulteur. A Milan, il y a un cursus agronomie en lien avec le paysage. Turin intègre le paysage dans la formation agronomique. A retenir : Politiques publiques - le plan régional d'aménagement paysager (piano paesaggistico), qui vise à protéger, gérer et mettre en valeur les paysages et qui comprend la fixation d'objectifs de qualité paysagère. Après approbation par l'État, il prévaut sur les plans et les programmes nationaux et régionaux et documents de planification. Un statut de parc agricole géré à l'échelle d'une métropole ; - une difficulté à faire se rencontrer les démarches « top-down » et « bottom-up » ; - la lien entre agriculture productive ET la gestion du paysage ; - le contact citadins ­ agriculteurs avec une notion de « prestation paysagère » ; - l'importance de l'animation (associations...) Prise en compte - Participation citoyenne affirmée par la loi. Il existe des des populations systèmes de referendums locaux ou de pétitions, sur lesquels les conseils municipaux ou provinciaux sont obligés de se prononcer. Profession Maîtrise d'ouvrage Une association des architectes paysagistes (AIAPP) qui publie le magazine Landscape Architecture. 157 Topia « Les paysagistes dans le monde ­ Texte collectif ­ (2008-2014) - Pierre Donadieu http://topia.fr/wpcontent/uploads/2014/11/Les_paysagistes_dans_le_monde.pdf Démarches paysagères en Europe Page 115/173 Rapport n°010731-01 Pays : Pays-Bas Source : recherches bibliographiques, notamment actes du séminaire 2008 des Paysagistes-conseils de l'État en 2008 aux Pays-Bas158. Problématiques initiales identifiées Pays de dimension réduite et de forte densité de population, les Pays-Bas ont intégré de longue date un souci de la qualité paysagère jusqu'aux échelles territoriales les plus réduites. Ils ont développé une « école de paysage » remarquée en Europe. Intérêt : On peut sans doute dire que les Pays-Bas sont le berceau des « plans de paysage » qui se sont ensuite développés sous diverses formes dans de nombreux pays d'Europe avec trois caractéristiques principales : · une échelle territoriale de dimension moyenne (plusieurs communes) · une démarche volontaire et prospective fondée sur une analyse des caractéristiques et enjeux paysagers du territoire concerné · une déclinaison à la fois dans le droit des sols (plans et règlement de zonages) et dans des opérations concrètes d'amélioration de la qualité. Questionnement : Confrontés aux défis actuels (changement climatique et montée des océans, transition écologique dans le domaine agricole, pressions urbaines) les Pays-Bas sauront-ils préserver la qualité de l'aménagement qui faisait dire à Karin Helms, organisatrice du séminaire des paysagistes-conseils de l'État, à Rotterdam en 2008 : « Dans le paysage néerlandais, l'innovation n'est pas juste une réponse nécessaire pour s'adapter au contexte technique très mouvant. Elle est aussi le moyen de créer une identité propre à chaque lieu, une « distinction culturelle » sans laquelle les Pays-Bas auraient pu devenir ennuyeux » ? Les acteurs rencontrés : · Niveau Etat : Le représentant des Pays Bas aux Ateliers 2016 de la CEP à Erevan (chef de projet « paysage » au ministère des affaires économiques). · Profession : paysagistes français ou belges ayant exercé aux Pays-Bas. Contexte national - 41 526 km2 (dont 7 600 km² en eau, 20 % du territoire terrestre étant audessous du niveau de la mer) - 17 M.hab. ­ 496 hab./km² - Capitale : La Haye : 502 243 habitants (Amsterdam :690 000 hab, Rotterdam :617 000 hab.) Statut : monarchie constitutionnelle - un état central - 12 provinces - 408 communes, dont les deux-tiers comptent plus de 20 000 hab. 158 Actes téléchargeables avec le lien: http://www.paysagistes-conseils.org/sites/apce/files/contenus/apcerotterdamweb.pdf Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 116/173 Organisation territoriale néerlandaise Tant au niveau de la province que de la commune, la législation et l'administration sont régies par les principes de cogestion (les trois niveaux d'administration sont compétents, avec l'État central, pour oeuvrer dans un même domaine, comme par exemple sur l'urbanisme) et de prise de décision collégiale (l'» exécutif » est toujours un groupe de personnes incluant le représentant du gouvernement). Dans certains cas, une loi peut faire d'une matière qui relevait de l'autonomie communale, soit un objet de cogestion, soit une compétence désormais provinciale. Les communes sont administrées par un bourgmestre et les provinces par un « commissaire du roi » l'un et l'autre nommés le gouvernement. Mais celui ci est tenu de les choisir le bourgmestre parmi des candidats respectivement proposés par le conseil municipal et les «états provinciaux». En ce qui concerne l'aménagement des espaces et l'urbanisme : les Etats provinciaux élaborent des plans d'action directeurs pour l'aménagement des espaces (streekplan) ; le Conseil exécutif provincial approuve les plans d'utilisation des sols établis par les communes. Celles-ci élaborent des ces plans et délivrent les autorisations d'urbanisme. Les «waterschappen »(administration locales des eaux), au nombre de 25, sont des entités compétentes pour tout ce qui touche à l'eau ; elles ont notamment pour tâche d'assurer la protection des terres contre les eaux, sujet capital aux Pays-Bas. Elles ont des compétences qui dépassent évidemment les limites des communes et provinces. Certaines de ces institutions datent du moyen-âge. Elles sont administrées par une assemblée élue par les propriétaires fonciers et les habitants de leur ressort. Orientations de la politique du paysage aux Pays-Bas La première feuille de route stratégique exclusivement consacrée au paysage date de 1977, avec la présentation de la « Visie Landschapsbouw » (perspective de développement du paysage) qui dès cette époque, affirme la nécessité de développer des plans de paysage. Les fondements de la politique actuelle seront posés dans une « Nota Landschap » en 1992, stratégie élargie à 3 ministères importants en 1999 (Éducation, culture et sciences, Habitat, urbanisme et environnement, Transports, travaux publics et gestion de l'eau) sous le nom de « Nota Belvedere » (mémorandum Belvedère), feuille de route décennale (1999-2009) qui prend pour axe central la valeur culturelle du paysage, et fait de l'identité historique et sociale des territoires le fil directeur de la politique de planification spatiale. La « conception Belvedere » est fondée sur le principe que l'adaptation est le vecteur le plus efficace de la protection. À la demande de la société civile, une nouvelle stratégie sera adoptée dès la fin 2008 : l' « Agenda Landschap » (Agenda paysage) fixe les objectifs de la politique néerlandaise jusqu'en 2020, dont l'objectif est de promouvoir un paysage attractif tant pour les citoyens que pour les acteurs économiques ». Le mouvement social quant à lui, a adopté en novembre 2005 un « Landschaps Manifest », signé par 47 associations et présenté par l'État néerlandais à l'édition Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 117/173 2010-2011 du Prix du paysage du Conseil de l'Europe. Il est présenté en ces termes159 : « Le Manifeste pour le paysage a été conçu pour mettre en exergue l'importance du paysage et améliorer la qualité du paysage des Pays-Bas. En promouvant l'implication des citoyens, l'échange de savoir-faire entre les organisations, l'amélioration de la qualité de l'aménagement du paysage ainsi que l'analyse des outils d'entretien actuels, ainsi qu'en recherchant des financements durables auprès des pouvoirs publics, la Fondation du Manifeste pour le paysage a montré qu'elle était un acteur clé du «rayonnement du paysage». Quarante-sept organisations collaborent à des fins de sensibilisation et de coordination des initiatives de soutien à l'entretien du paysage. En réunissant des organisations non gouvernementales ayant des objectifs différents, mais partageant toutes le même souci du paysage, la Fondation du Manifeste pour le paysage est parvenue à faire progresser sensiblement l'intérêt des autorités et du public pour le paysage. Cette démarche crée une force qui oeuvre pour la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage en utilisant tous les moyens à sa portée, qu'il s'agisse de l'amélioration des politiques ayant trait au paysage ou des campagnes «l'aménagement paysager de votre cour». Le contenu du manifeste promeut l'idée que le paysage doit être l'affaire de tous et profiter à tous, et que la beauté représente un aspect important du développement. Les instruments de prise en compte du paysage au niveau régional et local : L'État a produit, à l'usage des collectivités, un cadre stratégique pour le développement d'un paysage de qualité (Landschap Ontwikkelen met Kwaliteit, LOK), sous la forme d'un guide applicable à l'élaboration des plans de zonage. Le LOK est fondé sur les qualités naturelles (sol, eau, fane et flore), culturelle (histoire, architecture), la valeur d'usage (notamment récréative), et la « qualité perceptive » (contrastes visuels, tranquillité, silence...). De façon opérationnelle, les régions, intercommunalités et communes peuvent mettre en place des plans de développement du paysage (Landschapsontwikkelingsplan, LOP), complétés, à l'échelon local par des plans de qualité du paysage (Beeldkwaliteitplan, BKP) destinés à encadrer les constructions et aménagements nouveaux. Les LOP : Leur réalisation est volontaire, à l'initiative des municipalités, des groupements de communes ou des régions. Leur développement a été encouragé par des subventions gouvernementales et par l'implication du mouvement associatif ; 12 LOP sont actuellement en cours d'études ou de mise en oeuvre. La participation citoyenne est une condition nécessaire au financement extérieur de ces plans. L'articulation est forte avec les plans d'utilisation des sols, les LOP doivent obligatoirement être le fondement les orientations du document local de planification, et le cas échéant, constituer une partie intégrante de ceux-ci ; les LOP rentrent dans un niveau de détail important et à une échelle territoriale fine. L'exécution des plans est assurée par l'embauche de Landschapscoördinator (coordinateurs de paysage), chargés de la transposition des plans dans l'ensemble des 159 Publication du conseil de l'Europe présentant les sessions 200 et 2010-2011 du Prix du paysage. Téléchargement: https://rm.coe.int/16802f299a, page 57. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 118/173 normes juridiques, des programmes et des réalisations. Ces agents sont des professionnels privés sous contrat d'étude par les collectivités ou organismes porteurs. Les LOP néerlandais, dont sont issus les plans de paysage français, se composent de trois parties : 1. l'analyse paysagère du territoire ; 2. la « vision ­ visie - stratégique », à partir d'objectifs de qualité de l'espace ; 3. le programme d'actions, avec identification, pour chacune d'elles, de son responsable, de ses acteurs, et de son financement. Un document cartographique détaillé accompagne l'ensemble. NB : les quelques documents LOP repérés sur internet ont été rédigés par des « Landschapsarchitekten » Les BKP : Les « plans de qualité du paysage », également établis sur la base du volontariat, mais sans procédure normalisée, s'imposent néanmoins, une fois réalisés, aux permis de construire et à la morphologie des nouveaux développement urbains. Ils sont complémentaires des LOP, dont ils concrétisent et illustrent les intentions (la visie), notamment en cas d'urbanisation de nouveaux territoires ruraux, en termes d'harmonie entre éléments construits et espaces naturels, entre les structures paysagères existante et nouveaux éléments introduits. À la différence des LOP, dont l'expression graphique principale est en deux dimensions, les BKP sont avant tout illustrés par des plans-masses ou des croquis de détail. Ils sont intégrés aux plans d'utilisation des sols locaux. Le rôle du Landschapscoördinator évoqué ci-dessus est également crucial dans l'établissement et la gestion de ces documents. Les « nationale landschappen », paysages de référence de la politique nationale de qualité Les 20 paysages culturels néerlandais « les plus précieux » et représentatifs ont été désignés « paysages nationaux » en 2006. Il s'agit de lieux où se combinent de manière particulièrement caractéristique les valeurs historiques, naturelles et culturelles. Il ne s'agit pas seulement d'une « protection » puisque de gros efforts ont été consentis dans le même temps pour y assurer l'accueil et la sensibilisation du public, ainsi que l'association de leurs propriétaires ou gestionnaires agricoles et forestiers, ainsi acteurs cruciaux dans ce pays ­ que les gestionnaires de l'eau. Une Fondation à but non lucratif, Stichting Nationale Landschappen, a été constituée deux années après la désignation des 20 sites : elle a pour but d'en assurer la gestion et « de renforcer la coopération entre toutes les parties concernées, dont les autorités locales et régionales et les investisseurs privés ». Parmi les paysages ainsi désignés et mis en gestion figure le paysage linéaire (85km) de « la nouvelle ligne de flottaison hollandaise » (« Nieuwe Hollandse Waterlinie »), Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 119/173 dont la mise en valeur a fait l'objet d'une candidature au prix du paysage du conseil de l'Europe 2014-2015, et sera présentée à la désignation au patrimoine mondial en 2019. La profession et la formation des paysagistes aux Pays-Bas L'émergence de la profession de paysagiste aux Pays-Bas est inséparable de la reconstruction du pays après la seconde guerre mondiale. La personnalité de J.T.P. Bijhouwer (1898-1974), dont Jacques Sgard suivit l'enseignement, domine cette période : le métier se détache de la conservation et investit la grande échelle, urbaine comme rurale. Les paysagistes sont essentiellement dans le secteur public, aux côtés des ingénieurs chargés de rebâtir le pays et de contrer la menace maritime toujours présente (des paysagistes ont été intégrés dans les équipes de réalisation des grands polders du Zuiderzee). L'Ile de Walcheren (photo ci-dessus), en Zélande, volontairement inondée pendant la guerre, a été entièrement redessinée à la fin des années 50, à la fois en termes fonctionnels et esthétique Elle a servi de modèle aux « plans de paysage » qui se sont développés à partir de cette période, et qui ont fait école dans plusieurs pays d'Europe, dont la France. Témoin de la place des paysagistes dans le secteur public des années 60 aux années 80, c'est un paysagiste qui dirigea pendant cette période le service national des forêts. La conception paysagère s'exerce également dans les projets urbains, notamment dans le programme VINEX160, ayant pour objectif, dès les années 90, de limiter le mitage et l'étalement des villes en construisant des quartiers à forte densité, soit en continuité des villes soit même en milieu rural, dans un cadre très « dessiné » tirant notamment partie du réseau de canaux qui en constituent souvent les limites. A partir des années 80, l'État perd sa suprématie sur l'aménagement du territoire et une quarantaine de grandes agences privées de paysagistes sont créées. 2000 personnes161 travaillaient en 2008 dans l'aménagement du territoire au titre des agences de concepteurs, 400 d'entre elles étant issues d'écoles de paysage (Wageningen162, Amsterdam, Larenstein, faculté d'architecture de Delft...). La profession de paysagiste est protégée, et gérée par un ordre très dynamique qui décerne chaque année le prix Bijhouwer, dont la réalisation lauréate concourt ensuite au prix du paysage du Conseil de l'Europe. A retenir : Malgré une documentation partielle, l'obstacle de la langue et l'absence de témoignage direct des acteurs néerlandais du paysage, les Pays-Bas apportent des contributions importantes à la problématique européenne : stratégie nationale, culture paysagère très ancrée dans la population, profession nombreuse et reconnue, vision dynamique et non conservatrice de la qualité paysagère, et matrice européenne des plans de paysage (développés dans ce pays dès les années 50). 160 Du nom d'une loi de 1995, prévoyant un programme de construction d'un million de logements nouveaux en 10 ans. Soit 1 pour 8400 habitants ! Voir la présentation (en anglais) du master d'architecte-paysagiste (landscape-architecture and planning) sur le site de cette université : http://www.wur.nl/en/Education-Programmes/master/MScprogrammes/MSc-Landscape-Architecture-and-Planning.htm Démarches paysagères en Europe Page 120/173 161 162 Rapport n°010731-01 Politiques nationales - Une stratégie nationale, « Agenda Landschap 2008-2020» qui cite explicitement la définition de la CEP ; - Un réseau de Nationale Landschappen fondé sur une vision dynamique de la protection ; - des lignes directrices nationales pour les plans de paysages (Landschapsontwikkelingsplan, LOP). Prise en - Les LOP ne sont soutenus financièrement que s'ils mettent en oeuvre compte des une dimension participative ; populations - Le « Landschaps Manifest » signé par 47 associations traduit la mobilisation de la société civile en faveur de la qualité du paysage. Profession Maîtrise d'ouvrage - Puissante numériquement (2000), juridiquement (un ordre) et intellectuellement (vision dynamique et progressiste du paysage) - Intérêt des « Landschapscoördinator » dans les communes qui ont entrepris un plan de paysage. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 121/173 Pays : Royaume-Uni ­ Angleterre Source : recherche bibliographique et entretiens dans le cadre de la visite à Londres des 28-29 avril 2017. Problématiques identifiées Dans le cadre de sa politique de planification, le Royaume-uni a développé une démarche « d'infrastructure verte », où le paysage occupe une place centrale. Les professionnels du paysage se regroupent au sein du « Landscape Institute », organisation professionnelle structurée, active dans la défense des problématiques liées au paysage et le soutien de ses membres dans les institutions publiques comme dans l'activité libérale Questionnement : quels enseignements retenir de l'organisation des professionnels du paysages ? Quelles sont la portée, les effets et les conditions de réussite de la démarche d'infrastructure verte pour la prise en compte du paysage dans les politiques d'aménagement du territoire et les autres politiques sectorielles ? Les acteurs rencontrés. · Au niveau ministériel : représentants du ministère de l'environnement de l'alimentation et des affaires rurales (DEFRA ; department for environment, food and rural affairs) et du ministère des collectivités territoriales (DCLG : department for communities and local government). · Des représentants des agences gouvernementales: Natural England, Historic England, Heritage Lottery Fund. · Des représentants des collectivités locales : Barnet (district de Londres) Association des directeurs de l'environnement, des affaires économiques et de la planification (ADPET). Contexte national - 242 495 km² Monarchie constitutionnelle. - Royaume-Uni :65,11 M.hab. ­ 261 Systèmes de « dévolution » à l'Écosse, hab/km² (Angleterre : 55 M.hab.) au Pays de Galles et à l'Irlande du Nord - Capitale : Londres : 8,17 M.hab. (Aire urbaine : 12,3 M.hab.) Organisation territoriale Le Royaume Uni est constitué de quatre nations : l'Angleterre, l'Écosse, l'Irlande du Nord et le Pays de Galles. L'Angleterre comprend 9 régions. La région de Londres, appelée Grand Londres, est divisée en 32 boroughs (districts londoniens dont la Cité de Londres). Elle est administrée par la Greater London Authority et par la London Assembly. Les autres régions se composent de comtés et d'« autorités unitaires ». Les comtés se subdivisent en districts. Les autorités unitaires combinent les compétences des comtés et des districts. En dessous des districts se trouvent les « paroisses civiles ». Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 122/173 L'Ecosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord bénéficient d'un système de dévolution qui les dotent d'institutions propres et de compétences particulières dans un certain nombre de domaines, dont celui de la planification. Urbanisme et aménagement du territoire La mise en oeuvre de la CEP, la réglementation en matière de planification et la gouvernance en la matière sont distinctes en Angleterre, Écosse, Pays de Galles et Irlande du Nord. La mission s'est limitée à la seule situation de l'Angleterre. Par ailleurs, depuis le localism Act de 2011, à l'exception du Grand Londres, il n'existe plus de niveau régional pour les questions de planification. Le gouvernement a établi un cadre stratégique national, le National Planning Policy Framework, avec lequel les documents locaux de planifications doivent être compatibles (voir infra). Politique du paysage 1- Généralités et acteurs Historiquement, le paysage a toujours bénéficié d'une reconnaissance sociale importante. Dans ce contexte, la CEP a été signée et ratifiée en 2006 (même année que la France) par le Royaume Uni. Le DEFRA (Department for Environement, Food and Rural Affairs) est responsable de sa mise en oeuvre mais a confié cette responsabilité à l'agence Natural England dont il assure la tutelle. En complément, plusieurs agences gouvernementales, dont Natural England, Historic England ainsi que les onze Parcs nationaux notamment, jouent un rôle dans l'évaluation et le développement des politiques du paysage. Les entretiens avec les représentants du DEFRA ont mis en évidence la place restreinte occupée par le ministère chargé de l'environnement dans la définition des politiques paysagères dès lors qu'elle s'inscrit dans une démarche de planification. Ainsi, le document cadre stratégique National Planning Policy Framework (NPPF) a été rédigé par un autre département ministériel, le Department for communities and local government (DCLG). Le DEFRA traite des questions de protection de la nature et d'environnement ; la majeure partie de ses activités est tournée vers la politique agricole et l'alimentation. Parmi les 33 « agences » qui relèvent de sa tutelle, on trouve l'agence de l'environnement, Natural England et les onze parcs nationaux . Sa compétence est limitée à l'Angleterre, cette compétence étant dévolue (devolved) à l'Écosse, au Pays de Galles et à l'Irlande du Nord chacune pour ce qui les concerne163. Les questions relatives au paysage sont principalement suivies par l'agence gouvernementale Natural England. Cette agence a joué un rôle actif dans la réalisation de la landscape characterisation assessment (LCA), l'équivalent de nos atlas de paysage. Historic England traite des questions relatives aux « sites » (au sens patrimonial). Cet établissement relève de la tutelle du ministère de la Culture. Il joue un rôle de conseil auprès des autorités locales et s'intéresse au paysage au titre de ces missions. Au Pays de Galles, Irlande et Écosse, la mise en oeuvre de la CEP relève de l'Assemblée du gouvernement Gallois, du Département de l'Environnement en Irlande du Nord et du Directorate de l'environnement et de la forêt écossais ainsi que des agences Historic Scotland et Scottish Natural Heritage. 163 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 123/173 Les onze parcs nationaux jouent un rôle important dans la politique du paysage. Ils disposent de pouvoirs de planification et élaborent des politiques de préservation des « beautés naturelles ». Ils définissent un plan « d'obligations économiques » d'une durée de cinq ans. Ce plan de gestion, à moyen terme doit obtenir l'accord de toutes les autorités locales. Il pose des conditions au développement et a un impact sur les zones limitrophes du parc. Tout promoteur ou développeur devra démontrer qu'il a bien pris en compte ces conditions, les autorisations foncières étant au final attribuées par les districts et les boroughs 2- Le Landscape Character Assesment (LCA) : une identification des paysages à l'échelle nationale. Depuis les années soixante, la pierre angulaire des politiques du paysage en Angleterre et en Écosse a été constituée par la caractérisation des paysages et de leurs facteurs d'évolution, travail mené à l'échelle nationale, régionale et locale. La notion de «caractère du paysage » est fondée sur la différenciation entre les paysages et les traits qui les caractérisent. A l'origine, l'analyse reposait sur une approche objective, scientifique et quantitative. Elle s'est ensuite enrichie de la perception du paysage par ses habitants. Depuis 1993, la caractérisation du paysage (LCA) est devenue un élément de base dans le processus de planification. Cet instrument identifie les caractéristiques qui font sens pour celui-ci. C'est un outil d'information, de planification et de développement. La LCA peut être menée au niveau de planification pertinent (local ou de voisinage). Au terme de ce programme de caractérisation des paysages, une carte a été dressée qui, pour l'Angleterre, recense 159 aires (areas) différentes décrites dans huit volumes. Les autorités locales ont pris une part active dans la caractérisation de leur paysage. 3- Un cadrage stratégique et des orientations nationales en vue du développement durable : le national planning policy Framework (NPPF) Le NPPF est un document stratégique élaboré par le ministère des collectivités locales (DCLG). Mis en place en 2012, c'est un outil stratégique national global qui a vocation à guider les autorités locales lors de l'élaboration de leurs documents de planification. Il fixe les orientations stratégiques qui doivent être inscrites dans le plan local (Local Plan) qui comprend une core strategy qui précise les objectifs de long terme (15-20 ans) du territoire considéré (area) qu'il entend développer (expansion urbaine, zones à réhabiliter, nouvelles implantations...). Il définit une vision d'ensemble de la zone, identifie les points clefs à traiter et dresse une cartographie des principaux projets. Une cinquantaine de mesures ou dispositions du NPPF qui mentionnent explicitement ou implicitement le paysage ont été recensées par le Landscape Institute (organisation professionnelle regroupant les paysagistes ­ voir infra). Plusieurs d'entre elles prescrivent des éléments de contenu du plan local, parmi lesquels : · optimiser les possibilités du site en vue de son développement, créer et soutenir un usage multifonctionnel de l'espace (dont espaces verts) ; · tenir compte du caractère local et historique, refléter l'identité de l'environnement local ; · améliorer le panorama (visual attraction) par la mise en valeur du paysage (architecture and appropriate landscaping). Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 124/173 · · · · · · Le NPPF précise que la planification locale doit notamment comprendre : la Green infrastructure (GI) en ce qu'elle contribue à l'amélioration du bien-être des habitants, et contribue à la réhabilitation des zones détériorées ; la prise en compte des effets du changement climatique sur le paysage ; la qualité des espaces naturels et de la biodiversité ; le développement de l'évaluation du paysage intégré aux qualifications historiques du paysage dans zones qui pourraient s'urbaniser ; la conservation des paysages côtiers qui n'ont pas encore été construits et la préservation de leur accessibilité. Le dispositif de planification 1- le cadre juridique et la gouvernance de la planification Le premier texte relatif à un système de planification "moderne" a été le Town and Country planning Act 1947. Ce texte complexe soumettait l'aménagement et l'usage du foncier au contrôle des pouvoirs publics conformément aux règles de la planification. Cette législation crée les autorités locales de planification qui ont pour mission l'élaboration des plans et le contrôle des projets d'aménagement et de développement. Cette loi est demeurée inchangée jusqu'à une série de textes qui se sont succédé à partir de 1990, le dernier en date étant le Localism Act en 2011. Depuis cette dernière loi, les autorités locales sont compétentes en matière d'aménagement et de planification. Il s'agit : des conseils de comtés, des conseils de districts ou des conseils de cité (city councils), des conseils de paroisse ou de villes (parish ou town councils). Ces derniers n'existent d'ailleurs pas partout. La majeure partie de la planification est réalisée par les districts. A l'exception de Londres, le niveau régional de planification a été supprimé164. On dénombre 356 autorités locales dont 86 % ont rempli leur obligation d'élaborer un plan local d'aménagement. Progressivement, le dispositif tend à s'assouplir et à favorise des plans élaborés conjointement par plusieurs autorités locales aux territoires interdépendants. Sont exclus de cette compétence, les infrastructures de transports, les questions minières et les déchets, qui relèvent de la compétence des conseils des comtés. Par ailleurs, à Londres, le maire à la compétence de définir certains projets d'importance stratégique, tandis que la compétence de droit commun appartient aux 32 boroughs. Lorsqu'il existe un parc national, la compétence en matière de planification lui revient. 2- le local plan Le plan local traduit la stratégie des autorités locales chargées de la planification et sert de cadre pour les projets d'aménagements du territoire considéré. Il possède une portée contraignante. Il doit comprendre les documents suivants : · la core strategy, qui fixe la vision stratégique et les objectifs de développement pour la zone concernée au cours des 15 à 20 prochaines années. · le zonage avec sa cartographie (site allocations), qui identifie les sites précis nécessaires au développement (zones d'extension urbaines, nouvelles implantations, lieux de réhabilitation). · en tant que de besoin, les plans d'actions (area action plans) et le plan de développement (development plan document/ DPD). 3- les neighbourhood plans (plans de voisinage) 164 La suppression du niveau régional de la planification est regrettée en ce qu'elle empêche une vraie planification stratégique ; elle favorise toutefois le développement du bottom up (processus d'information ascendante) en rapprochant le niveau de planification de la population locale. Démarches paysagères en Europe Page 125/173 Rapport n°010731-01 La composante essentielle en est le volet logement pour lequel les besoins font l'objet d'une estimation objective. Pour ce faire, les autorités doivent toujours disposer d'une réserve foncière suffisante à échelle de 5 ans et fixer les limites de l'aménagement et du paysage naturel qu'elles cherchent à préserver. Ces documents demeurent soumis au contrôle des comtés afin de limiter les développements excessifs. 4- le contrôle des plans par des agents de l'État (planning inspectors) Les plans locaux sont contrôlés par le service de la planification dans lequel travaillent des agents de l'État, et non des collectivités locales. Ils mènent l'enquête sur une durée d'environ 9 mois avant de se prononcer sur la régularité du plan local qui leur est soumis. Les autorités planificatrices et les officiers du gouvernement central (planning officers ou inspectors ) qui contrôlent le contenu des plans locaux ont souvent des points de vue divergents. En 2016, 92 permis d'aménager ont été soumis au ministre (sur 150 000 demandes d'autorisations) du fait de divergences entre autorisés locales et planning inspectors du DEFRA. 20 000 demandes ont donné lieu à un appel : un tiers a été autorisé. 5- l'exemple du borough de Barnet Barnet fait partie intégrante du Grand Londres (32 boroughs au total). A ce titre, sa compétence en matière de planification est contrainte par la nécessaire prise en compte du plan de développement stratégique (Strategic Development Plan, SDP) de Londres. Actuellement, l'élaboration d'un nouveau SDP est en cours ainsi qu'un document stratégique environnemental qui traitera de l'infrastructure verte, de la biodiversité et de la santé. Les documents de planification de Barnet prennent en compte les choix opérés par les boroughs voisins notamment un plan de développement stratégique (SDP) d'infrastructure verte. Il s'agit d'interconnecter tous les "espaces verts". La caractérisation des paysages de Barnet et de ses sites historiques sont un atout pour la collectivité, d'où une politique de rénovation (regenerate) plutôt que de construction. L'autre spécificité de Barnet tient à sa localisation dans la green belt (ceinture verte) de Londres. La qualification de green belt constitue une planning designation depuis les années 40. Or, la politique de construction de 500 000 logements dans les zones où le marché immobilier connaît de fortes tensions entraîne de fortes pressions sur les green belt et en particulier à Barnet. La superficie du Grand Londres est en effet constituée à 47% d'espaces verts. La prise en compte du paysage dans la planification : la Green infrastructure. La prise en compte du paysage dans la planification est prescrite dans le NPPF (voir supra). L'outil privilégié pour la prise en compte du paysage est la Green infrastructure. 1- la notion d'infrastructure verte Dans les circulaires gouvernementales de 2008, l'infrastructure verte a été définie comme : « un réseau d'espace verts multifonctionnel existants ou nouveaux, ruraux et urbains, qui favorisent les processus naturels et écologiques. Elle contribue à la protection de la santé et de la qualité de vie de communautés ». Ce réseau, objet d'une stratégie de planification et de mise en oeuvre, inclut l'éventail le plus large d'espaces verts et autres éléments environnementaux. Il doit être conçu et Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 126/173 géré comme une ressource multifonctionnelle capable de produire des services écosystémiques et une qualité de vie attendus par le corps social. Sa conception et sa gestion contribuent au respect et au renforcement du caractère et de la spécificité du territoire au regard de son paysage. La GI est le fil conducteur dans et autour des zones urbanisées. Elle relie les zones urbaines avec leur hinterland et se retrouve à toutes les échelles territoriales. La GI s'intègre dans une démarche de planification centrée sur la prise en compte du développement durable et des effets du changement climatique. 2- Intérêt de la prise en compte de l'infrastructure verte dans la planification L'infrastructure verte joue un rôle de premier plan dans le processus de conception et de planification : elle tient compte du caractère du paysage et de ce qui fait sens pour ce lieu, et identifie les opportunités de participation de la communauté aux projets. L'infrastructure verte comporte une palette de fonctions potentielles et de services écosystémiques. Elle suppose une approche à partir de plusieurs points de vue qui conduit à un usage multifonctionnel du lieu. Outre des bénéfices en termes de santé, de bien-être, des bénéfices sociaux (éducation, renforcement de la cohésion sociale), d'écologie (renforcement de la biodiversité), un certain nombre de fonctions économiques ont été recensées, dont l'accroissement de la productivité du travail, l'augmentation de la durée de présence des visiteurs, l'augmentation de la valeur des biens immobiliers, la création d'emplois dans les secteurs de l'environnement, de la planification, de la construction, de la gestion de projets et des sites. Mais pour que la GI emporte des effets bénéfiques, deux conditions doivent être remplies: une conception et une gestion appropriée ce qui suppose un engagement effectif des partenaires et parties prenantes lors de la conception et de la réalisation de la GI. Les paysagistes et l'organisation de la profession : le Landscape Institute Au Royaume-Uni, le Landscape Institute (LI) est une organisation professionnelle structurée et très active. Créé en 1929, l'institut est chargé de « promouvoir la profession du paysage au profit de la société toute entière ». S'il n'est pas obligatoire d'être membre du LI pour mener un exercice professionnel dans le domaine du paysage, dans les faits, la quasi-totalité des commandes ou des postes requérant une telle compétence revient à ses membres. Le Landscape Institute totalise 5391 membres, dont 4643 en activité (avril 2017) soit deux fois et demi plus qu'en France pour une population équivalente (55 millions d'habitants pour la seule Angleterre, 65 pour le Royaume-Uni). La majorité de ces membres sont des chartered members (CMLI) ayant passé avec succès un examen d'entrée généralement deux ans et demi après l'obtention du diplôme (examen pour lequel l'institut organise des cycles préparatoires). 216 étudiants sont actuellement membres du LI, ainsi que 1262 licenciate (diplômés simples). Le Landscape Institute joue un rôle très actif dans la promotion de la place du paysage dans les politiques publiques. D'une part, il soutient ses membres qui occupent des postes-clefs dans l'administration ou ses agences. Ainsi, on recense 7 CMLI au sein de l'agence Natural England, cheville ouvrière de la politique du paysage au RoyaumeUni. D'autre part, l'organisation s'attache à défendre la présence de paysagistes Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 127/173 auprès des autorités planificatrices dans les collectivités locales. Cette stratégie de présence auprès du maître d'ouvrage est essentielle. Elle contribue à la prise en compte du paysage dès la conception d'un projet et sensibilise les décideurs et les représentants d'autres secteurs (infrastructures, aménageurs, écologues, promoteurs...) à la qualité paysagère. Enfin, la profession a joué et joue encore un rôle majeur dans la promotion de la démarche « d'infrastructure verte ». Il s'agit de mettre le paysage au premier plan des méthodes de travail de planification. Par ailleurs, le projet stratégique de l'Institut a retenu trois thèmes prioritaires : · promouvoir la valeur du « paysage comme infrastructure » (au travers l'implication des membres du LI ­ secteur public comme secteur privé ­ dans la promotion de la Green Infrastructure) ; · développer la profession « par l'acquisition de nouveaux savoir-faire » (new skills) ; · attirer vers la profession les nouvelles générations (inspiring the next generation into the profession). La réflexion de l'Institut l'amène à mettre l'accent à la fois sur les valeurs matérielles et immatérielles du paysage. Il note la nécessité de « quantifier » et d'évaluer les apports du paysage comme la beauté naturelle, le bien-être, ou la tranquillité. Il a rédigé à cet égard une brochure très argumentée sur le lien paysage-santé publique165. Une politique du paysage animée et mise en oeuvre par des agences gouvernementales. 1- Natural England Natural England compte 2000 agents. Cette agence est essentielle pour le traitement des questions liées au paysage et à la planification. Placée sous la tutelle du DEFRA, elle est née de la fusion en 2006 de English nature, Rural agency et Countryside agency166, qui a bouleversé l'équilibre en faveur de la biodiversité au détriment du paysage. On note la présence dans l'Agence de sept landscape-architects (membres actifs du Landscape institute), à mettre en rapport avec l'effectif total sus-indiqué. Parmi les missions attribuées à l'agence figure la mise en oeuvre de la Convention européenne (diffusion des concepts et du vocabulaire, mais aussi dimension paysagère des politiques sectorielles : énergie, ports, transports notamment, mais bien sûr, au premier rang, le cadre national de la politique de planification ­ NPPF). Au terme de la loi, l'agence exerce une mission de conseil auprès des autorités locales à leur demande. Elle assure la mise en oeuvre et l'actualisation des LCA (y compris dans ces dernières, la problématique du seascape (paysage vu depuis la mer). C'est elle qui réalise ou fait réaliser, si nécessaire, des landscape and visual character assessment dont l'objectif n'est pas de s'opposer aux projets d'aménagement, mais d'en obtenir une contribution positive à l'évolution du paysage (« better design »). Les travaux de l'équipe de paysagistes de Natural England s'oriente aujourd'hui vers le traitement des lisières urbaines (urban fringes), des ceintures vertes (green belts) en 165 166 Public Health and Landscape, creating healthy places. Novembre 2013 Voir Natural Environment and Rural Communities Act 2006, Chapitre 16 , Partie 1 , Chapitre 1 Natural England Démarches paysagères en Europe Page 128/173 Rapport n°010731-01 tant que ressources éducatives, et d'espaces ouverts "adoptés" par leur population, phénomène récent, surtout londonien, de mise en commun de la gestion (comparable à nos "jardins partagés" en ville). 2- l'Heritage lottery fund (HLF) Le HLF est un organisme (non-departmental public body, c'est-à-dire une agence interministérielle) de distribution de financements créé en 1994 par le gouvernement pour la mise en valeur du patrimoine. Il est abondé par les gains des jeux de loterie (il perçoit 5,6% du prix des billets vendus). Le fonds est administré par le National Héritage Memorial Fund (NHMF) qui décide de l'allocation des ressources. Il répond de son activité devant le Parlement via le ministère de la culture, des médias et des sports. Depuis sa création, 7,1 M£ ont permis de financer 40 000 projets notamment de restauration de milieux naturels et de mise en valeur de paysages (850 parcs publics et 3 200 projets de conservation de la faune et de la flore) ou de bâtiments patrimoniaux. La structure emploie 300 personnes. Elle a élaboré un plan stratégique 2013-2019 qui s'appuie sur une implication des communautés locales dans les projets faisant l'objet d'une dotation. Notre interlocuteur reconnaît qu'il existe un déficit de projets consacrés au paysage et à la nature. Les partenariats dans le domaine du paysage ont concerné 126 projets et ont reçu un financement de 237 M£. auxquels s'ajoutent 850 projets de parcs publics pour un montant de 842 M£. Les demandes émanaient auparavant à hauteur de 70% des collectivités locales. A présent, la majeure partie de ces demandes sont présentées par des Fondations ou des Parcs nationaux. La procédure commence par une demande de financement qui est instruite par un agent du HLF. Si la demande dépasse 200 £, la décision relève de la compétence du board qui est présidé par le Premier Ministre et comprend divers experts (archéologues, écologues, paysagistes selon les cas traités...). Le projet-type a une durée de réalisation de quatre à cinq ans. Parmi les exemples cités figurent le traitement de l'érosion côtière dans le Suffolk : organisation du repli des activités dans une zone protégée (AONB), ou bien la création d'une zone-tampon autour d'un site industriel gallois inscrit au patrimoine mondial (Blaenavon ironworks). Aujourd'hui, le Heritage Lottery Fund représente à peu près la seule source de financement en dehors des produits provenant des "taxes". Le plus souvent ces projets s'articulent avec les plans locaux d'aménagement, ou dans des territoires concernés par de grands projets d'infrastructure (HS2 rail :le plan d'équipement du pays en TGV). Il contribue à la Green Infrastructure essentiellement sur la restauration des rivières. 3- L'Agence "Historic England". Elle traite des questions relatives aux « sites » (dans le sens patrimonial167). Cet établissement relève de la tutelle du ministère de la culture, des médias et du sport. Il joue un rôle de conseil auprès des autorités locales s'agissant des questions de patrimoine, de tourisme. Il s'intéresse au paysage au titre de ces missions. A retenir : 167 Areas of outstanding natural beauty (AONB). Démarches paysagères en Europe Page 129/173 Rapport n°010731-01 Politiques nationales - Le National policy planning framework prescrit la prise en compte du paysage dans les documents de planification. - Rôle essentiel joué par des agences gouvernementales, notamment Natural England, et contrôle strict des planning inspectors Prise en compte des La possibilité d'élaborer des Neighbourhood plans à l'initiative populations des habitants fournit un exemple de procédure ascendante qui à terme aboutit à la mise au point d'un document de planification de valeur contraignante . Profession Le Landscape Institute est une organisation professionnelle très active qui a pour mission la promotion de la profession. Elle participe aux réflexions relatives au paysage et au développement de la démarche d'infrastructure verte. Elle fait en sorte que certains de ses membres occupent des postes utiles dans des agences qui traitent de question de paysage comme Natural England, ou auprès de responsables locaux. Les autorités compétences en matière de planification se trouvent au niveau local (comtés, districts, quartiers ou paroisses). Un certain nombre d'entre eux bénéficient de la présence de paysagistes. Maîtrise d'ouvrage Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 130/173 Pays : Suisse Sources : recherches bibliographiques (notamment brochure « Conserver et améliorer la qualité du paysage » éditée par l'Office Fédéral de l'Environnement en 2016 ). Visite des 8 et 9 février 2017. Problématiques initiales identifiées « Conception paysage suisse » adoptée dès 1997 par le gouvernement fédéral. Politiques sectorielles à dimension paysagère, notamment agriculture, énergie. Intérêts : · Mobilisation au profit de la qualité du paysage (symbole -un peu conservateurde l'identité de la Suisse...) de l'ensemble des « départements » du gouvernement fédéral. · Evolution en 20 ans de la « conception paysage suisse» d'une vision fortement naturaliste vers une approche perceptive conforme aux définitions de la CEP · l'émergence depuis une dizaine d'années de démarches d'initiative territoriale prenant le relais d'une politique d'aménagement de l'espace très hiérarchisée entre les trois niveaux d'administration fédérale, cantonale et communale (parcs naturels et politique agricole) · les concepts de « prestation paysagère », et une réflexion sur le lien paysagesanté. Questionnement : s'agit-il avant tout de « préserver une image » (la fresque qui figure derrière le siège du président du parlement fédéral), ou d'accompagner des évolutions de façon qualitative ? Les acteurs rencontrés Les différents « départements » du gouvernement fédéral : l'Office Fédéral de l'Environnement (OFEV), chef de file de la politique du paysage à ce niveau, qui avait mobilisé, sans difficulté identifiable, les principaux autres départements impliqués : l'Office fédéral du développement territorial (ARE - Amt für RaumEntwicklung) l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) 1. la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage (CFNP) 2. les parcs naturels (section espace rural de l'OFEV). Dans un autre registre, la co-présidente de la FSAP, (fédération suisse des architectespaysagistes) par ailleurs chargée de mission à l'OFEV Contexte national Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 131/173 La Suisse - 41 285 km² - 8,4 M.hab. - 203 hab/km² - Capitale : Berne : 129 000 habitants (5è ville loin derrière Zürich : 1,2 M d'hab) Statut : République fédérale ­ un état central, la « confédération » ­ 26 cantons dotés chacun de leur constitution (16 d'entre eux sont subdivisés en districts) ­ 2246 communes Organisation territoriale La Suisse est une confédération, formée depuis 1848 de 26 cantons de taille et de population très variées (1 600 km² en moyenne). Le pays est géographiquement divisé entre les Alpes, le Plateau suisse et le Jura. Les cantons sont souverains selon leur constitution respective, avec certaines limites. La répartition des compétences entre la Confédération et les cantons est formalisée dans la constitution fédérale. Chaque canton est divisé en communes, d'une superficie moyenne de 15 km² (France : 15,5 km²) soit au total 2246 communes . L'étendue des compétences propres de la commune dépend du canton, qui dans tous les cas exerce une tutelle plus ou moins marquée sur leurs décisions et prérogatives. Contrairement à une lecture purement juridique, les compétences confédérales ne sont toutefois pas négligeables : ce niveau, outre son poids financier et l'importance des politiques nationales qu'il mène (transports, énergie, cours d'eau...), est créateur de doctrines que les cantons déclinent sur leur territoire avec une certaine discipline. Urbanisme et aménagement du territoire La Confédération a la compétence de définir les principes de planification . Elle est toutefois légitime pour adopter des « conceptions168 » et plans sectoriels dans des domaines de sa compétence qui produisent des effets sur l'organisation du territoire (par exemple les chemins de fer ou les autoroutes). La Confédération est en outre compétente pour la coordination entre cantons et, dans une certaine mesure, en tant qu'autorité de surveillance des cantons. C'est ainsi notamment que les plans directeurs des cantons doivent être approuvés par le Conseil fédéral. Au niveau fédéral, il existe un « projet de territoire suisse », plus ou moins équivalent de notre stratégie nationale de développement durable, qui se décline en objectifs et en stratégies : le premier objectif s'intitule « préserver la qualité du cadre de vie et la diversité régionale » et dans le second objectif « ménager les ressources naturelles », il est fait mention de l' « importance accordée à la politique du paysage ». Chaque canton doit définir une réglementation d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire avec des prescriptions sur les différents outils de 168 Les « Conceptions », à la fois énoncés stratégiques et lignes directices définissent comment l'Etat coordonne les objec,tifs sectoriels et ses activités dans le cas de tâches à fort impact territorial et environnemental tout en posant un cadre contraignant pour les autorités cantonales. Démarches paysagères en Europe Page 132/173 Rapport n°010731-01 planification communaux et en matière d'autorisations de construire. Des différences existent au niveau des outils et des termes utilisés pour désigner les divers plans d'aménagement, mais aussi sur la répartition des compétences entre canton et communes. Chaque canton adopte un plan directeur cantonal. Les plans directeurs ont « force obligatoire pour les autorités » et en particulier pour les plans d'affectation communaux (équivalents de nos PLU). Dans la plupart, des cantons les communes sont compétentes pour adopter des plans d'affectation, ainsi qu'une réglementation des constructions. En matière d'autorisations de construire, les compétences communales diffèrent selon les cantons. Toutefois, c'est toujours le canton qui délivre les autorisations de construire « hors zone à bâtir ». Lignes directrices de la politique du paysage en Suisse La Convention européenne du paysage (CEP) y a été ratifiée en 2012. La politique paysagère a été définie par une « Conception Paysage suisse » approuvée par le Conseil fédéral (gouvernement) en 1997. Cette politique doit notamment « contrer la pression exercée par l'urbanisation et le développement des infrastructures de transport, ainsi que par le mitage et le morcellement qui en résultent. » Elle intègre la dimension paysagère dans 13 politiques sectorielles (tourisme, défense, énergie, patrimoine culturel, agriculture, etc.). Le document décrit 16 objectifs généraux de politiques paysagères à prendre en compte dans ces politiques verticales. Le paysage y est considéré comme pris en compte à travers toutes ces politiques, et non pas comme une politique à part. On note toutefois que la majorité des prescriptions concerne prioritairement la nature, révélant, à ce moment, une vision très naturaliste du paysage. Une évolution importante se fait jour dès 2003 avec la « stratégie paysage » qui sera approuvée par l'OFEV en 2011, peu avant la ratification par la Suisse de la CEP La vision du paysage qui y est proposée est beaucoup plus proche de celle de la Convention : la vision perceptive du territoire par les populations, les aspects culturels et l'évolutivité y sont désormais affirmés. Par ailleurs l'OFEV développe depuis les années 90 une approche du paysage visant les bénéfices que les populations peuvent en retirer. Ces « prestations paysagères » ont trait à l'identité, à l'attractivité, au bien-être, au « délassement » et à la qualité de vie. L'OFEV, en lien avec l'université, développe en outre un programme de recherche « santé et paysage » qui a donné lieu à la publication d'une brochure synthétique intitulée « Promotion de la santé et aménagement du paysage »169, où celui-ci est décrit « comme ressource pour le bien-être », du point de vue psychique, physique, mais aussi social ( espace de rencontre et de contact). La réactualisation formelle de la « Conception paysage suisse » (actant cette évolution) est aujourd'hui bien avancée : selon nos interlocuteurs, elle pourrait intervenir en 2018 ou 2019, en fonction de l'examen de son nouveau contenu par les différents départements dépendant des sept conseillers fédéraux, le conseil fédéral statuant nécessairement à l'unanimité. 169 Téléchargeable en PDF sur www.sl-fp.ch/getdatei.php?datei_id=1587 Démarches paysagères en Europe Page 133/173 Rapport n°010731-01 Comptes-rendus des rencontres et des recherches documentaires Instruments des politiques paysagères confédérales Ces instruments concernent à la fois des territoires particuliers et plusieurs politiques sectorielles stratégiques. a) les inventaires fédéraux des « paysages à valeur particulière » Il existe trois inventaires fédéraux « d'objets d'importance nationale » celui des paysages (naturels ou partiellement bâtis), celui du patrimoine bâti et celui des routes historiques170. L'Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d'importance nationale (IFP) concerne des paysages uniques ou typiques de la Suisse, des monuments naturels et des géotopes, qui doivent être conservés intacts ou au moins « ménagés le plus possible ». À ce jour 162 « objets » ont été répertoriés171. Ils couvrent environ 19% du territoire national. Un « objet » inventorié doit être conservé intact dans les conditions fixées par l'inventaire sauf si des intérêts équivalents ou supérieurs, également d'importance nationale, s'opposent à cette conservation. Les inventaires sont contraignants pour les activités relevant de la Confédération (« pesée des intérêts » obligatoire dans ce cas172) et les cantons doivent les prendre en compte dans leurs plans directeurs, approuvés par la Confédération, et qui s'imposent aux plans d'affectation communaux. b) les parcs naturels régionaux : Un seul parc national existait en Suisse, depuis 1914, celui des Grisons, dit « Le Parc National suisse ». Un élargissement du concept de parc (vision « développement durable » et initiative « remontante ») est entré en vigueur en 2007. Il s'agissait d'intégrer et de valoriser le paysage dans les processus socio-économiques à l'intérieur de ces nouveaux parcs. En l'espace de 10 ans à peine, 19 parcs ont ainsi été créés ou sont en cours de création. Ils représentent environ 12% de la superficie nationale. On distingue trois types de parcs : nationaux, régionaux, périurbains. Le parc national est constitué d'une zone centrale et d'une zone périphérique. La zone centrale sanctuarise les habitats faune-flore et restreint fortement les activités humaines. La zone périphérique comprend des villages, des paysages ruraux exploités dans le respect de la nature. Les parcs naturels régionaux sont des territoires ruraux remarquables par leurs paysages, leur biodiversité et leurs biens culturels. Conçus pour préserver et promouvoir ces richesses, à l'initiative d'une association, de citoyens, du canton ou de communes, ils ont pour objectif le développement durable de la région. Le ou les cantons concernés en sont les « garants territoriaux » (via le ou les plans directeurs cantonaux concernés) et la confédération leur octroie label et subventions. 170 Ce dernier : l' « Inventaire des voies de communication historiques de la Suisse » n'a pas son équivalent en France, ni dans la plupart des pays d'Europe. En revanche, certains biens du patrimoine mondial (chemins de St Jacques de Compostelle) sont désignés à ce titre. La démarche d'inventaire s'est effectuée en 4 étapes, échelonnées de 1977 à 1998. 50 % des « objets » inventoriés se situent à plus de 1000 m d'altitude ... L'implantation d'éoliennes a été tout récemment élevée au rang de politique d'intérêt national. Alors que précédemment, une telle implantation était écartée par principe des « objets » inventoriés, elle est désormais soumise à « pesée des intérêts ». Démarches paysagères en Europe Page 134/173 171 172 Rapport n°010731-01 Les Parcs naturels périurbains (créés et gérés comme les PNR) se situent à proximité des centres d'agglomérations et sont accessibles en transports publics. Ils comportent une zone centrale et une zone de transition. La première offre des habitats naturels intacts en matière de faune et de flore (elle est comparable à nos réserves biologiques intégrales). La zone de transition est une zone tampon qui permet nombre d'activités éducatives et de loisir à destination des citadins. c) énergie et paysage : C'est l'Office fédéral du développement territorial (ARE) qui élabore et met en oeuvre cette politique au niveau fédéral. En 2011, suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima, la Suisse prend la décision de sortir progressivement du nucléaire et de réorienter la production vers les sources renouvelables, décision confirmée le 21 mai dernier par une « votation fédérale ». C'est dans ce cadre qu'en 2016 a été approuvée une première série de mesures visant à développer les énergies renouvelables, tout en en mettant en avant le thème de l'intérêt national vis-à-vis des paysages. Pour l'éolien, de nombreux intérêts sont en jeu (protection de la biodiversité, fonctionnement des radars de l'aviation, bruit, infrastructures militaires et bien sûr paysage) et nécessitent un positionnement global de la Confédération. Pour ce faire, les intérêts de celle-ci ont été catégorisés sur une carte nationale, en « zones de protection sans pesée des intérêts », où tout projet est exclu, « zones en principe à exclure », où un éventuel projet éolien est à justifier, et « zones sous réserve de coordination » où les intérêts sont en principe plus faciles à prendre en compte. L'éolien est exclu des zones bâties. En matière de paysage, la confédération n'intervient que sur les inventaires fédéraux, ou sur les zones tampon des zones protégées. Les discussions sont menées au niveau du plan directeur cantonal et peuvent être très différentes d'un canton à l'autre. Ainsi le canton de Vaud a émis des recommandations sur la prise en compte du paysage173, alors que, par exemple celui de Zug, refuse quasiment toute éolienne. L'OFEV a travaillé sur un projet de guide « paysage et éoliennes », mais l'a abandonné devant le peu d'intérêt qu'il suscitait à la fois de la part de l'Office Fédéral de l'Energie, et de la « faîtière » (syndicat) des entreprises du secteur « Swisseol ». d) paysage et agriculture L'agriculture suisse occupe le tiers de la superficie totale du territoire (4 128 500 ha), dont 24 % en surface agricole proprement dite et 13 % de pâturages d'estive. La forêt quant à elle, couvre 31 % du territoire. Les problématiques sont très différentes entre le « plateau » marqué par la pression foncière due à l'urbanisation et la « montagne » où la pression est d'abord forestière (« embuissonnement » des pâturages). Or, la « montagne » occupe globalement 2/3 de la surface de la Confédération pour 1/4 de sa population. 173 Le chapitre correspondant du plan directeur du canton de Vaud comporte une cartographie précise, non seulement des zones d'exclusion, mais aussi, en positif, des zones où les implantations de parcs sont explicitement préconisées « la concentration sur un nombre restreint de sites propices est indispensable pour atténuer le mitage du territoire et éviter la banalisation du paysage » (p 337 du plan directeur cantonal, version 2015). Démarches paysagères en Europe Page 135/173 Rapport n°010731-01 Adopté en 1996 à la suite d'une votation citoyenne, et malgré l'opposition du monde rural, l'article 104 de la constitution fédérale proclame le caractère multifonctionnel de l'agriculture qui « contribue substantiellement (...) à la conservation des ressources naturelles et à l'entretien du paysage rural ». C'est sur ce principe que s'est mise en place, à partir des années 90, une politique agricole confédérale fondée à la fois sur des « améliorations foncières », sur une « revitalisation des cours d'eau » et sur un système de « paiements directs » aux exploitants, en contrepartie de « prestations écologiques requises » (ce qui équivaut à éco-conditionnalité des aides dans l'Union européenne), avec deux dispositifs dont l'effet paysager est majeur : 1) les « bordures tampon » où l'usage des pesticides est prohibé, d'une largeur de 6m le long des cours d'eau et de 3m le long des haies ou des lisières forestières : les structures paysagères concernées en sont confortées ; 2) la rotation obligatoire des cultures avec un minimum de quatre productions par exploitation, ce qui a une incidence directe sur la taille des parcelles, compte tenu notamment de la surface moyenne des exploitations : le paysage rural suisse est ainsi marqué par une mosaïque agricole à l'opposé des vastes étendues d'un seul tenant qui marquent aujourd'hui les openfields français. Plus directement centrée sur le paysage, l'OFAG a mis en place il y a trois ans (1 er programme 2014-2017) des « projets de contribution à la qualité du paysage » sous la forme d'aide directes à des exploitations dans le cadre d'un projet collectif élaboré localement. Il s'agit d'établir collectivement un programme cohérent de « maintien, promotion et développement des caractéristiques paysagères spécifiques ». Ces caractéristiques sont identifiées de façon collective par des interviews d'acteurs locaux. L'initiative de la démarche appartient à un groupement local animé soit par un groupe d'agriculteurs, soit par une commune, soit par un parc régional (cf ci-dessus), qui établit le diagnostic et le plan d'actions. Le canton vérifie la pertinence des mesures proposées, avant envoi à la Confédération pour validation et prise en compte. 134 projets étaient déjà lancés fin 2016. Le programme couvre d'ores et déjà 35 000 exploitations (66 % des fermes « à l'année ») et 3 900 exploitations d'estivage (soit 57 % du total). Le succès et l'adhésion ont dépassé toutes les prévisions puisque sur les 150 millions de de Francs Suisses du programme pluriannuel 174, 125 millions ont déjà été engagés. Le paysage sur les territoires : les « Conceptions d'évolution du paysage » (CEP) La définition officielle de cet instrument d'application sur les territoires de la Conception paysage suisse» figure sur le site de l'Office fédéral du développement territorial (ARE) : « Esquisse, juridiquement non contraignante, de l'évolution souhaitée du paysage, en vue de son utilisation durable et de sa mise en valeur écologique et esthétique. L'élaboration d'une CEP doit être conçue comme un processus participatif, intégrant les représentants des différentes utilisations du territoire. Elle est élaborée au niveau de la commune ou de la région.» Le contexte méthodologique en a été précisé par l'OFEV (Annexe fiche-action AFBE06 NE7) : La dimension participative permet d'obtenir un "guide" réaliste et applicable 174 Soit 5 % du total du budget de l'agriculture de la confédération, qui s'élève à 3Mds de CHF. Démarches paysagères en Europe Page 136/173 Rapport n°010731-01 présentant les moyens concrets pour arriver au paysage souhaité en tenant compte des projets de développement proposés par les intervenants. La fiche-action de l'OFEV poursuit : « Le processus participatif ainsi que la sensibilisation de toutes les personnes concernées sont essentiels, car ils déterminent l'acceptation indispensable des projets. La CEP ne veut pas que seuls les acteurs directement intéressés s'occupent et se sentent responsables du paysage. » L'Office a par ailleurs développé une « Boîte à outils CEP », instrument de travail destiné aux communes ou aux autres acteurs. Il anime un « forum CEP » qui utilise l'Internet comme plate-forme interactive pour donner et échanger des informations en faveur du développement de la CEP175. Le mot-clé CEP sur une recherche internet produit un nombre très important de références de toutes échelles, qui semble montrer le succès de cette procédure. La plate-forme susmentionnée répertorie quelques 55 CEP/LEK176 en cours ou achevées. L'exemple d'une CEP communale : Delémont, capitale du canton du Jura) Les communes du dernier-né des cantons suisses peuvent se lancer dans cette démarche à tout moment de leur convenance, mais, selon une directive cantonale de 2010, elles « doivent élaborer une CEP dans le cadre de la révision de leur plan d'aménagement local ». Il ne s'agit pas dans ce canton, d'une démarche volontaire mais bien d'une obligation : il ne peut y avoir de révision du plan d'aménagement sans lancement simultané d'une CEP. Le contenu des « livrables de la CEP » est énuméré par la directive cantonale, y compris le descriptif des mesures garantissant une participation effective de la population avec une « commission CEP » représentative de toutes les parties prenantes de la démarche et dont les pouvoirs sont étendus (c'est elle qui fixe les objectifs « avec le professionnel du paysage » - qui lui est donc lié - et établit le programme de travail). A Delémont, la procédure a été lancée début 2014, à l'occasion (et dans le cadre obligatoire) de la révision du plan directeur de la capitale du Jura (12 000 habitants)177. Le rapport rendu en juillet 2015 par le bureau d'étude à l'issue de la procédure participative identifie des « cordons boisés » soulignent le cours des deux rivières qui traversent la ville, tandis que « les allées d'arbres, les arbres isolés et les vergers » constituent un caractère fort du territoire communal, marqué par une véritable compénétration ville-campagne à préserver et valoriser. Ce « potentiel d'amélioration » qui touche à la fois la biodiversité et le bien-être ne doit pas, dit le rapport, rester au stade d'énoncé, mais s'articuler autour d' « un projet phare qui pourra donner rapidement corps à la démarche ». Ce dernier comporte trois axes : · « rénover et compléter les allées d'arbres en ville et hors la ville · rénover et renforcer les vergers des fermes (y compris par la mise en place de circuit courts de vente directe) · réaménager et revitaliser des cordons de cours d'eau » 175 176 177 Ce forum est hébergé sur le site internet de l'École d'ingénieurs de Rapperswil www.lek-forum.ch En allemand Landschaftsentwicklungskonzept, LEK. Le rapport final de 107 pages (http://www.delemont.ch/Htdocs/Files/v/10412.pdf) dont sont extraits les développements ci-dessous, contient à la fois le détail de la CEP adoptée, et en annexe les PV des réunions de concertation. Ces derniers méritent d'être lus car ils traduisent fidèlement l'état d'esprit des acteurs de terrain, leurs doutes, leurs difficultés, mais aussi leur engagement. Démarches paysagères en Europe Page 137/173 Rapport n°010731-01 Ce « projet-phare » comme outil d'adhésion à la démarche, est l'une des originalités méthodologiques de cette « conception ». Celle-ci se décline par ailleurs en 11 « objectifs paysagers » sectoriels, chacun d'eux décliné en actions à mener à plus ou moins court terme. Le niveau de détail et la variété des mesures concrètes qui composent ce programme soulignent la caractère très opérationnel des CEP, contrairement à ce que pourrait suggérer leur dénomination. La formation des paysagistes et l'organisation de la profession La filière paysage produit environ 70 diplômés de niveau master par an. Deux écoles dispensent un enseignement : HEPIA (Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève, en Suisse romande) et HSR (Hochschule für Technik de Rapperswil, en Suisse alémanique) qui proposent toutes deux un Bachelor en architecture du paysage en 3 ans. Pour ce qui est des Masters, HEPIA propose, en collaboration avec l'Université de Genève, le «Master en développement territorial» et HSR un Master d'ingénieur avec orientation «Planification du territoire et architecture du paysage». D'autres écoles forment des étudiants en ingéniérie de l'environnement avec des masters de type développement du territoire avec quelques modules sur le paysage, comme l'École polytechnique fédérale de Zurich (ETH : Eidgenössische Technische Hochschule) ou l'USI (Università della Svizzera italiana à Lugano) qui forme des architectes. Il existe une Fédération suisse des « architectes de paysage » (FSAP). Créée en 1925 à Zurich, elle compte aujourd'hui plus de 500 membres (soit un paysagiste pour 17 000 habitants), dont presque la moitié indépendants, les autres employés dans des agences privées, des administrations publiques ou dans l'enseignement. Pour adhérer, il faut justifier du diplôme de paysagiste et de 3 ans d'activité professionnelle. Les titulaires d'un Bachelor dans le domaine de l'architecture paysagère sont soumis à un examen d'entrée. La FSAP est reconnue par l'IFLA. Le « Fonds suisse pour le paysage »178 Depuis sa fondation en 1991 le Fonds a déjà soutenu plus de 2 360 projets avec environ 140 millions de francs suisses, ce qui a engendré et engendre des investissements de 400 à presque 550 millions de francs dans l'ensemble du pays. Le FSP octroie des aides financières incitatives à « l'initiative individuelle volontaire » afin de « favoriser la sauvegarde ou la restauration de paysages et de sites naturels ou culturels traditionnels ». Ces initiatives peuvent émaner d'organisations locales ou régionales (personnes privées, associations, fondations, communes, cantons) et « développer des effets de synergie en matière d'agriculture, de tourisme, de construction et d'artisanat traditionnel ». De nombreux projets stimulent la réalisation d'autres idées dans des domaines ou des territoires comparables. Parmi les projets soutenus par le FSP, on trouve « le renouvellement et le rétablissement d'éléments caractéristiques du paysage tels que par exemple des murs de pierres sèches, des toits en tavaillons, etc.(...), la revitalisation de vergers, de haies, d'allées et de lisières de forêts », mais aussi, des actions moins traditionnelles 178 https://fls-fsp.ch/?locale=fr Démarches paysagères en Europe Page 138/173 Rapport n°010731-01 comme «la renaturation de cours d'eau canalisés ou recouverts » ou bien « la rénovation de villages ou de localités selon des principes écologiques ». A retenir : Au carrefour des conceptions germanique et latine, la Suisse a rejoint la vision sensible et perceptive du paysage telle qu'elle est formulée dans la CEP. Elle considère le paysage non pas pour lui-même mais comme une dimension essentielle des politiques sectorielles et comme un « prestataire » au service du bien-être individuel et social. Ce pays où la parole et l'action sont longtemps restées « descendantes » expérimente depuis peu la fécondité opérationnelle des initiatives « bottom-up » dans le domaine du paysage. Politiques nationales - La « Conception paysage suisse » prévoir une dimension paysagère pour 13 politiques sectorielles fédérales ; - s'écartant de la vision naturaliste qui prévalait il y a encore 20 ans, la Suisse adopte désormais une définition du paysage calquée sur celle de la CEP, qu'elle a ratifiée en 2012. - la notion de « prestation paysagère » légitime l'attention portée par le gouvernement à la qualité des paysages et au suivi attentif de leur évolution ; parmi ces « prestations » figurent le « délassement », la santé et le bien-être ; Prise en compte - les « Conceptions d'évolution du paysage » ont une dimension des populations participative très affirmée ; - les parcs naturels régionaux sont issus d'initiatives locales, tout comme les « projets [agricoles] de contribution à la qualité du paysage » Profession - la formation des paysagistes, au niveau master, est assurée par des établissements de haut niveau, en Suisse romande comme alémanique. - une association représentative, la FSAP regroupe les quelques 500 « architectes de paysage » actifs en Suisse. Maîtrise d'ouvrage - Pas de paysagistes identifiés de façon significative dans les administrations cantonales ou communales ; Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 139/173 4. Fiches thématiques 1. Le paysage multifonctionnel et l'infrastructure verte 2. La formation des paysagistes et l'organisation de la profession 3. L'éducation et la sensibilisation au paysage 4. La participation du public p.141 p.146 p.153 p.157 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 140/173 FICHE THEMATIQUE N°1 : LE PAYSAGE MULTIFONCTIONNEL ET L'INFRASTRUCTURE VERTE Sources: · documents : «integrated landscape initiatives in Europe » : collaboration multisectorielle dans des paysages multifonctionnels. Études publiées dans la revue « land use policy » 58 (2016)43-53, publication Elsevier, 2016 ; «the multifunctionality of green infrastructure » ; in-depth-report, DG environment News alert service, commission européenne, mars 2012 ; communication de la Commission au parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions « Infrastructure verte- renforcer le capital naturel de l'Europe » [SWD (2013) 155 final], du 6.5.2013 ; · entretiens dans les pays visités ou en marge de visites. Le contexte général de l'émergence de l'infrastructure verte et d'une approche multifonctionnelle du paysage. La société humaine dépend des avantages prodigués par la nature (nourriture, matières premières, eau, air, prévention des inondations, loisirs...). Ces avantages sont appelés « services écosystémiques » et souvent considérés à tort comme illimités. Ainsi, en cas de prévention d'un risque d'inondations, les pouvoirs publics ont tendance à recourir à la construction d'une infrastructure grise plutôt que de se tourner vers des solutions offertes par la nature. Ainsi, en Europe, le capital naturel continue de se dégrader. Dans le même temps, le paysage a connu des évolutions graduelles ou rapide pour s'adapter aux demandes sociales. La rapidité actuelle de ces changements et leur ampleur sont sans précédent. Les paysages européens doivent faire face à des évolutions liées à la globalisation et à ses flux croissants de technologies, de commerce, d'investissement. L'urbanisation et la prolifération des constructions font partie du constat. Ces changements et ces défis, génèrent dans la société civile des attentes envers les productions locales et écologiques .Elle se sent concernée par la préservation de la biodiversité. Elle souhaite prendre une part plus active aux décisions touchant le paysage. En 2013, prenant en considération ces évolutions, la Commission européenne a défini une stratégie pour l'infrastructure verte qui préconise son intégration dans les politiques de l'Union Européenne afin qu'elle devienne une composante intégrée de l'aménagement du territoire. Cette stratégie s'ancre dans la stratégie en faveur de la biodiversité, mais elle va bien au-delà de la préservation de cette dernière. L'infrastructure verte peut offrir de multiples fonctions sur un même territoire, contrairement à l'infrastructure grise qui est monofonctionnelle. Le paysage s'inscrit au centre de la démarche. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 141/173 Démarche d'infrastructure verte et rôle intégrateur du paysage vont de pair. Ils s'appuient sur une conception multifonctionnelle du paysage qui contribue à trouver des réponses durables aux questions soulevées par la préservation et l'aménagement des territoires. l'Infrastructure verte se définit comme « un réseau constitué de zones naturelles et semi-naturelles et d'autres éléments environnementaux faisant l'objet d'une planification stratégique, conçu et géré aux fins de la production d'une large gamme de services écosystémiques. Il intègre des espaces verts (ou aquatiques dans le cas d'écosystèmes de ce type) et d'autres éléments physiques des zones terrestres (y compris côtières) et marines. À terre, l'infrastructure verte se retrouve en milieu rural ou urbain ». Étude sur des initiatives d'intégration du paysages. Une étude publiée en 2016 des « integrated landscape initiatives » (ILIs) en Europe (cf. références ci-dessus) s'est attachée à analyser des expériences d'initiatives collaboratives dont l'objet principal la promotion de la valeur du paysage à l'occasion de projets d'aménagement et de développement. Dans cette étude, les initiatives analysées comprennent des projets, programmes, plate-formes, initiatives ou un ensemble d'activités qui promeuvent un grand nombre de valeurs du paysage. Cela comprend les initiatives locales ascendantes (bottom-up) comme les initiatives lancées par les pouvoirs publics régionaux ou centraux. 338 initiatives dans 33 pays européens ont été retenues dans le cadre de ce travail. Les activités retenues et leurs résultats ont été regroupés en 5 domaines : · Gestion des ressources naturelles et préservation ; · Élevage et agriculture · Protection du patrimoine et des traditions ; · Activités rurales et amélioration du bien-être ; · Coordination multi sectorielle et planification. Cette dernière catégorie s'attachait à la promotion d'une gestion du paysage faisant appel à la coopération entre secteurs d'activité et parties prenantes, renforçant le rôle des communautés locales et la construction d'un capital social. Les principales difficultés rencontrées par ces initiatives sont liées au manque de financement (56%), aux fluctuations politiques (40%) ou à des responsables politiques frileux qui en freinent le développement (35%). Les initiatives étudiées met en évidence que de telles démarches constituent des formes innovantes de collaboration, à plusieurs niveaux, afin de mieux gérer l'évolution du paysage. Elles interviennent dans des paysages hétérogènes et contiennent des objectifs variés mettant en oeuvre des activités relevant de plusieurs domaines. Enfin, plusieurs parties prenantes sont impliquées dans le projet. La protection et la mise en valeur du patrimoine demeure un des objectifs les plus importants des integrated landscape initiatives (ILIs) et le domaine qui enregistre le plus de résultats, mais avec un traitement plus souple et compatible avec d'autres usage du sol. La protection de la nature et l'agriculture sont les secteurs d'activité les plus fréquemment concernés, suivis du tourisme et de l'éducation. Enfin, les groupes Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 142/173 les plus actifs en la matière sont les experts indépendants, les associations citoyennes et culturelles. Les ILIS ont une compréhension holistique du paysage. Elles s'intéressent au paysage comme un tout, non en vue d'un usage particulier ou d'une caractéristique spécifique. Une telle approche et la multifonctionnalité que ces initiatives promeuvent correspond à la diversité des objectifs poursuivis par ces projets. La plupart obtiennent des résultats dans 4 ou 5 domaines différents (nature, culture, agriculture, planification multi sectorielle). Un plus grand équilibre entre tous les enjeux peut ainsi être obtenu. Par ailleurs, l'émergence d'organisations citoyennes dépasse les frontières habituelles. Les initiatives donnent naissance à une gestion nouvelle et intégrée du paysage qui répond au bien-être personnel et social à l'échelle du paysage. Ces projets jouent un rôle de sensibilisation et de coordination multi sectorielle des parties prenantes. Ils ont contribué à l'implication de la communauté locale dans les activités de gestion du paysage. Des exemple d'usages multiples de l'espace. Une expérience anglaise qui illustre une démarche d'infrastructure verte élargie et qui prône avec efficacité la multifonctionnalité des paysages. Actuellement, le Royaume-Uni offre à l'étude une expérience intéressante de la mise en oeuvre de l'outil « infrastructure verte ». L'approfondissement de cette question a été centrale lors de la visite de la mission dans ce pays. Dès 2008, l'outil green infrastructure (GI) ­ Infrastructure verte ­ est mentionné dans les documents stratégiques nationaux de planification. Sa définition est quasi identique à celle reprise par la commission européenne. Le coeur de la démarche se trouve dans la conception multifonctionnelle de l'infrastructure verte. Ainsi, dans le National Planning Policy Framework, l'accent est mis sur la nécessité d'un usage multifonctionnel de l'espace. Ce document, dont le contenu s'impose aux autorités locales en matière de planification et d'aménagement, soutient que la planification doit promouvoir les aménagements à usages mixtes et favoriser les retombées multiples en zone rurale comme urbaine. Ces retombées sont environnementales, sociales et économiques. Cet outil de planification contribue à la protection de la santé et à l'amélioration du mieux-être des populations tout en protégeant les sites qu'elle englobe. Cette démarche a reçu le soutien actif du Lanscape Institute ( l'association britannique des paysagistes). L'outil Infrastructure verte joue un rôle clef lors de la conception d'un projet d'aménagement. Il favorise une vision partagée et la définition d'objectifs paysagers. Plusieurs illustrations de l'application de cette démarche ont été présentées à la mission. Des expériences ont été menées à Bristol et à Sheffield. Dans cette dernière ville, la GI a permis la réalisation de bassin d'expansion des crues qui ont en même temps le caractère de parcs publics. La démarche se révèle aussi efficace lors de la restauration de territoires dégradés ou affectés par le mouvement de désindustrialisation. Ainsi à Birmingham, la ville a été requalifiée à partir de l'aménagement des berges de ses canaux, tandis qu'à Stoke-on-Trent, les anciennes voies ferrées ont servi de fil directeur à la remise à niveau du territoire urbain. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 143/173 La mise en oeuvre de la démarche suppose une coordination de l'ensemble des parties prenantes du projet assurée par l'autorité planificatrice (comté, district, neighbourhood). Cette coordination doit intervenir dès la conception du projet et en vue de sa gestion. Une expérience encore peu développée dans d'autres pays voisins. En Allemagne, la fédération allemande des professionnels du paysage (Bund Deutscher Landschaftsarchitekten) dans un document daté de 2014 défend l'infrastructure verte comme une opportunité en faveur de la planification. Son approche est comparable à la vision anglaise de la démarche, qui déborde la simple protection de l'environnement et de la biodiversité. Elle considère qu'il devient opportun d'aborder les fonctions sociales et écologiques du paysage dans un contexte élargi. Elle souligne que l'infrastructure verte, qui prend en considération la durabilité, complète utilement les infrastructures grises, souvent pour un coût moindre. Elle entend se placer sur le devant du débat public. Dans les zones à forte densité de population, l'infrastructure verte offre une réponse aux besoins en organisant la multifonctionnalité de l'espace. En Belgique, plusieurs exemples d'aménagement s'articulent autour multifonctionnalité de l'espace : · de la Dans l'agglomération bruxelloise, la requalification en Parc urbain de la friche ferroviaire « Tour-et-Taxis » devait fournir un exemple saisissant et inattendu de cette dimension multifonctionnelle des territoires, qui devient un impératif universel devant la pénurie croissante d'espace en maints endroits de la planète179. Avant toute intervention de plantation, il fallait décaper le sol sur 30 cm d'épaisseur et se posait la question du devenir des gravats ainsi générés. La solution de « recyclage » de ce matériau à forte granulométrie a été son enfouissement dans la partie centrale du parc, pour constituer ainsi un espace de stockage naturel des eaux pluviales, véritable citerne destinée à l'arrosage du parc et même à l'alimentation en eau des immeubles alentour. L'économie ainsi réalisée (évacuation et traitement des gravats, fourniture d'eau ), chiffrée à un million d'Euros, a été réinvestie par le promoteur de l'opération , à hauteur de 20 %, dans de nouvelles plantations pour le parc (300 sujets déjà bien développés, et 1000 arbres « pionniers », dont la rapidité de pousse est déjà spectaculaire). Un autre exemple de multifonctionnalité est la requalification de l'écluse de Harelbeke sur la Lys, chantier réalisé en 2014 : il s'agissait au départ d'une simple rénovation technique d'un ouvrage de navigation. Cet ouvrage était situé sur une rivière « calibrée » c'est à dire transformée en canal. Mais cette transformation avait laissé subsister d'anciennes traces de méandres et étangs à demi asséchés et « enfrichés », que l'analyse paysagère a permis de révéler. Le paysagiste a alors proposé de recréer une île en utilisant le rivage d'un ancien méandre, réalisant aussi, par ce biais, la restauration piscicole du cours d'eau, dont les ouvrages interdisaient la remontée des poissons. L'installation des passages à poissons rejoignant le bas « naturel » de la Lys s'est alors heurtée à des exigences d'ingénierie écologiques complexes, les différentes espèces n'utilisant pas le même type d'échelle. Trois passes à poissons · 179 Bas Smets a cité à cet égard l'exemple de Singapour : dans cette Île-État densément peuplée, toute parcelle doit se voir affecter plusieurs rôles : un bassin de recueil des eaux pluviales pour la consommation humaine devra forcément être aussi un espace de détente urbaine où l'on pratiquera l'aviron... Démarches paysagères en Europe Page 144/173 Rapport n°010731-01 parallèles, surmontées d'une passerelle permettant l'observation par les promeneurs, permettent aujourd'hui à la fois d'unifier cette île réinventée (l'une des berges étant « naturelle », l'autre « calibrée »), de satisfaire aux normes de connectivité écologique. Entre cette dernière fonction, l'amélioration de la navigabilité (objectif initial de l'opération), et le nouveau rapport institué entre la ville et l'eau (l'agrément des citadins voisins ou riverains) on a là une belle illustration d'espace devenu multifonctionnel. A retenir : · L'approche multifonctionnelle de l'espace centrée sur la mise en valeur paysage prend de l'ampleur. Les expériences analysées mettent en avant nombreux bénéfices environnementaux, sociaux et économiques qui résultent. · Cette démarche suppose une fortes coordination en amont du projet l'ensemble des acteurs et un soutien volontariste des pouvoirs publics du les en de Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 145/173 FICHE THEMATIQUE N°2 LA FORMATION DES PAYSAGISTES ET L'ORGANISATION DE LA PROFESSION Sources : · documents : « Facettes du paysage ». Réflexions et propositions pour la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage » pp. 273-292, édition du Conseil de l'Europe, 2012, « Paysage et formation des architectes paysagistes », par Ingrid Salrlöv-Herlin, avec la collaboration du Conseil européen des écoles de paysage (ECLAS). ; · entretiens lors des visites en : Angleterre, Belgique (Wallonie), Espagne (Catalogne), Irlande, Italie (Milan), Suisse. Les États signataires de la Convention européenne du paysage s'engagent, aux termes de l'article 6B, à promouvoir « des programmes pluridisciplinaires de formation sur la politique, la protection, la gestion et l'aménagement du paysage, destinés aux professionnels du secteur privé et public et aux associations concernées ». Une filière de formation de spécialistes de la connaissance et de l'intervention sur les paysages existent désormais dans de nombreux États-parties. Toutefois, ni le cadre général de la formation, ni la reconnaissance et l'organisation de la profession ne sont uniformes, en particulier concernant la spécificité et l'autonomie de cette dernière. 1- La formation des paysagistes. 1-1- L'architecture de paysage est devenue un objet d'études autonome. Définition : L'architecture paysagère consiste à façonner l'espace extérieur à diverses échelles. Elle fait appel à l'aménagement, à la conception et à la gestion du paysage pour créer, entretenir, protéger et mettre en valeur les lieux. La discipline est d'une portée inhabituelle du fait de la nature extrêmement diverse du paysage (rural, urbain, péri-urbain). Elle s'appuie sur des méthodes et des concepts relevant des arts créatifs comme des sciences naturelles. Aujourd'hui, le coeur de l'activité professionnelle consiste à élaborer des solutions d'aménagement et de conception en réponse aux enjeux territoriaux de préservation et de développement du paysage. 1-2- Évolution de l'enseignement du paysage en Europe Jusqu'au début du XXè siècle, la formation des professionnels du paysage reste très hétérogène.On distingue quatre grandes étapes dans le développement de l'enseignement : Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 146/173 1. 1919-1949 : mise en place des premières formations dans plusieurs pays d'Europe septentrionale (notamment la Norvège) ; 2. 1950-1970 : création de nouveaux cursus afin de répondre aux besoins de la Reconstruction et à la montée des préoccupations environnementales. La discipline se développe fortement dans le nord-ouest de l'Europe tandis que son développement est bien moindre à l'est et dans le sud de l'Europe. 3. La décennie qui suit la « chute du rideau de fer » en 1989 entraîne une nouvelle étape avec l'émergence de nouveaux cursus dans certains pays d'Europe occidentale (Autriche, Italie, Espagne en particulier) qui créent leurs premières formations universitaires en architecture de paysage. Au cours de la période récente, on constate un développement de la profession et une augmentation du nombre d'étudiants et de professionnels. Cette évolution s'est accompagnée d'un renforcement de la recherche sur le paysage et un nombre croissant de publications universitaires. Ainsi, en 2008 on recensait en Europe , 95 facultés préparant à des diplômes de licence ou master en paysage (comprenant des cours d'aménagement, de conception et de gestion du paysage). Par ailleurs, plus de 25 universités offrent des cours dans cette discipline dans le cadre d'autres formations. 1-3- L'enseignement du paysage est conçu de manière diversifiée à travers l'Europe. La répartition géographique des formations reflète globalement la géographie du continent. Les pays les plus peuplés offrent un grand nombre de cursus (18 pour l'Allemagne) contre un seul dans un petit pays comme la Lettonie. Le plus souvent, les petits pays n'offrent pas de cursus complet, comme c'est le cas pour le Luxembourg. Trois groupes de pays se distinguent : · Ceux dans lesquels l'architecture paysagère contemporaine tire ses origines de l'horticulture ; · Ceux dans lesquels elle est issue de l'architecture, de l'aménagement du territoire ou des sciences environnementales; · Ceux dans lesquels elle dérive de l'agriculture, de la sylviculture ou de l'écologie et de la conservation, de la nature. L'enseignement et la recherche sont assurés par différentes catégories d'établissements d'enseignement supérieur. Ils peuvent être « techniques » ou « généraux » et offrir des spécialisations qui vont des beaux-arts à l'agriculture et à la sylviculture. L'étude réalisée par le Conseil de l'Europe (visée ci-dessus), met en évidence des différences considérables entre les structures d'enseignement. Toutefois, les méthodes d'enseignement sont moins différentes que l'on pourrait le penser de prime abord. La plupart des universités cherchent à proposer une formation large. Elles abordent les interventions dans le paysage sur plusieurs échelles temporelles et géographiques. Les cours portent tant sur les aménagements à grande échelle que la conception à plus petite échelle. Cependant, l'une des caractéristiques constantes est l'accent mis sur les travaux en atelier autour de projets d'aménagement et de conception. Il s'agit de la principale méthode d'enseignement. Afin de s'assurer du réalisme des projets, les établissements travaillent souvent avec des instances d'aménagement locales ou Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 147/173 régionales ou bien avec d'autres vraies organisations clientes. Les formes d'enseignement plus traditionnelles (cours séminaires et cours magistraux) fournissent les savoirs et connaissances pour l'analyse et la qualification des contextes physique, écologique, sociologique et institutionnels des projets d'aménagement. La mise en place du processus de Bologne qui a harmonisé le déroulement des cursus universitaires dans les États-membres de l'Union Européenne a conduit à une restructuration de cursus en architecture de paysage en 5 ou 6 ans composés de deux cycles séparés correspondant aux niveaux « licence » et « mastère » du « LMD ». Une plus grande harmonisation des cursus devrait en outre résulter de la mise en place du réseau LENÔTRE qui réunit les universités organisées au sein de l'ECLAS (European Council of Landscape-Architrecture Schools ­ Conseil européen des écoles de paysage). De même, les recommandations pédagogiques publiées par l'EFLA (European Federation for Landscape Architecture ­ Fédération européenne pour l'architecture de paysage) constituent un autre facteur de rapprochement. Toutefois, dans trois pays méditerranéens, la Grèce, l'Italie et l'Espagne, le processus de mise en place de cursus d'architecture de paysage qui a eu lieu dans le reste de l'Europe, semble se heurter à l'opposition des architectes. Ainsi, l'Espagne compte moins de cursus d'architecture paysagère que son voisin le Portugal, pays beaucoup plus petit. Il en résulte une pénurie de professionnels bien formés à une approche intégrée de l'aménagement, de la conception et de la gestion des paysages, au sud de l'Europe. 1-4- Exemples de quatre des pays voisins visités. En Suisse, la formation au paysage est abordée dans l'enseignement supérieur en géographie ou environnement, mais pas de manière coordonnée. Pour ce qui est de la formation des paysagistes (architectes de paysage), deux écoles dispensent un enseignement : l'HEPIA (Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève, en Suisse romande) et l'HSR (Hochschule für Technik de Rapperswil, en Suisse alémanique) qui proposent toutes deux un Bachelor en architecture du paysage en 3 ans. Pour ce qui est des Masters, HEPIA propose, en collaboration avec l'Université de Genève, le « Master en développement territorial » et HSR un Master d'ingénieur avec orientation « Planification du territoire et architecture du paysage ». D'autres écoles forment des étudiants en ingéniérie de l'environnement avec des masters de type développement du territoire et systèmes d'infrastructures, avec quelques modules sur le paysage. On citera aussi : · L'École polytechnique fédérale de Zurich (ETH : Eidgenössische Technische Hochschule) qui propose dans le cadre de la filière « Architecture et sciences de la construction » des Bachelor et Master d'architecte et d'ingénieur en Génie de l'environnement. · L'USI (Università della Svizzera italiana à Lugano) qui forme des architectes. Il manque donc un cursus complet en paysage. L'architecture de paysage ne donne que très rarement lieu à un Master actuellement. L'obtention d'un Doctorat sur le paysage nécessite le recours à des « moyens détournés ». De plus, la filière paysage, Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 148/173 qui forme environ 70 diplômés chaque année, ne bénéficie pas d'une reconnaissance professionnelle du fait de la prédominance des architectes dans les secteurs de l'urbanisme et de l'aménagement. La recherche en matière de paysage est conduite dans 32 institutions (Ecole Polytechnique de Lausanne ; ETH de Zürich ; Institut fédéral de recherche sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) ; Universités de Fribourg, de Neuchâtel, de Lausanne, de Berne, de la Suisse italienne ; Haute école spécialisée de Suisse occidentale ; Agroscope ; Swiss Topo ; Fachhochschule Ostschweiz ; haute école de Zürich pour la science appliquée...). L'office fédéral de l'environnement (OFEV) contribue à ces travaux de recherche à condition qu'ils soient directement utilisables par l'administration. En Angleterre, ce sont 14 universités qui assurent la formation à un Bachelor of Art (licence) en paysage dont 7 au sens strict, auxquelles s'ajoutent 7 autres cursus mixtes avec l'écologie, l'urbanisme, l'architecture, les sciences de l'environnement ou l'art des jardins (Garden Design). Le Mastère en paysage (équivalent du Diplôme d'État français) est délivré par 13 établissements, dont 10 au sens strict. La recherche en paysage existe en Angleterre (Landscape research group), mais l'organisation représentant la profession (Landscape Institute) n'est pas directement impliquée. En Belgique/Wallonie, on recense deux niveaux de formation supérieure : · le « bachelier » (licence), en 3 ans, orientant vers l'architecture des jardins et l'aménagement des places publiques (bachelier professionnalisant, à dominante pratique), ou vers de futures études de mastère (« bachelier de transition », plus mixte théorie-pratique). L'un et l'autre sont achevés par un stage de 12 semaines · le master, en 2 ans supplémentaires, préparant à la profession d'architectepaysagiste et délivré à l'issue d'une formation universitaire théorique et pratique (en « haute école »). Ce mastère est directement accessible aux titulaires du « bachelier de transition » et à l'issue d'une année « passerelle » pour les titulaires du « bachelier » professionnalisant, ou encore sur dossier pour les titulaires de certains diplômes comme celui d'architecte. Les études de bachelier et de master architecte paysagiste (ce dernier compte des promotions de 30 à 40 étudiants par an). sont dispensées par trois établissements d'enseignement, qui travaillent en collaboration : · l'ISIA Gembloux (Institut Supérieur Industriel agronomique), qui est un des établissements de la Haute École Charlemagne. · La faculté d'architecture La Cambre-Horta qui appartient à l'Université Libre de Bruxelles. Elle résulte de la fusion en 2010 des Instituts Supérieurs d'Architecture La Cambre et Victor Horta. · Le Gembloux Agro-Bio Tech, créé en 1860 et intégré à l'Université de Liège depuis 2009, qui forme des universitaires et des ingénieurs dans les domaines des sciences agronomiques et de l'ingénierie biologique. Actuellement, il n'existe pas de doctorat en paysage. Les étudiants qui souhaitent préparer une thèse doivent le faire en suivant la filière du cursus architecture ou bioingéniérie. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 149/173 En Espagne/Catalogne, Il existe à l'Université de Barcelone deux Mastères d'architecture du paysage, mais il ne s'est agi, pendant longtemps que d'une spécialité post-diplôme d'architecte. Sous l'impulsion de Rosa Barba (1995-2001) elle-même urbaniste, des passerelles ont été érigées avec le monde de l'écologie ou de l'horticulture afin de créer un cycle complet en paysage et une pluralité d'origine des étudiants du mastère. Les effectifs de ce cursus sont de deux fois 25 au sein de l'Université avec un statut de reconnaissance de l'État pour le premier et un statut privé pour l'autre (aujourd'hui ce dernier est principalement fréquenté par des ressortissants étrangers italiens et hispanophones). Les Ateliers y sont fondés sur la pratique du projet, avec peu de cours orientés vers la connaissance ou l'approche territoriale. Mais même pour des concours portant sur la création des grands espaces publics, ce sont des compétences d'architecte ou d'ingénieur civil qui sont requises dans les appels de candidatures. La portée professionnalisante cette formation est mal reconnue. 2- L'organisation de la profession de paysagiste. Lors de ses visites de terrain, la mission s'est particulièrement attachée à étudier l'organisation et le rôle des organisations des professionnels du paysage. L'Irlande et le Royaume-Uni offrent l'exemple d'une profession très structurée, active dans la défense du paysage et de l'intervention de ses membres dans la définition des politiques de ce même paysage. En Irlande, l'Irish Landscape Institute (ILI) créé en 1992 constitue l'organisation des professionnels du paysage. Elle résulte de la fusion de deux structures antérieures « l'Irish chapter of the institute of landscape architects et de L'institute of landscape horticulture of Ireland. Cette organisation accueille les architectes paysagistes du secteur public comme du secteur privé. Les membres doivent être titulaires d'un master obtenu au terme d'un cursus reconnu par la fédération internationale des architectes-paysagers (IFLA) comme donnant accès à la profession d'architecte paysagiste. L'organisation accueille aussi parmi ses membres des professionnels de la planification, de l'architecture, de l'ingéniérie, de l'horticulture. En 2016, l'ILI comptait 160 membres dont une centaine de membres actifs. Les professionnels se répartissent entre le secteur privé (25 agences) et le secteur public (même s'ils y sont peu nombreux). Pour devenir membre de l'institut, il est requis de réussir un examen professionnel organisé par celui-ci et ouvert aux diplômés en paysage. Cependant, l'appartenance à l'ILI n'est pas une condition nécessaire à l'exercice professionnel mais il est pris en compte pour toutes commandes significatives. Bien qu'il ne soit pas un « ordre » au sens strict, l'ILI joue ce rôle. au Royaume-Uni, le Landscape Institute (LI) est une organisation professionnelle structurée et très active. Créée en 1929, elle est chargé de « promouvoir la profession du paysage au profit de la société toute entière ». S'il n'est pas obligatoire d'être membre du LI pour mener un exercice professionnel dans le domaine du paysage, dans les faits, la quasi-totalité des commandes ou des postes requérant une telle compétence, revient à ses membres. Celui-ci totalise 5391 membres, dont 4643 en activité (chiffres avril 2017) soit deux fois et demi plus qu'en France pour une population équivalente (55 M.d'hab. pour la seule Angleterre, 65 pour le Royaume-Uni). La majorité de ces membres sont des chartered members (CMLI) - des membres agréés ­ ayant réussi un examen d'entrée Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 150/173 généralement passé deux ans et demi après l'obtention du diplôme (examen pour lequel l'institut organise par ailleurs des cycles préparatoires). 216 étudiants sont actuellement membres du LI, ainsi que 1262 licenciate (diplômés simples). Le Landscape Institute joue un rôle très actif dans la promotion de la place du paysage dans les politiques publiques. D'une part, il place ses membres à des postes-clefs de l'administration ou de ses agences. Ainsi, on recense 7 de ses membres au sein de l'agence Natural England qui est la cheville ouvrière de la politique du paysage et de la mise en oeuvre de la Convention au royaume-Uni. D'autre part, l'organisation s'attache à défendre la présence d'architectes-paysagistes auprès des autorités planificatrices dans les collectivités locales. Cette stratégie de présence auprès du maître d'ouvrage est une action essentielle. Elle contribue à la prise en compte du paysage dès la conception d'un projet local et sensibilise les décideurs et les représentants d'autres secteurs (infrastructures, aménageurs, écologues, promoteurs notamment) au paysage et aux objectifs de qualité paysagère. Enfin, la profession a joué et joue encore un rôle majeur dans la promotion de la démarche « d'infrastructure verte ». Il s'agit de mettre le paysage au premier plan des méthodes de travail de planification. Le LI s'intéresse dans ce cadre à des projets spécifiques par exemple dans le Parc national des South Downs. On trouve en Suisse, une « Fédération suisse des architectes-paysagistes » (FSAP). Créée en 1925 à Zurich en tant que Fédération suisse des paysagistes, avant de fusionner en 1994 avec l'Association des architectes-paysagistes suisses AAPS, la FSAP compte aujourd'hui plus de 500 membres, dont presque la moitié sont indépendants, les autres employés dans des bureaux privés, des administrations publiques ou dans l'enseignement. Pour adhérer, il faut justifier du diplôme de paysagiste et de 3 ans d'activité professionnelle, soit au minimum huit années d'études et d'activité professionnelle. Les titulaires d'un Bachelor dans le domaine de l'architecture paysagère sont soumis à un examen d'entrée. La FSAP est reconnue par l'IFLA. La FSAP joue un rôle important en faveur de la sensibilisation du public notamment par la voie d'une publication quadrimestrielle « ANTHO » consacrée au paysage et dont la valeur est reconnue. En Belgique la profession de paysagiste est représentée par une association « l'association belge des jardins et des architectes-paysagistes » (ABAJP), membre de l'IFLA. Les titulaires d'un master sont affiliés d'office, tandis que les titulaires d'une licence (Bachelier) doivent justifier de deux années d'expérience professionnelle et présenter un dossier d'admission. Actuellement, l'association mène une action en faveur de la reconnaissance du titre. Elle compte 125 membres sur l'ensemble de la Belgique, essentiellement les professionnels qui exercent leur activité à temps plein.En effet, la taille réduite du marché très concurrentiel les conduit souvent à exercer une autre profession en parallèle. En Allemagne, les trois professions liées à la conception de l'espace, architectes, urbanistes et paysagistes, sont chacune organisées au niveau de chaque Land en Kammer qui sont l'équivalent des ordres professionnels en France ; l'inscription dans un Land vaut autorisation d'exercice de la profession dans toute l'Allemagne. L'accès Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 151/173 au grade de docteur en paysage (ou en architecture ou en urbanisme) dépend à la fois des travaux académiques réalisés, mais aussi du bilan de l'activité professionnelle pratiquée et de la capacité à la théoriser. Selon un de nos interlocuteurs, la limite de ce qui apparaît comme une reconnaissance professionnelle est le compartimentage des trois disciplines, l'exercice de la profession de paysagiste étant lui-même subdivisé en « projet » (Entwurf) permettant la conception de parcs et d'espaces publics urbains et « planification » (Plannung) permettant les interventions sur le « grand paysage ». De ce fait, il est difficile de suivre un projet complexe nécessitant la mise en oeuvre conjointe des trois spécialités (construction, végétal, design urbain). De même pour un maître d'ouvrage, ce type de compartimentage rend difficile l'énoncé d'une « question ouverte » sur le territoire. Dans les pays du sud, les paysagistes ne sont pas encore parvenus à faire reconnaître pleinement la différence de leur profession. En Espagne, la profession de paysagiste n'est pas reconnue malgré l'existence d'une Association espagnole des paysagistes (AEP) dont l'audience reste faible. Certes, il existe une « école » barcelonaise de traitement des espaces publics, née après la fin de la Dictature. Des architectes-urbanistes ont investi ce champ, avec des personnalités marquantes comme Oriol Bohigas, Joan Busquets, Beth Galí, Enric Miralles, ou Manolo Ruiz Sánchez, mais entre les architectes et les ingénieurs, les paysagistes n'ont pas encore pu trouver leur place. En Italie, la profession semble également assez mal connue. Elle dépend de l'Ordre des architectes et des paysagistes (Ordine Nazionale Architetti, Pianificatori, Paesaggisti e Conservatori), qui hiérarchise les métiers (architecte, planificateur, paysagiste, conservateur), l'architecte ayant la primauté sur tous domaines. L'ordre comprend 154 architectes paysagistes (pour 85 000 architectes). L'Association des architectes paysagistes (AIAPP, Associazione Italiana di Architettura del Paesaggio), comporte 700 adhérents et publie le magazine Landscape Architecture. À retenir : Le paysage est désormais une discipline autonome mais son enseignement se révèle très divers malgré une harmonisation issue de la mise en place des accords de Bologne. Cette diversité tient aussi à la nature multidisciplinaire de l'approche du paysage et aux fondements historiques variés de la formation. Cette diversité se retrouve dans l'organisation de la profession. Très structurée et active en matière de politique du paysage dans des pays comme l'Irlande, l'Angleterre et l'Allemagne, la profession peine encore à trouver sa place en Italie comme en Espagne, confrontée à une résistance forte des architectes. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 152/173 FICHE THEMATIQUE N°3 EDUCATION ET SENSIBILISATION AU PAYSAGE Sources : · documents : « Les facettes du paysage », éditions du Conseil de l'Europe, janvier 2012, pp 225-272 : « L'éducation au paysage à l'école » par Benedetta Castiglioni, experte auprès du Conseil de l'Europe. · entretiens lors des visites dans les pays étudiés. La Convention européenne du paysage (CEP) prévoit dans les mesures particulières de son article 6 l'engagement par les États-parties à accroître la sensibilisation de tous les acteurs à la valeur du paysage et à promouvoir dans les enseignements scolaires et universitaires les valeurs qui lui attachées. Par ailleurs, la protection, la gestion et l'aménagement du paysage participent de l'amélioration du cadre de vie des habitants d'un territoire. De plus, l'évolution contemporaine de la société reconnaît aux citoyens un droit à participer aux politiques du paysage. Or, l'affirmation de ce principe ne suffit pas. Il suppose une sensibilisation préalable des habitants à leur cadre de vie, aux paysages et aux questions relevant de la politique qui s'y rattache. La sensibilisation dès l'école à la lecture du paysage et à la compréhension de ses valeurs conditionne une participation future effective. Cette formation dans le cadre scolaire doit être complétée par des initiatives diversifiées qui diffusent les savoirs relatifs aux paysages et à leur évolution, accroissent les capacités de chacun à les lire et à les comprendre. Dans une étude menée à l'initiative du secrétariat de la Convention européenne du paysage, le constat de la place désormais acquise du facteur humain dans la définition du paysage emporte des conséquences en termes d'éducation dans les établissements scolaires, éducation qui se poursuit dans le cadre d'initiatives de sensibilisation des habitants eux-mêmes à la lecture du paysage qui constitue leur cadre de vie. L'humain est devenu un élément essentiel de la définition et de l'approche paysagère. L'humain occupe une place croissante dans la définition du paysage. Le paysage désigne une partie du territoire « telle que perçue par les populations », tandis que son caractère résulte de l'action « ...des facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations. La CEP vise « à la protection, à la gestion et à l'aménagement de tous les paysages européens » . Mais elle affiche aussi deux objectifs plus vastes : · le bien-être individuel et social ; · un développement durable fondé sur un équilibre harmonieux entre les besoins sociaux, l'économie et l'environnement. Ainsi, la mise en oeuvre d'une politique du paysage conforme à la CEP suppose l'existence de droits et de responsabilités pour tous les citoyens. Leur éducation et leur sensibilisation au paysage, dès leur plus jeune âge, deviennent alors indispensables. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 153/173 L'éducation au paysage répond aux objectifs de la Convention européenne du paysage et à ceux fixés par les Nations Unies dans le cadre de la « décennie des Nations Unies pour l'éducation au développement durable ». L'éducation étant la force d'entraînement des changements nécessaires, la sensibilisation des populations en vue de l'émergence d'une « démocratie du paysage » commence dès l'école. L'éducation au paysage comporte, principalement, la diffusion du savoir concernant les paysages et leurs évolutions, l'accroissement de la capacité à lire les paysages (identification et descriptions des éléments du paysage, caractéristiques immatérielles, facteurs naturels et humains, origine des paysages et leur évolution dans le temps). La Convention (dans la partie consacrée aux engagements des États insiste sur la nécessité d'activités pédagogiques contribuant à promouvoir « les valeurs attachées au paysage » non seulement de manière abstraite mais aussi en abordant les aspects pratiques tels que la protection, la gestion et l'aménagement). L'école et l'apprentissage du paysage. Plusieurs exemples peuvent être présentés, issus de l'étude du Conseil de l'Europe et des informations rassemblées lors de visites de la mission dans les pays étudiés En Espagne (Catalogne), l'observatoire du paysage déploie un vaste activité de diffusion de la culture paysagère. Parmi ses activités et à destination des élèves de l'enseignement secondaire, il a publié un « kit d'éducation au paysage » mis au point avec des professeurs de différentes disciplines (géographie, sciences naturelles, ..). Il prend la forme de planches d'illustrations modifiables pour permettre aux élèves de travailler en groupe à l'interprétation de paysages de Catalogne ; de cahiers d'activité éducatives ; d'un guide de l'enseignant et d'un site internet. Cette action, lancée dès 2007, s'inscrit dans le cadre de la loi d'août 2008 sur le paysage qui fixe des engagements en matière d'éducation conformément aux dispositions de la CEP. Elle est le résultat d'un partenariat entre plusieurs ministères de la Catalogne ( le ministère de la politique territoriale et des travaux publics, le ministère de l'éducation) et l'observatoire. Le projet est dénommé « Ville, territoire, paysage ». En Belgique, la Wallonie offre aussi l'exemple d'initiatives novatrices en matière d'éducation au paysage dans le primaire comme le secondaire. L'éducation au paysage fait partie intégrante de certains cursus. C'est l'une des thématiques enseignées par les professeurs de géographie. En vue de cet enseignement, des dossiers pédagogiques sont fournis par des associations ou par la fondation rurale de Wallonie. Un livret pédagogique, destiné à des enfants de 8 à 12 ans intitulé « le rôle de l'agriculteur dans la gestion de nos paysages », a ainsi été produit. Il est destiné à des enfants dans le cadre d'une action portant sur le territoire de « Beau canton » qui présente des caractéristiques intéressantes. Les objectifs de cette action sont : approcher la définition du paysage et apprendre les bases de la lecture d'un paysage ; Comprendre son évolution ; différencier ses acteurs (habitants, agriculteurs, pouvoirs publics) ; mettre l'accent sur l'importance des agriculteurs en tant qu'acteurs du paysage. Une autre initiative a été élaborée conjointement par l'institut d'éco-pédagogie et le laboratoire de méthodologie des sciences géographiques de l'université de Liège. Ceux-ci ont conçu ensemble une méthode d'utilisation d'internet et des outils multimédias pour l'éducation au paysage. Ce projet consiste à élaborer deux familles « d'hyperpaysages » pour sensibiliser à la nature et à l'aménagement du territoire. A Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 154/173 partir de ces paysages « déjà prêts » les élèves peuvent soit naviguer dans ces paysages soit en concevoir de nouveaux. En Irlande, l'éducation au paysage est en cours d'introduction dans les programmes scolaires du primaire et du secondaire dans le cadre des actuelles « classes verte » (Greenschools) conformément aux dispositions de la stratégie nationale pour le paysage (art.15). En Slovénie, une expérimentation intitulée « nous faisons notre paysage », a été menée d'octobre 2004 à mai 2005 par l'association slovène des architectes paysagistes en coopération avec le département de « paysagisme » de la faculté biotechnique de l'Université de Ljubljana. Le ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire a apporté un soutien financier au projet. Il s'agissait de diffuser des connaissances sur le paysage. Parmi les actions mises en place dans le cadre de ce projet figure la publication de cinq affiches sur « les paysages slovènes » ; un séminaire en vue d'une information des enseignants sur le projet ; la publication d'une mallette pédagogique destinés aux enseignants des écoles maternelles et primaires comme au grand public ; enfin des concours d'arts plastiques et de photographie destinés aux élèves de 4 à 15 ans, suivis de l'exposition des meilleurs travaux et clichés. un projet transfrontalier a également été mené dans lequel des établissements scolaires du sud de la France étaient impliqués. Il s'agissait du projet Cultura 2000 « 3KCL-Paysages culturels karstiques ». Ce projet mené de en 2004-2005 rassemblait le musée d'histoire naturelle d'archéologie de Montebelluna (Italie) avec la participation de centre de recherches et d'établissements scolaires italiens, français et slovènes. Il portait sur les particularités de 3 zones karstiques. Elles ont été visitées et analysées par trois équipes de recherche et explorées par les élèves d'écoles locales. Les centres de recherches (notamment les chercheurs du département de géographie de l'université de Padoue et ceux de Nice-Sophia-Antipolis) partageaient leurs méthodologies et leurs résultats tandis que les établissements scolaires jouaient le rôle de « diffuseurs », chargés d'élaborer une exposition et un site internet. Ce projet offrait l'occasion de développer et appliquer des stratégies éducatives de découvertes du paysage. Il visait d'une part l'éducation et la diffusion, d'autre part le partage avec un plus large public des connaissances acquises grâce à la recherche. La sensibilisation des acteurs. La sensibilisation des acteurs du paysage consiste à mieux faire comprendre les relations qui existent entre le cadre de vie et les activités que chaque acteur développe dans sa vie quotidienne, d'une part, et les caractéristiques du milieu naturel, de l'habitat et des infrastructures, d'autre part. Elle peut revêtir des formes très variées. En Catalogne, la diffusion de la culture paysagère est une activité importante de l'Observatoire des paysages. Il publie de nombreux ouvrages, organise de colloques sur des thèmes pionniers (par exemple paysages et santé) ; il collabore dans des revues « grand public » locales ou nationales. Il contribue enfin à la formation des formateurs. Dans plusieurs des pays visités, les organisations professionnelles participent activement à la diffusion de la culture du paysage. Au Royaume-Uni, Le Landscape Institute produit des brochures thématiques autour du paysage, par exemple sur le Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 155/173 paysage et la santé. Il en est de même en Suisse où la Fédération suisse des architectes-paysagistes (FSAP) publie la revue Anthos. Des publications similaires existent aussi en Italie. En Irlande,la sensibilisation du paysage constitue un objectif majeur de la stratégie nationale. Parmi les 5 actions prévues figurent la mise en place d'outils d'analyse paysagère, le développement de programmes d'information du public, des prix de paysages, le soutien aux initiatives de participation du public. Enfin, la Pologne a instauré une journée nationale du paysage, à la date anniversaire de la signature de la CEP (20 octobre) et propose d'étendre cette initiative à l'ensemble des États-parties à la Convention. A retenir : L'éducation au paysage dès le stade de l'enseignement scolaire prépare les citoyens de demain à une participation pertinente et active à la gestion de leur leur cadre de vie ; La sensibilisation à destination de tous les publics complète les actions en milieu scolaire et peut prendre les formes les plus variées. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 156/173 FICHE THEMATIQUE N°4 LA PARTICIPATION DU PUBLIC Sources : · documents : « paysage et développement durable. Les enjeux de la Convention européenne du paysage », 2008, pp 177-220 « paysage et participation du public » par Michel Prieur et Sylvie Durousseau, experts auprès du Conseil de l'Europe. · entretiens lors des déplacements dans les pays étudiés. Parmi les mesures particulières prévues par la CEP afin de promouvoir la protection, la gestion et l'aménagement des paysages, figure la mise en place « des procédures de participation du public, des autorités locales et régionales, et des autres acteurs concernés par la conception et la réalisation des politiques du paysage » -article 5c. Afin de mesurer la mise en ouvre de cette disposition dans les États parties à la Convention, le Conseil de l'Europe a fait réaliser une enquête dans ces différents États dont les résultats ont été rassemblés dans la publication de 2008 (citée ci-dessus). Le contexte La Convention européenne du paysage pose une définition du paysage centré autour de l'interrelation entre l'homme et son environnement. La paysage est « perçu par les populations » et il résulte de facteurs « naturels et/ou humains et de leurs interrelations ». De plus, dans un contexte de changement climatique et d'objectif de développement durable, le paysage est considéré comme un élément essentiel du cadre de vie. Dans ces conditions, la participation du public aux politiques du paysage prend tout son sens et apparaît incontournable au stade de la conception comme à celui de la mise en oeuvre d'une politique paysagère ou d'une politique qui comporte un volet paysager direct ou indirect. La Convention vise un public le plus large possible dans le cadre de procédure de participation aux différentes étapes de la politique paysagère (définition des projets, instruction des demandes individuelles, suivi de la mise en oeuvre de la politique). Cette participation doit être effective. Enfin, la CEP s'inscrit dans la lignée de plusieurs instruments conventionnels internationaux qui promeuvent et soutiennent la participation du public. A cet égard, la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement a posé les bases de cette participation. Elle distingue trois situations : les décisions relatives à des activités particulières, la participation concernant les plans, programmes et politiques, la participation lors des phases d'élaboration de dispositions réglementaires d'application générale. Le cadre juridique de la participation. Au terme de l'enquête menée par le secrétariat exécutif de la CEP, et dont rend compte l'ouvrage précité, le constat de l'absence d'une procédure participative spécifique en matière de politique du paysage a été fait. Des instruments divers existent néanmoins. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 157/173 En Allemagne, on relève l'existence de plans et programmes relatifs au paysage mais leur caractère contraignant est limité. En Italie, des plans paysagers existent depuis 1939, mais c'est la prise en compte du paysage dans la démarche de planification ou dans les autorisations délivrées qui sert de cadre à la participation. En Irlande, dans le cadre de la procédure d'urbanisme, l'autorité compétente peut consulter la population notamment sur des questions relatives au paysage. Au total, il n'existe pas de principe général de participation du public dans le domaine spécifique du paysage, mais des procédures inscrites dans des contextes variés. Autre exemple, en Italie, un Accord de coopération État-région relatif à l'exercice des pouvoirs en matière de paysage a été signé le 19 avril 2001 par le ministère des Biens et Activités culturelles et les régions italiennes. Dans son article 6, cet accord prévoit lors des procédures de planification paysagère d'assurer la coopération institutionnelle et la plus grande participation du public concerné et des associations qui protègent des intérêts généraux. Cette orientation de principe avait vocation à inspirer les politiques régionales de planification paysagère. A défaut de principe général, la participation peut figurer dans des dispositions ponctuelles. Ainsi, en Autriche, la participation est prévue par la loi sur les procédures administratives générales ou bien la loi sur l'étude d'impact environnementale. En Irlande, c'est la loi sur l'urbanisme et le développement de 2000 qui prévoit que toute personne peut participer à l'articulation des objectifs pour la protection de paysage dans le cadre des programmes de développement. Il en est de même de la loi sur la faune sauvage de 2000. Dans les États membres qui ont ratifié la CEP, son entrée en vigueur devrait donner lieu, le cas échéant, à une adaptation des dispositifs de participation existant. Quel public ? une notion diversement comprise. La CEP ne définit pas le public visé. La mention de la Convention d'Aarhus qui figure dans son préambule autorise à se référer à la définition que cette dernière donne du public. Il s'agit de « l'ensemble du public sans discrimination quant à la citoyenneté, la nationalité ou le domicile et, dans le cas d'une organisation non gouvernementale, sans discrimination quant au lieu où son siège est établi ». La notion de public est ainsi très large. En particulier, le droit à la participation doit être accessible au public en général sans avoir à justifier d'un intérêt juridiquement identifié. Pour certains pays, le public s'entend avant tout des particuliers. (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas, notamment). En pratique, ce terme désigne différentes catégories de personnes. En Italie, on distingue entre plusieurs catégories de particuliers. Ceux qui sont titulaires d'un droit subjectif (droit de propriété sur un terrain ou un immeuble) et les titulaires d'un intérêt légitime reconnu par l'administration et à caractère procédural. En Belgique, la participation prévue dans le cadre des contrats de rivière concerne les usagers, les associations et les riverains. En Irlande, les personnes les plus directement affectées à titre individuel peuvent participer à la désignation des zones de patrimoine naturel (natural Heritage area) dans la mesure où la désignation d'une zone entraîne des restrictions d'usage immédiates et affecte particulièrement les propriétaires. Pour d'autres pays, le public concerné désigne les autorités étatiques, régionales et locales. Ainsi, en Espagne, la protection du paysage s'exerce au moyen des plans d'aménagement des ressources naturelles. Ceux-ci sont de la compétence Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 158/173 des régions, qui doivent observer le principe de consultation des intérêts sociaux (associations d'entrepreneurs, syndicats de travailleurs), des « intérêts institutionnels » et des association de conservation de l'environnement. Enfin, la participation peut intervenir par l'ouverture au public des organes dirigeants de la structure chargée de la politique du paysage. Il peut s'agir d'une ouverture sans restriction (Pays-Bas, Irlande).ou bien d'une ouverture concentrée sur les autorités locales, régionales et les associations (Allemagne, Catalogne). En Belgique, le Conseil wallon de l'environnement et du développement durable intervient ainsi au niveau des études d'incidences. Il peut être amené à formuler des remarques concernant les incidences paysagères. La compréhension de la notion de public est essentielle parce qu'elle conditionne l'effectivité de la participation du public à la politique paysagère. A quel stade et selon quelles modalités participer ? En l'absence de procédure particulière à la participation en matière de paysage, il n'existe de fait pas de vraie distinction dans les procédures de participation entre conception et réalisation. On peut considérer que certains pays proposent une distinction en considérant que la conception de la politique du paysage s'opère par la voie de plans et de schémas tandis que la réalisation s'opère par voie de permis et d'autorisation. Ainsi, en matière de conception, en Belgique, la participation en matière paysagère intervient à l'occasion des mécanismes de participation prévus dans le cadre des outils généraux de planification. Les modalités de la participation sont très diversifiées. Les principales modalités de participation sont celles relevant des dispositifs d'autres politiques publiques. Il peut s'agir d'une consultation du public afin de définir le contenu de l'étude d'incidence d'un projet (Belgique) ; d'une procédure d'enquête publique qui offre la possibilité de formuler des commentaires écrits sur des projets, plans ou schémas en rapport avec les paysages (Allemagne, Belgique, Espagne, Irlande, Italie, Pays-Bas) ; dans d'autres cas, des commentaires oraux sont possibles dans le cadre de réunions consultatives à l'occasion de projets consacrées à la protection de la nature (Allemagne, Italie, Pays-Bas) ; enfin, il est prévu la consultation des communes concernées sur le contenu du plan paysager élaboré au niveau régional (Italie), ou bien la consultation d'instances et de personnes qualifiées (Belgique). L'influence du public sur la décision finale. Les procédures de participation et leurs résultats ne contraignent pas nécessairement la décision finale de l'administration, mais elles permettent cependant d'exercer une influence sur celle-ci. Ainsi, l'administration pourra être tenue de motiver sa décision en fonction des observations émises par le public. En Belgique, l'enquête publique est ainsi une formalité substantielle. Les constats de la mission dans les pays visités. Lors des déplacements dans certains des pays étudiés, les éléments suivants sont venus compléter ceux développés dans l'enquête précitée. L'exemple du Uplands forum en Irlande illustre une initiative locale de participation du public. Dans la perspective de la définition d'un projet de territoire pour les Uplands la parole a été donnée aux communautés locales d'acteurs afin qu'ils contribuent à la définition et à la mise en oeuvre des projets qui améliorent leur qualité de vie et Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 159/173 préservent leur environnement. Parmi la population consultée on note la participation remarquable et inhabituelle des farmers. La charte du paysage du Priorat en Espagne /Catalogne fournit un exemple de projet de paysage impulsé et piloté par les habitants du territoire. Le sentiment de délaissement de la population et le renouveau de l'économie viticole locale ont décidé ceux-ci à prendre en main le devenir du territoire. Plus généralement, les procédures ou initiatives de participation et leurs résultats ne contraignent pas nécessairement la décision finale de l'administration, mais elles permettent à tout le moins d'exercer une influence sur celle-ci. Ainsi, cela peut obliger l'administration à justifier ou faire évoluer sa décision en fonction des observations émises par le public. Propositions en vue d'améliorer la participation du public. Au terme de l'enquête réalisée, le Conseil de l'Europe a proposé d'avoir une politique participative ad hoc du paysage qui insiste sur le triptyque protectiongestion-aménagement et préconise un renforcement des instruments de participation du public destinés à accompagner la conception et la réalisation de la politique du paysage. S'agissant de la conception des politiques on relève notamment parmi les propositions : · ouvrir l'initiative de sélection d'une zone d'intérêt paysager aux institutions locales, aux populations locales ; · généraliser les procédures d'évaluation préalable à tout projet ayant un impact sur le paysage et rendre publique l'étude d'impact ; · permettre au public de formuler des observations et retenir le projet final en tenant compte des observations ainsi émises ; · enfin, diffuser le projet final retenu et les mesures nécessaires à sa réalisation. S'agissant de la réalisation de projets, les pistes suivantes pourraient être explorées : · privilégier les mesures de protection, de gestion ou de mise en valeur faisant intervenir la population locale ; · prévoir une périodicité pour le retour d'information sur la mise en oeuvre d'un projet ; prévoir une périodicité de révision du projet (moyen terme) ; · identifier au niveau national un service de référence pour accompagner les institutions locales et les initiatives populaires dans la mise en oeuvre des actions en faveur du paysage ; · enfin, favoriser les échanges d'expérience sur les initiatives réussies ou ayant échoué. A retenir : En général, Les procédures prévues dans la Convention européenne du paysage ne donnent pas lieu à l'affirmation d'un principe de participation spécifique aux politiques paysagères. De même, les procédures participatives résultent le plus souvent de textes encadrant d'autres politiques comme l'urbanisme ou la planification. L'importance de la qualité et du stade de la mise en oeuvre de la procédure de participation, de même que sa prise en considération lors des décisions relatives au paysage invitent à une amélioration de ces procédures afin de les rendre conformes aux dispositions de la Convention. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 160/173 5. Éléments de bibliographie, sites internets et téléchargements A) Etudes et ouvrages généraux : Site du Conseil de l'Europe, avec la rubrique consacrée à la Convention européenne du paysage : http://www.coe.int/fr/web/landscape. Quatre types de documents : 1) Les textes de référence · La Convention elle-même et « lignes directrices » pour sa mise en oeuvre réunis dans un livret téléchargeable : https://rm.coe.int/16802f80c7 Existe aussi dans une version papier reliée (98 p.) · Recueils de rapports d'experts en vue de la mise en oeuvre de la Convention (en français) : · « Paysage et développement durable » (2006) incluant notamment des rapports de Michel Prieur et Yves Luginbühl - https://rm.coe.int/16804897bd · « Facettes du paysage » (2012) avec notamment des rapports sur l'éducation et la formation. - https://rm.coe.int/16802f299c · « Dimensions du paysage » (2017) avec notamment une proposition de méthode de travail « paysage et éoliennes » et l'article « paysage et démocratie » d'Y Luginbühl cité ci-dessous.https://rm.coe.int/dimensions-dupaysage-reflexions-et-propositions-pour-la-mise-en-oeuvr/1680714486 2) Les actes des rencontres annuelles thématiques (« ateliers ») des parties au traité, édités ans la série « aménagement du territoire européen et paysage ». La plupart sont téléchargeables et sont rédigés pour une grande partie en anglais : http://www.coe.int/fr/web/landscape/publications · N° 72 : Paysage et bien-être individuel et social ; Paysage et aménagement du territoire » - Strasbourg, France, 27-28 novembre 2003 ; · N° 74 : « Sensibilisation, éducation et formation ; Instruments novateurs en vue de la protection, de la gestion et de l'aménagement du paysage » - Strasbourg, France, 23-24 mai 2002 ; · N° 82 : « Des paysages pour les villes, les banlieues et les espaces périurbains » - Cork, Irlande, 16-17 juin 2005 ; · N°83 : « Paysage et société » - Slovénie, Ljubljana, 11-12 mai 2006 ; · N° 84 : « Les objectifs de qualité paysagère : de la théorie à la pratique » Gironne, Espagne, 28-29 septembre 2006 ; · N° 88 : « Paysage et patrimoine rural » - Sibiu, Roumanie, 20-21 septembre 2007 ; · N° 89 : « Le paysage dans les politiques de planification et la gouvernance : vers un aménagement intégré du territoire » - Piestany, République slovaque, 24-25 avril 2008 ; · N° 93 : « Paysage et forces déterminantes » - Malmö, Suède, 8-9 octobre 2009 ; · N° 95 : « Paysage et infrastructures pour la société » - Cordoue, Espagne, 15-16 avril 2011 ; · N° 97 : « Paysage multifonctionnel » - Evora, Portugal, 20-21 octobre 2011 ; · N° 99 : « Le paysage comme nouvelle stratégie de l'aménagement du territoire, 1ère session» - Thessalonique, Grèce, 2-3 octobre 2012 ; Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 161/173 · N° 100 : « Le paysage comme nouvelle stratégie de l'aménagement du territoire, 2è session » - Cetinje, Monténégro, 2-3 octobre 2013 ; à paraître : · "Paysages durables et économie : de l'inestimable valeur naturelle et humaine du paysage" - Urgup, Turquie, 1-2 octobre 2014 ; · « Paysages et coopération transfrontalière : le paysage ne connaît pas de frontière » - Andorre la Vieille, Andorre, 1-2 octobre 2015 ; · « Les politiques nationales pour la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage : défis et opportunités » - Erevan, Arménie, 5-6 Octobre 2016. 3) Les livrets de présentation de l'ensemble des candidatures au Prix du paysage du Conseil de l'Europe (ce qui donne une bonne idée des tendances de la démarche paysagère dans les pays signataires de la Convention). Téléchargement : http://www.coe.int/fr/web/landscape/publications · Dernier sorti (2016) : N° 103 dans la même collection : "L'alliance du prix du paysage du Conseil de l'Europe » qui décrit les 4 premières sessions du prix (de 2008-2009 à 2014-2015) 4) Plusieurs numéros de la revue « Naturopa/Futuropa » consacrés spécifiquement au paysage ou à la CEP , là aussi téléchargeables : http://www.coe.int/fr/web/landscape/futuropa-magazines · « La Convention européenne du paysage » : deux ans après sa signature, avec des témoignages de ses rédacteurs. (Numéro 98 / 2002) · « Le paysage à travers la littérature » (Numéro 103 / 2005) · « Espace public et paysage : l'échelle humaine » (Numéro 03 / 2012) · « Paysage et coopération transfrontalière » (Numéro 02 / 2010) *** L'un des centres documentaires les plus complets sur les politiques européennes : l' « Observatori català del paisatge » : http://www.catpaisatge.net/cat/documentacio_cataleg.php On y trouve les quelques rares documents comparatifs sur les politiques du paysage en Europe ; tout particulièrement · « La planification du paysage à l'échelle locale en Europe. Les cas de l'Allemagne, de la France, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de la Suisse et de la Wallonie » Étude réalisée en 2014, en collaboration avec le Ministère du Tourisme et de l'Environnement portant sur les principaux outils et expériences de planification du paysage existants à l'échelle locale en Europe et sur l'analyse de leur lien avec la planification territoriale locale et l'urbanisme. http://www.catpaisatge.net/eng/monlocal_doc.php (disponible en catalan et en anglais) · « Comparing landscape planning in England, Germany and the Netherlands» Etude réalisée en 2010 par l'Université de Wageningen (Pays-Bas) par Rob Schröder, Dirk Wascher, Simon Odell et Chris Smith. http://www.catpaisatge.net/docs/landscape%20planning.pdf Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 162/173 *** Autres ouvrages et sites utiles pour cadrer (ou élargir) le sujet · « La mise en scène du monde » sous-titré « construction du paysage européen » Yves Luginbühl - 428 p. CNRS Editions, 2012 · Le rapport rédigé par Yves Luginbühl pour la 8è conférence Conseil de l'Europe : « Paysage et démocratie », à Strasbourg le 18 février 2015 (26p.), téléchargeable par : https://rm.coe.int/16806b08ca · « Paysage dans les espaces périurbains » contribution de Maguelonne Dejeant-Pons dans le « Cours intensif sur le paysage » manuel de 251p. rédigé à l'occasion de l'Université d'été 2008 de l'Union des avocats européens (Ouvrage collectif avec Giovanni Bana et Giorgio Pizziolo). · « La biorégion urbaine », Alberto Magnaghi, Editions Eterotopia, Paris 2014 (168p.) - Un écrit synthétique et accessible du chef de file du mouvement européen des « territorialistes » : · « Les paysagistes dans le monde » - monographie évolutive rédigée sous la direction de Pierre Donnadieu (in « Chroniques de Topia (20082014) » à l'École nationale Supérieure du paysage de Versailles (64p.) avec une introduction générale et des monographies sur 12 pays (Algérie, Argentine, Brésil, Chili, France, Italie, Liban, Maroc, PaysBas , Portugal, Tunisie, Vietnam). Téléchargeable via le site de l'Association des paysagistes-conseils de l'État : http://www.paysagistesconseils.org/sites/apce/files/contenus/publication_annuell e/2016/les_paysagistes_dans_le_monde.pdf. · Site du JoLA (Journal of Landscape Architecture), la revue quadrimestrielle de l'ECLAS (European Council of Landscape Architecture Schools), fondée en 2006. Revue multilingue dont les derniers numéros sont téléchargeables : http://www.jola-lab.eu/www/issues.html. La première livraison de 2017 comporte un descriptif (en anglais) du Grand-pré de Langueux, grand prix français du paysage 2013. *** B) ouvrages et sites par pays étudiés Allemagne · Le texte (en allemand) de la loi fédérale du 29 juillet 2009 portant renouvellement des règles de protection de la nature et de gestion du paysage (Gesetz zur Neuregelung des Rechts des Naturschutzes und der Landschaftspflege) : https://www.bfn.de/fileadmin/MDB/documents/themen/monitoring/BNatSch G.PDF · « Comparing landscape planning in England, Germany and the Netherlands » étude comparative réalisée par Alterra-report pour NaturalEngland ­ 2010. · Site du Bundesamt für Naturschutz - (Office fédéral de la conservation de la nature) https://www.bfn.de/ · Gaëlle Hallair. « Paysage et Landschaft : incompréhensions et malentendus entre les géographes allemands et français dans les années 30. » https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00595066/document A l'échelle des Länder : le Landschaftsprogramm - (programme de paysage) Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 163/173 · programme de paysage du Land de Brandebourg (2001, 70p. réactualisé en 2016): http://www.mlul.brandenburg.de/cms/detail.php/bb1.c.322337.de · LandschaftProgram Berlin 2016 : http://www.stadtentwicklung.berlin.de/umwelt/landschaftsplanung/lapro/index.shtml · Etude IAURIF sur le Programme de paysage et le plan d'utilisation des sols (Flächennutzungsplan) de Berlin (1994). A l'échelle de la commune : le plan d'aménagement paysager (Landschaftplan), plan de zonage et plan de développement : · Plan d'aménagement paysager de Fulda : http://www.stadtfulda.de/landschaftsplan/LP.htm) · Plan de zonage et plan de développement de Kronshagen : www.kronshagen.de · Plan d'aménagement paysager de la ville de Winnenden (carte) : http://www.winnenden.de/site/Winnenden_Responsive/get/params_E1961337147/390473/Landschaftsplan%20der%20Stadt%20Winnenden.jpg Sur les IBA (Internationale Bauaustellungen) et les IGA (Internationale Gartenaustellungen, littéralement « expositions internationales de jardins»): a) l'Emscher Park, dans la Ruhr : sur ce dernier cas, abondante littérature dont : · une étude de l'agence d'urbanisme de Lyon « une démarche innovante de réhabilitation industrielle et urbaine » (2008, 72p.) : http://www.urbalyon.org/AffichePDF/1534 · un travail critique de l'Université de Liège : « La stratégie paysagère de l'Emscher Park » ( Frédéric Simon, 2009-2010, 31p.) http://www.lema.ulg.ac.be/urba/Cours/Cas/0910/Emsher_simon.pdf b) Le Zwischenstadt (entre-deux-villes) entre Cologne et Bonn visant à constituer à cet endroit une Grüne Metropole. Voir compte-rendu du « Club Villeaménagement » du 11/09/2007 ; Conférence-débat animée par Ariella Masboungi, avec Thomas Sieverts, à propos de son livre « Entre-ville, une lecture de la Zwischenstadt »: http://www.club-villeamenagement.org/_upload/ressources/productions/5a7/2007/verbatim_5a7_sieverts. pdf Sur la profession de paysagiste : · site du Bund Deutscher Landschafsarchiteken (fédération allemande des architectes-paysagistes (1300 membres dont 800 en exercice libéral). Site en allemand et en anglais : http://www.bdla.de/english Belgique · Catherine Dubois, « Stratégie et instruments pour une politique régionale du paysage en Wallonie », thèse de doctorat de l'Université de Liège, 2010. Le propos est de « rassembler les acquis et instruments existants de la Région wallonne en matière de paysage, d'évaluer la contribution de chacun en réponse au nouvel enjeu de la gestion du paysage, puis d'inférer une proposition stratégique et d'optimiser le cadre instrumental pour une politique future » (309 pages) http://bictel-fusagx.ulg.ac.be/ETD-db/collection/available/FUSAGxetd-06022010175849/unrestricted/These_DuboisCatherine.pdf · Le site internet de la « conférence permanente du développement territorial », commanditaire et éditrice des atlas de paysage de la région wallone ; les cinq Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 164/173 atlas déjà publiés y sont téléchargeables, ainsi que la brochure de cadrage de cette politique : « les territoires paysagers de Wallonie », publiée en 2004 : http://cpdt.wallonie.be/sites/default/files/pdf/tout_0.pdf · Une synthèse sur la méthode wallone pour les atlas par Thaïs Pons, MarieFrançoise Godart et Mireille Deconinck publié dans « Projets de paysage » (revue de recherche en ligne inter-écoles de paysage en France) le 13/07/2012 http://www.projetsdepaysage.fr/fr/les_atlas_des_paysages_de_wallonie · Un projet de terrain : le « programme paysage » entre Sambre et Meuse : le livret de l'exposition de présentation de la démarche : http://www.entre-sambreet-meuse.be/IMG/pdf/brochure_expo.pdf · La brochure de présentation du Master d'architecte-paysagiste pour la communauté française de Belgique (Gembloux / La Cambre-Horta): http://www.gembloux.ulg.ac.be/wp-content/uploads/2011/09/book-archipaysagiste-2015-v4-web.pdf · Le livret d'analyse d'une activité pédagogique « Le rôle de l'agriculteur dans la gestion de nos paysages » réalisée les 24 et 25 mai 2007sur le territoire du Beau Canton, dans les Ardennes belges. http://ccbeaucanton.be/archive/BEAUCANTON_BE/IMG/PDF/CAPITALISATION_AG RICHARME.PDF Espagne / Catalogne · Sur le site du Ministère de la culture espagnol, l'identification de « 100 paysages culturels » emblématiques de la diversité paysagère, dans le cadre d'un « Plan Nacional de Paisaje Cultural » décliné dans les régions autonomes. http://www.mecd.gob.es/planes-nacionales/planes/paisajecultural/actuaciones/cien-paisajes-culturales-espa-a.html · A l'échelon catalan, le texte intégral de la loi « pour la protection, la gestion et l'aménagement du paysage » du 8 juin 2005. http://territori.gencat.cat/web/.content/home/01_departament/documentacio/territori_ urbanisme/paisatge/publicacions/llei_reglament_proteccio_gestio_ordenacio_paisatg e.pdf · Un ouvrage trilingue (catalan, castillan, anglais) édité en 2010 par la generalitat (gouvernement) : « La Política de paisatge a Catalunya » qui dresse, cinq ans après la loi, le panorama complet des politiques entreprises (Jaume Busquets i Fàbregas, édité par le « Departament de Política Territorial i Obres Públiques », 2010) · Déjà mentionné, le site de l'Observatori català http://www.catpaisatge.net/ sur lequel on trouve notamment del paisatge · les liens pour le téléchargement des 7 « catàlegs » (atlas) publiés : http://www.catpaisatge.net/fra/catalegs.php · le kit pédagogique « ville, territoire, paysage » (en catalan), avec les 12 plaquettes (ex : http://www.catpaisatge.net/educacio/lacerdanya/documentacio_lacerdanya/do cument_18.pdf avec le livret du maître : http://www.catpaisatge.net/educacio/professors/documents/document_4.pdf · le site de recensement des cabanes de pierre sèche : http://wikipedra.catpaisatge.net/ Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 165/173 · sur les territoires, deux exemples de « cartas del paisatge » (équivalents de plans de paysage) : · La vallée de Camprodon (Pyrénées): http://ichn.iec.cat/pdf/CapBEaleresTerFreser_presentacions/Mallarach_CartaP aisatge.pdf · la « comarca » du Priorat (Tarragone): liens pour télécharger les éléments constitutifs : http://www.priorat.cat/content/documents-de-la-carta-del-paisatge Grande Bretagne · Le cadrage national de la planification territoriale (National Planning Policy Framework, NPPF), sur le site du Department for communities and local government : https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/60 77/2116950.pdf · Sur le site du Department of Environment, Food and Rural Affairs (DEFRA), les lignes directrices des « LCA » (Atlas de paysage). Mise à jour en octobre 2014. https://www.gov.uk/guidance/landscape-and-seascape-characterassessments · Les 159 « National Character Areas » (NCA, objectifs de qualité par unité paysagère) dans leur version de 2014 http://publications.naturalengland.org.uk/category/587130 · avec l'exemple du « NCA profile » des tourbières du Dartmoor (2014) http://publications.naturalengland.org.uk/publication/5098832853467136? category=587130 L'infrastructure verte : · les lignes directrices nationales (GI Guidelines) sur le site du DEFRA (2009) : publications.naturalengland.org.uk/file/94026 · l'exemple de la région industrielle en reconversion de Stoke on Trent : http://www.staffordbc.gov.uk/live/Documents/Forward%20Planning/Examination %20Library%202013/D35-GREEN-INFRASTRUCTURE-STRATEGYEVIDENCE-BASE.pdf · Le cas particulier de la stratégie climatique (climate change adaptation plan) du parc national des South Downs : https://www.southdowns.gov.uk/wpcontent/uploads/2015/01/Climate-Change-Report-final-A4-pages-LR.pdf Le « Landscape paysagistes) Institute » : (la puissante organisation professionnelle des · son site internet : www.landscapeinstitute.org · deux de ses publications les plus intéressantes : · Le « guide for clients » : l'utilité sociale des paysagistes aujourd'hui ; https://www.landscapeinstitute.org/PDF/Contribute/Landscapearchitectur e-Aguideforclients2012A3.pdf · La brochure « santé publique et paysage ». https://www.landscapeinstitute.org/PDF/Contribute/PublicHealthandLandscape _CreatingHealthyPlaces_FINAL.pdf Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 166/173 Les projets, notamment paysagers, soutenus par le «fonds patrimoine » de la loterie nationale (Heritage Lottery Fund) : https://www.hlf.org.uk/our-projects Irlande · « stratégie nationale irlandaise pour le paysage 2015-2025 », téléchargeable sur le site gouvernemental : http://www.ahrrga.gov.ie/app/uploads/2015/07/NLandscape-Strategy-english-Web.pdf Organismes : · Irish Landscape Institute (organisation des professionnels du paysage) : http://www.irishlandscapeinstitute.com , ; · Landscape Alliance of Ireland http://www.lai-ireland.com/landscape-allianceireland.html, fédération des associations de promotion du paysage ; · Heritage Council d'Irlande : établissement public chargé de l'animation en matière de patrimoines naturel, culturel et paysager : http://www.heritagecouncil.ie/landscape Il commandité en 2004 l'étude de l'Atlas des paysages (Landscape Character Assessment) du Comté de Clare, document qui, même un peu ancien, mérite la lecture (en termes de participation du public et de formulation des objectifs de qualité paysagère) : oldsitehc.info/tirdhreach/publications/landscape-characterassessment-of-co-clare · Enfin, l'initiative « bottom up » en faveur des 25 Uplands et de leur agriculture a donné lieu en 2016 à un rapport d'étape qui décrit bien la démarche : http://irishuplandsforum.org/wp-content/uploads/2016/10/Irish-UplandsCommunities-Study-2016-FINAL.pdf Italie · Actes du séminaire 2014 des paysagistes-conseils de l'État à Rome : avec notamment des articles de Gioia Gibelli (projets régionaux), Paola Vigano (villeterritoire) et Roberto Magnaghi (plan paysager des Pouilles) : http://www.paysagistes-conseils.org/sites/apce/files/contenus/publication_apce_2014.pdf · Rapport sur l'état d'avancement des piani paesaggistici (plans paysagers régionaux). Rapport de Janvier 2017 : http://www.pabaac.beniculturali.it/opencms/multimedia/BASAE/documents/2017/ 03/09/1489061022947_stato_pianificaz._paesaggistica_gennaio_2017.pdf · Étude de droit comparé entre la planification paysagère Italienne et française menée par le CRESSON (Institut d'urbanisme de Grenoble) en 2004, par Gilles Novarina, Dominique Métais et Maddalena Micheletto : http://isidoredd.documentation.developpementdurable.gouv.fr/documents/Temis/0077/Temis-0077830/19652_rapport.pdf · José Luis Bermejo Latre, de l'université de Saragosse, « la protection du paysage en Italie », Persée - Revue Européenne de Droit de l'Environnement ­ 2005 : http://www.persee.fr/doc/reden_1283-8446_2005_num_9_2_1771 · GRIDAUH - Le droit de l'urbanisme en Italie - Alberto ROCCELLA - Professeur à l'Université de Milan - http://www.gridauh.fr/comptes-rendus-detravaux/urbanisme-sans-frontieres/italie/ · Site du Parc agricole de Milan-sud : http://www.cittametropolitana.mi.it/parco_agricolo_sud_milano/ Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 167/173 · Site du Parco delle Risaïe initiative locale au sein de ce parc : http://www.parcodellerisaie.it/it/ · « Les paysages agraires périurbains: vers la co-construction du territoire », « cahiers du développement urbain durable » Université de Lausanne 2011. Paola Branduini et Lionella Scazzosi, Politecnico di Milano. Une analyse de la démarche paysagère menée dans la périphérie milanaise : https://www.unil.ch/files/live/sites/ouvdd/files/shared/URBIA/urbia_12/chapitres_u rbia_12/3_Paysages_Agraires_Periurbains.pdf Pays-Bas · Actes du séminaire 2008 des paysagistes-conseils de l'État à Rotterdam, avec une présentation générale due à Karim Helms et une étude plus particulière de la Ranstad annulaire et de son « coeur vert » : http://www.paysagistesconseils.org/sites/apce/files/contenus/apcerotterdamweb.pdf · L'Agenda Landschap, stratégie gouvernementale adoptée en 2008, qui fixe la feuille de route paysage jusqu' en 2020 : https://www.rijksoverheid.nl/documenten/rapporten/2009/01/19/agendalandschap-geillustreerde-versie · Le Landschaps Manifest, adopté en novembre 2005 par 47 associations. Sa présentation en français est disponible sur la publication du conseil de l'Europe relative à la session 2010-2011 du Prix du paysage : https://rm.coe.int/16802f299a, page 63. · Site de l'Université de Wageningen (la principale formation au paysage du pays) : http://www.wur.nl/en/Education-Programmes/master/MScprogrammes/MSc-Landscape-Architecture-and-Planning.htm Suisse · « Conception Paysage suisse » (1997 - la première stratégie) : https://www.bafu.admin.ch/.../conception_paysagesuisse-partieiconception.pdf · « Conserver et améliorer la qualité du paysage, vue d'ensemble des instruments de politique paysagère », brochure publiée par l'Office fédéral de l'environnement (OFEV, Bundesamt für Umwelt) en 2016 : https://www.bafu.admin.ch/.../conserver_et_ameliorerlaqualitedupaysage.pdf · « Mutations du paysage » : les résultats du programme de monitoring « Observation du paysage suisse » que l'OFEV vient de faire paraître au printemps 2017 :https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/paysage/publicationsetudes/publications/mutation-du-paysage.html · « Paysage 2020 ­ Analyses et tendances », feuille de route opérationnelle également éditée par l'OFEV en 2003) : http://www.rts.ch/la1ere/programmes/factuel/6219126.html/BINARY/Paysage %202020%20OFEV.pdf · « Paysages et instruments novateurs, l'expérience de la Suisse », in « paysage et développement durable », Bertrand de Montmollin - éditions du Conseil de l'Europe, juillet 2006, op. cit. · Forum CEP-LEK (Conceptions d'évolution du paysage - Landschaftsentwicklungskonzept, démarches locales comparables à nos « plans de Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 168/173 paysage »), hébergé sur le site internet de l'École d'ingénieurs de Rapperswil : www.lek-forum.ch · Site du Fonds suisse pour le paysage, instrument d'intervention financière de la confédération : https://fls-fsp.ch · Site de la revue ANTHOS, éditée à Genève, mais de portée internationale : https://www.anthos.ch/francais. · Actes du séminaire 2011 des paysagistes-conseils de l'État en Suisse, (zooms sur l'agglomération transfrontalière de Genève et la rive nord du Léman : http://www.paysagistes-conseils.org/sites/apce/files/contenus/apcesuisseweb.pdf Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 169/173 6. Glossaire des sigles et acronymes Acronyme ABAJP ADEPT Signification Association belge des architectes de jardin et des architectes de paysage Association of directors for environment, planification and transport (directeurs dans des collectivités locales en Angleterre) Associazione Italiana di Architectura (association italienne des architectes paysagistes) Loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové Association des paysagistes-conseils de l'État Amt für raum Entwicklung (office fédéral développement territorial suisse) Bachelor of Art Bund Deutscher Landschaftarchitekten (fédération des architectes-paysagistes allemands). Commission communale d'aménagement d'aménagement du territoire et de mobilité Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement Convention européenne du paysage Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces Conseil général de l'environnement et du développement durable Chartered members landscape institute Commission permanente du développement territorial Centre permanent d'initiative pour l'environnement Commission territoriale urbanistique Centre de valorisation des ressources humaines (du ministère de la transition écologique et solidaire) Code wallon de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie Department of arts, heritage, rural affairs and the Gealtacht Department for communities and local gouvernment (Angleterre) Direction départemental des territoires et de la mer Direction de l'eau et de la biodiversité Department for environment, food and rural affairs (Angleterre) Development plan document Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature Eidgenössische Technische Hohchschule (Ecole polytechnique fédérale de Zürich) Fédération française du paysage Fédération suisse des architectes paysagistes Fondation rurale de Wallonie AIAPP ALUR APCE ARE BA BDLA CCTM CAUE CEP CGAAER CGEDD CMLI CPDT CPIE CTU CVRH CWATUP DAHRAG DCLG DDTM DEB DEFRA DPD DGALN ETH FFP FSAP FWR Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 170/173 Acronyme GAL GI HEIPA HLF HSR IBA IFLA IGA ILI LCA LI LEK LOK LOP MAPTAM NLCA NOTRE NPPF OFAG OFEV OAP PAC PADD PCDR POUM PADD PCE PTG PLU PNR PRG Signification Groupement d'action locale (Belgique) Green infrastructure Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève Heritage lottery fund Hochschule für Technik , Rapperswil, suisse alémanique Internationale Bauausstellungen International Federation of Landscape architects Internationale Gartenausstellungen Irish landscape institute Landscape character assesment Landscape institute Landschaft entwicklung Konzept Landschap Ontwikkelen met Kwaliteit Landschapsontwikkelingsplan Loi sur la modernisation de l'action publique territoriale et l'affirmation des métropoles National landscape character assesment (Irlande) Loi relative à la nouvelle organisation territoriale du 7 août 2015 National policy planning framework Office fédéral de l'agriculture (Suisse) Office fédéral de l'environnement (Suisse) Orientations d'aménagement et de programmation Politique agricole commune Projet d'aménagement et de développement durable Programme communal de développement rural Plans d'ordenacio urbanistics municipals Projet d'aménagement et de développement durable Paysagiste conseil de l'État Plan de gouvernement territorial Plan local d'urbanisme Parc naturel régional Plan régulateur régional (Italie) Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 171/173 Acronyme SCoT SRADDET Schéma de cohérence territoriale Signification Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires Travail de fin d'études Trame verte et bleue TFE TVB Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 172/173 http://www.developpement-durable.gouv.fr/ Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 173/173 INVALIDE) (ATTENTION: OPTION inants du cadre de vie, de la santé et du bien-être de chacun » et affichait que « seule la mise en mouvement conjointe des citoyens, des entreprises, des territoires et de l'État [pouvait] donner à la reconquête des paysages l'élan d'une mobilisation partagée ». Mais Il ne s'agissait pas d'une véritable stratégie partagée et interministérielle. L'exposé des motifs de la loi « biodiversité »59, votée en 2016, premier texte législatif relatif au paysage depuis 1993, se borne à indiquer que l'on passe « d'une logique de protection des paysages remarquables vers une prise en compte de tous les paysages ». Pour remédier à l'état général préoccupant de ses paysages, analysé dans le rapport du CGEDD de 2014 déjà cité, la politique française est aujourd'hui constituée d'un certain nombre de moyens (outils opérationnels : plans de paysage, atlas... opérateurs publics ou privés : CAUE, PNR, paysagistes-conseils...), mais il y manque des objectifs d'ensemble, l'articulation des acteurs et l'affirmation d'une dimension qualitative des politiques sectorielles. L'énoncé ­ après écriture collective et concertée - d'une véritable stratégie nationale du paysage, à l'image du texte irlandais, de la « loi » catalane, ou de la « conception » suisse, aurait donc un triple avantage : · permettre un débat national sur les objectifs de cette politique, et, dans ce cadre, dépasser une posture défensive en promouvant le paysage comme une méthode d'action sur les territoires ; · mobiliser les acteurs du paysage sur les territoires comme à l'échelon central : professionnels, maîtres d'ouvrage, acteurs économiques, sociaux et environnementaux, simples habitants ; cette mobilisation est nécessaire pour l'énoncé du document stratégique, mais aussi pour le pilotage de sa mise en oeuvre ; · faire en sorte que, à toutes les échelles, les politiques sectorielles énoncent la dimension paysagère de leur action, non seulement en termes d' « impact », mais surtout d'apports qualitatifs au territoire et de cohérence avec les politiques voisines 60. 1. Recommandation : Élaborer une stratégie nationale interministérielle du paysage mobilisant l'ensemble des ministères concernés, des collectivités et acteurs publics, associatifs et professionnels. 57 58 Celle-ci ne disposait à l'époque que d'un périmètre d'intervention restreint. Annoncé par une communication en conseil des ministres de Ségolène Royal le 25 septembre 2014, faisant suite au rapport du CGEDD « paysage et aménagement, pour un plan national d'actions » remis à la ministre quelques mois plus tôt. « Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » promulguée le 8 août 2016. il s'agirait ainsi de multiplier les « Viaduc de Millau », d'impulser les politiques agroforestières, ou encore de promouvoir la singularité architecturale et l'ancrage territorial des écoquartiers, pour ne prendre que quelques exemples parmi les plus évidents des politiques à dimension paysagère menées par les départements ministériels voisins ou connexes de celui chargé des paysages... Démarches paysagères en Europe Page 33/173 59 60 Rapport n°010731-01 3.2. Une échelle régionale pour la mise en oeuvre de la Convention Dans presque tous les pays européens, la mise en oeuvre de la CEP s'effectue à trois ou quatre niveaux : au niveau national, s'agissant du cadre institutionnel et de l'énoncé des principes ; au niveau local, pour l'urbanisme et les projets ; au(x) niveau(x) intermédiaire(s), pour la mise en oeuvre des inventaires de paysages, l'animation, le soutien aux projets locaux. Ainsi, nombre d'États ont confié, de façon plus ou moins encadrée, la politique d'aménagement du territoire et du paysage à l'échelon intermédiaire : Länder allemands, communautés autonomes espagnoles, régions italiennes, cantons suisses, régions et communautés linguistiques belges. 3.2.1. Quatre exemples européens A. L'Espagne On observe quatre niveaux de compétences : État ; communautés autonomes ; provinces ; communes. L'État a ratifié la CEP en 2007 (entrée en vigueur en 2008). Un inventaire préliminaire des paysages du pays, l'« Atlas des paysages d'Espagne » a été mis en place. Il fournit un cadre pour les études et politiques régionales. Les 17 communautés autonomes ont compétence sur l'aménagement du territoire, l'urbanisme, le logement. Elles légifèrent, organisent la connaissance, encouragent les initiatives locales, animent le dialogue entre les acteurs, diffusent la culture paysagère. Ce sont elles, de fait, qui mettent en oeuvre la CEP, chacune avec ses lois et son rythme : l'Andalousie par exemple a publié son atlas des paysages et approuvé en 2012 une stratégie du paysage ; le Pays basque a intégré la CEP en 2014 et lancé une politique d'inventaire de 14 « aires fonctionnelles », de façon participative, aboutissant à des objectifs de qualité paysagère et des plans d'actions proches de nos plans de paysage. En Catalogne, la loi sur le paysage a été votée en 2005 (cf. supra 3.1.) Au niveau local, l'urbanisme est géré par les communes, qui peuvent se regrouper. L'initiative de projets liés à la CEP (chartes de paysage par exemple, en Catalogne), leur revient, dans le cadre défini par la Communauté. B. La Belgique On trouve ici trois niveaux de compétences : l'État fédéral ; les régions et communautés linguistiques ; les communes. La CEP a été ratifiée par l'État en 2004. · Les trois régions peuvent légiférer et disposent d'une très grande autonomie, dans presque tous les domaines, y compris de créer ou fusionner des communes. L'application de la CEP est, là encore, du ressort des régions. L'approche y est différente, aboutissant à des typologies paysagères distinctes : · En Flandre, un premier atlas a été publié en 2001 par le ministère flamand sur la base d'un inventaire des paysages traditionnels utilisé dès 1993. Depuis 2004, l'Agence Flamande pour le Patrimoine Immobilier (Vlaanderen Agentshap Onroerend Erfgoed) est chargée de l'actualisation et de la gestion de l'Atlas.61 · En Wallonie, la région, s'appuie sur la Commission Permanente du Développement Territorial (CPDT), plate-forme de recherche et d'échanges, pour rédiger les atlas de paysage (cf. supra 2.1.2.). 61 Cf. « Caractérisation interrégionale des paysages de la Belgique » https://echogeo.revues.org/12266 Démarches paysagères en Europe Page 34/173 Rapport n°010731-01 Au niveau local, un « schéma de structure communale » pour la planification opérationnelle, non obligatoire, prend en compte l'identification de la structure paysagère avec une cartographie détaillée des paysages communaux. C. L'Italie Quatre niveaux de compétences sont recensés : l'État ; les régions ; les provinces ; les communes. L'État a ratifié la CEP en 2006. La politique du paysage dépend du Ministerio di Beni et activittà culturale. La législation sur le paysage, au début orientée vers la protection, a été élargie à des catégories entières de « biens paysagers » : montagnes, lacs, volcans, rivières, zones côtières (loi « Galasso » de 1985). Selon une étude62, la législation italienne protégerait ainsi environ 141.000 km² de territoire à valeur paysagère, soit 48% du territoire national ; la valeur du paysage y est clairement reconnue comme ressource naturelle produisant des revenus économiques. Le nouveau Code des biens culturels et du paysage de 2004 renforce la prévalence de la planification du paysage sur les autres outils de planification. Les vingt régions ont en charge la politique territoriale. Elles élaborent, en collaboration avec l'État, les plans d'aménagements paysagers (piani paesagisticci) qui décrivent les caractères des unités paysagères et fixent des objectifs de qualité. Une fois approuvés par l'État, ils prévalent sur les documents nationaux, régionaux ou provinciaux de planification des sols et permettent à la région de s'affranchir, dans un contexte législatif très protecteur, des avis conformes du ministère de la culture sur les projets d'aménagement. D. L'Allemagne Quatre niveaux de compétences sont également sollicités : l'État fédéral ; le Land ; la région administrative ou district ; la commune. La conception allemande du paysage, très opérationnelle dans sa mise en oeuvre, s'appuie principalement sur sa dimension écologique, mais avec une dimension culturelle et une participation citoyenne à l'élaboration des documents de planification paysagère qui ne la rendent pas étrangère à la CEP que l'Allemagne n'a pourtant pas ratifiée à ce jour (cf. ci-dessus 2.1.1.) Dans ce pays très urbanisé, l'espace doit être économisé et planifié. Il existe un système hiérarchisé de planification paysagère imbriqué dans la planification territoriale. Au niveau fédéral, la loi de protection de la nature inclut la planification paysagère (Landschaftsplanung). Même si le paysage y est considéré plus du point de vue des écosystèmes, de l'accessibilité des zones de loisir, ou de la préservation des espaces ruraux et naturels, il existe, sur le terrain, une approche qualitative d'ensemble sur le bâti et le non bâti, qui aboutit à des paysages parfaitement maîtrisés. Les seize Länder sont de taille variable mais comparables en superficie à nos grandes régions. Ils rédigent leurs propres lois de protection de la nature et du paysage et élaborent des programmes de paysage (Landschaftsprogramm) à leur échelle. A l'échelle des districts sont élaborés des « plans-cadres de paysage ». Les municipalités, ayant compétence en matière de protection des paysages, établissent des plans d'aménagement paysager (Landschaftsplan), élaborés avec une participation citoyenne. E. Un bilan européen 62 Cf. article de José Luis Bermejo Latre, « la protection du paysage en Italie », Site Internet Persée Revue Européenne de Droit de l'Environnement - 2005 Démarches paysagères en Europe Page 35/173 Rapport n°010731-01 Dans les exemples précédents, et quelle que soit leur organisation territoriale, on voit que le niveau intermédiaire prend en charge, sous des formes très diverses : · La connaissance des paysages, produite au niveau régional ou infra-régional : plans-cadres de districts en Allemagne ; plans d'aménagement paysager en Italie ; « catalogues » de paysage en Espagne ; atlas de paysage en Belgique. · La « planification paysagère », prise en compte dans les plans d'aménagement paysager en Italie, les plans-cadres de districts en Allemagne, ou dans des textes législatifs en Espagne ; les chartes paysagères (Catalogne) ou plans d'actions (Pays basque) doivent être repris dans les documents d'urbanisme. · L'animation, l'éducation et la sensibilisation, qui sont souvent confiées à des organismes, associations, réseaux très actifs : Observatori del paisatje en Catalogne, Agence pour le Patrimoine Immobilier en Flandre, Fondation rurale et Plate-forme paysage en Wallonie, parcs naturels régionaux, etc. Le constat est que l'échelle régionale semble la plus dynamique et cohérente pour la mise en oeuvre de la CEP. Le degré d'autonomie des régions joue évidemment un rôle prépondérant. La mission a fait ce même constat d'efficacité, de cohérence et de dynamisme dans des États présentant avec ces régions ou autonomies une homologie de superficie et/ou de population : c'est le cas de l'Irlande, de la Suisse, ou des Pays-Bas63. A l'inverse, les acteurs anglais de l'aménagement du territoire déplorent la suppression de l'échelon régional intervenue récemment, et qui n'a épargné que le Grand Londres. 3.2.2. Vers un renforcement du niveau régional pour la mise en oeuvre de la CEP en France En France, la politique du paysage est gérée par l'État : au niveau central, par un bureau de quelques personnes et, au niveau territorial, par des services déconcentrés assez peu dotés en personnel dédié à ce domaine. En dehors de l'État, on constate par rapport à nos voisins un déficit d'obligation de l'échelon régional en matière de paysage. La notion de chef de file64 reste encore imprécise et ne porte pas explicitement sur le paysage. En outre le département est concerné par le paysage, dans la mesure où le choix a été fait de privilégier les atlas de paysage à cette échelle et parce qu'il finance les CAUE. En matière de connaissance paysagère, l'intégration des données des atlas départementaux (ou régionaux) de paysage dans la planification régionale serait indispensable. En la matière, la région a pour le moment à sa charge l'élaboration du SRADDET, créé par la loi NOTRe65. Ce document ­ désormais opposable ­ doit prendre en compte la dimension paysagère à son échelle, mais la loi qui le définit ne comporte qu'une seule fois le mot paysage, sous l'angle de la seule protection et non de la gestion ou de l'aménagement66 (cf. supra 2.3.1.). 63 Respectivement 4,6 M., 8,4 M. et 17 M. d'hab. à comparer à l'Occitanie (7,5 M. d'hab) ou au Grand-Est (5,5 M. d'hab.). Loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, codifiée à l'article L.1111-19 du code général des collectivités locales. Loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) du 7 août 2015 cf. article L.4251.1 du code général des collectivités locales : « [...] Les objectifs [...] peuvent préciser, pour les territoires mentionnés à l'article L.46-1 du même code, les modalités de conciliation des objectifs de protection de l'environnement, du patrimoine et des paysages. [...] » Démarches paysagères en Europe Page 36/173 64 65 66 Rapport n°010731-01 La dynamique opérationnelle paysagère ne se situe donc qu'à l'échelle plus restreinte des territoires de projet (SCoT, plans de paysage, chartes de PNR), qui auraient besoin de s'inscrire dans une réflexion plus large : le rôle de chef de file de la Région mérite donc d'être élargi au paysage, ce rôle étant déjà reconnu dans le domaine de l'aménagement du territoire, et plus récemment de la biodiversité67. En ce qui concerne l'animation, l'éducation et la sensibilisation et l'appui technique aux projets, un véritable réseau d'acteurs, animé par l'État serait nécessaire, alliant capacité de réflexion, connaissance du territoire et savoir-faire technique (institutions, chercheurs, associations, techniciens, etc). Le réseau de l'ancienne région MidiPyrénées s'est récemment élargi à la nouvelle région Occitanie et un projet similaire est en cours pour Rhône-Alpes-Auvergne. Ce système est à généraliser, le niveau national pouvant alors animer un « réseau de réseaux » qui démultiplierait son action. Aujourd'hui, dans l'état de notre législation, la région a la possibilité de s'intéresser au paysage, mais, en l'absence d'une véritable incitation, s'en saisira-t-elle ? C'est son rôle de chef de file qu'il convient de conforter pour y inclure la mise en oeuvre de la CEP, sans remettre en cause les attributions actuelles des services régionaux de l'État. Comme le proposait le rapport du CGEDD de 2014 rappelé en introduction, la mission pense qu'il faut lancer une véritable réflexion sur le rôle des régions en matière de mise en oeuvre de la CEP, afin de préparer les évolutions législatives futures, en la complétant d'une réflexion sur le rôle des services de l'État déconcentrés et leur articulation avec la collectivité régionale. 2. Recommandation : Anticiper la déclinaison de la stratégie nationale à l'échelle régionale : - en faisant évoluer les textes pour accroître les compétences des régions en matière de paysage, avec un rôle de « chef de file » en la matière ; - en mettant en place un réseau « paysage » dans chaque région de France qui n'en dispose pas encore, si nécessaire piloté par l'État et réunissant toutes les structures intéressées : services de l'État, conseil régional et autres collectivités locales, associations, universitaires, professionnels... Ce réseau serait notamment chargé d'une mission d'animation, de réflexion et de soutien. 3.3. L'organisation des professionnels de la conception paysagère L'article 6 - B de la CEP engage les États à promouvoir la formation de spécialistes de la connaissance et de l'intervention sur les paysages. L'enseignement du paysage et l'organisation de la profession y revêtent une importance particulière. Une filière de formation existe désormais dans de nombreux États-parties. Sa montée en puissance académique et l'homogénéisation progressive de ses contenus ont été décrits en seconde partie de ce rapport (2.1.3. et dans la fiche thématique n°2 en annexe). Au regard des situations décrites, la formation en France des professionnels du paysage apparaît comme clairement identifiée et structurée, dans le cadre d'un diplôme d'État (cf. supra 2.3.1.) et de plusieurs établissements d'enseignement supérieur dont la coordination progresse68. 67 68 Loi du 16 août 2016 « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ». La mission rappelle néanmoins la césure entre suivi de la profession, assurée par le Ministère de la transition écologique et solidaire, et tutelle des établissements d'enseignement, assurée, selon les cas, par les ministères de l'agriculture, de la culture et de l'enseignement supérieur. Démarches paysagères en Europe Page 37/173 Rapport n°010731-01 En ce qui concerne l'organisation de la profession, le constat est plus nuancé : la comparaison avec certains de nos voisins peut fournir des références utiles. 3.3.1. L'organisation de la profession dans cinq pays voisins Les cinq pays ci-après, en particulier l'Angleterre et l'Irlande, offrent l'exemple d'une profession très structurée et active dans la définition des politiques. A. Au Royaume-Uni, le Landscape Institute (LI) a le statut de Royal chartered body69. Créé en 1929, il est chargé de « promouvoir la profession du paysage au profit de la société toute entière ». S'il n'est pas obligatoire d'être membre de cet institut pour mener un exercice professionnel de paysagiste, dans les faits, la quasi-totalité des commandes ou des postes requérant une telle compétence revient à ses adhérents. Celui-ci totalise 5391 membres, dont 4643 en activité (chiffres avril 2017) soit deux fois et demi plus qu'en France pour une population équivalente70. La majorité de ces membres sont des chartered members (CMLI) ­ membres agréés ­ ayant passé avec succès un examen d'entrée, généralement deux ans et demi après l'obtention du diplôme (examen pour lequel l'institut organise des cycles préparatoires). Le Landscape Institute joue un rôle très actif dans la promotion du paysage auprès du public (avec notamment l'organisation annuelle de prix : les « landscape awards ») et dans les politiques publiques. En outre, ses membres se retrouvent souvent à des postes-clefs de l'administration ou de ses agences. Ainsi, on en recense sept au sein de l'agence Natural England71, cheville ouvrière de la politique du paysage et de la mise en oeuvre de la CEP au Royaume-Uni. D'autre part, l'organisation défend la présence de paysagistes dans les collectivités locales. Cette stratégie de présence auprès du maître d'ouvrage contribue à la prise en compte du paysage dès la conception du projet et sensibilise les décideurs et représentants d'autres secteurs (infrastructures, aménageurs, écologues, promoteurs notamment) aux objectifs de qualité paysagère. De façon générale, l'Institut informe ses membres de l'évolution des commandes potentielles par une prospective sur les secteurs où leur savoir-faire sera requis dans les prochaines années. Inversement il promeut l'apport spécifique des paysagistes dans les différents aspects de l'aménagement de l'espace : une brochure « Lanscape architecture, a guide for clients » détaille les postures contemporaines du métier72. Enfin, la profession a joué et joue encore un rôle majeur dans la promotion de la démarche « d'infrastructure verte » (cf. infra 3.6.) B. En Irlande, l'Irish Landscape Institute (ILI) créé en 1992 constitue une organisation des professionnels du paysage inspirée de la précédente, mais d'échelle plus modeste. Elle accueille les paysagistes du secteur public comme du secteur privé. Les membres doivent être titulaires d'un master obtenu au terme d'un cursus reconnu par 69 70 71 Ce qui est l'équivalent de nos « associations reconnues d'utilité publique ». 55 M d'habitants pour la seule Angleterre, 65 pour le Royaume-Uni. Natural England est une agence placée sous la tutelle du DEFRA, comparable à l'AFB avec une mission générale en matière de conservation et protection de la biodiversité et du paysage pour l'Angleterre ; la collecte de l'information et la connaissance dans ces domaines ; elle participe à la gestion de l'environnement dans un objectif de bien-être social et économique. Voir infra fiche pays Angleterre. Ce document est téléchargeable avec le lien suivant : https://www.landscapeinstitute.org/PDF/Contribute/Landscapearchitecture-Aguideforclients2012A3.pdf Démarches paysagères en Europe Page 38/173 72 Rapport n°010731-01 la Fédération internationale des architectes-paysagistes (IFLA). En 2016, l'ILI comptait 160 membres dont une centaine de membres actifs. Pour devenir membre de l'institut, il est requis de réussir un examen professionnel ouvert aux diplômés en paysage. L'appartenance à l'ILI n'est pas une condition nécessaire à l'exercice professionnel mais il est pris en compte pour toutes commandes significatives. C. On trouve, en Suisse, une Fédération des architectes-paysagistes (FSAP). Créée en 1925 à Zurich, elle compte aujourd'hui plus de 500 membres, dont la moitié sont indépendants, les autres employés dans des agences privées, des administrations publiques ou dans l'enseignement. Pour adhérer, il faut justifier du diplôme de paysagiste et de trois ans d'activité professionnelle. Les titulaires d'un Bachelor dans le domaine du paysage sont soumis à examen d'entrée. Reconnue par l'IFLA, la FSAP joue un rôle important de sensibilisation du public notamment via la très réputée publication « ANTHOS»73, trimestrielle et bilingue français-allemand. D. En Belgique, la profession de paysagiste est représentée par « l'association belge des jardiniers et des architectes paysagistes » (ABJAP ­ BVTL en Flamand), également membre de l'IFLA. Les titulaires d'un master sont affiliés d'office, tandis que les titulaires d'une licence (bachelier) doivent justifier de deux années d'expérience professionnelle et présenter un dossier d'admission. Actuellement, l'association mène une action en faveur de la reconnaissance du titre. Elle compte 125 membres sur l'ensemble de la Belgique. E. En Allemagne, les trois professions liées à la conception de l'espace, architectes, urbanistes et paysagistes, sont organisées au niveau de chaque Land en Kammer qui sont l'équivalent des ordres professionnels en France ; l'inscription dans un Land vaut autorisation d'exercice de la profession dans toute l'Allemagne. La chambre fédérale des architectes annonce 7.000 architectes-paysagistes adhérents74, mais compte-tenu des paysagistes du secteur public, non affiliés, il y en a certainement beaucoup plus. Il semble toutefois que les disciplines de l'architecture, de l'urbanisme et du paysage soient assez compartimentées75. En outre, l'exercice de la profession de paysagiste est lui-même subdivisé en « projet » (Entwurf) autorisant la conception de parcs et d'espaces publics et « planification » (Plannung) permettant l'intervention sur le « grand paysage ». Il est ainsi difficile pour un paysagiste de suivre un projet complexe nécessitant la mise en oeuvre conjointe des différentes spécialités. Sur l'ensemble des pays étudiés, on peut récapituler les effectifs connus des paysagistes dans le tableau suivant76. Ces chiffres ne donnent toutefois qu'un ordre d'idée ; ils ne sont pas homogènes et donc à interpréter avec beaucoup de prudence : l'inscription des paysagistes à une association ou à un ordre n'est pas nécessaire dans tous les pays pour exercer ; les associations peuvent comprendre des paysagistes non actifs (chômeurs, retraités, étudiants...) ; les paysagistes du secteur public sont parfois 73 Voir sur leur site https://www.anthos.ch/français/anthos, les thèmes des numéros en cours ou à venir pour l'année 2017 : « les chantiers », « les espaces pour bouger », « la participation », « protection des inondations ». Voir site de la chambre fédérale des architectes (Bundes Architekten Kammer) : https://www.bak.de/ Témoignage d'Henri Bava (Agence TER) qui exerce près de la moitié de son activité professionnelle outre-Rhin. Une partie des chiffres provient des données fournies par les sites des organismes de paysagistes, complétées par une étude comparative « les paysagistes dans le monde » Pierre Donadieu ­ Topia Démarches paysagères en Europe Page 39/173 74 75 76 Rapport n°010731-01 comptés, parfois non ; en Italie, le nombre de paysagistes en tant que tels est très faible, mais beaucoup de projets de paysage sont réalisés par des architectes, etc. État / Région (et organisation représentative) Allemagne (BAK) Nb de paysagistes diplômés Population Quota par habitants 7000 adhérents hors secteur public 2000 actifs (dont 650 à la FFP) 100 actifs sur 160 membres 154 paysagistes inscrits à l'ordre 83 M.hab. Un pour 12 000 hab. France (FFP) Irlande (Irish Landscape institute) Italie (ordre des architectes et des paysagistes) Pays-Bas (NVTL) Royaume-uni (Landscape institute) Suisse (FSAP) Belgique (ABJAP - BVTL) 67 M.hab. 4,7 M.hab. 62 M.hab. Un pour 33 000 hab. Un pour 47 000 hab. Un pour 400 000 hab. 800 inscrits au NVTL 4643 actifs sur 5391 membres 500 y compris secteur public 125 adhérents (total non connu) 17 M.hab. 65 M.hab. 8,4 M.hab. 11,4 M.hab. Un pour 21 000 hab. Un pour 14 000 hab. Un pour 16 000 hab. Un pour 91 000 hab. 3.3.2. La France pourrait s'inspirer des organisations pro-actives et structurées des organisations professionnelles dans les pays anglo-saxons. En France, depuis la loi du 8 août 2016, le titre de paysagiste-concepteur est reconnu, ce qui ne lui confère nullement un monopole dans les commandes publiques ou privées, mais identifie la nature particulière et autonome de la profession. La Fédération française du paysage (FFP) représente les paysagistes-concepteurs. Elle a pour mission « la promotion et le développement du paysage dans le cadre de vie ». Elle s'est mobilisée avec succès pour la reconnaissance de ce titre, mais sa représentativité est encore faible parmi les professionnels : son site internet77 précise en effet qu'elle « regroupe plus de 650 membres soit un professionnel sur trois ». (Il y a environ deux mille paysagistes dans notre pays, soit un pour 33.000 habitants). La Fédération présente une certaine faiblesse de moyens liée notamment à son déficit de représentativité, comparé à d'autres pays. Cela lui interdit de lancer par exemple l'équivalent des chantiers d'envergure du Landscape Institute outre-Manche en matière de prospective ou de promotion de l'approche paysagère, bien que ses dix fédérations régionales organisent des actions de promotion dynamiques. Au plan national, elle s'appuie sur Val'Hor78, dont elle est membre, pour organiser, tous les deux ans des « victoires du paysage » qui récompensent les conceptions originales. Même si elle compte dans ses rangs un pourcentage significatif de paysagistes du secteur public ou parapublic, la FFP est perçue comme prioritairement représentative des paysagistes libéraux. On trouve aussi, auprès des services centraux et déconcentrés de l'État, des paysagistes-conseils (PCE) recrutés parmi les paysagistes justifiant huit années d'exercice professionnel dans le secteur privé. A raison de deux jours par mois, ces 77 78 http://www.f-f-p.org/fr/ Val'hor est reconnue par l'État depuis 1998 comme l'Interprofession française de l'horticulture, de la fleuristerie et du paysage. Elle est constituée des organisations professionnelles représentatives des secteurs de la production, de la distribution et du commerce horticole, ainsi que du paysage et du jardin. cf. site http://www.valhor.fr/ Démarches paysagères en Europe Page 40/173 Rapport n°010731-01 auxiliaires du service public prodiguent conseils et formations aux services auprès desquels ils sont placés79. Ils sont regroupés en une association (APCE) qui compte 153 membres et mène des réflexions collectives sur les enjeux d'évolution du paysage français, à la demande ou non du ministère de tutelle. Il faut noter que seule une minorité de paysagistes-conseils de l'État est adhérente à la FFP. Le dispositif français, en matière de paysage, présente donc ici un point à améliorer : on ne peut mener de politique construite et structurée par une stratégie nationale que si les professionnels sont en mesure d'y apporter une contribution majeure : celle des spécialistes de la discipline. Loin de se borner à constater cette faiblesse, l'État doit trouver, avec la profession, les moyens d'une progressive montée en puissance. 3. Recommandation [à la DGALN] : Afin de démultiplier l'expertise paysagère sur le territoire, susciter la montée en puissance des organisations représentatives des paysagistes. 3.4. Systématiser l'éducation et la sensibilisation au paysage L'évolution contemporaine a conduit à reconnaître aux citoyens un droit à participer aux politiques du paysage. Or, l'affirmation de ce principe suppose une sensibilité des habitants au paysage et à la politique qui s'y rattache. La sensibilisation dès l'école à sa valeur et à sa compréhension conditionne l'efficacité de la participation citoyenne. Elle est complétée par des initiatives de diffusion des savoirs relatifs aux paysages et à leur évolution, qui accroissent les capacités de tous à les lire et à les comprendre. C'est d'ailleurs un des objectifs de la CEP . 3.4.1. L'école et l'apprentissage du paysage. L'article 6.B.c de la Convention (cf. supra 2.3.1.) engage en effet les États-parties à promouvoir le paysage dans les disciplines qui le concernent dans l'enseignement scolaire et universitaire. Parmi les cas étudiés, deux d'entre eux, la Catalogne et la Wallonie ont présenté à la mission des initiatives d'éducation au paysage. Une démarche comparable est prévue en Irlande. En Catalogne, l'Observatoire du paysage déploie une vaste activité de diffusion de la culture paysagère. Il a publié à destination des élèves de l'enseignement secondaire, un « kit d'éducation au paysage » mis au point avec des professeurs de différentes disciplines (géographie, sciences naturelles...) et envoyé à tous les collèges. Il prend la forme de huit planches d'illustrations représentatives des grands types de paysages catalans ; elles sont modifiables pour permettre aux élèves de travailler à leur interprétation. Des cahiers d'activité éducatives, un guide de l'enseignant et un site internet complètent le dispositif. Le projet, dénommé « Ville, territoire, paysage », présente une vision dynamique et évolutive du paysage en trois séquences : descriptif de la vue panoramique du territoire choisi ; comparaison avec la même vue il y a vingt ans ; débat sur le paysage imaginé (ou souhaité) dans vingt ans. Cette action est le résultat d'un partenariat entre l'Observatoire et différents ministères de la Catalogne (ministère de la politique territoriale et des travaux publics, ministère de l'éducation). La Wallonie offre aussi l'exemple d'initiatives novatrices en matière d'éducation au paysage dans le primaire comme dans le secondaire, où des dossiers pédagogiques sont fournis par des associations ou par la fondation rurale de Wallonie. Un livret pédagogique, destiné aux enfants de 8 à 12 ans intitulé « le rôle de l'agriculteur dans la 79 Une circulaire du 2 mai 2012 précise leur rôle et leur mission : circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/05/cir_35327.pdf Démarches paysagères en Europe Page 41/173 Rapport n°010731-01 gestion de nos paysages », a ainsi été édité, dans le cadre d'une action portant sur le territoire du Beau canton, dont les objectifs sont les suivants : approcher la définition du paysage et apprendre les bases de la lecture d'un paysage ; comprendre son évolution ; différencier ses acteurs (habitants, agriculteurs, pouvoirs publics) ; mettre l'accent sur l'importance des agriculteurs, acteurs du paysage. Une autre initiative a été lancée conjointement par l'institut d'éco-pédagogie et le laboratoire de méthodologies des sciences géographiques de l'Université de Liège. Il s'agit d'une méthode d'utilisation d'internet et des outils multimédias qui consiste à élaborer des « hyperpaysages » : à partir de paysages « déjà prêts », les élèves peuvent soit naviguer en leur sein, soit en concevoir de nouveaux. La méthode aborde deux domaines : la nature et l'aménagement du territoire. Son usage pédagogique a donné lieu à un guide à l'intention des enseignants du secondaire. En Irlande, l'éducation au paysage est en cours d'introduction dans les programmes du primaire et du secondaire dans le cadre des « classes vertes » (Greenschools) conformément aux dispositions de la stratégie nationale pour le paysage (action N°15). 3.4.2. La sensibilisation de tous les acteurs contribue à une application renforcée des politiques en matière de paysage. La sensibilisation au paysage consiste à mieux faire comprendre les relations qui existent entre les activités quotidiennes de chaque acteur et le milieu naturel, l'habitat et les infrastructures. Elle peut revêtir des formes très variées. En Catalogne, la diffusion de la culture paysagère est une activité importante de l'Observatoire du paysage. Il publie de nombreux ouvrages, organise de colloques sur des thèmes pionniers (par exemple, franges urbaines, paysages et santé, etc.). Il confectionne des dossiers « paysage » pour des revues grand public locales ou nationales. Il contribue à la formation des formateurs. Dans plusieurs pays étudiés, les organisations professionnelles participent activement à la diffusion de la culture du paysage. Au Royaume-Uni, le Landscape Institute produit des brochures thématiques autour du paysage 80. En Suisse la revue « ANTHOS » de la Fédération suisse des architectes-paysagistes (cf. supra 3.3.1.) touche l'ensemble des professions de l'aménagement. En Irlande, la sensibilisation au paysage constitue un objectif majeur de la stratégie nationale en cours de mise en oeuvre. Parmi les actions prévues figurent le développement de programmes d'information du public, des prix de paysages, le soutien aux initiatives de participation du public. Enfin, la Pologne a instauré en 2016 une « journée du paysage » à l'occasion de la date anniversaire de la signature de la CEP (20 octobre). La 9e Conférence de la Convention européenne du paysage en mars 2017 a décidé d'étendre cette initiative en faisant désormais du 20 octobre la Journée internationale du paysage du Conseil de l'Europe. 80 Par exemple Landscape and public health (Paysage et santé publique). Démarches paysagères en Europe Page 42/173 Rapport n°010731-01 3.4.3. Des initiatives françaises qui mériteraient d'être mieux identifiées. Les initiatives ne manquent pas en France, vers les scolaires, le grand public, les élus locaux, ou des publics plus spécialisés comme celui des aménageurs. En ce qui concerne les écoles et collèges, les animations comparables à celle notée ci-dessus en Wallonie sont nombreuses81. Mais il n'en existe pas de recensement, même partiel. À titre d'illustration, on peut citer deux exemples ponctuels : · Le secrétariat de la CEP a recensé un projet de sensibilisation au paysage, « 3KCL-Paysages culturels karstiques », mené dans les années 2000 entre l'Italie, la Slovénie et la France, qui a donné lieu à une diffusion de la culture paysagère entre des écoles de chaque État membre et les universités de Padoue et de Nice-Sophia-Antipolis82. · De même, l'ouvrage « Paysages de Midi-Pyrénées, de la connaissance au projet » publié en 2015 par la DREAL et l'Union régionale des CAUE relate-t-il 83 un exemple parmi d'autres, l'expérience « Portraits de paysages dans la vallée de l'Arize », destiné en priorité à un public scolaire (une centaine d'enfants de 8 à 12 ans) avec l'intervention d'un plasticien pour illustrer l'action de sensibilisation engagée. Vis-à-vis du grand public, l'outil de la photographie et très souvent utilisé : le ministère de l'environnement a lancé, dès 1991, un « Observatoire photographique national du paysage ». Les services de l'État associés aux collectivités territoriales ont mis en place dix-neuf « itinéraires photographiques » labellisés84. Des commanditaires locaux de ces itinéraires ­ notamment les PNR85 ­ organisent des expositions ou des mises en ligne dont l'impact est fort, par exemple la POPP-Breizh (plate-forme de l'observatoire des paysages de Bretagne)86. Enfin deux concours nationaux (1992 et 2013) ont fait appel aux citoyens pour photographier leur environnement paysager87. Les CAUE88 réalisent en outre nombre d'interventions à destination des élus locaux : expositions, parcours de lecture des paysages, cahiers de recommandations et guides d'aménagement. Les services déconcentrés de l'État, même si peu d'entre eux organisent effectivement la « journée paysage » prévue par la circulaire du 1er mars 2007, prennent toute leur place dans cette acculturation du public et des élus89. 81 Ainsi le CRDP (centre régional de documentation pédagogique) Midi-Pyrénées a-t-il publié en 2000 une brochure intitulée « 50 activités avec le paysage ». Description in « Facettes du Paysage, réflexions et propositions pour la mise en oeuvre de la CEP », Ed. Conseil de l'Europe, janvier 2012, contribution de Benedetta Castiglioni « l'éducation au paysage à l'école, pp 264-264. p.116 et suivantes. Parcours virtuels dans le paysage re-photographiés dans le temps avec même angle et même focale. Les parcs naturels régionaux (PNR) gèrent six itinéraires nationaux sur dix-neuf. http://popp.applis-bretagne.fr/ Le second concours, organisé par le ministère, à l'occasion des vingt ans de la Loi de 1993, s'est traduit par une vision tragique de nos paysages contemporains, où dominaient, sous un ciel pluvieux, les friches industrielles et les gares de triage... Conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement. Voir le bilan des enquêtes menées par le CGEDD auprès des DREAL et des DDT(M) dans le rapport de 2014 « Paysage et aménagement : propositions pour un plan d'action national » de 2014 déjà cité. Démarches paysagères en Europe Page 43/173 82 83 84 85 86 87 88 89 Rapport n°010731-01 S'ajoutent à ce panorama les deux grands réseaux d'éducation à l'environnement issus de la mouvance « école et nature » des années 70-80 : les Centres permanents d'initiatives pour l'environnement (CPIE) et le réseau GRAINE (Groupe régionaux d'animation pour la nature et l'environnement), le lien étant parfois établi, dans leurs animations, entre biodiversité et paysage autour du thème du jardin90. Vis-à-vis des aménageurs, les éléments de bilan sont à peu près inexistants : des sensibilisations au paysage sont organisées régulièrement par le réseau de formation du ministère de la transition écologique (les CVRH 91 notamment ainsi que les écoles d'ingénieurs et de techniciens) ou, de façon semble-t-il plus ponctuelle, pour la formation des fonctionnaires territoriaux (au CNFPT 92). Dans ce domaine, comme dans les formations destinées au secteur privé, une enquête complète serait nécessaire. D'autres initiatives dispersées sur le terrain contribuent à une sensibilisation de la population aux enjeux de la politique du paysage. Elles mériteraient d'être structurées et leurs résultats capitalisés : faute d'une vision d'ensemble de l'état des lieux, il n'est en effet possible de maîtriser ni les messages diffusés (vision évolutive ou plus tournée vers la nostalgie...), ni les priorités d'action, en fonction des manques identifiés. Lancer un tel chantier est donc de première importance, les plans d'action qui suivront pouvant être d'échelle nationale ou régionale (cf. recommandation n° 2). 4. Recommandation : Élaborer avec le ministre de l'Éducation nationale une politique de sensibilisation au paysage des scolaires, des populations, des maîtres d'ouvrages et des professionnels de l'aménagement à partir d'un bilan des initiatives existantes. 3.5. Le développement de politiques agro-paysagères L'agriculture et la forêt occupent à elles deux près des neuf dixièmes de notre territoire et l'agriculture à elle-seule plus de la moitié93. Le paysage agricole est donc un enjeu majeur pour la qualité de notre territoire quotidien : en montagne ou en plaine, près ou loin des métropoles, les acteurs agricoles ont une responsabilité dans la manière dont le paysage évolue et dont sa perception suscite adhésion, indifférence, ou polémique de la part de nos concitoyens comme de nos visiteurs étrangers. Or, les approches paysagères sont souvent perçues comme préludes à de nouvelles contraintes par une profession agricole qui a déjà des difficultés à s'adapter aux besoins contradictoires de la société94. Pourtant, la mission a décelé quatre exemples où agriculture et paysage ont engagé un dialogue fructueux aboutissant à des réalisations concrètes ou à des processus intégrateurs mutuellement avantageux. 90 Le CPIE « Bigorre-Pyrénées » de Bagnères-de-Bigorre a ainsi dans son catalogue d'activités une très intéressante fiche « lecture de paysage, un moment pédagogique fort » qui rappelle, par sa méthode, le kit catalan évoqué supra (à télécharger sur le site www.cpie65.fr). Centres de valorisation des ressources humaines du Ministère de la Transition écologique et solidaire. Centre national de la fonction publique territoriale. Selon une étude d'Agreste, le service statistique du ministère en charge de l'agriculture, les paysages agricoles recouvrent plus de 282 000 km², soit 51% des surfaces totales de la France métropolitaine ­ deux tiers cultivés, un tiers en herbe ­ pour 40% de sols « naturels » (forêts ­ 30 % du total ­ landes, garrigues...) et 9% des sols artificialisés, en progression. Source : www.http://agriculture.gouv.fr/agriculture-et-foret/quelle-part-du-territoire-francais-est-occupee-parl'agriculture, 29/10/2014. Il suffit de se reporter aux débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de l'article 171 (consacré aux « objectifs de qualité paysagère ») de la loi « Biodiversité » du 8 août 2016. Démarches paysagères en Europe Page 44/173 91 92 93 94 Rapport n°010731-01 « Une partie de plaine agricole en fort contact avec l'urbanisation » Parc agricole sud de Milan ­ Photo JLC Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 45/173 3.5.1. Quatre références européennes A. La Suisse Une politique agricole confédérale s'est mise en place, à partir des années 9095, fondée notamment sur un système de « paiements directs » aux exploitants, en contrepartie de « prestations écologiques requises ». On note deux dispositifs à fort effet paysager : les « bordures tampon », où l'usage des pesticides est prohibé, le long des cours d'eau, des haies et des lisières forestières, ce qui conforte les structures paysagères concernées ; la rotation obligatoire des cultures, avec un minimum de quatre productions par exploitation qui a une incidence directe sur la taille des parcelles et conserve au paysage rural suisse un aspect voulu de mosaïque agricole. Plus intéressant encore, l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) a mis en place un programme 2014-2017 de « projets de contribution à la qualité du paysage ». Il s'agit, sur des entités paysagères homogènes, d'établir collectivement un programme cohérent de « maintien, promotion et développement des caractéristiques paysagères spécifiques ». L'initiative de la démarche appartient à un groupement local animé par une commune, par un parc régional ou par un groupe d'agriculteurs. Le programme couvre d'ores et déjà 35 000 exploitations (66 % des fermes ). Le succès et l'adhésion ont dépassé toutes les prévisions puisque sur les 150 millions de Francs Suisses du programme pluriannuel96, 125 ont déjà été engagés. B. L'Irlande Dans 25 uplands97, des projets de répartition optimale de la « boîte verte » de la PAC ont donné lieu à une approche paysagère d'initiative locale (community-led) du développement rural. Les animateurs de chacun de ces territoires ont mobilisé la société locale y compris les agriculteurs, au service d'un développement, notamment agricole et pastoral, adapté au caractère propre de chaque territoire. Parmi les enjeux traités figurent la compatibilité entre les activités récréatives ou touristiques et la mise en valeur pastorale : mise en place locale de réseaux de sentiers « durables » (c'est-à-dire non perturbants pour l'économie pastorale, par exemple contrôle de la divagation des chiens) ; promotion de produits et de services agricoles « du 21e siècle » (y compris énergie renouvelable98, service d'accueil, produits alimentaires locaux, éducation à l'environnement...). C. L'Italie Institué par une loi de la Région Lombardie de 1990, le parc Agricole Sud Milan couvre 47 000 ha de zones agricoles et forestières. Il gère avant tout des autorisations de 95 A la suite d'une « votation » citoyenne, et malgré l'opposition du monde rural : depuis 1996, l'article 104 de la constitution fédérale proclame le caractère multifonctionnel de l'agriculture : « La confédération veille à ce que l'agriculture [...] contribue substantiellement : à la sécurité de l'approvisionnement de la population ; à la conservation des ressources naturelles et à l'entretien du paysage rural ». Soit 5 % du total du budget de l'agriculture de la confédération, qui s'élève à 3Mds de Francs suisses. Dans cette île peu montagneuse qu'est l'Irlande, les Uplands sont les territoires situés au-dessus de 150m dont les points culminants dépassent 300m d'altitude. Ils totalisent 14 % de la surface totale de l'île, mais ne regroupent que 2% de sa population, en rapide déclin sur des terres qui ne répondent pas aux standards qui fondent la politique agricole européenne. Par exemple, la mise en valeur des « puits de carbone » que constituent les tourbières. Démarches paysagères en Europe Page 46/173 96 97 98 Rapport n°010731-01 travaux via une commission ad hoc, en fonction d'un zonage qui définit ce qu'il est possible de faire sur des secteurs à valeur patrimoniale, architecturale et paysagère. Cette gestion centralisée, citadine, parfois conflictuelle, est depuis peu pondérée par des initiatives locales, comme le Parc des rizières (Parco delle risaie) créé en 2008 par un groupe de résidents et d'agriculteurs, afin de préserver et d'améliorer cette partie de la plaine rizicole en fort contact avec l'urbanisation, à la fois dans sa fonction productive et pour favoriser l'accueil et le tourisme rural. Les circuits courts vers la ville ont cru en 10 ans, via les marchés ou des groupes d'achats solidaires. Outre cet exemple positif de lien paysage-agriculture, la visite du parc du Tessin 99 a permis d'observer une méthode efficace d'approche des acteurs agricoles pour multiplier ce type de lien. L'acquisition de la confiance y a été obtenue d'abord en résolvant leurs problèmes immédiats, puis en les aidant à monter des projets économiquement viables. Une fois ces deux étapes accomplies, on a pu faire prendre conscience que les alignements d'arbres, les haies, la rotation des cultures, ou le maintien d'un parcellaire assez réduit créent, s'ils sont bien gérés, un paysage et un environnement qui présentent un intérêt économique et touristique100. D. La Belgique / Wallonie C'est le même type d'approche qui a été décrit à la mission lors de sa rencontre, à Bruxelles, avec un responsable du Parc naturel des plaines de l'Escaut101. Le parc mène en effet une politique active vis-à-vis de cette population sensible que sont les agriculteurs : le sixième point de son plan d'action s'intitule « le paysage, pour une image restaurée des agriculteurs » : il s'agit d'aider à leur intégration sociale, notamment en les rapprochant des néo-ruraux qui leur sont parfois hostiles. Le parc affirme ainsi que « le projet agricole prime » dans les démarches entreprises. 3.5.2. Vers des démarches agro-paysagères en France En dépit de la méfiance qui marque les relations entre agriculture et paysage en France, les tentatives de mise en liaison ne sont pas absentes : dès les années 90 des corrélations étaient établies entre qualité des paysages et qualité des produits agricoles (avec le territoire pionnier du Beaufortin, puis la quarantaine de sites labellisés « paysages de reconquête »102). Plus récemment, dans les années 2000, la Fédération nationale des SAFER a initié un « Manifeste pour les paysages » qui a regroupé l'ensemble des parties prenantes bien au-delà des acteurs du monde rural. Dans le même élan, la Fédération nationale des CAUE lançait des rencontres biennales « paysage et agriculture » qui continuent d'être aujourd'hui de précieux lieux d'échanges. De son côté le Ministère de l'agriculture 99 Situé à une quarantaine de kilomètres à l'ouest de Milan, le parc adopte une forme linéaire nord-sud qui suit la rivière du Tessin, affluent du Pô. Il a été créé en 1974 pour protéger les milieux naturels de la vallée contre l'urbanisation. Par exemple, l'organisation de filières de vente directe dans un secteur où toute la production rizicole était autrefois vendue aux grandes rizeries a permis de montrer que les baisses de production de riz engendrées par la plantation de haies étaient largement compensées par les prix en vente directe. Parc limitrophe de notre PNR Scarpe-Escaut, avec lequel il coopère régulièrement. A noter que dans les parcs naturels de la Région Wallonie, des « programmes paysages » sont obligatoires. Lucette Laurens, géographe, en établit en 1997 le bilan dans la revue « Natures, sciences, société » : https://www.nss-journal.org/articles/nss/pdf/1997/02/nss19970502p45.pdf Démarches paysagères en Europe Page 47/173 100 101 102 Rapport n°010731-01 lançait des plans paysagers d'aménagement foncier agricoles et forestiers (AFAF) qui n'ont malheureusement pas été poursuivis103. Aujourd'hui, la loi d'avenir pour l'agriculture de 2014 ne mentionne la « préservation des paysages » que parmi une quinzaine d'objectifs nationaux. La Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises, au ministère de l'agriculture, ne se consacre que très marginalement aux politiques agro-paysagères, elle dispose toutefois d'un siège au comité de pilotage paysage national présidé par le DGALN. Enfin, le 29 juin 2015 le bureau du paysage a consacré une de ses journées trimestrielles d'animation au thème «agriculture et paysage », au ministère de l'Agriculture104. Ces actions mériteraient une vue d'ensemble, une impulsion politique et une réelle coordination. Les deux ministères concernés auraient donc intérêt à diligenter, sous le timbre de leurs inspections générales respectives, une enquête croisée sur l'histoire récente et les initiatives actuelles dans ce domaine, afin d'initier un véritable plan d'action pluriannuel : accompagnement facilitateur du tournant agro-écologique que prend aujourd'hui l'agriculture française, complémentarités agriculture-urbanisation qui prennent progressivement le pas sur l'antagonisme ancien entre ville et campagne105. 5. Recommandation : Proposer au ministre de l'Agriculture et de l'alimentation l'engagement d'une mission conjointe CGEDD-CGAER en vue de l'élaboration d'un plan d'action agriculture et paysage, visant une gestion qualitative de l'espace agricole et sa bonne complémentarité avec l'espace urbanisé. 3.6. Aller au-delà de la trame verte et bleue : des usages multiples pour les espaces ouverts agricoles, naturels et urbains En 2013, la Commission européenne a défini une stratégie pour l'infrastructure verte qui préconise son intégration dans les politiques de l'UE afin qu'elle devienne une composante intégrée de l'aménagement du territoire. Cette stratégie s'ancre dans celle en faveur de la biodiversité, mais va bien au-delà de sa préservation. L'infrastructure verte est définie comme « un réseau constitué de zones naturelles et semi-naturelles et d'autres éléments environnementaux faisant l'objet d'une planification stratégique, conçu et géré aux fins de la production d'une large gamme de services écosystémiques. Il intègre des espaces verts ou aquatiques et d'autres éléments physiques des zones terrestres, côtières et marines. À terre, l'infrastructure verte se retrouve en milieu rural ou urbain »106. Cette approche novatrice de l'aménagement de l'espace aborde le paysage dans sa globalité, non en vue d'un usage particulier. Cette démarche permet de mettre en oeuvre des actions qui relèvent de plusieurs politiques sectorielles (agriculture, tourisme, transports, prévention des risques naturels, amélioration du cadre de vie, loisirs...) en partant des données et des démarches paysagères. 103 Leur ancien promoteur au Ministère de l'agriculture, Régis Ambroise, vient de publier aux éditions « Educagri » une brochure intitulée « Agriculture et paysage, pour le meilleur » qui reprend et développe l'acquis de ces démarches. http://editions.educagri.fr/livres/4858-paysage-et-agriculturepour-le-meilleur-.html Actes téléchargeables: http://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/R%C3%A9sum %C3%A9s%20des%20interventions%20%28journ%C3%A9e%20des%20paysages%20du %2029%20juin%202015%29.pdf De « l'empiétement de la ville sur les terres arables » aux services d'alimentation et de délassement rendus par la « campagne » à la ville limitrophe. Voir le communiqué de la Commission européenne en date du 6 mai 2013, et la brochure explicative téléchargeable avec le lien http://ec.europa.eu/environment/pubs/pdf/factsheets/green_infra/fr.pdf Démarches paysagères en Europe Page 48/173 104 105 106 Rapport n°010731-01 3.6.1. L'expérience anglaise : une démarche d'infrastructure verte élargie prônant avec efficacité la multifonctionnalité des espaces ouverts. Actuellement, l'Angleterre offre une expérience intéressante de la mise en oeuvre de l'« infrastructure verte » (Green infrastructure / GI) / trame verte à partir d'une approche paysagère. L'approfondissement de cette question a été central lors de la visite de la mission dans ce pays. Dès 2008, l'outil « GI » est mentionné dans les documents stratégiques nationaux de planification. Sa définition se rapproche de celle de la Commission européenne. La démarche s'appuie sur la conception multifonctionnelle de l'infrastructure verte. Ainsi, dans le National planning policy framework, l'accent est mis sur la nécessité d'un usage multifonctionnel du foncier. Ce « cadrage national », qui s'impose aux autorités locales en matière de planification et d'aménagement, prévoit que la planification doit promouvoir, sur les espaces ouverts, des aménagements à usages mixtes et favoriser les retombées multiples (environnementales, sociales et économiques). Cet outil de planification contribue à la protection de la santé et à l'amélioration du bien-être des populations tout en protégeant les sites qu'elle englobe. Cette démarche a reçu le soutien actif du Landscape Institute déjà évoqué (qui l'a même sans doute inspirée). Plusieurs illustrations de cette démarche ont été présentées à la mission. Des expériences ont été menées à Bristol et à Sheffield. Dans cette dernière ville, la GI a permis la réalisation de bassins d'expansion des crues qui ont en même temps le caractère de parcs publics. La démarche se révèle aussi efficace lors de la restauration de territoires dégradés ou affectés par la désindustrialisation. Ainsi, Birmingham a été requalifiée à partir de l'aménagement des berges de ses canaux, tandis qu'à Stoke-onTrent, les anciennes voies ferrées ont servi de fil directeur à la remise à niveau du territoire urbain. Nos interlocuteurs ont souligné que la démarche de GI dans la planification est prise en compte de manière active lors de l'élaboration des plans locaux. Cependant, tous s'accordent sur le fait que sa mise en oeuvre suppose une coordination de l'ensemble des parties prenantes du projet assurée par l'autorité planificatrice (comté, district, neighbourhood). Cette coordination doit intervenir dès la conception du projet et en vue de sa gestion. Chargée en première ligne du suivi de la mise en oeuvre de cette infrastructure verte, l'agence Natural England107 a intégré en son sein une équipe dynamique et motivée de landscape architects qui conçoivent et diffusent les outils méthodologiques appropriés pour assurer cette pertinente multifonctionnalité de la trame. La nouvelle Agence française pour la biodiversité (AFB) ne possède pas de compétences équivalentes. 3.6.2. Une expérience qui tend à se développer dans d'autres pays voisins. En Allemagne, la fédération allemande des professionnels du paysage (Bund Deutscher Landschaftsarchitekten), dans un document daté de 2014108, défend l'infrastructure verte comme une opportunité en faveur de la planification. Son approche est 107 L'agence se définit comme suit : « We're the government's adviser for the natural environment in England, helping to protect England's nature and landscapes for people to enjoy and for the services they provide. » (nous conseillons le gouvernement en matière d'environnement naturel, contribuant à la protection de la nature et du paysage pour les prestations qu'ils rendent et pour l'agrément de tous). https://www.gov.uk/government/organisations/natural-england/about Démarches paysagères en Europe Page 49/173 Rapport n°010731-01 comparable à la démarche anglaise. Elle considère qu'il devient opportun d'aborder les fonctions sociale et écologique du paysage dans un contexte élargi. Elle entend se placer sur le devant du débat public. Dans les zones à forte densité de population, l'infrastructure verte offre une réponse aux besoins, en organisant la multifonctionnalité de l'espace. En Suisse, l'Office Fédéral de l'Environnement (OFEV) développe un concept de « prestations paysagères » qui s'apparente lui aussi à l'idée de pluri-fonctionnalité des espaces développée outre-Manche : « Les prestations du paysage désignent des fonctions du paysage utiles à l'homme (par exemple facteur économique, avantage territorial, patrimoine culturel, source d'identité, de détente et de santé) ; ces prestations comprennent aussi le support indispensable que représente le paysage pour la biodiversité et la régénération des ressources naturelles. » 109. 3.6.3. En France, une évolution de la Trame verte et bleue devient nécessaire. À la différence de l'Angleterre et de l'Allemagne, la France a choisi une conception restreinte du concept d'infrastructure verte essentiellement centrée sur la protection de la biodiversité : la Trame verte et bleue (TVB). Les lois Grenelle de 2009 et 2010 auraient pu faire des continuités écologiques un enjeu pour l'aménagement durable du territoire mais la TVB française a eu pour seul objectif d' « enrayer la perte de biodiversité », même si elle « contribue à [...] améliorer la qualité et la diversité des paysages », tout en « prenant en compte les activités humaines »110. La TVB s'affirme comme une politique sectorielle et verticale. Il en résulte une conception restreinte et fonctionnelle du foncier et une adhésion des acteurs locaux incertaine, au-delà de la prise en compte ­ souvent a minima ­ des « corridors » et « réservoirs » de biodiversité dans les documents d'urbanisme. Or, l'infrastructure verte, telle que conçue par l'Union européenne et mise en oeuvre ou envisagée dans quelques pays, n'est pas une politique mais un outil au service d'une politique d'aménagement, de programmation et de planification, véritable armature territoriale qui s'appuie sur l'approche paysagère des espaces ouverts. Cet outil offre la possibilité d'une conception et d'une gestion coordonnée de l'aménagement d'un espace. On trouve cependant en France des initiatives locales, mises en valeur et en réseau par l'actuel chef de projet TVB à la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), qui ont esquissé une approche coordonnée et multifonctionnelle du paysage. Ainsi, la charte internationale de Fontevraud111 tout en prônant la protection et la valorisation des paysages viticoles, élargit aux activités touristiques et à la connaissance patrimoniale et écologique les actions de gestion des territoires considérés. 108 In Green Infrastructure - a future topic in landscape architecture, Till Rehwaldt, président de la Fédération des Architectes-paysagistes allemands, BDLA - Bund Deutscher Landschaftsarchitekten, Berlin, 17 juillet 2014. In Stratégie Paysage de l'OFEV, Berne Octobre 2011, glossaire p. 25 https://www.bafu.admin.ch/.../landschaftsstrategiebafu.../strategie_paysagedelofev.pdf Loi du 12 Juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, article 122. Voir son descriptif sur le site de l'institut français de la vigne et du http://www.vignevin.com/recherche/territoires/paysages-viticoles/reseau-international-paysagesviticoles.html Démarches paysagères en Europe 109 110 111 vin : Rapport n°010731-01 Page 50/173 De même, l'expérience du « triangle vert de l'Essonne »112 illustre une volonté de coordination des acteurs sur un territoire donné dans le souci de parvenir à une conciliation des usages. Ce projet agri-urbain s'est fixé pour objectif d'assurer le maintien de l'activité agricole, de valoriser et mettre à profit la proximité urbaine et favoriser ainsi le développement d'activités économique et sociale nouvelles. Enfin, le projet s'emploie à faire reconnaître la valeur nourricière, mais aussi culturelle, paysagère et récréative du territoire. En France, la démarche de « corridor écologique » ou « trame verte et bleue » mériterait donc d'être développée et étendue à une véritable approche multifonctionnelle du paysage. Il s'agirait donc, tout en préservant la biodiversité, de limiter l'espace « artificialisé» dans une perspective de développement durable, de prendre en compte des effets du changement climatique (notamment les risques naturels induits) et des aspirations des citoyens à une amélioration de leur cadre de vie, rural et urbain et de leur vie quotidienne. Le récent rapport commandé par la DGALN à l'Association des paysagistes-conseils de l'État (APCE) préconise le recrutement d'équipes pluridisciplinaires pour élaborer ou réviser ces trames à l'échelon régional ou local 113. Il ne va pas toutefois jusqu'à affirmer la multifonctionnalité de ces espaces ou le lien ville-campagne qu'ils peuvent représenter, comme c'est aujourd'hui le cas dans les expériences d'outre-Manche ou comme le suggère la Commission européenne. Il faut donc utiliser l'approche paysagère pour aller plus loin. 6. Recommandation [à la DGALN] : Élargir la Trame verte et bleue au-delà de la biodiversité à une approche territoriale multifonctionnelle structurant le paysage rural et urbain. 3.7. Vers une approche paysagère de la planification urbaine Parce qu'il décrit à la fois le substrat physique et la logique des établissements humains sur un territoire, le paysage peut être le guide des démarches de planification spatiale et le vecteur d'adhésion des populations et acteurs concernés. Pourtant, les documents d'urbanisme réduisent souvent l'approche paysagère à un simple « volet » dédié aux éléments patrimoniaux et à la végétalisation des villes ou des villages. La connaissance paysagère est pourtant largement développée dans des atlas départementaux qui couvrent aujourd'hui neuf départements sur dix114; elle est parfois déclinée dans les projets d'aménagement et de développement durable (PADD) des SCOT ou PLU ; mais elle est peu souvent traduite dans les éléments prescriptifs ou opérationnels des documents d''urbanisme. La centaine de « plans de paysage » aujourd'hui en cours ne contredit pas ce constat : la connaissance paysagère, très avancée en France, est trop rarement le fil directeur de l'aménagement. Là encore, les pays voisins nous fournissent des références utiles pour renforcer l'usage de cette approche dans l'acte planificateur. 112 Développé à partir de 2003, sous l'impulsion notamment du paysagiste Thierry Laverne, par ailleurs élu local. http://www.trianglevert.org/ Voir à cet égard, le très intéressant rapport commandé par la DGALN à l'Association des Paysagistesconseils de l'État (APCE). Il été rendu en 2016 et est téléchargeable avec le lien suivant : http://www.paysagistes-conseils.org/sites/apce/files/contenus/rapport_ptvb_11_02_2017_0.pdf Même si leur actualisation serait parfois nécessaire et leur diffusion largement perfectible, ces atlas sont aujourd'hui un potentiel d'information précieux pour les planificateurs. Démarches paysagères en Europe Page 51/173 113 114 Rapport n°010731-01 3.7.1. Cinq références européennes : A. La Catalogne Dans cette communauté autonome, les « catalogues », déjà cités, qui « déterminent la typologie des paysages de Catalogne et identifient leurs valeurs », proposent également « les objectifs de qualité à atteindre »115. Ceux-ci doivent être transcrits en obligations juridiques sous la forme de directrius dans chacune des vigueries116 ; échelons stratégiques de l'aménagement de l'espace, les sept vigueries catalanes disposent d'un « plan territorial partiel » approuvé par la Generalitat et les 41 comarques (cantons) d'un « plan directeur territorial » compatible avec cette norme. Enfin l'échelle municipale est l'objet de Plans d'ordenacio urbanistics municipals (POUM) ­ comparables à nos PLU ­ qui doivent aussi respecter la norme supérieure. Les objectifs de qualité, inclus dans l'équivalent de nos atlas, sont donc directement transcrits en normes paysagères dans ce qui ressemble à un SCoT. En deçà de cette échelle, toutefois, on ne peut compter que sur le lien de compatibilité entre normes de planification urbaines de droit commun, sans que des structures et éléments de paysages d'une commune ou d'un canton soient assurées d'être réellement prises en compte. Ce sont les « chartes de paysages », volontaires, qui prennent alors le relais. B. La Suisse En matière d'aménagement de l'espace, ce pays n'est décentralisé qu'en apparence : chaque canton adopte certes un « plan directeur », mais celui-ci doit être approuvé par la Confédération. Ces plans directeurs ont « force obligatoire pour les autorités » et en particulier pour les plans d'affectation communaux (équivalents de nos PLU). Selon les cantons une « Conception d'évolution du paysage »117 peut être mise en oeuvre dans le cadre d'un plan d'affectation, ou même parfois d'un plan directeur. « Au point de vue juridique », lit-on sur le site de l'OFEV, « la Conception d'évolution du paysage représente une base pour la planification ». L'Office anime une plate-forme interactive d'échanges d'informations pour le développement de cette démarche. Cette plate-forme répertorie quelques 55 « Conceptions » ou LEK118 en cours ou achevées. Annexée au plan directeur de ce canton, la « Conception » du Jura, finalisée en 2010, n'est pas un document opérationnel, mais une méthodologie obligatoire, une « directive à l'attention des autorités communales ». Il y est écrit que les communes « doivent élaborer une Conception dans le cadre de la révision de leur plan d'aménagement local ». il ne peut donc y avoir de révision du plan sans lancement simultané d'une telle Conception. 115 116 Selon la « Llei del païsatge » du 8 juin 2005 déjà mentionnée. Deux seulement sont approuvées à ce jour. Certaines directives « provisoires » sont toutefois appliquées par anticipation. « Esquisse, juridiquement non contraignante, de l'évolution souhaitée du paysage, en vue de son utilisation durable et de sa mise en valeur écologique et esthétique » selon les lignes directrices diffusées par l'Office Fédéral de l'environnement (OFEV) à leur sujet (Annexe fiche-action AFBE06 NE7) : En allemand Landschafts entwicklungs konzept, LEK. Démarches paysagères en Europe Page 52/173 117 118 Rapport n°010731-01 C. Les Pays-Bas Dans ce pays les régions, intercommunalités et municipalités peuvent mettre en place des plans de développement du paysage (Landschapsontwikkelingsplan, LOP), destinés à encadrer les constructions et aménagements nouveaux. Leur réalisation est toutefois volontaire, à l'initiative des municipalités, des groupements de communes ou des régions. Leur développement a été encouragé par des subventions gouvernementales ; douze LOP sont en cours d'études ou de mise en oeuvre. L'articulation est forte avec les plans de zonage, les LOP doivent obligatoirement être le fondement des orientations du document local de planification, et le cas échéant, en constituer une partie intégrante. Il y a bien volontariat, mais au sein de celui-ci, obligation de transcription juridique des objectifs et des éléments opérationnels arrêtés. En outre, l'exécution des plans est assurée par un Landschapscoördinator (coordinateur de paysage119), chargé de cette transposition, et du suivi des réalisations. D. La Grande-Bretagne La gestion des paysages non protégés est assurée dans le cadre du national policy planning framework (NPPF). Les plans locaux (356 autorités locales sont en charge de planification) sont examinés par des agents de l'État (planning inspectors), qui se prononcent sur la régularité du plan local qui leur est soumis, avec appel à l'arbitrage du ministre en cas de désaccord. Parmi les critères d'appréciation figurent la prise en compte du Landscape Character Assessment (LCA) déjà évoqué (cf. supra 2.1.2.)120. La valeur d'un paysage peut donc fonder un refus d'approbation du plan ou d'autorisation d'aménagement. De plus, à l'occasion de l'élaboration d'un plan local d'aménagement, un bilan paysager (landscape evidence) s'appuie sur la LCA qui décrit le paysage et en suit les évolutions. E. L'Allemagne L'Allemagne met en oeuvre une vision assez descriptive du paysage, par typologies et zonages, avec de nombreuses cartes thématiques, beaucoup plus facile à quantifier et à inclure dans la planification. La méthodologie est très cadrée, la plupart des Länder ayant publié des méthodes d'élaboration des plans d'aménagement paysager, ce qui harmonise les contenus et les procédures à l'intérieur de chaque Land. Selon la loi fédérale, les documents de planification paysagère de chaque niveau territorial doivent être intégrés aux planifications territoriales et urbaines des niveaux correspondants, accordant à la planification paysagère la valeur et les effets juridiques de la planification territoriale. Cette intégration se fait soit par « intégration primaire », les outils paysagers étant conçus directement comme partie intégrante des plans urbains et territoriaux (Rhénanie-Palatinat, Bavière, Hesse), soit par « intégration secondaire », via un processus de pondération et d'évaluation (Bade-Wurtenberg, Schleswig-Holstein, Sarre). 119 Ces agents sont des professionnels privés sous contrat d'étude par les collectivités ou organismes porteurs. Rappelons la carte nationale de qualification des paysages dressée et mise en ligne en septembre 2014 (National Character Areas Profiles corporate report). Démarches paysagères en Europe Page 53/173 120 Rapport n°010731-01 L'ancienneté des politiques de protection et de gestion du paysage, le système hiérarchisé, le fait que le gouvernement fédéral subventionne l'élaboration et la mise en oeuvre des plans d'aménagement paysager, contribuent à garantir la cohérence des politiques et le respect des objectifs de qualité paysagère sur tout le territoire. La participation citoyenne à l'élaboration des documents conforte l'ensemble. 3.7.2. Vers une continuité entre connaissance du paysage et approche paysagère de la planification La continuité entre connaissance du paysage, normes et actions planificatrices, semble donc plus affirmée chez nos voisins que chez nous. En France, l'atlas de paysage a été récemment défini de manière limitative dans la loi du 8 août 2016121 comme un « document de connaissance qui a pour objet d'identifier, de caractériser et de qualifier les paysages du territoire départemental », à l'inverse de ce qui vient d'être rappelé pour son équivalent catalan (et de ce qui avait été vu précédemment concernant la Wallonie). Introduire une formulation d'objectifs de qualité paysagère dans les atlas, ce serait leur donner une dimension de guide pour les actions futures, déclinable par exemple dans les trois à dix SCoT que pourrait compter à terme chaque département122. Plusieurs atlas se sont d'ailleurs déjà dotés d'objectifs de qualité, tel celui de Meurthe et Moselle, élaboré en 2003, ou l'atlas « pratique » des paysages d'Auvergne, mis en ligne en 2014. Dans ce même objectif de continuité connaissance-action, on peut observer que la France se situe dans la moyenne en matière de couverture du territoire, rapportée à sa superficie, des démarches de type « plans de paysage »123 que l'on a rencontrées en Catalogne (« Cartas »), en Suisse (Cep ou LEK) ou aux Pays-Bas (LOP). Toutefois on a observé dans ce dernier cas que si de telles démarches relèvent du volontariat des collectivités locales, dès lors qu'elles sont menées, leurs résultats s'imposent, en termes juridiques et opérationnels, aux documents de planification correspondant aux échelles de projet. Il y a là une piste de progrès à explorer pour assurer la pérennité des démarches locales tributaires des alternances politiques. Une troisième piste de progrès dans cette recherche de continuité pourrait s'inspirer des exemples du Jura Suisse et de la Grande-Bretagne : les premiers imposent l'approche paysagère comme fil directeur de la planification, les seconds vérifient au stade de l'approbation du document la prise en compte des LCA (atlas) dans les orientations du plan d'urbanisme. Certes, l'esprit de notre code de l'urbanisme est celui d'une large décentralisation, alors que les pratiques suisses ou anglaises relèvent d'une logique de tutelle, surprenante mais effective dans ces pays. En revanche, notre code fixe bel et bien le cadre général, c'est-à-dire le langage commun, juridique et pratique de chacun des documents. 121 Nouvel article L. 350-1 B du Code de l'Environnement introduit par l'article 171 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016. Voir à cet égard le rapport du CGEDD N°010656-01, avril 2017, « quelles évolutions pour les schémas de cohérence territoriale » de Ruth Marques, François Duval et Philippe Iselin. La circulaire du 21 mars 1995 en donne la définition suivante : « Un plan de paysage est un dispositif contractuel, élaboré conjointement par l'État et les collectivités territoriales concernées. Il n'a pas de valeur réglementaire. Son élaboration comprend trois étapes : un diagnostic paysager, l'élaboration d'un projet exprimant à la fois des objectifs généraux de préservation et d'évolution du paysage et un programme d'actions en faveur du paysage qui peuvent être réglementaires, opérationnelles, pédagogiques... » Démarches paysagères en Europe Page 54/173 122 123 Rapport n°010731-01 C'est sans doute dans ce cadre (de méthode plus que de contrôle) que réside la capacité d'opérer la continuité recherchée entre une connaissance abondante et une mise en oeuvre pratique insuffisante des objectifs paysagers dans nos SCoT et PLU. De ce point de vue la piste d'« Orientations d'aménagement et de programmation » (OAP)124 transversales consacrées au paysage devrait être explorée125 : il s'agirait de faire le lien entre l'analyse sensible du territoire, souvent présente, comme on l'a vu, dans les rapports de présentations ou les PADD, et les parties juridiques opposables, où elle est rarement transcrite. Documents de projets, véritables guides à la fois pour les règlements de zones et pour les opérations d'aménagement, des OAP-paysages seraient ainsi le « chaînon manquant » dans le continuité recherchée126. 7. Recommandation [à la DGALN] : Assurer la continuité entre connaissance et action dans les démarches paysagères, en prenant mieux en compte les orientations issues des atlas de paysage dans les documents de planification, et en particulier en prévoyant l'introduction dans les PLU(i) d'une OAP-paysage transversale fondée sur les enjeux identifiés dans les atlas de paysage. 3.8. Une participation du public à conforter 3.8.1. Le paysage « perçu par les populations » dans la CEP : La Convention aborde la question de la participation de la société civile aux politiques paysagères à plusieurs niveaux127 : au niveau de la définition du paysage ­ elle remplace la subjectivité individuelle inhérente aux définitions classiques par l'expression d'une perception partagée : « partie de territoire telle que perçue par les populations » ­ mais aussi aux niveaux de la connaissance et de la qualification des paysages128. Elle évoque la définition des politiques publiques et la mise en oeuvre des projets en inscrivant, parmi les mesures visant la protection, la gestion et l'aménagement des paysages, la mise en place « des procédures de participation du public, des autorités locales et régionales, et des autres acteurs concernés par la conception et la réalisation des politiques du paysage ».129 Elle touche donc au champ de la participation citoyenne. Cette question, qui émerge à la fin des années 60, est de plus en plus sensible avec la remise en cause actuelle de la représentation politique et la revendication d'une participation de la société civile à la gouvernance, face à la mondialisation et au poids des lobbies ; cette demande se heurte souvent à la résistance des élus ­ les processus étant difficiles à maîtriser et 124 instaurées par la loi du 12 juillet 2010 dite loi Grenelle 2, les OAP exposent la manière dont la collectivité souhaite mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager des quartiers ou des secteurs de son territoire. L'article R 151-6 du Code de l'Urbanisme complète les attendus des « OAP sectorielles » en y introduisant un objectif d'insertion architecturale, urbaine et paysagère de ces secteurs. Il s'agit là d'une amorce intéressante. L'agglomération grenobloise (par ailleurs lauréate du dernier appel à projets « plans de paysage »), met en place une telle démarche, pour laquelle elle vient de recruter un maître d'oeuvre. Elle contribue en cela à l'émergence de ce principe dans les conventions internationales sur l'information et la participation du public : Convention d'Aarhus adoptée en 1998 et transposée depuis dans l'ordre juridique européen, processus d'évaluation environnementale de l'Union européenne qui couvre les aspects paysagers. Article 6C.1.b. de la Convention : [chaque partie s'engage] « à qualifier les paysages identifiés en tenant compte des valeurs particulières qui leur sont attribuées par les acteurs et les populations concernées. » Article 5c de la Convention. Démarches paysagères en Europe Page 55/173 125 126 127 128 129 Rapport n°010731-01 trop lents pour les cycles électoraux ­ et à celle des experts, réticents devant le « savoir citoyen ». Le Conseil de l'Europe est à l'origine de nombreux séminaires et publications 130 sur le thème de la participation dans différents États. Sur le paysage, il a mené dès 2008 différentes enquêtes dans les États parties pour s'assurer que la notion de « public » correspondait aux termes de la Convention, et étudier où intervenait la participation. Elle a abouti à plusieurs constats131 : a) la notion de « public » est encore disparate. Or, son acception conditionne l'efficacité de la participation. Pour la Convention, la participation concerne le public en général, sans avoir à justifier d'un intérêt juridiquement identifié 132. Dans certains États, le public s'entend des particuliers (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas...). Pour d'autres, le public désigne les autorités régionales et locales, acteurs institutionnels de la politique du paysage. En Espagne, les régions doivent consulter les intérêts sociaux (entrepreneurs, syndicats, associations environnementales) et les intérêts institutionnels, b) l'efficacité du dispositif dépend du stade et des modalités de la participation. Il ne semble pas exister de principe de participation dans le domaine spécifique du paysage. Elle est prévue dans des dispositions législatives (loi sur les procédures en Autriche, loi sur l'urbanisme en Irlande) qui s'appliquent indirectement au paysage. Un dispositif de participation du public très en amont de la décision en matière paysagère accroît sa portée. En Belgique comme au Royaume-Uni, la participation paysagère intervient ainsi dans le processus de planification dès le stade d'élaboration. Les modalités de participation sont diversifiées. Il peut s'agir d'une consultation du public afin de définir le contenu de l'étude d'incidence d'un projet (Belgique) ; d'une procédure d'enquête publique qui offre la possibilité de commentaires écrits, de plans ou schémas en rapport avec les paysages (Allemagne, Belgique, Espagne, Irlande, Italie, Pays-Bas) ou de commentaires oraux lors de réunions consultatives à l'occasion de projets (Allemagne, Italie, Pays-Bas) ; de consultation des communes sur le contenu du plan paysager élaboré au niveau régional (Italie) ; Plus récemment, le Conseil de l'Europe a commandé un rapport sur la question : « Paysage et démocratie ­ perspectives »133. Ce rapport aborde les modalités de mise en oeuvre de la démocratie dans le contexte du paysage et en particulier : l'échelle de gouvernance (l'échelle locale étant selon l'auteur la plus favorable à l'exercice d'une gouvernance partagée) ; le statut des acteurs (élus, associations et experts) ; les processus de participation, de la simple information à la participation réelle. Parmi les très intéressantes propositions de ce rapport, la mission note en particulier : 130 par exemple : « Les défis pour la société européenne à l'aube de l'an 2000 ­ Participation du public à l'aménagement d u territoire dans différents pays européens », Rapports et conclusions d'un séminaire dans le cadre de la Conférence européenne des ministres responsables de l'aménagement du territoire (CEMAT) qui s'est tenu à Bath les 26 et 27 avril 1995. Enquêtes synthétisées dans l'ouvrage collectif « Paysage et développement durable » (Éditions du Conseil de l'Europe 2008), voir notamment le chapitre 8 « paysage et participation du public », dû à Michel Prieur et Sylvie Durousseau. Aux termes de la Convention d'Aarhus à laquelle renvoie la CEP, le public s'entend comme : « « l'ensemble du public sans discrimination quant à la citoyenneté, la nationalité ou le domicile et, dans le cas d'une organisation non gouvernementale, sans discrimination quant au lieu où son siège est établi ». Yves Luginbühl : « Paysage et démocratie ­ perspectives ». Présenté lors de la 8e conférence du conseil de l'Europe sur la Convention européenne du paysage en mars 2015. Démarches paysagères en Europe Page 56/173 131 132 133 Rapport n°010731-01 · inciter les états à insérer des objectifs de qualité paysagère dans les politiques sectorielles, développer les documents d'urbanisme participatifs à dimension paysagère, systématiser les atlas participatifs et les articuler avec les observatoires photographiques ; · engager à l'échelle régionale des programmes d'action participatifs : plans, chartes ou contrats de paysage ; · localement, inciter les élus à mettre en oeuvre des actions de participation à l'amélioration du paysage. « La charte du paysage du Priorat en Catalogne fournit l'exemple d'un projet de paysage impulsé et piloté par les habitants » La reconquête paysagère des vignobles du Priorat ­ Photo JLC Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 57/173 3.8.2. Les constats de la mission dans les États visités Quel peut être l'apport de la mission dans ce champ déjà largement exploré ? Quelques cas rencontrés illustrent de manière efficace la mise en oeuvre des recommandations de la CEP : a) En termes de connaissance des paysages, l'équipe de rédaction des atlas de paysage en Wallonie (cf. 2.1.2.) s'adjoint les compétences d'un panel d'acteurs locaux pour une « enquête qualitative », qui aboutit parfois à la remise en cause des délimitations de certaines aires paysagères. Dans chaque atlas un chapitre intitulé « des regards sur le paysage » permet de cerner la façon dont les acteurs locaux perçoivent les paysages de leur région et la manière dont ils envisagent leur avenir. Cette participation peut légitimer en partie les objectifs de qualité paysagères figurant dans les atlas. De même on note, à titre d'exemple, l'initiative Wikipedra en Catalogne où plus d'une centaine de correspondants bénévoles se sont mobilisés pour un recensement citoyen d'éléments de paysage emblématiques, les cabanes de pierre sèche134. b) En ce qui concerne la définition des politiques, à laquelle on peut rattacher la planification, la mission note le cas de la Suisse, avec sa « Conception d'évolution du paysage » (cf. 3.7. supra) instrument volontaire d'application sur les territoires de la « Conception suisse du paysage ». Dans le cadrage méthodologique qu'il a édité à cet effet, l'Office fédéral de développement territorial (ARE) précise : « l'élaboration d'une Conception doit être conçue comme un processus participatif, intégrant les représentants des différentes utilisations du territoire» 135. Processus participatif et sensibilisation de tous sont essentiels, car « ils déterminent l'acceptation indispensable des projets. La Conception ne veut pas que seuls les acteurs directement intéressés [...] se sentent responsables du paysage. Elle veut impliquer l'ensemble des citoyens. »136 c) Pour ce qui est de la participation du public aux projets, l'exemple du Uplands forum en Irlande illustre une initiative locale où, dans la perspective d'un projet de territoire pour les Uplands la parole a été donnée aux communautés locales afin de susciter leur intérêt pour des projets qui améliorent leur qualité de vie et leur environnement, avec une participation inhabituelle des agriculteurs137. La charte du paysage du Priorat en Catalogne fournit l'exemple d'un projet de paysage impulsé et piloté par les habitants. Mue par un sentiment de marginalisation au sein de la Catalogne, la population de ce territoire a décidé de prendre en main le devenir du territoire en s'appuyant sur renouveau de l'économie viticole locale. Mais il est parfois difficile de faire se rencontrer les initiatives citoyennes avec les systèmes institutionnels de gestion ou de protection des paysages. Ainsi, en Italie, dans le parc agricole sud milanais (détaillé supra 3.5.1.), la gestion centralisée, issue du milieu citadin et visant une forme de sanctuarisation d'espaces agricoles périurbains, entre parfois en contradiction avec des initiatives locales, en particulier des agriculteurs, visant à pérenniser sa fonction productive, à favoriser l'accueil et le 134 135 136 Voir la carte interactive de cet inventaire citoyen sur http://wikipedra.catpaisatge.net Voir le site : https://www.are.admin.ch/are/fr/home/glossaire/landschaftsentwicklungskonzept--lek-.html Pour plus d'information sur les Conceptions d'évolution du paysage, voir annexes par pays, sur la Suisse, et le site http://www.lek-forum.ch Voir supra 3.2.5. ainsi que l'annexe par pays sur l'Irlande et le site https://irishuplandsforum.org/ Démarches paysagères en Europe Page 58/173 137 Rapport n°010731-01 tourisme rural et à créer des liens avec la ville via les marchés ou des groupes d'achats solidaires. 3.8.3. En France des améliorations souhaitables s'agissant de la participation du public aux politiques de paysages. Rappelons que le code de l'environnement pose un principe général de participation138 s'agissant des projets de décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement : le public peut formuler ses observations qui sont prises en compte par l'autorité compétente139. En France, l'approche participative est inscrite dans les codes de l'environnement et de l'urbanisme. Ici comme ailleurs, les procédures concernées ne s'appliquent la plupart du temps au paysage qu'indirectement (enquête publique, évaluation environnementale, élaboration des schémas régionaux ou plans locaux d'urbanisme...). Dans le domaine du paysage, une approche participative s'est cependant progressivement construite, qui demeure pragmatique et informelle plutôt que réglementaire, ce qui limite son effet opérationnel. En matière de connaissance des paysages, les habitants d'un territoire peuvent prendre une part active dans la caractérisation de leur cadre de vie avec les atlas des paysages : la loi du 8 août 2016140 précise que ces documents sont établis «en tenant compte du rôle des acteurs socio-économiques [...] et des valeurs particulières qui leur sont attribuées [...] par les populations concernées ». La méthode nationale d'élaboration de ces documents, actualisée en 2015 141 fait ainsi référence à « l'association des acteurs engagés dans la production de connaissance » et indique que « la participation du public [est] le gage d'une gestion démocratique du paysage et du cadre de vie » (p.10 et 11). Mais ces énoncés de principe ne sont pas des injonctions de même niveau que celles qui touchent, par exemple, au vocabulaire (unités/structures/éléments paysagers) permettant l'interopérabilité des documents. Lors de la réalisation de certains atlas, comme celui d'Auvergne, le choix d'une méthode dite « atelier mobile des paysages » a heureusement associé des dizaines de personnes en les faisant participer à des parcours en minibus. Mais cette intensité participative demeure une exception. Pour sa part, la démarche de plan de paysage s'inscrit dans le cadre d'un projet de territoire. Lancée à l'initiative d'une collectivité locale, elle invite l'ensemble des acteurs à repenser la manière de concevoir l'aménagement autour du paysage et les implique dans leur cadre de vie. Les procédures participatives occupent une place croissante dans les dossiers de candidatures présentées aux appels à projets nationaux 142. Mais ces démarches restent informelles et la circulaire du 21 mars 1995, qui les cadre, ne mentionne pas la participation des populations et acteurs locaux à leur élaboration : la participation est fréquente dans les faits, mais elle n'est pas juridiquement garantie en droit. 138 En application de l'article 7 de la charte de l'environnement, intégrée en 2005 dans le bloc de constitutionnalité. cf. article L. 110-1 du code de l'environnement. L'article L. 120-1 y définit les modalités d'exercice de ce principe : mise à disposition par voie électronique du projet et d'une note de présentation, adoption à l'expiration d'un délai permettant la prise en compte des observations déposées par le public. Loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. À télécharger à partir de l'adresse suivante : http://www.developpementdurable.gouv.fr/IMG/pdf/Methode_Atlas_des_paysages_2015-francais_version_web_cle7f9e61.pdf L'importance et la qualité de la participation du public est d'ailleurs l'un des critères de choix du jury dans les appels à projets qui ont eu lieu en 2013, 2015 et 2017. Démarches paysagères en Europe Page 59/173 139 140 141 142 Rapport n°010731-01 Contrairement à leurs équivalents dans les États voisins, les outils français de connaissance et d'action au bénéfice de la qualité paysagère manquent d'une dimension participative juridiquement encadrée143. Ils mériteraient donc de se voir reconnaître cette dimension afin que l'approche participative y prenne tout son sens. 8. Recommandation [à la DGALN] : Conformément à la Convention européenne du paysage, mieux garantir la participation citoyenne dans les politiques paysagères, tant pour la connaissance (atlas de paysage) que pour la planification et la mise en oeuvre des projets (plans de paysages). Compléter à cet effet le guide pratique et la circulaire correspondant à ces deux outils. 143 Sous réserve, notamment des dispositions de transposition des directives de l'Union européenne en matière d'évaluation environnementale et celles relatives au débat public ; directive 2014/52/UE du Parlement et du Conseil du 16 avril 2014. Démarches paysagères en Europe Page 60/173 Rapport n°010731-01 Conclusion L'observation, certes partielle, des progrès de la Convention européenne du paysage chez quelques-uns de nos voisins a conduit la mission à décrire et analyser des politiques et stratégies variées et inventives. Chaque État les met en oeuvre à son rythme, développant ses propres solutions en lien avec ses spécificités et son histoire, dans un esprit d'échange et vers un but commun : tenir les engagements pris. Le cadre par nature restreint de la mission lui a toutefois permis d'avoir un aperçu de la variété des expériences, des idées, des pratiques, des difficultés aussi, de chacun des partenaires. La variété des efforts des institutions, associations, professions, et des initiatives citoyennes montre bien que chacun développe des solutions à sa mesure pour avancer par l'approche paysagère vers un mieux-vivre ensemble. En ce qui la concerne, la France a depuis longtemps développé la protection de ses paysages les plus prestigieux. Elle ne fait en revanche qu'amorcer sa mutation vers une politique paysagère plus orientée vers les espaces du quotidien, le projet et la participation citoyenne. Il existe dans la société une conscience diffuse de la dégradation des paysages ­ espaces ruraux, entrées de ville, abords d'infrastructures ­ qui se poursuit encore aujourd'hui du fait de cultures administratives sectorisées, techniques et peu sensibles à l'espace vécu. Notre pays dispose de certains outils, innovants et originaux : les parcs naturels régionaux, institués en 1967 ; les CAUE, créés dix ans plus tard (dont la compétence sur le paysage est explicitement reconnue par la loi du 8 août 2016) ; les plans de paysage, introduits en France dès la fin des années 80 ; le recours aux paysagistes-conseils de l'État, institués en 1993. Mais ces outils restent marginaux face à des logiques techniques, économiques et politiques puissantes, aggravées par le désintérêt fréquent des décideurs pour une question « non quantifiable » : contrairement à ce qui se passe chez nombre de nos voisins le paysage est encore trop souvent considéré, soit comme une contrainte, soit comme un élément anecdotique ou superflu. La France court un risque à poursuivre des politiques publiques dont elle sous-estime la nécessaire cohérence, car l'absence de vision d'ensemble de l'espace conduit à une dégradation progressive du cadre de vie. Des conflits parfois coûteux surgissent ainsi entre énergie et biodiversité, ou entre prévention des risques et construction de logements, alors qu'une approche paysagère fédératrice aurait pu les régler en amont. La perte insidieuse de notre capital paysager est dommageable à la qualité de vie, mais aussi au tourisme et à l'attractivité de nos territoires. Devant l'ampleur de la reconquête qualitative à mener et des défis contemporains, tels que les conséquences paysagères de la transition énergétique, les outils et actions actuels, pour certains innovants et efficaces, mais trop ponctuels et dispersés, ne sauraient suffire. Il convient à présent de définir une véritable stratégie d'ensemble pour les intégrer dans une perspective plus générale, en établissant des priorités en fonction des acteurs et des territoires concernés. Il faudra dans le même temps décliner cette stratégie à l'échelle des nouvelles régions, conférer une dimension paysagère aux politiques sectorielles et faire progresser la culture paysagère de l'ensemble de nos concitoyens. À cet effet il sera indispensable de développer les savoir-faire et d'augmenter le nombre des spécialistes de la qualité de l'espace ­ paysagistes et autres professionnels ­ qui devront être autant concepteurs que médiateurs de la participation citoyenne. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 61/173 Si la mission propose de décloisonner les habitudes et les spécialités techniques pour mettre en oeuvre une stratégie nationale du paysage, elle préconise aussi quelques mesures pragmatiques à mettre en oeuvre sans tarder et qui donneront lieu à un suivi et à une évaluation régulière. Une politique résolue de reconquête paysagère, fédérant les politiques sectorielles et permettant la participation de tous, serait un outil efficace pour faciliter les transitions en cours. Les réussites identifiées par la mission chez nos voisins européens montrent à cet égard des chemins prometteurs : c'est par la même vision d'ensemble que la France pourra tenir les engagements qu'elle a pris par la signature et la ratification de la Convention européenne du paysage du Conseil de l'Europe. Jean-Luc Cabrit Marie-Christine Soulié Jean-Pierre Thibault Paysagiste D.P.L.G. Ingénieur en Chef des TPE Inspectrice générale de l'administration du développement durable Inspecteur général de l'administration du développement durable Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 62/173 REMERCIEMENTS La mission souhaite remercier tous ses collègues européens, qui se sont mobilisés dans leurs pays respectifs pour faciliter son travail, organiser les rencontres et les visites sur place, et qui ont pris le temps de lui expliquer en détail la politique paysagère de leur pays et leur action. Elle a été particulièrement sensible à l'accueil amical, généreux et chaleureux qui lui a été partout réservé, révélant une envie de partager et de communiquer, malgré les obstacles de la langue : les hôtes de la mission n'ont fait que conforter son optimisme sur le devenir de l'Europe. La mission remercie spécialement l'ambassade de France à Londres sans qui elle n'aurait pu mener à bien son déplacement en Angleterre. Et enfin, elle remercie tout particulièrement la secrétaire exécutive de la Convention européenne du paysage, Maguelonne Dejant-Pons, qui lui a ouvert de multiples portes et à qui elle souhaite de continuer longtemps à oeuvrer au bénéfice des paysages européens avec enthousiasme et conviction. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 63/173 Annexes Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 65/173 1. Lettre de mission Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 66/173 2. Liste des personnes rencontrées Remerciements (noms et qualités des personnes rencontrées, accueil, etc.) Nom Prénom Organisme Fonction Date de rencontre Mission en Irlande ­ du 24 au 28 janvier 2017 Atkinson Wesley Wiclow Mountains National Park à Glendalough Heritage Council à Kilkenny Université de Cork Directeur régional 26/01/17 Starett Michaël Directeur 26/01/17 Black Deirdre Paysagiste enseignante Chercheur au Centre d'études paysagères Principal Advisor 25/01/17 Collins Tim Université de Galway 25/01/17 Colreavy Martin Division for built heritage, architectural policy and strategic infrastructures Dept of Arts Heritage, rural and Gaeltacht affairs 25/01/17 Cumming Willie Architecte Du 25 au 27/01/17 Fitzgerald Fitzpatrick Helena David Université de Dublin (UCD) - école d'architecture de Dublin Université de Dublin (UCD) Architecte Chef d'établissement 26/01/17 25/01/17 Foley Karen Professeure à l'école d'architecture de Dublin Paysagiste Urbaniste, spécialiste des projets participatifs 25/01/17 Harns Harvey Mary-Ann Alison 25/01/17 26/01/17 Heurich Michaël Université de Dublin (UCD) Professeur à l'école d'architecture de Dublin Paysagiste ­ Président de l'ILI 25/01/17 Hutchinson Peter 25/01/17 Kavanagh Victoria Université de Dublin (UCD) Université de Dublin (UCD) Professeure à l'école d'architecture de Dublin Paysagiste ­ professeure à l'école d'architecture de Dublin, Archéologue, enseignant Directeur 25/01/17 Meeres Sophia du 25 au 27/01/17 et à Erevan les 05 et 06/10/16 Newman Conor Université de Galway 25/01/17 O' Donovan Paddy Université de Cork département des arts, études celtiques et sciences sociales 27/01/17 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 67/173 Nom O'Regan Terry Prénom Organisme association Landscape Alliance Université de Cork Centre for Planning Education and Research Dept of Arts Heritage, rural and Gaeltacht affairs Université de Dublin (UCD) Agence Transport infrastructure Ireland Fonction Président Date de rencontre 27/01/17 O'Sullivan Brendan Enseignant et chercheur 27/01/17 Ritchie Marc 25/01/17 Von Maltzan Sophie Professeure à l'école d'architecture de Dublin Paysagiste et délégué irlandais auprès de l'IFLA, 25/01/17 Williams Tony 25 et 26/01/2017 Mission en Espagne (Catalogne) ­ du 1er au 3 février 2017 et rencontres préparatoires Bartomeus Sandra Municipalité de Torroella de Montgrí DREAL Occitanie Direction de l'Aménagement Instituto del Patrimonio Cultural de Espana Adjointe au maire 03/02/17 Brossard-Lottigier Sylvie Cheffe de Division Du 01 au 03/02/17 Caro Carmen Coordinatrice des plans nationaux du patrimoine culturel Responsable du projet de renaturation des urbanisations littorales Paysagiste enseignant à l'école du paysage de Barcelone Les 05 et 06/10/16 à Erevan Colomer Agata Bureau d'études auprès de la Municipalité de Torroella de Montgrí 03/02/17 Franch, Marti 03/02/17 Gamero Jordi Municipalité de Torroella de Montgrí Comarca du Priorat Municipalité de Torroella de Montgrí Municipalité de Torroella de Montgrí Observatoire catalan du paysage association Prioritat Université de Girona Service Communication de la ville Président Service Communication de la ville Adjoint au maire 03/02/17 Garcia Gumà Joan Carles Inés 02/02/17 03/02/17 Martinoy Josep 03/02/17 Nogué Joan Directeur 01/02/17 Parés Quintana Carme Xavier Membre Enseignant - Directeur scientifique du projet de renaturation Maire et président du CA du parc naturel de Montsant Coordonnateur 02/02/17 03/02/17 Sabaté Jordi Commune de la Vilella Baixa 02/02/17 Sala Pere Observatoire catalan du paysage 01/02/17 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 68/173 Nom Vaqué Vernet Vinyes Joan Prénom Organisme association Prioritat association Prioritat Commune de la Vilella Alta Fonction Membre Coordinatrice Maire Date de rencontre 02/02/17 02/02/17 02/02/17 Roser Marc Mission en Suisse ­ du 8 au 9 février 2017 Camenzind Reto Office fédéral du développement territorial Office fédéral du développement territorial Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage (CFNP) OFEV (Office fédéral de l'environnement) OFEV (Office fédéral de l'environnement) Chargé des questions de planification et d'aménagement Chargé des questions d'énergie 09/02/17 Cataneo Mattia 08/02/17 Guggisberg Fredi Secrétaire de la Commission 08/02/17 Magnin Benoît Chef de la section gestion du Paysage Architecte-paysagiste, en charge de l'aménagement et de la perception du paysage. Co-présidente de la FSAP, (fédération suisse des architectespaysagistes) 08 et 09/02/2017 Moll Claudia 09/02/17 Raemy Matthieu OFAG (Office fédéral de l'agriculture) Section Espace rural Chargé de projets de paysage Chargé des parcs d'importance nationale Chef de la division Espèces, écosystèmes, paysages Chef de projet de Observatoire du paysage suisse et des stratégies paysagères Chef de la Section espace rural 09/02/17 Remund Simone 08/02/17 Romang Hans OFEV (Office fédéral de l'environnement) 08/02/2017 Rudaz Gilles OFEV (Office fédéral de l'environnement) 08 et 09/02/2017 Stremlow Matthias OFEV (Office fédéral de l'environnement) 08 et 09/02/2017 Mission en Belgique (Région Wallonne et Communauté francophone) ­ 15 février 2017 Bragard Daniel Parc naturel des plaines de l'Escaut Chargé de mission aménagement du territoire ­ urbanisme Attachée - Docteur en géographie 15/02/17 Deconninck Mireille Direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie de la région Wallonnie. (DGO4 15/02/17 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 69/173 Nom Hubert Yves Prénom Organisme JNC International s.a (Joining Nature and Cities) Fonction Architecte-paysagiste membre du comité de direction Membre collectif PAP Date de rencontre 15/02/17 Kempf Mathilde Collectif PAP (Paysages de l'après-pétrole) Le Vingtième Siècle Bureau (agence) Bas Smets JNC International s.a (Joining Nature and Cities) Architecte urbaniste Membre collectif PAP Illustrateur Directeur-gérant 15/02/17 Rémi Smets Georges Bas 15/02/37 29/06/17 Van der Vaeren Guillaume administrateur de JNC Président de la fédération bruxelloise de l'urbanisme 15/02/17 Mission en Italie (Région Lombarde) ­ 10 et 11 avril 2017 et entretiens préparatoires Barone Carla architecte, présidente de la Commissione per il paesaggio del Parco Agricolo Sud Milano Parco del Ticino Chargé de mission agriculture Enseignante au Dipartimento di Architettura, Ingegneria delle Costruzioni e Ambiente Costruito Vice-président 10/04/17 Bove Michele 10/04/17 Branduini Paola Politecnico di Milano - 10 et 11/04/17 Di Domenico Sergio Associazione Parco delle Risaie Parco delle Risaie Municipalité de Milan 10/04/17 Fedeli Giannachi Lucia Giovanna Agricultrice Chargée de la mise en oeuvre de la politique Milan métropole rurale Organisateur du séminaire de l''APCE en Italie (2013) Directrice du département Sciences agronomiques et animales, enseignantchercheur en agronomie des territoires Auteur d'une thèse à l'ENSP sur le paysage et la transition énergétique Agronome, chercheur sur l'organisation spatiale et paysagère des systèmes de culture et les pratiques agricoles 10/04/17 10/04/17 Giorgis Sébastien Paysagiste-conseil de l'Etat 25/07/16 Maraccini Elisa Institut Polytechnique LaSalle de Beauvais. Entretien téléphonique 16/02/17 Pistoni Roberta Politecnico di Milano Entretien téléphonique 14/12/16 Entretien téléphonique 16/02/17 Rizzo Davide Institut Polytechnique LaSalle de Beauvais. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 70/173 Nom Scazzosi Prénom Lionella Organisme Politecnico di Milano,, Fonction Architecte et enseignante sur la protection de l'environnement et la gestion du paysage Date de rencontre 10/04/17 et à Erevan les 05 et 06/10/16 Mission au Royaume-Uni (Angleterre) ­ du 26 au 29 avril 2017 Bennelick, Drew Heritage (HLF) Lottery fund directeur 28/04/17 Bolton Clubb Chris Rupert Natural England Association des directeurs de l'Environnement, de l'Economie, de la Planification et des Transports (ADEPT) Landscape Institute Landscape specialist Président 28/04/17 27/04/17 Cook Daniel Chief executive (directeur) Chargée du dossier de la Green Infrastructure Conseiller Economique 28/04/17 Craddock, Veronica Landscape Institute 28/04/17 Fatras Christian Ambassade de France à Londres Historic England. Ambassade de France à Londres Landscape Institute 27-28/04/17 Holyoak Johnston-Roussillon Vince Victoria Chargé de mission Attachée 27/04/17 27-28/04/17 Phillips Ian Vice-président, représentant de l'Angleterre à l'IFLA Chief Planner 28/04/17 Quatermain Steve Department for Communities and Local Government (DCLG) Ambassade de France à Londres Department for environment, Food and rural affairs (DEFRA) Natural England Historic England. London Bourough of Barnet 27/04/17 Ronez Benoit Attaché économique 27-28/04/17 Steiner Sarah Chargée de mission 27/04/17 Tudor Tunnicliffe Watson Christine Sarah Emma Landscape specialist Chargée de mission Cheffe de la planification stratégique 28/04/17 27/04/17 27/04/17 Conseil de l'Europe, France, personnalités diverses Bava Henri Agence TER Paysagiste ­ enseignant à l'ENSP Directeur du département paysage à l'Institut de technologie de Karlsruhe 11/10/16 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 71/173 Nom Blumenfeld Prénom Hervé Organisme Anciennement IAURIF Fonction Architecte-urbaniste en retraite auteur de recherches sur la politique paysagère de Berlin Chargé de mission au bureau des paysages et de la publicité Secrétaire exécutive de la Convention européenne du paysage Cheffe du bureau des paysages et de la publicité Paysagiste ­ enseignante à l'ENSP Chargé de mission TVB à la Direction de l'eau et de la biodiversité Adjointe à la cheffe du bureau des paysages et de la publicité Étudiante en paysage Doctorat en cours en Allemagne Date de rencontre 09/12/2016 De Beaulieu Gilles Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN Conseil de l'Europe 19/12/16 29/03/17 Déjeant-Pons Maguelone 16/09/2016 05 et 06/10/16 Faivre Juliette Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN 19/12/16 29/03/17 Helms Karine Karin Helms Sarl IFLA Europe 11/10/16 Labat Didier Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN 15/12/17 Laon Perrine Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN 19/12/16 29/03/17 Leconte Louise Agrocampus ouest Angers 05/12/16 et à Erevan les 05 et 06/10/16 Luginbuhl Yves Directeur de recherche émérite au CNRS Expert auprès du Conseil de l'Europe Erevan les 05 et 06/10/16 15/03/17 Mangin Karine Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN Chargée de mission au bureau des paysages et de la publicité Directrice adjointe en charge de la ville et constructions durables et des paysages Sous-directrice de la qualité du cadre de vie 26/08/16 19/12/16 29/03/17 15/09/16 Peskine Hélène Cabinet du Ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer Soleille Pastèle Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN 26/08/16 Transy Julien Ministère de la transition écologique et solidaire DGALN Chargé de mission au bureau des paysages et de la publicité 19/12/16 29/03/17 et à Erevan les 05 et 06/10/16 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 72/173 3. Fiches par pays Allemagne Belgique ­ Communauté française et région Wallonie Espagne ­ Catalogne Irlande Italie ­ Métropole milanaise Pays-Bas Royaume-uni ­ Angleterre Suisse p.74 p.82 p.90 p.98 p.107 p.116 p.122 p.131 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 73/173 Pays : Allemagne Source : recherches bibliographiques - Interviews Problématiques initiales identifiées Un pays réputé pour la rigueur et l'organisation de sa planification territoriale et paysagère. Intérêt : · système hiérarchisé de planification paysagère ; · le plan d'aménagement paysager d'échelle communale est subventionné. Il est facultatif, mais s'il est décidé, il est contraignant une fois approuvé. En pratique, la presque totalité du territoire est couverte. Il s'applique au document d'occupation des sols ; · profession organisée en « Kammer », « Lanschaftsarchitekt » distinct du « Landschaftsplanner » ; · restauration de paysages dégradés (IBA/IGA). Questionnement : · la notion de paysage « naturaliste » mise en oeuvre est-elle si différente dans ses résultats de la vision de la CEP qui s'applique à tous les espaces ? Le résultat de la démarche donne des paysages cohérents, sans que sa perception soit au coeur de la planification ; · comment s'articulent le plan d'aménagement paysager et le document d'occupation des sols ? Les acteurs rencontrés · Chercheurs, paysagistes bi-nationaux Contexte national - 357.000 km² - 82,8 M.hab. ­ 232 hab./km² - Capitale fédérale Berlin (3.5 M.hab.) Statut : république fédérale (Bund) ­ 16 états (Länder) dont 3 villes-États : Berlin, Brême et Hambourg ­ 430 arrondissements ou villesarrondissements, LandKreis, sous-ensembles des régions administratives ou districts (Bezirke) qui, eux, n'existent pas partout ­ 12.000 communes (Gemeinde) Organisation territoriale · L'Allemagne est une république fédérale régie par la Loi fondamentale (Grundgesetz). Elle possède un parlement bicaméral, le Bundestag et le Bundesrat (Conseil fédéral, qui réunit les représentants des Länder). Le Bund a des compétences à l'échelle nationale : affaires étrangères, défense, nationalité, monnaie, frontières, etc. L'organisation territoriale de l'Allemagne comporte plusieurs échelons locaux, dont certains sont propres à certaines Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 74/173 · · · zones. Le Bund ne dispose pas de structures déconcentrées importantes et n'a pas de lien avec les collectivités locales. Chaque Land a sa propre constitution, un parlement et un gouvernement. Il est souverain en matière de culture, de police, de droit communal et peut lever des impôts. Il peut égiférer, sur certains domaines (droit, logement, énergie, circulation routière...), auxquels s'ajoutent depuis 2006 de nouvelles compétences (enseignement supérieur, aménagement du territoire, protection de la nature, conservation des sites naturels...). Les Länder sont divisés en « régions » administratives qui permettent surtout la planification. Le Landkreis, arrondissement à la fois collectivité locale et circonscription administrative du Land, est soit « rural » soit « urbain » suivant les cas. Les villes-États de Berlin, Hambourg et Brême ne comptent aucun Landkreis. Chaque Kreis comprend un conseil élu et un exécutif, met en oeuvre les politiques publiques de sa compétence (autoroutes, hôpitaux...). Les arrondissements ont un rôle de péréquation entre communes et peuvent obliger les plus petites à s'associer. Les Gemeinden (communes) ont une structure et des règles d'organisation et de fonctionnement variables selon le Land. Elles sont dirigées par un conseil et un exécutif élus. Elles ont, de nos jours, des pouvoirs limités : (zones d'activités, politiques culturelle et commerciale locales, écoles, santé, action sociale, mais aussi habitat, et protection des paysages). Elles peuvent coopérer sous plusieurs formes, en particulier : · la convention de délégation de certaines compétences à une commune mandataire, · le syndicat de communes, quelquefois obligatoire, · l'association des métropoles et de leurs zones péri-urbaines, à l'image des communautés urbaines françaises, Urbanisme et aménagement du territoire · La planification spatiale se fait au niveau fédéral (Bund), au niveau du Land, et à l'intérieur du Land, à l'échelle des « régions » ou districts (Bezirk) et au niveau de la commune (Gemeinde). Il existe en Allemagne une relation étroite entre la planification spatiale et le paysage (au sens de paysage naturel). Le législateur considère que, dans ce pays densément urbanisé, où la nature est soumise à de fortes pressions et où l'espace ouvert est rare, le développement ne peut avoir lieu que sur la base d'une planification précise et avec le souci d'économiser les surfaces. Un des principes de la loi (compensation/substitution) est que toute personne responsable de la destruction de valeurs environnementales doit une compensation, sous forme financière ou d'apport de terrains. Ce système nécessite une sorte de planification des territoires de compensation qui arrive à ses limites, et une harmonisation des réponses des Länder. · Au niveau du Land, les plans régionaux sont élaborés soit par l'autorité du Land, soit confiés à des groupements de collectivités locales, associations territoriales qui ne correspondent pas nécessairement aux limites administratives, lorsque le territoire du Land comprend « des aires d'influence de plusieurs centres urbains de niveau supérieur ». Ces « régions de planification » (Planungsregionen) élaborent le document régional mais doivent le faire approuver par le Land. Il y a au total 103 régions de planification · La planification territoriale au niveau communal (Bauleitplanung) se fait via : le plan de zonage (Flächennutzungplan) contraignant seulement pour les autorités planificatrices, Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 75/173 les plans de développement (Bebauungsplan), qui ne portent que sur certaines parties bâtie de la commune et sont opposables directement aux citoyens. De manière générale, les documents de planification ne sont juridiquement contraignants que pour les autorités publiques en charge de la planification aux différents niveaux. Politique du paysage La Convention européenne du paysage (CEP) n'a pas été ratifiée par l'Allemagne, celle-ci estimant, selon certains de nos interlocuteurs, que ses dispositions seraient endeçà de ses pratiques actuelles. Ce sujet semble faire débat dans le pays. La conception « écologique » du paysage à l'allemande inclut toutefois une dimension culturelle et une participation citoyenne à l'élaboration de la planification paysagère qui ne la rendent en effet pas étrangère à la CEP. La politique du paysage obéit au même système hiérarchisé que pour la planification : · Les Länder adoptent les objectifs de la loi fédérale et rédigent des lois de protection de la nature et du paysage propres (Landesnaturschutzgesetz), adaptées à leur territoire. Elles écrivent les programmes de paysage (Landschaftsprogramm), outils stratégiques à leur échelle, qui définissent les objectifs et les règles de base pour la protection, la gestion et la planification dans chaque Land. Ces objectifs sont intégrés dans la planification territoriale de chaque Land (Landesplanung). · Les districts (Regierungsbezirke) ou les arrondissements (LandKreis), (en fonction de l'organisation de chaque Land) élaborent les plans-cadres de paysage (Landschaftsrahmenplan) : ces documents à l'échelle (1/100.000° à 1/25.000°) contiennent des informations exhaustives sur l'état actuel du paysage : ressources, sol, eau, climat et air, espèces et habitats, « mise en scène » du paysage, zones ouvertes, ainsi que sur les objectifs de protection, de gestion et de planification. La participation citoyenne joue un rôle significatif dans leur élaboration. Ces plans sont intégrés à la planification territoriale correspondant à ce niveau (Regionalplanung). · Les communes (Gemeinden) mettent en oeuvre les plans d'aménagement paysager (Landschaftsplan), à leur échelle (1/10.000° à 1/5.000°), qui précisent et mettent en oeuvre les mesures des plans-cadres de paysage. Ils définissent les objectifs paysagers, les usages du paysage, les limites du développement urbain. La participation citoyenne est importante dans leur élaboration. Ils ont un impact sur les stratégies urbaines de développement en s'intégrant dans la planification territoriale locale. Il existe aussi un document à l'échelle inférieure, qui planifie certains secteurs locaux, surtout les espaces ouverts et espaces verts, le plan de développement vert (Grünordnungsplan) à une échelle très locale (1/2.500° à 1/1.000°). La conception paysagère allemande Au concept de paysage en Allemagne correspondent différents mots dérivés de Landschaft, et notamment, dans les textes réglementaires, les mots Landschaft et LandschaftBild : le premier relevant plutôt du paysage géographique (dont l'esthétique n'est pas exclue), le second du paysage sensible, peut-être plus proche de la nôtre. Le paysage sensible, hérité de la vision romantique du XIX° siècle, a abouti au début du XX°siècle à des législations nationales dans différents pays d'Europe y compris en Allemagne (en Prusse en particulier) sur la protection des paysages emblématiques. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 76/173 L'Allemagne, avec la Suisse, a été le premier pays européen à incorporer la gestion du paysage dans sa législation. Elle a adopté en 1976 la loi fédérale de protection de la nature (Bundesnaturschutzgesetz), où s'inscrit la planification paysagère (Landschaftsplanung). Dès le début, la conception allemande du paysage dans cette loi, qui imprègne actuellement toute la planification, s'appuie principalement sur sa dimension écologique. Lors de la réunification, après 2002, une nouvelle loi fédérale de protection de la nature a été adoptée, incluant le réseau Natura 2000 et les lois antérieures des deux pays. Les politiques de planification paysagère sont conduites par l'Agence fédérale de protection de la nature (Bundesant für Naturschutz) Bien que l'objectif principal de la loi concerne la nature, le paysage reste une des composantes de la protection et de l'amélioration des écosystèmes. On lit dans les « Dispositions générales » de la loi : « Nature et paysage doivent être protégés en raison de leur valeur intrinsèque, comme fondement de la vie et de la santé des personnes, pour les générations futures, dans les zones peuplées ou non. La diversité biologique ; le fonctionnement de l'écosystème (y compris la capacité de régénération et de l'utilisation durable des produits naturels) ; la diversité, l'originalité, la beauté et la valeur récréative de la nature et du paysage ; sont fixés à long terme. » Ces dernières notions sont reprises un peu plus loin, en précisant qu'elles « doivent être assurées en permanence, en particulier en ce qui concerne : 1) les paysages naturels et les paysages culturels historiques, afin de préserver leur culture, leur bâti et les monuments archéologiques de la défiguration, de l'étalement urbain et autres déficiences ; 2) les fonctions de loisirs de la campagne, qui doivent être réglementairement identifiées et rendues accessibles. » La loi fédérale fixe treize objectifs, dont : la préservation de l'équilibre naturel ; la préservation et la disponibilité des zones non urbanisées et des sols ; la préservation des grands paysages contre les atteintes liées à l'exploitation des ressources naturelles et les mesures de réaménagement paysager ; la protection et amélioration des plans et cours d'eau ; la pollution ; le climat ; la sauvegarde de la végétation, de la faune et de ses biotopes ; la préservation et l'accessibilité de zones de loisir ; la préservation des caractères originaux des paysages ruraux et du patrimoine agraire et naturel. La loi comporte aussi des mesures de connaissance, formation, gestion, protection et planification des paysages qui promeuvent un développement économique et social compatible avec l'équilibre territorial et l'amélioration de la qualité des paysages. Sur le territoire allemand, le paysage est de la responsabilité de tous : les citoyens, qui sont associés à l'élaboration d'un certain nombre de documents à l'échelle des districts et des communes ; les organismes et les institutions, qui doivent adopter des règles paysagères et les mettre en oeuvre. Comment le paysage s'intègre-t-il à la planification territoriale et urbaine ? On a vu que l'Allemagne met en oeuvre une vision essentiellement géographique et naturaliste du paysage. Cette conception très descriptive du paysage par typologies est beaucoup plus facile à quantifier et à inclure dans des documents de planification. La méthodologie de description est très cadrée, la plupart des Länder ayant publié des méthodes d'élaboration des plans d'aménagement paysager, ce qui harmonise les contenus et les procédures à l'intérieur de chaque Land. On aboutit ainsi à un zonage Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 77/173 très analytique avec de nombreuses cartes thématiques (voir ci-dessous plan d'aménagement paysager communal). La loi fédérale prévoit que les documents de planification paysagère de chaque niveau territorial doivent être intégrés aux planifications territoriales et urbaines des niveaux correspondants, accordant à la planification paysagère la valeur et les effets juridiques de la planification territoriale, comme prévu par le code de la construction (Baugesetzbuch). Cette intégration peut se faire de deux façons : · soit par « intégration primaire » (Primärintegration) : les outils paysagers sont conçus directement comme partie intégrante des plans urbains et territoriaux (Rhénanie-Palatinat, Bavière, Hesse) ; · soit par « intégration secondaire » (Sekünderintegration) : via un processus de pondération et d'évaluation (Abwägung), le contenu des documents paysagers, initialement élaborés de façon autonome, sont en partie ou en totalité intégrés aux plans urbains et territoriaux (Bade-Wurtenberg, Schleswig-Holstein et Sarre). L'ancienneté des politiques de protection et de gestion du paysage, le système hiérarchique, le fait que le gouvernement fédéral subventionne l'élaboration et la mise en oeuvre des plans d'aménagement paysager, enfin le système de compensation/substitution, applicable à tout projet qui touche des valeurs environnementales, contribuent à garantir la cohérence des politiques et le respect des objectifs de qualité paysagère sur tout le territoire. Ils garantissent aussi la participation citoyenne dans l'élaboration des différents outils. Cependant, selon une étude de l'Observatoire catalan du paysage144, le fait même que tout ce système de planification soit très établi, rigide et soigneusement balisé, rend très difficile de proposer de nouveaux outils d'aménagement paysager qui ne soient pas déjà prévus par la loi fédérale, malgré les effort de diverses organisations de la société civile pour inventer un système plus souple qui permettrait d'inclure d'autres types d'initiatives. Contenu d'un plan d'aménagement paysager communal (Landschaftsplan) Le document du plan d'aménagement paysager est divisé en trois parties : 1) inventaire et évaluation, 2) objectifs de planification, 3) mesures de planification. Le contenu de ce document conduirait à le qualifier, en France, de plan d'écologie et de paysage. Les plans d'aménagement paysager, principalement basés sur la dimension écologique du paysage, comprennent de multiples aspects concernant la protection, la conservation, la régénération et le développement de la nature et du paysage (unités paysagères, caractères du paysage à protéger, restauration, réhabilitation et amélioration, etc.), ainsi que l'analyse de l'évolution historique du paysage : les cartes sont nombreuses : eau, biodiversité (espèces végétales et animales) sols, agriculture, tourisme, loisirs, végétation, sous-sols, biotopes, types de paysages, patrimoine bâti ou naturel, protections. Les plans visent notamment à réduire la consommation des terres et l'impact paysager, à promouvoir la qualité de vie des populations et donc l'attractivité et le développement économique, à garantir l'intégrité des écosystèmes et de la gestion des ressources en eau, à développer les usages récréatifs et le tourisme, en facilitant l'accessibilité des zones naturelles et rurales à travers des 144 « la planificatió del paisatge en l'ambit local a Europa » étude comparative réalisée par Observatoire catalan du paysage, septembre 2014, pp 16-17, et pp 30-33. Démarches paysagères en Europe Page 78/173 Rapport n°010731-01 « connecteurs verts », à promouvoir les produits locaux et à accroître le sentiment d'identité locale. Le plan d'aménagement paysager apparaît ainsi chargé de multiples missions très concrètes dont l'aspect « visuel » n'est qu'une des facettes. Les cartes répertorient des connaissances, avec des zonages, de surfaces et de symboles, sans aucun aspect sensible, comme le montre la carte de synthèse du plan d'aménagement paysager de la ville de Winnenden (28.000h ­ Bade-Wurtemberg) ci-dessous, avec sa légende traduite en Français. Le Landschaftplan de Winnenden (2015) En matière d'objectifs, par exemple le plan d'aménagement paysager de la ville de Norderstedt (Schlesvig-Holstein), approuvé en 2007, (exemple pris par l'étude catalane) bénéficie d'un financement public. Il poursuit les objectifs suivants : (A) la protection et la création de réseaux écologiques; (B) la protection, la restauration, l'amélioration, le développement et l'entretien de certaines parties de la nature et du paysage, en assurant une utilisation récréative qui respecte la nature; (C) la protection, la restauration, le développement et l'entretien des habitats et des espèces végétales et animales sauvages, et des biotopes protégés par la loi; (D) la protection, la régénération et l'amélioration de la qualité de la terre, de l'eau, de l'air et du climat; (E) l'élimination ou la réduction des effets négatifs sur l'environnement naturel; (F) le maintien et le développement de la diversité, de l'originalité et de la beauté de la nature, et (G) la protection et le soin des paysages culturels historiques et autres paysages particulièrement importants. On voit que le contenu du plan d'aménagement paysager de Norderstedt est fortement concentré sur l'étude et l'évaluation de l'écologie du paysage. Dans la dernière partie du plan (mesures de planification) sont définies les mesures et les actions de protection et de gestion de la nature et du paysage à mettre en place. Y participent tous les acteurs impliqués : administration publique locale, services gouvernementaux concernés, propriétaires fonciers, utilisateurs, grand public, planificateurs, associations, ONG, etc. Le contenu de cette phase doit être d'accès facile afin d'améliorer les chances de réussite dans la mise en oeuvre. De même, les mesures sont décrites dans le détail, avec un calendrier de mise en oeuvre, des mesures de communication et des précisions sur les modalités de mise en oeuvre (comment, où et avec quel soutien financier). La restauration des territoires dégradés : les IBA et les IGA L'Allemagne a mis en place des procédures particulièrement intéressantes de restauration des territoires dégradés, les IBA (Internationale Bauaustellungen, littéralement « expositions internationales de bâtiment »). Elles sont nées dans les années 50, dans le cadre de la reconstruction d'après-guerre. Il s'agit d'opérations pilotées au niveau fédéral pour régénérer les quartiers et les friches industrielles. Un appel à projets est lancé tous les dix ans aux villes d'Allemagne, chaque candidate étant évaluée à partir d'une proposition de programme. La lauréate reçoit du niveau fédéral et du Land de quoi rémunérer pendant la décennie une équipe pluridisciplinaire destinée à concevoir, puis à conduire le projet de réhabilitation. L'équipe et le directeur de projet sont totalement indépendants des structures administratives pré-existantes (ce qui peut engendrer des tensions avec les équipes techniques en place). Ils sont chargés de rechercher les investisseurs et les sources de financement nécessaires à la réalisation et à la gestion ultérieure du projet. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 79/173 Le paysage est de plus en plus un levier d'action dans le cadre de cette procédure. Des IGA (Internationale Gartenaustellungen, littéralement « expositions internationales de jardins») sont désormais programmées. L'opération la plus connue est celle de l'Emscher Park, dans la Ruhr, qui a commencé en 1999 et est pilotée par le paysagiste Karl Ganzer. L'un des enjeux importants est la reconquête d'un sol et d'une eau gravement pollués par les activités industrielles qui se sont développées dans cette vallée depuis plus d'un siècle. La nouvelle génération des IBA sera intéressante à suivre car elle introduit (parfois de manière conflictuelle) une dimension participative. C'est le cas du secteur de l'aéroport de Tempelhof, à Berlin (contexte de conflit aigu avec la population locale, lors d'une première tentative), ou du quartier de Willemsburg, à Hambourg (50 acteurs dénombrés dans ce dernier cas). Selon les mêmes principes ­ appel à projets pour restauration urbaine et paysagère, équipe indépendante, durée décennale ­ déclinés à l'échelle du Land, puis de l'agglomération, des Bundesgartenschau et des Landesgartenschau se sont récemment développés. Parfois initiés par la filière horticole, ils permettent notamment d'organiser des expositions d'une durée de six mois, avec des éléments temporaires, mais aussi définitifs. Le Land de Rhénanie du nord-Westphalie organise quant à lui des « Regionale », procédures opérationnelles comparables sur des espaces dont on s'interroge sur l'avenir ex : le Zwischenstadt (entre-deux-villes) entre Cologne et Bonn visant à constituer à cet endroit une Grüne Metropole. Au total, les IBA/IGA et leurs déclinaisons à plus petite échelle restent des outils d'exception, mais les résultats concrets qu'ils obtiennent et la procédure qu'ils mettent en oeuvre ont une influence importante sur les territoires « ordinaires ». La profession de paysagiste Les trois professions liées à la conception de l'espace, architectes, urbanistes et paysagistes, sont chacune organisées au niveau de chaque Land en Kammer qui sont l'équivalent des ordres professionnels en France ; l'inscription dans un Land vaut autorisation d'exercice de la profession dans toute l'Allemagne. L'accès au grade de docteur en paysage (ou en architecture ou en urbanisme) dépend à la fois des travaux académiques réalisés, mais aussi du bilan de l'activité professionnelle pratiquée et de la capacité à la théoriser. Selon un de nos interlocuteurs, la limite de ce qui apparaît comme une reconnaissance professionnelle est le compartimentage des trois disciplines, l'exercice de la profession de paysagiste étant lui-même subdivisé en « projet » (Entwurf) permettant la conception de parcs et d'espaces publics urbains et « planification » (Plannung) permettant les interventions sur le « grand paysage ». De ce fait, il est difficile de suivre un projet complexe nécessitant la mise en oeuvre conjointe des trois spécialités (construction, végétal, design urbain). De même pour un maître d'ouvrage, ce type de compartimentage rend difficile l'énoncé d'une « question ouverte » sur le territoire. A retenir : A notre avis, ce système permet d'inclure dans la planification des considérations de préservation de la nature, de trame verte et bleue, d'équilibre des zones agricoles et forestières, et de protection des paysages historiques. En ce sens il participe et influence fortement le projet de planification. De même, les plans de développement vert permettent d'intégrer une trame verte à l'échelle des quartiers. Tout ce système Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 80/173 fait appel au zonage, même quand il s'agit de nature. Les perceptions visuelles ne sont toutefois pas exclues, on trouve par exemple des préconisations du type « préserver la vue sur le pont ». Cette planification paysagère oblige à réfléchir de manière approfondie à la constitution de l'espace, qui aboutit à des paysages pensés, mais peut-être de manière plus fonctionnelle que sensible, tout au moins au stade de la planification. Toutefois, sur le terrain, comme à Francfort par exemple, l'articulation des zonages se fait de manière très pensée, et des fonctionnalités apparemment incompatibles (zones agricoles, urbanisation, zones de loisirs, axes de transports) se juxtaposent de manière cohérente : les projets de paysage étant confiés à des professionnels chevronnés et reconnus qui, eux, prennent en compte l'espace à trois dimensions, les aspects sensibles et la concertation avec la population. Politiques nationales - Une loi fédérale de protection de la nature où s'inscrit la planification paysagère à tous les échelons. - Un plan d'aménagement paysager subventionné, d'échelle communale et non pas à l'échelle de l'unité paysagère. En pratique, la presque totalité du territoire est couverte. - Le plan est facultatif, mais s'il est décidé, il est contraignant une fois approuvé et s'applique au document d'occupation des sols Prise en compte - les populations sont associées à l'élaboration des documents des populations de planification paysagère à l'échelle des districts et des communes ; - la qualité de vie, le tourisme, l'accès à la nature, les usages récréatifs sont pris en compte . Profession - Une profession structurée et reconnue, mais trop compartimentée - En nombre satisfaisant (7000 paysagistes contre 2000 en France) sans compter les paysagistes dans le secteur public Maîtrise d'ouvrage Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 81/173 Pays : Belgique ­ Région Wallonne Source : recherches bibliographiques et visite du 15 février 2017 Problématiques initiales identifiées Détection, par le biais de la documentation du Conseil de l'Europe et d'une étude comparative réalisée par Observatoire catalan du paysage, d'une politique d'atlas de paysage. Intérêt : Une politique avec au niveau régional, un cadre juridique d'aménagement du territoire, qui prescrit explicitement la prise en compte du paysage dans les documents communaux d'urbanisme, des « atlas » normalisés par « ensemble paysager » à l'échelle du pays et fixant des «objectifs de gestion paysagère», et des « programmes de paysage », outil local volontaire, pouvant aboutir à des actions à court, moyen et long termes sur les territoires intercommunaux. Questionnement : Cette politique est-elle la même dans les deux autres régions (flamande et capitale ?) Dans quelle mesure est-elle opérationnelle ? Comment le raisonnement par unités paysagères des atlas s'applique-t-il aux communes ? Commentse met en place la concertation ? Les acteurs rencontrés · Niveau régional : Gouvernement : Direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie de la région Wallonnie (DGO4). · Niveau local (projet de territoire) : Parc naturel des plaines de l'Escaut · Milieu universitaire : Université libre de Bruxelles . · Paysagiste et urbaniste libéraux, enseignants, maîtres d'oeuvre. Contexte national La Belgique - 30.528 km² - 11,3 M.hab. ­ 368 hab./km² - Capitale : Bruxelles (180.000hab. région Bruxelles-Capitale 1,2 M.hab. agglo. 2,7 M.hab.) Statut : monarchie constitutionnelle fédérale ­ un état central ­ 3 communautés linguistiques et 3 régions territoriales ­ 10 provinces subdivisées en arrondissements ­ 589 communes. Organisation territoriale belge · Le pays est divisé depuis 1970 en trois communautés linguistiques et trois régions territoriales. Il est composé de deux groupes principaux : les néerlandophones (57 % de la population) majoritairement dans la région de Flandre, au nord, et les francophones (43 % des Belges) majoritairement dans la région de Wallonie, au sud, auxquels s'ajoute un petit groupe de Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 82/173 · germanophones, représentant moins de 1% de la population (environ 80 000 personnes, dans l'est de la Wallonie). Une troisième région, celle de BruxellesCapitale, bilingue, de 19 communes, est une enclave majoritairement francophone en Région flamande. Les trois régions disposent d'une très grande autonomie en particulier dans les domaines de l'économie, de l'emploi, de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, de l'agriculture, des travaux publics, du logement, du tourisme, de l'énergie, de l'environnement, etc. Elles ont également compétence sur l'organisation des pouvoirs locaux (dont la commune) : composition, compétences, fonctionnement et financement, tutelle, règles électorales, statut du personnel des pouvoirs locaux. Les Régions peuvent également augmenter le nombre des communes ou les fusionner. Politique du paysage La CEP a été ratifiée par l'État en 2004, après ratification par chacune des régions et communautés. (Le niveau fédéral n'a aucune préséance par rapport aux entités fédérées dans leurs domaines de compétences.) Son application est du ressort des régions. L'approche est différente entre le nord et le sud du pays, aboutissant à des typologies paysagère différentes : · En Flandre, un premier atlas en a été publié en 2001 par le ministère flamand sur la base d'un inventaire des paysages traditionnels utilisé dès 1993. Depuis 2004, l'Agence Flamande pour le Patrimoine Immobilier (Vlaanderen Agentshap Onroerend Erfgoed) est chargée de l'actualisation et de la gestion de l'Atlas. · En Wallonie (voir plus loin), la région s'appuie sur la Commission Permanente du Développement Territorial (CPDT), plate-forme de recherche et d'échanges pour rédiger les atlas de paysage, conçus comme des documents scientifiques, en y incluant les objectifs de qualité paysagère. Contexte wallon - 16.844 km² - 3,6 M.hab. ­ 213 hab./km² - Capitale Namur (111.000 hab. (arrondisst 316.000 M.hab.) Statut : entité fédérée.de wallonne - 5 provinces - 20 arrondissements - 262 communes la région Documents de planification territoriale en Wallonie La région wallonne a la compétence de l'aménagement du territoire et l'urbanisme. Un nouveau « Code du développement territorial », qui devait être promulgué en 2017, le fait passer d'une approche réglementaire à une approche de négociation et de projet. La région s'est dotée d'un outil d'orientation : le SDER (Schéma de développement de l'espace régional) : il exprime les options d'aménagement pour l'ensemble du territoire wallon qui sont ensuite traduites au niveau communal. Il est aussi chargé de mettre en oeuvre les plans de secteur, la gestion du paysage la rénovation urbaine, etc. A l'échelle des 20 arrondissements, 23 plans de secteur ont été élaborés par la région et portent sur le zonage, les mesures d'aménagement et les voies de communication. Ils subdivisent le territoire en différentes zones constructibles (habitat, zones industrielles et artisanales, services, équipements communautaires et de service Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 83/173 public, zones de loisirs) ou non constructibles ou à constructibilité ciblée (zones agricoles, forestières, espaces verts, zones d'extraction, etc.). Une réforme est envisagée en vue de rénover ces plans déjà anciens, rigides et conçus sur des prévisions de croissance trop élevées. Les compétences communales sont très larges, couvrant tout ce qui relève de « l'intérêt communal » (les besoins collectifs des habitants). Un schéma de structure communal (ou pluri-communal) peut être établi, non obligatoire, et sans valeur réglementaire. Il s'agit d'une planification opérationnelle basée sur des programmes d'actions, sur l'ensemble du territoire communal. Il est impératif pour les investissements communaux, obligatoire contractuellement pour toute personne qui perçoit des subventions et qui, en contrepartie, doit prendre des engagements en vue d'exécuter le schéma de structure. Le schéma de structure communal s'appuie, en particulier, sur l'identification de la structure paysagère du territoire communal. Nombre de communes bénéficient ainsi d'une cartographie relativement détaillée des paysages communaux, l'échelle de la commune wallonne étant en moyenne de 64 km² (France : 15 km²) ­ une politique de fusion engagée en 1977 au niveau national a fait passer leur nombre de 2500 à 589 ­ Elles peuvent utiliser les services d'un « CATU », conseiller en aménagement du territoire et urbanisme, pas obligatoire, mais subventionné, qui est assisté d'une Commission consultative d'aménagement du territoire (CCAT). Politique du paysage en Wallonie La Région wallonne a ratifié la Convention européenne du paysage en 2001. La DGO4 (Direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie) intervient sur la gestion des paysages remarquables protégés par un classement ; la réhabilitation de paysages dégradés ; les paysages ordinaires, via l'urbanisme et l'aménagement. En Wallonie, le paysage est abordé indirectement dans les textes. Le Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine (CWATUP) précise que « Le territoire de la Région wallonne est un patrimoine commun de ses habitants. La Région et les autres autorités publiques, [...] sont gestionnaires et garants de l'aménagement du territoire. Elles rencontrent de manière durable les besoins [...] de la collectivité par la gestion qualitative du cadre de vie, par l'utilisation parcimonieuse du sol, [...] et par la conservation et le développement du patrimoine culturel, naturel et paysager. » Ainsi le paysage est considéré comme critère de référence pour certaines procédures et actes d'aménagement, avec l'obligation d'intégrer la dimension paysagère dans les documents d'aménagement : plan de secteur, schéma de structure communal. En outre le CWATUP prend le paysage dans une acception large, sensible. On notera par exemple plusieurs dispositions s (comme l'article 113), qui conditionnent certaines dérogations, « pour autant que les actes et travaux projetés soit respectent, soit structurent, soit recomposent les lignes de force du paysage ». Cette légalisation implique donc que le paysage doit être pris en compte dans certaines procédures et mesures de gestion et dans les documents de planification comme les plans de secteurs des arrondissements, ou les schémas de structure communaux. On note l'existence des programmes de paysage, de nature volontaire, qui contribuent à protéger des domaines spécifiques. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 84/173 Comptes-rendus des rencontres Politiques paysagères En matière de connaissance, de formation et de sensibilisation, on notera différents inventaires et publications au niveau régional, mis en oeuvre par la région avec des associations ou organismes : · inventaire des périmètres d'intérêt paysager et des points de vue remarquables ; inventaires du patrimoine ; · atlas de paysages ; · publications et ouvrages relatif à l'intégration paysagère des constructions en milieu rural, sur la prise en compte du paysage dans l'aménagement ou la gestion de l'espace rural ; Ces actions sont mises en oeuvre par la DGO4 ou avec des associations ou organismes : · L'ADESA (Action et Défense de l'Environnement de la vallée de la Senne et de ses affluents), association active sur le patrimoine naturel, paysager et bâti, le cadre de vie. Dont le champ d'action s'est étendu sur toute la Région. · La Commission Permanente du Développement Territorial (CPDT) dispose d'un statut officiel. Cette plate-forme de recherche, de formation et d'échanges rassemble des universitaires chercheurs. Elle a une vocation d'expertise et de recherche, de diffusion et de formation dans l'aménagement du territoire et de l'urbanisme. Elle reçoit des subsides de fonctionnement et de recherche, dont l'identification des paysages de Wallonie. · Au niveau local, nombre d'actions sont menées par différentes associations, souvent encouragées par la DGO4 (observatoire photographique du paysage, études paysagères, réalisation d'atlas communaux du paysage, centre d'interprétation du paysage...). · Une « plate-forme paysage » d'échanges et de cohérence des projets paysage initiée et financée par la DGO4 en 2006 réunit à cet effet les différentes structures publiques menant une action dans ce domaine : parcs naturels, contrats de rivière, groupes d'action locale (GAL), associations, CPDT. Les atlas de paysage Dès 2001, la Région wallonne a confié à la CPDT la mission d'identifier et de caractériser les paysages wallons. Une première étape a abouti à identifier 79 territoires paysagers regroupés en 13 ensembles. Cette démarche a fait l'objet d'une publication intitulée " Les territoires paysagers de Wallonie", qui couvre toute la région, à l'échelle du 1/50.000e. Pour chacun des 13 ensembles identifiés, des Atlas des paysages plus approfondis sont programmés, à l'échelle du 1/20.000e. Dédiés à une analyse des paysages et de leurs évolutions, ces outils de connaissance, de sensibilisation et de gestion des paysages à l'échelle d'un ensemble paysager sont publiés au rythme d'un tous les deux ans. Cinq atlas ont été publiés mais le rythme risque de baisser faute de moyens suffisants. Les atlas comprennent une table des matières identique pour chacun : paysages, contexte, histoire, dynamiques, « regards sur le paysage » (voir ci-après), les « aires paysagères » (unités) ou territoires paysagers, les enjeux, les pistes d'action et mesures à prendre. Les atlas contiennent ainsi les objectifs de qualité paysagère fixés par la Convention européenne du paysage. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 85/173 Chaque atlas comporte un chapitre intitulé « des regards sur le paysage» : une enquête est menée auprès d'acteurs locaux (associations, élus régionaux, intercommunaux ou communaux, organismes, acteurs du monde culturel, du monde agricole ou forestier, etc.) habitant la région et considérés comme des porte-parole de la population. Le but est de mieux cerner la façon dont ces acteurs perçoivent leurs paysages et leur avenir. Cette vision subjective et vivante complète l'approche objective menée dans l'atlas et aboutit parfois à remettre en question les délimitations de certaines aires paysagères proposées par l'étude. Les atlas de paysage se veulent scientifiques, objectifs et incontestables. C'est la raison pour laquelle ils sont confiés à un réseau d'experts et d'universités, et non pas sous-traités à des bureaux d'études. La dimension concertation est prise en compte, par les sociologues et, on l'a vu, par la rubrique « regards », mais plutôt en aval du processus. C'est une des limites de l'exercice, tout comme le fait que ces documents, largement publiés et diffusés, ne sont pas soumis à approbation des autorités locales. Les atlas sont considérés comme un support à toutes sortes d'actions (découverte de paysage, réseau des « voiries lentes » Ce sont des documents de référence et d'orientation sans valeur réglementaire, très précis, destinés à aider les décideurs, ou à fournir des argumentaires aux citoyens, bureaux d'études, écoles, associations. Ils sont en particuliers utilisés par les Commissions consultatives communales d'aménagement du territoire et de mobilité (CCATM), organes consultatifs créés par les communes qui le souhaitent. Une fois créées, ces commissions sont obligatoirement consultées pour certaines matières et peuvent se saisir de sujets locaux. Un projet de territoire : Le parc naturel des plaines de l'Escaut Le parc naturel des plaines de l'Escaut est un des dix parcs naturels de Wallonie, créé par décret sur la base d'une démarche locale. Le parc comprend six communes et existe depuis 20 ans ; il compte 63.000 habitants sur une superficie de 26.500 ha. et emploie une vingtaine de personnes. Un Groupe d'Action Locale (GAL) vient de se créer sur le même territoire pour s'inscrire dans le programme de développement rural de Wallonie, afin de bénéficier des subventions européennes (LEADER). En Wallonie, en milieu rural, la planification se fait via deux outils : le schéma de structure communal (ou le schéma pluricommunal) et le PCDR (programme communal de développement rural), en relation avec la fondation rurale de Wallonie (FRW), qui est une sorte d'établissement public financé par le ministère de l'agriculture régional. Les parcs sont consultés pour les permis de construire par les communes, mais aussi sur de multiples sujets, ce qui a incité à mettre en place des chartes paysagères. Dans les parcs, contrairement aux autres territoires, les programmes de paysage sont obligatoires. Le paysage est un marqueur important qui peut être convoqué dans de nombreux domaines : connaissance, urbanisme, espaces publics, vitrine pour les entreprises, tourisme, agriculture, filière bois/énergie. De ce fait, le parc naturel des plaines de l'Escaut intervient dans de multiples domaines par des opérations concrètes de petite échelle, mais très nombreuses : · actions et subventions sur de petits projets, plantations de haies, abords de fermes, entrées de villages et espaces publics ; · études sectorielles ; Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 86/173 · · sensibilisation du public (ex l' observatoire transfrontalier des paysages, les semaines de l'aménagement du territoire, organisées par thèmes (éoliennes, infrastructures, etc.); observatoire photographique transfrontalier avec le PNR Scarpe-Escaut voisin. Le parc mène une politique active vis-à-vis des agriculteurs : l'action « le paysage, pour une image restaurée des agriculteurs » permet d'aider à l'intégration sociale des agriculteurs, notamment en les rapprochant des populations de néo-ruraux qui leur sont parfois hostiles. Enfin, le parc a publié, dans le cadre de son « atlas des paysages », des fiches de recommandations portant sur les lignes de force du paysage, le patrimoine bâti rural, les lotissements, les clôtures, les panneaux photovoltaïques, etc... Les paysagistes : formation, recherche, organisation professionnelle Formation et recherche Il existe en Wallonie deux grands niveaux de formation dans le domaine : · « bachelier », en 3 ans, orientant soit vers l'architecture des jardins et l'aménagement des espaces publics (professionnalisant, à dominante pratique), soit vers des études de mastère (« bachelier de transition »), les deux achevés par un stage de 12 semaines · mastère, en 2 ans supplémentaires, formant à la profession d'architectepaysagiste et délivré à l'issue d'une formation universitaire théorique et pratique (en « haute école). Ce mastère est directement accessible aux titulaires du « bachelier de transition » et à l'issue d'une année « passerelle » pour les titulaires du bachelier professionnalisant, ou encore sur dossier pour les titulaires de certains diplômes comme celui d'architecte. Les études de bachelier et de master architecte paysagiste sont dispensées par trois établissements d'enseignement, qui travaillent en collaboration : · l'ISIa Gembloux (Institut Supérieur Industriel agronomique) ; · la faculté d'architecture La Cambre-Horta (Université Libre de Bruxelles) ; · Gembloux Agro-Bio Tech, intégré à l'Université de Liège, qui forme des universitaires et des ingénieurs dans les domaines des sciences agronomiques et de l'ingénierie biologique . Le cursus de formation se déroule en alternance sur les 3 sites (avec un stage de 12 semaines en bureau d'études ou collectivité locale en fin de 3è année) ; il se place explicitement sous l'égide de la CEP, avec cinq domaines d'acquisition de connaissance (habiter, percevoir, environnement, produire, maîtriser les outils transversaux (SIG, droit...), des ateliers de projets et le Travail de fin d'études (TFE). Un cours spécifique de gestion participative du projet est dispensé en 1ère année de mastère, avec un module « paysage et société » pour en fournir les bases théoriques. Un doctorat en paysage est en projet, car pour le moment, les architectes du paysage qui veulent disposer de ce titre doivent passer par l'architecture ou la bio-ingénierie. Il existe d'autres écoles de paysage en Flandre (Gand et Vilwoorde), mais pas de niveau mastère. Si par exemple on a besoin d'un bureau d'étude pour un atlas de paysage, c'est chez un géographe qu'on trouvera les compétences. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 87/173 Organisation professionnelle Avec le mastère on peut travailler et ouvrir son agence. Le titre n'est pas protégé. Il semble que les étudiants trouvent tous du travail. La formation compte beaucoup d'étudiants français. Les français disposant du seul BTS « jardins » doivent faire tout le cursus. Le diplôme est reconnu à l'étranger. De plus en plus de paysagistes vont dans le secteur public en Wallonie. Le niveau a beaucoup monté, du fait du travail considérable d'organisation de l'enseignement entrepris depuis une dizaine d'années. Avant le niveau était celui de bachelier, et les administrations belges n'engageaient de paysagistes que pour les parcs et jardins. Les appels de candidatures pour les postes publics commencent à évoluer mais pour aménager des espaces publics, on demande encore bien souvent un architecte. Il existe un ordre des architectes en Belgique. Pour ce qui est des paysagistes, il existe une « Association belge des Architectes de Jardins et des Architectes Paysagistes » (ABAJP). Les titulaires d'un mastère y sont inscrits d'office, les titulaires d'un bachelier doivent justifier de deux ans d'expérience professionnelle et présenter un dossier d'admission. L'ABAJP mène une action de reconnaissance du titre, de diffusion des informations et d'échanges sur la pratique professionnelle. L'ABAJP est membre de l'IFLA (International Federation of Landscape Architects). Elle compte environ 125 membres sur l'ensemble de la Belgique, essentiellement ceux qui pratiquent le métier à temps plein, ce qui est rare : en effet le marché est faible, très concurrentiel et bien souvent les paysagistes ont une autre activité. En Flandre, beaucoup de paysagistes font du jardin privé : il y a une tradition horticole en Flandre, due à la rareté et à la cherté du terrain, associée à un marché du petit plant qui a influencé le jardin. La sensibilisation au paysage Il existe, dans le primaire (éducation au milieu) des sensibilisations au paysage. Dans le secondaire il existe des modules, obligatoires dans certains cursus. Les enseignants, plutôt les professeurs de géographie dans le secondaire, dont le paysage est une des thématiques, ont besoin de mallettes pédagogiques ou d'aide de chargés de mission qui font des interventions. Ces aides ou des dossiers pédagogiques sont souvent fournis ou édités par différentes associations ou par la « fondation rurale de Wallonie » (FRW), qui est un organisme privé et indépendant, en charge de missions de service public, et qui oeuvre pour le développement des régions rurales en soutenant des projets économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Elle a réalisé par exemple une action de sensibilisation des enfants de 8 à 12 ans intitulée « le rôle de l'agriculteur dans la gestion de nos paysages ». Cette action est localisée sur le territoire du « Beau Canton » qui se situe entre deux structures géologiques différentes, l'Ardenne et la Lorraine. Elle y a constitué un « Parc des paysages », centre d'interprétation pour faire découvrir à tous ­ habitants et visiteurs ­ la richesse des interrelations entre l'Homme et son milieu. Les objectifs de l'activité pédagogique sont d'approcher la définition du paysage et de fournir les bases de la lecture d'un paysage ; de comprendre que le paysage évolue ; de différencier les acteurs du paysage (agriculteurs, forestiers, habitants, pouvoirs publics, ...) ; de comprendre que les agriculteurs sont des acteurs importants du paysage. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 88/173 A retenir : Politiques - un réseau informel mais très actif d'acteurs publics et nationales institutionnels, la « plate-forme paysage » réuni par (Région Wallonne) l'administration Wallonne. Il permet la mise en réseau des très nombreuses initiatives locales notamment en milieu rural. - un système d'Atlas de paysage réalisés par le gouvernement wallon et une équipe d'universitaires, avec une participation citoyenne plutôt en aval de leur réalisation. Ces documents intègrent les objectifs de qualité paysagère correspondant à leur territoire. Prise en compte Les « regards sur le paysage » des atlas des populations Profession des études d'« architecte-paysagiste » réorganisées depuis dix ans selon les recommandations de l'IFLA : mastère en cinq ans au programme référencé aux orientations de la CEP ; mis en place par deux universités et une « haute école ». Il s'agit d'une tendance européenne d'élévation du niveau d'études des professionnels du paysage. Maîtrise d'ouvrage Une culture nationale imprégnée de l'art des jardins. De plus en plus de paysagistes accèdent à la maîtrise d'ouvrage publique du fait de la montée du niveau des études. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 89/173 Pays : Espagne ­ Communauté autonome catalane Source : recherches bibliographiques et visite des 1, 2 et 3 février 2017 Problématiques initiales identifiées Détection d'une loi paysage catalane de 2005 dans la documentation du Conseil de l'Europe. Intérêt : · une stratégie interministérielle du gouvernement de la Communauté autonome Catalane (« llei del païsatge ») qui met en place un opérateur : l' « Observatori » ;. Atlas de paysage systématiques incluant des objectifs de qualité et aboutissant à des « directives ». · des chartes paysagères initiées et signées par les acteurs locaux au niveau de l'unité paysagère. · un programme d'éducation au paysage pour les écoles et collèges. Questionnement : comment se met en oeuvre localement cette loi, quels sont ses effets ? Quid de la profession de paysagiste ? Les acteurs rencontrés · Niveau Communauté autonome : Observatoire Catalan des paysages, sorte de Groupement d'intérêt public (GIP), réunissant essentiellement des personnes publiques, (administration, universités, organisations professionnelles, associations, collectivités). · Niveau local (projet de territoire) : Comarque, parc naturel, municipalités, associations. · Niveau local (projet de reconquête paysagère littorale) : municipalité, parc naturel, maître d'oeuvre, Université (directeur scientifique du projet) · Un paysagiste libéral, professeur à l'école du paysage de Barcelone, maître d'oeuvre. Contexte national L'Espagne - 506.000 km² - 46,5 M.hab. ­ 92 hab./km² - Capitale Madrid (agglo. 6 M.hab.) Statut : monarchie constitutionnelle ­ un état central ­ 17 communautés autonomes ­ 50 provinces ­ 8.112 municipalités Organisation territoriale · Les communautés autonomes disposent d'une grande autonomie et ont compétence sur l'aménagement, l'environnement, le développement économique, l'enseignement, la culture, la santé, la police... Elle comportent un Parlement, un président élu par le Parlement et nommé par le roi, et un exécutif. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 90/173 · · Les compétences des provinces, en général assez réduites, varient suivant les communautés autonomes. La gestion des communes est exercée par les mairies (en Catalogne ajuntament). Elles peuvent se regrouper : la comarca est un regroupement de municipalités qui peuvent avoir un rôle administratif, comme par exemple en Catalogne et en Aragon. la mancommunidad est une sorte d'intercommunalité à laquelle les communes délèguent une partie de leurs compétences afin de mutualiser des services. Urbanisme et aménagement du territoire Le droit de l'urbanisme est décentralisé, les 17 communautés autonomes ayant une très large compétence législative, en particulier sur l'aménagement du territoire, l'urbanisme, le logement. L'État conserve un certain nombre de prérogatives, égalités des droits, responsabilité des administrations publiques, etc. Le droit de l'urbanisme est fondé sur la classification des sols (urbanisé, urbanisable, non urbanisable) Un certain nombre de lois ont modernisé le droit, dont le décret législatif royal du 20/06/2008 (qui refonde le droit des sols dans une perspective de développement soutenable et de lutte contre la spéculation). Politique du paysage La Convention européenne du paysage (CEP) a été ratifiée en 2007 et entrée en vigueur en 2008. Le paysage était jusqu'alors abordé de façon latente dans des lois sectorielles sur les forêts, l'aménagement du territoire, les espaces naturels protégés, la protection du patrimoine historico-artistique et l'urbanisme. L'État a mis en place, par décret royal du 20 avril 2011, un inventaire préliminaire des paysages du pays, l'« Atlas des paysages d'Espagne » qui fournit un cadre pour les études et politiques régionales. Les Communautés autonomes mettent en oeuvre la CEP, chacune avec ses lois et à son rythme. L'Andalousie par exemple a publié un atlas des paysages andalous et approuvé en 2012 une stratégie du paysage ; le Pays basque a intégré la CEP par un décret de 2014 et lancé une politique d'inventaire en cours de 14 territoires, de manière participative en utilisant Internet, aboutissant à des objectifs de qualité paysagère et des plans d'actions proches de nos plans de paysage, etc. En Catalogne, la loi sur le paysage a été votée en 2005, anticipant la ratification nationale de la CEP. Contexte catalan - 31.950 km² - 7,6 M.hab. ­ 237 hab./km² - Capitale Barcelone (agglo.5,5 M.hab.) Statut : communauté autonome. - la Généralitat - quatre provinces (sept vigueries selon la loi catalane) - 41 comarcas - 946 municipalités Documents de planification territoriale en Catalogne : · « plan territorial partiel » pour chacune des 7 vigueries, approuvé par la Generalitat ; Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 91/173 · · · · « plan directeur territorial » pour chaque comarca, compatible avec la norme supérieure ; pour la région urbaine de Barcelone, un plan territorial général approuvé par la Generalitat ; certains secteurs urbains complexes disposent de « plans directeurs urbanistiques » (PDU, équivalents de nos SCOT) soumis à l'approbation de l'échelon supérieur ; la municipalité fait l'objet de « plans d'ordenacio urbanistics municipals » (POUM) d'un niveau comparable à nos PLU. Ils font l'objet d'un examen par une « commission territoriale urbanistique » (CTU) avant leur approbation. Comptes-rendus des rencontres Politiques paysagères L'Observatori a été fondé en 2004 et officialisé par la « Llei del Paisatge » (8 juin 2005) comme « organisme de soutien et de collaboration avec l'administration du gouvernement catalan ». La loi prévoit un « Fonds du paysage » notamment utilisé pour des opérations exemplaires et reproductibles de restauration du paysage dans les franges urbaines. Avec l'éclatement de la bulle immobilière, élément déclencheur du mouvement sociétal en matière de paysage qui avait abouti à la loi de 2005, le montant du fonds a beaucoup baissé. L'Observatoire a de nombreuses activités : · écriture des 7 atlas (catàlegs) de paysages, un par viguerie, approuvés de 2007 à 2014. Quatre ont déjà fait l'objet d'une édition pédagogique illustrée. Selon la loi, ces catalogues doivent être transcrits en obligations juridiques sous la forme de directrius dans chaque viguerie ; deux seulement sont approuvées à ce jour, certaines étant toutefois appliquées par anticipation. Les catàlegs ont défini des objectifs de qualité paysagère (à la différence des atlas français), selon un processus participatif équilibré entre population (via des réunions, des plateformes en ligne...), élus locaux et experts. activité de diffusion de la culture paysagère : nombreux colloques et ouvrages sur des thèmes parfois pionniers (« paysages et santé ») et interventions dans des revues grand public. Publication large d'un kit d'éducation au paysage, à l'usage des enseignants des collèges, élaboré avec des professeurs (géographie, sciences naturelles...) et des formations de formateurs. Il n'y a toutefois pas d'évaluation à ce jour. activités de consultance, au niveau central ou local. L'observatoire appuie les Cartas (chartes) del Paisatge d'échelle intercommunale : créées par la loi, elles n'ont pas vocation à couvrir l'ensemble du territoire catalan, mais ces documents de projets d'initiative locale, signés par l'ensemble des acteurs locaux reçoivent une « reconnaissance » de la Generalitat si elles sont conformes aux objectifs de qualité paysagère définis dans les catàlegs. Toutes ne sont pas reconnues (six l'ont obtenue) : échelle inappropriée, actions orientées vers le tourisme, la communication. L'échelle idéale doit être limitée à quelques unités paysagères maximum. · · Émergent actuellement des initiatives locales non prévues par la loi : plans de paysages, initiatives municipales, projets paysagers dans certains quartiers urbains (où le paysage devient outil d'intégration sociale, car l'urbanisme traditionnel ne correspondrait plus à l'aspiration sociétale à une gouvernance différente). Autre initiative « remontante » citée : le réseau « Wikipedra », recensement citoyen des cabanes de pierre sèche, avec 129 correspondants bénévoles. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 92/173 Bilan selon l'Observatoire : douze ans après sa promulgation, la Llei del Paisatge devrait faire l'objet d'une évaluation, voire d'une révision pour intégrer ces nouvelles initiatives locales. Il serait également utile de généraliser la mise en oeuvre des objectifs de qualité des catàlegs, au-delà de la planification urbaine, à l'ensemble des politiques sectorielles : infrastructures, agriculture, énergie notamment. Pour le moment, la loi ne prévoit que des « études d'impact et d'intégration paysagères » au sujet desquelles l'Observatori est régulièrement consulté, mais dont la prise en compte effective résulte d'arbitrages internes au gouvernement catalan. Afin de dépasser ces études d'impact et d'aboutir à de véritables doctrines paysagères sur les politiques sectorielles, il faudrait mettre en place un conseil consultatif national (plus officiel que le Conseil consultatif de l'Observatoire), permettant de rassembler les parties prenantes. Un des rares échecs signalé par l'observatoire en tant que conseil au gouvernement : le thème des éoliennes, où une proposition de « lignes directrices » n'a pas été mise en chantier, du fait du lobbying dans ce domaine. Pour les années à venir, l'Observatoire prévoit une stratégie décennale qui comporte dix domaines d'investigation, parmi lesquels : vivre et produire dans un environnement de qualité ; contribution du paysage au développement local ; création de nouveaux paysages de référence ; paysage et valeurs collectives ; paysage créateur d'emploi ; énergie et paysage, etc. Un projet de territoire : la Charte de paysage du Priorat Il s'agit d'un projet de territoire situé sur une comarca de 23 communes, intéressant à trois titres : un projet réellement impulsé et piloté par ses habitants, avec une volonté permanente de dépassement ; un projet fondé sur les ressources agricoles locales, avec une volonté de conserver la maîtrise» ; un projet qui aboutit à la création de nouvelles formes paysagères adaptées à « l'agriculture du 21e siècle ». 1- Un projet initié par les habitants : La Carta (charte) del Paisatge est née d'un sentiment de délaissement au début des années 90, après un long déclin et un fort exode rural. Un renouveau de la viticulture fait alors penser qu' « il est tout de même possible d'habiter ici », en se prenant en charge, dans un territoire dont la rudesse et la singularité créent un sentiment d'appartenance et une sensibilité paysagère latente (« le paysage est le visage du territoire »). L'élément déclencheur de la démarche est un projet d'implantation d'éoliennes sur l'emblématique Serra de Montsant. Les habitants se mobilisent alors contre ce projet venu de l'extérieur, après bien d'autres. Les instances locales opposent un contre-projet qui analyse combien le Priorat peut absorber de machines et où les implanter. L'opérateur énergétique se retire, mais le mouvement est créé : la décision est prise dès 2004 d'une démarche paysagère qui s'inscrira dans la catégorie des cartas créée par la loi de 2005. Conclue en octobre 2012, la charte est signée par treize communes, par le parc naturel de Montsant, les conseils régulateurs des appellations viticoles, les acteurs agricoles, industriels et touristiques locaux. Les objectifs de qualité paysagère concernent les silhouettes villageoises, le patrimoine architectural, les accès aux villages, les référents visuels du territoire, l'activité économique et notamment agricole, mais aussi le développement d'une conscience paysagère par l'enseignement, la recherche de « nouveaux points de vue sur le paysage », de nouveaux modes de gestion et Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 93/173 d'intervention. Le plan d'action prévoit le montage d'un dossier de candidature au patrimoine mondial au titre des paysages culturels, afin surtout de mobiliser les acteurs locaux sur un défi : « le chemin est plus important que l'objectif ». 2- La maîtrise du développement agricole : Le projet de territoire du Priorat est très lié à la viticulture, mais le paysage agricole est plus complexe, dominé par les productions méditerranéennes : vin, olives, amandes et quelques céréales. Le monde agricole a évolué, au cours des 8 années de l'élaboration de la carta, d'une attitude prudente à une contribution active, estimant que la démarche pouvait procurer « une meilleure vie ». L'un des objectifs de la Charte est donc de consolider et développer l'activité agricole. Un office foncier a été créé à cet effet, qui est l'une des institutions de gestion paysagère la plus prometteuse, selon nos interlocuteurs. L'autre activité motrice du développement du territoire est le tourisme, que la comarca veut localement maîtriser, en limitant les investissements à des activités compatibles avec l'esprit des lieux : réseau dense de sentiers, chambres d'hôtes et agro-tourisme, pas d'équipement de grande échelle. Les acteurs institutionnels du Priorat ont signé à cet effet une « charte du tourisme durable » autour de « valeurs » énoncées du territoire : mosaïque agricole, anciennes mines, sites archéologiques pré-ibériques et travail de la pierre sèche. 3- Un nouveau paysage : La visite du territoire a confirmé que le projet de paysage consistait, au-delà de restaurations d'anciens bancals et des murets de pierre sèche, à promouvoir un nouveau type de paysage fondé sur l'utilisation rationnelle des sols en forte pente et le choix de cultures adaptées au climat, avec de nouvelles formes de terrasses accessibles à des engins mécaniques de petite taille ; inscrites dans les courbes de niveau ces nouvelles banquettes dessinent un paysage de nature à renouveler les archétypes paysagers de la culture en terrasse. De même l'économie viticole a adopté, pour la construction de ses chais (cellars), une architecture contemporaine parfois contestable mais qui se réfère aux coloris, à l'implantation ou aux morphologies locales. Un projet de reconquête paysagère : « Life Pletera » de Torroella de Montgri Le projet est porté par la Municipalité. La station balnéaire d'Estartit, sur la commune de Torroella de Montgri, était progressivement gagnée par l'urbanisation côtière, comme une grande partie de la côte catalane, sans tenir compte des phénomènes hydrologiques et sédimentologiques qui assuraient l'équilibre de la plaine rétro-littorale. En 1987 se construit en bord de mer, en remblai, une « promenade » de près d'un kilomètre, dont les abords devaient être viabilisés et urbanisés après remblaiement d'une lagune arrière-dunaire. Les remontées salines par un chenal situé au sud du nouvel équipement ont dès lors commencé à rendre stériles les champs situés en arrière. Un premier îlot de logements était néanmoins construit au début des années 2000. Le site est inclus depuis 2005 dans un site Natura 2000 destiné à sauvegarder une espèce de poisson endémique, l'aphanius d'Espagne, puis, en 2010, est englobé par la Generalitat dans le nouveau Parc naturel de Montgri, des Iles Medes et de la BaixTer. Enfin, une nouvelle municipalité décide de mettre en oeuvre une reconquête paysagère d'ensemble, incluant la « désurbanisation » du site : enlèvement des Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 94/173 remblais accumulés et démolition des kilomètres de voirie mis en place afin de recréer la lagune disparue. Les travaux, d'un montant de 2,5M (financé à 75% par le programme européen LIFE et le solde par la Generalitat, le Parc et la municipalité maître d'ouvrage) ont bien avancé : l'eau est désormais présente et les premiers flamants sont de retour. Il reste à terminer les excavations, à créer des cheminements doux et des observatoires de l'avifaune, à canaliser les accès du public à la plage en consolidant la défense naturelle du trait de côte, à suivre la reconstitution des milieux naturels et à encourager la réimplantation d'activités agricoles ou pastorales en amont. Le processus doit être accompagné d'interventions artistiques. Globalement, le projet ne se borne pas à « réparer » : il crée un nouvel attrait, par la découverte de la nature, et rend ainsi « positif » le nouveau paysage qu'il met en place, appuyé sur le caractère et les richesses du lieu. Cette renaturation est d'une ampleur inédite sur la côte méditerranéenne : il ne s'agit pas seulement de supprimer une voirie, comme au Grand Travers, près du Grau du Roi, ou de réhabiliter une friche, industrielle comme à Paulilles, ou touristique comme au Cap Creus (voir ci-après), mais bien de supprimer une trame urbaine complète certes non encore bâtie, mais déjà acquise par des constructeurs qui ont entrepris une série de recours judiciaires. Toutefois, si le gain paysager global est évident, le système de cheminements et d'équipements de découverte pourrait utilement bénéficier du regard d'un paysagiste pour mieux exprimer l'esprit de cette Aiguamol (marais) ressuscitée. Rencontre avec un paysagiste : la profession ­ le projet du Cap de Creus 1 - La profession : son statut, ses modes d'intervention : Selon notre interlocuteur, la profession de paysagiste n'est reconnue ni en Espagne, ni en Catalogne, malgré l'existence d'une Association espagnole des paysagistes (AEP) dont l'audience reste faible. Certes, il existe une « école » barcelonaise de traitement des espaces publics, née après la fin de la dictature. Des architectes-urbanistes ont investi ce champ, avec des personnalités marquantes comme Oriol Bohigas, Joan Busquets, Beth Galí, Enric Miralles, ou Manolo Ruiz Sánchez, mais entre les architectes et les ingénieurs, les paysagistes n'ont pas pu trouver leur place. Il existe à l'Université de Barcelone deux Mastères d'architecture du paysage, mais il ne s'est agi, pendant longtemps que d'une spécialité post-diplôme d'architecte. Sous l'impulsion de Rosa Barba (1995-2001) elle-même urbaniste, des passerelles ont été érigées avec le monde de l'écologie ou de l'horticulture afin de créer un cycle complet en paysage et une pluralité des origines des étudiants du mastère. Les effectifs de ce cursus sont de deux fois 25 au sein de l'Université avec un statut de reconnaissance de l'État pour le premier et un statut privé pour l'autre (aujourd'hui ce dernier est principalement fréquenté par des ressortissants étrangers italiens et hispanophones). Les ateliers y sont fondés sur la pratique du projet, avec peu de cours orientés vers la connaissance ou l'approche territoriale. Mais même pour des concours portant sur la création des grands espaces publics, ce sont des compétences d'architecte ou d'ingénieur civil qui sont requises dans les appels de candidatures. En conséquence, selon notre interlocuteur, les remarquables travaux de l'observatoire resteraient abstraits, peu opérationnels avec un faible lien avec la pratique quotidienne qui permettrait d'illustrer les principes et orientations défendus. On pourrait ainsi Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 95/173 impliquer davantage les paysagistes, comme on commence à le faire en France, dans la mise en oeuvre opérationnelle de la trame verte et bleue. 2 - La reconquête de la friche touristique de Cap Creus C'est un projet dont notre interlocuteur a été maître d'oeuvre. Il s'agissait de réhabiliter la friche touristique laissée sur cet espace minéral exceptionnel (une « radiographie de la Terre ») par la fermeture, en 2003 du village de vacances du Club Méditerranée. La fermeture était intervenue du fait du vieillissement de l'infrastructure, dont la mise aux normes aurait coûté très cher, et de son inclusion, à partir de 1998, dans un parc naturel, dont les valeurs étaient aux antipodes de cette implantation. L'opération de « déconstruction » a coûté 11M (dont 7 M de l'État Espagnol et 4 M de la Generalitat de Catalogne). Il ne s'agissait pas seulement de démolir, mais de trier, traiter et exporter la plupart des matériaux, sauf les soubassements des immeubles qui avaient été construits en pierre locale. En outre il fallait donner à cet espace une vocation de découverte par le public de la richesse géologique du Cap Creus (formes animalières de certains rochers notamment), sans occulter son histoire récente de village de vacances. Il s'est donc agi de mettre en scène, au sens littéral (l'auteur parle de « promenades chorégraphiques ») la découverte du site. Cela a été obtenu par le traitement des sentiers qui permettent la perception des affleurements rocheux dans le ruban de cheminement, mais aussi en guidant le visiteur (des lisses basses métalliques longent le cheminement) ou en le surprenant (le sentier débouche brusquement sur un à-pic...). Une évocation de l'ancienne destination des lieux est obtenue par le maintien de la structure en acier corten d'un ancien bâtiment du village. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 96/173 A retenir : Politiques nationales (Communauté autonome Catalane) - Une loi paysage de 2005 qui reprend textuellement la Convention européenne du paysage et définit une stratégie - Un « observatoire du paysage », sorte d'établissement public ou GIP comportant associations de tous ordres, gouvernement catalan et collectivités, administrations, universités, organisations professionnelles. Il est en charge de l'élaboration des « atlas », ainsi que d'un rôle d'animateur et d'appui à la politique du paysage. - Des « catalogues » de paysage, un par viguerie, couvrant l'ensemble du territoire, munis d'objectifs de qualité paysagère et de listes d'actions à mettre en oeuvre de façon contraignante via des « directives paysagères » s'appliquant aux documents d'urbanisme - Un kit de formation à destination des enseignants, diffusés à tous les collèges. Prise en compte - Des chartes de paysage ou autres initiatives issues des des populations acteurs locaux mais encouragées et encadrées par l'observatoire si compatibles avec les directives Profession Maîtrise d'ouvrage - Un projet de réhabilitation paysagère où l'intervention du paysagiste a été essentielle. - Un projet de territoire au niveau local initié parles citoyens et maîtrisé par les acteurs locaux - Un projet original de reconquête paysagère littorale initié par une municipalité, avec une logique à dimension plutôt écologique Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 97/173 Pays : Irlande Source : recherches bibliographiques et visite sur place des 24-28 janvier 2017 Problématiques initiales identifiées Communication sur la National Landscape Strategy for Ireland, 2015-2025 lors des Ateliers de la Convention européenne du paysage, à Erevan, les 5-6 octobre 2016. Intérêt : Une stratégie cohérente, englobant l'ensemble des aspects des politiques de paysage telles que décrites dans la CEP (y compris politiques sectorielles, formation des aménageurs, éducation et participation du public... Elle est politiquement portée par une ministre de la culture qui décrit le paysage comme l'ultime ressource (« our ultimate resource »), qui a « soutenu, nourri et protégé » les irlandais pendant des siècles, et qui englobe la campagne, les villes et les villages, the ordinary and the everyday. Questionnement : cette stratégie exemplaire est-elle effectivement mise en oeuvre ? A quelle problématique répond-elle ? Quels acteurs la soutiennent ? Quelles réalisations concrètes l'illustrent, la contredisent ou la préfigurent ? Les acteurs rencontrés · Niveau État : Ministère de la culture (Department of Arts, Heritage, Regional, Rural and the Gaeltacht145, Transport Infrastructure Ireland, Heritage Council, établissement public de l'État chargé des patrimoines culturels et naturels, Parc national des Wicklows Mountains (sud de Dublin). · Universitaires et professionnels : Universités de Dublin, Cork et Galway 146, Irish Landscape Institute (association des professionnels du paysage). · Monde associatif : Landscape Alliance Ireland, organisatrice depuis 1995 de sept éditions d'un Landscape Forum à périodicité irrégulière. Contexte national - 70 000 km² - 4,7 M.hab.147 ­ 66 habitants/km² - Capitale : Dublin : 1,8 M.hab. (soit près de 40 % du total), la seconde aire urbaine du pays, Cork, en compte 250 000. Statut : république ­ un état central ­ 8 régions ­ 35 comtés ­ 80 communes Organisation territoriale L'Irlande est divisée en 8 régions, qui sont des structures administratives chargées de gérer les fonds structurels européens. Les 35 comtés, en revanche, sont dotés chacun d'un county council ou, pour les 5 agglomérations principales, d'un city council, élus 145 Affaires gaéliques : développement de la langue et de la culture, notamment dans les régions de l'ouest où le gaélique reste la langue maternelle de la population. Cette dernière étant la représentante irlandaise dans UNISCAPE, réseau universitaire qui est l'organisme consultatif de la CEP dans les domaines de la recherche et de l'éducation l'Irlande du nord, pour sa part, compte 1,8M.hab. Démarches paysagères en Europe Page 98/173 146 147 Rapport n°010731-01 pour cinq ans mais dont l'exécutif (chief executive) est un agent de l'État nommé pour 7 ans. Cet exécutif peut refuser d'appliquer les résolutions votées par le conseil, et a, dans ce cas, le dernier mot. Il existe enfin 80 communes dotées d'un conseil local (75 « conseils de bourgs » et les 5 city councils déjà cités. , Ce pays, certes de petite taille, est l'un des plus centralisés d'Europe. Une politique paysagère d'initiative locale est donc a priori un concept sans pertinence, même si certaines communautés acquièrent aujourd'hui une capacité de proposition, notamment dans le monde rural, et si des comtés ont pu lancer des Landscape character assessments (atlas de paysage, voir ci-après) auxquels ont a d'ailleurs reproché leur caractère incomplet ou hétéroclites, dès lors qu'ils ne déclinaient pas un Atlas national, dont tout le monde attend la mise en place. Urbanisme et aménagement du territoire 1- Contexte socio-démographique : L'Irlande comptait au milieu du 19è siècle huit millions d'habitants. Les famines, les guerres et une émigration massive ont fait chuter continuellement cette population jusqu'à ne plus totaliser que 2,8 millions d'habitants en 1960. Après ce siècle de déclin, l'inversion de la courbe démographique lors du « boom » des années 1990-2000 a fortement marqué les aménageurs : où installer cette population nouvelle, et comment éviter le déséquilibre qui s'accentue entre l'agglomération-capitale et le reste du pays ? Par ailleurs, sous la domination britannique, la plupart des sujets irlandais, notamment ceux de confession catholique ont été longtemps privés du droit de propriété (fin 19è siècle, les catholiques ne détenaient que 5 % de la terre). Avec l'indépendance les irlandais acquièrent enfin ce droit et les grands domaines des landlords sont divisés en petites parcelles occupées par les anciens métayers. « Inscrite dans la constitution », la propriété en Irlande ne souffre aucune restriction sous forme de servitudes ou de régulations. Sauf pour de grandes expropriations destinées, ces dernières années, à la constitution du réseau autoroutier, il n'existe pas de limite à la jouissance du propriétaire : ainsi les parcs nationaux Irlandais sont des domaines privés de l'État constitués de legs ou d'acquisitions, ce qui en fait de véritables « dentelles » foncières. De même, il n'y a pas d'équivalent irlandais, à notre servitude de passage le long du littoral ou à l'action foncière d'un Conservatoire du littoral. Les politiques paysagères ne disposent pas de l'outil foncier, ou de servitudes grevant la propriété privée qui sont des instruments importants dans d'autres pays. 2- Planification spatiale: La politique de planification et d'aménagement du territoire porte la marque de la centralisation de l'État : il existe une stricte hiérarchie entre les documents aux différentes échelles, chacun devant être une déclinaison de celui d'échelle supérieure : · au plan national, une National Spatial Strategy (NSS) établie pour 18 ans (2004-2020) ; · dans les régions, des Regional Guidelines ; · dans les comtés (compétents pour délivrer des «permis d'urbanisme ») des Development Plans qui ont un caractère opposable aux particuliers ; · enfin, dans les communes, des Local Plans qui ne couvrent qu'une partie du territoire et ont un caractère directement opérationnel . Genèse et contenu de la National Landscape Strategy Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 99/173 Publié en 2015, ce document a connu une gestation longue : au moins une décennie de discussions et une certaine impatience de la société civile et des professionnels. Le démarrage officiel de la démarche date de 2011 (publication d'un livre blanc), sept ans après la ratification de la CEP (2007). L'Irlande avait par ailleurs en 2010 amendé la loi sur l'aménagement du territoire édictée en 2000, pour y inclure la définition du paysage telle qu'elle figure dans la CEP, et prévoir l'inclusion de lignes directrices paysagères aux différents niveaux de planification. Enfin, l'organisation à Cork en juin 2005 des 3è Ateliers de mise en oeuvre de la CEP, sous l'impulsion de la dynamique fédération associative Landscape Alliance a sans doute constitué un accélérateur dans la prise de conscience : l'enjeu y était en effet clairement défini : un paysage identitaire fort, premier générateur d'attractivité touristique, confronté aux conséquences de la célèbre croissance économique à deux chiffres du « tigre celtique » au milieu des années 90 (avec les conséquences en termes d'expansion urbaine, d'infrastructures, d'intensification agricole, etc.)148. Le « livre blanc » de 2011 a été soumis à consultation publique. Les 77 contributions qui en ont résulté ont été examinées par un comité de pilotage (Steering Group) composé des différents départements ministériels concernés, des organisations non gouvernementales et des « parties prenantes » économiques. Ce comité a mis en place trois groupes de travail (focus groups) sur la politique elle-même, l'analyse des caractéristiques environnementales, et la participation publique. Ce travail a abouti en juillet 2014 à un projet (draft) de stratégie nationale paysagère. 95 contributions ont été reçues à l'issue du débat public auquel cette publication a donné lieu. Le document final intègre ces contributions, dont il est dit que les principales portaient sur l'impact des infrastructures sur le paysage, et la manière de relever ce défi. Six objectifs-clés et 19 actions opérationnelles La référence à la Convention européenne du paysage est constante puisque chacun des six objectifs développés est référencé aux articles 5, 6 et 9 de cette convention (p 12), et que le premier objectif affiché de la stratégie est de « mettre en oeuvre la CEP en intégrant le paysage dans notre approche du développement durable ». Le document rappelle qu'un nombre important de politiques sectorielles (agriculture, forêt, mer, industrie, énergie, aménagement du territoire, transport, tourisme et loisirs, patrimoine naturel et culturel...) ont des effets « considérables, négatifs ou positifs » sur le caractère ou la qualité du paysage (p 15), et que les plans de développement dans ces domaines doivent (are required) intégrer des objectifs paysagers149. Le chef du département responsable de cette politique la décrit comme une « conduite du changement » (management of change) », à l'opposé de toute « mise sous cloche » (freezing). Les Six objectifs proprement dits obéissent à une chronologie et à une logique cohérente : 1. clarifier la définition : « reconnaître le paysage dans le Droit » : simple rappel car l'action correspondante a déjà été effectuée en 2010 comme on vient de le voir ; 2. développer la connaissance par l'écriture d'un atlas national du paysage (National Landscape Character Assessment. et après achèvement de cet exercice, mise en chantier de déclinaisons locales selon des statutory guidelines (guides 148 Intervention de Bruce Mc Cormack, Department of Environment, Heritage and Local Government, pp 133-136, actes des Ateliers de la CEP à Cork en 2005. Éditions du Conseil de l'Europe. La « conception paysage suisse » de 1997 était déjà fondée sur ce « paysagement » obligatoire des politiques sectorielles de la Confédération. Démarches paysagères en Europe Page 100/173 149 Rapport n°010731-01 3. 4. 5. 6. méthodologiques) nationales. Ces atlas locaux sont destinés à « informer et guider » les politiques locales de paysage (development plans et local plans). développer des « politiques de paysage » : en identifiant, pour chaque politique sectorielle une dimension paysagère spécifique (Department specific landscape policy). Chacun des organismes identifiés (agences ou ministères) devra rédiger régulièrement un rapport sur l'état du paysage dans son domaine , l'ensemble faisant l'objet d'une publication par le ministère chef de file. accroître la sensibilisation du public au paysage (landscape awareness) : des outils d'analyse paysagère « décrivant de façon simple et claire » les dynamiques paysagères doivent être mis en place. Des programmes d'information doivent être développés « sur la manière dont le paysage est un atout touristique, économique et écologique et dont il peut répondre aux défis du changement climatique, de la sécurité alimentaire, de la santé et du bien-être ». identifier les besoins en éducation recherche et formation : un état des lieux est d'abord prévu, non seulement en matière de paysage stricto sensu mais aussi dans les matières connexes (ingénierie, architecture, hydrologie, agriculture...). Enfin, il est prévu d'introduire une éducation au paysage dans les cursus scolaires . renforcer la participation du public : Sont prévus dans ce domaine, le développement et la diffusion de méthodes participatives, l'encouragement aux initiatives citoyennes. La Stratégie doit être pilotée par le ministère concerné (Department of Arts, Heritage, Rural Affairs and the Gaeltacht, DAHRAG), avec le « concours actif » des autres ministères pertinents, agences, partenaires et « parties prenantes ». Lecture faite de ce document stratégique, exemplaire par sa cohérence et son exhaustivité, l'objectif de la visite sur place de la Mission était à la fois d'évaluer et d'illustrer sa mise en oeuvre. Comptes-rendus des rencontres Politiques paysagères : mise en oeuvre de la « Strategy » Au plan central, après une année 2016 peu active, sauf du côté des ONG (un National Landscape Forum réuni en juin par Landscape Alliance) et du monde universitaire, l'année 2017 devait être celle du démarrage effectif de la mise en oeuvre : La première réunion du steering group reconstitué s'est tenue au printemps : la liste des membres a été remise à la Mission : elle comporte une vingtaine de membres issus des différents départements ministériels ­ outre le DAHRRAG, le tourisme, l'agriculture, le logement, l'environnement, le climat et l'énergie ­ des agences ­ forêt, patrimoine, transports ­ les professionnels du paysage, de l'architecture, de l'urbanisme, les universitaires étant encore invités à désigner leurs représentants. La mise en oeuvre, sous deux ans, du National Landscape Character Assessment (NLCA) chantier prioritaire de la stratégie, tire son urgence non seulement d'une demande insistante de l'ensemble des acteurs irlandais du paysage, mais aussi du quasi achèvement de l'exercice équivalent mené en Irlande du nord : leur responsables pressent leurs homologues du sud de rejoindre la dynamique ainsi enclenchée : les 46 unités paysagères (landscape character areas) définies dans les six comtés de l'Ulster sont nécessairement transfrontalières ; l'inclusion dans le steering group d'un administrateur du Système d'Information Géographique, et d'un Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 101/173 responsable de l'observatoire géologique d'Irlande, confirme la priorité donnée à ce chantier. Dans le domaine des infrastructures de transports, dont le développement a accompagné le « boom », on s'est très vite rendu compte de l'absence d'outils efficaces pour assurer leur insertion dans les territoires traversés. Le problème s'est alors posé de rassembler des données scientifiques objectives et des données perceptives : un LVIA (Landscape Visuel Impact Assessment) a été mis en place, mais la caractérisation des Landscape Character Areas (unités paysagères) traversées par les nouvelles autoroutes serait urgente : raison de plus de finaliser au plus tôt la NLCA. Enfin, tout ce qui relève de la sensibilisation et de l'éducation est en outre de la responsabilité de l'agence Heritage Council (cf ci-dessous). Un épisode significatif : les éoliennes en baie de Cobh (Queenstown)150 Il y a une dizaine d'années, le County Council de Cork avait commandé, dans le cadre de son plan de développement un schéma directeur éolien, qui prévoyait un secteur prioritaire de développement d'une vingtaine de machines, qui devait occuper l'horizon à l'est de la Cathédrale dans la baie de Queenstown (à 15 km au sud-est de Cork). Peu après, plusieurs usines pétro ou carbo-chimiques ont manifesté (pendant le temps du « boom ») leur souhait de s'implanter dans la baie à l'ouest-sud-ouest de la perspective de la cathédrale, non loin d'implantations sidérurgiques désaffectées. La législation leur imposait une compensation de leur activité fortement polluante et émettrice de gaz à effet de serre. L'auto-production d'énergie renouvelable pour alimenter leur consommation propre a été considérée comme une compensation adéquate par les services de développement économique du Comté (sans contact de leur part avec le service de planification). Comme il était plus simple de réaliser la construction des éoliennes sur leur propre terrain que dans d'autres secteurs dont ils ne maîtrisaient pas la propriété, ils ont obtenu un arbitrage favorable à cette solution de la part du chief executive du Comté. Ce cas de figure s'est déjà renouvelé trois fois ... Certes l'implantation actuelle, limitée à quatre mâts, ne choque pas, à l'échelle de la baie : dans un vaste panorama d'îles proches et de perspectives lointaines vers les rivages de l'océan, les éoliennes constituent une ponctuation plutôt heureuse. Mais le procédé utilisé est aux antipodes d'une méthode de composition d'un paysage intégrant harmonieusement des éoliennes. Animation territoriale : les activités de l'Heritage Council Fondé en 1988 et placé sous la tutelle du Ministère de la Culture (DAHRAG) et confirmé par la loi sur le patrimoine (Heritage Act) de 1995, Heritage Council est un établissement public (public body) alimenté à 90 % par une dotation gouvernementale, et pour le solde par des fonds européens. Dès le départ, il s'est positionné sur une vision holistique et dynamique du patrimoine : ses domaines d'intervention vont de l'archéologie à la nature, en passant par le patrimoine marin ou vernaculaire. Basée à Kilkenny, à 150 km au sud-ouest de Dublin, c'est une petite structure de 15 emplois permanents à peine, mais avec une dotation qui lui a permis de soutenir, depuis l'origine, près de 6000 projets pour un total de 28 M. dans de nombreux domaines patrimoniaux. Son directeur résume le positionnement du Council, en indiquant que « l'État irlandais étant propriétaire d'environ un cinquième du territoire, le domaine d'activité de [son] équipe porte sur les quatre cinquièmes restants », sur 150 Source : récit sur place, le 26 janvier 2017 de Brendan O'Sullivan, enseignant et chercheur au Centre for Planning Education and Research, à l'université de Cork, ex agent du service planification du Comté). Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 102/173 lesquels il intervient par la sensibilisation, l'éducation, l'animation d'initiatives locales, ou des concours dotés de prix ou de subventions. Il peut compter, à cet effet sur les 28 heritage officers, corps de fonctionnaires institué il y a 15 ans, qui est l'un des seuls à n'avoir pas subi de restrictions d'effectifs dans la période qui a suivi la crise financière de 2008. Au nombre d'un ou deux par comté, ces animateurs du patrimoine sont des relais efficaces des programmes du Council. Celuici assure l'animation de leur réseau, au moyen de réunions annuelles. Les principaux domaines d'intervention du Council sont aussi bien l'éducation à la nature que des programmes d'études et de sensibilisation thématiques (villes fortifiées d'Irlande, mise en valeur des canaux, patrimoine maritime, faune sauvage...), et une aide aux comtés pour l'intégration des enjeux patrimoniaux dans la planification. Sous l'onglet « paysage » du site du Council, on lit la prise de position suivante : « Notre vision du paysage irlandais est celle d'une paysage dynamique et vivant, qui harmonise les besoins matériels et spirituels de la population avec les exigences de la nature, d'une manière qui bénéficie à tous sur le long terme ». 1- Actions concrètes: Le mode d'action le plus courant est le soutien aux initiatives locales en faveur de tous les types de patrimoine (une part significative concerne des éléments ou des structures paysagères : restauration de toitures en chaume, mise en valeur des paysages paléochrétiens du Donegal, aménagement des berges à Wexford.... Mais le Council assure également le pilotage d'études de connaissance et d'inventaire des paysages. Il en est ainsi de l'Atlas des paysages (Landscape Character Assessment) du Comté de Clare. Cet atlas décrit les 21 unités paysagères (Landscape Character Areas )151 : l'introduction du rapport indique que la participation des habitants permet un recueil de l'information plus rapide, qu'elle apporte des indications qui auraient échappé aux experts extérieurs, et qu'elle permet la construction de consensus sur les enjeux du paysage. Le document analyse les pressions subies par le paysage (mutations agricoles, expansion urbaine, infrastructures, forêts, tourisme et loisirs, industries extractives), et propose une série de mesures (Broad Landscape Guidance) qui pourraient s'apparenter à des objectifs de qualité paysagère. 2- Sensibilisation et formation : Cinq sessions de formation à l'écriture d'un atlas de paysage ont été organisées entre 2009 et 2011. La landscape wheel ci-contre, due au Pr Carys Swanwick, a été l'un des outils pédagogiques utilisés à cette occasion pour révéler la richesse et les articulations de l'approche paysagère, entre le lieu et la population, avec une mobilisation des cinq sens qui avait rarement été explicite (en bas et à gauche de la roue). Une dizaine de partenaires ont contribué à ces formations, dont l'Observatoire Catalan du paysage. Chaque session de deux jours était ponctuée de visites de terrain et comportait le remplissage d'une grille de qualification du paysage observé (par exemple, en termes d'équilibre, un paysage peut être noté comme « harmonious, balanced, discordant, chaotic » et, en termes de plaisir perceptif, un paysage sera : « offensive [au sens d' « offensant le regard »], pleasant, attractive, beautiful ». 151 Parmi lesquelles les célèbres Falaises de Moher et les lappiaz des Burrens Démarches paysagères en Europe Page 103/173 Rapport n°010731-01 3- Une action du Heritage Council : les projets bottom-up de l'Irish Uplands Forum152 Dans cette île peu montagneuse qu'est l'Irlande, les Uplands sont les 25 territoires situés au-dessus de 150m dont les points culminants sont situés au-dessus de 300m d'altitude. Ils totalisent 14% de la surface de l'île, mais ne regroupent que 2% de sa population, sur des terres qui ne répondent pas aux standards de modernisation qui fondent la politique agricole européenne153. Cela pose le problème du maintien des services et du revenu de la population et de sa capacité à gérer l'environnement et le paysage, avec l'impact touristique négatif qu'un phénomène d'abandon pourrait avoir. Il s'est agi, dans un pays très centralisé, de donner la parole aux communautés locales d'acteurs, et de susciter ou d'accompagner leur engagement en faveur à la fois d'une meilleure qualité de vie et d'une préservation d'un environnement fragile. Cette volonté participative était bien en phase avec les objectifs généraux du Heritage Council, ce qui explique son soutien à la mise en place du réseau. L'un des éléments les plus remarquables a été de faire participer (et s'exprimer) la population la plus stratégique de ces territoires, les farmers, considérés un peu partout en Irlande comme le groupe social le plus difficile à mobiliser en faveur du paysage. L'étude-diagnostic globale des 25 territoires a été menée en 2015-2016. Elle a mis en place une animation personnalisée et adaptée à chacun des cas de figure : une coopérative (Slive Bloom), un county council (Tiperarry), un laboratoire universitaire (Kerry), une société de défense des races locales (Burren), des associations patrimoniales (abords de la Chaussée des Géants), etc. Des groupes locaux de volontaires ont été formés pour promouvoir des projets d'utilisation de la « boîte verte » de la PAC (Locally-led Agri-environmental Schemes) qui pourraient permettre le maintien voire une reconquête « innovante » des terres concernées. Parmi les enjeux traités figurent : a) la compatibilité entre les activités récréatives ou touristique et la mise en valeur pastorale : mise en place locale de réseaux de sentiers « durables » c'est à dire non perturbants pour l'économie pastorale (ex : contrôle de la divagation des chiens) ; b) la mise en place d'activités privées, mais localement contrôlées, d'accueil des touristes, de vente des produits locaux, de services à la personne ; c) la mise en place de produits et de services agricoles « du 21è siècle » (y compris énergie renouvelable, service d'accueil, produits alimentaires locaux, éducation à l'environnement... 4- un exemple d'action sur les Uplands : les Blackstairs Mountains154 Le groupe fondé en 2014 compte 24 membres dont un nombre très significatif de fermiers. Il s'agissait à l'origine d'utiliser au mieux les fonds européens destinés à gérer les sites désignés au titre de la Directive « Habitats ». Au-delà de cette gestion, le groupe s'est orienté vers le contrôle local de ces dotations au profit d'un développement plus global : meilleure gestion au profit des farmers des usages récréatifs de l'espace agricole et leur rôle essentiel dans la gestion et l'amélioration du patrimoine bâti, naturel et immatériel, ceci à partir de huit réunions de terrain et de trois farm walks, soit au total 800 heures de bénévolat . 152 Source : Source : Uplands Community Study, brochure rédigée par Alan Hill, et éditée par l'Irish Upland Forum en mai 2016, avec l'appui d'Heritage Council). www.irishuplandsforum.org Il faut noter que le réseau de ces territoires, au nombre de 25, est commun aux deux parties de l'île, à raison de 6 pour l'Irlande du nord, et de 19 pour la République. Compte-rendu par Helena Fitzgerald de sa mission d'animation du Farming Group sur ce secteur de plus de 5000 ha et culminant à 796m, entre les comtés de Carlow et de Wexford (sud de Dublin). Démarches paysagères en Europe Page 104/173 153 154 Rapport n°010731-01 Le groupe est informel (même s'il organise des réunions de terrain dont la participation est régulièrement d'une centaine de personnes), et son animation a été bénévole (sauf un contrat à mi-temps sur 5 mois en 2015). Son budget a été de 40 000 sur 18 mois. Malgré la modestie de ses moyens et sa fragilité structurelle il a pu intervenir sur les activités touristiques, le programme des sentiers, et mettre en place un Vegetation Management Plan, première étape d'un schéma local agri-environnemental. La profession de paysagiste : l'Irish Landscape Institute (ILI) Constitué en 1992 l'ILI est une organisation ouverte aux paysagistes du secteur public comme du secteur privé, aux diplômés et aux étudiants en paysage. Les professionnels et les diplômés doivent avoir suivi un cursus de Mastère donnant accès à la profession d'architecte-paysagiste. L'ILI comptait en 2016 160 membres, avec un secteur privé qui totalise 25 agences, pour la plupart à Dublin (90%) ou à Cork (deux ou trois). La plus ancienne date de 1966. On ne peut être membre de l'ILI que si l'on a réussi un examen professionnel, organisé par l'Institut tous les ans et ouvert aux diplômés. Si l'appartenance à l'ILI n'est pas une condition nécessaire à l'exercice professionnel (la profession n'est pas protégée), le titre de MILI (member of the ILI) accolé au nom de la personne, équivaut de fait à une trade mark155. L'Institut gère un code de déontologie et est chargé de promouvoir la profession auprès du grand public. Contrairement au Royaume Uni (malgré une diminution récente dans celui-ci), il n'existe que très peu de paysagistes dans le secteur public. Toutefois, le corps des Heritage Officers (cf. ci-dessus), pourrait être une condition favorable aux commandes dans ce domaine. L'ILI organise tous les deux ans des landscape awards. Les projets primés sont en général des jardins ou des espaces publics, créés ou restaurés (le prix du public est ainsi allé à un memorial garden de la 1ère guerre mondiale... .../... 155 Certains organismes publics comme l'OPW (Office of Public Works) réservent leurs commandes à des professionnels portant ce titre. Démarches paysagères en Europe Page 105/173 Rapport n°010731-01 A retenir : L'Irlande a mis au point au terme d'un riche débat national, une stratégie paysagère exemplaire. Sa mise en oeuvre effective, dans un pays où « tous les acteurs du paysage se connaissent » reste encore lente, voire incertaine. Des institutions patrimoniales originales, une profession dynamique et une montée en puissance d'initiative locales qui pouvaient paraître improbables sont toutefois de réels gages de réussite. Politiques nationales - Une « stratégie nationale du paysage » très complète et cohérente, inspirée par la Convention européenne du paysage. - Le lancement imminent d'un National Landscape Character Assessment, NLCA (atlas national du paysage) qui, dans un pays très centralisé, est considéré comme le préalable à des déclinaisons par comté ; - Un établissement public chargé de l'animation des questions de patrimoine dans leur ensemble (nature, culture et paysage), le Heritage Council, souple, dynamique et créatif, appuyé dans les comtés par un réseau d'Heritage Officers. Prise en compte - une volonté d'associer la population aux premiers exercices des populations partiels de connaissance du paysage (exemple du LCA du comté de Clare) - l'expérience du Irish Uplands Forum qui a réussi la mobilisation des acteurs locaux, notamment des « farmers » dans 25 territoires. Profession - Un Irish Landscape Institute représentatif et dynamique à l'échelle d'un pays de petite taille : 165 membres soit 1 pour 29 000 habitants (ratio un peu supérieur à celui de la France qui est de 1 pour 33 000. Maîtrise d'ouvrage - sans objet réel du fait de la centralisation du pays. Ne pas négliger toutefois l'influence sur le terrain des 28 Heritage Officers. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 106/173 Pays : Italie ­ Métropole de Milan Source : recherches bibliographiques, entretiens et visite des 10 et 11 avril 2017 Problématiques initiales identifiées Détection, suite à des entretiens avec le milieu universitaire italien, en particulier lors des Ateliers de la Convention européenne du paysage, à Erevan, les 5-6 octobre 2016, de cas concrets intéressants de gestion paysagère des espaces agricoles en lisières urbaines de Milan. Intérêt : Une politique décentralisée de gestion paysagère sur un secteur sensible, la périphérie urbaine, avec une problématique de relations entre agriculteurs et citadins. En outre l'Italie a mis en oeuvre un système de plans régionaux de paysage qui doivent être pris en compte dans la planification territoriale. Questionnement : dans la relation paysage et agriculture. Comment le pysage est-il considéré par les différents acteurs que sont les agriculteurs et les citadins. Comment sont prises en compte les initiatives de terrain ? Les acteurs rencontrés · Niveau métropolitain : Municipalité de Milan, service en charge de la mise en oeuvre de la politique Milan métropole rurale ­ Commission du paysage du Parc Agricole Sud Milan. · Niveau local (projet de territoire) : Agriculteurs et associations du Parc agricole sud Milan ­ Parc naturel régional du Tessin · Milieu universitaire : enseignants-chercheurs du Politecnico di Milano. Contexte national L'Italie - 301.336 km² - 61,8 M.hab. ­ 206 hab./km² - Capitale : Rome (2,9 M.hab. - aire urbaine. 4,2 M.hab.) Statut : république parlementaire ­ un état central ­ 20 régions dont 5 autonomes ­ 110 provinces dont 2 autonomes ­ 8100 communes. Organisation territoriale italienne L'Italie est une république unitaire avec un fort niveau de régionalisme. Son organisation territoriale se compose de : · l'État est représenté au niveau de chaque région et province par un commissaire du gouvernement. Avec la décentralisation, il a perdu la majeure partie de ses pouvoirs et a pour fonction essentielle de garantir l'ordre public. Les régions 15 régions ont un statut ordinaire et 5 régions ont une autonomie à statut spécial : Sicile, Sardaigne, Val d'Aoste, Frioul-Vénétie-Julienne, Trentin-HautAdige. qui ont une autonomie en matière d'organisation de la justice, d'éducation, de protection de l'environnement, de financement et de culture. Démarches paysagères en Europe Page 107/173 · Rapport n°010731-01 · · · Les régions ont une compétence législative. Leurs lois ont la même valeur que les lois nationales, sous réserve d'être approuvées par le Commissaire du Gouvernement. Les régions ont en charge la politique territoriale (transports, travaux publics, culture, tourisme, urbanisation, police locale, hôpitaux, administration territoriale). L'État conserve un certain contrôle sur la gestion de la région. Les provinces Elles ont un caractère autonome. Les provinces possèdent un grand nombre de compétences propres en sus des fonctions déléguées par l'État et les régions. Mais le système est variable en fonction des régions. Les communes La commune a des compétences propres (santé, assistance, urbanisme et logement). La participation des citoyens à la définition des politiques est affirmée par la loi, via notamment des referendums locaux, généralement consultatifs, ou des pétitions, sur lesquels les conseils municipaux ou provinciaux sont obligés de se prononcer. D'autres structures intercommunales existent, en particulier les communautés de montagne ou les villes métropolitaines. Ces dernières concernent les plus grandes agglomérations italiennes et se substituent aux provinces correspondantes. Elles sont en place depuis 2014. Il existe des « conventions » et de « consortiums » (sortes de syndicats intercommunaux a vocation multiple). Les communes peuvent aussi recourir à des « unions de communes », forme plus institutionnelle. Il existe des « conférences de service » et les « accords de programme », comparables aux contrats de plan français. Contexte Lombard - 23.863 km² - 10 M.hab. ­ 420 hab./km² - Capitale Milan (1,4 M.hab. ­ métropole : 5M.hab. ­ aire urbaine 7,1 M.hab.) Statut : région autonome - une ville métropolitaine (Milan) - 11 provinces - 1530 communes Planification territoriale A] Le plan territorial de coordination (niveau régional et provincial) La planification territoriale se fait via le plan territorial de coordination, ou PTC, plan d'urbanisme qui porte sur les choix stratégiques, concernant les infrastructures routières, la protection de l'environnement à sauvegarder et les prévisions de développement urbain. Il existe deux types de PTC : le Plan d'aménagement de la coordination régionale ou RPTC et le Plan d'aménagement de la coordination provinciale ou PTCP. Ce plan n'a pas d'effet sur les particuliers. Il comporte un volet paysager. B] Le plan régulateur général (PRG) et le plan de gouvernement territorial (PGT) Le PRG est le plan de niveau communal. L'Italie a une tradition d'autonomie communale et l'urbanisme n'a jamais été centralisé, comme en France. En outre la culture des architectes prime et l'intérêt pour la qualité de l'espace urbain est plus populaire en Italie. Les plans régulateurs italiens procèdent d'un zonage qui traduit un bilan de l'existant et des intentions globales. Ainsi au sein d'une même zone, les droits à construire varient en fonction de l'architecture des bâtiments. Il y a un véritable projet de ville et la préoccupation de qualité de l'espace imprègne tout le document. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 108/173 Le PRG doit prendre en considération tout le territoire de la commune. Il est établi pour une durée indéterminée, mais peut être modifié si nécessaire. Il établit aux 1/2.000° la subdivision en zones, la possibilité de construire et à quelle fin (résidentielle, industrielle, artisanale ou de bureaux), la typologie immobilière, la dimension minimale du lot constructible, la hauteur, la densité, le rapport de couverture et la distance par rapport aux autres édifices, etc. Le PRG divise le territoire municipal en zones : secteurs à caractère historique, ou de valeur environnementale, zones bâties, d'urbanisation future, industrielles, agricoles, d'équipements, etc. Le PRG fait l'objet d'une concertation avec les habitants, qui peut conduire à des modifications. Il est soumis à l'approbation de la région qui peut apporter les modifications nécessaires afin d'assurer le respect des lois ou des plans de niveau supérieur. En Lombardie, le PRG a été remplacé par le plan de gouvernement territorial (PGT) comme outil de planification du développement au niveau municipal. Cet instrument de planification a été mis en place par une loi régionale de mars 2005, qui ajoute un certain nombre de changements : l participation citoyenne ; la compensation, permettant, en cas de projets publics, de procéder à des échanges de parcelles avec les propriétaires ; la péréquation, selon laquelle les avantages de la transformation urbaine doivent être équitablement répartis entre les propriétaires de terrains destinés à des usages urbains ; l'incitation en matière d'urbanisme, qui prévoit la possibilité de dépasser les seuils constructibles si le projet présente d'importants avantages publics. C ) Politique paysagère et le plan d'aménagement paysager Le paysage : la politique du paysage dépend du Ministerio di Beni et activittà culturale. La Convention européenne du paysage - CEP a été ratifiée en 2006. La protection du paysage a fait l'objet d'une première loi en 1939, dite de protection des beautés naturelles. Elle est reconnue par l'article 9 de la constitution italienne, qui indique en substance que la République exerce la protection du paysage de la nation. Elle a été modifiée en 1985 par la loi dite Galasso : la protection des paysages y est élargie à des catégories entières de « biens paysagers » comme les montagnes, les lacs, les volcans, les rivières, les zones côtières, les parcs et les réserves, les forêts et autres. Cette loi admet le concept de « plan territorial avec validité paysagère ». La législation italienne protégerait ainsi environ 141.000 km² de territoire à valeur paysagère, soit 48% du territoire national ; la valeur du paysage y est clairement reconnue comme ressource naturelle produisant des revenus économiques.156 Ces textes ont été refondus en 1999 dans un souci de simplification et de mise en cohérence, mais l'adoption de la CEP, qui a élargi le paysage et le fait considérer comme une partie du « patrimoine culturel national », et la réforme institutionnelle en matière de distribution territoriale des compétences entre État et régions, ont abouti en 2004 à un Code des biens culturels et du paysage. La planification du paysage y est renforcée, ainsi que sa prépondérance sur les autres instruments de planification, promouvant ainsi les plans paysagers et leur élaboration conjointe entre État, régions et entités locales. Le plan d'aménagement paysager est un plan d'urbanisme spatial, élaboré par la Région en collaboration avec le ministère du Patrimoine et de la Culture, qui vise à 156 Ce paragraphe et le suivant sont inspirés d'un article de José Luis Bermejo Latre, de l'université de Saragosse, « la protection du paysage en Italie », Site Internet Persée - Revue Européenne de Droit de l'Environnement - 2005 Démarches paysagères en Europe Page 109/173 Rapport n°010731-01 protéger et à mettre en valeur les paysages. Les plans d'aménagement paysager décrivent les caractéristiques du paysage, découpés en unités. Pour chacune, ils définissent des exigences spécifiques et des objectifs de conservation et de restauration des valeurs paysagères, de régénération des zones dégradées, de protection des secteurs particuliers, d'entretien des éléments du paysage et des prescriptions en matière de silhouette bâtie et d'aménagement urbain. Ils comprennent la fixation d'objectifs de qualité paysagère. En ce qui concerne l'ordre hiérarchique des instruments de planification, le plan d'aménagement paysager est un puissant instrument de contrôle car il prévaut sur les plans et les programmes nationaux et régionaux et d'autres actes touchant à la planification des sols et notamment le PTC. Ils doivent être approuvés par l'État, puisqu'ils comportent une délégation à la région de compétences de l'État (et notamment de la sopraintendenza, l'équivalent de l'ABF). Le contenu de ces plans est donc examiné avec précision et tous ne sont pas approuvés. Ainsi le plan paysage de Lombardie, en cours, n'a pas encore été approuvé à défaut d'un volet opérationnel. Les deux plans de paysage de Toscane et des Pouilles ont été approuvés et peuvent donc fonder des recours et servir à l'élaboration de documents de planification de niveau inférieur. De nombreuses municipalités ont constitué une commission du paysage. En Emilie-Romagne, le plan paysager, intégré au plan territorial régional, est en cours de refonte. D] Les Parcs naturels régionaux Les parcs régionaux italiens, assez semblables à nos PNR, se composent de zones terrestres, de rivières, de lacs et éventuellement de zone liées à la mer, donnant sur la côte, présentant un grand intérêt sur le plan environnemental et naturel, qui constituent, dans une ou plusieurs régions voisines, un système homogène, identifié par la structure des lieux naturels, l'intérêt des paysages et les traditions culturelles des populations locales. On compte plus d'une centaine de parcs, pour une surface de 1.200.000 ha. Un certain nombre de parcs régionaux ne figurent pas dans la liste officielle mais sont assimilés, comme le parc agricole de Milan. Comptes-rendus des rencontres Politique agricole de Milan Sur la commune de Milan, le plan de gouvernement du territoire (PGT) équivalent du PLU en Lombardie, date de 2012. La métropole est récente, elle doit remplacer la province, et le nouveau plan est en cours d'élaboration. Le plan vise un rééquilibrage ville-rural et prévoit quatre districts ruraux pour Milan. Ces districts ruraux sont des territoires avec une identité culturelle et territoriale dont le projet est porté par des exploitants agricoles réunis en sociétés coopératives, avec des aides financières de la région. Il s'agit de combiner écologie, aménagement du territoire et production (riz, maïs, céréales...) La ville participe à l'élaboration des plans de développement de district. Ceux-ci définissent des objectifs en matière d'aménagement rural, de paysage, d'agriculture. Un accord stratégique général a été trouvé, aboutissant à un plan sur les quatre districts, portant sur les corridors écologiques, la gestion de l'eau, la rénovation des immeubles agricoles, la multifonctionnalité et l'identité culturelle. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 110/173 Par ailleurs des expérimentations sont en cours. Cette année, Milano restauration, qui gère toutes les cantines de Milan, a signé des contrats avec les agriculteurs, en introduisant le critère du produit typiquement local. Le parc agricole de Milan 1) Contexte Face à la croissance urbaine de Milan, la nécessité d'instruments de planification à une échelle métropolitaine est apparue dans les années 50. Dans ce contexte, contrairement aux secteurs nord dont l'agriculture traditionnelle diversifiée n'a pas résisté à l'urbanisation, les secteurs sud de Milan comportaient une agriculture liée à l'eau possédant des caractères forts. Il a été décidé dès la fin des années 60 d'en favoriser le maintien, avec les avantages que représentaient ces espaces ruraux ouverts, en matière de paysage, de secteurs naturels, d'aménités et de patrimoine bâti. On y trouve notamment des abbayes qui ont été les premières à bonifier le territoire, mais aussi un certain nombre de fermes ou cascine à l'architecture monumentale, apparues dès la Renaissance mais fortement développées au XVIII° siècle, propriétés nobiliaires, de grands bourgeois, voire d'institutions publiques, hôpitaux ou orphelinats. Elles étaient organisées selon un système de cours et de bâtiments aux fonctions spécialisées (logement des maîtres, des employés, granges, transformation (fromage, etc.) étables... Dans la région, l'eau est un élément fondamental, avec un réseau de canaux de tailles diverses : grands canaux navigables, (Naviglio grande, Naviglio pavese) reliant Milan au Pô, accompagnés d'un « chevelu » dense de canaux plus petits, bordés d'alignements d'arbres, les roggia, alimentés par des résurgences et permettant par un système d'irrigation très sophistiqué l'alimentation de rizières et des marcite. Les marcite sont des prés irrigués et pâturés toute l'année qui produisent un fourrage réputé. L'eau est également présente dans de nombreuses carrières envahies par la nappe phréatique et qui se renaturalisent. 2) le Parc agricole Dans ce contexte très riche, l'idée du parc Agricole Sud Milan a mûri dans les années 70 et 80, avec pour objectif de créer une vaste aire de développement agricole permettant des usages récréatifs pour les citadins, pour finalement être institué par une loi régionale de 1990. Il dépend de la métropole de Milan et couvre les zones agricoles et forestières de 61 communes, pour un total de 47.000 ha. En tant qu'observateurs étrangers, nous avons été surpris par le fait que l'agriculture de ce parc semble peu dédiée au maraîchage péri-urbain, mais à des grandes cultures céréalières, dont le riz, et à la prairie et à l'élevage. La partie cultivée du parc comporte 37.000 ha avec plus de 1.000 fermes. Administrativement, le parc est un service de la métropole de Milan et comporte un conseil directeur réunissant des représentants des maires élus, le président de la métropole, des conseillers métropolitains, des représentants du monde agricole, des associations de protection de l'environnement, etc. Le budget est alimenté par les municipalités. Il comprend trois comités : une commission du paysage, un comité technique agricole et 3° comité ? Il est soutenu par le fond de développement régional européen. La région lombarde peut contribuer à certains projets spécifiques. D'autres soutiens financiers peuvent être obtenus auprès de fondations privées, notamment la fondation CARIPLO, (Cassa di Risparmio delle Provincie Lombarde). La Caisse d'Epargne a une double activité de crédit et d'aide sociale avec comme mission le soutien à l'économie du territoire lombard et l'essor social et culturel. Du fait de la Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 111/173 nécessité légale de séparer les deux activités, l'action d'aide sociale a été confiée à la Fondazione Cassa di Risparmio delle Provincie Lombarde, créée pour la circonstance. Avec un effectif de 23 agents, employés par la ville, le Parc agricole gère de façon assez centralisée les autorisations de travaux, via la Commissione per il paesaggio del Parco AgricoIo, en fonction d'un zonage qui définit ce qu'il est possible de faire suivant les secteurs agricoles, les infrastructures et les parcs publics, ainsi que sur les secteurs à valeur patrimoniale, architecturale et paysagère, où sont prévus des règlements plus restrictifs. Sur les zones humides, la construction est interdite. Sur les zones paysagères protégées ou les Cascine, la décision se fait au cas par cas. Notre visite de l'après-midi nous montrera que les autorisations sont perçues comme parfois longues et tâtillonnes : les dossiers doivent passer devant la commission du paysage, des services de la métropole, mais aussi devant la sopraintendenza, c'est-à-dire l'équivalent de l'ABF... La commission du paysage délivre environ 150 autorisations par an. Le Parc donne un avis (simple) sur les projets des zones urbaines limitrophes. 3) Bilan et questions Selon le Parc, le bilan, après 17 ans d'existence, est en demi-teinte : il a évité une urbanisation incontrôlée, et les élus, au début méfiants, ont constaté une indéniable amélioration de la qualité de vie. Mais, même si la dégradation des paysages a été jugulée, les moyens insuffisants ne permettent que difficilement des opérations de requalification paysagère sur ressources propres ou le soutien aux marcite. Un label a été créé sur certains produits du parc, et une politique de valorisation et d'information du public sur les produits et les paysages a été mise en oeuvre par l'Association du parc des rizières (voir ci-après). Du coté des agriculteurs, on vu les difficultés d'obtention des autorisations de travaux. Enfin des conflits apparaissent, par exemple sur les gravières qui ne peuvent s'étendre ou sur la construction de grandes infrastructures routières métropolitaines qui empiètent sur le territoire du parc. Un système de compensations existe mais semble avoir du mal à fonctionner. Nos visites dans le parc nous ont montré des paysages très typiques, globalement très plats, animés de très belles fermes, de monastères, d'églises, d'alignements de peupliers le long des canaux, de routes et de chemins établis sur les petites digues qui cloisonnent le paysage et séparent les rizières en jouant subtilement sur les différences de niveau. La qualité de ces paysages reste assez variable, du fait de la proximité de la ville et des équipements qu'elle demande : lignes à haute tension, voirie routière, secteurs urbains enclavés, et une présence automobile très prégnante sur certains secteurs. Le contraste entre les hauts immeubles de la banlieue milanaise, et les champs et boisements qui les accompagnent est assez surprenant. Nous avons noté que cette campagne proche est très fréquentée par les citadins, qui pratiquent jogging, vélo, ou promenade du chien. Une des questions posées est celle de l'articulation de ce système plutôt centralisé, qui reflète une perception citadine sur la campagne, avec les initiatives locales. Le parc indique les encourager et les soutenir, quoique assez peu financièrement, et plutôt pour des musées comme l'Uffizio del Gusto e del paesaggio comportant un centre de documentation sur le paysage et un laboratoire de cuisine. L'Association du parc des Rizières, le Parco delle risaie L'Association du Parc des Rizières, organisme sans but lucratif, a été créée en 2008 par un groupe de résidents et d'agriculteurs, unis par un intérêt commun à préserver et à améliorer cette partie du parc Sud de Milan, secteur agricole en fort contact avec Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 112/173 l'urbanisation, dans sa fonction productive, mais aussi pour promouvoir les activités de la nature, favoriser l'accueil, le tourisme rural. Un des messages adressé aux citadins est que cette zone verte n'est pas un parc urbain, mais qu'il peut être fréquenté suivant certaines règles et dans le respect de l'agriculture, principale « gestionnaire » du paysage. L'Association, soutenue par la municipalité de Milan, la Région Lombarde, les services de l'Agriculture de la province de Milan et d'autres institutions, développe des animations, notamment via des interventions artistiques, ainsi que des projets relatifs à différents thèmes : accessibilité, culture, gastronomie (le risotto), information, éducation (2 à 3.000 enfants des écoles visitent le parc chaque année), création d'itinéraires de découverte des paysages, à pied ou à vélo, tourisme rural. Elle contribue à la sélection des produits et services certifiés par la marque du parc. Dans le secteur, la production consiste essentiellement en riz (55.000 assiettes de riz par jour toute l'année !) et en fourrage. Une grande partie du riz part de façon anonyme dans l'industrie agroalimentaire. Seule une partie du riz, principalement de variété « carnaroli », qui est vendu via des contrats avec la grande distribution, est utilisé dans la cuisine locale et est spécifiquement destiné à l'élaboration du risotto de Milan. Contrairement à certains fromages locaux (le stracchino), une très grande partie du riz produit (95%) ne possède pas de label. D'autres produits sont labellisés, comme certains légumes (courgettes) ou des pâtes fraîches produites à partir de farines de blé dur ou tendre. Le label est un label de qualité environnementale, mais pas un label de produit. Enfin, les circuits courts en direction de la ville ont cru en 10 ans, par le biais des marchés ou de groupe d'achats solidaires (équivalent de nos AMAP). La résistance des agriculteurs au parc a été forte au début, et dans les années 2000, ils « en avaient marre du parc » dont ils ne voyaient pas les avantages. Différents outils et actions de communication ont été mis en oeuvre pour se rapprocher des agriculteurs, pour les rendre plus visibles des citadins. Mais l'aide technique du Parc est limitée faute de moyens et même aujourd'hui, selon l'agricultrice que nous avons rencontrée, les relations des agriculteurs avec le Parc agricole ne sont pas toujours faciles, notamment du fait de la rigidité bureaucratique de l'administration du Parc. On a évoqué plus haut les délais d'autorisation de travaux : un projet de transformation d'un bâtiment agricole en chambre d'hôtes lui a demandé 2 ans d'attente, ce qui lui a fait perdre beaucoup d'argent. L'autorisation a finalement été obtenue, sans que s'explique la raison de tant d'atermoiements. Mais, plus positivement, un certain rapport a été retrouvé avec les citadins, à qui cependant il faut parfois rappeler quelques règles, comme nous avons pu en être témoins. Il existe une charte paysagère du parc pro cittadine verso la sostenibilità qui réunit différents partenaires : associations, institut Politecnico, agriculteurs, société des Navigli, et dont le but est de rapprocher les citadins de la campagne en rendant navigables les voies d'eau et la vente de produits dans la Darsena, l'ancien port de Milan. Le Parco Ticino ­ le parc du Tessin Le Parc a employé une centaine de personnes jusqu'à la fin des années 2000, mais aujourd'hui, les effectifs sont en baisse et tournent autour de 50 à 60 . Le budget est de 8 à 12millions d' dont 1million d' de la région Lombarde. Il est alimenté par des contributions des municipalités (2 par habitant et par an), par la fondation CARIPLO, et différents financements liés aux projets : projets Life, Europe, subventions du ministère de l'environnement. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 113/173 Le parc comporte un comité directeur, avec un président, nommé par la région et 5 conseillers choisis parmi les élus ; une assemblée du parc, composée des 47 communes, des 3 provinces, d'associations environnementales. Fait symptomatique, elle ne comporte pas d'agriculteurs... Il existe une commission du label, qui, elle, comporte des agriculteurs. Le territoire du parc est situé à une quarantaine de kilomètres à l'ouest de Milan. Il adopte une forme linéaire nord-sud qui suit la rivière du Tessin, affluent du Pô. Premier parc régional d'Italie, il a été créé en 1974 pour protéger la rivière et les milieux naturels de la vallée contre l'industrialisation et l'urbanisation d'une aire parmi les plus densément peuplées d'Italie. Le parc borde d'ailleurs l'un des deux aéroports de Milan, Milano-Malpensa. Très semblable à nos PNR, il s'étend sur trois provinces et 47 communes et possède une superficie de 92.000 ha (120 km du nord au sud, 3 à 10 km de large), dont 25% en surfaces naturelles, constituant le noyau du parc, 20% de surfaces urbaines, et 55% de terres agricoles. Dans le parc, les exploitations ont une surface moyenne de 30 ha, plutôt petites, mais la moyenne italienne est de 10 ha. Les paysages sont variés : si, dans la vallée, zones naturelles, réserves de biodiversité et activités de loisirs sont orientées vers le Tessin et l'eau, le plateau reste destiné à la grande culture intensive (maïs, riz, blé) et aux prairies en herbe ou marcite pour l'élevage bovin. Comme sur le parc agricole de Milan, les horizons y sont très plats et sillonnés depuis le Moyen-âge de canaux, d'alignements de peupliers et de fermes à la belle architecture. Nous avons pu admirer une grange en brique dont le traitement et la silhouette ne le cédaient en rien à un temple antique. Les marcite forment une structure très spécifique : ces prés sont irrigués toute l'année par un système hiérarchisé de canaux, ce qui permet à l'herbe de pousser même en hiver : ces parcelles restent vertes alors que les alentours sont enneigés et couverts de givre. Aujourd'hui ne subsistent que 300 ha de marcite sur une soixantaine d'exploitations. Pâturés ou fauchés, ils produisent un fourrage réputé, l'« or vert », coupé dix fois par par an. Y étaient autrefois associés certains métiers, comme les Campari, qui géraient subtilement les ouvertures de vannes en équilibrant la distribution des eaux. Le parc a effectué un travail considérable auprès des agriculteurs. Après une période conflictuelle dans les années 70 à 90, la concertation s'est améliorée. L'acquisition de leur confiance a été obtenue d'abord en résolvant leurs problèmes immédiats, puis en les aidant à monter leurs projets et à monter les dossiers de subvention ou d'autorisation. Maintenant, le parc va plus loin, surtout en montrant l'exemple, en organisant des expérimentations concluantes, etc. Il s'agit de faire prendre conscience que les alignements d'arbres, les haies, la rotation des cultures, le maintien d'un parcellaire assez réduit et l'augmentation des prairies de pâturage créent, s'ils sont bien gérés, un paysage et un environnement qui améliorent la qualité de vie de tous et qui présentent un intérêt économique et touristique. Ainsi, l'organisation de filières de vente directe, dans un secteur où 90% de la production rizicole était autrefois vendue aux grandes rizeries, a permis de montrer que les baisses de production engendrées par la plantation de haies étaient largement compensées par les prix de vente. En ce qui concerne les parties urbaines, le parc travaille sur certains dossiers, notamment sur les parties historiques, avec les architectes de la Sopraintendenza, ou intervient sur les limites des zones urbaines, au moment de leur définition. En revanche notre interlocuteur n'a pas connaissance d'actions sur la qualité de l'espace public, ou des lisières urbaines. Il faut cependant considérer que toutes les communes ont une commission du paysage, où le parc est représenté. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 114/173 Les paysagistes : formation, recherche, organisation professionnelle La profession semble encore assez mal connue en Italie. C'est l'Ordre des architectes et des paysagistes (Ordine Nazionale Architetti, Pianificatori, Paesaggisti e Conservatori) qui donne l'agrément d'architecte-paysagiste. Cet Ordre semble assez hiérarchisé : 1 architecte, 2 planificateur, 3 paysagiste, 4 conservateur. L'architecte peut agir sur tous domaines, contrairement aux autres, et ce même s'il n'est pas formé à ce type de projet. Selon une étude comparative 157, 154 architectes paysagistes sont inscrits à l'Ordre des architectes et des paysagistes en 2014 (à comparer au nombre d'architectes, environ 85.000). L'Association des architectes paysagistes (AIAPP, Associazione Italiana di Architettura del Paesaggio), (environ 700 adhérents) publie depuis 1998 le magazine Landscape Architecture. Il existe un cursus de master à Florence et Gênes (en faculté d'architecture) et des cursus sont en cours de création à Turin et Milan. On note en Italie un métier spécifique, agronome-paysagiste, parti au départ de la profession d'horticulteur. A Milan, il y a un cursus agronomie en lien avec le paysage. Turin intègre le paysage dans la formation agronomique. A retenir : Politiques publiques - le plan régional d'aménagement paysager (piano paesaggistico), qui vise à protéger, gérer et mettre en valeur les paysages et qui comprend la fixation d'objectifs de qualité paysagère. Après approbation par l'État, il prévaut sur les plans et les programmes nationaux et régionaux et documents de planification. Un statut de parc agricole géré à l'échelle d'une métropole ; - une difficulté à faire se rencontrer les démarches « top-down » et « bottom-up » ; - la lien entre agriculture productive ET la gestion du paysage ; - le contact citadins ­ agriculteurs avec une notion de « prestation paysagère » ; - l'importance de l'animation (associations...) Prise en compte - Participation citoyenne affirmée par la loi. Il existe des des populations systèmes de referendums locaux ou de pétitions, sur lesquels les conseils municipaux ou provinciaux sont obligés de se prononcer. Profession Maîtrise d'ouvrage Une association des architectes paysagistes (AIAPP) qui publie le magazine Landscape Architecture. 157 Topia « Les paysagistes dans le monde ­ Texte collectif ­ (2008-2014) - Pierre Donadieu http://topia.fr/wpcontent/uploads/2014/11/Les_paysagistes_dans_le_monde.pdf Démarches paysagères en Europe Page 115/173 Rapport n°010731-01 Pays : Pays-Bas Source : recherches bibliographiques, notamment actes du séminaire 2008 des Paysagistes-conseils de l'État en 2008 aux Pays-Bas158. Problématiques initiales identifiées Pays de dimension réduite et de forte densité de population, les Pays-Bas ont intégré de longue date un souci de la qualité paysagère jusqu'aux échelles territoriales les plus réduites. Ils ont développé une « école de paysage » remarquée en Europe. Intérêt : On peut sans doute dire que les Pays-Bas sont le berceau des « plans de paysage » qui se sont ensuite développés sous diverses formes dans de nombreux pays d'Europe avec trois caractéristiques principales : · une échelle territoriale de dimension moyenne (plusieurs communes) · une démarche volontaire et prospective fondée sur une analyse des caractéristiques et enjeux paysagers du territoire concerné · une déclinaison à la fois dans le droit des sols (plans et règlement de zonages) et dans des opérations concrètes d'amélioration de la qualité. Questionnement : Confrontés aux défis actuels (changement climatique et montée des océans, transition écologique dans le domaine agricole, pressions urbaines) les Pays-Bas sauront-ils préserver la qualité de l'aménagement qui faisait dire à Karin Helms, organisatrice du séminaire des paysagistes-conseils de l'État, à Rotterdam en 2008 : « Dans le paysage néerlandais, l'innovation n'est pas juste une réponse nécessaire pour s'adapter au contexte technique très mouvant. Elle est aussi le moyen de créer une identité propre à chaque lieu, une « distinction culturelle » sans laquelle les Pays-Bas auraient pu devenir ennuyeux » ? Les acteurs rencontrés : · Niveau Etat : Le représentant des Pays Bas aux Ateliers 2016 de la CEP à Erevan (chef de projet « paysage » au ministère des affaires économiques). · Profession : paysagistes français ou belges ayant exercé aux Pays-Bas. Contexte national - 41 526 km2 (dont 7 600 km² en eau, 20 % du territoire terrestre étant audessous du niveau de la mer) - 17 M.hab. ­ 496 hab./km² - Capitale : La Haye : 502 243 habitants (Amsterdam :690 000 hab, Rotterdam :617 000 hab.) Statut : monarchie constitutionnelle - un état central - 12 provinces - 408 communes, dont les deux-tiers comptent plus de 20 000 hab. 158 Actes téléchargeables avec le lien: http://www.paysagistes-conseils.org/sites/apce/files/contenus/apcerotterdamweb.pdf Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 116/173 Organisation territoriale néerlandaise Tant au niveau de la province que de la commune, la législation et l'administration sont régies par les principes de cogestion (les trois niveaux d'administration sont compétents, avec l'État central, pour oeuvrer dans un même domaine, comme par exemple sur l'urbanisme) et de prise de décision collégiale (l'» exécutif » est toujours un groupe de personnes incluant le représentant du gouvernement). Dans certains cas, une loi peut faire d'une matière qui relevait de l'autonomie communale, soit un objet de cogestion, soit une compétence désormais provinciale. Les communes sont administrées par un bourgmestre et les provinces par un « commissaire du roi » l'un et l'autre nommés le gouvernement. Mais celui ci est tenu de les choisir le bourgmestre parmi des candidats respectivement proposés par le conseil municipal et les «états provinciaux». En ce qui concerne l'aménagement des espaces et l'urbanisme : les Etats provinciaux élaborent des plans d'action directeurs pour l'aménagement des espaces (streekplan) ; le Conseil exécutif provincial approuve les plans d'utilisation des sols établis par les communes. Celles-ci élaborent des ces plans et délivrent les autorisations d'urbanisme. Les «waterschappen »(administration locales des eaux), au nombre de 25, sont des entités compétentes pour tout ce qui touche à l'eau ; elles ont notamment pour tâche d'assurer la protection des terres contre les eaux, sujet capital aux Pays-Bas. Elles ont des compétences qui dépassent évidemment les limites des communes et provinces. Certaines de ces institutions datent du moyen-âge. Elles sont administrées par une assemblée élue par les propriétaires fonciers et les habitants de leur ressort. Orientations de la politique du paysage aux Pays-Bas La première feuille de route stratégique exclusivement consacrée au paysage date de 1977, avec la présentation de la « Visie Landschapsbouw » (perspective de développement du paysage) qui dès cette époque, affirme la nécessité de développer des plans de paysage. Les fondements de la politique actuelle seront posés dans une « Nota Landschap » en 1992, stratégie élargie à 3 ministères importants en 1999 (Éducation, culture et sciences, Habitat, urbanisme et environnement, Transports, travaux publics et gestion de l'eau) sous le nom de « Nota Belvedere » (mémorandum Belvedère), feuille de route décennale (1999-2009) qui prend pour axe central la valeur culturelle du paysage, et fait de l'identité historique et sociale des territoires le fil directeur de la politique de planification spatiale. La « conception Belvedere » est fondée sur le principe que l'adaptation est le vecteur le plus efficace de la protection. À la demande de la société civile, une nouvelle stratégie sera adoptée dès la fin 2008 : l' « Agenda Landschap » (Agenda paysage) fixe les objectifs de la politique néerlandaise jusqu'en 2020, dont l'objectif est de promouvoir un paysage attractif tant pour les citoyens que pour les acteurs économiques ». Le mouvement social quant à lui, a adopté en novembre 2005 un « Landschaps Manifest », signé par 47 associations et présenté par l'État néerlandais à l'édition Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 117/173 2010-2011 du Prix du paysage du Conseil de l'Europe. Il est présenté en ces termes159 : « Le Manifeste pour le paysage a été conçu pour mettre en exergue l'importance du paysage et améliorer la qualité du paysage des Pays-Bas. En promouvant l'implication des citoyens, l'échange de savoir-faire entre les organisations, l'amélioration de la qualité de l'aménagement du paysage ainsi que l'analyse des outils d'entretien actuels, ainsi qu'en recherchant des financements durables auprès des pouvoirs publics, la Fondation du Manifeste pour le paysage a montré qu'elle était un acteur clé du «rayonnement du paysage». Quarante-sept organisations collaborent à des fins de sensibilisation et de coordination des initiatives de soutien à l'entretien du paysage. En réunissant des organisations non gouvernementales ayant des objectifs différents, mais partageant toutes le même souci du paysage, la Fondation du Manifeste pour le paysage est parvenue à faire progresser sensiblement l'intérêt des autorités et du public pour le paysage. Cette démarche crée une force qui oeuvre pour la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage en utilisant tous les moyens à sa portée, qu'il s'agisse de l'amélioration des politiques ayant trait au paysage ou des campagnes «l'aménagement paysager de votre cour». Le contenu du manifeste promeut l'idée que le paysage doit être l'affaire de tous et profiter à tous, et que la beauté représente un aspect important du développement. Les instruments de prise en compte du paysage au niveau régional et local : L'État a produit, à l'usage des collectivités, un cadre stratégique pour le développement d'un paysage de qualité (Landschap Ontwikkelen met Kwaliteit, LOK), sous la forme d'un guide applicable à l'élaboration des plans de zonage. Le LOK est fondé sur les qualités naturelles (sol, eau, fane et flore), culturelle (histoire, architecture), la valeur d'usage (notamment récréative), et la « qualité perceptive » (contrastes visuels, tranquillité, silence...). De façon opérationnelle, les régions, intercommunalités et communes peuvent mettre en place des plans de développement du paysage (Landschapsontwikkelingsplan, LOP), complétés, à l'échelon local par des plans de qualité du paysage (Beeldkwaliteitplan, BKP) destinés à encadrer les constructions et aménagements nouveaux. Les LOP : Leur réalisation est volontaire, à l'initiative des municipalités, des groupements de communes ou des régions. Leur développement a été encouragé par des subventions gouvernementales et par l'implication du mouvement associatif ; 12 LOP sont actuellement en cours d'études ou de mise en oeuvre. La participation citoyenne est une condition nécessaire au financement extérieur de ces plans. L'articulation est forte avec les plans d'utilisation des sols, les LOP doivent obligatoirement être le fondement les orientations du document local de planification, et le cas échéant, constituer une partie intégrante de ceux-ci ; les LOP rentrent dans un niveau de détail important et à une échelle territoriale fine. L'exécution des plans est assurée par l'embauche de Landschapscoördinator (coordinateurs de paysage), chargés de la transposition des plans dans l'ensemble des 159 Publication du conseil de l'Europe présentant les sessions 200 et 2010-2011 du Prix du paysage. Téléchargement: https://rm.coe.int/16802f299a, page 57. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 118/173 normes juridiques, des programmes et des réalisations. Ces agents sont des professionnels privés sous contrat d'étude par les collectivités ou organismes porteurs. Les LOP néerlandais, dont sont issus les plans de paysage français, se composent de trois parties : 1. l'analyse paysagère du territoire ; 2. la « vision ­ visie - stratégique », à partir d'objectifs de qualité de l'espace ; 3. le programme d'actions, avec identification, pour chacune d'elles, de son responsable, de ses acteurs, et de son financement. Un document cartographique détaillé accompagne l'ensemble. NB : les quelques documents LOP repérés sur internet ont été rédigés par des « Landschapsarchitekten » Les BKP : Les « plans de qualité du paysage », également établis sur la base du volontariat, mais sans procédure normalisée, s'imposent néanmoins, une fois réalisés, aux permis de construire et à la morphologie des nouveaux développement urbains. Ils sont complémentaires des LOP, dont ils concrétisent et illustrent les intentions (la visie), notamment en cas d'urbanisation de nouveaux territoires ruraux, en termes d'harmonie entre éléments construits et espaces naturels, entre les structures paysagères existante et nouveaux éléments introduits. À la différence des LOP, dont l'expression graphique principale est en deux dimensions, les BKP sont avant tout illustrés par des plans-masses ou des croquis de détail. Ils sont intégrés aux plans d'utilisation des sols locaux. Le rôle du Landschapscoördinator évoqué ci-dessus est également crucial dans l'établissement et la gestion de ces documents. Les « nationale landschappen », paysages de référence de la politique nationale de qualité Les 20 paysages culturels néerlandais « les plus précieux » et représentatifs ont été désignés « paysages nationaux » en 2006. Il s'agit de lieux où se combinent de manière particulièrement caractéristique les valeurs historiques, naturelles et culturelles. Il ne s'agit pas seulement d'une « protection » puisque de gros efforts ont été consentis dans le même temps pour y assurer l'accueil et la sensibilisation du public, ainsi que l'association de leurs propriétaires ou gestionnaires agricoles et forestiers, ainsi acteurs cruciaux dans ce pays ­ que les gestionnaires de l'eau. Une Fondation à but non lucratif, Stichting Nationale Landschappen, a été constituée deux années après la désignation des 20 sites : elle a pour but d'en assurer la gestion et « de renforcer la coopération entre toutes les parties concernées, dont les autorités locales et régionales et les investisseurs privés ». Parmi les paysages ainsi désignés et mis en gestion figure le paysage linéaire (85km) de « la nouvelle ligne de flottaison hollandaise » (« Nieuwe Hollandse Waterlinie »), Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 119/173 dont la mise en valeur a fait l'objet d'une candidature au prix du paysage du conseil de l'Europe 2014-2015, et sera présentée à la désignation au patrimoine mondial en 2019. La profession et la formation des paysagistes aux Pays-Bas L'émergence de la profession de paysagiste aux Pays-Bas est inséparable de la reconstruction du pays après la seconde guerre mondiale. La personnalité de J.T.P. Bijhouwer (1898-1974), dont Jacques Sgard suivit l'enseignement, domine cette période : le métier se détache de la conservation et investit la grande échelle, urbaine comme rurale. Les paysagistes sont essentiellement dans le secteur public, aux côtés des ingénieurs chargés de rebâtir le pays et de contrer la menace maritime toujours présente (des paysagistes ont été intégrés dans les équipes de réalisation des grands polders du Zuiderzee). L'Ile de Walcheren (photo ci-dessus), en Zélande, volontairement inondée pendant la guerre, a été entièrement redessinée à la fin des années 50, à la fois en termes fonctionnels et esthétique Elle a servi de modèle aux « plans de paysage » qui se sont développés à partir de cette période, et qui ont fait école dans plusieurs pays d'Europe, dont la France. Témoin de la place des paysagistes dans le secteur public des années 60 aux années 80, c'est un paysagiste qui dirigea pendant cette période le service national des forêts. La conception paysagère s'exerce également dans les projets urbains, notamment dans le programme VINEX160, ayant pour objectif, dès les années 90, de limiter le mitage et l'étalement des villes en construisant des quartiers à forte densité, soit en continuité des villes soit même en milieu rural, dans un cadre très « dessiné » tirant notamment partie du réseau de canaux qui en constituent souvent les limites. A partir des années 80, l'État perd sa suprématie sur l'aménagement du territoire et une quarantaine de grandes agences privées de paysagistes sont créées. 2000 personnes161 travaillaient en 2008 dans l'aménagement du territoire au titre des agences de concepteurs, 400 d'entre elles étant issues d'écoles de paysage (Wageningen162, Amsterdam, Larenstein, faculté d'architecture de Delft...). La profession de paysagiste est protégée, et gérée par un ordre très dynamique qui décerne chaque année le prix Bijhouwer, dont la réalisation lauréate concourt ensuite au prix du paysage du Conseil de l'Europe. A retenir : Malgré une documentation partielle, l'obstacle de la langue et l'absence de témoignage direct des acteurs néerlandais du paysage, les Pays-Bas apportent des contributions importantes à la problématique européenne : stratégie nationale, culture paysagère très ancrée dans la population, profession nombreuse et reconnue, vision dynamique et non conservatrice de la qualité paysagère, et matrice européenne des plans de paysage (développés dans ce pays dès les années 50). 160 Du nom d'une loi de 1995, prévoyant un programme de construction d'un million de logements nouveaux en 10 ans. Soit 1 pour 8400 habitants ! Voir la présentation (en anglais) du master d'architecte-paysagiste (landscape-architecture and planning) sur le site de cette université : http://www.wur.nl/en/Education-Programmes/master/MScprogrammes/MSc-Landscape-Architecture-and-Planning.htm Démarches paysagères en Europe Page 120/173 161 162 Rapport n°010731-01 Politiques nationales - Une stratégie nationale, « Agenda Landschap 2008-2020» qui cite explicitement la définition de la CEP ; - Un réseau de Nationale Landschappen fondé sur une vision dynamique de la protection ; - des lignes directrices nationales pour les plans de paysages (Landschapsontwikkelingsplan, LOP). Prise en - Les LOP ne sont soutenus financièrement que s'ils mettent en oeuvre compte des une dimension participative ; populations - Le « Landschaps Manifest » signé par 47 associations traduit la mobilisation de la société civile en faveur de la qualité du paysage. Profession Maîtrise d'ouvrage - Puissante numériquement (2000), juridiquement (un ordre) et intellectuellement (vision dynamique et progressiste du paysage) - Intérêt des « Landschapscoördinator » dans les communes qui ont entrepris un plan de paysage. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 121/173 Pays : Royaume-Uni ­ Angleterre Source : recherche bibliographique et entretiens dans le cadre de la visite à Londres des 28-29 avril 2017. Problématiques identifiées Dans le cadre de sa politique de planification, le Royaume-uni a développé une démarche « d'infrastructure verte », où le paysage occupe une place centrale. Les professionnels du paysage se regroupent au sein du « Landscape Institute », organisation professionnelle structurée, active dans la défense des problématiques liées au paysage et le soutien de ses membres dans les institutions publiques comme dans l'activité libérale Questionnement : quels enseignements retenir de l'organisation des professionnels du paysages ? Quelles sont la portée, les effets et les conditions de réussite de la démarche d'infrastructure verte pour la prise en compte du paysage dans les politiques d'aménagement du territoire et les autres politiques sectorielles ? Les acteurs rencontrés. · Au niveau ministériel : représentants du ministère de l'environnement de l'alimentation et des affaires rurales (DEFRA ; department for environment, food and rural affairs) et du ministère des collectivités territoriales (DCLG : department for communities and local government). · Des représentants des agences gouvernementales: Natural England, Historic England, Heritage Lottery Fund. · Des représentants des collectivités locales : Barnet (district de Londres) Association des directeurs de l'environnement, des affaires économiques et de la planification (ADPET). Contexte national - 242 495 km² Monarchie constitutionnelle. - Royaume-Uni :65,11 M.hab. ­ 261 Systèmes de « dévolution » à l'Écosse, hab/km² (Angleterre : 55 M.hab.) au Pays de Galles et à l'Irlande du Nord - Capitale : Londres : 8,17 M.hab. (Aire urbaine : 12,3 M.hab.) Organisation territoriale Le Royaume Uni est constitué de quatre nations : l'Angleterre, l'Écosse, l'Irlande du Nord et le Pays de Galles. L'Angleterre comprend 9 régions. La région de Londres, appelée Grand Londres, est divisée en 32 boroughs (districts londoniens dont la Cité de Londres). Elle est administrée par la Greater London Authority et par la London Assembly. Les autres régions se composent de comtés et d'« autorités unitaires ». Les comtés se subdivisent en districts. Les autorités unitaires combinent les compétences des comtés et des districts. En dessous des districts se trouvent les « paroisses civiles ». Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 122/173 L'Ecosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord bénéficient d'un système de dévolution qui les dotent d'institutions propres et de compétences particulières dans un certain nombre de domaines, dont celui de la planification. Urbanisme et aménagement du territoire La mise en oeuvre de la CEP, la réglementation en matière de planification et la gouvernance en la matière sont distinctes en Angleterre, Écosse, Pays de Galles et Irlande du Nord. La mission s'est limitée à la seule situation de l'Angleterre. Par ailleurs, depuis le localism Act de 2011, à l'exception du Grand Londres, il n'existe plus de niveau régional pour les questions de planification. Le gouvernement a établi un cadre stratégique national, le National Planning Policy Framework, avec lequel les documents locaux de planifications doivent être compatibles (voir infra). Politique du paysage 1- Généralités et acteurs Historiquement, le paysage a toujours bénéficié d'une reconnaissance sociale importante. Dans ce contexte, la CEP a été signée et ratifiée en 2006 (même année que la France) par le Royaume Uni. Le DEFRA (Department for Environement, Food and Rural Affairs) est responsable de sa mise en oeuvre mais a confié cette responsabilité à l'agence Natural England dont il assure la tutelle. En complément, plusieurs agences gouvernementales, dont Natural England, Historic England ainsi que les onze Parcs nationaux notamment, jouent un rôle dans l'évaluation et le développement des politiques du paysage. Les entretiens avec les représentants du DEFRA ont mis en évidence la place restreinte occupée par le ministère chargé de l'environnement dans la définition des politiques paysagères dès lors qu'elle s'inscrit dans une démarche de planification. Ainsi, le document cadre stratégique National Planning Policy Framework (NPPF) a été rédigé par un autre département ministériel, le Department for communities and local government (DCLG). Le DEFRA traite des questions de protection de la nature et d'environnement ; la majeure partie de ses activités est tournée vers la politique agricole et l'alimentation. Parmi les 33 « agences » qui relèvent de sa tutelle, on trouve l'agence de l'environnement, Natural England et les onze parcs nationaux . Sa compétence est limitée à l'Angleterre, cette compétence étant dévolue (devolved) à l'Écosse, au Pays de Galles et à l'Irlande du Nord chacune pour ce qui les concerne163. Les questions relatives au paysage sont principalement suivies par l'agence gouvernementale Natural England. Cette agence a joué un rôle actif dans la réalisation de la landscape characterisation assessment (LCA), l'équivalent de nos atlas de paysage. Historic England traite des questions relatives aux « sites » (au sens patrimonial). Cet établissement relève de la tutelle du ministère de la Culture. Il joue un rôle de conseil auprès des autorités locales et s'intéresse au paysage au titre de ces missions. Au Pays de Galles, Irlande et Écosse, la mise en oeuvre de la CEP relève de l'Assemblée du gouvernement Gallois, du Département de l'Environnement en Irlande du Nord et du Directorate de l'environnement et de la forêt écossais ainsi que des agences Historic Scotland et Scottish Natural Heritage. 163 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 123/173 Les onze parcs nationaux jouent un rôle important dans la politique du paysage. Ils disposent de pouvoirs de planification et élaborent des politiques de préservation des « beautés naturelles ». Ils définissent un plan « d'obligations économiques » d'une durée de cinq ans. Ce plan de gestion, à moyen terme doit obtenir l'accord de toutes les autorités locales. Il pose des conditions au développement et a un impact sur les zones limitrophes du parc. Tout promoteur ou développeur devra démontrer qu'il a bien pris en compte ces conditions, les autorisations foncières étant au final attribuées par les districts et les boroughs 2- Le Landscape Character Assesment (LCA) : une identification des paysages à l'échelle nationale. Depuis les années soixante, la pierre angulaire des politiques du paysage en Angleterre et en Écosse a été constituée par la caractérisation des paysages et de leurs facteurs d'évolution, travail mené à l'échelle nationale, régionale et locale. La notion de «caractère du paysage » est fondée sur la différenciation entre les paysages et les traits qui les caractérisent. A l'origine, l'analyse reposait sur une approche objective, scientifique et quantitative. Elle s'est ensuite enrichie de la perception du paysage par ses habitants. Depuis 1993, la caractérisation du paysage (LCA) est devenue un élément de base dans le processus de planification. Cet instrument identifie les caractéristiques qui font sens pour celui-ci. C'est un outil d'information, de planification et de développement. La LCA peut être menée au niveau de planification pertinent (local ou de voisinage). Au terme de ce programme de caractérisation des paysages, une carte a été dressée qui, pour l'Angleterre, recense 159 aires (areas) différentes décrites dans huit volumes. Les autorités locales ont pris une part active dans la caractérisation de leur paysage. 3- Un cadrage stratégique et des orientations nationales en vue du développement durable : le national planning policy Framework (NPPF) Le NPPF est un document stratégique élaboré par le ministère des collectivités locales (DCLG). Mis en place en 2012, c'est un outil stratégique national global qui a vocation à guider les autorités locales lors de l'élaboration de leurs documents de planification. Il fixe les orientations stratégiques qui doivent être inscrites dans le plan local (Local Plan) qui comprend une core strategy qui précise les objectifs de long terme (15-20 ans) du territoire considéré (area) qu'il entend développer (expansion urbaine, zones à réhabiliter, nouvelles implantations...). Il définit une vision d'ensemble de la zone, identifie les points clefs à traiter et dresse une cartographie des principaux projets. Une cinquantaine de mesures ou dispositions du NPPF qui mentionnent explicitement ou implicitement le paysage ont été recensées par le Landscape Institute (organisation professionnelle regroupant les paysagistes ­ voir infra). Plusieurs d'entre elles prescrivent des éléments de contenu du plan local, parmi lesquels : · optimiser les possibilités du site en vue de son développement, créer et soutenir un usage multifonctionnel de l'espace (dont espaces verts) ; · tenir compte du caractère local et historique, refléter l'identité de l'environnement local ; · améliorer le panorama (visual attraction) par la mise en valeur du paysage (architecture and appropriate landscaping). Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 124/173 · · · · · · Le NPPF précise que la planification locale doit notamment comprendre : la Green infrastructure (GI) en ce qu'elle contribue à l'amélioration du bien-être des habitants, et contribue à la réhabilitation des zones détériorées ; la prise en compte des effets du changement climatique sur le paysage ; la qualité des espaces naturels et de la biodiversité ; le développement de l'évaluation du paysage intégré aux qualifications historiques du paysage dans zones qui pourraient s'urbaniser ; la conservation des paysages côtiers qui n'ont pas encore été construits et la préservation de leur accessibilité. Le dispositif de planification 1- le cadre juridique et la gouvernance de la planification Le premier texte relatif à un système de planification "moderne" a été le Town and Country planning Act 1947. Ce texte complexe soumettait l'aménagement et l'usage du foncier au contrôle des pouvoirs publics conformément aux règles de la planification. Cette législation crée les autorités locales de planification qui ont pour mission l'élaboration des plans et le contrôle des projets d'aménagement et de développement. Cette loi est demeurée inchangée jusqu'à une série de textes qui se sont succédé à partir de 1990, le dernier en date étant le Localism Act en 2011. Depuis cette dernière loi, les autorités locales sont compétentes en matière d'aménagement et de planification. Il s'agit : des conseils de comtés, des conseils de districts ou des conseils de cité (city councils), des conseils de paroisse ou de villes (parish ou town councils). Ces derniers n'existent d'ailleurs pas partout. La majeure partie de la planification est réalisée par les districts. A l'exception de Londres, le niveau régional de planification a été supprimé164. On dénombre 356 autorités locales dont 86 % ont rempli leur obligation d'élaborer un plan local d'aménagement. Progressivement, le dispositif tend à s'assouplir et à favorise des plans élaborés conjointement par plusieurs autorités locales aux territoires interdépendants. Sont exclus de cette compétence, les infrastructures de transports, les questions minières et les déchets, qui relèvent de la compétence des conseils des comtés. Par ailleurs, à Londres, le maire à la compétence de définir certains projets d'importance stratégique, tandis que la compétence de droit commun appartient aux 32 boroughs. Lorsqu'il existe un parc national, la compétence en matière de planification lui revient. 2- le local plan Le plan local traduit la stratégie des autorités locales chargées de la planification et sert de cadre pour les projets d'aménagements du territoire considéré. Il possède une portée contraignante. Il doit comprendre les documents suivants : · la core strategy, qui fixe la vision stratégique et les objectifs de développement pour la zone concernée au cours des 15 à 20 prochaines années. · le zonage avec sa cartographie (site allocations), qui identifie les sites précis nécessaires au développement (zones d'extension urbaines, nouvelles implantations, lieux de réhabilitation). · en tant que de besoin, les plans d'actions (area action plans) et le plan de développement (development plan document/ DPD). 3- les neighbourhood plans (plans de voisinage) 164 La suppression du niveau régional de la planification est regrettée en ce qu'elle empêche une vraie planification stratégique ; elle favorise toutefois le développement du bottom up (processus d'information ascendante) en rapprochant le niveau de planification de la population locale. Démarches paysagères en Europe Page 125/173 Rapport n°010731-01 La composante essentielle en est le volet logement pour lequel les besoins font l'objet d'une estimation objective. Pour ce faire, les autorités doivent toujours disposer d'une réserve foncière suffisante à échelle de 5 ans et fixer les limites de l'aménagement et du paysage naturel qu'elles cherchent à préserver. Ces documents demeurent soumis au contrôle des comtés afin de limiter les développements excessifs. 4- le contrôle des plans par des agents de l'État (planning inspectors) Les plans locaux sont contrôlés par le service de la planification dans lequel travaillent des agents de l'État, et non des collectivités locales. Ils mènent l'enquête sur une durée d'environ 9 mois avant de se prononcer sur la régularité du plan local qui leur est soumis. Les autorités planificatrices et les officiers du gouvernement central (planning officers ou inspectors ) qui contrôlent le contenu des plans locaux ont souvent des points de vue divergents. En 2016, 92 permis d'aménager ont été soumis au ministre (sur 150 000 demandes d'autorisations) du fait de divergences entre autorisés locales et planning inspectors du DEFRA. 20 000 demandes ont donné lieu à un appel : un tiers a été autorisé. 5- l'exemple du borough de Barnet Barnet fait partie intégrante du Grand Londres (32 boroughs au total). A ce titre, sa compétence en matière de planification est contrainte par la nécessaire prise en compte du plan de développement stratégique (Strategic Development Plan, SDP) de Londres. Actuellement, l'élaboration d'un nouveau SDP est en cours ainsi qu'un document stratégique environnemental qui traitera de l'infrastructure verte, de la biodiversité et de la santé. Les documents de planification de Barnet prennent en compte les choix opérés par les boroughs voisins notamment un plan de développement stratégique (SDP) d'infrastructure verte. Il s'agit d'interconnecter tous les "espaces verts". La caractérisation des paysages de Barnet et de ses sites historiques sont un atout pour la collectivité, d'où une politique de rénovation (regenerate) plutôt que de construction. L'autre spécificité de Barnet tient à sa localisation dans la green belt (ceinture verte) de Londres. La qualification de green belt constitue une planning designation depuis les années 40. Or, la politique de construction de 500 000 logements dans les zones où le marché immobilier connaît de fortes tensions entraîne de fortes pressions sur les green belt et en particulier à Barnet. La superficie du Grand Londres est en effet constituée à 47% d'espaces verts. La prise en compte du paysage dans la planification : la Green infrastructure. La prise en compte du paysage dans la planification est prescrite dans le NPPF (voir supra). L'outil privilégié pour la prise en compte du paysage est la Green infrastructure. 1- la notion d'infrastructure verte Dans les circulaires gouvernementales de 2008, l'infrastructure verte a été définie comme : « un réseau d'espace verts multifonctionnel existants ou nouveaux, ruraux et urbains, qui favorisent les processus naturels et écologiques. Elle contribue à la protection de la santé et de la qualité de vie de communautés ». Ce réseau, objet d'une stratégie de planification et de mise en oeuvre, inclut l'éventail le plus large d'espaces verts et autres éléments environnementaux. Il doit être conçu et Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 126/173 géré comme une ressource multifonctionnelle capable de produire des services écosystémiques et une qualité de vie attendus par le corps social. Sa conception et sa gestion contribuent au respect et au renforcement du caractère et de la spécificité du territoire au regard de son paysage. La GI est le fil conducteur dans et autour des zones urbanisées. Elle relie les zones urbaines avec leur hinterland et se retrouve à toutes les échelles territoriales. La GI s'intègre dans une démarche de planification centrée sur la prise en compte du développement durable et des effets du changement climatique. 2- Intérêt de la prise en compte de l'infrastructure verte dans la planification L'infrastructure verte joue un rôle de premier plan dans le processus de conception et de planification : elle tient compte du caractère du paysage et de ce qui fait sens pour ce lieu, et identifie les opportunités de participation de la communauté aux projets. L'infrastructure verte comporte une palette de fonctions potentielles et de services écosystémiques. Elle suppose une approche à partir de plusieurs points de vue qui conduit à un usage multifonctionnel du lieu. Outre des bénéfices en termes de santé, de bien-être, des bénéfices sociaux (éducation, renforcement de la cohésion sociale), d'écologie (renforcement de la biodiversité), un certain nombre de fonctions économiques ont été recensées, dont l'accroissement de la productivité du travail, l'augmentation de la durée de présence des visiteurs, l'augmentation de la valeur des biens immobiliers, la création d'emplois dans les secteurs de l'environnement, de la planification, de la construction, de la gestion de projets et des sites. Mais pour que la GI emporte des effets bénéfiques, deux conditions doivent être remplies: une conception et une gestion appropriée ce qui suppose un engagement effectif des partenaires et parties prenantes lors de la conception et de la réalisation de la GI. Les paysagistes et l'organisation de la profession : le Landscape Institute Au Royaume-Uni, le Landscape Institute (LI) est une organisation professionnelle structurée et très active. Créé en 1929, l'institut est chargé de « promouvoir la profession du paysage au profit de la société toute entière ». S'il n'est pas obligatoire d'être membre du LI pour mener un exercice professionnel dans le domaine du paysage, dans les faits, la quasi-totalité des commandes ou des postes requérant une telle compétence revient à ses membres. Le Landscape Institute totalise 5391 membres, dont 4643 en activité (avril 2017) soit deux fois et demi plus qu'en France pour une population équivalente (55 millions d'habitants pour la seule Angleterre, 65 pour le Royaume-Uni). La majorité de ces membres sont des chartered members (CMLI) ayant passé avec succès un examen d'entrée généralement deux ans et demi après l'obtention du diplôme (examen pour lequel l'institut organise des cycles préparatoires). 216 étudiants sont actuellement membres du LI, ainsi que 1262 licenciate (diplômés simples). Le Landscape Institute joue un rôle très actif dans la promotion de la place du paysage dans les politiques publiques. D'une part, il soutient ses membres qui occupent des postes-clefs dans l'administration ou ses agences. Ainsi, on recense 7 CMLI au sein de l'agence Natural England, cheville ouvrière de la politique du paysage au RoyaumeUni. D'autre part, l'organisation s'attache à défendre la présence de paysagistes Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 127/173 auprès des autorités planificatrices dans les collectivités locales. Cette stratégie de présence auprès du maître d'ouvrage est essentielle. Elle contribue à la prise en compte du paysage dès la conception d'un projet et sensibilise les décideurs et les représentants d'autres secteurs (infrastructures, aménageurs, écologues, promoteurs...) à la qualité paysagère. Enfin, la profession a joué et joue encore un rôle majeur dans la promotion de la démarche « d'infrastructure verte ». Il s'agit de mettre le paysage au premier plan des méthodes de travail de planification. Par ailleurs, le projet stratégique de l'Institut a retenu trois thèmes prioritaires : · promouvoir la valeur du « paysage comme infrastructure » (au travers l'implication des membres du LI ­ secteur public comme secteur privé ­ dans la promotion de la Green Infrastructure) ; · développer la profession « par l'acquisition de nouveaux savoir-faire » (new skills) ; · attirer vers la profession les nouvelles générations (inspiring the next generation into the profession). La réflexion de l'Institut l'amène à mettre l'accent à la fois sur les valeurs matérielles et immatérielles du paysage. Il note la nécessité de « quantifier » et d'évaluer les apports du paysage comme la beauté naturelle, le bien-être, ou la tranquillité. Il a rédigé à cet égard une brochure très argumentée sur le lien paysage-santé publique165. Une politique du paysage animée et mise en oeuvre par des agences gouvernementales. 1- Natural England Natural England compte 2000 agents. Cette agence est essentielle pour le traitement des questions liées au paysage et à la planification. Placée sous la tutelle du DEFRA, elle est née de la fusion en 2006 de English nature, Rural agency et Countryside agency166, qui a bouleversé l'équilibre en faveur de la biodiversité au détriment du paysage. On note la présence dans l'Agence de sept landscape-architects (membres actifs du Landscape institute), à mettre en rapport avec l'effectif total sus-indiqué. Parmi les missions attribuées à l'agence figure la mise en oeuvre de la Convention européenne (diffusion des concepts et du vocabulaire, mais aussi dimension paysagère des politiques sectorielles : énergie, ports, transports notamment, mais bien sûr, au premier rang, le cadre national de la politique de planification ­ NPPF). Au terme de la loi, l'agence exerce une mission de conseil auprès des autorités locales à leur demande. Elle assure la mise en oeuvre et l'actualisation des LCA (y compris dans ces dernières, la problématique du seascape (paysage vu depuis la mer). C'est elle qui réalise ou fait réaliser, si nécessaire, des landscape and visual character assessment dont l'objectif n'est pas de s'opposer aux projets d'aménagement, mais d'en obtenir une contribution positive à l'évolution du paysage (« better design »). Les travaux de l'équipe de paysagistes de Natural England s'oriente aujourd'hui vers le traitement des lisières urbaines (urban fringes), des ceintures vertes (green belts) en 165 166 Public Health and Landscape, creating healthy places. Novembre 2013 Voir Natural Environment and Rural Communities Act 2006, Chapitre 16 , Partie 1 , Chapitre 1 Natural England Démarches paysagères en Europe Page 128/173 Rapport n°010731-01 tant que ressources éducatives, et d'espaces ouverts "adoptés" par leur population, phénomène récent, surtout londonien, de mise en commun de la gestion (comparable à nos "jardins partagés" en ville). 2- l'Heritage lottery fund (HLF) Le HLF est un organisme (non-departmental public body, c'est-à-dire une agence interministérielle) de distribution de financements créé en 1994 par le gouvernement pour la mise en valeur du patrimoine. Il est abondé par les gains des jeux de loterie (il perçoit 5,6% du prix des billets vendus). Le fonds est administré par le National Héritage Memorial Fund (NHMF) qui décide de l'allocation des ressources. Il répond de son activité devant le Parlement via le ministère de la culture, des médias et des sports. Depuis sa création, 7,1 M£ ont permis de financer 40 000 projets notamment de restauration de milieux naturels et de mise en valeur de paysages (850 parcs publics et 3 200 projets de conservation de la faune et de la flore) ou de bâtiments patrimoniaux. La structure emploie 300 personnes. Elle a élaboré un plan stratégique 2013-2019 qui s'appuie sur une implication des communautés locales dans les projets faisant l'objet d'une dotation. Notre interlocuteur reconnaît qu'il existe un déficit de projets consacrés au paysage et à la nature. Les partenariats dans le domaine du paysage ont concerné 126 projets et ont reçu un financement de 237 M£. auxquels s'ajoutent 850 projets de parcs publics pour un montant de 842 M£. Les demandes émanaient auparavant à hauteur de 70% des collectivités locales. A présent, la majeure partie de ces demandes sont présentées par des Fondations ou des Parcs nationaux. La procédure commence par une demande de financement qui est instruite par un agent du HLF. Si la demande dépasse 200 £, la décision relève de la compétence du board qui est présidé par le Premier Ministre et comprend divers experts (archéologues, écologues, paysagistes selon les cas traités...). Le projet-type a une durée de réalisation de quatre à cinq ans. Parmi les exemples cités figurent le traitement de l'érosion côtière dans le Suffolk : organisation du repli des activités dans une zone protégée (AONB), ou bien la création d'une zone-tampon autour d'un site industriel gallois inscrit au patrimoine mondial (Blaenavon ironworks). Aujourd'hui, le Heritage Lottery Fund représente à peu près la seule source de financement en dehors des produits provenant des "taxes". Le plus souvent ces projets s'articulent avec les plans locaux d'aménagement, ou dans des territoires concernés par de grands projets d'infrastructure (HS2 rail :le plan d'équipement du pays en TGV). Il contribue à la Green Infrastructure essentiellement sur la restauration des rivières. 3- L'Agence "Historic England". Elle traite des questions relatives aux « sites » (dans le sens patrimonial167). Cet établissement relève de la tutelle du ministère de la culture, des médias et du sport. Il joue un rôle de conseil auprès des autorités locales s'agissant des questions de patrimoine, de tourisme. Il s'intéresse au paysage au titre de ces missions. A retenir : 167 Areas of outstanding natural beauty (AONB). Démarches paysagères en Europe Page 129/173 Rapport n°010731-01 Politiques nationales - Le National policy planning framework prescrit la prise en compte du paysage dans les documents de planification. - Rôle essentiel joué par des agences gouvernementales, notamment Natural England, et contrôle strict des planning inspectors Prise en compte des La possibilité d'élaborer des Neighbourhood plans à l'initiative populations des habitants fournit un exemple de procédure ascendante qui à terme aboutit à la mise au point d'un document de planification de valeur contraignante . Profession Le Landscape Institute est une organisation professionnelle très active qui a pour mission la promotion de la profession. Elle participe aux réflexions relatives au paysage et au développement de la démarche d'infrastructure verte. Elle fait en sorte que certains de ses membres occupent des postes utiles dans des agences qui traitent de question de paysage comme Natural England, ou auprès de responsables locaux. Les autorités compétences en matière de planification se trouvent au niveau local (comtés, districts, quartiers ou paroisses). Un certain nombre d'entre eux bénéficient de la présence de paysagistes. Maîtrise d'ouvrage Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 130/173 Pays : Suisse Sources : recherches bibliographiques (notamment brochure « Conserver et améliorer la qualité du paysage » éditée par l'Office Fédéral de l'Environnement en 2016 ). Visite des 8 et 9 février 2017. Problématiques initiales identifiées « Conception paysage suisse » adoptée dès 1997 par le gouvernement fédéral. Politiques sectorielles à dimension paysagère, notamment agriculture, énergie. Intérêts : · Mobilisation au profit de la qualité du paysage (symbole -un peu conservateurde l'identité de la Suisse...) de l'ensemble des « départements » du gouvernement fédéral. · Evolution en 20 ans de la « conception paysage suisse» d'une vision fortement naturaliste vers une approche perceptive conforme aux définitions de la CEP · l'émergence depuis une dizaine d'années de démarches d'initiative territoriale prenant le relais d'une politique d'aménagement de l'espace très hiérarchisée entre les trois niveaux d'administration fédérale, cantonale et communale (parcs naturels et politique agricole) · les concepts de « prestation paysagère », et une réflexion sur le lien paysagesanté. Questionnement : s'agit-il avant tout de « préserver une image » (la fresque qui figure derrière le siège du président du parlement fédéral), ou d'accompagner des évolutions de façon qualitative ? Les acteurs rencontrés Les différents « départements » du gouvernement fédéral : l'Office Fédéral de l'Environnement (OFEV), chef de file de la politique du paysage à ce niveau, qui avait mobilisé, sans difficulté identifiable, les principaux autres départements impliqués : l'Office fédéral du développement territorial (ARE - Amt für RaumEntwicklung) l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) 1. la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage (CFNP) 2. les parcs naturels (section espace rural de l'OFEV). Dans un autre registre, la co-présidente de la FSAP, (fédération suisse des architectespaysagistes) par ailleurs chargée de mission à l'OFEV Contexte national Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 131/173 La Suisse - 41 285 km² - 8,4 M.hab. - 203 hab/km² - Capitale : Berne : 129 000 habitants (5è ville loin derrière Zürich : 1,2 M d'hab) Statut : République fédérale ­ un état central, la « confédération » ­ 26 cantons dotés chacun de leur constitution (16 d'entre eux sont subdivisés en districts) ­ 2246 communes Organisation territoriale La Suisse est une confédération, formée depuis 1848 de 26 cantons de taille et de population très variées (1 600 km² en moyenne). Le pays est géographiquement divisé entre les Alpes, le Plateau suisse et le Jura. Les cantons sont souverains selon leur constitution respective, avec certaines limites. La répartition des compétences entre la Confédération et les cantons est formalisée dans la constitution fédérale. Chaque canton est divisé en communes, d'une superficie moyenne de 15 km² (France : 15,5 km²) soit au total 2246 communes . L'étendue des compétences propres de la commune dépend du canton, qui dans tous les cas exerce une tutelle plus ou moins marquée sur leurs décisions et prérogatives. Contrairement à une lecture purement juridique, les compétences confédérales ne sont toutefois pas négligeables : ce niveau, outre son poids financier et l'importance des politiques nationales qu'il mène (transports, énergie, cours d'eau...), est créateur de doctrines que les cantons déclinent sur leur territoire avec une certaine discipline. Urbanisme et aménagement du territoire La Confédération a la compétence de définir les principes de planification . Elle est toutefois légitime pour adopter des « conceptions168 » et plans sectoriels dans des domaines de sa compétence qui produisent des effets sur l'organisation du territoire (par exemple les chemins de fer ou les autoroutes). La Confédération est en outre compétente pour la coordination entre cantons et, dans une certaine mesure, en tant qu'autorité de surveillance des cantons. C'est ainsi notamment que les plans directeurs des cantons doivent être approuvés par le Conseil fédéral. Au niveau fédéral, il existe un « projet de territoire suisse », plus ou moins équivalent de notre stratégie nationale de développement durable, qui se décline en objectifs et en stratégies : le premier objectif s'intitule « préserver la qualité du cadre de vie et la diversité régionale » et dans le second objectif « ménager les ressources naturelles », il est fait mention de l' « importance accordée à la politique du paysage ». Chaque canton doit définir une réglementation d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire avec des prescriptions sur les différents outils de 168 Les « Conceptions », à la fois énoncés stratégiques et lignes directices définissent comment l'Etat coordonne les objec,tifs sectoriels et ses activités dans le cas de tâches à fort impact territorial et environnemental tout en posant un cadre contraignant pour les autorités cantonales. Démarches paysagères en Europe Page 132/173 Rapport n°010731-01 planification communaux et en matière d'autorisations de construire. Des différences existent au niveau des outils et des termes utilisés pour désigner les divers plans d'aménagement, mais aussi sur la répartition des compétences entre canton et communes. Chaque canton adopte un plan directeur cantonal. Les plans directeurs ont « force obligatoire pour les autorités » et en particulier pour les plans d'affectation communaux (équivalents de nos PLU). Dans la plupart, des cantons les communes sont compétentes pour adopter des plans d'affectation, ainsi qu'une réglementation des constructions. En matière d'autorisations de construire, les compétences communales diffèrent selon les cantons. Toutefois, c'est toujours le canton qui délivre les autorisations de construire « hors zone à bâtir ». Lignes directrices de la politique du paysage en Suisse La Convention européenne du paysage (CEP) y a été ratifiée en 2012. La politique paysagère a été définie par une « Conception Paysage suisse » approuvée par le Conseil fédéral (gouvernement) en 1997. Cette politique doit notamment « contrer la pression exercée par l'urbanisation et le développement des infrastructures de transport, ainsi que par le mitage et le morcellement qui en résultent. » Elle intègre la dimension paysagère dans 13 politiques sectorielles (tourisme, défense, énergie, patrimoine culturel, agriculture, etc.). Le document décrit 16 objectifs généraux de politiques paysagères à prendre en compte dans ces politiques verticales. Le paysage y est considéré comme pris en compte à travers toutes ces politiques, et non pas comme une politique à part. On note toutefois que la majorité des prescriptions concerne prioritairement la nature, révélant, à ce moment, une vision très naturaliste du paysage. Une évolution importante se fait jour dès 2003 avec la « stratégie paysage » qui sera approuvée par l'OFEV en 2011, peu avant la ratification par la Suisse de la CEP La vision du paysage qui y est proposée est beaucoup plus proche de celle de la Convention : la vision perceptive du territoire par les populations, les aspects culturels et l'évolutivité y sont désormais affirmés. Par ailleurs l'OFEV développe depuis les années 90 une approche du paysage visant les bénéfices que les populations peuvent en retirer. Ces « prestations paysagères » ont trait à l'identité, à l'attractivité, au bien-être, au « délassement » et à la qualité de vie. L'OFEV, en lien avec l'université, développe en outre un programme de recherche « santé et paysage » qui a donné lieu à la publication d'une brochure synthétique intitulée « Promotion de la santé et aménagement du paysage »169, où celui-ci est décrit « comme ressource pour le bien-être », du point de vue psychique, physique, mais aussi social ( espace de rencontre et de contact). La réactualisation formelle de la « Conception paysage suisse » (actant cette évolution) est aujourd'hui bien avancée : selon nos interlocuteurs, elle pourrait intervenir en 2018 ou 2019, en fonction de l'examen de son nouveau contenu par les différents départements dépendant des sept conseillers fédéraux, le conseil fédéral statuant nécessairement à l'unanimité. 169 Téléchargeable en PDF sur www.sl-fp.ch/getdatei.php?datei_id=1587 Démarches paysagères en Europe Page 133/173 Rapport n°010731-01 Comptes-rendus des rencontres et des recherches documentaires Instruments des politiques paysagères confédérales Ces instruments concernent à la fois des territoires particuliers et plusieurs politiques sectorielles stratégiques. a) les inventaires fédéraux des « paysages à valeur particulière » Il existe trois inventaires fédéraux « d'objets d'importance nationale » celui des paysages (naturels ou partiellement bâtis), celui du patrimoine bâti et celui des routes historiques170. L'Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d'importance nationale (IFP) concerne des paysages uniques ou typiques de la Suisse, des monuments naturels et des géotopes, qui doivent être conservés intacts ou au moins « ménagés le plus possible ». À ce jour 162 « objets » ont été répertoriés171. Ils couvrent environ 19% du territoire national. Un « objet » inventorié doit être conservé intact dans les conditions fixées par l'inventaire sauf si des intérêts équivalents ou supérieurs, également d'importance nationale, s'opposent à cette conservation. Les inventaires sont contraignants pour les activités relevant de la Confédération (« pesée des intérêts » obligatoire dans ce cas172) et les cantons doivent les prendre en compte dans leurs plans directeurs, approuvés par la Confédération, et qui s'imposent aux plans d'affectation communaux. b) les parcs naturels régionaux : Un seul parc national existait en Suisse, depuis 1914, celui des Grisons, dit « Le Parc National suisse ». Un élargissement du concept de parc (vision « développement durable » et initiative « remontante ») est entré en vigueur en 2007. Il s'agissait d'intégrer et de valoriser le paysage dans les processus socio-économiques à l'intérieur de ces nouveaux parcs. En l'espace de 10 ans à peine, 19 parcs ont ainsi été créés ou sont en cours de création. Ils représentent environ 12% de la superficie nationale. On distingue trois types de parcs : nationaux, régionaux, périurbains. Le parc national est constitué d'une zone centrale et d'une zone périphérique. La zone centrale sanctuarise les habitats faune-flore et restreint fortement les activités humaines. La zone périphérique comprend des villages, des paysages ruraux exploités dans le respect de la nature. Les parcs naturels régionaux sont des territoires ruraux remarquables par leurs paysages, leur biodiversité et leurs biens culturels. Conçus pour préserver et promouvoir ces richesses, à l'initiative d'une association, de citoyens, du canton ou de communes, ils ont pour objectif le développement durable de la région. Le ou les cantons concernés en sont les « garants territoriaux » (via le ou les plans directeurs cantonaux concernés) et la confédération leur octroie label et subventions. 170 Ce dernier : l' « Inventaire des voies de communication historiques de la Suisse » n'a pas son équivalent en France, ni dans la plupart des pays d'Europe. En revanche, certains biens du patrimoine mondial (chemins de St Jacques de Compostelle) sont désignés à ce titre. La démarche d'inventaire s'est effectuée en 4 étapes, échelonnées de 1977 à 1998. 50 % des « objets » inventoriés se situent à plus de 1000 m d'altitude ... L'implantation d'éoliennes a été tout récemment élevée au rang de politique d'intérêt national. Alors que précédemment, une telle implantation était écartée par principe des « objets » inventoriés, elle est désormais soumise à « pesée des intérêts ». Démarches paysagères en Europe Page 134/173 171 172 Rapport n°010731-01 Les Parcs naturels périurbains (créés et gérés comme les PNR) se situent à proximité des centres d'agglomérations et sont accessibles en transports publics. Ils comportent une zone centrale et une zone de transition. La première offre des habitats naturels intacts en matière de faune et de flore (elle est comparable à nos réserves biologiques intégrales). La zone de transition est une zone tampon qui permet nombre d'activités éducatives et de loisir à destination des citadins. c) énergie et paysage : C'est l'Office fédéral du développement territorial (ARE) qui élabore et met en oeuvre cette politique au niveau fédéral. En 2011, suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima, la Suisse prend la décision de sortir progressivement du nucléaire et de réorienter la production vers les sources renouvelables, décision confirmée le 21 mai dernier par une « votation fédérale ». C'est dans ce cadre qu'en 2016 a été approuvée une première série de mesures visant à développer les énergies renouvelables, tout en en mettant en avant le thème de l'intérêt national vis-à-vis des paysages. Pour l'éolien, de nombreux intérêts sont en jeu (protection de la biodiversité, fonctionnement des radars de l'aviation, bruit, infrastructures militaires et bien sûr paysage) et nécessitent un positionnement global de la Confédération. Pour ce faire, les intérêts de celle-ci ont été catégorisés sur une carte nationale, en « zones de protection sans pesée des intérêts », où tout projet est exclu, « zones en principe à exclure », où un éventuel projet éolien est à justifier, et « zones sous réserve de coordination » où les intérêts sont en principe plus faciles à prendre en compte. L'éolien est exclu des zones bâties. En matière de paysage, la confédération n'intervient que sur les inventaires fédéraux, ou sur les zones tampon des zones protégées. Les discussions sont menées au niveau du plan directeur cantonal et peuvent être très différentes d'un canton à l'autre. Ainsi le canton de Vaud a émis des recommandations sur la prise en compte du paysage173, alors que, par exemple celui de Zug, refuse quasiment toute éolienne. L'OFEV a travaillé sur un projet de guide « paysage et éoliennes », mais l'a abandonné devant le peu d'intérêt qu'il suscitait à la fois de la part de l'Office Fédéral de l'Energie, et de la « faîtière » (syndicat) des entreprises du secteur « Swisseol ». d) paysage et agriculture L'agriculture suisse occupe le tiers de la superficie totale du territoire (4 128 500 ha), dont 24 % en surface agricole proprement dite et 13 % de pâturages d'estive. La forêt quant à elle, couvre 31 % du territoire. Les problématiques sont très différentes entre le « plateau » marqué par la pression foncière due à l'urbanisation et la « montagne » où la pression est d'abord forestière (« embuissonnement » des pâturages). Or, la « montagne » occupe globalement 2/3 de la surface de la Confédération pour 1/4 de sa population. 173 Le chapitre correspondant du plan directeur du canton de Vaud comporte une cartographie précise, non seulement des zones d'exclusion, mais aussi, en positif, des zones où les implantations de parcs sont explicitement préconisées « la concentration sur un nombre restreint de sites propices est indispensable pour atténuer le mitage du territoire et éviter la banalisation du paysage » (p 337 du plan directeur cantonal, version 2015). Démarches paysagères en Europe Page 135/173 Rapport n°010731-01 Adopté en 1996 à la suite d'une votation citoyenne, et malgré l'opposition du monde rural, l'article 104 de la constitution fédérale proclame le caractère multifonctionnel de l'agriculture qui « contribue substantiellement (...) à la conservation des ressources naturelles et à l'entretien du paysage rural ». C'est sur ce principe que s'est mise en place, à partir des années 90, une politique agricole confédérale fondée à la fois sur des « améliorations foncières », sur une « revitalisation des cours d'eau » et sur un système de « paiements directs » aux exploitants, en contrepartie de « prestations écologiques requises » (ce qui équivaut à éco-conditionnalité des aides dans l'Union européenne), avec deux dispositifs dont l'effet paysager est majeur : 1) les « bordures tampon » où l'usage des pesticides est prohibé, d'une largeur de 6m le long des cours d'eau et de 3m le long des haies ou des lisières forestières : les structures paysagères concernées en sont confortées ; 2) la rotation obligatoire des cultures avec un minimum de quatre productions par exploitation, ce qui a une incidence directe sur la taille des parcelles, compte tenu notamment de la surface moyenne des exploitations : le paysage rural suisse est ainsi marqué par une mosaïque agricole à l'opposé des vastes étendues d'un seul tenant qui marquent aujourd'hui les openfields français. Plus directement centrée sur le paysage, l'OFAG a mis en place il y a trois ans (1 er programme 2014-2017) des « projets de contribution à la qualité du paysage » sous la forme d'aide directes à des exploitations dans le cadre d'un projet collectif élaboré localement. Il s'agit d'établir collectivement un programme cohérent de « maintien, promotion et développement des caractéristiques paysagères spécifiques ». Ces caractéristiques sont identifiées de façon collective par des interviews d'acteurs locaux. L'initiative de la démarche appartient à un groupement local animé soit par un groupe d'agriculteurs, soit par une commune, soit par un parc régional (cf ci-dessus), qui établit le diagnostic et le plan d'actions. Le canton vérifie la pertinence des mesures proposées, avant envoi à la Confédération pour validation et prise en compte. 134 projets étaient déjà lancés fin 2016. Le programme couvre d'ores et déjà 35 000 exploitations (66 % des fermes « à l'année ») et 3 900 exploitations d'estivage (soit 57 % du total). Le succès et l'adhésion ont dépassé toutes les prévisions puisque sur les 150 millions de de Francs Suisses du programme pluriannuel 174, 125 millions ont déjà été engagés. Le paysage sur les territoires : les « Conceptions d'évolution du paysage » (CEP) La définition officielle de cet instrument d'application sur les territoires de la Conception paysage suisse» figure sur le site de l'Office fédéral du développement territorial (ARE) : « Esquisse, juridiquement non contraignante, de l'évolution souhaitée du paysage, en vue de son utilisation durable et de sa mise en valeur écologique et esthétique. L'élaboration d'une CEP doit être conçue comme un processus participatif, intégrant les représentants des différentes utilisations du territoire. Elle est élaborée au niveau de la commune ou de la région.» Le contexte méthodologique en a été précisé par l'OFEV (Annexe fiche-action AFBE06 NE7) : La dimension participative permet d'obtenir un "guide" réaliste et applicable 174 Soit 5 % du total du budget de l'agriculture de la confédération, qui s'élève à 3Mds de CHF. Démarches paysagères en Europe Page 136/173 Rapport n°010731-01 présentant les moyens concrets pour arriver au paysage souhaité en tenant compte des projets de développement proposés par les intervenants. La fiche-action de l'OFEV poursuit : « Le processus participatif ainsi que la sensibilisation de toutes les personnes concernées sont essentiels, car ils déterminent l'acceptation indispensable des projets. La CEP ne veut pas que seuls les acteurs directement intéressés s'occupent et se sentent responsables du paysage. » L'Office a par ailleurs développé une « Boîte à outils CEP », instrument de travail destiné aux communes ou aux autres acteurs. Il anime un « forum CEP » qui utilise l'Internet comme plate-forme interactive pour donner et échanger des informations en faveur du développement de la CEP175. Le mot-clé CEP sur une recherche internet produit un nombre très important de références de toutes échelles, qui semble montrer le succès de cette procédure. La plate-forme susmentionnée répertorie quelques 55 CEP/LEK176 en cours ou achevées. L'exemple d'une CEP communale : Delémont, capitale du canton du Jura) Les communes du dernier-né des cantons suisses peuvent se lancer dans cette démarche à tout moment de leur convenance, mais, selon une directive cantonale de 2010, elles « doivent élaborer une CEP dans le cadre de la révision de leur plan d'aménagement local ». Il ne s'agit pas dans ce canton, d'une démarche volontaire mais bien d'une obligation : il ne peut y avoir de révision du plan d'aménagement sans lancement simultané d'une CEP. Le contenu des « livrables de la CEP » est énuméré par la directive cantonale, y compris le descriptif des mesures garantissant une participation effective de la population avec une « commission CEP » représentative de toutes les parties prenantes de la démarche et dont les pouvoirs sont étendus (c'est elle qui fixe les objectifs « avec le professionnel du paysage » - qui lui est donc lié - et établit le programme de travail). A Delémont, la procédure a été lancée début 2014, à l'occasion (et dans le cadre obligatoire) de la révision du plan directeur de la capitale du Jura (12 000 habitants)177. Le rapport rendu en juillet 2015 par le bureau d'étude à l'issue de la procédure participative identifie des « cordons boisés » soulignent le cours des deux rivières qui traversent la ville, tandis que « les allées d'arbres, les arbres isolés et les vergers » constituent un caractère fort du territoire communal, marqué par une véritable compénétration ville-campagne à préserver et valoriser. Ce « potentiel d'amélioration » qui touche à la fois la biodiversité et le bien-être ne doit pas, dit le rapport, rester au stade d'énoncé, mais s'articuler autour d' « un projet phare qui pourra donner rapidement corps à la démarche ». Ce dernier comporte trois axes : · « rénover et compléter les allées d'arbres en ville et hors la ville · rénover et renforcer les vergers des fermes (y compris par la mise en place de circuit courts de vente directe) · réaménager et revitaliser des cordons de cours d'eau » 175 176 177 Ce forum est hébergé sur le site internet de l'École d'ingénieurs de Rapperswil www.lek-forum.ch En allemand Landschaftsentwicklungskonzept, LEK. Le rapport final de 107 pages (http://www.delemont.ch/Htdocs/Files/v/10412.pdf) dont sont extraits les développements ci-dessous, contient à la fois le détail de la CEP adoptée, et en annexe les PV des réunions de concertation. Ces derniers méritent d'être lus car ils traduisent fidèlement l'état d'esprit des acteurs de terrain, leurs doutes, leurs difficultés, mais aussi leur engagement. Démarches paysagères en Europe Page 137/173 Rapport n°010731-01 Ce « projet-phare » comme outil d'adhésion à la démarche, est l'une des originalités méthodologiques de cette « conception ». Celle-ci se décline par ailleurs en 11 « objectifs paysagers » sectoriels, chacun d'eux décliné en actions à mener à plus ou moins court terme. Le niveau de détail et la variété des mesures concrètes qui composent ce programme soulignent la caractère très opérationnel des CEP, contrairement à ce que pourrait suggérer leur dénomination. La formation des paysagistes et l'organisation de la profession La filière paysage produit environ 70 diplômés de niveau master par an. Deux écoles dispensent un enseignement : HEPIA (Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève, en Suisse romande) et HSR (Hochschule für Technik de Rapperswil, en Suisse alémanique) qui proposent toutes deux un Bachelor en architecture du paysage en 3 ans. Pour ce qui est des Masters, HEPIA propose, en collaboration avec l'Université de Genève, le «Master en développement territorial» et HSR un Master d'ingénieur avec orientation «Planification du territoire et architecture du paysage». D'autres écoles forment des étudiants en ingéniérie de l'environnement avec des masters de type développement du territoire avec quelques modules sur le paysage, comme l'École polytechnique fédérale de Zurich (ETH : Eidgenössische Technische Hochschule) ou l'USI (Università della Svizzera italiana à Lugano) qui forme des architectes. Il existe une Fédération suisse des « architectes de paysage » (FSAP). Créée en 1925 à Zurich, elle compte aujourd'hui plus de 500 membres (soit un paysagiste pour 17 000 habitants), dont presque la moitié indépendants, les autres employés dans des agences privées, des administrations publiques ou dans l'enseignement. Pour adhérer, il faut justifier du diplôme de paysagiste et de 3 ans d'activité professionnelle. Les titulaires d'un Bachelor dans le domaine de l'architecture paysagère sont soumis à un examen d'entrée. La FSAP est reconnue par l'IFLA. Le « Fonds suisse pour le paysage »178 Depuis sa fondation en 1991 le Fonds a déjà soutenu plus de 2 360 projets avec environ 140 millions de francs suisses, ce qui a engendré et engendre des investissements de 400 à presque 550 millions de francs dans l'ensemble du pays. Le FSP octroie des aides financières incitatives à « l'initiative individuelle volontaire » afin de « favoriser la sauvegarde ou la restauration de paysages et de sites naturels ou culturels traditionnels ». Ces initiatives peuvent émaner d'organisations locales ou régionales (personnes privées, associations, fondations, communes, cantons) et « développer des effets de synergie en matière d'agriculture, de tourisme, de construction et d'artisanat traditionnel ». De nombreux projets stimulent la réalisation d'autres idées dans des domaines ou des territoires comparables. Parmi les projets soutenus par le FSP, on trouve « le renouvellement et le rétablissement d'éléments caractéristiques du paysage tels que par exemple des murs de pierres sèches, des toits en tavaillons, etc.(...), la revitalisation de vergers, de haies, d'allées et de lisières de forêts », mais aussi, des actions moins traditionnelles 178 https://fls-fsp.ch/?locale=fr Démarches paysagères en Europe Page 138/173 Rapport n°010731-01 comme «la renaturation de cours d'eau canalisés ou recouverts » ou bien « la rénovation de villages ou de localités selon des principes écologiques ». A retenir : Au carrefour des conceptions germanique et latine, la Suisse a rejoint la vision sensible et perceptive du paysage telle qu'elle est formulée dans la CEP. Elle considère le paysage non pas pour lui-même mais comme une dimension essentielle des politiques sectorielles et comme un « prestataire » au service du bien-être individuel et social. Ce pays où la parole et l'action sont longtemps restées « descendantes » expérimente depuis peu la fécondité opérationnelle des initiatives « bottom-up » dans le domaine du paysage. Politiques nationales - La « Conception paysage suisse » prévoir une dimension paysagère pour 13 politiques sectorielles fédérales ; - s'écartant de la vision naturaliste qui prévalait il y a encore 20 ans, la Suisse adopte désormais une définition du paysage calquée sur celle de la CEP, qu'elle a ratifiée en 2012. - la notion de « prestation paysagère » légitime l'attention portée par le gouvernement à la qualité des paysages et au suivi attentif de leur évolution ; parmi ces « prestations » figurent le « délassement », la santé et le bien-être ; Prise en compte - les « Conceptions d'évolution du paysage » ont une dimension des populations participative très affirmée ; - les parcs naturels régionaux sont issus d'initiatives locales, tout comme les « projets [agricoles] de contribution à la qualité du paysage » Profession - la formation des paysagistes, au niveau master, est assurée par des établissements de haut niveau, en Suisse romande comme alémanique. - une association représentative, la FSAP regroupe les quelques 500 « architectes de paysage » actifs en Suisse. Maîtrise d'ouvrage - Pas de paysagistes identifiés de façon significative dans les administrations cantonales ou communales ; Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 139/173 4. Fiches thématiques 1. Le paysage multifonctionnel et l'infrastructure verte 2. La formation des paysagistes et l'organisation de la profession 3. L'éducation et la sensibilisation au paysage 4. La participation du public p.141 p.146 p.153 p.157 Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 140/173 FICHE THEMATIQUE N°1 : LE PAYSAGE MULTIFONCTIONNEL ET L'INFRASTRUCTURE VERTE Sources: · documents : «integrated landscape initiatives in Europe » : collaboration multisectorielle dans des paysages multifonctionnels. Études publiées dans la revue « land use policy » 58 (2016)43-53, publication Elsevier, 2016 ; «the multifunctionality of green infrastructure » ; in-depth-report, DG environment News alert service, commission européenne, mars 2012 ; communication de la Commission au parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions « Infrastructure verte- renforcer le capital naturel de l'Europe » [SWD (2013) 155 final], du 6.5.2013 ; · entretiens dans les pays visités ou en marge de visites. Le contexte général de l'émergence de l'infrastructure verte et d'une approche multifonctionnelle du paysage. La société humaine dépend des avantages prodigués par la nature (nourriture, matières premières, eau, air, prévention des inondations, loisirs...). Ces avantages sont appelés « services écosystémiques » et souvent considérés à tort comme illimités. Ainsi, en cas de prévention d'un risque d'inondations, les pouvoirs publics ont tendance à recourir à la construction d'une infrastructure grise plutôt que de se tourner vers des solutions offertes par la nature. Ainsi, en Europe, le capital naturel continue de se dégrader. Dans le même temps, le paysage a connu des évolutions graduelles ou rapide pour s'adapter aux demandes sociales. La rapidité actuelle de ces changements et leur ampleur sont sans précédent. Les paysages européens doivent faire face à des évolutions liées à la globalisation et à ses flux croissants de technologies, de commerce, d'investissement. L'urbanisation et la prolifération des constructions font partie du constat. Ces changements et ces défis, génèrent dans la société civile des attentes envers les productions locales et écologiques .Elle se sent concernée par la préservation de la biodiversité. Elle souhaite prendre une part plus active aux décisions touchant le paysage. En 2013, prenant en considération ces évolutions, la Commission européenne a défini une stratégie pour l'infrastructure verte qui préconise son intégration dans les politiques de l'Union Européenne afin qu'elle devienne une composante intégrée de l'aménagement du territoire. Cette stratégie s'ancre dans la stratégie en faveur de la biodiversité, mais elle va bien au-delà de la préservation de cette dernière. L'infrastructure verte peut offrir de multiples fonctions sur un même territoire, contrairement à l'infrastructure grise qui est monofonctionnelle. Le paysage s'inscrit au centre de la démarche. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 141/173 Démarche d'infrastructure verte et rôle intégrateur du paysage vont de pair. Ils s'appuient sur une conception multifonctionnelle du paysage qui contribue à trouver des réponses durables aux questions soulevées par la préservation et l'aménagement des territoires. l'Infrastructure verte se définit comme « un réseau constitué de zones naturelles et semi-naturelles et d'autres éléments environnementaux faisant l'objet d'une planification stratégique, conçu et géré aux fins de la production d'une large gamme de services écosystémiques. Il intègre des espaces verts (ou aquatiques dans le cas d'écosystèmes de ce type) et d'autres éléments physiques des zones terrestres (y compris côtières) et marines. À terre, l'infrastructure verte se retrouve en milieu rural ou urbain ». Étude sur des initiatives d'intégration du paysages. Une étude publiée en 2016 des « integrated landscape initiatives » (ILIs) en Europe (cf. références ci-dessus) s'est attachée à analyser des expériences d'initiatives collaboratives dont l'objet principal la promotion de la valeur du paysage à l'occasion de projets d'aménagement et de développement. Dans cette étude, les initiatives analysées comprennent des projets, programmes, plate-formes, initiatives ou un ensemble d'activités qui promeuvent un grand nombre de valeurs du paysage. Cela comprend les initiatives locales ascendantes (bottom-up) comme les initiatives lancées par les pouvoirs publics régionaux ou centraux. 338 initiatives dans 33 pays européens ont été retenues dans le cadre de ce travail. Les activités retenues et leurs résultats ont été regroupés en 5 domaines : · Gestion des ressources naturelles et préservation ; · Élevage et agriculture · Protection du patrimoine et des traditions ; · Activités rurales et amélioration du bien-être ; · Coordination multi sectorielle et planification. Cette dernière catégorie s'attachait à la promotion d'une gestion du paysage faisant appel à la coopération entre secteurs d'activité et parties prenantes, renforçant le rôle des communautés locales et la construction d'un capital social. Les principales difficultés rencontrées par ces initiatives sont liées au manque de financement (56%), aux fluctuations politiques (40%) ou à des responsables politiques frileux qui en freinent le développement (35%). Les initiatives étudiées met en évidence que de telles démarches constituent des formes innovantes de collaboration, à plusieurs niveaux, afin de mieux gérer l'évolution du paysage. Elles interviennent dans des paysages hétérogènes et contiennent des objectifs variés mettant en oeuvre des activités relevant de plusieurs domaines. Enfin, plusieurs parties prenantes sont impliquées dans le projet. La protection et la mise en valeur du patrimoine demeure un des objectifs les plus importants des integrated landscape initiatives (ILIs) et le domaine qui enregistre le plus de résultats, mais avec un traitement plus souple et compatible avec d'autres usage du sol. La protection de la nature et l'agriculture sont les secteurs d'activité les plus fréquemment concernés, suivis du tourisme et de l'éducation. Enfin, les groupes Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 142/173 les plus actifs en la matière sont les experts indépendants, les associations citoyennes et culturelles. Les ILIS ont une compréhension holistique du paysage. Elles s'intéressent au paysage comme un tout, non en vue d'un usage particulier ou d'une caractéristique spécifique. Une telle approche et la multifonctionnalité que ces initiatives promeuvent correspond à la diversité des objectifs poursuivis par ces projets. La plupart obtiennent des résultats dans 4 ou 5 domaines différents (nature, culture, agriculture, planification multi sectorielle). Un plus grand équilibre entre tous les enjeux peut ainsi être obtenu. Par ailleurs, l'émergence d'organisations citoyennes dépasse les frontières habituelles. Les initiatives donnent naissance à une gestion nouvelle et intégrée du paysage qui répond au bien-être personnel et social à l'échelle du paysage. Ces projets jouent un rôle de sensibilisation et de coordination multi sectorielle des parties prenantes. Ils ont contribué à l'implication de la communauté locale dans les activités de gestion du paysage. Des exemple d'usages multiples de l'espace. Une expérience anglaise qui illustre une démarche d'infrastructure verte élargie et qui prône avec efficacité la multifonctionnalité des paysages. Actuellement, le Royaume-Uni offre à l'étude une expérience intéressante de la mise en oeuvre de l'outil « infrastructure verte ». L'approfondissement de cette question a été centrale lors de la visite de la mission dans ce pays. Dès 2008, l'outil green infrastructure (GI) ­ Infrastructure verte ­ est mentionné dans les documents stratégiques nationaux de planification. Sa définition est quasi identique à celle reprise par la commission européenne. Le coeur de la démarche se trouve dans la conception multifonctionnelle de l'infrastructure verte. Ainsi, dans le National Planning Policy Framework, l'accent est mis sur la nécessité d'un usage multifonctionnel de l'espace. Ce document, dont le contenu s'impose aux autorités locales en matière de planification et d'aménagement, soutient que la planification doit promouvoir les aménagements à usages mixtes et favoriser les retombées multiples en zone rurale comme urbaine. Ces retombées sont environnementales, sociales et économiques. Cet outil de planification contribue à la protection de la santé et à l'amélioration du mieux-être des populations tout en protégeant les sites qu'elle englobe. Cette démarche a reçu le soutien actif du Lanscape Institute ( l'association britannique des paysagistes). L'outil Infrastructure verte joue un rôle clef lors de la conception d'un projet d'aménagement. Il favorise une vision partagée et la définition d'objectifs paysagers. Plusieurs illustrations de l'application de cette démarche ont été présentées à la mission. Des expériences ont été menées à Bristol et à Sheffield. Dans cette dernière ville, la GI a permis la réalisation de bassin d'expansion des crues qui ont en même temps le caractère de parcs publics. La démarche se révèle aussi efficace lors de la restauration de territoires dégradés ou affectés par le mouvement de désindustrialisation. Ainsi à Birmingham, la ville a été requalifiée à partir de l'aménagement des berges de ses canaux, tandis qu'à Stoke-on-Trent, les anciennes voies ferrées ont servi de fil directeur à la remise à niveau du territoire urbain. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 143/173 La mise en oeuvre de la démarche suppose une coordination de l'ensemble des parties prenantes du projet assurée par l'autorité planificatrice (comté, district, neighbourhood). Cette coordination doit intervenir dès la conception du projet et en vue de sa gestion. Une expérience encore peu développée dans d'autres pays voisins. En Allemagne, la fédération allemande des professionnels du paysage (Bund Deutscher Landschaftsarchitekten) dans un document daté de 2014 défend l'infrastructure verte comme une opportunité en faveur de la planification. Son approche est comparable à la vision anglaise de la démarche, qui déborde la simple protection de l'environnement et de la biodiversité. Elle considère qu'il devient opportun d'aborder les fonctions sociales et écologiques du paysage dans un contexte élargi. Elle souligne que l'infrastructure verte, qui prend en considération la durabilité, complète utilement les infrastructures grises, souvent pour un coût moindre. Elle entend se placer sur le devant du débat public. Dans les zones à forte densité de population, l'infrastructure verte offre une réponse aux besoins en organisant la multifonctionnalité de l'espace. En Belgique, plusieurs exemples d'aménagement s'articulent autour multifonctionnalité de l'espace : · de la Dans l'agglomération bruxelloise, la requalification en Parc urbain de la friche ferroviaire « Tour-et-Taxis » devait fournir un exemple saisissant et inattendu de cette dimension multifonctionnelle des territoires, qui devient un impératif universel devant la pénurie croissante d'espace en maints endroits de la planète179. Avant toute intervention de plantation, il fallait décaper le sol sur 30 cm d'épaisseur et se posait la question du devenir des gravats ainsi générés. La solution de « recyclage » de ce matériau à forte granulométrie a été son enfouissement dans la partie centrale du parc, pour constituer ainsi un espace de stockage naturel des eaux pluviales, véritable citerne destinée à l'arrosage du parc et même à l'alimentation en eau des immeubles alentour. L'économie ainsi réalisée (évacuation et traitement des gravats, fourniture d'eau ), chiffrée à un million d'Euros, a été réinvestie par le promoteur de l'opération , à hauteur de 20 %, dans de nouvelles plantations pour le parc (300 sujets déjà bien développés, et 1000 arbres « pionniers », dont la rapidité de pousse est déjà spectaculaire). Un autre exemple de multifonctionnalité est la requalification de l'écluse de Harelbeke sur la Lys, chantier réalisé en 2014 : il s'agissait au départ d'une simple rénovation technique d'un ouvrage de navigation. Cet ouvrage était situé sur une rivière « calibrée » c'est à dire transformée en canal. Mais cette transformation avait laissé subsister d'anciennes traces de méandres et étangs à demi asséchés et « enfrichés », que l'analyse paysagère a permis de révéler. Le paysagiste a alors proposé de recréer une île en utilisant le rivage d'un ancien méandre, réalisant aussi, par ce biais, la restauration piscicole du cours d'eau, dont les ouvrages interdisaient la remontée des poissons. L'installation des passages à poissons rejoignant le bas « naturel » de la Lys s'est alors heurtée à des exigences d'ingénierie écologiques complexes, les différentes espèces n'utilisant pas le même type d'échelle. Trois passes à poissons · 179 Bas Smets a cité à cet égard l'exemple de Singapour : dans cette Île-État densément peuplée, toute parcelle doit se voir affecter plusieurs rôles : un bassin de recueil des eaux pluviales pour la consommation humaine devra forcément être aussi un espace de détente urbaine où l'on pratiquera l'aviron... Démarches paysagères en Europe Page 144/173 Rapport n°010731-01 parallèles, surmontées d'une passerelle permettant l'observation par les promeneurs, permettent aujourd'hui à la fois d'unifier cette île réinventée (l'une des berges étant « naturelle », l'autre « calibrée »), de satisfaire aux normes de connectivité écologique. Entre cette dernière fonction, l'amélioration de la navigabilité (objectif initial de l'opération), et le nouveau rapport institué entre la ville et l'eau (l'agrément des citadins voisins ou riverains) on a là une belle illustration d'espace devenu multifonctionnel. A retenir : · L'approche multifonctionnelle de l'espace centrée sur la mise en valeur paysage prend de l'ampleur. Les expériences analysées mettent en avant nombreux bénéfices environnementaux, sociaux et économiques qui résultent. · Cette démarche suppose une fortes coordination en amont du projet l'ensemble des acteurs et un soutien volontariste des pouvoirs publics du les en de Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 145/173 FICHE THEMATIQUE N°2 LA FORMATION DES PAYSAGISTES ET L'ORGANISATION DE LA PROFESSION Sources : · documents : « Facettes du paysage ». Réflexions et propositions pour la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage » pp. 273-292, édition du Conseil de l'Europe, 2012, « Paysage et formation des architectes paysagistes », par Ingrid Salrlöv-Herlin, avec la collaboration du Conseil européen des écoles de paysage (ECLAS). ; · entretiens lors des visites en : Angleterre, Belgique (Wallonie), Espagne (Catalogne), Irlande, Italie (Milan), Suisse. Les États signataires de la Convention européenne du paysage s'engagent, aux termes de l'article 6B, à promouvoir « des programmes pluridisciplinaires de formation sur la politique, la protection, la gestion et l'aménagement du paysage, destinés aux professionnels du secteur privé et public et aux associations concernées ». Une filière de formation de spécialistes de la connaissance et de l'intervention sur les paysages existent désormais dans de nombreux États-parties. Toutefois, ni le cadre général de la formation, ni la reconnaissance et l'organisation de la profession ne sont uniformes, en particulier concernant la spécificité et l'autonomie de cette dernière. 1- La formation des paysagistes. 1-1- L'architecture de paysage est devenue un objet d'études autonome. Définition : L'architecture paysagère consiste à façonner l'espace extérieur à diverses échelles. Elle fait appel à l'aménagement, à la conception et à la gestion du paysage pour créer, entretenir, protéger et mettre en valeur les lieux. La discipline est d'une portée inhabituelle du fait de la nature extrêmement diverse du paysage (rural, urbain, péri-urbain). Elle s'appuie sur des méthodes et des concepts relevant des arts créatifs comme des sciences naturelles. Aujourd'hui, le coeur de l'activité professionnelle consiste à élaborer des solutions d'aménagement et de conception en réponse aux enjeux territoriaux de préservation et de développement du paysage. 1-2- Évolution de l'enseignement du paysage en Europe Jusqu'au début du XXè siècle, la formation des professionnels du paysage reste très hétérogène.On distingue quatre grandes étapes dans le développement de l'enseignement : Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 146/173 1. 1919-1949 : mise en place des premières formations dans plusieurs pays d'Europe septentrionale (notamment la Norvège) ; 2. 1950-1970 : création de nouveaux cursus afin de répondre aux besoins de la Reconstruction et à la montée des préoccupations environnementales. La discipline se développe fortement dans le nord-ouest de l'Europe tandis que son développement est bien moindre à l'est et dans le sud de l'Europe. 3. La décennie qui suit la « chute du rideau de fer » en 1989 entraîne une nouvelle étape avec l'émergence de nouveaux cursus dans certains pays d'Europe occidentale (Autriche, Italie, Espagne en particulier) qui créent leurs premières formations universitaires en architecture de paysage. Au cours de la période récente, on constate un développement de la profession et une augmentation du nombre d'étudiants et de professionnels. Cette évolution s'est accompagnée d'un renforcement de la recherche sur le paysage et un nombre croissant de publications universitaires. Ainsi, en 2008 on recensait en Europe , 95 facultés préparant à des diplômes de licence ou master en paysage (comprenant des cours d'aménagement, de conception et de gestion du paysage). Par ailleurs, plus de 25 universités offrent des cours dans cette discipline dans le cadre d'autres formations. 1-3- L'enseignement du paysage est conçu de manière diversifiée à travers l'Europe. La répartition géographique des formations reflète globalement la géographie du continent. Les pays les plus peuplés offrent un grand nombre de cursus (18 pour l'Allemagne) contre un seul dans un petit pays comme la Lettonie. Le plus souvent, les petits pays n'offrent pas de cursus complet, comme c'est le cas pour le Luxembourg. Trois groupes de pays se distinguent : · Ceux dans lesquels l'architecture paysagère contemporaine tire ses origines de l'horticulture ; · Ceux dans lesquels elle est issue de l'architecture, de l'aménagement du territoire ou des sciences environnementales; · Ceux dans lesquels elle dérive de l'agriculture, de la sylviculture ou de l'écologie et de la conservation, de la nature. L'enseignement et la recherche sont assurés par différentes catégories d'établissements d'enseignement supérieur. Ils peuvent être « techniques » ou « généraux » et offrir des spécialisations qui vont des beaux-arts à l'agriculture et à la sylviculture. L'étude réalisée par le Conseil de l'Europe (visée ci-dessus), met en évidence des différences considérables entre les structures d'enseignement. Toutefois, les méthodes d'enseignement sont moins différentes que l'on pourrait le penser de prime abord. La plupart des universités cherchent à proposer une formation large. Elles abordent les interventions dans le paysage sur plusieurs échelles temporelles et géographiques. Les cours portent tant sur les aménagements à grande échelle que la conception à plus petite échelle. Cependant, l'une des caractéristiques constantes est l'accent mis sur les travaux en atelier autour de projets d'aménagement et de conception. Il s'agit de la principale méthode d'enseignement. Afin de s'assurer du réalisme des projets, les établissements travaillent souvent avec des instances d'aménagement locales ou Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 147/173 régionales ou bien avec d'autres vraies organisations clientes. Les formes d'enseignement plus traditionnelles (cours séminaires et cours magistraux) fournissent les savoirs et connaissances pour l'analyse et la qualification des contextes physique, écologique, sociologique et institutionnels des projets d'aménagement. La mise en place du processus de Bologne qui a harmonisé le déroulement des cursus universitaires dans les États-membres de l'Union Européenne a conduit à une restructuration de cursus en architecture de paysage en 5 ou 6 ans composés de deux cycles séparés correspondant aux niveaux « licence » et « mastère » du « LMD ». Une plus grande harmonisation des cursus devrait en outre résulter de la mise en place du réseau LENÔTRE qui réunit les universités organisées au sein de l'ECLAS (European Council of Landscape-Architrecture Schools ­ Conseil européen des écoles de paysage). De même, les recommandations pédagogiques publiées par l'EFLA (European Federation for Landscape Architecture ­ Fédération européenne pour l'architecture de paysage) constituent un autre facteur de rapprochement. Toutefois, dans trois pays méditerranéens, la Grèce, l'Italie et l'Espagne, le processus de mise en place de cursus d'architecture de paysage qui a eu lieu dans le reste de l'Europe, semble se heurter à l'opposition des architectes. Ainsi, l'Espagne compte moins de cursus d'architecture paysagère que son voisin le Portugal, pays beaucoup plus petit. Il en résulte une pénurie de professionnels bien formés à une approche intégrée de l'aménagement, de la conception et de la gestion des paysages, au sud de l'Europe. 1-4- Exemples de quatre des pays voisins visités. En Suisse, la formation au paysage est abordée dans l'enseignement supérieur en géographie ou environnement, mais pas de manière coordonnée. Pour ce qui est de la formation des paysagistes (architectes de paysage), deux écoles dispensent un enseignement : l'HEPIA (Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève, en Suisse romande) et l'HSR (Hochschule für Technik de Rapperswil, en Suisse alémanique) qui proposent toutes deux un Bachelor en architecture du paysage en 3 ans. Pour ce qui est des Masters, HEPIA propose, en collaboration avec l'Université de Genève, le « Master en développement territorial » et HSR un Master d'ingénieur avec orientation « Planification du territoire et architecture du paysage ». D'autres écoles forment des étudiants en ingéniérie de l'environnement avec des masters de type développement du territoire et systèmes d'infrastructures, avec quelques modules sur le paysage. On citera aussi : · L'École polytechnique fédérale de Zurich (ETH : Eidgenössische Technische Hochschule) qui propose dans le cadre de la filière « Architecture et sciences de la construction » des Bachelor et Master d'architecte et d'ingénieur en Génie de l'environnement. · L'USI (Università della Svizzera italiana à Lugano) qui forme des architectes. Il manque donc un cursus complet en paysage. L'architecture de paysage ne donne que très rarement lieu à un Master actuellement. L'obtention d'un Doctorat sur le paysage nécessite le recours à des « moyens détournés ». De plus, la filière paysage, Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 148/173 qui forme environ 70 diplômés chaque année, ne bénéficie pas d'une reconnaissance professionnelle du fait de la prédominance des architectes dans les secteurs de l'urbanisme et de l'aménagement. La recherche en matière de paysage est conduite dans 32 institutions (Ecole Polytechnique de Lausanne ; ETH de Zürich ; Institut fédéral de recherche sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) ; Universités de Fribourg, de Neuchâtel, de Lausanne, de Berne, de la Suisse italienne ; Haute école spécialisée de Suisse occidentale ; Agroscope ; Swiss Topo ; Fachhochschule Ostschweiz ; haute école de Zürich pour la science appliquée...). L'office fédéral de l'environnement (OFEV) contribue à ces travaux de recherche à condition qu'ils soient directement utilisables par l'administration. En Angleterre, ce sont 14 universités qui assurent la formation à un Bachelor of Art (licence) en paysage dont 7 au sens strict, auxquelles s'ajoutent 7 autres cursus mixtes avec l'écologie, l'urbanisme, l'architecture, les sciences de l'environnement ou l'art des jardins (Garden Design). Le Mastère en paysage (équivalent du Diplôme d'État français) est délivré par 13 établissements, dont 10 au sens strict. La recherche en paysage existe en Angleterre (Landscape research group), mais l'organisation représentant la profession (Landscape Institute) n'est pas directement impliquée. En Belgique/Wallonie, on recense deux niveaux de formation supérieure : · le « bachelier » (licence), en 3 ans, orientant vers l'architecture des jardins et l'aménagement des places publiques (bachelier professionnalisant, à dominante pratique), ou vers de futures études de mastère (« bachelier de transition », plus mixte théorie-pratique). L'un et l'autre sont achevés par un stage de 12 semaines · le master, en 2 ans supplémentaires, préparant à la profession d'architectepaysagiste et délivré à l'issue d'une formation universitaire théorique et pratique (en « haute école »). Ce mastère est directement accessible aux titulaires du « bachelier de transition » et à l'issue d'une année « passerelle » pour les titulaires du « bachelier » professionnalisant, ou encore sur dossier pour les titulaires de certains diplômes comme celui d'architecte. Les études de bachelier et de master architecte paysagiste (ce dernier compte des promotions de 30 à 40 étudiants par an). sont dispensées par trois établissements d'enseignement, qui travaillent en collaboration : · l'ISIA Gembloux (Institut Supérieur Industriel agronomique), qui est un des établissements de la Haute École Charlemagne. · La faculté d'architecture La Cambre-Horta qui appartient à l'Université Libre de Bruxelles. Elle résulte de la fusion en 2010 des Instituts Supérieurs d'Architecture La Cambre et Victor Horta. · Le Gembloux Agro-Bio Tech, créé en 1860 et intégré à l'Université de Liège depuis 2009, qui forme des universitaires et des ingénieurs dans les domaines des sciences agronomiques et de l'ingénierie biologique. Actuellement, il n'existe pas de doctorat en paysage. Les étudiants qui souhaitent préparer une thèse doivent le faire en suivant la filière du cursus architecture ou bioingéniérie. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 149/173 En Espagne/Catalogne, Il existe à l'Université de Barcelone deux Mastères d'architecture du paysage, mais il ne s'est agi, pendant longtemps que d'une spécialité post-diplôme d'architecte. Sous l'impulsion de Rosa Barba (1995-2001) elle-même urbaniste, des passerelles ont été érigées avec le monde de l'écologie ou de l'horticulture afin de créer un cycle complet en paysage et une pluralité d'origine des étudiants du mastère. Les effectifs de ce cursus sont de deux fois 25 au sein de l'Université avec un statut de reconnaissance de l'État pour le premier et un statut privé pour l'autre (aujourd'hui ce dernier est principalement fréquenté par des ressortissants étrangers italiens et hispanophones). Les Ateliers y sont fondés sur la pratique du projet, avec peu de cours orientés vers la connaissance ou l'approche territoriale. Mais même pour des concours portant sur la création des grands espaces publics, ce sont des compétences d'architecte ou d'ingénieur civil qui sont requises dans les appels de candidatures. La portée professionnalisante cette formation est mal reconnue. 2- L'organisation de la profession de paysagiste. Lors de ses visites de terrain, la mission s'est particulièrement attachée à étudier l'organisation et le rôle des organisations des professionnels du paysage. L'Irlande et le Royaume-Uni offrent l'exemple d'une profession très structurée, active dans la défense du paysage et de l'intervention de ses membres dans la définition des politiques de ce même paysage. En Irlande, l'Irish Landscape Institute (ILI) créé en 1992 constitue l'organisation des professionnels du paysage. Elle résulte de la fusion de deux structures antérieures « l'Irish chapter of the institute of landscape architects et de L'institute of landscape horticulture of Ireland. Cette organisation accueille les architectes paysagistes du secteur public comme du secteur privé. Les membres doivent être titulaires d'un master obtenu au terme d'un cursus reconnu par la fédération internationale des architectes-paysagers (IFLA) comme donnant accès à la profession d'architecte paysagiste. L'organisation accueille aussi parmi ses membres des professionnels de la planification, de l'architecture, de l'ingéniérie, de l'horticulture. En 2016, l'ILI comptait 160 membres dont une centaine de membres actifs. Les professionnels se répartissent entre le secteur privé (25 agences) et le secteur public (même s'ils y sont peu nombreux). Pour devenir membre de l'institut, il est requis de réussir un examen professionnel organisé par celui-ci et ouvert aux diplômés en paysage. Cependant, l'appartenance à l'ILI n'est pas une condition nécessaire à l'exercice professionnel mais il est pris en compte pour toutes commandes significatives. Bien qu'il ne soit pas un « ordre » au sens strict, l'ILI joue ce rôle. au Royaume-Uni, le Landscape Institute (LI) est une organisation professionnelle structurée et très active. Créée en 1929, elle est chargé de « promouvoir la profession du paysage au profit de la société toute entière ». S'il n'est pas obligatoire d'être membre du LI pour mener un exercice professionnel dans le domaine du paysage, dans les faits, la quasi-totalité des commandes ou des postes requérant une telle compétence, revient à ses membres. Celui-ci totalise 5391 membres, dont 4643 en activité (chiffres avril 2017) soit deux fois et demi plus qu'en France pour une population équivalente (55 M.d'hab. pour la seule Angleterre, 65 pour le Royaume-Uni). La majorité de ces membres sont des chartered members (CMLI) - des membres agréés ­ ayant réussi un examen d'entrée Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 150/173 généralement passé deux ans et demi après l'obtention du diplôme (examen pour lequel l'institut organise par ailleurs des cycles préparatoires). 216 étudiants sont actuellement membres du LI, ainsi que 1262 licenciate (diplômés simples). Le Landscape Institute joue un rôle très actif dans la promotion de la place du paysage dans les politiques publiques. D'une part, il place ses membres à des postes-clefs de l'administration ou de ses agences. Ainsi, on recense 7 de ses membres au sein de l'agence Natural England qui est la cheville ouvrière de la politique du paysage et de la mise en oeuvre de la Convention au royaume-Uni. D'autre part, l'organisation s'attache à défendre la présence d'architectes-paysagistes auprès des autorités planificatrices dans les collectivités locales. Cette stratégie de présence auprès du maître d'ouvrage est une action essentielle. Elle contribue à la prise en compte du paysage dès la conception d'un projet local et sensibilise les décideurs et les représentants d'autres secteurs (infrastructures, aménageurs, écologues, promoteurs notamment) au paysage et aux objectifs de qualité paysagère. Enfin, la profession a joué et joue encore un rôle majeur dans la promotion de la démarche « d'infrastructure verte ». Il s'agit de mettre le paysage au premier plan des méthodes de travail de planification. Le LI s'intéresse dans ce cadre à des projets spécifiques par exemple dans le Parc national des South Downs. On trouve en Suisse, une « Fédération suisse des architectes-paysagistes » (FSAP). Créée en 1925 à Zurich en tant que Fédération suisse des paysagistes, avant de fusionner en 1994 avec l'Association des architectes-paysagistes suisses AAPS, la FSAP compte aujourd'hui plus de 500 membres, dont presque la moitié sont indépendants, les autres employés dans des bureaux privés, des administrations publiques ou dans l'enseignement. Pour adhérer, il faut justifier du diplôme de paysagiste et de 3 ans d'activité professionnelle, soit au minimum huit années d'études et d'activité professionnelle. Les titulaires d'un Bachelor dans le domaine de l'architecture paysagère sont soumis à un examen d'entrée. La FSAP est reconnue par l'IFLA. La FSAP joue un rôle important en faveur de la sensibilisation du public notamment par la voie d'une publication quadrimestrielle « ANTHO » consacrée au paysage et dont la valeur est reconnue. En Belgique la profession de paysagiste est représentée par une association « l'association belge des jardins et des architectes-paysagistes » (ABAJP), membre de l'IFLA. Les titulaires d'un master sont affiliés d'office, tandis que les titulaires d'une licence (Bachelier) doivent justifier de deux années d'expérience professionnelle et présenter un dossier d'admission. Actuellement, l'association mène une action en faveur de la reconnaissance du titre. Elle compte 125 membres sur l'ensemble de la Belgique, essentiellement les professionnels qui exercent leur activité à temps plein.En effet, la taille réduite du marché très concurrentiel les conduit souvent à exercer une autre profession en parallèle. En Allemagne, les trois professions liées à la conception de l'espace, architectes, urbanistes et paysagistes, sont chacune organisées au niveau de chaque Land en Kammer qui sont l'équivalent des ordres professionnels en France ; l'inscription dans un Land vaut autorisation d'exercice de la profession dans toute l'Allemagne. L'accès Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 151/173 au grade de docteur en paysage (ou en architecture ou en urbanisme) dépend à la fois des travaux académiques réalisés, mais aussi du bilan de l'activité professionnelle pratiquée et de la capacité à la théoriser. Selon un de nos interlocuteurs, la limite de ce qui apparaît comme une reconnaissance professionnelle est le compartimentage des trois disciplines, l'exercice de la profession de paysagiste étant lui-même subdivisé en « projet » (Entwurf) permettant la conception de parcs et d'espaces publics urbains et « planification » (Plannung) permettant les interventions sur le « grand paysage ». De ce fait, il est difficile de suivre un projet complexe nécessitant la mise en oeuvre conjointe des trois spécialités (construction, végétal, design urbain). De même pour un maître d'ouvrage, ce type de compartimentage rend difficile l'énoncé d'une « question ouverte » sur le territoire. Dans les pays du sud, les paysagistes ne sont pas encore parvenus à faire reconnaître pleinement la différence de leur profession. En Espagne, la profession de paysagiste n'est pas reconnue malgré l'existence d'une Association espagnole des paysagistes (AEP) dont l'audience reste faible. Certes, il existe une « école » barcelonaise de traitement des espaces publics, née après la fin de la Dictature. Des architectes-urbanistes ont investi ce champ, avec des personnalités marquantes comme Oriol Bohigas, Joan Busquets, Beth Galí, Enric Miralles, ou Manolo Ruiz Sánchez, mais entre les architectes et les ingénieurs, les paysagistes n'ont pas encore pu trouver leur place. En Italie, la profession semble également assez mal connue. Elle dépend de l'Ordre des architectes et des paysagistes (Ordine Nazionale Architetti, Pianificatori, Paesaggisti e Conservatori), qui hiérarchise les métiers (architecte, planificateur, paysagiste, conservateur), l'architecte ayant la primauté sur tous domaines. L'ordre comprend 154 architectes paysagistes (pour 85 000 architectes). L'Association des architectes paysagistes (AIAPP, Associazione Italiana di Architettura del Paesaggio), comporte 700 adhérents et publie le magazine Landscape Architecture. À retenir : Le paysage est désormais une discipline autonome mais son enseignement se révèle très divers malgré une harmonisation issue de la mise en place des accords de Bologne. Cette diversité tient aussi à la nature multidisciplinaire de l'approche du paysage et aux fondements historiques variés de la formation. Cette diversité se retrouve dans l'organisation de la profession. Très structurée et active en matière de politique du paysage dans des pays comme l'Irlande, l'Angleterre et l'Allemagne, la profession peine encore à trouver sa place en Italie comme en Espagne, confrontée à une résistance forte des architectes. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 152/173 FICHE THEMATIQUE N°3 EDUCATION ET SENSIBILISATION AU PAYSAGE Sources : · documents : « Les facettes du paysage », éditions du Conseil de l'Europe, janvier 2012, pp 225-272 : « L'éducation au paysage à l'école » par Benedetta Castiglioni, experte auprès du Conseil de l'Europe. · entretiens lors des visites dans les pays étudiés. La Convention européenne du paysage (CEP) prévoit dans les mesures particulières de son article 6 l'engagement par les États-parties à accroître la sensibilisation de tous les acteurs à la valeur du paysage et à promouvoir dans les enseignements scolaires et universitaires les valeurs qui lui attachées. Par ailleurs, la protection, la gestion et l'aménagement du paysage participent de l'amélioration du cadre de vie des habitants d'un territoire. De plus, l'évolution contemporaine de la société reconnaît aux citoyens un droit à participer aux politiques du paysage. Or, l'affirmation de ce principe ne suffit pas. Il suppose une sensibilisation préalable des habitants à leur cadre de vie, aux paysages et aux questions relevant de la politique qui s'y rattache. La sensibilisation dès l'école à la lecture du paysage et à la compréhension de ses valeurs conditionne une participation future effective. Cette formation dans le cadre scolaire doit être complétée par des initiatives diversifiées qui diffusent les savoirs relatifs aux paysages et à leur évolution, accroissent les capacités de chacun à les lire et à les comprendre. Dans une étude menée à l'initiative du secrétariat de la Convention européenne du paysage, le constat de la place désormais acquise du facteur humain dans la définition du paysage emporte des conséquences en termes d'éducation dans les établissements scolaires, éducation qui se poursuit dans le cadre d'initiatives de sensibilisation des habitants eux-mêmes à la lecture du paysage qui constitue leur cadre de vie. L'humain est devenu un élément essentiel de la définition et de l'approche paysagère. L'humain occupe une place croissante dans la définition du paysage. Le paysage désigne une partie du territoire « telle que perçue par les populations », tandis que son caractère résulte de l'action « ...des facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations. La CEP vise « à la protection, à la gestion et à l'aménagement de tous les paysages européens » . Mais elle affiche aussi deux objectifs plus vastes : · le bien-être individuel et social ; · un développement durable fondé sur un équilibre harmonieux entre les besoins sociaux, l'économie et l'environnement. Ainsi, la mise en oeuvre d'une politique du paysage conforme à la CEP suppose l'existence de droits et de responsabilités pour tous les citoyens. Leur éducation et leur sensibilisation au paysage, dès leur plus jeune âge, deviennent alors indispensables. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 153/173 L'éducation au paysage répond aux objectifs de la Convention européenne du paysage et à ceux fixés par les Nations Unies dans le cadre de la « décennie des Nations Unies pour l'éducation au développement durable ». L'éducation étant la force d'entraînement des changements nécessaires, la sensibilisation des populations en vue de l'émergence d'une « démocratie du paysage » commence dès l'école. L'éducation au paysage comporte, principalement, la diffusion du savoir concernant les paysages et leurs évolutions, l'accroissement de la capacité à lire les paysages (identification et descriptions des éléments du paysage, caractéristiques immatérielles, facteurs naturels et humains, origine des paysages et leur évolution dans le temps). La Convention (dans la partie consacrée aux engagements des États insiste sur la nécessité d'activités pédagogiques contribuant à promouvoir « les valeurs attachées au paysage » non seulement de manière abstraite mais aussi en abordant les aspects pratiques tels que la protection, la gestion et l'aménagement). L'école et l'apprentissage du paysage. Plusieurs exemples peuvent être présentés, issus de l'étude du Conseil de l'Europe et des informations rassemblées lors de visites de la mission dans les pays étudiés En Espagne (Catalogne), l'observatoire du paysage déploie un vaste activité de diffusion de la culture paysagère. Parmi ses activités et à destination des élèves de l'enseignement secondaire, il a publié un « kit d'éducation au paysage » mis au point avec des professeurs de différentes disciplines (géographie, sciences naturelles, ..). Il prend la forme de planches d'illustrations modifiables pour permettre aux élèves de travailler en groupe à l'interprétation de paysages de Catalogne ; de cahiers d'activité éducatives ; d'un guide de l'enseignant et d'un site internet. Cette action, lancée dès 2007, s'inscrit dans le cadre de la loi d'août 2008 sur le paysage qui fixe des engagements en matière d'éducation conformément aux dispositions de la CEP. Elle est le résultat d'un partenariat entre plusieurs ministères de la Catalogne ( le ministère de la politique territoriale et des travaux publics, le ministère de l'éducation) et l'observatoire. Le projet est dénommé « Ville, territoire, paysage ». En Belgique, la Wallonie offre aussi l'exemple d'initiatives novatrices en matière d'éducation au paysage dans le primaire comme le secondaire. L'éducation au paysage fait partie intégrante de certains cursus. C'est l'une des thématiques enseignées par les professeurs de géographie. En vue de cet enseignement, des dossiers pédagogiques sont fournis par des associations ou par la fondation rurale de Wallonie. Un livret pédagogique, destiné à des enfants de 8 à 12 ans intitulé « le rôle de l'agriculteur dans la gestion de nos paysages », a ainsi été produit. Il est destiné à des enfants dans le cadre d'une action portant sur le territoire de « Beau canton » qui présente des caractéristiques intéressantes. Les objectifs de cette action sont : approcher la définition du paysage et apprendre les bases de la lecture d'un paysage ; Comprendre son évolution ; différencier ses acteurs (habitants, agriculteurs, pouvoirs publics) ; mettre l'accent sur l'importance des agriculteurs en tant qu'acteurs du paysage. Une autre initiative a été élaborée conjointement par l'institut d'éco-pédagogie et le laboratoire de méthodologie des sciences géographiques de l'université de Liège. Ceux-ci ont conçu ensemble une méthode d'utilisation d'internet et des outils multimédias pour l'éducation au paysage. Ce projet consiste à élaborer deux familles « d'hyperpaysages » pour sensibiliser à la nature et à l'aménagement du territoire. A Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 154/173 partir de ces paysages « déjà prêts » les élèves peuvent soit naviguer dans ces paysages soit en concevoir de nouveaux. En Irlande, l'éducation au paysage est en cours d'introduction dans les programmes scolaires du primaire et du secondaire dans le cadre des actuelles « classes verte » (Greenschools) conformément aux dispositions de la stratégie nationale pour le paysage (art.15). En Slovénie, une expérimentation intitulée « nous faisons notre paysage », a été menée d'octobre 2004 à mai 2005 par l'association slovène des architectes paysagistes en coopération avec le département de « paysagisme » de la faculté biotechnique de l'Université de Ljubljana. Le ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire a apporté un soutien financier au projet. Il s'agissait de diffuser des connaissances sur le paysage. Parmi les actions mises en place dans le cadre de ce projet figure la publication de cinq affiches sur « les paysages slovènes » ; un séminaire en vue d'une information des enseignants sur le projet ; la publication d'une mallette pédagogique destinés aux enseignants des écoles maternelles et primaires comme au grand public ; enfin des concours d'arts plastiques et de photographie destinés aux élèves de 4 à 15 ans, suivis de l'exposition des meilleurs travaux et clichés. un projet transfrontalier a également été mené dans lequel des établissements scolaires du sud de la France étaient impliqués. Il s'agissait du projet Cultura 2000 « 3KCL-Paysages culturels karstiques ». Ce projet mené de en 2004-2005 rassemblait le musée d'histoire naturelle d'archéologie de Montebelluna (Italie) avec la participation de centre de recherches et d'établissements scolaires italiens, français et slovènes. Il portait sur les particularités de 3 zones karstiques. Elles ont été visitées et analysées par trois équipes de recherche et explorées par les élèves d'écoles locales. Les centres de recherches (notamment les chercheurs du département de géographie de l'université de Padoue et ceux de Nice-Sophia-Antipolis) partageaient leurs méthodologies et leurs résultats tandis que les établissements scolaires jouaient le rôle de « diffuseurs », chargés d'élaborer une exposition et un site internet. Ce projet offrait l'occasion de développer et appliquer des stratégies éducatives de découvertes du paysage. Il visait d'une part l'éducation et la diffusion, d'autre part le partage avec un plus large public des connaissances acquises grâce à la recherche. La sensibilisation des acteurs. La sensibilisation des acteurs du paysage consiste à mieux faire comprendre les relations qui existent entre le cadre de vie et les activités que chaque acteur développe dans sa vie quotidienne, d'une part, et les caractéristiques du milieu naturel, de l'habitat et des infrastructures, d'autre part. Elle peut revêtir des formes très variées. En Catalogne, la diffusion de la culture paysagère est une activité importante de l'Observatoire des paysages. Il publie de nombreux ouvrages, organise de colloques sur des thèmes pionniers (par exemple paysages et santé) ; il collabore dans des revues « grand public » locales ou nationales. Il contribue enfin à la formation des formateurs. Dans plusieurs des pays visités, les organisations professionnelles participent activement à la diffusion de la culture du paysage. Au Royaume-Uni, Le Landscape Institute produit des brochures thématiques autour du paysage, par exemple sur le Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 155/173 paysage et la santé. Il en est de même en Suisse où la Fédération suisse des architectes-paysagistes (FSAP) publie la revue Anthos. Des publications similaires existent aussi en Italie. En Irlande,la sensibilisation du paysage constitue un objectif majeur de la stratégie nationale. Parmi les 5 actions prévues figurent la mise en place d'outils d'analyse paysagère, le développement de programmes d'information du public, des prix de paysages, le soutien aux initiatives de participation du public. Enfin, la Pologne a instauré une journée nationale du paysage, à la date anniversaire de la signature de la CEP (20 octobre) et propose d'étendre cette initiative à l'ensemble des États-parties à la Convention. A retenir : L'éducation au paysage dès le stade de l'enseignement scolaire prépare les citoyens de demain à une participation pertinente et active à la gestion de leur leur cadre de vie ; La sensibilisation à destination de tous les publics complète les actions en milieu scolaire et peut prendre les formes les plus variées. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 156/173 FICHE THEMATIQUE N°4 LA PARTICIPATION DU PUBLIC Sources : · documents : « paysage et développement durable. Les enjeux de la Convention européenne du paysage », 2008, pp 177-220 « paysage et participation du public » par Michel Prieur et Sylvie Durousseau, experts auprès du Conseil de l'Europe. · entretiens lors des déplacements dans les pays étudiés. Parmi les mesures particulières prévues par la CEP afin de promouvoir la protection, la gestion et l'aménagement des paysages, figure la mise en place « des procédures de participation du public, des autorités locales et régionales, et des autres acteurs concernés par la conception et la réalisation des politiques du paysage » -article 5c. Afin de mesurer la mise en ouvre de cette disposition dans les États parties à la Convention, le Conseil de l'Europe a fait réaliser une enquête dans ces différents États dont les résultats ont été rassemblés dans la publication de 2008 (citée ci-dessus). Le contexte La Convention européenne du paysage pose une définition du paysage centré autour de l'interrelation entre l'homme et son environnement. La paysage est « perçu par les populations » et il résulte de facteurs « naturels et/ou humains et de leurs interrelations ». De plus, dans un contexte de changement climatique et d'objectif de développement durable, le paysage est considéré comme un élément essentiel du cadre de vie. Dans ces conditions, la participation du public aux politiques du paysage prend tout son sens et apparaît incontournable au stade de la conception comme à celui de la mise en oeuvre d'une politique paysagère ou d'une politique qui comporte un volet paysager direct ou indirect. La Convention vise un public le plus large possible dans le cadre de procédure de participation aux différentes étapes de la politique paysagère (définition des projets, instruction des demandes individuelles, suivi de la mise en oeuvre de la politique). Cette participation doit être effective. Enfin, la CEP s'inscrit dans la lignée de plusieurs instruments conventionnels internationaux qui promeuvent et soutiennent la participation du public. A cet égard, la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement a posé les bases de cette participation. Elle distingue trois situations : les décisions relatives à des activités particulières, la participation concernant les plans, programmes et politiques, la participation lors des phases d'élaboration de dispositions réglementaires d'application générale. Le cadre juridique de la participation. Au terme de l'enquête menée par le secrétariat exécutif de la CEP, et dont rend compte l'ouvrage précité, le constat de l'absence d'une procédure participative spécifique en matière de politique du paysage a été fait. Des instruments divers existent néanmoins. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 157/173 En Allemagne, on relève l'existence de plans et programmes relatifs au paysage mais leur caractère contraignant est limité. En Italie, des plans paysagers existent depuis 1939, mais c'est la prise en compte du paysage dans la démarche de planification ou dans les autorisations délivrées qui sert de cadre à la participation. En Irlande, dans le cadre de la procédure d'urbanisme, l'autorité compétente peut consulter la population notamment sur des questions relatives au paysage. Au total, il n'existe pas de principe général de participation du public dans le domaine spécifique du paysage, mais des procédures inscrites dans des contextes variés. Autre exemple, en Italie, un Accord de coopération État-région relatif à l'exercice des pouvoirs en matière de paysage a été signé le 19 avril 2001 par le ministère des Biens et Activités culturelles et les régions italiennes. Dans son article 6, cet accord prévoit lors des procédures de planification paysagère d'assurer la coopération institutionnelle et la plus grande participation du public concerné et des associations qui protègent des intérêts généraux. Cette orientation de principe avait vocation à inspirer les politiques régionales de planification paysagère. A défaut de principe général, la participation peut figurer dans des dispositions ponctuelles. Ainsi, en Autriche, la participation est prévue par la loi sur les procédures administratives générales ou bien la loi sur l'étude d'impact environnementale. En Irlande, c'est la loi sur l'urbanisme et le développement de 2000 qui prévoit que toute personne peut participer à l'articulation des objectifs pour la protection de paysage dans le cadre des programmes de développement. Il en est de même de la loi sur la faune sauvage de 2000. Dans les États membres qui ont ratifié la CEP, son entrée en vigueur devrait donner lieu, le cas échéant, à une adaptation des dispositifs de participation existant. Quel public ? une notion diversement comprise. La CEP ne définit pas le public visé. La mention de la Convention d'Aarhus qui figure dans son préambule autorise à se référer à la définition que cette dernière donne du public. Il s'agit de « l'ensemble du public sans discrimination quant à la citoyenneté, la nationalité ou le domicile et, dans le cas d'une organisation non gouvernementale, sans discrimination quant au lieu où son siège est établi ». La notion de public est ainsi très large. En particulier, le droit à la participation doit être accessible au public en général sans avoir à justifier d'un intérêt juridiquement identifié. Pour certains pays, le public s'entend avant tout des particuliers. (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas, notamment). En pratique, ce terme désigne différentes catégories de personnes. En Italie, on distingue entre plusieurs catégories de particuliers. Ceux qui sont titulaires d'un droit subjectif (droit de propriété sur un terrain ou un immeuble) et les titulaires d'un intérêt légitime reconnu par l'administration et à caractère procédural. En Belgique, la participation prévue dans le cadre des contrats de rivière concerne les usagers, les associations et les riverains. En Irlande, les personnes les plus directement affectées à titre individuel peuvent participer à la désignation des zones de patrimoine naturel (natural Heritage area) dans la mesure où la désignation d'une zone entraîne des restrictions d'usage immédiates et affecte particulièrement les propriétaires. Pour d'autres pays, le public concerné désigne les autorités étatiques, régionales et locales. Ainsi, en Espagne, la protection du paysage s'exerce au moyen des plans d'aménagement des ressources naturelles. Ceux-ci sont de la compétence Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 158/173 des régions, qui doivent observer le principe de consultation des intérêts sociaux (associations d'entrepreneurs, syndicats de travailleurs), des « intérêts institutionnels » et des association de conservation de l'environnement. Enfin, la participation peut intervenir par l'ouverture au public des organes dirigeants de la structure chargée de la politique du paysage. Il peut s'agir d'une ouverture sans restriction (Pays-Bas, Irlande).ou bien d'une ouverture concentrée sur les autorités locales, régionales et les associations (Allemagne, Catalogne). En Belgique, le Conseil wallon de l'environnement et du développement durable intervient ainsi au niveau des études d'incidences. Il peut être amené à formuler des remarques concernant les incidences paysagères. La compréhension de la notion de public est essentielle parce qu'elle conditionne l'effectivité de la participation du public à la politique paysagère. A quel stade et selon quelles modalités participer ? En l'absence de procédure particulière à la participation en matière de paysage, il n'existe de fait pas de vraie distinction dans les procédures de participation entre conception et réalisation. On peut considérer que certains pays proposent une distinction en considérant que la conception de la politique du paysage s'opère par la voie de plans et de schémas tandis que la réalisation s'opère par voie de permis et d'autorisation. Ainsi, en matière de conception, en Belgique, la participation en matière paysagère intervient à l'occasion des mécanismes de participation prévus dans le cadre des outils généraux de planification. Les modalités de la participation sont très diversifiées. Les principales modalités de participation sont celles relevant des dispositifs d'autres politiques publiques. Il peut s'agir d'une consultation du public afin de définir le contenu de l'étude d'incidence d'un projet (Belgique) ; d'une procédure d'enquête publique qui offre la possibilité de formuler des commentaires écrits sur des projets, plans ou schémas en rapport avec les paysages (Allemagne, Belgique, Espagne, Irlande, Italie, Pays-Bas) ; dans d'autres cas, des commentaires oraux sont possibles dans le cadre de réunions consultatives à l'occasion de projets consacrées à la protection de la nature (Allemagne, Italie, Pays-Bas) ; enfin, il est prévu la consultation des communes concernées sur le contenu du plan paysager élaboré au niveau régional (Italie), ou bien la consultation d'instances et de personnes qualifiées (Belgique). L'influence du public sur la décision finale. Les procédures de participation et leurs résultats ne contraignent pas nécessairement la décision finale de l'administration, mais elles permettent cependant d'exercer une influence sur celle-ci. Ainsi, l'administration pourra être tenue de motiver sa décision en fonction des observations émises par le public. En Belgique, l'enquête publique est ainsi une formalité substantielle. Les constats de la mission dans les pays visités. Lors des déplacements dans certains des pays étudiés, les éléments suivants sont venus compléter ceux développés dans l'enquête précitée. L'exemple du Uplands forum en Irlande illustre une initiative locale de participation du public. Dans la perspective de la définition d'un projet de territoire pour les Uplands la parole a été donnée aux communautés locales d'acteurs afin qu'ils contribuent à la définition et à la mise en oeuvre des projets qui améliorent leur qualité de vie et Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 159/173 préservent leur environnement. Parmi la population consultée on note la participation remarquable et inhabituelle des farmers. La charte du paysage du Priorat en Espagne /Catalogne fournit un exemple de projet de paysage impulsé et piloté par les habitants du territoire. Le sentiment de délaissement de la population et le renouveau de l'économie viticole locale ont décidé ceux-ci à prendre en main le devenir du territoire. Plus généralement, les procédures ou initiatives de participation et leurs résultats ne contraignent pas nécessairement la décision finale de l'administration, mais elles permettent à tout le moins d'exercer une influence sur celle-ci. Ainsi, cela peut obliger l'administration à justifier ou faire évoluer sa décision en fonction des observations émises par le public. Propositions en vue d'améliorer la participation du public. Au terme de l'enquête réalisée, le Conseil de l'Europe a proposé d'avoir une politique participative ad hoc du paysage qui insiste sur le triptyque protectiongestion-aménagement et préconise un renforcement des instruments de participation du public destinés à accompagner la conception et la réalisation de la politique du paysage. S'agissant de la conception des politiques on relève notamment parmi les propositions : · ouvrir l'initiative de sélection d'une zone d'intérêt paysager aux institutions locales, aux populations locales ; · généraliser les procédures d'évaluation préalable à tout projet ayant un impact sur le paysage et rendre publique l'étude d'impact ; · permettre au public de formuler des observations et retenir le projet final en tenant compte des observations ainsi émises ; · enfin, diffuser le projet final retenu et les mesures nécessaires à sa réalisation. S'agissant de la réalisation de projets, les pistes suivantes pourraient être explorées : · privilégier les mesures de protection, de gestion ou de mise en valeur faisant intervenir la population locale ; · prévoir une périodicité pour le retour d'information sur la mise en oeuvre d'un projet ; prévoir une périodicité de révision du projet (moyen terme) ; · identifier au niveau national un service de référence pour accompagner les institutions locales et les initiatives populaires dans la mise en oeuvre des actions en faveur du paysage ; · enfin, favoriser les échanges d'expérience sur les initiatives réussies ou ayant échoué. A retenir : En général, Les procédures prévues dans la Convention européenne du paysage ne donnent pas lieu à l'affirmation d'un principe de participation spécifique aux politiques paysagères. De même, les procédures participatives résultent le plus souvent de textes encadrant d'autres politiques comme l'urbanisme ou la planification. L'importance de la qualité et du stade de la mise en oeuvre de la procédure de participation, de même que sa prise en considération lors des décisions relatives au paysage invitent à une amélioration de ces procédures afin de les rendre conformes aux dispositions de la Convention. Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 160/173 5. Éléments de bibliographie, sites internets et téléchargements A) Etudes et ouvrages généraux : Site du Conseil de l'Europe, avec la rubrique consacrée à la Convention européenne du paysage : http://www.coe.int/fr/web/landscape. Quatre types de documents : 1) Les textes de référence · La Convention elle-même et « lignes directrices » pour sa mise en oeuvre réunis dans un livret téléchargeable : https://rm.coe.int/16802f80c7 Existe aussi dans une version papier reliée (98 p.) · Recueils de rapports d'experts en vue de la mise en oeuvre de la Convention (en français) : · « Paysage et développement durable » (2006) incluant notamment des rapports de Michel Prieur et Yves Luginbühl - https://rm.coe.int/16804897bd · « Facettes du paysage » (2012) avec notamment des rapports sur l'éducation et la formation. - https://rm.coe.int/16802f299c · « Dimensions du paysage » (2017) avec notamment une proposition de méthode de travail « paysage et éoliennes » et l'article « paysage et démocratie » d'Y Luginbühl cité ci-dessous.https://rm.coe.int/dimensions-dupaysage-reflexions-et-propositions-pour-la-mise-en-oeuvr/1680714486 2) Les actes des rencontres annuelles thématiques (« ateliers ») des parties au traité, édités ans la série « aménagement du territoire européen et paysage ». La plupart sont téléchargeables et sont rédigés pour une grande partie en anglais : http://www.coe.int/fr/web/landscape/publications · N° 72 : Paysage et bien-être individuel et social ; Paysage et aménagement du territoire » - Strasbourg, France, 27-28 novembre 2003 ; · N° 74 : « Sensibilisation, éducation et formation ; Instruments novateurs en vue de la protection, de la gestion et de l'aménagement du paysage » - Strasbourg, France, 23-24 mai 2002 ; · N° 82 : « Des paysages pour les villes, les banlieues et les espaces périurbains » - Cork, Irlande, 16-17 juin 2005 ; · N°83 : « Paysage et société » - Slovénie, Ljubljana, 11-12 mai 2006 ; · N° 84 : « Les objectifs de qualité paysagère : de la théorie à la pratique » Gironne, Espagne, 28-29 septembre 2006 ; · N° 88 : « Paysage et patrimoine rural » - Sibiu, Roumanie, 20-21 septembre 2007 ; · N° 89 : « Le paysage dans les politiques de planification et la gouvernance : vers un aménagement intégré du territoire » - Piestany, République slovaque, 24-25 avril 2008 ; · N° 93 : « Paysage et forces déterminantes » - Malmö, Suède, 8-9 octobre 2009 ; · N° 95 : « Paysage et infrastructures pour la société » - Cordoue, Espagne, 15-16 avril 2011 ; · N° 97 : « Paysage multifonctionnel » - Evora, Portugal, 20-21 octobre 2011 ; · N° 99 : « Le paysage comme nouvelle stratégie de l'aménagement du territoire, 1ère session» - Thessalonique, Grèce, 2-3 octobre 2012 ; Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 161/173 · N° 100 : « Le paysage comme nouvelle stratégie de l'aménagement du territoire, 2è session » - Cetinje, Monténégro, 2-3 octobre 2013 ; à paraître : · "Paysages durables et économie : de l'inestimable valeur naturelle et humaine du paysage" - Urgup, Turquie, 1-2 octobre 2014 ; · « Paysages et coopération transfrontalière : le paysage ne connaît pas de frontière » - Andorre la Vieille, Andorre, 1-2 octobre 2015 ; · « Les politiques nationales pour la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage : défis et opportunités » - Erevan, Arménie, 5-6 Octobre 2016. 3) Les livrets de présentation de l'ensemble des candidatures au Prix du paysage du Conseil de l'Europe (ce qui donne une bonne idée des tendances de la démarche paysagère dans les pays signataires de la Convention). Téléchargement : http://www.coe.int/fr/web/landscape/publications · Dernier sorti (2016) : N° 103 dans la même collection : "L'alliance du prix du paysage du Conseil de l'Europe » qui décrit les 4 premières sessions du prix (de 2008-2009 à 2014-2015) 4) Plusieurs numéros de la revue « Naturopa/Futuropa » consacrés spécifiquement au paysage ou à la CEP , là aussi téléchargeables : http://www.coe.int/fr/web/landscape/futuropa-magazines · « La Convention européenne du paysage » : deux ans après sa signature, avec des témoignages de ses rédacteurs. (Numéro 98 / 2002) · « Le paysage à travers la littérature » (Numéro 103 / 2005) · « Espace public et paysage : l'échelle humaine » (Numéro 03 / 2012) · « Paysage et coopération transfrontalière » (Numéro 02 / 2010) *** L'un des centres documentaires les plus complets sur les politiques européennes : l' « Observatori català del paisatge » : http://www.catpaisatge.net/cat/documentacio_cataleg.php On y trouve les quelques rares documents comparatifs sur les politiques du paysage en Europe ; tout particulièrement · « La planification du paysage à l'échelle locale en Europe. Les cas de l'Allemagne, de la France, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de la Suisse et de la Wallonie » Étude réalisée en 2014, en collaboration avec le Ministère du Tourisme et de l'Environnement portant sur les principaux outils et expériences de planification du paysage existants à l'échelle locale en Europe et sur l'analyse de leur lien avec la planification territoriale locale et l'urbanisme. http://www.catpaisatge.net/eng/monlocal_doc.php (disponible en catalan et en anglais) · « Comparing landscape planning in England, Germany and the Netherlands» Etude réalisée en 2010 par l'Université de Wageningen (Pays-Bas) par Rob Schröder, Dirk Wascher, Simon Odell et Chris Smith. http://www.catpaisatge.net/docs/landscape%20planning.pdf Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 162/173 *** Autres ouvrages et sites utiles pour cadrer (ou élargir) le sujet · « La mise en scène du monde » sous-titré « construction du paysage européen » Yves Luginbühl - 428 p. CNRS Editions, 2012 · Le rapport rédigé par Yves Luginbühl pour la 8è conférence Conseil de l'Europe : « Paysage et démocratie », à Strasbourg le 18 février 2015 (26p.), téléchargeable par : https://rm.coe.int/16806b08ca · « Paysage dans les espaces périurbains » contribution de Maguelonne Dejeant-Pons dans le « Cours intensif sur le paysage » manuel de 251p. rédigé à l'occasion de l'Université d'été 2008 de l'Union des avocats européens (Ouvrage collectif avec Giovanni Bana et Giorgio Pizziolo). · « La biorégion urbaine », Alberto Magnaghi, Editions Eterotopia, Paris 2014 (168p.) - Un écrit synthétique et accessible du chef de file du mouvement européen des « territorialistes » : · « Les paysagistes dans le monde » - monographie évolutive rédigée sous la direction de Pierre Donnadieu (in « Chroniques de Topia (20082014) » à l'École nationale Supérieure du paysage de Versailles (64p.) avec une introduction générale et des monographies sur 12 pays (Algérie, Argentine, Brésil, Chili, France, Italie, Liban, Maroc, PaysBas , Portugal, Tunisie, Vietnam). Téléchargeable via le site de l'Association des paysagistes-conseils de l'État : http://www.paysagistesconseils.org/sites/apce/files/contenus/publication_annuell e/2016/les_paysagistes_dans_le_monde.pdf. · Site du JoLA (Journal of Landscape Architecture), la revue quadrimestrielle de l'ECLAS (European Council of Landscape Architecture Schools), fondée en 2006. Revue multilingue dont les derniers numéros sont téléchargeables : http://www.jola-lab.eu/www/issues.html. La première livraison de 2017 comporte un descriptif (en anglais) du Grand-pré de Langueux, grand prix français du paysage 2013. *** B) ouvrages et sites par pays étudiés Allemagne · Le texte (en allemand) de la loi fédérale du 29 juillet 2009 portant renouvellement des règles de protection de la nature et de gestion du paysage (Gesetz zur Neuregelung des Rechts des Naturschutzes und der Landschaftspflege) : https://www.bfn.de/fileadmin/MDB/documents/themen/monitoring/BNatSch G.PDF · « Comparing landscape planning in England, Germany and the Netherlands » étude comparative réalisée par Alterra-report pour NaturalEngland ­ 2010. · Site du Bundesamt für Naturschutz - (Office fédéral de la conservation de la nature) https://www.bfn.de/ · Gaëlle Hallair. « Paysage et Landschaft : incompréhensions et malentendus entre les géographes allemands et français dans les années 30. » https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00595066/document A l'échelle des Länder : le Landschaftsprogramm - (programme de paysage) Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 163/173 · programme de paysage du Land de Brandebourg (2001, 70p. réactualisé en 2016): http://www.mlul.brandenburg.de/cms/detail.php/bb1.c.322337.de · LandschaftProgram Berlin 2016 : http://www.stadtentwicklung.berlin.de/umwelt/landschaftsplanung/lapro/index.shtml · Etude IAURIF sur le Programme de paysage et le plan d'utilisation des sols (Flächennutzungsplan) de Berlin (1994). A l'échelle de la commune : le plan d'aménagement paysager (Landschaftplan), plan de zonage et plan de développement : · Plan d'aménagement paysager de Fulda : http://www.stadtfulda.de/landschaftsplan/LP.htm) · Plan de zonage et plan de développement de Kronshagen : www.kronshagen.de · Plan d'aménagement paysager de la ville de Winnenden (carte) : http://www.winnenden.de/site/Winnenden_Responsive/get/params_E1961337147/390473/Landschaftsplan%20der%20Stadt%20Winnenden.jpg Sur les IBA (Internationale Bauaustellungen) et les IGA (Internationale Gartenaustellungen, littéralement « expositions internationales de jardins»): a) l'Emscher Park, dans la Ruhr : sur ce dernier cas, abondante littérature dont : · une étude de l'agence d'urbanisme de Lyon « une démarche innovante de réhabilitation industrielle et urbaine » (2008, 72p.) : http://www.urbalyon.org/AffichePDF/1534 · un travail critique de l'Université de Liège : « La stratégie paysagère de l'Emscher Park » ( Frédéric Simon, 2009-2010, 31p.) http://www.lema.ulg.ac.be/urba/Cours/Cas/0910/Emsher_simon.pdf b) Le Zwischenstadt (entre-deux-villes) entre Cologne et Bonn visant à constituer à cet endroit une Grüne Metropole. Voir compte-rendu du « Club Villeaménagement » du 11/09/2007 ; Conférence-débat animée par Ariella Masboungi, avec Thomas Sieverts, à propos de son livre « Entre-ville, une lecture de la Zwischenstadt »: http://www.club-villeamenagement.org/_upload/ressources/productions/5a7/2007/verbatim_5a7_sieverts. pdf Sur la profession de paysagiste : · site du Bund Deutscher Landschafsarchiteken (fédération allemande des architectes-paysagistes (1300 membres dont 800 en exercice libéral). Site en allemand et en anglais : http://www.bdla.de/english Belgique · Catherine Dubois, « Stratégie et instruments pour une politique régionale du paysage en Wallonie », thèse de doctorat de l'Université de Liège, 2010. Le propos est de « rassembler les acquis et instruments existants de la Région wallonne en matière de paysage, d'évaluer la contribution de chacun en réponse au nouvel enjeu de la gestion du paysage, puis d'inférer une proposition stratégique et d'optimiser le cadre instrumental pour une politique future » (309 pages) http://bictel-fusagx.ulg.ac.be/ETD-db/collection/available/FUSAGxetd-06022010175849/unrestricted/These_DuboisCatherine.pdf · Le site internet de la « conférence permanente du développement territorial », commanditaire et éditrice des atlas de paysage de la région wallone ; les cinq Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 164/173 atlas déjà publiés y sont téléchargeables, ainsi que la brochure de cadrage de cette politique : « les territoires paysagers de Wallonie », publiée en 2004 : http://cpdt.wallonie.be/sites/default/files/pdf/tout_0.pdf · Une synthèse sur la méthode wallone pour les atlas par Thaïs Pons, MarieFrançoise Godart et Mireille Deconinck publié dans « Projets de paysage » (revue de recherche en ligne inter-écoles de paysage en France) le 13/07/2012 http://www.projetsdepaysage.fr/fr/les_atlas_des_paysages_de_wallonie · Un projet de terrain : le « programme paysage » entre Sambre et Meuse : le livret de l'exposition de présentation de la démarche : http://www.entre-sambreet-meuse.be/IMG/pdf/brochure_expo.pdf · La brochure de présentation du Master d'architecte-paysagiste pour la communauté française de Belgique (Gembloux / La Cambre-Horta): http://www.gembloux.ulg.ac.be/wp-content/uploads/2011/09/book-archipaysagiste-2015-v4-web.pdf · Le livret d'analyse d'une activité pédagogique « Le rôle de l'agriculteur dans la gestion de nos paysages » réalisée les 24 et 25 mai 2007sur le territoire du Beau Canton, dans les Ardennes belges. http://ccbeaucanton.be/archive/BEAUCANTON_BE/IMG/PDF/CAPITALISATION_AG RICHARME.PDF Espagne / Catalogne · Sur le site du Ministère de la culture espagnol, l'identification de « 100 paysages culturels » emblématiques de la diversité paysagère, dans le cadre d'un « Plan Nacional de Paisaje Cultural » décliné dans les régions autonomes. http://www.mecd.gob.es/planes-nacionales/planes/paisajecultural/actuaciones/cien-paisajes-culturales-espa-a.html · A l'échelon catalan, le texte intégral de la loi « pour la protection, la gestion et l'aménagement du paysage » du 8 juin 2005. http://territori.gencat.cat/web/.content/home/01_departament/documentacio/territori_ urbanisme/paisatge/publicacions/llei_reglament_proteccio_gestio_ordenacio_paisatg e.pdf · Un ouvrage trilingue (catalan, castillan, anglais) édité en 2010 par la generalitat (gouvernement) : « La Política de paisatge a Catalunya » qui dresse, cinq ans après la loi, le panorama complet des politiques entreprises (Jaume Busquets i Fàbregas, édité par le « Departament de Política Territorial i Obres Públiques », 2010) · Déjà mentionné, le site de l'Observatori català http://www.catpaisatge.net/ sur lequel on trouve notamment del paisatge · les liens pour le téléchargement des 7 « catàlegs » (atlas) publiés : http://www.catpaisatge.net/fra/catalegs.php · le kit pédagogique « ville, territoire, paysage » (en catalan), avec les 12 plaquettes (ex : http://www.catpaisatge.net/educacio/lacerdanya/documentacio_lacerdanya/do cument_18.pdf avec le livret du maître : http://www.catpaisatge.net/educacio/professors/documents/document_4.pdf · le site de recensement des cabanes de pierre sèche : http://wikipedra.catpaisatge.net/ Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 165/173 · sur les territoires, deux exemples de « cartas del paisatge » (équivalents de plans de paysage) : · La vallée de Camprodon (Pyrénées): http://ichn.iec.cat/pdf/CapBEaleresTerFreser_presentacions/Mallarach_CartaP aisatge.pdf · la « comarca » du Priorat (Tarragone): liens pour télécharger les éléments constitutifs : http://www.priorat.cat/content/documents-de-la-carta-del-paisatge Grande Bretagne · Le cadrage national de la planification territoriale (National Planning Policy Framework, NPPF), sur le site du Department for communities and local government : https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/60 77/2116950.pdf · Sur le site du Department of Environment, Food and Rural Affairs (DEFRA), les lignes directrices des « LCA » (Atlas de paysage). Mise à jour en octobre 2014. https://www.gov.uk/guidance/landscape-and-seascape-characterassessments · Les 159 « National Character Areas » (NCA, objectifs de qualité par unité paysagère) dans leur version de 2014 http://publications.naturalengland.org.uk/category/587130 · avec l'exemple du « NCA profile » des tourbières du Dartmoor (2014) http://publications.naturalengland.org.uk/publication/5098832853467136? category=587130 L'infrastructure verte : · les lignes directrices nationales (GI Guidelines) sur le site du DEFRA (2009) : publications.naturalengland.org.uk/file/94026 · l'exemple de la région industrielle en reconversion de Stoke on Trent : http://www.staffordbc.gov.uk/live/Documents/Forward%20Planning/Examination %20Library%202013/D35-GREEN-INFRASTRUCTURE-STRATEGYEVIDENCE-BASE.pdf · Le cas particulier de la stratégie climatique (climate change adaptation plan) du parc national des South Downs : https://www.southdowns.gov.uk/wpcontent/uploads/2015/01/Climate-Change-Report-final-A4-pages-LR.pdf Le « Landscape paysagistes) Institute » : (la puissante organisation professionnelle des · son site internet : www.landscapeinstitute.org · deux de ses publications les plus intéressantes : · Le « guide for clients » : l'utilité sociale des paysagistes aujourd'hui ; https://www.landscapeinstitute.org/PDF/Contribute/Landscapearchitectur e-Aguideforclients2012A3.pdf · La brochure « santé publique et paysage ». https://www.landscapeinstitute.org/PDF/Contribute/PublicHealthandLandscape _CreatingHealthyPlaces_FINAL.pdf Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 166/173 Les projets, notamment paysagers, soutenus par le «fonds patrimoine » de la loterie nationale (Heritage Lottery Fund) : https://www.hlf.org.uk/our-projects Irlande · « stratégie nationale irlandaise pour le paysage 2015-2025 », téléchargeable sur le site gouvernemental : http://www.ahrrga.gov.ie/app/uploads/2015/07/NLandscape-Strategy-english-Web.pdf Organismes : · Irish Landscape Institute (organisation des professionnels du paysage) : http://www.irishlandscapeinstitute.com , ; · Landscape Alliance of Ireland http://www.lai-ireland.com/landscape-allianceireland.html, fédération des associations de promotion du paysage ; · Heritage Council d'Irlande : établissement public chargé de l'animation en matière de patrimoines naturel, culturel et paysager : http://www.heritagecouncil.ie/landscape Il commandité en 2004 l'étude de l'Atlas des paysages (Landscape Character Assessment) du Comté de Clare, document qui, même un peu ancien, mérite la lecture (en termes de participation du public et de formulation des objectifs de qualité paysagère) : oldsitehc.info/tirdhreach/publications/landscape-characterassessment-of-co-clare · Enfin, l'initiative « bottom up » en faveur des 25 Uplands et de leur agriculture a donné lieu en 2016 à un rapport d'étape qui décrit bien la démarche : http://irishuplandsforum.org/wp-content/uploads/2016/10/Irish-UplandsCommunities-Study-2016-FINAL.pdf Italie · Actes du séminaire 2014 des paysagistes-conseils de l'État à Rome : avec notamment des articles de Gioia Gibelli (projets régionaux), Paola Vigano (villeterritoire) et Roberto Magnaghi (plan paysager des Pouilles) : http://www.paysagistes-conseils.org/sites/apce/files/contenus/publication_apce_2014.pdf · Rapport sur l'état d'avancement des piani paesaggistici (plans paysagers régionaux). Rapport de Janvier 2017 : http://www.pabaac.beniculturali.it/opencms/multimedia/BASAE/documents/2017/ 03/09/1489061022947_stato_pianificaz._paesaggistica_gennaio_2017.pdf · Étude de droit comparé entre la planification paysagère Italienne et française menée par le CRESSON (Institut d'urbanisme de Grenoble) en 2004, par Gilles Novarina, Dominique Métais et Maddalena Micheletto : http://isidoredd.documentation.developpementdurable.gouv.fr/documents/Temis/0077/Temis-0077830/19652_rapport.pdf · José Luis Bermejo Latre, de l'université de Saragosse, « la protection du paysage en Italie », Persée - Revue Européenne de Droit de l'Environnement ­ 2005 : http://www.persee.fr/doc/reden_1283-8446_2005_num_9_2_1771 · GRIDAUH - Le droit de l'urbanisme en Italie - Alberto ROCCELLA - Professeur à l'Université de Milan - http://www.gridauh.fr/comptes-rendus-detravaux/urbanisme-sans-frontieres/italie/ · Site du Parc agricole de Milan-sud : http://www.cittametropolitana.mi.it/parco_agricolo_sud_milano/ Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 167/173 · Site du Parco delle Risaïe initiative locale au sein de ce parc : http://www.parcodellerisaie.it/it/ · « Les paysages agraires périurbains: vers la co-construction du territoire », « cahiers du développement urbain durable » Université de Lausanne 2011. Paola Branduini et Lionella Scazzosi, Politecnico di Milano. Une analyse de la démarche paysagère menée dans la périphérie milanaise : https://www.unil.ch/files/live/sites/ouvdd/files/shared/URBIA/urbia_12/chapitres_u rbia_12/3_Paysages_Agraires_Periurbains.pdf Pays-Bas · Actes du séminaire 2008 des paysagistes-conseils de l'État à Rotterdam, avec une présentation générale due à Karim Helms et une étude plus particulière de la Ranstad annulaire et de son « coeur vert » : http://www.paysagistesconseils.org/sites/apce/files/contenus/apcerotterdamweb.pdf · L'Agenda Landschap, stratégie gouvernementale adoptée en 2008, qui fixe la feuille de route paysage jusqu' en 2020 : https://www.rijksoverheid.nl/documenten/rapporten/2009/01/19/agendalandschap-geillustreerde-versie · Le Landschaps Manifest, adopté en novembre 2005 par 47 associations. Sa présentation en français est disponible sur la publication du conseil de l'Europe relative à la session 2010-2011 du Prix du paysage : https://rm.coe.int/16802f299a, page 63. · Site de l'Université de Wageningen (la principale formation au paysage du pays) : http://www.wur.nl/en/Education-Programmes/master/MScprogrammes/MSc-Landscape-Architecture-and-Planning.htm Suisse · « Conception Paysage suisse » (1997 - la première stratégie) : https://www.bafu.admin.ch/.../conception_paysagesuisse-partieiconception.pdf · « Conserver et améliorer la qualité du paysage, vue d'ensemble des instruments de politique paysagère », brochure publiée par l'Office fédéral de l'environnement (OFEV, Bundesamt für Umwelt) en 2016 : https://www.bafu.admin.ch/.../conserver_et_ameliorerlaqualitedupaysage.pdf · « Mutations du paysage » : les résultats du programme de monitoring « Observation du paysage suisse » que l'OFEV vient de faire paraître au printemps 2017 :https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/paysage/publicationsetudes/publications/mutation-du-paysage.html · « Paysage 2020 ­ Analyses et tendances », feuille de route opérationnelle également éditée par l'OFEV en 2003) : http://www.rts.ch/la1ere/programmes/factuel/6219126.html/BINARY/Paysage %202020%20OFEV.pdf · « Paysages et instruments novateurs, l'expérience de la Suisse », in « paysage et développement durable », Bertrand de Montmollin - éditions du Conseil de l'Europe, juillet 2006, op. cit. · Forum CEP-LEK (Conceptions d'évolution du paysage - Landschaftsentwicklungskonzept, démarches locales comparables à nos « plans de Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 168/173 paysage »), hébergé sur le site internet de l'École d'ingénieurs de Rapperswil : www.lek-forum.ch · Site du Fonds suisse pour le paysage, instrument d'intervention financière de la confédération : https://fls-fsp.ch · Site de la revue ANTHOS, éditée à Genève, mais de portée internationale : https://www.anthos.ch/francais. · Actes du séminaire 2011 des paysagistes-conseils de l'État en Suisse, (zooms sur l'agglomération transfrontalière de Genève et la rive nord du Léman : http://www.paysagistes-conseils.org/sites/apce/files/contenus/apcesuisseweb.pdf Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 169/173 6. Glossaire des sigles et acronymes Acronyme ABAJP ADEPT Signification Association belge des architectes de jardin et des architectes de paysage Association of directors for environment, planification and transport (directeurs dans des collectivités locales en Angleterre) Associazione Italiana di Architectura (association italienne des architectes paysagistes) Loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové Association des paysagistes-conseils de l'État Amt für raum Entwicklung (office fédéral développement territorial suisse) Bachelor of Art Bund Deutscher Landschaftarchitekten (fédération des architectes-paysagistes allemands). Commission communale d'aménagement d'aménagement du territoire et de mobilité Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement Convention européenne du paysage Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces Conseil général de l'environnement et du développement durable Chartered members landscape institute Commission permanente du développement territorial Centre permanent d'initiative pour l'environnement Commission territoriale urbanistique Centre de valorisation des ressources humaines (du ministère de la transition écologique et solidaire) Code wallon de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie Department of arts, heritage, rural affairs and the Gealtacht Department for communities and local gouvernment (Angleterre) Direction départemental des territoires et de la mer Direction de l'eau et de la biodiversité Department for environment, food and rural affairs (Angleterre) Development plan document Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature Eidgenössische Technische Hohchschule (Ecole polytechnique fédérale de Zürich) Fédération française du paysage Fédération suisse des architectes paysagistes Fondation rurale de Wallonie AIAPP ALUR APCE ARE BA BDLA CCTM CAUE CEP CGAAER CGEDD CMLI CPDT CPIE CTU CVRH CWATUP DAHRAG DCLG DDTM DEB DEFRA DPD DGALN ETH FFP FSAP FWR Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 170/173 Acronyme GAL GI HEIPA HLF HSR IBA IFLA IGA ILI LCA LI LEK LOK LOP MAPTAM NLCA NOTRE NPPF OFAG OFEV OAP PAC PADD PCDR POUM PADD PCE PTG PLU PNR PRG Signification Groupement d'action locale (Belgique) Green infrastructure Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève Heritage lottery fund Hochschule für Technik , Rapperswil, suisse alémanique Internationale Bauausstellungen International Federation of Landscape architects Internationale Gartenausstellungen Irish landscape institute Landscape character assesment Landscape institute Landschaft entwicklung Konzept Landschap Ontwikkelen met Kwaliteit Landschapsontwikkelingsplan Loi sur la modernisation de l'action publique territoriale et l'affirmation des métropoles National landscape character assesment (Irlande) Loi relative à la nouvelle organisation territoriale du 7 août 2015 National policy planning framework Office fédéral de l'agriculture (Suisse) Office fédéral de l'environnement (Suisse) Orientations d'aménagement et de programmation Politique agricole commune Projet d'aménagement et de développement durable Programme communal de développement rural Plans d'ordenacio urbanistics municipals Projet d'aménagement et de développement durable Paysagiste conseil de l'État Plan de gouvernement territorial Plan local d'urbanisme Parc naturel régional Plan régulateur régional (Italie) Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 171/173 Acronyme SCoT SRADDET Schéma de cohérence territoriale Signification Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires Travail de fin d'études Trame verte et bleue TFE TVB Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 172/173 http://www.developpement-durable.gouv.fr/ Rapport n°010731-01 Démarches paysagères en Europe Page 173/173 INVALIDE)

puce  Accés à la notice sur le site du portail documentaire du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

  Liste complète des notices publiques