Stratégie (la) nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE). Évaluation de la mise en oeuvre et propositions d'évolution
LAVARDE, Patrick ;BARTOLI, Fabienne ;LESTEVEN, Pierre ;MOQUAY, Viviane ;VEDEAU, François
Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
;France. Inspection générale des affaires sociales
;France. Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux
Auteur secondaire
Résumé
<p style="margin-bottom: 0cm; font-style: normal; font-weight: normal; text-decoration: none; text-align: justify;"><span style="font-size:12px;"><font color="#000000"><font face="Liberation Sans, sans-serif"><font style="font-size: 10pt">Après avoir présenté la problématique du thème de la perturbation endocrinienne, le rapport dresse le bilan de la mise en oeuvre des actions des quatre axes de la stratégie initiée en avril 2014. Le premier axe de la stratégie portait sur des actions qui relèvent de la connaissance. La thématique des perturbateurs endocriniens n'a pas trouvé sa place dans la stratégie nationale de la recherche, faute notamment de financement. Dans son deuxième axe, la SNPE prévoyait d'amplifier la démarche d'évaluation des dangers et des risques de substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens, via un programme d'expertise qui n'a que partiellement rempli sa mission. Le troisième axe portait sur la réglementation et le soutien à leur substitution. La volonté affirmée de la France de parvenir à une définition européenne des PE privilégiant l'option de critères fondés sur le danger a trouvé une concrétisation avec la publication des critères pour les seuls produits biocides. Le quatrième axe a permis d'initier des actions de formation continue des professionnels de santé. Des actions d'information restent insuffisantes et il conviendrait de capitaliser les initiatives dispersées. Le différentiel entre la vitesse des avancées des connaissances scientifiques et la capacité d'adaptation des règlements est de nature à nuire à la crédibilité de l'action. La mission propose de structurer la stratégie selon cinq axes avec des mesures inscrites dans le plan d'actions : développer la recherche ; renforcer la surveillance sanitaire et environnementale ; caractériser les dangers ; gérer les risques ; former, sensibiliser et informer. Enfin, la mission mentionne des conditions de la réussite de cette stratégie renouvelée : mobiliser les territoires ; renforcer la coordination ; disposer d'indicateurs pour l'évaluation. </font></font></font></span>
Editeur
CGEDD
Descripteur Urbamet
stratégie
;évaluation
;évolution
;matériau de construction
;critère
;surveillance
;recherche
;toxicité
;nuisance
Descripteur écoplanete
santé publique
;risque sanitaire
;gestion du risque
;risque chimique
;contamination chimique
;substance chimique
;substance dangereuse
;droit européen
;impact sur l'environnement
;traitement phytosanitaire
;produit phytosanitaire
;pesticide
Thème
Environnement - Paysage
;Ressources - Nuisances
;Santé
Texte intégral
MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
MINISTÈRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ
MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION
La stratéggié nationalé sur lés pérturbatéurs éndocriniéns (SNPE)
Evvaluation dé la misé én oeuvré ét propositions d'égvolution
Rapport CGEDD n° 011609-01, IGAS n° 2017-117 et CGAAER n° 17103 établi par
Patrick LAVARDE (CGEDD) Fabienne BARTOLI et Pierre LESTEVEN (IGAS) Viviane MOQUAY et François VEDEAU (CGAAER)
Décembre 2017
Les auteurs attestent qu'aucun des éléments de leurs activités passées ou présentes n'a affecté leur impartialité dans la rédaction de ce rapport
Sommaire
Résumé.....................................................................................................................6 Liste des recommandations...................................................................................9 Introduction............................................................................................................10 1. Une stratégie pionnière en Europe sur un sujet complexe............................11
1.1. Les perturbateurs endocriniens, un sujet émergent en matière de santé publique et scientifiquement complexe...............................................................................................11 1.1.1. Un enjeu majeur pour l'environnement et la santé..........................................11 1.1.2. ...qui remet en cause les principes de la toxicologie.......................................12 1.1.3. ...qui suscite une préoccupation croissante du public.....................................13 1.1.4. ...et s'avère porteur de forts enjeux économiques..........................................14 1.2. La France s'est dotée depuis 2014 d'une stratégie dans un cadre européen qui reste lacunaire.......................................................................................................................... 14 1.2.1. La SNPE, une première initiative pour formaliser une politique de gestion du risque engendré par les perturbateurs endocriniens................................................14 1.2.2. Dans un cadre européen complexe pour encadrer les produits chimiques et leurs usages.............................................................................................................15 1.2.3. Sans définition consensuelle et opérationnelle des PE..................................16
2. Le bilan de la mise en oeuvre de la SNPE........................................................17
2.1. La recherche............................................................................................................. 17 2.1.1. La thématique des perturbateurs endocriniens n'a pas trouvé une place pérenne dans la stratégie nationale de la recherche................................................17 2.1.2. Des programmes qui ont permis des avancées, mais qui sont en manque de financement.............................................................................................................18 2.1.3. Le modèle économique d'une plateforme de pré-validation de méthodes de test reste à définir....................................................................................................21 2.2. La surveillance sanitaire et environnementale..........................................................22 2.2.1. La surveillance de la présence des perturbateurs endocriniens dans l'environnement est hétérogène...............................................................................23 2.2.2. La surveillance sanitaire intègre désormais explicitement le suivi des effets PE potentiels................................................................................................................. 27 2.2.3. Les recherches et études sur les effets des PE sur la santé humaine dépassent le seul cadre de la SNPE........................................................................30 2.2.4. La surveillance des effets des perturbateurs endocriniens sur les écosystèmes ................................................................................................................................. 31 2.3. L'évaluation des dangers et des risques de substances susceptibles d'être des perturbateurs endocriniens..............................................................................................32 2.3.1. L'évaluation des risques liés aux substances susceptibles d'avoir des effets PE avait été engagée dans le cadre du PNSE2.......................................................33 2.3.2. L'ANSES a respecté l'objectif fixé par la SNPE d'évaluer cinq substances par an............................................................................................................................. 33 2.3.3. L'ANSM n'a pas été en mesure d'évaluer chaque année trois substances présentes dans les cosmétiques..............................................................................35
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2.4. La réglementation sur les perturbateurs endocriniens et le soutien à leur substitution ........................................................................................................................................ 35 2.4.1. La volonté affirmée de la France de parvenir à une définition européenne des PE n'a pas encore totalement abouti.......................................................................36 2.4.2. Exclure ou restreindre l'usage des substances à effet perturbateur endocrinien ................................................................................................................................. 38 2.4.3. Le soutien public aux démarches de substitution de substances à effet PE ne s'est pas concrétisé.................................................................................................40 2.5. La formation et l'information.....................................................................................40 2.5.1. L'offre de formation des professionnels concernés est seulement émergente ................................................................................................................................. 41 2.5.2. L'information et la communication sont insuffisantes pour répondre à une inquiétude croissante de la population.....................................................................42
3. L'évaluation de la mise en oeuvre de la SNPE.................................................45
3.1. Une stratégie pertinente et opportune......................................................................45 3.2. La cohérence entre la SNPE et les autres plans nationaux est encore à améliorer. .46 3.3. La SNPE, des résultats positifs à consolider............................................................47 3.4. L'absence d'un plan d'actions, le manque de moyens et l'insuffisante mobilisation interministérielle ont limité les résultats attendus.............................................................49
4. Propositions pour une nouvelle stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens.............................................................................................................50
4.1. Une stratégie renouvelée qui affiche une politique gouvernementale.......................50 4.2. Doter la stratégie d'un plan d'actions en cohérence avec la programmation en santéenvironnement dans un contexte européen.....................................................................51 4.3. Des conditions pour réussir la mise en oeuvre de la stratégie et des plans d'action. 51 4.3.1. Disposer d'outils de référence en appui à la mise en oeuvre de la stratégie...51 4.3.2. Renforcer la coordination des acteurs............................................................52 4.3.3. Se doter d'indicateurs d'évaluation.................................................................52 4.3.4. Mobiliser les territoires...................................................................................53 4.4. Les mesures opérationnelles de la SNPE2 pourraient s`organiser selon 5 axes......53 4.4.1. Axe 1 : Recherche..........................................................................................53 4.4.2. Axe 2 : Surveillance sanitaire et environnementale........................................54 4.4.3. Axe 3 : Caractériser les dangers liés aux substances susceptibles d'avoir des effets PE.................................................................................................................. 55 4.4.4. Axe 4 : Gérer les risques ...............................................................................57 4.4.5. Axe 5 : Former, sensibiliser et informer..........................................................58
Conclusion..............................................................................................................60 Annexes..................................................................................................................63 1. Lettre de mission................................................................................................64 2. Liste des personnes rencontrées.....................................................................66 3. Bilan de l'axe 1 : Recherche, valorisation, surveillance.................................72
3.1. Inscrire la thématique des perturbateurs endocriniens dans les priorités de la stratégie nationale de la recherche..................................................................................72
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3.2. Mobiliser les meilleures équipes en biologie.............................................................74 3.2.1. Poursuivre le Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE).............................................................................................74 3.2.2. Financer des projets de recherche sur les perturbateurs endocriniens par l'Agence nationale de la recherche (ANR)...............................................................76 3.2.3. Financer des projets de recherche en lien avec l'évaluation des perturbateurs endocriniens sur le programme national de recherche environnement-santé-travail (PNR- EST) de l'Anses............................................................................................78 3.3. Favoriser le transfert de la recherche vers le monde économique............................79 3.3.1. Des enjeux de compétitivité pour les entreprises...........................................79 3.3.2. Une plateforme sous forme de partenariat public-privé..................................80 3.3.3. Une étude faisabilité a été conduite en 2015..................................................80 3.3.4. Le modèle économique de cette plateforme ne s'impose pas........................81 3.3.5. Le continuum entre recherche, innovation et industrialisation reste à construire ................................................................................................................................. 81 3.4. Renforcer la surveillance sanitaire et environnementale, via les enquêtes transversales, les dispositifs de surveillance épidémiologique, les cohortes et les observatoires................................................................................................................... 82 3.4.1. La surveillance de la présence des perturbateurs endocriniens est hétérogène ................................................................................................................................. 82 3.4.2. La surveillance sanitaire et la bio surveillance humaine intègrent désormais explicitement le suivi des effets PE potentiels..........................................................88 3.4.3. Les recherches et études sur les effets des PE sur la santé humaine dépassent le seul cadre de la SNPE........................................................................93 3.4.4. La surveillance des effets des perturbateurs endocriniens sur les écosystèmes ................................................................................................................................. 94
4. Bilan de l'axe 2 : Expertise sur les substances...............................................96
4.1. L'activité d'expertise des substances susceptibles de générer des effets perturbateurs endocriniens était engagée avant la SNPE...............................................96 4.1.1. En 2005, la Commission Européenne mandate le Danish Hydraulic Institute sur le sujet............................................................................................................... 96 4.1.2. Le deuxième plan national Santé-Environnement 2009-2013 mentionne explicitement les perturbateurs endocriniens...........................................................97 4.1.3. En 2009, le ministère de la santé sollicite l'Inserm pour une analyse des données disponibles sur les effets de certaines substances sur la reproduction......97 4.1.4. En 2009, la direction générale de la santé saisit également l'ANSM et l'ANSES pour évaluation des risques liés aux substances reprotoxiques ou potentiellement PE...................................................................................................97 4.2. Au titre de la SNPE, l'ANSES avait pour mission d'expertiser 15 substances chimiques sur 3 ans.......................................................................................................100 4.2.1. Substances expertisées en 2014.................................................................100 4.2.2. Substances expertisées en 2015.................................................................101 4.2.3. Substances expertisées en 2016.................................................................102 4.2.4. Substances expertisées en 2017.................................................................103 4.2.5. Proposition de substances à expertiser en 2018..........................................103 4.2.6. L'ANSES a atteint les objectifs fixés par la SNPE........................................103 4.3. Au titre de la SNPE, l'ANSM avait pour mission d'expertiser chaque année trois substances chimiques présentes dans les cosmétiques................................................104 4.3.1. L'ANSM a priorisé les substances contenues dans les médicaments..........104
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4.3.2. Les études de l'ANSM sur les substances contenues dans les cosmétiques ont été initiées avant la SNPE................................................................................105 4.3.3. Le champ des dispositifs médicaux est prioritaire........................................105 4.3.4. L'ANSM n'a pas atteint les objectifs qui lui étaient assignés par la SNPE....105 4.3.5. Et propose une alternative...........................................................................106
5. Bilan de l'axe 3 : Réglementation et substitution des perturbateurs endocriniens...........................................................................................................107
5.1. Le cadre juridique européen applicable aux perturbateurs endocriniens................107 5.1.1. Les règlements REACH et CLP relatifs à la gestion des substances chimiques ............................................................................................................................... 107 5.1.2. L'usage des substances fait l'objet de règlements et directives dédiées.......111 5.1.3. La réglementation relative à la qualité de l'eau permet de surveiller des substances PE.......................................................................................................115 5.2. L'enjeu d'une définition européenne des perturbateurs endocriniens......................115 5.2.1. Les carences de la Commission européenne...............................................116 5.2.2. L'ANSES publie le 19 juillet 2016 un avis relatif à la définition des critères scientifiques définissant les PE..............................................................................117 5.2.3. La proposition de la Commission européenne a été adoptée pour les biocides, mais rejetée par le Parlement pour ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques...........................................................................................118 5.3. Exclure les substances à effet perturbateur endocrinien.........................................119 5.3.1. Une forte mobilisation de la France sur le bisphénol A.................................119 5.3.2. La commission européenne n'a pas donné suite à la demande de réexamen de l'approbation de 21 substances phytopharmaceutiques....................................121 5.3.3. Les procédures européennes ont provoqué des restrictions d'usage d'autres substances du fait de leur caractère PE.................................................................122 5.4. Le soutien des démarches de substitution de substances à effet PE reste embryonnaire.................................................................................................................123 5.4.1. La méthodologie d'évaluation des solutions de substitution devrait être publiée pour fin 2017.......................................................................................................... 123 5.4.2. Le soutien public à la substitution ne s'est pas concrétisé, faute d'appel à projet adapté.......................................................................................................... 124 5.5. Bien que non citées dans la SNPE, des actions de contrôle ont été menées sur des produits susceptibles de contenir des substances à effets PE.......................................124 5.5.1. La DGCCRF a contrôlé la sécurité des jouets vis-à-vis des phtalates..........125 5.5.2. A la suite de contrôles des matériaux en contact des denrées alimentaires, la DGCCRF a pris des mesures de police administrative...........................................125 5.5.3. Des cosmétiques contenant des substances interdites ont été retirés du marché................................................................................................................... 126 5.5.4. Des prélèvements de produits chimiques (détergents, produits d'entretien, colles et adhésifs, biocides) ont révélé des dangers..............................................126 5.5.5. Le contrôle par l'ANSM du marché des dispositifs médicaux en PVC annoncés sans DEHP a justifié des demandes de mesures correctives................126
6. Bilan de l'axe 4 : Formation et information....................................................127
6.1. La formation des professionnels concernés (professionnels de santé, professionnels de la petite enfance) reste aléatoire...............................................................................127 6.1.1. L'évolution de l'offre et de la demande en matière de développement professionnel continu montre un intérêt émergent sur le sujet...............................127
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6.1.2. La mobilisation des disciplines médicales concernées est contrastée..........130 6.2. Les actions du ministère de la santé auprès des publics sensibles restent à consolider...................................................................................................................... 130 6.3. La mobilisation constatée des ARS dans le cadre des PRSE est à la fois riche et hétérogène.................................................................................................................... 131 6.3.1. Information et sensibilisation du public font généralement partie des PRSE 131 6.3.2. Des ARS s'impliquent dans la formation des professionnels........................132 6.3.3. ...et interviennent dans des projets de recherche.........................................132 6.3.4. L'hétérogénéité des politiques régionales sur le sujet s'explique par l'absence de politique explicitement formulée........................................................................132 6.3.5. Il apparaît pertinent d'entreprendre une démarche de capitalisation de cette multitude d'initiatives..............................................................................................133 6.4. Les PE deviennent une source d'inquiétude dans la population.............................133 6.4.1. L'impact des PE sur la santé : une source d'inquiétude majeure pour les Français................................................................................................................. 133 6.4.2. Les produits identifiés comme porteurs de risques PE sont multiples..........133 6.4.3. Avec une visibilité croissante dans les médias.............................................134 6.5. La qualité de l'information des consommateurs peut et doit s'améliorer.................135 6.5.1. L'INERIS a travaillé sur la création de labels................................................135 6.5.2. Un étiquetage spécifique des PE nécessite une définition réglementaire.....136 6.5.3. Les listes « noires » de produits suspects se multiplient..............................137 6.5.4. La mobilisation de la société civile interpelle les services de l'État...............137
7. Argumentaire pour un centre national de référence dédié aux PE.............138 8. Glossaire des sigles et acronymes.................................................................139
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Résumé
Les ministres en charge de la transition écologique et solidaire, des solidarités et de la santé, de l'économie et des finances, du travail, de l'agriculture et de l'alimentation, et de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ont saisi, le 2 août 2017, le Conseil général de l'environnement et du développement Durable (CGEDD), le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) d'une mission d'évaluation de la Stratégie Nationale sur les Perturbateurs Endocriniens (SNPE). Après avoir présenté la problématique du thème de la perturbation endocrinienne, le rapport dresse le bilan de la mise en oeuvre des actions des quatre axes de la stratégie initiée en avril 2014. Le premier axe de la stratégie portait sur des actions qui relèvent de la connaissance. La thématique des perturbateurs endocriniens (PE) n'a pas trouvé sa place dans la stratégie nationale de la recherche. Les programmes de recherche finalisée qui ont permis des avancées, sont actuellement en manque de financement. S'il existe un certain nombre de méthodes déjà accessibles permettant d'évaluer le caractère perturbateur endocrinien des substances, le panel de méthodes validées disponibles est extrêmement limité et le modèle économique d'une plateforme de pré-validation de méthodes de test reste à arrêter. La surveillance de la présence des perturbateurs endocriniens dans l'environnement est hétérogène selon les milieux : la surveillance des sols est quasi inexistante, la surveillance de l'air est très en retard comparée à la surveillance de l'eau, cadrée par une directive européenne et financée par des fonds dédiés. La surveillance sanitaire s'appuie sur des dispositifs de bio surveillance qui permettent de suivre, entre autres indicateurs, des biomarqueurs d'exposition à des substances PE ou suspectées de l'être. Les recherches de ces dernières années confirment que la dissociation entre la dose et l'effet des perturbateurs endocriniens, cumulée avec les effets dit « cocktail », remettent en question les raisonnements classiques de la toxicologie. Dans son deuxième axe, la SNPE prévoyait d'amplifier la démarche d'évaluation des dangers et des risques de substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens, via un programme d'expertise confié d'une part à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) qui a respecté l'objectif fixé d'évaluer cinq substances par an et, d'autre part, à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui n'a pas été en mesure d'évaluer chaque année trois substances présentes dans les produits cosmétiques Le troisième axe de la SNPE portait sur la réglementation et le soutien à leur substitution. La volonté affirmée de la France de parvenir à une définition européenne des PE privilégiant l'option de critères fondés sur le danger a trouvé une première concrétisation avec la publication de tels critères en novembre 2017, mais pour les seuls produits biocides. L'action qui prévoyait d'exclure ou restreindre l'usage des substances à effet perturbateur endocrinien a permis d'obtenir l'interdiction du bisphénol A dans les tickets thermiques. En revanche, la commission européenne n'a pas donné suite à la demande de réexamen de l'approbation de 21 substances phytopharmaceutiques. Enfin, le soutien public prévu pour accompagner les démarches industrielles de substitution de substances à effet PE ne s'est pas concrétisé.
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Le quatrième axe de la SNPE a permis d'initier des actions de formation continue de certains professionnels de santé. Des actions d'information, qui restent insuffisantes, ont été amorcées pour répondre à l'inquiétude croissante de la population. Les initiatives restent dispersées et il conviendrait de les capitaliser. Au terme de ce bilan, la mission a considéré que la SNPE était une stratégie pertinente et opportune. La stratégie a permis de faire émerger la question des perturbateurs endocriniens. Elle a donné des résultats positifs qui restent le plus souvent à amplifier. Si la SNPE est cohérente, les synergies entre ses axes peuvent être améliorées de même que son articulation avec d'autres plans nationaux. Sa mise en oeuvre a souffert de l'absence d'un plan d'actions associé, du manque de cohérence entre les objectifs affichés et l'évolution des moyens, ainsi que d'une insuffisante mobilisation interministérielle. Par ailleurs, les impacts potentiels sur la santé publique justifieraient un investissement plus conséquent de la part du ministère de la santé, d'autant que le sujet s'inscrit pleinement dans l'axe 1 de la stratégie nationale de santé. La pertinence de cette démarche, les enjeux importants liés aux PE et le travail qui reste à accomplir incitent la mission à proposer que soit relancée une nouvelle stratégie, insérée dans la planification en matière de santé-environnement. Au vu des insuffisances de la mise en oeuvre de la première SNPE, la mission propose un dispositif de pilotage plus volontariste et une révision des axes déclinés en mesures à caractère opérationnel. Incidemment, la mission relève également que le différentiel entre la vitesse des avancées des connaissances scientifiques et la capacité d'adaptation des règlements sur ce type de sujet émergents est de nature à nuire à la crédibilité de l'action communautaire et des états membres. La nouvelle stratégie doit afficher les orientations sur le long terme de la politique gouvernementale en matière de perturbateurs endocriniens et en faire un enjeu prioritaire en matière de santé-environnement. Elle doit se concrétiser dans un plan d'action qui contienne des mesures précises avec un objectif à atteindre, des actions à mettre en oeuvre selon un calendrier établi, des responsables chargés de ces actions, des moyens affectés et des indicateurs de suivi. Un dispositif de gouvernance doit être clairement défini afin d'assurer le pilotage, le suivi régulier et l'évaluation de ce plan d'action. La mise en oeuvre du plan dédié aux PE doit s'inscrire en cohérence avec la programmation d'ensemble du domaine de la santé-environnement et en particulier avec le futur Plan national santé environnement (PNSE 4) et le contexte européen. La mission propose de structurer la future stratégie selon cinq axes dont elle suggère certaines mesures à inscrire dans le plan d'actions : 1. Développer la recherche : donner une place à la thématique PE dans la stratégie nationale de recherche ; optimiser et ajuster les moyens dédiés à la recherche finalisée sur les PE ; développer l'expertise scientifiquement fondée ; 2. Renforcer la surveillance sanitaire et environnementale : surveiller les différents milieux et les produits alimentaires ; amplifier les études de biosurveilllance ; 3. Caractériser les dangers : parvenir à une définition réglementaire générique de critères PE ; déterminer les dangers ; diffuser des méthodes validées de testage des substances ; 4. Gérer les risques : prendre des initiatives pour faire évoluer la réglementation européenne ; interdire les substances dangereuses et favoriser les substitutions ; utiliser les leviers de marché ; contrôler l'application de la réglementation ;
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5. Former, sensibiliser et informer : former les professionnels sur les risques associés aux PE ; informer la population et les consommateurs. Enfin, la mission mentionne quelques conditions de la réussite de cette stratégie renouvelée : mobiliser les territoires ; renforcer la coordination ; disposer d'indicateurs pour l'évaluation. Le regroupement de moyens au sein d'un centre national de référence qui reste à préfigurer serait de nature à améliorer la cohérence de l'acquisition de connaissances et l'appui à l'action publique. Couplé à une infrastructure de recherche et de service dédiée à l'exposome chimique humain, ce centre de référence donnerait à la France une place majeure dans les réseaux internationaux en santé-environnement.
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Liste des recommandations
1.Formaliser une nouvelle stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, placée sous pilotage interministériel. (MTES, MSS et al.)..51 2.Décliner la stratégie en plan(s) d'action doté(s) de moyens adaptés et mis en cohérence avec la programmation en santé environnement. (MTES, MSS et al.)...........................................................................................51 3.Créer par regroupement des moyens existants un centre de référence sur les perturbateurs endocriniens et appuyer la création d'une infrastructure de recherche et de service sur l'ensemble des expositions pouvant affecter la santé humaine au cours de la vie. (MESRI avec MTES et MSS)..............................................................................................................52 4.Coordonner l'action des agences sanitaires sur les perturbateurs endocriniens à l'aide du comité d'animation du système d'agences. (MSS).................................................................................................................52 5.Mobiliser conjointement les ARS et les DREAL pour décliner localement les orientations nationales arrêtées dans les plans associés à la SNPE 2. (MTES, MSS)....................................................................................................53 6.Organiser les mesures opérationnelles de la future SNPE selon 5 axes : recherche, surveillance, caractérisation des dangers, gestion des risques, formation et information. (MTES, MSS et al.)................................59
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Introduction
Par lettre en date du 2 août 20171, le ministre de la transition écologique et solidaire, la ministre des solidarités et de la santé, le ministre de l'économie et des finances, la ministre du travail, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ont saisi le Conseil général de l'environnement et du développement Durable (CGEDD), le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) d'une mission d'évaluation de la Stratégie Nationale sur les Perturbateurs Endocriniens (SNPE) initiée en avril 2014. Cette mission interministérielle a été constituée de cinq membres : Patrick Lavarde pour le CGEDD ; Viviane Moquay et François Vedeau pour le CGAAER ; Fabienne Bartoli et Pierre Lesteven pour l'IGAS qui ont bénéficié de la contribution de Laure Boisserie-Lacroix, interne en médecine de santé publique. Les travaux se sont orientés sur les trois axes de la saisine interministérielle, à savoir : l'évaluation de la réalisation des actions prévues dans le cadre de cette stratégie, en identifiant les facteurs de succès et les freins éventuels ; les propositions éventuelles d'évolution des axes stratégiques retenus en 2014 au regard de l'évolution du contexte (adoption d'une définition européenne, publication de nouvelles études scientifiques, préoccupation croissante de la population et des professionnels au sujet des perturbateurs endocriniens) ; la définition d'actions s'inscrivant dans ces nouveaux axes stratégiques afin de répondre aux enjeux sanitaires et environnementaux liés aux perturbateurs endocriniens. Le présent rapport dresse tout d'abord un bilan de la mise en oeuvre des actions conduites depuis 2014 selon les quatre axes de la SNPE. Éclairé par les entretiens que la mission a pu réaliser avec la plupart des parties prenantes associées à la conception et au suivi de la SNPE, ce bilan a permis à la mission de dégager les points forts et les points faibles de la mise en oeuvre de la SNPE. Il permet également de formuler un avis sur la pertinence, la cohérence et l'efficacité de la stratégie. Dans un second temps, la mission formule des propositions pour la mise en place d'une stratégie révisée dont elle propose les principes de conception, les principaux axes, ainsi que certaines actions. Au terme de son travail, la mission tient à remercier l'ensemble des personnes qui ont bien voulu lui apporter leur concours (voir en annexe 2 la liste des personnes rencontrées et contactées).
1
Cf. en annexe 1
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1. Une stratégie pionnière en Europe sur un sujet complexe
1.1. Les perturbateurs endocriniens, un sujet émergent en matière de santé publique et scientifiquement complexe
La notion de perturbateur endocrinien a été évoquée pour la première fois le 28 juillet 1991 lors d'une rencontre de scientifiques organisée à Wingspread (États-Unis) par la zoologiste Theo Colborn. Ces scientifiques s'accordèrent pour considérer que des phénomènes affectant la reproduction dans la faune et l'espèce humaine étaient liés à une « perturbation endocrinienne ». Cette hypothèse sera à l'origine de nombreuses études et réunions internationales qui permettront de faire émerger progressivement cet enjeu environnemental et de santé publique.
1.1.1. Un enjeu majeur pour l'environnement et la santé...
« Un perturbateur endocrinien est une substance ou un mélange de substances qui altère les fonctions du système endocrinien et, de ce fait, induit des effets nocifs sur la santé d'un organisme intact, de ses descendants ou de (sous-) populations » selon la définition de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), proposée en 2002 et mise à jour en 2012, reprise ensuite par l'Union européenne. Le schéma suivant résume la problématique des perturbateurs endocriniens (source ANSES) :
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Les perturbateurs endocriniens peuvent interférer sur le système endocrinien de trois façons : imiter l'action d'une hormone naturelle et provoquer la réponse des cellules cibles à cette hormone ; empêcher la fixation d'une hormone sur son récepteur au niveau des cellules cibles ; gêner ou bloquer la production ou la régulation d'une hormone ou de son récepteur et donc modifier le signal hormonal. Un certain nombre d'affections de la santé humaine sont aujourd'hui suspectées d'être la conséquence d'une exposition aux perturbateurs endocriniens (PE) : baisse de la qualité du sperme, augmentation de la fréquence d'anomalies du développement des organes ou de la fonction de reproduction, abaissement de l'âge de la puberté... Le rôle des PE est aussi suspecté dans la survenue de certains cancers hormonodépendants, ainsi que des cas de diabète de type 2, d'obésité ou d'autisme. L'âge d'exposition est déterminant, car les impacts sont surtout consécutifs à l'exposition pendant la période de gestation. Le développement foeto-embryonnaire, la petite enfance et la puberté sont des périodes de sensibilité accrue à ces substances. Les PE ont également des impacts sur la faune : féminisation de populations de poissons, développement d'organes génitaux mâles chez les femelles de gastéropodes marins, atteintes osseuses chez les phoques, malformations de l'appareil génital chez les cervidés, diminution du nombre d'espèces de batraciens. Ces substances se retrouvent dans un large spectre de produits de consommation courante allant des cosmétiques à l'alimentation en passant par les plastiques, les dispositifs médicaux, les peintures, les jouets, les vêtements ou les produits ménagers. Elles peuvent être présentes dans les produits de traitement des cultures et les médicaments. Elles se trouvent également dans les compartiments de l'environnement (air, eau, sol, poussières...).
1.1.2. ...qui remet en cause les principes de la toxicologie...
La mise en place d'une réglementation relative aux perturbateurs endocriniens se heurte à plusieurs difficultés liées à leur mode d'action ainsi qu'au caractère récent des recherches portant sur le sujet. La quantité d'hormones nécessaire au fonctionnement du système endocrinien étant extrêmement faible, la perturbation de celui-ci peut résulter d'une très faible concentration de substances perturbatrices. L'effet peut être plus fort à faible dose qu'à forte dose. Dans ces conditions, ce n'est plus « la dose qui fait le poison »2, c'est une relation dose/réponse non monotone qui rend inopérante l'analyse toxicologique classique consistant à définir des seuils à partir desquels le produit devient nocif. Le lien de causalité entre l'action du perturbateur et son éventuel effet néfaste reste souvent difficile à établir. Les effets de l'exposition et du dérèglement hormonal induit
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Selon le principe de base de la toxicologie énoncé au XVI e siècle par Paracelse. En vertu de ce principe, les normes de pollution reposent sur la notion de seuil en dessous duquel on considère qu'une substance chimique n'a plus d'effet.
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peuvent être différés dans le temps et/ou ne se développer qu'à la suite d'une exposition chronique. Les effets des perturbateurs endocriniens peuvent être transgénérationnels, ce qui fait qu'en cas d'exposition pendant la grossesse, les effets sur la santé peuvent être transmis sur plusieurs générations. Enfin, la multiplicité de ces perturbateurs, les multiples voies de contamination (orale cutanée respiratoire) et leur omniprésence dans notre environnement interrogent sur un possible « effet cocktail »3 par nature très difficile à analyser. L'ensemble de ces facteurs concourt à l'absence de définition juridique et aux difficultés pour les instances de l'Union européenne de statuer sur ce point afin d'engager les mesures adéquates de protection de la population et de l'environnement.
1.1.3. ...qui suscite une préoccupation croissante du public...
Si, du fait de ces caractéristiques, certains débats subsistent quant à l'existence de seuils à partir desquels ces perturbateurs endocriniens sont néfastes et s'il reste difficile d'établir une cartographie précise de ces perturbateurs, leurs effets potentiels et l'existence d'études ayant démontré le danger avéré de certains d'entre eux (DDT, Bisphénol A) ont entraîné une prise de conscience et une inquiétude qui dépassent le cercle des scientifiques. Le thème des perturbateurs endocriniens a ainsi émergé dans la dernière campagne présidentielle française. Dans un contexte marqué par la hausse des cancers hormono-dépendants, des problèmes de stérilité ou la hausse des cas de puberté précoce, de nombreuses associations de citoyens et organisations non gouvernementales se sont mobilisées sur un sujet qui crée une inquiétude d'autant plus grandissante que les connaissances sont encore aujourd'hui lacunaires. Si le grand public a du mal à comprendre les risques associés aux perturbateurs endocriniens, désormais souvent évoqués dans l'actualité, son inquiétude va croissante4. Les perturbateurs endocriniens s'inscrivent parmi les situations à risques caractérisées par un manque de confiance dans l'action publique et de crédibilité des informations 5. Il existe une forte attente des citoyens vis-à-vis des pouvoirs publics en matière de
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L'effet cocktail correspond à un ensemble de substances qui, individuellement, n'ont pas d'effet à un niveau donné de concentration, mais qui peuvent induire un effet si elles se trouvent ensemble dans un organisme à ce même niveau. Selon le baromètre annuel de la perception des risques par les Français publié en juillet 2017 par l'IRSN, les personnes interrogées considèrent à 40 % que les risques liés aux PE sont élevés (33 % moyennement élevés, 15,5 % faibles, 11,5 % ne savent pas). Ces taux sont respectivement de 71,5 %, 20,4 %, 7,9 %, 0,2 % pour les pesticides. En termes de perception du risque, les PE sont au même niveau que les antennes de téléphonie mobile et un peu supérieurs aux nanoparticules. Les perturbateurs endocriniens suivis seulement depuis 2014 par le baromètre sont le risque dont la perception augmente le plus (7 points de plus qu'en 2015 pour les réponses «élevé»). Selon le baromètre IRSN, la confiance dans les autorités pour assurer la protection des Français est particulièrement faible en ce qui concerne les perturbateurs endocriniens : 51,2 % n'ont pas confiance dans les autorités, 13 % ont confiance, 35 ± confiance, ce qui est comparable aux pesticides (56 % de défiance). Ce sont les deux thèmes qui recueillent, avec les nanoparticules, le taux de confiance dans les autorités le plus faible. L'indicateur de crédibilité de l'information donnée («on dit la vérité») sur les PE est faible. En effet, 51,7 % des personnes interrogées estiment que l'on ne dit pas la vérité sur les dangers que les PE représentent pour la population, alors que seulement 10 % pensent que c'est le cas et 28,6 % +/- le cas.
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protection de la santé et de l'environnement vis-à-vis des dangers induits par l'exposition à ces substances, que ce soit dans les milieux (air, eau, sol), l'environnement professionnel ou dans la vie quotidienne, en particulier pour les populations les plus sensibles aux effets de tels produits ou substances.
1.1.4. ...et s'avère porteur de forts enjeux économiques
Au-delà des enjeux de santé publique et environnementale, les enjeux économiques peuvent venir interférer selon le point de vue retenu. Les professionnels de l'agriculture et de la chimie avancent qu'une réglementation trop stricte relative aux PE nuirait à l'activité économique et à la compétitivité de certains secteurs, voire rendrait inefficaces un certain nombre de produits développés pour perturber le système endocrinien de nuisibles. D'un autre côté, les très fortes externalités négatives liées à l'usage de substances à effets PE pourraient plaider en faveur d'une interdiction ou de la limitation des usages en fonction de la graduation des risques. S'agissant de ce dernier point, une étude de 2015, citée par la lettre de mission, avance un coût annuel de 150 Mds par an pour le seul système de santé européen6, soit l'équivalent de 1,23 % du PIB de l'Union européenne.
1.2. La France s'est dotée depuis 2014 d'une stratégie dans un cadre européen qui reste lacunaire
La prise de conscience de l'importance de la question des perturbateurs endocriniens a amené le gouvernement français et les parties prenantes à inscrire ce thème parmi les priorités de la santé environnementale et à élaborer une stratégie nationale.
1.2.1. La SNPE, une première initiative pour formaliser une politique de gestion du risque engendré par les perturbateurs endocriniens
C'est au cours de la Conférence environnementale de septembre 2012 que le gouvernement d'alors s'est engagé à élaborer une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens7. Un groupe de travail, composé de l'ensemble des parties prenantes (élus des parlements français et européen, organismes publics de recherche, d'expertise et de surveillance, associations de protection de l'environnement et de défense des consommateurs, représentants d'entreprises et organisations professionnelles, ministères concernés), s'est réuni à six reprises au premier semestre 2013 et a produit un rapport formulant un certain nombre de propositions. Ce rapport a ensuite fait l'objet d'une consultation du public par internet à l'automne 2013.
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Etude 2015 Estimating Burden and Disease Costs of Exposure to Endocrine-Disrupting Chemicals in the European Union Équipe scientifique menée par Leonardo Trasande (Université de New YorkNYU-Langone Health) La feuille de route gouvernementale issue de la table-ronde « Prévenir les risques sanitaires environnementaux » de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012 prévoyait une mesure n°4 précisant que « concernant les perturbateurs endocriniens, un groupe de travail associant l'ensemble des parties prenantes sera mis en place pour élaborer d'ici juin 2013 une stratégie nationale comprenant des actions de recherche, d'expertise, d'information du public et de réflexion sur l'encadrement réglementaire ».
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C'est à partir de ce rapport et des contributions issues de la consultation publique, et après avis du Conseil national pour la transition écologique, qu'a été adoptée le 29 avril 2014, la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE). Cette stratégie, qui fixe comme objectif premier la réduction de l'exposition de la population et de l'environnement aux perturbateurs endocriniens, s'articule autour de quatre axes : Recherche, valorisation, surveillance, Expertise sur les substances, Réglementation et substitution des perturbateurs endocriniens, Formation et information. Depuis son adoption, la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens a été déclinée dans différents plans et programmes : troisième Plan national santé environnement (PNSE 3) adopté en conseil des ministres le 12 novembre 2014, Plan santé au travail, Plan cancer, Programme de bio-surveillance... Des mesures complémentaires ont été décidées lors des conférences environnementales de novembre 2014 et avril 2016. La loi santé de 2016 a également prévu des mesures spécifiques aux perturbateurs endocriniens8.
1.2.2. Dans un cadre européen complexe pour encadrer les produits chimiques et leurs usages
L'encadrement des produits chimiques relève avant tout de l'échelon européen. Il est régi par le règlement REACH9 qui s'applique sans transposition dans tous les États membres de l'UE. Il impose aux fabricants et importateurs de produits chimiques d'identifier les dangers associés à leurs substances, d'évaluer les risques potentiels et d'indiquer les mesures à prendre pour écarter tout dommage pour la santé et l'environnement. Le règlement REACH prévoit que les substances « présentant un niveau de préoccupation équivalent aux substances CMR ou PBT 10», ce qui est le cas des PE, puissent être identifiées comme des substances extrêmement préoccupantes, et ainsi être inscrites sur la liste des substances soumises à autorisation. De même, le règlement CLP11 impose un étiquetage spécifique pour les substances CMR 1A et 1B dont certaines sont des PE potentiels. Cependant, la réglementation CLP exclut certains produits (aliments, compléments alimentaires, dispositifs médicaux, médicaments, cosmétiques) qui relèvent de réglementations sectorielles spécifiques. Seuls les règlements sur les produits phytopharmaceutiques (1107/2009) et biocides (528/2012) prévoient explicitement le principe d'exclusion des substances présentant des effets de PE. Le règlement sur les cosmétiques (2009) prévoit une révision en ce
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L'article 58 prévoit la remise au Parlement d'un rapport d'évaluation de la SNPE en janvier 2017 (rapport en cours de finalisation). L'article 59 encadre l'usage du bisphénol A dans les objets en contact des nourrissons (biberons, tétines, jouets ...). REACH :, Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals CMR cancérigène mutagène toxique pour la reproduction PBT substances persistantes bioaccumulables toxiques CLP pour classification, labelling, packaging
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qui concerne les substances PE lorsque des critères d'identification auront été adoptés. Il n'existe pas de dispositions qui permettraient une application homogène pour une même substance dans toutes les réglementations qu'elles soient transversales ou sectorielles (lorsqu'elles existent). Les mêmes substances sont utilisées, mais les produits diffèrent, rendant alors inopérantes les réglementations lorsqu'elles existent.
1.2.3. Sans définition consensuelle et opérationnelle des PE
Les textes sur les pesticides et les biocides sont difficiles à appliquer pour ce qui concerne leurs effets en tant que PE à cause de l'absence de publication de critères d'identification des perturbateurs endocriniens que la Commission devait faire adopter avant le 13 décembre 2013. Condamnée pour carence par la CJUE le 16 décembre 2015 pour ne pas avoir adopté avant décembre 2013, de définition relative à la caractérisation des PE au titre du règlement biocides, la Commission a présenté un premier texte en juin 2016. Modifié depuis à cinq reprises, ce texte n'a recueilli la majorité qualifiée nécessaire à son adoption que le 4 juillet 2017. Validé par le Conseil, le texte a été rejeté par un vote du Parlement européen le 4 octobre 2017 pour ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques. Il a en revanche été publié le 17 novembre 2017 pour les biocides.
La définition du caractère de perturbateur endocrinien reste encore un sujet difficile en raison de ses enjeux potentiels sur l'activité économique et sur les inquiétudes croissantes des citoyens sur l'impact concernant leur santé et celle de leurs enfants. Cette tension est une incitation à approfondir la connaissance pour dégager des choix les plus éclairés possibles.
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2. Le bilan de la mise en oeuvre de la SNPE
Un bilan du processus de mise en oeuvre des actions prévues dans chacun des quatre axes de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE) et des résultats obtenus au cours des années 2014 à 2017 est présenté ci-après de manière synthétique. Une présentation plus détaillée est disponible dans les annexes n° 3 à 6 qui sont jointes au rapport. Pour faciliter la lecture, le bilan du premier axe est scindé en deux parties articulées selon les deux ensembles principaux qui relèvent de la connaissance : la recherche sur les perturbateurs endocriniens et la surveillance sanitaire et environnementale.
2.1. La recherche
La première partie de l'axe de la SNPE qui traite de la connaissance, porte sur la recherche sur les perturbateurs endocriniens : place dans la stratégie nationale de la recherche ; programmes incitatifs ; transfert vers le monde économique. Le bilan détaillé de la mise en oeuvre des actions prévues à ce titre est présenté en annexe n°3.
2.1.1. La thématique des perturbateurs endocriniens n'a pas trouvé une place pérenne dans la stratégie nationale de la recherche
La SNPE avait fixé l'orientation d'inscrire la thématique des PE dans la stratégie nationale de la recherche (SNR) qui fixe les priorités nationales de recherche pour cinq ans. Finalisée en juin 2014 et publiée en mars 2015, la SNR identifie dix défis sociétaux qui reprennent ceux du programme européen en faveur de la recherche et de l'innovation à l'horizon 2020 (H2020). Elle ne prévoit pas explicitement d'action dédiée aux perturbateurs endocriniens. Parmi les trois défis qui ont un lien potentiel avec les perturbateurs endocriniens12, seul le défi n°4 Vie, santé et bien-être met un accent sur les perturbateurs endocriniens dans son axe 3 qui vise l'exploration des systèmes et organes, leur fonctionnement normal et pathologique. Pourtant, peu de temps avant l'élaboration de la SNR, le Programme des nations unies pour l'environnement (PNUE) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconisaient13 de mener davantage de recherches afin de bien comprendre les liens qui existent entre les perturbateurs endocriniens chimiques et plusieurs maladies et troubles. De leur côté, les trois alliances nationales de recherche, Allenvi pour l'environnement14, Aviesan pour les sciences de la vie et de la santé15 et Athena pour les sciences humaines et sociales16 venaient de publier l'initiative française pour la recherche en environnement santé (IFRES), qui décrit un plan d'action dans les
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Les deux autres défis concernés sont le défi n° 1 Gestion sobre des ressources et adaptation au changement climatique (dont l'axe 3 porte sur les risques sanitaires face aux changements environnementaux) et le défi n°5 Sécurité alimentaire et défi démographique (avec un axe 3 « environnement-santé » fondé sur le concept « one health » qui vise à encourager les recherches permettant d'éclairer les interactions entre environnement et santé en lien avec les modes de gestion des écosystèmes productifs). Rapport intitulé « State of the Science of Endocrine Disrupting Chemicals », publié le 13 février 2013.
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domaines de la toxicologie, de l'écotoxicologie, de l'épidémiologie et des sciences sociales. La question des perturbateurs endocriniens y est fortement prise en compte et celle-ci est l'objet d'un des neuf programmes de recherche identifiés dans le plan d'action. Cette absence de priorité donnée aux enjeux de recherche sur les perturbateurs endocriniens dans la SNR a des conséquences concrètes. Les contrats d'objectifs et de performance signés entre l'État et les institutions de recherche ne mentionnent pas ce sujet, à l'exception du contrat d'objectifs 2016-2020 de l'INERIS, placé sous la seule tutelle du ministère en charge de l'environnement, qui comporte plusieurs orientations relatives aux PE dont une relative au progrès des connaissances. Associées aux difficultés de pérennisation des programmes de financement de la recherche (voir ciaprès), cette absence d'orientation stratégique n'est pas de nature à permettre de maintenir, voire de faire croître les compétences de la communauté scientifique qui s'est constituée depuis 10 à 15 ans sur ce thème émergent.
2.1.2. Des programmes qui ont permis des avancées, mais qui sont en manque de financement
La SNPE fixe l'objectif de mobiliser les meilleures équipes de recherche en biologie au moyen de projets de recherches sélectionnés et financés par les programmes nationaux à caractère fondamental ou plus finalisé. Sont ainsi cités par la SNPE, les projets soutenus par l'Agence nationale de la recherche (ANR) d'une part, et par deux programmes à caractère plus finalisé (PNRPE et PNREST), d'autre part. 2.1.2.1. Une forte diminution des soutiens apportés par l'Agence nationale de la recherche aux travaux sur les perturbateurs endocriniens La SNPE rappelle que l'Agence nationale de la recherche (ANR) a financé des projets portant sur les perturbateurs endocriniens, mais aucune orientation ne figure explicitement sur ce que l'agence est censée faire sur ce thème. Entre 2005 et 2013, l'ANR a soutenu 40 projets de recherche portant sur les perturbateurs endocriniens pour un montant total de financement de 17,2 millions d'euros sur plusieurs programmes thématiques successifs. Depuis l'adoption de la SNPE en 2014, la programmation de l'ANR n'inclut plus de programmes thématiques. L'appel à projets générique de l'ANR est structuré en défis, eux-mêmes organisés en axes intra-défis et depuis 2016 en axes inter-défis notamment en réponse à la stratégie nationale de recherche publiée en mars 2015 (voir supra). Bien que les perturbateurs endocriniens ne soient pas nommément cités dans le texte de la stratégie nationale de recherche, l'appel à projet générique les a
14
L'alliance pour l'environnement (AllEnvi-Alimentation/eau/climat/territoire) regroupe 12 membres (BRGM, CEA, Irstea, Cirad, CNRS, CPU, Ifremer, Inra, IRD, IFSTTAR, Météo France, MNHN). Allenvi s'organise en 13 groupes de travail thématiques dont un sur les "risques environnementaux, naturels et écotoxiques". L'alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan) rassemble 9 grands acteurs de la recherche en biologie santé : INSERM, CNRS, CEA, INRA, Conférence des présidents d'université (CPU), Institut Pasteur, IRD, Conférence des directeurs généraux de CHU (CHRU), INRIA. Elle compte 9 instituts thématiques multi-organismes (ITMO), dont l'ITMO Santé publique. L'alliance ATHÉNA regroupe les acteurs des sciences humaines et sociales (CNRS, CPU, la Conférence des Grandes Écoles (CGE), l'institut national des études démographiques-INED, INRA, IRD, CEA). Elle s'organise autour de groupes prospectifs de réflexion (environnement, santé, santé publique/bien-être) et de groupes d'activité multi-organismes.
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cependant mis en évidence selon des modalités qui ont varié chaque année depuis 2014, ce qui n'a pas contribué à une bonne visibilité du thème. Depuis l'adoption de la SNPE, 6 projets de recherche portant sur les PE ont été financés par l'ANR entre 2014 et 2016 sur son appel à projets générique pour un montant total de 2,17 M. En 2017, alors qu'un sous axe dédié aux perturbateurs endocriniens a été identifié dans l'axe inter-défi santé environnementale, aucun projet dédié aux PE n'a cependant été retenu. Les fluctuations d'affichage d'une année à l'autre au sein de l'appel à projet générique ont induit une dispersion des communautés interdisciplinaires qui s'étaient progressivement constituées. L'impact sur l'évolution du nombre de projets sélectionnés portant sur les PE est notable : 4,4 projets par an en moyenne entre 2005 et 2013, seulement 1,5 depuis 2014. Cette forte diminution depuis l'adoption de la SNPE ne peut pas être imputée exclusivement à la baisse globale des moyens de financement de l'ANR depuis 201317. 2.1.2.2. Malgré des résultats positifs, les ambitions affichées pour le Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE) n'ont pas été tenues, faute de moyens Créé en 2005 et piloté par le ministère en charge de l'environnement, le Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE) a pour objectif de soutenir des recherches fondamentales et appliquées en appui à l'action publique sur les questions ayant trait à la perturbation endocrinienne. Depuis 2011, l'animation scientifique du programme (appui à la programmation et au suivi des activités) est assurée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Le PNRPE a contribué à développer et animer une communauté scientifique qui a permis d'obtenir de nombreux résultats sur les effets et mécanismes d'action des perturbateurs endocriniens, les effets dans l'environnement, la connaissance des expositions, le développement de méthodes et d'outils pour la détection des effets ou des expositions, ainsi que les dynamiques sociétales et l'aide à la gestion des risques. Les projets financés par le PNRPE ont donné lieu à de nombreuses publications dans des revues scientifiques internationales et à deux colloques internationaux en 2012 et 2016. Depuis le début du PNRPE en 2005, quatre appels à projets ont permis de soutenir 39 projets mobilisant une centaine d'équipes de recherche pour un montant total de 5 millions d'euros. Le dernier appel à projets en 2013, traitant du bisphénol A, a pu être financé grâce à un transfert de 750 k venant du programme 181, géré par la DGPR, et non à partir des moyens destinés au soutien à la recherche. Alors que le PNSE 3 2015-2019 a confirmé l'intérêt du PNRPE dans son action n°82 « pérenniser et soutenir le programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens », aucun nouvel appel à projets de recherche n'a pu être lancé depuis l'adoption de la SNPE, faute de capacités de financement.
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La diminution des moyens de financement de l'ANR est de 30 à 50 % selon les références et les années.
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Sans s'inscrire directement dans la gouvernance du PNRPE, un appel à projets de recherche lancé en novembre 2016 sur la thématique spécifique des perturbateurs endocriniens dans les produits phytopharmaceutiques a toutefois permis de financer 6 projets pour un montant total de un million d'euros issu de la redevance pour pollutions diffuses affectée à l'Agence française de la biodiversité (AFB) au titre du plan Ecophyto 2. 2.1.2.3. Le programme national de recherche environnement-santé-travail (PNR- EST) de l'ANSES a poursuivi son appui à la recherche sur les perturbateurs endocriniens avec des moyens qui restent limités Le programme national de recherche en environnement-santé-travail (PNR-EST) soutient la production de connaissances en appui aux politiques publiques de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail. Il porte sur l'évaluation et l'analyse des risques environnementaux pour la santé humaine, en population générale ou au travail. Il soutient également des projets relatifs aux risques pour les écosystèmes et à la qualité des milieux. Il couvre une vaste gamme de risques, depuis les risques émergents jusqu'aux risques connus, en passant par les risques complexes qui soulèvent encore des controverses scientifiques. Le choix des projets à financer parmi ceux retenus par le Comité scientifique du programme est effectué par le Comité d'orientation du programme au sein duquel sont représentés les organismes et ministères qui financent l'appel à projets. La sélection porte sur la qualité scientifique des projets, mais également sur leur pertinence au regard des priorités de politique publique. L'appel à projets, à vocation généraliste, couvre 13 questions de recherche dont les « agents chimiques et polluants émergents » qui englobe 11 sujets dont les perturbateurs endocriniens18. Ce thème figure parmi ceux qui revêtent une importance particulière pour le comité d'orientation. Ainsi, au cours des années 2013 à 2016, 17 projets consacrés aux perturbateurs endocriniens ont été financés, ce qui correspond à la moitié des projets retenus sur les agents chimiques qui pèsent eux-mêmes environ le quart des projets retenus. Les moyens limités du PNR-EST et son champ très large font que le financement de chaque projet est plafonné à 200 k. 2.1.2.4. La forte baisse des soutiens financiers à la recherche sur les PE depuis 2014 fragilise une communauté scientifique en construction La SNPE n'a pas permis de pérenniser un programme de recherche spécifique sur les PE qui puisse soutenir des projets avec un budget annuel de l'ordre de 2 M comme l'avait recommandé l'IFRES. De très nombreux interlocuteurs de la mission ont regretté l'arrêt des financements sur le PNRPE qui, associé aux difficultés rencontrées avec la
18
Pour l'édition 2017 du PNR-EST, trois appels à projets ont été lancés, pour un montant total de financement de l'ordre de six millions d'euros. Le premier appel à vocation généraliste est financé par l'Anses sur des budgets délégués par les ministères chargés de l'environnement et du travail, et associe plusieurs cofinanceurs : l'ADEME, l'ITMO Cancer de l'alliance AVIESAN dans le cadre du Plan Cancer. Il bénéficie également de crédits du plan Ecophyto II (crédits affectés à l'ONEMA devenue AFB) en fonction des moyens programmés pour l'axe dédié à la recherche et l'innovation de ce plan . Le deuxième appel à projets financé grâce au fruit d'une taxe sur les émetteurs radiofréquences, est dédié au thème "Radiofréquences et santé", qui fait l'objet d'une attention particulière compte tenu du besoin de connaissances sur ce sujet et de la nécessité d'élargir la communauté scientifique qui s'y intéresse. Pour la première fois, un appel à projets est dédié à la thématique « Antibiorésistance et environnement » (a priori non reconduit en 2018).
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programmation de l'ANR, fragilise une communauté scientifique qui s'était structurée progressivement et qui, en dehors du PNREST aux moyens limités, ne dispose plus de la capacité à faire financer de manière régulière ses travaux de recherche sur les PE. C'est pourquoi, la communauté scientifique concernée est particulièrement attentive à la concrétisation du financement de 2 M annoncé sur le budget 2018 du MTES pour soutenir des actions de recherche sur les PE. Il n'a pas été possible d'identifier dans quelle mesure d'autres dispositifs de financement de la recherche19 que ceux mentionnés dans la SNPE ont pu contribuer à faire avancer les connaissances scientifiques sur le thème des perturbateurs endocriniens. De manière plus particulière, alors que l'émergence et la détection de la perturbation de la reproduction est apparue sur les populations animales sauvages dans les écosystèmes et a servi de signal d'alarme pour la santé humaine (exposition humaine généralisée à des substances chimiques susceptibles d'être PE), il ne ressort pas d'effort de recherche particulier sur la problématique de la perturbation endocrinienne dans les écosystèmes : source, transfert, transformation, impact potentiel sur la biodiversité (dynamique des populations, par exemple les pollinisateurs) et le fonctionnement des communautés (comportement alimentaire, comportement reproducteur...). De ce fait la dimension écotoxicologique a souvent été moins bien prise en compte que celle relative à la toxicologie.
2.1.3. Le modèle économique d'une plateforme de pré-validation de méthodes de test reste à définir
La SNPE prévoit une seule action de valorisation des travaux de recherche qui consiste à examiner l'hypothèse de créer une plate-forme public-privé de pré-validation des méthodes de test permettant d'évaluer le caractère perturbateur endocrinien des substances. En effet, s'il existe un certain nombre de méthodes déjà accessibles, le panel de méthodes validées disponibles est extrêmement limité. La création de cette plateforme a été confirmée par le Plan national santé environnement (PNSE3 action n°13). La Commission européenne considère (COM 2016 350 final) qu'il est « critique » de renforcer le travail sur ce sujet pour disposer d'un panel d'essais « au plus tard en 2025 ». En 2014, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) a été chargé d'étudier avec les industriels de la chimie, partenaires potentiels, la faisabilité, les conditions opérationnelles et de gouvernance de la plateforme qui a pour rôle de recevoir des méthodes de toute nature (in vivo, in vitro et in silico)20 en phase finale de mise au point en aval de la recherche et de réaliser l'ensemble des opérations techniques permettant d'arriver à la validation auprès de l'OCDE ou de l'ISO10.
19
Des recherches sur les PE ont été soutenues dans des programmes non spécifiques aux perturbateurs endocriniens, par exemple le programme EC2CO-ECODYN mené par le CNRS (INSU-INEE). Des projets ont été financés par l'ADEME ou l'ONEMA, voire par des moyens propres des institutions de recherche. En revanche, aucun des appels à projets des deux premiers programmes des investissements d'avenir (PIA) n'a fait mention des PE, même si le PIA a permis de doter la communauté scientifique d'outils potentiellement utilisables pour la recherche sur les PE (cas des cohortes). Les essais in vitro portent sur du matériel cellulaire. Les essais in vivo sont des essais sur animaux (invertébrés, mammifères, amphibiens, poissons et oiseaux). Les méthodes de modélisation biologiques in silico les complètent.
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L'étude faisabilité conduite en 2015 a été prolongée par une journée de travail, le 30 juin 2016, qui a débouché sur la mise en place d'un groupe de travail constitué des parties prenantes. Ce groupe a proposé un projet concernant le contenu, la forme juridique, la gouvernance et le modèle économique de la plateforme. À ce stade, la réflexion a été uniquement menée à l'échelon national. Le coût de fonctionnement a été estimé à environ 0,8 M par an pour ce qui concerne l'identification des méthodes et la dissémination des méthodes pré-validées qui mobiliseraient 5 ETP. L'essentiel du coût résiderait dans les essais validant les méthodes qui a été estimé à 4 M (mobilisation de 18 ETP) sur la base de l'évaluation chaque année d'un essai in vivo léger, de deux essais in vitro complexes et de trois essais in vitro simples, auxquels il convient d'ajouter le coût d'essais et d'opérations de preuve de concept pour porter des méthodes trop immatures à un niveau suffisant pour permettre la pré-validation. Les modalités de financement de la plateforme restent en débat ainsi que sa gouvernance. Il ne semble pas réaliste d'imaginer que la plateforme puisse être financée par les développeurs de méthodes. Un financement public-privé pourrait prendre la forme d'une subvention à l'opérateur de la plate-forme qui pourrait être l'INERIS pour couvrir au moins les charges de base récurrentes, le financement privé prenant en charge tout ou partie des opérations de preuve et d'évaluation des méthodes dont le coût dépend du nombre d'essais à traiter. L'origine du financement privé doit être compatible avec une approche collégiale de la pré-validation bénéficiant à l'ensemble des entreprises concernées, ce qui est une difficulté. Les acteurs industriels privilégient une mise en oeuvre à l'échelon européen qui pourrait bénéficier d'un soutien financier du Conseil européen de l'industrie chimique (CEFIC). À défaut un partenariat devrait être envisagé avec des pays actifs en matière d'enregistrement de substances chimiques, l'Allemagne et les Pays-Bas en premier lieu. Enfin, la place de l'INERIS au sein de la plateforme doit également être précisée, notamment eu égard à son rôle de développeur de tests de validation, en concurrence avec d'autres opérateurs dont la plateforme est censée évaluer des tests. La gouvernance doit être adaptée en conséquence afin que l'INERIS ne se trouve pas dans une position de conflit d'intérêts.
Alors même que le sujet des perturbateurs endocriniens devenait un enjeu de société croissant, la mission n'a pu qu'être frappée de sa difficulté à émerger dans les priorités de recherche et de la baisse des financements alloués.
2.2. La surveillance sanitaire et environnementale
La SNPE prévoit qu'« une attention particulière sera portée aux résultats des enquêtes d'imprégnation des populations (Esteban....), des cohortes de surveillance sanitaire et environnementale (Elfe, Constances, E4N....) et des programmes de surveillance épidémiologique, en articulation fine avec la recherche et l'expertise ». Elle ne fixe pas d'objectifs précis ni d'actions à engager. Plusieurs types d'actions ont néanmoins été menés, dont certains engagés le plus souvent avant l'adoption de la SNPE : la surveillance de la contamination des compartiments de l'environnement ;
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la surveillance des imprégnations des populations au moyen d'études de bio surveillance incluant le dosage de biomarqueurs d'expositions aux substances suspectées d'être à l'origine de perturbations endocriniennes ; la surveillance épidémiologique visant à décrire des évènements sanitaires en lien avéré ou suspecté avec les perturbateurs endocriniens (survenue de pathologies, mais aussi effets précoces détectables biologiquement), afin notamment d'en surveiller les tendances temporelles et spatiales et d'évaluer l'efficacité des politiques de prévention. La feuille de route gouvernementale pour la transition écologique issue de la conférence environnementale des 25 et 26 avril 2016 a confirmé que les études de bio surveillance doivent être développées dans le cadre de la recherche en santéenvironnement (objectif 12c). Si la bio-surveillance de la santé humaine est explicitement identifiée dans les orientations de la SNPE et a fait l'objet de présentations lors des deux réunions annuelles de suivi, il n'en est pas de même pour ce qui concerne la surveillance de la santé des écosystèmes. Pour autant, la mission s'est efforcée d'identifier les actions conduites sur les populations humaines et les écosystèmes.
2.2.1. La surveillance de la présence des perturbateurs endocriniens dans l'environnement est hétérogène
Les populations humaines comme les biocénoses21 sont exposées à des contaminants susceptibles d'avoir des effets PE qui se trouvent dans les différents milieux (eau, air, sols). L'homme est quant à lui également exposé à des contaminations par l'alimentation ou par des produits et objets du quotidien. 2.2.1.1. La surveillance est hétérogène selon les milieux Bien organisée et en évolution dynamique sur les milieux aquatiques, engagée sur l'air intérieur, elle reste ponctuelle sur l'air extérieur et inexistante pour ce qui concerne les sols. La surveillance des PE dans les milieux aquatiques s'organise et ses méthodes évoluent Certaines substances susceptibles d'avoir un effet PE 22 sont incluses dans la liste des substances faisant l'objet d'un suivi régulier pour caractériser l'état chimique et/ou écologique des eaux au titre de la directive cadre sur l'eau (DCE) 2000/60/CE ou de ses directives filles (directive 2008/105/CE, directive 2013/39/UE)23. Selon une approche basée sur l'appréciation d'un risque, toutes ces substances sont dotées d'une norme de qualité environnementale (NQE) qui correspond à la concentration qui ne doit pas être dépassée dans l'eau, les sédiments ou le biote afin de protéger la santé humaine et l'environnement24.
21
Une biocénose est l'ensemble des êtres vivants qui occupent un milieu donné (le biotope) en interaction les uns avec les autres et avec ce milieu. La biocénose avec son biotope forment un écosystème. PCB, PBDE, dioxines et furanes, benzo[a]pyrène, anthracène, cadmium, plomb, TBT, DDT et ses métabolites, lindane, endosulfan, atrazine, 2,4-D, etc.
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Afin de compléter les données acquises dans le cadre des réseaux de surveillance sur des contaminants chimiques (dont certains perturbateurs endocriniens) déjà réglementés dans le cadre de la DCE, le premier plan national sur les micro-polluants dans l'eau 2010-2015 a permis de mener des actions de surveillance de substances susceptibles d'avoir un effet PE (phtalates, bisphénol A, parabènes). Ces substances ont ensuite été placées sur la liste des substances pertinentes à surveiller de manière cyclique au titre de la directive cadre sur l'eau 25. Pour ces substances, l'INERIS développe des valeurs seuils qui n'entrent pas dans l'évaluation de l'état des eaux, mais qui constituent néanmoins des valeurs guides environnementales (VGE) sur la toxicité des molécules dans l'eau ou les sédiments. L'INERIS a également testé des outils biologiques sur des échantillons d'eau et de sédiments pour établir leur « profil toxicologique » à partir de la détection de différentes activités biologiques de type PE. Le nouveau « plan micro-polluants » 2016-2021 prévoit plusieurs mesures faisant explicitement référence à la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Le travail de surveillance prospective des molécules émergentes prioritaires se poursuit (action 26 qui correspond également à l'action n°32 du PNSE 3) sous la forme d'une nouvelle étude prospective engagée en 2017 par l'Agence Française pour la biodiversité (AFB ex-ONEMA) pour un montant de l'ordre de 2,5 M. Une étude exploratoire sur la prise en compte des effets PE dans la construction des normes de qualité environnementale (NQE) et des valeurs guides environnementales (VGE) est également en cours dans le cadre du partenariat INERIS-AFB (action n° 34 du plan micro-polluants). Afin de compléter l'approche analytique substance par substance, l'AFB soutient depuis 2014 une action menée par l'INERIS en vue de contribuer à la validation d'une méthodologie d'évaluation d'oestrogènes-équivalents au sein de matrices environnementales complexes à l'aide de bio essais in vitro. Ce type d'essais permet de prendre en compte les mélanges à faibles doses et de détecter des perturbations des mécanismes d'action des toxiques. Ainsi, les dispositifs de surveillance de l'état des milieux aquatiques devraient progressivement faire appel à ce nouveau type d'essais. Afin d'améliorer la surveillance de l'ensemble des milieux, les bio-essais in vitro développés sur le compartiment eau pourraient également être utilisés pour l'air et les sols.
23
Le bon état des eaux est évalué selon les critères de la DCE sur 85 substances ou familles de substances (53 pour l'état chimique et 32 pour l'état écologique). La liste des substances prises en compte pour évaluer l'état chimique est révisée tous les quatre ans au niveau européen en distinguant les substances prioritaires et des substances prioritaires dangereuses qui doivent être éliminées. Toutes ces substances sont dotées d'une norme de qualité environnementale (NQE), sans laquelle cette évaluation n'est pas possible. Elles sont listées dans les tableaux 16 et 17 de l'annexe 2 de l'arrêté du 7 septembre 2015, modifiant l'arrêté du 25 janvier 2010, établissant le programme de surveillance de l'état des eaux en application de l'article R 212-22 du code de l'environnement. Les valeurs de NQE sont indiquées dans l'arrêté du 25 janvier 2010 sur les critères d'évaluation de l'état des eaux (tableaux 45 et 46 pour les polluants de l'état écologique, tableau 88 pour les substances de l'état chimique). Elles sont accessibles sur le portail des substances chimiques géré par l'INERIS. Les substances pertinentes (annexe III de l'arrêté du 25 janvier 2010 établissant le programme de surveillance de l'état des eaux en application de l'article R. 212-22 du code de l'environnement) sont recherchées notamment pour préciser les niveaux de présence et de risque associés à ces substances, en vue d'une possible inclusion dans les listes de polluants spécifiques (substances dites dangereuses au sens de l'annexe IX et substances prioritaires au sens de l'annexe X de la directive cadre sur l'eau) utilisés pour évaluer l'état chimique et l'état écologique des eaux de surface au regard du respect de normes de qualité environnementales (NQE) par le biais de valeurs seuils.
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Des campagnes ont mesuré des phtalates et des polybromés présents dans l'air intérieur Depuis 2014, trois principales campagnes de mesures ont investigué des substances appartenant aux familles des phtalates et des polybromés : les concentrations de neuf polybromés et huit phtalates ont été mesurées dans l'air et dans les poussières de 30 logements localisés en zone périurbaine et en zone rurale du département de l'Ille-et-Vilaine ; les concentrations de huit polybromés ont pu être évaluées dans la phase particulaire de l'air d'un échantillon représentatif du parc de logements français ; une campagne nationale de mesures de plusieurs polybromés et phtalates dans l'air et les poussières déposées au sol dans un échantillon représentatif de 600 salles de classe en France métropolitaine est en cours sous la coordination du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). En revanche, il est à déplorer qu'aucune donnée ne soit actuellement disponible en matière de contamination de l'air intérieur par les perfluorés en France. La connaissance des effets PE de la contamination de l'air extérieur n'a pas progressé La connaissance de la contamination de l'air extérieur par des substances susceptibles d'avoir des effets perturbateurs endocriniens est limitée. Si deux études, antérieures à l'adoption de la SNPE et très localisées, ont permis de mesurer des polybromés et trois études des phtalates, aucune nouvelle campagne de mesures ne semble avoir été réalisée depuis l'adoption de la SNPE. Aucune donnée n'est actuellement disponible pour documenter la contamination de l'air extérieur par des perfluorés. L'ANSES a publié le 19 octobre 2017 les résultats d'une expertise collective en vue de la mise en place d'un dispositif national de surveillance des pesticides dans l'air ambiant. Cette expertise conduit à la publication d'une liste de 90 substances prioritaires à surveiller dans l'air ambiant qui distingue des substances hautement prioritaires dont la pertinence de la surveillance est d'ores et déjà affirmée et d'autres pour lesquelles cette pertinence reste à confirmer après des explorations complémentaires. Certaines de ces substances sont suspectées d'effet PE. Une campagne exploratoire est prévue par le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) adopté en mai 2017. Aucune campagne de surveillance des sols ne semble avoir été menée en France La contamination dans les sols est documentée pour le bisphénol A et les phtalates uniquement à partir des données de la littérature scientifique. Ces informations n'ont pas été recherchées pour les autres composés. Hormis des études ponctuelles dans le cas de sites pollués, aucune campagne de surveillance ne semble avoir été menée en France dans ce compartiment de l'environnement.
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2.2.1.2. Des études sur la contamination de l'alimentation en complément de la surveillance réglementaire Outre la surveillance de la contamination des aliments par les substances qui est assurée au travers de plans de contrôle, des études de l'alimentation totale (EAT) visent à rechercher différentes substances susceptibles d'être présentes dans les aliments. L'étude EATi (alimentation infantile de 0 à 3 ans) 26 publiée en 2016 par l'Anse a permis de déterminer les concentrations dans les aliments de nombreux composés soupçonnés d'être des PE, notamment le BPA, les phtalates, certains alkylphénols, les composés de la famille des PCB et de celle des perfluorés, différentes mycotoxines et pesticides... L'étude CONTA-LAIT (enfants allaités) initiée début 2013 par l'ANSES en partenariat avec l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a permis d'estimer la contamination d'échantillons de lait maternel à différentes substances chimiques dont plusieurs substances susceptibles d'être des PE (composés de la famille des PCB, dioxines, furanes, retardateurs de flammes bromés et perfluorés). Enfin, des analyses sont régulièrement réalisées sur les eaux destinées à la consommation humaine. Les résultats montrent par exemple que l'apport par les eaux ne contribue pas de manière significative à l'exposition au BPA. L'Anses a publié en 2014 une synthèse sur les polybromés. L'agence réalise en 2017 une campagne nationale portant sur la recherche et le dosage d'une dizaine de phtalates dans les eaux destinées à la consommation humaine. 2.2.1.3. Il n'existe pas de dispositif permanent de surveillance des produits et articles Il n'existe pas de dispositif permanent de surveillance de la présence de substances susceptibles d'avoir des effets PE en dehors des plans de contrôle du respect de la réglementation (substance interdites). Cependant, sur la base des résultats d'enquêtes de filière, certaines catégories de produits contenant des substances potentiellement PE ont été identifiées. Des études spécifiques ont alors été réalisées, notamment par l'ANSES en partenariat avec la DGCCRF, pour déterminer les expositions à ces substances via les produits de consommation. À la suite d'une expertise publiée en octobre 2015, l'ANSES a recommandé de ne pas généraliser le traitement des meubles rembourrés par des retardateurs de flamme. Une autre expertise publiée en 2016 sur la présence de phtalates ou de substances de substitution dans les jouets et articles de puériculture en plastique souple pouvant être mis en bouche par les enfants de moins de 3 ans n'a pas mis en évidence de risque sanitaire pour les enfants exposés.
26
Publiés en 2011, les résultats de l'étude alimentation totale EAT2 ont fourni les concentrations dans les aliments de nombreux composés PE, notamment ceux de la famille des PCB et de celle des perfluorés.
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2.2.2. La surveillance sanitaire intègre désormais explicitement le suivi des effets PE potentiels
La SNPE évoque le programme de bio surveillance qui relève et suit l'évolution de biomarqueurs27 d'imprégnation, la surveillance épidémiologique des facteurs de la reproduction humaine, mais pas la surveillance plus spécifique de populations professionnelles qui pourraient être particulièrement exposées à des PE. Elle fait également référence à des dispositifs plus généraux pouvant contribuer à la surveillance sanitaire (les cohortes ELFE, Constances, E4N). 2.2.2.1. Le programme national de bio-surveillance livre ses premiers enseignements Le volet périnatal de l'étude longitudinale française depuis l'enfance (Elfe) décrit les niveaux d'imprégnation des femmes enceintes Le programme national de bio surveillance comporte un volet périnatal s'appuyant sur un sous-échantillon de femmes enceintes incluses dans le volet biologique de la cohorte Elfe15. Le tome I du rapport, publié en décembre 2016, présente les niveaux d'imprégnation par le bisphénol A, les phtalates et les pesticides mesurés dans les urines, ainsi que les déterminants de ces niveaux d'imprégnation. Il présente également les concentrations sériques en dioxines, furanes, polychlorobiphényles (PCB), retardateurs de flamme bromés et composés perfluorés mesurés chez ce sous-échantillon des femmes enceintes. Les éventuelles variations temporelles et géographiques des niveaux d'imprégnation par ces polluants organiques ont été étudiées par une comparaison avec les résultats d'études antérieures menées en France et à l'étranger. Ce travail ne permet pas de décrire les effets des imprégnations. Les résultats des mesures d'imprégnation sont une base pour que l'ANSES entreprenne des travaux caractérisant les effets, définissant des biomarqueurs d'effet et mène des analyses de risque. ESTEBAN (Étude de SanTé sur l'Environnement, la Bio surveillance, l'Activité physique et la Nutrition) est l'étude transversale du programme de bio surveillance. Construite pour être répétée, ESTEBAN28 est destinée à recueillir, sur le long terme, des données pour développer une vision plus globale de la santé. Des prélèvements permettent de réaliser le dosage de paramètres biologiques et nutritionnels et le dosage de biomarqueurs environnementaux (métaux, cotinine 29, pesticides, perfluorés et polybromés, dioxines et PCB, phtalates, bisphénol A, etc.). Sont ainsi mesurés les niveaux d'imprégnation de la population par une centaine de substances retenues au regard de leurs impacts présumés et/ou observés sur la santé. Les données recueillies lors de l'enquête ont été appariées avec les données disponibles dans le système d'information inter-régime de l'assurance maladie et le programme de médicalisation
27
Un biomarqueur est un changement observable et/ou mesurable au niveau moléculaire, biochimique, cellulaire, physiologique, qui révèle l'exposition présente ou passée d'un individu à, au moins, une substance chimique à caractère polluant. Pilotée par un comité associant DGS, DGPR, DGT, Anses, InVS, et l'équipe projet Elfe, ESTEBAN est une étude nationale menée en France métropolitaine sur un échantillon aléatoire de 5 000 personnes, résidant en France continentale, âgées entre 6 et 74 ans. La cotinine est un alcaloïde trouvé dans le tabac et le principal métabolite de la nicotine.
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29
des systèmes d'information. Cette enquête permet ainsi de décrire l'état de santé de la population à un moment donné tout en explorant son niveau d'imprégnation aux polluants environnementaux. L'enquête a démarré en avril 2014 et les premiers résultats sont annoncés pour l'année 2017. L'intérêt d'une bio surveillance à l'échelon européen se concrétise par le programme HBM4EU Cofinancée par Horizon 2020 et lancée le 8 décembre 2016 pour une durée de 5 ans, l'initiative de bio surveillance humaine HBM4EU (Human Bio Monitoring for European Union) est coordonnée par l'agence allemande pour l'environnement. Elle est le résultat d'un effort conjoint de 38 structures de 26 pays européens. En France, sont impliqués huit organismes : l'INSERM, le CNRS, l'ANSES, l'INERIS, le CEA, l'ANSP, l'INRS et l'INRA qui ont constitué un « hub français » potentiellement très structurant. L'objectif est de coordonner et faire avancer la bio surveillance humaine en Europe en fournissant des données sur l'exposition des citoyens aux produits chimiques et leurs effets sur la santé. Pour la période 2017-2018, une liste de neuf groupes de substances a été établie. Le projet comporte également des objectifs de recherche et d'amélioration des connaissances sur les liens entre imprégnation et impact sur la santé, dans le but de développer des outils pour la gestion des risques liés aux substances chimiques et in fine de renforcer les réglementations européennes sur ces substances. Ce volet est piloté par l'INSERM. 2.2.2.2. La surveillance épidémiologique des facteurs de la reproduction humaine et des cancers s'est organisée La surveillance épidémiologique d'indicateurs de la reproduction humaine est en place La SNPE comprend la surveillance épidémiologique à l'échelle nationale d'indicateurs de la reproduction qui a été mise en place par l'Agence nationale de santé publique (ANSP), encore dénommée Santé Publique France (SpF), sur des priorités issues d'une revue de vingt-trois indicateurs potentiels de santé reproductive en lien avec les perturbateurs endocriniens. Ce programme de surveillance et d'analyses épidémiologiques porte sur la puberté précoce et sur le syndrome de dysgénésie testiculaire qui associe des malformations urogénitales du petit garçon (cryptorchidie, hypospadias) à une mauvaise qualité du sperme et une augmentation du risque de cancer du testicule à l'âge adulte. La surveillance épidémiologique des cancers ne permet pas à ce jour d'identifier la part attribuable aux PE Une surveillance épidémiologique des cancers est réalisée. Les années 2014-2016 ont été marquées par la publication, pour la première fois en France, d'estimations régionales et départementales de l'incidence de neuf cancers chez l'homme et chez la femme. Cependant l'absence de données précises d'exposition ne permet pas d'évaluer la part attribuable à l'exposition aux perturbateurs endocriniens.
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2.2.2.3. La surveillance spécifique des populations professionnelles cible plus explicitement les effets PE Une enquête de surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels (Sumer) vise à décrire l'ensemble des expositions des salariés sur leurs postes de travail (dont les produits chimiques), à caractériser ces expositions (durée et intensité), à évaluer l'évolution dans le temps des principales expositions et à éclairer les priorités en matière de prévention des risques professionnels. Répétée tous les 7 ans depuis 1987 selon une méthodologie commune, cette enquête permet de publier des évolutions. En 2016-2017, la liste des agents chimiques a été actualisée et des perturbateurs endocriniens y sont inclus. Une nouvelle vague d'enquête est en cours. Une des particularités des enquêtes sur la santé au travail est d'éliminer le « bruit de fond » en termes d'imprégnations. S'il est aisé d'attribuer l'imprégnation d'un produit uniquement présent en environnement professionnel, c'est plus difficile en ce qui concerne des substances de caractère ubiquitaire. Ces études sont donc à rapprocher d'enquêtes en population générale, en l'occurrence ESTEBAN, qui permettent d'identifier le « bruit de fond ». 2.2.2.4. D'autres études de cohortes en population générale collectent des données potentiellement précieuses pour les recherches sur les effets PE La mission n'a pas identifié de projets qui s'inscrivent dans la surveillance sanitaire et la recherche sur les perturbateurs endocriniens qui seraient menés à partir de trois cohortes (Constances, Coset et E4N) citées dans la SNPE. Pour autant ces cohortes offrent un potentiel. Elles sont présentées brièvement ci-après. Constances est à l'échelle des plus importantes cohortes mondiales Constances est une cohorte nationale d'effectif important (200 000 volontaires), représentative de la population générale adulte, destinée à contribuer au développement de la recherche épidémiologique. Lauréate du programme Investissements d'avenir, Constances bénéficie depuis 2012 d'un financement de l'Agence nationale de la recherche (ANR) en tant qu'infrastructure nationale de recherche en biologie-santé. Une collaboration particulièrement étroite est en place avec la cohorte nationale allemande, très similaire à Constances. L'étude de cohorte familiale E4N a pour but d'étudier la santé en relation avec le mode de vie moderne chez des personnes d'une même famille, sur trois générations. À terme, E4N permettra de recueillir des données épidémiologiques, biologiques et médicales sur trois générations d'une même famille, ayant un terrain génétique et un environnement communs, ainsi que des informations sur les facteurs comportementaux et environnementaux à différentes périodes de la vie. L'étude a démarré en 2014, l'inclusion des enfants de 2éme génération est en cours, celle des petits enfants de la 3éme génération débutera en 2018.
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La cohorte COSET est dédiée à la surveillance épidémiologique en lien avec le travail Avec le programme Coset (Cohortes pour la surveillance épidémiologique en lien avec le travail), l'ANSP a souhaité se doter d'un dispositif d'observation longitudinal destiné à améliorer la surveillance épidémiologique des risques professionnels. Ce programme a pour objectif de décrire la morbidité et son évolution en relation avec les facteurs professionnels à l'échelle de la population active en France. Ce programme contribuera à identifier les métiers et les conditions de travail à risque pour la santé, à quantifier le poids des facteurs professionnels sur la santé des actifs et à proposer des recommandations en matière de prévention.
2.2.3. Les recherches et études sur les effets des PE sur la santé humaine dépassent le seul cadre de la SNPE
Si les cohortes évoquées précédemment et citées dans la SNPE ne sont pas utilisées pour l'instant pour conduire des travaux sur les PE, il n'en est pas de même pour d'autres cohortes qui, quoique non citées dans la SNPE, ciblent précisément les effets des PE sur la santé humaine. 2.2.3.1. L'étude PÉLAGIE étudie les effets d'expositions de la femme enceinte sur le développement intra-utérin et des conséquences sur la santé de l'enfant PÉLAGIE (Perturbateurs Endocriniens : Étude Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l'Infertilité et l'Enfance) a été mise en place pour répondre aux préoccupations de santé, en particulier celle des enfants, dues à la présence de composés toxiques dans les environnements quotidiens. Il s'agit d'un suivi d'environ 3500 mères-enfants réalisé en Bretagne depuis 2002 qui s'intègre dans le réseau européen de cohortes mères-enfants. L'impact d'expositions prénatales à des contaminants (solvants, pesticides) sur le développement intra-utérin a été suggéré ; l'évaluation des conséquences sur le développement de l'enfant est en cours. 2.2.3.2. L'étude ÉDEN suit les enfants du stade foetal à l'âge de 5 ans ÉDEN est une étude longitudinale dont le but était de suivre dans un premier temps une cohorte d'enfants dès la fin du premier trimestre de grossesse jusqu'à l'âge de 5 ans, en prenant en compte un large éventail de renseignements recueillis auprès de la mère, du père, lors des examens de l'enfant et en s'appuyant sur un recueil d'échantillons biologiques. Une publication récente30 sur cette étude confirme une corrélation entre imprégnation par des PE de la mère et troubles du développement neurologique de l'enfant.
30
Claire Philippat, Dorothy Nakiwala, Antonia M. Calafat, Jérémie Botton, Maria De Agostini, Barbara Heude, Rémy Slama, and the EDEN MotherChild Study Group. Prenatal exposure to non persistent endocrine disruptors and behavior in Boys at 3 and 5 years. Environ Health Perspect 15 Sept 2017, vol 125
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2.2.3.3. SEPAGES est une cohorte couple-enfant visant à caractériser l'exposition des femmes enceintes et enfants aux contaminants de l'environnement SEPAGES vise également à étudier et mieux comprendre l'effet éventuel de certains contaminants chimiques comme les perturbateurs endocriniens non persistants de la famille des phénols (bisphénol A et ses substituts, parabènes, triclosan, benzophénone...) sur la santé des femmes enceintes, du foetus et de leurs enfants. Une des originalités de l'étude SEPAGES est le suivi intensif sur plusieurs années de 700 trios couple-enfant (à chaque trimestre de grossesse et à plusieurs reprises dans les premières années de vie de l'enfant) et de leur exposition aux polluants atmosphériques et chimiques avec l'utilisation d'outils de mesure individuels et la constitution d'une biothèque. 2.2.3.4. L'étude TIMOUN est une étude de cohorte ciblée sur l'impact d'exposition à la chlordécone de la femme enceinte L'objectif général de cette étude est d'évaluer l'impact sanitaire des expositions à la chlordécone31 qui est considérée notamment comme reprotoxique et perturbateur endocrinien, sur le déroulement de la grossesse et le développement pré et postnatal d'un millier de femmes suivies avec leurs enfants en Guadeloupe depuis leur grossesse en 2005-2007. Les résultats publiés fin 2014 montrent que l'exposition chronique à la chlordécone est associée à une diminution de la durée de gestation et à un risque augmenté de prématurité. 2.2.3.5. L'étude Kannari étudie les effets de la chlordécone sur la population antillaise L'imprégnation biologique par la chlordécone a été mesurée au cours d'une enquête en population générale aux Antilles. Les résultats de l'étude publiés en 2014 et 2015 montrent que la population reste exposée à la chlordécone qui est toujours présente dans l'environnement et les produits de consommation alimentaire, et ce malgré l'arrêt de son utilisation depuis les années 1990. Par ailleurs, l'ANSP a permis de reconstituer rétrospectivement une cohorte de travailleurs de la banane qui comporte plus de 14 000 personnes pour initier une surveillance épidémiologique de cette population qui a été exposée dans le passé à des niveaux élevés de chlordécone. Le croisement avec les données des bases médico-administratives pourrait être envisagé pour identifier des excès de risque de certaines pathologies chroniques du système endocrinien.
2.2.4. La surveillance des effets des perturbateurs endocriniens sur les écosystèmes
Alors que les perturbateurs endocriniens sont présents dans tous les milieux (eau, sol, air), la SNPE évoque de manière générale la surveillance des effets des perturbateurs endocriniens sur l'environnement sans indiquer d'action particulière sur les effets écotoxicologiques des PE.
31
La chlordécone est un pesticide organochloré utilisé entre 1973 et 1993 en Martinique et en Guadeloupe comme insecticide dans la culture de la banane. Son utilisation a entraîné une pollution permanente des sols et des eaux et une contamination toujours présente de la chaîne alimentaire et de la population.
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Différentes études antérieures à la SNPE ont pourtant permis d'observer un impact des PE sur l'environnement, et en particulier sur la faune, notamment la féminisation de populations de poissons ou le phénomène de développement d'organes génitaux mâles chez les femelles (imposex) de gastéropodes marins, des atteintes osseuses chez les phoques, des malformations de l'appareil génital chez les cervidés et la diminution du nombre d'espèces de batraciens. Des travaux menés au titre du programme national de recherche sur les PE ont permis de préciser les connaissances sur les mécanismes d'action. Les molécules ayant un potentiel de perturbation endocrinienne sont particulièrement préoccupantes seules ou en mélange pour le maintien des populations. Depuis 2013, l'INERIS mène avec le soutien financier de l'AFB (ONEMA) une étude afin d'avoir une représentation du phénomène d'intersexualité32 (occurrence, sévérité) des cyprinidés dans les cours d'eau de métropole qui pourrait résulter d'une exposition de ces poissons à des perturbateurs endocriniens. Les résultats provisoires suggèrent fortement une implication de substances oestrogéniques et anti-androgéniques dans l'apparition de l'intersexualité, en particulier chez le gardon, conséquence d'une « féminisation » des mâles. Ce travail se poursuit dans le cadre de l'action 29 du plan micro-polluants 2016-2021 présentée comme s'inscrivant dans la mise en oeuvre de la SNPE. Elle vise à évaluer l'effet des micro-polluants sur la flore et la faune aquatique, notamment le potentiel synergique des mélanges de micro-polluants, y compris ceux associés à la perturbation endocrinienne. La mission n'a pas identifié de travaux engagés sur les effets des PE sur des biocénoses terrestres. Il ne semble pas y avoir de « culture de la chimie » dans les communautés de l'écologie terrestre qui inciterait à s'intéresser aux effets éventuels de substances PE sur l'évolution de l'état de conservation de certaines espèces. Une réflexion à un stade très préliminaire serait néanmoins engagée entre l'AFB et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) pour étudier une éventuelle contamination des oiseaux en zone humide par des substances à usage phytosanitaire dont certaines susceptibles d'être PE.
2.3. L'évaluation des dangers et des risques de substances susceptibles d'être des perturbateurs endocriniens
Dans son axe n°2, la SNPE prévoit d'amplifier la démarche d'évaluation des dangers et risques33 de substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens ou utilisées par des populations sensibles, via un programme d'expertise confié d'une part à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) chargée d'évaluer au moins une quinzaine de substances chimiques sur trois ans et, d'autre part, à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui devait expertiser chaque année au moins trois substances présentes dans les produits relevant de son domaine de compétence et notamment dans les cosmétiques. Cette orientation qui prolonge des actions déjà engagées avant
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L'intersexualité consiste en la présence à la fois de tissu gonadique mâle et femelle chez des espèces gonochoriques (c'est-à-dire pour lesquelles les individus sont soit des mâles, soit des femelles et ne changent pas de sexe durant leur vie). L'intersexualité peut mener à une diminution du succès reproducteur et (ultimement) à l'effondrement local de populations de poissons. On définit le « danger » d'une substance chimique comme une propriété intrinsèque d'un agent chimique susceptible de provoquer un effet nocif. Le « risque » se définit quant à lui comme la probabilité que le potentiel de nuisance soit atteint dans certaines conditions d'utilisation et/ou d'exposition. Le risque s'évalue donc en confrontant le danger et l'exposition. Ces notions de danger et de risque font souvent l'objet de confusions dans le langage courant.
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l'adoption de la SNPE, notamment dans le cadre du deuxième Plan national santéenvironnement (PNSE 2), a été confirmée dans l'action n°14 du PNSE 3. L'annexe n°4 présente le bilan détaillé de cet axe dédié à l'expertise des substances.
2.3.1. L'évaluation des risques liés aux substances susceptibles d'avoir des effets PE avait été engagée dans le cadre du PNSE2
Dans le cadre de l'action 18 du deuxième Plan national santé-environnement 20092013 (PNSE2), la Direction générale de la santé (DGS) a saisi en 2009 l'ANSM et l'ANSES, afin qu'elles réalisent une évaluation des risques liés aux substances reprotoxiques ou potentiellement PE en fonction de l'exposition. Pour l'essentiel, les résultats de ces travaux ont été publiés avant l'adoption de la SNPE par l'ANSM et postérieurement par l'ANSES. Après avoir défini une liste prioritaire de 12 substances PE et/ou reprotoxiques susceptibles d'être retrouvées dans des mélanges à usage du grand public, l'ANSES a publié un avis et un ensemble de rapports d'expertise sur six substances en mai 2014, puis en décembre 2015 sur six autres substances. L'Agence a également publié des synthèses relatives à la toxicité, aux sources d'exposition, à la contamination de différents milieux par des substances susceptibles de rentrer dans la composition de nombreux articles respectivement en mars 2015 pour les phtalates et les perfluorés, puis en août 2017 pour les polybromés. Les expertises sur le bisphénol A et les autres composés de la famille des bisphénols avaient été publiées en 2011 et 2013. De son côté, l'ANSM a évalué une dizaine de substances présentes dans les produits cosmétiques (voir la liste en annexe 4 §1.4). La plupart des résultats a été publiée en 2011 et 2012, à l'exception de deux expertises achevées en 2015. Des mesures de gestion adaptées ont été proposées pour certaines substances (diminution de la concentration, études complémentaires demandées).
2.3.2. L'ANSES a respecté l'objectif fixé par la SNPE d'évaluer cinq substances par an
Entre 2014 et 2017, l'ANSES aura évalué une vingtaine de substances dont sept qui étaient identifiées dans la saisine DGS de 2009 évoquée ci-dessus. L'objectif d'évaluation de cinq substances par an fixé dans la SNPE a donc été respecté par l'ANSES qui a proposé les mesures de gestion appropriées dès lors que certaines substances sont suspectées de présenter des effets PE. Les avis relatifs à l'analyse du danger des substances et à la meilleure option de gestion des risques ont été publiés (voir annexe 4 § 2) : le 3 mars 2015 pour les cinq substances évaluées en 2014 (méthylparabène, acide orthoborique, BHA, DINCH et DEHTP) ; le 8 avril 2016 pour les cinq substances évaluées en 2015 (2,6-di-tert-butyl-p-cresol, méthylsalicylate, tributyl O-acetylcitrate, tributyl citrate, acide téréphtalique) ; le 1er août 2017 pour les cinq substances évaluées en 2016 (TMBPF, triclocarban, RDP, sulfate d'étain, dicyclopentadiène).
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Les résultats des évaluations menées en 2017 sur cinq nouvelles substances (homosalate, bisphénol B, triphényl phosphate, 2,2,4,4'-tétrabromodiphenyl éther) ne sont pas encore disponibles. En plus de ces substances, l'ANSES a également évalué des substances suspectées d'effet PE utilisées dans les produits phytosanitaires et dont l'autorisation arrive à expiration (iprodione en 2015, chlortoluron en 2016, trisulfuron méthyl en 2017). À l'exception du cas de l'iprodione dont le renouvellement de l'approbation n'a pas été adopté le 6 octobre 2017 dans le cadre du règlement sur les pesticides, notamment en raison d'effets PE, les expertises menées par l'ANSES n'ont pas conduit à identifier de substances comme PE, soit parce que des informations complémentaires devaient être demandées pour confirmer ou infirmer leur effet PE, soit parce que la suspicion a été levée à l'issue d'une évaluation plus approfondie. Si les objectifs fixés par la SNPE ont été respectés, cette activité d'expertise présente certaines limites : les conditions contraignantes de sélection des substances à évaluer ont exclu de facto un nombre important de substances qui auraient pu répondre à l'un (ou plus) des trois critères de choix qui sont néanmoins pertinents34 ; l'absence de méthode(s) et de test(s) reconnus permettant de caractériser les effets PE sur l'ensemble des organes et fonctions cibles constitue un obstacle majeur pour lever complètement le doute, dès lors que pèse sur certaines substances une suspicion d'un effet PE potentiel ; l'écart qui existe entre le niveau de preuve nécessaire pour identifier une substance extrêmement préoccupante au titre de l'article 57(f) du règlement REACH (voir annexe 5) et les données disponibles et de qualité suffisante pour caractériser les effets PE éventuels conduit à écarter a priori de nombreuses substances, ce qui fait que ne sont retenues pour l'expertise que des substances pour lesquelles des tests sont disponibles ou qui présentent des similarités structurelles avec des substances connues ; les dossiers d'enregistrement dans le cadre de REACH et les études demandées pour les améliorer à l'issue de l'évaluation des substances n'apportent que peu d'informations sur les effets endocriniens, ce qui rend difficile l'évaluation des effets PE sur l'environnement et, dans une moindre mesure, pour la santé humaine ; le principe de répartir la tâche d'expertise entre les différents États membres est certainement pertinent au vu du nombre de produits à étudier, mais l'absence de définition des PE et d'harmonisation des méthodes d'expertises font que les procédures sont extrêmement hétérogènes en fonction des États membres.
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La sélection des substances à expertiser est faite, après consultation des parties prenantes, à partir d'une proposition établie par l'Anses qui combine trois critères : le danger potentiel (effet perturbateur endocrinien suspecté), la sensibilité des populations exposées (femmes enceintes, enfants....), et le caractère ubiquitaire de la substance (données de surveillance). Les substances évaluées ne doivent pas être en cours d'évaluation par I'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ou par un autre État membre. Elles ne doivent pas non plus faire l'objet d'un encadrement réglementaire de portée générale ou sectorielle qui pourrait limiter les leviers de gestion du risque sanitaire envisageables.
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2.3.3. L'ANSM n'a pas été en mesure d'évaluer chaque année trois substances présentes dans les cosmétiques
Aucune substance contenue dans les cosmétiques n'a été programmée pour une évaluation en 2014 et 2015 au titre de la SNPE. Dans le cadre de la poursuite des travaux liés à la saisine de la DGS de 2009, l'ANSM a produit les rapports d'évaluation du cyclotetrasiloxane et du toluène, respectivement en mai et en septembre 2015. Selon l'ANSM, trois substances devaient être expertisées en 2016 au titre de la SNPE (le phtalate de butyle et de benzyle (BBP), l'acetyl tributyl citrate (ATBC) et le triclosan). Pour ce qui concerne l'ATBC, l'évaluation n'est plus nécessaire, car l'ANSES l'a déjà évaluée en 2015, ce qui illustre un manque de coordination dans la programmation. Les travaux sur le BBP et le triclosan n'ont pas été réalisés. Ces études et leurs conclusions ont été reportées en 2017, avec une remise du rapport prévue au plus tard au 1er trimestre 2018. Au cours des dernières années, l'ANSM a en fait donné la priorité à des travaux d'évaluation de substances (phtalates, méthyl et propyl-parabène, acide borique, l'hydroxyanisole butylé) utilisées comme excipients dans les médicaments. Dans le cadre de l'Agence européenne du médicament, l'ANSM a été rapporteur ou corapporteur pour ces substances en vue d'actualiser l'information à connaître par le patient avant de prendre un médicament. A l'initiative de la France, cet outil a été proposé pour réguler et contrôler l'utilisation de substances perturbatrices endocriniennes dans les médicaments. Ces travaux ne figurent pas spécifiquement dans les objectifs assignés par la SNPE. Après avoir privilégié les évaluations des substances utilisées comme excipients dans les médicaments plutôt que dans les cosmétiques, l'ANSM envisage de s'orienter de préférence sur les risques liés aux dispositifs médicaux, notamment ceux en polychlorure de vinyle plastifié et substituts de phtalates. L'ANSM n'a donc pas atteint les objectifs assignés par la SNPE. Dans un cadre de ressources contraintes, l'Agence a progressivement réduit à environ 0,5 ETP, tous produits confondus, le nombre d'agents pouvant se consacrer à l'évaluation et à la proposition de mesures correctives sur les substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens. Elle a indiqué travailler à un projet de plateforme d'étude sur les perturbateurs endocriniens sous la forme d'un partenariat avec des laboratoires universitaires, ce qui nécessitera de mobiliser des crédits d'intervention qui ont diminué d'un tiers en cinq ans. De plus, le dispositif de programmation et de régulation permettant d'inscrire l'action de cette agence en cohérence avec celle de l'ANSES reste à consolider parallèlement à l'affermissement d'une meilleure lisibilité des actions prévues pour la mise en oeuvre de la SNPE.
2.4. La réglementation sur les perturbateurs endocriniens et le soutien à leur substitution
Le troisième axe de la SNPE s'articule selon trois actions dont le bilan détaillé figure en annexe 5 : parvenir à une définition européenne des perturbateurs endocriniens ; proposer des mesures d'exclusion ou de restriction de l'usage de substances à effet perturbateur endocrinien ;
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accompagner les démarches industrielles de substitution de substances dangereuses.
2.4.1. La volonté affirmée de la France de parvenir à une définition européenne des PE n'a pas encore totalement abouti
L'essentiel des réglementations qui encadrent les produits chimiques est établi à l'échelon européen. Le cadre juridique communautaire qui s'applique aux perturbateurs endocriniens est présenté en annexe 5 - §1. Il comprend deux règlements relatifs à la gestion de l'ensemble des substances chimiques (REACH et CLP) 35, des règlements spécifiques aux usages des substances dans certains produits (biocides, phytopharmaceutiques, cosmétiques, produits en contact avec les denrées alimentaires, dispositifs médicaux, jouets), ainsi que la réglementation relative à l'eau. Des substances ont déjà fait l'objet de mesures de gestion au titre de ces différents règlements pour leurs effets PE36, à l'issue d'approches au cas par cas, sans définition, ou par défaut37. La bonne application de ces textes est notamment liée à la définition de critères caractérisant l'effet PE. C'est pourquoi il est clairement indiqué dans la SNPE que « la France demande une définition européenne cohérente avec les spécificités toxicologiques et écotoxicologiques des perturbateurs endocriniens, fondée sur les propriétés intrinsèques de danger, sans prise en compte de la « potency », et établissant 3 catégories (« avéré », « présumé », « suspecté ») en fonction du degré de certitude sur ces propriétés. La définition doit être adaptée aux modes d'actions des perturbateurs endocriniens (action à très faible dose, fenêtre d'exposition, etc.) ». Cette volonté de la France d'aboutir à une définition des perturbateurs endocriniens et à des critères réglementaires européens a été confirmée à plusieurs reprises, notamment lors des tables-rondes santé-environnement des Conférences environnementales de novembre 2014 (mesure n°64) et avril 2016 (objectif 12a). Elle a été reprise dans le PNSE 3 (action n°69), ainsi que dans le plan santé-travail 20162020 (action 1.13).
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Adopté le 18 décembre 2006, le règlement REACH (CE n° 1907/2006) constitue le cadre réglementaire de l'ensemble des substances chimiques en Europe. Il concerne l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances. Le règlement 1272/2008 dit CLP (classification, labelling, packaging) est commun à toutes les substances chimiques ou non, commercialisées sur le territoire européen. Il a pour objet d'assurer que les dangers que présentent les substances chimiques soient clairement communiqués aux travailleurs et aux consommateurs de l'Union européenne grâce à la classification et à l'étiquetage des produits chimiques. Par exemple, dans le cadre de REACH, onze substances figurent actuellement, en raison de leurs effets avérés de perturbateur endocrinien, au sein de la liste des substances extrêmement préoccupantes candidates en vue d'une autorisation : le Bisphénol A (inclus en janvier 2017), quatre phtalates (inscrits en octobre 2008 et janvier 2010) et six phénols (inscrits entre 2011 et 2017). Des substances ne sont plus autorisées au titre du règlement pesticides en raison du danger associé à leur caractère PE (cas par exemple de l'iprodione non renouvelé en octobre 2017). Le bisphénol A et huit phtalates ont été interdits dans les produits cosmétiques et d'autres substances sont soumises à restriction d'usage. Dans l'attente de l'adoption officielle de critères, sont considérées comme ayant des effets perturbateurs endocriniens, au titre des règlements biocides et pesticides, les substances qui sont ou doivent être classées parmi les agents cancérogènes de catégorie 2 et toxiques pour la reproduction de catégorie 2.
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2.4.1.1. Les carences de la Commission européenne La mise en oeuvre de la mesure réglementaire d'exclusion des perturbateurs endocriniens qui figure explicitement dans les règlements européens sur les biocides et les produits phytopharmaceutiques, renvoie à un texte sur la définition et les critères d'identification des perturbateurs endocriniens que la Commission européenne devait publier avant la fin de l'année 2013. Cette échéance n'ayant pas été respectée, la Commission européenne a été condamnée pour son inaction à définir ces critères dans le cadre du règlement relatif aux produits biocides dans un arrêt du 16 décembre 2015 de la Cour de Justice de l'Union européenne à la suite d'un recours en carence initié par la Suède et auquel la France s'est associée. Sous une pression politique forte, notamment des autorités françaises, la Commission a publié, le 15 juin 2016, une communication sur les critères d'identification des perturbateurs endocriniens et plusieurs textes visant à proposer un projet d'amendement des règlements en vigueur relatifs aux produits biocides et aux produits phytopharmaceutiques. L'analyse d'impact (SWD(2016)211) qui accompagnait cette communication, présentait quatre options de critères scientifiques pour identifier les substances ayant des propriétés perturbant le système endocrinien38. 2.4.1.2. La France privilégie l'option de critères fondés sur le danger Les États-membres se sont montrés divisés sur le choix de ces options. L'industrie chimique et les agriculteurs privilégiaient l'option utilisant la définition de l'OMS pour identifier les PE et la prise en compte de la puissance comme élément de caractérisation du danger (option 4), alors que les ONG actives dans les domaines de la santé, de la défense de l'environnement et des consommateurs plaidaient en faveur de critères européens uniquement fondés sur le danger, lesquels comprendraient également des catégories supplémentaires basées sur les différents éléments de preuve nécessaires pour correspondre à la définition de l'OMS (option 3). Sur la base d'un avis de l'ANSES publié le 19 juillet 2016, les autorités françaises ont fait part à la Commission de leur position, conforme à la SNPE, dans trois notes du 29 juillet 2016, 13 décembre 2016 et du 27 février 2017 que l'on peut résumer ainsi :
·
la définition et les critères d'identification des PE doivent être identiques dans toutes les réglementations sectorielles ; la définition doit prendre en compte les dangers intrinsèques des substances, les éléments socio-économiques n'intervenant qu'ultérieurement au stade de la mesure de gestion ; des critères doivent permettre de différencier les perturbateurs endocriniens en catégories, selon que le danger pour l'homme ou les autres organismes vivants est avéré, présumé ou suspecté ;
·
·
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Selon un tableau figurant en page 293 de l'étude d'impact, le nombre de substances actives encore approuvées qui seraient identifiées comme PE serait respectivement de 42 dans l'option 1 (scénario de référence correspondant au statu quo en conservant les critères provisoires), 26 dans les options 2 (définition de l'OMS pour identifier les PE) et 3 (utilisation de la définition de l'OMS pour identifier les PE et introduction de catégories supplémentaires fondées sur les éléments de preuve), 11 dans l'option 4 (utilisation de la définition de l'OMS pour identifier les PE prise en compte de la puissance comme élément de caractérisation du danger).
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·
la notion de « puissance » (potency) ne doit pas être prise en compte, car elle est incompatible avec le phénomène d'effets à très faible dose et avec les courbes « dose-réponse non monotone ». 2.4.1.3. Des critères ont été adoptés pour les biocides, mais pas pour les produits phytopharmaceutiques
À la suite de plusieurs rejets et après évolution de la position française, les critères proposés par la Commission européenne ont été adoptés le 4 juillet 2017 par le Comité sur les produits phytopharmaceutiques. Cependant, les parlementaires européens ont rejeté, le 4 octobre 2017, la définition proposée en raison d'une clause insérée par la Commission qui revient à autoriser les substances qui perturbent intentionnellement le système endocrinien des insectes ciblés par le pesticide, même si la substance a aussi un impact négatif sur des espèces non cibles, ce qui modifie un élément essentiel de la réglementation. Le collège des commissaires doit maintenant prendre une décision à la suite de l'objection du Parlement. Il est ainsi possible que le Commission revienne vers les États membres avec le même texte, mais sans la partie relative à l'exemption qui a motivé l'objection du Parlement. Il n'est cependant pas acquis qu'une majorité qualifiée puisse être obtenue sur une telle proposition. La situation est différente pour ce qui concerne les produits biocides. La Commission a présenté, le 4 septembre 2017, un acte délégué qui définit des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, mis au point après sept réunions de consultation des représentants des autorités compétentes en matière de produits biocides. Dans ce cas, le Parlement européen n'a pas proposé de projet de résolution de rejet dans le délai de deux mois ni demandé de délai supplémentaire. En conséquence, l'acte délégué modifiant le règlement biocides a été publié au Journal officiel de l'Union européenne le 17 novembre 2017. Il est ainsi entré en vigueur vingt jours après sa publication, soit le 7 décembre 2017 et sera applicable six mois après son entrée en vigueur. L'adoption de critères pour les biocides ouvre la porte à une extension aux autres règlements, extension qui reste à confirmer. De manière plus générale, la Commission travaille à une révision de la stratégie sur les perturbateurs endocriniens. Elle pourrait proposer un document avant l'été 2018.
2.4.2. Exclure ou restreindre l'usage des substances à effet perturbateur endocrinien
Confirmée par le PNSE 3, la SNPE prévoit que la France sera force de proposition pour des mesures de limitation des substances dangereuses dans les articles de consommation et soutiendra l'accélération de l'action européenne et les propositions des autres États membres en vue de mesures de gestion rapides et proportionnées. Elle indique précisément que la France a introduit en 2014 une proposition de restriction du bisphénol A dans les papiers thermiques au niveau européen. Elle rappelle également que la France a proposé en 2013 le réexamen de l'approbation de 21 substances actives phytopharmaceutiques en raison de leurs propriétés de danger.
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2.4.2.1. Le bisphénol A est interdit dans les tickets thermiques après une forte mobilisation de la France Le bisphénol A (BPA) est une substance utilisée depuis plus de 50 ans dans de nombreux secteurs d'activités qui a déjà été interdit en France dans les biberons (2010) puis dans les matériaux au contact direct des denrées alimentaires (2012). Un rapport d'expertise sur l'évaluation des risques liés à l'exposition au bisphénol A, publié par l'ANSES au mois d'avril 2013, confirmait ses effets sanitaires, en particulier pour la femme enceinte au regard des risques potentiels pour l'enfant à naître. Conformément à ce qui était inscrit dans la SNPE et qui a été repris dans le PNSE 3 (action n°68), les autorités françaises ont porté un dossier de restriction du BPA dans les tickets de caisse et autres tickets à impression thermosensible, au titre du règlement concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques (REACH). Le comité d'évaluation des risques de l'agence européenne des produits chimiques a reconnu le risque pour les agents de caisse et les enfants à naître de femmes agents de caisse. Une mesure de restriction de l'utilisation du BPA dans certains articles destinés au grand public, comme les tickets thermiques, a été adoptée par la Commission européenne en décembre 2016. L'objectif fixé par la SNPE a donc été atteint. Il pourrait concerner à terme d'autres usages du BPA. En effet, en février 2017, a été adoptée une proposition soumise par l'ANSES de classement du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante dans le cadre du règlement REACH, au titre de ses propriétés de perturbateur endocrinien pour la santé humaine. Cette décision oblige l'industrie à notifier à l'Agence européenne des produits chimiques la présence de la substance dans les articles fabriqués ou importés et d'informer l'acquéreur d'un article de la présence de BPA. Elle ouvre la possibilité que le BPA soit soumis à autorisation en tant que substance, conditionnant ses usages à l'octroi d'une autorisation temporaire et renouvelable. 2.4.2.2. La commission européenne n'a pas donné suite à la demande de réexamen de l'approbation de 21 substances phytopharmaceutiques Les autorités françaises ont adressé une note le 16 mai 2013 à la Commission européenne afin de demander à la Commission de bien vouloir faire procéder de manière accélérée et prioritaire à l'évaluation de 21 substances actives suspectées de ne pas satisfaire aux critères d'approbation en vue du renouvellement éventuel de leur approbation. Dans l'attente des conclusions, les autorités françaises souhaitaient que ces substances soient considérées comme des substances dont on envisage la substitution. La Commission européenne n'a pas donné de suite favorable à ces demandes qui étaient pourtant fondées puisque, depuis 2013, l'approbation de 7 de ces 21 substances n'a pas été renouvelée à la date d'expiration. Parmi les 14 substances restantes, trois d'entre elles répondent aux critères d'exclusion en raison de propriétés de perturbateur endocrinien (chlortoluron, dimoxystrobine, epoxiconazole). L'évaluation de ces trois substances est en cours. Elles n'avaient pas été identifiées comme répondant aux critères définissant les PE dans l'étude d'impact de la Commission de 2016.
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2.4.3. Le soutien public aux démarches de substitution de substances à effet PE ne s'est pas concrétisé
La SNPE prévoit d'accompagner les industriels dans leurs démarches de substitution de substances dangereuses par les dispositifs de soutien à l'innovation. Reprise dans le PNSE3 (action n°67), cette mesure a été précisée dans l'action n°66 de la feuille de route issue de la Conférence environnementale des 27 et 28 novembre 2014. Le premier volet consistait à créer un groupe de travail chargé de définir en 2015 une méthodologie d'évaluation des solutions de substitution tenant compte des principaux critères décisionnels (faisabilité technico-économique, risques sanitaires et environnementaux...). En pratique, ce travail a été mené en 2016 par un groupe de parties prenantes coprésidé par l'INERIS et le MEDEF. Un projet de guide a été finalisé en mai 2017. Il a été examiné en octobre par le groupe du PNSE sur les « risques à forte incertitude de suivi » et devrait pouvoir être bientôt publié. Par ailleurs, l'INERIS a mis en place un site web qui apporte un appui aux acteurs économiques engagés dans une démarche de substitution. Le second volet visait à coordonner les actions des industriels confrontés à la nécessité de substituer à terme des perturbateurs endocriniens dans leurs produits ou leurs procédés de fabrication par d'autres substances, et à leur permettre de déposer des demandes d'aides financières dans le cadre du fonds unique interministériel (FUI), après labellisation des projets par un pôle de compétitivité. Outre le financement de projets collaboratifs par le FUI, le développement de substituts aux PE était susceptible de s'appuyer sur d'autres dispositifs de soutien à l'innovation, notamment le programme investissements d'avenir (PIA). La mission n'a pas identifié de projets de substitution de substances PE ayant bénéficié de ces modalités de financement, faute notamment d'appel à projet adapté.
2.5. La formation et l'information
Le quatrième axe de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens a pour objectifs de :
·
De former les professionnels de santé et de la petite enfance concernés par le risque ; De prioriser des actions autour de la période périnatale compte tenu des risques spécifiques lors du développement foetal et de la petite enfance ; D'informer les consommateurs sur les produits.
·
·
Il renvoie au plan national santé-environnement (PNSE), plus précisément à ses actions n°104 à 107, décliné dans l'ensemble des régions sous forme de plans régionaux santé-environnement (PRSE). Le bilan détaillé de la mise en oeuvre des actions prévues au titre de la formation et de l'information du public est présenté en annexe n°6.
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2.5.1. L'offre de formation des professionnels concernés est seulement émergente
La SNPE indique que « le contenu et les modalités des formations à destination des professionnels concernés feront l'objet de discussions et d'un plan d'actions intégré au sein du PNSE 3 et du PST 3, élaborés au cours de l'année 2014 ». Cette disposition a été reprise dans l'action n°104 du PNSE3. Pour les professionnels de santé, le développement professionnel continu (DPC) constitue une obligation, quel que soit son mode d'activité. Un arrêté du ministère de la santé publié le 8 décembre 2015 fixe la liste des orientations nationales pour les années 2016 à 2018 telle que l'orientation n°5 « Informer et protéger les populations face aux risques sanitaires liés à l'environnement ». S'inscrivent dans ces orientations les actions contribuant à la connaissance et à la prise en compte par les professionnels de santé des pathologies imputables à l'environnement et des facteurs environnementaux pouvant avoir un impact sur la santé, dont les perturbateurs endocriniens. Entre 2013 et 2017 (situation au 30 septembre), l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) a recensé 56 actions de DPC traitant des perturbateurs endocriniens à destination des professionnels de santé libéraux conventionnés et salariés des centres de santé conventionnés. Le nombre d'actions sur cette thématique est en forte augmentation. Le nombre de professionnels pris en charge sur le thème des PE augmente rapidement : 50 en 2014, 174 en 2016 et déjà 380 fin septembre 2017. Les médecins représentent encore la majorité des professionnels formés, mais sont également touchés les infirmiers et, à un degré moindre, les sages-femmes et les pharmaciens. Malgré cette croissance de la demande, la prise en charge des actions traitant des perturbateurs endocriniens n'a représenté en 2016 que 0,2% des dépenses totales consacrées au DPC des professions de santé libérales conventionnées prises en charge par l'Agence39. Les disciplines médicales centrées sur la pédiatrie (pédiatrie, endocrino-pédiatrie) et la gynéco-endocrinologie en lien avec la procréation médicale assistée s'estiment fortement concernées par le sujet des PE. Tous soulèvent la difficulté à faire passer des messages sur un sujet mal connu, potentiellement anxiogène, sans susciter d'inquiétudes disproportionnées. La forte demande de formation et d'information, notamment des pédiatres, ne peut pas être satisfaite. Outre les éléments sur le DPC, la mission n'a pas connaissance d'une analyse détaillée des programmes de formation, tant initiale que continue, des publics visés. L'action n°104 du PNSE 3 : « « analyser en détails les programmes de formation, tant initiale que continue, des publics relais visés dans les PNSE 1 et PNSE 2 et compléter les dispositions existantes » n'apparaît ni réalisée, ni même entreprise. Enfin, la mission a identifié des actions de formation menées par des agences régionales de santé (ARS) à destination des professionnels de la périnatalité et de la petite enfance principalement. Ces actions sont menées en lien avec des centres hospitaliers (CHRU de Lille), des associations de professionnels (URPS pharmaciens), des réseaux de médecins libéraux (réseaux de périnatalité, etc.) et des associations d'éducation pour la santé (Comités régional ou départemental d'éducation pour la
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Par ailleurs, l'Agence nationale de la formation hospitalière a financé en 2016 trois colloques consacrés aux perturbateurs endocriniens.
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santé). Pour autant, cela ne permet pas de considérer que l'action n°105 du PNSE 3 « : mutualiser les expériences régionales en matière de formation initiale et continue en santé environnement » est totalement mise en oeuvre.
2.5.2. L'information et la communication sont insuffisantes pour répondre à une inquiétude croissante de la population
Le thème des PE est de plus en plus présent dans les médias : près de 3 200 articles de presse sur le sujet en 2016 contre seulement 58 une décennie auparavant ; près de 2 600 documents déjà parus sur les cinq premiers mois de l'année 2017 (source Europresse). De façon générale, les articles « grand public » sont parfois contradictoires et peuvent être inutilement anxiogènes. Il n'est donc pas étonnant que l'impact des perturbateurs endocriniens sur la santé devienne une source d'inquiétude majeure pour les Français, alors que leur connaissance de la question reste floue (voir § 4.1 annexe 6). Dans ce contexte, la SNPE a centré l'objectif d'information sur les produits à ceux contenant du bisphénol A et donné la priorité à des actions d'information et de sensibilisation centrées sur la période périnatale. 2.5.2.1. La qualité de l'information des consommateurs peut et doit s'améliorer L'INERIS a travaillé sur la création de labels pour informer sur l'exposition au bisphénol A
La SNPE indique que les informations relatives à l'exposition sur le bisphénol A seront précisées, et que les moyens d'élargissement des missions des centres de consultation de pathologies professionnelles (CCPP) à la prise en charge des pathologies en relation avec des expositions environnementales seront détaillés. Dans la pratique, la seule action concrète mise en oeuvre a porté sur la mise à disposition des professionnels par l'INERIS d'un label : « tickets sans BPA ». Délivré par l'Institut, il garantit que les tickets de caisse et reçus de carte bancaire ne contiennent pas de bisphénol A (BPA). Les deux premiers labels ont été attribués dès janvier 2015. L'INERIS a également développé un label étendu « sans phénol ajouté » qui garant l'absence, dans les papiers thermiques, de quinze phénols dont toute une famille de bisphénols (y compris Bisphénol A, Bisphénol S et Bisphénol F). Les labels ont été développés en concertation avec les parties prenantes. Les détenteurs de ces labels sont tenus de respecter les exigences posées par un référentiel public qui s'appuie sur un protocole mis au point par l'INERIS. La valeur accordée par le marché au label s'en remet de fait à la pertinence du cahier des charges constitué et du dispositif de labellisation qui l'accompagne, ainsi qu'à la crédibilité du panel d'acteurs ayant participé à son élaboration. A contrario, les allégations de type « sans parabène », largement employées par l'industrie des cosmétiques, sont uniquement commerciales. Elles ne préjugent pas de l'absence d'effet PE et ne peuvent être assimilées à des labels. La DGCCRF a souligné la difficulté de tels « labels » afin d'informer correctement les consommateurs sur l'absence réelle de danger.
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L'information des consommateurs reste à organiser
Outre ce qui précède sur le BPA, la SNPE n'a pas fixé d'autre objectif en matière d'information sur les expositions aux PE. Si la réglementation CLP relative à l'étiquetage des produits chimiques autorise l'utilisation d'un pictogramme, utilisé pour identifier les produits reconnus CMR, il n'en est pas de même pour la perturbation endocrinienne dans l'état actuel de la réglementation. Certaines associations de consommateurs qui ne sont pas tenues par la réglementation, diffusent des informations sur des produits à éviter (cosmétiques) en raison de la présence de « substances indésirables » dont récemment une action portant sur une substance à effet PE. Cette mobilisation peut conduire à des actions de contrôle ciblées des services de l'État (DGCCRF). 2.5.2.2. Des initiatives en matière d'information qui restent à capitaliser L'amorce de mesures ciblées sur la période périnatale
La SNPE précise que « le PNSE 3 prévoira également des stratégies de communication spécifiques en direction des personnes ayant un projet parental et des professionnels de la petite enfance, sur les risques potentiels liés à certaines expositions lors du développement foetal et de la petite enfance, des campagnes d'information sur les expositions dans certains lieux de vie, et au sujet du marquage des produits ». Le fait que la grossesse et la petite enfance soient des périodes de grande sensibilité aux effets des PE justifient des actions ciblées. Ainsi la mesure 65 de la feuille de route issue de la conférence environnementale de 2014 confirme et précise l'orientation de la SNPE : « Afin de protéger les femmes enceintes et les jeunes enfants, une information comportant un message sur la réduction des expositions aux perturbateurs endocriniens sera insérée dans le carnet de maternité et le carnet de santé de l'enfant lors de leur révision prévue en 2015. Une information et une sensibilisation des professionnels de la naissance et petite enfance pourra être réalisée via la commission nationale de la naissance et de la santé de l'enfant ». Le 10 mars 2015, le ministère de la santé a réalisé une présentation de la SNPE et des objectifs de la feuille de route au comité national de la naissance et de la santé de l'enfant (CNNSE). Une mise à jour du carnet de maternité en 2015 était annoncée sous la forme de l'insertion d'un message à destination des femmes enceintes les informant des dangers des produits chimiques courants tels que les produits d'entretien, illustré par les pictogrammes d'alerte devant figurer sur ces produits. La Direction générale de la santé (DGS) tient pour acquise cette modification qui n'apparaît pas sur le carnet de maternité en ligne sur le site du ministère et de l'assurance maladie à la date du 15 novembre 2017. Une mise à jour du carnet de santé de l'enfant était également prévue. Dans l'exemplaire en ligne sur le site du ministère de la santé, il n'est pas fait mention d'attentions particulières vis-à-vis des produits chimiques en général et des PE en particulier. Des initiatives dans les régions qu'il faut capitaliser
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L'orientation de la SNPE relative à l'information du public a également été reprise dans deux actions du PNSE 3 :
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Action n°106 : poursuivre les efforts en matière d'éducation en santéenvironnement ; Action n°107 : faciliter l'information de l'ensemble des citoyens sur les thèmes liés à la santé environnementale, notamment via la création d'un méta-portail sur le PNSE et les PRSE.
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Les actions dominantes des PRSE 3 et des PST 3 sont l'information et la sensibilisation du public. Le public cible principal est en lien avec la petite enfance (femmes enceintes, futurs et jeunes parents, professionnels de santé et professionnels de la petite enfance). L'information sur les PE s'inscrit également dans d'autres thématiques (qualité de l'air intérieur, développement durable des établissements de santé et médico-sociaux...) et elle est parfois centrée sur des problématiques locales (pesticides, contamination de l'eau au perchlorate, etc.). Les PST 3 abordent les perturbateurs endocriniens par le risque chimique (évaluation et outils de traçabilité, sensibilisation des employeurs et salariés, etc.) et les substances CMR. L'information et la sensibilisation du public sont peu retranscrites dans les contrats locaux de santé (CLS) puisque seules cinq agences régionales de santé (ARS) sur les treize étudiées indiquent que la santé environnementale est parfois abordée dans les CLS de leur territoire. La qualité de l'air intérieur, l'utilisation des produits chimiques dans les crèches, la périnatalité, les phytosanitaires sont les voies d'approche déclinées dans les CLS, sans que le terme de perturbateurs endocriniens ne soit toujours explicitement précisé. L'intensité des actions varie selon les ARS. La Nouvelle-Aquitaine consacre toute une politique de prévention et de promotion de la santé environnementale en direction de la petite enfance (conception d'un guide de recommandation dans les crèches, atelier de sensibilisation des parents, formation initiale et continue des sages-femmes et des puéricultrices, etc.) alors que d'autres ARS proposent des actions plus restreintes. Les ARS aspirent à un cadrage national en matière de PE : centre de ressource national en ligne pour développer les connaissances des professionnels de santé et du grand public, recommandations nationales précises pour certains produits de consommation, intégration de la problématique PE aux formations initiales et continues des professionnels de santé, adaptation des cahiers des charges des marchés publics. D'autres acteurs que les ARS participent à l'information du public : services déconcentrés (création d'un site internet dédié à la santé environnement par la DREAL Bourgogne-Franche-Comté, etc.), collectivités territoriales (fiche santé environnement dans les carnets de maternité et de santé en Picardie, crèche sans PE à Limoges, etc.), associations (association pour la prévention de la pollution atmosphérique, réseau santé environnement, Women in Europe for a Common Future, etc.), mutuelles (ateliers de sensibilisation des parents dispensés par la Mutualité française) et centres hospitaliers (évaluation des expositions environnementales et prise en charge des futurs parents à Bordeaux et à Rennes). Au vu de ce bilan, l'action du PNSE3 n°107 : « faciliter l'information de l'ensemble des citoyens sur les thèmes liés à la santé environnementale, notamment via la création d'un méta-portail sur le PNSE et les PRSE » reste pertinente et à réaliser.
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3. L'évaluation de la mise en oeuvre de la SNPE
À partir du bilan qui précède la mission a dégagé les points forts et les points faibles de la mise en oeuvre de la SNPE. Cette analyse permet de formuler une évaluation qui porte plus particulièrement sur la pertinence de cette stratégie, sa cohérence interne et externe, son efficacité et sa gouvernance. Dans la mesure où la stratégie n'a pas été dotée de moyens dédiés, il n'est pas possible d'en évaluer l'efficience.
3.1. Une stratégie pertinente et opportune
La SNPE est une initiative originale en Europe. La mission n'a identifié que deux autres pays (Danemark et Suède) engagés dans une démarche comparable40. Dans un contexte où l'Union européenne, pourtant en charge de réglementer le risque chimique, est en manque de stratégie cohérente, elle était très opportune pour affirmer la volonté politique française d'agir sur un sujet complexe qui est une préoccupation prioritaire en santé-environnement. La SNPE constitue une feuille de route d'orientations générales pertinentes qui remet en cause les concepts classiques de la toxicologie. Elle donne de la visibilité au thème de la perturbation endocrinienne dans le débat public et renforce le lien entre santé et environnement. La SNPE affiche des ambitions et des orientations. En cela, elle constitue une base de référence pour décliner l'enjeu des PE dans les divers plans nationaux relatifs à la santé et à la protection de la biodiversité. La méthode participative retenue pour son élaboration était judicieuse. Elle faisant dialoguer ministères, agences, entreprises, scientifiques, associations autour d'objectifs partagés, elle a créé un consensus qui a permis l'approbation du projet de stratégie à la quasi-unanimité du Conseil national de la transition écologique. Si les quatre axes retenus sont pertinents et couvrent les principaux enjeux, la SNPE s'est limitée à la protection de la santé humaine et n'a pas suffisamment affirmé l'enjeu de la protection de la santé des écosystèmes, en cohérence avec le concept « one health ». L'objectif prioritaire qui vise à réduire les expositions, est pertinent. Cependant, la réduction des expositions des populations les plus à risques s'est limitée à la suppression du bisphénol A dans les tickets de caisse, grâce à une réglementation protégeant la santé des travailleurs face à des facteurs d'expositions et de risques définis. La volonté d'une meilleure connaissance des sources d'exposition doit être
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Pour le Danemark, la stratégie nationale sur les PE porte sur le développement des connaissances et de méthodes de tests, la réglementation, des recherches orientées vers l'action (Centre sur les perturbateurs endocriniens, etc.), des actions d'information pour réduire l'exposition des jeunes enfants et des femmes enceintes. (Voir :http://eng.mst.dk/chemicals/chemicals-in-products/endocrinedisruptors). La Suède a adopté un Plan d'action 2015-2020 pour un environnement quotidien non toxique qui inclut les perturbateurs endocriniens. Les mesures sont en particulier axées sur la protection de la petite enfance. (Voir : https://semi-coke/en/about-us/our-work/action-plan-for-a-toxicfree-everyday-environment). On peut également mentionner l'initiative des Etats-Unis, au travers de l'Agence de protection pour l'environnement (EPA) qui a élaboré une stratégie de recherche avec l'ensemble des parties prenantes fédérales (Agence de recherche médicale et environnementale et l'Agence fédérale pour l'alimentation et les médicaments (FDA) notamment) : Endocrine Disruptor Screening Program (EDSP), https://www.epa.gov/endocrine-disruption/endocrine-disruptor-screeningprogram-edsp-overview.
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encore plus appuyée, de même que des travaux sur les liens entre les expositions et les effets des PE. De manière générale, l'analyse de risques reste peu développée. L'ambition affichée en matière de progrès des connaissances scientifiques était justifiée, mais sans que soit suffisamment mise en oeuvre la nécessaire insertion dans les réseaux européens et le développement de partenariats stratégiques. L'innovation est en conséquence insuffisamment prise en compte, notamment par l'intermédiaire d'études « coûts-bénéfices » sur les coûts (sanitaires, sociaux...) associés aux effets de la perturbation endocrinienne. De même, la veille scientifique et sociétale est à développer sur les travaux précurseurs tels ceux parus dans la revue scientifique « The Lancet »41 à l'automne 2016. L'évaluation chaque année du danger de quelques substances suspectées d'être des PE est une mesure pertinente et adaptée aux moyens disponibles. Elle reste néanmoins modeste par rapport au nombre de substances qu'il faudrait pouvoir expertiser. La SNPE affirme la possibilité de prendre des mesures nationales en raison des carences de l'échelon européen, ce qui est pertinent dans l'absolu, mais fragile juridiquement en raison de la primauté du droit communautaire avec des risques de contentieux. Les objectifs en matière de formation et de sensibilisation restent très généraux. La SNPE ne prévoit pas d'actions significatives en dehors des actions générales du PNSE 3 qui ne sont pas spécifiques aux perturbateurs endocriniens.
3.2. La cohérence entre la SNPE et les autres plans nationaux est encore à améliorer
La SNPE est un document globalement cohérent, les quatre axes de la stratégie étant a priori complémentaires. Dans la pratique, les synergies entre les axes sont restées limitées (par exemple l'évaluation des substances ne s'est pas traduite par des mesures de gestion, les progrès des connaissances n'ont pas eu d'effet sur la formation des professionnels...). La mise en oeuvre de l'axe dédié à la réglementation a buté sur l'insuffisante articulation entre les règlements communautaires (REACH vs règlement sectoriels par produits). L'objectif de décliner la SNPE dans les divers stratégies et plans nationaux s'est imparfaitement concrétisé. De ce fait, la cohérence d'ensemble entre la SNPE et d'autres plans nationaux est hétérogène. Si certaines orientations ont été reprises sous la forme d'actions inscrites dans le PNSE 3 et dans les feuilles de route issues des tables-rondes santé-environnement des conférences environnementales de 2014 et 201642, le plan Cancer, le plan national santé au travail et la stratégie nationale de recherche, n'évoquent au mieux le thème des PE que de manière très générale sans prévoir de mesures à caractère opérationnel. L'articulation avec la programmation des
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Teresa M Attina, Prof Russ Hauser and al."Exposure to endocrine-disrupting chemicals in the USA: a population-based disease burden and cost analysis", The Lancet, Diabete & Endocrinology, 17 October 2016 (http://dx.doi.org/10.1016/S2213-8587(16)30275-3). Patricia A. Hunt, Sheela Sathyanarayana, Paul A. Fowler, Leonardo Trasande, Female Reproductive Disorders, Diseases, and Costs of Exposure to Endocrine Disrupting Chemicals in the European Union, The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, Volume 101, Issue 4, 1 April 2016, pp 15621570 (https://doi.org/10.1210/jc.2015-2873) Le plan micro-polluants 2016-2021 prévoit également des mesures à caractère concret qui font explicitement référence à la SNPE.
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axes recherche et santé du plan Ecophyto est restée limitée, à l'exception d'un appel à projets de recherche en 2017. La SNPE n'a pas couvert l'ensemble des phénomènes de perturbation endocrinienne oubliant les écosystèmes. L'environnement n'est le plus souvent vu que comme une source ou un vecteur de contaminants et pas aussi comme un système fonctionnel vivant susceptible d'interactions avec ces contaminants. De ce fait, l'écotoxicologie est restée en retrait par rapport à la toxicologie. De manière générale, la stratégie a souffert du manque de cohérence entre les objectifs affichés et l'évolution des moyens (notamment pour la recherche).
3.3. La SNPE, des résultats positifs à consolider
La SNPE a donné de la visibilité à un thème complexe qui est désormais sur la place publique et qui suscite une attente sociétale croissante. Elle a contribué à faire émerger un consensus politique sur l'importance de l'enjeu et le besoin d'agir qui s'est particulièrement affirmé en 2017 (résolutions du Sénat43). La position de la France sur le thème des PE s'est améliorée en Europe. Elle a augmenté son leadership et sa visibilité. Elle a été une force d'impulsion à l'échelon européen qui a joué un rôle déterminant dans la discussion difficile sur les critères en permettant de retenir la définition de l'OMS. Les travaux de recherche finalisée ont permis d'obtenir des résultats significatifs, les avancées des connaissances scientifiques résultant cependant d'actions engagées avant l'adoption de la SNPE. La réduction des moyens nationaux consacrés à la recherche depuis 2014, aggravée par les évolutions à l'échelon européen depuis la mise en place de H2020, a fragilisé la petite communauté scientifique qui s'est constituée depuis quelques années sur le thème des PE. Celle-ci a tendance à se réduire par manque d'attractivité, avec un risque de pertes de compétences. Les collaborations qui s'étaient engagées entre toxicologues et écotoxicologues ont diminué faute de programme adapté. Les méthodes développées par la recherche n'ont pas été validées et transférées pour contribuer à la gestion des substances. La plateforme de pré validation de méthodes de tests n'a pas encore trouvé son modèle économique. L'expertise du danger de certaines substances a été réalisée par l'ANSES conformément aux objectifs fixés, mais pas par l'ANSM. Les suites données aux évaluations sont difficiles à apprécier en raison des lourdeurs des processus européens de gestion des substances. Si les méthodologies ont été perfectionnées, l'absence de données suffisantes, de méthodes harmonisées et de tests reconnus pour caractériser l'effet PE ont limité la portée de ces expertises dans le cadre européen. La France n'est pas parvenue à faire procéder de manière accélérée à l'évaluation des substances actives utilisées dans des produits phytopharmaceutiques et suspectées de ne pas satisfaire aux critères permettant de renouveler leur autorisation. Les tests pour caractériser l'effet PE existent dans les laboratoires de recherche, mais les modalités de leur pré-validation en vue d'une normalisation n'ont pas avancé de manière significative. La surveillance des expositions a progressé et la France disposera bientôt de résultats équivalents à ceux dont disposent d'autres pays, notamment les États-Unis. Un projet
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Mercredi 22 février 2017, le Sénat a adopté en séance publique une proposition de résolution visant à renforcer la lutte contre l'exposition aux perturbateurs endocriniens.
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d'infrastructure de recherche sur l'exposome a été formalisé. Le programme national de bio surveillance permet de connaître les niveaux d'imprégnation des femmes enceintes et bientôt de la population générale. D'autres cohortes ont également été constituées avec un soutien financier du Programme d'investissements d'avenir (PIA) ou de crédits de recherche. Les risques sanitaires associés aux expositions sont cependant encore peu abordés. La connaissance des liens entre imprégnation et impacts sur la santé reste à approfondir afin de donner des critères d'aide à la décision que ce soit à l'échelon national ou communautaire. Les données issues des différentes cohortes ne sont pas capitalisées pour en faciliter l'accès ouvert à la recherche. Les organismes français impliqués dans la bio surveillance humaine se sont organisés en hub français et jouent un rôle important dans le réseau européen HBM4EU qui est structurant pour mutualiser et élargir les travaux avec des cohortes d'autres pays, permettre une meilleure coordination des acteurs français dans les années à venir et susciter un engagement du ministère chargé de la recherche. Le dispositif est néanmoins fragile, car la pérennité sur un temps long des cohortes en population générale n'est pas acquise. La surveillance des PE dans les milieux n'est réellement pérenne que pour les seuls milieux aquatiques, car il existe un cadre réglementaire dédié ainsi que des moyens de financement sanctuarisés. Cette surveillance indispensable reste à structurer dans les autres compartiments (air, sol). De plus, les effets sur les biocénoses terrestres ne sont pas encore abordés. Par ailleurs, il n'est pas possible d'évaluer dans quelle mesure l'objectif général de diminuer l'exposition de la population a été atteint faute d'indicateurs adaptés. L'action volontariste menée sur le bisphénol A a permis d'atteindre les objectifs fixés par la SNPE, mais seulement après une mobilisation exceptionnelle. Ce processus a permis d'obtenir le classement du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante dans le cadre du règlement REACH et son interdiction dans les papiers thermiques. De manière plus générale, la substitution de substances préoccupantes reste insuffisante notamment faute d'évaluation préalable des produits et des mélanges par les entreprises et d'un manque de soutien à l'innovation. Des critères de définition des PE ont été publiés par la Commission européenne pour les biocides, mais pas pour les autres usages, notamment les produits phytopharmaceutiques, malgré la volonté constamment affirmée de la France d'y parvenir. La forte inertie de la réglementation européenne est en décalage avec l'évolution rapide des connaissances scientifiques. Il n'y a pas eu d'actions nationales d'envergure pour l'information du public. Faute de sources d'information fiables et identifiées sur le sujet, l'information diffusée est anxiogène. Toutefois, des initiatives locales ont été prises dans le cadre des PRSE et par plusieurs ONG qui ont mené des actions de sensibilisation dont la portée est restée limitée en raison de moyens faibles et qui ne sont pas capitalisées. Le sujet a également été approprié par quelques collectivités locales. Certaines disciplines médicales s'y engagent à partir d'initiatives militantes. Faute de pouvoir s'appuyer sur une définition réglementaire des PE, l'information des consommateurs s'est pour l'instant limitée aux labels relatifs aux phénols portés par l'INERIS. L'offre de formation des professionnels de la santé n'est pas recensée, mais la demande des professionnels de la petite enfance qui augmente, trouve une offre de formation en émergence.
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3.4. L'absence d'un plan d'actions, le manque de moyens et l'insuffisante mobilisation interministérielle ont limité les résultats attendus
La SNPE n'est pas le résultat d'une politique gouvernementale affichée. L'implication des ministères potentiellement concernés a été très hétérogène dans la conception et la mise en oeuvre de la stratégie : si le ministère en charge de l'environnement a joué un rôle leader, avec une contribution de celui en charge de la santé, les autres ministères se sont montrés peu actifs. La SNPE a manqué d'un pilotage réellement interministériel qui aurait fourni des orientations pour la programmation coordonnée des travaux des agences et permis une coordination entre les autorités en charge des différents règlements européens concernés par la problématique des PE. La co-construction de la stratégie avec les parties prenantes a été appréciée. Les scientifiques et les milieux associatifs ont été proactifs, les industriels semblant se situer plus en retrait alors qu'ils furent actifs dans la mise à l'agenda des problèmes de perturbation endocrinienne au cours des années 2000. La SNPE n'a pas été déclinée dans un plan d'action comprenant des mesures concrètes, avec des objectifs précis à atteindre, des opérateurs désignés et des moyens bien identifiés. L'engagement des opérateurs de l'État dans la mise en oeuvre est hétérogène : certains opérateurs s'impliquent, en premier lieu l'ANSES dont la qualité et l'ouverture des expertises menées en coopération avec la communauté scientifique sont reconnues, alors que d'autres opérateurs sont en retrait (ANSM notamment). La programmation de l'activité des différentes agences sur les PE manque de coordination44, les contrats d'objectifs et de performance n'ont pas été assez utilisés pour fixer des objectifs précis aux opérateurs. La SNPE a créé peu de synergies et de nouvelles coopérations entre les institutions, à l'exception récente de la constitution du réseau français de l'initiative de bio surveillance HBM4EU qui est très prometteur. Le dispositif de suivi de la SNPE est peu mobilisateur. Seulement deux réunions d'échanges avec les parties prenantes qui ont permis de conforter une culture commune, se sont tenues depuis 2014. L'articulation de ces réunions avec les groupes de suivi du PNSE dont certains traitent également des PE, n'est pas explicite. Il n'existe pas de synthèse annuelle sur l'avancement des différentes actions de la stratégie. Des indicateurs de suivi n'ont pas été prévus. Les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux et des coûts pour la santé. L'absence de moyens financiers nouveaux affectés à la mise en oeuvre de la SNPE conduit à une polarisation des travaux sur les thèmes pour lesquels des financements sont disponibles (pesticides, milieu eau...). Une partie des moyens qui existaient avant l'adoption de la SNPE ont même été réduits (moyens dédiés à la recherche). Les moyens humains dédiés à l'évaluation et à la surveillance sont insuffisants. Il manque des moyens pour mobiliser les capacités d'intervention des scientifiques en appui à l'activité d'expertise. Les moyens pour soutenir la prévention font défaut. A cet égard, aucun budget dédié n'est identifié dans la loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS).
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4. Propositions pour une nouvelle stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens
La SNPE a permis de faire émerger et partager la question des PE dans les domaines de la recherche, de l'industrie, auprès des professionnels et du public, même si le bilan et l'évaluation présentés précédemment ont aussi montré les limites de ce qui a été mis en oeuvre. La pertinence de cette démarche, les enjeux importants liés aux PE et le travail qui reste à accomplir incitent la mission à proposer que soit relancée une nouvelle stratégie, insérée dans la planification en matière de santéenvironnement. Au vu des insuffisances de la mise en oeuvre de la première SNPE, la mission propose un dispositif de pilotage plus volontariste et une révision des axes déclinés en mesures à caractère opérationnel. Ces propositions, d'ordre stratégique pour certaines, plus opérationnelles pour d'autres, valent recommandations de la mission.
4.1. Une stratégie renouvelée qui affiche une politique gouvernementale
L'ensemble des interlocuteurs rencontrés par la mission s'accorde sur l'intérêt de disposer d'un document stratégique qui affiche les orientations sur le long terme de la politique gouvernementale en matière de perturbateurs endocriniens, enjeu prioritaire en matière de santé-environnement, réponse structurée aux interrogations de nos concitoyens. Cette stratégie doit être initiée et portée par l'ensemble des ministères concernés au-delà des seuls ministères chargés de l'environnement et de la santé. Il en va de l'efficacité de sa mise en oeuvre ultérieure et de la crédibilité de l'action de l'État. Elle doit permettre de fixer des objectifs partagés avec les parties prenantes qui doivent être associées à son élaboration. Sa conception doit prendre en compte plusieurs principes : affirmer l'enjeu spécifique à la perturbation endocrinienne dans une démarche d'ensemble sur la santé-environnement ; s'intéresser aux effets des PE sur la santé humaine et sur celle des écosystèmes selon le concept « one health45 » (une seule santé, humain, animal, écosystème) ; accompagner le changement de paradigme toxicologique de la perturbation endocrinienne (notion d'effet-dose non toujours pertinente, effet cocktail, ...) ; protéger les périodes de la vie au cours desquelles la sensibilité aux PE est accrue (grossesse, petite enfance) ;
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L'initiative « One Health » (« une seule santé ») est un mouvement créé au début des années 2000 qui promeut une approche intégrée, systémique et unifiée de la santé publique, animale et environnementale aux échelles locales, nationale et planétaire.
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répondre aux inquiétudes de la population et lui donner confiance dans l'action des institutions publiques ; expliquer simplement des phénomènes complexes pour mieux sensibiliser et faire évoluer les comportements ; être force de proposition pour des évolutions à l'échelon européen notamment en utilisant davantage les possibilités laissées par les textes réglementaires européens pour commanditer des études spécifiques ou complémentaires en cas de doutes sérieux sur les résultats d'études financées par les industriels afin d'instruire les dossiers d'enregistrement. 1. Formaliser une nouvelle stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, placée sous pilotage interministériel. (MTES, MSS et al.)
4.2. Doter la stratégie d'un plan d'actions en cohérence avec la programmation en santé-environnement dans un contexte européen
La définition d'une nouvelle stratégie nécessite un plan d'actions avec des mesures précises, des indicateurs de suivi, selon un calendrier, des moyens affectés, et des responsables identifiés. Ce plan dédié aux PE doit s'inscrire en cohérence avec la programmation d'ensemble du domaine de la santé-environnement. Les interlocuteurs de la mission se sont montrés partagés sur l'hypothèse d'inclure le plan spécifique aux PE au sein du futur Plan national santé environnement (PNSE4). Cette inclusion aurait l'avantage de permettre un suivi plus intégré, mais elle pourrait avoir l'inconvénient de réduire la visibilité et l'importance donnée au thème des PE qui reste encore en émergence. D'autre part, le PNSE actuel ne porte que sur la santé humaine et pas sur celle des écosystèmes. A ce stade, faute de connaître la structuration et le périmètre du futur PNSE, il semble prématuré à la mission de prendre une position définitive sur ce point. Elle invite la mission d'évaluation du PNSE 3 à examiner cette question46 dans ses travaux. Un dispositif de gouvernance devra être clairement défini afin d'assurer le pilotage, le suivi régulier et l'évaluation de ce plan d'actions. L'ANSES dispose des compétences et de l'expérience pour apporter son appui à la formalisation de la stratégie et du (des) plan(s) d'action associé(s). 2. Décliner la stratégie en plan(s) d'action doté(s) de moyens adaptés et mis en cohérence avec la programmation en santé environnement. (MTES, MSS et al.)
4.3. Des conditions pour réussir la mise en oeuvre de la stratégie et des plans d'action 4.3.1. Disposer d'outils de référence en appui à la mise en oeuvre de la stratégie
La dispersion des connaissances sur le sujet des PE nuit considérablement à la perception des actions menées et au pilotage d'une politique cohérente. Très peu des
46
Par lettre du 16 novembre 2017, les ministres chargés de l'environnement, de la santé et de la recherche ont confié au CGEDD, à l'IGAS et à l'IGAENR une mission d'évaluation du PNSE3 et de propositions pour le futur PNSE4.
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acteurs rencontrés ont une vision qui dépasse leur champ personnel d'expertise dans un domaine qui est très vaste. Pratiquement tous les interlocuteurs de la mission ont mentionné le besoin d'identifier des ressources fiables et disponibles. Deux actions pourraient contribuer à intégrer les connaissances, l'expertise et certains services : Créer, par regroupement de moyens existants, un centre national de référence sur la perturbation endocrinienne (cf annexe n°6) à l'image des centres nationaux de référence, tel qu'ils existent pour des maladies infectieuses, où travaillent des spécialistes pour concentrer le savoir, promouvoir la recherche et l'assistance technique ; Appuyer la création d'une infrastructure de recherche et de service sur l'exposome chimique humain (PAREX-H47) donnant à la France une place majeure dans les réseaux européen et mondial de biomonitoring et de recherche en santé environnement. Le projet HBM4UE a été l'occasion de formaliser la constitution d'un groupement des agences concernées par le sujet. L'action de cette alliance peut et doit être amplifiée par un engagement explicite de la direction générale de la recherche et de l'innovation en ce sens. 3. Créer par regroupement des moyens existants un centre de référence sur les perturbateurs endocriniens et appuyer la création d'une infrastructure de recherche et de service sur l'ensemble des expositions pouvant affecter la santé humaine au cours de la vie. (MESRI avec MTES et MSS)
4.3.2. Renforcer la coordination des acteurs
Améliorer la coordination des différents opérateurs de l'État et des principaux ministères qui auront à mettre en oeuvre la SNPE 2 et son plan d'actions ; Coordonner l'action des agences sanitaires : le Comité d'animation du système des agences (Casa), institué par décret du 22 novembre 2017, présidé par le directeur général de la santé, semble une instance appropriée pour le pilotage stratégique, à compléter sans doute par un groupe à visée plus opérationnelle. 4. Coordonner l'action des agences sanitaires sur les perturbateurs endocriniens à l'aide du comité d'animation du système d'agences. (MSS)
4.3.3. Se doter d'indicateurs d'évaluation
Une des faiblesses identifiées de la première SNPE est le manque d'indicateurs de moyens, de suivi, de résultats. Comme précisé au début des propositions, il convient que les actions retenues dans la cadre d'une future SNPE soient assorties d'indicateurs de moyens, de résultats et de jalons permettant à sa gouvernance d'en objectiver et d'en partager les résultats. Le Haut comité de santé publique pourrait être mandaté pour définir les indicateurs de suivi et de résultat des programmes retenus ; Le Haut comité de santé publique pourrait être sollicité pour actualiser et compléter ses propositions émises dans le cadre de la préparation du futur PNSE afin de prendre en compte l'enjeu des PE.
47
PAREX-H vise à constituer un pôle très ambitieux au niveau international autour de trois unités de recherche positionnées dans deux grandes écoles (Oniris et EHESP) et deux grands organismes de recherche (INRA et INSERM).
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4.3.4. Mobiliser les territoires
Organiser la mobilisation des ARS et des DREAL pour qu'elles incitent les collectivités et les acteurs des territoires à décliner certaines actions du plan national associé à la SNPE 2, selon des modalités à définir qui dépendent notamment de sa relation au PNSE 4. Capitaliser les connaissances développées localement suites aux actions des PRSE 3 et les prolonger dans le cadre du plan d'action associé à la SNPE2 et/ou du PNSE 4. 5. Mobiliser conjointement les ARS et les DREAL pour décliner localement les orientations nationales arrêtées dans les plans associés à la SNPE 2. (MTES, MSS)
4.4. Les mesures opérationnelles de la SNPE2 pourraient s`organiser selon 5 axes
L'évaluation a permis de pointer un certain nombre d'actions qu'il semble nécessaire d'entreprendre et d'intégrer dans le(s) programme(s) associé(s) à la stratégie. Ces actions peuvent s'organiser autour de 5 axes, à savoir :
4.4.1. Axe 1 : Recherche
4.4.1.1. Donner une place à la thématique PE dans la stratégie nationale de recherche Disposer au sein de la programmation de l'Agence nationale de la recherche d'un axe (programme thématique, appel à projets transdisciplinaires...) dédié à l'acquisition de connaissances sur des questions complexes liées aux contaminants (dont les PE) et à leurs effets sur la santé et les écosystèmes ; Inscrire le thème des PE comme prioritaire dans les contrats d'objectifs négociés entre l'État et les institutions de recherche les plus concernées ; Mobiliser la communauté scientifique française afin qu'elle s'implique dans la construction d'un agenda de recherche européen en santé-environnement faisant une juste place au thème des PE48 ; Demander à la Commission européenne de mieux prendre en compte le sujet des PE dans la future programmation de recherche post H2020 ; Soutenir des initiatives associant les communautés scientifiques de la toxicologie et de l'écotoxicologie.
48
Une proposition d'action de coordination devrait être déposée par les scientifiques français (tout ou partie des organismes du hub de HBM4EU à élargir à des spécialistes de l'écotoxicologie) dans le cadre d'un appel ouvert sur le programme 2018-2020 d'Horizon H2020.
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4.4.1.2. Optimiser et ajuster les moyens dédiés à la recherche finalisée sur les PE Regrouper les initiatives existantes (PNRPE, Ecophyto, PNR-EST) en un seul programme national de recherche finalisée, cohérent et pérenne, orienté vers l'acquisition de connaissances en appui à l'action publique sur la perturbation endocrinienne (toxicologie et écotoxicologie), disposant d'une gouvernance spécifique (appel à projet et comité scientifique propres) et d'une animation assurée par l'ANSES, et doté d'un financement suffisant (2 à 3 M en moyenne annuelle venant du MTES, d'une contribution du plan Ecophyto et d'autres contributeurs à identifier) ; Organiser la mise en réseau du programme national de recherche sur les PE avec ceux de quelques pays européens actifs sur ce thème, voire des ÉtatsUnis. 4.4.1.3. Développer l'expertise scientifiquement fondée Renforcer les coopérations entre l'ANSES et les organismes de recherche et d'expertise sur les écosystèmes (INERIS, IRSTEA, AFB...) afin d'étendre le dispositif de sécurité sanitaire à l'ensemble de la biosphère ; Développer la veille scientifique et sociétale sur les PE, ainsi que les études socio-économiques ; Réaliser un bilan des connaissances sur les effets d'une imprégnation à des substances PE sur l'efficacité des traitements de certaines pathologies ; Prendre part, voire initier une démarche d'expertise collective internationale sur la compréhension des mécanismes d'action de la perturbation endocrinienne et de leurs conséquences sur la santé de l'homme et des écosystèmes.
4.4.2. Axe 2 : Surveillance sanitaire et environnementale
4.4.2.1. Surveiller les différents milieux Poursuivre l'évolution des actions de surveillance des PE et de leurs effets sur les milieux aquatiques en application de la directive cadre sur l'eau en faisant appel à des mesures globales à l'aide de bioessais ; Mettre en place une surveillance effective des milieux air et sol en cas de signaux issus de la biosurveillance suggérant leur implication par des substances PE ; Développer les biomarqueurs d'exposition et d'effet pour améliorer la pertinence (dépasser les limites de l'approche analytique) et réduire les coûts de la surveillance des PE dans les milieux et de leurs effets sur la biodiversité.
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4.4.2.2. Surveiller les produits alimentaires Mener une étude alimentation totale (EAT) sur des populations sensibles (jeunes enfants) pour repérer les effets perturbateurs endocriniens par des biomarqueurs d'exposition ; Conduire une mission spécifique pour inclure la prise en compte des PE dans un dispositif du type observatoire de l'alimentation en lien avec les conclusions des États généraux de l'alimentation et notamment de son atelier sur la sécurité sanitaire de l'alimentation49. 4.4.2.3. Amplifier les études de bio-surveilllance Poursuivre la connaissance des niveaux d'imprégnation de la population générale aux substances PE, notamment les populations les plus à risques (femmes enceintes, jeunes enfants) ; Poursuivre les travaux engagés de surveillance épidémiologique pour quantifier le lien entre les facteurs de risque environnementaux associés aux PE et la santé ; amorcer de nouveaux travaux sur d'autres pathologies (diabète, troubles de déficit de l'attention et hyperactivité, etc.) en s'efforçant de les hiérarchiser ; Compléter les biomarqueurs d'imprégnation de biomarqueurs d'effets précoces dans les enquêtes de bio-surveillance ; Constituer un réseau de laboratoires certifiés pour accroître la robustesse des méthodes analytiques et constituer des méthodes de référence pour la mesure de biomarqueurs ; Assurer à l'échéance du financement par le PIA la pérennité des cohortes en population générale, en particulier de celles impliquées dans le cadre de l'initiative européenne de bio-surveillance humaine HBM4EU ; Développer sous l'animation de l'ANSP une plateforme nationale de collecte, d'harmonisation et de partage des données de bio-surveillance en s'appuyant sur le réseau des organismes impliqués dans HBM4EU. Cette plateforme nationale a vocation à s'inscrire dans un projet européen de stockage des données de bio-surveillance, IPChem, données mises à disposition des chercheurs.
4.4.3. Axe 3 : Caractériser les dangers liés aux substances susceptibles d'avoir des effets PE
4.4.3.1. Parvenir à une définition réglementaire générique de critères PE Continuer à être force de proposition auprès de la Commission pour parvenir à une définition européenne des PE valable pour l'ensemble des substances chimiques et leurs différents usages en mettant à profit l'avancée obtenue en novembre 2017 sur les biocides ;
49
L'atelier n° 8 était intitulé : « Assurer la sécurité sanitaire de l'alimentation française dans une économie agroalimentaire mondialisée et dans un contexte de changement climatique tout en prévenant les contaminations chimiques ».
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Établir à l'échelon national, si possible en partenariat avec d'autres agences d'États-membres de l'UE, et tenir à jour en fonction de l'évolution des connaissances, une liste des substances susceptibles d'avoir des effets PE (selon les trois niveaux avérés, présumés et suspectés) à défaut de disposer d'une telle liste à l'échelon européen afin de fonder des actions non réglementaires ; Obtenir après la publication du texte définissant des critères, en partenariat avec d'autres États-membres, que la Commission européenne gère de façon différenciée au sein de la liste des substances en cours de réexamen de leur approbation (règlement sur les phytopharmaceutiques) celles qui seraient considérées comme préoccupantes afin de ne pas prolonger leur autorisation et éviter des manoeuvres dilatoires. 4.4.3.2. Déterminer les dangers Poursuivre les expertises d'évaluation des dangers de substances à effet PE présumé ou suspecté réalisées par l'ANSES selon une programmation coordonnée avec les évaluations menées dans le cadre européen ; Revoir le rôle de l'ANSM : a minima coordination renforcée avec l'ANSES qui doit être affiché comme le chef de file de l'évaluation des dangers, voire prise en charge complète par l'ANSES de l'évaluation des dangers de l'ensemble des substances PE quel que soit leur usage ; Renforcer les moyens des agences nationales (ANSES, ANSM selon le rôle qui lui sera assigné) consacrés à l'expertise des substances à enjeux PE ; Inciter la Commission européenne à réduire la dépendance par rapport aux données fournies par l'industrie dans d'évaluation des dangers des substances, à harmoniser les référentiels d'expertise entre les différentes agences sanitaires (nationales et européennes) et à donner aux agences européennes la capacité de financer des études dans les cas d'incertitude. 4.4.3.3. Diffuser des méthodes validées de test des substances Arrêter un modèle économique de plate-forme de pré validation des méthodes de test sous forme de financement par des crédits publics du volet socle (veille, appui méthodologique, accompagnement vers la normalisation...), et de financement au moins partiel par le secteur économique des tests ; Inciter à présenter des projets sur les méthodes de tests dans le cadre du programme de travail 2018-2020 du défi « santé-bien être » d'Horizon 202050 ;
50
Le projet de programme de travail 2018-2020 d'Horizon 2020 pour le défi « santé-bien être » présenté fin juillet 2017 par la Commission européenne prévoit un axe intitulé « décoder le rôle de l'environnement, y compris le changement climatique, pour la santé et le bien être ». Cet axe est organisé en trois actions dont une dédiée aux nouvelles méthodes de test pour identifier les substances PE. Les projets présentés doivent décrire en quoi ils apporteront une contribution aux activités internationales relatives aux PE (travaux de l'OCDE, bases de données européennes...). La validation des tests est explicitement mentionnée comme un enjeu important. Cette action est dotée d'un budget de 52 M et l'appel à projet devrait être ouvert à partir du 18 avril 2018. Les projets retenus qui peuvent impliquer des partenaires américains, devraient bénéficier d'un financement communautaire de l'ordre de 4 à 6 M.
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S'impliquer dans les travaux de l'OCDE pour le développement de lignes directrices pour la caractérisation de la toxicité et de l'écotoxicité des substances chimiques pour y inclure des critères d'effets relatifs aux PE51.
4.4.4. Axe 4 : Gérer les risques
4.4.4.1. Prendre des initiatives pour faire évoluer la réglementation européenne Militer à l'échelon européen pour simplifier et harmoniser la prise en compte par les différentes réglementations concernées du danger d'une même substance active à effet PE et les conséquences pour la gestion des risques52 ; Soutenir une meilleure prise en compte des PE dans des directives ou règlements nouveaux ou en révision (par exemple la directive « santé et sécurité au travail »); Faire des propositions à la Commission pour l'inciter à publier une nouvelle stratégie européenne sur les PE. 4.4.4.2. Interdire et substituer Poursuivre les efforts engagés sur le bisphénol A pour en interdire les usages et les prolonger vers d'autres substances dont les effets néfastes seront identifiés par l'ANSES (autres bisphénols, phtalates...) ; Éliminer les PE dans des situations d'exposition critique ; Réviser les normes sanitaires élaborées sur la base du paradigme classique de la toxicologie afin de prendre en compte les spécificités d'action des PE ; Soutenir au moyen d'un appel à projets sur le PIA 3 les démarches d'innovation visant à intégrer la dimension sanitaire (produits sans PE) dès la conception des procédés de fabrication des produits de consommation. 4.4.4.3. Utiliser les leviers de marché Inviter les circuits de distribution à inscrire l'absence de PE dans leurs cahiers des charges d'achat ; Utiliser le levier de la commande publique en ajoutant des critères d'écoconditionalité dans les marchés publics pour développer des modes de
51
La France anime les actions concernant les essais de signalisation thyroïdienne chez les embryons de xénope ainsi que ceux relatifs à la détection d'activité endocrinienne au moyen d'embryons de poissons zèbres transgéniques. Des experts français participent aux groupes d'experts relatifs au document sur les essais d'identification des modulateurs des hormones thyroïdiennes ainsi qu'aux activités de révision de la ligne directrice sur les essais de toxicité du développement prénatal pour y inclure des critères d'effets relatifs aux PE. Par exemple cohérence entre REACH et le règlement 1107/2009 sur les phytopharmaceutiques en ce qui concerne les conditions d'autorisation des substances
52
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consommation et de production de produits exempts de PE.Contrôler l'application de la réglementation Renforcer les contrôles des substances et articles en provenance de pays hors de l'Union européenne et porter la préoccupation liée à la perturbation endocrinienne dans les négociations internationales sur certains outils de gestion du risque chimique pour des usages spécifiques (jouets, précurseurs de médicaments...) ; Renforcer les contrôles sur les produits susceptibles de contenir des substances PE dans le programme annuel des contrôles conduits par la DGCCRF.
4.4.5. Axe 5 : Former, sensibiliser et informer
4.4.5.1. Former les professionnels Amplifier les actions de formation de l'ensemble des professionnels de santé dans le cadre du développement professionnel continu et l'étendre à d'autres professions concernées (architectes, ingénieurs, professionnels de la petite enfance...) ; Traiter des mécanismes de perturbation endocrinienne dans la formation initiale des professionnels de santé et promouvoir les diplômes universitaires de santé environnementale. 4.4.5.2. Informer la population Concevoir et lancer en partenariat avec les associations concernées une campagne d'information sur les dangers des substances PE, sur les voies d'exposition et les moyens de s'en prévenir, en ciblant en priorité les populations les plus à risques ; Mettre à disposition du public une information fiable et accessible sur les PE via un site internet sur les substances dangereuses, tenu par un centre de référence sur les PE ; Soutenir la mise en place d'événements type « journée sans PE » pour sensibiliser la population et les relais d'opinion à l'intérêt et aux possibilités de réduire l'exposition aux PE ; S'appuyer sur les professionnels de santé chargés du suivi prénatal et post natal pour diffuser aux parents une information adaptée sur les risques pour le foetus d'une exposition aux PE et mettre à leur disposition les outils nécessaires ; Étudier la création d'un dispositif d'étiquetage de la présence de substances à caractère PE, distinguant des degrés de danger potentiel, qui serait appliqué à des produits de consommation auxquels sont notamment exposées les populations les plus sensibles (jouets, cosmétiques, contenants alimentaires...).
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6. Organiser les mesures opérationnelles de la future SNPE selon 5 axes : recherche, surveillance, caractérisation des dangers, gestion des risques, formation et information. (MTES, MSS et al.)
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Conclusion
Au terme de son travail d'inventaire des actions menées dans le cadre de la SNPE ou plus largement sur le thème des perturbateurs endocriniens et compte-tenu des entretiens qu'elle a menés, la mission est convaincue de l'intérêt d'une stratégie nationale qui a permis d'insuffler une dynamique qu'il convient maintenant de conforter et d'amplifier. Face à un sujet complexe qui représente un enjeu important pour l'environnement et la santé humaine, la mobilisation de l'ensemble des ministères et agences publiques concernés est indispensable. Elle doit permettre d'entraîner les parties prenantes audelà des cénacles initiés. L'élaboration d'une nouvelle stratégie nationale pleinement intégrée dans la planification des mesures en matière de santé-environnement doit permettre à notre pays de continuer à jouer un rôle de leader en Europe pour une meilleure prise en compte de la perturbation endocrinienne dans l'ensemble des réglementations relatives aux produits chimiques et à leurs usages. La nouvelle stratégie et le plan d'action qui doit nécessairement lui être associé, seront des outils essentiels pour améliorer la confiance de nos concitoyens quant à la capacité de l'action publique à traiter un sujet qui les inquiète.
Fabienne BARTOLI
Patrick LAVARDE
Pierre LESTEVEN
Inspectrice des affaires sociales
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Inspecteur des affaires sociales
Viviane MOQUAY
François VEDEAU
Inspectrice générale de santé publique vétérinaire
Inspecteur général de santé publique vétérinaire
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Annexes
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1. Lettre de mission
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2. Liste des personnes rencontrées
Service Nom Prénom Fonction
Agence française de la biodiversité
Direction recherche, expertise et développement des compétences Direction de l'appui aux politiques publiques DUPONT PERVEVAL Philippe Olivier Directeur Chargé de mission écotoxicologie
HULIN
Vincent
Responsable des partenariats nationaux
Agence nationale du développement professionnel continu des professionnels de santé
LENOIRSALFATI Michèle Directrice générale
Agence nationale de la recherche
Département des opérations scientifiques GUILLOUZO HIPPOLYTE LIEUTAUD Département des programmes d'innovation André Isabelle Anne Professeur des universités toxicologue, ancien responsable du secteur santé Responsable du défi « sécurité alimentaire » Responsable du défi « gestion sobre des ressources »
COQUET
Yves
Coordinateur agronomie-écologie
Agence nationale de formation des hospitaliers
QUILLET Emmanuelle Directrice générale
Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail
LASFARGUES LAURENT MERCIER Gérard Louis Thierry Directeur général délégué en charge du pôle sciences pour l'expertise Directeur du financement de la recherche et de la veille scientifique Directeur adjoint des produits réglementés
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Service
Nom
Prénom
Fonction
ORMSBY ROUSSELLE
JeanNicolas Christophe
Directeur adjoint de l'évaluation des risques Chef d'unité « évaluation des substances chimiques"
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
MARTIN CHAPEL HEULS MASSET Dominique Elodie Brigitte Dominique Directeur général Directrice de l'évaluation Directrice des dispositifs médicaux thérapeutiques et des cosmétiques Responsable du pôle qualité des produits pharmaceutiques
Agence nationale de santé publique
DENYS EMPEREURBISSONNET EL YAMANI Sébastien Pascal Mounia Directeur santé-environnement Directeur adjoint santé-travail Responsable de l'unité évaluation des expositions professionnelles
Commission européenne
Direction générale santé et sécurité alimentaire BEREND PINTE REINERT K. Chef de l'unité « pesticides et biocides » Unité « pesticides et biocides » Unité « pesticides et biocides »
Conseils nationaux professionnels
Gynécoobstétrique Gynécologie médicale Endocrinologie Endocrinogynécologie Endocrinopédiatrie Pédiatrie DAUPTAIN HERON CHEVALIER MIRAKIAN BARTAIRE LINGLART Gilles Isabelle Nicolas Pascale Patricia Agnès Conseil des gynéco-obstétriciens de France Gynécologue endocrinologue, Rouen Professeur d'endocrinologie, CHU Nice Centre de procréation, médecin libérale endocrinologie et gynécologie Association des pédiatres et endocrinologues libéraux Professeur de pédiatre, Bicêtre SF Pédiatrie, CNPP
Institut national de l'environnement industriel et des risques
Direction générale COINTE HUBERT Raymond Philippe Directeur général Directeur des risques chroniques
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Service
Nom
Prénom
Fonction
THYBAUD
Eric
Responsable du pôle « dangers et impacts sur le vivant »
Institut national du cancer
BRETON Thierry Directeur général
France Nature Environnement
CAMBOU Josée Co-présidente du groupe « risques à fortes incertitudes scientifiques et enjeux de connaissance sur les expositions » (GT4) du PNSE3 Coordonnatrice du réseau santéenvironnement
LEPITRE
Charlotte
Haut conseil de santé publique
ZMIROU Denis Président du comité santéenvironnement
Institut national de la santé et de la recherche médicale
SLAMA Rémi Chef du département de prévention et thérapie des maladies chroniques, responsable de l'unité d'épidémiologie environnementale appliquée à la reproduction et à la respiration, Président du conseil scientifique du PNRPE Directeur de l'unité mixte de recherche Inserm-Université Paris Descartes « Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire », Co-président du groupe «pathologies en lien avec les expositions environnementales» (GT3) du PNSE3 Responsable laboratoire « Génétique, reproduction et développement », UMR Inserrm-CNRS-université ClermontAuvergne Chargé de recherche, Rennes
BAROUKI
Robert
VOLLE
David
CHEVRIER
Cécile
Institut de recherche sur les sciences et technologies de l'environnement et de l'agriculture
FLAMMARION GARRIC Patrick Jeanne Directeur général délégué scientifique Directrice de recherche en écotoxicologie, co-présidente du groupe « recherche, formation, éducation et information » (GT2) du PNSE3
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Service
Nom
Prénom
Fonction
Laboratoire WatchFrog S.A
LEMKINE Gregory Président directeur général
Ministère de l'agriculture et de l'alimentation
Direction générale de l'alimentation DEHAUMONT EVAIN TRIDON PRUNAUX Patrick Loïc Alain Olivier Directeur général Directeur général adjoint Sous directeur de la qualité, de la santé et de la protection des végétaux Chef du bureau des intrants et du biocontrôle
Ministère de l'économie
Direction générale de la consommation et de la répression des fraudes THONIER RUELLE DUCHEMIN SERVOZ KOEN Axel Delphine Claude Claire Emmanuel Sous-directeur industrie, santé, logement Chef du bureau des produits industriels Chef du bureau qualité et valorisation des denrées alimentaires (4B) Adjointe au chef du bureau 4B Chargé de mission auprès du sousdirecteur des produits alimentaires et marchés agricoles et alimentaires
Ministère de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'innovation
Direction MAHÉ générale de la recherche et de l'innovation Sylvain Directeur adjoint du secteur "Environnement-agronomie-écologie, sciences du système terre et de l'univers"
Ministère de la transition écologique et solidaire
Commissariat général au développement durable BERGEOT MOULIN COUDERCOBERT MORTUREUX METAYER de FRANCLIEU COISSARD VEYSSILIER Laurent Lionel Céline Marc Marie-Laure Pierre Vincent Florent Chef du service de la recherche Chef de la mission risque, environnement, santé Adjointe au chef de mission
Direction générale de la prévention des risques
Directeur général Sous-directrice santé-environnement Chef du bureau des produits chimiques Adjoint au chef de bureau Chargé de mission
Ministère des solidarités et de la santé
Direction générale de la santé AMPROU CARMES Anne-Claire Joëlle Directrice générale adjointe Sous-Directrice de la prévention des risques liés à l'environnement et à
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Service
Nom
Prénom
Fonction
l'alimentation CATE PAUL GIGUELAY Laurence Caroline Anne Adjointe à la sous-directrice Cheffe du bureau « Environnement extérieur et produits chimiques » Chargée des dossiers « Perturbateurs endocriniens nanomatériaux, risques chimiques liés à l'alimentation » Chargée de mission sur les cosmétiques Juriste
LEGRAND BARILLIER
Line Florence
Secrétariat général
TRAN
Béatrice
Chargée de mission santé publique
Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social
Direction générale du travail MADDALONE BESSOT Patrick Nicolas Sous-directeur des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail Adjoint au chef du bureau des risques chimiques, physiques et biologiques (CT2) Responsable du pôle risques chimiques et biologique au bureau CT2
LASSUS
Mathieu
Réseau environnement santé
CICOLLELA GERARD André Maïté Président Chargée de mission
Union des industries chimiques
SMETS LEVY DALLOT Magali Patrick Constantin Directrice générale Médecin conseil, président du groupe santé-environnement du MEDEF Toxicologue
Universités
Paris Sud LEVI Yves Professeur de santé publiqueenvironnement, UMR 8079 « Écologiesystématique-évolution » Université Paris sud - CNRS - AgroParisTech Professeur émérite, présidente
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Paris Diderot
MARANO
Franceline
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Service
Nom
Prénom
Fonction
d'honneur de la Société française de santé-environnement, co-présidente du groupe « risques à fortes incertitudes scientifiques et enjeux de connaissance sur les expositions » (GT4)du PNSE3
Women in Europe for a Common Future (WECF)
GUIZIENOUNADJELA RUFFINENGO Dominique Elisabeth Secrétaire du bureau Responsable plaidoyer & projets santéenvironnement
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3. Bilan de l'axe 1 : Recherche, valorisation, surveillance
Le premier axe de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE) s'articule autour de quatre actions à caractère opérationnel : Inscrire la thématique des perturbateurs endocriniens dans les priorités de la stratégie nationale de la recherche (SNR) ; Mobiliser les meilleures équipes en biologie ; Favoriser le transfert de la recherche vers le monde économique ; Renforcer la surveillance sanitaire et environnementale, via les enquêtes transversales, les dispositifs de surveillance épidémiologique, les cohortes et les observatoires.
Le bilan de la mise en oeuvre de ces actions depuis l'adoption de la SNPE en 2014 est présenté ciaprès.
3.1. Inscrire la thématique des perturbateurs endocriniens dans les priorités de la stratégie nationale de la recherche
Lors de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012, le gouvernement a affirmé le caractère prioritaire de la recherche dans le domaine environnement-santé. Il a demandé que soit élaboré un plan d'action pour dégager les objectifs de recherche, identifier les moyens à mettre en oeuvre et organiser le suivi. Cette orientation s'inscrivait dans un contexte international dans lequel le Programme des nations unies pour l'environnement (PNUE) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconisaient dans un rapport intitulé « State of the Science of Endocrine Disrupting Chemicals », publié le 13 février 2013, de mener davantage de recherches afin de bien comprendre les liens qui existent entre les perturbateurs endocriniens chimiques et plusieurs maladies et troubles. Le rapport soulignait que des évaluations plus exhaustives et de meilleures méthodes de test permettraient de réduire les risques éventuels de maladie et de réaliser d'importantes économies en santé publique. Les trois alliances nationales de recherche, Allenvi pour l'environnement 53, Aviesan pour les sciences de la vie et de la santé 54 et Athena pour les sciences humaines et sociales 55 ont alors publié l'initiative française pour la recherche en environnement santé (IFRES), qui décrit un plan d'action dans les domaines de la toxicologie, de l'écotoxicologie, de l'épidémiologie et des sciences sociales Plusieurs objectifs prioritaires y sont inscrits en termes de nouvelles méthodes à développer, de disciplines à mobiliser ou d'approches à favoriser. La question des perturbateurs endocriniens y est fortement prise en compte et celle-ci est l'objet d'un des neuf programmes de recherche ciblés identifiés dans ce plan d'action au côté de programmes de financement généralistes pour animer des communautés scientifiques sur des sujets majeurs de santé publique ou de risque environnemental. Cette initiative a été une référence pour l'élaboration de la SNPE.
53
L'alliance pour l'environnement (AllEnvi-Alimentation/eau/climat/territoire) regroupe 12 membres (BRGM, CEA, Irstea, Cirad, CNRS, CPU, Ifremer, Inra, IRD, IFSTTAR, Météo France, MNHN). Allenvi s'organise en 13 groupes de travail thématiques dont un sur les "risques environnementaux, naturels et écotoxiques". L'alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan) rassemble 9 grands acteurs de la recherche en biologie santé : INSERM, CNRS, CEA, INRA, Conférence des présidents d'université (CPU), Institut Pasteur, IRD, Conférence des directeurs généraux de CHU (CHRU), INRIA. Elle compte 9 instituts thématiques multi-organismes (ITMO), dont l'ITMO Santé publique. L'alliance ATHÉNA regroupe les acteurs des sciences humaines et sociales (CNRS, CPU, la Conférence des Grandes Écoles (CGE), l'institut national des études démographiques-INED, INRA, IRD, CEA). Elle s'organise autour de groupes prospectifs de réflexion (environnement, santé, santé publique/bien-être) et de groupes d'activité multiorganismes.
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De manière plus générale, selon l'orientation inscrite dans la SNPE, la thématique des perturbateurs endocriniens devait trouver place dans la stratégie nationale de la recherche (SNR) qui fixe tous les cinq ans les priorités nationales de recherche. Finalisée en juin 2014 et publiée en mars 2015, la SNR identifie dix défis sociétaux en lien avec H2020 (niveau UE). Elle ne fait pas explicitement mention des perturbateurs endocriniens. Pour autant, trois des défis ont un lien avec les perturbateurs endocriniens :
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le défi n° 1 Gestion sobre des ressources et adaptation au changement climatique dont l'axe 3 porte sur les risques sanitaires face aux changements environnementaux : évaluation et maîtrise du risque environnemental, avec nécessité d'évaluer les impacts d'un événement toxicologique dangereux et de valider de nouveaux tests écotoxicologiques ; le défi n°4 Vie, santé et bien-être dont l'axe 3 qui vise l'exploration des systèmes et organes, leur fonctionnement normal et pathologique met un accent particulier sur les perturbateurs endocriniens ; le défi n°5 Sécurité alimentaire et défi démographique avec un axe 3 « environnementsanté » fondé sur le concept « one health » qui vise à encourager les recherches permettant d'éclairer les interactions entre environnement et santé en lien avec les modes de gestion des écosystèmes productifs.
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Ces défis orientent les contrats pluriannuels conclus avec les institutions de recherche, la programmation des appels à projets de recherche de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et les autres financements publics de la recherche. Il ne semble pas que le ministère de la recherche fasse des perturbateurs endocriniens (PE) une priorité spécifique dans les contrats d'objectifs et de performance avec les institutions de recherche56. En revanche, le contrat d'objectifs 2016-2020 de l'INERIS, placé sous la tutelle du ministère en charge de l'environnement, comporte plusieurs orientations relatives aux PE dont une relative au progrès des connaissances57. Il n'a pas été possible d'identifier dans quelle mesure d'autres dispositifs de financement de la recherche que ceux exposés ci-après et mentionnés dans la SNPE ont pu contribuer à faire avancer les connaissances scientifiques sur le thème des perturbateurs endocriniens. Pour ce qui concerne le programme des investissements d'avenir (PIA), aucune des actions inscrites dans les deux premiers PIA n'a fait mention des PE dans les documents d'appel à projets. Pour autant, le PIA a permis de doter la communauté scientifique française d'outils potentiellement utilisables pour la recherche sur les PE. C'est notamment le cas des cohortes qui ont été financées sur trois actions différentes du PIA (voir § 4.2 ci-après). Alors que l'émergence et la détection de la perturbation de la reproduction est apparue sur les populations animales sauvages dans les écosystèmes et a servi de signal d'alarme pour la santé humaine (exposition humaine généralisée à des substances chimiques susceptibles d'être PE), il ne ressort pas d'effort de recherche particulier sur la problématique de la perturbation endocrinienne dans les écosystèmes : source, transfert, transformation, impact potentiel sur la biodiversité (dynamique des populations, par exemple les pollinisateurs) et le fonctionnement des communautés (comportement alimentaire, comportement reproducteur...).
56
A titre d'exemple, le contrat d'objectifs de l'INRA récemment finalisé ne mentionne pas les perturbateurs endocriniens comme une priorité de recherche. Le contrat d'objectifs de l'INERIS comprend trois actions dédiées aux PE dont une sur l'enrichissement des connaissances sur les questions émergentes qui prévoit que « Dans le domaine des perturbateurs endocriniens et en lien avec la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE), une meilleure compréhension des mécanismes d'action spécifique sera apportée en s'appuyant, par exemple, sur les nouvelles stratégies de caractérisation en bio-analyse. Ces nouvelles connaissances permettront de mieux concevoir les moyens d'identification du caractère PE des substances chimiques, de leurs mélanges ainsi que celui des milieux ».
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3.2. Mobiliser les meilleures équipes en biologie
Cet objectif se met en oeuvre au moyen de projets de recherches sélectionnés et financés par les programes nationaux à caractère fondamental ou plus finalisé cités par la SNPE. Ces programmes intéressent à la fois la qualité environnementale, la santé des écosystèmes et la santé humaine. Les bilans sont présentés ci-après. Il ne faut pour autant pas oublier l'existence de recherches soutenues dans le cadre d'autres programmes centrés sur d'autres problématiques que les perturbateurs endocriniens 58. Les actions de recherche susceptibles d'être directement mises en oeuvre par les institutions de recherche sur leurs moyens propres ne sont pas évoquées par la SNPE et il n'est pas possible de les identifier.
3.2.1. Poursuivre le Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE)
Parmi les actions proposées par les alliances Allenvi, Avisan et Athena dans l'Initiative française pour la recherche en environnement santé (voir supra) figurait une action n°9 visant à soutenir et pérenniser un programme de recherche spécifique sur les perturbateurs endocriniens afin de contribuer à la décision publique qui devrait mettre en oeuvre un appel à projets au rythme annuel (au moins bisannuel) avec un budget annuel souhaitable de 2 M. Cette proposition a été reprise dans la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens qui affirme que : « Le MEDDE renforcera les échanges interdisciplinaires de la communauté scientifique au sein du Programme National de Recherche sur les Perturbateurs Endocriniens (PNRPE). Dès 2013, le MEDDE a lancé un appel à projets de recherche et s'est engagé à soutenir 8 projets, sur 3 ans, pour un montant de 750 k ». 3.2.1.1. Des ambitions affichées Créé en 2005 et piloté par le ministère en charge de l'environnement, le Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE) a pour objectif de soutenir des recherches fondamentales et appliquées en appui à l'action publique sur les questions ayant trait à la perturbation endocrinienne. Le PNRPE finance des projets de recherche sélectionnés en fonction de leur qualité scientifique et dans un esprit de complémentarité avec les autres dispositifs de soutien à la recherche, tels que le Programme national de recherche environnement santé travail (PNR EST) piloté par l'Anses et ceux de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou de l'Union européenne (voir ci-après). Depuis 2011, l'animation scientifique (appui à la programmation et au suivi des activités du programme) est assurée par l'Anses. Le PNRPE contribue à développer et animer une communauté scientifique autour de cinq axes prioritaires de recherche :
· · ·
les mécanismes d'action et le devenir des perturbateurs endocriniens dans l'organisme et les organes cibles, les effets de substances, y compris de substituts, seules ou en mélange, à faible dose, sur plusieurs générations (effets transgénérationnels), la mesure de la contamination des milieux de vie, la caractérisation des expositions humaines dans une logique d'exposome,
58
A titre d'exemple, le programme EC2CO-ECODYN mené par le CNRS (INSU-INEE) entre 2011 et 2016) a soutenu des projets d'amorçage, avec des financements limités (<40 K), ciblés sur l'écodynamique des contaminants et leurs impacts pour la biodiversité et le fonctionnement des milieux. Sur la soixantaine de projets soutenus, deux projets ont concerné des effets PE sur des vertébrés (oiseaux) et invertébrés. Le programme de recherche sur la qualité de l'air Primequal conduit conjointement par le ministère chargé de l'environnement et l'ADEME a financé plusieurs projets qui visaient les PE. Il a notamment permis de soutenir les projets ECOS Habitat et ECOS-TOX complémentaires du projet ECOS-Pouss mené dans le cadre du PNRPE. Dans le domaine de l'eau, l'ONEMA a aidé à l'acquisition d'une connaissance croissante sur l'imprégnation en PE des milieux aquatiques.
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les outils pour la réglementation (criblage d'activité, tests de surveillance, modélisation ...), l'approche sociologique (processus d'émergence de la problématique, débat sociétal et action publique...). 3.2.1.2. Des résultats positifs
Le programme a permis d'obtenir de nombreux résultats sur les effets et mécanismes d'action des perturbateurs endocriniens (effets génomiques et non-génomiques), sur les effets dans l'environnement (abeilles, poissons....), la connaissance des expositions, le développement de méthodes et d'outils pour la détection des effets ou des expositions et enfin les dynamiques sociétales liées à la problématique de PE et l'aide à la gestion des risques. Les projets financés par le PNRPE ont donné lieu à de nombreuses publications dans des revues scientifiques internationales59 . Après un premier colloque international en 2012, un deuxième colloque scientifique international a été organisé par le ministère chargé de l'environnement avec l'appui de l'Anses les 21 et 22 janvier 2016 à l'Institut Pasteur à Paris60. Si ces travaux ont dégagé de nombreux enseignements :
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les perturbateurs endocriniens (avérés ou potentiels) sont omniprésents ; le spectre de pathologies est bien plus large que celles relevant du système reproducteur ; les effets de molécules prises individuellement ne permettaient pas de prédire l'effet du mélange, une substance pouvant potentialiser l'effet d'une autre ou au contraire l'atténuer selon l'organe considéré ; les méthodes analytiques développées pour analyser les substances semi-volatiles ayant des propriétés de perturbateurs endocriniens, contenues dans l'air et les poussières ont permis de démontrer que ces substances étaient très répandues dans l'habitat, notamment dans les poussières des logements, avec des concentrations très variables ; l'exposition périnatale de souris à de faibles doses de Bisphénol A (BPA) ou de l'un de ses substituts, le BPS, perturbe le métabolisme des lipides, source d'obésité ; une revue de la littérature indique que les substituts peuvent être potentiellement aussi dangereux que la molécule interdite ; les risques concernent aussi la faune sauvage et sont alarmants ; les perturbateurs endocriniens représentent un coût énorme pour la société.
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Ils ont également mis en évidence l'étendue des connaissances restant à acquérir sur le sujet. 3.2.1.3. Mais une action en manque de moyens entre 2014 et 2017 Depuis le début du PNRPE, quatre appels à projets ont été lancés en 2005, 2008, 2010 et 2013. Ils ont permis de sélectionner 39 projets dont 8 portant sur des questions d'écotoxicologie 61.
59
Fin 2015 étaient recensées 85 publications issues des 31 projets financés par les appels à projets 2005, 2008 et 2010 dont cinq chapitres d'ouvrages et plusieurs dizaines d'autres étaient prévues. Le colloque ouvert par la ministre en charge de l'environnement a réuni plus de 500 personnes. Les présentations se sont organisées autour de sept sessions : les effets de perturbateurs endocriniens sur les espèces naturelles, les troubles du métabolisme et les diabètes en lien avec les perturbateurs endocriniens, l'épigénétique et les effets transgénérationnels des perturbateurs endocriniens, les effets des perturbateurs endocriniens sur le système reproductif, les effets des mélanges, les effets du bisphénol A et de ses substituts, l'expertise, l'évaluation du risque et le coût économique. Les modèles biologiques portent essentiellement sur des vertébrés aquatiques (poissons, amphibiens), mais souvent dans des projets à visée santé humaine (utilisation de ces modèles comme proxy de mécanisme d'action), et plus rarement des invertébrés (mollusque, insecte). Les mammifères terrestres et les oiseaux ne sont pas étudiés. Les objectifs visés concernent le plus souvent la prédiction expérimentale du caractère PE des substances chimiques à des échelles variées, moléculaires, cellulaires ou individuelles (besoin d'outils pour REACH). Les approches à des échelles pertinentes pour les écosystèmes (dynamique des populations, observations/expérimentations in situ) sont quasi inexistantes. Les projets concernant des problématiques d'écodynamique de substances PE dans les milieux, en termes de sources, de devenir et transfert (chaîne trophique) sont quant à eux beaucoup plus rares.
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L'ensemble des projets a bénéficié de 5 millions d'euros de soutien à la recherche 62 et mobilisé une centaine d'équipes de recherche. Le dernier appel à projets en 2013 traitait du bisphénol A, en particulier les phénomènes d'imprégnation des populations, les effets au niveau des multiples organes cibles et les effets et mécanismes d'action de ses substituts. Les huit projets de recherche retenus 63 qui devaient se dérouler entre 2014 et 2018 ont reçu 750 k de financements du ministère issus d'un transfert de crédits venant du programme 181, géré par la DGPR, et non des moyens destinés au soutien à la recherche Alors que le PNSE3 2015-2019 a confirmé l'intérêt du PNRPE dans son action n°82 « pérenniser et soutenir le programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE) », aucun nouvel appel à projets de recherche n'a été lancé au titre du PNRPE depuis l'adoption de la SNPE en 2014, faute de financements. Cependant un appel à projets de recherche a pu être lancé en novembre 2016 sur la thématique spécifique des produits phytopharmaceutiques perturbateurs endocriniens grâce à un financement apporté par le plan Ecophyto2 publié fin octobre 2015 qui vise à réduire l'emploi de pesticides. Les 6 projets sélectionnés mi-2017 bénéficient d'un montant d'un million d'euros issus de la redevance pour pollutions diffuses affectée à l'Agence française de la biodiversité (AFB). Cet appel à projets qui ne porte que sur les produits phytopharmaceutiques s'inscrit dans la gouvernance du plan Ecophyto264 et non directement dans celle du PNRPE. 3.2.1.4. De nouveaux financements annoncés pour 2018 Un communiqué du 4 juillet 2017 des ministres en charge de l'écologie, de la santé et de l'agriculture a annoncé que de nouveaux moyens seront dédiés en 2018 au PNRPE. Le dossier de présentation du projet de budget du MTES pour 2018 confirme que les efforts d'acquisition des connaissances sur les perturbateurs endocriniens seront intensifiés par le financement d'actions de recherche. Le 10 octobre 2017, la secrétaire d'État à l'écologie a annoncé qu'un budget supplémentaire de 2 millions d'euros issu de l'enveloppe ministérielle sera alloué au lancement d'un nouveau programme de recherche sur les perturbateurs endocriniens qui « viendra en addition des recherches réalisées dans le cadre du programme national environnement santé travail ».
3.2.2. Financer des projets de recherche sur les perturbateurs endocriniens par l'Agence nationale de la recherche (ANR)
Il est indiqué dans la SNPE : « en 2013, l'ANR a financé 5 projets concernant les perturbateurs endocriniens issus de l'appel à projets de 2012-2013 », mais aucune orientation n'y figure explicitement sur ce que l'agence est censée faire sur ce thème.
62
7 projets en 2005 pour un soutien de 1 M, 15 projets en 2008 pour 2 M, 9 projets en 2010 pour 1,36 M et 8 projets en 2013 pour 0,75 M. Caractérisation des multi-expositions environnementales aux pesticides chez la femme enceinte ; Propriétés et affinité de ligands de récepteurs susceptibles de fixer des perturbateurs endocriniens chez Lymnaea stagnalis (Mollusque, Gastéropode) ; Mélanges de perturbateurs thyroïdiens : effets sur le développement neuronal embryonnaire ; Exposition au bisphénol A et risque d'obésité et de diabète de type 2 dans l'étude de cohorte prospective française D.E.S.I.R. ; Effets du Bisphénol A et de ses substituts sur le développement des gonades ; Effets du BPA et de ses substituts sur le testicule foetal humain et spécificités liées à l'espèce ; Interaction des substituts du bisphénol A avec la physiologie des adipocytes humain ; Criblage de perturbateurs endocriniens des récepteurs nucléaires des oxysterols LXRs. Les projets soumis ont été évalués par un conseil scientifique et un comité d'orientation associant des membres du comité scientifique et d'orientation recherche et innovation du plan Ecophyto, avant une validation finale par le conseil d'administration de l'AFB.
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3.2.2.1. Entre 2005 et 2013, sur 217 projets en santé-environnement, l'ANR a soutenu 40 projets de recherche portant sur les perturbateurs endocriniens Pour un montant total de financement de 17,2 million d'euros, ces projets ont été financés sur les programmes thématiques « santé, environnement, société, travail » (8 projets entre 2005 et 2007), « nutrition, alimentation » (2 projets en 2006 et 2008), « contaminants, environnement, santé (CES) » (15 projets entre 2008 et 2010) puis « contaminants et environnements : santé, adaptabilité, comportements et usages (CESA) » (15 projets entre 2011 et 2013). Les derniers projets CESA se sont achevés fin 2016. Les projets portaient notamment sur les effets sur la reproduction et l'exposition foetale (11 projets), les expositions chroniques, à faibles doses ou les mélanges (5 projets), le criblage, la modélisation ou le développement de modèles cellulaires (5 projets). Le Bisphénol A et ses dérivés et la chlordécone ont été les substances les plus souvent étudiées65. Alors que le comité d'évaluation du programme CESA estimait nécessaire de soutenir un nouveau programme à l'interface des domaines santé-environnement et sciences humaines et sociales visant à étudier et prévenir la toxicité d'origine anthropogénique, aucune suite n'a été donnée. 3.2.2.2. Depuis 2014, la programmation de l'ANR n'inclut plus de programmes thématiques. L'appel à projet générique (AAPG) de l'ANR est structuré en défis ; eux-mêmes structurés en axes intra-défis et depuis 2016 en axes inter-défis notamment en réponse à la stratégie nationale de recherche publiée en mars 2015 (voir supra). Bien que les perturbateurs endocriniens ne soient pas nommément cités dans le texte de la stratégie nationale de recherche, l'appel à projet générique les a mis en évidence chaque année depuis 2014 selon des modalités diverses. Ainsi, dans l'édition 2014, un sous axe « santé environnementale, toxicologie prédictive » dans le défi 4 « santé-bien être » était entièrement dédié aux PE. Les enjeux de santé en lien avec les contaminants ainsi que l'impact des contaminants sur les écosystèmes et sur la santé humaine (écotoxicologie et toxicologie) faisaient l'objet d'un axe dédié dans le défi 5 « sécurité alimentaire et défi démographique ». Quatre projets ont été sélectionnés pour un financement total de près de 1,4 M. En 2015, le défi 4 « santé-bien être » a maintenu une action sur la toxicologie environnementale et notamment les PE dans l'axe « physiologie, physiopathologie, vieillissement », tandis que le défi 5 proposait un axe « caractérisation et limitation des impacts écotoxicologiques liés aux différents systèmes d'exploitation » qui intégrait la notion d'exposome, mais sans relation affichée avec la santé humaine. Aucun projet sur les PE n'a été retenu. En 2016, issu des réflexions de comités inter-défis, un axe commun « contaminants, écosystèmes et santé » entre le défi 1 « gestion sobre des ressources et adaptation aux changements climatiques », le défi 5 et le défi 4 a été construit. Cet axe appelait des projets en lien avec l'exposome, les interactions entre différents contaminants, leurs cinétiques et leurs dynamiques dans différents milieux (air, eau, sols) et organismes et leurs effets cumulatifs éventuels (avec la toxicité d'autres contaminants, avec d'autres stress environnementaux, etc.) et ce, sur les écosystèmes et chez l'homme. Les perturbateurs endocriniens restaient toutefois nommément éligibles dans l'axe du défi 4 : « exploration des systèmes et organes, leur fonctionnement normal et pathologique : physiologie, physiopathologie, vieillissement ». 2 projets ont été sélectionnés pour un financement de 778 k. En 2017, dans l'axe inter-défi santé environnementale dont le périmètre correspondait à celui de 2016, un sous axe dédié aux perturbateurs endocriniens a été identifié. Pour autant, aucun projet dédié aux PE n'a été retenu.
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5 projets sur le bisphenol A et dérivés, 5 sur la chlordécone, 3 sur d'autres pesticides, 3 sur les HAP, 2 sur les PCB, 2 sur les phthalates, 1 sur les contaminants fluorés, 1 sur les retardateurs de flamme.
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Depuis l'adoption de la SNPE, ce sont donc 6 projets de recherche portant sur les PE qui ont été financés par l'ANR entre 2014 et 2017 sur son appel à projets générique pour un montant total de 2,17 M. 3.2.2.3. Une baisse des projets ciblés PE probablement en lien avec un manque de lisibilité des priorités de recherche Cette structuration de l'appel à projet générique et les fluctuations d'affichage d'une année à l'autre ont induit une dispersion des communautés interdisciplinaires que le programme SEST (santé, environnement, société, travail) avait fait émerger, puis que les programmes CES (contaminants, écosystèmes, santé) et CESA (contaminants et environnements) avaient consolidées. Cette dispersion a eu un impact notable sur l'évolution de la sélection de projets en relation avec les PE. Ainsi, le nombre de projets portant sur les PE est passé en moyenne de 4,4 projets par an entre 2005 et 2013 à 1,5 depuis 2014. Cette forte diminution depuis l'adoption de la SNPE ne peut être imputée exclusivement à la baisse globale des moyens de financement de l'ANR depuis 201366. En 2018, l'axe « contaminants, écosystèmes et santé » reprend l'ensemble des thèmes de 2017, mais parallèlement le défi 4 propose un axe « génétique, génomique et ARN » avec une composante en lien avec l'exposome et l'environnement et un axe « biochimie du vivant » incluant la toxicologie. Cette définition d'un axe dédié pourrait permettre de remobiliser l'ensemble des communautés scientifiques concernées en particulier interdisciplinaires, bien que le message ne soit pas d'une grande clarté au sein de l'appel à projets générique.
3.2.3. Financer des projets de recherche en lien avec l'évaluation des perturbateurs endocriniens sur le programme national de recherche environnement-santé-travail (PNR- EST) de l'Anses
Le programme national de recherche en environnement-santé-travail (PNR-EST) soutient la production de connaissances en appui aux politiques publiques de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail. Le programme porte sur l'évaluation et l'analyse des risques environnementaux pour la santé humaine, en population générale ou au travail. Il soutient également des projets relatifs aux risques pour les écosystèmes et à la qualité des milieux. Il couvre une vaste gamme de risques, depuis les risques émergents jusqu'aux risques connus, en passant par les risques complexes qui soulèvent encore des controverses scientifiques. Sauf exception, les projets retenus pour être réalisés sur 2 à 3 ans reçoivent un financement plafonné à 200 k. Le choix des projets à financer parmi ceux retenus par le Comité scientifique du programme est effectué par le Comité d'orientation du programme au sein duquel sont représentés les financeurs ainsi que des ministères impliqués dans le champ couvert par l'appel à projets et l'ANR. Au sein du PNR-EST, les projets relatifs aux perturbateurs endocriniens représentent de l'ordre de 10 % des projets financés par l'Anses depuis 2009. Ce sont souvent des prolongations de projets PNRPE. Ainsi, au cours des années 2013 à 2016, 17 projets consacrés aux perturbateurs endocriniens ont été financés67, ce qui correspond à la moitié des projets retenus sur les agents chimiques qui pèsent eux-mêmes environ le quart des projets retenus. Les moyens limités du PNR-EST et son champ très large font que le financement de chaque projet est plafonné à 200 k. Pour l'édition 2017 du PNR-EST, trois appels à projets ont été lancés, pour un montant total de financement de l'ordre de six millions d'euros 68. Le premier appel à projets, à vocation généraliste, couvre 13 questions de recherche dont les « agents chimiques et polluants émergents » qui englobe 11 sujets dont les perturbateurs endocriniens. Le thème des perturbateurs endocriniens
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La diminution des moyens de financement de l'ANR est de 30 à 50 % selon les références et les années.
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5 projets dédiés aux perturbateurs endocriniens en 2016, 5 en 2015, 2 en 2014 et 5 en 2013
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figure parmi ceux qui revêtent une importance particulière pour le comité d'orientation ou correspondent à des priorités des cofinanceurs de l'appel à projets selon les orientations suivantes :
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étude des effets des perturbateurs endocriniens sur l'homme et les écosystèmes ; développement de biomarqueurs d'effets spécifiques des perturbateurs endocriniens ; développement de méthodes d'essai permettant d'identifier des perturbateurs endocriniens et/ou de mieux connaître leurs effets ; meilleure prise en compte de la sensibilité particulière des enfants dans les tests de toxicité utilisés pour l'évaluation des substances et des produits ; meilleure prise en compte des spécificités des perturbateurs endocriniens en termes de fenêtre d'exposition critique, d'effets trans/intergénérationnels.
3.3. Favoriser le transfert de la recherche vers le monde économique
Afin que l'industrie puisse sécuriser le développement de ses nouveaux produits et procédés, en guidant les innovations vers des solutions dont l'innocuité pourra être évaluée plus tôt par des tests permettant d'évaluer le caractère perturbateur endocrinien des substances selon des méthodes mieux reconnues à l'international, la SNPE prévoit d'examiner l'hypothèse de la création d'une plate-forme public-privé d'évaluation et de pré-validation des méthodes de test des substances.
3.3.1. Des enjeux de compétitivité pour les entreprises
La création de cette plateforme a été confirmée par le PNSE3 dont l'action n°13 vise à acquérir des moyens d'identifier le caractère perturbateur endocrinien des substances chimiques par l'étude de faisabilité d'une plateforme public-privé pour la pré-validation de méthodes de tests des substances. Le projet a été soutenu par le Conseil national de la transition écologique (CNTE) qui a souligné l'intérêt pour la recherche et l'industrie d'« éviter des découvertes tardives de propriétés de perturbation endocrinienne » et a indiqué qu'au-delà de la maîtrise des enjeux de santé et d'environnement, le projet avait « des impacts en termes de compétitivité et d'emplois : capacité d'anticipation de l'industrie française, avantage comparatif sur d'autres pays, développement d'une offre nationale de laboratoires compétents, valorisation de la recherche nationale, etc. ». Dans sa communication sur la définition des perturbateurs endocriniens (COM 2016 350 final), la Commission européenne considère comme « critique » de renforcer le travail sur ce sujet pour disposer d'un panel d'essais « au plus tard en 2025 ». Le communiqué du 4 juillet 2017 des ministres chargés de l'écologie, de la santé et de l'agriculture réaffirme de nouveau l'intérêt de cette plate-forme et de son entrée en phase opérationnelle.
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Le premier appel à vocation généraliste est financé par l'Anses sur des budgets délégués par les ministères chargés de l'environnement et du travail, et associe plusieurs cofinanceurs : l'ADEME, l'ITMO Cancer de l'alliance AVIESAN dans le cadre du Plan Cancer. Il bénéficie également de crédits du plan Ecophyto II (crédits affectés à l'ONEMA devenue AFB) en fonction des moyens programmés pour l'axe dédié à la recherche et l'innovation de ce plan. Le deuxième appel à projets financé grâce au fruit d'une taxe sur les émetteurs radiofréquences, est dédié au thème "Radiofréquences et santé", qui fait l'objet d'une attention particulière compte tenu du besoin de connaissances sur ce sujet et de la nécessité d'élargir la communauté scientifique qui s'y intéresse. Pour la première fois, un appel à projets est dédié à la thématique « Antibiorésistance et environnement » (a priori non reconduit en 2018).
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3.3.2. Une plateforme sous forme de partenariat public-privé
En 2014, l'INERIS a été chargé d'étudier avec les industriels de la chimie, partenaires potentiels, la faisabilité et les conditions opérationnelles et de gouvernance de la plateforme de pré-validation de méthodes. Cette plateforme a pour rôle de recevoir des méthodes de toute nature (in vivo, in vitro et in silico)69 en phase finale de mise au point en aval de la recherche et de réaliser l'ensemble des opérations techniques permettant d'arriver à la validation auprès de l'OCDE ou de l'ISO 70. La prévalidation permet de vérifier la pertinence, la valeur ajoutée, la reproductibilité et la répétabilité de la méthode. Elle conduit à démontrer la qualité et l'opérationnalité d'une méthode en vue de sa validation multilatérale. Les activités de la plateforme portent sur la réalisation des étapes finales d'un essai soumis, la veille permanente des méthodes existantes et des instances européennes et internationales, l'instruction de la pertinence des essais proposés, l'organisation du processus de validation (répétabilité et reproductibilité), la décision de pré-validation et l'accompagnement du porteur de projet auprès de l'OCDE ou de l'ISO71. Les utilisateurs potentiels sont les institutions chargées des évaluations ou des classements, les industriels qui développent des produits de substitution, les secteurs qui produisent des rejets dans l'environnement et doivent prouver que ces derniers n'ont pas le caractère de perturbateurs endocriniens et enfin les acheteurs finaux. Cette plateforme nationale a toute sa place dans la réglementation internationale, car elle comble un vide. Le panel de méthodes validées disponibles est extrêmement limité à ce jour et la demande des opérateurs d'avoir un label de reconnaissance des essais est forte. En effet, s'il existe un certain nombre de méthodes déjà accessibles, elles restent à valider. C'est un besoin pour le secteur des développeurs de méthodes qui comprend de grandes entreprises, des startups issues de la recherche, ainsi que des entreprises dédiées aux essais.
3.3.3. Une étude faisabilité a été conduite en 2015
Elle a été prolongée par une journée de travail72 organisée conjointement par l'INERIS, le ministère de l'écologie et l'Union des industries chimiques (UIC) qui a réuni, le 30 juin 2016, industriels, chercheurs, administrations nationales, organismes nationaux, européens et internationaux, associations concernées par les perturbateurs endocriniens, afin d'examiner la faisabilité de création de la plate-forme. Pour faire suite aux travaux et propositions issues de cette journée, un groupe de travail constitué des parties prenantes (administration, ONG...) et des acteurs (développeurs de méthodes et industriels de la chaîne de valeur) a été mis en place. Il a proposé un projet concernant le contenu, la forme juridique, la gouvernance et le modèle économique de la plateforme. À ce stade, la réflexion a été uniquement menée à l'échelon national. Des partenariats internationaux envisagés notamment avec l'Allemagne n'ont pas encore été explorés. La plate-forme doit disposer d'installations expérimentales couvrant l'ensemble du champ et avoir accès à des moyens de mesure haut débit, notamment en génomique et transcriptomique. Si ces équipements existent déjà en grande partie sur le territoire national, ni l'INERIS ni aucun autre
69
Les essais in vitro portent sur du matériel cellulaire. Les essais in vivo sont des essais sur animaux (invertébrés, mammifères, amphibiens, poissons et oiseaux). Les méthodes de modélisation biologiques in silico les complètent. Les essais opposables dans les systèmes réglementaires doivent être validés au niveau multilatéral notamment par l'OCDE qui a en charge la rédaction des lignes directrices d'essais reconnues par ses États membres. Cette validation multilatérale peut prendre une dizaine d'années. En revanche, la plateforme ne développera pas de tests et n'exploitera pas elle-même les tests pour des évaluations de danger. Cette journée avait pour objectif de recueillir des éléments de parangonnage européens et internationaux et explorer les synergies et/ou approches conjointes ; d'identifier les besoins des parties prenantes ; de préciser l'intérêt d'essais pré validés par la plate-forme dans le cadre d'une future stratégie de testage ; de vérifier la reconnaissance et la recevabilité des tests pré validés ; d'identifier les clés du succès ou les freins à la mise en place d'une telle plateforme.
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centre technique ne dispose de tous les éléments. Un réseau d'opérateurs est donc nécessaire, accompagné d'une organisation opérationnelle solide. Outre les personnels faisant fonctionner ces équipements, des équipes spécifiques sont nécessaires pour organiser les essais, assurer la veille sur les méthodes et accompagner les porteurs de méthodes vers une validation multilatérale.
3.3.4. Le modèle économique de cette plateforme ne s'impose pas
Le coût de fonctionnement a été estimé à environ 0,8 M par an pour ce qui concerne l'identification des méthodes et la dissémination des méthodes pré validées qui mobiliseraient 5 ETP. L'essentiel du coût résiderait dans les essais validant les méthodes. Le coût a été estimé à 4 M (mobilisation de 18 ETP)73 sur la base de l'évaluation chaque année d'un essai in vivo léger, de deux essais in vitro complexes et de trois essais in vitro simples, auxquels il convient d'ajouter le coût d'essais et d'opérations de preuve de concept pour porter des méthodes trop immatures à un niveau suffisant pour permettre la pré-validation. Les modalités de financement de la plateforme restent en débat. Il ne semble pas réaliste d'imaginer que la plateforme puisse être financée par les développeurs de méthodes dans la mesure où les méthodes d'essais ne peuvent généralement pas faire l'objet de licences d'utilisation74. Un financement public-privé est à imaginer selon une logique d'intérêt général. Le financement public pourrait prendre la forme d'une subvention à l'opérateur de la plate-forme pour couvrir au moins les charges de base récurrentes75. Le financement privé pourrait couvrir tout ou partie des opérations de preuve et d'évaluation des méthodes dont le coût dépend du nombre d'essais à traiter, nombre qui fait débat. Il a été envisagé qu'une partie de ce coût puisse être supportée par les opérateurs d'essais participant aux travaux de validation et par des entreprises qui sponsoriseraient des méthodes qui leur seraient utiles. Cette pratique serait peu compatible avec une approche collégiale de la pré-validation bénéficiant à l'ensemble des entreprises concernées. Les acteurs industriels privilégient une mise en oeuvre à l'échelon européen qui pourrait bénéficier d'un soutien financier du Conseil européen de l'industrie chimique (CEFIC) 76. À défaut un partenariat devrait être envisagé avec des pays actifs en matière d'enregistrement de substances chimiques, l'Allemagne et les Pays-Bas en premier lieu.
3.3.5. Le continuum entre recherche, innovation et industrialisation reste à construire
Le manque de lisibilité des objectifs, des financements, des pilotes concernés constitue probablement un frein au développement et au partage de la connaissance sur ce sujet complexe. Aujourd'hui, nous connaissons un peu mieux une part des effets de ces produits sur l'environnement et la santé humaine qui apparaissent indissociables. Pour avancer et franchir une nouvelle étape, il convient de fédérer les moyens et de se mettre en situation de mieux favoriser le continuum entre recherche, innovation et industrialisation.
73
Le coût des opérations d'évaluation est estimé selon l'INERIS à respectivement 5, 10 et 15 fois celui de réalisation d'un essai in vivo léger (175 k), in vitro complexe (75 k), in vitro simple (25 k). Le coût annuel de réalisation des essais et opérations de preuve de concept est estimé à 0,5 M. Sur les 45 méthodes (validées ou non) décrites par l'OCDE seules 3 à 5 ont des éléments pouvant théoriquement faire l'objet d'une protection de la propriété intellectuelle. L'INERIS pourrait être l'opérateur de cette plateforme sous réserve de sa capacité à pouvoir recruter les personnels nécessaires qui ne devraient pas s'imputer sur son plafond d'emplois. L'Union des industries chimiques (UIC) est le membre français du CEFIC (European Chemical Industry Council).
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3.4. Renforcer la surveillance sanitaire et environnementale, via les enquêtes transversales, les dispositifs de surveillance épidémiologique, les cohortes et les observatoires.
La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (Art. 37 f) prévoyait la mise en place d'« un programme de bio surveillance permettant de mettre en relation la santé de la population et l'état de son environnement et d'évaluer les politiques publiques en matière de lien entre la santé et l'environnement." La bio surveillance, ou bio monitoring, est la détection de polluants dans un milieu au travers de leurs effets sur les organismes et sur les écosystèmes à l'aide de biomarqueurs77. Le principe de l'utilisation d'un « biomarqueur » est de rechercher la signature biologique de l'impact (actuel ou passé) ou de la présence d'un xénobiotique78 (perturbateur endocrinien) dans l'organisme, et non la mise en évidence directe de la cause. Les biomarqueurs peuvent aussi révéler un évènement (contact avec un toxique ou pathogène) passé. La SNPE prévoit qu'« une attention particulière sera portée aux résultats des enquêtes d'imprégnation des populations (Esteban....), des cohortes de surveillance sanitaire et environnementale (Elfe, Constances, E4N....) et des programmes de surveillance épidémiologique, en articulation fine avec la recherche et l'expertise ». La feuille de route gouvernementale pour la transition écologique issue de la conférence environnementale des 25 et 26 avril 2016 a confirmé que les études de bio surveillance doivent être développées dans le cadre de la recherche en santé-environnement (objectif 12c). En matière de surveillance sanitaire et environnementale, plusieurs types d'actions sont menées :
· ·
la surveillance de la contamination des compartiments de l'environnement ; la surveillance des imprégnations des populations au moyen d'études de bio surveillance incluant le dosage de biomarqueurs d'expositions aux substances suspectées d'être à l'origine de perturbations endocriniennes ; la surveillance épidémiologique visant à décrire des évènements sanitaires en lien avéré ou suspecté avec les perturbateurs endocriniens (survenue de pathologies, mais aussi effets précoces détectables biologiquement), afin notamment d'en surveiller les tendances temporelles et spatiales et d'évaluer l'efficacité des politiques de prévention.
·
Si la bio surveillance de la santé humaine est explicitement identifiée dans les orientations de la SNPE et a fait l'objet de présentations lors des deux réunions annuelles de suivi, il n'en est pas de même pour ce qui concerne la surveillance de la santé des écosystèmes. Pour autant, la mission s'est efforcée d'identifier les actions conduites sur les populations humaines et les écosystèmes.
3.4.1. La surveillance de la présence des perturbateurs endocriniens est hétérogène
Les populations humaines comme les biocénoses sont exposées à des contaminants susceptibles d'avoir des effets PE qui se trouvent dans les différents compartiments de l'environnement (eau, air, sols). L'homme est quant à lui également exposé à des contaminations par l'alimentation ou par des produits et objets du quotidien.
77
Un biomarqueur est un changement observable et/ou mesurable au niveau moléculaire, biochimique, cellulaire, physiologique, qui révèle l'exposition présente ou passée d'un individu a au moins une substance chimique à caractère polluant. Lagadic et al. (1997) Un xénobiotique est une substance présente dans un organisme vivant mais qui lui est étrangère : il n'est pas produit par l'organisme lui-même, ni par son alimentation naturelle.
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3.4.1.1.
La surveillance dans l'environnement est hétérogène selon les milieux
Bien organisée et en évolution dynamique sur les milieux aquatiques, engagée sur l'air intérieur, elle reste ponctuelle sur l'air extérieur et inexistante pour ce qui concerne les sols. La surveillance des PE dans les milieux aquatiques s'organise La directive cadre européenne qui détermine les modalités de surveillance des masses d'eau depuis 2000 permet de suivre certaines substances à effet PE
Il n'existe pas de volet spécifique aux perturbateurs endocriniens dans la directive cadre sur l'eau (DCE) 2000/60/CE qui détermine les modalités de la surveillance des masses d'eau. Pour autant, certaines substances susceptibles d'avoir un effet PE79 sont incluses dans la liste des substances faisant l'objet d'un suivi régulier pour caractériser l'état chimique et/ou écologique des eaux au titre de cette directive ou de ses directives filles (directive 2008/105/CE, directive 2013/39/UE)80. Selon une approche basée sur l'appréciation d'un risque, toutes ces substances sont dotées d'une norme de qualité environnementale (NQE) qui correspond à la concentration qui ne doit pas être dépassée dans l'eau, les sédiments ou le biote afin de protéger la santé humaine et l'environnement. La NQE vise à la protection des organismes pélagiques et benthiques contre une écotoxicité directe, et à celle des prédateurs supérieurs contre un empoisonnement secondaire. Elle vise également à la protection de la santé humaine contre un risque d'intoxication via la consommation d'eau de boisson et contre un risque de surexposition à des contaminants via la consommation de produits de la pêche. Une norme de qualité spécifique est déterminée pour chacun des objectifs de protection, la plus contraignante étant désignée comme la NQE81. Afin de compléter les données acquises dans le cadre des réseaux de surveillance sur des contaminants chimiques (dont certains perturbateurs endocriniens) déjà réglementés dans le cadre de la DCE, le premier plan national sur les micro-polluants dans l'eau 2010-2015 a permis de mener des actions de surveillance de substances susceptibles d'avoir un effet PE. Au titre de l'action 16 de ce plan, une étude prospective financée par l'Onema a été menée en 2012 pour rechercher des contaminants émergents dans les eaux de surface. Elle a permis d'acquérir des données originales sur l'occurrence et les niveaux de concentration de certains PE dans les eaux de surface de plus de 100 sites présentant des situations contrastées en termes de pressions (type et intensité). En effet, parmi la centaine de substances recherchée dans le cadre de cette étude figuraient les substances prioritaires de la feuille de route pour la transition écologique résultant de la Conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012 :
· · ·
les phtalates dont la principale toxicité se manifeste sur la reproduction, ce qui les rend préoccupants pour le maintien des populations des écosystèmes, le bisphénol A82 ; les parabènes.
79
PCB, PBDE, dioxines et furanes, benzo[a]pyrène, anthracène, cadmium, plomb, TBT, DDT et ses métabolites, lindane, endosulfan, atrazine, 2,4-D, etc. Le bon état des eaux est évalué selon les critères de la DCE sur 85 substances ou familles de substances (53 pour l'état chimique et 32 pour l'état écologique). La liste des substances prises en compte pour évaluer l'état chimique est révisée tous les quatre ans au niveau européen en distinguant les substances prioritaires et des substances prioritaires dangereuses qui doivent être éliminées. Toutes ces substances sont dotées d'une norme de qualité environnementale (NQE), sans laquelle cette évaluation n'est pas possible. Elles sont listées dans les tableaux 16 et 17 de l'annexe 2 de l'arrêté du 7 septembre 2015, modifiant l'arrêté du 25 janvier 2010, établissant le programme de surveillance de l'état des eaux en application de l'article R 212-22 du code de l'environnement. Les valeurs de NQE sont indiquées dans l'arrêté du 25 janvier 2010 sur les critères d'évaluation de l'état des eaux (tableaux 45 et 46 pour les polluants de l'état écologique, tableau 88 pour les substances de l'état chimique). Elles sont accessibles sur le portail des substances chimiques géré par l'INERIS. Le Bisphénol A a été retrouvé avec une fréquence de dépassement du seuil de 0,1 g/L aux alentours de 10 % dans les eaux de surface et dans les eaux souterraines.
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Des hormones synthétiques et naturelles reconnues pour leur potentiel oestrogénique élevé (éthinylestradiol, estradiol, estrone) ont également été recherchées. Ces substances ont ensuite été placées sur la liste des substances pertinentes à surveiller de manière cyclique au titre de la directive cadre sur l'eau 83. Pour ces substances, l'INERIS développe des valeurs seuils qui n'entrent pas dans l'évaluation de l'état des eaux, mais qui constituent néanmoins des valeurs guides environnementales (VGE) sur la toxicité des molécules dans l'eau ou les sédiments. Dans le cadre de l'étude prospective mentionnée ci-dessus, des outils biologiques développés par l'INERIS (bio essais in vitro et in vivo) ont été testés sur des échantillons d'eau et de sédiments, pour en éprouver le caractère opérationnel, mais également pour établir le « profil toxicologique » de ces échantillons à partir de la détection de différentes activités biologiques de type PE (activités oestrogénique, androgénique et anti-androgénique, glucocorticoïde, ligands du récepteur des prégnanes). Les premières mentions de la SNPE apparaissent dans le « plan micro-polluants » 2016-2021
Il a cependant fallu attendre le nouveau « plan micro-polluants »84 2016-2021 pour que soient officiellement prévues plusieurs mesures faisant explicitement référence à la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Le travail de surveillance prospective des molécules émergentes prioritaires dans les rivières, nappes et eaux littorales et dans les eaux destinées à la consommation humaine se poursuit dans le cadre de l'action 26 de ce plan qui correspond également à l'action n°32 du PNSE3 85. L'Agence Française pour la biodiversité (AFB ex-ONEMA) a ainsi engagé une nouvelle étude prospective en 2017 pour un montant de l'ordre de 2,5 M. L'action n° 34 de ce même plan micro-polluants prévoit de « Construire des valeurs de référence et des méthodologies pour mieux juger de la qualité des eaux de surface et souterraines prenant en compte les perturbateurs endocriniens et les métabolites pertinents ». L'objectif principal vise à rassembler les connaissances en matière d'identification des dangers afin de construire des valeurs de référence pour les molécules86. Un examen de plus de 240 dossiers NQE/VGE montre que, pour plus de 76 substances chimiques présentant des propriétés de perturbation endocrinienne, cet effet n'est pas pris en compte dans le processus d'élaboration de la norme 87. À ce titre une étude exploratoire sur la prise en compte des effets PE dans la construction des normes de qualité environnementale (NQE) et des valeurs guides environnementales (VGE) dans le contexte de la DCE est en cours dans le cadre du partenariat INERIS-AFB. Cette action s'accompagne de développements méthodologiques afin de fournir aux gestionnaires des outils et valeurs adaptés à la mise en oeuvre de ces seuils, pour mieux juger la qualité des eaux de surface
83
Les substances pertinentes (annexe III de l'arrêté du 25 janvier 2010 établissant le programme de surveillance de l'état des eaux en application de l'article R. 212-22 du code de l'environnement) sont recherchées notamment pour préciser les niveaux de présence et de risque associés à ces substances, en vue d'une possible inclusion dans les listes de polluants spécifiques (substances dites dangereuses au sens de l'annexe IX et substances prioritaires au sens de l'annexe X de la directive cadre sur l'eau) utilisés pour évaluer l'état chimique et l'état écologique des eaux de surface au regard du respect de normes de qualité environnementales (NQE) par le biais de valeurs seuils. Le plan sur les micro-polluants a vocation à intégrer toutes les molécules susceptibles de polluer les ressources en eau (eaux de surface continentales et littorales, eaux souterraines), mais aussi le biote, les sédiments et les eaux destinées à la consommation humaine. De manière plus générale, les actions 36 à 39 du plan micro-polluants qui visent à dresser des listes de polluants sur lesquels agir sont susceptibles de prendre en compte des substances à effet PE. La construction de valeur seuils dans différents milieux (eaux continentales et marines, eaux de surface et souterraines) est nécessaire pour répondre aux objectifs de la directive cadre sur l'eau et doit prendre en compte ses nouvelles dispositions en termes de matrices à surveiller (eau et biote). Par ailleurs, il est nécessaire de prendre en compte la perturbation endocrinienne. Via la sélection de réponses biologiques caractéristiques d'un effet PE dans le jeu de données (éco) toxicologiques servant au calcul de la NQE, ou le recours à un facteur de sûreté supplémentaire abaissant la NQE en application du principe de précaution.
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et souterraines, notamment pour prendre en compte les perturbateurs endocriniens ainsi que les métabolites. Pour pallier aux limites inhérentes à la chimie analytique 88, l'utilisation d'outils biologiques basés sur le mécanisme d'action des toxiques peut fournir des informations nouvelles dans l'évaluation de la qualité chimique des milieux aquatiques, tant du point de vue de la connaissance et de la caractérisation des contaminants d'intérêt (éco) toxicologique (par ex. criblage à haut débit d'activités PE dans des échantillons environnementaux à l'aide de bio essais in vitro), que de leurs impacts à l'échelle de l'organisme au laboratoire (bio essais in vivo), ou dans le milieu naturel (biomarqueurs sur espèces autochtones). Dans ce contexte, l'AFB soutien depuis 2014 une action menée par l'INERIS, dont l'ambition est de contribuer à la validation d'une méthodologie d'évaluation d'oestrogènes-équivalents au sein de matrices environnementales complexes à l'aide de bio essais in vitro. Un état de l'art des méthodes actuellement utilisées pour mesurer le potentiel oestrogénique de matrices environnementales de type sédiment, effluent, et eau de surface est disponible. Il présente les grands principes de la méthodologie et identifie les étapes techniques clés qui peuvent être sources de variabilité entre laboratoires, dans la perspective d'un futur développement normatif. Les performances relatives de ces bio essais in vitro, en termes de sensibilité, de précision et de robustesse sont comparées dans le cadre d'un essai inter-laboratoire impliquant plusieurs partenaires européens, à partir d'échantillons d'eau de surface et de rejets provenant de 7 États membres de l'UE89. De tels bio essais sont un moyen de pallier aux limites de l'approche analytique substance par substance. Ils sont bien adaptés au cas des PE, car ils permettent de prendre en compte les mélanges à faibles doses et de détecter des perturbations des mécanismes d'action des toxiques. Une évolution des dispositifs de surveillance de l'état des milieux aquatiques avec un recours accru aux bio essais est prévisible. Les bio essais in vitro développés sur le compartiment eau pourraient être également utilisés pour l'air et les sols. Trois campagnes de mesure se sont intéressées aux effets des phtalates et des polybromés présents dans l'air intérieur
Trois principales campagnes de mesures ont investigué plusieurs substances appartenant aux familles des phtalates et des polybromés90 :
·
en 2014 ont été publiés les résultats d'une étude menée au sein de la cohorte Pélagie sur les concentrations de plusieurs composés organiques semi-volatils dans l'air (phases gazeuse et particulaire) et dans les poussières sédimentées de 30 logements localisés en zone périurbaine et en zone rurale du département de l'Ille-et-Vilaine : sur neuf polybromés mesurés, quatre congénères (BDE 47, 99, 100 et 209) ont été quantifiés dans respectivement 90 %, 90 %, 53 % et 3 % des échantillons91 ; sur huit phtalates mesurés, cinq (DEHP, DBP, DiNP, DiBP, BBP) ont pu être quantifiés avec des proportions entre 93 % et 100 % en phase particulaire et entre 10 % et 100 % en phase gazeuse ; en 2016 ont été publiés les résultats de mesure des concentrations de soixante-six composés organiques semi-volatiles92 dans la phase particulaire de l'air d'un échantillon représentatif du parc de logements français sur les huit polybromés mesurés (BDE 28, 47,
·
88
Les méthodes et critères actuellement utilisés pour évaluer l'état chimique ne rendent que partiellement compte du « risque chimique », dû au fait que seule une fraction des contaminants présents dans l'environnement sont recherchés et mesurés (i.e. liste finie de substances prioritaires), et que les effets de la combinaison de ces substances et de leurs produits de dégradation au sein de mélanges ne sont pas pris en compte. La participation de l'INERIS à cette activité est assurée, pour partie, par un financement de l'AFB. Aucune donnée en France n'est actuellement disponible pour documenter la contamination de l'air intérieur par les perfluorés. A l'exception du BDE 209, ils étaient exclusivement en phase particulaire.
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85, 99, 100, 119, 153 et 154), tous ont pu être quantifiés, à l'exception du BDE 119, dans des proportions variant de 1 % à 88 % ;
·
le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) coordonne une campagne nationale de mesures de plusieurs polybromés et phtalates dans l'air et les poussières déposées au sol dans un échantillon représentatif de 600 salles de classe en France métropolitaine. Seuls les résultats d'une phase pilote sur 90 classes d'Ille-et-Vilaine sont disponibles : sur les quatre polybromés recherchés, les BDE 85 et 119 n'ont jamais été quantifiés et les concentrations de BDE 99 et 100 sont quasi systématiquement inférieures aux limites de quantification ; les cinq phtalates (BBP, DBP, DEHP, DiBP et DiNP) ont tous été quantifiés à 100 % à l'exception du DiNP qui l'a été à 98%.
En revanche, aucune donnée n'est actuellement disponible en matière de contamination de l'air intérieur par les perfluorés en France. La connaissance des effets PE de la contamination de l'air extérieur n'a pas progressé
La connaissance de la contamination de l'air extérieur par des substances susceptibles d'avoir des effets perturbateurs endocriniens est très limitée et elle n'a pas progressé depuis l'adoption de la SNPE :
·
seules deux études, antérieures à l'adoption de la SNPE et très localisées, ont permis de mesurer des polybromés sur des prélèvements d'air extérieur : la première étude menée de mars à mai 2008, à Paris (1 seul site), sur des périodes d'une semaine consécutive (8 séries de mesures) a mesuré huit PBDE (BDE47, 99, 100, 153, 154, 183, 205, 209) ; la seconde étude réalisée à Paris, en banlieue parisienne (Lognes) et en région parisienne (forêt de Fontainebleau) a permis de mesurer le BDE 47, BDE 209, la somme des 8 PBDE et le TBBPA ; trois études ont permis de mesurer des phtalates (DBP, le BBP, le DEHP, le DMP, le DEP et le DnOP).
·
Aucune donnée n'est actuellement disponible pour documenter la contamination de l'air extérieur par des perfluorés. L'ANSES a publié le 19 octobre 2017 les résultat d'une expertise collective demandée par les ministères en charge de l'agriculture, de l'écologie, de la santé et du travail en vue de la mise en place d'un dispositif national de surveillance des pesticides dans l'air ambiant. Cette expertise conduit à la publication d'une liste de 90 substances prioritaires à surveiller dans l'air ambiant qui devra être complétée ultérieurement au regard du risque pour les écosystèmes. La liste distingue des substances hautement prioritaires dont la pertinence de la surveillance est d'ores et déjà affirmée et d'autres pour lesquelles cette pertinence reste à confirmer après des explorations complémentaires. Certaines de ces substances sont suspectées d'effet PE. L'ANSES recommande la définition d'un protocole harmonisé de mesure des pesticides dans l'air ambiant. Pour cela, elle préconise une campagne exploratoire dont le protocole sera défini par le Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air (LCSQA) sur la base de tests métrologiques qui sont en cours. Cette campagne est prévue par le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) adopté en mai 2017. A son issue, les experts recommandent la réalisation d'un retour d'expérience destiné à choisir les molécules prioritaires, les situations d'exposition à prendre en compte, ainsi que les critères de classification et de sélection des sites à surveiller. Aucune campagne de surveillance des sols ne semble avoir été menée en France La contamination dans les sols est documentée pour le BPA et les phtalates uniquement à partir des données de la littérature scientifique. Ces informations n'ont pas été recherchées pour les autres composés. Hormis des études ponctuelles dans le cas de sites pollués, aucune campagne de surveillance ne semble avoir été menée en France dans ce compartiment de l'environnement.
92
Ces composés appartiennent à différentes familles chimiques : pesticides, phtalates, polychlorobiphényls (PCB), PBDE, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), alkylphénols, bisphénols, muscs synthétiques, tributylphosphate, triclosan.
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3.4.1.2. La surveillance de la contamination de l'alimentation est cadrée réglementairement La surveillance de la contamination des aliments par les substances est régulièrement assurée, dans un cadre réglementaire, au travers de plans de contrôle et de plans de surveillance. Cette connaissance peut être complétée et renforcée par des études de l'alimentation totale (EAT) qui s'appuient sur une méthode standardisée, recommandée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Agence européenne de sécurité de l'alimentaire (European food safety authority-EFSA). Elles visent à rechercher différentes substances susceptibles d'être présentes dans les aliments « tels que consommés ». Les résultats de l'étude alimentation totale EAT2 ont été publiés en 2011. Les concentrations dans les aliments de nombreux composés PE ont été déterminées, notamment les composés de la famille des PCB et de celle des perfluorés, différentes mycotoxines et pesticides.... Une évaluation de l'exposition alimentaire des femmes enceintes de la cohorte EDEN aux contaminants étudiés dans l'EAT2 a montré un bon niveau global de maîtrise sanitaire. L'étude EATi (alimentation infantile de 0 à 3 ans) publiée en 2016 par l'Anses a permis de déterminer les concentrations dans les aliments de nombreux composés soupçonnés d'être des PE, notamment le BPA, les phtalates, certains alkylphénols, les composés de la famille des PCB et de celle des perfluorés, différentes mycotoxines et pesticides.... L'étude CONTA-LAIT (enfants allaités) initiée début 2013 par l'Anses en partenariat avec l'AP-HP aura permis d'estimer la contamination d'échantillons de lait maternel à différentes substances chimiques. Dans le cadre de cette étude, plusieurs substances susceptibles d'être des PE ont été analysées dont les composés de la famille des PCB, dioxines, furanes, des retardateurs de flammes bromés et des perfluorés. Dans le cadre de l'étude Kannari l'analyse de la contamination de denrées alimentaires par le chlordécone permettront d'évaluer les expositions des populations antillaises et de caractériser les risques. Enfin, des analyses sont régulièrement réalisées sur les eaux destinées à la consommation humaine. Les résultats montrent par exemple que l'apport par les eaux destinées à la consommation humaine ne contribue pas de manière significative à l'exposition au BPA. Une campagne nationale portant sur la recherche et le dosage d'une dizaine de phtalates dans les eaux destinées à la consommation humaine est réalisée en 2017 par l'Anses. L'agence a également publié en 2014 une synthèse sur les polybromés. 3.4.1.3. Il n'existe pas de dispositif permanent de surveillance des produits et articles Il n'existe pas de dispositif permanent de surveillance de la présence de substances susceptibles d'avoir des effets PE en dehors des plans de contrôle du respect de la réglementation (substance interdites). Cependant, sur la base des résultats d'enquêtes de filière, certaines catégories de produits contenant des substances potentiellement PE ont été identifiées. Des études spécifiques ont été réalisées, notamment par l'Anses en partenariat avec la DGCCRF, pour déterminer les expositions à ces substances via les produits de consommation. Une expertise a été publiée par l'Anses en octobre 2015 sur les effets sanitaires et environnementaux potentiels des retardateurs de flamme utilisés dans les meubles rembourrés. Elle a montré que plusieurs des 22 substances identifiées présentaient en expérimentation animale une toxicité avérée ou suspectée sur la reproduction, un effet potentiel de perturbation endocrinienne, des effets sur la thyroïde ou sur le système immunitaire, ou sont potentiellement cancérogènes ou neurotoxiques. En conclusion, l'agence a recommandé de ne pas généraliser le traitement des meubles rembourrés par des retardateurs de flamme. Les résultats d'une expertise de l'Anses sur la présence de phtalates ou de substances de substitution dans les jouets et articles de puériculture en plastique souple pouvant être mis en bouche par les enfants de moins de 3 ans ont été publiés en 2016. Un scénario d'exposition
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réaliste à trois des substituts de phtalates identifiés (ATBC, DINCH, DEHTP) présents dans les jouets en PVC testés ne mettent pas en évidence de risque sanitaire pour les enfants exposés via la mise en bouche de jouets.
3.4.2. La surveillance sanitaire et la bio surveillance humaine intègrent désormais explicitement le suivi des effets PE potentiels
Santé publique France (SpF) est l'opérateur de référence pour plusieurs objectifs de la SNPE :
· · ·
le programme de bio surveillance qui relève et suit l'évolution de biomarqueurs d'imprégnation, la surveillance épidémiologique des facteurs de la reproduction humaine, la surveillance plus spécifique de populations professionnelles qui pourraient être particulièrement exposées à des PE.
La SNPE fait également référence à des dispositifs plus généraux pouvant contribuer à la surveillance sanitaire (les cohortes ELFE, Constances, E4N). 3.4.2.1. Le programme national de bio surveillance livre ses premiers enseignements Le volet périnatal de l'étude longitudinale française depuis l'enfance (Elfe) décrit les niveaux d'imprégnation des femmes enceintes
ELFE, première grande cohorte d'enfants suivis depuis la naissance née en France métropolitaine, est pilotée par l'INED et l'INSERM et financée par le plan d'investissement d'avenir, L'objectif général est de suivre 18 322 enfants et leurs parents, inclus dans l'étude à leur naissance en 2011, pendant 20 ans, afin d'étudier comment l'environnement influence le développement, la santé et la socialisation des enfants. L'environnement est évalué au niveau familial, socio-économique, géographique, physico-chimique et l'étude des interactions entre ces différentes dimensions est au coeur de l'étude Elfe. Le programme national de bio surveillance comporte un volet périnatal s'appuyant sur un souséchantillon de femmes enceintes incluses dans le volet biologique de la cohorte Elfe. L'objectif de ce volet, qui correspond à un échantillon transversal de femmes enceintes incluses dans la cohorte Elfe est d'estimer l'exposition des femmes enceintes à certains polluants présents dans l'environnement, notamment les polluants organiques, et de quantifier si possible les déterminants de ces niveaux d'imprégnation. Cette estimation repose sur le dosage de biomarqueurs dans des prélèvements biologiques recueillis en maternité chez des femmes ayant accouché en France continentale en 2011. Le volet périnatal a permis de décrire pour la première fois l'imprégnation des femmes enceintes françaises par certains polluants organiques de l'environnement et de quantifier, lorsque cela était possible, les déterminants de ces niveaux d'imprégnation. Il ne permet pas de décrire les effets des imprégnations. Le tome I du rapport, publié en décembre 2016, présente les niveaux d'imprégnation par le bisphénol A, les phtalates et les pesticides mesurés dans les urines, ainsi que les déterminants de ces niveaux d'imprégnation. Il présente également les concentrations sériques en dioxines, furanes, polychlorobiphényles (PCB), retardateurs de flamme bromés et composés perfluorés mesurés chez un sous-échantillon des femmes enceintes incluses dans Elfe. Les éventuelles variations temporelles et géographiques des niveaux d'imprégnation par ces polluants organiques ont été étudiées par une comparaison avec les résultats d'études antérieures menées en France et à l'étranger. À ce stade, il n'y a pas de signaux justifiant une alerte des pouvoirs publics. La présence dans l'organisme de la mère d'un biomarqueur de polluant de l'environnement ne signifie pas qu'un effet néfaste sur la santé est attendu pour elle ou l'enfant à naître.
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L'interprétation du risque sanitaire associé au niveau de concentration du biomarqueur fait appel à un ensemble de connaissances, issues de la toxicologie, de l'endocrinologie, de l'épidémiologie, de la pharmacocinétique, des études d'exposition et d'évaluation de risques. Pour certains polluants organiques, des seuils sanitaires appliqués à la bio surveillance ont été développés par des instances françaises ou internationales (Anses, OMS, Commission allemande de bio surveillance, etc.). Ces seuils correspondent à la concentration en biomarqueur en dessous de laquelle, selon les connaissances actuelles, il n'y a pas d'effets défavorables documentés sur la santé. Néanmoins, un dépassement de cette concentration ne signifie pas nécessairement qu'il existe un risque avéré sur la santé ; ceci est le cas pour les valeurs seuil dites HBM-I qui sont considérées comme des niveaux de contrôle. À l'inverse, des concentrations inférieures à ces seuils n'écartent pas de façon certaine l'apparition d'effets défavorables sur la santé. La publication du tome 2 (traitant des composés inorganiques) est programmé pour décembre 2017. Un tome 3 est prévu pour la fin 2018. Les résultats des mesures d'imprégnation sont une base pour que l'ANSES entreprennent des travaux caractérisant les effets, définissant des biomarqueurs d'effet et mène des analyses de risque. Il apparaît également opportun de travailler en amont avec les laboratoires sur un accord cadre structurant un réseau de laboratoires compétents en bio surveillance et pour incorporer quelques biomarqueurs d'effets. ESTEBAN (Étude de SanTé sur l'Environnement, la Bio surveillance, l'Activité physique et la Nutrition) est l'étude transversale du programme de bio surveillance.
Pilotée par un comité associant DGS, DGPR, DGT, Anses, InVS, et l'équipe projet Elfe, ESTEBAN est une étude nationale menée en France métropolitaine sur un échantillon aléatoire de 5 000 personnes, résidant en France continentale, âgées entre 6 et 74 ans. Elle porte sur plusieurs aspects de la santé : l'exposition à certaines substances de l'environnement, l'alimentation, l'activité physique et certaines maladies chroniques ou facteurs de risque (diabète, allergies, maladies respiratoires, hypertension artérielle, hypercholestérolémie...). Construite pour être répétée, Esteban permet de recueillir, sur le long terme, des données pour développer une vision plus globale de la santé, qui associe environnement, alimentation, nutrition, activité physique et maladies chroniques. En compléments des questionnaires et examens cliniques, des prélèvements (sang, cheveux et urines) permettent de réaliser le dosage de paramètres biologiques et nutritionnels (numération formule sanguine (NEFS), créatininémie, glycémie à jeun, bilan lipidique, hémoglobine glyquée, ferritine et transferrine, folates...), et le dosage de biomarqueurs environnementaux (métaux, cotinine, pesticides, perfluorés et polybromés, dioxines et PCB, phtalates, bisphénol A, etc.). Sont ainsi mesurés les niveaux d'imprégnation de la population par une centaine de substances retenues au regard de leurs impacts présumés et/ou observés sur la santé. Les données recueillies lors de l'enquête ont été appariées avec les données disponibles dans le système d'information inter-régime de l'assurance maladie (SNIIRAM) 93 et le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI)94. Cette enquête permet ainsi de décrire l'état de santé de la population à un moment donné tout en explorant son niveau d'imprégnation aux polluants environnementaux. L'étude ESTEBAN s'inscrivait initialement dans le cadre du programme national nutrition santé mis en place par le ministère en charge de la Santé. Elle fait suite à l'étude nationale nutrition santé (ENNS) menée en 2006 et certains indicateurs ont déjà fait l'objet d'un premier recueil. L'enquête a démarré en avril 2014 et les premiers résultats sont annoncés pour l'année 2017.
93
SNIIRAM est une banque de données permettant l'enregistrement des actes et prestations couvert par l'assurance maladie PMSI est une base de données collectant les motifs d'hospitalisation et les actes associés, base de la facturation des séjours hospitaliers à l'assurance maladie
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94
L'intérêt d'une bio surveillance à l'échelon européen se concrétise par le programme HBM4EU
Lancée le 8 décembre 2016, l'initiative européenne de bio surveillance humaine (HBM4EU) est le résultat d'un effort conjoint de 26 pays et de la Commission européenne. L'objectif est de coordonner et faire avancer la bio surveillance humaine en Europe en fournissant des données sur l'exposition des citoyens aux produits chimiques et leurs effets sur la santé. Il s'agit d'harmoniser les protocoles d'études entre les pays, de partager les données disponibles, de construire un réseau de laboratoires, et de compléter par des études ciblées les données d'exposition de la population européenne à différentes substances chimiques. Pour la période 2017-2018, une liste de neuf groupes de substances a été établie. Le projet comporte également des objectifs de recherche et d'amélioration des connaissances sur les liens entre imprégnation et impact sur la santé, dans le but de développer des outils pour la gestion des risques liés aux substances chimiques et in fine de renforcer les réglementations européennes sur ces substances. Cofinancé par Horizon 2020, le projet HBM4EU regroupe 38 structures signataires auxquelles s'ajoutent près de 70 parties associées (« linked third parties ou LTP »). Il a démarré en janvier 2017 pour une durée de 5 ans sous la coordination de l'agence allemande pour l'environnement. En France, sont concernés l'INSERM, le CNRS, l'ANSES, l'INERIS, le CEA, SpF, l'INRS et l'INRA. 3.4.2.2. La surveillance épidémiologique des facteurs de la reproduction humaine et des cancers s'est organisée La surveillance épidémiologique d'indicateurs de la reproduction humaine est en place La SNPE comprend la surveillance épidémiologique nationale d'indicateurs de la reproduction 95 mise en place par Santé Publique France 96. Les objectifs de cette surveillance sont de produire des indicateurs épidémiologiques avec quantification des altérations sanitaires, analyse des tendances temporelles ou analyse des variations spatiales/spatio-temporelles ; de nourrir les discussions sur les hypothèses étiologiques ; d'appuyer les politiques publiques de gestion (estimation d'impact sanitaire, des coûts, ciblage de populations, identification des prises en charge sanitaire particulière) ; d'aider à l'évaluation future des politiques de prévention. SpF a exploré la faisabilité d'une surveillance d'indicateurs de la reproduction. Vingt-trois indicateurs potentiels de santé reproductive ont été passés en revue et classés pour leur lien avec les perturbateurs endocriniens en utilisant deux rapports internationaux ayant fait une « revue des revues » sur la question. Les indicateurs-clés les mieux classés étaient : le cancer de la prostate, le cancer du sein, le sex-ratio à la naissance, l'endométriose et les fibromes utérins, les indicateurs du syndrome de dysgénésie testiculaire (cancer du testicule, qualité du sperme, cryptorchidies, hypospadias), et la puberté précoce. À la suite de cette priorisation, Santé publique France a mis en place à l'échelle nationale, un programme de surveillance et d'analyses épidémiologiques de ces indicateurs-clés de la santé reproductive masculine et féminine. En utilisant prioritairement des bases de données existantes (données de l'Assurance maladie, registre d'assistance médicale à la procréation, données Insee...), SpF a analysé les tendances nationales relatives aux indicateurs du syndrome de dysgénésie testiculaire qui associe des malformations urogénitales du petit garçon (cryptorchidie, hypospadias) à une mauvaise qualité du sperme et une augmentation du risque de cancer du testicule à l'âge adulte, suspecté d'avoir pour origine une exposition précoce aux perturbateurs endocriniens97. Une surveillance de la puberté précoce98 a également été mise en place.
95
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé reproductive inclut la fertilité, mais aussi les processus, fonctions et systèmes reproductifs à tous les stades de la vie. Elle englobe ainsi les pathologies des organes reproductifs dont les cancers, les malformations urogénitales, les niveaux des hormones reproductives et les effets sur la reproduction intergénérationnels, voire transgénérationnels. Les sources de données utilisées sont entre autres le Système national d'informations inter-régimes de l'assurance maladie (Sniiram), le registre national des tentatives de FIV (Fivnat) ou encore les données de l'Insee.
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96
La surveillance épidémiologique des cancers ne permet pas à ce jour d'identifier la part attribuable aux PE
Une surveillance épidémiologique des cancers est réalisée. Les années 2014-2016 ont été marquées par la publication, pour la première fois en France, d'estimations régionales et départementales de l'incidence de neuf cancers chez l'homme et chez la femme 99. Cependant l'absence de données précises d'exposition ne permet pas d'évaluer la part attribuable à l'exposition aux perturbateurs endocriniens. 3.4.2.3. La surveillance spécifique des populations professionnelles cible plus explicitement les effets PE L'enquête de surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels (Sumer) vise à décrire l'ensemble des expositions des salariés sur leurs postes de travail (dont les produits chimiques), à caractériser ces expositions (durée et intensité), à évaluer l'évolution dans le temps des principales expositions et à éclairer les priorités en matière de prévention des risques professionnels. En 2016-2017, la liste des agents chimiques a été actualisée (perturbateurs endocriniens...). Cette enquête fait partie du dispositif d'enquêtes du ministère du travail (pilotage par la DARES) et concerne la santé et les conditions au travail. La première enquête Sumer s'est déroulée en 1987, à titre expérimental. Répétée tous les 7 ans, les enquêtes suivantes de 1994, 2003 et 2010 ont suivi une méthodologie commune, permettant de publier des évolutions. Une nouvelle vague d'enquête est en cours. Une des spécificités des enquêtes sur la santé au travail est d'éliminer le « bruit de fond » en termes d'imprégnations. S'il est aisé d'attribuer l'imprégnation d'un produit uniquement présent en environnement professionnel, c'est plus difficile en ce qui concerne des substances de caractère ubiquitaire. Ces études sont donc à rapprocher d'enquêtes en population générale, en l'occurrence ESTEBAN, qui permettent d'identifier le « bruit de fond ». 3.4.2.4. Les études de cohortes en population générale citées dans la SNPE (Constances, Coset et E4N) collectent des données potentiellement précieuses pour les recherches sur les effets PE La mission n'a pas identifié de projets menés à partir de ces cohortes qui s'inscrivent dans la surveillance sanitaire et la recherche sur les perturbateurs endocriniens. Constances est à l'échelle des plus importantes cohortes mondiales
97
Le taux de patients opéré du cancer du testicule était de 6,8/100 000 en 2012 avec une augmentation annuelle de l'incidence d'environ 2 % au cours de la période 2008-2012 ; le taux d'interventions chirurgicales en France métropolitaine pour des hypospadias (ouverture de l'urètre dans la face inférieure du pénis au lieu de son extrémité) s'est stabilisé à 1,03 pour 1000 enfants sur la période 2008-2013, alors qu'il avait augmenté de 1,2 % par an entre 1998 et 2008 ; le taux d'interventions chirurgicales pour des cryptorchidies ( absence d'un ou des deux testicules dans le scrotum) est de 2,5 pour 1000 enfants, en croissance annuelle de 2,68 % sur la période 2008-2013, alors qu'il était de 1,8 % sur la période 1998-2008. Une étude publiée en 2014 par SpF confirme une baisse de la qualité du sperme dans la majorité des régions françaises dont l'origine serait plutôt liée à un changement environnemental ayant touché la population française depuis l'après-guerre qu'à une évolution comportementale (tabagisme, alcoolisme, augmentation de poids). La puberté précoce pathologique est définie comme l'apparition de signes de puberté avant 8 ans chez les filles et 9 ans chez les garçons. Son incidence a été estimée à 2,68 pour 10 000 filles entre 2011 et 2013 et à 0,28 pour 10 000 chez les garçons. Les analyses spatiales mettent en évidence, de façon concordante chez les filles et les garçons, une hétérogénéité sur le territoire métropolitain, avec une sur-incidence sur une ligne « Midi-Pyrénées-Rhône Alpes ». L'interprétation de ces résultats est en cours de finalisation. Les neuf cancers chez l'homme touchent lèvres-bouche-pharynx, oesophage, côlon-rectum, larynx, poumon, prostate, testicule, lymphome malin non-hodgkinien, thyroïde et les neuf cancers chez la femme affectent lèvresbouche-pharynx, côlon-rectum, poumon, sein, col de l'utérus, corps de l'utérus, ovaire, vessie, thyroïde.
98
99
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Cohorte nationale en population générale, Constances a pour vocation de suivre 200 000 volontaires pour la recherche en santé le plus longtemps possible. L'objectif est de mettre en oeuvre une cohorte épidémiologique d'effectif important, représentative de la population générale adulte, destinée à contribuer au développement de la recherche épidémiologique. Constances est également un outil pour la surveillance épidémiologique, à travers un partenariat établi avec Santé publique France concernant plusieurs domaines, comme la surveillance épidémiologique des risques professionnels dans le cadre du programme Coset du Département Santé Travail (DST). Le projet Constances, mené grâce à la participation des Caisses Primaires d'Assurance Maladie et des Centres d'examens de santé, fait l'objet d'un partenariat entre l'Université Versailles Saint Quentin, l'Inserm, la CNAMTS (Caisse Nationale d'Assurance Maladie), la Cnav (Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse) et le ministère de la Santé (Direction générale de la santé). Lauréate du programme Investissements d'avenir, Constances bénéficie depuis 2012 d'un financement de l'Agence nationale de la recherche (ANR) en tant que « Infrastructure nationale de recherche en Biologie Santé » (INBS). En mars 2016, l'ANR a procédé, comme cela est la règle, à une évaluation du projet à mi-parcours afin de vérifier si son avancement était satisfaisant et si le financement devait être poursuivi. Il se crée des observatoires de la santé comme Constances partout en Europe, et les chercheurs travaillent ensemble de manière à pouvoir étudier certains phénomènes non pas sur 200 000 personnes mais sur 400 000 ou 600 000 personnes. Une collaboration particulièrement étroite est en place avec la cohorte nationale allemande, très similaire à Constances. L'étude de cohorte familiale E4N a pour but d'étudier la santé en relation avec le mode de vie moderne chez des personnes d'une même famille, sur trois générations.
À terme, E4N rassemblera trois générations : les femmes E3N100 et les pères de leurs enfants constituent la première génération (E4N-G1), leurs enfants, la deuxième (E4N-G2), et leurs petitsenfants formeront la troisième génération (E4N-G3). Elle recueille des données épidémiologiques (caractéristiques personnelles, mode de vie, état et suivi de santé), des données biologiques (ADN, biomarqueurs) et des données médicales (pathologies, actes médicaux, médicaments consommés). Le suivi des trois générations permettra de recueillir des informations sur les facteurs comportementaux et environnementaux à différentes périodes de la vie. L'objectif principal de l'étude E4N est d'étudier la santé en relation avec le mode de vie chez des sujets d'une même famille, ayant un terrain génétique et un environnement communs. L'étude a démarré en 2014, l'inclusion des enfants de 2éme génération est en cours, celle des petits enfants de la 3éme génération débutera en 2018. Une cohorte est dédiée pour la surveillance épidémiologique en lien avec le travail : COSET
Avec le programme Coset (Cohortes pour la surveillance épidémiologique en lien avec le travail, le Département santé travail (DST) de SpF a souhaité se doter d'un dispositif d'observation longitudinal destiné à améliorer la surveillance épidémiologique des risques professionnels. Ce programme a pour objectif de décrire la morbidité et son évolution en relation avec les facteurs professionnels à l'échelle de la population active en France. Il s'appuie sur des données de cohortes d'actifs et anciens actifs affiliés à l'un des trois principaux régimes de Sécurité sociale qui couvrent 95 % des actifs en France. Ce programme contribuera à identifier les métiers et les conditions de travail à risque pour la santé, à quantifier le poids des facteurs professionnels sur la santé des actifs et à proposer des recommandations en matière de prévention.
100
E3N, ou Étude Épidémiologique auprès de femmes de la MGEN (Mutuelle Générale de l'Éducation Nationale), est une enquête de cohorte prospective portant sur environ 100 000 femmes volontaires françaises nées entre 1925 et 1950 et suivies depuis 1990.
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3.4.3. Les recherches et études sur les effets des PE sur la santé humaine dépassent le seul cadre de la SNPE
Depuis mars 2009, l'Inserm a mis en place au sein de l'Institut thématique Santé Publique une cellule de coordination nationale des cohortes (CCNC), animée en partenariat avec l'Institut de Recherche en Santé Publique (IReSP). Cette cellule a pour objectif de fournir des services aux cohortes financées par des fonds publics, et de faciliter l'accès mutualisé aux données de ces cohortes à l'ensemble des communautés scientifiques intéressées. Certaines de ces études ciblent précisément les effets des PE sur la santé humaine. 3.4.3.1. L'étude PÉLAGIE étudie les effets d'expositions de la femme enceinte sur le développement intra-utérin et des conséquences sur la santé de l'enfant PELAGIE (Perturbateurs Endocriniens : Étude Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l'Infertilité et l'Enfance) a été mise en place pour répondre aux préoccupations de santé, en particulier celle des enfants, dues à la présence de composés toxiques dans les environnements quotidiens. Il s'agit d'un suivi d'environ 3500 mères-enfants réalisé en Bretagne depuis 2002. L'impact d'expositions prénatales à des contaminants (solvants, pesticides) sur le développement intra-utérin a été suggéré ; l'évaluation des conséquences sur le développement de l'enfant est en cours. L'étude PELAGIE s'intègre dans le réseau européen de cohortes mères-enfants, outil épidémiologique lourd et complexe, mais indispensable pour répondre aux préoccupations de santé publique. 3.4.3.2. L'étude EDEN suit les enfants du stade foetal à l'âge de 5 ans EDEN est une étude longitudinale dont le but dans un premier temps était de suivre une cohorte d'enfants dès la fin du premier trimestre de grossesse jusqu'à l'âge de 5 ans, en prenant en compte un large éventail de renseignements recueillis auprès de la mère, du père, lors des examens de l'enfant et en s'appuyant sur un recueil d'échantillons biologiques. Une publication récente101 sur cette étude confirme une corrélation entre imprégnation par des PE de la mère et troubles neuro-développementaux de l'enfant. 3.4.3.3. SEPAGES est une cohorte couple-enfant visant à caractériser l'exposition des femmes enceintes et enfants aux contaminants de l'environnement SEPAGES vise également à étudier et mieux comprendre l'effet éventuel de ces contaminants sur la santé de la femme enceinte, du foetus, et de l'enfant. Cette étude concerne en premier lieu l'impact de la pollution atmosphérique, de certains contaminants chimiques comme les perturbateurs endocriniens non persistants que sont les composés de la famille des phénols (bisphénol A et ses substituts, parabènes, triclosan, benzophénone...) sur la santé des femmes enceintes et celle de leurs enfants. 700 trios couple-enfant seront inclus dans l'étude, dès les premiers mois de grossesse et seront suivis plusieurs années. Une des originalités de l'étude SEPAGES est le suivi intensif des volontaires (à chaque trimestre de grossesse et à plusieurs reprises dans les premières années de vie de l'enfant) et de leur exposition aux polluants atmosphériques et chimiques avec l'utilisation d'outils de mesure individuels (GPS, accéléromètres, dosimètres concernant les polluants atmosphériques) et la constitution d'une biothèque.
101
Claire Philippat, Dorothy Nakiwala, Antonia M. Calafat, Jérémie Botton, Maria De Agostini, Barbara Heude, Rémy Slama, and the EDEN MotherChild Study Group. Prenatal exposure to non persistent endocrine disruptors and behavior in Boys at 3 and 5 years. Environ Health Perspect 15 Sept 2017, vol 125
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3.4.3.4. L'étude TIMOUN est une étude de cohorte ciblée sur l'impact d'exposition à la chlordécone de la femme enceinte L'objectif général de cette étude102 est d'évaluer l'impact sanitaire des expositions à la chlordécone sur le déroulement de la grossesse et le développement pré et postnatal. Cette cohorte est constituée d'un millier de femmes suivies avec leurs enfants depuis leur grossesse qui a eu lieu au cours de la période 2005-2007. Plus de 1000 femmes ont été incluses au cours de leur troisième trimestre de grossesse entre 2005 et 2007, principalement au CHU de Pointe à Pitre/Abymes et au centre hospitalier de Basse Terre. L'exposition à la chlordécone a été estimée par son dosage dans le sang maternel prélevé lors de l'accouchement. Ont été pris en compte l'âge, la parité, l'indice de masse corporelle avant le début de la grossesse, le lieu d'inclusion, le lieu de naissance des mamans, le statut marital, le niveau de scolarité, l'hypertension gestationnelle, le diabète gestationnel et d'autres polluants comme les PCB. L'exposition maternelle à la chlordécone a été retrouvée associée de manière significative à une durée raccourcie de grossesse ainsi qu'à un risque augmenté de prématurité, quel que soit le mode d'entrée au travail d'accouchement, spontané ou induit. Ces associations pourraient être expliquées par les propriétés hormonales, oestrogéniques et progestagéniques de la chlordécone. Les résultats publiés fin 2014103 montrent que l'exposition chronique à la chlordécone est associée à une diminution de la durée de gestation. 3.4.3.5. L'étude Kannari étudie les effets de la chlordécone sur la population antillaise Dans le cadre des actions du plan national chlordécone 104, l'imprégnation biologique par la chlordécone qui est considérée notamment comme reprotoxique et perturbateur endocrinien 105, a été mesurée au cours d'une enquête en population générale aux Antilles pilotée notamment par Santé publique France (volet imprégnation) et l'Anses (exposition alimentaire). Les résultats de l'étude publiés en 2014 et 2015 montrent que la population martiniquaise et guadeloupéenne est largement exposée à la chlordécone qui est toujours présente dans l'environnement et les produits de consommation alimentaire, et ce malgré l'arrêt de son utilisation depuis les années 1990. Par ailleurs, SpF a permis de reconstituer rétrospectivement une cohorte de travailleurs de la banane qui comporte plus de 14 000 personnes pour initier une surveillance épidémiologique de cette population qui a été exposée dans le passé à des niveaux élevés de chlordécone. Le croisement avec les données des bases médico-administratives pourrait être envisagé pour identifier des excès de risque de certaines pathologies chroniques du système endocrinien (diabète, cancers hormono-dépendants, etc.).
3.4.4. La surveillance des effets des perturbateurs endocriniens sur les écosystèmes
Alors que les perturbateurs endocriniens sont présents dans tous les milieux (eau, sol, air), la SNPE évoque de manière générale la surveillance des effets des perturbateurs endocriniens sur l'environnement sans indiquer d'action particulière sur les effets écotoxicologiques des PE. Différentes études ont pourtant permis d'observer un impact des PE sur l'environnement, et en particulier sur la faune, notamment la féminisation de populations de poissons ou le phénomène
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Cette étude est menée conjointement par l'Unité 1085 de l'Inserm et les services de gynécologie-obstétrique et de pédiatrie du CHU de Pointe à Pitre et en collaboration avec le centre de recherche du CHUQ à Québec (Canada), l'École de Psychologie de l'Université de Laval (Québec), le CART de l'Université de Liège (Belgique). Bulletin épidémiologique hebdomadaire n°34-35 (09/12/2014) pp 567-72 Plus de 90 % des échantillons de sérum dosés présentent des niveaux de concentration détectable de chlordécone. Compte-tenu, des faibles effectifs (743 adultes) et de la forte dispersion des poids de sondage, il existe néanmoins une incertitude entourant les résultats descriptifs dont l'ampleur et le sens sont inconnus. La chlordécone est un pesticide organochloré utilisé entre 1973 et 1993 en Martinique et en Guadeloupe comme insecticide dans la culture de la banane. Son utilisation a entraîné une pollution permanente des sols et des eaux et une contamination toujours présente de la chaîne alimentaire et de la population.
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de développement d'organes génitaux mâles chez les femelles (imposex) de gastéropodes marins, des atteintes osseuses chez les phoques, des malformations de l'appareil génital chez les cervidés et la diminution du nombre d'espèces de batraciens. Des travaux menés au titre du programme national de recherche sur les PE ont permis de préciser les connaissances sur les mécanismes d'action. Les molécules ayant un potentiel de perturbation endocrinienne sont particulièrement préoccupantes seules ou en mélange pour le maintien des populations. L'INERIS développe depuis plusieurs années un protocole de mesure de l'activité oestrogénique dans les matrices environnementales et, plus largement, un ensemble de biomarqueurs chez le poisson ainsi qu'un outil de synthèse des résultats (indice multi-biomarqueurs). Avec le soutien financier de l'AFB (Onema), l'INERIS a mené entre 2013 et 2015 une étude afin d'avoir une représentation du phénomène d'intersexualité 106 (occurrence, sévérité) des cyprinidés dans les cours d'eau de métropole qui pourrait résulter d'une exposition de ces poissons à des perturbateurs endocriniens107. Les premiers résultats obtenus n'ont pas permis de conclure définitivement quant à une relation entre la mesure constatée de l'intersexualité et l'évaluation des pressions environnementales, seule la pression agricole montrant un effet significatif sur la sévérité de l'intersexualité. Ce travail a été poursuivi en 2016 et 2017, notamment pour mettre en relation les résultats d'intersexualité avec les pressions observées sur le terrain. Les observations, en particulier chez le gardon, suggèrent fortement une implication de substances oestrogéniques et anti-androgéniques dans l'apparition de l'intersexualité, conséquence d'une « féminisation » des mâles. De façon à pouvoir interpréter correctement les résultats des études d'intersexualité, un cadre conceptuel a été proposé pour la validation de ce biomarqueur, première étape nécessaire avant le développement d'une norme. Ces actions correspondent désormais à l'action 29 du plan micro-polluants 2016-2021 qui vise à évaluer l'effet sur la flore et la faune aquatique des mélanges de micro-polluants, y compris ceux associés à la perturbation endocrinienne. Cette action est présentée comme s'inscrivant dans la mise en oeuvre de la SNPE. En dehors des milieux aquatiques, la mission n'a pas identifié de travaux engagés sur les effets des PE sur des biocénoses terrestres. Il ne semble pas y avoir de « culture de la chimie » dans les communautés de l'écologie terrestre qui inciterait à s'intéresser aux effets éventuels de substances PE sur l'évolution de l'état de conservation de certaines espèces. Une réflexion à un stade très préliminaire serait néanmoins engagée entre l'AFB et l'ONCFS pour étudier une éventuelle contamination des oiseaux en zone humide par des substances à usage phytosanitaire.
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L'intersexualité consiste en la présence à la fois de tissu gonadique mâle et femelle chez des espèces gonochoriques (c'est-à-dire pour lesquelles les individus sont soit des mâles, soit des femelles et ne changent pas de sexe durant leur vie). L'intersexualité peut mener à une diminution du succès reproducteur et (ultimement) à l'effondrement local de populations de poissons. Faisant suite à un premier échantillonnage réalisé en 2011-2012 sur 60 stations du Nord de la France, cette étude a porté sur 228 sites appartenant au réseau de sites surveillés au titre de la directive cadre sur l'eau. Sur chaque site 20 à 30 poissons sexuellement matures de la même espèce (en priorité goujon et vairon) ont été prélevés. Fin 2015, les prélèvements avaient été réalisés sur tous les sites. Les organes reproducteurs ont ensuite été analysés en laboratoire. Les résultats complets seront disponibles fin 2017.
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4. Bilan de l'axe 2 : Expertise sur les substances
La SNPE prévoit que « le Gouvernement amplifie la démarche d'évaluation des dangers et risques108 de substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens ou utilisées par des populations sensibles, via un programme d'expertise confié à l'Anses et l'ANSM » et précise : « La France prendra une part active dans le programme d'évaluation et d'expertise des substances, en y consacrant une part significative de l'action de ses agences d'évaluation (Anses et ANSM) dans le domaine des produits chimiques. Ainsi, le gouvernement confie à l'Anses un programme d'expertise portant sur au moins une quinzaine de substances chimiques sur 3 ans. En cohérence avec les travaux de l'Anses, les travaux d'expertise de l'ANSM sur les perturbateurs endocriniens seront accélérés. Cette dernière évaluera chaque année au moins 3 substances suspectées d'être perturbateurs endocriniens et présentes dans les produits relevant de son domaine de compétence et notamment dans les cosmétiques. » Cette orientation a été reprise dans l'action n°14 du PNSE3 : « évaluer de manière plus précise et ciblée, le danger et l'exposition des populations et de l'environnement à certaines substances perturbateurs endocriniens pour mieux les gérer ». Cette action est pilotée par la DGS et la DGPR, en partenariat avec l'ANSES, l'ANSM et l'INERIS.
4.1. L'activité d'expertise des substances susceptibles de générer des effets perturbateurs endocriniens était engagée avant la SNPE 4.1.1. En 2005, la Commission Européenne mandate le Danish Hydraulic Institute sur le sujet
Par lettre du 10 novembre 2005, la commission européenne (DG ENV) a sollicité le Danish Hydraulic Institute (DHI) pour mener une « Étude sur l'amélioration de la liste des priorités des perturbateurs endocriniens ». Deux études de ce type avaient été publiées en 2000 et en 2002. Le rapport du DHI a été publié le 04 juin 2007109. Cette révision a permis la mise à jour de la base de données et identifiait 428 substances classées en catégories 1,2 ou 3.
Tableau 1 :
Distribution en catégorie 1,2 ou 3 des substances incluses dans la base de données
Source : Study on enhancing the Endocrine Disrupter priority list with low production volume chemicals
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On définit le « danger» d'une substance chimique comme une propriété intrinsèque d'un agent chimique susceptible de provoquer un effet nocif. Le « risque » se définit quant à lui comme la probabilité que le potentiel de nuisance soit atteint dans certaines conditions d'utilisation et/ou d'exposition. Le risque s'évalue donc en confrontant le danger et l'exposition. Ces notions de danger et de risque font souvent l'objet de confusions dans le langage courant. Study on enhancing the Endocrine Disrupter priority list with low production volume chemicals. Disponible sur < http://ec.europa.eu/environment/chemicals/endocrine/pdf/final_report_2007.pdf
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4.1.2. Le deuxième plan national Santé-Environnement 2009-2013 mentionne explicitement les perturbateurs endocriniens
A partir de 2009, face aux interrogations de la société sur une possible dangerosité de certaines substances chimiques accessibles au grand public, le gouvernement a engagé des actions pour mieux connaître les perturbateurs endocriniens (PE) et diminuer l'exposition de la population française à ces substances. Ainsi, le Plan National Santé Environnement 2009-2013 (PNSE2) cible explicitement les PE dans l'action 18 « Mieux gérer les risques liés aux reprotoxiques et aux perturbateurs endocriniens ».
4.1.3. En 2009, le ministère de la santé sollicite l'Inserm pour une analyse des données disponibles sur les effets de certaines substances sur la reproduction.
Le travail d'un groupe pluridisciplinaire d'experts constitué d'épidémiologistes, de chimistes, d'endocrinologues, de biologistes spécialistes de la reproduction, du développement, de génétique moléculaire, a fait le point sur les connaissances disponibles. Les résultats de cette expertise collective110, publiés en juin 2015, retiennent cinq substances ou groupes de substances chimiques susceptibles d'effets sur la reproduction et largement représentés dans les produits de grande consommation : bisphénol A, phtalates, composés polybromés ou retardeurs de flamme, composés perfluorés, parabènes.
4.1.4. En 2009, la direction générale de la santé saisit également l'ANSM et l'ANSES pour évaluation des risques liés aux substances reprotoxiques ou potentiellement PE
En parallèle à cette expertise collective qui acte l'état des connaissances pour ces familles de substances, la Direction générale de la santé (DGS) a saisi en 2009 l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), dans leurs champs de compétences respectifs, afin qu'elles réalisent une évaluation des risques liés à ces substances en fonction de l'exposition à ces produits. 4.1.4.1. L'ANSES chargée d'évaluer une trentaine de substances présentes dans les produits de consommation courante L'ANSES devait identifier et caractériser des situations d'exposition potentiellement à risque liées à l'utilisation de produits de consommation courante et/ou d'articles contenant certaines substances chimiques classées reprotoxiques de catégorie 2111 (agents suspectés) ou considérées comme potentiellement perturbatrices endocriniennes. La demande portait sur une trentaine de substances. Les expertises se sont basées sur les dossiers d'enregistrement disponibles auprès de l'agence européenne des produits chimiques (ECHA), sur la littérature scientifique et sur les évaluations publiques existantes. Certaines conclusions ont été partagées avec un groupe d'experts européens de l'ECHA. La caractérisation des dangers a porté prioritairement sur la sphère de la reproduction. L'existence d'effets de perturbation endocrinienne autres n'a pas été spécifiquement recherchée. Au titre de cette saisine, l'Anses a défini une liste de 12 substances PE et/ou reprotoxiques de type 2 susceptibles d'être retrouvées dans des mélanges à usage du grand public qui devaient faire
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Expertise collective : Reproduction et environnement : Synthèse Paris : INSERM, juin 2011, 64 p. Selon le règlement (CE) N° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006, règlement dit « CLP ».
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l'objet d'une évaluation prioritaire. En mai 2014 un avis et un ensemble de rapports d'expertise ont été publiés par l'Anses sur les six substances suivantes112 : o-phénylphénol (OPP), toluène, nhexane, chlorure de cis-1-(3-chloroallyl)-3,5,7-triaza-1-azonia adamantane (cis-CTAC) et méthyltert-butyléther (MTBE). Un autre avis et des rapports d'expertise relatifs à la caractérisation des dangers et des expositions ont été publiés en décembre 2015 sur les six substances restantes : 4chloro-3-méthylphénol, du 4-nitrophénol, du 4-tert-octylphénol, du DEGME, du 4-tert-butylphénol et du 4-nonylphénol. L'Agence a également évalué des substances qui sont susceptibles de rentrer dans la composition de nombreux articles et, à ce titre, de se retrouver dans l'environnement. Ces substances appartiennent aux familles de composés perfluorés113, phtalates114, polybromés115 et bisphénols116. En mars 2015, l'Anses a publié des synthèses des données relatives à la toxicité, aux sources d'exposition, à la contamination de différents milieux des substances des familles des phtalates et des perfluorés. Un travail identique a été publié en août 2017 sur les substances de la famille des polybromés. Des expertises sur le BPA et les autres composés de la famille des bisphénols avaient été publiées par l'Anses avant l'adoption de la SNPE, en 2011 et 2013. De manière plus générale, les travaux d'expertise sur les perturbateurs endocriniens ont permis des développements méthodologiques pour mieux décrire les incertitudes et renforcer le poids des preuves dans les travaux d'évaluation des risques sanitaires. Un rapport a été publié en novembre 2016 sur le traitement de l'incertitude dans le processus d'évaluation des risques sanitaires des substances chimiques. L'ANSES participe par ailleurs aux réflexions internationales sous l'égide de l'OMS en vue de développer de nouvelles méthodologies d'évaluation des risques reconnues au niveau international. 4.1.4.2. L'ANSM a évalué une dizaine de substances présentes dans les cosmétiques De son côté, l'ANSM a évalué, au titre d'une saisine de la DGS en date du 21 janvier 2009 117, certaines substances présentes dans les produits cosmétiques et sélectionnées à partir du rapport
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L'ANSES considère que des situations d'exposition potentiellement à risque pour le développement foetal sont possibles du fait d'une exposition de la femme enceinte à certains produits contenant du toluène, n-hexane, ou cisCTAC, notamment et non exclusivement en milieu de travail. Des situations à risque pour la reproduction (MTBE) et le système nerveux (toluène et n-hexane) ont également été mises en évidence. Les perfluorés sont utilisés dans de nombreuses applications industrielles, notamment pour les traitements anti-tâche et imperméabilisant de textiles (vêtements, tissus, tapis, moquettes...), les enduits résistants aux matières grasses appliqués sur certains emballages alimentaires en papier et carton, les mousses anti-incendie, les tensioactifs utilisés dans l'exploitation minière et les puits de pétrole, les cires à parquet. Les phtalates sont utilisés comme plastifiants des matières plastiques pour les rendre plus souples. Ils sont retrouvés dans de nombreux articles ou produits de consommation courante tels que les adhésifs, les revêtements de sol en vinyle, les huiles lubrifiantes, les condensateurs électriques, les détergents, les câbles électriques et les produits cosmétiques (parfums, déodorants, lotions après rasage, shampooings, aérosols pour cheveux, vernis à ongles...). Les phtalates les plus couramment utilisés sont le DEHP (di (2-éthylhexyl) phtalate), le BBP (butylbenzyl phtalate), le DBP (dibutyl phtalate, le DEP (diéthyl phtalate) et le DINP (diisononyl phtalate). Les polybromés sont des substances utilisées comme retardateurs de flamme. Ces substances chimiques sont utilisées pour limiter l'inflammabilité de certains matériaux combustibles, via une diminution du risque de départ de feu et/ou un freinage du processus de combustion. On les retrouve donc dans de nombreux articles tels que textiles, rideaux, sièges, plastiques, mousses, capitonnages, résines, circuits imprimés, câbles, matériel électronique. La structure chimique commune aux composés de la famille des bisphénols leur confère des propriétés oestrogéniques. Le BPS, le BPF, et le BPAP sont des substituts potentiels du BPA qui sont utilisés notamment comme révélateur dans les papiers thermiques. Le BPS sert également dans la synthèse d'un intermédiaire (polyéthersulfone) qui est, par exemple, utilisé pour la fabrication de biberons et de vaisselle pour enfants. Les BPB, BPM et le BPAF sont utilisés pour la fabrication industrielle des plastiques. Le BADGE, quant à lui est utilisé pour la synthèse de certaines résines époxydes pouvant être utilisées dans le revêtement intérieur de contenants alimentaires (boîtes de conserve, canettes). Cette saisine s'inscrivait dans le cadre de l'action 18 du Plan national santé environnement et du plan d'action sur la fertilité.
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danois déjà cité118. Nombre de ces substances sont présentes à la fois dans les produits cosmétiques et les médicaments, ce qui a permis à I'ANSM de proposer des mesures d'action sur un périmètre plus large. Les substances suivantes, suspectées d'être des perturbateurs endocriniens et/ou classées toxiques pour la reproduction, ont été étudiées : l'acide 2-hydroxy éthyl picramique qui est utilisé comme colorant dans les teintures capillaires : résultats publiés le 18 juillet 2012 ; le benzophénone 3, utilisée comme filtre UV, est suspectée d'être un perturbateur endocrinien d'après le rapport établi en 2007 par DHI pour la commission européenne 119. résultats publiés le 8 juillet 2011 et transmission des conclusions à la Commission européenne en vue de restreindre la concentration à 6 % dans les produits cosmétiques de protection solaire pour les adultes et de l'interdire pour les enfants ; le musc cétone et musc xylène utilisés dans les parfums et eaux de toilette sont suspectés de propriétés de perturbation endocrinienne de catégorie 2 dans le rapport DHI de 2007 : résultats publiés le 4 octobre 2012 rappellent qu'une étude in vitro a montré que les muscs xylène et cétone pouvaient avoir une faible activité de perturbateur endocrinien, ce qui reste à confirmer par une étude conforme aux exigences de l'OCDE telle que la ligne directrice OCDE 455 ; le 3-benzylène camphre (3-BC), utilisé comme filtre ultra-violet, est suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI : dans un rapport non daté l'ANSM estimait que de nouvelles données ont confirmé le caractère perturbateur endocrinien du 3-BC à des doses d'exposition plus faibles que celles évaluées antérieurement et a recommandé une nouvelle évaluation du profil toxicologique du 3-BC par le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs. Une transmission a été faite en ce sens à la Commission européenne par le SGAE le 26 octobre 2011 ; l'octyl methoxycinnamate (OMC) est un filtre ultra-violet classé perturbateur endocrinien dans le rapport DHI : l'avis publié le 6 avril 2012 indique qu'au vu des résultats des études in vitro, l'OMC ne présente pas de caractère de type PE ; la quassine est utilisée comme dénaturant dans les produits cosmétiques : l'avis publié le 27 décembre 2011 mentionne que compte tenu de la faible qualité des études, du faible nombre de données permettant de caractériser le danger, il est impossible de réaliser une évaluation du risque de la substance ; le phénoxyéthanol est un agent conservateur : l'avis publié le 1er juin 2012 ne fait pas état d'une expertise de l'effet PE ; le 4-methylbenzylidene camphor (4-MBC) est un filtre ultraviolet : l'avis publié le 1er juin 2012 ne fait pas état d'une expertise de l'effet PE ; le toluène utilisé en tant que solvant dans les produits pour ongles est classé en tant que toxique pour la reproduction de catégorie 2, mais il n'a pas été suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI : un rapport non publié daté de septembre 2015 indique que les études ne permettent pas de conclure sur un effet du toluène sur le taux hormonal ; le cyclotetrasiloxane (D4) utilisé en tant qu'agent émollient, antistatique, conditionneur cutané et capillaire, et enfin comme solvant, est suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI. Un rapport daté de mai 2015 a été transmis à la DGS, puis à la Commission européenne. La nécessité de solliciter le comité scientifique
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Le BPA est déjà interdit par la réglementation européenne sur les cosmétiques. Le règlement prévoit la présence de traces de phtalates inévitables lors de la fabrication. Ces teneurs ne sont pas réglementées. Par conséquent, c'est au responsable de la mise sur le marché de démontrer que celles-ci ne présentent pas de risque pour la santé humaine. Danish Hydraulic Institute (DHI), Study on enhancing the endocrine disrupter priority list with a focus on low production volume chemicals, 2007.
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européen pour la sécurité des consommateurs a été débattue lors du Comité permanent pour les cosmétiques en mai 2016, sans suite donnée à ce jour.
4.2. Au titre de la SNPE, l'ANSES avait pour mission d'expertiser 15 substances chimiques sur 3 ans
La sélection des substances à expertiser est faite après consultation des parties prenantes 120 à partir d'une proposition établie par l'Anses qui combine trois critères : le danger potentiel (effet perturbateur endocrinien suspecté)121, la sensibilité des populations exposées (femmes enceintes, enfants....), et le caractère ubiquitaire de la substance (données de surveillance)122. Les substances évaluées au titre de la SNPE ne devaient pas être en cours d'évaluation par I'ECHA ou par un autre État membre. Elles ne devaient pas non plus faire l'objet d'un encadrement réglementaire de portée générale ou sectorielle qui pourrait limiter les leviers de gestion du risque sanitaire envisageables. Dès lors que certaines substances soumises à l'expertise de l'ANSES sont suspectées de présenter des effets de type perturbateur endocrinien et/ou un risque pour la santé ou l'environnement, il est demandé à l'ANSES de proposer des mesures de gestion des risques appropriées dans le cadre de réglementations européennes (REACH, biocides, produits phytopharmaceutiques ou toute autre réglementation appropriée). L'expertise vise ainsi à identifier des substances préoccupantes du fait de leur caractère PE qui pourront faire l'objet d'une inscription sur la liste des substances extrêmement préoccupantes candidates en vue d'une autorisation, au titre de l'article 57(f) 2 du règlement REACH, cette disposition pouvant conduire à limiter l'usage de ces substances. Le bilan des expertises menées dans le cadre de la SNPE est le suivant :
4.2.1. Substances expertisées en 2014
L'ANSES a expertisé cinq substances susceptibles d'être considérées comme perturbatrices endocriniennes. Ses avis relatifs à l'analyse de la meilleure option de gestion des risques pour ces substances ont été publiés le 3 mars 2015 : le méthylparabène (conservateur antimicrobien, usage cosmétique et médicament) a une activité de perturbateur endocrinien avérée, même si elle est plus faible que celle des autres parabènes. Les études relatives à la santé humaine sont rares et manquent de robustesse, quelques alertes environnementales ont été publiées dans la littérature. Des informations complémentaires sont nécessaires pour définir son caractère perturbateur endocrinien. L'Anses a demandé des études complémentaires à l'industriel à examiner avec les États membres et l'ECHA ; un composé de l'acide orthoborique (présent123 dans les engrais, lubrifiants, adhésifs, fluides hydrauliques...) : l'Anses a considéré qu'il convenait de suspendre l'analyse et de la
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Les membres des comités d'orientation thématique de l'Anses « Santé-environnement », « Santé-travail », « Alimentation », et ceux du groupe de suivi de la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens sont invités chaque année par l'agence à une réunion de concertation sur un projet de liste des substances à expertiser. Le choix définitif des substances relève du ministère chargé de l'environnement. La proposition de l'Anses est établie à partir de plusieurs listes de substances : celles établies périodiquement par I'ECHA parmi les dossiers enregistrés pour être soumis à un examen approfondi par les autorités compétentes des États membres, celle élaborée par l'Anses suite à des travaux d'expertise réalisés dans le cadre d'autres saisines, les listes de substances identifiées à la demande de la Commission européenne, la liste de substances établie par l'association internationale TEDX dont la mission est de rassembler et de diffuser des données scientifiques sur les problématiques de santé environnement liées à des expositions à des substances chimiques perturbateurs endocriniens à de faibles niveaux de concentration. L'exposition ubiquitaire est principalement estimée à partir des tonnages déclarés auprès de I'ECHA par les industriels. Les substances produites à fort tonnage sont privilégiées, car elles sont généralement mieux renseignées.
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reprendre dès que les informations complémentaires sur la caractérisation de l'identité de la substance et sur ses effets reprotoxiques seraient fournies par l'industriel à la demande de l'ECHA ; le BHA (antioxydant utilisé dans les cosmétiques, les médicaments, l'alimentation humaine et animale, les mélanges industriels...) a des effets cancérigènes chez l'animal dont la pertinence reste à valider chez l'homme. Cette substance a des effets sur la reproduction, la thyroïde chez les rongeurs et une activité de perturbateur endocrinien in vitro. Le manque de robustesse des données ne permet toutefois pas de se prononcer, aussi des informations complémentaires sont-elles nécessaires pour confirmer ses effets sur le développement et l'identifier comme perturbateur endocrinien selon la définition de l'OMS. Cette substance a été proposée à l'évaluation dans le cadre de REACH et il est envisagé de la classifier en tant que substance cancérigène ; le DINCH et le DEHTP (plastifiants alternatifs aux phtalates, autorisés dans les jouets et les dispositifs médicaux qui étaient inclus dans la saisine DGS de 2009) ont des profils toxicologiques très bien renseignés. Ils présentent tous deux un profil de danger plus favorable que celui des phtalates. Aucun risque de caractère perturbateur endocrinien n'a été identifié et aucune mesure de gestion n'a été recommandée.
4.2.2. Substances expertisées en 2015
L'ANSES a conduit l'analyse de cinq substances. Son avis a été publié le 8 avril 2016 : le 2,6-di-tert-butyl-p-cresol (BHT), utilisé comme anti-oxydant dans de nombreuses applications industrielles, ainsi que dans les cosmétiques, a fait l'objet d'un grand nombre d'études anciennes qui présentent des limites méthodologiques 124. Les données in vitro concernant le mode d'action perturbateur endocrinien sont limitées. Des effets sur les glandes surrénales et la thyroïde sont parfois identifiés, sans percevoir d'effets adverses associés. L'hypothèse d'un mode d'action thyroïdien sur des retards de croissance étant insuffisamment étayée, l'Anses a demandé à l'agence chimique européenne que le BHT soit mis à l'évaluation pour clarifier l'incertitude ; le méthylsalicylate (MS), additif conservateur utilisé pour des usages en cosmétique et produits de nettoyage, a été expertisé par lecture croisée. Des études de faible qualité relèvent des morts in utero ainsi que des malformations. Ces résultats sont étayés par des études de toxicité prénatale de substances proches. Des études in vitro et in vivo montrent par ailleurs des effets osseux sur les rats. Si aucune étude n'évalue l'impact sur la fonction thyroïdienne, la littérature révèle un effet de l'acide acétyl salicylique sur les taux plasmatiques en androgènes, en cortisol ou en hormones thyroïdiennes. Compte tenu de la faiblesse des études, l'Anses a transmis à l'agence chimique européenne une demande de tests complémentaires ; le tributyl O-acetylcitrate (ATBC) est un plastifiant alternatif aux phtalates qui est utilisé pour des usages au contact alimentaire, dans les jouets et le secteur médical. Cette substance était déjà incluse dans la saisine DGS de 2009 et identifiée dans le cadre de l'auto-saisine de l'Anses sur les jouets : toutes les données requises au titre du règlement REACh ont été remises et plusieurs études récentes et de qualité sont disponibles sur cette substance. En l'absence d'effet perturbateur endocrinien identifié, l'Anses a estimé que cette substance n'était pas prioritaire pour une évaluation par l'ECHA ;
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Plusieurs dizaines de milliers de tonnes sont utilisées par an dans l'Union européenne Ces études n'identifient pas d'altération sur la fertilité du rat et de la souris, même à forte dose. Une possible altération du comportement et des retards de croissance sont relevés chez le rat et la souris dans des études prénatales et post-natales toutefois de mauvaise qualité.
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le tributyl citrate (TBC) est utilisé en tant que substitut à des phtalates pour des usages comme plastifiants dans les jouets, les cosmétiques, les peintures, le mastic, les revêtements. Cette substance était également déjà incluse dans la saisine DGS de 2009 et identifiée dans le cadre de l'auto-saisine de l'Anses sur les jouets. En raison de la faible documentation, l'Anses a recommandé à l'agence chimique européenne de mener une étude de conformité du dossier qui est en cours ; l'acide téréphtalique, utilisé en tant que monomère pour la fabrication du PET (une alternative aux polycarbonates fabriqués à partir de bisphénol A, à la base de nombreux produits industriels destinés aux consommateurs) : sur la base de plusieurs études récentes et de qualité ainsi que des données requises par REACh, l'Anses n'a pas identifié d'alerte sur des effets perturbateurs endocriniens et a estimé que la substance n'était pas prioritaire pour d'autres travaux. Par ailleurs, l'Anses a également évalué l'iprodione, un fongicide dont l'autorisation expire le 31 octobre 2018 dans le cadre du règlement sur les pesticides 125. Compte tenu des points critiques identifiés, y compris sur les effets perturbateurs endocriniens, l'Anses qui est rapporteuse au niveau européen, a estimé dans un avis du 8 avril 2016 que les conditions de ré-approbation de la substance n'étaient pas remplies en raison de propriétés identifiées de perturbateur endocrinien avec des effets sur les organes reproducteurs. Le non renouvellement de l'approbation de la substance a été adopté le 6 octobre 2017. Il devrait entrer en vigueur en décembre 2017.
4.2.3. Substances expertisées en 2016
En 2016, l'ANSES a expertisé cinq substances et a publié son avis le 1er août 2017 : le TMBPF entre dans la composition d'autres substances chimiques à usage industriel principalement pour la fabrication de résines pour le revêtement d'emballages métalliques pour le conditionnement des denrées alimentaires. Il est aussi utilisé pour la fabrication des retardateurs de flamme polycarbonate et comme antioxydant dans les composés de caoutchouc. Dans l'état actuel des connaissances, on ne peut écarter que le TMBPF puisse agir comme un perturbateur endocrinien par un mode d'action anti-androgénique ou par une signalisation via les récepteurs béta aux oestrogènes. L'ANSES a recommandé que des études soient requises par l'ECHA dans le cadre d'un contrôle de conformité afin de clarifier les incertitudes concernant les propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques de la substance et de pouvoir évaluer les risques pour l'environnement ; le triclocarban est utilisé en tant qu'agent antibactérien et antifongique dans des détergents et des peintures. Il pourrait agir comme perturbateur endocrinien par la voie androgénique, l'axe thyroïdien ou par action sur la stéroïdogénèse. Il pourrait également avoir une activité de perturbation endocrinienne pour les organismes de l'environnement. Cependant des données supplémentaires et des lignes directrices reconnues sont nécessaires pour pouvoir infirmer ou confirmer ces hypothèses. C'est pourquoi, l'Anses a recommandé de proposer le triclocarban pour l'évaluation dans le cadre de REACH ; le RDP (Tetraphenyl m-phenylene bisphosphate) est un retardateur de flamme utilisé en substitution du DécaBDE classé substance dangereuse utilisé dans le traitement ignifuge de plusieurs polymères et dans plusieurs applications d'ignifugation. Cette substance était incluse dans la saisine DGS de 2009 et identifiée dans le cadre d'une saisine sur les meubles rembourrés. Aucune donnée n'a été identifiée en ce qui concerne l'existence d'un effet éventuel perturbateur endocrinien pour l'environnement et des études supplémentaires sont nécessaires pour se prononcer sur des effets en santé humaine. L'ANSES a préconisé d'inclure le RDP dans le plan d'action continu communautaire qui répertorie les substances devant être soumises à évaluation dans le cadre du règlement REACH ; le sulfate d'étain est utilisé en traitement de surface des métaux. Les données disponibles dans la littérature ne soulèvent pas de préoccupations particulières quant à l'existence
125
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d'éventuelles propriétés de perturbation endocrinienne de cette substance pour l'environnement. En revanche, il n'est pas possible de conclure pour ce qui concerne la santé humaine dans l'attente des résultats de nouvelles études demandées par l'Anses en mars 2017 ; le dicyclopentadiène est utilisé très largement pour la synthèse de différentes substances chimiques. Dans l'attente de nouvelles études demandées dans le cadre de l'évaluation de la substance sous REACH, il n'est pas possible de conclure quant à l'existence d'éventuelles propriétés de perturbation endocrinienne de cette substance pour la santé humaine ou pour l'environnement. À ces cinq substances s'est ajoutée l'évaluation du chlortoluron, herbicide pour lequel l'Anses est le rapporteur au niveau européen au titre du règlement pesticides. Cette substance répondrait aux critères d'exclusion y compris pour ses propriétés de perturbateur endocrinien à confirmer. Son autorisation ne devrait donc pas être renouvelée à son échéance en octobre 2018.
4.2.4. Substances expertisées en 2017
En 2017, cinq nouvelles substances sont au programme d'évaluation de l'Anses : l'homosalate utilisé comme filtre UV dans les produits cosmétiques et produits d'hygiène, le trisulfuron méthyl (substance phytopharmaceutique), le bisphénol B, le triphényl phosphate (TPP) et le 2,2,4,4'tétrabromodiphenyl éther (ou BDE -47). Ces deux dernières substances sont des retardateurs de flamme bromés qui étaient déjà identifiés dans le cadre de la saisine DGS de 2009.
4.2.5. Proposition de substances à expertiser en 2018
Lors d'une réunion inter comités d'orientation thématiques de l'Anses organisée le 12 octobre 2017 sur le sujet des PE, l'agence a invité les parties prenantes à sélectionner avant le 9 novembre quatre substances à choisir parmi la liste suivante : BPB (reliquat du programme de travail 2017), Siloxanes (D4/D5/D6), TNPP, Potassium Perchlorate, Sodium Perchlorate, HHCB (1222-05-5), Résorcinol. Le choix final sera arrêté avant la fin de l'année 2017.
4.2.6. L'ANSES a atteint les objectifs fixés par la SNPE
Entre 2014 et 2017, l'Anses aura évalué une vingtaine de substances dont sept qui étaient identifiées dans la saisine DGS de 2009. Les objectifs d'évaluation de cinq substances par an fixés dans la SNPE ont donc été respectés par l'Anses qui a proposé les mesures de gestion appropriées. Il n'est pas possible d'isoler les moyens qui ont été spécifiquement dédiés à l'évaluation des substances relevant de la SNPE, mais selon les informations communiquées par l'Anses, l'ensemble des activités relatives aux PE a mobilisé de l'ordre de 5 à 6 ETPT annuels 126. Ces moyens semblent limités si on les compare à ceux dont disposeraient certaines agences d'évaluation d'autres pays européens127. À l'exception du cas de l'iprodione dont l'approbation n'a pas été renouvelée dans le cadre du règlement sur les pesticides, les expertises menées par l'Anses n'ont pas conduit à identifier de substances comme PE, soit parce que des informations complémentaires devaient être demandées pour confirmer ou infirmer leur effet PE, soit parce que la suspicion a été levée à l'issue d'une évaluation plus approfondie. Toutefois, plusieurs limites ont été identifiées pour cette activité d'expertise :
126
Le nombre d'heures travaillées sur les PE a été en moyenne de 7 900 heures par an au cours des années 2014 à 2016 (source Anses). Il est difficile de comparer les données entre les différentes agences, car chaque pays a un mode d'organisation propre avec une séparation plus ou moins claire des activités d'évaluation des substances chimiques. Selon des informations communiquées par des agences homologues de l'Anses, 20 personnes se consacreraient aux travaux liés à REACH et CLP en Autriche et au Danemark (correspondant à 10-12 ETPT), 15 ETPT en Belgique.
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les conditions contraignantes de sélection128 des substances à évaluer ont exclu de facto un nombre important de substances qui auraient pu répondre à l'un (ou plus) des trois critères de choix qui sont néanmoins pertinents ; l'absence de méthode(s) et de test(s) reconnus permettant de caractériser les effets PE sur l'ensemble des organes et fonctions cibles constitue un obstacle majeur pour lever complètement le doute, dès lors que pèse sur certaines substances une suspicion d'un effet PE potentiel ; l'écart qui existe entre le niveau de preuve nécessaire pour identifier une substance extrêmement préoccupante au titre de l'article 57(f) du règlement REACH et les données disponibles et de qualité suffisante pour caractériser les effets PE éventuels conduit à écarter a priori de nombreuses substances, ce qui fait que ne sont retenues pour l'expertise que des substances pour lesquelles des tests sont disponibles ou qui présentent des similarités structurelles avec des substances connues ; les dossiers d'enregistrement dans le cadre de REACH et les études demandées 129 pour les améliorer à l'issue de l'évaluation des substances n'apportent que peu d'informations sur les effets endocriniens, ce qui rend difficile l'évaluation des effets PE sur l'environnement et, dans une moindre mesure, pour la santé humaine. De plus, ces dossiers d'enregistrement permettent difficilement d'identifier des substances exposant des populations sensibles faute d'informations disponibles sur les usages ; seuls les dossiers d'évaluation apportés par les industriels peuvent être instruits. Il faudrait que des travaux scientifiques puissent être un mode d'entrée dans l'expertise. Ce travail d'expertise des substances doit être poursuivi. Le principe de répartir la tache d'expertise entre les différents États membres est certainement pertinent au vu du nombre de produits à étudier et des multiples implications potentielles des résultats. Néanmoins, la capitalisation des travaux, et leur portée, se heurtent à deux obstacles auxquels les États membres doivent s'attaquer : l'absence de définition des PE et l'harmonisation des méthodes d'expertises. Les procédures d'expertises sont extrêmement hétérogènes en fonction des États membres qui ont chacun leurs propres règles. A titre d'exemple, pour l'Allemagne, on n'a pas la connaissance de l'identité des experts mobilisés. Il faudrait que ce soit une obligation pour l'ensemble des experts mobilisés.
4.3. Au titre de la SNPE, l'ANSM avait pour mission d'expertiser chaque année trois substances chimiques présentes dans les cosmétiques
L'ANSM est concernée par les substances présentes dans les médicaments, les dispositifs médicaux et les cosmétiques. La SNPE prévoit que « les travaux de l'ANSM sur les perturbateurs endocriniens seront également accélérés afin d' « évaluer chaque année au moins 3 substances suspectées d'être perturbateurs endocriniens sur son champ de compétences et notamment dans les cosmétiques ».
4.3.1. L'ANSM a priorisé les substances contenues dans les médicaments
Après l'adoption de la SNPE, l'ANSM a poursuivi le travail d'évaluation qu'elle avait engagé dans le cadre de la saisine reçue de la DGS en 2009.
128
Les substances qui ont été évaluées ne devaient pas être en cours d'évaluation par I'ECHA ou par un autre État membre. Elles ne devaient pas non plus faire l'objet d'un encadrement réglementaire de portée générale ou sectorielle qui pourrait limiter les leviers de gestion du risque sanitaire envisageables. L'issue de ces demandes d'études est incertaine, car elles sont soumises à l'approbation du comité des Étatsmembres réuni par I'ECHA.
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Au cours des dernières années, l'ANSM a en fait donné la priorité à des travaux d'évaluation de substances utilisées comme excipients dans les médicaments. Ces travaux qui ne figurent pas spécifiquement dans les objectifs assignés par la SNPE, ont porté sur l'évaluation des phtalates les plus utilisés comme excipients dans les médicaments 130, sur le méthyl et le propyl-parabène, sur l'acide borique et sur l'hydroxyanisole butylé (BHA). Les évaluations pour lesquelles l'ANSM a été rapporteur ou co-rapporteur s'inscrivent dans le cadre de l'actualisation de l'information à connaître par le patient avant de prendre un médicament qui a été initiée par l'Agence européenne du médicament (EMA)131. A l'initiative de la France, cet outil a été proposé pour réguler et contrôler l'utilisation de substances perturbatrices endocriniennes dans les médicaments.
4.3.2. Les études de l'ANSM sur les substances contenues dans les cosmétiques ont été initiées avant la SNPE
Pour ce qui concerne spécifiquement les cosmétiques, elle a achevé postérieurement au lancement de la SNPE, l'évaluation du toluène utilisé en tant que solvant dans les produits pour ongles, mais qui n'était pas suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI de 2007 : un rapport non publié daté de septembre 2015 indique que les études ne permettent pas de conclure sur un effet du toluène sur le taux hormonal. Elle a également évalué le cyclotetrasiloxane (D4) utilisé en tant qu'agent émollient, antistatique, conditionneur cutané et capillaire, et comme solvant, qui était suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI : un rapport daté de mai 2015 a été transmis à la DGS puis à la Commission européenne 132. La nécessité de solliciter le comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs a été débattue lors du Comité permanent pour les cosmétiques en mai 2016, sans suite donnée à ce jour.
4.3.3. Le champ des dispositifs médicaux est prioritaire
Après avoir privilégié les évaluations des substances utilisées comme excipients dans les médicaments plutôt que dans les cosmétiques, l'ANSM envisage de s'orienter de préférence sur les dispositifs médicaux. Elle a ainsi proposé d'exploiter en 2017 les résultats d'une étude 133 menée par le CHU de Clermont-Ferrand sur les risques liés aux dispositifs médicaux en polychlorure de vinyle plastifié (PVC) et les substituts de phtalates.
4.3.4. L'ANSM n'a pas atteint les objectifs qui lui étaient assignés par la SNPE
Aucune substance ne semble avoir été programmée pour une évaluation en 2014 et 2015. Selon l'ANSM, trois substances devaient être expertisées en 2016 au titre de la SNPE : le phtalate de butyle et de benzyle (BBP) ; l'acetyl tributyl citrate (ATBC) ; le triclosan.
130
Ces phtalates sont le phtalate de dibutyle (DBP), phtalate de diéthyle (DEP), acétate phtalate de polyvinyle (PVAP), phtalate d'hypromellose (HPMCP) et acétate phtalate de cellulose (CAP). L'article 59(1) de la Directive 2001/83/EC dispose que la notice d'une spécialité pharmaceutique comporte une liste d'informations nécessaires. Le volume 38 de l'avis aux demandeurs comporte des recommandations sur l'étiquetage et l'information qui doivent figurer dans la notice du médicament pour une liste d'excipients qui sont susceptibles de générer des effets indésirables notoires. Une annexe à cette recommandation fournit une liste d'excipients avec les renseignements qui doivent figurer dans la notice. L'octaméthylcyclotétrasiloxane ou D4 présente chez l'animal un faible effet oestrogénique et anti-oestrogénique (mais pas d'activité androgénique, ni anti-androgénique) et induit des transformations hyperplasiques/néoplasiques de l'utérus et des adénomes de l'endomètre des rats. L'ANSM a recommandé de limiter la concentration du D4 à 3%6% dans les produits de protection solaire et 16 % dans les produits pour le corps. Financée par l'ANSM, l' étude « ARMED » » a pour objectif une évaluation du risque inhérent à la migration des plastifiants intégrés dans les dispositifs médicaux stériles en PVC et une hiérarchisation de ce risque pour les plastifiants étudiés. Cette étude est poursuivie pour la population néonatale (étude ARMED-NEO) et les résultats sont attendus pour fin 2019.
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Pour ce qui concerne l'ATBC, l'ANSES aurait considéré que cette substance n'est pas un perturbateur endocrinien, ce qui fait que l'évaluation n'était plus nécessaire. Les travaux sur le BBP et le triclosan n'ont pas été réalisés au cours de l'année 2016, en raison de choix qui ont dû être faits par l'ANSM entre les différentes priorités de sécurité sanitaire. Ces études et leurs conclusions ont été reportées en 2017, avec une remise du rapport prévue au plus tard au 1er trimestre 2018. Dans un cadre de ressources contraintes et faute de soutien pour la mise en oeuvre de la SNPE, I'ANSM a affecté en priorité ses moyens à la mission principale de l'Agence qui est l'évaluation des demandes d'autorisation et la vigilance portant sur les essais cliniques, ATU et AMM dans les délais réglementaires. Progressivement, le nombre d'agents pouvant se consacrer à l'évaluation et à la proposition de mesures correctives sur les substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens n'a plus représenté qu'environ 0,5 ETP, tous produits confondus. L'ANSM n'a donc pas atteint les objectifs assignés par la SNPE. A moyens et à organisation constants, il est probable que I'ANSM continuera à échelonner dans le temps long l'étude des substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens contenues dans les cosmétiques. De fait, il ne semble pas exister de dispositif de programmation et de régulation permettant d'inscrire l'action de cette agence en cohérence avec celle de l'Anses.
4.3.5. Et propose une alternative
Afin de poursuivre ce travail essentiel et de long terme, I'ANSM a indiqué travailler à un projet de plateforme d'étude sur les perturbateurs endocriniens sous la forme d'un partenariat entre l'Agence et l'Université. Ce projet a également pour objet de compenser la fréquente absence de données scientifiques sur les substances étudiées dans la bibliographie, en facilitant les synergies entre les laboratoires de I'ANSM et la recherche universitaire. Ce projet nécessitera de mobiliser des moyens financiers, dans le cadre des crédits d'intervention de l'Agence qui ont diminué de 15 à 10 M entre 2012 et 2017.
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5. Bilan de l'axe 3 : Réglementation et substitution des perturbateurs endocriniens
Le troisième axe de la SNPE s'articule selon trois actions :
· · ·
parvenir à une définition européenne des perturbateurs endocriniens ; proposer des mesures d'exclusion ou de restriction de l'usage de substances à effet perturbateur endocrinien ; accompagner les démarches industrielles de substitution de substances dangereuses.
Avant de dresser le bilan de la mise en oeuvre de ces actions, une présentation du cadre juridique européen applicable aux perturbateurs endocriniens paraît nécessaire pour comprendre le contexte dans lequel ces actions ont pu être conduites. Enfin, le bilan des actions prévues par la SNPE est complété par une brève présentation des actions de contrôle mises en place pour veiller au respect de la réglementation.
5.1. Le cadre juridique européen applicable aux perturbateurs endocriniens
L'essentiel des réglementations encadrant les produits chimiques est établi au niveau communautaire et les négociations sont menées auprès des institutions de l'Union européenne. Les pays membres doivent donc acquérir des connaissances et développer des argumentaires scientifiques pour proposer et justifier des actions qui auront un impact sur le marché européen des produits chimiques. Le cadre juridique européen qui s'applique aux perturbateurs endocriniens (PE) comprend134 :
· ·
deux règlements relatifs à la gestion des substances chimiques : CLP et REACH ; des règlements ou directives sur les usages des substances : biocides, phytopharmaceutiques, cosmétiques, produits en contact avec les denrées alimentaires, dispositifs médicaux, jouets ; ainsi que la réglementation relative à l'eau.
·
L'application de ces textes sectoriels est notamment liée à la définition de critères caractérisant les PE (voir § 2). Les clauses de sauvegarde de certains règlements communautaires permettent de prendre des mesures « d'urgence » nationales qui sont souvent difficilement applicables aux produits et/ou articles importés ou en provenance d'autres États membres de l'Union européenne, en raison du principe de libre circulation des marchandises. Notifiées à la Commission européenne, ces mesures d'urgence peuvent ensuite faire l'objet de mesures européennes.
5.1.1. Les règlements REACH et CLP relatifs à la gestion des substances chimiques
5.1.1.1. Le règlement REACH : enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques Le règlement européen REACH135 du Parlement européen et du Conseil de l'union européenne, adopté le 18 décembre 2006, concerne l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des
134
Selon une étude du Centre commun de recherche de la Commission européenne réalisée en 2016, sur 697 substances pouvant être identifiées comme pouvant avoir des effets sur le système endocrinien, 347 seraient concernées par la réglementation sur les pesticides, 98 par celle sur les biocides, 201 par REACH, 51 par la réglementation sur les cosmétiques, quelques substances étant concernées par la directive cadre sur l'eau. Règlement CE n° 1907/2006
135
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substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances. Il constitue le cadre réglementaire de l'ensemble des substances chimiques en Europe. Dans plusieurs domaines concurrentiels, durant sa négociation (de 2001 à 2006), ce règlement a suscité une « bataille des lobbies », quelques grandes ONG s'étant impliquées. Il n'a pas connu d'évolutions depuis juin 2014 (hors annexes). Son objectif est d'améliorer la protection de la santé humaine et de l'environnement, tout en maintenant la compétitivité et en renforçant l'esprit d'innovation de l'industrie chimique européenne. Le règlement vise à supprimer progressivement dans l'Union européenne les substances chimiques les plus dangereuses. Il revient à l'industriel (et l'importateur) de démontrer l'innocuité de ces substances pour l'homme et la nature, par des études sur les risques sur la santé humaine et sur l'environnement, avant leur mise sur le marché ou leur utilisation. REACH vise toutes les substances chimiques, produites ou importées, existantes ou nouvelles, à partir d'un volume annuel supérieur à une tonne. L'agence européenne des produits chimiques (ECHA) est l'opérateur du règlement L'ECHA évalue, ou fait évaluer, les informations soumises par les entreprises et enregistre les molécules dans une base de données accessible aux entreprises, aux particuliers et aux ONG (près de 10 000 substances sont actuellement enregistrées au titre du règlement REACH). L'ECHA et les Etats membres élaborent et suivent un plan d'action continu communautaire (CoRAP), mis à jour tous les ans, qui répertorie les substances devant être soumises à évaluation sur une période de trois ans. Les critères de sélection de ces substances concernent les informations sur les dangers, les informations sur l'exposition et, enfin, la quantité des substances, y compris la quantité agrégée résultant de plusieurs enregistrements pour une même substance. Les critères liés aux dangers et à l'exposition ne sont pas employés indépendamment mais en combinaison afin d'assurer une approche fondée sur les risques. Par exemple, une substance dangereuse à exposition contrôlée peut être moins prioritaire qu'une substance dangereuse présentant une exposition élevée. Les États membres contribuent à l'élaboration du CoRAP en proposant des substances à y inclure. Ils peuvent recourir aux mêmes critères fondés sur les risques que ceux préconisés par l'ECHA ou, dans certains cas, indiquer d'autres critères fondés sur des préoccupations et des priorités nationales. Après avoir établi les critères fondés sur les risques, l'ECHA et les États membres identifient un certain nombre de substances pouvant figurer dans le CoRAP. Les États membres exprimeront leur intérêt à évaluer telle ou telle substance pour permettre à l'ECHA de créer un projet de CoRAP avec les noms des substances et avec les années d'évaluation à prévoir. Le CoRAP final indique les problèmes initiaux posés par les substances et désigne les États membres qui procéderont à l'évaluation. Il est adopté après consultation des États membres et avec l'avis du comité des États membres de l'ECHA. Un État membre peut signaler à tout moment qu'il détient des informations pouvant rendre la substance prioritaire, même si elle ne fait pas partie de la liste CoRAP. Dans ce cas, il est possible de modifier le CoRAP pour inclure cette substance avant une mise à jour annuelle. Le 21 mars 2017, 22 nouvelles substances ont été ajoutées au CoRAP. Cela porte le nombre total de substances inscrites sur cette liste à 115 pour évaluation par l'ensemble des États membres sur les trois années 2017, 2018 et 2019. Parmi ces substances, un quart d'entre elles sont suspectées notamment d'un effet PE. L'annexe XIV de REACH liste les substances identifiées comme extrêmement préoccupantes (SVHC)
L'annexe XIV du règlement liste les SVHC qui présentent un risque particulièrement élevé pour la santé humaine ou l'environnement (en se basant sur les propriétés intrinsèques des substances ainsi que sur les quantités utilisées et les usages) afin d'interdire leur usage sur le marché européen.
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Lorsqu'une substance est listée réglementairement dans l'annexe XIV de REACH, celle-ci se voit attribuer une date limite d'utilisation (date d'expiration) au-delà de laquelle l'utilisation va être interdite, à moins qu'un utilisateur n'ait obtenu une autorisation assortie d'une prolongation spécifique. La procédure d'autorisation vise à assurer que les risques générés par les substances extrêmement préoccupantes sont valablement maîtrisés, et que ces substances sont progressivement remplacées par des solutions appropriées, tout en assurant le bon fonctionnement du marché intérieur de l'UE. Les substances éligibles à la procédure d'autorisation sont identifiées par les États membres et, sur demande de la commission, par l'ECHA sur la base des critères définis dans l'article 57 de REACH : - substances cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction (CMR), - substances persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT), - substances très persistantes et très bioaccumulables (vPvB), - substances, telles que celles possédant des propriétés perturbant le système endocrinien, pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu'elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine ou l'environnement. L'ECHA publie la liste des substances proposées et éligibles pour être inscrites dans la liste des substances candidates à la procédure d'autorisation sur son site Internet (consultation publique). Suite aux commentaires reçus au cours du délai de consultation publique, l'ECHA peut éventuellement modifier son projet de recommandation en concertation avec le Comité des États Membres136. L'inscription à l'annexe XIV (liste des substances candidates) se fait par vote pondéré des États Membres à la majorité qualifiée. La recommandation est alors soumise à la Commission Européenne pour décision finale. Au sein de la liste des substances extrêmement préoccupantes candidates en vue d'une autorisation figurent actuellement pour leurs effets avérés de perturbateur endocrinien : - le 4,4'-isopropylidenediphenol (Bisphénol A) inclus le 12 janvier 2017 au titre de ses propriétés de PE pour la santé humaine ; - quatre phtalates pour leurs effets PE sur la santé humaine : le benzyl butyl phtalate (BBP), le Bis (2-ethylhexyl)phtalate (DEHP) et le Dibutyl phtalate (DBP) inscrits dès le 28 octobre 2008 pour leur effet PE sur la santé humaine, puis le Diisobutyl phtalate, le 13 janvier 2010 ; -six phénols inclus pour leurs effets PE sur l'environnement : le 4-(1,1,3,3tetramethylbutyl)phénol inscrit le 19 décembre 2011, le 4-nonylphenol et le nonylphénol éthoxylate le 19 décembre 2012, le 4-nonylphenol éthoxylate le 20 juin 2013, le 4heptylphénol et le p-1,1-dimethylpropylphenol le 12 janvier 2017. Le règlement REACH prévoit la possibilité de soumettre des substances à restrictions afin de protéger la santé humaine et l'environnement contre des risques inacceptables.
Les restrictions peuvent limiter ou prohiber la fabrication, la mise sur le marché ou l'utilisation d'une substance. Un État membre, ou, sur demande de la Commission européenne, l'ECHA, peuvent proposer des restrictions s'ils estiment qu'il convient de réagir aux risques sur une base
136
Le comité des États membres (MSC) participe à différentes procédures REACH telles que les procédures d'évaluation et d'autorisation. Il est chargé de résoudre les divergences d'opinions entre les États membres et sur les propositions d'identification de substances extrêmement préoccupantes (SVHC). Le comité rend des avis sur les projets de recommandations de l'ECHA concernant la liste d'autorisation (annexe XIV) et sur le projet de plan d'action continu communautaire (CoRAP) pour la procédure d'évaluation des substances. Si le MSC ne peut parvenir à un accord, l'affaire est transmise à la Commission européenne pour qu'une décision soit prise.
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communautaire. Les substances soumises à restrictions sont inscrites à l'annexe XVII du règlement REACH. Des substances extrêmement préoccupantes pour leurs effets PE sont soumises à restrictions. Le bisphénol A ne doit pas figurer à une concentration supérieure à 0,02 % dans les papiers thermiques mis sur le marché après le 2 janvier 2020. Le BBP, le DEHP et le DBP ne doivent pas être utilisés à des concentrations supérieures à 0,1 % du poids de plastique dans les jouets et articles de puériculture. Le nonylphenol ethoxylate (NPE) ne doit plus être utilisé à des concentrations supérieures à 0,01 % du poids d'articles textiles mis sur le marché après le 3 février 2021. 5.1.1.2. Le règlement CLP fixe pour toutes les substances les classements harmonisés de « danger » Le règlement 1272/2008137 dit CLP (classification, labelling, packaging) est commun à toutes les substances chimiques ou non, commercialisées sur le territoire européen. Il a pour objet d'assurer que les dangers que présentent les substances chimiques soient clairement communiqués aux travailleurs et aux consommateurs de l'Union européenne grâce à la classification et à l'étiquetage des produits chimiques. Le règlement impose à un fournisseur d'étiqueter une substance ou un mélange contenu dans un emballage avant de le mettre sur le marché, si la substance est classée comme dangereuse ou si le mélange contient une ou plusieurs substances classées comme dangereuses au-dessus d'un certain seuil. Il impose un étiquetage spécifique pour les substances classées CMR 1A et 1B 138. Certaines substances CMR sont des PE potentiels, mais sans qu'il y ait une correspondance exacte car toutes les substance cancérigènes ou reprotoxiques n'agissent pas sur le système hormonal.
Tableau 1 :
Catégories de substances CMR et définition de ces catégories au sens de la réglementation européenne CLP (source : ANSES)
Effets / Classe de Catégories Définitions des catégories danger Cancérogènes Catégorie 1A Catégorie 1B
137
Substances dont le potentiel cancérigène pour l'être humain est avéré. Substances dont le potentiel cancérogène pour l'être humain est supposé.
Règlement (CE) No 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006. Les substances dotées d'effets cancérigènes (C), mutagènes (M), toxiques pour la reproduction (R) sont réparties en trois catégories : 1A (effets avérés), 1B (effets présumés), 2 (effets suspectés).
138
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Catégorie 2 Mutagènes Catégorie 1A
Substances suspectées d'être cancérogènes pour l'homme.
Substances dont la capacité d'induire des mutations héréditaires dans les cellules germinales des êtres humains est avérée. Substances dont la capacité d'induire des mutations héréditaires dans les cellules germinales des êtres humains est supposée. Substances préoccupantes du fait qu'elles pourraient induire des mutations héréditaires dans les cellules germinales des êtres humains. Substances dont la toxicité pour la reproduction humaine est avérée. Substances présumées toxiques pour la reproduction humaine.
Catégorie 1B
Catégorie 2
Toxique pour reproduction
la Catégorie 1A Catégorie 1B Catégorie 2
Substances suspectées d'être toxiques pour la reproduction humaine.
5.1.2. L'usage des substances fait l'objet de règlements et directives dédiées
5.1.2.1. Les produits phytopharmaceutiques font l'objet d'un règlement depuis le 21 octobre 2009 Le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement Européen et du conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques définit les modalités de mise sur le marché de ces produits destinés à détruire ou repousser des organismes nuisibles pour les végétaux. Les substances sont approuvées ou retirées au niveau européen à partir d'un rapport établi par une agence d'un État membre rapporteur qui fait l'objet d'une revue par les pairs et d'un rapport de l'EFSA. Le manque de ressources, humaines et financières, des agences ne leur permettent pas le plus souvent de respecter les délais, ce qui conduit à des prolongations des autorisations des substances. Les États membres ont quant à eux la responsabilité des autorisations et retraits de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances. Pour les AMM, le règlement a défini trois zones géographiques au sein de l'Union européenne et mis en place une évaluation zonale des préparations. La France mène ainsi des évaluations intéressant l'ensemble de la zone Sud. Le règlement prévoit cinq types de substances139 : · Les substances de base (article 23), intrinsèquement sans danger, dont la destination initiale n'est pas la protection des plantes (ex : vinaigre, sucre...) ;
139
Actuellement 490 substances actives sont approuvées et 28 sont en cours d'évaluation. 336 substances actives sont présentes dans des produits ayant des AMM en France.
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· ·
Les substances à faible risque (article 22) qui ne doivent présenter qu'un faible risque pour la santé et l'environnement et peuvent être approuvées pour 15 ans ; Les substances candidates à la substitution (article 24) qui présentent des risques en termes de toxicité aiguë, de propriétés CMR 1A et 1B en attente de leur exclusion, de perturbation endocrinienne (en cours de définition) et d'environnement sur au moins 2 critères PBT (Persistance, Bioaccumulation et Toxicité). Ces substances doivent, au fur et à mesure de leur renouvellement, faire l'objet de réduction des risques pour continuer à être utilisées avec des durées maximales de 7 ans ; Les substances dont l'exclusion est programmée sont les CMR 1A et 1B et les perturbateurs endocriniens, dont le renouvellement ne doit être possible que dans des conditions excluant le risque pour l'homme (enceintes confinées...)140 ; Et les autres substances, classées ou non, qui sont approuvées pour 10 ans.
·
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Le règlement prévoit donc le principe strict d'exclusion des substances présentant des effets de perturbateur endocrinien. C'est la notion de danger et non pas celle de risque lié à l'exposition qui est retenue141. L'application de cette clause d'exclusion nécessite l'adoption d'une définition réglementaire harmonisée au niveau européen des critères d'identification du caractère PE d'une substance. 5.1.2.2. Le règlement du 22 mai 2012 sur les biocides Le règlement (UE) n°528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concerne la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides qui sont destinés à détruire ou repousser les organismes nuisibles dans des secteurs non agricoles. Ce règlement qui n'a pas évolué depuis l'adoption de la SNPE, prévoit l'exclusion des substances actives et produits biocides ayant un effet PE. Des dérogations sont possibles si le risque est négligeable (utilisation dans des systèmes fermés ou excluant le contact avec des humains) ou si l'impossibilité d'utiliser ces substances conduisait à des impasses techniques majeures pour combattre un risque grave pour la santé humaine, pour la santé animale ou l'environnement. L'application de la clause d'exclusion et ou du principe de substitution nécessite la mise en place d'une définition réglementaire harmonisée au niveau européen des critères d'identification du caractère PE d'une substance (voir § 1.2 ci-après). La directive 98/8/CE dont les principes ont été repris dans le Règlement 528/2012, institue une répartition des usages selon 22 types de produits et un examen systématique, selon un référentiel défini, de toutes les substances actives biocides utilisées dans les pays de l'Union européenne, en vue de l'approbation ou non de chaque couple « substance x type de produit ». Les dérogations à l'exclusion des substances considérées comme PE sont fondées sur les risques ainsi que sur des considérations socio-économiques. 5.1.2.3. Les produits cosmétiques sont encadrés depuis 2009 Le règlement n°1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques est entré en application le 11 juillet 2013 en remplacement de la directive cosmétique 76/768/CEE. Il prévoit qu'une substance peut être inscrite sur une liste de substances soumises à restriction ou interdites. Il prévoit également des listes « positives » de substances autorisées (colorants, conservateurs et filtres solaires). Ces listes sont révisées régulièrement par les instances européennes, en présence des agences d'expertise nationales des Etats membres.
140
Depuis le 14 juin 2011, 57 molécules ont été retirées ou n'ont pas eu d'autorisation délivrée. Sur 13 substances non renouvelées, 6 l'ont été du fait de leur classification CMR 1A ou 1B. Toutefois le règlement prévoit que chaque État peut, au regard de situations d'urgence en matière de protection phytosanitaire, autoriser pour une durée maximale de 120 jours, sur des usages limités (article 53) un produit phytopharmaceutique dont l'utilisation est la seule possible pour répondre à la situation d'urgence.
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Elles sont opposables dans tous les pays de l'Union européenne, et l'ANSM s'assure du respect de leur mise en oeuvre sur le territoire national. Plusieurs PE ont déjà été interdits dans les produits cosmétiques au niveau européen (le BPA et 8 phtalates : le DBP, le DEHP, le BBP, le DPP, le DIBP, le DIPP, le DnPP) et d'autres substances suspectées ont été soumises à restriction par la Commission européenne. Par ailleurs, le point 4 de l'article 15 du règlement prévoit que « lorsque des critères convenus par la Communauté ou au niveau international pour l'identification des substances présentant des propriétés perturbant le système endocrinien sont disponibles ou au plus tard le 11 janvier 2015, la Commission révise le présent règlement en ce qui concerne les substances présentant des propriétés perturbant le système endocrinien ». La Commission s'est engagée à ce que la révision des annexes du règlement cosmétique intervienne dès que possible après que des critères d'identification des perturbateurs endocriniens auront été définis dans le cadre des règlements relatifs aux produits phytosanitaires et biocides. 5.1.2.4. Un règlement du 27 octobre 2004 concerne les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires destinées à l'alimentation humaine Le Règlement (CE) n°1935/2004 porte sur les emballages et conditionnements, les récipients et ustensiles de cuisine, les tétines et biberons, les matériaux, machines et matériels utilisés dans la production, le stockage ou le transport de denrées alimentaires142. Le texte cadre français pour les mesures spécifiques nationales est le décret 2007-766 du 10 mai 2007 portant application du code de la consommation en ce qui concerne les matériaux et les objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires. Des mesures spécifiques ont été prises pour les matériaux et objets en contact avec les aliments pour animaux et pour les sucettes pour nourrissons (décret n°92-631 du 8 juillet 1992 modifié relatif aux matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées, produits et boissons pour l'alimentation de l'homme ou des animaux). Le règlement 1935/2004 n'intègre pas directement la notion de PE. Le principe d'inertie des matériaux qui correspond à l'absence de migration des constituants des matériaux vers les aliments, en quantités susceptibles de constituer un danger pour la nature humaine, est complété, pour des groupes de matériaux, par des mesures spécifiques visant à limiter l'exposition aux substances dangereuses pour la santé via l'adoption de listes positives de substances autorisées pour la fabrication de ces matériaux ou la fixation de limites de migration spécifiques pouvant aller jusqu'à l'absence totale de migration. Les substances figurant dans les listes positives autorisées dans l'Union européenne ou à défaut au niveau national sont les seules substances autorisées dans la fabrication des matériaux au contact des aliments. L'autorisation d'emploi d'une substance autorisée au niveau européen est délivrée par la DGS. Pour les substances ne faisant pas l'objet d'une harmonisation au niveau européen, les dossiers de demande d'autorisation de substances ou de procédés doivent être transmis par les industriels à la DGCCRF, l'évaluation scientifique étant effectuée par l'Anses. Un État membre peut prendre une mesure de sauvegarde et demander l'harmonisation au niveau européen143. Le cas particulier de l'eau destinée à la consommation humaine Bien que la directive n°98/83/CE du 3 novembre 1998 et le règlement n°305/2011/CE du 9 mars 2011 fixent des exigences relatives à l'innocuité sanitaire des matériaux et objets utilisés dans les installations de production, de distribution et de conditionnement qui entrent en contact avec l'eau
142 143
Il ne concerne pas les matériaux d'enrobage comestibles, ni les installations fixes de distribution d'eau potable. La France l'a fait en adoptant la loi n°2012-1442 du 24 décembre 2012 qui a prévu la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché des conditionnements, contenants et ustensiles comportant du bisphénol A et destinés à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires. Cette mesure modifie la loi n°2010-729 du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de BPA.
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destinée à la consommation humaine, elles ne sont pas suffisamment précises pour permettre un dispositif réglementaire européen harmonisé. Ce sont donc des textes nationaux qui définissent les conditions d'évaluation de l'innocuité sanitaire de ces matériaux et objets144. Pour leur mise sur le marché, les matériaux constitués d'au moins une partie organique en contact avec l'eau doivent disposer depuis 1999 d'une attestation de conformité sanitaire délivrée par un laboratoire habilité par le ministère de la santé, garantissant leur innocuité, sur la base de la vérification de leur formulation et d'essais de migration. Dans ce cadre, le bisphénol A est recherché en routine dans les eaux de migration. Les autres PE ne sont pas spécifiquement recherchés. Cependant, les laboratoires habilités vérifient que les matériaux organiques ne relarguent pas de substances à une concentration supérieure à 1 g/L (méthode d'analyse semiquantitative). 5.1.2.5. Le règlement publié le 5 mai 2017 cible explicitement les PE présents dans les dispositifs médicaux La directive 93/42/CEE sur les dispositifs médicaux 145, modifiée notamment en 2007146, prenait en compte plus spécifiquement les risques liés aux substances dégagées par le dispositif. Celle-ci exigeait que le fabricant porte une attention particulière aux substances carcinogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR), définissait des exigences particulières pour certains phtalates147, mais elle ne citait pas les PE. Cette directive 93/42/CEE, ainsi que la directive 90/385/CEE sur les dispositifs implantables actifs, a été abrogée par le règlement (UE) 2017/745 publié le 5 mai 2017 qui prend notamment en compte la question des perturbateurs endocriniens. Ce règlement prévoit notamment, dans son exigence 10.4 que les dispositifs médicaux 148 ne contiennent les substances CMR de catégorie 1A ou 1B ou les substances possédant des propriétés perturbant le système endocrinien 149 pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu'elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine dans une concentration supérieure à 0,1 % en fraction massique (m/m) que lorsque cela est justifié. La justification de la présence de ces substances repose notamment sur une analyse et une estimation de l'exposition potentielle du patient ou de l'utilisateur à la substance, une analyse des solutions de substitution possibles et de leur disponibilité, un argument expliquant pourquoi ces solutions ne conviennent pas pour maintenir le fonctionnement, les performances et le rapport bénéfice/risque du produit, y compris la prise en compte du fait que l'utilisation prévue des dispositifs inclut le traitement d'enfants ou de femmes enceintes ou allaitantes ou d'autres groupes de patients considérés comme particulièrement vulnérables à ces substances et/ou matériaux. La
144
Articles R.1321-48 et R.1321-49 du code de la santé publique et sur l'arrêté du 29 mai 1997 modifié relatif aux matériaux et objets utilisés dans les installations fixes de production, de traitement et de distribution des eaux destinées À la consommation humaine. Le dispositif médical est un produit de santé utilisé notamment à des fins de diagnostic, thérapeutiques, de modification de l'anatomie ou de la physiologie, ou encore de compensation du handicap. Il apporte un bénéfice en termes de santé pour le patient et son évaluation repose sur l'évaluation de son rapport bénéfice/risque dans sa destination. Arrêté du 15 mars 2010 fixant les conditions de mise en oeuvre des exigences essentielles applicables aux dispositifs médicaux, pris en application de l'article R. 5211-24 du code de la santé publique. Un arrêté du 15 mars 2010 précise notamment les dispositions concernant les phtalates dans les dispositifs médicaux. Le champ couvre les dispositifs, ou les parties de dispositifs ou matériaux utilisés qui sont invasifs et entrent en contact direct avec le corps humain, ou sont destinés à (ré)introduire et/ou prélever un médicament, des fluides corporels ou d'autres substances dans le corps, ou sont destinés à transporter ou stocker des médicaments, des fluides corporels ou d'autres substances destinés à être (ré)introduits dans le corps. Les substances possédant des propriétés perturbant le système endocrinien auront été identifiées soit conformément à la procédure prévue à l'article 59 du règlement (CE) no 1907/2006 (REACH), soit conformément aux critères pertinents pour la santé humaine parmi ceux établis dans l'acte délégué qui aura été adopté par la Commission en application de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement (UE) no 528/2012 (biocides).
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justification repose également, s'il en existe, sur les orientations les plus récentes du comité scientifique concerné150. En ce qui concerne les orientations relatives aux phtalates, une saisine est prévue dans le règlement pour élaborer des orientations avant le 26 mai 2020. Enfin, des exigences en termes d'étiquetage et d'information sont prévues lorsque les dispositifs cités précédemment contiennent ces substances dans une concentration supérieure à 0,1% en fraction massique (m/m).
5.1.3. La réglementation relative à la qualité de l'eau permet de surveiller des substances PE
Le cadre réglementaire concernant la qualité de l'eau (au sens des ressources en eau et des milieux aquatiques) porte sur des substances à effet PE sans pour autant qu'une référence explicite soit toujours faite aux perturbateurs endocriniens. Pour ce qui est des substances devant être tout particulièrement considérées comme pouvant entraîner une pollution151, la directive cadre sur l'eau (DCE) 2000/60/CE prévoit que la Commission réexamine régulièrement la liste des substances prioritaires au sens de l'article 16, paragraphe 4, de la directive, dont certaines sont classées comme des substances dangereuses prioritaires. Il faut progressivement réduire le rejet des unes et cesser celui des autres, et prendre d'autres mesures de surveillance. En particulier, le contrôle de ces substances doit s'appuyer sur la définition de normes de qualité environnementales (NQE) qui fixent des limites de concentration dans les milieux aquatiques que les États membres doivent faire respecter. C'est une des directives-filles de la DCE, la 2008/105/CE, qui a fixé ces normes. Elle a aussi prescrit d'autres mesures pour la limitation, la maîtrise et le suivi de leurs rejets. Elle prévoit également d'identifier des substances devant être classées dans la liste de vigilance (article 8 ter, paragraphe 2). La directive 2013/39/UE a modifié ces deux textes. Elle a ajouté douze nouvelles substances ainsi que leurs NQE. Elle a révisé les NQE établies pour certaines substances listées dans la version initiale de la DCE. Elle a enfin étendu ce système, jusqu'à présent limité à l'eau, à d'autres éléments des milieux aquatiques, qui peuvent être par exemple les sédiments, les poissons, les mollusques ou les crustacés, selon ce qui est pertinent localement (voir annexe n°3 § 4.1.1). La Commission doit également examiner les paramètres de qualité des eaux destinées à la consommation humaine selon l'article 11, paragraphe 1, de la directive 98/83/CE du Conseil du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.
5.2. L'enjeu d'une définition européenne des perturbateurs endocriniens
En mars 2012, l'ANSES avait publié un avis relatif à une demande d'appui scientifique concernant la révision de la stratégie européenne relative aux PE. Il est mentionné dans la SNPE qu'en fonction des conclusions des expertises, les substances concernées devront faire l'objet de mesures réglementaires adaptées, portées en priorité au niveau européen et visant à réduire l'exposition de la population et de l'environnement. A cet effet, la France s'impliquera fortement pour l'adaptation de la réglementation européenne aux spécificités des perturbateurs endocriniens. Il est ainsi clairement indiqué que « la France demande une définition européenne cohérente avec les spécificités toxicologiques et écotoxicologiques des perturbateurs endocriniens, fondée sur les propriétés intrinsèques de danger, sans prise en compte de la « potency », et établissant 3 catégories (« avéré », « présumé », « suspecté ») en fonction du degré de certitude sur ces propriétés. La définition doit être adaptée aux modes d'actions des perturbateurs endocriniens (action à très faible dose, fenêtre d'exposition, etc.) ».
150 151
Scientific Commitee on Health, Environmental and Emerging Risks (SCHEER) Article 2, paragraphe 31, et annexe VIII, point 4, de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.
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Cette volonté d'aboutir à une définition européenne des perturbateurs endocriniens (PE) a été confirmée lors de la table-ronde santé-environnement de la Conférence environnementale des 27 et 28 novembre 2014. La mesure n°64 de la feuille de route gouvernementale résultant de la conférence prévoit que « Les autorités françaises demanderont à l'Union européenne d'accélérer ses travaux sur une définition des perturbateurs endocriniens, sur la base de la proposition adoptée en France en avril dernier. Elles se joindront au recours en carence engagé par la Suède contre la Commission européenne, qui n'a pas respecté les échéances fixées dans les règlements, alors qu'il est nécessaire de rendre opérationnelles au plus vite les mesures de restrictions prévues par plusieurs législations européennes ». L'adoption d'une définition et de critères réglementaires européens sur les perturbateurs endocriniens est également mentionnée dans le PNSE 3 (action n°69), ainsi que dans l'action 1.13 « Rechercher une amélioration du cadre réglementaire au niveau européen » du plan santé-travail 2016-2020 (PST3). La table-ronde santé-environnement de la conférence environnementale des 25 et 26 avril 2016 a de nouveau réaffirmé la volonté de porter la position française et sa stratégie sur les perturbateurs endocriniens au niveau de l'Union européenne dans le cadre de l'objectif 12a de la feuille de route gouvernementale qui porte sur la limitation de l'exposition des populations aux substances chimiques préoccupantes.
5.2.1. Les carences de la Commission européenne
5.2.1.1. Des règlements inapplicables en l'absence de définition juridiquement opposable des PE Les règlements européens sur les substances chimiques qui mentionnent explicitement les perturbateurs endocriniens (biocides, produits phytopharmaceutiques) ont introduit une mesure réglementaire d'exclusion des perturbateurs endocriniens. La mise en oeuvre de cette mesure renvoie à un texte sur la définition et les critères d'identification des perturbateurs endocriniens que la Commission européenne devait publier avant la fin de l'année 2013. La Commission s'est estimée incapable de le proposer pour cette date, mais elle a pris l'engagement, dans le 7ème programme d'action pour l'environnement 2013-2020 de mettre au point des critères harmonisés d'identification des perturbateurs endocriniens fondés sur le danger152. Dans l'attente de l'adoption officielle de critères, sont considérées comme ayant des effets perturbateurs endocriniens les substances qui sont ou doivent être classées parmi les agents cancérogènes de catégorie 2 et toxiques pour la reproduction de catégorie 2. Cette approche par défaut vaut pour les règlements biocides et pesticides, les autres règlements faisant appel à des approches au cas par cas, sans définition. 5.2.1.2. Une absence de définition qui a justifié la condamnation de la Commission européenne en décembre 2015 Les critères n'ayant pas été adoptés avant la date butoir du 13 décembre 2013 qui figure à l'article 5 du règlement (UE) n°528/2012 sur les biocides, un recours en carence a été initié par la Suède pour faire reconnaître une infraction au droit de l'Union européenne. D'autres États membres la France, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas se sont associés à la plainte de la Suède, également rejoints par le Conseil européen et le Parlement européen.
152
Le 7ème programme pour la protection de l'environnement avait appelé la Commission à adopter des critères d'identification des perturbateurs endocriniens, applicables dans le cadre de toutes les réglementations européennes, ce qui ne s'est pas concrétisé. La feuille de route de la commission européenne de juin 2014 prévoyait la définition de critères d'identification des PE dans le contexte de la mise en oeuvre des règlements sur les phytosanitaires et les biocides. Le débat sur les critères pour la réglementation sur les pesticides devait probablement influencer une future discussion de critères horizontaux.
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Dans un arrêt du 16 décembre 2015, le Tribunal de l'Union européenne a condamné la Commission européenne pour son inaction à définir ces critères dans le cadre du règlement relatif aux produits biocides. 5.2.1.3. Le 15 juin 2016, la commission soumet 4 options pour définir les PE Au premier semestre 2016, sous une pression politique forte, notamment des autorités françaises, ce sujet a été mis à l'ordre du jour de plusieurs Conseils des ministres européens. Le Conseil environnement du 4 mars 2016 a d'ailleurs voté une déclaration soulignant l'importance du sujet. Le 15 juin 2016, la Commission a publié une communication 153 sur les critères d'identification des perturbateurs endocriniens et plusieurs textes visant à proposer un projet d'amendement des règlements en vigueur relatifs aux produits biocides et aux produits phytopharmaceutiques. L'analyse d'impact (SWD(2016)211) qui accompagnait cette communication, présentait quatre options de critères scientifiques pour identifier les substances ayant des propriétés perturbant le système endocrinien154 : - option 1: statu quo en conservant les critères provisoires (scénario de référence) ; - option 2: définition de l'OMS pour identifier les perturbateurs endocriniens ; - option 3: utilisation de la définition de l'OMS pour identifier les perturbateurs endocriniens et introduction de catégories supplémentaires fondées sur les éléments de preuve ; - option 4: utilisation de la définition de l'OMS pour identifier les perturbateurs endocriniens et prise en compte de la puissance comme élément de caractérisation du danger. 5.2.1.4. Qui suscitent des positions divergentes de la part des États membres Les États-membres de l'UE se sont montrés divisés sur le choix de ces options. L'industrie chimique et les agriculteurs privilégiaient l'option 4, alors que les ONG actives dans les domaines de la santé, de la défense de l'environnement et des consommateurs plaidaient en faveur de critères européens uniquement fondés sur le danger, lesquels comprendraient également des catégories supplémentaires basées sur les différents éléments de preuve nécessaires pour correspondre à la définition de l'OMS (option 3).
5.2.2. L'ANSES publie le 19 juillet 2016 un avis relatif à la définition des critères scientifiques définissant les PE
A la suite d'une saisine en date du 19 mai 2016 de la ministre en charge de l'environnement, l'Anses a publié le 19 juillet 2016 un avis relatif à « la définition des critères scientifiques définissant les perturbateurs endocriniens ». Cet avis a été actualisé par une note du 1er décembre 2016. L'avis de l'Anses relève que plutôt qu'une seule définition applicable à toutes les réglementations, la Commission propose des aménagements limités aux règlements biocides et phytopharmaceutiques alors qu'il y a nécessité d'un texte unique et harmonisé de critères de catégorisation applicable à l'ensemble des substances quels que soient les usages des substances. Il rappelle que la définition des PE (OMS / IPCS 2002) comporte deux parties dont les PE « suspectés » (potential endocrine disruptor). L'Agence insiste sur la nécessité de ne pas dissocier ces deux composantes et de retenir une identification des PE en plusieurs catégories, alors que l'option retenue par la CE ne prévoit qu'une seule catégorie. Cette position aboutit à une identification réglementaire très stricte avec un niveau de preuve attendu très élevé, sans aucune
153
Communication (COM (2016)350) de la Commission au Parlement et au Conseil sur les perturbateurs endocriniens et les projets d'actes de la Commission visant à définir des critères scientifiques pour leur détermination dans le cadre de la législation de l'UE relative aux produits phytopharmaceutiques et aux produits biocides. Selon un tableau figurant en page 293 de l'étude d'impact, le nombre de substances actives encore approuvées qui seraient identifiées comme PE serait respectivement de 42 dans l'option 1, 26 dans les options 2 et 3, 11 dans l'option 4.
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incertitude permise alors que souvent l'état des connaissances ne permet pas de conclure de façon ferme et définitive à un instant donné malgré un faisceau de présomptions. L'approche de la Commission conduirait à identifier peu de substances comme PE alors que des modèles ou protocoles expérimentaux155 utilisés dans des études de bonne qualité permettraient d'identifier des substances PE ou potentiellement PE. A l'image de ce qui est fait pour les substances cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR), les experts recommandent une approche graduée pour mieux prendre en compte les incertitudes et faciliter le jugement d'experts. Dans ses conclusions, l'Anses recommande de retenir la définition et les critères d'identification des perturbateurs endocriniens de l'option 3 de la Commission européenne, ce qui permet de distinguer les perturbateurs endocriniens en trois catégories : « avérés », « présumés » et « suspectés »156. Il convient d'identifier un PE indépendamment de son usage, c'est-à-dire en ne tenant pas compte de la notion d'organisme cible ou non-cible. Les substances devraient être classées PE indépendamment du fait qu'elles soient PE pour l'Homme ou PE pour l'environnement. L'Anses préconise que la classification des perturbateurs endocriniens soit réalisée par une instance européenne unique, de manière à éviter tout risque de divergence de classification pour une substance donnée. Les modalités d'autorisation des substances par différents comités s'appuieraient ainsi sur une base commune d'identification des dangers. Le niveau de preuve nécessaire à l'inclusion dans chacune des catégories et le type d'étude utilisable pour évaluer le niveau de preuve devraient être précisés dans un guide technique basé sur des outils déjà disponibles (stratégies de tests de l'OCDE). Cet avis de l'Anses a été endossé par les autorités françaises qui ont part à la Commission de leur position, conforme à la SNPE, dans trois notes du 29 juillet 2016, 13 décembre 2016 et du 27 février 2017 que l'on peut ainsi résumer : - la définition et les critères d'identification des PE doivent être identiques dans toutes les réglementations sectorielles ; - la définition doit prendre en compte les dangers intrinsèques des substances, les éléments socio-économiques n'intervenant qu'ultérieurement au stade de la mesure de gestion ; - au sein d'une classe d'identification « perturbateur endocrinien » des critères doivent permettre de différencier cette classe en catégories, selon que le danger pour l'homme ou les autres organismes vivants est avéré, présumé ou suspecté ; - la notion de « puissance » (potency) ne doit pas être prise en compte, car elle est incompatible avec le phénomène d'effets à très faible dose et les courbes « dose-réponse non monotone ».
5.2.3. La proposition de la Commission européenne a été adoptée pour les biocides, mais rejetée par le Parlement pour ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques
Finalement à la suite d'une évolution de la position française, le Comité sur les produits phytopharmaceutiques a approuvé le 4 juillet 2017 les critères proposés par la Commission au titre du règlement (CE) n°1107/2009.
155
La standardisation des protocoles pour identifier les effets néfastes et de nombreux mécanismes d'effets de perturbation endocrinienne est un processus long qui conduit à un décalage entre les avancées scientifiques et leur reconnaissance au niveau international. Ces carences sont connues (OCDE) pour les mécanismes d'action non stéroïdiens et sont plus évidentes encore pour ce qui concerne les cibles environnementales. Cette option permet une meilleure prise en compte des modes d'action et des données issues des études in vitro. Elle permet une application réglementaire souple et adaptée, un encadrement différencié suivant les usages et les populations exposées. Par exemple dans la réglementation sur les phytosanitaires seraient interdits les PE avérés et présumés, en revanche les PE suspectés feraient l'objet d'un encadrement basé sur le risque.
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Toutefois, la réglementation pesticides a donné à la Commission un pouvoir précisément délimité. La Commission a seulement le droit d'adopter des critères scientifiques d'identification des perturbateurs endocriniens et de modifier des éléments non-essentiels de la réglementation. Or, selon plusieurs analyses157, la Commission a voulu modifier un élément essentiel de la réglementation pesticide en ajoutant une clause qui revient à autoriser les substances qui perturbent intentionnellement le système endocrinien des insectes ciblés par le pesticide, même si la substance a aussi un impact négatif sur des espèces non cibles. Ce point a conduit les parlementaires européens à rejeter 158, le 4 octobre 2017, la définition des perturbateurs endocriniens proposée par la Commission européenne qui va devoir proposer une nouvelle définition sur laquelle les États membres devront à nouveau se prononcer. Le ministre français en charge de l'environnement a demandé le 10 octobre à la Commission européenne de retirer l'exemption accordée aux pesticides conçus pour agir sur le système endocrinien de leurs cibles. Il est possible que la Commission suive cette proposition, mais il n'est pas acquis qu'elle puisse recueillir une majorité qualifiée pour son adoption. La situation est différente pour ce qui concerne les produits biocides. La Commission a présenté, le 4 septembre 2017, un acte délégué qui définit des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, mis au point après sept réunions de consultation des représentants des autorités compétentes en matière de produits biocides. Le Parlement européen n'a pas proposé de projet de résolution dans le délai de deux mois ni demandé de délai supplémentaire. En conséquence, depuis le 4 novembre 2017, l'acte délégué pouvait être publié. Cette publication au Journal officiel de l'Union européenne est intervenue le 17 novembre 2017. Le règlement ainsi modifié entrera en vigueur vingt jours après sa publication et sera applicable six mois après son entrée en vigueur, soit à partir du 7 juin 2018.
5.3. Exclure les substances à effet perturbateur endocrinien
La SNPE rappelle que l'encadrement des substances dans les articles est régi par plusieurs règlements européens, qui permettent des règles de sécurité harmonisées sur le marché commun. Elle prévoit que la France, s'appuyant sur l'expertise des agences sanitaires, sera force de proposition pour des mesures de limitation des substances dangereuses dans les articles de consommation et soutiendra l'accélération de l'action européenne et les propositions des autres États membres en vue de mesures de gestion rapides et proportionnées. La SNPE indique que « la France fera de plus l'usage du pouvoir d'initiative prévu par les règlements européens pour proposer les mesures qui apparaîtront nécessaires : en 2014, une proposition française de restriction du bisphénol A dans les papiers thermiques (tickets de caisse) est déjà en cours d'examen au niveau européen. La France a également proposé en 2013 le réexamen de l'approbation de 21 substances actives phytopharmaceutiques en raison de leurs propriétés de danger ». Le PNSE3 a confirmé que « la France appellera à la pleine mise en oeuvre des clauses d'exclusion des perturbateurs endocriniens dans les règlements phytopharmaceutiques et biocides, et à l'adoption de mesures progressives adaptées en fonction des preuves disponibles pour les perturbateurs endocriniens « présumés » ou « suspectés ».
5.3.1. Une forte mobilisation de la France sur le bisphénol A
La mesure concernant le bisphénol A qui est mentionnée dans la SNPE, est également l'objet de l'action n°68 du PNSE3 « restreindre l'utilisation du BPA dans les papiers thermiques (tickets de
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Lors du Conseil environnement du 17 octobre 2016, la France avait estimé que cette disposition relevait du pouvoir législatif et non pas de la Commission. Le Parlement européen peut exercer un droit de veto sur une proposition de la Commission validée par le Conseil. Ainsi, le parlement s'est prononcé par 389 votes contre l'adoption de la proposition de la Commission, 235 votes étant favorables et 70 abstentions.
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caisse, reçus de carte bancaire ». Le dépôt de dossiers de restriction auprès des instances de l'Union européenne constitue l'indicateur de moyens de l'action. 5.3.1.1. Le bisphénol A reconnu comme substance extrêmement préoccupante est interdit dans les tickets thermiques Le bisphénol A (BPA) est une substance chimique de synthèse utilisée depuis plus de 50 ans notamment dans l'industrie du plastique. Une soixantaine de secteurs d'activité sont potentiellement utilisateurs de cette substance en France. L'ANSES a été saisie en 2009 par la Direction générale de la santé afin d'identifier et de caractériser des situations d'exposition potentiellement à risque pour la santé, notamment des populations les plus vulnérables, liées à l'utilisation de produits de consommation courante et/ou d'articles contenant certaines substances chimiques. La demande portait sur une trentaine de substances (dont le BPA) classées reprotoxiques de catégorie 2 ou identifiées comme potentiellement perturbateurs endocriniens par la Commission européenne (voir annexe 4). Les deux premiers rapports publiés dans ce cadre, en septembre 2011, sont relatifs aux usages du BPA et aux effets sur la santé. L'Agence identifiait à cette occasion un objectif prioritaire : la prévention des expositions des populations les plus sensibles (nourrissons, jeunes enfants et femmes enceintes ou allaitantes). Elle recommandait une réduction de ces expositions, notamment par la substitution du bisphénol A dans les matériaux au contact des denrées alimentaires. Le rapport d'expertise sur l'évaluation des risques liés à l'exposition au bisphénol A, publié au mois d'avril 2013, a confirmé ces effets sanitaires, en particulier pour la femme enceinte au regard des risques potentiels pour l'enfant à naître. Ces travaux ont conduit à identifier la part des expositions par voie alimentaire (80%) mais aussi l'existence d'une exposition par inhalation (via l'air ambiant) et par voie cutanée (au contact de produits de consommation). Des situations d'exposition particulières au milieu de travail, notamment liées à la manipulation de papiers thermiques (tickets de caisse, reçus de cartes bancaires), ont également été mises en évidence. Les travaux de l'Agence sur les usages et les effets sanitaires du bisphénol A l'ont conduit à recommander une réduction des expositions de la population, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires. A la suite de deux initiatives parlementaires, depuis le 1er janvier 2015, le bisphénol A est interdit en France, d'une part dans les biberons (loi du n°2010-729 30 juin 2010) et, d'autre part, dans les matériaux en contact direct avec des denrées alimentaires (loi n°2012-1442 du 24 décembre 2012)159. Cependant, suite à une question prioritaire de constitutionnalité 160 portée par la fédération professionnelle Plastic Europe, la loi du 24 décembre 2012 ne porte plus que sur la suspension de l'importation et de la mise sur le marché en France des conditionnements, contenants et ustensiles comportant du bisphénol A et destinés à entrer en contact direct avec des denrées. La Commission européenne a adopté en mars une décision harmonisée d'interdiction du BPA dans les biberons dans l'ensemble des pays européens. Conformément à ce qui était inscrit dans la SNPE, les autorités françaises ont porté un dossier de restriction du BPA dans les tickets de caisse et autres tickets à impression thermosensible, au titre
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La loi du 24 décembre 2012 a prévu la suspension au 1er janvier 2015 de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché des conditionnements, contenants et ustensiles comportant du bisphénol A et destinés à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires. Elle modifie la loi du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de BPA qui avait pris effet le 1er janvier 2013 pour tout conditionnement, contenant ou ustensile destiné aux nourrissons et enfants en bas-âge. La décision QPC n°2015-480 du Conseil Constitutionnel du 17 septembre 2015 a conduit à exclure de la loi n°2010729 du 30 juin 2010 modifiée par la loi n° 2012-1442 du 24 décembre 2012, la suspension de la fabrication et de l'exportation de tout conditionnement, contenant ou ustensile comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec toutes les denrées alimentaires. Cette suspension a été validée par le Conseil d'État le 7 décembre 2016.
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du règlement concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques (REACH). Dans un premier temps, sur proposition de l'Anses soumise à l'ECHA, le BPA a été classé toxique pour les organes de la reproduction de catégorie 1B. Le comité d'évaluation des risques de l'agence européenne des produits chimiques a reconnu le risque pour les agents de caisse et conclu que les enfants à naître de femmes agents de caisse devaient absolument être protégés. En outre, le comité n'a pas écarté les risques pour la population en général. A la suite de cette proposition française, une mesure de restriction de l'utilisation du BPA dans certains articles destinés au grand public, comme les tickets thermiques, a été adoptée par la Commission européenne en décembre 2016161dans le cadre de REACH. En février 2017, l'Anses a soumis auprès de l'ECHA une proposition de classement du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante (SVHC-substance of very high concern) dans le cadre du règlement REACH, au titre de ses propriétés de perturbateur endocrinien pour la santé humaine. Cette proposition a été adoptée par le comité des Etats membres de l'ECHA. Cette décision a pour conséquence une obligation pour l'industrie de notifier à l'ECHA la présence de la substance dans les articles fabriqués ou importés et d'informer l'acquéreur d'un article de la présence de BPA. L'objectif fixé par la SNPE de restriction du bisphénol A dans les papiers thermiques a donc été atteint et son inscription sur la liste de l'ECHA des substances extrêmement préoccupantes ouvre également la possibilité que le BPA soit soumis à autorisation en tant que substance, conditionnant ses usages à l'octroi d'une autorisation temporaire et renouvelable. 5.3.1.2. L'évaluation de l'effet de ces mesures reste à effectuer Dans son avis du 1er décembre 2016 sur les objectifs et les indicateurs des résultats attendus du PNSE3, le Haut conseil de santé publique (HCSP) a proposé que l'action n°68 sur la restriction de l'utilisation du BPA dans les papiers thermiques soit assortie d'un objectif : « Réduire l'exposition en milieu de travail des employés manipulant des papiers thermiques sans entraîner d'augmentation de l'exposition à d'autres PE suspectés ou avérés (comme le bisphénol S) ou à d'autres substances préoccupantes ». L'ambition proposée vise la réduction, à échéance du PNSE3, de 50% du niveau d'imprégnation des personnels concernés par rapport au niveau mesuré en 2014. Le HCSP a proposé une nouvelle étude de biosurveillance à réaliser avant 2019 parmi les agents de caisse manipulant des tickets de caisse (incluant le BPA mais aussi les autres bisphénols et substituts potentiels du BPA). Aucune suite ne semble avoir été donnée pour l'instant à cette proposition.
5.3.2. La commission européenne n'a pas donné suite à la demande de réexamen de l'approbation de 21 substances phytopharmaceutiques
Ainsi que cela est mentionné dans la SNPE, les autorités françaises ont adressé une note le 16 mai 2013 à la Commission européenne (unité E3 DG SANCO) afin de demander à la Commission de bien vouloir faire procéder de manière accélérée et prioritaire à l'évaluation des substances actives suspectées de ne pas satisfaire aux critères d'approbation prévus à l'article 4 du règlement (CE) n° 1107/2009 en vue du renouvellement éventuel de leur approbation. Dans l'attente des conclusions, les autorités françaises souhaitaient que ces substances soient considérées comme des substances dont on envisage la substitution et incluses sur la liste prévue à l'article 80(7) du règlement sus-mentionné.
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La Commission européenne a également adopté en juillet 2016 une proposition de révision du classement du BPA en tant que toxique pour la reproduction (fertilité) catégorie 1B transmise par la France en 2012.
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Dans un premier temps, cette demande portait sur 21 substances actives162. Dans un second temps, une demande analogue était formulée pour les substances susceptibles de répondre aux critères fixés aux points 3.7. de l'annexe II du règlement 1107/2009. La Commission européenne n'a pas donné de suite favorable à cette demande. Depuis 2013, l'approbation de 7 de ces 21 substances n'a pas été renouvelée à la date d'expiration. Parmi les 14 substances restantes, trois d'entre elles répondent aux critères d'exclusion en raison de propriétés de perturbateur endocrinien : le chlorotoluron (herbicide dont l'approbation expire le 31 octobre 2018), la dimoxystrobine (fongicide autorisé jusqu'au 31 janvier 2018), l'epoxiconazole (fongicide approuvé jusqu'au 30 avril 2019)163. De plus, deux autres substances relevant du règlement 1107/2009 et non identifiées dans la liste transmise en 2013, le thiaclopride (insecticide autorisé jusqu'au 30 avril 2018) et le profoxydim (herbicide dont l'autorisation expire le 31 juillet 2021) présentent des propriétés PE qui devraient également conduire à leur exclusion. Ces exclusions devraient intervenir au stade du réexamen de l'approbation de la substance, à l'expiration de la période actuelle d'approbation, sous réserve que l'évaluation confirme les caractères de perturbation endocrinienne.
5.3.3. Les procédures européennes ont provoqué des restrictions d'usage d'autres substances du fait de leur caractère PE
Outre l'action en vue de l'adoption d'une mesure de restriction pour le bisphénol A, le PNSE3 prévoit que « La France soutiendra les propositions des autres États membres tendant à la réduction de certaines substances dans des articles. Ainsi, elle soutiendra la proposition de restriction des nonylphénols (substance identifiée comme perturbateur endocrinien, notamment pour l'environnement) dans les textiles. Elle soutiendra également le principe d'une restriction large des composés perfluorés (dont certains sont suspectés d'être perturbateurs endocriniens et/ou persistants, bioaccumulables et toxiques) dont l'Allemagne a annoncé le dépôt avant fin 2014 ». Quelques substances classées comme extrêmement préoccupantes ont fait l'objet de mesures de restriction à l'échelon européen en raison de leurs propriétés PE : - une mesure de restriction a été prise pour les nonylphenol ethoxylates qui ne doivent plus être utilisés à des concentrations supérieures à 0,01 % du poids d'articles textiles mis sur le marché après le 3 février 2021 ; - une proposition du Danemark et de l'ECHA visant à restreindre l'utilisation de plusieurs phtalates (DEHP, DBP, DIBP et BBP) dans des articles de consommation 164 a été adoptée le 20 juin 2017 par le comité de l'analyse socio-économique de REACH. La restriction s'applique à des articles en PVC souple tels que des revêtements de sol, des tissus et papiers enduits, des équipements récréatifs, des matelas, des chaussures, des fournitures et équipements de bureau et d'autres articles moulés ou revêtus de PVC souple et impliquant une exposition par voie cutanée ou voie respiratoire. Certaines dérogations sont proposées, notamment pour certaines parties, produits ou appareils d'aéronef et pour certains articles de véhicules automobiles. La restriction proposée s'appliquera trois ans après l'entrée en vigueur de la modification de l'Annexe XVII du règlement REACH.
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Substances susceptibles de ne pas répondre aux critères fixés aux points 3.6. de l'annexe II du règlement 1107/2009 et dont l'exclusion était programmée : Amitrole (aminotriazole), Bromoxynil (phénol), Chlorotoluron, Cyproconazole, Dimoxystrobin, Epoxyconazole, Fenpropimorph, Flumioxazine, Flusilazole, Glufosinate, Ioxynil, Isoxaflutole, Linuron, Mancozeb, Maneb, Metconazole, Myclobutanil, Oxadiargyl, Propyzamide, Tebuconazole, Warfarine (aka coumaphène). Une tentative de retrait avait été engagée à la suite du Grenelle de l'environnement, mais un arrêt du Conseil d'État a annulé ce retrait à la suite d'un contentieux initié par BASF. Ce comité est chargé de préparer les avis de l'agence européenne des produits chimiques sur les demandes d'autorisation et de restriction de substances. La décision finale relève d'un comité de la Commission européenne.
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5.4. Le soutien des démarches de substitution de substances à effet PE reste embryonnaire
La SNPE prévoit : « en complément des mesures réglementaires, la France accompagnera par ses dispositifs de soutien à l'innovation les industriels dans leurs démarches de substitution de substances dangereuses ». Cette orientation générale a été reprise dans l'action n°67 du PNSE3 « soutenir les travaux liés à la substitution des substances perturbateurs endocriniens » qui porte sur un soutien à l'innovation industrielle et la mise en place de partenariats public-privé afin d'encourager le remplacement de ces substances et de restreindre leur utilisation165. Elle a surtout été précisée dans la feuille de route gouvernementale issue de la table-ronde santéenvironnement de la Conférence environnementale des 27 et 28 novembre 2014 qui prévoit au titre de l'objectif n°8 (réduire l'exposition aux perturbateurs endocriniens) une mesure n°66 qui concerne la substitution des perturbateurs endocriniens au travers de deux mesures : a) un groupe de travail définira en 2015 une méthodologie d'évaluation des solutions de substitution tenant compte des principaux critères décisionnels (faisabilité technicoéconomique, risques sanitaires et environnementaux...) ; b) afin de mobiliser les outils de financement d'études sur la substitution des perturbateurs endocriniens, les principaux industriels concernés pourront déposer des projets collaboratifs dans le cadre des appels à projets du fonds unique interministériel. Les projets devront recevoir le label d'un pôle de compétitivité.
5.4.1. La méthodologie d'évaluation des solutions de substitution devrait être publiée pour fin 2017
La substitution d'une substance suspectée d'avoir un effet PE est prévue par les réglementations européennes et encouragées par les États membres. Elle fait également l'objet de démarches volontaires de certaines entreprises. Ce n'est pas une opération simple. Les solutions ou technologies alternatives doivent être technologiquement réalistes et économiquement viables, pour qu'elles puissent être pérennes. Il est également nécessaire de s'assurer que les substituts ne présentent pas de risques non maîtrisés pour la santé et l'environnement. Par une lettre du 8 février 2016, le directeur général de la prévention des risques a confié à l'INERIS et au MEDEF la mission de coprésider un groupe de travail sur la substitution en charge de l'élaboration d'un guide méthodologique conçu comme un outil d'aide à la décision permettant une revue critique de l'ensemble des étapes conduisant à la qualification finale des options de substitution. L'adoption finale du projet était prévue mi 2016. Constitué de représentants des différentes parties prenantes (élus, ministères, entreprises, associations, scientifiques), le groupe de travail a tenu sa première réunion le 7 avril 2016. Au cours de ses travaux, le groupe a notamment traité des contraintes en termes de recherche et développement ; de validation ou de qualification des solutions retenues 166 ; d'adaptation des outils industriels à de nouveaux procédés et de temps pour la réalisation de l'ensemble de ces travaux167. Pour une fonctionnalité donnée, la méthode propose d'évaluer différents critères liés
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Dans la pratique cette action pilotée par la DGPR et la DGE, en partenariat avec l'INERIS et le CGDD-DRI, semble confondue avec l'action n°13 du PNSE3 qui concerne la plateforme de validation des méthodes de test des substances. Il faut vérifier, d'une part, que la solution de substitution permet une amélioration de la maîtrise des risques pour la santé et l'environnement (en particulier sans entraîner l'apparition de nouveaux risques) et, d'autre part, que la solution de substitution répond aux exigences de validation technique. En fonction des contraintes techniques (norme...) et/ou réglementaires (autorisation de mise sur le marché...), la réussite du processus de substitution peut prendre plusieurs années, le résultat n'étant absolument pas garanti au moment où les entreprises engagent les activités de R&D.
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aux dangers, risques et impacts de la substitution et aux enjeux socio-technico-économiques qu'elle implique. Le guide aborde également le processus de substitution. Si la validation du projet de guide n'est pas intervenue à l'échéance fixée par le DGPR, la mission a pu prendre connaissance d'un projet finalisé de guide daté de mai 2017 qui devait être soumis à l'avis du groupe « risques à forte incertitude de suivi » du PNSE 3 lors de sa séance du 5 octobre 2017. Par ailleurs, l'INERIS a mis en place un service national d'assistance à la substitution des substances chimiques. Ce site web apporte un appui aux acteurs économiques engagés dans une démarche de substitution afin de promouvoir la diffusion et le partage d'informations. Le site propose actuellement des informations fournies par les entreprises sur les alternatives disponibles pour deux familles de substances, les bisphénols et les phtalates. Elles sont illustrées par des applications concrètes, également issues du monde industriel. Une newsletter synthétise les actualités les plus récentes identifiées à travers un travail de veille active.
5.4.2. Le soutien public à la substitution ne s'est pas concrétisé, faute d'appel à projet adapté
La mesure prévue par la Conférence environnementale de 2014 visait à coordonner les actions des industriels confrontés à la nécessité de substituer à terme des perturbateurs endocriniens dans leurs produits ou leurs procédés de fabrication par d'autres substances, et à leur permettre de déposer des demandes d'aides financières168 dans le cadre du fonds unique interministériel (FUI) après labellisation des projets par un pôle de compétitivité, ce qui est un passage obligé de l'instruction des dossiers du FUI. Outre le financement par le FUI de projets collaboratifs, le développement de substituts aux PE était susceptible de s'appuyer sur d'autres dispositifs génériques de soutien à l'innovation, tels que : - le financement des plateformes mutualisées d'innovation en lien avec les pôles de compétitivité ; - le financement des instituts d'excellence dans le domaine des énergies décarbonées qui sont des plates-formes interdisciplinaires169 ; - le programme investissements d'avenir (PIA) qui permet de soutenir des projets dans le cadre d'appels thématiques. Si le premier PIA a soutenu en 2010 et 2011, avant le lancement de la SNPE, la création de cohortes dont certaines ont servi de support à des actions de biosurveillance en relation avec des modes d'action PE, la mission n'a pas identifié de projet de substitution de substances PE ayant bénéficié de ce mode de financement faute notamment d'appel à projet adapté.
5.5. Bien que non citées dans la SNPE, des actions de contrôle ont été menées sur des produits susceptibles de contenir des substances à effets PE
La SNPE ne prévoit pas d'actions de contrôle du marché de produits susceptibles de contenir des perturbateurs endocriniens. Cependant, des actions de contrôle sont réalisées dans le cadre des orientations générales du plan national d'enquêtes établi chaque année par la DGCCRF 170 et mis en oeuvre au travers d'enquêtes annuelles qui touchent tous les secteurs de la production, de la distribution et des services. Le contrôle du respect de la réglementation au regard des PE suppose
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La Direction générale des entreprises a produit en 2014 une plaquette recensant les outils économiques permettant aux entreprises d'être accompagnées dans leur projet de substitution de substances chimiques préoccupantes. Par exemple l'INDEED (l'Institut national pour le développement des écotechnologies et des énergies décarbonées), PIVERT (Picardie innovations végétales, enseignements et recherches technologiques), l'IFMAS (l'Institut français des matériaux agro-sourcés). Pour les produits importés, les contrôles sont de la compétence de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI)
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bien évidemment que celle-ci soit stabilisée. Les matériaux en contact des denrées alimentaires, les jouets, les produits chimiques et les cosmétiques font l'objet de plans de contrôle. Pour ce qui concerne plus particulièrement les cosmétiques, le contrôle de l'étiquetage et des allégations est assuré par la DGCCRF alors que celui des processus de production relève de l'ANSM. Cette agence est également en charge du contrôle des dispositifs médicaux. En complément de ces actions de contrôle de la réglementation, l'INERIS a réalisé sur financement de la DGPR, une étude dédiée à l'identification de la présence de substances PE dans les articles de puériculture et les jouets pour les très jeunes enfants pour définir des stratégies de gestion. Ce travail est poursuivi sur quelques couples matériau/article parmi les plus significatifs : nylon/sous-vêtements, polyester/matelas et polyesters/sorties de bains. Sur chacun de ces couples, l'INERIS a recherché et identifié les substances potentiellement perturbatrices endocriniennes les plus employées. Ces études sont susceptibles de pouvoir orienter des actions de contrôle.
5.5.1. La DGCCRF a contrôlé la sécurité des jouets vis-à-vis des phtalates
Les jouets font l'objet d'une attention toute particulière au regard des PE puisque l'action n°66 du PNSE3 vise à « rechercher des substances perturbateurs endocriniens dans les jouets et articles de puériculture via des prélèvements d'échantillons et des analyses en laboratoire et à mettre en oeuvre des mesures de gestion en fonction des résultats ». Cette action est mise en oeuvre dans le cadre d'un plan de contrôle annuel de la DGCCRF destiné à vérifier le respect de la réglementation par les opérateurs du secteur des jouets, tant dans ses aspects formels (par exemple, le marquage CE) qu'en matière de risques, dont le risque d'exposition à des substances dangereuses. En 2015, sur près de 12 200 actions de contrôle, 13 % des jouets prélevés ont été déclarés dangereux. Parmi les principales causes de dangerosité enregistrées : les petits éléments dans les jouets destinés aux enfants de moins de 3 ans, l'accessibilité au rembourrage des peluches et les risques chimiques liés à la présence de phtalates dans des jouets en plastique.
5.5.2. A la suite de contrôles des matériaux en contact des denrées alimentaires, la DGCCRF a pris des mesures de police administrative
Une première campagne de contrôles ciblée a été menée par la DGCCRF, à partir du 1er juin 2015, peu après l'entrée en application de la loi n°2012-1442, sur l'ensemble du territoire national pour vérifier le respect de l'interdiction d'utilisation du bisphénol A. Lors de ces contrôles dans 227 entreprises, les enquêteurs ont vérifié la conformité documentaire de nombreux articles présents sur le marché et, en complément, prélevé 92 échantillons, qui ont été analysés par le Service commun des laboratoires. La présence de bisphénol A a été mise en évidence dans le vernis intérieur de boîtes métalliques pour environ 13 % des échantillons, sans que l'usage intentionnel du bisphénol A n'ait été établi, cette présence résultant probablement d'une contamination externe (vernis extérieur, lieux de production, maculage, etc.). En pareil cas, il a été demandé aux entreprises d'identifier et de hiérarchiser les sources de contamination par le bisphénol A afin de réduire la contamination à un niveau aussi faible que possible, et d'établir une documentation sur les matières premières et les produits finis conformément au règlement (CE) n°2023/2006 du 23 décembre 2006 relatif aux bonnes pratiques de fabrication. L'interdiction d'utilisation du bisphénol A était globalement bien appliquée par les professionnels. La DGCCRF a fait oeuvre de pédagogie et adressé des avertissements aux entreprises dont les produits n'étaient pas conformes à la loi sachant que la majorité des professionnels a pu trouver des solutions de substitution au bisphénol A. Les contrôles se sont poursuivis en 2016 pour vérifier la conformité documentaire de nombreux articles présents sur le marché et 157 échantillons ont été prélevés de manière ciblée pour analyse. Cette enquête a mis en évidence un taux de non-conformité de l'ordre de 40 %, le plus
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souvent sur des produits importés, en majorité des conserves, bocaux et articles en matière plastique. La DGCCRF s'est assurée de la mise en place de mesures correctives, en prenant au besoin des mesures de police administrative (suspension de la mise sur le marché, retrait, rappel des produits) pour faire cesser la commercialisation des articles non conformes.
5.5.3. Des cosmétiques contenant des substances interdites ont été retirés du marché
En 2015, le contrôle par la DGCCRF de la composition des cosmétiques pour bébés et enfants et des allégations a permis d'analyser 602 échantillons, dont 231 ont présenté une non-conformité (notamment des manquements aux règles d'étiquetage) et 65 ont été jugés non conformes et dangereux, dont majoritairement des crèmes éclaircissantes contenant des substances interdites. Les produits dangereux ont été retirés du marché et détruits. Il n'est pas possible d'identifier les cas où des substances à effets PE seraient concernées.
5.5.4. Des prélèvements de produits chimiques (détergents, produits d'entretien, colles et adhésifs, biocides) ont révélé des dangers
En 2015, 1 900 entreprises ont été contrôlées par la DGCCRF : sur 417 prélèvements analysés, plus de la moitié se sont révélés non-conformes (absence de pictogramme et de conseils de prudence) ou dangereux (absence de phrases de danger, utilisation de substances biocides non autorisées, absence ou inefficacité du dispositif de fermeture de sécurité). Il n'est pas possible d'identifier d'éventuelles non conformités spécifiquement liées à des substances à effets PE.
5.5.5. Le contrôle par l'ANSM du marché des dispositifs médicaux en PVC annoncés sans DEHP a justifié des demandes de mesures correctives
L'ANSM a contrôlé un certain nombre de dispositifs médicaux en polychlorure de vinyle (PVC) plastifiés avec un plastifiant autre que le DEHP qui est une substance extrêmement préoccupante pour ses effets PE. Il a été constaté que des dispositifs supposés ne pas contenir de DEHP contenaient en fait des quantités résiduelles de ce phtalate et que, de plus, plusieurs de ces dispositifs étudiés comportaient une allégation mentionnant l'absence de phtalate sur leur étiquetage. Face à ces constats, l'ANSM a demandé aux industriels concernés de mettre en oeuvre des mesures correctives. Un rapport de synthèse de ce contrôle du marché a été publié sur le site internet de l'ANSM en mai 2016 ainsi qu'un avis aux fabricants 171. Par cet avis aux fabricants, l'ANSM souhaite rappeler leur obligation d'étiquetage concernant la présence de phtalates classés comme carcinogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) de catégorie 1A ou 1B selon le règlement (CE) n°1272/2008 dans certains dispositifs médicaux et préciser que la présence d'un taux résiduel en phtalates dans un dispositif médical ne permet pas de présenter le dispositif comme dispositif « sans phtalate ».
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http://ansm.sante.fr/Activites/Surveillance-du-marche-des-dispositifs-medicaux-et-dispositifs-medicaux-de-diagnosticin-vitro-DM-DMDIV/Dispositifs-medicaux-Operations-d-evaluation-et-de-controle-du-marche/Dispositifs-medicauxOperations-d-evaluation-et-de-controle/Dispositifs-medicaux-en-polychlorure-de-vinyle-PVC-plastifie-avec-unplastifiant-autre-que-le-DEHP
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6. Bilan de l'axe 4 : Formation et information
L'axe 4 de la SNPE vise à sensibiliser et informer le public à propos des risques liés aux perturbateurs endocriniens : « L'information du public et sa sensibilisation aux risques des perturbateurs endocriniens doit permettre à chacun d'orienter ses choix pour être en capacité de limiter son exposition à des perturbateurs endocriniens ». Une série d'orientations générales et spécifiques ont pour objectif :
· · ·
De former les professionnels de santé et de la petite enfance concernés par le risque ; De prioriser des actions d'information et de sensibilisation autour de la période périnatale compte tenu des risques spécifiques lors du développement foetal et de la petite enfance ; D'informer les consommateurs sur les produits.
Il renvoie au plan national santé-environnement (PNSE), plus précisément à son enjeu 4 : « Pour la dynamique territoriale, l'information, la formation et la communication ». Afin de répondre aux préoccupations locales et d'aborder des problématiques propres aux territoires, le PNSE a vocation à être décliné dans l'ensemble des régions sous la forme de plans régionaux santé environnement (PRSE). Ces plans sont copilotés par l'État, l'Agence régionale de santé et en général le Conseil régional (article L. 1311-7 du code de la santé publique 172). Une instruction du Gouvernement du 27 octobre 2015 fixe les lignes directrices en vue de l'élaboration des PRSE 3 et cible 24 actions potentielles. Les régions sont invitées à en décliner une dizaine. Sont potentiellement concernées par le thème PE, les actions 105 à 107 sur l'information et la formation en santé environnement :
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Action n°104 : analyser en détails les programmes de formation, tant initiale que continue, des publics relais visés dans les PNSE1 et PNSE2 et compléter les dispositions existantes ; Action n°105 : mutualiser les expériences régionales en matière de formation initiale et continue en santé environnement ; Action n°106 : poursuivre les efforts en matière d'éducation en santé environnement ; Action n°107 : faciliter l'information de l'ensemble des citoyens sur les thèmes liés à la santé environnementale, notamment via la création d'un méta-portail sur le PNSE et les PRSE.La formation des professionnels concernés (professionnels de santé, professionnels de la petite enfance) reste aléatoire.
· · ·
6.1. La formation des professionnels concernés (professionnels de santé, professionnels de la petite enfance) reste aléatoire 6.1.1. L'évolution de l'offre et de la demande en matière de développement professionnel continu montre un intérêt émergent sur le sujet
La mission n'a pas connaissance d'une analyse détaillée des programmes de formation, tant initiale que continue, des publics visés.
172
Le projet régional de santé mentionné à l'article L.1434-1 prévoit les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre du plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement qui relèvent de la compétence des agences régionales de santé. Le plan national de prévention des risques pour la santé, liés à l'environnement, est décliné au niveau régional sous forme de plans régionaux " santé environnement ". Ces plans ont pour objectif la territorialisation des politiques définies dans les domaines de la santé et de l'environnement. Ces plans régionaux s'appuient sur les enjeux prioritaires définis dans le plan national tout en veillant à prendre en compte les facteurs de risques spécifiques aux régions. Ils sont mis en oeuvre par les services déconcentrés de l'Etat, les agences régionales de santé et les conseils régionaux, en association avec les autres collectivités territoriales, notamment par le biais des contrats locaux de santé.
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Pour les professionnels de santé, le développement professionnel continu (DPC) constitue une obligation, quel que soit son mode d'activité. Un arrêté du ministère de la santé publié le 8 décembre 2015 fixe la liste des orientations nationales pour les années 2016 à 2018 telle que l'orientation n°5 « Informer et protéger les populations face aux risques sanitaires liés à l'environnement ». S'inscrivent dans ces orientations les actions contribuant à la connaissance et à la prise en compte par les professionnels de santé des pathologies imputables à l'environnement (saturnisme, mésothéliome, intoxication par le monoxyde de carbone...) et des facteurs environnementaux pouvant avoir un impact sur la santé (pollution de l'air, intérieur ou extérieur, perturbateurs endocriniens, changement climatique...). Le pilotage du DPC est assuré par l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) qui finance le DPC des professionnels libéraux conventionnés et salariés des centres de santé. Elle a, dans ce cadre, une visibilité réduite à ces modes d'exercice. L'ANDPC a néanmoins une vision globale de l'offre de DPC puisque toutes les actions sont publiées sur son site par les organismes de DPC et que celles-ci concernent l'ensemble des professions quel que soit leur mode d'exercice. Les montants et dénombrements relatifs aux professionnels de santé hospitaliers et libéraux non conventionnés sont détenus par les OPCA (l'ANFH pour la fonction publique hospitalière, UNIFAF pour les établissements privés d'intérêt collectifs...) et les employeurs, ainsi que par le fonds d'assurance formation de la profession médicale (FAF-PM) et le fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) 173. Sollicitée par la mission, l'agence a interrogé ses bases de données. Elle ne dispose d'informations chiffrées sur les actions de DPC effectivement réalisées et le nombre de participants que pour les professionnels de santé libéraux conventionnés et salariés des centres de santé conventionnés. Au total, entre 2013 et 2017 (situation au 30 septembre), 56 actions de DPC traitant des perturbateurs endocriniens ont été publiées par les organismes de DPC sur le site de l'ANDPC. 39 d'entre elles (70%) ont été prises en charge par l'ANDPC.
Encadré 1 : http://www.medicformation.fr/formations/print.php?id=355
173
L'agence du DPC a demandé au Ministère une mesure permettant une consolidation des informations au niveau de l'Agence afin de pouvoir avoir un regard exhaustif.
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Le nombre d'actions publiées et prises en charge par l'ANDPC sur cette thématique est en augmentation depuis 2013 : 1 action en 2013, 3 actions en 2014, 7 actions en 2015 et 16 actions en 2016. Au 30 septembre 2017, 22 actions sont publiées sur le site de l'agence. 19 d'entre elles sont proposées au titre de l'orientation n°5 de l'annexe 1 de l'arrêté du 8 décembre 2015 susmentionné. Les 39 actions prises en charge depuis 2013, visent majoritairement les professions suivantes :
· · · ·
74% les médecins ; 21% les infirmiers ; 18% les sages-femmes ; 15% les pharmaciens.
En 2016, 174 professionnels sont pris en charge sur des actions traitant des perturbateurs endocriniens contre 93 en 2015, 50 en 2014 et 1 en 2013. Le nombre de professionnels engagés au 30 septembre 2017 sur ce type d'actions représente déjà plus du double de l'effectif pris en charge en 2016 (380 participants en 2017 après 174 participants en 2016). Depuis 2014, les médecins représentent la grande majorité des professionnels formés. En 2016, les médecins représentaient 88 % de l'effectif formé. Les spécialités médicales qui ont le plus participé aux actions sur cette thématique sont les médecins spécialistes en pédiatrie (54% des médecins formés), en médecine générale (37%), et en gynécologie (5%). En 2017, les médecins ne représentent plus que 58 % de l'effectif, car on constate un fort engagement des infirmiers : 151 infirmiers inscrits à ce type d'actions (40% des professionnels de santé formés) contre 14 en 2016 (8%). Cet engagement concerne une seule action proposée exclusivement à cette profession dans différentes villes. Si 90% des infirmiers inscrits sont pris en charge sur des actions ayant une thématique de santé plus générale que les perturbateurs endocriniens, 53% des médecins le sont sur des actions spécifiques au sujet. Ces chiffres témoignent d'une dynamique de croissance de la demande, celle-ci reste néanmoins modeste. Entre 2013 et 2016, la prise en charge des actions traitant des perturbateurs endocriniens a représenté entre 0% et 0,2% des dépenses totales consacrées au DPC des professions de santé libérales conventionnées prises en charge par l'Agence. Le CSP prévoit (article R 4021-20) qu'à la demande de la Ministre de la santé, l'Agence peut passer des marchés de prestations sur des thématiques ciblées ce qui permettrait à l'évidence de mener des actions plus ciblées et d'en mesurer l'impact. La question des perturbateurs endocriniens n'a pas fait l'objet d'une telle demande. L'ANFH, OPCA de la fonction publique hospitalière, a financé 3 colloques en 2016 (aucun en 2015) : Agissons ensemble vers un hôpital sans perturbateurs endocriniens ; Les perturbateurs endocriniens et leurs effets sur les écosystèmes et la santé humaine ; 2ème colloque sur les perturbations endocriniennes.
Si aucune formation ne comporte le terme « perturbateurs endocriniens », l'ANFH a pris en charge des actions sur les sujets des pesticides, des risques chimiques et de la santé environnementale. Le gouvernement pourrait demander une action de formation nationale : tous les ans le ministère de la santé en commande 5 ou 6 à l'ANFH sur des thématiques « santé publique » ou « réforme ». L'ANFH les achète sur ses crédits et les déploie sur la France entière.
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6.1.2. La mobilisation des disciplines médicales concernées est contrastée
La mission a également sollicité les conseils nationaux professionnels174 (CNP) des disciplines concernées (gynéco-obstétrique, pédiatrie, endocrinologie). Les CNP d'urologie et de santé publique n'ont pu être présents à la réunion organisée sur le sujet. S'estiment fortement concernées les disciplines centrées sur la pédiatrie (pédiatrie, endocrinopédiatrie) et la gynéco-endocrinologie en lien avec la procréation médicale assistée. Pour l'endocrinologie, le sujet apparaît encore marginal ; ceux qui le traitent sont perçus comme engagés dans une démarche militante. Il existe un cours de médecine environnementale au CHU de Nice. Cela reste une initiative isolée d'un professeur d'université-praticien hospitalier (PU-PH) endocrinologue. Les pédiatres rapportent une forte demande de formation et d'information de la part des confrères, du public, des collectivités territoriales (pour les crèches), demande à laquelle ils ne peuvent faire face. Dès lors, le nombre d'intervenants potentiels formés sur ces sujets leur apparaît trop faible. Tous soulèvent la difficulté à faire passer des messages sur un sujet mal connu, potentiellement anxiogène, sans susciter d'inquiétudes disproportionnées (les femmes enceintes sont très réceptives aux messages catastrophiques). Cette difficulté est accrue par la difficulté à repérer des sources d'information fiables centre de référence à l'instar d'autres pathologies serait bienvenu. Les professionnels rencontrés soulignent le besoin de sites bien référencés, bien documentés ciblant les jeunes parents, les adolescents pour leur donner des bases pour discuter avec les professionnels de santé, avec les enseignants. L'action n°104 du PNSE : « analyser en détails les programmes de formation, tant initiale que continue, des publics relais visés dans les PNSE1 et PNSE2 et compléter les dispositions existantes » n'apparaît ni réalisée, ni entreprise.
6.2. Les actions du ministère de la santé auprès des publics sensibles restent à consolider
Le ministère de la Santé a publié, avec l'ANSES, un dépliant « Bisphénol A Recommandations aux femmes enceintes et aux parents de jeunes enfants », en ligne depuis le 20 novembre 2011. Le fait que la grossesse et la petite enfance soient des périodes de grande sensibilité aux effets des PE justifient des actions ciblées. Ainsi la mesure 65 de la feuille de route issue de la conférence environnementale de 2014 prévoit : « Afin de protéger les femmes enceintes et les jeunes enfants, une information comportant un message sur la réduction des expositions aux perturbateurs endocriniens sera insérée dans le carnet de maternité et le carnet de santé de l'enfant lors de leur révision prévue en 2015. Une information et une sensibilisation des professionnels de la naissance et petite enfance pourra être réalisée via la commission nationale de la naissance et de la santé de l'enfant ». Le 10 mars 2015, le ministère de la santé a réalisé une présentation de la SNPE et des objectifs de la feuille de route au comité national de la naissance et de la santé de l'enfant (CNNSE). Une mise à jour du carnet de maternité en 2015 était annoncée sous la forme de l'insertion d'un message à destination des femmes enceintes les informant des dangers des produits chimiques courants tels que les produits d'entretien, illustré par les pictogrammes d'alerte devant figurer sur ces produits.
174
Un Conseil National Professionnel (CNP) est une structure fédérative, régie par une double gouvernance scientifique et professionnelle, qui réunit des professionnels issus des différents organismes représentatifs de la spécialité.
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Encadré 2 : Message inclus dans le carnet de maternité (source DGS)
La DGS tient pour acquis cette modification qui n'apparaît pas sur le carnet de maternité en ligne sur le site du ministère de la santé et de l'assurance maladie à la date du 15 novembre. Une mise à jour du carnet de santé de l'enfant était également prévue. Dans l'exemplaire en ligne sur le site du ministère, il n'est pas fait mention d'attentions particulières vis-à-vis des produits chimiques en général et des PE en particulier.
6.3. La mobilisation constatée des ARS dans le cadre des PRSE est à la fois riche et hétérogène
La mission a interrogé les responsables « santé environnement » des 17 agences régionales de santé, treize ont répondu. L'implication des ARS en matière de perturbateurs endocriniens se caractérise par son hétérogénéité. Toutefois, trois types d'actions se dégagent : l'information du public, la formation des professionnels de santé et la recherche. L'action des ARS est complétée par d'autres acteurs institutionnels et associatifs.
6.3.1. Information et sensibilisation du public font généralement partie des PRSE
Les actions dominantes des PRSE3 et des PST3 sont l'information et la sensibilisation du public. Le public cible principal est en lien avec la petite enfance (femmes enceintes, futurs et jeunes parents, professionnels de santé et professionnels de la petite enfance). L'information sur les PE s'inscrit également dans d'autres thématiques : qualité de l'air intérieur, développement durable des établissements de santé et médico-sociaux (conseil lors de projet de maternité, produits d'entretien, etc.). Par ailleurs, l'information est parfois centrée sur des problématiques locales : pesticides (Auvergne-Rhône-Alpe, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie), contamination de l'eau au perchlorate (Grand Est), etc. Les PST3 abordent les perturbateurs endocriniens par le risque chimique (évaluation et outils de traçabilité, sensibilisation des employeurs et salariés, etc.) et les produits CMR. L'information et la sensibilisation du public sont peu retranscrites dans les contrats locaux de santé (CLS)175. Seules cinq ARS sur les treize étudiées indiquent que la santé environnementale est parfois abordée dans les CLS de leur territoire. La qualité de l'air intérieur, l'utilisation des produits chimiques dans les crèches, la périnatalité (recommandation en crèches, forum parentalité, etc.), les phytosanitaires sont les voies d'approche déclinées dans les CLS, sans que le terme de perturbateurs endocriniens ne soit toujours explicitement précisé.
175
« La mise en oeuvre du projet régional de santé peut faire l'objet de contrats locaux de santé conclus par l'agence, notamment avec les collectivités territoriales et leurs groupements, portant sur la promotion de la santé, la prévention, les politiques de soins et l'accompagnement médico-social ». Art. L. 1434-17 du Code de santé publique.
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D'autres acteurs participent à l'information du public : services déconcentrés (création d'un site internet dédié à la santé environnement par la DREAL Bourgogne-Franche-Comté, etc.), collectivités territoriales (fiche santé environnement dans les carnets de maternité et de santé en Picardie, crèche sans PE à Limoges, etc.), associations environnementales (association pour la prévention de la pollution atmosphérique, réseau santé environnement, Women in Europe for a Common Future, etc.), mutuelles (ateliers de nesting176 dispensés par la Mutualité française) et CHU (évaluation des expositions environnementales et prise en charge des futurs parents à Bordeaux177 et à Rennes).
6.3.2. Des ARS s'impliquent dans la formation des professionnels
Des ARS mènent des actions de formation à destination des professionnels de la périnatalité et de la petite enfance principalement. Ces actions sont menées en lien avec des CHU (CHRU de Lille), des associations de professionnels (URPS pharmaciens), des réseaux de libéraux (réseaux de périnatalité, etc.) et des associations d'éducation pour la santé (Comité départemental d'éducation pour la santé, Comité régional d'éducation pour la santé).
6.3.3. ...et interviennent dans des projets de recherche
Certaines ARS estiment manquer de données pour mener des actions d'information et de formation et s'investissent dans des actions de recherche afin d'approfondir leur évaluation des PE localement (Centre Val de Loire, Martinique). Elles se rapprochent également de certains services hospitaliers et universitaires très impliqués dans ce champ (étude de recherche interventionnelle 178 du CHU de Poitiers, études épidémiologiques du CHU de Nice et du Centre de lutte contre le cancer de Lyon).
6.3.4. L'hétérogénéité des politiques régionales sur le sujet s'explique par l'absence de politique explicitement formulée
Les actions des programmes de prévention antérieurs ne ciblaient pas explicitement les perturbateurs endocriniens, sauf dans l'ancienne région Poitou-Charentes (recherche sur les filières de traitements des substances médicamenteuses et des perturbateurs endocriniens). Les informations se concentraient essentiellement sur la qualité de l'air intérieur des crèches, les pesticides et la pollution locale (perchlorate, ...). Plusieurs facteurs expliquent les difficultés exprimées par les ARS pour s'approprier le sujet des perturbateurs endocriniens : absence de définition, de réglementation, d'instructions nationales et de ressources unifiées (données, expertise, formation, outils de mobilisation, etc.). Une tension apparaît entre la volonté d'adapter la problématique au niveau local et un besoin d'appui national. Par ailleurs, la prévention des perturbateurs endocriniens ne semble pas consensuelle : le sujet est perçu comme trop vaste, controversé et anxiogène. Dès lors, l'intensité des actions varient selon les ARS. La Nouvelle-Aquitaine consacre toute une politique de prévention et de promotion de la santé environnementale en direction de la petite enfance (conception d'un guide de recommandation dans les crèches, atelier nesting, formation initiale et continue des sages-femmes et des puéricultrices, etc.) alors que d'autres ARS proposent des actions plus restreintes.
176
Atelier de sensibilisation des parents aux risques liés à la pollution intérieure, d'après le projet européen de Women in Europe for a Common Future (WECF). ARTEMIS « Aquitaine ReproducTion Enfance Maternité et Impact en Santé environnement » DisPRoSe « Dispositif de recherche interventionnelle en promotion de la santé environnementale » sur l'impact d'une intervention d'éducation en santé environnementale
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6.3.5. Il apparaît pertinent d'entreprendre une démarche de capitalisation de cette multitude d'initiatives
Les ARS aspirent à un cadrage national en matière de PE : centre de ressource national en ligne pour développer les connaissances des professionnels de santé et du grand public, recommandations nationales précises pour certains produits de consommation, intégration de la problématique PE aux formations initiales et continues des professionnels de santé, adaptation des cahiers des charges des marchés publics (GHT, maternité et crèches). L'action n°105 : « mutualiser les expériences régionales en matière de formation initiale et continue en santé environnement » et l'action n°107 : « faciliter l'information de l'ensemble des citoyens sur les thèmes liés à la santé environnementale, notamment via la création d'un métaportail sur le PNSE et les PRSE » restent pertinentes et à réaliser. L'action n°106 : « poursuivre les efforts en matière d'éducation en santé environnement » reste d'actualité.
6.4. Les PE deviennent une source d'inquiétude dans la population 6.4.1. L'impact des PE sur la santé : une source d'inquiétude majeure pour les Français
Le 23 février 2017, un sondage relève : Les deux-tiers des Français (66%) ont déjà entendu parler des PE. La connaissance culmine à 77% auprès des personnes les plus âgées (65 ans et plus) alors qu'elle est minoritaire auprès des plus jeunes (4% auprès des 18-24 ans). Néanmoins, si les Français ont le plus souvent entendu parler du sujet, pour la plupart d'entre eux, leur connaissance de la question reste assez floue: 40% (sur les 66%) disent ne savoir que « vaguement de quoi il s'agit ». Le sujet ne laisse pas indifférents les Français : 70% expriment une inquiétude vis-àvis des PE, alors que leur connaissance est parcellaire sur le sujet. Encore une fois, l'inquiétude culmine auprès des plus âgés. Elle est de 75% auprès des plus de 65ans, alors qu'elle est moindre auprès des plus jeunes (49%). En conséquence, les perturbateurs endocriniens constituent la 3 ème priorité la plus forte assignée par les Français en termes de santé publique, devant la lutte contre le tabac et l'alcool
Encadré 3 : Synthèse du sondage ODOXA
6.4.2. Les produits identifiés comme porteurs de risques PE sont multiples
Cosmétiques, jouets, emballages alimentaires, etc. sont régulièrement mis en cause pour leur teneur en perturbateurs endocriniens potentiels.
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Figure 1 : LexisNexis Newsdesk
6.4.3. Avec une visibilité croissante dans les médias
Le sujet des perturbateurs endocriniens est de plus en plus présent dans nos journaux. Europresse montre en effet que près de 3 200 documents ont été écrits sur le sujet en 2016 contre seulement 58 une décennie auparavant ; et près de 2 600 documents sont déjà parus sur les cinq premiers mois de l'année 2017.
Figure 2 :Evolution du nombre de documents publiés contenant l'expression perturbateur endocrinien (source Europresse)
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Figure 3 :Visibilité en nombre d'articles (source LexisNexis Newsdesk)
La reprise médiatique des études sur le sujet s'amplifie. Une étude de l'Inserm, publiée fin septembre 2017 dans la revue « Environmental health perspectives » a été largement citée dans l'actualité. Cette étude met en évidence une corrélation entre une exposition à certains PE pendant la grossesse et l'apparition de troubles du comportement chez les garçons de 3 à 5 ans. De façon générale, les articles « grand public » sont nombreux, parfois contradictoires et peut être inutilement anxiogènes.
6.5. La qualité de l'information des consommateurs peut et doit s'améliorer 6.5.1. L'INERIS a travaillé sur la création de labels
Le Bisphénol A (BPA) est entré dans la liste des substances soumises à restriction d'usage par le comité des États membres de l'Union européenne dans le cadre du règlement REACH. A la demande de son ministère, l'INERIS a mis à disposition des professionnels un label : « tickets sans BPA ». Délivré par l'Institut, il garantit que les tickets de caisse et reçus de carte bancaire ne contiennent pas de bisphénol A (BPA). Les deux premiers labels ont été attribués dès janvier 2015. L'INERIS a également développé un label étendu garantissant l'absence, dans les papiers thermiques, de tous les phénols et bisphénols (y compris Bisphénol A, Bisphénol S et Bisphénol F) connus pour être utilisés dans ces papiers comme révélateurs thermiques. L'obtention du label « sans phénol ajouté » repose sur les mêmes principes que l'obtention du label « tickets sans BPA » : les détenteurs du label sont tenus de respecter les exigences posées par un référentiel. Ce référentiel, public, définit les modalités de surveillance du processus de fabrication du papier thermique, en vue de s'assurer que les papiers thermiques de tous types sont bien exempts des phénols et bisphénols concernés. Le référentiel s'appuie sur un protocole, mis au point par l'INERIS, de mesure de ces composés dans le papier, à partir de techniques d'analyses chimiques reconnues et largement pratiquées par les laboratoires en France comme dans d'autres pays. Les premiers labels ont été attribués aux enseignes Carrefour, Lidl et Système U ainsi qu'au fabricant de papier Koehler. Cette démarche de labellisation des papiers thermiques (tickets de caisse, reçus de carte bancaire et autres types de papier thermique) garantit l'absence de quinze phénols, dont toute une famille de bisphénols. Les labels « tickets sans BPA » et « sans phénol ajouté » ont été développés en concertation avec les parties prenantes : pouvoirs publics, représentants de la société civile (dont le milieu associatif), acteurs économiques (fabricants et transformateurs de papier thermique, filière
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papetière, utilisateurs organisations professionnelles et entreprises de la distribution et du secteur bancaire). Un label est une marque de reconnaissance par une tierce partie d'un dispositif mis en oeuvre par un organisme sur un thème précis, par rapport aux dispositions d'un cahier des charges et ce au moyen, notamment, d'évaluations récurrentes sur site ou non. La valeur accordée par le marché au label s'en remet de fait à la pertinence du cahier des charges constitué et du dispositif de labellisation qui l'accompagne, ainsi qu'à la crédibilité du panel d'acteurs ayant participé à son élaboration. Pour la DGCCRF, les dispositifs de type « label » ne doivent pas être confondus avec des dispositifs de certification de services. · Comparatif des marques de reconnaissance
Tableau 1 : Afnor Certification
Les allégations de type « sans parabène » largement employées par l'industrie des cosmétiques, sont uniquement commerciales, ne préjugent pas de l'absence d'effet PE et ne peuvent être assimilées à des labels.
6.5.2. Un étiquetage spécifique des PE nécessite une définition réglementaire
L'étiquetage des produits chimiques est soumis à un cadre juridique : la réglementation CLP (voir annexe 5). Le pictogramme ci-dessous, utilisé pour les produits reconnus CMR ne peut être appliqué au prétexte de perturbation endocrinienne dans l'état actuel de la réglementation.
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6.5.3. Les listes « noires » de produits suspects se multiplient
Conformément aux engagements des ministres de la transition écologique et solidaire, de la santé et des solidarités et de l'agriculture et de l'alimentation dans leur communiqué du 4 juillet 2017, la liste des produits pesticides autorisés susceptibles de contenir des substances PE a été publiée le 13 juillet 2017. Il n'est pas démontré que le caractère ésotérique de ces listes en fasse un vecteur d'information grand public ! Si les services de l'État sont tenus par la réglementation, les associations de consommateurs disposent de liberté qui leur permettent de délivrer une information plus opérationnelle. A titre d'exemple, le site d'une association de consommateurs met gratuitement à la disposition des consommateurs sa base de données remise à jour de 400 cosmétiques comportant des substances indésirables, les fiches explicatives et la carte repère téléchargeable Dans son numéro d'octobre, le magazine Que Choisir a épinglé 10 marques de sticks labiaux dont la composition dissimulerait, entre autres, des perturbateurs endocriniens, en l'occurrence le BHT (hydroxytoluène butylé ou E321) :
Une autre association titre : « Dans la cuisine, la salle de bains, le salon... et jusque dans la chambre. Toute la journée, sans le savoir, nous sommes exposés à des perturbateurs endocriniens potentiels cachés dans des produits d'usage courant. On vous aide à faire le tri pour écarter les plus problématiques ».
6.5.4. La mobilisation de la société civile interpelle les services de l'État
« A la suite de signalements, parus en juin 2017 dans la presse consumériste, dénonçant la commercialisation de 23 produits cosmétiques contenant des conservateurs non autorisés, la DGCCRF a mené une enquête ciblée... Au vu de ces résultats, et du nombre particulièrement important de références contenant des substances interdites retrouvées dans les rayonnages, la DGCCRF estime nécessaire de maintenir une vigilance renforcée sur ces sujets179... »
179
https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/produits-cosmetiques-140-references-non-conformes-retirees-marche
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7. Argumentaire pour un centre national de référence dédié aux PE
A l'image des centres nationaux de référence (CNR) 180 tels qu'ils existent pour des maladies infectieuses où travaillent des spécialistes pour concentrer le savoir, promouvoir la recherche et l'assistance technique, il serait important de bâtir le centre national de référence sur la perturbation endocrinienne. Face aux diversités chimiques, aux diversités d'effets et de cibles biologiques, un centre de référence saura centraliser les compétences au service de tous. Outre les CNR, il existe des centres uniques pour des enjeux jugés majeurs dans les domaines de la santé publique et le développement industriel : centre des biofilms aux USA, centre de la corrosion en Suède ... Un tel centre a pour objectif de : Réaliser de la recherche sur le sujet, car de nombreuses questions restent posées (mécanistiques, nature des dangers, méthodes d'analyse, biotests...). Il ne doit pas pour autant attirer tous les crédits et assécher les laboratoires qui ont une compétence reconnue sur le sujet. Le centre peut être l'acteur coordonnateur pour des appels d'offre de recherche ; Réaliser la veille scientifique et sociétale complète sur le sujet ; Conduire ou faire réaliser des études notamment pour mesurer l'exposition des Français via les aliments, l'air, l'eau, les cosmétiques ... ; Apporter l'assistance technique aux ministères, aux industriels, aux associations reconnues ; Nourrir les arguments des agences et autorités françaises dans les négociations internationales sur le sujet ; Être le centre de référence reconnu par tous et offrant un label reconnu par son indépendance et sa qualité ; Signer, en lien avec l'INERIS, des contrats d'évaluation et de prestation éventuellement confidentiels avec des partenaires publics ou privés. Pratiquement, il s'agit de grouper un noyau actif de haute qualité scientifique disposant des moyens nécessaires (laboratoires d'analyse, laboratoires de bioessais, épidémiologistes, toxicologues et écotoxicologues...). L'articulation de ce centre de références avec les agences nationales (ANSES, ANSP, INRA, INSERM, INERIS...) doit être explicite quitte à ajuster, pour les articuler, les contours de leurs missions respectives. Les CNR dédiés aux maladies infectieuses sont cadrés par le code de la santé publique et gérés historiquement par l'Institut Pasteur. Une gouvernance associant au moins les ministères cahrgés de l'environnement et de la santé se justifie par le fait que les effets des PE se manifestent à la fois sur l'environnement et sur la santé, les deux étant intimement liés. Le cahier des charges d'un tel centre pourrait être un des objectifs à court terme de la future SNPE. La base de ce qui pourrait être un CNR fonctionnant en réseau existe en France (Rennes, Nantes...).
180
Les missions propres à chaque CNR sont détaillées dans un cahier des charges spécifiques conforme à un cahier des charges type défini par l'arrêté du 16 juin 2016. Pour assurer certaines de ses missions, un CNR peut s'appuyer sur un ou plusieurs laboratoires dits «laboratoires associés». Dans ce cas, le responsable du CNR est chargé de la coordination de l'ensemble des activités des laboratoires associés et rend à Santé publique France un rapport annuel faisant la synthèse des activités réalisées par les différents laboratoires. (http://invs.santepubliquefrance.fr/Espaceprofessionnels/Centres-nationaux-de-reference/Missions)
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8. Glossaire des sigles et acronymes
Acronyme AFB ANDPC ANFH ANR ANSES ANSM ANSP ARS BPA CEA CEFIC CGAAER CGEDD CLP CLS CMR CNRS CNTE COSET DGAL DGCCRF DGPR DGS DGT DPC DREAL EAT ECHA ECOPHYTO EFSA ESTEBAN Agence française de la biodiversité Agence nationale du développement professionnel continu Association nationale pour la formation des hospitaliers Agence nationale de la recherche Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé Agence nationale de santé publique Agence régionale de santé Bisphénol A Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives Conseil européen de l'environnement chimique Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux Conseil général de l'environnement et du développement durable Classification, Labelling, Packaging Contrat local de santé Substance cancérigène, mutagène, toxique pour la reproduction Centre national de la recherche scientifique Conseil national de la transition écologique Cohorte pour la surveillance épidémiologique en lien avec le travail Direction générale de l'alimentation Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes Direction générale de la prévention des risques Direction générale de la santé Direction générale du travail Développement professionnel continu Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Étude de l'alimentation totale European Chemical Authority Plan de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires European Food Safety Agency Étude de santé sur l'environnement, la bio surveillance, l'activité physique et la nutrition Signification
Évaluation de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE)
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Acronyme ETP HBM4EU HCSP IFRES IGAS INERIS INRA INSERM InVS IRESP IRSTEA MESRI MSS MTES NQE OMS ONCFS ONEMA PBT PCB PE PELAGIE Equivalent temps plein Human Bio Monitoring for European Union Haut conseil pour la santé publique
Signification
Initiative française pour la recherche en environnement santé Inspection générale des affaires sociales Institut national de l'environnement industriel et des risques Institut national de la recherche agronomique Institut national de la santé et de la recherche médicale Institut national de veille sanitaire Institut de recherche en santé publique Institut de recherche en sciences et technologies de l'environnement et de l'agriculture Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation Ministère des solidarités et de la santé Ministère de la transition écologique et solidaire Norme de qualité environnementale Organisation mondiale de la santé Office national de la chasse et de la faune sauvage Office national de l'eau et des milieux aquatiques Substance persistante bioaccumulable et toxique polychlororobiphényles Perturbateur endocrinien perturbateurs endocriniens étude longitudinale sur les anomalies de la grossesse, l'infertilité et l'enfance Programme d'investissements d'avenir Programme national de recherche environnement-santé-travail Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens Plan national santé-environnement Programme des Nations Unies pour l'environnement Plan de réduction des polluants atmosphériques Programme régional de santé Registration Evaluation Authorization and Restrictions of Chemicals Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens Stratégie nationale de la recherche Santé publique France
PIA PNR-EST PNRPE PNSE PNUE PREPA PRS REACH SNPE SNR SPF
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Acronyme SVHC UIC UNIFAF VGE vPvB Substance extrêmement préoccupante Union des industries chimiques
Signification
Fonds d'assurance formation pour les établissements privés d'intérêt collectif Valeur guide environnementale Substance très persistante et très bioaccumulable
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(ATTENTION: OPTION o-administratives pourrait être envisagé pour identifier des excès de risque de certaines pathologies chroniques du système endocrinien.
2.2.4. La surveillance des effets des perturbateurs endocriniens sur les écosystèmes
Alors que les perturbateurs endocriniens sont présents dans tous les milieux (eau, sol, air), la SNPE évoque de manière générale la surveillance des effets des perturbateurs endocriniens sur l'environnement sans indiquer d'action particulière sur les effets écotoxicologiques des PE.
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La chlordécone est un pesticide organochloré utilisé entre 1973 et 1993 en Martinique et en Guadeloupe comme insecticide dans la culture de la banane. Son utilisation a entraîné une pollution permanente des sols et des eaux et une contamination toujours présente de la chaîne alimentaire et de la population.
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Différentes études antérieures à la SNPE ont pourtant permis d'observer un impact des PE sur l'environnement, et en particulier sur la faune, notamment la féminisation de populations de poissons ou le phénomène de développement d'organes génitaux mâles chez les femelles (imposex) de gastéropodes marins, des atteintes osseuses chez les phoques, des malformations de l'appareil génital chez les cervidés et la diminution du nombre d'espèces de batraciens. Des travaux menés au titre du programme national de recherche sur les PE ont permis de préciser les connaissances sur les mécanismes d'action. Les molécules ayant un potentiel de perturbation endocrinienne sont particulièrement préoccupantes seules ou en mélange pour le maintien des populations. Depuis 2013, l'INERIS mène avec le soutien financier de l'AFB (ONEMA) une étude afin d'avoir une représentation du phénomène d'intersexualité32 (occurrence, sévérité) des cyprinidés dans les cours d'eau de métropole qui pourrait résulter d'une exposition de ces poissons à des perturbateurs endocriniens. Les résultats provisoires suggèrent fortement une implication de substances oestrogéniques et anti-androgéniques dans l'apparition de l'intersexualité, en particulier chez le gardon, conséquence d'une « féminisation » des mâles. Ce travail se poursuit dans le cadre de l'action 29 du plan micro-polluants 2016-2021 présentée comme s'inscrivant dans la mise en oeuvre de la SNPE. Elle vise à évaluer l'effet des micro-polluants sur la flore et la faune aquatique, notamment le potentiel synergique des mélanges de micro-polluants, y compris ceux associés à la perturbation endocrinienne. La mission n'a pas identifié de travaux engagés sur les effets des PE sur des biocénoses terrestres. Il ne semble pas y avoir de « culture de la chimie » dans les communautés de l'écologie terrestre qui inciterait à s'intéresser aux effets éventuels de substances PE sur l'évolution de l'état de conservation de certaines espèces. Une réflexion à un stade très préliminaire serait néanmoins engagée entre l'AFB et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) pour étudier une éventuelle contamination des oiseaux en zone humide par des substances à usage phytosanitaire dont certaines susceptibles d'être PE.
2.3. L'évaluation des dangers et des risques de substances susceptibles d'être des perturbateurs endocriniens
Dans son axe n°2, la SNPE prévoit d'amplifier la démarche d'évaluation des dangers et risques33 de substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens ou utilisées par des populations sensibles, via un programme d'expertise confié d'une part à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) chargée d'évaluer au moins une quinzaine de substances chimiques sur trois ans et, d'autre part, à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui devait expertiser chaque année au moins trois substances présentes dans les produits relevant de son domaine de compétence et notamment dans les cosmétiques. Cette orientation qui prolonge des actions déjà engagées avant
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L'intersexualité consiste en la présence à la fois de tissu gonadique mâle et femelle chez des espèces gonochoriques (c'est-à-dire pour lesquelles les individus sont soit des mâles, soit des femelles et ne changent pas de sexe durant leur vie). L'intersexualité peut mener à une diminution du succès reproducteur et (ultimement) à l'effondrement local de populations de poissons. On définit le « danger » d'une substance chimique comme une propriété intrinsèque d'un agent chimique susceptible de provoquer un effet nocif. Le « risque » se définit quant à lui comme la probabilité que le potentiel de nuisance soit atteint dans certaines conditions d'utilisation et/ou d'exposition. Le risque s'évalue donc en confrontant le danger et l'exposition. Ces notions de danger et de risque font souvent l'objet de confusions dans le langage courant.
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l'adoption de la SNPE, notamment dans le cadre du deuxième Plan national santéenvironnement (PNSE 2), a été confirmée dans l'action n°14 du PNSE 3. L'annexe n°4 présente le bilan détaillé de cet axe dédié à l'expertise des substances.
2.3.1. L'évaluation des risques liés aux substances susceptibles d'avoir des effets PE avait été engagée dans le cadre du PNSE2
Dans le cadre de l'action 18 du deuxième Plan national santé-environnement 20092013 (PNSE2), la Direction générale de la santé (DGS) a saisi en 2009 l'ANSM et l'ANSES, afin qu'elles réalisent une évaluation des risques liés aux substances reprotoxiques ou potentiellement PE en fonction de l'exposition. Pour l'essentiel, les résultats de ces travaux ont été publiés avant l'adoption de la SNPE par l'ANSM et postérieurement par l'ANSES. Après avoir défini une liste prioritaire de 12 substances PE et/ou reprotoxiques susceptibles d'être retrouvées dans des mélanges à usage du grand public, l'ANSES a publié un avis et un ensemble de rapports d'expertise sur six substances en mai 2014, puis en décembre 2015 sur six autres substances. L'Agence a également publié des synthèses relatives à la toxicité, aux sources d'exposition, à la contamination de différents milieux par des substances susceptibles de rentrer dans la composition de nombreux articles respectivement en mars 2015 pour les phtalates et les perfluorés, puis en août 2017 pour les polybromés. Les expertises sur le bisphénol A et les autres composés de la famille des bisphénols avaient été publiées en 2011 et 2013. De son côté, l'ANSM a évalué une dizaine de substances présentes dans les produits cosmétiques (voir la liste en annexe 4 §1.4). La plupart des résultats a été publiée en 2011 et 2012, à l'exception de deux expertises achevées en 2015. Des mesures de gestion adaptées ont été proposées pour certaines substances (diminution de la concentration, études complémentaires demandées).
2.3.2. L'ANSES a respecté l'objectif fixé par la SNPE d'évaluer cinq substances par an
Entre 2014 et 2017, l'ANSES aura évalué une vingtaine de substances dont sept qui étaient identifiées dans la saisine DGS de 2009 évoquée ci-dessus. L'objectif d'évaluation de cinq substances par an fixé dans la SNPE a donc été respecté par l'ANSES qui a proposé les mesures de gestion appropriées dès lors que certaines substances sont suspectées de présenter des effets PE. Les avis relatifs à l'analyse du danger des substances et à la meilleure option de gestion des risques ont été publiés (voir annexe 4 § 2) : le 3 mars 2015 pour les cinq substances évaluées en 2014 (méthylparabène, acide orthoborique, BHA, DINCH et DEHTP) ; le 8 avril 2016 pour les cinq substances évaluées en 2015 (2,6-di-tert-butyl-p-cresol, méthylsalicylate, tributyl O-acetylcitrate, tributyl citrate, acide téréphtalique) ; le 1er août 2017 pour les cinq substances évaluées en 2016 (TMBPF, triclocarban, RDP, sulfate d'étain, dicyclopentadiène).
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Les résultats des évaluations menées en 2017 sur cinq nouvelles substances (homosalate, bisphénol B, triphényl phosphate, 2,2,4,4'-tétrabromodiphenyl éther) ne sont pas encore disponibles. En plus de ces substances, l'ANSES a également évalué des substances suspectées d'effet PE utilisées dans les produits phytosanitaires et dont l'autorisation arrive à expiration (iprodione en 2015, chlortoluron en 2016, trisulfuron méthyl en 2017). À l'exception du cas de l'iprodione dont le renouvellement de l'approbation n'a pas été adopté le 6 octobre 2017 dans le cadre du règlement sur les pesticides, notamment en raison d'effets PE, les expertises menées par l'ANSES n'ont pas conduit à identifier de substances comme PE, soit parce que des informations complémentaires devaient être demandées pour confirmer ou infirmer leur effet PE, soit parce que la suspicion a été levée à l'issue d'une évaluation plus approfondie. Si les objectifs fixés par la SNPE ont été respectés, cette activité d'expertise présente certaines limites : les conditions contraignantes de sélection des substances à évaluer ont exclu de facto un nombre important de substances qui auraient pu répondre à l'un (ou plus) des trois critères de choix qui sont néanmoins pertinents34 ; l'absence de méthode(s) et de test(s) reconnus permettant de caractériser les effets PE sur l'ensemble des organes et fonctions cibles constitue un obstacle majeur pour lever complètement le doute, dès lors que pèse sur certaines substances une suspicion d'un effet PE potentiel ; l'écart qui existe entre le niveau de preuve nécessaire pour identifier une substance extrêmement préoccupante au titre de l'article 57(f) du règlement REACH (voir annexe 5) et les données disponibles et de qualité suffisante pour caractériser les effets PE éventuels conduit à écarter a priori de nombreuses substances, ce qui fait que ne sont retenues pour l'expertise que des substances pour lesquelles des tests sont disponibles ou qui présentent des similarités structurelles avec des substances connues ; les dossiers d'enregistrement dans le cadre de REACH et les études demandées pour les améliorer à l'issue de l'évaluation des substances n'apportent que peu d'informations sur les effets endocriniens, ce qui rend difficile l'évaluation des effets PE sur l'environnement et, dans une moindre mesure, pour la santé humaine ; le principe de répartir la tâche d'expertise entre les différents États membres est certainement pertinent au vu du nombre de produits à étudier, mais l'absence de définition des PE et d'harmonisation des méthodes d'expertises font que les procédures sont extrêmement hétérogènes en fonction des États membres.
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La sélection des substances à expertiser est faite, après consultation des parties prenantes, à partir d'une proposition établie par l'Anses qui combine trois critères : le danger potentiel (effet perturbateur endocrinien suspecté), la sensibilité des populations exposées (femmes enceintes, enfants....), et le caractère ubiquitaire de la substance (données de surveillance). Les substances évaluées ne doivent pas être en cours d'évaluation par I'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ou par un autre État membre. Elles ne doivent pas non plus faire l'objet d'un encadrement réglementaire de portée générale ou sectorielle qui pourrait limiter les leviers de gestion du risque sanitaire envisageables.
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2.3.3. L'ANSM n'a pas été en mesure d'évaluer chaque année trois substances présentes dans les cosmétiques
Aucune substance contenue dans les cosmétiques n'a été programmée pour une évaluation en 2014 et 2015 au titre de la SNPE. Dans le cadre de la poursuite des travaux liés à la saisine de la DGS de 2009, l'ANSM a produit les rapports d'évaluation du cyclotetrasiloxane et du toluène, respectivement en mai et en septembre 2015. Selon l'ANSM, trois substances devaient être expertisées en 2016 au titre de la SNPE (le phtalate de butyle et de benzyle (BBP), l'acetyl tributyl citrate (ATBC) et le triclosan). Pour ce qui concerne l'ATBC, l'évaluation n'est plus nécessaire, car l'ANSES l'a déjà évaluée en 2015, ce qui illustre un manque de coordination dans la programmation. Les travaux sur le BBP et le triclosan n'ont pas été réalisés. Ces études et leurs conclusions ont été reportées en 2017, avec une remise du rapport prévue au plus tard au 1er trimestre 2018. Au cours des dernières années, l'ANSM a en fait donné la priorité à des travaux d'évaluation de substances (phtalates, méthyl et propyl-parabène, acide borique, l'hydroxyanisole butylé) utilisées comme excipients dans les médicaments. Dans le cadre de l'Agence européenne du médicament, l'ANSM a été rapporteur ou corapporteur pour ces substances en vue d'actualiser l'information à connaître par le patient avant de prendre un médicament. A l'initiative de la France, cet outil a été proposé pour réguler et contrôler l'utilisation de substances perturbatrices endocriniennes dans les médicaments. Ces travaux ne figurent pas spécifiquement dans les objectifs assignés par la SNPE. Après avoir privilégié les évaluations des substances utilisées comme excipients dans les médicaments plutôt que dans les cosmétiques, l'ANSM envisage de s'orienter de préférence sur les risques liés aux dispositifs médicaux, notamment ceux en polychlorure de vinyle plastifié et substituts de phtalates. L'ANSM n'a donc pas atteint les objectifs assignés par la SNPE. Dans un cadre de ressources contraintes, l'Agence a progressivement réduit à environ 0,5 ETP, tous produits confondus, le nombre d'agents pouvant se consacrer à l'évaluation et à la proposition de mesures correctives sur les substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens. Elle a indiqué travailler à un projet de plateforme d'étude sur les perturbateurs endocriniens sous la forme d'un partenariat avec des laboratoires universitaires, ce qui nécessitera de mobiliser des crédits d'intervention qui ont diminué d'un tiers en cinq ans. De plus, le dispositif de programmation et de régulation permettant d'inscrire l'action de cette agence en cohérence avec celle de l'ANSES reste à consolider parallèlement à l'affermissement d'une meilleure lisibilité des actions prévues pour la mise en oeuvre de la SNPE.
2.4. La réglementation sur les perturbateurs endocriniens et le soutien à leur substitution
Le troisième axe de la SNPE s'articule selon trois actions dont le bilan détaillé figure en annexe 5 : parvenir à une définition européenne des perturbateurs endocriniens ; proposer des mesures d'exclusion ou de restriction de l'usage de substances à effet perturbateur endocrinien ;
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accompagner les démarches industrielles de substitution de substances dangereuses.
2.4.1. La volonté affirmée de la France de parvenir à une définition européenne des PE n'a pas encore totalement abouti
L'essentiel des réglementations qui encadrent les produits chimiques est établi à l'échelon européen. Le cadre juridique communautaire qui s'applique aux perturbateurs endocriniens est présenté en annexe 5 - §1. Il comprend deux règlements relatifs à la gestion de l'ensemble des substances chimiques (REACH et CLP) 35, des règlements spécifiques aux usages des substances dans certains produits (biocides, phytopharmaceutiques, cosmétiques, produits en contact avec les denrées alimentaires, dispositifs médicaux, jouets), ainsi que la réglementation relative à l'eau. Des substances ont déjà fait l'objet de mesures de gestion au titre de ces différents règlements pour leurs effets PE36, à l'issue d'approches au cas par cas, sans définition, ou par défaut37. La bonne application de ces textes est notamment liée à la définition de critères caractérisant l'effet PE. C'est pourquoi il est clairement indiqué dans la SNPE que « la France demande une définition européenne cohérente avec les spécificités toxicologiques et écotoxicologiques des perturbateurs endocriniens, fondée sur les propriétés intrinsèques de danger, sans prise en compte de la « potency », et établissant 3 catégories (« avéré », « présumé », « suspecté ») en fonction du degré de certitude sur ces propriétés. La définition doit être adaptée aux modes d'actions des perturbateurs endocriniens (action à très faible dose, fenêtre d'exposition, etc.) ». Cette volonté de la France d'aboutir à une définition des perturbateurs endocriniens et à des critères réglementaires européens a été confirmée à plusieurs reprises, notamment lors des tables-rondes santé-environnement des Conférences environnementales de novembre 2014 (mesure n°64) et avril 2016 (objectif 12a). Elle a été reprise dans le PNSE 3 (action n°69), ainsi que dans le plan santé-travail 20162020 (action 1.13).
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Adopté le 18 décembre 2006, le règlement REACH (CE n° 1907/2006) constitue le cadre réglementaire de l'ensemble des substances chimiques en Europe. Il concerne l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances. Le règlement 1272/2008 dit CLP (classification, labelling, packaging) est commun à toutes les substances chimiques ou non, commercialisées sur le territoire européen. Il a pour objet d'assurer que les dangers que présentent les substances chimiques soient clairement communiqués aux travailleurs et aux consommateurs de l'Union européenne grâce à la classification et à l'étiquetage des produits chimiques. Par exemple, dans le cadre de REACH, onze substances figurent actuellement, en raison de leurs effets avérés de perturbateur endocrinien, au sein de la liste des substances extrêmement préoccupantes candidates en vue d'une autorisation : le Bisphénol A (inclus en janvier 2017), quatre phtalates (inscrits en octobre 2008 et janvier 2010) et six phénols (inscrits entre 2011 et 2017). Des substances ne sont plus autorisées au titre du règlement pesticides en raison du danger associé à leur caractère PE (cas par exemple de l'iprodione non renouvelé en octobre 2017). Le bisphénol A et huit phtalates ont été interdits dans les produits cosmétiques et d'autres substances sont soumises à restriction d'usage. Dans l'attente de l'adoption officielle de critères, sont considérées comme ayant des effets perturbateurs endocriniens, au titre des règlements biocides et pesticides, les substances qui sont ou doivent être classées parmi les agents cancérogènes de catégorie 2 et toxiques pour la reproduction de catégorie 2.
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37
2.4.1.1. Les carences de la Commission européenne La mise en oeuvre de la mesure réglementaire d'exclusion des perturbateurs endocriniens qui figure explicitement dans les règlements européens sur les biocides et les produits phytopharmaceutiques, renvoie à un texte sur la définition et les critères d'identification des perturbateurs endocriniens que la Commission européenne devait publier avant la fin de l'année 2013. Cette échéance n'ayant pas été respectée, la Commission européenne a été condamnée pour son inaction à définir ces critères dans le cadre du règlement relatif aux produits biocides dans un arrêt du 16 décembre 2015 de la Cour de Justice de l'Union européenne à la suite d'un recours en carence initié par la Suède et auquel la France s'est associée. Sous une pression politique forte, notamment des autorités françaises, la Commission a publié, le 15 juin 2016, une communication sur les critères d'identification des perturbateurs endocriniens et plusieurs textes visant à proposer un projet d'amendement des règlements en vigueur relatifs aux produits biocides et aux produits phytopharmaceutiques. L'analyse d'impact (SWD(2016)211) qui accompagnait cette communication, présentait quatre options de critères scientifiques pour identifier les substances ayant des propriétés perturbant le système endocrinien38. 2.4.1.2. La France privilégie l'option de critères fondés sur le danger Les États-membres se sont montrés divisés sur le choix de ces options. L'industrie chimique et les agriculteurs privilégiaient l'option utilisant la définition de l'OMS pour identifier les PE et la prise en compte de la puissance comme élément de caractérisation du danger (option 4), alors que les ONG actives dans les domaines de la santé, de la défense de l'environnement et des consommateurs plaidaient en faveur de critères européens uniquement fondés sur le danger, lesquels comprendraient également des catégories supplémentaires basées sur les différents éléments de preuve nécessaires pour correspondre à la définition de l'OMS (option 3). Sur la base d'un avis de l'ANSES publié le 19 juillet 2016, les autorités françaises ont fait part à la Commission de leur position, conforme à la SNPE, dans trois notes du 29 juillet 2016, 13 décembre 2016 et du 27 février 2017 que l'on peut résumer ainsi :
·
la définition et les critères d'identification des PE doivent être identiques dans toutes les réglementations sectorielles ; la définition doit prendre en compte les dangers intrinsèques des substances, les éléments socio-économiques n'intervenant qu'ultérieurement au stade de la mesure de gestion ; des critères doivent permettre de différencier les perturbateurs endocriniens en catégories, selon que le danger pour l'homme ou les autres organismes vivants est avéré, présumé ou suspecté ;
·
·
38
Selon un tableau figurant en page 293 de l'étude d'impact, le nombre de substances actives encore approuvées qui seraient identifiées comme PE serait respectivement de 42 dans l'option 1 (scénario de référence correspondant au statu quo en conservant les critères provisoires), 26 dans les options 2 (définition de l'OMS pour identifier les PE) et 3 (utilisation de la définition de l'OMS pour identifier les PE et introduction de catégories supplémentaires fondées sur les éléments de preuve), 11 dans l'option 4 (utilisation de la définition de l'OMS pour identifier les PE prise en compte de la puissance comme élément de caractérisation du danger).
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·
la notion de « puissance » (potency) ne doit pas être prise en compte, car elle est incompatible avec le phénomène d'effets à très faible dose et avec les courbes « dose-réponse non monotone ». 2.4.1.3. Des critères ont été adoptés pour les biocides, mais pas pour les produits phytopharmaceutiques
À la suite de plusieurs rejets et après évolution de la position française, les critères proposés par la Commission européenne ont été adoptés le 4 juillet 2017 par le Comité sur les produits phytopharmaceutiques. Cependant, les parlementaires européens ont rejeté, le 4 octobre 2017, la définition proposée en raison d'une clause insérée par la Commission qui revient à autoriser les substances qui perturbent intentionnellement le système endocrinien des insectes ciblés par le pesticide, même si la substance a aussi un impact négatif sur des espèces non cibles, ce qui modifie un élément essentiel de la réglementation. Le collège des commissaires doit maintenant prendre une décision à la suite de l'objection du Parlement. Il est ainsi possible que le Commission revienne vers les États membres avec le même texte, mais sans la partie relative à l'exemption qui a motivé l'objection du Parlement. Il n'est cependant pas acquis qu'une majorité qualifiée puisse être obtenue sur une telle proposition. La situation est différente pour ce qui concerne les produits biocides. La Commission a présenté, le 4 septembre 2017, un acte délégué qui définit des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, mis au point après sept réunions de consultation des représentants des autorités compétentes en matière de produits biocides. Dans ce cas, le Parlement européen n'a pas proposé de projet de résolution de rejet dans le délai de deux mois ni demandé de délai supplémentaire. En conséquence, l'acte délégué modifiant le règlement biocides a été publié au Journal officiel de l'Union européenne le 17 novembre 2017. Il est ainsi entré en vigueur vingt jours après sa publication, soit le 7 décembre 2017 et sera applicable six mois après son entrée en vigueur. L'adoption de critères pour les biocides ouvre la porte à une extension aux autres règlements, extension qui reste à confirmer. De manière plus générale, la Commission travaille à une révision de la stratégie sur les perturbateurs endocriniens. Elle pourrait proposer un document avant l'été 2018.
2.4.2. Exclure ou restreindre l'usage des substances à effet perturbateur endocrinien
Confirmée par le PNSE 3, la SNPE prévoit que la France sera force de proposition pour des mesures de limitation des substances dangereuses dans les articles de consommation et soutiendra l'accélération de l'action européenne et les propositions des autres États membres en vue de mesures de gestion rapides et proportionnées. Elle indique précisément que la France a introduit en 2014 une proposition de restriction du bisphénol A dans les papiers thermiques au niveau européen. Elle rappelle également que la France a proposé en 2013 le réexamen de l'approbation de 21 substances actives phytopharmaceutiques en raison de leurs propriétés de danger.
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2.4.2.1. Le bisphénol A est interdit dans les tickets thermiques après une forte mobilisation de la France Le bisphénol A (BPA) est une substance utilisée depuis plus de 50 ans dans de nombreux secteurs d'activités qui a déjà été interdit en France dans les biberons (2010) puis dans les matériaux au contact direct des denrées alimentaires (2012). Un rapport d'expertise sur l'évaluation des risques liés à l'exposition au bisphénol A, publié par l'ANSES au mois d'avril 2013, confirmait ses effets sanitaires, en particulier pour la femme enceinte au regard des risques potentiels pour l'enfant à naître. Conformément à ce qui était inscrit dans la SNPE et qui a été repris dans le PNSE 3 (action n°68), les autorités françaises ont porté un dossier de restriction du BPA dans les tickets de caisse et autres tickets à impression thermosensible, au titre du règlement concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques (REACH). Le comité d'évaluation des risques de l'agence européenne des produits chimiques a reconnu le risque pour les agents de caisse et les enfants à naître de femmes agents de caisse. Une mesure de restriction de l'utilisation du BPA dans certains articles destinés au grand public, comme les tickets thermiques, a été adoptée par la Commission européenne en décembre 2016. L'objectif fixé par la SNPE a donc été atteint. Il pourrait concerner à terme d'autres usages du BPA. En effet, en février 2017, a été adoptée une proposition soumise par l'ANSES de classement du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante dans le cadre du règlement REACH, au titre de ses propriétés de perturbateur endocrinien pour la santé humaine. Cette décision oblige l'industrie à notifier à l'Agence européenne des produits chimiques la présence de la substance dans les articles fabriqués ou importés et d'informer l'acquéreur d'un article de la présence de BPA. Elle ouvre la possibilité que le BPA soit soumis à autorisation en tant que substance, conditionnant ses usages à l'octroi d'une autorisation temporaire et renouvelable. 2.4.2.2. La commission européenne n'a pas donné suite à la demande de réexamen de l'approbation de 21 substances phytopharmaceutiques Les autorités françaises ont adressé une note le 16 mai 2013 à la Commission européenne afin de demander à la Commission de bien vouloir faire procéder de manière accélérée et prioritaire à l'évaluation de 21 substances actives suspectées de ne pas satisfaire aux critères d'approbation en vue du renouvellement éventuel de leur approbation. Dans l'attente des conclusions, les autorités françaises souhaitaient que ces substances soient considérées comme des substances dont on envisage la substitution. La Commission européenne n'a pas donné de suite favorable à ces demandes qui étaient pourtant fondées puisque, depuis 2013, l'approbation de 7 de ces 21 substances n'a pas été renouvelée à la date d'expiration. Parmi les 14 substances restantes, trois d'entre elles répondent aux critères d'exclusion en raison de propriétés de perturbateur endocrinien (chlortoluron, dimoxystrobine, epoxiconazole). L'évaluation de ces trois substances est en cours. Elles n'avaient pas été identifiées comme répondant aux critères définissant les PE dans l'étude d'impact de la Commission de 2016.
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2.4.3. Le soutien public aux démarches de substitution de substances à effet PE ne s'est pas concrétisé
La SNPE prévoit d'accompagner les industriels dans leurs démarches de substitution de substances dangereuses par les dispositifs de soutien à l'innovation. Reprise dans le PNSE3 (action n°67), cette mesure a été précisée dans l'action n°66 de la feuille de route issue de la Conférence environnementale des 27 et 28 novembre 2014. Le premier volet consistait à créer un groupe de travail chargé de définir en 2015 une méthodologie d'évaluation des solutions de substitution tenant compte des principaux critères décisionnels (faisabilité technico-économique, risques sanitaires et environnementaux...). En pratique, ce travail a été mené en 2016 par un groupe de parties prenantes coprésidé par l'INERIS et le MEDEF. Un projet de guide a été finalisé en mai 2017. Il a été examiné en octobre par le groupe du PNSE sur les « risques à forte incertitude de suivi » et devrait pouvoir être bientôt publié. Par ailleurs, l'INERIS a mis en place un site web qui apporte un appui aux acteurs économiques engagés dans une démarche de substitution. Le second volet visait à coordonner les actions des industriels confrontés à la nécessité de substituer à terme des perturbateurs endocriniens dans leurs produits ou leurs procédés de fabrication par d'autres substances, et à leur permettre de déposer des demandes d'aides financières dans le cadre du fonds unique interministériel (FUI), après labellisation des projets par un pôle de compétitivité. Outre le financement de projets collaboratifs par le FUI, le développement de substituts aux PE était susceptible de s'appuyer sur d'autres dispositifs de soutien à l'innovation, notamment le programme investissements d'avenir (PIA). La mission n'a pas identifié de projets de substitution de substances PE ayant bénéficié de ces modalités de financement, faute notamment d'appel à projet adapté.
2.5. La formation et l'information
Le quatrième axe de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens a pour objectifs de :
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De former les professionnels de santé et de la petite enfance concernés par le risque ; De prioriser des actions autour de la période périnatale compte tenu des risques spécifiques lors du développement foetal et de la petite enfance ; D'informer les consommateurs sur les produits.
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Il renvoie au plan national santé-environnement (PNSE), plus précisément à ses actions n°104 à 107, décliné dans l'ensemble des régions sous forme de plans régionaux santé-environnement (PRSE). Le bilan détaillé de la mise en oeuvre des actions prévues au titre de la formation et de l'information du public est présenté en annexe n°6.
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2.5.1. L'offre de formation des professionnels concernés est seulement émergente
La SNPE indique que « le contenu et les modalités des formations à destination des professionnels concernés feront l'objet de discussions et d'un plan d'actions intégré au sein du PNSE 3 et du PST 3, élaborés au cours de l'année 2014 ». Cette disposition a été reprise dans l'action n°104 du PNSE3. Pour les professionnels de santé, le développement professionnel continu (DPC) constitue une obligation, quel que soit son mode d'activité. Un arrêté du ministère de la santé publié le 8 décembre 2015 fixe la liste des orientations nationales pour les années 2016 à 2018 telle que l'orientation n°5 « Informer et protéger les populations face aux risques sanitaires liés à l'environnement ». S'inscrivent dans ces orientations les actions contribuant à la connaissance et à la prise en compte par les professionnels de santé des pathologies imputables à l'environnement et des facteurs environnementaux pouvant avoir un impact sur la santé, dont les perturbateurs endocriniens. Entre 2013 et 2017 (situation au 30 septembre), l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) a recensé 56 actions de DPC traitant des perturbateurs endocriniens à destination des professionnels de santé libéraux conventionnés et salariés des centres de santé conventionnés. Le nombre d'actions sur cette thématique est en forte augmentation. Le nombre de professionnels pris en charge sur le thème des PE augmente rapidement : 50 en 2014, 174 en 2016 et déjà 380 fin septembre 2017. Les médecins représentent encore la majorité des professionnels formés, mais sont également touchés les infirmiers et, à un degré moindre, les sages-femmes et les pharmaciens. Malgré cette croissance de la demande, la prise en charge des actions traitant des perturbateurs endocriniens n'a représenté en 2016 que 0,2% des dépenses totales consacrées au DPC des professions de santé libérales conventionnées prises en charge par l'Agence39. Les disciplines médicales centrées sur la pédiatrie (pédiatrie, endocrino-pédiatrie) et la gynéco-endocrinologie en lien avec la procréation médicale assistée s'estiment fortement concernées par le sujet des PE. Tous soulèvent la difficulté à faire passer des messages sur un sujet mal connu, potentiellement anxiogène, sans susciter d'inquiétudes disproportionnées. La forte demande de formation et d'information, notamment des pédiatres, ne peut pas être satisfaite. Outre les éléments sur le DPC, la mission n'a pas connaissance d'une analyse détaillée des programmes de formation, tant initiale que continue, des publics visés. L'action n°104 du PNSE 3 : « « analyser en détails les programmes de formation, tant initiale que continue, des publics relais visés dans les PNSE 1 et PNSE 2 et compléter les dispositions existantes » n'apparaît ni réalisée, ni même entreprise. Enfin, la mission a identifié des actions de formation menées par des agences régionales de santé (ARS) à destination des professionnels de la périnatalité et de la petite enfance principalement. Ces actions sont menées en lien avec des centres hospitaliers (CHRU de Lille), des associations de professionnels (URPS pharmaciens), des réseaux de médecins libéraux (réseaux de périnatalité, etc.) et des associations d'éducation pour la santé (Comités régional ou départemental d'éducation pour la
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Par ailleurs, l'Agence nationale de la formation hospitalière a financé en 2016 trois colloques consacrés aux perturbateurs endocriniens.
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santé). Pour autant, cela ne permet pas de considérer que l'action n°105 du PNSE 3 « : mutualiser les expériences régionales en matière de formation initiale et continue en santé environnement » est totalement mise en oeuvre.
2.5.2. L'information et la communication sont insuffisantes pour répondre à une inquiétude croissante de la population
Le thème des PE est de plus en plus présent dans les médias : près de 3 200 articles de presse sur le sujet en 2016 contre seulement 58 une décennie auparavant ; près de 2 600 documents déjà parus sur les cinq premiers mois de l'année 2017 (source Europresse). De façon générale, les articles « grand public » sont parfois contradictoires et peuvent être inutilement anxiogènes. Il n'est donc pas étonnant que l'impact des perturbateurs endocriniens sur la santé devienne une source d'inquiétude majeure pour les Français, alors que leur connaissance de la question reste floue (voir § 4.1 annexe 6). Dans ce contexte, la SNPE a centré l'objectif d'information sur les produits à ceux contenant du bisphénol A et donné la priorité à des actions d'information et de sensibilisation centrées sur la période périnatale. 2.5.2.1. La qualité de l'information des consommateurs peut et doit s'améliorer L'INERIS a travaillé sur la création de labels pour informer sur l'exposition au bisphénol A
La SNPE indique que les informations relatives à l'exposition sur le bisphénol A seront précisées, et que les moyens d'élargissement des missions des centres de consultation de pathologies professionnelles (CCPP) à la prise en charge des pathologies en relation avec des expositions environnementales seront détaillés. Dans la pratique, la seule action concrète mise en oeuvre a porté sur la mise à disposition des professionnels par l'INERIS d'un label : « tickets sans BPA ». Délivré par l'Institut, il garantit que les tickets de caisse et reçus de carte bancaire ne contiennent pas de bisphénol A (BPA). Les deux premiers labels ont été attribués dès janvier 2015. L'INERIS a également développé un label étendu « sans phénol ajouté » qui garant l'absence, dans les papiers thermiques, de quinze phénols dont toute une famille de bisphénols (y compris Bisphénol A, Bisphénol S et Bisphénol F). Les labels ont été développés en concertation avec les parties prenantes. Les détenteurs de ces labels sont tenus de respecter les exigences posées par un référentiel public qui s'appuie sur un protocole mis au point par l'INERIS. La valeur accordée par le marché au label s'en remet de fait à la pertinence du cahier des charges constitué et du dispositif de labellisation qui l'accompagne, ainsi qu'à la crédibilité du panel d'acteurs ayant participé à son élaboration. A contrario, les allégations de type « sans parabène », largement employées par l'industrie des cosmétiques, sont uniquement commerciales. Elles ne préjugent pas de l'absence d'effet PE et ne peuvent être assimilées à des labels. La DGCCRF a souligné la difficulté de tels « labels » afin d'informer correctement les consommateurs sur l'absence réelle de danger.
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L'information des consommateurs reste à organiser
Outre ce qui précède sur le BPA, la SNPE n'a pas fixé d'autre objectif en matière d'information sur les expositions aux PE. Si la réglementation CLP relative à l'étiquetage des produits chimiques autorise l'utilisation d'un pictogramme, utilisé pour identifier les produits reconnus CMR, il n'en est pas de même pour la perturbation endocrinienne dans l'état actuel de la réglementation. Certaines associations de consommateurs qui ne sont pas tenues par la réglementation, diffusent des informations sur des produits à éviter (cosmétiques) en raison de la présence de « substances indésirables » dont récemment une action portant sur une substance à effet PE. Cette mobilisation peut conduire à des actions de contrôle ciblées des services de l'État (DGCCRF). 2.5.2.2. Des initiatives en matière d'information qui restent à capitaliser L'amorce de mesures ciblées sur la période périnatale
La SNPE précise que « le PNSE 3 prévoira également des stratégies de communication spécifiques en direction des personnes ayant un projet parental et des professionnels de la petite enfance, sur les risques potentiels liés à certaines expositions lors du développement foetal et de la petite enfance, des campagnes d'information sur les expositions dans certains lieux de vie, et au sujet du marquage des produits ». Le fait que la grossesse et la petite enfance soient des périodes de grande sensibilité aux effets des PE justifient des actions ciblées. Ainsi la mesure 65 de la feuille de route issue de la conférence environnementale de 2014 confirme et précise l'orientation de la SNPE : « Afin de protéger les femmes enceintes et les jeunes enfants, une information comportant un message sur la réduction des expositions aux perturbateurs endocriniens sera insérée dans le carnet de maternité et le carnet de santé de l'enfant lors de leur révision prévue en 2015. Une information et une sensibilisation des professionnels de la naissance et petite enfance pourra être réalisée via la commission nationale de la naissance et de la santé de l'enfant ». Le 10 mars 2015, le ministère de la santé a réalisé une présentation de la SNPE et des objectifs de la feuille de route au comité national de la naissance et de la santé de l'enfant (CNNSE). Une mise à jour du carnet de maternité en 2015 était annoncée sous la forme de l'insertion d'un message à destination des femmes enceintes les informant des dangers des produits chimiques courants tels que les produits d'entretien, illustré par les pictogrammes d'alerte devant figurer sur ces produits. La Direction générale de la santé (DGS) tient pour acquise cette modification qui n'apparaît pas sur le carnet de maternité en ligne sur le site du ministère et de l'assurance maladie à la date du 15 novembre 2017. Une mise à jour du carnet de santé de l'enfant était également prévue. Dans l'exemplaire en ligne sur le site du ministère de la santé, il n'est pas fait mention d'attentions particulières vis-à-vis des produits chimiques en général et des PE en particulier. Des initiatives dans les régions qu'il faut capitaliser
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L'orientation de la SNPE relative à l'information du public a également été reprise dans deux actions du PNSE 3 :
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Action n°106 : poursuivre les efforts en matière d'éducation en santéenvironnement ; Action n°107 : faciliter l'information de l'ensemble des citoyens sur les thèmes liés à la santé environnementale, notamment via la création d'un méta-portail sur le PNSE et les PRSE.
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Les actions dominantes des PRSE 3 et des PST 3 sont l'information et la sensibilisation du public. Le public cible principal est en lien avec la petite enfance (femmes enceintes, futurs et jeunes parents, professionnels de santé et professionnels de la petite enfance). L'information sur les PE s'inscrit également dans d'autres thématiques (qualité de l'air intérieur, développement durable des établissements de santé et médico-sociaux...) et elle est parfois centrée sur des problématiques locales (pesticides, contamination de l'eau au perchlorate, etc.). Les PST 3 abordent les perturbateurs endocriniens par le risque chimique (évaluation et outils de traçabilité, sensibilisation des employeurs et salariés, etc.) et les substances CMR. L'information et la sensibilisation du public sont peu retranscrites dans les contrats locaux de santé (CLS) puisque seules cinq agences régionales de santé (ARS) sur les treize étudiées indiquent que la santé environnementale est parfois abordée dans les CLS de leur territoire. La qualité de l'air intérieur, l'utilisation des produits chimiques dans les crèches, la périnatalité, les phytosanitaires sont les voies d'approche déclinées dans les CLS, sans que le terme de perturbateurs endocriniens ne soit toujours explicitement précisé. L'intensité des actions varie selon les ARS. La Nouvelle-Aquitaine consacre toute une politique de prévention et de promotion de la santé environnementale en direction de la petite enfance (conception d'un guide de recommandation dans les crèches, atelier de sensibilisation des parents, formation initiale et continue des sages-femmes et des puéricultrices, etc.) alors que d'autres ARS proposent des actions plus restreintes. Les ARS aspirent à un cadrage national en matière de PE : centre de ressource national en ligne pour développer les connaissances des professionnels de santé et du grand public, recommandations nationales précises pour certains produits de consommation, intégration de la problématique PE aux formations initiales et continues des professionnels de santé, adaptation des cahiers des charges des marchés publics. D'autres acteurs que les ARS participent à l'information du public : services déconcentrés (création d'un site internet dédié à la santé environnement par la DREAL Bourgogne-Franche-Comté, etc.), collectivités territoriales (fiche santé environnement dans les carnets de maternité et de santé en Picardie, crèche sans PE à Limoges, etc.), associations (association pour la prévention de la pollution atmosphérique, réseau santé environnement, Women in Europe for a Common Future, etc.), mutuelles (ateliers de sensibilisation des parents dispensés par la Mutualité française) et centres hospitaliers (évaluation des expositions environnementales et prise en charge des futurs parents à Bordeaux et à Rennes). Au vu de ce bilan, l'action du PNSE3 n°107 : « faciliter l'information de l'ensemble des citoyens sur les thèmes liés à la santé environnementale, notamment via la création d'un méta-portail sur le PNSE et les PRSE » reste pertinente et à réaliser.
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3. L'évaluation de la mise en oeuvre de la SNPE
À partir du bilan qui précède la mission a dégagé les points forts et les points faibles de la mise en oeuvre de la SNPE. Cette analyse permet de formuler une évaluation qui porte plus particulièrement sur la pertinence de cette stratégie, sa cohérence interne et externe, son efficacité et sa gouvernance. Dans la mesure où la stratégie n'a pas été dotée de moyens dédiés, il n'est pas possible d'en évaluer l'efficience.
3.1. Une stratégie pertinente et opportune
La SNPE est une initiative originale en Europe. La mission n'a identifié que deux autres pays (Danemark et Suède) engagés dans une démarche comparable40. Dans un contexte où l'Union européenne, pourtant en charge de réglementer le risque chimique, est en manque de stratégie cohérente, elle était très opportune pour affirmer la volonté politique française d'agir sur un sujet complexe qui est une préoccupation prioritaire en santé-environnement. La SNPE constitue une feuille de route d'orientations générales pertinentes qui remet en cause les concepts classiques de la toxicologie. Elle donne de la visibilité au thème de la perturbation endocrinienne dans le débat public et renforce le lien entre santé et environnement. La SNPE affiche des ambitions et des orientations. En cela, elle constitue une base de référence pour décliner l'enjeu des PE dans les divers plans nationaux relatifs à la santé et à la protection de la biodiversité. La méthode participative retenue pour son élaboration était judicieuse. Elle faisant dialoguer ministères, agences, entreprises, scientifiques, associations autour d'objectifs partagés, elle a créé un consensus qui a permis l'approbation du projet de stratégie à la quasi-unanimité du Conseil national de la transition écologique. Si les quatre axes retenus sont pertinents et couvrent les principaux enjeux, la SNPE s'est limitée à la protection de la santé humaine et n'a pas suffisamment affirmé l'enjeu de la protection de la santé des écosystèmes, en cohérence avec le concept « one health ». L'objectif prioritaire qui vise à réduire les expositions, est pertinent. Cependant, la réduction des expositions des populations les plus à risques s'est limitée à la suppression du bisphénol A dans les tickets de caisse, grâce à une réglementation protégeant la santé des travailleurs face à des facteurs d'expositions et de risques définis. La volonté d'une meilleure connaissance des sources d'exposition doit être
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Pour le Danemark, la stratégie nationale sur les PE porte sur le développement des connaissances et de méthodes de tests, la réglementation, des recherches orientées vers l'action (Centre sur les perturbateurs endocriniens, etc.), des actions d'information pour réduire l'exposition des jeunes enfants et des femmes enceintes. (Voir :http://eng.mst.dk/chemicals/chemicals-in-products/endocrinedisruptors). La Suède a adopté un Plan d'action 2015-2020 pour un environnement quotidien non toxique qui inclut les perturbateurs endocriniens. Les mesures sont en particulier axées sur la protection de la petite enfance. (Voir : https://semi-coke/en/about-us/our-work/action-plan-for-a-toxicfree-everyday-environment). On peut également mentionner l'initiative des Etats-Unis, au travers de l'Agence de protection pour l'environnement (EPA) qui a élaboré une stratégie de recherche avec l'ensemble des parties prenantes fédérales (Agence de recherche médicale et environnementale et l'Agence fédérale pour l'alimentation et les médicaments (FDA) notamment) : Endocrine Disruptor Screening Program (EDSP), https://www.epa.gov/endocrine-disruption/endocrine-disruptor-screeningprogram-edsp-overview.
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encore plus appuyée, de même que des travaux sur les liens entre les expositions et les effets des PE. De manière générale, l'analyse de risques reste peu développée. L'ambition affichée en matière de progrès des connaissances scientifiques était justifiée, mais sans que soit suffisamment mise en oeuvre la nécessaire insertion dans les réseaux européens et le développement de partenariats stratégiques. L'innovation est en conséquence insuffisamment prise en compte, notamment par l'intermédiaire d'études « coûts-bénéfices » sur les coûts (sanitaires, sociaux...) associés aux effets de la perturbation endocrinienne. De même, la veille scientifique et sociétale est à développer sur les travaux précurseurs tels ceux parus dans la revue scientifique « The Lancet »41 à l'automne 2016. L'évaluation chaque année du danger de quelques substances suspectées d'être des PE est une mesure pertinente et adaptée aux moyens disponibles. Elle reste néanmoins modeste par rapport au nombre de substances qu'il faudrait pouvoir expertiser. La SNPE affirme la possibilité de prendre des mesures nationales en raison des carences de l'échelon européen, ce qui est pertinent dans l'absolu, mais fragile juridiquement en raison de la primauté du droit communautaire avec des risques de contentieux. Les objectifs en matière de formation et de sensibilisation restent très généraux. La SNPE ne prévoit pas d'actions significatives en dehors des actions générales du PNSE 3 qui ne sont pas spécifiques aux perturbateurs endocriniens.
3.2. La cohérence entre la SNPE et les autres plans nationaux est encore à améliorer
La SNPE est un document globalement cohérent, les quatre axes de la stratégie étant a priori complémentaires. Dans la pratique, les synergies entre les axes sont restées limitées (par exemple l'évaluation des substances ne s'est pas traduite par des mesures de gestion, les progrès des connaissances n'ont pas eu d'effet sur la formation des professionnels...). La mise en oeuvre de l'axe dédié à la réglementation a buté sur l'insuffisante articulation entre les règlements communautaires (REACH vs règlement sectoriels par produits). L'objectif de décliner la SNPE dans les divers stratégies et plans nationaux s'est imparfaitement concrétisé. De ce fait, la cohérence d'ensemble entre la SNPE et d'autres plans nationaux est hétérogène. Si certaines orientations ont été reprises sous la forme d'actions inscrites dans le PNSE 3 et dans les feuilles de route issues des tables-rondes santé-environnement des conférences environnementales de 2014 et 201642, le plan Cancer, le plan national santé au travail et la stratégie nationale de recherche, n'évoquent au mieux le thème des PE que de manière très générale sans prévoir de mesures à caractère opérationnel. L'articulation avec la programmation des
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Teresa M Attina, Prof Russ Hauser and al."Exposure to endocrine-disrupting chemicals in the USA: a population-based disease burden and cost analysis", The Lancet, Diabete & Endocrinology, 17 October 2016 (http://dx.doi.org/10.1016/S2213-8587(16)30275-3). Patricia A. Hunt, Sheela Sathyanarayana, Paul A. Fowler, Leonardo Trasande, Female Reproductive Disorders, Diseases, and Costs of Exposure to Endocrine Disrupting Chemicals in the European Union, The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, Volume 101, Issue 4, 1 April 2016, pp 15621570 (https://doi.org/10.1210/jc.2015-2873) Le plan micro-polluants 2016-2021 prévoit également des mesures à caractère concret qui font explicitement référence à la SNPE.
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axes recherche et santé du plan Ecophyto est restée limitée, à l'exception d'un appel à projets de recherche en 2017. La SNPE n'a pas couvert l'ensemble des phénomènes de perturbation endocrinienne oubliant les écosystèmes. L'environnement n'est le plus souvent vu que comme une source ou un vecteur de contaminants et pas aussi comme un système fonctionnel vivant susceptible d'interactions avec ces contaminants. De ce fait, l'écotoxicologie est restée en retrait par rapport à la toxicologie. De manière générale, la stratégie a souffert du manque de cohérence entre les objectifs affichés et l'évolution des moyens (notamment pour la recherche).
3.3. La SNPE, des résultats positifs à consolider
La SNPE a donné de la visibilité à un thème complexe qui est désormais sur la place publique et qui suscite une attente sociétale croissante. Elle a contribué à faire émerger un consensus politique sur l'importance de l'enjeu et le besoin d'agir qui s'est particulièrement affirmé en 2017 (résolutions du Sénat43). La position de la France sur le thème des PE s'est améliorée en Europe. Elle a augmenté son leadership et sa visibilité. Elle a été une force d'impulsion à l'échelon européen qui a joué un rôle déterminant dans la discussion difficile sur les critères en permettant de retenir la définition de l'OMS. Les travaux de recherche finalisée ont permis d'obtenir des résultats significatifs, les avancées des connaissances scientifiques résultant cependant d'actions engagées avant l'adoption de la SNPE. La réduction des moyens nationaux consacrés à la recherche depuis 2014, aggravée par les évolutions à l'échelon européen depuis la mise en place de H2020, a fragilisé la petite communauté scientifique qui s'est constituée depuis quelques années sur le thème des PE. Celle-ci a tendance à se réduire par manque d'attractivité, avec un risque de pertes de compétences. Les collaborations qui s'étaient engagées entre toxicologues et écotoxicologues ont diminué faute de programme adapté. Les méthodes développées par la recherche n'ont pas été validées et transférées pour contribuer à la gestion des substances. La plateforme de pré validation de méthodes de tests n'a pas encore trouvé son modèle économique. L'expertise du danger de certaines substances a été réalisée par l'ANSES conformément aux objectifs fixés, mais pas par l'ANSM. Les suites données aux évaluations sont difficiles à apprécier en raison des lourdeurs des processus européens de gestion des substances. Si les méthodologies ont été perfectionnées, l'absence de données suffisantes, de méthodes harmonisées et de tests reconnus pour caractériser l'effet PE ont limité la portée de ces expertises dans le cadre européen. La France n'est pas parvenue à faire procéder de manière accélérée à l'évaluation des substances actives utilisées dans des produits phytopharmaceutiques et suspectées de ne pas satisfaire aux critères permettant de renouveler leur autorisation. Les tests pour caractériser l'effet PE existent dans les laboratoires de recherche, mais les modalités de leur pré-validation en vue d'une normalisation n'ont pas avancé de manière significative. La surveillance des expositions a progressé et la France disposera bientôt de résultats équivalents à ceux dont disposent d'autres pays, notamment les États-Unis. Un projet
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Mercredi 22 février 2017, le Sénat a adopté en séance publique une proposition de résolution visant à renforcer la lutte contre l'exposition aux perturbateurs endocriniens.
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d'infrastructure de recherche sur l'exposome a été formalisé. Le programme national de bio surveillance permet de connaître les niveaux d'imprégnation des femmes enceintes et bientôt de la population générale. D'autres cohortes ont également été constituées avec un soutien financier du Programme d'investissements d'avenir (PIA) ou de crédits de recherche. Les risques sanitaires associés aux expositions sont cependant encore peu abordés. La connaissance des liens entre imprégnation et impacts sur la santé reste à approfondir afin de donner des critères d'aide à la décision que ce soit à l'échelon national ou communautaire. Les données issues des différentes cohortes ne sont pas capitalisées pour en faciliter l'accès ouvert à la recherche. Les organismes français impliqués dans la bio surveillance humaine se sont organisés en hub français et jouent un rôle important dans le réseau européen HBM4EU qui est structurant pour mutualiser et élargir les travaux avec des cohortes d'autres pays, permettre une meilleure coordination des acteurs français dans les années à venir et susciter un engagement du ministère chargé de la recherche. Le dispositif est néanmoins fragile, car la pérennité sur un temps long des cohortes en population générale n'est pas acquise. La surveillance des PE dans les milieux n'est réellement pérenne que pour les seuls milieux aquatiques, car il existe un cadre réglementaire dédié ainsi que des moyens de financement sanctuarisés. Cette surveillance indispensable reste à structurer dans les autres compartiments (air, sol). De plus, les effets sur les biocénoses terrestres ne sont pas encore abordés. Par ailleurs, il n'est pas possible d'évaluer dans quelle mesure l'objectif général de diminuer l'exposition de la population a été atteint faute d'indicateurs adaptés. L'action volontariste menée sur le bisphénol A a permis d'atteindre les objectifs fixés par la SNPE, mais seulement après une mobilisation exceptionnelle. Ce processus a permis d'obtenir le classement du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante dans le cadre du règlement REACH et son interdiction dans les papiers thermiques. De manière plus générale, la substitution de substances préoccupantes reste insuffisante notamment faute d'évaluation préalable des produits et des mélanges par les entreprises et d'un manque de soutien à l'innovation. Des critères de définition des PE ont été publiés par la Commission européenne pour les biocides, mais pas pour les autres usages, notamment les produits phytopharmaceutiques, malgré la volonté constamment affirmée de la France d'y parvenir. La forte inertie de la réglementation européenne est en décalage avec l'évolution rapide des connaissances scientifiques. Il n'y a pas eu d'actions nationales d'envergure pour l'information du public. Faute de sources d'information fiables et identifiées sur le sujet, l'information diffusée est anxiogène. Toutefois, des initiatives locales ont été prises dans le cadre des PRSE et par plusieurs ONG qui ont mené des actions de sensibilisation dont la portée est restée limitée en raison de moyens faibles et qui ne sont pas capitalisées. Le sujet a également été approprié par quelques collectivités locales. Certaines disciplines médicales s'y engagent à partir d'initiatives militantes. Faute de pouvoir s'appuyer sur une définition réglementaire des PE, l'information des consommateurs s'est pour l'instant limitée aux labels relatifs aux phénols portés par l'INERIS. L'offre de formation des professionnels de la santé n'est pas recensée, mais la demande des professionnels de la petite enfance qui augmente, trouve une offre de formation en émergence.
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3.4. L'absence d'un plan d'actions, le manque de moyens et l'insuffisante mobilisation interministérielle ont limité les résultats attendus
La SNPE n'est pas le résultat d'une politique gouvernementale affichée. L'implication des ministères potentiellement concernés a été très hétérogène dans la conception et la mise en oeuvre de la stratégie : si le ministère en charge de l'environnement a joué un rôle leader, avec une contribution de celui en charge de la santé, les autres ministères se sont montrés peu actifs. La SNPE a manqué d'un pilotage réellement interministériel qui aurait fourni des orientations pour la programmation coordonnée des travaux des agences et permis une coordination entre les autorités en charge des différents règlements européens concernés par la problématique des PE. La co-construction de la stratégie avec les parties prenantes a été appréciée. Les scientifiques et les milieux associatifs ont été proactifs, les industriels semblant se situer plus en retrait alors qu'ils furent actifs dans la mise à l'agenda des problèmes de perturbation endocrinienne au cours des années 2000. La SNPE n'a pas été déclinée dans un plan d'action comprenant des mesures concrètes, avec des objectifs précis à atteindre, des opérateurs désignés et des moyens bien identifiés. L'engagement des opérateurs de l'État dans la mise en oeuvre est hétérogène : certains opérateurs s'impliquent, en premier lieu l'ANSES dont la qualité et l'ouverture des expertises menées en coopération avec la communauté scientifique sont reconnues, alors que d'autres opérateurs sont en retrait (ANSM notamment). La programmation de l'activité des différentes agences sur les PE manque de coordination44, les contrats d'objectifs et de performance n'ont pas été assez utilisés pour fixer des objectifs précis aux opérateurs. La SNPE a créé peu de synergies et de nouvelles coopérations entre les institutions, à l'exception récente de la constitution du réseau français de l'initiative de bio surveillance HBM4EU qui est très prometteur. Le dispositif de suivi de la SNPE est peu mobilisateur. Seulement deux réunions d'échanges avec les parties prenantes qui ont permis de conforter une culture commune, se sont tenues depuis 2014. L'articulation de ces réunions avec les groupes de suivi du PNSE dont certains traitent également des PE, n'est pas explicite. Il n'existe pas de synthèse annuelle sur l'avancement des différentes actions de la stratégie. Des indicateurs de suivi n'ont pas été prévus. Les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux et des coûts pour la santé. L'absence de moyens financiers nouveaux affectés à la mise en oeuvre de la SNPE conduit à une polarisation des travaux sur les thèmes pour lesquels des financements sont disponibles (pesticides, milieu eau...). Une partie des moyens qui existaient avant l'adoption de la SNPE ont même été réduits (moyens dédiés à la recherche). Les moyens humains dédiés à l'évaluation et à la surveillance sont insuffisants. Il manque des moyens pour mobiliser les capacités d'intervention des scientifiques en appui à l'activité d'expertise. Les moyens pour soutenir la prévention font défaut. A cet égard, aucun budget dédié n'est identifié dans la loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS).
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4. Propositions pour une nouvelle stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens
La SNPE a permis de faire émerger et partager la question des PE dans les domaines de la recherche, de l'industrie, auprès des professionnels et du public, même si le bilan et l'évaluation présentés précédemment ont aussi montré les limites de ce qui a été mis en oeuvre. La pertinence de cette démarche, les enjeux importants liés aux PE et le travail qui reste à accomplir incitent la mission à proposer que soit relancée une nouvelle stratégie, insérée dans la planification en matière de santéenvironnement. Au vu des insuffisances de la mise en oeuvre de la première SNPE, la mission propose un dispositif de pilotage plus volontariste et une révision des axes déclinés en mesures à caractère opérationnel. Ces propositions, d'ordre stratégique pour certaines, plus opérationnelles pour d'autres, valent recommandations de la mission.
4.1. Une stratégie renouvelée qui affiche une politique gouvernementale
L'ensemble des interlocuteurs rencontrés par la mission s'accorde sur l'intérêt de disposer d'un document stratégique qui affiche les orientations sur le long terme de la politique gouvernementale en matière de perturbateurs endocriniens, enjeu prioritaire en matière de santé-environnement, réponse structurée aux interrogations de nos concitoyens. Cette stratégie doit être initiée et portée par l'ensemble des ministères concernés au-delà des seuls ministères chargés de l'environnement et de la santé. Il en va de l'efficacité de sa mise en oeuvre ultérieure et de la crédibilité de l'action de l'État. Elle doit permettre de fixer des objectifs partagés avec les parties prenantes qui doivent être associées à son élaboration. Sa conception doit prendre en compte plusieurs principes : affirmer l'enjeu spécifique à la perturbation endocrinienne dans une démarche d'ensemble sur la santé-environnement ; s'intéresser aux effets des PE sur la santé humaine et sur celle des écosystèmes selon le concept « one health45 » (une seule santé, humain, animal, écosystème) ; accompagner le changement de paradigme toxicologique de la perturbation endocrinienne (notion d'effet-dose non toujours pertinente, effet cocktail, ...) ; protéger les périodes de la vie au cours desquelles la sensibilité aux PE est accrue (grossesse, petite enfance) ;
45
L'initiative « One Health » (« une seule santé ») est un mouvement créé au début des années 2000 qui promeut une approche intégrée, systémique et unifiée de la santé publique, animale et environnementale aux échelles locales, nationale et planétaire.
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répondre aux inquiétudes de la population et lui donner confiance dans l'action des institutions publiques ; expliquer simplement des phénomènes complexes pour mieux sensibiliser et faire évoluer les comportements ; être force de proposition pour des évolutions à l'échelon européen notamment en utilisant davantage les possibilités laissées par les textes réglementaires européens pour commanditer des études spécifiques ou complémentaires en cas de doutes sérieux sur les résultats d'études financées par les industriels afin d'instruire les dossiers d'enregistrement. 1. Formaliser une nouvelle stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, placée sous pilotage interministériel. (MTES, MSS et al.)
4.2. Doter la stratégie d'un plan d'actions en cohérence avec la programmation en santé-environnement dans un contexte européen
La définition d'une nouvelle stratégie nécessite un plan d'actions avec des mesures précises, des indicateurs de suivi, selon un calendrier, des moyens affectés, et des responsables identifiés. Ce plan dédié aux PE doit s'inscrire en cohérence avec la programmation d'ensemble du domaine de la santé-environnement. Les interlocuteurs de la mission se sont montrés partagés sur l'hypothèse d'inclure le plan spécifique aux PE au sein du futur Plan national santé environnement (PNSE4). Cette inclusion aurait l'avantage de permettre un suivi plus intégré, mais elle pourrait avoir l'inconvénient de réduire la visibilité et l'importance donnée au thème des PE qui reste encore en émergence. D'autre part, le PNSE actuel ne porte que sur la santé humaine et pas sur celle des écosystèmes. A ce stade, faute de connaître la structuration et le périmètre du futur PNSE, il semble prématuré à la mission de prendre une position définitive sur ce point. Elle invite la mission d'évaluation du PNSE 3 à examiner cette question46 dans ses travaux. Un dispositif de gouvernance devra être clairement défini afin d'assurer le pilotage, le suivi régulier et l'évaluation de ce plan d'actions. L'ANSES dispose des compétences et de l'expérience pour apporter son appui à la formalisation de la stratégie et du (des) plan(s) d'action associé(s). 2. Décliner la stratégie en plan(s) d'action doté(s) de moyens adaptés et mis en cohérence avec la programmation en santé environnement. (MTES, MSS et al.)
4.3. Des conditions pour réussir la mise en oeuvre de la stratégie et des plans d'action 4.3.1. Disposer d'outils de référence en appui à la mise en oeuvre de la stratégie
La dispersion des connaissances sur le sujet des PE nuit considérablement à la perception des actions menées et au pilotage d'une politique cohérente. Très peu des
46
Par lettre du 16 novembre 2017, les ministres chargés de l'environnement, de la santé et de la recherche ont confié au CGEDD, à l'IGAS et à l'IGAENR une mission d'évaluation du PNSE3 et de propositions pour le futur PNSE4.
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acteurs rencontrés ont une vision qui dépasse leur champ personnel d'expertise dans un domaine qui est très vaste. Pratiquement tous les interlocuteurs de la mission ont mentionné le besoin d'identifier des ressources fiables et disponibles. Deux actions pourraient contribuer à intégrer les connaissances, l'expertise et certains services : Créer, par regroupement de moyens existants, un centre national de référence sur la perturbation endocrinienne (cf annexe n°6) à l'image des centres nationaux de référence, tel qu'ils existent pour des maladies infectieuses, où travaillent des spécialistes pour concentrer le savoir, promouvoir la recherche et l'assistance technique ; Appuyer la création d'une infrastructure de recherche et de service sur l'exposome chimique humain (PAREX-H47) donnant à la France une place majeure dans les réseaux européen et mondial de biomonitoring et de recherche en santé environnement. Le projet HBM4UE a été l'occasion de formaliser la constitution d'un groupement des agences concernées par le sujet. L'action de cette alliance peut et doit être amplifiée par un engagement explicite de la direction générale de la recherche et de l'innovation en ce sens. 3. Créer par regroupement des moyens existants un centre de référence sur les perturbateurs endocriniens et appuyer la création d'une infrastructure de recherche et de service sur l'ensemble des expositions pouvant affecter la santé humaine au cours de la vie. (MESRI avec MTES et MSS)
4.3.2. Renforcer la coordination des acteurs
Améliorer la coordination des différents opérateurs de l'État et des principaux ministères qui auront à mettre en oeuvre la SNPE 2 et son plan d'actions ; Coordonner l'action des agences sanitaires : le Comité d'animation du système des agences (Casa), institué par décret du 22 novembre 2017, présidé par le directeur général de la santé, semble une instance appropriée pour le pilotage stratégique, à compléter sans doute par un groupe à visée plus opérationnelle. 4. Coordonner l'action des agences sanitaires sur les perturbateurs endocriniens à l'aide du comité d'animation du système d'agences. (MSS)
4.3.3. Se doter d'indicateurs d'évaluation
Une des faiblesses identifiées de la première SNPE est le manque d'indicateurs de moyens, de suivi, de résultats. Comme précisé au début des propositions, il convient que les actions retenues dans la cadre d'une future SNPE soient assorties d'indicateurs de moyens, de résultats et de jalons permettant à sa gouvernance d'en objectiver et d'en partager les résultats. Le Haut comité de santé publique pourrait être mandaté pour définir les indicateurs de suivi et de résultat des programmes retenus ; Le Haut comité de santé publique pourrait être sollicité pour actualiser et compléter ses propositions émises dans le cadre de la préparation du futur PNSE afin de prendre en compte l'enjeu des PE.
47
PAREX-H vise à constituer un pôle très ambitieux au niveau international autour de trois unités de recherche positionnées dans deux grandes écoles (Oniris et EHESP) et deux grands organismes de recherche (INRA et INSERM).
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4.3.4. Mobiliser les territoires
Organiser la mobilisation des ARS et des DREAL pour qu'elles incitent les collectivités et les acteurs des territoires à décliner certaines actions du plan national associé à la SNPE 2, selon des modalités à définir qui dépendent notamment de sa relation au PNSE 4. Capitaliser les connaissances développées localement suites aux actions des PRSE 3 et les prolonger dans le cadre du plan d'action associé à la SNPE2 et/ou du PNSE 4. 5. Mobiliser conjointement les ARS et les DREAL pour décliner localement les orientations nationales arrêtées dans les plans associés à la SNPE 2. (MTES, MSS)
4.4. Les mesures opérationnelles de la SNPE2 pourraient s`organiser selon 5 axes
L'évaluation a permis de pointer un certain nombre d'actions qu'il semble nécessaire d'entreprendre et d'intégrer dans le(s) programme(s) associé(s) à la stratégie. Ces actions peuvent s'organiser autour de 5 axes, à savoir :
4.4.1. Axe 1 : Recherche
4.4.1.1. Donner une place à la thématique PE dans la stratégie nationale de recherche Disposer au sein de la programmation de l'Agence nationale de la recherche d'un axe (programme thématique, appel à projets transdisciplinaires...) dédié à l'acquisition de connaissances sur des questions complexes liées aux contaminants (dont les PE) et à leurs effets sur la santé et les écosystèmes ; Inscrire le thème des PE comme prioritaire dans les contrats d'objectifs négociés entre l'État et les institutions de recherche les plus concernées ; Mobiliser la communauté scientifique française afin qu'elle s'implique dans la construction d'un agenda de recherche européen en santé-environnement faisant une juste place au thème des PE48 ; Demander à la Commission européenne de mieux prendre en compte le sujet des PE dans la future programmation de recherche post H2020 ; Soutenir des initiatives associant les communautés scientifiques de la toxicologie et de l'écotoxicologie.
48
Une proposition d'action de coordination devrait être déposée par les scientifiques français (tout ou partie des organismes du hub de HBM4EU à élargir à des spécialistes de l'écotoxicologie) dans le cadre d'un appel ouvert sur le programme 2018-2020 d'Horizon H2020.
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4.4.1.2. Optimiser et ajuster les moyens dédiés à la recherche finalisée sur les PE Regrouper les initiatives existantes (PNRPE, Ecophyto, PNR-EST) en un seul programme national de recherche finalisée, cohérent et pérenne, orienté vers l'acquisition de connaissances en appui à l'action publique sur la perturbation endocrinienne (toxicologie et écotoxicologie), disposant d'une gouvernance spécifique (appel à projet et comité scientifique propres) et d'une animation assurée par l'ANSES, et doté d'un financement suffisant (2 à 3 M en moyenne annuelle venant du MTES, d'une contribution du plan Ecophyto et d'autres contributeurs à identifier) ; Organiser la mise en réseau du programme national de recherche sur les PE avec ceux de quelques pays européens actifs sur ce thème, voire des ÉtatsUnis. 4.4.1.3. Développer l'expertise scientifiquement fondée Renforcer les coopérations entre l'ANSES et les organismes de recherche et d'expertise sur les écosystèmes (INERIS, IRSTEA, AFB...) afin d'étendre le dispositif de sécurité sanitaire à l'ensemble de la biosphère ; Développer la veille scientifique et sociétale sur les PE, ainsi que les études socio-économiques ; Réaliser un bilan des connaissances sur les effets d'une imprégnation à des substances PE sur l'efficacité des traitements de certaines pathologies ; Prendre part, voire initier une démarche d'expertise collective internationale sur la compréhension des mécanismes d'action de la perturbation endocrinienne et de leurs conséquences sur la santé de l'homme et des écosystèmes.
4.4.2. Axe 2 : Surveillance sanitaire et environnementale
4.4.2.1. Surveiller les différents milieux Poursuivre l'évolution des actions de surveillance des PE et de leurs effets sur les milieux aquatiques en application de la directive cadre sur l'eau en faisant appel à des mesures globales à l'aide de bioessais ; Mettre en place une surveillance effective des milieux air et sol en cas de signaux issus de la biosurveillance suggérant leur implication par des substances PE ; Développer les biomarqueurs d'exposition et d'effet pour améliorer la pertinence (dépasser les limites de l'approche analytique) et réduire les coûts de la surveillance des PE dans les milieux et de leurs effets sur la biodiversité.
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4.4.2.2. Surveiller les produits alimentaires Mener une étude alimentation totale (EAT) sur des populations sensibles (jeunes enfants) pour repérer les effets perturbateurs endocriniens par des biomarqueurs d'exposition ; Conduire une mission spécifique pour inclure la prise en compte des PE dans un dispositif du type observatoire de l'alimentation en lien avec les conclusions des États généraux de l'alimentation et notamment de son atelier sur la sécurité sanitaire de l'alimentation49. 4.4.2.3. Amplifier les études de bio-surveilllance Poursuivre la connaissance des niveaux d'imprégnation de la population générale aux substances PE, notamment les populations les plus à risques (femmes enceintes, jeunes enfants) ; Poursuivre les travaux engagés de surveillance épidémiologique pour quantifier le lien entre les facteurs de risque environnementaux associés aux PE et la santé ; amorcer de nouveaux travaux sur d'autres pathologies (diabète, troubles de déficit de l'attention et hyperactivité, etc.) en s'efforçant de les hiérarchiser ; Compléter les biomarqueurs d'imprégnation de biomarqueurs d'effets précoces dans les enquêtes de bio-surveillance ; Constituer un réseau de laboratoires certifiés pour accroître la robustesse des méthodes analytiques et constituer des méthodes de référence pour la mesure de biomarqueurs ; Assurer à l'échéance du financement par le PIA la pérennité des cohortes en population générale, en particulier de celles impliquées dans le cadre de l'initiative européenne de bio-surveillance humaine HBM4EU ; Développer sous l'animation de l'ANSP une plateforme nationale de collecte, d'harmonisation et de partage des données de bio-surveillance en s'appuyant sur le réseau des organismes impliqués dans HBM4EU. Cette plateforme nationale a vocation à s'inscrire dans un projet européen de stockage des données de bio-surveillance, IPChem, données mises à disposition des chercheurs.
4.4.3. Axe 3 : Caractériser les dangers liés aux substances susceptibles d'avoir des effets PE
4.4.3.1. Parvenir à une définition réglementaire générique de critères PE Continuer à être force de proposition auprès de la Commission pour parvenir à une définition européenne des PE valable pour l'ensemble des substances chimiques et leurs différents usages en mettant à profit l'avancée obtenue en novembre 2017 sur les biocides ;
49
L'atelier n° 8 était intitulé : « Assurer la sécurité sanitaire de l'alimentation française dans une économie agroalimentaire mondialisée et dans un contexte de changement climatique tout en prévenant les contaminations chimiques ».
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Établir à l'échelon national, si possible en partenariat avec d'autres agences d'États-membres de l'UE, et tenir à jour en fonction de l'évolution des connaissances, une liste des substances susceptibles d'avoir des effets PE (selon les trois niveaux avérés, présumés et suspectés) à défaut de disposer d'une telle liste à l'échelon européen afin de fonder des actions non réglementaires ; Obtenir après la publication du texte définissant des critères, en partenariat avec d'autres États-membres, que la Commission européenne gère de façon différenciée au sein de la liste des substances en cours de réexamen de leur approbation (règlement sur les phytopharmaceutiques) celles qui seraient considérées comme préoccupantes afin de ne pas prolonger leur autorisation et éviter des manoeuvres dilatoires. 4.4.3.2. Déterminer les dangers Poursuivre les expertises d'évaluation des dangers de substances à effet PE présumé ou suspecté réalisées par l'ANSES selon une programmation coordonnée avec les évaluations menées dans le cadre européen ; Revoir le rôle de l'ANSM : a minima coordination renforcée avec l'ANSES qui doit être affiché comme le chef de file de l'évaluation des dangers, voire prise en charge complète par l'ANSES de l'évaluation des dangers de l'ensemble des substances PE quel que soit leur usage ; Renforcer les moyens des agences nationales (ANSES, ANSM selon le rôle qui lui sera assigné) consacrés à l'expertise des substances à enjeux PE ; Inciter la Commission européenne à réduire la dépendance par rapport aux données fournies par l'industrie dans d'évaluation des dangers des substances, à harmoniser les référentiels d'expertise entre les différentes agences sanitaires (nationales et européennes) et à donner aux agences européennes la capacité de financer des études dans les cas d'incertitude. 4.4.3.3. Diffuser des méthodes validées de test des substances Arrêter un modèle économique de plate-forme de pré validation des méthodes de test sous forme de financement par des crédits publics du volet socle (veille, appui méthodologique, accompagnement vers la normalisation...), et de financement au moins partiel par le secteur économique des tests ; Inciter à présenter des projets sur les méthodes de tests dans le cadre du programme de travail 2018-2020 du défi « santé-bien être » d'Horizon 202050 ;
50
Le projet de programme de travail 2018-2020 d'Horizon 2020 pour le défi « santé-bien être » présenté fin juillet 2017 par la Commission européenne prévoit un axe intitulé « décoder le rôle de l'environnement, y compris le changement climatique, pour la santé et le bien être ». Cet axe est organisé en trois actions dont une dédiée aux nouvelles méthodes de test pour identifier les substances PE. Les projets présentés doivent décrire en quoi ils apporteront une contribution aux activités internationales relatives aux PE (travaux de l'OCDE, bases de données européennes...). La validation des tests est explicitement mentionnée comme un enjeu important. Cette action est dotée d'un budget de 52 M et l'appel à projet devrait être ouvert à partir du 18 avril 2018. Les projets retenus qui peuvent impliquer des partenaires américains, devraient bénéficier d'un financement communautaire de l'ordre de 4 à 6 M.
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S'impliquer dans les travaux de l'OCDE pour le développement de lignes directrices pour la caractérisation de la toxicité et de l'écotoxicité des substances chimiques pour y inclure des critères d'effets relatifs aux PE51.
4.4.4. Axe 4 : Gérer les risques
4.4.4.1. Prendre des initiatives pour faire évoluer la réglementation européenne Militer à l'échelon européen pour simplifier et harmoniser la prise en compte par les différentes réglementations concernées du danger d'une même substance active à effet PE et les conséquences pour la gestion des risques52 ; Soutenir une meilleure prise en compte des PE dans des directives ou règlements nouveaux ou en révision (par exemple la directive « santé et sécurité au travail »); Faire des propositions à la Commission pour l'inciter à publier une nouvelle stratégie européenne sur les PE. 4.4.4.2. Interdire et substituer Poursuivre les efforts engagés sur le bisphénol A pour en interdire les usages et les prolonger vers d'autres substances dont les effets néfastes seront identifiés par l'ANSES (autres bisphénols, phtalates...) ; Éliminer les PE dans des situations d'exposition critique ; Réviser les normes sanitaires élaborées sur la base du paradigme classique de la toxicologie afin de prendre en compte les spécificités d'action des PE ; Soutenir au moyen d'un appel à projets sur le PIA 3 les démarches d'innovation visant à intégrer la dimension sanitaire (produits sans PE) dès la conception des procédés de fabrication des produits de consommation. 4.4.4.3. Utiliser les leviers de marché Inviter les circuits de distribution à inscrire l'absence de PE dans leurs cahiers des charges d'achat ; Utiliser le levier de la commande publique en ajoutant des critères d'écoconditionalité dans les marchés publics pour développer des modes de
51
La France anime les actions concernant les essais de signalisation thyroïdienne chez les embryons de xénope ainsi que ceux relatifs à la détection d'activité endocrinienne au moyen d'embryons de poissons zèbres transgéniques. Des experts français participent aux groupes d'experts relatifs au document sur les essais d'identification des modulateurs des hormones thyroïdiennes ainsi qu'aux activités de révision de la ligne directrice sur les essais de toxicité du développement prénatal pour y inclure des critères d'effets relatifs aux PE. Par exemple cohérence entre REACH et le règlement 1107/2009 sur les phytopharmaceutiques en ce qui concerne les conditions d'autorisation des substances
52
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consommation et de production de produits exempts de PE.Contrôler l'application de la réglementation Renforcer les contrôles des substances et articles en provenance de pays hors de l'Union européenne et porter la préoccupation liée à la perturbation endocrinienne dans les négociations internationales sur certains outils de gestion du risque chimique pour des usages spécifiques (jouets, précurseurs de médicaments...) ; Renforcer les contrôles sur les produits susceptibles de contenir des substances PE dans le programme annuel des contrôles conduits par la DGCCRF.
4.4.5. Axe 5 : Former, sensibiliser et informer
4.4.5.1. Former les professionnels Amplifier les actions de formation de l'ensemble des professionnels de santé dans le cadre du développement professionnel continu et l'étendre à d'autres professions concernées (architectes, ingénieurs, professionnels de la petite enfance...) ; Traiter des mécanismes de perturbation endocrinienne dans la formation initiale des professionnels de santé et promouvoir les diplômes universitaires de santé environnementale. 4.4.5.2. Informer la population Concevoir et lancer en partenariat avec les associations concernées une campagne d'information sur les dangers des substances PE, sur les voies d'exposition et les moyens de s'en prévenir, en ciblant en priorité les populations les plus à risques ; Mettre à disposition du public une information fiable et accessible sur les PE via un site internet sur les substances dangereuses, tenu par un centre de référence sur les PE ; Soutenir la mise en place d'événements type « journée sans PE » pour sensibiliser la population et les relais d'opinion à l'intérêt et aux possibilités de réduire l'exposition aux PE ; S'appuyer sur les professionnels de santé chargés du suivi prénatal et post natal pour diffuser aux parents une information adaptée sur les risques pour le foetus d'une exposition aux PE et mettre à leur disposition les outils nécessaires ; Étudier la création d'un dispositif d'étiquetage de la présence de substances à caractère PE, distinguant des degrés de danger potentiel, qui serait appliqué à des produits de consommation auxquels sont notamment exposées les populations les plus sensibles (jouets, cosmétiques, contenants alimentaires...).
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6. Organiser les mesures opérationnelles de la future SNPE selon 5 axes : recherche, surveillance, caractérisation des dangers, gestion des risques, formation et information. (MTES, MSS et al.)
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Conclusion
Au terme de son travail d'inventaire des actions menées dans le cadre de la SNPE ou plus largement sur le thème des perturbateurs endocriniens et compte-tenu des entretiens qu'elle a menés, la mission est convaincue de l'intérêt d'une stratégie nationale qui a permis d'insuffler une dynamique qu'il convient maintenant de conforter et d'amplifier. Face à un sujet complexe qui représente un enjeu important pour l'environnement et la santé humaine, la mobilisation de l'ensemble des ministères et agences publiques concernés est indispensable. Elle doit permettre d'entraîner les parties prenantes audelà des cénacles initiés. L'élaboration d'une nouvelle stratégie nationale pleinement intégrée dans la planification des mesures en matière de santé-environnement doit permettre à notre pays de continuer à jouer un rôle de leader en Europe pour une meilleure prise en compte de la perturbation endocrinienne dans l'ensemble des réglementations relatives aux produits chimiques et à leurs usages. La nouvelle stratégie et le plan d'action qui doit nécessairement lui être associé, seront des outils essentiels pour améliorer la confiance de nos concitoyens quant à la capacité de l'action publique à traiter un sujet qui les inquiète.
Fabienne BARTOLI
Patrick LAVARDE
Pierre LESTEVEN
Inspectrice des affaires sociales
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Inspecteur des affaires sociales
Viviane MOQUAY
François VEDEAU
Inspectrice générale de santé publique vétérinaire
Inspecteur général de santé publique vétérinaire
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Annexes
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1. Lettre de mission
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2. Liste des personnes rencontrées
Service Nom Prénom Fonction
Agence française de la biodiversité
Direction recherche, expertise et développement des compétences Direction de l'appui aux politiques publiques DUPONT PERVEVAL Philippe Olivier Directeur Chargé de mission écotoxicologie
HULIN
Vincent
Responsable des partenariats nationaux
Agence nationale du développement professionnel continu des professionnels de santé
LENOIRSALFATI Michèle Directrice générale
Agence nationale de la recherche
Département des opérations scientifiques GUILLOUZO HIPPOLYTE LIEUTAUD Département des programmes d'innovation André Isabelle Anne Professeur des universités toxicologue, ancien responsable du secteur santé Responsable du défi « sécurité alimentaire » Responsable du défi « gestion sobre des ressources »
COQUET
Yves
Coordinateur agronomie-écologie
Agence nationale de formation des hospitaliers
QUILLET Emmanuelle Directrice générale
Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail
LASFARGUES LAURENT MERCIER Gérard Louis Thierry Directeur général délégué en charge du pôle sciences pour l'expertise Directeur du financement de la recherche et de la veille scientifique Directeur adjoint des produits réglementés
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Service
Nom
Prénom
Fonction
ORMSBY ROUSSELLE
JeanNicolas Christophe
Directeur adjoint de l'évaluation des risques Chef d'unité « évaluation des substances chimiques"
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
MARTIN CHAPEL HEULS MASSET Dominique Elodie Brigitte Dominique Directeur général Directrice de l'évaluation Directrice des dispositifs médicaux thérapeutiques et des cosmétiques Responsable du pôle qualité des produits pharmaceutiques
Agence nationale de santé publique
DENYS EMPEREURBISSONNET EL YAMANI Sébastien Pascal Mounia Directeur santé-environnement Directeur adjoint santé-travail Responsable de l'unité évaluation des expositions professionnelles
Commission européenne
Direction générale santé et sécurité alimentaire BEREND PINTE REINERT K. Chef de l'unité « pesticides et biocides » Unité « pesticides et biocides » Unité « pesticides et biocides »
Conseils nationaux professionnels
Gynécoobstétrique Gynécologie médicale Endocrinologie Endocrinogynécologie Endocrinopédiatrie Pédiatrie DAUPTAIN HERON CHEVALIER MIRAKIAN BARTAIRE LINGLART Gilles Isabelle Nicolas Pascale Patricia Agnès Conseil des gynéco-obstétriciens de France Gynécologue endocrinologue, Rouen Professeur d'endocrinologie, CHU Nice Centre de procréation, médecin libérale endocrinologie et gynécologie Association des pédiatres et endocrinologues libéraux Professeur de pédiatre, Bicêtre SF Pédiatrie, CNPP
Institut national de l'environnement industriel et des risques
Direction générale COINTE HUBERT Raymond Philippe Directeur général Directeur des risques chroniques
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Service
Nom
Prénom
Fonction
THYBAUD
Eric
Responsable du pôle « dangers et impacts sur le vivant »
Institut national du cancer
BRETON Thierry Directeur général
France Nature Environnement
CAMBOU Josée Co-présidente du groupe « risques à fortes incertitudes scientifiques et enjeux de connaissance sur les expositions » (GT4) du PNSE3 Coordonnatrice du réseau santéenvironnement
LEPITRE
Charlotte
Haut conseil de santé publique
ZMIROU Denis Président du comité santéenvironnement
Institut national de la santé et de la recherche médicale
SLAMA Rémi Chef du département de prévention et thérapie des maladies chroniques, responsable de l'unité d'épidémiologie environnementale appliquée à la reproduction et à la respiration, Président du conseil scientifique du PNRPE Directeur de l'unité mixte de recherche Inserm-Université Paris Descartes « Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire », Co-président du groupe «pathologies en lien avec les expositions environnementales» (GT3) du PNSE3 Responsable laboratoire « Génétique, reproduction et développement », UMR Inserrm-CNRS-université ClermontAuvergne Chargé de recherche, Rennes
BAROUKI
Robert
VOLLE
David
CHEVRIER
Cécile
Institut de recherche sur les sciences et technologies de l'environnement et de l'agriculture
FLAMMARION GARRIC Patrick Jeanne Directeur général délégué scientifique Directrice de recherche en écotoxicologie, co-présidente du groupe « recherche, formation, éducation et information » (GT2) du PNSE3
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Service
Nom
Prénom
Fonction
Laboratoire WatchFrog S.A
LEMKINE Gregory Président directeur général
Ministère de l'agriculture et de l'alimentation
Direction générale de l'alimentation DEHAUMONT EVAIN TRIDON PRUNAUX Patrick Loïc Alain Olivier Directeur général Directeur général adjoint Sous directeur de la qualité, de la santé et de la protection des végétaux Chef du bureau des intrants et du biocontrôle
Ministère de l'économie
Direction générale de la consommation et de la répression des fraudes THONIER RUELLE DUCHEMIN SERVOZ KOEN Axel Delphine Claude Claire Emmanuel Sous-directeur industrie, santé, logement Chef du bureau des produits industriels Chef du bureau qualité et valorisation des denrées alimentaires (4B) Adjointe au chef du bureau 4B Chargé de mission auprès du sousdirecteur des produits alimentaires et marchés agricoles et alimentaires
Ministère de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'innovation
Direction MAHÉ générale de la recherche et de l'innovation Sylvain Directeur adjoint du secteur "Environnement-agronomie-écologie, sciences du système terre et de l'univers"
Ministère de la transition écologique et solidaire
Commissariat général au développement durable BERGEOT MOULIN COUDERCOBERT MORTUREUX METAYER de FRANCLIEU COISSARD VEYSSILIER Laurent Lionel Céline Marc Marie-Laure Pierre Vincent Florent Chef du service de la recherche Chef de la mission risque, environnement, santé Adjointe au chef de mission
Direction générale de la prévention des risques
Directeur général Sous-directrice santé-environnement Chef du bureau des produits chimiques Adjoint au chef de bureau Chargé de mission
Ministère des solidarités et de la santé
Direction générale de la santé AMPROU CARMES Anne-Claire Joëlle Directrice générale adjointe Sous-Directrice de la prévention des risques liés à l'environnement et à
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Service
Nom
Prénom
Fonction
l'alimentation CATE PAUL GIGUELAY Laurence Caroline Anne Adjointe à la sous-directrice Cheffe du bureau « Environnement extérieur et produits chimiques » Chargée des dossiers « Perturbateurs endocriniens nanomatériaux, risques chimiques liés à l'alimentation » Chargée de mission sur les cosmétiques Juriste
LEGRAND BARILLIER
Line Florence
Secrétariat général
TRAN
Béatrice
Chargée de mission santé publique
Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social
Direction générale du travail MADDALONE BESSOT Patrick Nicolas Sous-directeur des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail Adjoint au chef du bureau des risques chimiques, physiques et biologiques (CT2) Responsable du pôle risques chimiques et biologique au bureau CT2
LASSUS
Mathieu
Réseau environnement santé
CICOLLELA GERARD André Maïté Président Chargée de mission
Union des industries chimiques
SMETS LEVY DALLOT Magali Patrick Constantin Directrice générale Médecin conseil, président du groupe santé-environnement du MEDEF Toxicologue
Universités
Paris Sud LEVI Yves Professeur de santé publiqueenvironnement, UMR 8079 « Écologiesystématique-évolution » Université Paris sud - CNRS - AgroParisTech Professeur émérite, présidente
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Paris Diderot
MARANO
Franceline
Évaluation de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE)
Service
Nom
Prénom
Fonction
d'honneur de la Société française de santé-environnement, co-présidente du groupe « risques à fortes incertitudes scientifiques et enjeux de connaissance sur les expositions » (GT4)du PNSE3
Women in Europe for a Common Future (WECF)
GUIZIENOUNADJELA RUFFINENGO Dominique Elisabeth Secrétaire du bureau Responsable plaidoyer & projets santéenvironnement
Évaluation de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE)
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3. Bilan de l'axe 1 : Recherche, valorisation, surveillance
Le premier axe de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE) s'articule autour de quatre actions à caractère opérationnel : Inscrire la thématique des perturbateurs endocriniens dans les priorités de la stratégie nationale de la recherche (SNR) ; Mobiliser les meilleures équipes en biologie ; Favoriser le transfert de la recherche vers le monde économique ; Renforcer la surveillance sanitaire et environnementale, via les enquêtes transversales, les dispositifs de surveillance épidémiologique, les cohortes et les observatoires.
Le bilan de la mise en oeuvre de ces actions depuis l'adoption de la SNPE en 2014 est présenté ciaprès.
3.1. Inscrire la thématique des perturbateurs endocriniens dans les priorités de la stratégie nationale de la recherche
Lors de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012, le gouvernement a affirmé le caractère prioritaire de la recherche dans le domaine environnement-santé. Il a demandé que soit élaboré un plan d'action pour dégager les objectifs de recherche, identifier les moyens à mettre en oeuvre et organiser le suivi. Cette orientation s'inscrivait dans un contexte international dans lequel le Programme des nations unies pour l'environnement (PNUE) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconisaient dans un rapport intitulé « State of the Science of Endocrine Disrupting Chemicals », publié le 13 février 2013, de mener davantage de recherches afin de bien comprendre les liens qui existent entre les perturbateurs endocriniens chimiques et plusieurs maladies et troubles. Le rapport soulignait que des évaluations plus exhaustives et de meilleures méthodes de test permettraient de réduire les risques éventuels de maladie et de réaliser d'importantes économies en santé publique. Les trois alliances nationales de recherche, Allenvi pour l'environnement 53, Aviesan pour les sciences de la vie et de la santé 54 et Athena pour les sciences humaines et sociales 55 ont alors publié l'initiative française pour la recherche en environnement santé (IFRES), qui décrit un plan d'action dans les domaines de la toxicologie, de l'écotoxicologie, de l'épidémiologie et des sciences sociales Plusieurs objectifs prioritaires y sont inscrits en termes de nouvelles méthodes à développer, de disciplines à mobiliser ou d'approches à favoriser. La question des perturbateurs endocriniens y est fortement prise en compte et celle-ci est l'objet d'un des neuf programmes de recherche ciblés identifiés dans ce plan d'action au côté de programmes de financement généralistes pour animer des communautés scientifiques sur des sujets majeurs de santé publique ou de risque environnemental. Cette initiative a été une référence pour l'élaboration de la SNPE.
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L'alliance pour l'environnement (AllEnvi-Alimentation/eau/climat/territoire) regroupe 12 membres (BRGM, CEA, Irstea, Cirad, CNRS, CPU, Ifremer, Inra, IRD, IFSTTAR, Météo France, MNHN). Allenvi s'organise en 13 groupes de travail thématiques dont un sur les "risques environnementaux, naturels et écotoxiques". L'alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan) rassemble 9 grands acteurs de la recherche en biologie santé : INSERM, CNRS, CEA, INRA, Conférence des présidents d'université (CPU), Institut Pasteur, IRD, Conférence des directeurs généraux de CHU (CHRU), INRIA. Elle compte 9 instituts thématiques multi-organismes (ITMO), dont l'ITMO Santé publique. L'alliance ATHÉNA regroupe les acteurs des sciences humaines et sociales (CNRS, CPU, la Conférence des Grandes Écoles (CGE), l'institut national des études démographiques-INED, INRA, IRD, CEA). Elle s'organise autour de groupes prospectifs de réflexion (environnement, santé, santé publique/bien-être) et de groupes d'activité multiorganismes.
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De manière plus générale, selon l'orientation inscrite dans la SNPE, la thématique des perturbateurs endocriniens devait trouver place dans la stratégie nationale de la recherche (SNR) qui fixe tous les cinq ans les priorités nationales de recherche. Finalisée en juin 2014 et publiée en mars 2015, la SNR identifie dix défis sociétaux en lien avec H2020 (niveau UE). Elle ne fait pas explicitement mention des perturbateurs endocriniens. Pour autant, trois des défis ont un lien avec les perturbateurs endocriniens :
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le défi n° 1 Gestion sobre des ressources et adaptation au changement climatique dont l'axe 3 porte sur les risques sanitaires face aux changements environnementaux : évaluation et maîtrise du risque environnemental, avec nécessité d'évaluer les impacts d'un événement toxicologique dangereux et de valider de nouveaux tests écotoxicologiques ; le défi n°4 Vie, santé et bien-être dont l'axe 3 qui vise l'exploration des systèmes et organes, leur fonctionnement normal et pathologique met un accent particulier sur les perturbateurs endocriniens ; le défi n°5 Sécurité alimentaire et défi démographique avec un axe 3 « environnementsanté » fondé sur le concept « one health » qui vise à encourager les recherches permettant d'éclairer les interactions entre environnement et santé en lien avec les modes de gestion des écosystèmes productifs.
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Ces défis orientent les contrats pluriannuels conclus avec les institutions de recherche, la programmation des appels à projets de recherche de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et les autres financements publics de la recherche. Il ne semble pas que le ministère de la recherche fasse des perturbateurs endocriniens (PE) une priorité spécifique dans les contrats d'objectifs et de performance avec les institutions de recherche56. En revanche, le contrat d'objectifs 2016-2020 de l'INERIS, placé sous la tutelle du ministère en charge de l'environnement, comporte plusieurs orientations relatives aux PE dont une relative au progrès des connaissances57. Il n'a pas été possible d'identifier dans quelle mesure d'autres dispositifs de financement de la recherche que ceux exposés ci-après et mentionnés dans la SNPE ont pu contribuer à faire avancer les connaissances scientifiques sur le thème des perturbateurs endocriniens. Pour ce qui concerne le programme des investissements d'avenir (PIA), aucune des actions inscrites dans les deux premiers PIA n'a fait mention des PE dans les documents d'appel à projets. Pour autant, le PIA a permis de doter la communauté scientifique française d'outils potentiellement utilisables pour la recherche sur les PE. C'est notamment le cas des cohortes qui ont été financées sur trois actions différentes du PIA (voir § 4.2 ci-après). Alors que l'émergence et la détection de la perturbation de la reproduction est apparue sur les populations animales sauvages dans les écosystèmes et a servi de signal d'alarme pour la santé humaine (exposition humaine généralisée à des substances chimiques susceptibles d'être PE), il ne ressort pas d'effort de recherche particulier sur la problématique de la perturbation endocrinienne dans les écosystèmes : source, transfert, transformation, impact potentiel sur la biodiversité (dynamique des populations, par exemple les pollinisateurs) et le fonctionnement des communautés (comportement alimentaire, comportement reproducteur...).
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A titre d'exemple, le contrat d'objectifs de l'INRA récemment finalisé ne mentionne pas les perturbateurs endocriniens comme une priorité de recherche. Le contrat d'objectifs de l'INERIS comprend trois actions dédiées aux PE dont une sur l'enrichissement des connaissances sur les questions émergentes qui prévoit que « Dans le domaine des perturbateurs endocriniens et en lien avec la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE), une meilleure compréhension des mécanismes d'action spécifique sera apportée en s'appuyant, par exemple, sur les nouvelles stratégies de caractérisation en bio-analyse. Ces nouvelles connaissances permettront de mieux concevoir les moyens d'identification du caractère PE des substances chimiques, de leurs mélanges ainsi que celui des milieux ».
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3.2. Mobiliser les meilleures équipes en biologie
Cet objectif se met en oeuvre au moyen de projets de recherches sélectionnés et financés par les programes nationaux à caractère fondamental ou plus finalisé cités par la SNPE. Ces programmes intéressent à la fois la qualité environnementale, la santé des écosystèmes et la santé humaine. Les bilans sont présentés ci-après. Il ne faut pour autant pas oublier l'existence de recherches soutenues dans le cadre d'autres programmes centrés sur d'autres problématiques que les perturbateurs endocriniens 58. Les actions de recherche susceptibles d'être directement mises en oeuvre par les institutions de recherche sur leurs moyens propres ne sont pas évoquées par la SNPE et il n'est pas possible de les identifier.
3.2.1. Poursuivre le Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE)
Parmi les actions proposées par les alliances Allenvi, Avisan et Athena dans l'Initiative française pour la recherche en environnement santé (voir supra) figurait une action n°9 visant à soutenir et pérenniser un programme de recherche spécifique sur les perturbateurs endocriniens afin de contribuer à la décision publique qui devrait mettre en oeuvre un appel à projets au rythme annuel (au moins bisannuel) avec un budget annuel souhaitable de 2 M. Cette proposition a été reprise dans la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens qui affirme que : « Le MEDDE renforcera les échanges interdisciplinaires de la communauté scientifique au sein du Programme National de Recherche sur les Perturbateurs Endocriniens (PNRPE). Dès 2013, le MEDDE a lancé un appel à projets de recherche et s'est engagé à soutenir 8 projets, sur 3 ans, pour un montant de 750 k ». 3.2.1.1. Des ambitions affichées Créé en 2005 et piloté par le ministère en charge de l'environnement, le Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE) a pour objectif de soutenir des recherches fondamentales et appliquées en appui à l'action publique sur les questions ayant trait à la perturbation endocrinienne. Le PNRPE finance des projets de recherche sélectionnés en fonction de leur qualité scientifique et dans un esprit de complémentarité avec les autres dispositifs de soutien à la recherche, tels que le Programme national de recherche environnement santé travail (PNR EST) piloté par l'Anses et ceux de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou de l'Union européenne (voir ci-après). Depuis 2011, l'animation scientifique (appui à la programmation et au suivi des activités du programme) est assurée par l'Anses. Le PNRPE contribue à développer et animer une communauté scientifique autour de cinq axes prioritaires de recherche :
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les mécanismes d'action et le devenir des perturbateurs endocriniens dans l'organisme et les organes cibles, les effets de substances, y compris de substituts, seules ou en mélange, à faible dose, sur plusieurs générations (effets transgénérationnels), la mesure de la contamination des milieux de vie, la caractérisation des expositions humaines dans une logique d'exposome,
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A titre d'exemple, le programme EC2CO-ECODYN mené par le CNRS (INSU-INEE) entre 2011 et 2016) a soutenu des projets d'amorçage, avec des financements limités (<40 K), ciblés sur l'écodynamique des contaminants et leurs impacts pour la biodiversité et le fonctionnement des milieux. Sur la soixantaine de projets soutenus, deux projets ont concerné des effets PE sur des vertébrés (oiseaux) et invertébrés. Le programme de recherche sur la qualité de l'air Primequal conduit conjointement par le ministère chargé de l'environnement et l'ADEME a financé plusieurs projets qui visaient les PE. Il a notamment permis de soutenir les projets ECOS Habitat et ECOS-TOX complémentaires du projet ECOS-Pouss mené dans le cadre du PNRPE. Dans le domaine de l'eau, l'ONEMA a aidé à l'acquisition d'une connaissance croissante sur l'imprégnation en PE des milieux aquatiques.
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les outils pour la réglementation (criblage d'activité, tests de surveillance, modélisation ...), l'approche sociologique (processus d'émergence de la problématique, débat sociétal et action publique...). 3.2.1.2. Des résultats positifs
Le programme a permis d'obtenir de nombreux résultats sur les effets et mécanismes d'action des perturbateurs endocriniens (effets génomiques et non-génomiques), sur les effets dans l'environnement (abeilles, poissons....), la connaissance des expositions, le développement de méthodes et d'outils pour la détection des effets ou des expositions et enfin les dynamiques sociétales liées à la problématique de PE et l'aide à la gestion des risques. Les projets financés par le PNRPE ont donné lieu à de nombreuses publications dans des revues scientifiques internationales59 . Après un premier colloque international en 2012, un deuxième colloque scientifique international a été organisé par le ministère chargé de l'environnement avec l'appui de l'Anses les 21 et 22 janvier 2016 à l'Institut Pasteur à Paris60. Si ces travaux ont dégagé de nombreux enseignements :
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les perturbateurs endocriniens (avérés ou potentiels) sont omniprésents ; le spectre de pathologies est bien plus large que celles relevant du système reproducteur ; les effets de molécules prises individuellement ne permettaient pas de prédire l'effet du mélange, une substance pouvant potentialiser l'effet d'une autre ou au contraire l'atténuer selon l'organe considéré ; les méthodes analytiques développées pour analyser les substances semi-volatiles ayant des propriétés de perturbateurs endocriniens, contenues dans l'air et les poussières ont permis de démontrer que ces substances étaient très répandues dans l'habitat, notamment dans les poussières des logements, avec des concentrations très variables ; l'exposition périnatale de souris à de faibles doses de Bisphénol A (BPA) ou de l'un de ses substituts, le BPS, perturbe le métabolisme des lipides, source d'obésité ; une revue de la littérature indique que les substituts peuvent être potentiellement aussi dangereux que la molécule interdite ; les risques concernent aussi la faune sauvage et sont alarmants ; les perturbateurs endocriniens représentent un coût énorme pour la société.
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Ils ont également mis en évidence l'étendue des connaissances restant à acquérir sur le sujet. 3.2.1.3. Mais une action en manque de moyens entre 2014 et 2017 Depuis le début du PNRPE, quatre appels à projets ont été lancés en 2005, 2008, 2010 et 2013. Ils ont permis de sélectionner 39 projets dont 8 portant sur des questions d'écotoxicologie 61.
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Fin 2015 étaient recensées 85 publications issues des 31 projets financés par les appels à projets 2005, 2008 et 2010 dont cinq chapitres d'ouvrages et plusieurs dizaines d'autres étaient prévues. Le colloque ouvert par la ministre en charge de l'environnement a réuni plus de 500 personnes. Les présentations se sont organisées autour de sept sessions : les effets de perturbateurs endocriniens sur les espèces naturelles, les troubles du métabolisme et les diabètes en lien avec les perturbateurs endocriniens, l'épigénétique et les effets transgénérationnels des perturbateurs endocriniens, les effets des perturbateurs endocriniens sur le système reproductif, les effets des mélanges, les effets du bisphénol A et de ses substituts, l'expertise, l'évaluation du risque et le coût économique. Les modèles biologiques portent essentiellement sur des vertébrés aquatiques (poissons, amphibiens), mais souvent dans des projets à visée santé humaine (utilisation de ces modèles comme proxy de mécanisme d'action), et plus rarement des invertébrés (mollusque, insecte). Les mammifères terrestres et les oiseaux ne sont pas étudiés. Les objectifs visés concernent le plus souvent la prédiction expérimentale du caractère PE des substances chimiques à des échelles variées, moléculaires, cellulaires ou individuelles (besoin d'outils pour REACH). Les approches à des échelles pertinentes pour les écosystèmes (dynamique des populations, observations/expérimentations in situ) sont quasi inexistantes. Les projets concernant des problématiques d'écodynamique de substances PE dans les milieux, en termes de sources, de devenir et transfert (chaîne trophique) sont quant à eux beaucoup plus rares.
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L'ensemble des projets a bénéficié de 5 millions d'euros de soutien à la recherche 62 et mobilisé une centaine d'équipes de recherche. Le dernier appel à projets en 2013 traitait du bisphénol A, en particulier les phénomènes d'imprégnation des populations, les effets au niveau des multiples organes cibles et les effets et mécanismes d'action de ses substituts. Les huit projets de recherche retenus 63 qui devaient se dérouler entre 2014 et 2018 ont reçu 750 k de financements du ministère issus d'un transfert de crédits venant du programme 181, géré par la DGPR, et non des moyens destinés au soutien à la recherche Alors que le PNSE3 2015-2019 a confirmé l'intérêt du PNRPE dans son action n°82 « pérenniser et soutenir le programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE) », aucun nouvel appel à projets de recherche n'a été lancé au titre du PNRPE depuis l'adoption de la SNPE en 2014, faute de financements. Cependant un appel à projets de recherche a pu être lancé en novembre 2016 sur la thématique spécifique des produits phytopharmaceutiques perturbateurs endocriniens grâce à un financement apporté par le plan Ecophyto2 publié fin octobre 2015 qui vise à réduire l'emploi de pesticides. Les 6 projets sélectionnés mi-2017 bénéficient d'un montant d'un million d'euros issus de la redevance pour pollutions diffuses affectée à l'Agence française de la biodiversité (AFB). Cet appel à projets qui ne porte que sur les produits phytopharmaceutiques s'inscrit dans la gouvernance du plan Ecophyto264 et non directement dans celle du PNRPE. 3.2.1.4. De nouveaux financements annoncés pour 2018 Un communiqué du 4 juillet 2017 des ministres en charge de l'écologie, de la santé et de l'agriculture a annoncé que de nouveaux moyens seront dédiés en 2018 au PNRPE. Le dossier de présentation du projet de budget du MTES pour 2018 confirme que les efforts d'acquisition des connaissances sur les perturbateurs endocriniens seront intensifiés par le financement d'actions de recherche. Le 10 octobre 2017, la secrétaire d'État à l'écologie a annoncé qu'un budget supplémentaire de 2 millions d'euros issu de l'enveloppe ministérielle sera alloué au lancement d'un nouveau programme de recherche sur les perturbateurs endocriniens qui « viendra en addition des recherches réalisées dans le cadre du programme national environnement santé travail ».
3.2.2. Financer des projets de recherche sur les perturbateurs endocriniens par l'Agence nationale de la recherche (ANR)
Il est indiqué dans la SNPE : « en 2013, l'ANR a financé 5 projets concernant les perturbateurs endocriniens issus de l'appel à projets de 2012-2013 », mais aucune orientation n'y figure explicitement sur ce que l'agence est censée faire sur ce thème.
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7 projets en 2005 pour un soutien de 1 M, 15 projets en 2008 pour 2 M, 9 projets en 2010 pour 1,36 M et 8 projets en 2013 pour 0,75 M. Caractérisation des multi-expositions environnementales aux pesticides chez la femme enceinte ; Propriétés et affinité de ligands de récepteurs susceptibles de fixer des perturbateurs endocriniens chez Lymnaea stagnalis (Mollusque, Gastéropode) ; Mélanges de perturbateurs thyroïdiens : effets sur le développement neuronal embryonnaire ; Exposition au bisphénol A et risque d'obésité et de diabète de type 2 dans l'étude de cohorte prospective française D.E.S.I.R. ; Effets du Bisphénol A et de ses substituts sur le développement des gonades ; Effets du BPA et de ses substituts sur le testicule foetal humain et spécificités liées à l'espèce ; Interaction des substituts du bisphénol A avec la physiologie des adipocytes humain ; Criblage de perturbateurs endocriniens des récepteurs nucléaires des oxysterols LXRs. Les projets soumis ont été évalués par un conseil scientifique et un comité d'orientation associant des membres du comité scientifique et d'orientation recherche et innovation du plan Ecophyto, avant une validation finale par le conseil d'administration de l'AFB.
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3.2.2.1. Entre 2005 et 2013, sur 217 projets en santé-environnement, l'ANR a soutenu 40 projets de recherche portant sur les perturbateurs endocriniens Pour un montant total de financement de 17,2 million d'euros, ces projets ont été financés sur les programmes thématiques « santé, environnement, société, travail » (8 projets entre 2005 et 2007), « nutrition, alimentation » (2 projets en 2006 et 2008), « contaminants, environnement, santé (CES) » (15 projets entre 2008 et 2010) puis « contaminants et environnements : santé, adaptabilité, comportements et usages (CESA) » (15 projets entre 2011 et 2013). Les derniers projets CESA se sont achevés fin 2016. Les projets portaient notamment sur les effets sur la reproduction et l'exposition foetale (11 projets), les expositions chroniques, à faibles doses ou les mélanges (5 projets), le criblage, la modélisation ou le développement de modèles cellulaires (5 projets). Le Bisphénol A et ses dérivés et la chlordécone ont été les substances les plus souvent étudiées65. Alors que le comité d'évaluation du programme CESA estimait nécessaire de soutenir un nouveau programme à l'interface des domaines santé-environnement et sciences humaines et sociales visant à étudier et prévenir la toxicité d'origine anthropogénique, aucune suite n'a été donnée. 3.2.2.2. Depuis 2014, la programmation de l'ANR n'inclut plus de programmes thématiques. L'appel à projet générique (AAPG) de l'ANR est structuré en défis ; eux-mêmes structurés en axes intra-défis et depuis 2016 en axes inter-défis notamment en réponse à la stratégie nationale de recherche publiée en mars 2015 (voir supra). Bien que les perturbateurs endocriniens ne soient pas nommément cités dans le texte de la stratégie nationale de recherche, l'appel à projet générique les a mis en évidence chaque année depuis 2014 selon des modalités diverses. Ainsi, dans l'édition 2014, un sous axe « santé environnementale, toxicologie prédictive » dans le défi 4 « santé-bien être » était entièrement dédié aux PE. Les enjeux de santé en lien avec les contaminants ainsi que l'impact des contaminants sur les écosystèmes et sur la santé humaine (écotoxicologie et toxicologie) faisaient l'objet d'un axe dédié dans le défi 5 « sécurité alimentaire et défi démographique ». Quatre projets ont été sélectionnés pour un financement total de près de 1,4 M. En 2015, le défi 4 « santé-bien être » a maintenu une action sur la toxicologie environnementale et notamment les PE dans l'axe « physiologie, physiopathologie, vieillissement », tandis que le défi 5 proposait un axe « caractérisation et limitation des impacts écotoxicologiques liés aux différents systèmes d'exploitation » qui intégrait la notion d'exposome, mais sans relation affichée avec la santé humaine. Aucun projet sur les PE n'a été retenu. En 2016, issu des réflexions de comités inter-défis, un axe commun « contaminants, écosystèmes et santé » entre le défi 1 « gestion sobre des ressources et adaptation aux changements climatiques », le défi 5 et le défi 4 a été construit. Cet axe appelait des projets en lien avec l'exposome, les interactions entre différents contaminants, leurs cinétiques et leurs dynamiques dans différents milieux (air, eau, sols) et organismes et leurs effets cumulatifs éventuels (avec la toxicité d'autres contaminants, avec d'autres stress environnementaux, etc.) et ce, sur les écosystèmes et chez l'homme. Les perturbateurs endocriniens restaient toutefois nommément éligibles dans l'axe du défi 4 : « exploration des systèmes et organes, leur fonctionnement normal et pathologique : physiologie, physiopathologie, vieillissement ». 2 projets ont été sélectionnés pour un financement de 778 k. En 2017, dans l'axe inter-défi santé environnementale dont le périmètre correspondait à celui de 2016, un sous axe dédié aux perturbateurs endocriniens a été identifié. Pour autant, aucun projet dédié aux PE n'a été retenu.
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5 projets sur le bisphenol A et dérivés, 5 sur la chlordécone, 3 sur d'autres pesticides, 3 sur les HAP, 2 sur les PCB, 2 sur les phthalates, 1 sur les contaminants fluorés, 1 sur les retardateurs de flamme.
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Depuis l'adoption de la SNPE, ce sont donc 6 projets de recherche portant sur les PE qui ont été financés par l'ANR entre 2014 et 2017 sur son appel à projets générique pour un montant total de 2,17 M. 3.2.2.3. Une baisse des projets ciblés PE probablement en lien avec un manque de lisibilité des priorités de recherche Cette structuration de l'appel à projet générique et les fluctuations d'affichage d'une année à l'autre ont induit une dispersion des communautés interdisciplinaires que le programme SEST (santé, environnement, société, travail) avait fait émerger, puis que les programmes CES (contaminants, écosystèmes, santé) et CESA (contaminants et environnements) avaient consolidées. Cette dispersion a eu un impact notable sur l'évolution de la sélection de projets en relation avec les PE. Ainsi, le nombre de projets portant sur les PE est passé en moyenne de 4,4 projets par an entre 2005 et 2013 à 1,5 depuis 2014. Cette forte diminution depuis l'adoption de la SNPE ne peut être imputée exclusivement à la baisse globale des moyens de financement de l'ANR depuis 201366. En 2018, l'axe « contaminants, écosystèmes et santé » reprend l'ensemble des thèmes de 2017, mais parallèlement le défi 4 propose un axe « génétique, génomique et ARN » avec une composante en lien avec l'exposome et l'environnement et un axe « biochimie du vivant » incluant la toxicologie. Cette définition d'un axe dédié pourrait permettre de remobiliser l'ensemble des communautés scientifiques concernées en particulier interdisciplinaires, bien que le message ne soit pas d'une grande clarté au sein de l'appel à projets générique.
3.2.3. Financer des projets de recherche en lien avec l'évaluation des perturbateurs endocriniens sur le programme national de recherche environnement-santé-travail (PNR- EST) de l'Anses
Le programme national de recherche en environnement-santé-travail (PNR-EST) soutient la production de connaissances en appui aux politiques publiques de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail. Le programme porte sur l'évaluation et l'analyse des risques environnementaux pour la santé humaine, en population générale ou au travail. Il soutient également des projets relatifs aux risques pour les écosystèmes et à la qualité des milieux. Il couvre une vaste gamme de risques, depuis les risques émergents jusqu'aux risques connus, en passant par les risques complexes qui soulèvent encore des controverses scientifiques. Sauf exception, les projets retenus pour être réalisés sur 2 à 3 ans reçoivent un financement plafonné à 200 k. Le choix des projets à financer parmi ceux retenus par le Comité scientifique du programme est effectué par le Comité d'orientation du programme au sein duquel sont représentés les financeurs ainsi que des ministères impliqués dans le champ couvert par l'appel à projets et l'ANR. Au sein du PNR-EST, les projets relatifs aux perturbateurs endocriniens représentent de l'ordre de 10 % des projets financés par l'Anses depuis 2009. Ce sont souvent des prolongations de projets PNRPE. Ainsi, au cours des années 2013 à 2016, 17 projets consacrés aux perturbateurs endocriniens ont été financés67, ce qui correspond à la moitié des projets retenus sur les agents chimiques qui pèsent eux-mêmes environ le quart des projets retenus. Les moyens limités du PNR-EST et son champ très large font que le financement de chaque projet est plafonné à 200 k. Pour l'édition 2017 du PNR-EST, trois appels à projets ont été lancés, pour un montant total de financement de l'ordre de six millions d'euros 68. Le premier appel à projets, à vocation généraliste, couvre 13 questions de recherche dont les « agents chimiques et polluants émergents » qui englobe 11 sujets dont les perturbateurs endocriniens. Le thème des perturbateurs endocriniens
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La diminution des moyens de financement de l'ANR est de 30 à 50 % selon les références et les années.
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5 projets dédiés aux perturbateurs endocriniens en 2016, 5 en 2015, 2 en 2014 et 5 en 2013
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figure parmi ceux qui revêtent une importance particulière pour le comité d'orientation ou correspondent à des priorités des cofinanceurs de l'appel à projets selon les orientations suivantes :
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étude des effets des perturbateurs endocriniens sur l'homme et les écosystèmes ; développement de biomarqueurs d'effets spécifiques des perturbateurs endocriniens ; développement de méthodes d'essai permettant d'identifier des perturbateurs endocriniens et/ou de mieux connaître leurs effets ; meilleure prise en compte de la sensibilité particulière des enfants dans les tests de toxicité utilisés pour l'évaluation des substances et des produits ; meilleure prise en compte des spécificités des perturbateurs endocriniens en termes de fenêtre d'exposition critique, d'effets trans/intergénérationnels.
3.3. Favoriser le transfert de la recherche vers le monde économique
Afin que l'industrie puisse sécuriser le développement de ses nouveaux produits et procédés, en guidant les innovations vers des solutions dont l'innocuité pourra être évaluée plus tôt par des tests permettant d'évaluer le caractère perturbateur endocrinien des substances selon des méthodes mieux reconnues à l'international, la SNPE prévoit d'examiner l'hypothèse de la création d'une plate-forme public-privé d'évaluation et de pré-validation des méthodes de test des substances.
3.3.1. Des enjeux de compétitivité pour les entreprises
La création de cette plateforme a été confirmée par le PNSE3 dont l'action n°13 vise à acquérir des moyens d'identifier le caractère perturbateur endocrinien des substances chimiques par l'étude de faisabilité d'une plateforme public-privé pour la pré-validation de méthodes de tests des substances. Le projet a été soutenu par le Conseil national de la transition écologique (CNTE) qui a souligné l'intérêt pour la recherche et l'industrie d'« éviter des découvertes tardives de propriétés de perturbation endocrinienne » et a indiqué qu'au-delà de la maîtrise des enjeux de santé et d'environnement, le projet avait « des impacts en termes de compétitivité et d'emplois : capacité d'anticipation de l'industrie française, avantage comparatif sur d'autres pays, développement d'une offre nationale de laboratoires compétents, valorisation de la recherche nationale, etc. ». Dans sa communication sur la définition des perturbateurs endocriniens (COM 2016 350 final), la Commission européenne considère comme « critique » de renforcer le travail sur ce sujet pour disposer d'un panel d'essais « au plus tard en 2025 ». Le communiqué du 4 juillet 2017 des ministres chargés de l'écologie, de la santé et de l'agriculture réaffirme de nouveau l'intérêt de cette plate-forme et de son entrée en phase opérationnelle.
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Le premier appel à vocation généraliste est financé par l'Anses sur des budgets délégués par les ministères chargés de l'environnement et du travail, et associe plusieurs cofinanceurs : l'ADEME, l'ITMO Cancer de l'alliance AVIESAN dans le cadre du Plan Cancer. Il bénéficie également de crédits du plan Ecophyto II (crédits affectés à l'ONEMA devenue AFB) en fonction des moyens programmés pour l'axe dédié à la recherche et l'innovation de ce plan. Le deuxième appel à projets financé grâce au fruit d'une taxe sur les émetteurs radiofréquences, est dédié au thème "Radiofréquences et santé", qui fait l'objet d'une attention particulière compte tenu du besoin de connaissances sur ce sujet et de la nécessité d'élargir la communauté scientifique qui s'y intéresse. Pour la première fois, un appel à projets est dédié à la thématique « Antibiorésistance et environnement » (a priori non reconduit en 2018).
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3.3.2. Une plateforme sous forme de partenariat public-privé
En 2014, l'INERIS a été chargé d'étudier avec les industriels de la chimie, partenaires potentiels, la faisabilité et les conditions opérationnelles et de gouvernance de la plateforme de pré-validation de méthodes. Cette plateforme a pour rôle de recevoir des méthodes de toute nature (in vivo, in vitro et in silico)69 en phase finale de mise au point en aval de la recherche et de réaliser l'ensemble des opérations techniques permettant d'arriver à la validation auprès de l'OCDE ou de l'ISO 70. La prévalidation permet de vérifier la pertinence, la valeur ajoutée, la reproductibilité et la répétabilité de la méthode. Elle conduit à démontrer la qualité et l'opérationnalité d'une méthode en vue de sa validation multilatérale. Les activités de la plateforme portent sur la réalisation des étapes finales d'un essai soumis, la veille permanente des méthodes existantes et des instances européennes et internationales, l'instruction de la pertinence des essais proposés, l'organisation du processus de validation (répétabilité et reproductibilité), la décision de pré-validation et l'accompagnement du porteur de projet auprès de l'OCDE ou de l'ISO71. Les utilisateurs potentiels sont les institutions chargées des évaluations ou des classements, les industriels qui développent des produits de substitution, les secteurs qui produisent des rejets dans l'environnement et doivent prouver que ces derniers n'ont pas le caractère de perturbateurs endocriniens et enfin les acheteurs finaux. Cette plateforme nationale a toute sa place dans la réglementation internationale, car elle comble un vide. Le panel de méthodes validées disponibles est extrêmement limité à ce jour et la demande des opérateurs d'avoir un label de reconnaissance des essais est forte. En effet, s'il existe un certain nombre de méthodes déjà accessibles, elles restent à valider. C'est un besoin pour le secteur des développeurs de méthodes qui comprend de grandes entreprises, des startups issues de la recherche, ainsi que des entreprises dédiées aux essais.
3.3.3. Une étude faisabilité a été conduite en 2015
Elle a été prolongée par une journée de travail72 organisée conjointement par l'INERIS, le ministère de l'écologie et l'Union des industries chimiques (UIC) qui a réuni, le 30 juin 2016, industriels, chercheurs, administrations nationales, organismes nationaux, européens et internationaux, associations concernées par les perturbateurs endocriniens, afin d'examiner la faisabilité de création de la plate-forme. Pour faire suite aux travaux et propositions issues de cette journée, un groupe de travail constitué des parties prenantes (administration, ONG...) et des acteurs (développeurs de méthodes et industriels de la chaîne de valeur) a été mis en place. Il a proposé un projet concernant le contenu, la forme juridique, la gouvernance et le modèle économique de la plateforme. À ce stade, la réflexion a été uniquement menée à l'échelon national. Des partenariats internationaux envisagés notamment avec l'Allemagne n'ont pas encore été explorés. La plate-forme doit disposer d'installations expérimentales couvrant l'ensemble du champ et avoir accès à des moyens de mesure haut débit, notamment en génomique et transcriptomique. Si ces équipements existent déjà en grande partie sur le territoire national, ni l'INERIS ni aucun autre
69
Les essais in vitro portent sur du matériel cellulaire. Les essais in vivo sont des essais sur animaux (invertébrés, mammifères, amphibiens, poissons et oiseaux). Les méthodes de modélisation biologiques in silico les complètent. Les essais opposables dans les systèmes réglementaires doivent être validés au niveau multilatéral notamment par l'OCDE qui a en charge la rédaction des lignes directrices d'essais reconnues par ses États membres. Cette validation multilatérale peut prendre une dizaine d'années. En revanche, la plateforme ne développera pas de tests et n'exploitera pas elle-même les tests pour des évaluations de danger. Cette journée avait pour objectif de recueillir des éléments de parangonnage européens et internationaux et explorer les synergies et/ou approches conjointes ; d'identifier les besoins des parties prenantes ; de préciser l'intérêt d'essais pré validés par la plate-forme dans le cadre d'une future stratégie de testage ; de vérifier la reconnaissance et la recevabilité des tests pré validés ; d'identifier les clés du succès ou les freins à la mise en place d'une telle plateforme.
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centre technique ne dispose de tous les éléments. Un réseau d'opérateurs est donc nécessaire, accompagné d'une organisation opérationnelle solide. Outre les personnels faisant fonctionner ces équipements, des équipes spécifiques sont nécessaires pour organiser les essais, assurer la veille sur les méthodes et accompagner les porteurs de méthodes vers une validation multilatérale.
3.3.4. Le modèle économique de cette plateforme ne s'impose pas
Le coût de fonctionnement a été estimé à environ 0,8 M par an pour ce qui concerne l'identification des méthodes et la dissémination des méthodes pré validées qui mobiliseraient 5 ETP. L'essentiel du coût résiderait dans les essais validant les méthodes. Le coût a été estimé à 4 M (mobilisation de 18 ETP)73 sur la base de l'évaluation chaque année d'un essai in vivo léger, de deux essais in vitro complexes et de trois essais in vitro simples, auxquels il convient d'ajouter le coût d'essais et d'opérations de preuve de concept pour porter des méthodes trop immatures à un niveau suffisant pour permettre la pré-validation. Les modalités de financement de la plateforme restent en débat. Il ne semble pas réaliste d'imaginer que la plateforme puisse être financée par les développeurs de méthodes dans la mesure où les méthodes d'essais ne peuvent généralement pas faire l'objet de licences d'utilisation74. Un financement public-privé est à imaginer selon une logique d'intérêt général. Le financement public pourrait prendre la forme d'une subvention à l'opérateur de la plate-forme pour couvrir au moins les charges de base récurrentes75. Le financement privé pourrait couvrir tout ou partie des opérations de preuve et d'évaluation des méthodes dont le coût dépend du nombre d'essais à traiter, nombre qui fait débat. Il a été envisagé qu'une partie de ce coût puisse être supportée par les opérateurs d'essais participant aux travaux de validation et par des entreprises qui sponsoriseraient des méthodes qui leur seraient utiles. Cette pratique serait peu compatible avec une approche collégiale de la pré-validation bénéficiant à l'ensemble des entreprises concernées. Les acteurs industriels privilégient une mise en oeuvre à l'échelon européen qui pourrait bénéficier d'un soutien financier du Conseil européen de l'industrie chimique (CEFIC) 76. À défaut un partenariat devrait être envisagé avec des pays actifs en matière d'enregistrement de substances chimiques, l'Allemagne et les Pays-Bas en premier lieu.
3.3.5. Le continuum entre recherche, innovation et industrialisation reste à construire
Le manque de lisibilité des objectifs, des financements, des pilotes concernés constitue probablement un frein au développement et au partage de la connaissance sur ce sujet complexe. Aujourd'hui, nous connaissons un peu mieux une part des effets de ces produits sur l'environnement et la santé humaine qui apparaissent indissociables. Pour avancer et franchir une nouvelle étape, il convient de fédérer les moyens et de se mettre en situation de mieux favoriser le continuum entre recherche, innovation et industrialisation.
73
Le coût des opérations d'évaluation est estimé selon l'INERIS à respectivement 5, 10 et 15 fois celui de réalisation d'un essai in vivo léger (175 k), in vitro complexe (75 k), in vitro simple (25 k). Le coût annuel de réalisation des essais et opérations de preuve de concept est estimé à 0,5 M. Sur les 45 méthodes (validées ou non) décrites par l'OCDE seules 3 à 5 ont des éléments pouvant théoriquement faire l'objet d'une protection de la propriété intellectuelle. L'INERIS pourrait être l'opérateur de cette plateforme sous réserve de sa capacité à pouvoir recruter les personnels nécessaires qui ne devraient pas s'imputer sur son plafond d'emplois. L'Union des industries chimiques (UIC) est le membre français du CEFIC (European Chemical Industry Council).
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3.4. Renforcer la surveillance sanitaire et environnementale, via les enquêtes transversales, les dispositifs de surveillance épidémiologique, les cohortes et les observatoires.
La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (Art. 37 f) prévoyait la mise en place d'« un programme de bio surveillance permettant de mettre en relation la santé de la population et l'état de son environnement et d'évaluer les politiques publiques en matière de lien entre la santé et l'environnement." La bio surveillance, ou bio monitoring, est la détection de polluants dans un milieu au travers de leurs effets sur les organismes et sur les écosystèmes à l'aide de biomarqueurs77. Le principe de l'utilisation d'un « biomarqueur » est de rechercher la signature biologique de l'impact (actuel ou passé) ou de la présence d'un xénobiotique78 (perturbateur endocrinien) dans l'organisme, et non la mise en évidence directe de la cause. Les biomarqueurs peuvent aussi révéler un évènement (contact avec un toxique ou pathogène) passé. La SNPE prévoit qu'« une attention particulière sera portée aux résultats des enquêtes d'imprégnation des populations (Esteban....), des cohortes de surveillance sanitaire et environnementale (Elfe, Constances, E4N....) et des programmes de surveillance épidémiologique, en articulation fine avec la recherche et l'expertise ». La feuille de route gouvernementale pour la transition écologique issue de la conférence environnementale des 25 et 26 avril 2016 a confirmé que les études de bio surveillance doivent être développées dans le cadre de la recherche en santé-environnement (objectif 12c). En matière de surveillance sanitaire et environnementale, plusieurs types d'actions sont menées :
· ·
la surveillance de la contamination des compartiments de l'environnement ; la surveillance des imprégnations des populations au moyen d'études de bio surveillance incluant le dosage de biomarqueurs d'expositions aux substances suspectées d'être à l'origine de perturbations endocriniennes ; la surveillance épidémiologique visant à décrire des évènements sanitaires en lien avéré ou suspecté avec les perturbateurs endocriniens (survenue de pathologies, mais aussi effets précoces détectables biologiquement), afin notamment d'en surveiller les tendances temporelles et spatiales et d'évaluer l'efficacité des politiques de prévention.
·
Si la bio surveillance de la santé humaine est explicitement identifiée dans les orientations de la SNPE et a fait l'objet de présentations lors des deux réunions annuelles de suivi, il n'en est pas de même pour ce qui concerne la surveillance de la santé des écosystèmes. Pour autant, la mission s'est efforcée d'identifier les actions conduites sur les populations humaines et les écosystèmes.
3.4.1. La surveillance de la présence des perturbateurs endocriniens est hétérogène
Les populations humaines comme les biocénoses sont exposées à des contaminants susceptibles d'avoir des effets PE qui se trouvent dans les différents compartiments de l'environnement (eau, air, sols). L'homme est quant à lui également exposé à des contaminations par l'alimentation ou par des produits et objets du quotidien.
77
Un biomarqueur est un changement observable et/ou mesurable au niveau moléculaire, biochimique, cellulaire, physiologique, qui révèle l'exposition présente ou passée d'un individu a au moins une substance chimique à caractère polluant. Lagadic et al. (1997) Un xénobiotique est une substance présente dans un organisme vivant mais qui lui est étrangère : il n'est pas produit par l'organisme lui-même, ni par son alimentation naturelle.
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3.4.1.1.
La surveillance dans l'environnement est hétérogène selon les milieux
Bien organisée et en évolution dynamique sur les milieux aquatiques, engagée sur l'air intérieur, elle reste ponctuelle sur l'air extérieur et inexistante pour ce qui concerne les sols. La surveillance des PE dans les milieux aquatiques s'organise La directive cadre européenne qui détermine les modalités de surveillance des masses d'eau depuis 2000 permet de suivre certaines substances à effet PE
Il n'existe pas de volet spécifique aux perturbateurs endocriniens dans la directive cadre sur l'eau (DCE) 2000/60/CE qui détermine les modalités de la surveillance des masses d'eau. Pour autant, certaines substances susceptibles d'avoir un effet PE79 sont incluses dans la liste des substances faisant l'objet d'un suivi régulier pour caractériser l'état chimique et/ou écologique des eaux au titre de cette directive ou de ses directives filles (directive 2008/105/CE, directive 2013/39/UE)80. Selon une approche basée sur l'appréciation d'un risque, toutes ces substances sont dotées d'une norme de qualité environnementale (NQE) qui correspond à la concentration qui ne doit pas être dépassée dans l'eau, les sédiments ou le biote afin de protéger la santé humaine et l'environnement. La NQE vise à la protection des organismes pélagiques et benthiques contre une écotoxicité directe, et à celle des prédateurs supérieurs contre un empoisonnement secondaire. Elle vise également à la protection de la santé humaine contre un risque d'intoxication via la consommation d'eau de boisson et contre un risque de surexposition à des contaminants via la consommation de produits de la pêche. Une norme de qualité spécifique est déterminée pour chacun des objectifs de protection, la plus contraignante étant désignée comme la NQE81. Afin de compléter les données acquises dans le cadre des réseaux de surveillance sur des contaminants chimiques (dont certains perturbateurs endocriniens) déjà réglementés dans le cadre de la DCE, le premier plan national sur les micro-polluants dans l'eau 2010-2015 a permis de mener des actions de surveillance de substances susceptibles d'avoir un effet PE. Au titre de l'action 16 de ce plan, une étude prospective financée par l'Onema a été menée en 2012 pour rechercher des contaminants émergents dans les eaux de surface. Elle a permis d'acquérir des données originales sur l'occurrence et les niveaux de concentration de certains PE dans les eaux de surface de plus de 100 sites présentant des situations contrastées en termes de pressions (type et intensité). En effet, parmi la centaine de substances recherchée dans le cadre de cette étude figuraient les substances prioritaires de la feuille de route pour la transition écologique résultant de la Conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012 :
· · ·
les phtalates dont la principale toxicité se manifeste sur la reproduction, ce qui les rend préoccupants pour le maintien des populations des écosystèmes, le bisphénol A82 ; les parabènes.
79
PCB, PBDE, dioxines et furanes, benzo[a]pyrène, anthracène, cadmium, plomb, TBT, DDT et ses métabolites, lindane, endosulfan, atrazine, 2,4-D, etc. Le bon état des eaux est évalué selon les critères de la DCE sur 85 substances ou familles de substances (53 pour l'état chimique et 32 pour l'état écologique). La liste des substances prises en compte pour évaluer l'état chimique est révisée tous les quatre ans au niveau européen en distinguant les substances prioritaires et des substances prioritaires dangereuses qui doivent être éliminées. Toutes ces substances sont dotées d'une norme de qualité environnementale (NQE), sans laquelle cette évaluation n'est pas possible. Elles sont listées dans les tableaux 16 et 17 de l'annexe 2 de l'arrêté du 7 septembre 2015, modifiant l'arrêté du 25 janvier 2010, établissant le programme de surveillance de l'état des eaux en application de l'article R 212-22 du code de l'environnement. Les valeurs de NQE sont indiquées dans l'arrêté du 25 janvier 2010 sur les critères d'évaluation de l'état des eaux (tableaux 45 et 46 pour les polluants de l'état écologique, tableau 88 pour les substances de l'état chimique). Elles sont accessibles sur le portail des substances chimiques géré par l'INERIS. Le Bisphénol A a été retrouvé avec une fréquence de dépassement du seuil de 0,1 g/L aux alentours de 10 % dans les eaux de surface et dans les eaux souterraines.
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Des hormones synthétiques et naturelles reconnues pour leur potentiel oestrogénique élevé (éthinylestradiol, estradiol, estrone) ont également été recherchées. Ces substances ont ensuite été placées sur la liste des substances pertinentes à surveiller de manière cyclique au titre de la directive cadre sur l'eau 83. Pour ces substances, l'INERIS développe des valeurs seuils qui n'entrent pas dans l'évaluation de l'état des eaux, mais qui constituent néanmoins des valeurs guides environnementales (VGE) sur la toxicité des molécules dans l'eau ou les sédiments. Dans le cadre de l'étude prospective mentionnée ci-dessus, des outils biologiques développés par l'INERIS (bio essais in vitro et in vivo) ont été testés sur des échantillons d'eau et de sédiments, pour en éprouver le caractère opérationnel, mais également pour établir le « profil toxicologique » de ces échantillons à partir de la détection de différentes activités biologiques de type PE (activités oestrogénique, androgénique et anti-androgénique, glucocorticoïde, ligands du récepteur des prégnanes). Les premières mentions de la SNPE apparaissent dans le « plan micro-polluants » 2016-2021
Il a cependant fallu attendre le nouveau « plan micro-polluants »84 2016-2021 pour que soient officiellement prévues plusieurs mesures faisant explicitement référence à la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Le travail de surveillance prospective des molécules émergentes prioritaires dans les rivières, nappes et eaux littorales et dans les eaux destinées à la consommation humaine se poursuit dans le cadre de l'action 26 de ce plan qui correspond également à l'action n°32 du PNSE3 85. L'Agence Française pour la biodiversité (AFB ex-ONEMA) a ainsi engagé une nouvelle étude prospective en 2017 pour un montant de l'ordre de 2,5 M. L'action n° 34 de ce même plan micro-polluants prévoit de « Construire des valeurs de référence et des méthodologies pour mieux juger de la qualité des eaux de surface et souterraines prenant en compte les perturbateurs endocriniens et les métabolites pertinents ». L'objectif principal vise à rassembler les connaissances en matière d'identification des dangers afin de construire des valeurs de référence pour les molécules86. Un examen de plus de 240 dossiers NQE/VGE montre que, pour plus de 76 substances chimiques présentant des propriétés de perturbation endocrinienne, cet effet n'est pas pris en compte dans le processus d'élaboration de la norme 87. À ce titre une étude exploratoire sur la prise en compte des effets PE dans la construction des normes de qualité environnementale (NQE) et des valeurs guides environnementales (VGE) dans le contexte de la DCE est en cours dans le cadre du partenariat INERIS-AFB. Cette action s'accompagne de développements méthodologiques afin de fournir aux gestionnaires des outils et valeurs adaptés à la mise en oeuvre de ces seuils, pour mieux juger la qualité des eaux de surface
83
Les substances pertinentes (annexe III de l'arrêté du 25 janvier 2010 établissant le programme de surveillance de l'état des eaux en application de l'article R. 212-22 du code de l'environnement) sont recherchées notamment pour préciser les niveaux de présence et de risque associés à ces substances, en vue d'une possible inclusion dans les listes de polluants spécifiques (substances dites dangereuses au sens de l'annexe IX et substances prioritaires au sens de l'annexe X de la directive cadre sur l'eau) utilisés pour évaluer l'état chimique et l'état écologique des eaux de surface au regard du respect de normes de qualité environnementales (NQE) par le biais de valeurs seuils. Le plan sur les micro-polluants a vocation à intégrer toutes les molécules susceptibles de polluer les ressources en eau (eaux de surface continentales et littorales, eaux souterraines), mais aussi le biote, les sédiments et les eaux destinées à la consommation humaine. De manière plus générale, les actions 36 à 39 du plan micro-polluants qui visent à dresser des listes de polluants sur lesquels agir sont susceptibles de prendre en compte des substances à effet PE. La construction de valeur seuils dans différents milieux (eaux continentales et marines, eaux de surface et souterraines) est nécessaire pour répondre aux objectifs de la directive cadre sur l'eau et doit prendre en compte ses nouvelles dispositions en termes de matrices à surveiller (eau et biote). Par ailleurs, il est nécessaire de prendre en compte la perturbation endocrinienne. Via la sélection de réponses biologiques caractéristiques d'un effet PE dans le jeu de données (éco) toxicologiques servant au calcul de la NQE, ou le recours à un facteur de sûreté supplémentaire abaissant la NQE en application du principe de précaution.
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et souterraines, notamment pour prendre en compte les perturbateurs endocriniens ainsi que les métabolites. Pour pallier aux limites inhérentes à la chimie analytique 88, l'utilisation d'outils biologiques basés sur le mécanisme d'action des toxiques peut fournir des informations nouvelles dans l'évaluation de la qualité chimique des milieux aquatiques, tant du point de vue de la connaissance et de la caractérisation des contaminants d'intérêt (éco) toxicologique (par ex. criblage à haut débit d'activités PE dans des échantillons environnementaux à l'aide de bio essais in vitro), que de leurs impacts à l'échelle de l'organisme au laboratoire (bio essais in vivo), ou dans le milieu naturel (biomarqueurs sur espèces autochtones). Dans ce contexte, l'AFB soutien depuis 2014 une action menée par l'INERIS, dont l'ambition est de contribuer à la validation d'une méthodologie d'évaluation d'oestrogènes-équivalents au sein de matrices environnementales complexes à l'aide de bio essais in vitro. Un état de l'art des méthodes actuellement utilisées pour mesurer le potentiel oestrogénique de matrices environnementales de type sédiment, effluent, et eau de surface est disponible. Il présente les grands principes de la méthodologie et identifie les étapes techniques clés qui peuvent être sources de variabilité entre laboratoires, dans la perspective d'un futur développement normatif. Les performances relatives de ces bio essais in vitro, en termes de sensibilité, de précision et de robustesse sont comparées dans le cadre d'un essai inter-laboratoire impliquant plusieurs partenaires européens, à partir d'échantillons d'eau de surface et de rejets provenant de 7 États membres de l'UE89. De tels bio essais sont un moyen de pallier aux limites de l'approche analytique substance par substance. Ils sont bien adaptés au cas des PE, car ils permettent de prendre en compte les mélanges à faibles doses et de détecter des perturbations des mécanismes d'action des toxiques. Une évolution des dispositifs de surveillance de l'état des milieux aquatiques avec un recours accru aux bio essais est prévisible. Les bio essais in vitro développés sur le compartiment eau pourraient être également utilisés pour l'air et les sols. Trois campagnes de mesure se sont intéressées aux effets des phtalates et des polybromés présents dans l'air intérieur
Trois principales campagnes de mesures ont investigué plusieurs substances appartenant aux familles des phtalates et des polybromés90 :
·
en 2014 ont été publiés les résultats d'une étude menée au sein de la cohorte Pélagie sur les concentrations de plusieurs composés organiques semi-volatils dans l'air (phases gazeuse et particulaire) et dans les poussières sédimentées de 30 logements localisés en zone périurbaine et en zone rurale du département de l'Ille-et-Vilaine : sur neuf polybromés mesurés, quatre congénères (BDE 47, 99, 100 et 209) ont été quantifiés dans respectivement 90 %, 90 %, 53 % et 3 % des échantillons91 ; sur huit phtalates mesurés, cinq (DEHP, DBP, DiNP, DiBP, BBP) ont pu être quantifiés avec des proportions entre 93 % et 100 % en phase particulaire et entre 10 % et 100 % en phase gazeuse ; en 2016 ont été publiés les résultats de mesure des concentrations de soixante-six composés organiques semi-volatiles92 dans la phase particulaire de l'air d'un échantillon représentatif du parc de logements français sur les huit polybromés mesurés (BDE 28, 47,
·
88
Les méthodes et critères actuellement utilisés pour évaluer l'état chimique ne rendent que partiellement compte du « risque chimique », dû au fait que seule une fraction des contaminants présents dans l'environnement sont recherchés et mesurés (i.e. liste finie de substances prioritaires), et que les effets de la combinaison de ces substances et de leurs produits de dégradation au sein de mélanges ne sont pas pris en compte. La participation de l'INERIS à cette activité est assurée, pour partie, par un financement de l'AFB. Aucune donnée en France n'est actuellement disponible pour documenter la contamination de l'air intérieur par les perfluorés. A l'exception du BDE 209, ils étaient exclusivement en phase particulaire.
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85, 99, 100, 119, 153 et 154), tous ont pu être quantifiés, à l'exception du BDE 119, dans des proportions variant de 1 % à 88 % ;
·
le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) coordonne une campagne nationale de mesures de plusieurs polybromés et phtalates dans l'air et les poussières déposées au sol dans un échantillon représentatif de 600 salles de classe en France métropolitaine. Seuls les résultats d'une phase pilote sur 90 classes d'Ille-et-Vilaine sont disponibles : sur les quatre polybromés recherchés, les BDE 85 et 119 n'ont jamais été quantifiés et les concentrations de BDE 99 et 100 sont quasi systématiquement inférieures aux limites de quantification ; les cinq phtalates (BBP, DBP, DEHP, DiBP et DiNP) ont tous été quantifiés à 100 % à l'exception du DiNP qui l'a été à 98%.
En revanche, aucune donnée n'est actuellement disponible en matière de contamination de l'air intérieur par les perfluorés en France. La connaissance des effets PE de la contamination de l'air extérieur n'a pas progressé
La connaissance de la contamination de l'air extérieur par des substances susceptibles d'avoir des effets perturbateurs endocriniens est très limitée et elle n'a pas progressé depuis l'adoption de la SNPE :
·
seules deux études, antérieures à l'adoption de la SNPE et très localisées, ont permis de mesurer des polybromés sur des prélèvements d'air extérieur : la première étude menée de mars à mai 2008, à Paris (1 seul site), sur des périodes d'une semaine consécutive (8 séries de mesures) a mesuré huit PBDE (BDE47, 99, 100, 153, 154, 183, 205, 209) ; la seconde étude réalisée à Paris, en banlieue parisienne (Lognes) et en région parisienne (forêt de Fontainebleau) a permis de mesurer le BDE 47, BDE 209, la somme des 8 PBDE et le TBBPA ; trois études ont permis de mesurer des phtalates (DBP, le BBP, le DEHP, le DMP, le DEP et le DnOP).
·
Aucune donnée n'est actuellement disponible pour documenter la contamination de l'air extérieur par des perfluorés. L'ANSES a publié le 19 octobre 2017 les résultat d'une expertise collective demandée par les ministères en charge de l'agriculture, de l'écologie, de la santé et du travail en vue de la mise en place d'un dispositif national de surveillance des pesticides dans l'air ambiant. Cette expertise conduit à la publication d'une liste de 90 substances prioritaires à surveiller dans l'air ambiant qui devra être complétée ultérieurement au regard du risque pour les écosystèmes. La liste distingue des substances hautement prioritaires dont la pertinence de la surveillance est d'ores et déjà affirmée et d'autres pour lesquelles cette pertinence reste à confirmer après des explorations complémentaires. Certaines de ces substances sont suspectées d'effet PE. L'ANSES recommande la définition d'un protocole harmonisé de mesure des pesticides dans l'air ambiant. Pour cela, elle préconise une campagne exploratoire dont le protocole sera défini par le Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air (LCSQA) sur la base de tests métrologiques qui sont en cours. Cette campagne est prévue par le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) adopté en mai 2017. A son issue, les experts recommandent la réalisation d'un retour d'expérience destiné à choisir les molécules prioritaires, les situations d'exposition à prendre en compte, ainsi que les critères de classification et de sélection des sites à surveiller. Aucune campagne de surveillance des sols ne semble avoir été menée en France La contamination dans les sols est documentée pour le BPA et les phtalates uniquement à partir des données de la littérature scientifique. Ces informations n'ont pas été recherchées pour les autres composés. Hormis des études ponctuelles dans le cas de sites pollués, aucune campagne de surveillance ne semble avoir été menée en France dans ce compartiment de l'environnement.
92
Ces composés appartiennent à différentes familles chimiques : pesticides, phtalates, polychlorobiphényls (PCB), PBDE, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), alkylphénols, bisphénols, muscs synthétiques, tributylphosphate, triclosan.
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3.4.1.2. La surveillance de la contamination de l'alimentation est cadrée réglementairement La surveillance de la contamination des aliments par les substances est régulièrement assurée, dans un cadre réglementaire, au travers de plans de contrôle et de plans de surveillance. Cette connaissance peut être complétée et renforcée par des études de l'alimentation totale (EAT) qui s'appuient sur une méthode standardisée, recommandée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Agence européenne de sécurité de l'alimentaire (European food safety authority-EFSA). Elles visent à rechercher différentes substances susceptibles d'être présentes dans les aliments « tels que consommés ». Les résultats de l'étude alimentation totale EAT2 ont été publiés en 2011. Les concentrations dans les aliments de nombreux composés PE ont été déterminées, notamment les composés de la famille des PCB et de celle des perfluorés, différentes mycotoxines et pesticides.... Une évaluation de l'exposition alimentaire des femmes enceintes de la cohorte EDEN aux contaminants étudiés dans l'EAT2 a montré un bon niveau global de maîtrise sanitaire. L'étude EATi (alimentation infantile de 0 à 3 ans) publiée en 2016 par l'Anses a permis de déterminer les concentrations dans les aliments de nombreux composés soupçonnés d'être des PE, notamment le BPA, les phtalates, certains alkylphénols, les composés de la famille des PCB et de celle des perfluorés, différentes mycotoxines et pesticides.... L'étude CONTA-LAIT (enfants allaités) initiée début 2013 par l'Anses en partenariat avec l'AP-HP aura permis d'estimer la contamination d'échantillons de lait maternel à différentes substances chimiques. Dans le cadre de cette étude, plusieurs substances susceptibles d'être des PE ont été analysées dont les composés de la famille des PCB, dioxines, furanes, des retardateurs de flammes bromés et des perfluorés. Dans le cadre de l'étude Kannari l'analyse de la contamination de denrées alimentaires par le chlordécone permettront d'évaluer les expositions des populations antillaises et de caractériser les risques. Enfin, des analyses sont régulièrement réalisées sur les eaux destinées à la consommation humaine. Les résultats montrent par exemple que l'apport par les eaux destinées à la consommation humaine ne contribue pas de manière significative à l'exposition au BPA. Une campagne nationale portant sur la recherche et le dosage d'une dizaine de phtalates dans les eaux destinées à la consommation humaine est réalisée en 2017 par l'Anses. L'agence a également publié en 2014 une synthèse sur les polybromés. 3.4.1.3. Il n'existe pas de dispositif permanent de surveillance des produits et articles Il n'existe pas de dispositif permanent de surveillance de la présence de substances susceptibles d'avoir des effets PE en dehors des plans de contrôle du respect de la réglementation (substance interdites). Cependant, sur la base des résultats d'enquêtes de filière, certaines catégories de produits contenant des substances potentiellement PE ont été identifiées. Des études spécifiques ont été réalisées, notamment par l'Anses en partenariat avec la DGCCRF, pour déterminer les expositions à ces substances via les produits de consommation. Une expertise a été publiée par l'Anses en octobre 2015 sur les effets sanitaires et environnementaux potentiels des retardateurs de flamme utilisés dans les meubles rembourrés. Elle a montré que plusieurs des 22 substances identifiées présentaient en expérimentation animale une toxicité avérée ou suspectée sur la reproduction, un effet potentiel de perturbation endocrinienne, des effets sur la thyroïde ou sur le système immunitaire, ou sont potentiellement cancérogènes ou neurotoxiques. En conclusion, l'agence a recommandé de ne pas généraliser le traitement des meubles rembourrés par des retardateurs de flamme. Les résultats d'une expertise de l'Anses sur la présence de phtalates ou de substances de substitution dans les jouets et articles de puériculture en plastique souple pouvant être mis en bouche par les enfants de moins de 3 ans ont été publiés en 2016. Un scénario d'exposition
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réaliste à trois des substituts de phtalates identifiés (ATBC, DINCH, DEHTP) présents dans les jouets en PVC testés ne mettent pas en évidence de risque sanitaire pour les enfants exposés via la mise en bouche de jouets.
3.4.2. La surveillance sanitaire et la bio surveillance humaine intègrent désormais explicitement le suivi des effets PE potentiels
Santé publique France (SpF) est l'opérateur de référence pour plusieurs objectifs de la SNPE :
· · ·
le programme de bio surveillance qui relève et suit l'évolution de biomarqueurs d'imprégnation, la surveillance épidémiologique des facteurs de la reproduction humaine, la surveillance plus spécifique de populations professionnelles qui pourraient être particulièrement exposées à des PE.
La SNPE fait également référence à des dispositifs plus généraux pouvant contribuer à la surveillance sanitaire (les cohortes ELFE, Constances, E4N). 3.4.2.1. Le programme national de bio surveillance livre ses premiers enseignements Le volet périnatal de l'étude longitudinale française depuis l'enfance (Elfe) décrit les niveaux d'imprégnation des femmes enceintes
ELFE, première grande cohorte d'enfants suivis depuis la naissance née en France métropolitaine, est pilotée par l'INED et l'INSERM et financée par le plan d'investissement d'avenir, L'objectif général est de suivre 18 322 enfants et leurs parents, inclus dans l'étude à leur naissance en 2011, pendant 20 ans, afin d'étudier comment l'environnement influence le développement, la santé et la socialisation des enfants. L'environnement est évalué au niveau familial, socio-économique, géographique, physico-chimique et l'étude des interactions entre ces différentes dimensions est au coeur de l'étude Elfe. Le programme national de bio surveillance comporte un volet périnatal s'appuyant sur un souséchantillon de femmes enceintes incluses dans le volet biologique de la cohorte Elfe. L'objectif de ce volet, qui correspond à un échantillon transversal de femmes enceintes incluses dans la cohorte Elfe est d'estimer l'exposition des femmes enceintes à certains polluants présents dans l'environnement, notamment les polluants organiques, et de quantifier si possible les déterminants de ces niveaux d'imprégnation. Cette estimation repose sur le dosage de biomarqueurs dans des prélèvements biologiques recueillis en maternité chez des femmes ayant accouché en France continentale en 2011. Le volet périnatal a permis de décrire pour la première fois l'imprégnation des femmes enceintes françaises par certains polluants organiques de l'environnement et de quantifier, lorsque cela était possible, les déterminants de ces niveaux d'imprégnation. Il ne permet pas de décrire les effets des imprégnations. Le tome I du rapport, publié en décembre 2016, présente les niveaux d'imprégnation par le bisphénol A, les phtalates et les pesticides mesurés dans les urines, ainsi que les déterminants de ces niveaux d'imprégnation. Il présente également les concentrations sériques en dioxines, furanes, polychlorobiphényles (PCB), retardateurs de flamme bromés et composés perfluorés mesurés chez un sous-échantillon des femmes enceintes incluses dans Elfe. Les éventuelles variations temporelles et géographiques des niveaux d'imprégnation par ces polluants organiques ont été étudiées par une comparaison avec les résultats d'études antérieures menées en France et à l'étranger. À ce stade, il n'y a pas de signaux justifiant une alerte des pouvoirs publics. La présence dans l'organisme de la mère d'un biomarqueur de polluant de l'environnement ne signifie pas qu'un effet néfaste sur la santé est attendu pour elle ou l'enfant à naître.
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L'interprétation du risque sanitaire associé au niveau de concentration du biomarqueur fait appel à un ensemble de connaissances, issues de la toxicologie, de l'endocrinologie, de l'épidémiologie, de la pharmacocinétique, des études d'exposition et d'évaluation de risques. Pour certains polluants organiques, des seuils sanitaires appliqués à la bio surveillance ont été développés par des instances françaises ou internationales (Anses, OMS, Commission allemande de bio surveillance, etc.). Ces seuils correspondent à la concentration en biomarqueur en dessous de laquelle, selon les connaissances actuelles, il n'y a pas d'effets défavorables documentés sur la santé. Néanmoins, un dépassement de cette concentration ne signifie pas nécessairement qu'il existe un risque avéré sur la santé ; ceci est le cas pour les valeurs seuil dites HBM-I qui sont considérées comme des niveaux de contrôle. À l'inverse, des concentrations inférieures à ces seuils n'écartent pas de façon certaine l'apparition d'effets défavorables sur la santé. La publication du tome 2 (traitant des composés inorganiques) est programmé pour décembre 2017. Un tome 3 est prévu pour la fin 2018. Les résultats des mesures d'imprégnation sont une base pour que l'ANSES entreprennent des travaux caractérisant les effets, définissant des biomarqueurs d'effet et mène des analyses de risque. Il apparaît également opportun de travailler en amont avec les laboratoires sur un accord cadre structurant un réseau de laboratoires compétents en bio surveillance et pour incorporer quelques biomarqueurs d'effets. ESTEBAN (Étude de SanTé sur l'Environnement, la Bio surveillance, l'Activité physique et la Nutrition) est l'étude transversale du programme de bio surveillance.
Pilotée par un comité associant DGS, DGPR, DGT, Anses, InVS, et l'équipe projet Elfe, ESTEBAN est une étude nationale menée en France métropolitaine sur un échantillon aléatoire de 5 000 personnes, résidant en France continentale, âgées entre 6 et 74 ans. Elle porte sur plusieurs aspects de la santé : l'exposition à certaines substances de l'environnement, l'alimentation, l'activité physique et certaines maladies chroniques ou facteurs de risque (diabète, allergies, maladies respiratoires, hypertension artérielle, hypercholestérolémie...). Construite pour être répétée, Esteban permet de recueillir, sur le long terme, des données pour développer une vision plus globale de la santé, qui associe environnement, alimentation, nutrition, activité physique et maladies chroniques. En compléments des questionnaires et examens cliniques, des prélèvements (sang, cheveux et urines) permettent de réaliser le dosage de paramètres biologiques et nutritionnels (numération formule sanguine (NEFS), créatininémie, glycémie à jeun, bilan lipidique, hémoglobine glyquée, ferritine et transferrine, folates...), et le dosage de biomarqueurs environnementaux (métaux, cotinine, pesticides, perfluorés et polybromés, dioxines et PCB, phtalates, bisphénol A, etc.). Sont ainsi mesurés les niveaux d'imprégnation de la population par une centaine de substances retenues au regard de leurs impacts présumés et/ou observés sur la santé. Les données recueillies lors de l'enquête ont été appariées avec les données disponibles dans le système d'information inter-régime de l'assurance maladie (SNIIRAM) 93 et le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI)94. Cette enquête permet ainsi de décrire l'état de santé de la population à un moment donné tout en explorant son niveau d'imprégnation aux polluants environnementaux. L'étude ESTEBAN s'inscrivait initialement dans le cadre du programme national nutrition santé mis en place par le ministère en charge de la Santé. Elle fait suite à l'étude nationale nutrition santé (ENNS) menée en 2006 et certains indicateurs ont déjà fait l'objet d'un premier recueil. L'enquête a démarré en avril 2014 et les premiers résultats sont annoncés pour l'année 2017.
93
SNIIRAM est une banque de données permettant l'enregistrement des actes et prestations couvert par l'assurance maladie PMSI est une base de données collectant les motifs d'hospitalisation et les actes associés, base de la facturation des séjours hospitaliers à l'assurance maladie
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94
L'intérêt d'une bio surveillance à l'échelon européen se concrétise par le programme HBM4EU
Lancée le 8 décembre 2016, l'initiative européenne de bio surveillance humaine (HBM4EU) est le résultat d'un effort conjoint de 26 pays et de la Commission européenne. L'objectif est de coordonner et faire avancer la bio surveillance humaine en Europe en fournissant des données sur l'exposition des citoyens aux produits chimiques et leurs effets sur la santé. Il s'agit d'harmoniser les protocoles d'études entre les pays, de partager les données disponibles, de construire un réseau de laboratoires, et de compléter par des études ciblées les données d'exposition de la population européenne à différentes substances chimiques. Pour la période 2017-2018, une liste de neuf groupes de substances a été établie. Le projet comporte également des objectifs de recherche et d'amélioration des connaissances sur les liens entre imprégnation et impact sur la santé, dans le but de développer des outils pour la gestion des risques liés aux substances chimiques et in fine de renforcer les réglementations européennes sur ces substances. Cofinancé par Horizon 2020, le projet HBM4EU regroupe 38 structures signataires auxquelles s'ajoutent près de 70 parties associées (« linked third parties ou LTP »). Il a démarré en janvier 2017 pour une durée de 5 ans sous la coordination de l'agence allemande pour l'environnement. En France, sont concernés l'INSERM, le CNRS, l'ANSES, l'INERIS, le CEA, SpF, l'INRS et l'INRA. 3.4.2.2. La surveillance épidémiologique des facteurs de la reproduction humaine et des cancers s'est organisée La surveillance épidémiologique d'indicateurs de la reproduction humaine est en place La SNPE comprend la surveillance épidémiologique nationale d'indicateurs de la reproduction 95 mise en place par Santé Publique France 96. Les objectifs de cette surveillance sont de produire des indicateurs épidémiologiques avec quantification des altérations sanitaires, analyse des tendances temporelles ou analyse des variations spatiales/spatio-temporelles ; de nourrir les discussions sur les hypothèses étiologiques ; d'appuyer les politiques publiques de gestion (estimation d'impact sanitaire, des coûts, ciblage de populations, identification des prises en charge sanitaire particulière) ; d'aider à l'évaluation future des politiques de prévention. SpF a exploré la faisabilité d'une surveillance d'indicateurs de la reproduction. Vingt-trois indicateurs potentiels de santé reproductive ont été passés en revue et classés pour leur lien avec les perturbateurs endocriniens en utilisant deux rapports internationaux ayant fait une « revue des revues » sur la question. Les indicateurs-clés les mieux classés étaient : le cancer de la prostate, le cancer du sein, le sex-ratio à la naissance, l'endométriose et les fibromes utérins, les indicateurs du syndrome de dysgénésie testiculaire (cancer du testicule, qualité du sperme, cryptorchidies, hypospadias), et la puberté précoce. À la suite de cette priorisation, Santé publique France a mis en place à l'échelle nationale, un programme de surveillance et d'analyses épidémiologiques de ces indicateurs-clés de la santé reproductive masculine et féminine. En utilisant prioritairement des bases de données existantes (données de l'Assurance maladie, registre d'assistance médicale à la procréation, données Insee...), SpF a analysé les tendances nationales relatives aux indicateurs du syndrome de dysgénésie testiculaire qui associe des malformations urogénitales du petit garçon (cryptorchidie, hypospadias) à une mauvaise qualité du sperme et une augmentation du risque de cancer du testicule à l'âge adulte, suspecté d'avoir pour origine une exposition précoce aux perturbateurs endocriniens97. Une surveillance de la puberté précoce98 a également été mise en place.
95
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé reproductive inclut la fertilité, mais aussi les processus, fonctions et systèmes reproductifs à tous les stades de la vie. Elle englobe ainsi les pathologies des organes reproductifs dont les cancers, les malformations urogénitales, les niveaux des hormones reproductives et les effets sur la reproduction intergénérationnels, voire transgénérationnels. Les sources de données utilisées sont entre autres le Système national d'informations inter-régimes de l'assurance maladie (Sniiram), le registre national des tentatives de FIV (Fivnat) ou encore les données de l'Insee.
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96
La surveillance épidémiologique des cancers ne permet pas à ce jour d'identifier la part attribuable aux PE
Une surveillance épidémiologique des cancers est réalisée. Les années 2014-2016 ont été marquées par la publication, pour la première fois en France, d'estimations régionales et départementales de l'incidence de neuf cancers chez l'homme et chez la femme 99. Cependant l'absence de données précises d'exposition ne permet pas d'évaluer la part attribuable à l'exposition aux perturbateurs endocriniens. 3.4.2.3. La surveillance spécifique des populations professionnelles cible plus explicitement les effets PE L'enquête de surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels (Sumer) vise à décrire l'ensemble des expositions des salariés sur leurs postes de travail (dont les produits chimiques), à caractériser ces expositions (durée et intensité), à évaluer l'évolution dans le temps des principales expositions et à éclairer les priorités en matière de prévention des risques professionnels. En 2016-2017, la liste des agents chimiques a été actualisée (perturbateurs endocriniens...). Cette enquête fait partie du dispositif d'enquêtes du ministère du travail (pilotage par la DARES) et concerne la santé et les conditions au travail. La première enquête Sumer s'est déroulée en 1987, à titre expérimental. Répétée tous les 7 ans, les enquêtes suivantes de 1994, 2003 et 2010 ont suivi une méthodologie commune, permettant de publier des évolutions. Une nouvelle vague d'enquête est en cours. Une des spécificités des enquêtes sur la santé au travail est d'éliminer le « bruit de fond » en termes d'imprégnations. S'il est aisé d'attribuer l'imprégnation d'un produit uniquement présent en environnement professionnel, c'est plus difficile en ce qui concerne des substances de caractère ubiquitaire. Ces études sont donc à rapprocher d'enquêtes en population générale, en l'occurrence ESTEBAN, qui permettent d'identifier le « bruit de fond ». 3.4.2.4. Les études de cohortes en population générale citées dans la SNPE (Constances, Coset et E4N) collectent des données potentiellement précieuses pour les recherches sur les effets PE La mission n'a pas identifié de projets menés à partir de ces cohortes qui s'inscrivent dans la surveillance sanitaire et la recherche sur les perturbateurs endocriniens. Constances est à l'échelle des plus importantes cohortes mondiales
97
Le taux de patients opéré du cancer du testicule était de 6,8/100 000 en 2012 avec une augmentation annuelle de l'incidence d'environ 2 % au cours de la période 2008-2012 ; le taux d'interventions chirurgicales en France métropolitaine pour des hypospadias (ouverture de l'urètre dans la face inférieure du pénis au lieu de son extrémité) s'est stabilisé à 1,03 pour 1000 enfants sur la période 2008-2013, alors qu'il avait augmenté de 1,2 % par an entre 1998 et 2008 ; le taux d'interventions chirurgicales pour des cryptorchidies ( absence d'un ou des deux testicules dans le scrotum) est de 2,5 pour 1000 enfants, en croissance annuelle de 2,68 % sur la période 2008-2013, alors qu'il était de 1,8 % sur la période 1998-2008. Une étude publiée en 2014 par SpF confirme une baisse de la qualité du sperme dans la majorité des régions françaises dont l'origine serait plutôt liée à un changement environnemental ayant touché la population française depuis l'après-guerre qu'à une évolution comportementale (tabagisme, alcoolisme, augmentation de poids). La puberté précoce pathologique est définie comme l'apparition de signes de puberté avant 8 ans chez les filles et 9 ans chez les garçons. Son incidence a été estimée à 2,68 pour 10 000 filles entre 2011 et 2013 et à 0,28 pour 10 000 chez les garçons. Les analyses spatiales mettent en évidence, de façon concordante chez les filles et les garçons, une hétérogénéité sur le territoire métropolitain, avec une sur-incidence sur une ligne « Midi-Pyrénées-Rhône Alpes ». L'interprétation de ces résultats est en cours de finalisation. Les neuf cancers chez l'homme touchent lèvres-bouche-pharynx, oesophage, côlon-rectum, larynx, poumon, prostate, testicule, lymphome malin non-hodgkinien, thyroïde et les neuf cancers chez la femme affectent lèvresbouche-pharynx, côlon-rectum, poumon, sein, col de l'utérus, corps de l'utérus, ovaire, vessie, thyroïde.
98
99
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Cohorte nationale en population générale, Constances a pour vocation de suivre 200 000 volontaires pour la recherche en santé le plus longtemps possible. L'objectif est de mettre en oeuvre une cohorte épidémiologique d'effectif important, représentative de la population générale adulte, destinée à contribuer au développement de la recherche épidémiologique. Constances est également un outil pour la surveillance épidémiologique, à travers un partenariat établi avec Santé publique France concernant plusieurs domaines, comme la surveillance épidémiologique des risques professionnels dans le cadre du programme Coset du Département Santé Travail (DST). Le projet Constances, mené grâce à la participation des Caisses Primaires d'Assurance Maladie et des Centres d'examens de santé, fait l'objet d'un partenariat entre l'Université Versailles Saint Quentin, l'Inserm, la CNAMTS (Caisse Nationale d'Assurance Maladie), la Cnav (Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse) et le ministère de la Santé (Direction générale de la santé). Lauréate du programme Investissements d'avenir, Constances bénéficie depuis 2012 d'un financement de l'Agence nationale de la recherche (ANR) en tant que « Infrastructure nationale de recherche en Biologie Santé » (INBS). En mars 2016, l'ANR a procédé, comme cela est la règle, à une évaluation du projet à mi-parcours afin de vérifier si son avancement était satisfaisant et si le financement devait être poursuivi. Il se crée des observatoires de la santé comme Constances partout en Europe, et les chercheurs travaillent ensemble de manière à pouvoir étudier certains phénomènes non pas sur 200 000 personnes mais sur 400 000 ou 600 000 personnes. Une collaboration particulièrement étroite est en place avec la cohorte nationale allemande, très similaire à Constances. L'étude de cohorte familiale E4N a pour but d'étudier la santé en relation avec le mode de vie moderne chez des personnes d'une même famille, sur trois générations.
À terme, E4N rassemblera trois générations : les femmes E3N100 et les pères de leurs enfants constituent la première génération (E4N-G1), leurs enfants, la deuxième (E4N-G2), et leurs petitsenfants formeront la troisième génération (E4N-G3). Elle recueille des données épidémiologiques (caractéristiques personnelles, mode de vie, état et suivi de santé), des données biologiques (ADN, biomarqueurs) et des données médicales (pathologies, actes médicaux, médicaments consommés). Le suivi des trois générations permettra de recueillir des informations sur les facteurs comportementaux et environnementaux à différentes périodes de la vie. L'objectif principal de l'étude E4N est d'étudier la santé en relation avec le mode de vie chez des sujets d'une même famille, ayant un terrain génétique et un environnement communs. L'étude a démarré en 2014, l'inclusion des enfants de 2éme génération est en cours, celle des petits enfants de la 3éme génération débutera en 2018. Une cohorte est dédiée pour la surveillance épidémiologique en lien avec le travail : COSET
Avec le programme Coset (Cohortes pour la surveillance épidémiologique en lien avec le travail, le Département santé travail (DST) de SpF a souhaité se doter d'un dispositif d'observation longitudinal destiné à améliorer la surveillance épidémiologique des risques professionnels. Ce programme a pour objectif de décrire la morbidité et son évolution en relation avec les facteurs professionnels à l'échelle de la population active en France. Il s'appuie sur des données de cohortes d'actifs et anciens actifs affiliés à l'un des trois principaux régimes de Sécurité sociale qui couvrent 95 % des actifs en France. Ce programme contribuera à identifier les métiers et les conditions de travail à risque pour la santé, à quantifier le poids des facteurs professionnels sur la santé des actifs et à proposer des recommandations en matière de prévention.
100
E3N, ou Étude Épidémiologique auprès de femmes de la MGEN (Mutuelle Générale de l'Éducation Nationale), est une enquête de cohorte prospective portant sur environ 100 000 femmes volontaires françaises nées entre 1925 et 1950 et suivies depuis 1990.
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3.4.3. Les recherches et études sur les effets des PE sur la santé humaine dépassent le seul cadre de la SNPE
Depuis mars 2009, l'Inserm a mis en place au sein de l'Institut thématique Santé Publique une cellule de coordination nationale des cohortes (CCNC), animée en partenariat avec l'Institut de Recherche en Santé Publique (IReSP). Cette cellule a pour objectif de fournir des services aux cohortes financées par des fonds publics, et de faciliter l'accès mutualisé aux données de ces cohortes à l'ensemble des communautés scientifiques intéressées. Certaines de ces études ciblent précisément les effets des PE sur la santé humaine. 3.4.3.1. L'étude PÉLAGIE étudie les effets d'expositions de la femme enceinte sur le développement intra-utérin et des conséquences sur la santé de l'enfant PELAGIE (Perturbateurs Endocriniens : Étude Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l'Infertilité et l'Enfance) a été mise en place pour répondre aux préoccupations de santé, en particulier celle des enfants, dues à la présence de composés toxiques dans les environnements quotidiens. Il s'agit d'un suivi d'environ 3500 mères-enfants réalisé en Bretagne depuis 2002. L'impact d'expositions prénatales à des contaminants (solvants, pesticides) sur le développement intra-utérin a été suggéré ; l'évaluation des conséquences sur le développement de l'enfant est en cours. L'étude PELAGIE s'intègre dans le réseau européen de cohortes mères-enfants, outil épidémiologique lourd et complexe, mais indispensable pour répondre aux préoccupations de santé publique. 3.4.3.2. L'étude EDEN suit les enfants du stade foetal à l'âge de 5 ans EDEN est une étude longitudinale dont le but dans un premier temps était de suivre une cohorte d'enfants dès la fin du premier trimestre de grossesse jusqu'à l'âge de 5 ans, en prenant en compte un large éventail de renseignements recueillis auprès de la mère, du père, lors des examens de l'enfant et en s'appuyant sur un recueil d'échantillons biologiques. Une publication récente101 sur cette étude confirme une corrélation entre imprégnation par des PE de la mère et troubles neuro-développementaux de l'enfant. 3.4.3.3. SEPAGES est une cohorte couple-enfant visant à caractériser l'exposition des femmes enceintes et enfants aux contaminants de l'environnement SEPAGES vise également à étudier et mieux comprendre l'effet éventuel de ces contaminants sur la santé de la femme enceinte, du foetus, et de l'enfant. Cette étude concerne en premier lieu l'impact de la pollution atmosphérique, de certains contaminants chimiques comme les perturbateurs endocriniens non persistants que sont les composés de la famille des phénols (bisphénol A et ses substituts, parabènes, triclosan, benzophénone...) sur la santé des femmes enceintes et celle de leurs enfants. 700 trios couple-enfant seront inclus dans l'étude, dès les premiers mois de grossesse et seront suivis plusieurs années. Une des originalités de l'étude SEPAGES est le suivi intensif des volontaires (à chaque trimestre de grossesse et à plusieurs reprises dans les premières années de vie de l'enfant) et de leur exposition aux polluants atmosphériques et chimiques avec l'utilisation d'outils de mesure individuels (GPS, accéléromètres, dosimètres concernant les polluants atmosphériques) et la constitution d'une biothèque.
101
Claire Philippat, Dorothy Nakiwala, Antonia M. Calafat, Jérémie Botton, Maria De Agostini, Barbara Heude, Rémy Slama, and the EDEN MotherChild Study Group. Prenatal exposure to non persistent endocrine disruptors and behavior in Boys at 3 and 5 years. Environ Health Perspect 15 Sept 2017, vol 125
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3.4.3.4. L'étude TIMOUN est une étude de cohorte ciblée sur l'impact d'exposition à la chlordécone de la femme enceinte L'objectif général de cette étude102 est d'évaluer l'impact sanitaire des expositions à la chlordécone sur le déroulement de la grossesse et le développement pré et postnatal. Cette cohorte est constituée d'un millier de femmes suivies avec leurs enfants depuis leur grossesse qui a eu lieu au cours de la période 2005-2007. Plus de 1000 femmes ont été incluses au cours de leur troisième trimestre de grossesse entre 2005 et 2007, principalement au CHU de Pointe à Pitre/Abymes et au centre hospitalier de Basse Terre. L'exposition à la chlordécone a été estimée par son dosage dans le sang maternel prélevé lors de l'accouchement. Ont été pris en compte l'âge, la parité, l'indice de masse corporelle avant le début de la grossesse, le lieu d'inclusion, le lieu de naissance des mamans, le statut marital, le niveau de scolarité, l'hypertension gestationnelle, le diabète gestationnel et d'autres polluants comme les PCB. L'exposition maternelle à la chlordécone a été retrouvée associée de manière significative à une durée raccourcie de grossesse ainsi qu'à un risque augmenté de prématurité, quel que soit le mode d'entrée au travail d'accouchement, spontané ou induit. Ces associations pourraient être expliquées par les propriétés hormonales, oestrogéniques et progestagéniques de la chlordécone. Les résultats publiés fin 2014103 montrent que l'exposition chronique à la chlordécone est associée à une diminution de la durée de gestation. 3.4.3.5. L'étude Kannari étudie les effets de la chlordécone sur la population antillaise Dans le cadre des actions du plan national chlordécone 104, l'imprégnation biologique par la chlordécone qui est considérée notamment comme reprotoxique et perturbateur endocrinien 105, a été mesurée au cours d'une enquête en population générale aux Antilles pilotée notamment par Santé publique France (volet imprégnation) et l'Anses (exposition alimentaire). Les résultats de l'étude publiés en 2014 et 2015 montrent que la population martiniquaise et guadeloupéenne est largement exposée à la chlordécone qui est toujours présente dans l'environnement et les produits de consommation alimentaire, et ce malgré l'arrêt de son utilisation depuis les années 1990. Par ailleurs, SpF a permis de reconstituer rétrospectivement une cohorte de travailleurs de la banane qui comporte plus de 14 000 personnes pour initier une surveillance épidémiologique de cette population qui a été exposée dans le passé à des niveaux élevés de chlordécone. Le croisement avec les données des bases médico-administratives pourrait être envisagé pour identifier des excès de risque de certaines pathologies chroniques du système endocrinien (diabète, cancers hormono-dépendants, etc.).
3.4.4. La surveillance des effets des perturbateurs endocriniens sur les écosystèmes
Alors que les perturbateurs endocriniens sont présents dans tous les milieux (eau, sol, air), la SNPE évoque de manière générale la surveillance des effets des perturbateurs endocriniens sur l'environnement sans indiquer d'action particulière sur les effets écotoxicologiques des PE. Différentes études ont pourtant permis d'observer un impact des PE sur l'environnement, et en particulier sur la faune, notamment la féminisation de populations de poissons ou le phénomène
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Cette étude est menée conjointement par l'Unité 1085 de l'Inserm et les services de gynécologie-obstétrique et de pédiatrie du CHU de Pointe à Pitre et en collaboration avec le centre de recherche du CHUQ à Québec (Canada), l'École de Psychologie de l'Université de Laval (Québec), le CART de l'Université de Liège (Belgique). Bulletin épidémiologique hebdomadaire n°34-35 (09/12/2014) pp 567-72 Plus de 90 % des échantillons de sérum dosés présentent des niveaux de concentration détectable de chlordécone. Compte-tenu, des faibles effectifs (743 adultes) et de la forte dispersion des poids de sondage, il existe néanmoins une incertitude entourant les résultats descriptifs dont l'ampleur et le sens sont inconnus. La chlordécone est un pesticide organochloré utilisé entre 1973 et 1993 en Martinique et en Guadeloupe comme insecticide dans la culture de la banane. Son utilisation a entraîné une pollution permanente des sols et des eaux et une contamination toujours présente de la chaîne alimentaire et de la population.
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de développement d'organes génitaux mâles chez les femelles (imposex) de gastéropodes marins, des atteintes osseuses chez les phoques, des malformations de l'appareil génital chez les cervidés et la diminution du nombre d'espèces de batraciens. Des travaux menés au titre du programme national de recherche sur les PE ont permis de préciser les connaissances sur les mécanismes d'action. Les molécules ayant un potentiel de perturbation endocrinienne sont particulièrement préoccupantes seules ou en mélange pour le maintien des populations. L'INERIS développe depuis plusieurs années un protocole de mesure de l'activité oestrogénique dans les matrices environnementales et, plus largement, un ensemble de biomarqueurs chez le poisson ainsi qu'un outil de synthèse des résultats (indice multi-biomarqueurs). Avec le soutien financier de l'AFB (Onema), l'INERIS a mené entre 2013 et 2015 une étude afin d'avoir une représentation du phénomène d'intersexualité 106 (occurrence, sévérité) des cyprinidés dans les cours d'eau de métropole qui pourrait résulter d'une exposition de ces poissons à des perturbateurs endocriniens107. Les premiers résultats obtenus n'ont pas permis de conclure définitivement quant à une relation entre la mesure constatée de l'intersexualité et l'évaluation des pressions environnementales, seule la pression agricole montrant un effet significatif sur la sévérité de l'intersexualité. Ce travail a été poursuivi en 2016 et 2017, notamment pour mettre en relation les résultats d'intersexualité avec les pressions observées sur le terrain. Les observations, en particulier chez le gardon, suggèrent fortement une implication de substances oestrogéniques et anti-androgéniques dans l'apparition de l'intersexualité, conséquence d'une « féminisation » des mâles. De façon à pouvoir interpréter correctement les résultats des études d'intersexualité, un cadre conceptuel a été proposé pour la validation de ce biomarqueur, première étape nécessaire avant le développement d'une norme. Ces actions correspondent désormais à l'action 29 du plan micro-polluants 2016-2021 qui vise à évaluer l'effet sur la flore et la faune aquatique des mélanges de micro-polluants, y compris ceux associés à la perturbation endocrinienne. Cette action est présentée comme s'inscrivant dans la mise en oeuvre de la SNPE. En dehors des milieux aquatiques, la mission n'a pas identifié de travaux engagés sur les effets des PE sur des biocénoses terrestres. Il ne semble pas y avoir de « culture de la chimie » dans les communautés de l'écologie terrestre qui inciterait à s'intéresser aux effets éventuels de substances PE sur l'évolution de l'état de conservation de certaines espèces. Une réflexion à un stade très préliminaire serait néanmoins engagée entre l'AFB et l'ONCFS pour étudier une éventuelle contamination des oiseaux en zone humide par des substances à usage phytosanitaire.
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L'intersexualité consiste en la présence à la fois de tissu gonadique mâle et femelle chez des espèces gonochoriques (c'est-à-dire pour lesquelles les individus sont soit des mâles, soit des femelles et ne changent pas de sexe durant leur vie). L'intersexualité peut mener à une diminution du succès reproducteur et (ultimement) à l'effondrement local de populations de poissons. Faisant suite à un premier échantillonnage réalisé en 2011-2012 sur 60 stations du Nord de la France, cette étude a porté sur 228 sites appartenant au réseau de sites surveillés au titre de la directive cadre sur l'eau. Sur chaque site 20 à 30 poissons sexuellement matures de la même espèce (en priorité goujon et vairon) ont été prélevés. Fin 2015, les prélèvements avaient été réalisés sur tous les sites. Les organes reproducteurs ont ensuite été analysés en laboratoire. Les résultats complets seront disponibles fin 2017.
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4. Bilan de l'axe 2 : Expertise sur les substances
La SNPE prévoit que « le Gouvernement amplifie la démarche d'évaluation des dangers et risques108 de substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens ou utilisées par des populations sensibles, via un programme d'expertise confié à l'Anses et l'ANSM » et précise : « La France prendra une part active dans le programme d'évaluation et d'expertise des substances, en y consacrant une part significative de l'action de ses agences d'évaluation (Anses et ANSM) dans le domaine des produits chimiques. Ainsi, le gouvernement confie à l'Anses un programme d'expertise portant sur au moins une quinzaine de substances chimiques sur 3 ans. En cohérence avec les travaux de l'Anses, les travaux d'expertise de l'ANSM sur les perturbateurs endocriniens seront accélérés. Cette dernière évaluera chaque année au moins 3 substances suspectées d'être perturbateurs endocriniens et présentes dans les produits relevant de son domaine de compétence et notamment dans les cosmétiques. » Cette orientation a été reprise dans l'action n°14 du PNSE3 : « évaluer de manière plus précise et ciblée, le danger et l'exposition des populations et de l'environnement à certaines substances perturbateurs endocriniens pour mieux les gérer ». Cette action est pilotée par la DGS et la DGPR, en partenariat avec l'ANSES, l'ANSM et l'INERIS.
4.1. L'activité d'expertise des substances susceptibles de générer des effets perturbateurs endocriniens était engagée avant la SNPE 4.1.1. En 2005, la Commission Européenne mandate le Danish Hydraulic Institute sur le sujet
Par lettre du 10 novembre 2005, la commission européenne (DG ENV) a sollicité le Danish Hydraulic Institute (DHI) pour mener une « Étude sur l'amélioration de la liste des priorités des perturbateurs endocriniens ». Deux études de ce type avaient été publiées en 2000 et en 2002. Le rapport du DHI a été publié le 04 juin 2007109. Cette révision a permis la mise à jour de la base de données et identifiait 428 substances classées en catégories 1,2 ou 3.
Tableau 1 :
Distribution en catégorie 1,2 ou 3 des substances incluses dans la base de données
Source : Study on enhancing the Endocrine Disrupter priority list with low production volume chemicals
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On définit le « danger» d'une substance chimique comme une propriété intrinsèque d'un agent chimique susceptible de provoquer un effet nocif. Le « risque » se définit quant à lui comme la probabilité que le potentiel de nuisance soit atteint dans certaines conditions d'utilisation et/ou d'exposition. Le risque s'évalue donc en confrontant le danger et l'exposition. Ces notions de danger et de risque font souvent l'objet de confusions dans le langage courant. Study on enhancing the Endocrine Disrupter priority list with low production volume chemicals. Disponible sur < http://ec.europa.eu/environment/chemicals/endocrine/pdf/final_report_2007.pdf
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4.1.2. Le deuxième plan national Santé-Environnement 2009-2013 mentionne explicitement les perturbateurs endocriniens
A partir de 2009, face aux interrogations de la société sur une possible dangerosité de certaines substances chimiques accessibles au grand public, le gouvernement a engagé des actions pour mieux connaître les perturbateurs endocriniens (PE) et diminuer l'exposition de la population française à ces substances. Ainsi, le Plan National Santé Environnement 2009-2013 (PNSE2) cible explicitement les PE dans l'action 18 « Mieux gérer les risques liés aux reprotoxiques et aux perturbateurs endocriniens ».
4.1.3. En 2009, le ministère de la santé sollicite l'Inserm pour une analyse des données disponibles sur les effets de certaines substances sur la reproduction.
Le travail d'un groupe pluridisciplinaire d'experts constitué d'épidémiologistes, de chimistes, d'endocrinologues, de biologistes spécialistes de la reproduction, du développement, de génétique moléculaire, a fait le point sur les connaissances disponibles. Les résultats de cette expertise collective110, publiés en juin 2015, retiennent cinq substances ou groupes de substances chimiques susceptibles d'effets sur la reproduction et largement représentés dans les produits de grande consommation : bisphénol A, phtalates, composés polybromés ou retardeurs de flamme, composés perfluorés, parabènes.
4.1.4. En 2009, la direction générale de la santé saisit également l'ANSM et l'ANSES pour évaluation des risques liés aux substances reprotoxiques ou potentiellement PE
En parallèle à cette expertise collective qui acte l'état des connaissances pour ces familles de substances, la Direction générale de la santé (DGS) a saisi en 2009 l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), dans leurs champs de compétences respectifs, afin qu'elles réalisent une évaluation des risques liés à ces substances en fonction de l'exposition à ces produits. 4.1.4.1. L'ANSES chargée d'évaluer une trentaine de substances présentes dans les produits de consommation courante L'ANSES devait identifier et caractériser des situations d'exposition potentiellement à risque liées à l'utilisation de produits de consommation courante et/ou d'articles contenant certaines substances chimiques classées reprotoxiques de catégorie 2111 (agents suspectés) ou considérées comme potentiellement perturbatrices endocriniennes. La demande portait sur une trentaine de substances. Les expertises se sont basées sur les dossiers d'enregistrement disponibles auprès de l'agence européenne des produits chimiques (ECHA), sur la littérature scientifique et sur les évaluations publiques existantes. Certaines conclusions ont été partagées avec un groupe d'experts européens de l'ECHA. La caractérisation des dangers a porté prioritairement sur la sphère de la reproduction. L'existence d'effets de perturbation endocrinienne autres n'a pas été spécifiquement recherchée. Au titre de cette saisine, l'Anses a défini une liste de 12 substances PE et/ou reprotoxiques de type 2 susceptibles d'être retrouvées dans des mélanges à usage du grand public qui devaient faire
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Expertise collective : Reproduction et environnement : Synthèse Paris : INSERM, juin 2011, 64 p. Selon le règlement (CE) N° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006, règlement dit « CLP ».
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l'objet d'une évaluation prioritaire. En mai 2014 un avis et un ensemble de rapports d'expertise ont été publiés par l'Anses sur les six substances suivantes112 : o-phénylphénol (OPP), toluène, nhexane, chlorure de cis-1-(3-chloroallyl)-3,5,7-triaza-1-azonia adamantane (cis-CTAC) et méthyltert-butyléther (MTBE). Un autre avis et des rapports d'expertise relatifs à la caractérisation des dangers et des expositions ont été publiés en décembre 2015 sur les six substances restantes : 4chloro-3-méthylphénol, du 4-nitrophénol, du 4-tert-octylphénol, du DEGME, du 4-tert-butylphénol et du 4-nonylphénol. L'Agence a également évalué des substances qui sont susceptibles de rentrer dans la composition de nombreux articles et, à ce titre, de se retrouver dans l'environnement. Ces substances appartiennent aux familles de composés perfluorés113, phtalates114, polybromés115 et bisphénols116. En mars 2015, l'Anses a publié des synthèses des données relatives à la toxicité, aux sources d'exposition, à la contamination de différents milieux des substances des familles des phtalates et des perfluorés. Un travail identique a été publié en août 2017 sur les substances de la famille des polybromés. Des expertises sur le BPA et les autres composés de la famille des bisphénols avaient été publiées par l'Anses avant l'adoption de la SNPE, en 2011 et 2013. De manière plus générale, les travaux d'expertise sur les perturbateurs endocriniens ont permis des développements méthodologiques pour mieux décrire les incertitudes et renforcer le poids des preuves dans les travaux d'évaluation des risques sanitaires. Un rapport a été publié en novembre 2016 sur le traitement de l'incertitude dans le processus d'évaluation des risques sanitaires des substances chimiques. L'ANSES participe par ailleurs aux réflexions internationales sous l'égide de l'OMS en vue de développer de nouvelles méthodologies d'évaluation des risques reconnues au niveau international. 4.1.4.2. L'ANSM a évalué une dizaine de substances présentes dans les cosmétiques De son côté, l'ANSM a évalué, au titre d'une saisine de la DGS en date du 21 janvier 2009 117, certaines substances présentes dans les produits cosmétiques et sélectionnées à partir du rapport
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L'ANSES considère que des situations d'exposition potentiellement à risque pour le développement foetal sont possibles du fait d'une exposition de la femme enceinte à certains produits contenant du toluène, n-hexane, ou cisCTAC, notamment et non exclusivement en milieu de travail. Des situations à risque pour la reproduction (MTBE) et le système nerveux (toluène et n-hexane) ont également été mises en évidence. Les perfluorés sont utilisés dans de nombreuses applications industrielles, notamment pour les traitements anti-tâche et imperméabilisant de textiles (vêtements, tissus, tapis, moquettes...), les enduits résistants aux matières grasses appliqués sur certains emballages alimentaires en papier et carton, les mousses anti-incendie, les tensioactifs utilisés dans l'exploitation minière et les puits de pétrole, les cires à parquet. Les phtalates sont utilisés comme plastifiants des matières plastiques pour les rendre plus souples. Ils sont retrouvés dans de nombreux articles ou produits de consommation courante tels que les adhésifs, les revêtements de sol en vinyle, les huiles lubrifiantes, les condensateurs électriques, les détergents, les câbles électriques et les produits cosmétiques (parfums, déodorants, lotions après rasage, shampooings, aérosols pour cheveux, vernis à ongles...). Les phtalates les plus couramment utilisés sont le DEHP (di (2-éthylhexyl) phtalate), le BBP (butylbenzyl phtalate), le DBP (dibutyl phtalate, le DEP (diéthyl phtalate) et le DINP (diisononyl phtalate). Les polybromés sont des substances utilisées comme retardateurs de flamme. Ces substances chimiques sont utilisées pour limiter l'inflammabilité de certains matériaux combustibles, via une diminution du risque de départ de feu et/ou un freinage du processus de combustion. On les retrouve donc dans de nombreux articles tels que textiles, rideaux, sièges, plastiques, mousses, capitonnages, résines, circuits imprimés, câbles, matériel électronique. La structure chimique commune aux composés de la famille des bisphénols leur confère des propriétés oestrogéniques. Le BPS, le BPF, et le BPAP sont des substituts potentiels du BPA qui sont utilisés notamment comme révélateur dans les papiers thermiques. Le BPS sert également dans la synthèse d'un intermédiaire (polyéthersulfone) qui est, par exemple, utilisé pour la fabrication de biberons et de vaisselle pour enfants. Les BPB, BPM et le BPAF sont utilisés pour la fabrication industrielle des plastiques. Le BADGE, quant à lui est utilisé pour la synthèse de certaines résines époxydes pouvant être utilisées dans le revêtement intérieur de contenants alimentaires (boîtes de conserve, canettes). Cette saisine s'inscrivait dans le cadre de l'action 18 du Plan national santé environnement et du plan d'action sur la fertilité.
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danois déjà cité118. Nombre de ces substances sont présentes à la fois dans les produits cosmétiques et les médicaments, ce qui a permis à I'ANSM de proposer des mesures d'action sur un périmètre plus large. Les substances suivantes, suspectées d'être des perturbateurs endocriniens et/ou classées toxiques pour la reproduction, ont été étudiées : l'acide 2-hydroxy éthyl picramique qui est utilisé comme colorant dans les teintures capillaires : résultats publiés le 18 juillet 2012 ; le benzophénone 3, utilisée comme filtre UV, est suspectée d'être un perturbateur endocrinien d'après le rapport établi en 2007 par DHI pour la commission européenne 119. résultats publiés le 8 juillet 2011 et transmission des conclusions à la Commission européenne en vue de restreindre la concentration à 6 % dans les produits cosmétiques de protection solaire pour les adultes et de l'interdire pour les enfants ; le musc cétone et musc xylène utilisés dans les parfums et eaux de toilette sont suspectés de propriétés de perturbation endocrinienne de catégorie 2 dans le rapport DHI de 2007 : résultats publiés le 4 octobre 2012 rappellent qu'une étude in vitro a montré que les muscs xylène et cétone pouvaient avoir une faible activité de perturbateur endocrinien, ce qui reste à confirmer par une étude conforme aux exigences de l'OCDE telle que la ligne directrice OCDE 455 ; le 3-benzylène camphre (3-BC), utilisé comme filtre ultra-violet, est suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI : dans un rapport non daté l'ANSM estimait que de nouvelles données ont confirmé le caractère perturbateur endocrinien du 3-BC à des doses d'exposition plus faibles que celles évaluées antérieurement et a recommandé une nouvelle évaluation du profil toxicologique du 3-BC par le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs. Une transmission a été faite en ce sens à la Commission européenne par le SGAE le 26 octobre 2011 ; l'octyl methoxycinnamate (OMC) est un filtre ultra-violet classé perturbateur endocrinien dans le rapport DHI : l'avis publié le 6 avril 2012 indique qu'au vu des résultats des études in vitro, l'OMC ne présente pas de caractère de type PE ; la quassine est utilisée comme dénaturant dans les produits cosmétiques : l'avis publié le 27 décembre 2011 mentionne que compte tenu de la faible qualité des études, du faible nombre de données permettant de caractériser le danger, il est impossible de réaliser une évaluation du risque de la substance ; le phénoxyéthanol est un agent conservateur : l'avis publié le 1er juin 2012 ne fait pas état d'une expertise de l'effet PE ; le 4-methylbenzylidene camphor (4-MBC) est un filtre ultraviolet : l'avis publié le 1er juin 2012 ne fait pas état d'une expertise de l'effet PE ; le toluène utilisé en tant que solvant dans les produits pour ongles est classé en tant que toxique pour la reproduction de catégorie 2, mais il n'a pas été suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI : un rapport non publié daté de septembre 2015 indique que les études ne permettent pas de conclure sur un effet du toluène sur le taux hormonal ; le cyclotetrasiloxane (D4) utilisé en tant qu'agent émollient, antistatique, conditionneur cutané et capillaire, et enfin comme solvant, est suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI. Un rapport daté de mai 2015 a été transmis à la DGS, puis à la Commission européenne. La nécessité de solliciter le comité scientifique
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Le BPA est déjà interdit par la réglementation européenne sur les cosmétiques. Le règlement prévoit la présence de traces de phtalates inévitables lors de la fabrication. Ces teneurs ne sont pas réglementées. Par conséquent, c'est au responsable de la mise sur le marché de démontrer que celles-ci ne présentent pas de risque pour la santé humaine. Danish Hydraulic Institute (DHI), Study on enhancing the endocrine disrupter priority list with a focus on low production volume chemicals, 2007.
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européen pour la sécurité des consommateurs a été débattue lors du Comité permanent pour les cosmétiques en mai 2016, sans suite donnée à ce jour.
4.2. Au titre de la SNPE, l'ANSES avait pour mission d'expertiser 15 substances chimiques sur 3 ans
La sélection des substances à expertiser est faite après consultation des parties prenantes 120 à partir d'une proposition établie par l'Anses qui combine trois critères : le danger potentiel (effet perturbateur endocrinien suspecté)121, la sensibilité des populations exposées (femmes enceintes, enfants....), et le caractère ubiquitaire de la substance (données de surveillance)122. Les substances évaluées au titre de la SNPE ne devaient pas être en cours d'évaluation par I'ECHA ou par un autre État membre. Elles ne devaient pas non plus faire l'objet d'un encadrement réglementaire de portée générale ou sectorielle qui pourrait limiter les leviers de gestion du risque sanitaire envisageables. Dès lors que certaines substances soumises à l'expertise de l'ANSES sont suspectées de présenter des effets de type perturbateur endocrinien et/ou un risque pour la santé ou l'environnement, il est demandé à l'ANSES de proposer des mesures de gestion des risques appropriées dans le cadre de réglementations européennes (REACH, biocides, produits phytopharmaceutiques ou toute autre réglementation appropriée). L'expertise vise ainsi à identifier des substances préoccupantes du fait de leur caractère PE qui pourront faire l'objet d'une inscription sur la liste des substances extrêmement préoccupantes candidates en vue d'une autorisation, au titre de l'article 57(f) 2 du règlement REACH, cette disposition pouvant conduire à limiter l'usage de ces substances. Le bilan des expertises menées dans le cadre de la SNPE est le suivant :
4.2.1. Substances expertisées en 2014
L'ANSES a expertisé cinq substances susceptibles d'être considérées comme perturbatrices endocriniennes. Ses avis relatifs à l'analyse de la meilleure option de gestion des risques pour ces substances ont été publiés le 3 mars 2015 : le méthylparabène (conservateur antimicrobien, usage cosmétique et médicament) a une activité de perturbateur endocrinien avérée, même si elle est plus faible que celle des autres parabènes. Les études relatives à la santé humaine sont rares et manquent de robustesse, quelques alertes environnementales ont été publiées dans la littérature. Des informations complémentaires sont nécessaires pour définir son caractère perturbateur endocrinien. L'Anses a demandé des études complémentaires à l'industriel à examiner avec les États membres et l'ECHA ; un composé de l'acide orthoborique (présent123 dans les engrais, lubrifiants, adhésifs, fluides hydrauliques...) : l'Anses a considéré qu'il convenait de suspendre l'analyse et de la
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Les membres des comités d'orientation thématique de l'Anses « Santé-environnement », « Santé-travail », « Alimentation », et ceux du groupe de suivi de la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens sont invités chaque année par l'agence à une réunion de concertation sur un projet de liste des substances à expertiser. Le choix définitif des substances relève du ministère chargé de l'environnement. La proposition de l'Anses est établie à partir de plusieurs listes de substances : celles établies périodiquement par I'ECHA parmi les dossiers enregistrés pour être soumis à un examen approfondi par les autorités compétentes des États membres, celle élaborée par l'Anses suite à des travaux d'expertise réalisés dans le cadre d'autres saisines, les listes de substances identifiées à la demande de la Commission européenne, la liste de substances établie par l'association internationale TEDX dont la mission est de rassembler et de diffuser des données scientifiques sur les problématiques de santé environnement liées à des expositions à des substances chimiques perturbateurs endocriniens à de faibles niveaux de concentration. L'exposition ubiquitaire est principalement estimée à partir des tonnages déclarés auprès de I'ECHA par les industriels. Les substances produites à fort tonnage sont privilégiées, car elles sont généralement mieux renseignées.
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reprendre dès que les informations complémentaires sur la caractérisation de l'identité de la substance et sur ses effets reprotoxiques seraient fournies par l'industriel à la demande de l'ECHA ; le BHA (antioxydant utilisé dans les cosmétiques, les médicaments, l'alimentation humaine et animale, les mélanges industriels...) a des effets cancérigènes chez l'animal dont la pertinence reste à valider chez l'homme. Cette substance a des effets sur la reproduction, la thyroïde chez les rongeurs et une activité de perturbateur endocrinien in vitro. Le manque de robustesse des données ne permet toutefois pas de se prononcer, aussi des informations complémentaires sont-elles nécessaires pour confirmer ses effets sur le développement et l'identifier comme perturbateur endocrinien selon la définition de l'OMS. Cette substance a été proposée à l'évaluation dans le cadre de REACH et il est envisagé de la classifier en tant que substance cancérigène ; le DINCH et le DEHTP (plastifiants alternatifs aux phtalates, autorisés dans les jouets et les dispositifs médicaux qui étaient inclus dans la saisine DGS de 2009) ont des profils toxicologiques très bien renseignés. Ils présentent tous deux un profil de danger plus favorable que celui des phtalates. Aucun risque de caractère perturbateur endocrinien n'a été identifié et aucune mesure de gestion n'a été recommandée.
4.2.2. Substances expertisées en 2015
L'ANSES a conduit l'analyse de cinq substances. Son avis a été publié le 8 avril 2016 : le 2,6-di-tert-butyl-p-cresol (BHT), utilisé comme anti-oxydant dans de nombreuses applications industrielles, ainsi que dans les cosmétiques, a fait l'objet d'un grand nombre d'études anciennes qui présentent des limites méthodologiques 124. Les données in vitro concernant le mode d'action perturbateur endocrinien sont limitées. Des effets sur les glandes surrénales et la thyroïde sont parfois identifiés, sans percevoir d'effets adverses associés. L'hypothèse d'un mode d'action thyroïdien sur des retards de croissance étant insuffisamment étayée, l'Anses a demandé à l'agence chimique européenne que le BHT soit mis à l'évaluation pour clarifier l'incertitude ; le méthylsalicylate (MS), additif conservateur utilisé pour des usages en cosmétique et produits de nettoyage, a été expertisé par lecture croisée. Des études de faible qualité relèvent des morts in utero ainsi que des malformations. Ces résultats sont étayés par des études de toxicité prénatale de substances proches. Des études in vitro et in vivo montrent par ailleurs des effets osseux sur les rats. Si aucune étude n'évalue l'impact sur la fonction thyroïdienne, la littérature révèle un effet de l'acide acétyl salicylique sur les taux plasmatiques en androgènes, en cortisol ou en hormones thyroïdiennes. Compte tenu de la faiblesse des études, l'Anses a transmis à l'agence chimique européenne une demande de tests complémentaires ; le tributyl O-acetylcitrate (ATBC) est un plastifiant alternatif aux phtalates qui est utilisé pour des usages au contact alimentaire, dans les jouets et le secteur médical. Cette substance était déjà incluse dans la saisine DGS de 2009 et identifiée dans le cadre de l'auto-saisine de l'Anses sur les jouets : toutes les données requises au titre du règlement REACh ont été remises et plusieurs études récentes et de qualité sont disponibles sur cette substance. En l'absence d'effet perturbateur endocrinien identifié, l'Anses a estimé que cette substance n'était pas prioritaire pour une évaluation par l'ECHA ;
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Plusieurs dizaines de milliers de tonnes sont utilisées par an dans l'Union européenne Ces études n'identifient pas d'altération sur la fertilité du rat et de la souris, même à forte dose. Une possible altération du comportement et des retards de croissance sont relevés chez le rat et la souris dans des études prénatales et post-natales toutefois de mauvaise qualité.
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le tributyl citrate (TBC) est utilisé en tant que substitut à des phtalates pour des usages comme plastifiants dans les jouets, les cosmétiques, les peintures, le mastic, les revêtements. Cette substance était également déjà incluse dans la saisine DGS de 2009 et identifiée dans le cadre de l'auto-saisine de l'Anses sur les jouets. En raison de la faible documentation, l'Anses a recommandé à l'agence chimique européenne de mener une étude de conformité du dossier qui est en cours ; l'acide téréphtalique, utilisé en tant que monomère pour la fabrication du PET (une alternative aux polycarbonates fabriqués à partir de bisphénol A, à la base de nombreux produits industriels destinés aux consommateurs) : sur la base de plusieurs études récentes et de qualité ainsi que des données requises par REACh, l'Anses n'a pas identifié d'alerte sur des effets perturbateurs endocriniens et a estimé que la substance n'était pas prioritaire pour d'autres travaux. Par ailleurs, l'Anses a également évalué l'iprodione, un fongicide dont l'autorisation expire le 31 octobre 2018 dans le cadre du règlement sur les pesticides 125. Compte tenu des points critiques identifiés, y compris sur les effets perturbateurs endocriniens, l'Anses qui est rapporteuse au niveau européen, a estimé dans un avis du 8 avril 2016 que les conditions de ré-approbation de la substance n'étaient pas remplies en raison de propriétés identifiées de perturbateur endocrinien avec des effets sur les organes reproducteurs. Le non renouvellement de l'approbation de la substance a été adopté le 6 octobre 2017. Il devrait entrer en vigueur en décembre 2017.
4.2.3. Substances expertisées en 2016
En 2016, l'ANSES a expertisé cinq substances et a publié son avis le 1er août 2017 : le TMBPF entre dans la composition d'autres substances chimiques à usage industriel principalement pour la fabrication de résines pour le revêtement d'emballages métalliques pour le conditionnement des denrées alimentaires. Il est aussi utilisé pour la fabrication des retardateurs de flamme polycarbonate et comme antioxydant dans les composés de caoutchouc. Dans l'état actuel des connaissances, on ne peut écarter que le TMBPF puisse agir comme un perturbateur endocrinien par un mode d'action anti-androgénique ou par une signalisation via les récepteurs béta aux oestrogènes. L'ANSES a recommandé que des études soient requises par l'ECHA dans le cadre d'un contrôle de conformité afin de clarifier les incertitudes concernant les propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques de la substance et de pouvoir évaluer les risques pour l'environnement ; le triclocarban est utilisé en tant qu'agent antibactérien et antifongique dans des détergents et des peintures. Il pourrait agir comme perturbateur endocrinien par la voie androgénique, l'axe thyroïdien ou par action sur la stéroïdogénèse. Il pourrait également avoir une activité de perturbation endocrinienne pour les organismes de l'environnement. Cependant des données supplémentaires et des lignes directrices reconnues sont nécessaires pour pouvoir infirmer ou confirmer ces hypothèses. C'est pourquoi, l'Anses a recommandé de proposer le triclocarban pour l'évaluation dans le cadre de REACH ; le RDP (Tetraphenyl m-phenylene bisphosphate) est un retardateur de flamme utilisé en substitution du DécaBDE classé substance dangereuse utilisé dans le traitement ignifuge de plusieurs polymères et dans plusieurs applications d'ignifugation. Cette substance était incluse dans la saisine DGS de 2009 et identifiée dans le cadre d'une saisine sur les meubles rembourrés. Aucune donnée n'a été identifiée en ce qui concerne l'existence d'un effet éventuel perturbateur endocrinien pour l'environnement et des études supplémentaires sont nécessaires pour se prononcer sur des effets en santé humaine. L'ANSES a préconisé d'inclure le RDP dans le plan d'action continu communautaire qui répertorie les substances devant être soumises à évaluation dans le cadre du règlement REACH ; le sulfate d'étain est utilisé en traitement de surface des métaux. Les données disponibles dans la littérature ne soulèvent pas de préoccupations particulières quant à l'existence
125
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d'éventuelles propriétés de perturbation endocrinienne de cette substance pour l'environnement. En revanche, il n'est pas possible de conclure pour ce qui concerne la santé humaine dans l'attente des résultats de nouvelles études demandées par l'Anses en mars 2017 ; le dicyclopentadiène est utilisé très largement pour la synthèse de différentes substances chimiques. Dans l'attente de nouvelles études demandées dans le cadre de l'évaluation de la substance sous REACH, il n'est pas possible de conclure quant à l'existence d'éventuelles propriétés de perturbation endocrinienne de cette substance pour la santé humaine ou pour l'environnement. À ces cinq substances s'est ajoutée l'évaluation du chlortoluron, herbicide pour lequel l'Anses est le rapporteur au niveau européen au titre du règlement pesticides. Cette substance répondrait aux critères d'exclusion y compris pour ses propriétés de perturbateur endocrinien à confirmer. Son autorisation ne devrait donc pas être renouvelée à son échéance en octobre 2018.
4.2.4. Substances expertisées en 2017
En 2017, cinq nouvelles substances sont au programme d'évaluation de l'Anses : l'homosalate utilisé comme filtre UV dans les produits cosmétiques et produits d'hygiène, le trisulfuron méthyl (substance phytopharmaceutique), le bisphénol B, le triphényl phosphate (TPP) et le 2,2,4,4'tétrabromodiphenyl éther (ou BDE -47). Ces deux dernières substances sont des retardateurs de flamme bromés qui étaient déjà identifiés dans le cadre de la saisine DGS de 2009.
4.2.5. Proposition de substances à expertiser en 2018
Lors d'une réunion inter comités d'orientation thématiques de l'Anses organisée le 12 octobre 2017 sur le sujet des PE, l'agence a invité les parties prenantes à sélectionner avant le 9 novembre quatre substances à choisir parmi la liste suivante : BPB (reliquat du programme de travail 2017), Siloxanes (D4/D5/D6), TNPP, Potassium Perchlorate, Sodium Perchlorate, HHCB (1222-05-5), Résorcinol. Le choix final sera arrêté avant la fin de l'année 2017.
4.2.6. L'ANSES a atteint les objectifs fixés par la SNPE
Entre 2014 et 2017, l'Anses aura évalué une vingtaine de substances dont sept qui étaient identifiées dans la saisine DGS de 2009. Les objectifs d'évaluation de cinq substances par an fixés dans la SNPE ont donc été respectés par l'Anses qui a proposé les mesures de gestion appropriées. Il n'est pas possible d'isoler les moyens qui ont été spécifiquement dédiés à l'évaluation des substances relevant de la SNPE, mais selon les informations communiquées par l'Anses, l'ensemble des activités relatives aux PE a mobilisé de l'ordre de 5 à 6 ETPT annuels 126. Ces moyens semblent limités si on les compare à ceux dont disposeraient certaines agences d'évaluation d'autres pays européens127. À l'exception du cas de l'iprodione dont l'approbation n'a pas été renouvelée dans le cadre du règlement sur les pesticides, les expertises menées par l'Anses n'ont pas conduit à identifier de substances comme PE, soit parce que des informations complémentaires devaient être demandées pour confirmer ou infirmer leur effet PE, soit parce que la suspicion a été levée à l'issue d'une évaluation plus approfondie. Toutefois, plusieurs limites ont été identifiées pour cette activité d'expertise :
126
Le nombre d'heures travaillées sur les PE a été en moyenne de 7 900 heures par an au cours des années 2014 à 2016 (source Anses). Il est difficile de comparer les données entre les différentes agences, car chaque pays a un mode d'organisation propre avec une séparation plus ou moins claire des activités d'évaluation des substances chimiques. Selon des informations communiquées par des agences homologues de l'Anses, 20 personnes se consacreraient aux travaux liés à REACH et CLP en Autriche et au Danemark (correspondant à 10-12 ETPT), 15 ETPT en Belgique.
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les conditions contraignantes de sélection128 des substances à évaluer ont exclu de facto un nombre important de substances qui auraient pu répondre à l'un (ou plus) des trois critères de choix qui sont néanmoins pertinents ; l'absence de méthode(s) et de test(s) reconnus permettant de caractériser les effets PE sur l'ensemble des organes et fonctions cibles constitue un obstacle majeur pour lever complètement le doute, dès lors que pèse sur certaines substances une suspicion d'un effet PE potentiel ; l'écart qui existe entre le niveau de preuve nécessaire pour identifier une substance extrêmement préoccupante au titre de l'article 57(f) du règlement REACH et les données disponibles et de qualité suffisante pour caractériser les effets PE éventuels conduit à écarter a priori de nombreuses substances, ce qui fait que ne sont retenues pour l'expertise que des substances pour lesquelles des tests sont disponibles ou qui présentent des similarités structurelles avec des substances connues ; les dossiers d'enregistrement dans le cadre de REACH et les études demandées 129 pour les améliorer à l'issue de l'évaluation des substances n'apportent que peu d'informations sur les effets endocriniens, ce qui rend difficile l'évaluation des effets PE sur l'environnement et, dans une moindre mesure, pour la santé humaine. De plus, ces dossiers d'enregistrement permettent difficilement d'identifier des substances exposant des populations sensibles faute d'informations disponibles sur les usages ; seuls les dossiers d'évaluation apportés par les industriels peuvent être instruits. Il faudrait que des travaux scientifiques puissent être un mode d'entrée dans l'expertise. Ce travail d'expertise des substances doit être poursuivi. Le principe de répartir la tache d'expertise entre les différents États membres est certainement pertinent au vu du nombre de produits à étudier et des multiples implications potentielles des résultats. Néanmoins, la capitalisation des travaux, et leur portée, se heurtent à deux obstacles auxquels les États membres doivent s'attaquer : l'absence de définition des PE et l'harmonisation des méthodes d'expertises. Les procédures d'expertises sont extrêmement hétérogènes en fonction des États membres qui ont chacun leurs propres règles. A titre d'exemple, pour l'Allemagne, on n'a pas la connaissance de l'identité des experts mobilisés. Il faudrait que ce soit une obligation pour l'ensemble des experts mobilisés.
4.3. Au titre de la SNPE, l'ANSM avait pour mission d'expertiser chaque année trois substances chimiques présentes dans les cosmétiques
L'ANSM est concernée par les substances présentes dans les médicaments, les dispositifs médicaux et les cosmétiques. La SNPE prévoit que « les travaux de l'ANSM sur les perturbateurs endocriniens seront également accélérés afin d' « évaluer chaque année au moins 3 substances suspectées d'être perturbateurs endocriniens sur son champ de compétences et notamment dans les cosmétiques ».
4.3.1. L'ANSM a priorisé les substances contenues dans les médicaments
Après l'adoption de la SNPE, l'ANSM a poursuivi le travail d'évaluation qu'elle avait engagé dans le cadre de la saisine reçue de la DGS en 2009.
128
Les substances qui ont été évaluées ne devaient pas être en cours d'évaluation par I'ECHA ou par un autre État membre. Elles ne devaient pas non plus faire l'objet d'un encadrement réglementaire de portée générale ou sectorielle qui pourrait limiter les leviers de gestion du risque sanitaire envisageables. L'issue de ces demandes d'études est incertaine, car elles sont soumises à l'approbation du comité des Étatsmembres réuni par I'ECHA.
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Au cours des dernières années, l'ANSM a en fait donné la priorité à des travaux d'évaluation de substances utilisées comme excipients dans les médicaments. Ces travaux qui ne figurent pas spécifiquement dans les objectifs assignés par la SNPE, ont porté sur l'évaluation des phtalates les plus utilisés comme excipients dans les médicaments 130, sur le méthyl et le propyl-parabène, sur l'acide borique et sur l'hydroxyanisole butylé (BHA). Les évaluations pour lesquelles l'ANSM a été rapporteur ou co-rapporteur s'inscrivent dans le cadre de l'actualisation de l'information à connaître par le patient avant de prendre un médicament qui a été initiée par l'Agence européenne du médicament (EMA)131. A l'initiative de la France, cet outil a été proposé pour réguler et contrôler l'utilisation de substances perturbatrices endocriniennes dans les médicaments.
4.3.2. Les études de l'ANSM sur les substances contenues dans les cosmétiques ont été initiées avant la SNPE
Pour ce qui concerne spécifiquement les cosmétiques, elle a achevé postérieurement au lancement de la SNPE, l'évaluation du toluène utilisé en tant que solvant dans les produits pour ongles, mais qui n'était pas suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI de 2007 : un rapport non publié daté de septembre 2015 indique que les études ne permettent pas de conclure sur un effet du toluène sur le taux hormonal. Elle a également évalué le cyclotetrasiloxane (D4) utilisé en tant qu'agent émollient, antistatique, conditionneur cutané et capillaire, et comme solvant, qui était suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI : un rapport daté de mai 2015 a été transmis à la DGS puis à la Commission européenne 132. La nécessité de solliciter le comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs a été débattue lors du Comité permanent pour les cosmétiques en mai 2016, sans suite donnée à ce jour.
4.3.3. Le champ des dispositifs médicaux est prioritaire
Après avoir privilégié les évaluations des substances utilisées comme excipients dans les médicaments plutôt que dans les cosmétiques, l'ANSM envisage de s'orienter de préférence sur les dispositifs médicaux. Elle a ainsi proposé d'exploiter en 2017 les résultats d'une étude 133 menée par le CHU de Clermont-Ferrand sur les risques liés aux dispositifs médicaux en polychlorure de vinyle plastifié (PVC) et les substituts de phtalates.
4.3.4. L'ANSM n'a pas atteint les objectifs qui lui étaient assignés par la SNPE
Aucune substance ne semble avoir été programmée pour une évaluation en 2014 et 2015. Selon l'ANSM, trois substances devaient être expertisées en 2016 au titre de la SNPE : le phtalate de butyle et de benzyle (BBP) ; l'acetyl tributyl citrate (ATBC) ; le triclosan.
130
Ces phtalates sont le phtalate de dibutyle (DBP), phtalate de diéthyle (DEP), acétate phtalate de polyvinyle (PVAP), phtalate d'hypromellose (HPMCP) et acétate phtalate de cellulose (CAP). L'article 59(1) de la Directive 2001/83/EC dispose que la notice d'une spécialité pharmaceutique comporte une liste d'informations nécessaires. Le volume 38 de l'avis aux demandeurs comporte des recommandations sur l'étiquetage et l'information qui doivent figurer dans la notice du médicament pour une liste d'excipients qui sont susceptibles de générer des effets indésirables notoires. Une annexe à cette recommandation fournit une liste d'excipients avec les renseignements qui doivent figurer dans la notice. L'octaméthylcyclotétrasiloxane ou D4 présente chez l'animal un faible effet oestrogénique et anti-oestrogénique (mais pas d'activité androgénique, ni anti-androgénique) et induit des transformations hyperplasiques/néoplasiques de l'utérus et des adénomes de l'endomètre des rats. L'ANSM a recommandé de limiter la concentration du D4 à 3%6% dans les produits de protection solaire et 16 % dans les produits pour le corps. Financée par l'ANSM, l' étude « ARMED » » a pour objectif une évaluation du risque inhérent à la migration des plastifiants intégrés dans les dispositifs médicaux stériles en PVC et une hiérarchisation de ce risque pour les plastifiants étudiés. Cette étude est poursuivie pour la population néonatale (étude ARMED-NEO) et les résultats sont attendus pour fin 2019.
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Pour ce qui concerne l'ATBC, l'ANSES aurait considéré que cette substance n'est pas un perturbateur endocrinien, ce qui fait que l'évaluation n'était plus nécessaire. Les travaux sur le BBP et le triclosan n'ont pas été réalisés au cours de l'année 2016, en raison de choix qui ont dû être faits par l'ANSM entre les différentes priorités de sécurité sanitaire. Ces études et leurs conclusions ont été reportées en 2017, avec une remise du rapport prévue au plus tard au 1er trimestre 2018. Dans un cadre de ressources contraintes et faute de soutien pour la mise en oeuvre de la SNPE, I'ANSM a affecté en priorité ses moyens à la mission principale de l'Agence qui est l'évaluation des demandes d'autorisation et la vigilance portant sur les essais cliniques, ATU et AMM dans les délais réglementaires. Progressivement, le nombre d'agents pouvant se consacrer à l'évaluation et à la proposition de mesures correctives sur les substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens n'a plus représenté qu'environ 0,5 ETP, tous produits confondus. L'ANSM n'a donc pas atteint les objectifs assignés par la SNPE. A moyens et à organisation constants, il est probable que I'ANSM continuera à échelonner dans le temps long l'étude des substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens contenues dans les cosmétiques. De fait, il ne semble pas exister de dispositif de programmation et de régulation permettant d'inscrire l'action de cette agence en cohérence avec celle de l'Anses.
4.3.5. Et propose une alternative
Afin de poursuivre ce travail essentiel et de long terme, I'ANSM a indiqué travailler à un projet de plateforme d'étude sur les perturbateurs endocriniens sous la forme d'un partenariat entre l'Agence et l'Université. Ce projet a également pour objet de compenser la fréquente absence de données scientifiques sur les substances étudiées dans la bibliographie, en facilitant les synergies entre les laboratoires de I'ANSM et la recherche universitaire. Ce projet nécessitera de mobiliser des moyens financiers, dans le cadre des crédits d'intervention de l'Agence qui ont diminué de 15 à 10 M entre 2012 et 2017.
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5. Bilan de l'axe 3 : Réglementation et substitution des perturbateurs endocriniens
Le troisième axe de la SNPE s'articule selon trois actions :
· · ·
parvenir à une définition européenne des perturbateurs endocriniens ; proposer des mesures d'exclusion ou de restriction de l'usage de substances à effet perturbateur endocrinien ; accompagner les démarches industrielles de substitution de substances dangereuses.
Avant de dresser le bilan de la mise en oeuvre de ces actions, une présentation du cadre juridique européen applicable aux perturbateurs endocriniens paraît nécessaire pour comprendre le contexte dans lequel ces actions ont pu être conduites. Enfin, le bilan des actions prévues par la SNPE est complété par une brève présentation des actions de contrôle mises en place pour veiller au respect de la réglementation.
5.1. Le cadre juridique européen applicable aux perturbateurs endocriniens
L'essentiel des réglementations encadrant les produits chimiques est établi au niveau communautaire et les négociations sont menées auprès des institutions de l'Union européenne. Les pays membres doivent donc acquérir des connaissances et développer des argumentaires scientifiques pour proposer et justifier des actions qui auront un impact sur le marché européen des produits chimiques. Le cadre juridique européen qui s'applique aux perturbateurs endocriniens (PE) comprend134 :
· ·
deux règlements relatifs à la gestion des substances chimiques : CLP et REACH ; des règlements ou directives sur les usages des substances : biocides, phytopharmaceutiques, cosmétiques, produits en contact avec les denrées alimentaires, dispositifs médicaux, jouets ; ainsi que la réglementation relative à l'eau.
·
L'application de ces textes sectoriels est notamment liée à la définition de critères caractérisant les PE (voir § 2). Les clauses de sauvegarde de certains règlements communautaires permettent de prendre des mesures « d'urgence » nationales qui sont souvent difficilement applicables aux produits et/ou articles importés ou en provenance d'autres États membres de l'Union européenne, en raison du principe de libre circulation des marchandises. Notifiées à la Commission européenne, ces mesures d'urgence peuvent ensuite faire l'objet de mesures européennes.
5.1.1. Les règlements REACH et CLP relatifs à la gestion des substances chimiques
5.1.1.1. Le règlement REACH : enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques Le règlement européen REACH135 du Parlement européen et du Conseil de l'union européenne, adopté le 18 décembre 2006, concerne l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des
134
Selon une étude du Centre commun de recherche de la Commission européenne réalisée en 2016, sur 697 substances pouvant être identifiées comme pouvant avoir des effets sur le système endocrinien, 347 seraient concernées par la réglementation sur les pesticides, 98 par celle sur les biocides, 201 par REACH, 51 par la réglementation sur les cosmétiques, quelques substances étant concernées par la directive cadre sur l'eau. Règlement CE n° 1907/2006
135
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substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances. Il constitue le cadre réglementaire de l'ensemble des substances chimiques en Europe. Dans plusieurs domaines concurrentiels, durant sa négociation (de 2001 à 2006), ce règlement a suscité une « bataille des lobbies », quelques grandes ONG s'étant impliquées. Il n'a pas connu d'évolutions depuis juin 2014 (hors annexes). Son objectif est d'améliorer la protection de la santé humaine et de l'environnement, tout en maintenant la compétitivité et en renforçant l'esprit d'innovation de l'industrie chimique européenne. Le règlement vise à supprimer progressivement dans l'Union européenne les substances chimiques les plus dangereuses. Il revient à l'industriel (et l'importateur) de démontrer l'innocuité de ces substances pour l'homme et la nature, par des études sur les risques sur la santé humaine et sur l'environnement, avant leur mise sur le marché ou leur utilisation. REACH vise toutes les substances chimiques, produites ou importées, existantes ou nouvelles, à partir d'un volume annuel supérieur à une tonne. L'agence européenne des produits chimiques (ECHA) est l'opérateur du règlement L'ECHA évalue, ou fait évaluer, les informations soumises par les entreprises et enregistre les molécules dans une base de données accessible aux entreprises, aux particuliers et aux ONG (près de 10 000 substances sont actuellement enregistrées au titre du règlement REACH). L'ECHA et les Etats membres élaborent et suivent un plan d'action continu communautaire (CoRAP), mis à jour tous les ans, qui répertorie les substances devant être soumises à évaluation sur une période de trois ans. Les critères de sélection de ces substances concernent les informations sur les dangers, les informations sur l'exposition et, enfin, la quantité des substances, y compris la quantité agrégée résultant de plusieurs enregistrements pour une même substance. Les critères liés aux dangers et à l'exposition ne sont pas employés indépendamment mais en combinaison afin d'assurer une approche fondée sur les risques. Par exemple, une substance dangereuse à exposition contrôlée peut être moins prioritaire qu'une substance dangereuse présentant une exposition élevée. Les États membres contribuent à l'élaboration du CoRAP en proposant des substances à y inclure. Ils peuvent recourir aux mêmes critères fondés sur les risques que ceux préconisés par l'ECHA ou, dans certains cas, indiquer d'autres critères fondés sur des préoccupations et des priorités nationales. Après avoir établi les critères fondés sur les risques, l'ECHA et les États membres identifient un certain nombre de substances pouvant figurer dans le CoRAP. Les États membres exprimeront leur intérêt à évaluer telle ou telle substance pour permettre à l'ECHA de créer un projet de CoRAP avec les noms des substances et avec les années d'évaluation à prévoir. Le CoRAP final indique les problèmes initiaux posés par les substances et désigne les États membres qui procéderont à l'évaluation. Il est adopté après consultation des États membres et avec l'avis du comité des États membres de l'ECHA. Un État membre peut signaler à tout moment qu'il détient des informations pouvant rendre la substance prioritaire, même si elle ne fait pas partie de la liste CoRAP. Dans ce cas, il est possible de modifier le CoRAP pour inclure cette substance avant une mise à jour annuelle. Le 21 mars 2017, 22 nouvelles substances ont été ajoutées au CoRAP. Cela porte le nombre total de substances inscrites sur cette liste à 115 pour évaluation par l'ensemble des États membres sur les trois années 2017, 2018 et 2019. Parmi ces substances, un quart d'entre elles sont suspectées notamment d'un effet PE. L'annexe XIV de REACH liste les substances identifiées comme extrêmement préoccupantes (SVHC)
L'annexe XIV du règlement liste les SVHC qui présentent un risque particulièrement élevé pour la santé humaine ou l'environnement (en se basant sur les propriétés intrinsèques des substances ainsi que sur les quantités utilisées et les usages) afin d'interdire leur usage sur le marché européen.
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Lorsqu'une substance est listée réglementairement dans l'annexe XIV de REACH, celle-ci se voit attribuer une date limite d'utilisation (date d'expiration) au-delà de laquelle l'utilisation va être interdite, à moins qu'un utilisateur n'ait obtenu une autorisation assortie d'une prolongation spécifique. La procédure d'autorisation vise à assurer que les risques générés par les substances extrêmement préoccupantes sont valablement maîtrisés, et que ces substances sont progressivement remplacées par des solutions appropriées, tout en assurant le bon fonctionnement du marché intérieur de l'UE. Les substances éligibles à la procédure d'autorisation sont identifiées par les États membres et, sur demande de la commission, par l'ECHA sur la base des critères définis dans l'article 57 de REACH : - substances cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction (CMR), - substances persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT), - substances très persistantes et très bioaccumulables (vPvB), - substances, telles que celles possédant des propriétés perturbant le système endocrinien, pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu'elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine ou l'environnement. L'ECHA publie la liste des substances proposées et éligibles pour être inscrites dans la liste des substances candidates à la procédure d'autorisation sur son site Internet (consultation publique). Suite aux commentaires reçus au cours du délai de consultation publique, l'ECHA peut éventuellement modifier son projet de recommandation en concertation avec le Comité des États Membres136. L'inscription à l'annexe XIV (liste des substances candidates) se fait par vote pondéré des États Membres à la majorité qualifiée. La recommandation est alors soumise à la Commission Européenne pour décision finale. Au sein de la liste des substances extrêmement préoccupantes candidates en vue d'une autorisation figurent actuellement pour leurs effets avérés de perturbateur endocrinien : - le 4,4'-isopropylidenediphenol (Bisphénol A) inclus le 12 janvier 2017 au titre de ses propriétés de PE pour la santé humaine ; - quatre phtalates pour leurs effets PE sur la santé humaine : le benzyl butyl phtalate (BBP), le Bis (2-ethylhexyl)phtalate (DEHP) et le Dibutyl phtalate (DBP) inscrits dès le 28 octobre 2008 pour leur effet PE sur la santé humaine, puis le Diisobutyl phtalate, le 13 janvier 2010 ; -six phénols inclus pour leurs effets PE sur l'environnement : le 4-(1,1,3,3tetramethylbutyl)phénol inscrit le 19 décembre 2011, le 4-nonylphenol et le nonylphénol éthoxylate le 19 décembre 2012, le 4-nonylphenol éthoxylate le 20 juin 2013, le 4heptylphénol et le p-1,1-dimethylpropylphenol le 12 janvier 2017. Le règlement REACH prévoit la possibilité de soumettre des substances à restrictions afin de protéger la santé humaine et l'environnement contre des risques inacceptables.
Les restrictions peuvent limiter ou prohiber la fabrication, la mise sur le marché ou l'utilisation d'une substance. Un État membre, ou, sur demande de la Commission européenne, l'ECHA, peuvent proposer des restrictions s'ils estiment qu'il convient de réagir aux risques sur une base
136
Le comité des États membres (MSC) participe à différentes procédures REACH telles que les procédures d'évaluation et d'autorisation. Il est chargé de résoudre les divergences d'opinions entre les États membres et sur les propositions d'identification de substances extrêmement préoccupantes (SVHC). Le comité rend des avis sur les projets de recommandations de l'ECHA concernant la liste d'autorisation (annexe XIV) et sur le projet de plan d'action continu communautaire (CoRAP) pour la procédure d'évaluation des substances. Si le MSC ne peut parvenir à un accord, l'affaire est transmise à la Commission européenne pour qu'une décision soit prise.
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communautaire. Les substances soumises à restrictions sont inscrites à l'annexe XVII du règlement REACH. Des substances extrêmement préoccupantes pour leurs effets PE sont soumises à restrictions. Le bisphénol A ne doit pas figurer à une concentration supérieure à 0,02 % dans les papiers thermiques mis sur le marché après le 2 janvier 2020. Le BBP, le DEHP et le DBP ne doivent pas être utilisés à des concentrations supérieures à 0,1 % du poids de plastique dans les jouets et articles de puériculture. Le nonylphenol ethoxylate (NPE) ne doit plus être utilisé à des concentrations supérieures à 0,01 % du poids d'articles textiles mis sur le marché après le 3 février 2021. 5.1.1.2. Le règlement CLP fixe pour toutes les substances les classements harmonisés de « danger » Le règlement 1272/2008137 dit CLP (classification, labelling, packaging) est commun à toutes les substances chimiques ou non, commercialisées sur le territoire européen. Il a pour objet d'assurer que les dangers que présentent les substances chimiques soient clairement communiqués aux travailleurs et aux consommateurs de l'Union européenne grâce à la classification et à l'étiquetage des produits chimiques. Le règlement impose à un fournisseur d'étiqueter une substance ou un mélange contenu dans un emballage avant de le mettre sur le marché, si la substance est classée comme dangereuse ou si le mélange contient une ou plusieurs substances classées comme dangereuses au-dessus d'un certain seuil. Il impose un étiquetage spécifique pour les substances classées CMR 1A et 1B 138. Certaines substances CMR sont des PE potentiels, mais sans qu'il y ait une correspondance exacte car toutes les substance cancérigènes ou reprotoxiques n'agissent pas sur le système hormonal.
Tableau 1 :
Catégories de substances CMR et définition de ces catégories au sens de la réglementation européenne CLP (source : ANSES)
Effets / Classe de Catégories Définitions des catégories danger Cancérogènes Catégorie 1A Catégorie 1B
137
Substances dont le potentiel cancérigène pour l'être humain est avéré. Substances dont le potentiel cancérogène pour l'être humain est supposé.
Règlement (CE) No 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006. Les substances dotées d'effets cancérigènes (C), mutagènes (M), toxiques pour la reproduction (R) sont réparties en trois catégories : 1A (effets avérés), 1B (effets présumés), 2 (effets suspectés).
138
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Catégorie 2 Mutagènes Catégorie 1A
Substances suspectées d'être cancérogènes pour l'homme.
Substances dont la capacité d'induire des mutations héréditaires dans les cellules germinales des êtres humains est avérée. Substances dont la capacité d'induire des mutations héréditaires dans les cellules germinales des êtres humains est supposée. Substances préoccupantes du fait qu'elles pourraient induire des mutations héréditaires dans les cellules germinales des êtres humains. Substances dont la toxicité pour la reproduction humaine est avérée. Substances présumées toxiques pour la reproduction humaine.
Catégorie 1B
Catégorie 2
Toxique pour reproduction
la Catégorie 1A Catégorie 1B Catégorie 2
Substances suspectées d'être toxiques pour la reproduction humaine.
5.1.2. L'usage des substances fait l'objet de règlements et directives dédiées
5.1.2.1. Les produits phytopharmaceutiques font l'objet d'un règlement depuis le 21 octobre 2009 Le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement Européen et du conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques définit les modalités de mise sur le marché de ces produits destinés à détruire ou repousser des organismes nuisibles pour les végétaux. Les substances sont approuvées ou retirées au niveau européen à partir d'un rapport établi par une agence d'un État membre rapporteur qui fait l'objet d'une revue par les pairs et d'un rapport de l'EFSA. Le manque de ressources, humaines et financières, des agences ne leur permettent pas le plus souvent de respecter les délais, ce qui conduit à des prolongations des autorisations des substances. Les États membres ont quant à eux la responsabilité des autorisations et retraits de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances. Pour les AMM, le règlement a défini trois zones géographiques au sein de l'Union européenne et mis en place une évaluation zonale des préparations. La France mène ainsi des évaluations intéressant l'ensemble de la zone Sud. Le règlement prévoit cinq types de substances139 : · Les substances de base (article 23), intrinsèquement sans danger, dont la destination initiale n'est pas la protection des plantes (ex : vinaigre, sucre...) ;
139
Actuellement 490 substances actives sont approuvées et 28 sont en cours d'évaluation. 336 substances actives sont présentes dans des produits ayant des AMM en France.
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· ·
Les substances à faible risque (article 22) qui ne doivent présenter qu'un faible risque pour la santé et l'environnement et peuvent être approuvées pour 15 ans ; Les substances candidates à la substitution (article 24) qui présentent des risques en termes de toxicité aiguë, de propriétés CMR 1A et 1B en attente de leur exclusion, de perturbation endocrinienne (en cours de définition) et d'environnement sur au moins 2 critères PBT (Persistance, Bioaccumulation et Toxicité). Ces substances doivent, au fur et à mesure de leur renouvellement, faire l'objet de réduction des risques pour continuer à être utilisées avec des durées maximales de 7 ans ; Les substances dont l'exclusion est programmée sont les CMR 1A et 1B et les perturbateurs endocriniens, dont le renouvellement ne doit être possible que dans des conditions excluant le risque pour l'homme (enceintes confinées...)140 ; Et les autres substances, classées ou non, qui sont approuvées pour 10 ans.
·
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Le règlement prévoit donc le principe strict d'exclusion des substances présentant des effets de perturbateur endocrinien. C'est la notion de danger et non pas celle de risque lié à l'exposition qui est retenue141. L'application de cette clause d'exclusion nécessite l'adoption d'une définition réglementaire harmonisée au niveau européen des critères d'identification du caractère PE d'une substance. 5.1.2.2. Le règlement du 22 mai 2012 sur les biocides Le règlement (UE) n°528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concerne la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides qui sont destinés à détruire ou repousser les organismes nuisibles dans des secteurs non agricoles. Ce règlement qui n'a pas évolué depuis l'adoption de la SNPE, prévoit l'exclusion des substances actives et produits biocides ayant un effet PE. Des dérogations sont possibles si le risque est négligeable (utilisation dans des systèmes fermés ou excluant le contact avec des humains) ou si l'impossibilité d'utiliser ces substances conduisait à des impasses techniques majeures pour combattre un risque grave pour la santé humaine, pour la santé animale ou l'environnement. L'application de la clause d'exclusion et ou du principe de substitution nécessite la mise en place d'une définition réglementaire harmonisée au niveau européen des critères d'identification du caractère PE d'une substance (voir § 1.2 ci-après). La directive 98/8/CE dont les principes ont été repris dans le Règlement 528/2012, institue une répartition des usages selon 22 types de produits et un examen systématique, selon un référentiel défini, de toutes les substances actives biocides utilisées dans les pays de l'Union européenne, en vue de l'approbation ou non de chaque couple « substance x type de produit ». Les dérogations à l'exclusion des substances considérées comme PE sont fondées sur les risques ainsi que sur des considérations socio-économiques. 5.1.2.3. Les produits cosmétiques sont encadrés depuis 2009 Le règlement n°1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques est entré en application le 11 juillet 2013 en remplacement de la directive cosmétique 76/768/CEE. Il prévoit qu'une substance peut être inscrite sur une liste de substances soumises à restriction ou interdites. Il prévoit également des listes « positives » de substances autorisées (colorants, conservateurs et filtres solaires). Ces listes sont révisées régulièrement par les instances européennes, en présence des agences d'expertise nationales des Etats membres.
140
Depuis le 14 juin 2011, 57 molécules ont été retirées ou n'ont pas eu d'autorisation délivrée. Sur 13 substances non renouvelées, 6 l'ont été du fait de leur classification CMR 1A ou 1B. Toutefois le règlement prévoit que chaque État peut, au regard de situations d'urgence en matière de protection phytosanitaire, autoriser pour une durée maximale de 120 jours, sur des usages limités (article 53) un produit phytopharmaceutique dont l'utilisation est la seule possible pour répondre à la situation d'urgence.
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Elles sont opposables dans tous les pays de l'Union européenne, et l'ANSM s'assure du respect de leur mise en oeuvre sur le territoire national. Plusieurs PE ont déjà été interdits dans les produits cosmétiques au niveau européen (le BPA et 8 phtalates : le DBP, le DEHP, le BBP, le DPP, le DIBP, le DIPP, le DnPP) et d'autres substances suspectées ont été soumises à restriction par la Commission européenne. Par ailleurs, le point 4 de l'article 15 du règlement prévoit que « lorsque des critères convenus par la Communauté ou au niveau international pour l'identification des substances présentant des propriétés perturbant le système endocrinien sont disponibles ou au plus tard le 11 janvier 2015, la Commission révise le présent règlement en ce qui concerne les substances présentant des propriétés perturbant le système endocrinien ». La Commission s'est engagée à ce que la révision des annexes du règlement cosmétique intervienne dès que possible après que des critères d'identification des perturbateurs endocriniens auront été définis dans le cadre des règlements relatifs aux produits phytosanitaires et biocides. 5.1.2.4. Un règlement du 27 octobre 2004 concerne les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires destinées à l'alimentation humaine Le Règlement (CE) n°1935/2004 porte sur les emballages et conditionnements, les récipients et ustensiles de cuisine, les tétines et biberons, les matériaux, machines et matériels utilisés dans la production, le stockage ou le transport de denrées alimentaires142. Le texte cadre français pour les mesures spécifiques nationales est le décret 2007-766 du 10 mai 2007 portant application du code de la consommation en ce qui concerne les matériaux et les objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires. Des mesures spécifiques ont été prises pour les matériaux et objets en contact avec les aliments pour animaux et pour les sucettes pour nourrissons (décret n°92-631 du 8 juillet 1992 modifié relatif aux matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées, produits et boissons pour l'alimentation de l'homme ou des animaux). Le règlement 1935/2004 n'intègre pas directement la notion de PE. Le principe d'inertie des matériaux qui correspond à l'absence de migration des constituants des matériaux vers les aliments, en quantités susceptibles de constituer un danger pour la nature humaine, est complété, pour des groupes de matériaux, par des mesures spécifiques visant à limiter l'exposition aux substances dangereuses pour la santé via l'adoption de listes positives de substances autorisées pour la fabrication de ces matériaux ou la fixation de limites de migration spécifiques pouvant aller jusqu'à l'absence totale de migration. Les substances figurant dans les listes positives autorisées dans l'Union européenne ou à défaut au niveau national sont les seules substances autorisées dans la fabrication des matériaux au contact des aliments. L'autorisation d'emploi d'une substance autorisée au niveau européen est délivrée par la DGS. Pour les substances ne faisant pas l'objet d'une harmonisation au niveau européen, les dossiers de demande d'autorisation de substances ou de procédés doivent être transmis par les industriels à la DGCCRF, l'évaluation scientifique étant effectuée par l'Anses. Un État membre peut prendre une mesure de sauvegarde et demander l'harmonisation au niveau européen143. Le cas particulier de l'eau destinée à la consommation humaine Bien que la directive n°98/83/CE du 3 novembre 1998 et le règlement n°305/2011/CE du 9 mars 2011 fixent des exigences relatives à l'innocuité sanitaire des matériaux et objets utilisés dans les installations de production, de distribution et de conditionnement qui entrent en contact avec l'eau
142 143
Il ne concerne pas les matériaux d'enrobage comestibles, ni les installations fixes de distribution d'eau potable. La France l'a fait en adoptant la loi n°2012-1442 du 24 décembre 2012 qui a prévu la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché des conditionnements, contenants et ustensiles comportant du bisphénol A et destinés à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires. Cette mesure modifie la loi n°2010-729 du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de BPA.
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destinée à la consommation humaine, elles ne sont pas suffisamment précises pour permettre un dispositif réglementaire européen harmonisé. Ce sont donc des textes nationaux qui définissent les conditions d'évaluation de l'innocuité sanitaire de ces matériaux et objets144. Pour leur mise sur le marché, les matériaux constitués d'au moins une partie organique en contact avec l'eau doivent disposer depuis 1999 d'une attestation de conformité sanitaire délivrée par un laboratoire habilité par le ministère de la santé, garantissant leur innocuité, sur la base de la vérification de leur formulation et d'essais de migration. Dans ce cadre, le bisphénol A est recherché en routine dans les eaux de migration. Les autres PE ne sont pas spécifiquement recherchés. Cependant, les laboratoires habilités vérifient que les matériaux organiques ne relarguent pas de substances à une concentration supérieure à 1 g/L (méthode d'analyse semiquantitative). 5.1.2.5. Le règlement publié le 5 mai 2017 cible explicitement les PE présents dans les dispositifs médicaux La directive 93/42/CEE sur les dispositifs médicaux 145, modifiée notamment en 2007146, prenait en compte plus spécifiquement les risques liés aux substances dégagées par le dispositif. Celle-ci exigeait que le fabricant porte une attention particulière aux substances carcinogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR), définissait des exigences particulières pour certains phtalates147, mais elle ne citait pas les PE. Cette directive 93/42/CEE, ainsi que la directive 90/385/CEE sur les dispositifs implantables actifs, a été abrogée par le règlement (UE) 2017/745 publié le 5 mai 2017 qui prend notamment en compte la question des perturbateurs endocriniens. Ce règlement prévoit notamment, dans son exigence 10.4 que les dispositifs médicaux 148 ne contiennent les substances CMR de catégorie 1A ou 1B ou les substances possédant des propriétés perturbant le système endocrinien 149 pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu'elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine dans une concentration supérieure à 0,1 % en fraction massique (m/m) que lorsque cela est justifié. La justification de la présence de ces substances repose notamment sur une analyse et une estimation de l'exposition potentielle du patient ou de l'utilisateur à la substance, une analyse des solutions de substitution possibles et de leur disponibilité, un argument expliquant pourquoi ces solutions ne conviennent pas pour maintenir le fonctionnement, les performances et le rapport bénéfice/risque du produit, y compris la prise en compte du fait que l'utilisation prévue des dispositifs inclut le traitement d'enfants ou de femmes enceintes ou allaitantes ou d'autres groupes de patients considérés comme particulièrement vulnérables à ces substances et/ou matériaux. La
144
Articles R.1321-48 et R.1321-49 du code de la santé publique et sur l'arrêté du 29 mai 1997 modifié relatif aux matériaux et objets utilisés dans les installations fixes de production, de traitement et de distribution des eaux destinées À la consommation humaine. Le dispositif médical est un produit de santé utilisé notamment à des fins de diagnostic, thérapeutiques, de modification de l'anatomie ou de la physiologie, ou encore de compensation du handicap. Il apporte un bénéfice en termes de santé pour le patient et son évaluation repose sur l'évaluation de son rapport bénéfice/risque dans sa destination. Arrêté du 15 mars 2010 fixant les conditions de mise en oeuvre des exigences essentielles applicables aux dispositifs médicaux, pris en application de l'article R. 5211-24 du code de la santé publique. Un arrêté du 15 mars 2010 précise notamment les dispositions concernant les phtalates dans les dispositifs médicaux. Le champ couvre les dispositifs, ou les parties de dispositifs ou matériaux utilisés qui sont invasifs et entrent en contact direct avec le corps humain, ou sont destinés à (ré)introduire et/ou prélever un médicament, des fluides corporels ou d'autres substances dans le corps, ou sont destinés à transporter ou stocker des médicaments, des fluides corporels ou d'autres substances destinés à être (ré)introduits dans le corps. Les substances possédant des propriétés perturbant le système endocrinien auront été identifiées soit conformément à la procédure prévue à l'article 59 du règlement (CE) no 1907/2006 (REACH), soit conformément aux critères pertinents pour la santé humaine parmi ceux établis dans l'acte délégué qui aura été adopté par la Commission en application de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement (UE) no 528/2012 (biocides).
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justification repose également, s'il en existe, sur les orientations les plus récentes du comité scientifique concerné150. En ce qui concerne les orientations relatives aux phtalates, une saisine est prévue dans le règlement pour élaborer des orientations avant le 26 mai 2020. Enfin, des exigences en termes d'étiquetage et d'information sont prévues lorsque les dispositifs cités précédemment contiennent ces substances dans une concentration supérieure à 0,1% en fraction massique (m/m).
5.1.3. La réglementation relative à la qualité de l'eau permet de surveiller des substances PE
Le cadre réglementaire concernant la qualité de l'eau (au sens des ressources en eau et des milieux aquatiques) porte sur des substances à effet PE sans pour autant qu'une référence explicite soit toujours faite aux perturbateurs endocriniens. Pour ce qui est des substances devant être tout particulièrement considérées comme pouvant entraîner une pollution151, la directive cadre sur l'eau (DCE) 2000/60/CE prévoit que la Commission réexamine régulièrement la liste des substances prioritaires au sens de l'article 16, paragraphe 4, de la directive, dont certaines sont classées comme des substances dangereuses prioritaires. Il faut progressivement réduire le rejet des unes et cesser celui des autres, et prendre d'autres mesures de surveillance. En particulier, le contrôle de ces substances doit s'appuyer sur la définition de normes de qualité environnementales (NQE) qui fixent des limites de concentration dans les milieux aquatiques que les États membres doivent faire respecter. C'est une des directives-filles de la DCE, la 2008/105/CE, qui a fixé ces normes. Elle a aussi prescrit d'autres mesures pour la limitation, la maîtrise et le suivi de leurs rejets. Elle prévoit également d'identifier des substances devant être classées dans la liste de vigilance (article 8 ter, paragraphe 2). La directive 2013/39/UE a modifié ces deux textes. Elle a ajouté douze nouvelles substances ainsi que leurs NQE. Elle a révisé les NQE établies pour certaines substances listées dans la version initiale de la DCE. Elle a enfin étendu ce système, jusqu'à présent limité à l'eau, à d'autres éléments des milieux aquatiques, qui peuvent être par exemple les sédiments, les poissons, les mollusques ou les crustacés, selon ce qui est pertinent localement (voir annexe n°3 § 4.1.1). La Commission doit également examiner les paramètres de qualité des eaux destinées à la consommation humaine selon l'article 11, paragraphe 1, de la directive 98/83/CE du Conseil du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.
5.2. L'enjeu d'une définition européenne des perturbateurs endocriniens
En mars 2012, l'ANSES avait publié un avis relatif à une demande d'appui scientifique concernant la révision de la stratégie européenne relative aux PE. Il est mentionné dans la SNPE qu'en fonction des conclusions des expertises, les substances concernées devront faire l'objet de mesures réglementaires adaptées, portées en priorité au niveau européen et visant à réduire l'exposition de la population et de l'environnement. A cet effet, la France s'impliquera fortement pour l'adaptation de la réglementation européenne aux spécificités des perturbateurs endocriniens. Il est ainsi clairement indiqué que « la France demande une définition européenne cohérente avec les spécificités toxicologiques et écotoxicologiques des perturbateurs endocriniens, fondée sur les propriétés intrinsèques de danger, sans prise en compte de la « potency », et établissant 3 catégories (« avéré », « présumé », « suspecté ») en fonction du degré de certitude sur ces propriétés. La définition doit être adaptée aux modes d'actions des perturbateurs endocriniens (action à très faible dose, fenêtre d'exposition, etc.) ».
150 151
Scientific Commitee on Health, Environmental and Emerging Risks (SCHEER) Article 2, paragraphe 31, et annexe VIII, point 4, de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.
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Cette volonté d'aboutir à une définition européenne des perturbateurs endocriniens (PE) a été confirmée lors de la table-ronde santé-environnement de la Conférence environnementale des 27 et 28 novembre 2014. La mesure n°64 de la feuille de route gouvernementale résultant de la conférence prévoit que « Les autorités françaises demanderont à l'Union européenne d'accélérer ses travaux sur une définition des perturbateurs endocriniens, sur la base de la proposition adoptée en France en avril dernier. Elles se joindront au recours en carence engagé par la Suède contre la Commission européenne, qui n'a pas respecté les échéances fixées dans les règlements, alors qu'il est nécessaire de rendre opérationnelles au plus vite les mesures de restrictions prévues par plusieurs législations européennes ». L'adoption d'une définition et de critères réglementaires européens sur les perturbateurs endocriniens est également mentionnée dans le PNSE 3 (action n°69), ainsi que dans l'action 1.13 « Rechercher une amélioration du cadre réglementaire au niveau européen » du plan santé-travail 2016-2020 (PST3). La table-ronde santé-environnement de la conférence environnementale des 25 et 26 avril 2016 a de nouveau réaffirmé la volonté de porter la position française et sa stratégie sur les perturbateurs endocriniens au niveau de l'Union européenne dans le cadre de l'objectif 12a de la feuille de route gouvernementale qui porte sur la limitation de l'exposition des populations aux substances chimiques préoccupantes.
5.2.1. Les carences de la Commission européenne
5.2.1.1. Des règlements inapplicables en l'absence de définition juridiquement opposable des PE Les règlements européens sur les substances chimiques qui mentionnent explicitement les perturbateurs endocriniens (biocides, produits phytopharmaceutiques) ont introduit une mesure réglementaire d'exclusion des perturbateurs endocriniens. La mise en oeuvre de cette mesure renvoie à un texte sur la définition et les critères d'identification des perturbateurs endocriniens que la Commission européenne devait publier avant la fin de l'année 2013. La Commission s'est estimée incapable de le proposer pour cette date, mais elle a pris l'engagement, dans le 7ème programme d'action pour l'environnement 2013-2020 de mettre au point des critères harmonisés d'identification des perturbateurs endocriniens fondés sur le danger152. Dans l'attente de l'adoption officielle de critères, sont considérées comme ayant des effets perturbateurs endocriniens les substances qui sont ou doivent être classées parmi les agents cancérogènes de catégorie 2 et toxiques pour la reproduction de catégorie 2. Cette approche par défaut vaut pour les règlements biocides et pesticides, les autres règlements faisant appel à des approches au cas par cas, sans définition. 5.2.1.2. Une absence de définition qui a justifié la condamnation de la Commission européenne en décembre 2015 Les critères n'ayant pas été adoptés avant la date butoir du 13 décembre 2013 qui figure à l'article 5 du règlement (UE) n°528/2012 sur les biocides, un recours en carence a été initié par la Suède pour faire reconnaître une infraction au droit de l'Union européenne. D'autres États membres la France, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas se sont associés à la plainte de la Suède, également rejoints par le Conseil européen et le Parlement européen.
152
Le 7ème programme pour la protection de l'environnement avait appelé la Commission à adopter des critères d'identification des perturbateurs endocriniens, applicables dans le cadre de toutes les réglementations européennes, ce qui ne s'est pas concrétisé. La feuille de route de la commission européenne de juin 2014 prévoyait la définition de critères d'identification des PE dans le contexte de la mise en oeuvre des règlements sur les phytosanitaires et les biocides. Le débat sur les critères pour la réglementation sur les pesticides devait probablement influencer une future discussion de critères horizontaux.
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Dans un arrêt du 16 décembre 2015, le Tribunal de l'Union européenne a condamné la Commission européenne pour son inaction à définir ces critères dans le cadre du règlement relatif aux produits biocides. 5.2.1.3. Le 15 juin 2016, la commission soumet 4 options pour définir les PE Au premier semestre 2016, sous une pression politique forte, notamment des autorités françaises, ce sujet a été mis à l'ordre du jour de plusieurs Conseils des ministres européens. Le Conseil environnement du 4 mars 2016 a d'ailleurs voté une déclaration soulignant l'importance du sujet. Le 15 juin 2016, la Commission a publié une communication 153 sur les critères d'identification des perturbateurs endocriniens et plusieurs textes visant à proposer un projet d'amendement des règlements en vigueur relatifs aux produits biocides et aux produits phytopharmaceutiques. L'analyse d'impact (SWD(2016)211) qui accompagnait cette communication, présentait quatre options de critères scientifiques pour identifier les substances ayant des propriétés perturbant le système endocrinien154 : - option 1: statu quo en conservant les critères provisoires (scénario de référence) ; - option 2: définition de l'OMS pour identifier les perturbateurs endocriniens ; - option 3: utilisation de la définition de l'OMS pour identifier les perturbateurs endocriniens et introduction de catégories supplémentaires fondées sur les éléments de preuve ; - option 4: utilisation de la définition de l'OMS pour identifier les perturbateurs endocriniens et prise en compte de la puissance comme élément de caractérisation du danger. 5.2.1.4. Qui suscitent des positions divergentes de la part des États membres Les États-membres de l'UE se sont montrés divisés sur le choix de ces options. L'industrie chimique et les agriculteurs privilégiaient l'option 4, alors que les ONG actives dans les domaines de la santé, de la défense de l'environnement et des consommateurs plaidaient en faveur de critères européens uniquement fondés sur le danger, lesquels comprendraient également des catégories supplémentaires basées sur les différents éléments de preuve nécessaires pour correspondre à la définition de l'OMS (option 3).
5.2.2. L'ANSES publie le 19 juillet 2016 un avis relatif à la définition des critères scientifiques définissant les PE
A la suite d'une saisine en date du 19 mai 2016 de la ministre en charge de l'environnement, l'Anses a publié le 19 juillet 2016 un avis relatif à « la définition des critères scientifiques définissant les perturbateurs endocriniens ». Cet avis a été actualisé par une note du 1er décembre 2016. L'avis de l'Anses relève que plutôt qu'une seule définition applicable à toutes les réglementations, la Commission propose des aménagements limités aux règlements biocides et phytopharmaceutiques alors qu'il y a nécessité d'un texte unique et harmonisé de critères de catégorisation applicable à l'ensemble des substances quels que soient les usages des substances. Il rappelle que la définition des PE (OMS / IPCS 2002) comporte deux parties dont les PE « suspectés » (potential endocrine disruptor). L'Agence insiste sur la nécessité de ne pas dissocier ces deux composantes et de retenir une identification des PE en plusieurs catégories, alors que l'option retenue par la CE ne prévoit qu'une seule catégorie. Cette position aboutit à une identification réglementaire très stricte avec un niveau de preuve attendu très élevé, sans aucune
153
Communication (COM (2016)350) de la Commission au Parlement et au Conseil sur les perturbateurs endocriniens et les projets d'actes de la Commission visant à définir des critères scientifiques pour leur détermination dans le cadre de la législation de l'UE relative aux produits phytopharmaceutiques et aux produits biocides. Selon un tableau figurant en page 293 de l'étude d'impact, le nombre de substances actives encore approuvées qui seraient identifiées comme PE serait respectivement de 42 dans l'option 1, 26 dans les options 2 et 3, 11 dans l'option 4.
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incertitude permise alors que souvent l'état des connaissances ne permet pas de conclure de façon ferme et définitive à un instant donné malgré un faisceau de présomptions. L'approche de la Commission conduirait à identifier peu de substances comme PE alors que des modèles ou protocoles expérimentaux155 utilisés dans des études de bonne qualité permettraient d'identifier des substances PE ou potentiellement PE. A l'image de ce qui est fait pour les substances cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR), les experts recommandent une approche graduée pour mieux prendre en compte les incertitudes et faciliter le jugement d'experts. Dans ses conclusions, l'Anses recommande de retenir la définition et les critères d'identification des perturbateurs endocriniens de l'option 3 de la Commission européenne, ce qui permet de distinguer les perturbateurs endocriniens en trois catégories : « avérés », « présumés » et « suspectés »156. Il convient d'identifier un PE indépendamment de son usage, c'est-à-dire en ne tenant pas compte de la notion d'organisme cible ou non-cible. Les substances devraient être classées PE indépendamment du fait qu'elles soient PE pour l'Homme ou PE pour l'environnement. L'Anses préconise que la classification des perturbateurs endocriniens soit réalisée par une instance européenne unique, de manière à éviter tout risque de divergence de classification pour une substance donnée. Les modalités d'autorisation des substances par différents comités s'appuieraient ainsi sur une base commune d'identification des dangers. Le niveau de preuve nécessaire à l'inclusion dans chacune des catégories et le type d'étude utilisable pour évaluer le niveau de preuve devraient être précisés dans un guide technique basé sur des outils déjà disponibles (stratégies de tests de l'OCDE). Cet avis de l'Anses a été endossé par les autorités françaises qui ont part à la Commission de leur position, conforme à la SNPE, dans trois notes du 29 juillet 2016, 13 décembre 2016 et du 27 février 2017 que l'on peut ainsi résumer : - la définition et les critères d'identification des PE doivent être identiques dans toutes les réglementations sectorielles ; - la définition doit prendre en compte les dangers intrinsèques des substances, les éléments socio-économiques n'intervenant qu'ultérieurement au stade de la mesure de gestion ; - au sein d'une classe d'identification « perturbateur endocrinien » des critères doivent permettre de différencier cette classe en catégories, selon que le danger pour l'homme ou les autres organismes vivants est avéré, présumé ou suspecté ; - la notion de « puissance » (potency) ne doit pas être prise en compte, car elle est incompatible avec le phénomène d'effets à très faible dose et les courbes « dose-réponse non monotone ».
5.2.3. La proposition de la Commission européenne a été adoptée pour les biocides, mais rejetée par le Parlement pour ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques
Finalement à la suite d'une évolution de la position française, le Comité sur les produits phytopharmaceutiques a approuvé le 4 juillet 2017 les critères proposés par la Commission au titre du règlement (CE) n°1107/2009.
155
La standardisation des protocoles pour identifier les effets néfastes et de nombreux mécanismes d'effets de perturbation endocrinienne est un processus long qui conduit à un décalage entre les avancées scientifiques et leur reconnaissance au niveau international. Ces carences sont connues (OCDE) pour les mécanismes d'action non stéroïdiens et sont plus évidentes encore pour ce qui concerne les cibles environnementales. Cette option permet une meilleure prise en compte des modes d'action et des données issues des études in vitro. Elle permet une application réglementaire souple et adaptée, un encadrement différencié suivant les usages et les populations exposées. Par exemple dans la réglementation sur les phytosanitaires seraient interdits les PE avérés et présumés, en revanche les PE suspectés feraient l'objet d'un encadrement basé sur le risque.
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Toutefois, la réglementation pesticides a donné à la Commission un pouvoir précisément délimité. La Commission a seulement le droit d'adopter des critères scientifiques d'identification des perturbateurs endocriniens et de modifier des éléments non-essentiels de la réglementation. Or, selon plusieurs analyses157, la Commission a voulu modifier un élément essentiel de la réglementation pesticide en ajoutant une clause qui revient à autoriser les substances qui perturbent intentionnellement le système endocrinien des insectes ciblés par le pesticide, même si la substance a aussi un impact négatif sur des espèces non cibles. Ce point a conduit les parlementaires européens à rejeter 158, le 4 octobre 2017, la définition des perturbateurs endocriniens proposée par la Commission européenne qui va devoir proposer une nouvelle définition sur laquelle les États membres devront à nouveau se prononcer. Le ministre français en charge de l'environnement a demandé le 10 octobre à la Commission européenne de retirer l'exemption accordée aux pesticides conçus pour agir sur le système endocrinien de leurs cibles. Il est possible que la Commission suive cette proposition, mais il n'est pas acquis qu'elle puisse recueillir une majorité qualifiée pour son adoption. La situation est différente pour ce qui concerne les produits biocides. La Commission a présenté, le 4 septembre 2017, un acte délégué qui définit des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, mis au point après sept réunions de consultation des représentants des autorités compétentes en matière de produits biocides. Le Parlement européen n'a pas proposé de projet de résolution dans le délai de deux mois ni demandé de délai supplémentaire. En conséquence, depuis le 4 novembre 2017, l'acte délégué pouvait être publié. Cette publication au Journal officiel de l'Union européenne est intervenue le 17 novembre 2017. Le règlement ainsi modifié entrera en vigueur vingt jours après sa publication et sera applicable six mois après son entrée en vigueur, soit à partir du 7 juin 2018.
5.3. Exclure les substances à effet perturbateur endocrinien
La SNPE rappelle que l'encadrement des substances dans les articles est régi par plusieurs règlements européens, qui permettent des règles de sécurité harmonisées sur le marché commun. Elle prévoit que la France, s'appuyant sur l'expertise des agences sanitaires, sera force de proposition pour des mesures de limitation des substances dangereuses dans les articles de consommation et soutiendra l'accélération de l'action européenne et les propositions des autres États membres en vue de mesures de gestion rapides et proportionnées. La SNPE indique que « la France fera de plus l'usage du pouvoir d'initiative prévu par les règlements européens pour proposer les mesures qui apparaîtront nécessaires : en 2014, une proposition française de restriction du bisphénol A dans les papiers thermiques (tickets de caisse) est déjà en cours d'examen au niveau européen. La France a également proposé en 2013 le réexamen de l'approbation de 21 substances actives phytopharmaceutiques en raison de leurs propriétés de danger ». Le PNSE3 a confirmé que « la France appellera à la pleine mise en oeuvre des clauses d'exclusion des perturbateurs endocriniens dans les règlements phytopharmaceutiques et biocides, et à l'adoption de mesures progressives adaptées en fonction des preuves disponibles pour les perturbateurs endocriniens « présumés » ou « suspectés ».
5.3.1. Une forte mobilisation de la France sur le bisphénol A
La mesure concernant le bisphénol A qui est mentionnée dans la SNPE, est également l'objet de l'action n°68 du PNSE3 « restreindre l'utilisation du BPA dans les papiers thermiques (tickets de
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Lors du Conseil environnement du 17 octobre 2016, la France avait estimé que cette disposition relevait du pouvoir législatif et non pas de la Commission. Le Parlement européen peut exercer un droit de veto sur une proposition de la Commission validée par le Conseil. Ainsi, le parlement s'est prononcé par 389 votes contre l'adoption de la proposition de la Commission, 235 votes étant favorables et 70 abstentions.
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caisse, reçus de carte bancaire ». Le dépôt de dossiers de restriction auprès des instances de l'Union européenne constitue l'indicateur de moyens de l'action. 5.3.1.1. Le bisphénol A reconnu comme substance extrêmement préoccupante est interdit dans les tickets thermiques Le bisphénol A (BPA) est une substance chimique de synthèse utilisée depuis plus de 50 ans notamment dans l'industrie du plastique. Une soixantaine de secteurs d'activité sont potentiellement utilisateurs de cette substance en France. L'ANSES a été saisie en 2009 par la Direction générale de la santé afin d'identifier et de caractériser des situations d'exposition potentiellement à risque pour la santé, notamment des populations les plus vulnérables, liées à l'utilisation de produits de consommation courante et/ou d'articles contenant certaines substances chimiques. La demande portait sur une trentaine de substances (dont le BPA) classées reprotoxiques de catégorie 2 ou identifiées comme potentiellement perturbateurs endocriniens par la Commission européenne (voir annexe 4). Les deux premiers rapports publiés dans ce cadre, en septembre 2011, sont relatifs aux usages du BPA et aux effets sur la santé. L'Agence identifiait à cette occasion un objectif prioritaire : la prévention des expositions des populations les plus sensibles (nourrissons, jeunes enfants et femmes enceintes ou allaitantes). Elle recommandait une réduction de ces expositions, notamment par la substitution du bisphénol A dans les matériaux au contact des denrées alimentaires. Le rapport d'expertise sur l'évaluation des risques liés à l'exposition au bisphénol A, publié au mois d'avril 2013, a confirmé ces effets sanitaires, en particulier pour la femme enceinte au regard des risques potentiels pour l'enfant à naître. Ces travaux ont conduit à identifier la part des expositions par voie alimentaire (80%) mais aussi l'existence d'une exposition par inhalation (via l'air ambiant) et par voie cutanée (au contact de produits de consommation). Des situations d'exposition particulières au milieu de travail, notamment liées à la manipulation de papiers thermiques (tickets de caisse, reçus de cartes bancaires), ont également été mises en évidence. Les travaux de l'Agence sur les usages et les effets sanitaires du bisphénol A l'ont conduit à recommander une réduction des expositions de la population, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires. A la suite de deux initiatives parlementaires, depuis le 1er janvier 2015, le bisphénol A est interdit en France, d'une part dans les biberons (loi du n°2010-729 30 juin 2010) et, d'autre part, dans les matériaux en contact direct avec des denrées alimentaires (loi n°2012-1442 du 24 décembre 2012)159. Cependant, suite à une question prioritaire de constitutionnalité 160 portée par la fédération professionnelle Plastic Europe, la loi du 24 décembre 2012 ne porte plus que sur la suspension de l'importation et de la mise sur le marché en France des conditionnements, contenants et ustensiles comportant du bisphénol A et destinés à entrer en contact direct avec des denrées. La Commission européenne a adopté en mars une décision harmonisée d'interdiction du BPA dans les biberons dans l'ensemble des pays européens. Conformément à ce qui était inscrit dans la SNPE, les autorités françaises ont porté un dossier de restriction du BPA dans les tickets de caisse et autres tickets à impression thermosensible, au titre
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La loi du 24 décembre 2012 a prévu la suspension au 1er janvier 2015 de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché des conditionnements, contenants et ustensiles comportant du bisphénol A et destinés à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires. Elle modifie la loi du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de BPA qui avait pris effet le 1er janvier 2013 pour tout conditionnement, contenant ou ustensile destiné aux nourrissons et enfants en bas-âge. La décision QPC n°2015-480 du Conseil Constitutionnel du 17 septembre 2015 a conduit à exclure de la loi n°2010729 du 30 juin 2010 modifiée par la loi n° 2012-1442 du 24 décembre 2012, la suspension de la fabrication et de l'exportation de tout conditionnement, contenant ou ustensile comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec toutes les denrées alimentaires. Cette suspension a été validée par le Conseil d'État le 7 décembre 2016.
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du règlement concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques (REACH). Dans un premier temps, sur proposition de l'Anses soumise à l'ECHA, le BPA a été classé toxique pour les organes de la reproduction de catégorie 1B. Le comité d'évaluation des risques de l'agence européenne des produits chimiques a reconnu le risque pour les agents de caisse et conclu que les enfants à naître de femmes agents de caisse devaient absolument être protégés. En outre, le comité n'a pas écarté les risques pour la population en général. A la suite de cette proposition française, une mesure de restriction de l'utilisation du BPA dans certains articles destinés au grand public, comme les tickets thermiques, a été adoptée par la Commission européenne en décembre 2016161dans le cadre de REACH. En février 2017, l'Anses a soumis auprès de l'ECHA une proposition de classement du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante (SVHC-substance of very high concern) dans le cadre du règlement REACH, au titre de ses propriétés de perturbateur endocrinien pour la santé humaine. Cette proposition a été adoptée par le comité des Etats membres de l'ECHA. Cette décision a pour conséquence une obligation pour l'industrie de notifier à l'ECHA la présence de la substance dans les articles fabriqués ou importés et d'informer l'acquéreur d'un article de la présence de BPA. L'objectif fixé par la SNPE de restriction du bisphénol A dans les papiers thermiques a donc été atteint et son inscription sur la liste de l'ECHA des substances extrêmement préoccupantes ouvre également la possibilité que le BPA soit soumis à autorisation en tant que substance, conditionnant ses usages à l'octroi d'une autorisation temporaire et renouvelable. 5.3.1.2. L'évaluation de l'effet de ces mesures reste à effectuer Dans son avis du 1er décembre 2016 sur les objectifs et les indicateurs des résultats attendus du PNSE3, le Haut conseil de santé publique (HCSP) a proposé que l'action n°68 sur la restriction de l'utilisation du BPA dans les papiers thermiques soit assortie d'un objectif : « Réduire l'exposition en milieu de travail des employés manipulant des papiers thermiques sans entraîner d'augmentation de l'exposition à d'autres PE suspectés ou avérés (comme le bisphénol S) ou à d'autres substances préoccupantes ». L'ambition proposée vise la réduction, à échéance du PNSE3, de 50% du niveau d'imprégnation des personnels concernés par rapport au niveau mesuré en 2014. Le HCSP a proposé une nouvelle étude de biosurveillance à réaliser avant 2019 parmi les agents de caisse manipulant des tickets de caisse (incluant le BPA mais aussi les autres bisphénols et substituts potentiels du BPA). Aucune suite ne semble avoir été donnée pour l'instant à cette proposition.
5.3.2. La commission européenne n'a pas donné suite à la demande de réexamen de l'approbation de 21 substances phytopharmaceutiques
Ainsi que cela est mentionné dans la SNPE, les autorités françaises ont adressé une note le 16 mai 2013 à la Commission européenne (unité E3 DG SANCO) afin de demander à la Commission de bien vouloir faire procéder de manière accélérée et prioritaire à l'évaluation des substances actives suspectées de ne pas satisfaire aux critères d'approbation prévus à l'article 4 du règlement (CE) n° 1107/2009 en vue du renouvellement éventuel de leur approbation. Dans l'attente des conclusions, les autorités françaises souhaitaient que ces substances soient considérées comme des substances dont on envisage la substitution et incluses sur la liste prévue à l'article 80(7) du règlement sus-mentionné.
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La Commission européenne a également adopté en juillet 2016 une proposition de révision du classement du BPA en tant que toxique pour la reproduction (fertilité) catégorie 1B transmise par la France en 2012.
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Dans un premier temps, cette demande portait sur 21 substances actives162. Dans un second temps, une demande analogue était formulée pour les substances susceptibles de répondre aux critères fixés aux points 3.7. de l'annexe II du règlement 1107/2009. La Commission européenne n'a pas donné de suite favorable à cette demande. Depuis 2013, l'approbation de 7 de ces 21 substances n'a pas été renouvelée à la date d'expiration. Parmi les 14 substances restantes, trois d'entre elles répondent aux critères d'exclusion en raison de propriétés de perturbateur endocrinien : le chlorotoluron (herbicide dont l'approbation expire le 31 octobre 2018), la dimoxystrobine (fongicide autorisé jusqu'au 31 janvier 2018), l'epoxiconazole (fongicide approuvé jusqu'au 30 avril 2019)163. De plus, deux autres substances relevant du règlement 1107/2009 et non identifiées dans la liste transmise en 2013, le thiaclopride (insecticide autorisé jusqu'au 30 avril 2018) et le profoxydim (herbicide dont l'autorisation expire le 31 juillet 2021) présentent des propriétés PE qui devraient également conduire à leur exclusion. Ces exclusions devraient intervenir au stade du réexamen de l'approbation de la substance, à l'expiration de la période actuelle d'approbation, sous réserve que l'évaluation confirme les caractères de perturbation endocrinienne.
5.3.3. Les procédures européennes ont provoqué des restrictions d'usage d'autres substances du fait de leur caractère PE
Outre l'action en vue de l'adoption d'une mesure de restriction pour le bisphénol A, le PNSE3 prévoit que « La France soutiendra les propositions des autres États membres tendant à la réduction de certaines substances dans des articles. Ainsi, elle soutiendra la proposition de restriction des nonylphénols (substance identifiée comme perturbateur endocrinien, notamment pour l'environnement) dans les textiles. Elle soutiendra également le principe d'une restriction large des composés perfluorés (dont certains sont suspectés d'être perturbateurs endocriniens et/ou persistants, bioaccumulables et toxiques) dont l'Allemagne a annoncé le dépôt avant fin 2014 ». Quelques substances classées comme extrêmement préoccupantes ont fait l'objet de mesures de restriction à l'échelon européen en raison de leurs propriétés PE : - une mesure de restriction a été prise pour les nonylphenol ethoxylates qui ne doivent plus être utilisés à des concentrations supérieures à 0,01 % du poids d'articles textiles mis sur le marché après le 3 février 2021 ; - une proposition du Danemark et de l'ECHA visant à restreindre l'utilisation de plusieurs phtalates (DEHP, DBP, DIBP et BBP) dans des articles de consommation 164 a été adoptée le 20 juin 2017 par le comité de l'analyse socio-économique de REACH. La restriction s'applique à des articles en PVC souple tels que des revêtements de sol, des tissus et papiers enduits, des équipements récréatifs, des matelas, des chaussures, des fournitures et équipements de bureau et d'autres articles moulés ou revêtus de PVC souple et impliquant une exposition par voie cutanée ou voie respiratoire. Certaines dérogations sont proposées, notamment pour certaines parties, produits ou appareils d'aéronef et pour certains articles de véhicules automobiles. La restriction proposée s'appliquera trois ans après l'entrée en vigueur de la modification de l'Annexe XVII du règlement REACH.
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Substances susceptibles de ne pas répondre aux critères fixés aux points 3.6. de l'annexe II du règlement 1107/2009 et dont l'exclusion était programmée : Amitrole (aminotriazole), Bromoxynil (phénol), Chlorotoluron, Cyproconazole, Dimoxystrobin, Epoxyconazole, Fenpropimorph, Flumioxazine, Flusilazole, Glufosinate, Ioxynil, Isoxaflutole, Linuron, Mancozeb, Maneb, Metconazole, Myclobutanil, Oxadiargyl, Propyzamide, Tebuconazole, Warfarine (aka coumaphène). Une tentative de retrait avait été engagée à la suite du Grenelle de l'environnement, mais un arrêt du Conseil d'État a annulé ce retrait à la suite d'un contentieux initié par BASF. Ce comité est chargé de préparer les avis de l'agence européenne des produits chimiques sur les demandes d'autorisation et de restriction de substances. La décision finale relève d'un comité de la Commission européenne.
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5.4. Le soutien des démarches de substitution de substances à effet PE reste embryonnaire
La SNPE prévoit : « en complément des mesures réglementaires, la France accompagnera par ses dispositifs de soutien à l'innovation les industriels dans leurs démarches de substitution de substances dangereuses ». Cette orientation générale a été reprise dans l'action n°67 du PNSE3 « soutenir les travaux liés à la substitution des substances perturbateurs endocriniens » qui porte sur un soutien à l'innovation industrielle et la mise en place de partenariats public-privé afin d'encourager le remplacement de ces substances et de restreindre leur utilisation165. Elle a surtout été précisée dans la feuille de route gouvernementale issue de la table-ronde santéenvironnement de la Conférence environnementale des 27 et 28 novembre 2014 qui prévoit au titre de l'objectif n°8 (réduire l'exposition aux perturbateurs endocriniens) une mesure n°66 qui concerne la substitution des perturbateurs endocriniens au travers de deux mesures : a) un groupe de travail définira en 2015 une méthodologie d'évaluation des solutions de substitution tenant compte des principaux critères décisionnels (faisabilité technicoéconomique, risques sanitaires et environnementaux...) ; b) afin de mobiliser les outils de financement d'études sur la substitution des perturbateurs endocriniens, les principaux industriels concernés pourront déposer des projets collaboratifs dans le cadre des appels à projets du fonds unique interministériel. Les projets devront recevoir le label d'un pôle de compétitivité.
5.4.1. La méthodologie d'évaluation des solutions de substitution devrait être publiée pour fin 2017
La substitution d'une substance suspectée d'avoir un effet PE est prévue par les réglementations européennes et encouragées par les États membres. Elle fait également l'objet de démarches volontaires de certaines entreprises. Ce n'est pas une opération simple. Les solutions ou technologies alternatives doivent être technologiquement réalistes et économiquement viables, pour qu'elles puissent être pérennes. Il est également nécessaire de s'assurer que les substituts ne présentent pas de risques non maîtrisés pour la santé et l'environnement. Par une lettre du 8 février 2016, le directeur général de la prévention des risques a confié à l'INERIS et au MEDEF la mission de coprésider un groupe de travail sur la substitution en charge de l'élaboration d'un guide méthodologique conçu comme un outil d'aide à la décision permettant une revue critique de l'ensemble des étapes conduisant à la qualification finale des options de substitution. L'adoption finale du projet était prévue mi 2016. Constitué de représentants des différentes parties prenantes (élus, ministères, entreprises, associations, scientifiques), le groupe de travail a tenu sa première réunion le 7 avril 2016. Au cours de ses travaux, le groupe a notamment traité des contraintes en termes de recherche et développement ; de validation ou de qualification des solutions retenues 166 ; d'adaptation des outils industriels à de nouveaux procédés et de temps pour la réalisation de l'ensemble de ces travaux167. Pour une fonctionnalité donnée, la méthode propose d'évaluer différents critères liés
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Dans la pratique cette action pilotée par la DGPR et la DGE, en partenariat avec l'INERIS et le CGDD-DRI, semble confondue avec l'action n°13 du PNSE3 qui concerne la plateforme de validation des méthodes de test des substances. Il faut vérifier, d'une part, que la solution de substitution permet une amélioration de la maîtrise des risques pour la santé et l'environnement (en particulier sans entraîner l'apparition de nouveaux risques) et, d'autre part, que la solution de substitution répond aux exigences de validation technique. En fonction des contraintes techniques (norme...) et/ou réglementaires (autorisation de mise sur le marché...), la réussite du processus de substitution peut prendre plusieurs années, le résultat n'étant absolument pas garanti au moment où les entreprises engagent les activités de R&D.
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aux dangers, risques et impacts de la substitution et aux enjeux socio-technico-économiques qu'elle implique. Le guide aborde également le processus de substitution. Si la validation du projet de guide n'est pas intervenue à l'échéance fixée par le DGPR, la mission a pu prendre connaissance d'un projet finalisé de guide daté de mai 2017 qui devait être soumis à l'avis du groupe « risques à forte incertitude de suivi » du PNSE 3 lors de sa séance du 5 octobre 2017. Par ailleurs, l'INERIS a mis en place un service national d'assistance à la substitution des substances chimiques. Ce site web apporte un appui aux acteurs économiques engagés dans une démarche de substitution afin de promouvoir la diffusion et le partage d'informations. Le site propose actuellement des informations fournies par les entreprises sur les alternatives disponibles pour deux familles de substances, les bisphénols et les phtalates. Elles sont illustrées par des applications concrètes, également issues du monde industriel. Une newsletter synthétise les actualités les plus récentes identifiées à travers un travail de veille active.
5.4.2. Le soutien public à la substitution ne s'est pas concrétisé, faute d'appel à projet adapté
La mesure prévue par la Conférence environnementale de 2014 visait à coordonner les actions des industriels confrontés à la nécessité de substituer à terme des perturbateurs endocriniens dans leurs produits ou leurs procédés de fabrication par d'autres substances, et à leur permettre de déposer des demandes d'aides financières168 dans le cadre du fonds unique interministériel (FUI) après labellisation des projets par un pôle de compétitivité, ce qui est un passage obligé de l'instruction des dossiers du FUI. Outre le financement par le FUI de projets collaboratifs, le développement de substituts aux PE était susceptible de s'appuyer sur d'autres dispositifs génériques de soutien à l'innovation, tels que : - le financement des plateformes mutualisées d'innovation en lien avec les pôles de compétitivité ; - le financement des instituts d'excellence dans le domaine des énergies décarbonées qui sont des plates-formes interdisciplinaires169 ; - le programme investissements d'avenir (PIA) qui permet de soutenir des projets dans le cadre d'appels thématiques. Si le premier PIA a soutenu en 2010 et 2011, avant le lancement de la SNPE, la création de cohortes dont certaines ont servi de support à des actions de biosurveillance en relation avec des modes d'action PE, la mission n'a pas identifié de projet de substitution de substances PE ayant bénéficié de ce mode de financement faute notamment d'appel à projet adapté.
5.5. Bien que non citées dans la SNPE, des actions de contrôle ont été menées sur des produits susceptibles de contenir des substances à effets PE
La SNPE ne prévoit pas d'actions de contrôle du marché de produits susceptibles de contenir des perturbateurs endocriniens. Cependant, des actions de contrôle sont réalisées dans le cadre des orientations générales du plan national d'enquêtes établi chaque année par la DGCCRF 170 et mis en oeuvre au travers d'enquêtes annuelles qui touchent tous les secteurs de la production, de la distribution et des services. Le contrôle du respect de la réglementation au regard des PE suppose
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La Direction générale des entreprises a produit en 2014 une plaquette recensant les outils économiques permettant aux entreprises d'être accompagnées dans leur projet de substitution de substances chimiques préoccupantes. Par exemple l'INDEED (l'Institut national pour le développement des écotechnologies et des énergies décarbonées), PIVERT (Picardie innovations végétales, enseignements et recherches technologiques), l'IFMAS (l'Institut français des matériaux agro-sourcés). Pour les produits importés, les contrôles sont de la compétence de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI)
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bien évidemment que celle-ci soit stabilisée. Les matériaux en contact des denrées alimentaires, les jouets, les produits chimiques et les cosmétiques font l'objet de plans de contrôle. Pour ce qui concerne plus particulièrement les cosmétiques, le contrôle de l'étiquetage et des allégations est assuré par la DGCCRF alors que celui des processus de production relève de l'ANSM. Cette agence est également en charge du contrôle des dispositifs médicaux. En complément de ces actions de contrôle de la réglementation, l'INERIS a réalisé sur financement de la DGPR, une étude dédiée à l'identification de la présence de substances PE dans les articles de puériculture et les jouets pour les très jeunes enfants pour définir des stratégies de gestion. Ce travail est poursuivi sur quelques couples matériau/article parmi les plus significatifs : nylon/sous-vêtements, polyester/matelas et polyesters/sorties de bains. Sur chacun de ces couples, l'INERIS a recherché et identifié les substances potentiellement perturbatrices endocriniennes les plus employées. Ces études sont susceptibles de pouvoir orienter des actions de contrôle.
5.5.1. La DGCCRF a contrôlé la sécurité des jouets vis-à-vis des phtalates
Les jouets font l'objet d'une attention toute particulière au regard des PE puisque l'action n°66 du PNSE3 vise à « rechercher des substances perturbateurs endocriniens dans les jouets et articles de puériculture via des prélèvements d'échantillons et des analyses en laboratoire et à mettre en oeuvre des mesures de gestion en fonction des résultats ». Cette action est mise en oeuvre dans le cadre d'un plan de contrôle annuel de la DGCCRF destiné à vérifier le respect de la réglementation par les opérateurs du secteur des jouets, tant dans ses aspects formels (par exemple, le marquage CE) qu'en matière de risques, dont le risque d'exposition à des substances dangereuses. En 2015, sur près de 12 200 actions de contrôle, 13 % des jouets prélevés ont été déclarés dangereux. Parmi les principales causes de dangerosité enregistrées : les petits éléments dans les jouets destinés aux enfants de moins de 3 ans, l'accessibilité au rembourrage des peluches et les risques chimiques liés à la présence de phtalates dans des jouets en plastique.
5.5.2. A la suite de contrôles des matériaux en contact des denrées alimentaires, la DGCCRF a pris des mesures de police administrative
Une première campagne de contrôles ciblée a été menée par la DGCCRF, à partir du 1er juin 2015, peu après l'entrée en application de la loi n°2012-1442, sur l'ensemble du territoire national pour vérifier le respect de l'interdiction d'utilisation du bisphénol A. Lors de ces contrôles dans 227 entreprises, les enquêteurs ont vérifié la conformité documentaire de nombreux articles présents sur le marché et, en complément, prélevé 92 échantillons, qui ont été analysés par le Service commun des laboratoires. La présence de bisphénol A a été mise en évidence dans le vernis intérieur de boîtes métalliques pour environ 13 % des échantillons, sans que l'usage intentionnel du bisphénol A n'ait été établi, cette présence résultant probablement d'une contamination externe (vernis extérieur, lieux de production, maculage, etc.). En pareil cas, il a été demandé aux entreprises d'identifier et de hiérarchiser les sources de contamination par le bisphénol A afin de réduire la contamination à un niveau aussi faible que possible, et d'établir une documentation sur les matières premières et les produits finis conformément au règlement (CE) n°2023/2006 du 23 décembre 2006 relatif aux bonnes pratiques de fabrication. L'interdiction d'utilisation du bisphénol A était globalement bien appliquée par les professionnels. La DGCCRF a fait oeuvre de pédagogie et adressé des avertissements aux entreprises dont les produits n'étaient pas conformes à la loi sachant que la majorité des professionnels a pu trouver des solutions de substitution au bisphénol A. Les contrôles se sont poursuivis en 2016 pour vérifier la conformité documentaire de nombreux articles présents sur le marché et 157 échantillons ont été prélevés de manière ciblée pour analyse. Cette enquête a mis en évidence un taux de non-conformité de l'ordre de 40 %, le plus
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souvent sur des produits importés, en majorité des conserves, bocaux et articles en matière plastique. La DGCCRF s'est assurée de la mise en place de mesures correctives, en prenant au besoin des mesures de police administrative (suspension de la mise sur le marché, retrait, rappel des produits) pour faire cesser la commercialisation des articles non conformes.
5.5.3. Des cosmétiques contenant des substances interdites ont été retirés du marché
En 2015, le contrôle par la DGCCRF de la composition des cosmétiques pour bébés et enfants et des allégations a permis d'analyser 602 échantillons, dont 231 ont présenté une non-conformité (notamment des manquements aux règles d'étiquetage) et 65 ont été jugés non conformes et dangereux, dont majoritairement des crèmes éclaircissantes contenant des substances interdites. Les produits dangereux ont été retirés du marché et détruits. Il n'est pas possible d'identifier les cas où des substances à effets PE seraient concernées.
5.5.4. Des prélèvements de produits chimiques (détergents, produits d'entretien, colles et adhésifs, biocides) ont révélé des dangers
En 2015, 1 900 entreprises ont été contrôlées par la DGCCRF : sur 417 prélèvements analysés, plus de la moitié se sont révélés non-conformes (absence de pictogramme et de conseils de prudence) ou dangereux (absence de phrases de danger, utilisation de substances biocides non autorisées, absence ou inefficacité du dispositif de fermeture de sécurité). Il n'est pas possible d'identifier d'éventuelles non conformités spécifiquement liées à des substances à effets PE.
5.5.5. Le contrôle par l'ANSM du marché des dispositifs médicaux en PVC annoncés sans DEHP a justifié des demandes de mesures correctives
L'ANSM a contrôlé un certain nombre de dispositifs médicaux en polychlorure de vinyle (PVC) plastifiés avec un plastifiant autre que le DEHP qui est une substance extrêmement préoccupante pour ses effets PE. Il a été constaté que des dispositifs supposés ne pas contenir de DEHP contenaient en fait des quantités résiduelles de ce phtalate et que, de plus, plusieurs de ces dispositifs étudiés comportaient une allégation mentionnant l'absence de phtalate sur leur étiquetage. Face à ces constats, l'ANSM a demandé aux industriels concernés de mettre en oeuvre des mesures correctives. Un rapport de synthèse de ce contrôle du marché a été publié sur le site internet de l'ANSM en mai 2016 ainsi qu'un avis aux fabricants 171. Par cet avis aux fabricants, l'ANSM souhaite rappeler leur obligation d'étiquetage concernant la présence de phtalates classés comme carcinogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) de catégorie 1A ou 1B selon le règlement (CE) n°1272/2008 dans certains dispositifs médicaux et préciser que la présence d'un taux résiduel en phtalates dans un dispositif médical ne permet pas de présenter le dispositif comme dispositif « sans phtalate ».
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http://ansm.sante.fr/Activites/Surveillance-du-marche-des-dispositifs-medicaux-et-dispositifs-medicaux-de-diagnosticin-vitro-DM-DMDIV/Dispositifs-medicaux-Operations-d-evaluation-et-de-controle-du-marche/Dispositifs-medicauxOperations-d-evaluation-et-de-controle/Dispositifs-medicaux-en-polychlorure-de-vinyle-PVC-plastifie-avec-unplastifiant-autre-que-le-DEHP
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6. Bilan de l'axe 4 : Formation et information
L'axe 4 de la SNPE vise à sensibiliser et informer le public à propos des risques liés aux perturbateurs endocriniens : « L'information du public et sa sensibilisation aux risques des perturbateurs endocriniens doit permettre à chacun d'orienter ses choix pour être en capacité de limiter son exposition à des perturbateurs endocriniens ». Une série d'orientations générales et spécifiques ont pour objectif :
· · ·
De former les professionnels de santé et de la petite enfance concernés par le risque ; De prioriser des actions d'information et de sensibilisation autour de la période périnatale compte tenu des risques spécifiques lors du développement foetal et de la petite enfance ; D'informer les consommateurs sur les produits.
Il renvoie au plan national santé-environnement (PNSE), plus précisément à son enjeu 4 : « Pour la dynamique territoriale, l'information, la formation et la communication ». Afin de répondre aux préoccupations locales et d'aborder des problématiques propres aux territoires, le PNSE a vocation à être décliné dans l'ensemble des régions sous la forme de plans régionaux santé environnement (PRSE). Ces plans sont copilotés par l'État, l'Agence régionale de santé et en général le Conseil régional (article L. 1311-7 du code de la santé publique 172). Une instruction du Gouvernement du 27 octobre 2015 fixe les lignes directrices en vue de l'élaboration des PRSE 3 et cible 24 actions potentielles. Les régions sont invitées à en décliner une dizaine. Sont potentiellement concernées par le thème PE, les actions 105 à 107 sur l'information et la formation en santé environnement :
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Action n°104 : analyser en détails les programmes de formation, tant initiale que continue, des publics relais visés dans les PNSE1 et PNSE2 et compléter les dispositions existantes ; Action n°105 : mutualiser les expériences régionales en matière de formation initiale et continue en santé environnement ; Action n°106 : poursuivre les efforts en matière d'éducation en santé environnement ; Action n°107 : faciliter l'information de l'ensemble des citoyens sur les thèmes liés à la santé environnementale, notamment via la création d'un méta-portail sur le PNSE et les PRSE.La formation des professionnels concernés (professionnels de santé, professionnels de la petite enfance) reste aléatoire.
· · ·
6.1. La formation des professionnels concernés (professionnels de santé, professionnels de la petite enfance) reste aléatoire 6.1.1. L'évolution de l'offre et de la demande en matière de développement professionnel continu montre un intérêt émergent sur le sujet
La mission n'a pas connaissance d'une analyse détaillée des programmes de formation, tant initiale que continue, des publics visés.
172
Le projet régional de santé mentionné à l'article L.1434-1 prévoit les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre du plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement qui relèvent de la compétence des agences régionales de santé. Le plan national de prévention des risques pour la santé, liés à l'environnement, est décliné au niveau régional sous forme de plans régionaux " santé environnement ". Ces plans ont pour objectif la territorialisation des politiques définies dans les domaines de la santé et de l'environnement. Ces plans régionaux s'appuient sur les enjeux prioritaires définis dans le plan national tout en veillant à prendre en compte les facteurs de risques spécifiques aux régions. Ils sont mis en oeuvre par les services déconcentrés de l'Etat, les agences régionales de santé et les conseils régionaux, en association avec les autres collectivités territoriales, notamment par le biais des contrats locaux de santé.
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Pour les professionnels de santé, le développement professionnel continu (DPC) constitue une obligation, quel que soit son mode d'activité. Un arrêté du ministère de la santé publié le 8 décembre 2015 fixe la liste des orientations nationales pour les années 2016 à 2018 telle que l'orientation n°5 « Informer et protéger les populations face aux risques sanitaires liés à l'environnement ». S'inscrivent dans ces orientations les actions contribuant à la connaissance et à la prise en compte par les professionnels de santé des pathologies imputables à l'environnement (saturnisme, mésothéliome, intoxication par le monoxyde de carbone...) et des facteurs environnementaux pouvant avoir un impact sur la santé (pollution de l'air, intérieur ou extérieur, perturbateurs endocriniens, changement climatique...). Le pilotage du DPC est assuré par l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) qui finance le DPC des professionnels libéraux conventionnés et salariés des centres de santé. Elle a, dans ce cadre, une visibilité réduite à ces modes d'exercice. L'ANDPC a néanmoins une vision globale de l'offre de DPC puisque toutes les actions sont publiées sur son site par les organismes de DPC et que celles-ci concernent l'ensemble des professions quel que soit leur mode d'exercice. Les montants et dénombrements relatifs aux professionnels de santé hospitaliers et libéraux non conventionnés sont détenus par les OPCA (l'ANFH pour la fonction publique hospitalière, UNIFAF pour les établissements privés d'intérêt collectifs...) et les employeurs, ainsi que par le fonds d'assurance formation de la profession médicale (FAF-PM) et le fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) 173. Sollicitée par la mission, l'agence a interrogé ses bases de données. Elle ne dispose d'informations chiffrées sur les actions de DPC effectivement réalisées et le nombre de participants que pour les professionnels de santé libéraux conventionnés et salariés des centres de santé conventionnés. Au total, entre 2013 et 2017 (situation au 30 septembre), 56 actions de DPC traitant des perturbateurs endocriniens ont été publiées par les organismes de DPC sur le site de l'ANDPC. 39 d'entre elles (70%) ont été prises en charge par l'ANDPC.
Encadré 1 : http://www.medicformation.fr/formations/print.php?id=355
173
L'agence du DPC a demandé au Ministère une mesure permettant une consolidation des informations au niveau de l'Agence afin de pouvoir avoir un regard exhaustif.
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Le nombre d'actions publiées et prises en charge par l'ANDPC sur cette thématique est en augmentation depuis 2013 : 1 action en 2013, 3 actions en 2014, 7 actions en 2015 et 16 actions en 2016. Au 30 septembre 2017, 22 actions sont publiées sur le site de l'agence. 19 d'entre elles sont proposées au titre de l'orientation n°5 de l'annexe 1 de l'arrêté du 8 décembre 2015 susmentionné. Les 39 actions prises en charge depuis 2013, visent majoritairement les professions suivantes :
· · · ·
74% les médecins ; 21% les infirmiers ; 18% les sages-femmes ; 15% les pharmaciens.
En 2016, 174 professionnels sont pris en charge sur des actions traitant des perturbateurs endocriniens contre 93 en 2015, 50 en 2014 et 1 en 2013. Le nombre de professionnels engagés au 30 septembre 2017 sur ce type d'actions représente déjà plus du double de l'effectif pris en charge en 2016 (380 participants en 2017 après 174 participants en 2016). Depuis 2014, les médecins représentent la grande majorité des professionnels formés. En 2016, les médecins représentaient 88 % de l'effectif formé. Les spécialités médicales qui ont le plus participé aux actions sur cette thématique sont les médecins spécialistes en pédiatrie (54% des médecins formés), en médecine générale (37%), et en gynécologie (5%). En 2017, les médecins ne représentent plus que 58 % de l'effectif, car on constate un fort engagement des infirmiers : 151 infirmiers inscrits à ce type d'actions (40% des professionnels de santé formés) contre 14 en 2016 (8%). Cet engagement concerne une seule action proposée exclusivement à cette profession dans différentes villes. Si 90% des infirmiers inscrits sont pris en charge sur des actions ayant une thématique de santé plus générale que les perturbateurs endocriniens, 53% des médecins le sont sur des actions spécifiques au sujet. Ces chiffres témoignent d'une dynamique de croissance de la demande, celle-ci reste néanmoins modeste. Entre 2013 et 2016, la prise en charge des actions traitant des perturbateurs endocriniens a représenté entre 0% et 0,2% des dépenses totales consacrées au DPC des professions de santé libérales conventionnées prises en charge par l'Agence. Le CSP prévoit (article R 4021-20) qu'à la demande de la Ministre de la santé, l'Agence peut passer des marchés de prestations sur des thématiques ciblées ce qui permettrait à l'évidence de mener des actions plus ciblées et d'en mesurer l'impact. La question des perturbateurs endocriniens n'a pas fait l'objet d'une telle demande. L'ANFH, OPCA de la fonction publique hospitalière, a financé 3 colloques en 2016 (aucun en 2015) : Agissons ensemble vers un hôpital sans perturbateurs endocriniens ; Les perturbateurs endocriniens et leurs effets sur les écosystèmes et la santé humaine ; 2ème colloque sur les perturbations endocriniennes.
Si aucune formation ne comporte le terme « perturbateurs endocriniens », l'ANFH a pris en charge des actions sur les sujets des pesticides, des risques chimiques et de la santé environnementale. Le gouvernement pourrait demander une action de formation nationale : tous les ans le ministère de la santé en commande 5 ou 6 à l'ANFH sur des thématiques « santé publique » ou « réforme ». L'ANFH les achète sur ses crédits et les déploie sur la France entière.
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6.1.2. La mobilisation des disciplines médicales concernées est contrastée
La mission a également sollicité les conseils nationaux professionnels174 (CNP) des disciplines concernées (gynéco-obstétrique, pédiatrie, endocrinologie). Les CNP d'urologie et de santé publique n'ont pu être présents à la réunion organisée sur le sujet. S'estiment fortement concernées les disciplines centrées sur la pédiatrie (pédiatrie, endocrinopédiatrie) et la gynéco-endocrinologie en lien avec la procréation médicale assistée. Pour l'endocrinologie, le sujet apparaît encore marginal ; ceux qui le traitent sont perçus comme engagés dans une démarche militante. Il existe un cours de médecine environnementale au CHU de Nice. Cela reste une initiative isolée d'un professeur d'université-praticien hospitalier (PU-PH) endocrinologue. Les pédiatres rapportent une forte demande de formation et d'information de la part des confrères, du public, des collectivités territoriales (pour les crèches), demande à laquelle ils ne peuvent faire face. Dès lors, le nombre d'intervenants potentiels formés sur ces sujets leur apparaît trop faible. Tous soulèvent la difficulté à faire passer des messages sur un sujet mal connu, potentiellement anxiogène, sans susciter d'inquiétudes disproportionnées (les femmes enceintes sont très réceptives aux messages catastrophiques). Cette difficulté est accrue par la difficulté à repérer des sources d'information fiables centre de référence à l'instar d'autres pathologies serait bienvenu. Les professionnels rencontrés soulignent le besoin de sites bien référencés, bien documentés ciblant les jeunes parents, les adolescents pour leur donner des bases pour discuter avec les professionnels de santé, avec les enseignants. L'action n°104 du PNSE : « analyser en détails les programmes de formation, tant initiale que continue, des publics relais visés dans les PNSE1 et PNSE2 et compléter les dispositions existantes » n'apparaît ni réalisée, ni entreprise.
6.2. Les actions du ministère de la santé auprès des publics sensibles restent à consolider
Le ministère de la Santé a publié, avec l'ANSES, un dépliant « Bisphénol A Recommandations aux femmes enceintes et aux parents de jeunes enfants », en ligne depuis le 20 novembre 2011. Le fait que la grossesse et la petite enfance soient des périodes de grande sensibilité aux effets des PE justifient des actions ciblées. Ainsi la mesure 65 de la feuille de route issue de la conférence environnementale de 2014 prévoit : « Afin de protéger les femmes enceintes et les jeunes enfants, une information comportant un message sur la réduction des expositions aux perturbateurs endocriniens sera insérée dans le carnet de maternité et le carnet de santé de l'enfant lors de leur révision prévue en 2015. Une information et une sensibilisation des professionnels de la naissance et petite enfance pourra être réalisée via la commission nationale de la naissance et de la santé de l'enfant ». Le 10 mars 2015, le ministère de la santé a réalisé une présentation de la SNPE et des objectifs de la feuille de route au comité national de la naissance et de la santé de l'enfant (CNNSE). Une mise à jour du carnet de maternité en 2015 était annoncée sous la forme de l'insertion d'un message à destination des femmes enceintes les informant des dangers des produits chimiques courants tels que les produits d'entretien, illustré par les pictogrammes d'alerte devant figurer sur ces produits.
174
Un Conseil National Professionnel (CNP) est une structure fédérative, régie par une double gouvernance scientifique et professionnelle, qui réunit des professionnels issus des différents organismes représentatifs de la spécialité.
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Encadré 2 : Message inclus dans le carnet de maternité (source DGS)
La DGS tient pour acquis cette modification qui n'apparaît pas sur le carnet de maternité en ligne sur le site du ministère de la santé et de l'assurance maladie à la date du 15 novembre. Une mise à jour du carnet de santé de l'enfant était également prévue. Dans l'exemplaire en ligne sur le site du ministère, il n'est pas fait mention d'attentions particulières vis-à-vis des produits chimiques en général et des PE en particulier.
6.3. La mobilisation constatée des ARS dans le cadre des PRSE est à la fois riche et hétérogène
La mission a interrogé les responsables « santé environnement » des 17 agences régionales de santé, treize ont répondu. L'implication des ARS en matière de perturbateurs endocriniens se caractérise par son hétérogénéité. Toutefois, trois types d'actions se dégagent : l'information du public, la formation des professionnels de santé et la recherche. L'action des ARS est complétée par d'autres acteurs institutionnels et associatifs.
6.3.1. Information et sensibilisation du public font généralement partie des PRSE
Les actions dominantes des PRSE3 et des PST3 sont l'information et la sensibilisation du public. Le public cible principal est en lien avec la petite enfance (femmes enceintes, futurs et jeunes parents, professionnels de santé et professionnels de la petite enfance). L'information sur les PE s'inscrit également dans d'autres thématiques : qualité de l'air intérieur, développement durable des établissements de santé et médico-sociaux (conseil lors de projet de maternité, produits d'entretien, etc.). Par ailleurs, l'information est parfois centrée sur des problématiques locales : pesticides (Auvergne-Rhône-Alpe, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie), contamination de l'eau au perchlorate (Grand Est), etc. Les PST3 abordent les perturbateurs endocriniens par le risque chimique (évaluation et outils de traçabilité, sensibilisation des employeurs et salariés, etc.) et les produits CMR. L'information et la sensibilisation du public sont peu retranscrites dans les contrats locaux de santé (CLS)175. Seules cinq ARS sur les treize étudiées indiquent que la santé environnementale est parfois abordée dans les CLS de leur territoire. La qualité de l'air intérieur, l'utilisation des produits chimiques dans les crèches, la périnatalité (recommandation en crèches, forum parentalité, etc.), les phytosanitaires sont les voies d'approche déclinées dans les CLS, sans que le terme de perturbateurs endocriniens ne soit toujours explicitement précisé.
175
« La mise en oeuvre du projet régional de santé peut faire l'objet de contrats locaux de santé conclus par l'agence, notamment avec les collectivités territoriales et leurs groupements, portant sur la promotion de la santé, la prévention, les politiques de soins et l'accompagnement médico-social ». Art. L. 1434-17 du Code de santé publique.
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D'autres acteurs participent à l'information du public : services déconcentrés (création d'un site internet dédié à la santé environnement par la DREAL Bourgogne-Franche-Comté, etc.), collectivités territoriales (fiche santé environnement dans les carnets de maternité et de santé en Picardie, crèche sans PE à Limoges, etc.), associations environnementales (association pour la prévention de la pollution atmosphérique, réseau santé environnement, Women in Europe for a Common Future, etc.), mutuelles (ateliers de nesting176 dispensés par la Mutualité française) et CHU (évaluation des expositions environnementales et prise en charge des futurs parents à Bordeaux177 et à Rennes).
6.3.2. Des ARS s'impliquent dans la formation des professionnels
Des ARS mènent des actions de formation à destination des professionnels de la périnatalité et de la petite enfance principalement. Ces actions sont menées en lien avec des CHU (CHRU de Lille), des associations de professionnels (URPS pharmaciens), des réseaux de libéraux (réseaux de périnatalité, etc.) et des associations d'éducation pour la santé (Comité départemental d'éducation pour la santé, Comité régional d'éducation pour la santé).
6.3.3. ...et interviennent dans des projets de recherche
Certaines ARS estiment manquer de données pour mener des actions d'information et de formation et s'investissent dans des actions de recherche afin d'approfondir leur évaluation des PE localement (Centre Val de Loire, Martinique). Elles se rapprochent également de certains services hospitaliers et universitaires très impliqués dans ce champ (étude de recherche interventionnelle 178 du CHU de Poitiers, études épidémiologiques du CHU de Nice et du Centre de lutte contre le cancer de Lyon).
6.3.4. L'hétérogénéité des politiques régionales sur le sujet s'explique par l'absence de politique explicitement formulée
Les actions des programmes de prévention antérieurs ne ciblaient pas explicitement les perturbateurs endocriniens, sauf dans l'ancienne région Poitou-Charentes (recherche sur les filières de traitements des substances médicamenteuses et des perturbateurs endocriniens). Les informations se concentraient essentiellement sur la qualité de l'air intérieur des crèches, les pesticides et la pollution locale (perchlorate, ...). Plusieurs facteurs expliquent les difficultés exprimées par les ARS pour s'approprier le sujet des perturbateurs endocriniens : absence de définition, de réglementation, d'instructions nationales et de ressources unifiées (données, expertise, formation, outils de mobilisation, etc.). Une tension apparaît entre la volonté d'adapter la problématique au niveau local et un besoin d'appui national. Par ailleurs, la prévention des perturbateurs endocriniens ne semble pas consensuelle : le sujet est perçu comme trop vaste, controversé et anxiogène. Dès lors, l'intensité des actions varient selon les ARS. La Nouvelle-Aquitaine consacre toute une politique de prévention et de promotion de la santé environnementale en direction de la petite enfance (conception d'un guide de recommandation dans les crèches, atelier nesting, formation initiale et continue des sages-femmes et des puéricultrices, etc.) alors que d'autres ARS proposent des actions plus restreintes.
176
Atelier de sensibilisation des parents aux risques liés à la pollution intérieure, d'après le projet européen de Women in Europe for a Common Future (WECF). ARTEMIS « Aquitaine ReproducTion Enfance Maternité et Impact en Santé environnement » DisPRoSe « Dispositif de recherche interventionnelle en promotion de la santé environnementale » sur l'impact d'une intervention d'éducation en santé environnementale
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6.3.5. Il apparaît pertinent d'entreprendre une démarche de capitalisation de cette multitude d'initiatives
Les ARS aspirent à un cadrage national en matière de PE : centre de ressource national en ligne pour développer les connaissances des professionnels de santé et du grand public, recommandations nationales précises pour certains produits de consommation, intégration de la problématique PE aux formations initiales et continues des professionnels de santé, adaptation des cahiers des charges des marchés publics (GHT, maternité et crèches). L'action n°105 : « mutualiser les expériences régionales en matière de formation initiale et continue en santé environnement » et l'action n°107 : « faciliter l'information de l'ensemble des citoyens sur les thèmes liés à la santé environnementale, notamment via la création d'un métaportail sur le PNSE et les PRSE » restent pertinentes et à réaliser. L'action n°106 : « poursuivre les efforts en matière d'éducation en santé environnement » reste d'actualité.
6.4. Les PE deviennent une source d'inquiétude dans la population 6.4.1. L'impact des PE sur la santé : une source d'inquiétude majeure pour les Français
Le 23 février 2017, un sondage relève : Les deux-tiers des Français (66%) ont déjà entendu parler des PE. La connaissance culmine à 77% auprès des personnes les plus âgées (65 ans et plus) alors qu'elle est minoritaire auprès des plus jeunes (4% auprès des 18-24 ans). Néanmoins, si les Français ont le plus souvent entendu parler du sujet, pour la plupart d'entre eux, leur connaissance de la question reste assez floue: 40% (sur les 66%) disent ne savoir que « vaguement de quoi il s'agit ». Le sujet ne laisse pas indifférents les Français : 70% expriment une inquiétude vis-àvis des PE, alors que leur connaissance est parcellaire sur le sujet. Encore une fois, l'inquiétude culmine auprès des plus âgés. Elle est de 75% auprès des plus de 65ans, alors qu'elle est moindre auprès des plus jeunes (49%). En conséquence, les perturbateurs endocriniens constituent la 3 ème priorité la plus forte assignée par les Français en termes de santé publique, devant la lutte contre le tabac et l'alcool
Encadré 3 : Synthèse du sondage ODOXA
6.4.2. Les produits identifiés comme porteurs de risques PE sont multiples
Cosmétiques, jouets, emballages alimentaires, etc. sont régulièrement mis en cause pour leur teneur en perturbateurs endocriniens potentiels.
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Figure 1 : LexisNexis Newsdesk
6.4.3. Avec une visibilité croissante dans les médias
Le sujet des perturbateurs endocriniens est de plus en plus présent dans nos journaux. Europresse montre en effet que près de 3 200 documents ont été écrits sur le sujet en 2016 contre seulement 58 une décennie auparavant ; et près de 2 600 documents sont déjà parus sur les cinq premiers mois de l'année 2017.
Figure 2 :Evolution du nombre de documents publiés contenant l'expression perturbateur endocrinien (source Europresse)
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Figure 3 :Visibilité en nombre d'articles (source LexisNexis Newsdesk)
La reprise médiatique des études sur le sujet s'amplifie. Une étude de l'Inserm, publiée fin septembre 2017 dans la revue « Environmental health perspectives » a été largement citée dans l'actualité. Cette étude met en évidence une corrélation entre une exposition à certains PE pendant la grossesse et l'apparition de troubles du comportement chez les garçons de 3 à 5 ans. De façon générale, les articles « grand public » sont nombreux, parfois contradictoires et peut être inutilement anxiogènes.
6.5. La qualité de l'information des consommateurs peut et doit s'améliorer 6.5.1. L'INERIS a travaillé sur la création de labels
Le Bisphénol A (BPA) est entré dans la liste des substances soumises à restriction d'usage par le comité des États membres de l'Union européenne dans le cadre du règlement REACH. A la demande de son ministère, l'INERIS a mis à disposition des professionnels un label : « tickets sans BPA ». Délivré par l'Institut, il garantit que les tickets de caisse et reçus de carte bancaire ne contiennent pas de bisphénol A (BPA). Les deux premiers labels ont été attribués dès janvier 2015. L'INERIS a également développé un label étendu garantissant l'absence, dans les papiers thermiques, de tous les phénols et bisphénols (y compris Bisphénol A, Bisphénol S et Bisphénol F) connus pour être utilisés dans ces papiers comme révélateurs thermiques. L'obtention du label « sans phénol ajouté » repose sur les mêmes principes que l'obtention du label « tickets sans BPA » : les détenteurs du label sont tenus de respecter les exigences posées par un référentiel. Ce référentiel, public, définit les modalités de surveillance du processus de fabrication du papier thermique, en vue de s'assurer que les papiers thermiques de tous types sont bien exempts des phénols et bisphénols concernés. Le référentiel s'appuie sur un protocole, mis au point par l'INERIS, de mesure de ces composés dans le papier, à partir de techniques d'analyses chimiques reconnues et largement pratiquées par les laboratoires en France comme dans d'autres pays. Les premiers labels ont été attribués aux enseignes Carrefour, Lidl et Système U ainsi qu'au fabricant de papier Koehler. Cette démarche de labellisation des papiers thermiques (tickets de caisse, reçus de carte bancaire et autres types de papier thermique) garantit l'absence de quinze phénols, dont toute une famille de bisphénols. Les labels « tickets sans BPA » et « sans phénol ajouté » ont été développés en concertation avec les parties prenantes : pouvoirs publics, représentants de la société civile (dont le milieu associatif), acteurs économiques (fabricants et transformateurs de papier thermique, filière
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papetière, utilisateurs organisations professionnelles et entreprises de la distribution et du secteur bancaire). Un label est une marque de reconnaissance par une tierce partie d'un dispositif mis en oeuvre par un organisme sur un thème précis, par rapport aux dispositions d'un cahier des charges et ce au moyen, notamment, d'évaluations récurrentes sur site ou non. La valeur accordée par le marché au label s'en remet de fait à la pertinence du cahier des charges constitué et du dispositif de labellisation qui l'accompagne, ainsi qu'à la crédibilité du panel d'acteurs ayant participé à son élaboration. Pour la DGCCRF, les dispositifs de type « label » ne doivent pas être confondus avec des dispositifs de certification de services. · Comparatif des marques de reconnaissance
Tableau 1 : Afnor Certification
Les allégations de type « sans parabène » largement employées par l'industrie des cosmétiques, sont uniquement commerciales, ne préjugent pas de l'absence d'effet PE et ne peuvent être assimilées à des labels.
6.5.2. Un étiquetage spécifique des PE nécessite une définition réglementaire
L'étiquetage des produits chimiques est soumis à un cadre juridique : la réglementation CLP (voir annexe 5). Le pictogramme ci-dessous, utilisé pour les produits reconnus CMR ne peut être appliqué au prétexte de perturbation endocrinienne dans l'état actuel de la réglementation.
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6.5.3. Les listes « noires » de produits suspects se multiplient
Conformément aux engagements des ministres de la transition écologique et solidaire, de la santé et des solidarités et de l'agriculture et de l'alimentation dans leur communiqué du 4 juillet 2017, la liste des produits pesticides autorisés susceptibles de contenir des substances PE a été publiée le 13 juillet 2017. Il n'est pas démontré que le caractère ésotérique de ces listes en fasse un vecteur d'information grand public ! Si les services de l'État sont tenus par la réglementation, les associations de consommateurs disposent de liberté qui leur permettent de délivrer une information plus opérationnelle. A titre d'exemple, le site d'une association de consommateurs met gratuitement à la disposition des consommateurs sa base de données remise à jour de 400 cosmétiques comportant des substances indésirables, les fiches explicatives et la carte repère téléchargeable Dans son numéro d'octobre, le magazine Que Choisir a épinglé 10 marques de sticks labiaux dont la composition dissimulerait, entre autres, des perturbateurs endocriniens, en l'occurrence le BHT (hydroxytoluène butylé ou E321) :
Une autre association titre : « Dans la cuisine, la salle de bains, le salon... et jusque dans la chambre. Toute la journée, sans le savoir, nous sommes exposés à des perturbateurs endocriniens potentiels cachés dans des produits d'usage courant. On vous aide à faire le tri pour écarter les plus problématiques ».
6.5.4. La mobilisation de la société civile interpelle les services de l'État
« A la suite de signalements, parus en juin 2017 dans la presse consumériste, dénonçant la commercialisation de 23 produits cosmétiques contenant des conservateurs non autorisés, la DGCCRF a mené une enquête ciblée... Au vu de ces résultats, et du nombre particulièrement important de références contenant des substances interdites retrouvées dans les rayonnages, la DGCCRF estime nécessaire de maintenir une vigilance renforcée sur ces sujets179... »
179
https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/produits-cosmetiques-140-references-non-conformes-retirees-marche
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7. Argumentaire pour un centre national de référence dédié aux PE
A l'image des centres nationaux de référence (CNR) 180 tels qu'ils existent pour des maladies infectieuses où travaillent des spécialistes pour concentrer le savoir, promouvoir la recherche et l'assistance technique, il serait important de bâtir le centre national de référence sur la perturbation endocrinienne. Face aux diversités chimiques, aux diversités d'effets et de cibles biologiques, un centre de référence saura centraliser les compétences au service de tous. Outre les CNR, il existe des centres uniques pour des enjeux jugés majeurs dans les domaines de la santé publique et le développement industriel : centre des biofilms aux USA, centre de la corrosion en Suède ... Un tel centre a pour objectif de : Réaliser de la recherche sur le sujet, car de nombreuses questions restent posées (mécanistiques, nature des dangers, méthodes d'analyse, biotests...). Il ne doit pas pour autant attirer tous les crédits et assécher les laboratoires qui ont une compétence reconnue sur le sujet. Le centre peut être l'acteur coordonnateur pour des appels d'offre de recherche ; Réaliser la veille scientifique et sociétale complète sur le sujet ; Conduire ou faire réaliser des études notamment pour mesurer l'exposition des Français via les aliments, l'air, l'eau, les cosmétiques ... ; Apporter l'assistance technique aux ministères, aux industriels, aux associations reconnues ; Nourrir les arguments des agences et autorités françaises dans les négociations internationales sur le sujet ; Être le centre de référence reconnu par tous et offrant un label reconnu par son indépendance et sa qualité ; Signer, en lien avec l'INERIS, des contrats d'évaluation et de prestation éventuellement confidentiels avec des partenaires publics ou privés. Pratiquement, il s'agit de grouper un noyau actif de haute qualité scientifique disposant des moyens nécessaires (laboratoires d'analyse, laboratoires de bioessais, épidémiologistes, toxicologues et écotoxicologues...). L'articulation de ce centre de références avec les agences nationales (ANSES, ANSP, INRA, INSERM, INERIS...) doit être explicite quitte à ajuster, pour les articuler, les contours de leurs missions respectives. Les CNR dédiés aux maladies infectieuses sont cadrés par le code de la santé publique et gérés historiquement par l'Institut Pasteur. Une gouvernance associant au moins les ministères cahrgés de l'environnement et de la santé se justifie par le fait que les effets des PE se manifestent à la fois sur l'environnement et sur la santé, les deux étant intimement liés. Le cahier des charges d'un tel centre pourrait être un des objectifs à court terme de la future SNPE. La base de ce qui pourrait être un CNR fonctionnant en réseau existe en France (Rennes, Nantes...).
180
Les missions propres à chaque CNR sont détaillées dans un cahier des charges spécifiques conforme à un cahier des charges type défini par l'arrêté du 16 juin 2016. Pour assurer certaines de ses missions, un CNR peut s'appuyer sur un ou plusieurs laboratoires dits «laboratoires associés». Dans ce cas, le responsable du CNR est chargé de la coordination de l'ensemble des activités des laboratoires associés et rend à Santé publique France un rapport annuel faisant la synthèse des activités réalisées par les différents laboratoires. (http://invs.santepubliquefrance.fr/Espaceprofessionnels/Centres-nationaux-de-reference/Missions)
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8. Glossaire des sigles et acronymes
Acronyme AFB ANDPC ANFH ANR ANSES ANSM ANSP ARS BPA CEA CEFIC CGAAER CGEDD CLP CLS CMR CNRS CNTE COSET DGAL DGCCRF DGPR DGS DGT DPC DREAL EAT ECHA ECOPHYTO EFSA ESTEBAN Agence française de la biodiversité Agence nationale du développement professionnel continu Association nationale pour la formation des hospitaliers Agence nationale de la recherche Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé Agence nationale de santé publique Agence régionale de santé Bisphénol A Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives Conseil européen de l'environnement chimique Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux Conseil général de l'environnement et du développement durable Classification, Labelling, Packaging Contrat local de santé Substance cancérigène, mutagène, toxique pour la reproduction Centre national de la recherche scientifique Conseil national de la transition écologique Cohorte pour la surveillance épidémiologique en lien avec le travail Direction générale de l'alimentation Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes Direction générale de la prévention des risques Direction générale de la santé Direction générale du travail Développement professionnel continu Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Étude de l'alimentation totale European Chemical Authority Plan de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires European Food Safety Agency Étude de santé sur l'environnement, la bio surveillance, l'activité physique et la nutrition Signification
Évaluation de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE)
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Acronyme ETP HBM4EU HCSP IFRES IGAS INERIS INRA INSERM InVS IRESP IRSTEA MESRI MSS MTES NQE OMS ONCFS ONEMA PBT PCB PE PELAGIE Equivalent temps plein Human Bio Monitoring for European Union Haut conseil pour la santé publique
Signification
Initiative française pour la recherche en environnement santé Inspection générale des affaires sociales Institut national de l'environnement industriel et des risques Institut national de la recherche agronomique Institut national de la santé et de la recherche médicale Institut national de veille sanitaire Institut de recherche en santé publique Institut de recherche en sciences et technologies de l'environnement et de l'agriculture Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation Ministère des solidarités et de la santé Ministère de la transition écologique et solidaire Norme de qualité environnementale Organisation mondiale de la santé Office national de la chasse et de la faune sauvage Office national de l'eau et des milieux aquatiques Substance persistante bioaccumulable et toxique polychlororobiphényles Perturbateur endocrinien perturbateurs endocriniens étude longitudinale sur les anomalies de la grossesse, l'infertilité et l'enfance Programme d'investissements d'avenir Programme national de recherche environnement-santé-travail Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens Plan national santé-environnement Programme des Nations Unies pour l'environnement Plan de réduction des polluants atmosphériques Programme régional de santé Registration Evaluation Authorization and Restrictions of Chemicals Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens Stratégie nationale de la recherche Santé publique France
PIA PNR-EST PNRPE PNSE PNUE PREPA PRS REACH SNPE SNR SPF
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Acronyme SVHC UIC UNIFAF VGE vPvB Substance extrêmement préoccupante Union des industries chimiques
Signification
Fonds d'assurance formation pour les établissements privés d'intérêt collectif Valeur guide environnementale Substance très persistante et très bioaccumulable
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INVALIDE) (ATTENTION: OPTION iniens sur les écosystèmes
Alors que les perturbateurs endocriniens sont présents dans tous les milieux (eau, sol, air), la SNPE évoque de manière générale la surveillance des effets des perturbateurs endocriniens sur l'environnement sans indiquer d'action particulière sur les effets écotoxicologiques des PE.
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La chlordécone est un pesticide organochloré utilisé entre 1973 et 1993 en Martinique et en Guadeloupe comme insecticide dans la culture de la banane. Son utilisation a entraîné une pollution permanente des sols et des eaux et une contamination toujours présente de la chaîne alimentaire et de la population.
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Différentes études antérieures à la SNPE ont pourtant permis d'observer un impact des PE sur l'environnement, et en particulier sur la faune, notamment la féminisation de populations de poissons ou le phénomène de développement d'organes génitaux mâles chez les femelles (imposex) de gastéropodes marins, des atteintes osseuses chez les phoques, des malformations de l'appareil génital chez les cervidés et la diminution du nombre d'espèces de batraciens. Des travaux menés au titre du programme national de recherche sur les PE ont permis de préciser les connaissances sur les mécanismes d'action. Les molécules ayant un potentiel de perturbation endocrinienne sont particulièrement préoccupantes seules ou en mélange pour le maintien des populations. Depuis 2013, l'INERIS mène avec le soutien financier de l'AFB (ONEMA) une étude afin d'avoir une représentation du phénomène d'intersexualité32 (occurrence, sévérité) des cyprinidés dans les cours d'eau de métropole qui pourrait résulter d'une exposition de ces poissons à des perturbateurs endocriniens. Les résultats provisoires suggèrent fortement une implication de substances oestrogéniques et anti-androgéniques dans l'apparition de l'intersexualité, en particulier chez le gardon, conséquence d'une « féminisation » des mâles. Ce travail se poursuit dans le cadre de l'action 29 du plan micro-polluants 2016-2021 présentée comme s'inscrivant dans la mise en oeuvre de la SNPE. Elle vise à évaluer l'effet des micro-polluants sur la flore et la faune aquatique, notamment le potentiel synergique des mélanges de micro-polluants, y compris ceux associés à la perturbation endocrinienne. La mission n'a pas identifié de travaux engagés sur les effets des PE sur des biocénoses terrestres. Il ne semble pas y avoir de « culture de la chimie » dans les communautés de l'écologie terrestre qui inciterait à s'intéresser aux effets éventuels de substances PE sur l'évolution de l'état de conservation de certaines espèces. Une réflexion à un stade très préliminaire serait néanmoins engagée entre l'AFB et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) pour étudier une éventuelle contamination des oiseaux en zone humide par des substances à usage phytosanitaire dont certaines susceptibles d'être PE.
2.3. L'évaluation des dangers et des risques de substances susceptibles d'être des perturbateurs endocriniens
Dans son axe n°2, la SNPE prévoit d'amplifier la démarche d'évaluation des dangers et risques33 de substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens ou utilisées par des populations sensibles, via un programme d'expertise confié d'une part à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) chargée d'évaluer au moins une quinzaine de substances chimiques sur trois ans et, d'autre part, à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui devait expertiser chaque année au moins trois substances présentes dans les produits relevant de son domaine de compétence et notamment dans les cosmétiques. Cette orientation qui prolonge des actions déjà engagées avant
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L'intersexualité consiste en la présence à la fois de tissu gonadique mâle et femelle chez des espèces gonochoriques (c'est-à-dire pour lesquelles les individus sont soit des mâles, soit des femelles et ne changent pas de sexe durant leur vie). L'intersexualité peut mener à une diminution du succès reproducteur et (ultimement) à l'effondrement local de populations de poissons. On définit le « danger » d'une substance chimique comme une propriété intrinsèque d'un agent chimique susceptible de provoquer un effet nocif. Le « risque » se définit quant à lui comme la probabilité que le potentiel de nuisance soit atteint dans certaines conditions d'utilisation et/ou d'exposition. Le risque s'évalue donc en confrontant le danger et l'exposition. Ces notions de danger et de risque font souvent l'objet de confusions dans le langage courant.
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l'adoption de la SNPE, notamment dans le cadre du deuxième Plan national santéenvironnement (PNSE 2), a été confirmée dans l'action n°14 du PNSE 3. L'annexe n°4 présente le bilan détaillé de cet axe dédié à l'expertise des substances.
2.3.1. L'évaluation des risques liés aux substances susceptibles d'avoir des effets PE avait été engagée dans le cadre du PNSE2
Dans le cadre de l'action 18 du deuxième Plan national santé-environnement 20092013 (PNSE2), la Direction générale de la santé (DGS) a saisi en 2009 l'ANSM et l'ANSES, afin qu'elles réalisent une évaluation des risques liés aux substances reprotoxiques ou potentiellement PE en fonction de l'exposition. Pour l'essentiel, les résultats de ces travaux ont été publiés avant l'adoption de la SNPE par l'ANSM et postérieurement par l'ANSES. Après avoir défini une liste prioritaire de 12 substances PE et/ou reprotoxiques susceptibles d'être retrouvées dans des mélanges à usage du grand public, l'ANSES a publié un avis et un ensemble de rapports d'expertise sur six substances en mai 2014, puis en décembre 2015 sur six autres substances. L'Agence a également publié des synthèses relatives à la toxicité, aux sources d'exposition, à la contamination de différents milieux par des substances susceptibles de rentrer dans la composition de nombreux articles respectivement en mars 2015 pour les phtalates et les perfluorés, puis en août 2017 pour les polybromés. Les expertises sur le bisphénol A et les autres composés de la famille des bisphénols avaient été publiées en 2011 et 2013. De son côté, l'ANSM a évalué une dizaine de substances présentes dans les produits cosmétiques (voir la liste en annexe 4 §1.4). La plupart des résultats a été publiée en 2011 et 2012, à l'exception de deux expertises achevées en 2015. Des mesures de gestion adaptées ont été proposées pour certaines substances (diminution de la concentration, études complémentaires demandées).
2.3.2. L'ANSES a respecté l'objectif fixé par la SNPE d'évaluer cinq substances par an
Entre 2014 et 2017, l'ANSES aura évalué une vingtaine de substances dont sept qui étaient identifiées dans la saisine DGS de 2009 évoquée ci-dessus. L'objectif d'évaluation de cinq substances par an fixé dans la SNPE a donc été respecté par l'ANSES qui a proposé les mesures de gestion appropriées dès lors que certaines substances sont suspectées de présenter des effets PE. Les avis relatifs à l'analyse du danger des substances et à la meilleure option de gestion des risques ont été publiés (voir annexe 4 § 2) : le 3 mars 2015 pour les cinq substances évaluées en 2014 (méthylparabène, acide orthoborique, BHA, DINCH et DEHTP) ; le 8 avril 2016 pour les cinq substances évaluées en 2015 (2,6-di-tert-butyl-p-cresol, méthylsalicylate, tributyl O-acetylcitrate, tributyl citrate, acide téréphtalique) ; le 1er août 2017 pour les cinq substances évaluées en 2016 (TMBPF, triclocarban, RDP, sulfate d'étain, dicyclopentadiène).
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Les résultats des évaluations menées en 2017 sur cinq nouvelles substances (homosalate, bisphénol B, triphényl phosphate, 2,2,4,4'-tétrabromodiphenyl éther) ne sont pas encore disponibles. En plus de ces substances, l'ANSES a également évalué des substances suspectées d'effet PE utilisées dans les produits phytosanitaires et dont l'autorisation arrive à expiration (iprodione en 2015, chlortoluron en 2016, trisulfuron méthyl en 2017). À l'exception du cas de l'iprodione dont le renouvellement de l'approbation n'a pas été adopté le 6 octobre 2017 dans le cadre du règlement sur les pesticides, notamment en raison d'effets PE, les expertises menées par l'ANSES n'ont pas conduit à identifier de substances comme PE, soit parce que des informations complémentaires devaient être demandées pour confirmer ou infirmer leur effet PE, soit parce que la suspicion a été levée à l'issue d'une évaluation plus approfondie. Si les objectifs fixés par la SNPE ont été respectés, cette activité d'expertise présente certaines limites : les conditions contraignantes de sélection des substances à évaluer ont exclu de facto un nombre important de substances qui auraient pu répondre à l'un (ou plus) des trois critères de choix qui sont néanmoins pertinents34 ; l'absence de méthode(s) et de test(s) reconnus permettant de caractériser les effets PE sur l'ensemble des organes et fonctions cibles constitue un obstacle majeur pour lever complètement le doute, dès lors que pèse sur certaines substances une suspicion d'un effet PE potentiel ; l'écart qui existe entre le niveau de preuve nécessaire pour identifier une substance extrêmement préoccupante au titre de l'article 57(f) du règlement REACH (voir annexe 5) et les données disponibles et de qualité suffisante pour caractériser les effets PE éventuels conduit à écarter a priori de nombreuses substances, ce qui fait que ne sont retenues pour l'expertise que des substances pour lesquelles des tests sont disponibles ou qui présentent des similarités structurelles avec des substances connues ; les dossiers d'enregistrement dans le cadre de REACH et les études demandées pour les améliorer à l'issue de l'évaluation des substances n'apportent que peu d'informations sur les effets endocriniens, ce qui rend difficile l'évaluation des effets PE sur l'environnement et, dans une moindre mesure, pour la santé humaine ; le principe de répartir la tâche d'expertise entre les différents États membres est certainement pertinent au vu du nombre de produits à étudier, mais l'absence de définition des PE et d'harmonisation des méthodes d'expertises font que les procédures sont extrêmement hétérogènes en fonction des États membres.
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La sélection des substances à expertiser est faite, après consultation des parties prenantes, à partir d'une proposition établie par l'Anses qui combine trois critères : le danger potentiel (effet perturbateur endocrinien suspecté), la sensibilité des populations exposées (femmes enceintes, enfants....), et le caractère ubiquitaire de la substance (données de surveillance). Les substances évaluées ne doivent pas être en cours d'évaluation par I'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ou par un autre État membre. Elles ne doivent pas non plus faire l'objet d'un encadrement réglementaire de portée générale ou sectorielle qui pourrait limiter les leviers de gestion du risque sanitaire envisageables.
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2.3.3. L'ANSM n'a pas été en mesure d'évaluer chaque année trois substances présentes dans les cosmétiques
Aucune substance contenue dans les cosmétiques n'a été programmée pour une évaluation en 2014 et 2015 au titre de la SNPE. Dans le cadre de la poursuite des travaux liés à la saisine de la DGS de 2009, l'ANSM a produit les rapports d'évaluation du cyclotetrasiloxane et du toluène, respectivement en mai et en septembre 2015. Selon l'ANSM, trois substances devaient être expertisées en 2016 au titre de la SNPE (le phtalate de butyle et de benzyle (BBP), l'acetyl tributyl citrate (ATBC) et le triclosan). Pour ce qui concerne l'ATBC, l'évaluation n'est plus nécessaire, car l'ANSES l'a déjà évaluée en 2015, ce qui illustre un manque de coordination dans la programmation. Les travaux sur le BBP et le triclosan n'ont pas été réalisés. Ces études et leurs conclusions ont été reportées en 2017, avec une remise du rapport prévue au plus tard au 1er trimestre 2018. Au cours des dernières années, l'ANSM a en fait donné la priorité à des travaux d'évaluation de substances (phtalates, méthyl et propyl-parabène, acide borique, l'hydroxyanisole butylé) utilisées comme excipients dans les médicaments. Dans le cadre de l'Agence européenne du médicament, l'ANSM a été rapporteur ou corapporteur pour ces substances en vue d'actualiser l'information à connaître par le patient avant de prendre un médicament. A l'initiative de la France, cet outil a été proposé pour réguler et contrôler l'utilisation de substances perturbatrices endocriniennes dans les médicaments. Ces travaux ne figurent pas spécifiquement dans les objectifs assignés par la SNPE. Après avoir privilégié les évaluations des substances utilisées comme excipients dans les médicaments plutôt que dans les cosmétiques, l'ANSM envisage de s'orienter de préférence sur les risques liés aux dispositifs médicaux, notamment ceux en polychlorure de vinyle plastifié et substituts de phtalates. L'ANSM n'a donc pas atteint les objectifs assignés par la SNPE. Dans un cadre de ressources contraintes, l'Agence a progressivement réduit à environ 0,5 ETP, tous produits confondus, le nombre d'agents pouvant se consacrer à l'évaluation et à la proposition de mesures correctives sur les substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens. Elle a indiqué travailler à un projet de plateforme d'étude sur les perturbateurs endocriniens sous la forme d'un partenariat avec des laboratoires universitaires, ce qui nécessitera de mobiliser des crédits d'intervention qui ont diminué d'un tiers en cinq ans. De plus, le dispositif de programmation et de régulation permettant d'inscrire l'action de cette agence en cohérence avec celle de l'ANSES reste à consolider parallèlement à l'affermissement d'une meilleure lisibilité des actions prévues pour la mise en oeuvre de la SNPE.
2.4. La réglementation sur les perturbateurs endocriniens et le soutien à leur substitution
Le troisième axe de la SNPE s'articule selon trois actions dont le bilan détaillé figure en annexe 5 : parvenir à une définition européenne des perturbateurs endocriniens ; proposer des mesures d'exclusion ou de restriction de l'usage de substances à effet perturbateur endocrinien ;
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accompagner les démarches industrielles de substitution de substances dangereuses.
2.4.1. La volonté affirmée de la France de parvenir à une définition européenne des PE n'a pas encore totalement abouti
L'essentiel des réglementations qui encadrent les produits chimiques est établi à l'échelon européen. Le cadre juridique communautaire qui s'applique aux perturbateurs endocriniens est présenté en annexe 5 - §1. Il comprend deux règlements relatifs à la gestion de l'ensemble des substances chimiques (REACH et CLP) 35, des règlements spécifiques aux usages des substances dans certains produits (biocides, phytopharmaceutiques, cosmétiques, produits en contact avec les denrées alimentaires, dispositifs médicaux, jouets), ainsi que la réglementation relative à l'eau. Des substances ont déjà fait l'objet de mesures de gestion au titre de ces différents règlements pour leurs effets PE36, à l'issue d'approches au cas par cas, sans définition, ou par défaut37. La bonne application de ces textes est notamment liée à la définition de critères caractérisant l'effet PE. C'est pourquoi il est clairement indiqué dans la SNPE que « la France demande une définition européenne cohérente avec les spécificités toxicologiques et écotoxicologiques des perturbateurs endocriniens, fondée sur les propriétés intrinsèques de danger, sans prise en compte de la « potency », et établissant 3 catégories (« avéré », « présumé », « suspecté ») en fonction du degré de certitude sur ces propriétés. La définition doit être adaptée aux modes d'actions des perturbateurs endocriniens (action à très faible dose, fenêtre d'exposition, etc.) ». Cette volonté de la France d'aboutir à une définition des perturbateurs endocriniens et à des critères réglementaires européens a été confirmée à plusieurs reprises, notamment lors des tables-rondes santé-environnement des Conférences environnementales de novembre 2014 (mesure n°64) et avril 2016 (objectif 12a). Elle a été reprise dans le PNSE 3 (action n°69), ainsi que dans le plan santé-travail 20162020 (action 1.13).
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Adopté le 18 décembre 2006, le règlement REACH (CE n° 1907/2006) constitue le cadre réglementaire de l'ensemble des substances chimiques en Europe. Il concerne l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances. Le règlement 1272/2008 dit CLP (classification, labelling, packaging) est commun à toutes les substances chimiques ou non, commercialisées sur le territoire européen. Il a pour objet d'assurer que les dangers que présentent les substances chimiques soient clairement communiqués aux travailleurs et aux consommateurs de l'Union européenne grâce à la classification et à l'étiquetage des produits chimiques. Par exemple, dans le cadre de REACH, onze substances figurent actuellement, en raison de leurs effets avérés de perturbateur endocrinien, au sein de la liste des substances extrêmement préoccupantes candidates en vue d'une autorisation : le Bisphénol A (inclus en janvier 2017), quatre phtalates (inscrits en octobre 2008 et janvier 2010) et six phénols (inscrits entre 2011 et 2017). Des substances ne sont plus autorisées au titre du règlement pesticides en raison du danger associé à leur caractère PE (cas par exemple de l'iprodione non renouvelé en octobre 2017). Le bisphénol A et huit phtalates ont été interdits dans les produits cosmétiques et d'autres substances sont soumises à restriction d'usage. Dans l'attente de l'adoption officielle de critères, sont considérées comme ayant des effets perturbateurs endocriniens, au titre des règlements biocides et pesticides, les substances qui sont ou doivent être classées parmi les agents cancérogènes de catégorie 2 et toxiques pour la reproduction de catégorie 2.
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37
2.4.1.1. Les carences de la Commission européenne La mise en oeuvre de la mesure réglementaire d'exclusion des perturbateurs endocriniens qui figure explicitement dans les règlements européens sur les biocides et les produits phytopharmaceutiques, renvoie à un texte sur la définition et les critères d'identification des perturbateurs endocriniens que la Commission européenne devait publier avant la fin de l'année 2013. Cette échéance n'ayant pas été respectée, la Commission européenne a été condamnée pour son inaction à définir ces critères dans le cadre du règlement relatif aux produits biocides dans un arrêt du 16 décembre 2015 de la Cour de Justice de l'Union européenne à la suite d'un recours en carence initié par la Suède et auquel la France s'est associée. Sous une pression politique forte, notamment des autorités françaises, la Commission a publié, le 15 juin 2016, une communication sur les critères d'identification des perturbateurs endocriniens et plusieurs textes visant à proposer un projet d'amendement des règlements en vigueur relatifs aux produits biocides et aux produits phytopharmaceutiques. L'analyse d'impact (SWD(2016)211) qui accompagnait cette communication, présentait quatre options de critères scientifiques pour identifier les substances ayant des propriétés perturbant le système endocrinien38. 2.4.1.2. La France privilégie l'option de critères fondés sur le danger Les États-membres se sont montrés divisés sur le choix de ces options. L'industrie chimique et les agriculteurs privilégiaient l'option utilisant la définition de l'OMS pour identifier les PE et la prise en compte de la puissance comme élément de caractérisation du danger (option 4), alors que les ONG actives dans les domaines de la santé, de la défense de l'environnement et des consommateurs plaidaient en faveur de critères européens uniquement fondés sur le danger, lesquels comprendraient également des catégories supplémentaires basées sur les différents éléments de preuve nécessaires pour correspondre à la définition de l'OMS (option 3). Sur la base d'un avis de l'ANSES publié le 19 juillet 2016, les autorités françaises ont fait part à la Commission de leur position, conforme à la SNPE, dans trois notes du 29 juillet 2016, 13 décembre 2016 et du 27 février 2017 que l'on peut résumer ainsi :
·
la définition et les critères d'identification des PE doivent être identiques dans toutes les réglementations sectorielles ; la définition doit prendre en compte les dangers intrinsèques des substances, les éléments socio-économiques n'intervenant qu'ultérieurement au stade de la mesure de gestion ; des critères doivent permettre de différencier les perturbateurs endocriniens en catégories, selon que le danger pour l'homme ou les autres organismes vivants est avéré, présumé ou suspecté ;
·
·
38
Selon un tableau figurant en page 293 de l'étude d'impact, le nombre de substances actives encore approuvées qui seraient identifiées comme PE serait respectivement de 42 dans l'option 1 (scénario de référence correspondant au statu quo en conservant les critères provisoires), 26 dans les options 2 (définition de l'OMS pour identifier les PE) et 3 (utilisation de la définition de l'OMS pour identifier les PE et introduction de catégories supplémentaires fondées sur les éléments de preuve), 11 dans l'option 4 (utilisation de la définition de l'OMS pour identifier les PE prise en compte de la puissance comme élément de caractérisation du danger).
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·
la notion de « puissance » (potency) ne doit pas être prise en compte, car elle est incompatible avec le phénomène d'effets à très faible dose et avec les courbes « dose-réponse non monotone ». 2.4.1.3. Des critères ont été adoptés pour les biocides, mais pas pour les produits phytopharmaceutiques
À la suite de plusieurs rejets et après évolution de la position française, les critères proposés par la Commission européenne ont été adoptés le 4 juillet 2017 par le Comité sur les produits phytopharmaceutiques. Cependant, les parlementaires européens ont rejeté, le 4 octobre 2017, la définition proposée en raison d'une clause insérée par la Commission qui revient à autoriser les substances qui perturbent intentionnellement le système endocrinien des insectes ciblés par le pesticide, même si la substance a aussi un impact négatif sur des espèces non cibles, ce qui modifie un élément essentiel de la réglementation. Le collège des commissaires doit maintenant prendre une décision à la suite de l'objection du Parlement. Il est ainsi possible que le Commission revienne vers les États membres avec le même texte, mais sans la partie relative à l'exemption qui a motivé l'objection du Parlement. Il n'est cependant pas acquis qu'une majorité qualifiée puisse être obtenue sur une telle proposition. La situation est différente pour ce qui concerne les produits biocides. La Commission a présenté, le 4 septembre 2017, un acte délégué qui définit des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, mis au point après sept réunions de consultation des représentants des autorités compétentes en matière de produits biocides. Dans ce cas, le Parlement européen n'a pas proposé de projet de résolution de rejet dans le délai de deux mois ni demandé de délai supplémentaire. En conséquence, l'acte délégué modifiant le règlement biocides a été publié au Journal officiel de l'Union européenne le 17 novembre 2017. Il est ainsi entré en vigueur vingt jours après sa publication, soit le 7 décembre 2017 et sera applicable six mois après son entrée en vigueur. L'adoption de critères pour les biocides ouvre la porte à une extension aux autres règlements, extension qui reste à confirmer. De manière plus générale, la Commission travaille à une révision de la stratégie sur les perturbateurs endocriniens. Elle pourrait proposer un document avant l'été 2018.
2.4.2. Exclure ou restreindre l'usage des substances à effet perturbateur endocrinien
Confirmée par le PNSE 3, la SNPE prévoit que la France sera force de proposition pour des mesures de limitation des substances dangereuses dans les articles de consommation et soutiendra l'accélération de l'action européenne et les propositions des autres États membres en vue de mesures de gestion rapides et proportionnées. Elle indique précisément que la France a introduit en 2014 une proposition de restriction du bisphénol A dans les papiers thermiques au niveau européen. Elle rappelle également que la France a proposé en 2013 le réexamen de l'approbation de 21 substances actives phytopharmaceutiques en raison de leurs propriétés de danger.
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2.4.2.1. Le bisphénol A est interdit dans les tickets thermiques après une forte mobilisation de la France Le bisphénol A (BPA) est une substance utilisée depuis plus de 50 ans dans de nombreux secteurs d'activités qui a déjà été interdit en France dans les biberons (2010) puis dans les matériaux au contact direct des denrées alimentaires (2012). Un rapport d'expertise sur l'évaluation des risques liés à l'exposition au bisphénol A, publié par l'ANSES au mois d'avril 2013, confirmait ses effets sanitaires, en particulier pour la femme enceinte au regard des risques potentiels pour l'enfant à naître. Conformément à ce qui était inscrit dans la SNPE et qui a été repris dans le PNSE 3 (action n°68), les autorités françaises ont porté un dossier de restriction du BPA dans les tickets de caisse et autres tickets à impression thermosensible, au titre du règlement concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques (REACH). Le comité d'évaluation des risques de l'agence européenne des produits chimiques a reconnu le risque pour les agents de caisse et les enfants à naître de femmes agents de caisse. Une mesure de restriction de l'utilisation du BPA dans certains articles destinés au grand public, comme les tickets thermiques, a été adoptée par la Commission européenne en décembre 2016. L'objectif fixé par la SNPE a donc été atteint. Il pourrait concerner à terme d'autres usages du BPA. En effet, en février 2017, a été adoptée une proposition soumise par l'ANSES de classement du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante dans le cadre du règlement REACH, au titre de ses propriétés de perturbateur endocrinien pour la santé humaine. Cette décision oblige l'industrie à notifier à l'Agence européenne des produits chimiques la présence de la substance dans les articles fabriqués ou importés et d'informer l'acquéreur d'un article de la présence de BPA. Elle ouvre la possibilité que le BPA soit soumis à autorisation en tant que substance, conditionnant ses usages à l'octroi d'une autorisation temporaire et renouvelable. 2.4.2.2. La commission européenne n'a pas donné suite à la demande de réexamen de l'approbation de 21 substances phytopharmaceutiques Les autorités françaises ont adressé une note le 16 mai 2013 à la Commission européenne afin de demander à la Commission de bien vouloir faire procéder de manière accélérée et prioritaire à l'évaluation de 21 substances actives suspectées de ne pas satisfaire aux critères d'approbation en vue du renouvellement éventuel de leur approbation. Dans l'attente des conclusions, les autorités françaises souhaitaient que ces substances soient considérées comme des substances dont on envisage la substitution. La Commission européenne n'a pas donné de suite favorable à ces demandes qui étaient pourtant fondées puisque, depuis 2013, l'approbation de 7 de ces 21 substances n'a pas été renouvelée à la date d'expiration. Parmi les 14 substances restantes, trois d'entre elles répondent aux critères d'exclusion en raison de propriétés de perturbateur endocrinien (chlortoluron, dimoxystrobine, epoxiconazole). L'évaluation de ces trois substances est en cours. Elles n'avaient pas été identifiées comme répondant aux critères définissant les PE dans l'étude d'impact de la Commission de 2016.
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2.4.3. Le soutien public aux démarches de substitution de substances à effet PE ne s'est pas concrétisé
La SNPE prévoit d'accompagner les industriels dans leurs démarches de substitution de substances dangereuses par les dispositifs de soutien à l'innovation. Reprise dans le PNSE3 (action n°67), cette mesure a été précisée dans l'action n°66 de la feuille de route issue de la Conférence environnementale des 27 et 28 novembre 2014. Le premier volet consistait à créer un groupe de travail chargé de définir en 2015 une méthodologie d'évaluation des solutions de substitution tenant compte des principaux critères décisionnels (faisabilité technico-économique, risques sanitaires et environnementaux...). En pratique, ce travail a été mené en 2016 par un groupe de parties prenantes coprésidé par l'INERIS et le MEDEF. Un projet de guide a été finalisé en mai 2017. Il a été examiné en octobre par le groupe du PNSE sur les « risques à forte incertitude de suivi » et devrait pouvoir être bientôt publié. Par ailleurs, l'INERIS a mis en place un site web qui apporte un appui aux acteurs économiques engagés dans une démarche de substitution. Le second volet visait à coordonner les actions des industriels confrontés à la nécessité de substituer à terme des perturbateurs endocriniens dans leurs produits ou leurs procédés de fabrication par d'autres substances, et à leur permettre de déposer des demandes d'aides financières dans le cadre du fonds unique interministériel (FUI), après labellisation des projets par un pôle de compétitivité. Outre le financement de projets collaboratifs par le FUI, le développement de substituts aux PE était susceptible de s'appuyer sur d'autres dispositifs de soutien à l'innovation, notamment le programme investissements d'avenir (PIA). La mission n'a pas identifié de projets de substitution de substances PE ayant bénéficié de ces modalités de financement, faute notamment d'appel à projet adapté.
2.5. La formation et l'information
Le quatrième axe de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens a pour objectifs de :
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De former les professionnels de santé et de la petite enfance concernés par le risque ; De prioriser des actions autour de la période périnatale compte tenu des risques spécifiques lors du développement foetal et de la petite enfance ; D'informer les consommateurs sur les produits.
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Il renvoie au plan national santé-environnement (PNSE), plus précisément à ses actions n°104 à 107, décliné dans l'ensemble des régions sous forme de plans régionaux santé-environnement (PRSE). Le bilan détaillé de la mise en oeuvre des actions prévues au titre de la formation et de l'information du public est présenté en annexe n°6.
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2.5.1. L'offre de formation des professionnels concernés est seulement émergente
La SNPE indique que « le contenu et les modalités des formations à destination des professionnels concernés feront l'objet de discussions et d'un plan d'actions intégré au sein du PNSE 3 et du PST 3, élaborés au cours de l'année 2014 ». Cette disposition a été reprise dans l'action n°104 du PNSE3. Pour les professionnels de santé, le développement professionnel continu (DPC) constitue une obligation, quel que soit son mode d'activité. Un arrêté du ministère de la santé publié le 8 décembre 2015 fixe la liste des orientations nationales pour les années 2016 à 2018 telle que l'orientation n°5 « Informer et protéger les populations face aux risques sanitaires liés à l'environnement ». S'inscrivent dans ces orientations les actions contribuant à la connaissance et à la prise en compte par les professionnels de santé des pathologies imputables à l'environnement et des facteurs environnementaux pouvant avoir un impact sur la santé, dont les perturbateurs endocriniens. Entre 2013 et 2017 (situation au 30 septembre), l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) a recensé 56 actions de DPC traitant des perturbateurs endocriniens à destination des professionnels de santé libéraux conventionnés et salariés des centres de santé conventionnés. Le nombre d'actions sur cette thématique est en forte augmentation. Le nombre de professionnels pris en charge sur le thème des PE augmente rapidement : 50 en 2014, 174 en 2016 et déjà 380 fin septembre 2017. Les médecins représentent encore la majorité des professionnels formés, mais sont également touchés les infirmiers et, à un degré moindre, les sages-femmes et les pharmaciens. Malgré cette croissance de la demande, la prise en charge des actions traitant des perturbateurs endocriniens n'a représenté en 2016 que 0,2% des dépenses totales consacrées au DPC des professions de santé libérales conventionnées prises en charge par l'Agence39. Les disciplines médicales centrées sur la pédiatrie (pédiatrie, endocrino-pédiatrie) et la gynéco-endocrinologie en lien avec la procréation médicale assistée s'estiment fortement concernées par le sujet des PE. Tous soulèvent la difficulté à faire passer des messages sur un sujet mal connu, potentiellement anxiogène, sans susciter d'inquiétudes disproportionnées. La forte demande de formation et d'information, notamment des pédiatres, ne peut pas être satisfaite. Outre les éléments sur le DPC, la mission n'a pas connaissance d'une analyse détaillée des programmes de formation, tant initiale que continue, des publics visés. L'action n°104 du PNSE 3 : « « analyser en détails les programmes de formation, tant initiale que continue, des publics relais visés dans les PNSE 1 et PNSE 2 et compléter les dispositions existantes » n'apparaît ni réalisée, ni même entreprise. Enfin, la mission a identifié des actions de formation menées par des agences régionales de santé (ARS) à destination des professionnels de la périnatalité et de la petite enfance principalement. Ces actions sont menées en lien avec des centres hospitaliers (CHRU de Lille), des associations de professionnels (URPS pharmaciens), des réseaux de médecins libéraux (réseaux de périnatalité, etc.) et des associations d'éducation pour la santé (Comités régional ou départemental d'éducation pour la
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Par ailleurs, l'Agence nationale de la formation hospitalière a financé en 2016 trois colloques consacrés aux perturbateurs endocriniens.
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santé). Pour autant, cela ne permet pas de considérer que l'action n°105 du PNSE 3 « : mutualiser les expériences régionales en matière de formation initiale et continue en santé environnement » est totalement mise en oeuvre.
2.5.2. L'information et la communication sont insuffisantes pour répondre à une inquiétude croissante de la population
Le thème des PE est de plus en plus présent dans les médias : près de 3 200 articles de presse sur le sujet en 2016 contre seulement 58 une décennie auparavant ; près de 2 600 documents déjà parus sur les cinq premiers mois de l'année 2017 (source Europresse). De façon générale, les articles « grand public » sont parfois contradictoires et peuvent être inutilement anxiogènes. Il n'est donc pas étonnant que l'impact des perturbateurs endocriniens sur la santé devienne une source d'inquiétude majeure pour les Français, alors que leur connaissance de la question reste floue (voir § 4.1 annexe 6). Dans ce contexte, la SNPE a centré l'objectif d'information sur les produits à ceux contenant du bisphénol A et donné la priorité à des actions d'information et de sensibilisation centrées sur la période périnatale. 2.5.2.1. La qualité de l'information des consommateurs peut et doit s'améliorer L'INERIS a travaillé sur la création de labels pour informer sur l'exposition au bisphénol A
La SNPE indique que les informations relatives à l'exposition sur le bisphénol A seront précisées, et que les moyens d'élargissement des missions des centres de consultation de pathologies professionnelles (CCPP) à la prise en charge des pathologies en relation avec des expositions environnementales seront détaillés. Dans la pratique, la seule action concrète mise en oeuvre a porté sur la mise à disposition des professionnels par l'INERIS d'un label : « tickets sans BPA ». Délivré par l'Institut, il garantit que les tickets de caisse et reçus de carte bancaire ne contiennent pas de bisphénol A (BPA). Les deux premiers labels ont été attribués dès janvier 2015. L'INERIS a également développé un label étendu « sans phénol ajouté » qui garant l'absence, dans les papiers thermiques, de quinze phénols dont toute une famille de bisphénols (y compris Bisphénol A, Bisphénol S et Bisphénol F). Les labels ont été développés en concertation avec les parties prenantes. Les détenteurs de ces labels sont tenus de respecter les exigences posées par un référentiel public qui s'appuie sur un protocole mis au point par l'INERIS. La valeur accordée par le marché au label s'en remet de fait à la pertinence du cahier des charges constitué et du dispositif de labellisation qui l'accompagne, ainsi qu'à la crédibilité du panel d'acteurs ayant participé à son élaboration. A contrario, les allégations de type « sans parabène », largement employées par l'industrie des cosmétiques, sont uniquement commerciales. Elles ne préjugent pas de l'absence d'effet PE et ne peuvent être assimilées à des labels. La DGCCRF a souligné la difficulté de tels « labels » afin d'informer correctement les consommateurs sur l'absence réelle de danger.
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L'information des consommateurs reste à organiser
Outre ce qui précède sur le BPA, la SNPE n'a pas fixé d'autre objectif en matière d'information sur les expositions aux PE. Si la réglementation CLP relative à l'étiquetage des produits chimiques autorise l'utilisation d'un pictogramme, utilisé pour identifier les produits reconnus CMR, il n'en est pas de même pour la perturbation endocrinienne dans l'état actuel de la réglementation. Certaines associations de consommateurs qui ne sont pas tenues par la réglementation, diffusent des informations sur des produits à éviter (cosmétiques) en raison de la présence de « substances indésirables » dont récemment une action portant sur une substance à effet PE. Cette mobilisation peut conduire à des actions de contrôle ciblées des services de l'État (DGCCRF). 2.5.2.2. Des initiatives en matière d'information qui restent à capitaliser L'amorce de mesures ciblées sur la période périnatale
La SNPE précise que « le PNSE 3 prévoira également des stratégies de communication spécifiques en direction des personnes ayant un projet parental et des professionnels de la petite enfance, sur les risques potentiels liés à certaines expositions lors du développement foetal et de la petite enfance, des campagnes d'information sur les expositions dans certains lieux de vie, et au sujet du marquage des produits ». Le fait que la grossesse et la petite enfance soient des périodes de grande sensibilité aux effets des PE justifient des actions ciblées. Ainsi la mesure 65 de la feuille de route issue de la conférence environnementale de 2014 confirme et précise l'orientation de la SNPE : « Afin de protéger les femmes enceintes et les jeunes enfants, une information comportant un message sur la réduction des expositions aux perturbateurs endocriniens sera insérée dans le carnet de maternité et le carnet de santé de l'enfant lors de leur révision prévue en 2015. Une information et une sensibilisation des professionnels de la naissance et petite enfance pourra être réalisée via la commission nationale de la naissance et de la santé de l'enfant ». Le 10 mars 2015, le ministère de la santé a réalisé une présentation de la SNPE et des objectifs de la feuille de route au comité national de la naissance et de la santé de l'enfant (CNNSE). Une mise à jour du carnet de maternité en 2015 était annoncée sous la forme de l'insertion d'un message à destination des femmes enceintes les informant des dangers des produits chimiques courants tels que les produits d'entretien, illustré par les pictogrammes d'alerte devant figurer sur ces produits. La Direction générale de la santé (DGS) tient pour acquise cette modification qui n'apparaît pas sur le carnet de maternité en ligne sur le site du ministère et de l'assurance maladie à la date du 15 novembre 2017. Une mise à jour du carnet de santé de l'enfant était également prévue. Dans l'exemplaire en ligne sur le site du ministère de la santé, il n'est pas fait mention d'attentions particulières vis-à-vis des produits chimiques en général et des PE en particulier. Des initiatives dans les régions qu'il faut capitaliser
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L'orientation de la SNPE relative à l'information du public a également été reprise dans deux actions du PNSE 3 :
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Action n°106 : poursuivre les efforts en matière d'éducation en santéenvironnement ; Action n°107 : faciliter l'information de l'ensemble des citoyens sur les thèmes liés à la santé environnementale, notamment via la création d'un méta-portail sur le PNSE et les PRSE.
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Les actions dominantes des PRSE 3 et des PST 3 sont l'information et la sensibilisation du public. Le public cible principal est en lien avec la petite enfance (femmes enceintes, futurs et jeunes parents, professionnels de santé et professionnels de la petite enfance). L'information sur les PE s'inscrit également dans d'autres thématiques (qualité de l'air intérieur, développement durable des établissements de santé et médico-sociaux...) et elle est parfois centrée sur des problématiques locales (pesticides, contamination de l'eau au perchlorate, etc.). Les PST 3 abordent les perturbateurs endocriniens par le risque chimique (évaluation et outils de traçabilité, sensibilisation des employeurs et salariés, etc.) et les substances CMR. L'information et la sensibilisation du public sont peu retranscrites dans les contrats locaux de santé (CLS) puisque seules cinq agences régionales de santé (ARS) sur les treize étudiées indiquent que la santé environnementale est parfois abordée dans les CLS de leur territoire. La qualité de l'air intérieur, l'utilisation des produits chimiques dans les crèches, la périnatalité, les phytosanitaires sont les voies d'approche déclinées dans les CLS, sans que le terme de perturbateurs endocriniens ne soit toujours explicitement précisé. L'intensité des actions varie selon les ARS. La Nouvelle-Aquitaine consacre toute une politique de prévention et de promotion de la santé environnementale en direction de la petite enfance (conception d'un guide de recommandation dans les crèches, atelier de sensibilisation des parents, formation initiale et continue des sages-femmes et des puéricultrices, etc.) alors que d'autres ARS proposent des actions plus restreintes. Les ARS aspirent à un cadrage national en matière de PE : centre de ressource national en ligne pour développer les connaissances des professionnels de santé et du grand public, recommandations nationales précises pour certains produits de consommation, intégration de la problématique PE aux formations initiales et continues des professionnels de santé, adaptation des cahiers des charges des marchés publics. D'autres acteurs que les ARS participent à l'information du public : services déconcentrés (création d'un site internet dédié à la santé environnement par la DREAL Bourgogne-Franche-Comté, etc.), collectivités territoriales (fiche santé environnement dans les carnets de maternité et de santé en Picardie, crèche sans PE à Limoges, etc.), associations (association pour la prévention de la pollution atmosphérique, réseau santé environnement, Women in Europe for a Common Future, etc.), mutuelles (ateliers de sensibilisation des parents dispensés par la Mutualité française) et centres hospitaliers (évaluation des expositions environnementales et prise en charge des futurs parents à Bordeaux et à Rennes). Au vu de ce bilan, l'action du PNSE3 n°107 : « faciliter l'information de l'ensemble des citoyens sur les thèmes liés à la santé environnementale, notamment via la création d'un méta-portail sur le PNSE et les PRSE » reste pertinente et à réaliser.
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3. L'évaluation de la mise en oeuvre de la SNPE
À partir du bilan qui précède la mission a dégagé les points forts et les points faibles de la mise en oeuvre de la SNPE. Cette analyse permet de formuler une évaluation qui porte plus particulièrement sur la pertinence de cette stratégie, sa cohérence interne et externe, son efficacité et sa gouvernance. Dans la mesure où la stratégie n'a pas été dotée de moyens dédiés, il n'est pas possible d'en évaluer l'efficience.
3.1. Une stratégie pertinente et opportune
La SNPE est une initiative originale en Europe. La mission n'a identifié que deux autres pays (Danemark et Suède) engagés dans une démarche comparable40. Dans un contexte où l'Union européenne, pourtant en charge de réglementer le risque chimique, est en manque de stratégie cohérente, elle était très opportune pour affirmer la volonté politique française d'agir sur un sujet complexe qui est une préoccupation prioritaire en santé-environnement. La SNPE constitue une feuille de route d'orientations générales pertinentes qui remet en cause les concepts classiques de la toxicologie. Elle donne de la visibilité au thème de la perturbation endocrinienne dans le débat public et renforce le lien entre santé et environnement. La SNPE affiche des ambitions et des orientations. En cela, elle constitue une base de référence pour décliner l'enjeu des PE dans les divers plans nationaux relatifs à la santé et à la protection de la biodiversité. La méthode participative retenue pour son élaboration était judicieuse. Elle faisant dialoguer ministères, agences, entreprises, scientifiques, associations autour d'objectifs partagés, elle a créé un consensus qui a permis l'approbation du projet de stratégie à la quasi-unanimité du Conseil national de la transition écologique. Si les quatre axes retenus sont pertinents et couvrent les principaux enjeux, la SNPE s'est limitée à la protection de la santé humaine et n'a pas suffisamment affirmé l'enjeu de la protection de la santé des écosystèmes, en cohérence avec le concept « one health ». L'objectif prioritaire qui vise à réduire les expositions, est pertinent. Cependant, la réduction des expositions des populations les plus à risques s'est limitée à la suppression du bisphénol A dans les tickets de caisse, grâce à une réglementation protégeant la santé des travailleurs face à des facteurs d'expositions et de risques définis. La volonté d'une meilleure connaissance des sources d'exposition doit être
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Pour le Danemark, la stratégie nationale sur les PE porte sur le développement des connaissances et de méthodes de tests, la réglementation, des recherches orientées vers l'action (Centre sur les perturbateurs endocriniens, etc.), des actions d'information pour réduire l'exposition des jeunes enfants et des femmes enceintes. (Voir :http://eng.mst.dk/chemicals/chemicals-in-products/endocrinedisruptors). La Suède a adopté un Plan d'action 2015-2020 pour un environnement quotidien non toxique qui inclut les perturbateurs endocriniens. Les mesures sont en particulier axées sur la protection de la petite enfance. (Voir : https://semi-coke/en/about-us/our-work/action-plan-for-a-toxicfree-everyday-environment). On peut également mentionner l'initiative des Etats-Unis, au travers de l'Agence de protection pour l'environnement (EPA) qui a élaboré une stratégie de recherche avec l'ensemble des parties prenantes fédérales (Agence de recherche médicale et environnementale et l'Agence fédérale pour l'alimentation et les médicaments (FDA) notamment) : Endocrine Disruptor Screening Program (EDSP), https://www.epa.gov/endocrine-disruption/endocrine-disruptor-screeningprogram-edsp-overview.
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encore plus appuyée, de même que des travaux sur les liens entre les expositions et les effets des PE. De manière générale, l'analyse de risques reste peu développée. L'ambition affichée en matière de progrès des connaissances scientifiques était justifiée, mais sans que soit suffisamment mise en oeuvre la nécessaire insertion dans les réseaux européens et le développement de partenariats stratégiques. L'innovation est en conséquence insuffisamment prise en compte, notamment par l'intermédiaire d'études « coûts-bénéfices » sur les coûts (sanitaires, sociaux...) associés aux effets de la perturbation endocrinienne. De même, la veille scientifique et sociétale est à développer sur les travaux précurseurs tels ceux parus dans la revue scientifique « The Lancet »41 à l'automne 2016. L'évaluation chaque année du danger de quelques substances suspectées d'être des PE est une mesure pertinente et adaptée aux moyens disponibles. Elle reste néanmoins modeste par rapport au nombre de substances qu'il faudrait pouvoir expertiser. La SNPE affirme la possibilité de prendre des mesures nationales en raison des carences de l'échelon européen, ce qui est pertinent dans l'absolu, mais fragile juridiquement en raison de la primauté du droit communautaire avec des risques de contentieux. Les objectifs en matière de formation et de sensibilisation restent très généraux. La SNPE ne prévoit pas d'actions significatives en dehors des actions générales du PNSE 3 qui ne sont pas spécifiques aux perturbateurs endocriniens.
3.2. La cohérence entre la SNPE et les autres plans nationaux est encore à améliorer
La SNPE est un document globalement cohérent, les quatre axes de la stratégie étant a priori complémentaires. Dans la pratique, les synergies entre les axes sont restées limitées (par exemple l'évaluation des substances ne s'est pas traduite par des mesures de gestion, les progrès des connaissances n'ont pas eu d'effet sur la formation des professionnels...). La mise en oeuvre de l'axe dédié à la réglementation a buté sur l'insuffisante articulation entre les règlements communautaires (REACH vs règlement sectoriels par produits). L'objectif de décliner la SNPE dans les divers stratégies et plans nationaux s'est imparfaitement concrétisé. De ce fait, la cohérence d'ensemble entre la SNPE et d'autres plans nationaux est hétérogène. Si certaines orientations ont été reprises sous la forme d'actions inscrites dans le PNSE 3 et dans les feuilles de route issues des tables-rondes santé-environnement des conférences environnementales de 2014 et 201642, le plan Cancer, le plan national santé au travail et la stratégie nationale de recherche, n'évoquent au mieux le thème des PE que de manière très générale sans prévoir de mesures à caractère opérationnel. L'articulation avec la programmation des
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Teresa M Attina, Prof Russ Hauser and al."Exposure to endocrine-disrupting chemicals in the USA: a population-based disease burden and cost analysis", The Lancet, Diabete & Endocrinology, 17 October 2016 (http://dx.doi.org/10.1016/S2213-8587(16)30275-3). Patricia A. Hunt, Sheela Sathyanarayana, Paul A. Fowler, Leonardo Trasande, Female Reproductive Disorders, Diseases, and Costs of Exposure to Endocrine Disrupting Chemicals in the European Union, The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, Volume 101, Issue 4, 1 April 2016, pp 15621570 (https://doi.org/10.1210/jc.2015-2873) Le plan micro-polluants 2016-2021 prévoit également des mesures à caractère concret qui font explicitement référence à la SNPE.
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axes recherche et santé du plan Ecophyto est restée limitée, à l'exception d'un appel à projets de recherche en 2017. La SNPE n'a pas couvert l'ensemble des phénomènes de perturbation endocrinienne oubliant les écosystèmes. L'environnement n'est le plus souvent vu que comme une source ou un vecteur de contaminants et pas aussi comme un système fonctionnel vivant susceptible d'interactions avec ces contaminants. De ce fait, l'écotoxicologie est restée en retrait par rapport à la toxicologie. De manière générale, la stratégie a souffert du manque de cohérence entre les objectifs affichés et l'évolution des moyens (notamment pour la recherche).
3.3. La SNPE, des résultats positifs à consolider
La SNPE a donné de la visibilité à un thème complexe qui est désormais sur la place publique et qui suscite une attente sociétale croissante. Elle a contribué à faire émerger un consensus politique sur l'importance de l'enjeu et le besoin d'agir qui s'est particulièrement affirmé en 2017 (résolutions du Sénat43). La position de la France sur le thème des PE s'est améliorée en Europe. Elle a augmenté son leadership et sa visibilité. Elle a été une force d'impulsion à l'échelon européen qui a joué un rôle déterminant dans la discussion difficile sur les critères en permettant de retenir la définition de l'OMS. Les travaux de recherche finalisée ont permis d'obtenir des résultats significatifs, les avancées des connaissances scientifiques résultant cependant d'actions engagées avant l'adoption de la SNPE. La réduction des moyens nationaux consacrés à la recherche depuis 2014, aggravée par les évolutions à l'échelon européen depuis la mise en place de H2020, a fragilisé la petite communauté scientifique qui s'est constituée depuis quelques années sur le thème des PE. Celle-ci a tendance à se réduire par manque d'attractivité, avec un risque de pertes de compétences. Les collaborations qui s'étaient engagées entre toxicologues et écotoxicologues ont diminué faute de programme adapté. Les méthodes développées par la recherche n'ont pas été validées et transférées pour contribuer à la gestion des substances. La plateforme de pré validation de méthodes de tests n'a pas encore trouvé son modèle économique. L'expertise du danger de certaines substances a été réalisée par l'ANSES conformément aux objectifs fixés, mais pas par l'ANSM. Les suites données aux évaluations sont difficiles à apprécier en raison des lourdeurs des processus européens de gestion des substances. Si les méthodologies ont été perfectionnées, l'absence de données suffisantes, de méthodes harmonisées et de tests reconnus pour caractériser l'effet PE ont limité la portée de ces expertises dans le cadre européen. La France n'est pas parvenue à faire procéder de manière accélérée à l'évaluation des substances actives utilisées dans des produits phytopharmaceutiques et suspectées de ne pas satisfaire aux critères permettant de renouveler leur autorisation. Les tests pour caractériser l'effet PE existent dans les laboratoires de recherche, mais les modalités de leur pré-validation en vue d'une normalisation n'ont pas avancé de manière significative. La surveillance des expositions a progressé et la France disposera bientôt de résultats équivalents à ceux dont disposent d'autres pays, notamment les États-Unis. Un projet
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Mercredi 22 février 2017, le Sénat a adopté en séance publique une proposition de résolution visant à renforcer la lutte contre l'exposition aux perturbateurs endocriniens.
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d'infrastructure de recherche sur l'exposome a été formalisé. Le programme national de bio surveillance permet de connaître les niveaux d'imprégnation des femmes enceintes et bientôt de la population générale. D'autres cohortes ont également été constituées avec un soutien financier du Programme d'investissements d'avenir (PIA) ou de crédits de recherche. Les risques sanitaires associés aux expositions sont cependant encore peu abordés. La connaissance des liens entre imprégnation et impacts sur la santé reste à approfondir afin de donner des critères d'aide à la décision que ce soit à l'échelon national ou communautaire. Les données issues des différentes cohortes ne sont pas capitalisées pour en faciliter l'accès ouvert à la recherche. Les organismes français impliqués dans la bio surveillance humaine se sont organisés en hub français et jouent un rôle important dans le réseau européen HBM4EU qui est structurant pour mutualiser et élargir les travaux avec des cohortes d'autres pays, permettre une meilleure coordination des acteurs français dans les années à venir et susciter un engagement du ministère chargé de la recherche. Le dispositif est néanmoins fragile, car la pérennité sur un temps long des cohortes en population générale n'est pas acquise. La surveillance des PE dans les milieux n'est réellement pérenne que pour les seuls milieux aquatiques, car il existe un cadre réglementaire dédié ainsi que des moyens de financement sanctuarisés. Cette surveillance indispensable reste à structurer dans les autres compartiments (air, sol). De plus, les effets sur les biocénoses terrestres ne sont pas encore abordés. Par ailleurs, il n'est pas possible d'évaluer dans quelle mesure l'objectif général de diminuer l'exposition de la population a été atteint faute d'indicateurs adaptés. L'action volontariste menée sur le bisphénol A a permis d'atteindre les objectifs fixés par la SNPE, mais seulement après une mobilisation exceptionnelle. Ce processus a permis d'obtenir le classement du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante dans le cadre du règlement REACH et son interdiction dans les papiers thermiques. De manière plus générale, la substitution de substances préoccupantes reste insuffisante notamment faute d'évaluation préalable des produits et des mélanges par les entreprises et d'un manque de soutien à l'innovation. Des critères de définition des PE ont été publiés par la Commission européenne pour les biocides, mais pas pour les autres usages, notamment les produits phytopharmaceutiques, malgré la volonté constamment affirmée de la France d'y parvenir. La forte inertie de la réglementation européenne est en décalage avec l'évolution rapide des connaissances scientifiques. Il n'y a pas eu d'actions nationales d'envergure pour l'information du public. Faute de sources d'information fiables et identifiées sur le sujet, l'information diffusée est anxiogène. Toutefois, des initiatives locales ont été prises dans le cadre des PRSE et par plusieurs ONG qui ont mené des actions de sensibilisation dont la portée est restée limitée en raison de moyens faibles et qui ne sont pas capitalisées. Le sujet a également été approprié par quelques collectivités locales. Certaines disciplines médicales s'y engagent à partir d'initiatives militantes. Faute de pouvoir s'appuyer sur une définition réglementaire des PE, l'information des consommateurs s'est pour l'instant limitée aux labels relatifs aux phénols portés par l'INERIS. L'offre de formation des professionnels de la santé n'est pas recensée, mais la demande des professionnels de la petite enfance qui augmente, trouve une offre de formation en émergence.
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3.4. L'absence d'un plan d'actions, le manque de moyens et l'insuffisante mobilisation interministérielle ont limité les résultats attendus
La SNPE n'est pas le résultat d'une politique gouvernementale affichée. L'implication des ministères potentiellement concernés a été très hétérogène dans la conception et la mise en oeuvre de la stratégie : si le ministère en charge de l'environnement a joué un rôle leader, avec une contribution de celui en charge de la santé, les autres ministères se sont montrés peu actifs. La SNPE a manqué d'un pilotage réellement interministériel qui aurait fourni des orientations pour la programmation coordonnée des travaux des agences et permis une coordination entre les autorités en charge des différents règlements européens concernés par la problématique des PE. La co-construction de la stratégie avec les parties prenantes a été appréciée. Les scientifiques et les milieux associatifs ont été proactifs, les industriels semblant se situer plus en retrait alors qu'ils furent actifs dans la mise à l'agenda des problèmes de perturbation endocrinienne au cours des années 2000. La SNPE n'a pas été déclinée dans un plan d'action comprenant des mesures concrètes, avec des objectifs précis à atteindre, des opérateurs désignés et des moyens bien identifiés. L'engagement des opérateurs de l'État dans la mise en oeuvre est hétérogène : certains opérateurs s'impliquent, en premier lieu l'ANSES dont la qualité et l'ouverture des expertises menées en coopération avec la communauté scientifique sont reconnues, alors que d'autres opérateurs sont en retrait (ANSM notamment). La programmation de l'activité des différentes agences sur les PE manque de coordination44, les contrats d'objectifs et de performance n'ont pas été assez utilisés pour fixer des objectifs précis aux opérateurs. La SNPE a créé peu de synergies et de nouvelles coopérations entre les institutions, à l'exception récente de la constitution du réseau français de l'initiative de bio surveillance HBM4EU qui est très prometteur. Le dispositif de suivi de la SNPE est peu mobilisateur. Seulement deux réunions d'échanges avec les parties prenantes qui ont permis de conforter une culture commune, se sont tenues depuis 2014. L'articulation de ces réunions avec les groupes de suivi du PNSE dont certains traitent également des PE, n'est pas explicite. Il n'existe pas de synthèse annuelle sur l'avancement des différentes actions de la stratégie. Des indicateurs de suivi n'ont pas été prévus. Les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux et des coûts pour la santé. L'absence de moyens financiers nouveaux affectés à la mise en oeuvre de la SNPE conduit à une polarisation des travaux sur les thèmes pour lesquels des financements sont disponibles (pesticides, milieu eau...). Une partie des moyens qui existaient avant l'adoption de la SNPE ont même été réduits (moyens dédiés à la recherche). Les moyens humains dédiés à l'évaluation et à la surveillance sont insuffisants. Il manque des moyens pour mobiliser les capacités d'intervention des scientifiques en appui à l'activité d'expertise. Les moyens pour soutenir la prévention font défaut. A cet égard, aucun budget dédié n'est identifié dans la loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS).
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4. Propositions pour une nouvelle stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens
La SNPE a permis de faire émerger et partager la question des PE dans les domaines de la recherche, de l'industrie, auprès des professionnels et du public, même si le bilan et l'évaluation présentés précédemment ont aussi montré les limites de ce qui a été mis en oeuvre. La pertinence de cette démarche, les enjeux importants liés aux PE et le travail qui reste à accomplir incitent la mission à proposer que soit relancée une nouvelle stratégie, insérée dans la planification en matière de santéenvironnement. Au vu des insuffisances de la mise en oeuvre de la première SNPE, la mission propose un dispositif de pilotage plus volontariste et une révision des axes déclinés en mesures à caractère opérationnel. Ces propositions, d'ordre stratégique pour certaines, plus opérationnelles pour d'autres, valent recommandations de la mission.
4.1. Une stratégie renouvelée qui affiche une politique gouvernementale
L'ensemble des interlocuteurs rencontrés par la mission s'accorde sur l'intérêt de disposer d'un document stratégique qui affiche les orientations sur le long terme de la politique gouvernementale en matière de perturbateurs endocriniens, enjeu prioritaire en matière de santé-environnement, réponse structurée aux interrogations de nos concitoyens. Cette stratégie doit être initiée et portée par l'ensemble des ministères concernés au-delà des seuls ministères chargés de l'environnement et de la santé. Il en va de l'efficacité de sa mise en oeuvre ultérieure et de la crédibilité de l'action de l'État. Elle doit permettre de fixer des objectifs partagés avec les parties prenantes qui doivent être associées à son élaboration. Sa conception doit prendre en compte plusieurs principes : affirmer l'enjeu spécifique à la perturbation endocrinienne dans une démarche d'ensemble sur la santé-environnement ; s'intéresser aux effets des PE sur la santé humaine et sur celle des écosystèmes selon le concept « one health45 » (une seule santé, humain, animal, écosystème) ; accompagner le changement de paradigme toxicologique de la perturbation endocrinienne (notion d'effet-dose non toujours pertinente, effet cocktail, ...) ; protéger les périodes de la vie au cours desquelles la sensibilité aux PE est accrue (grossesse, petite enfance) ;
45
L'initiative « One Health » (« une seule santé ») est un mouvement créé au début des années 2000 qui promeut une approche intégrée, systémique et unifiée de la santé publique, animale et environnementale aux échelles locales, nationale et planétaire.
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répondre aux inquiétudes de la population et lui donner confiance dans l'action des institutions publiques ; expliquer simplement des phénomènes complexes pour mieux sensibiliser et faire évoluer les comportements ; être force de proposition pour des évolutions à l'échelon européen notamment en utilisant davantage les possibilités laissées par les textes réglementaires européens pour commanditer des études spécifiques ou complémentaires en cas de doutes sérieux sur les résultats d'études financées par les industriels afin d'instruire les dossiers d'enregistrement. 1. Formaliser une nouvelle stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, placée sous pilotage interministériel. (MTES, MSS et al.)
4.2. Doter la stratégie d'un plan d'actions en cohérence avec la programmation en santé-environnement dans un contexte européen
La définition d'une nouvelle stratégie nécessite un plan d'actions avec des mesures précises, des indicateurs de suivi, selon un calendrier, des moyens affectés, et des responsables identifiés. Ce plan dédié aux PE doit s'inscrire en cohérence avec la programmation d'ensemble du domaine de la santé-environnement. Les interlocuteurs de la mission se sont montrés partagés sur l'hypothèse d'inclure le plan spécifique aux PE au sein du futur Plan national santé environnement (PNSE4). Cette inclusion aurait l'avantage de permettre un suivi plus intégré, mais elle pourrait avoir l'inconvénient de réduire la visibilité et l'importance donnée au thème des PE qui reste encore en émergence. D'autre part, le PNSE actuel ne porte que sur la santé humaine et pas sur celle des écosystèmes. A ce stade, faute de connaître la structuration et le périmètre du futur PNSE, il semble prématuré à la mission de prendre une position définitive sur ce point. Elle invite la mission d'évaluation du PNSE 3 à examiner cette question46 dans ses travaux. Un dispositif de gouvernance devra être clairement défini afin d'assurer le pilotage, le suivi régulier et l'évaluation de ce plan d'actions. L'ANSES dispose des compétences et de l'expérience pour apporter son appui à la formalisation de la stratégie et du (des) plan(s) d'action associé(s). 2. Décliner la stratégie en plan(s) d'action doté(s) de moyens adaptés et mis en cohérence avec la programmation en santé environnement. (MTES, MSS et al.)
4.3. Des conditions pour réussir la mise en oeuvre de la stratégie et des plans d'action 4.3.1. Disposer d'outils de référence en appui à la mise en oeuvre de la stratégie
La dispersion des connaissances sur le sujet des PE nuit considérablement à la perception des actions menées et au pilotage d'une politique cohérente. Très peu des
46
Par lettre du 16 novembre 2017, les ministres chargés de l'environnement, de la santé et de la recherche ont confié au CGEDD, à l'IGAS et à l'IGAENR une mission d'évaluation du PNSE3 et de propositions pour le futur PNSE4.
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acteurs rencontrés ont une vision qui dépasse leur champ personnel d'expertise dans un domaine qui est très vaste. Pratiquement tous les interlocuteurs de la mission ont mentionné le besoin d'identifier des ressources fiables et disponibles. Deux actions pourraient contribuer à intégrer les connaissances, l'expertise et certains services : Créer, par regroupement de moyens existants, un centre national de référence sur la perturbation endocrinienne (cf annexe n°6) à l'image des centres nationaux de référence, tel qu'ils existent pour des maladies infectieuses, où travaillent des spécialistes pour concentrer le savoir, promouvoir la recherche et l'assistance technique ; Appuyer la création d'une infrastructure de recherche et de service sur l'exposome chimique humain (PAREX-H47) donnant à la France une place majeure dans les réseaux européen et mondial de biomonitoring et de recherche en santé environnement. Le projet HBM4UE a été l'occasion de formaliser la constitution d'un groupement des agences concernées par le sujet. L'action de cette alliance peut et doit être amplifiée par un engagement explicite de la direction générale de la recherche et de l'innovation en ce sens. 3. Créer par regroupement des moyens existants un centre de référence sur les perturbateurs endocriniens et appuyer la création d'une infrastructure de recherche et de service sur l'ensemble des expositions pouvant affecter la santé humaine au cours de la vie. (MESRI avec MTES et MSS)
4.3.2. Renforcer la coordination des acteurs
Améliorer la coordination des différents opérateurs de l'État et des principaux ministères qui auront à mettre en oeuvre la SNPE 2 et son plan d'actions ; Coordonner l'action des agences sanitaires : le Comité d'animation du système des agences (Casa), institué par décret du 22 novembre 2017, présidé par le directeur général de la santé, semble une instance appropriée pour le pilotage stratégique, à compléter sans doute par un groupe à visée plus opérationnelle. 4. Coordonner l'action des agences sanitaires sur les perturbateurs endocriniens à l'aide du comité d'animation du système d'agences. (MSS)
4.3.3. Se doter d'indicateurs d'évaluation
Une des faiblesses identifiées de la première SNPE est le manque d'indicateurs de moyens, de suivi, de résultats. Comme précisé au début des propositions, il convient que les actions retenues dans la cadre d'une future SNPE soient assorties d'indicateurs de moyens, de résultats et de jalons permettant à sa gouvernance d'en objectiver et d'en partager les résultats. Le Haut comité de santé publique pourrait être mandaté pour définir les indicateurs de suivi et de résultat des programmes retenus ; Le Haut comité de santé publique pourrait être sollicité pour actualiser et compléter ses propositions émises dans le cadre de la préparation du futur PNSE afin de prendre en compte l'enjeu des PE.
47
PAREX-H vise à constituer un pôle très ambitieux au niveau international autour de trois unités de recherche positionnées dans deux grandes écoles (Oniris et EHESP) et deux grands organismes de recherche (INRA et INSERM).
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4.3.4. Mobiliser les territoires
Organiser la mobilisation des ARS et des DREAL pour qu'elles incitent les collectivités et les acteurs des territoires à décliner certaines actions du plan national associé à la SNPE 2, selon des modalités à définir qui dépendent notamment de sa relation au PNSE 4. Capitaliser les connaissances développées localement suites aux actions des PRSE 3 et les prolonger dans le cadre du plan d'action associé à la SNPE2 et/ou du PNSE 4. 5. Mobiliser conjointement les ARS et les DREAL pour décliner localement les orientations nationales arrêtées dans les plans associés à la SNPE 2. (MTES, MSS)
4.4. Les mesures opérationnelles de la SNPE2 pourraient s`organiser selon 5 axes
L'évaluation a permis de pointer un certain nombre d'actions qu'il semble nécessaire d'entreprendre et d'intégrer dans le(s) programme(s) associé(s) à la stratégie. Ces actions peuvent s'organiser autour de 5 axes, à savoir :
4.4.1. Axe 1 : Recherche
4.4.1.1. Donner une place à la thématique PE dans la stratégie nationale de recherche Disposer au sein de la programmation de l'Agence nationale de la recherche d'un axe (programme thématique, appel à projets transdisciplinaires...) dédié à l'acquisition de connaissances sur des questions complexes liées aux contaminants (dont les PE) et à leurs effets sur la santé et les écosystèmes ; Inscrire le thème des PE comme prioritaire dans les contrats d'objectifs négociés entre l'État et les institutions de recherche les plus concernées ; Mobiliser la communauté scientifique française afin qu'elle s'implique dans la construction d'un agenda de recherche européen en santé-environnement faisant une juste place au thème des PE48 ; Demander à la Commission européenne de mieux prendre en compte le sujet des PE dans la future programmation de recherche post H2020 ; Soutenir des initiatives associant les communautés scientifiques de la toxicologie et de l'écotoxicologie.
48
Une proposition d'action de coordination devrait être déposée par les scientifiques français (tout ou partie des organismes du hub de HBM4EU à élargir à des spécialistes de l'écotoxicologie) dans le cadre d'un appel ouvert sur le programme 2018-2020 d'Horizon H2020.
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4.4.1.2. Optimiser et ajuster les moyens dédiés à la recherche finalisée sur les PE Regrouper les initiatives existantes (PNRPE, Ecophyto, PNR-EST) en un seul programme national de recherche finalisée, cohérent et pérenne, orienté vers l'acquisition de connaissances en appui à l'action publique sur la perturbation endocrinienne (toxicologie et écotoxicologie), disposant d'une gouvernance spécifique (appel à projet et comité scientifique propres) et d'une animation assurée par l'ANSES, et doté d'un financement suffisant (2 à 3 M en moyenne annuelle venant du MTES, d'une contribution du plan Ecophyto et d'autres contributeurs à identifier) ; Organiser la mise en réseau du programme national de recherche sur les PE avec ceux de quelques pays européens actifs sur ce thème, voire des ÉtatsUnis. 4.4.1.3. Développer l'expertise scientifiquement fondée Renforcer les coopérations entre l'ANSES et les organismes de recherche et d'expertise sur les écosystèmes (INERIS, IRSTEA, AFB...) afin d'étendre le dispositif de sécurité sanitaire à l'ensemble de la biosphère ; Développer la veille scientifique et sociétale sur les PE, ainsi que les études socio-économiques ; Réaliser un bilan des connaissances sur les effets d'une imprégnation à des substances PE sur l'efficacité des traitements de certaines pathologies ; Prendre part, voire initier une démarche d'expertise collective internationale sur la compréhension des mécanismes d'action de la perturbation endocrinienne et de leurs conséquences sur la santé de l'homme et des écosystèmes.
4.4.2. Axe 2 : Surveillance sanitaire et environnementale
4.4.2.1. Surveiller les différents milieux Poursuivre l'évolution des actions de surveillance des PE et de leurs effets sur les milieux aquatiques en application de la directive cadre sur l'eau en faisant appel à des mesures globales à l'aide de bioessais ; Mettre en place une surveillance effective des milieux air et sol en cas de signaux issus de la biosurveillance suggérant leur implication par des substances PE ; Développer les biomarqueurs d'exposition et d'effet pour améliorer la pertinence (dépasser les limites de l'approche analytique) et réduire les coûts de la surveillance des PE dans les milieux et de leurs effets sur la biodiversité.
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4.4.2.2. Surveiller les produits alimentaires Mener une étude alimentation totale (EAT) sur des populations sensibles (jeunes enfants) pour repérer les effets perturbateurs endocriniens par des biomarqueurs d'exposition ; Conduire une mission spécifique pour inclure la prise en compte des PE dans un dispositif du type observatoire de l'alimentation en lien avec les conclusions des États généraux de l'alimentation et notamment de son atelier sur la sécurité sanitaire de l'alimentation49. 4.4.2.3. Amplifier les études de bio-surveilllance Poursuivre la connaissance des niveaux d'imprégnation de la population générale aux substances PE, notamment les populations les plus à risques (femmes enceintes, jeunes enfants) ; Poursuivre les travaux engagés de surveillance épidémiologique pour quantifier le lien entre les facteurs de risque environnementaux associés aux PE et la santé ; amorcer de nouveaux travaux sur d'autres pathologies (diabète, troubles de déficit de l'attention et hyperactivité, etc.) en s'efforçant de les hiérarchiser ; Compléter les biomarqueurs d'imprégnation de biomarqueurs d'effets précoces dans les enquêtes de bio-surveillance ; Constituer un réseau de laboratoires certifiés pour accroître la robustesse des méthodes analytiques et constituer des méthodes de référence pour la mesure de biomarqueurs ; Assurer à l'échéance du financement par le PIA la pérennité des cohortes en population générale, en particulier de celles impliquées dans le cadre de l'initiative européenne de bio-surveillance humaine HBM4EU ; Développer sous l'animation de l'ANSP une plateforme nationale de collecte, d'harmonisation et de partage des données de bio-surveillance en s'appuyant sur le réseau des organismes impliqués dans HBM4EU. Cette plateforme nationale a vocation à s'inscrire dans un projet européen de stockage des données de bio-surveillance, IPChem, données mises à disposition des chercheurs.
4.4.3. Axe 3 : Caractériser les dangers liés aux substances susceptibles d'avoir des effets PE
4.4.3.1. Parvenir à une définition réglementaire générique de critères PE Continuer à être force de proposition auprès de la Commission pour parvenir à une définition européenne des PE valable pour l'ensemble des substances chimiques et leurs différents usages en mettant à profit l'avancée obtenue en novembre 2017 sur les biocides ;
49
L'atelier n° 8 était intitulé : « Assurer la sécurité sanitaire de l'alimentation française dans une économie agroalimentaire mondialisée et dans un contexte de changement climatique tout en prévenant les contaminations chimiques ».
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Établir à l'échelon national, si possible en partenariat avec d'autres agences d'États-membres de l'UE, et tenir à jour en fonction de l'évolution des connaissances, une liste des substances susceptibles d'avoir des effets PE (selon les trois niveaux avérés, présumés et suspectés) à défaut de disposer d'une telle liste à l'échelon européen afin de fonder des actions non réglementaires ; Obtenir après la publication du texte définissant des critères, en partenariat avec d'autres États-membres, que la Commission européenne gère de façon différenciée au sein de la liste des substances en cours de réexamen de leur approbation (règlement sur les phytopharmaceutiques) celles qui seraient considérées comme préoccupantes afin de ne pas prolonger leur autorisation et éviter des manoeuvres dilatoires. 4.4.3.2. Déterminer les dangers Poursuivre les expertises d'évaluation des dangers de substances à effet PE présumé ou suspecté réalisées par l'ANSES selon une programmation coordonnée avec les évaluations menées dans le cadre européen ; Revoir le rôle de l'ANSM : a minima coordination renforcée avec l'ANSES qui doit être affiché comme le chef de file de l'évaluation des dangers, voire prise en charge complète par l'ANSES de l'évaluation des dangers de l'ensemble des substances PE quel que soit leur usage ; Renforcer les moyens des agences nationales (ANSES, ANSM selon le rôle qui lui sera assigné) consacrés à l'expertise des substances à enjeux PE ; Inciter la Commission européenne à réduire la dépendance par rapport aux données fournies par l'industrie dans d'évaluation des dangers des substances, à harmoniser les référentiels d'expertise entre les différentes agences sanitaires (nationales et européennes) et à donner aux agences européennes la capacité de financer des études dans les cas d'incertitude. 4.4.3.3. Diffuser des méthodes validées de test des substances Arrêter un modèle économique de plate-forme de pré validation des méthodes de test sous forme de financement par des crédits publics du volet socle (veille, appui méthodologique, accompagnement vers la normalisation...), et de financement au moins partiel par le secteur économique des tests ; Inciter à présenter des projets sur les méthodes de tests dans le cadre du programme de travail 2018-2020 du défi « santé-bien être » d'Horizon 202050 ;
50
Le projet de programme de travail 2018-2020 d'Horizon 2020 pour le défi « santé-bien être » présenté fin juillet 2017 par la Commission européenne prévoit un axe intitulé « décoder le rôle de l'environnement, y compris le changement climatique, pour la santé et le bien être ». Cet axe est organisé en trois actions dont une dédiée aux nouvelles méthodes de test pour identifier les substances PE. Les projets présentés doivent décrire en quoi ils apporteront une contribution aux activités internationales relatives aux PE (travaux de l'OCDE, bases de données européennes...). La validation des tests est explicitement mentionnée comme un enjeu important. Cette action est dotée d'un budget de 52 M et l'appel à projet devrait être ouvert à partir du 18 avril 2018. Les projets retenus qui peuvent impliquer des partenaires américains, devraient bénéficier d'un financement communautaire de l'ordre de 4 à 6 M.
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S'impliquer dans les travaux de l'OCDE pour le développement de lignes directrices pour la caractérisation de la toxicité et de l'écotoxicité des substances chimiques pour y inclure des critères d'effets relatifs aux PE51.
4.4.4. Axe 4 : Gérer les risques
4.4.4.1. Prendre des initiatives pour faire évoluer la réglementation européenne Militer à l'échelon européen pour simplifier et harmoniser la prise en compte par les différentes réglementations concernées du danger d'une même substance active à effet PE et les conséquences pour la gestion des risques52 ; Soutenir une meilleure prise en compte des PE dans des directives ou règlements nouveaux ou en révision (par exemple la directive « santé et sécurité au travail »); Faire des propositions à la Commission pour l'inciter à publier une nouvelle stratégie européenne sur les PE. 4.4.4.2. Interdire et substituer Poursuivre les efforts engagés sur le bisphénol A pour en interdire les usages et les prolonger vers d'autres substances dont les effets néfastes seront identifiés par l'ANSES (autres bisphénols, phtalates...) ; Éliminer les PE dans des situations d'exposition critique ; Réviser les normes sanitaires élaborées sur la base du paradigme classique de la toxicologie afin de prendre en compte les spécificités d'action des PE ; Soutenir au moyen d'un appel à projets sur le PIA 3 les démarches d'innovation visant à intégrer la dimension sanitaire (produits sans PE) dès la conception des procédés de fabrication des produits de consommation. 4.4.4.3. Utiliser les leviers de marché Inviter les circuits de distribution à inscrire l'absence de PE dans leurs cahiers des charges d'achat ; Utiliser le levier de la commande publique en ajoutant des critères d'écoconditionalité dans les marchés publics pour développer des modes de
51
La France anime les actions concernant les essais de signalisation thyroïdienne chez les embryons de xénope ainsi que ceux relatifs à la détection d'activité endocrinienne au moyen d'embryons de poissons zèbres transgéniques. Des experts français participent aux groupes d'experts relatifs au document sur les essais d'identification des modulateurs des hormones thyroïdiennes ainsi qu'aux activités de révision de la ligne directrice sur les essais de toxicité du développement prénatal pour y inclure des critères d'effets relatifs aux PE. Par exemple cohérence entre REACH et le règlement 1107/2009 sur les phytopharmaceutiques en ce qui concerne les conditions d'autorisation des substances
52
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consommation et de production de produits exempts de PE.Contrôler l'application de la réglementation Renforcer les contrôles des substances et articles en provenance de pays hors de l'Union européenne et porter la préoccupation liée à la perturbation endocrinienne dans les négociations internationales sur certains outils de gestion du risque chimique pour des usages spécifiques (jouets, précurseurs de médicaments...) ; Renforcer les contrôles sur les produits susceptibles de contenir des substances PE dans le programme annuel des contrôles conduits par la DGCCRF.
4.4.5. Axe 5 : Former, sensibiliser et informer
4.4.5.1. Former les professionnels Amplifier les actions de formation de l'ensemble des professionnels de santé dans le cadre du développement professionnel continu et l'étendre à d'autres professions concernées (architectes, ingénieurs, professionnels de la petite enfance...) ; Traiter des mécanismes de perturbation endocrinienne dans la formation initiale des professionnels de santé et promouvoir les diplômes universitaires de santé environnementale. 4.4.5.2. Informer la population Concevoir et lancer en partenariat avec les associations concernées une campagne d'information sur les dangers des substances PE, sur les voies d'exposition et les moyens de s'en prévenir, en ciblant en priorité les populations les plus à risques ; Mettre à disposition du public une information fiable et accessible sur les PE via un site internet sur les substances dangereuses, tenu par un centre de référence sur les PE ; Soutenir la mise en place d'événements type « journée sans PE » pour sensibiliser la population et les relais d'opinion à l'intérêt et aux possibilités de réduire l'exposition aux PE ; S'appuyer sur les professionnels de santé chargés du suivi prénatal et post natal pour diffuser aux parents une information adaptée sur les risques pour le foetus d'une exposition aux PE et mettre à leur disposition les outils nécessaires ; Étudier la création d'un dispositif d'étiquetage de la présence de substances à caractère PE, distinguant des degrés de danger potentiel, qui serait appliqué à des produits de consommation auxquels sont notamment exposées les populations les plus sensibles (jouets, cosmétiques, contenants alimentaires...).
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6. Organiser les mesures opérationnelles de la future SNPE selon 5 axes : recherche, surveillance, caractérisation des dangers, gestion des risques, formation et information. (MTES, MSS et al.)
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Conclusion
Au terme de son travail d'inventaire des actions menées dans le cadre de la SNPE ou plus largement sur le thème des perturbateurs endocriniens et compte-tenu des entretiens qu'elle a menés, la mission est convaincue de l'intérêt d'une stratégie nationale qui a permis d'insuffler une dynamique qu'il convient maintenant de conforter et d'amplifier. Face à un sujet complexe qui représente un enjeu important pour l'environnement et la santé humaine, la mobilisation de l'ensemble des ministères et agences publiques concernés est indispensable. Elle doit permettre d'entraîner les parties prenantes audelà des cénacles initiés. L'élaboration d'une nouvelle stratégie nationale pleinement intégrée dans la planification des mesures en matière de santé-environnement doit permettre à notre pays de continuer à jouer un rôle de leader en Europe pour une meilleure prise en compte de la perturbation endocrinienne dans l'ensemble des réglementations relatives aux produits chimiques et à leurs usages. La nouvelle stratégie et le plan d'action qui doit nécessairement lui être associé, seront des outils essentiels pour améliorer la confiance de nos concitoyens quant à la capacité de l'action publique à traiter un sujet qui les inquiète.
Fabienne BARTOLI
Patrick LAVARDE
Pierre LESTEVEN
Inspectrice des affaires sociales
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Inspecteur des affaires sociales
Viviane MOQUAY
François VEDEAU
Inspectrice générale de santé publique vétérinaire
Inspecteur général de santé publique vétérinaire
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Annexes
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1. Lettre de mission
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2. Liste des personnes rencontrées
Service Nom Prénom Fonction
Agence française de la biodiversité
Direction recherche, expertise et développement des compétences Direction de l'appui aux politiques publiques DUPONT PERVEVAL Philippe Olivier Directeur Chargé de mission écotoxicologie
HULIN
Vincent
Responsable des partenariats nationaux
Agence nationale du développement professionnel continu des professionnels de santé
LENOIRSALFATI Michèle Directrice générale
Agence nationale de la recherche
Département des opérations scientifiques GUILLOUZO HIPPOLYTE LIEUTAUD Département des programmes d'innovation André Isabelle Anne Professeur des universités toxicologue, ancien responsable du secteur santé Responsable du défi « sécurité alimentaire » Responsable du défi « gestion sobre des ressources »
COQUET
Yves
Coordinateur agronomie-écologie
Agence nationale de formation des hospitaliers
QUILLET Emmanuelle Directrice générale
Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail
LASFARGUES LAURENT MERCIER Gérard Louis Thierry Directeur général délégué en charge du pôle sciences pour l'expertise Directeur du financement de la recherche et de la veille scientifique Directeur adjoint des produits réglementés
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Service
Nom
Prénom
Fonction
ORMSBY ROUSSELLE
JeanNicolas Christophe
Directeur adjoint de l'évaluation des risques Chef d'unité « évaluation des substances chimiques"
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
MARTIN CHAPEL HEULS MASSET Dominique Elodie Brigitte Dominique Directeur général Directrice de l'évaluation Directrice des dispositifs médicaux thérapeutiques et des cosmétiques Responsable du pôle qualité des produits pharmaceutiques
Agence nationale de santé publique
DENYS EMPEREURBISSONNET EL YAMANI Sébastien Pascal Mounia Directeur santé-environnement Directeur adjoint santé-travail Responsable de l'unité évaluation des expositions professionnelles
Commission européenne
Direction générale santé et sécurité alimentaire BEREND PINTE REINERT K. Chef de l'unité « pesticides et biocides » Unité « pesticides et biocides » Unité « pesticides et biocides »
Conseils nationaux professionnels
Gynécoobstétrique Gynécologie médicale Endocrinologie Endocrinogynécologie Endocrinopédiatrie Pédiatrie DAUPTAIN HERON CHEVALIER MIRAKIAN BARTAIRE LINGLART Gilles Isabelle Nicolas Pascale Patricia Agnès Conseil des gynéco-obstétriciens de France Gynécologue endocrinologue, Rouen Professeur d'endocrinologie, CHU Nice Centre de procréation, médecin libérale endocrinologie et gynécologie Association des pédiatres et endocrinologues libéraux Professeur de pédiatre, Bicêtre SF Pédiatrie, CNPP
Institut national de l'environnement industriel et des risques
Direction générale COINTE HUBERT Raymond Philippe Directeur général Directeur des risques chroniques
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Service
Nom
Prénom
Fonction
THYBAUD
Eric
Responsable du pôle « dangers et impacts sur le vivant »
Institut national du cancer
BRETON Thierry Directeur général
France Nature Environnement
CAMBOU Josée Co-présidente du groupe « risques à fortes incertitudes scientifiques et enjeux de connaissance sur les expositions » (GT4) du PNSE3 Coordonnatrice du réseau santéenvironnement
LEPITRE
Charlotte
Haut conseil de santé publique
ZMIROU Denis Président du comité santéenvironnement
Institut national de la santé et de la recherche médicale
SLAMA Rémi Chef du département de prévention et thérapie des maladies chroniques, responsable de l'unité d'épidémiologie environnementale appliquée à la reproduction et à la respiration, Président du conseil scientifique du PNRPE Directeur de l'unité mixte de recherche Inserm-Université Paris Descartes « Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire », Co-président du groupe «pathologies en lien avec les expositions environnementales» (GT3) du PNSE3 Responsable laboratoire « Génétique, reproduction et développement », UMR Inserrm-CNRS-université ClermontAuvergne Chargé de recherche, Rennes
BAROUKI
Robert
VOLLE
David
CHEVRIER
Cécile
Institut de recherche sur les sciences et technologies de l'environnement et de l'agriculture
FLAMMARION GARRIC Patrick Jeanne Directeur général délégué scientifique Directrice de recherche en écotoxicologie, co-présidente du groupe « recherche, formation, éducation et information » (GT2) du PNSE3
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Service
Nom
Prénom
Fonction
Laboratoire WatchFrog S.A
LEMKINE Gregory Président directeur général
Ministère de l'agriculture et de l'alimentation
Direction générale de l'alimentation DEHAUMONT EVAIN TRIDON PRUNAUX Patrick Loïc Alain Olivier Directeur général Directeur général adjoint Sous directeur de la qualité, de la santé et de la protection des végétaux Chef du bureau des intrants et du biocontrôle
Ministère de l'économie
Direction générale de la consommation et de la répression des fraudes THONIER RUELLE DUCHEMIN SERVOZ KOEN Axel Delphine Claude Claire Emmanuel Sous-directeur industrie, santé, logement Chef du bureau des produits industriels Chef du bureau qualité et valorisation des denrées alimentaires (4B) Adjointe au chef du bureau 4B Chargé de mission auprès du sousdirecteur des produits alimentaires et marchés agricoles et alimentaires
Ministère de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'innovation
Direction MAHÉ générale de la recherche et de l'innovation Sylvain Directeur adjoint du secteur "Environnement-agronomie-écologie, sciences du système terre et de l'univers"
Ministère de la transition écologique et solidaire
Commissariat général au développement durable BERGEOT MOULIN COUDERCOBERT MORTUREUX METAYER de FRANCLIEU COISSARD VEYSSILIER Laurent Lionel Céline Marc Marie-Laure Pierre Vincent Florent Chef du service de la recherche Chef de la mission risque, environnement, santé Adjointe au chef de mission
Direction générale de la prévention des risques
Directeur général Sous-directrice santé-environnement Chef du bureau des produits chimiques Adjoint au chef de bureau Chargé de mission
Ministère des solidarités et de la santé
Direction générale de la santé AMPROU CARMES Anne-Claire Joëlle Directrice générale adjointe Sous-Directrice de la prévention des risques liés à l'environnement et à
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Service
Nom
Prénom
Fonction
l'alimentation CATE PAUL GIGUELAY Laurence Caroline Anne Adjointe à la sous-directrice Cheffe du bureau « Environnement extérieur et produits chimiques » Chargée des dossiers « Perturbateurs endocriniens nanomatériaux, risques chimiques liés à l'alimentation » Chargée de mission sur les cosmétiques Juriste
LEGRAND BARILLIER
Line Florence
Secrétariat général
TRAN
Béatrice
Chargée de mission santé publique
Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social
Direction générale du travail MADDALONE BESSOT Patrick Nicolas Sous-directeur des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail Adjoint au chef du bureau des risques chimiques, physiques et biologiques (CT2) Responsable du pôle risques chimiques et biologique au bureau CT2
LASSUS
Mathieu
Réseau environnement santé
CICOLLELA GERARD André Maïté Président Chargée de mission
Union des industries chimiques
SMETS LEVY DALLOT Magali Patrick Constantin Directrice générale Médecin conseil, président du groupe santé-environnement du MEDEF Toxicologue
Universités
Paris Sud LEVI Yves Professeur de santé publiqueenvironnement, UMR 8079 « Écologiesystématique-évolution » Université Paris sud - CNRS - AgroParisTech Professeur émérite, présidente
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Paris Diderot
MARANO
Franceline
Évaluation de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE)
Service
Nom
Prénom
Fonction
d'honneur de la Société française de santé-environnement, co-présidente du groupe « risques à fortes incertitudes scientifiques et enjeux de connaissance sur les expositions » (GT4)du PNSE3
Women in Europe for a Common Future (WECF)
GUIZIENOUNADJELA RUFFINENGO Dominique Elisabeth Secrétaire du bureau Responsable plaidoyer & projets santéenvironnement
Évaluation de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE)
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3. Bilan de l'axe 1 : Recherche, valorisation, surveillance
Le premier axe de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE) s'articule autour de quatre actions à caractère opérationnel : Inscrire la thématique des perturbateurs endocriniens dans les priorités de la stratégie nationale de la recherche (SNR) ; Mobiliser les meilleures équipes en biologie ; Favoriser le transfert de la recherche vers le monde économique ; Renforcer la surveillance sanitaire et environnementale, via les enquêtes transversales, les dispositifs de surveillance épidémiologique, les cohortes et les observatoires.
Le bilan de la mise en oeuvre de ces actions depuis l'adoption de la SNPE en 2014 est présenté ciaprès.
3.1. Inscrire la thématique des perturbateurs endocriniens dans les priorités de la stratégie nationale de la recherche
Lors de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012, le gouvernement a affirmé le caractère prioritaire de la recherche dans le domaine environnement-santé. Il a demandé que soit élaboré un plan d'action pour dégager les objectifs de recherche, identifier les moyens à mettre en oeuvre et organiser le suivi. Cette orientation s'inscrivait dans un contexte international dans lequel le Programme des nations unies pour l'environnement (PNUE) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconisaient dans un rapport intitulé « State of the Science of Endocrine Disrupting Chemicals », publié le 13 février 2013, de mener davantage de recherches afin de bien comprendre les liens qui existent entre les perturbateurs endocriniens chimiques et plusieurs maladies et troubles. Le rapport soulignait que des évaluations plus exhaustives et de meilleures méthodes de test permettraient de réduire les risques éventuels de maladie et de réaliser d'importantes économies en santé publique. Les trois alliances nationales de recherche, Allenvi pour l'environnement 53, Aviesan pour les sciences de la vie et de la santé 54 et Athena pour les sciences humaines et sociales 55 ont alors publié l'initiative française pour la recherche en environnement santé (IFRES), qui décrit un plan d'action dans les domaines de la toxicologie, de l'écotoxicologie, de l'épidémiologie et des sciences sociales Plusieurs objectifs prioritaires y sont inscrits en termes de nouvelles méthodes à développer, de disciplines à mobiliser ou d'approches à favoriser. La question des perturbateurs endocriniens y est fortement prise en compte et celle-ci est l'objet d'un des neuf programmes de recherche ciblés identifiés dans ce plan d'action au côté de programmes de financement généralistes pour animer des communautés scientifiques sur des sujets majeurs de santé publique ou de risque environnemental. Cette initiative a été une référence pour l'élaboration de la SNPE.
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L'alliance pour l'environnement (AllEnvi-Alimentation/eau/climat/territoire) regroupe 12 membres (BRGM, CEA, Irstea, Cirad, CNRS, CPU, Ifremer, Inra, IRD, IFSTTAR, Météo France, MNHN). Allenvi s'organise en 13 groupes de travail thématiques dont un sur les "risques environnementaux, naturels et écotoxiques". L'alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan) rassemble 9 grands acteurs de la recherche en biologie santé : INSERM, CNRS, CEA, INRA, Conférence des présidents d'université (CPU), Institut Pasteur, IRD, Conférence des directeurs généraux de CHU (CHRU), INRIA. Elle compte 9 instituts thématiques multi-organismes (ITMO), dont l'ITMO Santé publique. L'alliance ATHÉNA regroupe les acteurs des sciences humaines et sociales (CNRS, CPU, la Conférence des Grandes Écoles (CGE), l'institut national des études démographiques-INED, INRA, IRD, CEA). Elle s'organise autour de groupes prospectifs de réflexion (environnement, santé, santé publique/bien-être) et de groupes d'activité multiorganismes.
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De manière plus générale, selon l'orientation inscrite dans la SNPE, la thématique des perturbateurs endocriniens devait trouver place dans la stratégie nationale de la recherche (SNR) qui fixe tous les cinq ans les priorités nationales de recherche. Finalisée en juin 2014 et publiée en mars 2015, la SNR identifie dix défis sociétaux en lien avec H2020 (niveau UE). Elle ne fait pas explicitement mention des perturbateurs endocriniens. Pour autant, trois des défis ont un lien avec les perturbateurs endocriniens :
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le défi n° 1 Gestion sobre des ressources et adaptation au changement climatique dont l'axe 3 porte sur les risques sanitaires face aux changements environnementaux : évaluation et maîtrise du risque environnemental, avec nécessité d'évaluer les impacts d'un événement toxicologique dangereux et de valider de nouveaux tests écotoxicologiques ; le défi n°4 Vie, santé et bien-être dont l'axe 3 qui vise l'exploration des systèmes et organes, leur fonctionnement normal et pathologique met un accent particulier sur les perturbateurs endocriniens ; le défi n°5 Sécurité alimentaire et défi démographique avec un axe 3 « environnementsanté » fondé sur le concept « one health » qui vise à encourager les recherches permettant d'éclairer les interactions entre environnement et santé en lien avec les modes de gestion des écosystèmes productifs.
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Ces défis orientent les contrats pluriannuels conclus avec les institutions de recherche, la programmation des appels à projets de recherche de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et les autres financements publics de la recherche. Il ne semble pas que le ministère de la recherche fasse des perturbateurs endocriniens (PE) une priorité spécifique dans les contrats d'objectifs et de performance avec les institutions de recherche56. En revanche, le contrat d'objectifs 2016-2020 de l'INERIS, placé sous la tutelle du ministère en charge de l'environnement, comporte plusieurs orientations relatives aux PE dont une relative au progrès des connaissances57. Il n'a pas été possible d'identifier dans quelle mesure d'autres dispositifs de financement de la recherche que ceux exposés ci-après et mentionnés dans la SNPE ont pu contribuer à faire avancer les connaissances scientifiques sur le thème des perturbateurs endocriniens. Pour ce qui concerne le programme des investissements d'avenir (PIA), aucune des actions inscrites dans les deux premiers PIA n'a fait mention des PE dans les documents d'appel à projets. Pour autant, le PIA a permis de doter la communauté scientifique française d'outils potentiellement utilisables pour la recherche sur les PE. C'est notamment le cas des cohortes qui ont été financées sur trois actions différentes du PIA (voir § 4.2 ci-après). Alors que l'émergence et la détection de la perturbation de la reproduction est apparue sur les populations animales sauvages dans les écosystèmes et a servi de signal d'alarme pour la santé humaine (exposition humaine généralisée à des substances chimiques susceptibles d'être PE), il ne ressort pas d'effort de recherche particulier sur la problématique de la perturbation endocrinienne dans les écosystèmes : source, transfert, transformation, impact potentiel sur la biodiversité (dynamique des populations, par exemple les pollinisateurs) et le fonctionnement des communautés (comportement alimentaire, comportement reproducteur...).
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A titre d'exemple, le contrat d'objectifs de l'INRA récemment finalisé ne mentionne pas les perturbateurs endocriniens comme une priorité de recherche. Le contrat d'objectifs de l'INERIS comprend trois actions dédiées aux PE dont une sur l'enrichissement des connaissances sur les questions émergentes qui prévoit que « Dans le domaine des perturbateurs endocriniens et en lien avec la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE), une meilleure compréhension des mécanismes d'action spécifique sera apportée en s'appuyant, par exemple, sur les nouvelles stratégies de caractérisation en bio-analyse. Ces nouvelles connaissances permettront de mieux concevoir les moyens d'identification du caractère PE des substances chimiques, de leurs mélanges ainsi que celui des milieux ».
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3.2. Mobiliser les meilleures équipes en biologie
Cet objectif se met en oeuvre au moyen de projets de recherches sélectionnés et financés par les programes nationaux à caractère fondamental ou plus finalisé cités par la SNPE. Ces programmes intéressent à la fois la qualité environnementale, la santé des écosystèmes et la santé humaine. Les bilans sont présentés ci-après. Il ne faut pour autant pas oublier l'existence de recherches soutenues dans le cadre d'autres programmes centrés sur d'autres problématiques que les perturbateurs endocriniens 58. Les actions de recherche susceptibles d'être directement mises en oeuvre par les institutions de recherche sur leurs moyens propres ne sont pas évoquées par la SNPE et il n'est pas possible de les identifier.
3.2.1. Poursuivre le Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE)
Parmi les actions proposées par les alliances Allenvi, Avisan et Athena dans l'Initiative française pour la recherche en environnement santé (voir supra) figurait une action n°9 visant à soutenir et pérenniser un programme de recherche spécifique sur les perturbateurs endocriniens afin de contribuer à la décision publique qui devrait mettre en oeuvre un appel à projets au rythme annuel (au moins bisannuel) avec un budget annuel souhaitable de 2 M. Cette proposition a été reprise dans la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens qui affirme que : « Le MEDDE renforcera les échanges interdisciplinaires de la communauté scientifique au sein du Programme National de Recherche sur les Perturbateurs Endocriniens (PNRPE). Dès 2013, le MEDDE a lancé un appel à projets de recherche et s'est engagé à soutenir 8 projets, sur 3 ans, pour un montant de 750 k ». 3.2.1.1. Des ambitions affichées Créé en 2005 et piloté par le ministère en charge de l'environnement, le Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE) a pour objectif de soutenir des recherches fondamentales et appliquées en appui à l'action publique sur les questions ayant trait à la perturbation endocrinienne. Le PNRPE finance des projets de recherche sélectionnés en fonction de leur qualité scientifique et dans un esprit de complémentarité avec les autres dispositifs de soutien à la recherche, tels que le Programme national de recherche environnement santé travail (PNR EST) piloté par l'Anses et ceux de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou de l'Union européenne (voir ci-après). Depuis 2011, l'animation scientifique (appui à la programmation et au suivi des activités du programme) est assurée par l'Anses. Le PNRPE contribue à développer et animer une communauté scientifique autour de cinq axes prioritaires de recherche :
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les mécanismes d'action et le devenir des perturbateurs endocriniens dans l'organisme et les organes cibles, les effets de substances, y compris de substituts, seules ou en mélange, à faible dose, sur plusieurs générations (effets transgénérationnels), la mesure de la contamination des milieux de vie, la caractérisation des expositions humaines dans une logique d'exposome,
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A titre d'exemple, le programme EC2CO-ECODYN mené par le CNRS (INSU-INEE) entre 2011 et 2016) a soutenu des projets d'amorçage, avec des financements limités (<40 K), ciblés sur l'écodynamique des contaminants et leurs impacts pour la biodiversité et le fonctionnement des milieux. Sur la soixantaine de projets soutenus, deux projets ont concerné des effets PE sur des vertébrés (oiseaux) et invertébrés. Le programme de recherche sur la qualité de l'air Primequal conduit conjointement par le ministère chargé de l'environnement et l'ADEME a financé plusieurs projets qui visaient les PE. Il a notamment permis de soutenir les projets ECOS Habitat et ECOS-TOX complémentaires du projet ECOS-Pouss mené dans le cadre du PNRPE. Dans le domaine de l'eau, l'ONEMA a aidé à l'acquisition d'une connaissance croissante sur l'imprégnation en PE des milieux aquatiques.
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les outils pour la réglementation (criblage d'activité, tests de surveillance, modélisation ...), l'approche sociologique (processus d'émergence de la problématique, débat sociétal et action publique...). 3.2.1.2. Des résultats positifs
Le programme a permis d'obtenir de nombreux résultats sur les effets et mécanismes d'action des perturbateurs endocriniens (effets génomiques et non-génomiques), sur les effets dans l'environnement (abeilles, poissons....), la connaissance des expositions, le développement de méthodes et d'outils pour la détection des effets ou des expositions et enfin les dynamiques sociétales liées à la problématique de PE et l'aide à la gestion des risques. Les projets financés par le PNRPE ont donné lieu à de nombreuses publications dans des revues scientifiques internationales59 . Après un premier colloque international en 2012, un deuxième colloque scientifique international a été organisé par le ministère chargé de l'environnement avec l'appui de l'Anses les 21 et 22 janvier 2016 à l'Institut Pasteur à Paris60. Si ces travaux ont dégagé de nombreux enseignements :
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les perturbateurs endocriniens (avérés ou potentiels) sont omniprésents ; le spectre de pathologies est bien plus large que celles relevant du système reproducteur ; les effets de molécules prises individuellement ne permettaient pas de prédire l'effet du mélange, une substance pouvant potentialiser l'effet d'une autre ou au contraire l'atténuer selon l'organe considéré ; les méthodes analytiques développées pour analyser les substances semi-volatiles ayant des propriétés de perturbateurs endocriniens, contenues dans l'air et les poussières ont permis de démontrer que ces substances étaient très répandues dans l'habitat, notamment dans les poussières des logements, avec des concentrations très variables ; l'exposition périnatale de souris à de faibles doses de Bisphénol A (BPA) ou de l'un de ses substituts, le BPS, perturbe le métabolisme des lipides, source d'obésité ; une revue de la littérature indique que les substituts peuvent être potentiellement aussi dangereux que la molécule interdite ; les risques concernent aussi la faune sauvage et sont alarmants ; les perturbateurs endocriniens représentent un coût énorme pour la société.
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Ils ont également mis en évidence l'étendue des connaissances restant à acquérir sur le sujet. 3.2.1.3. Mais une action en manque de moyens entre 2014 et 2017 Depuis le début du PNRPE, quatre appels à projets ont été lancés en 2005, 2008, 2010 et 2013. Ils ont permis de sélectionner 39 projets dont 8 portant sur des questions d'écotoxicologie 61.
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Fin 2015 étaient recensées 85 publications issues des 31 projets financés par les appels à projets 2005, 2008 et 2010 dont cinq chapitres d'ouvrages et plusieurs dizaines d'autres étaient prévues. Le colloque ouvert par la ministre en charge de l'environnement a réuni plus de 500 personnes. Les présentations se sont organisées autour de sept sessions : les effets de perturbateurs endocriniens sur les espèces naturelles, les troubles du métabolisme et les diabètes en lien avec les perturbateurs endocriniens, l'épigénétique et les effets transgénérationnels des perturbateurs endocriniens, les effets des perturbateurs endocriniens sur le système reproductif, les effets des mélanges, les effets du bisphénol A et de ses substituts, l'expertise, l'évaluation du risque et le coût économique. Les modèles biologiques portent essentiellement sur des vertébrés aquatiques (poissons, amphibiens), mais souvent dans des projets à visée santé humaine (utilisation de ces modèles comme proxy de mécanisme d'action), et plus rarement des invertébrés (mollusque, insecte). Les mammifères terrestres et les oiseaux ne sont pas étudiés. Les objectifs visés concernent le plus souvent la prédiction expérimentale du caractère PE des substances chimiques à des échelles variées, moléculaires, cellulaires ou individuelles (besoin d'outils pour REACH). Les approches à des échelles pertinentes pour les écosystèmes (dynamique des populations, observations/expérimentations in situ) sont quasi inexistantes. Les projets concernant des problématiques d'écodynamique de substances PE dans les milieux, en termes de sources, de devenir et transfert (chaîne trophique) sont quant à eux beaucoup plus rares.
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L'ensemble des projets a bénéficié de 5 millions d'euros de soutien à la recherche 62 et mobilisé une centaine d'équipes de recherche. Le dernier appel à projets en 2013 traitait du bisphénol A, en particulier les phénomènes d'imprégnation des populations, les effets au niveau des multiples organes cibles et les effets et mécanismes d'action de ses substituts. Les huit projets de recherche retenus 63 qui devaient se dérouler entre 2014 et 2018 ont reçu 750 k de financements du ministère issus d'un transfert de crédits venant du programme 181, géré par la DGPR, et non des moyens destinés au soutien à la recherche Alors que le PNSE3 2015-2019 a confirmé l'intérêt du PNRPE dans son action n°82 « pérenniser et soutenir le programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE) », aucun nouvel appel à projets de recherche n'a été lancé au titre du PNRPE depuis l'adoption de la SNPE en 2014, faute de financements. Cependant un appel à projets de recherche a pu être lancé en novembre 2016 sur la thématique spécifique des produits phytopharmaceutiques perturbateurs endocriniens grâce à un financement apporté par le plan Ecophyto2 publié fin octobre 2015 qui vise à réduire l'emploi de pesticides. Les 6 projets sélectionnés mi-2017 bénéficient d'un montant d'un million d'euros issus de la redevance pour pollutions diffuses affectée à l'Agence française de la biodiversité (AFB). Cet appel à projets qui ne porte que sur les produits phytopharmaceutiques s'inscrit dans la gouvernance du plan Ecophyto264 et non directement dans celle du PNRPE. 3.2.1.4. De nouveaux financements annoncés pour 2018 Un communiqué du 4 juillet 2017 des ministres en charge de l'écologie, de la santé et de l'agriculture a annoncé que de nouveaux moyens seront dédiés en 2018 au PNRPE. Le dossier de présentation du projet de budget du MTES pour 2018 confirme que les efforts d'acquisition des connaissances sur les perturbateurs endocriniens seront intensifiés par le financement d'actions de recherche. Le 10 octobre 2017, la secrétaire d'État à l'écologie a annoncé qu'un budget supplémentaire de 2 millions d'euros issu de l'enveloppe ministérielle sera alloué au lancement d'un nouveau programme de recherche sur les perturbateurs endocriniens qui « viendra en addition des recherches réalisées dans le cadre du programme national environnement santé travail ».
3.2.2. Financer des projets de recherche sur les perturbateurs endocriniens par l'Agence nationale de la recherche (ANR)
Il est indiqué dans la SNPE : « en 2013, l'ANR a financé 5 projets concernant les perturbateurs endocriniens issus de l'appel à projets de 2012-2013 », mais aucune orientation n'y figure explicitement sur ce que l'agence est censée faire sur ce thème.
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7 projets en 2005 pour un soutien de 1 M, 15 projets en 2008 pour 2 M, 9 projets en 2010 pour 1,36 M et 8 projets en 2013 pour 0,75 M. Caractérisation des multi-expositions environnementales aux pesticides chez la femme enceinte ; Propriétés et affinité de ligands de récepteurs susceptibles de fixer des perturbateurs endocriniens chez Lymnaea stagnalis (Mollusque, Gastéropode) ; Mélanges de perturbateurs thyroïdiens : effets sur le développement neuronal embryonnaire ; Exposition au bisphénol A et risque d'obésité et de diabète de type 2 dans l'étude de cohorte prospective française D.E.S.I.R. ; Effets du Bisphénol A et de ses substituts sur le développement des gonades ; Effets du BPA et de ses substituts sur le testicule foetal humain et spécificités liées à l'espèce ; Interaction des substituts du bisphénol A avec la physiologie des adipocytes humain ; Criblage de perturbateurs endocriniens des récepteurs nucléaires des oxysterols LXRs. Les projets soumis ont été évalués par un conseil scientifique et un comité d'orientation associant des membres du comité scientifique et d'orientation recherche et innovation du plan Ecophyto, avant une validation finale par le conseil d'administration de l'AFB.
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3.2.2.1. Entre 2005 et 2013, sur 217 projets en santé-environnement, l'ANR a soutenu 40 projets de recherche portant sur les perturbateurs endocriniens Pour un montant total de financement de 17,2 million d'euros, ces projets ont été financés sur les programmes thématiques « santé, environnement, société, travail » (8 projets entre 2005 et 2007), « nutrition, alimentation » (2 projets en 2006 et 2008), « contaminants, environnement, santé (CES) » (15 projets entre 2008 et 2010) puis « contaminants et environnements : santé, adaptabilité, comportements et usages (CESA) » (15 projets entre 2011 et 2013). Les derniers projets CESA se sont achevés fin 2016. Les projets portaient notamment sur les effets sur la reproduction et l'exposition foetale (11 projets), les expositions chroniques, à faibles doses ou les mélanges (5 projets), le criblage, la modélisation ou le développement de modèles cellulaires (5 projets). Le Bisphénol A et ses dérivés et la chlordécone ont été les substances les plus souvent étudiées65. Alors que le comité d'évaluation du programme CESA estimait nécessaire de soutenir un nouveau programme à l'interface des domaines santé-environnement et sciences humaines et sociales visant à étudier et prévenir la toxicité d'origine anthropogénique, aucune suite n'a été donnée. 3.2.2.2. Depuis 2014, la programmation de l'ANR n'inclut plus de programmes thématiques. L'appel à projet générique (AAPG) de l'ANR est structuré en défis ; eux-mêmes structurés en axes intra-défis et depuis 2016 en axes inter-défis notamment en réponse à la stratégie nationale de recherche publiée en mars 2015 (voir supra). Bien que les perturbateurs endocriniens ne soient pas nommément cités dans le texte de la stratégie nationale de recherche, l'appel à projet générique les a mis en évidence chaque année depuis 2014 selon des modalités diverses. Ainsi, dans l'édition 2014, un sous axe « santé environnementale, toxicologie prédictive » dans le défi 4 « santé-bien être » était entièrement dédié aux PE. Les enjeux de santé en lien avec les contaminants ainsi que l'impact des contaminants sur les écosystèmes et sur la santé humaine (écotoxicologie et toxicologie) faisaient l'objet d'un axe dédié dans le défi 5 « sécurité alimentaire et défi démographique ». Quatre projets ont été sélectionnés pour un financement total de près de 1,4 M. En 2015, le défi 4 « santé-bien être » a maintenu une action sur la toxicologie environnementale et notamment les PE dans l'axe « physiologie, physiopathologie, vieillissement », tandis que le défi 5 proposait un axe « caractérisation et limitation des impacts écotoxicologiques liés aux différents systèmes d'exploitation » qui intégrait la notion d'exposome, mais sans relation affichée avec la santé humaine. Aucun projet sur les PE n'a été retenu. En 2016, issu des réflexions de comités inter-défis, un axe commun « contaminants, écosystèmes et santé » entre le défi 1 « gestion sobre des ressources et adaptation aux changements climatiques », le défi 5 et le défi 4 a été construit. Cet axe appelait des projets en lien avec l'exposome, les interactions entre différents contaminants, leurs cinétiques et leurs dynamiques dans différents milieux (air, eau, sols) et organismes et leurs effets cumulatifs éventuels (avec la toxicité d'autres contaminants, avec d'autres stress environnementaux, etc.) et ce, sur les écosystèmes et chez l'homme. Les perturbateurs endocriniens restaient toutefois nommément éligibles dans l'axe du défi 4 : « exploration des systèmes et organes, leur fonctionnement normal et pathologique : physiologie, physiopathologie, vieillissement ». 2 projets ont été sélectionnés pour un financement de 778 k. En 2017, dans l'axe inter-défi santé environnementale dont le périmètre correspondait à celui de 2016, un sous axe dédié aux perturbateurs endocriniens a été identifié. Pour autant, aucun projet dédié aux PE n'a été retenu.
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5 projets sur le bisphenol A et dérivés, 5 sur la chlordécone, 3 sur d'autres pesticides, 3 sur les HAP, 2 sur les PCB, 2 sur les phthalates, 1 sur les contaminants fluorés, 1 sur les retardateurs de flamme.
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Depuis l'adoption de la SNPE, ce sont donc 6 projets de recherche portant sur les PE qui ont été financés par l'ANR entre 2014 et 2017 sur son appel à projets générique pour un montant total de 2,17 M. 3.2.2.3. Une baisse des projets ciblés PE probablement en lien avec un manque de lisibilité des priorités de recherche Cette structuration de l'appel à projet générique et les fluctuations d'affichage d'une année à l'autre ont induit une dispersion des communautés interdisciplinaires que le programme SEST (santé, environnement, société, travail) avait fait émerger, puis que les programmes CES (contaminants, écosystèmes, santé) et CESA (contaminants et environnements) avaient consolidées. Cette dispersion a eu un impact notable sur l'évolution de la sélection de projets en relation avec les PE. Ainsi, le nombre de projets portant sur les PE est passé en moyenne de 4,4 projets par an entre 2005 et 2013 à 1,5 depuis 2014. Cette forte diminution depuis l'adoption de la SNPE ne peut être imputée exclusivement à la baisse globale des moyens de financement de l'ANR depuis 201366. En 2018, l'axe « contaminants, écosystèmes et santé » reprend l'ensemble des thèmes de 2017, mais parallèlement le défi 4 propose un axe « génétique, génomique et ARN » avec une composante en lien avec l'exposome et l'environnement et un axe « biochimie du vivant » incluant la toxicologie. Cette définition d'un axe dédié pourrait permettre de remobiliser l'ensemble des communautés scientifiques concernées en particulier interdisciplinaires, bien que le message ne soit pas d'une grande clarté au sein de l'appel à projets générique.
3.2.3. Financer des projets de recherche en lien avec l'évaluation des perturbateurs endocriniens sur le programme national de recherche environnement-santé-travail (PNR- EST) de l'Anses
Le programme national de recherche en environnement-santé-travail (PNR-EST) soutient la production de connaissances en appui aux politiques publiques de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail. Le programme porte sur l'évaluation et l'analyse des risques environnementaux pour la santé humaine, en population générale ou au travail. Il soutient également des projets relatifs aux risques pour les écosystèmes et à la qualité des milieux. Il couvre une vaste gamme de risques, depuis les risques émergents jusqu'aux risques connus, en passant par les risques complexes qui soulèvent encore des controverses scientifiques. Sauf exception, les projets retenus pour être réalisés sur 2 à 3 ans reçoivent un financement plafonné à 200 k. Le choix des projets à financer parmi ceux retenus par le Comité scientifique du programme est effectué par le Comité d'orientation du programme au sein duquel sont représentés les financeurs ainsi que des ministères impliqués dans le champ couvert par l'appel à projets et l'ANR. Au sein du PNR-EST, les projets relatifs aux perturbateurs endocriniens représentent de l'ordre de 10 % des projets financés par l'Anses depuis 2009. Ce sont souvent des prolongations de projets PNRPE. Ainsi, au cours des années 2013 à 2016, 17 projets consacrés aux perturbateurs endocriniens ont été financés67, ce qui correspond à la moitié des projets retenus sur les agents chimiques qui pèsent eux-mêmes environ le quart des projets retenus. Les moyens limités du PNR-EST et son champ très large font que le financement de chaque projet est plafonné à 200 k. Pour l'édition 2017 du PNR-EST, trois appels à projets ont été lancés, pour un montant total de financement de l'ordre de six millions d'euros 68. Le premier appel à projets, à vocation généraliste, couvre 13 questions de recherche dont les « agents chimiques et polluants émergents » qui englobe 11 sujets dont les perturbateurs endocriniens. Le thème des perturbateurs endocriniens
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La diminution des moyens de financement de l'ANR est de 30 à 50 % selon les références et les années.
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5 projets dédiés aux perturbateurs endocriniens en 2016, 5 en 2015, 2 en 2014 et 5 en 2013
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figure parmi ceux qui revêtent une importance particulière pour le comité d'orientation ou correspondent à des priorités des cofinanceurs de l'appel à projets selon les orientations suivantes :
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étude des effets des perturbateurs endocriniens sur l'homme et les écosystèmes ; développement de biomarqueurs d'effets spécifiques des perturbateurs endocriniens ; développement de méthodes d'essai permettant d'identifier des perturbateurs endocriniens et/ou de mieux connaître leurs effets ; meilleure prise en compte de la sensibilité particulière des enfants dans les tests de toxicité utilisés pour l'évaluation des substances et des produits ; meilleure prise en compte des spécificités des perturbateurs endocriniens en termes de fenêtre d'exposition critique, d'effets trans/intergénérationnels.
3.3. Favoriser le transfert de la recherche vers le monde économique
Afin que l'industrie puisse sécuriser le développement de ses nouveaux produits et procédés, en guidant les innovations vers des solutions dont l'innocuité pourra être évaluée plus tôt par des tests permettant d'évaluer le caractère perturbateur endocrinien des substances selon des méthodes mieux reconnues à l'international, la SNPE prévoit d'examiner l'hypothèse de la création d'une plate-forme public-privé d'évaluation et de pré-validation des méthodes de test des substances.
3.3.1. Des enjeux de compétitivité pour les entreprises
La création de cette plateforme a été confirmée par le PNSE3 dont l'action n°13 vise à acquérir des moyens d'identifier le caractère perturbateur endocrinien des substances chimiques par l'étude de faisabilité d'une plateforme public-privé pour la pré-validation de méthodes de tests des substances. Le projet a été soutenu par le Conseil national de la transition écologique (CNTE) qui a souligné l'intérêt pour la recherche et l'industrie d'« éviter des découvertes tardives de propriétés de perturbation endocrinienne » et a indiqué qu'au-delà de la maîtrise des enjeux de santé et d'environnement, le projet avait « des impacts en termes de compétitivité et d'emplois : capacité d'anticipation de l'industrie française, avantage comparatif sur d'autres pays, développement d'une offre nationale de laboratoires compétents, valorisation de la recherche nationale, etc. ». Dans sa communication sur la définition des perturbateurs endocriniens (COM 2016 350 final), la Commission européenne considère comme « critique » de renforcer le travail sur ce sujet pour disposer d'un panel d'essais « au plus tard en 2025 ». Le communiqué du 4 juillet 2017 des ministres chargés de l'écologie, de la santé et de l'agriculture réaffirme de nouveau l'intérêt de cette plate-forme et de son entrée en phase opérationnelle.
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Le premier appel à vocation généraliste est financé par l'Anses sur des budgets délégués par les ministères chargés de l'environnement et du travail, et associe plusieurs cofinanceurs : l'ADEME, l'ITMO Cancer de l'alliance AVIESAN dans le cadre du Plan Cancer. Il bénéficie également de crédits du plan Ecophyto II (crédits affectés à l'ONEMA devenue AFB) en fonction des moyens programmés pour l'axe dédié à la recherche et l'innovation de ce plan. Le deuxième appel à projets financé grâce au fruit d'une taxe sur les émetteurs radiofréquences, est dédié au thème "Radiofréquences et santé", qui fait l'objet d'une attention particulière compte tenu du besoin de connaissances sur ce sujet et de la nécessité d'élargir la communauté scientifique qui s'y intéresse. Pour la première fois, un appel à projets est dédié à la thématique « Antibiorésistance et environnement » (a priori non reconduit en 2018).
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3.3.2. Une plateforme sous forme de partenariat public-privé
En 2014, l'INERIS a été chargé d'étudier avec les industriels de la chimie, partenaires potentiels, la faisabilité et les conditions opérationnelles et de gouvernance de la plateforme de pré-validation de méthodes. Cette plateforme a pour rôle de recevoir des méthodes de toute nature (in vivo, in vitro et in silico)69 en phase finale de mise au point en aval de la recherche et de réaliser l'ensemble des opérations techniques permettant d'arriver à la validation auprès de l'OCDE ou de l'ISO 70. La prévalidation permet de vérifier la pertinence, la valeur ajoutée, la reproductibilité et la répétabilité de la méthode. Elle conduit à démontrer la qualité et l'opérationnalité d'une méthode en vue de sa validation multilatérale. Les activités de la plateforme portent sur la réalisation des étapes finales d'un essai soumis, la veille permanente des méthodes existantes et des instances européennes et internationales, l'instruction de la pertinence des essais proposés, l'organisation du processus de validation (répétabilité et reproductibilité), la décision de pré-validation et l'accompagnement du porteur de projet auprès de l'OCDE ou de l'ISO71. Les utilisateurs potentiels sont les institutions chargées des évaluations ou des classements, les industriels qui développent des produits de substitution, les secteurs qui produisent des rejets dans l'environnement et doivent prouver que ces derniers n'ont pas le caractère de perturbateurs endocriniens et enfin les acheteurs finaux. Cette plateforme nationale a toute sa place dans la réglementation internationale, car elle comble un vide. Le panel de méthodes validées disponibles est extrêmement limité à ce jour et la demande des opérateurs d'avoir un label de reconnaissance des essais est forte. En effet, s'il existe un certain nombre de méthodes déjà accessibles, elles restent à valider. C'est un besoin pour le secteur des développeurs de méthodes qui comprend de grandes entreprises, des startups issues de la recherche, ainsi que des entreprises dédiées aux essais.
3.3.3. Une étude faisabilité a été conduite en 2015
Elle a été prolongée par une journée de travail72 organisée conjointement par l'INERIS, le ministère de l'écologie et l'Union des industries chimiques (UIC) qui a réuni, le 30 juin 2016, industriels, chercheurs, administrations nationales, organismes nationaux, européens et internationaux, associations concernées par les perturbateurs endocriniens, afin d'examiner la faisabilité de création de la plate-forme. Pour faire suite aux travaux et propositions issues de cette journée, un groupe de travail constitué des parties prenantes (administration, ONG...) et des acteurs (développeurs de méthodes et industriels de la chaîne de valeur) a été mis en place. Il a proposé un projet concernant le contenu, la forme juridique, la gouvernance et le modèle économique de la plateforme. À ce stade, la réflexion a été uniquement menée à l'échelon national. Des partenariats internationaux envisagés notamment avec l'Allemagne n'ont pas encore été explorés. La plate-forme doit disposer d'installations expérimentales couvrant l'ensemble du champ et avoir accès à des moyens de mesure haut débit, notamment en génomique et transcriptomique. Si ces équipements existent déjà en grande partie sur le territoire national, ni l'INERIS ni aucun autre
69
Les essais in vitro portent sur du matériel cellulaire. Les essais in vivo sont des essais sur animaux (invertébrés, mammifères, amphibiens, poissons et oiseaux). Les méthodes de modélisation biologiques in silico les complètent. Les essais opposables dans les systèmes réglementaires doivent être validés au niveau multilatéral notamment par l'OCDE qui a en charge la rédaction des lignes directrices d'essais reconnues par ses États membres. Cette validation multilatérale peut prendre une dizaine d'années. En revanche, la plateforme ne développera pas de tests et n'exploitera pas elle-même les tests pour des évaluations de danger. Cette journée avait pour objectif de recueillir des éléments de parangonnage européens et internationaux et explorer les synergies et/ou approches conjointes ; d'identifier les besoins des parties prenantes ; de préciser l'intérêt d'essais pré validés par la plate-forme dans le cadre d'une future stratégie de testage ; de vérifier la reconnaissance et la recevabilité des tests pré validés ; d'identifier les clés du succès ou les freins à la mise en place d'une telle plateforme.
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centre technique ne dispose de tous les éléments. Un réseau d'opérateurs est donc nécessaire, accompagné d'une organisation opérationnelle solide. Outre les personnels faisant fonctionner ces équipements, des équipes spécifiques sont nécessaires pour organiser les essais, assurer la veille sur les méthodes et accompagner les porteurs de méthodes vers une validation multilatérale.
3.3.4. Le modèle économique de cette plateforme ne s'impose pas
Le coût de fonctionnement a été estimé à environ 0,8 M par an pour ce qui concerne l'identification des méthodes et la dissémination des méthodes pré validées qui mobiliseraient 5 ETP. L'essentiel du coût résiderait dans les essais validant les méthodes. Le coût a été estimé à 4 M (mobilisation de 18 ETP)73 sur la base de l'évaluation chaque année d'un essai in vivo léger, de deux essais in vitro complexes et de trois essais in vitro simples, auxquels il convient d'ajouter le coût d'essais et d'opérations de preuve de concept pour porter des méthodes trop immatures à un niveau suffisant pour permettre la pré-validation. Les modalités de financement de la plateforme restent en débat. Il ne semble pas réaliste d'imaginer que la plateforme puisse être financée par les développeurs de méthodes dans la mesure où les méthodes d'essais ne peuvent généralement pas faire l'objet de licences d'utilisation74. Un financement public-privé est à imaginer selon une logique d'intérêt général. Le financement public pourrait prendre la forme d'une subvention à l'opérateur de la plate-forme pour couvrir au moins les charges de base récurrentes75. Le financement privé pourrait couvrir tout ou partie des opérations de preuve et d'évaluation des méthodes dont le coût dépend du nombre d'essais à traiter, nombre qui fait débat. Il a été envisagé qu'une partie de ce coût puisse être supportée par les opérateurs d'essais participant aux travaux de validation et par des entreprises qui sponsoriseraient des méthodes qui leur seraient utiles. Cette pratique serait peu compatible avec une approche collégiale de la pré-validation bénéficiant à l'ensemble des entreprises concernées. Les acteurs industriels privilégient une mise en oeuvre à l'échelon européen qui pourrait bénéficier d'un soutien financier du Conseil européen de l'industrie chimique (CEFIC) 76. À défaut un partenariat devrait être envisagé avec des pays actifs en matière d'enregistrement de substances chimiques, l'Allemagne et les Pays-Bas en premier lieu.
3.3.5. Le continuum entre recherche, innovation et industrialisation reste à construire
Le manque de lisibilité des objectifs, des financements, des pilotes concernés constitue probablement un frein au développement et au partage de la connaissance sur ce sujet complexe. Aujourd'hui, nous connaissons un peu mieux une part des effets de ces produits sur l'environnement et la santé humaine qui apparaissent indissociables. Pour avancer et franchir une nouvelle étape, il convient de fédérer les moyens et de se mettre en situation de mieux favoriser le continuum entre recherche, innovation et industrialisation.
73
Le coût des opérations d'évaluation est estimé selon l'INERIS à respectivement 5, 10 et 15 fois celui de réalisation d'un essai in vivo léger (175 k), in vitro complexe (75 k), in vitro simple (25 k). Le coût annuel de réalisation des essais et opérations de preuve de concept est estimé à 0,5 M. Sur les 45 méthodes (validées ou non) décrites par l'OCDE seules 3 à 5 ont des éléments pouvant théoriquement faire l'objet d'une protection de la propriété intellectuelle. L'INERIS pourrait être l'opérateur de cette plateforme sous réserve de sa capacité à pouvoir recruter les personnels nécessaires qui ne devraient pas s'imputer sur son plafond d'emplois. L'Union des industries chimiques (UIC) est le membre français du CEFIC (European Chemical Industry Council).
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3.4. Renforcer la surveillance sanitaire et environnementale, via les enquêtes transversales, les dispositifs de surveillance épidémiologique, les cohortes et les observatoires.
La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (Art. 37 f) prévoyait la mise en place d'« un programme de bio surveillance permettant de mettre en relation la santé de la population et l'état de son environnement et d'évaluer les politiques publiques en matière de lien entre la santé et l'environnement." La bio surveillance, ou bio monitoring, est la détection de polluants dans un milieu au travers de leurs effets sur les organismes et sur les écosystèmes à l'aide de biomarqueurs77. Le principe de l'utilisation d'un « biomarqueur » est de rechercher la signature biologique de l'impact (actuel ou passé) ou de la présence d'un xénobiotique78 (perturbateur endocrinien) dans l'organisme, et non la mise en évidence directe de la cause. Les biomarqueurs peuvent aussi révéler un évènement (contact avec un toxique ou pathogène) passé. La SNPE prévoit qu'« une attention particulière sera portée aux résultats des enquêtes d'imprégnation des populations (Esteban....), des cohortes de surveillance sanitaire et environnementale (Elfe, Constances, E4N....) et des programmes de surveillance épidémiologique, en articulation fine avec la recherche et l'expertise ». La feuille de route gouvernementale pour la transition écologique issue de la conférence environnementale des 25 et 26 avril 2016 a confirmé que les études de bio surveillance doivent être développées dans le cadre de la recherche en santé-environnement (objectif 12c). En matière de surveillance sanitaire et environnementale, plusieurs types d'actions sont menées :
· ·
la surveillance de la contamination des compartiments de l'environnement ; la surveillance des imprégnations des populations au moyen d'études de bio surveillance incluant le dosage de biomarqueurs d'expositions aux substances suspectées d'être à l'origine de perturbations endocriniennes ; la surveillance épidémiologique visant à décrire des évènements sanitaires en lien avéré ou suspecté avec les perturbateurs endocriniens (survenue de pathologies, mais aussi effets précoces détectables biologiquement), afin notamment d'en surveiller les tendances temporelles et spatiales et d'évaluer l'efficacité des politiques de prévention.
·
Si la bio surveillance de la santé humaine est explicitement identifiée dans les orientations de la SNPE et a fait l'objet de présentations lors des deux réunions annuelles de suivi, il n'en est pas de même pour ce qui concerne la surveillance de la santé des écosystèmes. Pour autant, la mission s'est efforcée d'identifier les actions conduites sur les populations humaines et les écosystèmes.
3.4.1. La surveillance de la présence des perturbateurs endocriniens est hétérogène
Les populations humaines comme les biocénoses sont exposées à des contaminants susceptibles d'avoir des effets PE qui se trouvent dans les différents compartiments de l'environnement (eau, air, sols). L'homme est quant à lui également exposé à des contaminations par l'alimentation ou par des produits et objets du quotidien.
77
Un biomarqueur est un changement observable et/ou mesurable au niveau moléculaire, biochimique, cellulaire, physiologique, qui révèle l'exposition présente ou passée d'un individu a au moins une substance chimique à caractère polluant. Lagadic et al. (1997) Un xénobiotique est une substance présente dans un organisme vivant mais qui lui est étrangère : il n'est pas produit par l'organisme lui-même, ni par son alimentation naturelle.
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3.4.1.1.
La surveillance dans l'environnement est hétérogène selon les milieux
Bien organisée et en évolution dynamique sur les milieux aquatiques, engagée sur l'air intérieur, elle reste ponctuelle sur l'air extérieur et inexistante pour ce qui concerne les sols. La surveillance des PE dans les milieux aquatiques s'organise La directive cadre européenne qui détermine les modalités de surveillance des masses d'eau depuis 2000 permet de suivre certaines substances à effet PE
Il n'existe pas de volet spécifique aux perturbateurs endocriniens dans la directive cadre sur l'eau (DCE) 2000/60/CE qui détermine les modalités de la surveillance des masses d'eau. Pour autant, certaines substances susceptibles d'avoir un effet PE79 sont incluses dans la liste des substances faisant l'objet d'un suivi régulier pour caractériser l'état chimique et/ou écologique des eaux au titre de cette directive ou de ses directives filles (directive 2008/105/CE, directive 2013/39/UE)80. Selon une approche basée sur l'appréciation d'un risque, toutes ces substances sont dotées d'une norme de qualité environnementale (NQE) qui correspond à la concentration qui ne doit pas être dépassée dans l'eau, les sédiments ou le biote afin de protéger la santé humaine et l'environnement. La NQE vise à la protection des organismes pélagiques et benthiques contre une écotoxicité directe, et à celle des prédateurs supérieurs contre un empoisonnement secondaire. Elle vise également à la protection de la santé humaine contre un risque d'intoxication via la consommation d'eau de boisson et contre un risque de surexposition à des contaminants via la consommation de produits de la pêche. Une norme de qualité spécifique est déterminée pour chacun des objectifs de protection, la plus contraignante étant désignée comme la NQE81. Afin de compléter les données acquises dans le cadre des réseaux de surveillance sur des contaminants chimiques (dont certains perturbateurs endocriniens) déjà réglementés dans le cadre de la DCE, le premier plan national sur les micro-polluants dans l'eau 2010-2015 a permis de mener des actions de surveillance de substances susceptibles d'avoir un effet PE. Au titre de l'action 16 de ce plan, une étude prospective financée par l'Onema a été menée en 2012 pour rechercher des contaminants émergents dans les eaux de surface. Elle a permis d'acquérir des données originales sur l'occurrence et les niveaux de concentration de certains PE dans les eaux de surface de plus de 100 sites présentant des situations contrastées en termes de pressions (type et intensité). En effet, parmi la centaine de substances recherchée dans le cadre de cette étude figuraient les substances prioritaires de la feuille de route pour la transition écologique résultant de la Conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012 :
· · ·
les phtalates dont la principale toxicité se manifeste sur la reproduction, ce qui les rend préoccupants pour le maintien des populations des écosystèmes, le bisphénol A82 ; les parabènes.
79
PCB, PBDE, dioxines et furanes, benzo[a]pyrène, anthracène, cadmium, plomb, TBT, DDT et ses métabolites, lindane, endosulfan, atrazine, 2,4-D, etc. Le bon état des eaux est évalué selon les critères de la DCE sur 85 substances ou familles de substances (53 pour l'état chimique et 32 pour l'état écologique). La liste des substances prises en compte pour évaluer l'état chimique est révisée tous les quatre ans au niveau européen en distinguant les substances prioritaires et des substances prioritaires dangereuses qui doivent être éliminées. Toutes ces substances sont dotées d'une norme de qualité environnementale (NQE), sans laquelle cette évaluation n'est pas possible. Elles sont listées dans les tableaux 16 et 17 de l'annexe 2 de l'arrêté du 7 septembre 2015, modifiant l'arrêté du 25 janvier 2010, établissant le programme de surveillance de l'état des eaux en application de l'article R 212-22 du code de l'environnement. Les valeurs de NQE sont indiquées dans l'arrêté du 25 janvier 2010 sur les critères d'évaluation de l'état des eaux (tableaux 45 et 46 pour les polluants de l'état écologique, tableau 88 pour les substances de l'état chimique). Elles sont accessibles sur le portail des substances chimiques géré par l'INERIS. Le Bisphénol A a été retrouvé avec une fréquence de dépassement du seuil de 0,1 g/L aux alentours de 10 % dans les eaux de surface et dans les eaux souterraines.
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Des hormones synthétiques et naturelles reconnues pour leur potentiel oestrogénique élevé (éthinylestradiol, estradiol, estrone) ont également été recherchées. Ces substances ont ensuite été placées sur la liste des substances pertinentes à surveiller de manière cyclique au titre de la directive cadre sur l'eau 83. Pour ces substances, l'INERIS développe des valeurs seuils qui n'entrent pas dans l'évaluation de l'état des eaux, mais qui constituent néanmoins des valeurs guides environnementales (VGE) sur la toxicité des molécules dans l'eau ou les sédiments. Dans le cadre de l'étude prospective mentionnée ci-dessus, des outils biologiques développés par l'INERIS (bio essais in vitro et in vivo) ont été testés sur des échantillons d'eau et de sédiments, pour en éprouver le caractère opérationnel, mais également pour établir le « profil toxicologique » de ces échantillons à partir de la détection de différentes activités biologiques de type PE (activités oestrogénique, androgénique et anti-androgénique, glucocorticoïde, ligands du récepteur des prégnanes). Les premières mentions de la SNPE apparaissent dans le « plan micro-polluants » 2016-2021
Il a cependant fallu attendre le nouveau « plan micro-polluants »84 2016-2021 pour que soient officiellement prévues plusieurs mesures faisant explicitement référence à la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Le travail de surveillance prospective des molécules émergentes prioritaires dans les rivières, nappes et eaux littorales et dans les eaux destinées à la consommation humaine se poursuit dans le cadre de l'action 26 de ce plan qui correspond également à l'action n°32 du PNSE3 85. L'Agence Française pour la biodiversité (AFB ex-ONEMA) a ainsi engagé une nouvelle étude prospective en 2017 pour un montant de l'ordre de 2,5 M. L'action n° 34 de ce même plan micro-polluants prévoit de « Construire des valeurs de référence et des méthodologies pour mieux juger de la qualité des eaux de surface et souterraines prenant en compte les perturbateurs endocriniens et les métabolites pertinents ». L'objectif principal vise à rassembler les connaissances en matière d'identification des dangers afin de construire des valeurs de référence pour les molécules86. Un examen de plus de 240 dossiers NQE/VGE montre que, pour plus de 76 substances chimiques présentant des propriétés de perturbation endocrinienne, cet effet n'est pas pris en compte dans le processus d'élaboration de la norme 87. À ce titre une étude exploratoire sur la prise en compte des effets PE dans la construction des normes de qualité environnementale (NQE) et des valeurs guides environnementales (VGE) dans le contexte de la DCE est en cours dans le cadre du partenariat INERIS-AFB. Cette action s'accompagne de développements méthodologiques afin de fournir aux gestionnaires des outils et valeurs adaptés à la mise en oeuvre de ces seuils, pour mieux juger la qualité des eaux de surface
83
Les substances pertinentes (annexe III de l'arrêté du 25 janvier 2010 établissant le programme de surveillance de l'état des eaux en application de l'article R. 212-22 du code de l'environnement) sont recherchées notamment pour préciser les niveaux de présence et de risque associés à ces substances, en vue d'une possible inclusion dans les listes de polluants spécifiques (substances dites dangereuses au sens de l'annexe IX et substances prioritaires au sens de l'annexe X de la directive cadre sur l'eau) utilisés pour évaluer l'état chimique et l'état écologique des eaux de surface au regard du respect de normes de qualité environnementales (NQE) par le biais de valeurs seuils. Le plan sur les micro-polluants a vocation à intégrer toutes les molécules susceptibles de polluer les ressources en eau (eaux de surface continentales et littorales, eaux souterraines), mais aussi le biote, les sédiments et les eaux destinées à la consommation humaine. De manière plus générale, les actions 36 à 39 du plan micro-polluants qui visent à dresser des listes de polluants sur lesquels agir sont susceptibles de prendre en compte des substances à effet PE. La construction de valeur seuils dans différents milieux (eaux continentales et marines, eaux de surface et souterraines) est nécessaire pour répondre aux objectifs de la directive cadre sur l'eau et doit prendre en compte ses nouvelles dispositions en termes de matrices à surveiller (eau et biote). Par ailleurs, il est nécessaire de prendre en compte la perturbation endocrinienne. Via la sélection de réponses biologiques caractéristiques d'un effet PE dans le jeu de données (éco) toxicologiques servant au calcul de la NQE, ou le recours à un facteur de sûreté supplémentaire abaissant la NQE en application du principe de précaution.
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et souterraines, notamment pour prendre en compte les perturbateurs endocriniens ainsi que les métabolites. Pour pallier aux limites inhérentes à la chimie analytique 88, l'utilisation d'outils biologiques basés sur le mécanisme d'action des toxiques peut fournir des informations nouvelles dans l'évaluation de la qualité chimique des milieux aquatiques, tant du point de vue de la connaissance et de la caractérisation des contaminants d'intérêt (éco) toxicologique (par ex. criblage à haut débit d'activités PE dans des échantillons environnementaux à l'aide de bio essais in vitro), que de leurs impacts à l'échelle de l'organisme au laboratoire (bio essais in vivo), ou dans le milieu naturel (biomarqueurs sur espèces autochtones). Dans ce contexte, l'AFB soutien depuis 2014 une action menée par l'INERIS, dont l'ambition est de contribuer à la validation d'une méthodologie d'évaluation d'oestrogènes-équivalents au sein de matrices environnementales complexes à l'aide de bio essais in vitro. Un état de l'art des méthodes actuellement utilisées pour mesurer le potentiel oestrogénique de matrices environnementales de type sédiment, effluent, et eau de surface est disponible. Il présente les grands principes de la méthodologie et identifie les étapes techniques clés qui peuvent être sources de variabilité entre laboratoires, dans la perspective d'un futur développement normatif. Les performances relatives de ces bio essais in vitro, en termes de sensibilité, de précision et de robustesse sont comparées dans le cadre d'un essai inter-laboratoire impliquant plusieurs partenaires européens, à partir d'échantillons d'eau de surface et de rejets provenant de 7 États membres de l'UE89. De tels bio essais sont un moyen de pallier aux limites de l'approche analytique substance par substance. Ils sont bien adaptés au cas des PE, car ils permettent de prendre en compte les mélanges à faibles doses et de détecter des perturbations des mécanismes d'action des toxiques. Une évolution des dispositifs de surveillance de l'état des milieux aquatiques avec un recours accru aux bio essais est prévisible. Les bio essais in vitro développés sur le compartiment eau pourraient être également utilisés pour l'air et les sols. Trois campagnes de mesure se sont intéressées aux effets des phtalates et des polybromés présents dans l'air intérieur
Trois principales campagnes de mesures ont investigué plusieurs substances appartenant aux familles des phtalates et des polybromés90 :
·
en 2014 ont été publiés les résultats d'une étude menée au sein de la cohorte Pélagie sur les concentrations de plusieurs composés organiques semi-volatils dans l'air (phases gazeuse et particulaire) et dans les poussières sédimentées de 30 logements localisés en zone périurbaine et en zone rurale du département de l'Ille-et-Vilaine : sur neuf polybromés mesurés, quatre congénères (BDE 47, 99, 100 et 209) ont été quantifiés dans respectivement 90 %, 90 %, 53 % et 3 % des échantillons91 ; sur huit phtalates mesurés, cinq (DEHP, DBP, DiNP, DiBP, BBP) ont pu être quantifiés avec des proportions entre 93 % et 100 % en phase particulaire et entre 10 % et 100 % en phase gazeuse ; en 2016 ont été publiés les résultats de mesure des concentrations de soixante-six composés organiques semi-volatiles92 dans la phase particulaire de l'air d'un échantillon représentatif du parc de logements français sur les huit polybromés mesurés (BDE 28, 47,
·
88
Les méthodes et critères actuellement utilisés pour évaluer l'état chimique ne rendent que partiellement compte du « risque chimique », dû au fait que seule une fraction des contaminants présents dans l'environnement sont recherchés et mesurés (i.e. liste finie de substances prioritaires), et que les effets de la combinaison de ces substances et de leurs produits de dégradation au sein de mélanges ne sont pas pris en compte. La participation de l'INERIS à cette activité est assurée, pour partie, par un financement de l'AFB. Aucune donnée en France n'est actuellement disponible pour documenter la contamination de l'air intérieur par les perfluorés. A l'exception du BDE 209, ils étaient exclusivement en phase particulaire.
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85, 99, 100, 119, 153 et 154), tous ont pu être quantifiés, à l'exception du BDE 119, dans des proportions variant de 1 % à 88 % ;
·
le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) coordonne une campagne nationale de mesures de plusieurs polybromés et phtalates dans l'air et les poussières déposées au sol dans un échantillon représentatif de 600 salles de classe en France métropolitaine. Seuls les résultats d'une phase pilote sur 90 classes d'Ille-et-Vilaine sont disponibles : sur les quatre polybromés recherchés, les BDE 85 et 119 n'ont jamais été quantifiés et les concentrations de BDE 99 et 100 sont quasi systématiquement inférieures aux limites de quantification ; les cinq phtalates (BBP, DBP, DEHP, DiBP et DiNP) ont tous été quantifiés à 100 % à l'exception du DiNP qui l'a été à 98%.
En revanche, aucune donnée n'est actuellement disponible en matière de contamination de l'air intérieur par les perfluorés en France. La connaissance des effets PE de la contamination de l'air extérieur n'a pas progressé
La connaissance de la contamination de l'air extérieur par des substances susceptibles d'avoir des effets perturbateurs endocriniens est très limitée et elle n'a pas progressé depuis l'adoption de la SNPE :
·
seules deux études, antérieures à l'adoption de la SNPE et très localisées, ont permis de mesurer des polybromés sur des prélèvements d'air extérieur : la première étude menée de mars à mai 2008, à Paris (1 seul site), sur des périodes d'une semaine consécutive (8 séries de mesures) a mesuré huit PBDE (BDE47, 99, 100, 153, 154, 183, 205, 209) ; la seconde étude réalisée à Paris, en banlieue parisienne (Lognes) et en région parisienne (forêt de Fontainebleau) a permis de mesurer le BDE 47, BDE 209, la somme des 8 PBDE et le TBBPA ; trois études ont permis de mesurer des phtalates (DBP, le BBP, le DEHP, le DMP, le DEP et le DnOP).
·
Aucune donnée n'est actuellement disponible pour documenter la contamination de l'air extérieur par des perfluorés. L'ANSES a publié le 19 octobre 2017 les résultat d'une expertise collective demandée par les ministères en charge de l'agriculture, de l'écologie, de la santé et du travail en vue de la mise en place d'un dispositif national de surveillance des pesticides dans l'air ambiant. Cette expertise conduit à la publication d'une liste de 90 substances prioritaires à surveiller dans l'air ambiant qui devra être complétée ultérieurement au regard du risque pour les écosystèmes. La liste distingue des substances hautement prioritaires dont la pertinence de la surveillance est d'ores et déjà affirmée et d'autres pour lesquelles cette pertinence reste à confirmer après des explorations complémentaires. Certaines de ces substances sont suspectées d'effet PE. L'ANSES recommande la définition d'un protocole harmonisé de mesure des pesticides dans l'air ambiant. Pour cela, elle préconise une campagne exploratoire dont le protocole sera défini par le Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air (LCSQA) sur la base de tests métrologiques qui sont en cours. Cette campagne est prévue par le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) adopté en mai 2017. A son issue, les experts recommandent la réalisation d'un retour d'expérience destiné à choisir les molécules prioritaires, les situations d'exposition à prendre en compte, ainsi que les critères de classification et de sélection des sites à surveiller. Aucune campagne de surveillance des sols ne semble avoir été menée en France La contamination dans les sols est documentée pour le BPA et les phtalates uniquement à partir des données de la littérature scientifique. Ces informations n'ont pas été recherchées pour les autres composés. Hormis des études ponctuelles dans le cas de sites pollués, aucune campagne de surveillance ne semble avoir été menée en France dans ce compartiment de l'environnement.
92
Ces composés appartiennent à différentes familles chimiques : pesticides, phtalates, polychlorobiphényls (PCB), PBDE, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), alkylphénols, bisphénols, muscs synthétiques, tributylphosphate, triclosan.
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3.4.1.2. La surveillance de la contamination de l'alimentation est cadrée réglementairement La surveillance de la contamination des aliments par les substances est régulièrement assurée, dans un cadre réglementaire, au travers de plans de contrôle et de plans de surveillance. Cette connaissance peut être complétée et renforcée par des études de l'alimentation totale (EAT) qui s'appuient sur une méthode standardisée, recommandée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Agence européenne de sécurité de l'alimentaire (European food safety authority-EFSA). Elles visent à rechercher différentes substances susceptibles d'être présentes dans les aliments « tels que consommés ». Les résultats de l'étude alimentation totale EAT2 ont été publiés en 2011. Les concentrations dans les aliments de nombreux composés PE ont été déterminées, notamment les composés de la famille des PCB et de celle des perfluorés, différentes mycotoxines et pesticides.... Une évaluation de l'exposition alimentaire des femmes enceintes de la cohorte EDEN aux contaminants étudiés dans l'EAT2 a montré un bon niveau global de maîtrise sanitaire. L'étude EATi (alimentation infantile de 0 à 3 ans) publiée en 2016 par l'Anses a permis de déterminer les concentrations dans les aliments de nombreux composés soupçonnés d'être des PE, notamment le BPA, les phtalates, certains alkylphénols, les composés de la famille des PCB et de celle des perfluorés, différentes mycotoxines et pesticides.... L'étude CONTA-LAIT (enfants allaités) initiée début 2013 par l'Anses en partenariat avec l'AP-HP aura permis d'estimer la contamination d'échantillons de lait maternel à différentes substances chimiques. Dans le cadre de cette étude, plusieurs substances susceptibles d'être des PE ont été analysées dont les composés de la famille des PCB, dioxines, furanes, des retardateurs de flammes bromés et des perfluorés. Dans le cadre de l'étude Kannari l'analyse de la contamination de denrées alimentaires par le chlordécone permettront d'évaluer les expositions des populations antillaises et de caractériser les risques. Enfin, des analyses sont régulièrement réalisées sur les eaux destinées à la consommation humaine. Les résultats montrent par exemple que l'apport par les eaux destinées à la consommation humaine ne contribue pas de manière significative à l'exposition au BPA. Une campagne nationale portant sur la recherche et le dosage d'une dizaine de phtalates dans les eaux destinées à la consommation humaine est réalisée en 2017 par l'Anses. L'agence a également publié en 2014 une synthèse sur les polybromés. 3.4.1.3. Il n'existe pas de dispositif permanent de surveillance des produits et articles Il n'existe pas de dispositif permanent de surveillance de la présence de substances susceptibles d'avoir des effets PE en dehors des plans de contrôle du respect de la réglementation (substance interdites). Cependant, sur la base des résultats d'enquêtes de filière, certaines catégories de produits contenant des substances potentiellement PE ont été identifiées. Des études spécifiques ont été réalisées, notamment par l'Anses en partenariat avec la DGCCRF, pour déterminer les expositions à ces substances via les produits de consommation. Une expertise a été publiée par l'Anses en octobre 2015 sur les effets sanitaires et environnementaux potentiels des retardateurs de flamme utilisés dans les meubles rembourrés. Elle a montré que plusieurs des 22 substances identifiées présentaient en expérimentation animale une toxicité avérée ou suspectée sur la reproduction, un effet potentiel de perturbation endocrinienne, des effets sur la thyroïde ou sur le système immunitaire, ou sont potentiellement cancérogènes ou neurotoxiques. En conclusion, l'agence a recommandé de ne pas généraliser le traitement des meubles rembourrés par des retardateurs de flamme. Les résultats d'une expertise de l'Anses sur la présence de phtalates ou de substances de substitution dans les jouets et articles de puériculture en plastique souple pouvant être mis en bouche par les enfants de moins de 3 ans ont été publiés en 2016. Un scénario d'exposition
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réaliste à trois des substituts de phtalates identifiés (ATBC, DINCH, DEHTP) présents dans les jouets en PVC testés ne mettent pas en évidence de risque sanitaire pour les enfants exposés via la mise en bouche de jouets.
3.4.2. La surveillance sanitaire et la bio surveillance humaine intègrent désormais explicitement le suivi des effets PE potentiels
Santé publique France (SpF) est l'opérateur de référence pour plusieurs objectifs de la SNPE :
· · ·
le programme de bio surveillance qui relève et suit l'évolution de biomarqueurs d'imprégnation, la surveillance épidémiologique des facteurs de la reproduction humaine, la surveillance plus spécifique de populations professionnelles qui pourraient être particulièrement exposées à des PE.
La SNPE fait également référence à des dispositifs plus généraux pouvant contribuer à la surveillance sanitaire (les cohortes ELFE, Constances, E4N). 3.4.2.1. Le programme national de bio surveillance livre ses premiers enseignements Le volet périnatal de l'étude longitudinale française depuis l'enfance (Elfe) décrit les niveaux d'imprégnation des femmes enceintes
ELFE, première grande cohorte d'enfants suivis depuis la naissance née en France métropolitaine, est pilotée par l'INED et l'INSERM et financée par le plan d'investissement d'avenir, L'objectif général est de suivre 18 322 enfants et leurs parents, inclus dans l'étude à leur naissance en 2011, pendant 20 ans, afin d'étudier comment l'environnement influence le développement, la santé et la socialisation des enfants. L'environnement est évalué au niveau familial, socio-économique, géographique, physico-chimique et l'étude des interactions entre ces différentes dimensions est au coeur de l'étude Elfe. Le programme national de bio surveillance comporte un volet périnatal s'appuyant sur un souséchantillon de femmes enceintes incluses dans le volet biologique de la cohorte Elfe. L'objectif de ce volet, qui correspond à un échantillon transversal de femmes enceintes incluses dans la cohorte Elfe est d'estimer l'exposition des femmes enceintes à certains polluants présents dans l'environnement, notamment les polluants organiques, et de quantifier si possible les déterminants de ces niveaux d'imprégnation. Cette estimation repose sur le dosage de biomarqueurs dans des prélèvements biologiques recueillis en maternité chez des femmes ayant accouché en France continentale en 2011. Le volet périnatal a permis de décrire pour la première fois l'imprégnation des femmes enceintes françaises par certains polluants organiques de l'environnement et de quantifier, lorsque cela était possible, les déterminants de ces niveaux d'imprégnation. Il ne permet pas de décrire les effets des imprégnations. Le tome I du rapport, publié en décembre 2016, présente les niveaux d'imprégnation par le bisphénol A, les phtalates et les pesticides mesurés dans les urines, ainsi que les déterminants de ces niveaux d'imprégnation. Il présente également les concentrations sériques en dioxines, furanes, polychlorobiphényles (PCB), retardateurs de flamme bromés et composés perfluorés mesurés chez un sous-échantillon des femmes enceintes incluses dans Elfe. Les éventuelles variations temporelles et géographiques des niveaux d'imprégnation par ces polluants organiques ont été étudiées par une comparaison avec les résultats d'études antérieures menées en France et à l'étranger. À ce stade, il n'y a pas de signaux justifiant une alerte des pouvoirs publics. La présence dans l'organisme de la mère d'un biomarqueur de polluant de l'environnement ne signifie pas qu'un effet néfaste sur la santé est attendu pour elle ou l'enfant à naître.
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L'interprétation du risque sanitaire associé au niveau de concentration du biomarqueur fait appel à un ensemble de connaissances, issues de la toxicologie, de l'endocrinologie, de l'épidémiologie, de la pharmacocinétique, des études d'exposition et d'évaluation de risques. Pour certains polluants organiques, des seuils sanitaires appliqués à la bio surveillance ont été développés par des instances françaises ou internationales (Anses, OMS, Commission allemande de bio surveillance, etc.). Ces seuils correspondent à la concentration en biomarqueur en dessous de laquelle, selon les connaissances actuelles, il n'y a pas d'effets défavorables documentés sur la santé. Néanmoins, un dépassement de cette concentration ne signifie pas nécessairement qu'il existe un risque avéré sur la santé ; ceci est le cas pour les valeurs seuil dites HBM-I qui sont considérées comme des niveaux de contrôle. À l'inverse, des concentrations inférieures à ces seuils n'écartent pas de façon certaine l'apparition d'effets défavorables sur la santé. La publication du tome 2 (traitant des composés inorganiques) est programmé pour décembre 2017. Un tome 3 est prévu pour la fin 2018. Les résultats des mesures d'imprégnation sont une base pour que l'ANSES entreprennent des travaux caractérisant les effets, définissant des biomarqueurs d'effet et mène des analyses de risque. Il apparaît également opportun de travailler en amont avec les laboratoires sur un accord cadre structurant un réseau de laboratoires compétents en bio surveillance et pour incorporer quelques biomarqueurs d'effets. ESTEBAN (Étude de SanTé sur l'Environnement, la Bio surveillance, l'Activité physique et la Nutrition) est l'étude transversale du programme de bio surveillance.
Pilotée par un comité associant DGS, DGPR, DGT, Anses, InVS, et l'équipe projet Elfe, ESTEBAN est une étude nationale menée en France métropolitaine sur un échantillon aléatoire de 5 000 personnes, résidant en France continentale, âgées entre 6 et 74 ans. Elle porte sur plusieurs aspects de la santé : l'exposition à certaines substances de l'environnement, l'alimentation, l'activité physique et certaines maladies chroniques ou facteurs de risque (diabète, allergies, maladies respiratoires, hypertension artérielle, hypercholestérolémie...). Construite pour être répétée, Esteban permet de recueillir, sur le long terme, des données pour développer une vision plus globale de la santé, qui associe environnement, alimentation, nutrition, activité physique et maladies chroniques. En compléments des questionnaires et examens cliniques, des prélèvements (sang, cheveux et urines) permettent de réaliser le dosage de paramètres biologiques et nutritionnels (numération formule sanguine (NEFS), créatininémie, glycémie à jeun, bilan lipidique, hémoglobine glyquée, ferritine et transferrine, folates...), et le dosage de biomarqueurs environnementaux (métaux, cotinine, pesticides, perfluorés et polybromés, dioxines et PCB, phtalates, bisphénol A, etc.). Sont ainsi mesurés les niveaux d'imprégnation de la population par une centaine de substances retenues au regard de leurs impacts présumés et/ou observés sur la santé. Les données recueillies lors de l'enquête ont été appariées avec les données disponibles dans le système d'information inter-régime de l'assurance maladie (SNIIRAM) 93 et le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI)94. Cette enquête permet ainsi de décrire l'état de santé de la population à un moment donné tout en explorant son niveau d'imprégnation aux polluants environnementaux. L'étude ESTEBAN s'inscrivait initialement dans le cadre du programme national nutrition santé mis en place par le ministère en charge de la Santé. Elle fait suite à l'étude nationale nutrition santé (ENNS) menée en 2006 et certains indicateurs ont déjà fait l'objet d'un premier recueil. L'enquête a démarré en avril 2014 et les premiers résultats sont annoncés pour l'année 2017.
93
SNIIRAM est une banque de données permettant l'enregistrement des actes et prestations couvert par l'assurance maladie PMSI est une base de données collectant les motifs d'hospitalisation et les actes associés, base de la facturation des séjours hospitaliers à l'assurance maladie
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94
L'intérêt d'une bio surveillance à l'échelon européen se concrétise par le programme HBM4EU
Lancée le 8 décembre 2016, l'initiative européenne de bio surveillance humaine (HBM4EU) est le résultat d'un effort conjoint de 26 pays et de la Commission européenne. L'objectif est de coordonner et faire avancer la bio surveillance humaine en Europe en fournissant des données sur l'exposition des citoyens aux produits chimiques et leurs effets sur la santé. Il s'agit d'harmoniser les protocoles d'études entre les pays, de partager les données disponibles, de construire un réseau de laboratoires, et de compléter par des études ciblées les données d'exposition de la population européenne à différentes substances chimiques. Pour la période 2017-2018, une liste de neuf groupes de substances a été établie. Le projet comporte également des objectifs de recherche et d'amélioration des connaissances sur les liens entre imprégnation et impact sur la santé, dans le but de développer des outils pour la gestion des risques liés aux substances chimiques et in fine de renforcer les réglementations européennes sur ces substances. Cofinancé par Horizon 2020, le projet HBM4EU regroupe 38 structures signataires auxquelles s'ajoutent près de 70 parties associées (« linked third parties ou LTP »). Il a démarré en janvier 2017 pour une durée de 5 ans sous la coordination de l'agence allemande pour l'environnement. En France, sont concernés l'INSERM, le CNRS, l'ANSES, l'INERIS, le CEA, SpF, l'INRS et l'INRA. 3.4.2.2. La surveillance épidémiologique des facteurs de la reproduction humaine et des cancers s'est organisée La surveillance épidémiologique d'indicateurs de la reproduction humaine est en place La SNPE comprend la surveillance épidémiologique nationale d'indicateurs de la reproduction 95 mise en place par Santé Publique France 96. Les objectifs de cette surveillance sont de produire des indicateurs épidémiologiques avec quantification des altérations sanitaires, analyse des tendances temporelles ou analyse des variations spatiales/spatio-temporelles ; de nourrir les discussions sur les hypothèses étiologiques ; d'appuyer les politiques publiques de gestion (estimation d'impact sanitaire, des coûts, ciblage de populations, identification des prises en charge sanitaire particulière) ; d'aider à l'évaluation future des politiques de prévention. SpF a exploré la faisabilité d'une surveillance d'indicateurs de la reproduction. Vingt-trois indicateurs potentiels de santé reproductive ont été passés en revue et classés pour leur lien avec les perturbateurs endocriniens en utilisant deux rapports internationaux ayant fait une « revue des revues » sur la question. Les indicateurs-clés les mieux classés étaient : le cancer de la prostate, le cancer du sein, le sex-ratio à la naissance, l'endométriose et les fibromes utérins, les indicateurs du syndrome de dysgénésie testiculaire (cancer du testicule, qualité du sperme, cryptorchidies, hypospadias), et la puberté précoce. À la suite de cette priorisation, Santé publique France a mis en place à l'échelle nationale, un programme de surveillance et d'analyses épidémiologiques de ces indicateurs-clés de la santé reproductive masculine et féminine. En utilisant prioritairement des bases de données existantes (données de l'Assurance maladie, registre d'assistance médicale à la procréation, données Insee...), SpF a analysé les tendances nationales relatives aux indicateurs du syndrome de dysgénésie testiculaire qui associe des malformations urogénitales du petit garçon (cryptorchidie, hypospadias) à une mauvaise qualité du sperme et une augmentation du risque de cancer du testicule à l'âge adulte, suspecté d'avoir pour origine une exposition précoce aux perturbateurs endocriniens97. Une surveillance de la puberté précoce98 a également été mise en place.
95
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé reproductive inclut la fertilité, mais aussi les processus, fonctions et systèmes reproductifs à tous les stades de la vie. Elle englobe ainsi les pathologies des organes reproductifs dont les cancers, les malformations urogénitales, les niveaux des hormones reproductives et les effets sur la reproduction intergénérationnels, voire transgénérationnels. Les sources de données utilisées sont entre autres le Système national d'informations inter-régimes de l'assurance maladie (Sniiram), le registre national des tentatives de FIV (Fivnat) ou encore les données de l'Insee.
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96
La surveillance épidémiologique des cancers ne permet pas à ce jour d'identifier la part attribuable aux PE
Une surveillance épidémiologique des cancers est réalisée. Les années 2014-2016 ont été marquées par la publication, pour la première fois en France, d'estimations régionales et départementales de l'incidence de neuf cancers chez l'homme et chez la femme 99. Cependant l'absence de données précises d'exposition ne permet pas d'évaluer la part attribuable à l'exposition aux perturbateurs endocriniens. 3.4.2.3. La surveillance spécifique des populations professionnelles cible plus explicitement les effets PE L'enquête de surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels (Sumer) vise à décrire l'ensemble des expositions des salariés sur leurs postes de travail (dont les produits chimiques), à caractériser ces expositions (durée et intensité), à évaluer l'évolution dans le temps des principales expositions et à éclairer les priorités en matière de prévention des risques professionnels. En 2016-2017, la liste des agents chimiques a été actualisée (perturbateurs endocriniens...). Cette enquête fait partie du dispositif d'enquêtes du ministère du travail (pilotage par la DARES) et concerne la santé et les conditions au travail. La première enquête Sumer s'est déroulée en 1987, à titre expérimental. Répétée tous les 7 ans, les enquêtes suivantes de 1994, 2003 et 2010 ont suivi une méthodologie commune, permettant de publier des évolutions. Une nouvelle vague d'enquête est en cours. Une des spécificités des enquêtes sur la santé au travail est d'éliminer le « bruit de fond » en termes d'imprégnations. S'il est aisé d'attribuer l'imprégnation d'un produit uniquement présent en environnement professionnel, c'est plus difficile en ce qui concerne des substances de caractère ubiquitaire. Ces études sont donc à rapprocher d'enquêtes en population générale, en l'occurrence ESTEBAN, qui permettent d'identifier le « bruit de fond ». 3.4.2.4. Les études de cohortes en population générale citées dans la SNPE (Constances, Coset et E4N) collectent des données potentiellement précieuses pour les recherches sur les effets PE La mission n'a pas identifié de projets menés à partir de ces cohortes qui s'inscrivent dans la surveillance sanitaire et la recherche sur les perturbateurs endocriniens. Constances est à l'échelle des plus importantes cohortes mondiales
97
Le taux de patients opéré du cancer du testicule était de 6,8/100 000 en 2012 avec une augmentation annuelle de l'incidence d'environ 2 % au cours de la période 2008-2012 ; le taux d'interventions chirurgicales en France métropolitaine pour des hypospadias (ouverture de l'urètre dans la face inférieure du pénis au lieu de son extrémité) s'est stabilisé à 1,03 pour 1000 enfants sur la période 2008-2013, alors qu'il avait augmenté de 1,2 % par an entre 1998 et 2008 ; le taux d'interventions chirurgicales pour des cryptorchidies ( absence d'un ou des deux testicules dans le scrotum) est de 2,5 pour 1000 enfants, en croissance annuelle de 2,68 % sur la période 2008-2013, alors qu'il était de 1,8 % sur la période 1998-2008. Une étude publiée en 2014 par SpF confirme une baisse de la qualité du sperme dans la majorité des régions françaises dont l'origine serait plutôt liée à un changement environnemental ayant touché la population française depuis l'après-guerre qu'à une évolution comportementale (tabagisme, alcoolisme, augmentation de poids). La puberté précoce pathologique est définie comme l'apparition de signes de puberté avant 8 ans chez les filles et 9 ans chez les garçons. Son incidence a été estimée à 2,68 pour 10 000 filles entre 2011 et 2013 et à 0,28 pour 10 000 chez les garçons. Les analyses spatiales mettent en évidence, de façon concordante chez les filles et les garçons, une hétérogénéité sur le territoire métropolitain, avec une sur-incidence sur une ligne « Midi-Pyrénées-Rhône Alpes ». L'interprétation de ces résultats est en cours de finalisation. Les neuf cancers chez l'homme touchent lèvres-bouche-pharynx, oesophage, côlon-rectum, larynx, poumon, prostate, testicule, lymphome malin non-hodgkinien, thyroïde et les neuf cancers chez la femme affectent lèvresbouche-pharynx, côlon-rectum, poumon, sein, col de l'utérus, corps de l'utérus, ovaire, vessie, thyroïde.
98
99
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Cohorte nationale en population générale, Constances a pour vocation de suivre 200 000 volontaires pour la recherche en santé le plus longtemps possible. L'objectif est de mettre en oeuvre une cohorte épidémiologique d'effectif important, représentative de la population générale adulte, destinée à contribuer au développement de la recherche épidémiologique. Constances est également un outil pour la surveillance épidémiologique, à travers un partenariat établi avec Santé publique France concernant plusieurs domaines, comme la surveillance épidémiologique des risques professionnels dans le cadre du programme Coset du Département Santé Travail (DST). Le projet Constances, mené grâce à la participation des Caisses Primaires d'Assurance Maladie et des Centres d'examens de santé, fait l'objet d'un partenariat entre l'Université Versailles Saint Quentin, l'Inserm, la CNAMTS (Caisse Nationale d'Assurance Maladie), la Cnav (Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse) et le ministère de la Santé (Direction générale de la santé). Lauréate du programme Investissements d'avenir, Constances bénéficie depuis 2012 d'un financement de l'Agence nationale de la recherche (ANR) en tant que « Infrastructure nationale de recherche en Biologie Santé » (INBS). En mars 2016, l'ANR a procédé, comme cela est la règle, à une évaluation du projet à mi-parcours afin de vérifier si son avancement était satisfaisant et si le financement devait être poursuivi. Il se crée des observatoires de la santé comme Constances partout en Europe, et les chercheurs travaillent ensemble de manière à pouvoir étudier certains phénomènes non pas sur 200 000 personnes mais sur 400 000 ou 600 000 personnes. Une collaboration particulièrement étroite est en place avec la cohorte nationale allemande, très similaire à Constances. L'étude de cohorte familiale E4N a pour but d'étudier la santé en relation avec le mode de vie moderne chez des personnes d'une même famille, sur trois générations.
À terme, E4N rassemblera trois générations : les femmes E3N100 et les pères de leurs enfants constituent la première génération (E4N-G1), leurs enfants, la deuxième (E4N-G2), et leurs petitsenfants formeront la troisième génération (E4N-G3). Elle recueille des données épidémiologiques (caractéristiques personnelles, mode de vie, état et suivi de santé), des données biologiques (ADN, biomarqueurs) et des données médicales (pathologies, actes médicaux, médicaments consommés). Le suivi des trois générations permettra de recueillir des informations sur les facteurs comportementaux et environnementaux à différentes périodes de la vie. L'objectif principal de l'étude E4N est d'étudier la santé en relation avec le mode de vie chez des sujets d'une même famille, ayant un terrain génétique et un environnement communs. L'étude a démarré en 2014, l'inclusion des enfants de 2éme génération est en cours, celle des petits enfants de la 3éme génération débutera en 2018. Une cohorte est dédiée pour la surveillance épidémiologique en lien avec le travail : COSET
Avec le programme Coset (Cohortes pour la surveillance épidémiologique en lien avec le travail, le Département santé travail (DST) de SpF a souhaité se doter d'un dispositif d'observation longitudinal destiné à améliorer la surveillance épidémiologique des risques professionnels. Ce programme a pour objectif de décrire la morbidité et son évolution en relation avec les facteurs professionnels à l'échelle de la population active en France. Il s'appuie sur des données de cohortes d'actifs et anciens actifs affiliés à l'un des trois principaux régimes de Sécurité sociale qui couvrent 95 % des actifs en France. Ce programme contribuera à identifier les métiers et les conditions de travail à risque pour la santé, à quantifier le poids des facteurs professionnels sur la santé des actifs et à proposer des recommandations en matière de prévention.
100
E3N, ou Étude Épidémiologique auprès de femmes de la MGEN (Mutuelle Générale de l'Éducation Nationale), est une enquête de cohorte prospective portant sur environ 100 000 femmes volontaires françaises nées entre 1925 et 1950 et suivies depuis 1990.
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3.4.3. Les recherches et études sur les effets des PE sur la santé humaine dépassent le seul cadre de la SNPE
Depuis mars 2009, l'Inserm a mis en place au sein de l'Institut thématique Santé Publique une cellule de coordination nationale des cohortes (CCNC), animée en partenariat avec l'Institut de Recherche en Santé Publique (IReSP). Cette cellule a pour objectif de fournir des services aux cohortes financées par des fonds publics, et de faciliter l'accès mutualisé aux données de ces cohortes à l'ensemble des communautés scientifiques intéressées. Certaines de ces études ciblent précisément les effets des PE sur la santé humaine. 3.4.3.1. L'étude PÉLAGIE étudie les effets d'expositions de la femme enceinte sur le développement intra-utérin et des conséquences sur la santé de l'enfant PELAGIE (Perturbateurs Endocriniens : Étude Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l'Infertilité et l'Enfance) a été mise en place pour répondre aux préoccupations de santé, en particulier celle des enfants, dues à la présence de composés toxiques dans les environnements quotidiens. Il s'agit d'un suivi d'environ 3500 mères-enfants réalisé en Bretagne depuis 2002. L'impact d'expositions prénatales à des contaminants (solvants, pesticides) sur le développement intra-utérin a été suggéré ; l'évaluation des conséquences sur le développement de l'enfant est en cours. L'étude PELAGIE s'intègre dans le réseau européen de cohortes mères-enfants, outil épidémiologique lourd et complexe, mais indispensable pour répondre aux préoccupations de santé publique. 3.4.3.2. L'étude EDEN suit les enfants du stade foetal à l'âge de 5 ans EDEN est une étude longitudinale dont le but dans un premier temps était de suivre une cohorte d'enfants dès la fin du premier trimestre de grossesse jusqu'à l'âge de 5 ans, en prenant en compte un large éventail de renseignements recueillis auprès de la mère, du père, lors des examens de l'enfant et en s'appuyant sur un recueil d'échantillons biologiques. Une publication récente101 sur cette étude confirme une corrélation entre imprégnation par des PE de la mère et troubles neuro-développementaux de l'enfant. 3.4.3.3. SEPAGES est une cohorte couple-enfant visant à caractériser l'exposition des femmes enceintes et enfants aux contaminants de l'environnement SEPAGES vise également à étudier et mieux comprendre l'effet éventuel de ces contaminants sur la santé de la femme enceinte, du foetus, et de l'enfant. Cette étude concerne en premier lieu l'impact de la pollution atmosphérique, de certains contaminants chimiques comme les perturbateurs endocriniens non persistants que sont les composés de la famille des phénols (bisphénol A et ses substituts, parabènes, triclosan, benzophénone...) sur la santé des femmes enceintes et celle de leurs enfants. 700 trios couple-enfant seront inclus dans l'étude, dès les premiers mois de grossesse et seront suivis plusieurs années. Une des originalités de l'étude SEPAGES est le suivi intensif des volontaires (à chaque trimestre de grossesse et à plusieurs reprises dans les premières années de vie de l'enfant) et de leur exposition aux polluants atmosphériques et chimiques avec l'utilisation d'outils de mesure individuels (GPS, accéléromètres, dosimètres concernant les polluants atmosphériques) et la constitution d'une biothèque.
101
Claire Philippat, Dorothy Nakiwala, Antonia M. Calafat, Jérémie Botton, Maria De Agostini, Barbara Heude, Rémy Slama, and the EDEN MotherChild Study Group. Prenatal exposure to non persistent endocrine disruptors and behavior in Boys at 3 and 5 years. Environ Health Perspect 15 Sept 2017, vol 125
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3.4.3.4. L'étude TIMOUN est une étude de cohorte ciblée sur l'impact d'exposition à la chlordécone de la femme enceinte L'objectif général de cette étude102 est d'évaluer l'impact sanitaire des expositions à la chlordécone sur le déroulement de la grossesse et le développement pré et postnatal. Cette cohorte est constituée d'un millier de femmes suivies avec leurs enfants depuis leur grossesse qui a eu lieu au cours de la période 2005-2007. Plus de 1000 femmes ont été incluses au cours de leur troisième trimestre de grossesse entre 2005 et 2007, principalement au CHU de Pointe à Pitre/Abymes et au centre hospitalier de Basse Terre. L'exposition à la chlordécone a été estimée par son dosage dans le sang maternel prélevé lors de l'accouchement. Ont été pris en compte l'âge, la parité, l'indice de masse corporelle avant le début de la grossesse, le lieu d'inclusion, le lieu de naissance des mamans, le statut marital, le niveau de scolarité, l'hypertension gestationnelle, le diabète gestationnel et d'autres polluants comme les PCB. L'exposition maternelle à la chlordécone a été retrouvée associée de manière significative à une durée raccourcie de grossesse ainsi qu'à un risque augmenté de prématurité, quel que soit le mode d'entrée au travail d'accouchement, spontané ou induit. Ces associations pourraient être expliquées par les propriétés hormonales, oestrogéniques et progestagéniques de la chlordécone. Les résultats publiés fin 2014103 montrent que l'exposition chronique à la chlordécone est associée à une diminution de la durée de gestation. 3.4.3.5. L'étude Kannari étudie les effets de la chlordécone sur la population antillaise Dans le cadre des actions du plan national chlordécone 104, l'imprégnation biologique par la chlordécone qui est considérée notamment comme reprotoxique et perturbateur endocrinien 105, a été mesurée au cours d'une enquête en population générale aux Antilles pilotée notamment par Santé publique France (volet imprégnation) et l'Anses (exposition alimentaire). Les résultats de l'étude publiés en 2014 et 2015 montrent que la population martiniquaise et guadeloupéenne est largement exposée à la chlordécone qui est toujours présente dans l'environnement et les produits de consommation alimentaire, et ce malgré l'arrêt de son utilisation depuis les années 1990. Par ailleurs, SpF a permis de reconstituer rétrospectivement une cohorte de travailleurs de la banane qui comporte plus de 14 000 personnes pour initier une surveillance épidémiologique de cette population qui a été exposée dans le passé à des niveaux élevés de chlordécone. Le croisement avec les données des bases médico-administratives pourrait être envisagé pour identifier des excès de risque de certaines pathologies chroniques du système endocrinien (diabète, cancers hormono-dépendants, etc.).
3.4.4. La surveillance des effets des perturbateurs endocriniens sur les écosystèmes
Alors que les perturbateurs endocriniens sont présents dans tous les milieux (eau, sol, air), la SNPE évoque de manière générale la surveillance des effets des perturbateurs endocriniens sur l'environnement sans indiquer d'action particulière sur les effets écotoxicologiques des PE. Différentes études ont pourtant permis d'observer un impact des PE sur l'environnement, et en particulier sur la faune, notamment la féminisation de populations de poissons ou le phénomène
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Cette étude est menée conjointement par l'Unité 1085 de l'Inserm et les services de gynécologie-obstétrique et de pédiatrie du CHU de Pointe à Pitre et en collaboration avec le centre de recherche du CHUQ à Québec (Canada), l'École de Psychologie de l'Université de Laval (Québec), le CART de l'Université de Liège (Belgique). Bulletin épidémiologique hebdomadaire n°34-35 (09/12/2014) pp 567-72 Plus de 90 % des échantillons de sérum dosés présentent des niveaux de concentration détectable de chlordécone. Compte-tenu, des faibles effectifs (743 adultes) et de la forte dispersion des poids de sondage, il existe néanmoins une incertitude entourant les résultats descriptifs dont l'ampleur et le sens sont inconnus. La chlordécone est un pesticide organochloré utilisé entre 1973 et 1993 en Martinique et en Guadeloupe comme insecticide dans la culture de la banane. Son utilisation a entraîné une pollution permanente des sols et des eaux et une contamination toujours présente de la chaîne alimentaire et de la population.
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de développement d'organes génitaux mâles chez les femelles (imposex) de gastéropodes marins, des atteintes osseuses chez les phoques, des malformations de l'appareil génital chez les cervidés et la diminution du nombre d'espèces de batraciens. Des travaux menés au titre du programme national de recherche sur les PE ont permis de préciser les connaissances sur les mécanismes d'action. Les molécules ayant un potentiel de perturbation endocrinienne sont particulièrement préoccupantes seules ou en mélange pour le maintien des populations. L'INERIS développe depuis plusieurs années un protocole de mesure de l'activité oestrogénique dans les matrices environnementales et, plus largement, un ensemble de biomarqueurs chez le poisson ainsi qu'un outil de synthèse des résultats (indice multi-biomarqueurs). Avec le soutien financier de l'AFB (Onema), l'INERIS a mené entre 2013 et 2015 une étude afin d'avoir une représentation du phénomène d'intersexualité 106 (occurrence, sévérité) des cyprinidés dans les cours d'eau de métropole qui pourrait résulter d'une exposition de ces poissons à des perturbateurs endocriniens107. Les premiers résultats obtenus n'ont pas permis de conclure définitivement quant à une relation entre la mesure constatée de l'intersexualité et l'évaluation des pressions environnementales, seule la pression agricole montrant un effet significatif sur la sévérité de l'intersexualité. Ce travail a été poursuivi en 2016 et 2017, notamment pour mettre en relation les résultats d'intersexualité avec les pressions observées sur le terrain. Les observations, en particulier chez le gardon, suggèrent fortement une implication de substances oestrogéniques et anti-androgéniques dans l'apparition de l'intersexualité, conséquence d'une « féminisation » des mâles. De façon à pouvoir interpréter correctement les résultats des études d'intersexualité, un cadre conceptuel a été proposé pour la validation de ce biomarqueur, première étape nécessaire avant le développement d'une norme. Ces actions correspondent désormais à l'action 29 du plan micro-polluants 2016-2021 qui vise à évaluer l'effet sur la flore et la faune aquatique des mélanges de micro-polluants, y compris ceux associés à la perturbation endocrinienne. Cette action est présentée comme s'inscrivant dans la mise en oeuvre de la SNPE. En dehors des milieux aquatiques, la mission n'a pas identifié de travaux engagés sur les effets des PE sur des biocénoses terrestres. Il ne semble pas y avoir de « culture de la chimie » dans les communautés de l'écologie terrestre qui inciterait à s'intéresser aux effets éventuels de substances PE sur l'évolution de l'état de conservation de certaines espèces. Une réflexion à un stade très préliminaire serait néanmoins engagée entre l'AFB et l'ONCFS pour étudier une éventuelle contamination des oiseaux en zone humide par des substances à usage phytosanitaire.
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L'intersexualité consiste en la présence à la fois de tissu gonadique mâle et femelle chez des espèces gonochoriques (c'est-à-dire pour lesquelles les individus sont soit des mâles, soit des femelles et ne changent pas de sexe durant leur vie). L'intersexualité peut mener à une diminution du succès reproducteur et (ultimement) à l'effondrement local de populations de poissons. Faisant suite à un premier échantillonnage réalisé en 2011-2012 sur 60 stations du Nord de la France, cette étude a porté sur 228 sites appartenant au réseau de sites surveillés au titre de la directive cadre sur l'eau. Sur chaque site 20 à 30 poissons sexuellement matures de la même espèce (en priorité goujon et vairon) ont été prélevés. Fin 2015, les prélèvements avaient été réalisés sur tous les sites. Les organes reproducteurs ont ensuite été analysés en laboratoire. Les résultats complets seront disponibles fin 2017.
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4. Bilan de l'axe 2 : Expertise sur les substances
La SNPE prévoit que « le Gouvernement amplifie la démarche d'évaluation des dangers et risques108 de substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens ou utilisées par des populations sensibles, via un programme d'expertise confié à l'Anses et l'ANSM » et précise : « La France prendra une part active dans le programme d'évaluation et d'expertise des substances, en y consacrant une part significative de l'action de ses agences d'évaluation (Anses et ANSM) dans le domaine des produits chimiques. Ainsi, le gouvernement confie à l'Anses un programme d'expertise portant sur au moins une quinzaine de substances chimiques sur 3 ans. En cohérence avec les travaux de l'Anses, les travaux d'expertise de l'ANSM sur les perturbateurs endocriniens seront accélérés. Cette dernière évaluera chaque année au moins 3 substances suspectées d'être perturbateurs endocriniens et présentes dans les produits relevant de son domaine de compétence et notamment dans les cosmétiques. » Cette orientation a été reprise dans l'action n°14 du PNSE3 : « évaluer de manière plus précise et ciblée, le danger et l'exposition des populations et de l'environnement à certaines substances perturbateurs endocriniens pour mieux les gérer ». Cette action est pilotée par la DGS et la DGPR, en partenariat avec l'ANSES, l'ANSM et l'INERIS.
4.1. L'activité d'expertise des substances susceptibles de générer des effets perturbateurs endocriniens était engagée avant la SNPE 4.1.1. En 2005, la Commission Européenne mandate le Danish Hydraulic Institute sur le sujet
Par lettre du 10 novembre 2005, la commission européenne (DG ENV) a sollicité le Danish Hydraulic Institute (DHI) pour mener une « Étude sur l'amélioration de la liste des priorités des perturbateurs endocriniens ». Deux études de ce type avaient été publiées en 2000 et en 2002. Le rapport du DHI a été publié le 04 juin 2007109. Cette révision a permis la mise à jour de la base de données et identifiait 428 substances classées en catégories 1,2 ou 3.
Tableau 1 :
Distribution en catégorie 1,2 ou 3 des substances incluses dans la base de données
Source : Study on enhancing the Endocrine Disrupter priority list with low production volume chemicals
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On définit le « danger» d'une substance chimique comme une propriété intrinsèque d'un agent chimique susceptible de provoquer un effet nocif. Le « risque » se définit quant à lui comme la probabilité que le potentiel de nuisance soit atteint dans certaines conditions d'utilisation et/ou d'exposition. Le risque s'évalue donc en confrontant le danger et l'exposition. Ces notions de danger et de risque font souvent l'objet de confusions dans le langage courant. Study on enhancing the Endocrine Disrupter priority list with low production volume chemicals. Disponible sur < http://ec.europa.eu/environment/chemicals/endocrine/pdf/final_report_2007.pdf
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4.1.2. Le deuxième plan national Santé-Environnement 2009-2013 mentionne explicitement les perturbateurs endocriniens
A partir de 2009, face aux interrogations de la société sur une possible dangerosité de certaines substances chimiques accessibles au grand public, le gouvernement a engagé des actions pour mieux connaître les perturbateurs endocriniens (PE) et diminuer l'exposition de la population française à ces substances. Ainsi, le Plan National Santé Environnement 2009-2013 (PNSE2) cible explicitement les PE dans l'action 18 « Mieux gérer les risques liés aux reprotoxiques et aux perturbateurs endocriniens ».
4.1.3. En 2009, le ministère de la santé sollicite l'Inserm pour une analyse des données disponibles sur les effets de certaines substances sur la reproduction.
Le travail d'un groupe pluridisciplinaire d'experts constitué d'épidémiologistes, de chimistes, d'endocrinologues, de biologistes spécialistes de la reproduction, du développement, de génétique moléculaire, a fait le point sur les connaissances disponibles. Les résultats de cette expertise collective110, publiés en juin 2015, retiennent cinq substances ou groupes de substances chimiques susceptibles d'effets sur la reproduction et largement représentés dans les produits de grande consommation : bisphénol A, phtalates, composés polybromés ou retardeurs de flamme, composés perfluorés, parabènes.
4.1.4. En 2009, la direction générale de la santé saisit également l'ANSM et l'ANSES pour évaluation des risques liés aux substances reprotoxiques ou potentiellement PE
En parallèle à cette expertise collective qui acte l'état des connaissances pour ces familles de substances, la Direction générale de la santé (DGS) a saisi en 2009 l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), dans leurs champs de compétences respectifs, afin qu'elles réalisent une évaluation des risques liés à ces substances en fonction de l'exposition à ces produits. 4.1.4.1. L'ANSES chargée d'évaluer une trentaine de substances présentes dans les produits de consommation courante L'ANSES devait identifier et caractériser des situations d'exposition potentiellement à risque liées à l'utilisation de produits de consommation courante et/ou d'articles contenant certaines substances chimiques classées reprotoxiques de catégorie 2111 (agents suspectés) ou considérées comme potentiellement perturbatrices endocriniennes. La demande portait sur une trentaine de substances. Les expertises se sont basées sur les dossiers d'enregistrement disponibles auprès de l'agence européenne des produits chimiques (ECHA), sur la littérature scientifique et sur les évaluations publiques existantes. Certaines conclusions ont été partagées avec un groupe d'experts européens de l'ECHA. La caractérisation des dangers a porté prioritairement sur la sphère de la reproduction. L'existence d'effets de perturbation endocrinienne autres n'a pas été spécifiquement recherchée. Au titre de cette saisine, l'Anses a défini une liste de 12 substances PE et/ou reprotoxiques de type 2 susceptibles d'être retrouvées dans des mélanges à usage du grand public qui devaient faire
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Expertise collective : Reproduction et environnement : Synthèse Paris : INSERM, juin 2011, 64 p. Selon le règlement (CE) N° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006, règlement dit « CLP ».
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l'objet d'une évaluation prioritaire. En mai 2014 un avis et un ensemble de rapports d'expertise ont été publiés par l'Anses sur les six substances suivantes112 : o-phénylphénol (OPP), toluène, nhexane, chlorure de cis-1-(3-chloroallyl)-3,5,7-triaza-1-azonia adamantane (cis-CTAC) et méthyltert-butyléther (MTBE). Un autre avis et des rapports d'expertise relatifs à la caractérisation des dangers et des expositions ont été publiés en décembre 2015 sur les six substances restantes : 4chloro-3-méthylphénol, du 4-nitrophénol, du 4-tert-octylphénol, du DEGME, du 4-tert-butylphénol et du 4-nonylphénol. L'Agence a également évalué des substances qui sont susceptibles de rentrer dans la composition de nombreux articles et, à ce titre, de se retrouver dans l'environnement. Ces substances appartiennent aux familles de composés perfluorés113, phtalates114, polybromés115 et bisphénols116. En mars 2015, l'Anses a publié des synthèses des données relatives à la toxicité, aux sources d'exposition, à la contamination de différents milieux des substances des familles des phtalates et des perfluorés. Un travail identique a été publié en août 2017 sur les substances de la famille des polybromés. Des expertises sur le BPA et les autres composés de la famille des bisphénols avaient été publiées par l'Anses avant l'adoption de la SNPE, en 2011 et 2013. De manière plus générale, les travaux d'expertise sur les perturbateurs endocriniens ont permis des développements méthodologiques pour mieux décrire les incertitudes et renforcer le poids des preuves dans les travaux d'évaluation des risques sanitaires. Un rapport a été publié en novembre 2016 sur le traitement de l'incertitude dans le processus d'évaluation des risques sanitaires des substances chimiques. L'ANSES participe par ailleurs aux réflexions internationales sous l'égide de l'OMS en vue de développer de nouvelles méthodologies d'évaluation des risques reconnues au niveau international. 4.1.4.2. L'ANSM a évalué une dizaine de substances présentes dans les cosmétiques De son côté, l'ANSM a évalué, au titre d'une saisine de la DGS en date du 21 janvier 2009 117, certaines substances présentes dans les produits cosmétiques et sélectionnées à partir du rapport
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L'ANSES considère que des situations d'exposition potentiellement à risque pour le développement foetal sont possibles du fait d'une exposition de la femme enceinte à certains produits contenant du toluène, n-hexane, ou cisCTAC, notamment et non exclusivement en milieu de travail. Des situations à risque pour la reproduction (MTBE) et le système nerveux (toluène et n-hexane) ont également été mises en évidence. Les perfluorés sont utilisés dans de nombreuses applications industrielles, notamment pour les traitements anti-tâche et imperméabilisant de textiles (vêtements, tissus, tapis, moquettes...), les enduits résistants aux matières grasses appliqués sur certains emballages alimentaires en papier et carton, les mousses anti-incendie, les tensioactifs utilisés dans l'exploitation minière et les puits de pétrole, les cires à parquet. Les phtalates sont utilisés comme plastifiants des matières plastiques pour les rendre plus souples. Ils sont retrouvés dans de nombreux articles ou produits de consommation courante tels que les adhésifs, les revêtements de sol en vinyle, les huiles lubrifiantes, les condensateurs électriques, les détergents, les câbles électriques et les produits cosmétiques (parfums, déodorants, lotions après rasage, shampooings, aérosols pour cheveux, vernis à ongles...). Les phtalates les plus couramment utilisés sont le DEHP (di (2-éthylhexyl) phtalate), le BBP (butylbenzyl phtalate), le DBP (dibutyl phtalate, le DEP (diéthyl phtalate) et le DINP (diisononyl phtalate). Les polybromés sont des substances utilisées comme retardateurs de flamme. Ces substances chimiques sont utilisées pour limiter l'inflammabilité de certains matériaux combustibles, via une diminution du risque de départ de feu et/ou un freinage du processus de combustion. On les retrouve donc dans de nombreux articles tels que textiles, rideaux, sièges, plastiques, mousses, capitonnages, résines, circuits imprimés, câbles, matériel électronique. La structure chimique commune aux composés de la famille des bisphénols leur confère des propriétés oestrogéniques. Le BPS, le BPF, et le BPAP sont des substituts potentiels du BPA qui sont utilisés notamment comme révélateur dans les papiers thermiques. Le BPS sert également dans la synthèse d'un intermédiaire (polyéthersulfone) qui est, par exemple, utilisé pour la fabrication de biberons et de vaisselle pour enfants. Les BPB, BPM et le BPAF sont utilisés pour la fabrication industrielle des plastiques. Le BADGE, quant à lui est utilisé pour la synthèse de certaines résines époxydes pouvant être utilisées dans le revêtement intérieur de contenants alimentaires (boîtes de conserve, canettes). Cette saisine s'inscrivait dans le cadre de l'action 18 du Plan national santé environnement et du plan d'action sur la fertilité.
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danois déjà cité118. Nombre de ces substances sont présentes à la fois dans les produits cosmétiques et les médicaments, ce qui a permis à I'ANSM de proposer des mesures d'action sur un périmètre plus large. Les substances suivantes, suspectées d'être des perturbateurs endocriniens et/ou classées toxiques pour la reproduction, ont été étudiées : l'acide 2-hydroxy éthyl picramique qui est utilisé comme colorant dans les teintures capillaires : résultats publiés le 18 juillet 2012 ; le benzophénone 3, utilisée comme filtre UV, est suspectée d'être un perturbateur endocrinien d'après le rapport établi en 2007 par DHI pour la commission européenne 119. résultats publiés le 8 juillet 2011 et transmission des conclusions à la Commission européenne en vue de restreindre la concentration à 6 % dans les produits cosmétiques de protection solaire pour les adultes et de l'interdire pour les enfants ; le musc cétone et musc xylène utilisés dans les parfums et eaux de toilette sont suspectés de propriétés de perturbation endocrinienne de catégorie 2 dans le rapport DHI de 2007 : résultats publiés le 4 octobre 2012 rappellent qu'une étude in vitro a montré que les muscs xylène et cétone pouvaient avoir une faible activité de perturbateur endocrinien, ce qui reste à confirmer par une étude conforme aux exigences de l'OCDE telle que la ligne directrice OCDE 455 ; le 3-benzylène camphre (3-BC), utilisé comme filtre ultra-violet, est suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI : dans un rapport non daté l'ANSM estimait que de nouvelles données ont confirmé le caractère perturbateur endocrinien du 3-BC à des doses d'exposition plus faibles que celles évaluées antérieurement et a recommandé une nouvelle évaluation du profil toxicologique du 3-BC par le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs. Une transmission a été faite en ce sens à la Commission européenne par le SGAE le 26 octobre 2011 ; l'octyl methoxycinnamate (OMC) est un filtre ultra-violet classé perturbateur endocrinien dans le rapport DHI : l'avis publié le 6 avril 2012 indique qu'au vu des résultats des études in vitro, l'OMC ne présente pas de caractère de type PE ; la quassine est utilisée comme dénaturant dans les produits cosmétiques : l'avis publié le 27 décembre 2011 mentionne que compte tenu de la faible qualité des études, du faible nombre de données permettant de caractériser le danger, il est impossible de réaliser une évaluation du risque de la substance ; le phénoxyéthanol est un agent conservateur : l'avis publié le 1er juin 2012 ne fait pas état d'une expertise de l'effet PE ; le 4-methylbenzylidene camphor (4-MBC) est un filtre ultraviolet : l'avis publié le 1er juin 2012 ne fait pas état d'une expertise de l'effet PE ; le toluène utilisé en tant que solvant dans les produits pour ongles est classé en tant que toxique pour la reproduction de catégorie 2, mais il n'a pas été suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI : un rapport non publié daté de septembre 2015 indique que les études ne permettent pas de conclure sur un effet du toluène sur le taux hormonal ; le cyclotetrasiloxane (D4) utilisé en tant qu'agent émollient, antistatique, conditionneur cutané et capillaire, et enfin comme solvant, est suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI. Un rapport daté de mai 2015 a été transmis à la DGS, puis à la Commission européenne. La nécessité de solliciter le comité scientifique
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Le BPA est déjà interdit par la réglementation européenne sur les cosmétiques. Le règlement prévoit la présence de traces de phtalates inévitables lors de la fabrication. Ces teneurs ne sont pas réglementées. Par conséquent, c'est au responsable de la mise sur le marché de démontrer que celles-ci ne présentent pas de risque pour la santé humaine. Danish Hydraulic Institute (DHI), Study on enhancing the endocrine disrupter priority list with a focus on low production volume chemicals, 2007.
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européen pour la sécurité des consommateurs a été débattue lors du Comité permanent pour les cosmétiques en mai 2016, sans suite donnée à ce jour.
4.2. Au titre de la SNPE, l'ANSES avait pour mission d'expertiser 15 substances chimiques sur 3 ans
La sélection des substances à expertiser est faite après consultation des parties prenantes 120 à partir d'une proposition établie par l'Anses qui combine trois critères : le danger potentiel (effet perturbateur endocrinien suspecté)121, la sensibilité des populations exposées (femmes enceintes, enfants....), et le caractère ubiquitaire de la substance (données de surveillance)122. Les substances évaluées au titre de la SNPE ne devaient pas être en cours d'évaluation par I'ECHA ou par un autre État membre. Elles ne devaient pas non plus faire l'objet d'un encadrement réglementaire de portée générale ou sectorielle qui pourrait limiter les leviers de gestion du risque sanitaire envisageables. Dès lors que certaines substances soumises à l'expertise de l'ANSES sont suspectées de présenter des effets de type perturbateur endocrinien et/ou un risque pour la santé ou l'environnement, il est demandé à l'ANSES de proposer des mesures de gestion des risques appropriées dans le cadre de réglementations européennes (REACH, biocides, produits phytopharmaceutiques ou toute autre réglementation appropriée). L'expertise vise ainsi à identifier des substances préoccupantes du fait de leur caractère PE qui pourront faire l'objet d'une inscription sur la liste des substances extrêmement préoccupantes candidates en vue d'une autorisation, au titre de l'article 57(f) 2 du règlement REACH, cette disposition pouvant conduire à limiter l'usage de ces substances. Le bilan des expertises menées dans le cadre de la SNPE est le suivant :
4.2.1. Substances expertisées en 2014
L'ANSES a expertisé cinq substances susceptibles d'être considérées comme perturbatrices endocriniennes. Ses avis relatifs à l'analyse de la meilleure option de gestion des risques pour ces substances ont été publiés le 3 mars 2015 : le méthylparabène (conservateur antimicrobien, usage cosmétique et médicament) a une activité de perturbateur endocrinien avérée, même si elle est plus faible que celle des autres parabènes. Les études relatives à la santé humaine sont rares et manquent de robustesse, quelques alertes environnementales ont été publiées dans la littérature. Des informations complémentaires sont nécessaires pour définir son caractère perturbateur endocrinien. L'Anses a demandé des études complémentaires à l'industriel à examiner avec les États membres et l'ECHA ; un composé de l'acide orthoborique (présent123 dans les engrais, lubrifiants, adhésifs, fluides hydrauliques...) : l'Anses a considéré qu'il convenait de suspendre l'analyse et de la
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Les membres des comités d'orientation thématique de l'Anses « Santé-environnement », « Santé-travail », « Alimentation », et ceux du groupe de suivi de la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens sont invités chaque année par l'agence à une réunion de concertation sur un projet de liste des substances à expertiser. Le choix définitif des substances relève du ministère chargé de l'environnement. La proposition de l'Anses est établie à partir de plusieurs listes de substances : celles établies périodiquement par I'ECHA parmi les dossiers enregistrés pour être soumis à un examen approfondi par les autorités compétentes des États membres, celle élaborée par l'Anses suite à des travaux d'expertise réalisés dans le cadre d'autres saisines, les listes de substances identifiées à la demande de la Commission européenne, la liste de substances établie par l'association internationale TEDX dont la mission est de rassembler et de diffuser des données scientifiques sur les problématiques de santé environnement liées à des expositions à des substances chimiques perturbateurs endocriniens à de faibles niveaux de concentration. L'exposition ubiquitaire est principalement estimée à partir des tonnages déclarés auprès de I'ECHA par les industriels. Les substances produites à fort tonnage sont privilégiées, car elles sont généralement mieux renseignées.
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reprendre dès que les informations complémentaires sur la caractérisation de l'identité de la substance et sur ses effets reprotoxiques seraient fournies par l'industriel à la demande de l'ECHA ; le BHA (antioxydant utilisé dans les cosmétiques, les médicaments, l'alimentation humaine et animale, les mélanges industriels...) a des effets cancérigènes chez l'animal dont la pertinence reste à valider chez l'homme. Cette substance a des effets sur la reproduction, la thyroïde chez les rongeurs et une activité de perturbateur endocrinien in vitro. Le manque de robustesse des données ne permet toutefois pas de se prononcer, aussi des informations complémentaires sont-elles nécessaires pour confirmer ses effets sur le développement et l'identifier comme perturbateur endocrinien selon la définition de l'OMS. Cette substance a été proposée à l'évaluation dans le cadre de REACH et il est envisagé de la classifier en tant que substance cancérigène ; le DINCH et le DEHTP (plastifiants alternatifs aux phtalates, autorisés dans les jouets et les dispositifs médicaux qui étaient inclus dans la saisine DGS de 2009) ont des profils toxicologiques très bien renseignés. Ils présentent tous deux un profil de danger plus favorable que celui des phtalates. Aucun risque de caractère perturbateur endocrinien n'a été identifié et aucune mesure de gestion n'a été recommandée.
4.2.2. Substances expertisées en 2015
L'ANSES a conduit l'analyse de cinq substances. Son avis a été publié le 8 avril 2016 : le 2,6-di-tert-butyl-p-cresol (BHT), utilisé comme anti-oxydant dans de nombreuses applications industrielles, ainsi que dans les cosmétiques, a fait l'objet d'un grand nombre d'études anciennes qui présentent des limites méthodologiques 124. Les données in vitro concernant le mode d'action perturbateur endocrinien sont limitées. Des effets sur les glandes surrénales et la thyroïde sont parfois identifiés, sans percevoir d'effets adverses associés. L'hypothèse d'un mode d'action thyroïdien sur des retards de croissance étant insuffisamment étayée, l'Anses a demandé à l'agence chimique européenne que le BHT soit mis à l'évaluation pour clarifier l'incertitude ; le méthylsalicylate (MS), additif conservateur utilisé pour des usages en cosmétique et produits de nettoyage, a été expertisé par lecture croisée. Des études de faible qualité relèvent des morts in utero ainsi que des malformations. Ces résultats sont étayés par des études de toxicité prénatale de substances proches. Des études in vitro et in vivo montrent par ailleurs des effets osseux sur les rats. Si aucune étude n'évalue l'impact sur la fonction thyroïdienne, la littérature révèle un effet de l'acide acétyl salicylique sur les taux plasmatiques en androgènes, en cortisol ou en hormones thyroïdiennes. Compte tenu de la faiblesse des études, l'Anses a transmis à l'agence chimique européenne une demande de tests complémentaires ; le tributyl O-acetylcitrate (ATBC) est un plastifiant alternatif aux phtalates qui est utilisé pour des usages au contact alimentaire, dans les jouets et le secteur médical. Cette substance était déjà incluse dans la saisine DGS de 2009 et identifiée dans le cadre de l'auto-saisine de l'Anses sur les jouets : toutes les données requises au titre du règlement REACh ont été remises et plusieurs études récentes et de qualité sont disponibles sur cette substance. En l'absence d'effet perturbateur endocrinien identifié, l'Anses a estimé que cette substance n'était pas prioritaire pour une évaluation par l'ECHA ;
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Plusieurs dizaines de milliers de tonnes sont utilisées par an dans l'Union européenne Ces études n'identifient pas d'altération sur la fertilité du rat et de la souris, même à forte dose. Une possible altération du comportement et des retards de croissance sont relevés chez le rat et la souris dans des études prénatales et post-natales toutefois de mauvaise qualité.
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le tributyl citrate (TBC) est utilisé en tant que substitut à des phtalates pour des usages comme plastifiants dans les jouets, les cosmétiques, les peintures, le mastic, les revêtements. Cette substance était également déjà incluse dans la saisine DGS de 2009 et identifiée dans le cadre de l'auto-saisine de l'Anses sur les jouets. En raison de la faible documentation, l'Anses a recommandé à l'agence chimique européenne de mener une étude de conformité du dossier qui est en cours ; l'acide téréphtalique, utilisé en tant que monomère pour la fabrication du PET (une alternative aux polycarbonates fabriqués à partir de bisphénol A, à la base de nombreux produits industriels destinés aux consommateurs) : sur la base de plusieurs études récentes et de qualité ainsi que des données requises par REACh, l'Anses n'a pas identifié d'alerte sur des effets perturbateurs endocriniens et a estimé que la substance n'était pas prioritaire pour d'autres travaux. Par ailleurs, l'Anses a également évalué l'iprodione, un fongicide dont l'autorisation expire le 31 octobre 2018 dans le cadre du règlement sur les pesticides 125. Compte tenu des points critiques identifiés, y compris sur les effets perturbateurs endocriniens, l'Anses qui est rapporteuse au niveau européen, a estimé dans un avis du 8 avril 2016 que les conditions de ré-approbation de la substance n'étaient pas remplies en raison de propriétés identifiées de perturbateur endocrinien avec des effets sur les organes reproducteurs. Le non renouvellement de l'approbation de la substance a été adopté le 6 octobre 2017. Il devrait entrer en vigueur en décembre 2017.
4.2.3. Substances expertisées en 2016
En 2016, l'ANSES a expertisé cinq substances et a publié son avis le 1er août 2017 : le TMBPF entre dans la composition d'autres substances chimiques à usage industriel principalement pour la fabrication de résines pour le revêtement d'emballages métalliques pour le conditionnement des denrées alimentaires. Il est aussi utilisé pour la fabrication des retardateurs de flamme polycarbonate et comme antioxydant dans les composés de caoutchouc. Dans l'état actuel des connaissances, on ne peut écarter que le TMBPF puisse agir comme un perturbateur endocrinien par un mode d'action anti-androgénique ou par une signalisation via les récepteurs béta aux oestrogènes. L'ANSES a recommandé que des études soient requises par l'ECHA dans le cadre d'un contrôle de conformité afin de clarifier les incertitudes concernant les propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques de la substance et de pouvoir évaluer les risques pour l'environnement ; le triclocarban est utilisé en tant qu'agent antibactérien et antifongique dans des détergents et des peintures. Il pourrait agir comme perturbateur endocrinien par la voie androgénique, l'axe thyroïdien ou par action sur la stéroïdogénèse. Il pourrait également avoir une activité de perturbation endocrinienne pour les organismes de l'environnement. Cependant des données supplémentaires et des lignes directrices reconnues sont nécessaires pour pouvoir infirmer ou confirmer ces hypothèses. C'est pourquoi, l'Anses a recommandé de proposer le triclocarban pour l'évaluation dans le cadre de REACH ; le RDP (Tetraphenyl m-phenylene bisphosphate) est un retardateur de flamme utilisé en substitution du DécaBDE classé substance dangereuse utilisé dans le traitement ignifuge de plusieurs polymères et dans plusieurs applications d'ignifugation. Cette substance était incluse dans la saisine DGS de 2009 et identifiée dans le cadre d'une saisine sur les meubles rembourrés. Aucune donnée n'a été identifiée en ce qui concerne l'existence d'un effet éventuel perturbateur endocrinien pour l'environnement et des études supplémentaires sont nécessaires pour se prononcer sur des effets en santé humaine. L'ANSES a préconisé d'inclure le RDP dans le plan d'action continu communautaire qui répertorie les substances devant être soumises à évaluation dans le cadre du règlement REACH ; le sulfate d'étain est utilisé en traitement de surface des métaux. Les données disponibles dans la littérature ne soulèvent pas de préoccupations particulières quant à l'existence
125
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d'éventuelles propriétés de perturbation endocrinienne de cette substance pour l'environnement. En revanche, il n'est pas possible de conclure pour ce qui concerne la santé humaine dans l'attente des résultats de nouvelles études demandées par l'Anses en mars 2017 ; le dicyclopentadiène est utilisé très largement pour la synthèse de différentes substances chimiques. Dans l'attente de nouvelles études demandées dans le cadre de l'évaluation de la substance sous REACH, il n'est pas possible de conclure quant à l'existence d'éventuelles propriétés de perturbation endocrinienne de cette substance pour la santé humaine ou pour l'environnement. À ces cinq substances s'est ajoutée l'évaluation du chlortoluron, herbicide pour lequel l'Anses est le rapporteur au niveau européen au titre du règlement pesticides. Cette substance répondrait aux critères d'exclusion y compris pour ses propriétés de perturbateur endocrinien à confirmer. Son autorisation ne devrait donc pas être renouvelée à son échéance en octobre 2018.
4.2.4. Substances expertisées en 2017
En 2017, cinq nouvelles substances sont au programme d'évaluation de l'Anses : l'homosalate utilisé comme filtre UV dans les produits cosmétiques et produits d'hygiène, le trisulfuron méthyl (substance phytopharmaceutique), le bisphénol B, le triphényl phosphate (TPP) et le 2,2,4,4'tétrabromodiphenyl éther (ou BDE -47). Ces deux dernières substances sont des retardateurs de flamme bromés qui étaient déjà identifiés dans le cadre de la saisine DGS de 2009.
4.2.5. Proposition de substances à expertiser en 2018
Lors d'une réunion inter comités d'orientation thématiques de l'Anses organisée le 12 octobre 2017 sur le sujet des PE, l'agence a invité les parties prenantes à sélectionner avant le 9 novembre quatre substances à choisir parmi la liste suivante : BPB (reliquat du programme de travail 2017), Siloxanes (D4/D5/D6), TNPP, Potassium Perchlorate, Sodium Perchlorate, HHCB (1222-05-5), Résorcinol. Le choix final sera arrêté avant la fin de l'année 2017.
4.2.6. L'ANSES a atteint les objectifs fixés par la SNPE
Entre 2014 et 2017, l'Anses aura évalué une vingtaine de substances dont sept qui étaient identifiées dans la saisine DGS de 2009. Les objectifs d'évaluation de cinq substances par an fixés dans la SNPE ont donc été respectés par l'Anses qui a proposé les mesures de gestion appropriées. Il n'est pas possible d'isoler les moyens qui ont été spécifiquement dédiés à l'évaluation des substances relevant de la SNPE, mais selon les informations communiquées par l'Anses, l'ensemble des activités relatives aux PE a mobilisé de l'ordre de 5 à 6 ETPT annuels 126. Ces moyens semblent limités si on les compare à ceux dont disposeraient certaines agences d'évaluation d'autres pays européens127. À l'exception du cas de l'iprodione dont l'approbation n'a pas été renouvelée dans le cadre du règlement sur les pesticides, les expertises menées par l'Anses n'ont pas conduit à identifier de substances comme PE, soit parce que des informations complémentaires devaient être demandées pour confirmer ou infirmer leur effet PE, soit parce que la suspicion a été levée à l'issue d'une évaluation plus approfondie. Toutefois, plusieurs limites ont été identifiées pour cette activité d'expertise :
126
Le nombre d'heures travaillées sur les PE a été en moyenne de 7 900 heures par an au cours des années 2014 à 2016 (source Anses). Il est difficile de comparer les données entre les différentes agences, car chaque pays a un mode d'organisation propre avec une séparation plus ou moins claire des activités d'évaluation des substances chimiques. Selon des informations communiquées par des agences homologues de l'Anses, 20 personnes se consacreraient aux travaux liés à REACH et CLP en Autriche et au Danemark (correspondant à 10-12 ETPT), 15 ETPT en Belgique.
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les conditions contraignantes de sélection128 des substances à évaluer ont exclu de facto un nombre important de substances qui auraient pu répondre à l'un (ou plus) des trois critères de choix qui sont néanmoins pertinents ; l'absence de méthode(s) et de test(s) reconnus permettant de caractériser les effets PE sur l'ensemble des organes et fonctions cibles constitue un obstacle majeur pour lever complètement le doute, dès lors que pèse sur certaines substances une suspicion d'un effet PE potentiel ; l'écart qui existe entre le niveau de preuve nécessaire pour identifier une substance extrêmement préoccupante au titre de l'article 57(f) du règlement REACH et les données disponibles et de qualité suffisante pour caractériser les effets PE éventuels conduit à écarter a priori de nombreuses substances, ce qui fait que ne sont retenues pour l'expertise que des substances pour lesquelles des tests sont disponibles ou qui présentent des similarités structurelles avec des substances connues ; les dossiers d'enregistrement dans le cadre de REACH et les études demandées 129 pour les améliorer à l'issue de l'évaluation des substances n'apportent que peu d'informations sur les effets endocriniens, ce qui rend difficile l'évaluation des effets PE sur l'environnement et, dans une moindre mesure, pour la santé humaine. De plus, ces dossiers d'enregistrement permettent difficilement d'identifier des substances exposant des populations sensibles faute d'informations disponibles sur les usages ; seuls les dossiers d'évaluation apportés par les industriels peuvent être instruits. Il faudrait que des travaux scientifiques puissent être un mode d'entrée dans l'expertise. Ce travail d'expertise des substances doit être poursuivi. Le principe de répartir la tache d'expertise entre les différents États membres est certainement pertinent au vu du nombre de produits à étudier et des multiples implications potentielles des résultats. Néanmoins, la capitalisation des travaux, et leur portée, se heurtent à deux obstacles auxquels les États membres doivent s'attaquer : l'absence de définition des PE et l'harmonisation des méthodes d'expertises. Les procédures d'expertises sont extrêmement hétérogènes en fonction des États membres qui ont chacun leurs propres règles. A titre d'exemple, pour l'Allemagne, on n'a pas la connaissance de l'identité des experts mobilisés. Il faudrait que ce soit une obligation pour l'ensemble des experts mobilisés.
4.3. Au titre de la SNPE, l'ANSM avait pour mission d'expertiser chaque année trois substances chimiques présentes dans les cosmétiques
L'ANSM est concernée par les substances présentes dans les médicaments, les dispositifs médicaux et les cosmétiques. La SNPE prévoit que « les travaux de l'ANSM sur les perturbateurs endocriniens seront également accélérés afin d' « évaluer chaque année au moins 3 substances suspectées d'être perturbateurs endocriniens sur son champ de compétences et notamment dans les cosmétiques ».
4.3.1. L'ANSM a priorisé les substances contenues dans les médicaments
Après l'adoption de la SNPE, l'ANSM a poursuivi le travail d'évaluation qu'elle avait engagé dans le cadre de la saisine reçue de la DGS en 2009.
128
Les substances qui ont été évaluées ne devaient pas être en cours d'évaluation par I'ECHA ou par un autre État membre. Elles ne devaient pas non plus faire l'objet d'un encadrement réglementaire de portée générale ou sectorielle qui pourrait limiter les leviers de gestion du risque sanitaire envisageables. L'issue de ces demandes d'études est incertaine, car elles sont soumises à l'approbation du comité des Étatsmembres réuni par I'ECHA.
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Au cours des dernières années, l'ANSM a en fait donné la priorité à des travaux d'évaluation de substances utilisées comme excipients dans les médicaments. Ces travaux qui ne figurent pas spécifiquement dans les objectifs assignés par la SNPE, ont porté sur l'évaluation des phtalates les plus utilisés comme excipients dans les médicaments 130, sur le méthyl et le propyl-parabène, sur l'acide borique et sur l'hydroxyanisole butylé (BHA). Les évaluations pour lesquelles l'ANSM a été rapporteur ou co-rapporteur s'inscrivent dans le cadre de l'actualisation de l'information à connaître par le patient avant de prendre un médicament qui a été initiée par l'Agence européenne du médicament (EMA)131. A l'initiative de la France, cet outil a été proposé pour réguler et contrôler l'utilisation de substances perturbatrices endocriniennes dans les médicaments.
4.3.2. Les études de l'ANSM sur les substances contenues dans les cosmétiques ont été initiées avant la SNPE
Pour ce qui concerne spécifiquement les cosmétiques, elle a achevé postérieurement au lancement de la SNPE, l'évaluation du toluène utilisé en tant que solvant dans les produits pour ongles, mais qui n'était pas suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI de 2007 : un rapport non publié daté de septembre 2015 indique que les études ne permettent pas de conclure sur un effet du toluène sur le taux hormonal. Elle a également évalué le cyclotetrasiloxane (D4) utilisé en tant qu'agent émollient, antistatique, conditionneur cutané et capillaire, et comme solvant, qui était suspecté d'être un perturbateur endocrinien dans le rapport DHI : un rapport daté de mai 2015 a été transmis à la DGS puis à la Commission européenne 132. La nécessité de solliciter le comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs a été débattue lors du Comité permanent pour les cosmétiques en mai 2016, sans suite donnée à ce jour.
4.3.3. Le champ des dispositifs médicaux est prioritaire
Après avoir privilégié les évaluations des substances utilisées comme excipients dans les médicaments plutôt que dans les cosmétiques, l'ANSM envisage de s'orienter de préférence sur les dispositifs médicaux. Elle a ainsi proposé d'exploiter en 2017 les résultats d'une étude 133 menée par le CHU de Clermont-Ferrand sur les risques liés aux dispositifs médicaux en polychlorure de vinyle plastifié (PVC) et les substituts de phtalates.
4.3.4. L'ANSM n'a pas atteint les objectifs qui lui étaient assignés par la SNPE
Aucune substance ne semble avoir été programmée pour une évaluation en 2014 et 2015. Selon l'ANSM, trois substances devaient être expertisées en 2016 au titre de la SNPE : le phtalate de butyle et de benzyle (BBP) ; l'acetyl tributyl citrate (ATBC) ; le triclosan.
130
Ces phtalates sont le phtalate de dibutyle (DBP), phtalate de diéthyle (DEP), acétate phtalate de polyvinyle (PVAP), phtalate d'hypromellose (HPMCP) et acétate phtalate de cellulose (CAP). L'article 59(1) de la Directive 2001/83/EC dispose que la notice d'une spécialité pharmaceutique comporte une liste d'informations nécessaires. Le volume 38 de l'avis aux demandeurs comporte des recommandations sur l'étiquetage et l'information qui doivent figurer dans la notice du médicament pour une liste d'excipients qui sont susceptibles de générer des effets indésirables notoires. Une annexe à cette recommandation fournit une liste d'excipients avec les renseignements qui doivent figurer dans la notice. L'octaméthylcyclotétrasiloxane ou D4 présente chez l'animal un faible effet oestrogénique et anti-oestrogénique (mais pas d'activité androgénique, ni anti-androgénique) et induit des transformations hyperplasiques/néoplasiques de l'utérus et des adénomes de l'endomètre des rats. L'ANSM a recommandé de limiter la concentration du D4 à 3%6% dans les produits de protection solaire et 16 % dans les produits pour le corps. Financée par l'ANSM, l' étude « ARMED » » a pour objectif une évaluation du risque inhérent à la migration des plastifiants intégrés dans les dispositifs médicaux stériles en PVC et une hiérarchisation de ce risque pour les plastifiants étudiés. Cette étude est poursuivie pour la population néonatale (étude ARMED-NEO) et les résultats sont attendus pour fin 2019.
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Pour ce qui concerne l'ATBC, l'ANSES aurait considéré que cette substance n'est pas un perturbateur endocrinien, ce qui fait que l'évaluation n'était plus nécessaire. Les travaux sur le BBP et le triclosan n'ont pas été réalisés au cours de l'année 2016, en raison de choix qui ont dû être faits par l'ANSM entre les différentes priorités de sécurité sanitaire. Ces études et leurs conclusions ont été reportées en 2017, avec une remise du rapport prévue au plus tard au 1er trimestre 2018. Dans un cadre de ressources contraintes et faute de soutien pour la mise en oeuvre de la SNPE, I'ANSM a affecté en priorité ses moyens à la mission principale de l'Agence qui est l'évaluation des demandes d'autorisation et la vigilance portant sur les essais cliniques, ATU et AMM dans les délais réglementaires. Progressivement, le nombre d'agents pouvant se consacrer à l'évaluation et à la proposition de mesures correctives sur les substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens n'a plus représenté qu'environ 0,5 ETP, tous produits confondus. L'ANSM n'a donc pas atteint les objectifs assignés par la SNPE. A moyens et à organisation constants, il est probable que I'ANSM continuera à échelonner dans le temps long l'étude des substances susceptibles d'être perturbateurs endocriniens contenues dans les cosmétiques. De fait, il ne semble pas exister de dispositif de programmation et de régulation permettant d'inscrire l'action de cette agence en cohérence avec celle de l'Anses.
4.3.5. Et propose une alternative
Afin de poursuivre ce travail essentiel et de long terme, I'ANSM a indiqué travailler à un projet de plateforme d'étude sur les perturbateurs endocriniens sous la forme d'un partenariat entre l'Agence et l'Université. Ce projet a également pour objet de compenser la fréquente absence de données scientifiques sur les substances étudiées dans la bibliographie, en facilitant les synergies entre les laboratoires de I'ANSM et la recherche universitaire. Ce projet nécessitera de mobiliser des moyens financiers, dans le cadre des crédits d'intervention de l'Agence qui ont diminué de 15 à 10 M entre 2012 et 2017.
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5. Bilan de l'axe 3 : Réglementation et substitution des perturbateurs endocriniens
Le troisième axe de la SNPE s'articule selon trois actions :
· · ·
parvenir à une définition européenne des perturbateurs endocriniens ; proposer des mesures d'exclusion ou de restriction de l'usage de substances à effet perturbateur endocrinien ; accompagner les démarches industrielles de substitution de substances dangereuses.
Avant de dresser le bilan de la mise en oeuvre de ces actions, une présentation du cadre juridique européen applicable aux perturbateurs endocriniens paraît nécessaire pour comprendre le contexte dans lequel ces actions ont pu être conduites. Enfin, le bilan des actions prévues par la SNPE est complété par une brève présentation des actions de contrôle mises en place pour veiller au respect de la réglementation.
5.1. Le cadre juridique européen applicable aux perturbateurs endocriniens
L'essentiel des réglementations encadrant les produits chimiques est établi au niveau communautaire et les négociations sont menées auprès des institutions de l'Union européenne. Les pays membres doivent donc acquérir des connaissances et développer des argumentaires scientifiques pour proposer et justifier des actions qui auront un impact sur le marché européen des produits chimiques. Le cadre juridique européen qui s'applique aux perturbateurs endocriniens (PE) comprend134 :
· ·
deux règlements relatifs à la gestion des substances chimiques : CLP et REACH ; des règlements ou directives sur les usages des substances : biocides, phytopharmaceutiques, cosmétiques, produits en contact avec les denrées alimentaires, dispositifs médicaux, jouets ; ainsi que la réglementation relative à l'eau.
·
L'application de ces textes sectoriels est notamment liée à la définition de critères caractérisant les PE (voir § 2). Les clauses de sauvegarde de certains règlements communautaires permettent de prendre des mesures « d'urgence » nationales qui sont souvent difficilement applicables aux produits et/ou articles importés ou en provenance d'autres États membres de l'Union européenne, en raison du principe de libre circulation des marchandises. Notifiées à la Commission européenne, ces mesures d'urgence peuvent ensuite faire l'objet de mesures européennes.
5.1.1. Les règlements REACH et CLP relatifs à la gestion des substances chimiques
5.1.1.1. Le règlement REACH : enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques Le règlement européen REACH135 du Parlement européen et du Conseil de l'union européenne, adopté le 18 décembre 2006, concerne l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des
134
Selon une étude du Centre commun de recherche de la Commission européenne réalisée en 2016, sur 697 substances pouvant être identifiées comme pouvant avoir des effets sur le système endocrinien, 347 seraient concernées par la réglementation sur les pesticides, 98 par celle sur les biocides, 201 par REACH, 51 par la réglementation sur les cosmétiques, quelques substances étant concernées par la directive cadre sur l'eau. Règlement CE n° 1907/2006
135
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substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances. Il constitue le cadre réglementaire de l'ensemble des substances chimiques en Europe. Dans plusieurs domaines concurrentiels, durant sa négociation (de 2001 à 2006), ce règlement a suscité une « bataille des lobbies », quelques grandes ONG s'étant impliquées. Il n'a pas connu d'évolutions depuis juin 2014 (hors annexes). Son objectif est d'améliorer la protection de la santé humaine et de l'environnement, tout en maintenant la compétitivité et en renforçant l'esprit d'innovation de l'industrie chimique européenne. Le règlement vise à supprimer progressivement dans l'Union européenne les substances chimiques les plus dangereuses. Il revient à l'industriel (et l'importateur) de démontrer l'innocuité de ces substances pour l'homme et la nature, par des études sur les risques sur la santé humaine et sur l'environnement, avant leur mise sur le marché ou leur utilisation. REACH vise toutes les substances chimiques, produites ou importées, existantes ou nouvelles, à partir d'un volume annuel supérieur à une tonne. L'agence européenne des produits chimiques (ECHA) est l'opérateur du règlement L'ECHA évalue, ou fait évaluer, les informations soumises par les entreprises et enregistre les molécules dans une base de données accessible aux entreprises, aux particuliers et aux ONG (près de 10 000 substances sont actuellement enregistrées au titre du règlement REACH). L'ECHA et les Etats membres élaborent et suivent un plan d'action continu communautaire (CoRAP), mis à jour tous les ans, qui répertorie les substances devant être soumises à évaluation sur une période de trois ans. Les critères de sélection de ces substances concernent les informations sur les dangers, les informations sur l'exposition et, enfin, la quantité des substances, y compris la quantité agrégée résultant de plusieurs enregistrements pour une même substance. Les critères liés aux dangers et à l'exposition ne sont pas employés indépendamment mais en combinaison afin d'assurer une approche fondée sur les risques. Par exemple, une substance dangereuse à exposition contrôlée peut être moins prioritaire qu'une substance dangereuse présentant une exposition élevée. Les États membres contribuent à l'élaboration du CoRAP en proposant des substances à y inclure. Ils peuvent recourir aux mêmes critères fondés sur les risques que ceux préconisés par l'ECHA ou, dans certains cas, indiquer d'autres critères fondés sur des préoccupations et des priorités nationales. Après avoir établi les critères fondés sur les risques, l'ECHA et les États membres identifient un certain nombre de substances pouvant figurer dans le CoRAP. Les États membres exprimeront leur intérêt à évaluer telle ou telle substance pour permettre à l'ECHA de créer un projet de CoRAP avec les noms des substances et avec les années d'évaluation à prévoir. Le CoRAP final indique les problèmes initiaux posés par les substances et désigne les États membres qui procéderont à l'évaluation. Il est adopté après consultation des États membres et avec l'avis du comité des États membres de l'ECHA. Un État membre peut signaler à tout moment qu'il détient des informations pouvant rendre la substance prioritaire, même si elle ne fait pas partie de la liste CoRAP. Dans ce cas, il est possible de modifier le CoRAP pour inclure cette substance avant une mise à jour annuelle. Le 21 mars 2017, 22 nouvelles substances ont été ajoutées au CoRAP. Cela porte le nombre total de substances inscrites sur cette liste à 115 pour évaluation par l'ensemble des États membres sur les trois années 2017, 2018 et 2019. Parmi ces substances, un quart d'entre elles sont suspectées notamment d'un effet PE. L'annexe XIV de REACH liste les substances identifiées comme extrêmement préoccupantes (SVHC)
L'annexe XIV du règlement liste les SVHC qui présentent un risque particulièrement élevé pour la santé humaine ou l'environnement (en se basant sur les propriétés intrinsèques des substances ainsi que sur les quantités utilisées et les usages) afin d'interdire leur usage sur le marché européen.
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Lorsqu'une substance est listée réglementairement dans l'annexe XIV de REACH, celle-ci se voit attribuer une date limite d'utilisation (date d'expiration) au-delà de laquelle l'utilisation va être interdite, à moins qu'un utilisateur n'ait obtenu une autorisation assortie d'une prolongation spécifique. La procédure d'autorisation vise à assurer que les risques générés par les substances extrêmement préoccupantes sont valablement maîtrisés, et que ces substances sont progressivement remplacées par des solutions appropriées, tout en assurant le bon fonctionnement du marché intérieur de l'UE. Les substances éligibles à la procédure d'autorisation sont identifiées par les États membres et, sur demande de la commission, par l'ECHA sur la base des critères définis dans l'article 57 de REACH : - substances cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction (CMR), - substances persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT), - substances très persistantes et très bioaccumulables (vPvB), - substances, telles que celles possédant des propriétés perturbant le système endocrinien, pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu'elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine ou l'environnement. L'ECHA publie la liste des substances proposées et éligibles pour être inscrites dans la liste des substances candidates à la procédure d'autorisation sur son site Internet (consultation publique). Suite aux commentaires reçus au cours du délai de consultation publique, l'ECHA peut éventuellement modifier son projet de recommandation en concertation avec le Comité des États Membres136. L'inscription à l'annexe XIV (liste des substances candidates) se fait par vote pondéré des États Membres à la majorité qualifiée. La recommandation est alors soumise à la Commission Européenne pour décision finale. Au sein de la liste des substances extrêmement préoccupantes candidates en vue d'une autorisation figurent actuellement pour leurs effets avérés de perturbateur endocrinien : - le 4,4'-isopropylidenediphenol (Bisphénol A) inclus le 12 janvier 2017 au titre de ses propriétés de PE pour la santé humaine ; - quatre phtalates pour leurs effets PE sur la santé humaine : le benzyl butyl phtalate (BBP), le Bis (2-ethylhexyl)phtalate (DEHP) et le Dibutyl phtalate (DBP) inscrits dès le 28 octobre 2008 pour leur effet PE sur la santé humaine, puis le Diisobutyl phtalate, le 13 janvier 2010 ; -six phénols inclus pour leurs effets PE sur l'environnement : le 4-(1,1,3,3tetramethylbutyl)phénol inscrit le 19 décembre 2011, le 4-nonylphenol et le nonylphénol éthoxylate le 19 décembre 2012, le 4-nonylphenol éthoxylate le 20 juin 2013, le 4heptylphénol et le p-1,1-dimethylpropylphenol le 12 janvier 2017. Le règlement REACH prévoit la possibilité de soumettre des substances à restrictions afin de protéger la santé humaine et l'environnement contre des risques inacceptables.
Les restrictions peuvent limiter ou prohiber la fabrication, la mise sur le marché ou l'utilisation d'une substance. Un État membre, ou, sur demande de la Commission européenne, l'ECHA, peuvent proposer des restrictions s'ils estiment qu'il convient de réagir aux risques sur une base
136
Le comité des États membres (MSC) participe à différentes procédures REACH telles que les procédures d'évaluation et d'autorisation. Il est chargé de résoudre les divergences d'opinions entre les États membres et sur les propositions d'identification de substances extrêmement préoccupantes (SVHC). Le comité rend des avis sur les projets de recommandations de l'ECHA concernant la liste d'autorisation (annexe XIV) et sur le projet de plan d'action continu communautaire (CoRAP) pour la procédure d'évaluation des substances. Si le MSC ne peut parvenir à un accord, l'affaire est transmise à la Commission européenne pour qu'une décision soit prise.
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communautaire. Les substances soumises à restrictions sont inscrites à l'annexe XVII du règlement REACH. Des substances extrêmement préoccupantes pour leurs effets PE sont soumises à restrictions. Le bisphénol A ne doit pas figurer à une concentration supérieure à 0,02 % dans les papiers thermiques mis sur le marché après le 2 janvier 2020. Le BBP, le DEHP et le DBP ne doivent pas être utilisés à des concentrations supérieures à 0,1 % du poids de plastique dans les jouets et articles de puériculture. Le nonylphenol ethoxylate (NPE) ne doit plus être utilisé à des concentrations supérieures à 0,01 % du poids d'articles textiles mis sur le marché après le 3 février 2021. 5.1.1.2. Le règlement CLP fixe pour toutes les substances les classements harmonisés de « danger » Le règlement 1272/2008137 dit CLP (classification, labelling, packaging) est commun à toutes les substances chimiques ou non, commercialisées sur le territoire européen. Il a pour objet d'assurer que les dangers que présentent les substances chimiques soient clairement communiqués aux travailleurs et aux consommateurs de l'Union européenne grâce à la classification et à l'étiquetage des produits chimiques. Le règlement impose à un fournisseur d'étiqueter une substance ou un mélange contenu dans un emballage avant de le mettre sur le marché, si la substance est classée comme dangereuse ou si le mélange contient une ou plusieurs substances classées comme dangereuses au-dessus d'un certain seuil. Il impose un étiquetage spécifique pour les substances classées CMR 1A et 1B 138. Certaines substances CMR sont des PE potentiels, mais sans qu'il y ait une correspondance exacte car toutes les substance cancérigènes ou reprotoxiques n'agissent pas sur le système hormonal.
Tableau 1 :
Catégories de substances CMR et définition de ces catégories au sens de la réglementation européenne CLP (source : ANSES)
Effets / Classe de Catégories Définitions des catégories danger Cancérogènes Catégorie 1A Catégorie 1B
137
Substances dont le potentiel cancérigène pour l'être humain est avéré. Substances dont le potentiel cancérogène pour l'être humain est supposé.
Règlement (CE) No 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006. Les substances dotées d'effets cancérigènes (C), mutagènes (M), toxiques pour la reproduction (R) sont réparties en trois catégories : 1A (effets avérés), 1B (effets présumés), 2 (effets suspectés).
138
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Catégorie 2 Mutagènes Catégorie 1A
Substances suspectées d'être cancérogènes pour l'homme.
Substances dont la capacité d'induire des mutations héréditaires dans les cellules germinales des êtres humains est avérée. Substances dont la capacité d'induire des mutations héréditaires dans les cellules germinales des êtres humains est supposée. Substances préoccupantes du fait qu'elles pourraient induire des mutations héréditaires dans les cellules germinales des êtres humains. Substances dont la toxicité pour la reproduction humaine est avérée. Substances présumées toxiques pour la reproduction humaine.
Catégorie 1B
Catégorie 2
Toxique pour reproduction
la Catégorie 1A Catégorie 1B Catégorie 2
Substances suspectées d'être toxiques pour la reproduction humaine.
5.1.2. L'usage des substances fait l'objet de règlements et directives dédiées
5.1.2.1. Les produits phytopharmaceutiques font l'objet d'un règlement depuis le 21 octobre 2009 Le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement Européen et du conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques définit les modalités de mise sur le marché de ces produits destinés à détruire ou repousser des organismes nuisibles pour les végétaux. Les substances sont approuvées ou retirées au niveau européen à partir d'un rapport établi par une agence d'un État membre rapporteur qui fait l'objet d'une revue par les pairs et d'un rapport de l'EFSA. Le manque de ressources, humaines et financières, des agences ne leur permettent pas le plus souvent de respecter les délais, ce qui conduit à des prolongations des autorisations des substances. Les États membres ont quant à eux la responsabilité des autorisations et retraits de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances. Pour les AMM, le règlement a défini trois zones géographiques au sein de l'Union européenne et mis en place une évaluation zonale des préparations. La France mène ainsi des évaluations intéressant l'ensemble de la zone Sud. Le règlement prévoit cinq types de substances139 : · Les substances de base (article 23), intrinsèquement sans danger, dont la destination initiale n'est pas la protection des plantes (ex : vinaigre, sucre...) ;
139
Actuellement 490 substances actives sont approuvées et 28 sont en cours d'évaluation. 336 substances actives sont présentes dans des produits ayant des AMM en France.
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· ·
Les substances à faible risque (article 22) qui ne doivent présenter qu'un faible risque pour la santé et l'environnement et peuvent être approuvées pour 15 ans ; Les substances candidates à la substitution (article 24) qui présentent des risques en termes de toxicité aiguë, de propriétés CMR 1A et 1B en attente de leur exclusion, de perturbation endocrinienne (en cours de définition) et d'environnement sur au moins 2 critères PBT (Persistance, Bioaccumulation et Toxicité). Ces substances doivent, au fur et à mesure de leur renouvellement, faire l'objet de réduction des risques pour continuer à être utilisées avec des durées maximales de 7 ans ; Les substances dont l'exclusion est programmée sont les CMR 1A et 1B et les perturbateurs endocriniens, dont le renouvellement ne doit être possible que dans des conditions excluant le risque pour l'homme (enceintes confinées...)140 ; Et les autres substances, classées ou non, qui sont approuvées pour 10 ans.
·
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Le règlement prévoit donc le principe strict d'exclusion des substances présentant des effets de perturbateur endocrinien. C'est la notion de danger et non pas celle de risque lié à l'exposition qui est retenue141. L'application de cette clause d'exclusion nécessite l'adoption d'une définition réglementaire harmonisée au niveau européen des critères d'identification du caractère PE d'une substance. 5.1.2.2. Le règlement du 22 mai 2012 sur les biocides Le règlement (UE) n°528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concerne la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides qui sont destinés à détruire ou repousser les organismes nuisibles dans des secteurs non agricoles. Ce règlement qui n'a pas évolué depuis l'adoption de la SNPE, prévoit l'exclusion des substances actives et produits biocides ayant un effet PE. Des dérogations sont possibles si le risque est négligeable (utilisation dans des systèmes fermés ou excluant le contact avec des humains) ou si l'impossibilité d'utiliser ces substances conduisait à des impasses techniques majeures pour combattre un risque grave pour la santé humaine, pour la santé animale ou l'environnement. L'application de la clause d'exclusion et ou du principe de substitution nécessite la mise en place d'une définition réglementaire harmonisée au niveau européen des critères d'identification du caractère PE d'une substance (voir § 1.2 ci-après). La directive 98/8/CE dont les principes ont été repris dans le Règlement 528/2012, institue une répartition des usages selon 22 types de produits et un examen systématique, selon un référentiel défini, de toutes les substances actives biocides utilisées dans les pays de l'Union européenne, en vue de l'approbation ou non de chaque couple « substance x type de produit ». Les dérogations à l'exclusion des substances considérées comme PE sont fondées sur les risques ainsi que sur des considérations socio-économiques. 5.1.2.3. Les produits cosmétiques sont encadrés depuis 2009 Le règlement n°1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques est entré en application le 11 juillet 2013 en remplacement de la directive cosmétique 76/768/CEE. Il prévoit qu'une substance peut être inscrite sur une liste de substances soumises à restriction ou interdites. Il prévoit également des listes « positives » de substances autorisées (colorants, conservateurs et filtres solaires). Ces listes sont révisées régulièrement par les instances européennes, en présence des agences d'expertise nationales des Etats membres.
140
Depuis le 14 juin 2011, 57 molécules ont été retirées ou n'ont pas eu d'autorisation délivrée. Sur 13 substances non renouvelées, 6 l'ont été du fait de leur classification CMR 1A ou 1B. Toutefois le règlement prévoit que chaque État peut, au regard de situations d'urgence en matière de protection phytosanitaire, autoriser pour une durée maximale de 120 jours, sur des usages limités (article 53) un produit phytopharmaceutique dont l'utilisation est la seule possible pour répondre à la situation d'urgence.
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Elles sont opposables dans tous les pays de l'Union européenne, et l'ANSM s'assure du respect de leur mise en oeuvre sur le territoire national. Plusieurs PE ont déjà été interdits dans les produits cosmétiques au niveau européen (le BPA et 8 phtalates : le DBP, le DEHP, le BBP, le DPP, le DIBP, le DIPP, le DnPP) et d'autres substances suspectées ont été soumises à restriction par la Commission européenne. Par ailleurs, le point 4 de l'article 15 du règlement prévoit que « lorsque des critères convenus par la Communauté ou au niveau international pour l'identification des substances présentant des propriétés perturbant le système endocrinien sont disponibles ou au plus tard le 11 janvier 2015, la Commission révise le présent règlement en ce qui concerne les substances présentant des propriétés perturbant le système endocrinien ». La Commission s'est engagée à ce que la révision des annexes du règlement cosmétique intervienne dès que possible après que des critères d'identification des perturbateurs endocriniens auront été définis dans le cadre des règlements relatifs aux produits phytosanitaires et biocides. 5.1.2.4. Un règlement du 27 octobre 2004 concerne les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires destinées à l'alimentation humaine Le Règlement (CE) n°1935/2004 porte sur les emballages et conditionnements, les récipients et ustensiles de cuisine, les tétines et biberons, les matériaux, machines et matériels utilisés dans la production, le stockage ou le transport de denrées alimentaires142. Le texte cadre français pour les mesures spécifiques nationales est le décret 2007-766 du 10 mai 2007 portant application du code de la consommation en ce qui concerne les matériaux et les objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires. Des mesures spécifiques ont été prises pour les matériaux et objets en contact avec les aliments pour animaux et pour les sucettes pour nourrissons (décret n°92-631 du 8 juillet 1992 modifié relatif aux matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées, produits et boissons pour l'alimentation de l'homme ou des animaux). Le règlement 1935/2004 n'intègre pas directement la notion de PE. Le principe d'inertie des matériaux qui correspond à l'absence de migration des constituants des matériaux vers les aliments, en quantités susceptibles de constituer un danger pour la nature humaine, est complété, pour des groupes de matériaux, par des mesures spécifiques visant à limiter l'exposition aux substances dangereuses pour la santé via l'adoption de listes positives de substances autorisées pour la fabrication de ces matériaux ou la fixation de limites de migration spécifiques pouvant aller jusqu'à l'absence totale de migration. Les substances figurant dans les listes positives autorisées dans l'Union européenne ou à défaut au niveau national sont les seules substances autorisées dans la fabrication des matériaux au contact des aliments. L'autorisation d'emploi d'une substance autorisée au niveau européen est délivrée par la DGS. Pour les substances ne faisant pas l'objet d'une harmonisation au niveau européen, les dossiers de demande d'autorisation de substances ou de procédés doivent être transmis par les industriels à la DGCCRF, l'évaluation scientifique étant effectuée par l'Anses. Un État membre peut prendre une mesure de sauvegarde et demander l'harmonisation au niveau européen143. Le cas particulier de l'eau destinée à la consommation humaine Bien que la directive n°98/83/CE du 3 novembre 1998 et le règlement n°305/2011/CE du 9 mars 2011 fixent des exigences relatives à l'innocuité sanitaire des matériaux et objets utilisés dans les installations de production, de distribution et de conditionnement qui entrent en contact avec l'eau
142 143
Il ne concerne pas les matériaux d'enrobage comestibles, ni les installations fixes de distribution d'eau potable. La France l'a fait en adoptant la loi n°2012-1442 du 24 décembre 2012 qui a prévu la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché des conditionnements, contenants et ustensiles comportant du bisphénol A et destinés à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires. Cette mesure modifie la loi n°2010-729 du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de BPA.
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destinée à la consommation humaine, elles ne sont pas suffisamment précises pour permettre un dispositif réglementaire européen harmonisé. Ce sont donc des textes nationaux qui définissent les conditions d'évaluation de l'innocuité sanitaire de ces matériaux et objets144. Pour leur mise sur le marché, les matériaux constitués d'au moins une partie organique en contact avec l'eau doivent disposer depuis 1999 d'une attestation de conformité sanitaire délivrée par un laboratoire habilité par le ministère de la santé, garantissant leur innocuité, sur la base de la vérification de leur formulation et d'essais de migration. Dans ce cadre, le bisphénol A est recherché en routine dans les eaux de migration. Les autres PE ne sont pas spécifiquement recherchés. Cependant, les laboratoires habilités vérifient que les matériaux organiques ne relarguent pas de substances à une concentration supérieure à 1 g/L (méthode d'analyse semiquantitative). 5.1.2.5. Le règlement publié le 5 mai 2017 cible explicitement les PE présents dans les dispositifs médicaux La directive 93/42/CEE sur les dispositifs médicaux 145, modifiée notamment en 2007146, prenait en compte plus spécifiquement les risques liés aux substances dégagées par le dispositif. Celle-ci exigeait que le fabricant porte une attention particulière aux substances carcinogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR), définissait des exigences particulières pour certains phtalates147, mais elle ne citait pas les PE. Cette directive 93/42/CEE, ainsi que la directive 90/385/CEE sur les dispositifs implantables actifs, a été abrogée par le règlement (UE) 2017/745 publié le 5 mai 2017 qui prend notamment en compte la question des perturbateurs endocriniens. Ce règlement prévoit notamment, dans son exigence 10.4 que les dispositifs médicaux 148 ne contiennent les substances CMR de catégorie 1A ou 1B ou les substances possédant des propriétés perturbant le système endocrinien 149 pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu'elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine dans une concentration supérieure à 0,1 % en fraction massique (m/m) que lorsque cela est justifié. La justification de la présence de ces substances repose notamment sur une analyse et une estimation de l'exposition potentielle du patient ou de l'utilisateur à la substance, une analyse des solutions de substitution possibles et de leur disponibilité, un argument expliquant pourquoi ces solutions ne conviennent pas pour maintenir le fonctionnement, les performances et le rapport bénéfice/risque du produit, y compris la prise en compte du fait que l'utilisation prévue des dispositifs inclut le traitement d'enfants ou de femmes enceintes ou allaitantes ou d'autres groupes de patients considérés comme particulièrement vulnérables à ces substances et/ou matériaux. La
144
Articles R.1321-48 et R.1321-49 du code de la santé publique et sur l'arrêté du 29 mai 1997 modifié relatif aux matériaux et objets utilisés dans les installations fixes de production, de traitement et de distribution des eaux destinées À la consommation humaine. Le dispositif médical est un produit de santé utilisé notamment à des fins de diagnostic, thérapeutiques, de modification de l'anatomie ou de la physiologie, ou encore de compensation du handicap. Il apporte un bénéfice en termes de santé pour le patient et son évaluation repose sur l'évaluation de son rapport bénéfice/risque dans sa destination. Arrêté du 15 mars 2010 fixant les conditions de mise en oeuvre des exigences essentielles applicables aux dispositifs médicaux, pris en application de l'article R. 5211-24 du code de la santé publique. Un arrêté du 15 mars 2010 précise notamment les dispositions concernant les phtalates dans les dispositifs médicaux. Le champ couvre les dispositifs, ou les parties de dispositifs ou matériaux utilisés qui sont invasifs et entrent en contact direct avec le corps humain, ou sont destinés à (ré)introduire et/ou prélever un médicament, des fluides corporels ou d'autres substances dans le corps, ou sont destinés à transporter ou stocker des médicaments, des fluides corporels ou d'autres substances destinés à être (ré)introduits dans le corps. Les substances possédant des propriétés perturbant le système endocrinien auront été identifiées soit conformément à la procédure prévue à l'article 59 du règlement (CE) no 1907/2006 (REACH), soit conformément aux critères pertinents pour la santé humaine parmi ceux établis dans l'acte délégué qui aura été adopté par la Commission en application de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement (UE) no 528/2012 (biocides).
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justification repose également, s'il en existe, sur les orientations les plus récentes du comité scientifique concerné150. En ce qui concerne les orientations relatives aux phtalates, une saisine est prévue dans le règlement pour élaborer des orientations avant le 26 mai 2020. Enfin, des exigences en termes d'étiquetage et d'information sont prévues lorsque les dispositifs cités précédemment contiennent ces substances dans une concentration supérieure à 0,1% en fraction massique (m/m).
5.1.3. La réglementation relative à la qualité de l'eau permet de surveiller des substances PE
Le cadre réglementaire concernant la qualité de l'eau (au sens des ressources en eau et des milieux aquatiques) porte sur des substances à effet PE sans pour autant qu'une référence explicite soit toujours faite aux perturbateurs endocriniens. Pour ce qui est des substances devant être tout particulièrement considérées comme pouvant entraîner une pollution151, la directive cadre sur l'eau (DCE) 2000/60/CE prévoit que la Commission réexamine régulièrement la liste des substances prioritaires au sens de l'article 16, paragraphe 4, de la directive, dont certaines sont classées comme des substances dangereuses prioritaires. Il faut progressivement réduire le rejet des unes et cesser celui des autres, et prendre d'autres mesures de surveillance. En particulier, le contrôle de ces substances doit s'appuyer sur la définition de normes de qualité environnementales (NQE) qui fixent des limites de concentration dans les milieux aquatiques que les États membres doivent faire respecter. C'est une des directives-filles de la DCE, la 2008/105/CE, qui a fixé ces normes. Elle a aussi prescrit d'autres mesures pour la limitation, la maîtrise et le suivi de leurs rejets. Elle prévoit également d'identifier des substances devant être classées dans la liste de vigilance (article 8 ter, paragraphe 2). La directive 2013/39/UE a modifié ces deux textes. Elle a ajouté douze nouvelles substances ainsi que leurs NQE. Elle a révisé les NQE établies pour certaines substances listées dans la version initiale de la DCE. Elle a enfin étendu ce système, jusqu'à présent limité à l'eau, à d'autres éléments des milieux aquatiques, qui peuvent être par exemple les sédiments, les poissons, les mollusques ou les crustacés, selon ce qui est pertinent localement (voir annexe n°3 § 4.1.1). La Commission doit également examiner les paramètres de qualité des eaux destinées à la consommation humaine selon l'article 11, paragraphe 1, de la directive 98/83/CE du Conseil du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.
5.2. L'enjeu d'une définition européenne des perturbateurs endocriniens
En mars 2012, l'ANSES avait publié un avis relatif à une demande d'appui scientifique concernant la révision de la stratégie européenne relative aux PE. Il est mentionné dans la SNPE qu'en fonction des conclusions des expertises, les substances concernées devront faire l'objet de mesures réglementaires adaptées, portées en priorité au niveau européen et visant à réduire l'exposition de la population et de l'environnement. A cet effet, la France s'impliquera fortement pour l'adaptation de la réglementation européenne aux spécificités des perturbateurs endocriniens. Il est ainsi clairement indiqué que « la France demande une définition européenne cohérente avec les spécificités toxicologiques et écotoxicologiques des perturbateurs endocriniens, fondée sur les propriétés intrinsèques de danger, sans prise en compte de la « potency », et établissant 3 catégories (« avéré », « présumé », « suspecté ») en fonction du degré de certitude sur ces propriétés. La définition doit être adaptée aux modes d'actions des perturbateurs endocriniens (action à très faible dose, fenêtre d'exposition, etc.) ».
150 151
Scientific Commitee on Health, Environmental and Emerging Risks (SCHEER) Article 2, paragraphe 31, et annexe VIII, point 4, de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.
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Cette volonté d'aboutir à une définition européenne des perturbateurs endocriniens (PE) a été confirmée lors de la table-ronde santé-environnement de la Conférence environnementale des 27 et 28 novembre 2014. La mesure n°64 de la feuille de route gouvernementale résultant de la conférence prévoit que « Les autorités françaises demanderont à l'Union européenne d'accélérer ses travaux sur une définition des perturbateurs endocriniens, sur la base de la proposition adoptée en France en avril dernier. Elles se joindront au recours en carence engagé par la Suède contre la Commission européenne, qui n'a pas respecté les échéances fixées dans les règlements, alors qu'il est nécessaire de rendre opérationnelles au plus vite les mesures de restrictions prévues par plusieurs législations européennes ». L'adoption d'une définition et de critères réglementaires européens sur les perturbateurs endocriniens est également mentionnée dans le PNSE 3 (action n°69), ainsi que dans l'action 1.13 « Rechercher une amélioration du cadre réglementaire au niveau européen » du plan santé-travail 2016-2020 (PST3). La table-ronde santé-environnement de la conférence environnementale des 25 et 26 avril 2016 a de nouveau réaffirmé la volonté de porter la position française et sa stratégie sur les perturbateurs endocriniens au niveau de l'Union européenne dans le cadre de l'objectif 12a de la feuille de route gouvernementale qui porte sur la limitation de l'exposition des populations aux substances chimiques préoccupantes.
5.2.1. Les carences de la Commission européenne
5.2.1.1. Des règlements inapplicables en l'absence de définition juridiquement opposable des PE Les règlements européens sur les substances chimiques qui mentionnent explicitement les perturbateurs endocriniens (biocides, produits phytopharmaceutiques) ont introduit une mesure réglementaire d'exclusion des perturbateurs endocriniens. La mise en oeuvre de cette mesure renvoie à un texte sur la définition et les critères d'identification des perturbateurs endocriniens que la Commission européenne devait publier avant la fin de l'année 2013. La Commission s'est estimée incapable de le proposer pour cette date, mais elle a pris l'engagement, dans le 7ème programme d'action pour l'environnement 2013-2020 de mettre au point des critères harmonisés d'identification des perturbateurs endocriniens fondés sur le danger152. Dans l'attente de l'adoption officielle de critères, sont considérées comme ayant des effets perturbateurs endocriniens les substances qui sont ou doivent être classées parmi les agents cancérogènes de catégorie 2 et toxiques pour la reproduction de catégorie 2. Cette approche par défaut vaut pour les règlements biocides et pesticides, les autres règlements faisant appel à des approches au cas par cas, sans définition. 5.2.1.2. Une absence de définition qui a justifié la condamnation de la Commission européenne en décembre 2015 Les critères n'ayant pas été adoptés avant la date butoir du 13 décembre 2013 qui figure à l'article 5 du règlement (UE) n°528/2012 sur les biocides, un recours en carence a été initié par la Suède pour faire reconnaître une infraction au droit de l'Union européenne. D'autres États membres la France, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas se sont associés à la plainte de la Suède, également rejoints par le Conseil européen et le Parlement européen.
152
Le 7ème programme pour la protection de l'environnement avait appelé la Commission à adopter des critères d'identification des perturbateurs endocriniens, applicables dans le cadre de toutes les réglementations européennes, ce qui ne s'est pas concrétisé. La feuille de route de la commission européenne de juin 2014 prévoyait la définition de critères d'identification des PE dans le contexte de la mise en oeuvre des règlements sur les phytosanitaires et les biocides. Le débat sur les critères pour la réglementation sur les pesticides devait probablement influencer une future discussion de critères horizontaux.
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Dans un arrêt du 16 décembre 2015, le Tribunal de l'Union européenne a condamné la Commission européenne pour son inaction à définir ces critères dans le cadre du règlement relatif aux produits biocides. 5.2.1.3. Le 15 juin 2016, la commission soumet 4 options pour définir les PE Au premier semestre 2016, sous une pression politique forte, notamment des autorités françaises, ce sujet a été mis à l'ordre du jour de plusieurs Conseils des ministres européens. Le Conseil environnement du 4 mars 2016 a d'ailleurs voté une déclaration soulignant l'importance du sujet. Le 15 juin 2016, la Commission a publié une communication 153 sur les critères d'identification des perturbateurs endocriniens et plusieurs textes visant à proposer un projet d'amendement des règlements en vigueur relatifs aux produits biocides et aux produits phytopharmaceutiques. L'analyse d'impact (SWD(2016)211) qui accompagnait cette communication, présentait quatre options de critères scientifiques pour identifier les substances ayant des propriétés perturbant le système endocrinien154 : - option 1: statu quo en conservant les critères provisoires (scénario de référence) ; - option 2: définition de l'OMS pour identifier les perturbateurs endocriniens ; - option 3: utilisation de la définition de l'OMS pour identifier les perturbateurs endocriniens et introduction de catégories supplémentaires fondées sur les éléments de preuve ; - option 4: utilisation de la définition de l'OMS pour identifier les perturbateurs endocriniens et prise en compte de la puissance comme élément de caractérisation du danger. 5.2.1.4. Qui suscitent des positions divergentes de la part des États membres Les États-membres de l'UE se sont montrés divisés sur le choix de ces options. L'industrie chimique et les agriculteurs privilégiaient l'option 4, alors que les ONG actives dans les domaines de la santé, de la défense de l'environnement et des consommateurs plaidaient en faveur de critères européens uniquement fondés sur le danger, lesquels comprendraient également des catégories supplémentaires basées sur les différents éléments de preuve nécessaires pour correspondre à la définition de l'OMS (option 3).
5.2.2. L'ANSES publie le 19 juillet 2016 un avis relatif à la définition des critères scientifiques définissant les PE
A la suite d'une saisine en date du 19 mai 2016 de la ministre en charge de l'environnement, l'Anses a publié le 19 juillet 2016 un avis relatif à « la définition des critères scientifiques définissant les perturbateurs endocriniens ». Cet avis a été actualisé par une note du 1er décembre 2016. L'avis de l'Anses relève que plutôt qu'une seule définition applicable à toutes les réglementations, la Commission propose des aménagements limités aux règlements biocides et phytopharmaceutiques alors qu'il y a nécessité d'un texte unique et harmonisé de critères de catégorisation applicable à l'ensemble des substances quels que soient les usages des substances. Il rappelle que la définition des PE (OMS / IPCS 2002) comporte deux parties dont les PE « suspectés » (potential endocrine disruptor). L'Agence insiste sur la nécessité de ne pas dissocier ces deux composantes et de retenir une identification des PE en plusieurs catégories, alors que l'option retenue par la CE ne prévoit qu'une seule catégorie. Cette position aboutit à une identification réglementaire très stricte avec un niveau de preuve attendu très élevé, sans aucune
153
Communication (COM (2016)350) de la Commission au Parlement et au Conseil sur les perturbateurs endocriniens et les projets d'actes de la Commission visant à définir des critères scientifiques pour leur détermination dans le cadre de la législation de l'UE relative aux produits phytopharmaceutiques et aux produits biocides. Selon un tableau figurant en page 293 de l'étude d'impact, le nombre de substances actives encore approuvées qui seraient identifiées comme PE serait respectivement de 42 dans l'option 1, 26 dans les options 2 et 3, 11 dans l'option 4.
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incertitude permise alors que souvent l'état des connaissances ne permet pas de conclure de façon ferme et définitive à un instant donné malgré un faisceau de présomptions. L'approche de la Commission conduirait à identifier peu de substances comme PE alors que des modèles ou protocoles expérimentaux155 utilisés dans des études de bonne qualité permettraient d'identifier des substances PE ou potentiellement PE. A l'image de ce qui est fait pour les substances cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR), les experts recommandent une approche graduée pour mieux prendre en compte les incertitudes et faciliter le jugement d'experts. Dans ses conclusions, l'Anses recommande de retenir la définition et les critères d'identification des perturbateurs endocriniens de l'option 3 de la Commission européenne, ce qui permet de distinguer les perturbateurs endocriniens en trois catégories : « avérés », « présumés » et « suspectés »156. Il convient d'identifier un PE indépendamment de son usage, c'est-à-dire en ne tenant pas compte de la notion d'organisme cible ou non-cible. Les substances devraient être classées PE indépendamment du fait qu'elles soient PE pour l'Homme ou PE pour l'environnement. L'Anses préconise que la classification des perturbateurs endocriniens soit réalisée par une instance européenne unique, de manière à éviter tout risque de divergence de classification pour une substance donnée. Les modalités d'autorisation des substances par différents comités s'appuieraient ainsi sur une base commune d'identification des dangers. Le niveau de preuve nécessaire à l'inclusion dans chacune des catégories et le type d'étude utilisable pour évaluer le niveau de preuve devraient être précisés dans un guide technique basé sur des outils déjà disponibles (stratégies de tests de l'OCDE). Cet avis de l'Anses a été endossé par les autorités françaises qui ont part à la Commission de leur position, conforme à la SNPE, dans trois notes du 29 juillet 2016, 13 décembre 2016 et du 27 février 2017 que l'on peut ainsi résumer : - la définition et les critères d'identification des PE doivent être identiques dans toutes les réglementations sectorielles ; - la définition doit prendre en compte les dangers intrinsèques des substances, les éléments socio-économiques n'intervenant qu'ultérieurement au stade de la mesure de gestion ; - au sein d'une classe d'identification « perturbateur endocrinien » des critères doivent permettre de différencier cette classe en catégories, selon que le danger pour l'homme ou les autres organismes vivants est avéré, présumé ou suspecté ; - la notion de « puissance » (potency) ne doit pas être prise en compte, car elle est incompatible avec le phénomène d'effets à très faible dose et les courbes « dose-réponse non monotone ».
5.2.3. La proposition de la Commission européenne a été adoptée pour les biocides, mais rejetée par le Parlement pour ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques
Finalement à la suite d'une évolution de la position française, le Comité sur les produits phytopharmaceutiques a approuvé le 4 juillet 2017 les critères proposés par la Commission au titre du règlement (CE) n°1107/2009.
155
La standardisation des protocoles pour identifier les effets néfastes et de nombreux mécanismes d'effets de perturbation endocrinienne est un processus long qui conduit à un décalage entre les avancées scientifiques et leur reconnaissance au niveau international. Ces carences sont connues (OCDE) pour les mécanismes d'action non stéroïdiens et sont plus évidentes encore pour ce qui concerne les cibles environnementales. Cette option permet une meilleure prise en compte des modes d'action et des données issues des études in vitro. Elle permet une application réglementaire souple et adaptée, un encadrement différencié suivant les usages et les populations exposées. Par exemple dans la réglementation sur les phytosanitaires seraient interdits les PE avérés et présumés, en revanche les PE suspectés feraient l'objet d'un encadrement basé sur le risque.
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Toutefois, la réglementation pesticides a donné à la Commission un pouvoir précisément délimité. La Commission a seulement le droit d'adopter des critères scientifiques d'identification des perturbateurs endocriniens et de modifier des éléments non-essentiels de la réglementation. Or, selon plusieurs analyses157, la Commission a voulu modifier un élément essentiel de la réglementation pesticide en ajoutant une clause qui revient à autoriser les substances qui perturbent intentionnellement le système endocrinien des insectes ciblés par le pesticide, même si la substance a aussi un impact négatif sur des espèces non cibles. Ce point a conduit les parlementaires européens à rejeter 158, le 4 octobre 2017, la définition des perturbateurs endocriniens proposée par la Commission européenne qui va devoir proposer une nouvelle définition sur laquelle les États membres devront à nouveau se prononcer. Le ministre français en charge de l'environnement a demandé le 10 octobre à la Commission européenne de retirer l'exemption accordée aux pesticides conçus pour agir sur le système endocrinien de leurs cibles. Il est possible que la Commission suive cette proposition, mais il n'est pas acquis qu'elle puisse recueillir une majorité qualifiée pour son adoption. La situation est différente pour ce qui concerne les produits biocides. La Commission a présenté, le 4 septembre 2017, un acte délégué qui définit des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, mis au point après sept réunions de consultation des représentants des autorités compétentes en matière de produits biocides. Le Parlement européen n'a pas proposé de projet de résolution dans le délai de deux mois ni demandé de délai supplémentaire. En conséquence, depuis le 4 novembre 2017, l'acte délégué pouvait être publié. Cette publication au Journal officiel de l'Union européenne est intervenue le 17 novembre 2017. Le règlement ainsi modifié entrera en vigueur vingt jours après sa publication et sera applicable six mois après son entrée en vigueur, soit à partir du 7 juin 2018.
5.3. Exclure les substances à effet perturbateur endocrinien
La SNPE rappelle que l'encadrement des substances dans les articles est régi par plusieurs règlements européens, qui permettent des règles de sécurité harmonisées sur le marché commun. Elle prévoit que la France, s'appuyant sur l'expertise des agences sanitaires, sera force de proposition pour des mesures de limitation des substances dangereuses dans les articles de consommation et soutiendra l'accélération de l'action européenne et les propositions des autres États membres en vue de mesures de gestion rapides et proportionnées. La SNPE indique que « la France fera de plus l'usage du pouvoir d'initiative prévu par les règlements européens pour proposer les mesures qui apparaîtront nécessaires : en 2014, une proposition française de restriction du bisphénol A dans les papiers thermiques (tickets de caisse) est déjà en cours d'examen au niveau européen. La France a également proposé en 2013 le réexamen de l'approbation de 21 substances actives phytopharmaceutiques en raison de leurs propriétés de danger ». Le PNSE3 a confirmé que « la France appellera à la pleine mise en oeuvre des clauses d'exclusion des perturbateurs endocriniens dans les règlements phytopharmaceutiques et biocides, et à l'adoption de mesures progressives adaptées en fonction des preuves disponibles pour les perturbateurs endocriniens « présumés » ou « suspectés ».
5.3.1. Une forte mobilisation de la France sur le bisphénol A
La mesure concernant le bisphénol A qui est mentionnée dans la SNPE, est également l'objet de l'action n°68 du PNSE3 « restreindre l'utilisation du BPA dans les papiers thermiques (tickets de
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Lors du Conseil environnement du 17 octobre 2016, la France avait estimé que cette disposition relevait du pouvoir législatif et non pas de la Commission. Le Parlement européen peut exercer un droit de veto sur une proposition de la Commission validée par le Conseil. Ainsi, le parlement s'est prononcé par 389 votes contre l'adoption de la proposition de la Commission, 235 votes étant favorables et 70 abstentions.
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caisse, reçus de carte bancaire ». Le dépôt de dossiers de restriction auprès des instances de l'Union européenne constitue l'indicateur de moyens de l'action. 5.3.1.1. Le bisphénol A reconnu comme substance extrêmement préoccupante est interdit dans les tickets thermiques Le bisphénol A (BPA) est une substance chimique de synthèse utilisée depuis plus de 50 ans notamment dans l'industrie du plastique. Une soixantaine de secteurs d'activité sont potentiellement utilisateurs de cette substance en France. L'ANSES a été saisie en 2009 par la Direction générale de la santé afin d'identifier et de caractériser des situations d'exposition potentiellement à risque pour la santé, notamment des populations les plus vulnérables, liées à l'utilisation de produits de consommation courante et/ou d'articles contenant certaines substances chimiques. La demande portait sur une trentaine de substances (dont le BPA) classées reprotoxiques de catégorie 2 ou identifiées comme potentiellement perturbateurs endocriniens par la Commission européenne (voir annexe 4). Les deux premiers rapports publiés dans ce cadre, en septembre 2011, sont relatifs aux usages du BPA et aux effets sur la santé. L'Agence identifiait à cette occasion un objectif prioritaire : la prévention des expositions des populations les plus sensibles (nourrissons, jeunes enfants et femmes enceintes ou allaitantes). Elle recommandait une réduction de ces expositions, notamment par la substitution du bisphénol A dans les matériaux au contact des denrées alimentaires. Le rapport d'expertise sur l'évaluation des risques liés à l'exposition au bisphénol A, publié au mois d'avril 2013, a confirmé ces effets sanitaires, en particulier pour la femme enceinte au regard des risques potentiels pour l'enfant à naître. Ces travaux ont conduit à identifier la part des expositions par voie alimentaire (80%) mais aussi l'existence d'une exposition par inhalation (via l'air ambiant) et par voie cutanée (au contact de produits de consommation). Des situations d'exposition particulières au milieu de travail, notamment liées à la manipulation de papiers thermiques (tickets de caisse, reçus de cartes bancaires), ont également été mises en évidence. Les travaux de l'Agence sur les usages et les effets sanitaires du bisphénol A l'ont conduit à recommander une réduction des expositions de la population, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires. A la suite de deux initiatives parlementaires, depuis le 1er janvier 2015, le bisphénol A est interdit en France, d'une part dans les biberons (loi du n°2010-729 30 juin 2010) et, d'autre part, dans les matériaux en contact direct avec des denrées alimentaires (loi n°2012-1442 du 24 décembre 2012)159. Cependant, suite à une question prioritaire de constitutionnalité 160 portée par la fédération professionnelle Plastic Europe, la loi du 24 décembre 2012 ne porte plus que sur la suspension de l'importation et de la mise sur le marché en France des conditionnements, contenants et ustensiles comportant du bisphénol A et destinés à entrer en contact direct avec des denrées. La Commission européenne a adopté en mars une décision harmonisée d'interdiction du BPA dans les biberons dans l'ensemble des pays européens. Conformément à ce qui était inscrit dans la SNPE, les autorités françaises ont porté un dossier de restriction du BPA dans les tickets de caisse et autres tickets à impression thermosensible, au titre
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La loi du 24 décembre 2012 a prévu la suspension au 1er janvier 2015 de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché des conditionnements, contenants et ustensiles comportant du bisphénol A et destinés à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires. Elle modifie la loi du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de BPA qui avait pris effet le 1er janvier 2013 pour tout conditionnement, contenant ou ustensile destiné aux nourrissons et enfants en bas-âge. La décision QPC n°2015-480 du Conseil Constitutionnel du 17 septembre 2015 a conduit à exclure de la loi n°2010729 du 30 juin 2010 modifiée par la loi n° 2012-1442 du 24 décembre 2012, la suspension de la fabrication et de l'exportation de tout conditionnement, contenant ou ustensile comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec toutes les denrées alimentaires. Cette suspension a été validée par le Conseil d'État le 7 décembre 2016.
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du règlement concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques (REACH). Dans un premier temps, sur proposition de l'Anses soumise à l'ECHA, le BPA a été classé toxique pour les organes de la reproduction de catégorie 1B. Le comité d'évaluation des risques de l'agence européenne des produits chimiques a reconnu le risque pour les agents de caisse et conclu que les enfants à naître de femmes agents de caisse devaient absolument être protégés. En outre, le comité n'a pas écarté les risques pour la population en général. A la suite de cette proposition française, une mesure de restriction de l'utilisation du BPA dans certains articles destinés au grand public, comme les tickets thermiques, a été adoptée par la Commission européenne en décembre 2016161dans le cadre de REACH. En février 2017, l'Anses a soumis auprès de l'ECHA une proposition de classement du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante (SVHC-substance of very high concern) dans le cadre du règlement REACH, au titre de ses propriétés de perturbateur endocrinien pour la santé humaine. Cette proposition a été adoptée par le comité des Etats membres de l'ECHA. Cette décision a pour conséquence une obligation pour l'industrie de notifier à l'ECHA la présence de la substance dans les articles fabriqués ou importés et d'informer l'acquéreur d'un article de la présence de BPA. L'objectif fixé par la SNPE de restriction du bisphénol A dans les papiers thermiques a donc été atteint et son inscription sur la liste de l'ECHA des substances extrêmement préoccupantes ouvre également la possibilité que le BPA soit soumis à autorisation en tant que substance, conditionnant ses usages à l'octroi d'une autorisation temporaire et renouvelable. 5.3.1.2. L'évaluation de l'effet de ces mesures reste à effectuer Dans son avis du 1er décembre 2016 sur les objectifs et les indicateurs des résultats attendus du PNSE3, le Haut conseil de santé publique (HCSP) a proposé que l'action n°68 sur la restriction de l'utilisation du BPA dans les papiers thermiques soit assortie d'un objectif : « Réduire l'exposition en milieu de travail des employés manipulant des papiers thermiques sans entraîner d'augmentation de l'exposition à d'autres PE suspectés ou avérés (comme le bisphénol S) ou à d'autres substances préoccupantes ». L'ambition proposée vise la réduction, à échéance du PNSE3, de 50% du niveau d'imprégnation des personnels concernés par rapport au niveau mesuré en 2014. Le HCSP a proposé une nouvelle étude de biosurveillance à réaliser avant 2019 parmi les agents de caisse manipulant des tickets de caisse (incluant le BPA mais aussi les autres bisphénols et substituts potentiels du BPA). Aucune suite ne semble avoir été donnée pour l'instant à cette proposition.
5.3.2. La commission européenne n'a pas donné suite à la demande de réexamen de l'approbation de 21 substances phytopharmaceutiques
Ainsi que cela est mentionné dans la SNPE, les autorités françaises ont adressé une note le 16 mai 2013 à la Commission européenne (unité E3 DG SANCO) afin de demander à la Commission de bien vouloir faire procéder de manière accélérée et prioritaire à l'évaluation des substances actives suspectées de ne pas satisfaire aux critères d'approbation prévus à l'article 4 du règlement (CE) n° 1107/2009 en vue du renouvellement éventuel de leur approbation. Dans l'attente des conclusions, les autorités françaises souhaitaient que ces substances soient considérées comme des substances dont on envisage la substitution et incluses sur la liste prévue à l'article 80(7) du règlement sus-mentionné.
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La Commission européenne a également adopté en juillet 2016 une proposition de révision du classement du BPA en tant que toxique pour la reproduction (fertilité) catégorie 1B transmise par la France en 2012.
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Dans un premier temps, cette demande portait sur 21 substances actives162. Dans un second temps, une demande analogue était formulée pour les substances susceptibles de répondre aux critères fixés aux points 3.7. de l'annexe II du règlement 1107/2009. La Commission européenne n'a pas donné de suite favorable à cette demande. Depuis 2013, l'approbation de 7 de ces 21 substances n'a pas été renouvelée à la date d'expiration. Parmi les 14 substances restantes, trois d'entre elles répondent aux critères d'exclusion en raison de propriétés de perturbateur endocrinien : le chlorotoluron (herbicide dont l'approbation expire le 31 octobre 2018), la dimoxystrobine (fongicide autorisé jusqu'au 31 janvier 2018), l'epoxiconazole (fongicide approuvé jusqu'au 30 avril 2019)163. De plus, deux autres substances relevant du règlement 1107/2009 et non identifiées dans la liste transmise en 2013, le thiaclopride (insecticide autorisé jusqu'au 30 avril 2018) et le profoxydim (herbicide dont l'autorisation expire le 31 juillet 2021) présentent des propriétés PE qui devraient également conduire à leur exclusion. Ces exclusions devraient intervenir au stade du réexamen de l'approbation de la substance, à l'expiration de la période actuelle d'approbation, sous réserve que l'évaluation confirme les caractères de perturbation endocrinienne.
5.3.3. Les procédures européennes ont provoqué des restrictions d'usage d'autres substances du fait de leur caractère PE
Outre l'action en vue de l'adoption d'une mesure de restriction pour le bisphénol A, le PNSE3 prévoit que « La France soutiendra les propositions des autres États membres tendant à la réduction de certaines substances dans des articles. Ainsi, elle soutiendra la proposition de restriction des nonylphénols (substance identifiée comme perturbateur endocrinien, notamment pour l'environnement) dans les textiles. Elle soutiendra également le principe d'une restriction large des composés perfluorés (dont certains sont suspectés d'être perturbateurs endocriniens et/ou persistants, bioaccumulables et toxiques) dont l'Allemagne a annoncé le dépôt avant fin 2014 ». Quelques substances classées comme extrêmement préoccupantes ont fait l'objet de mesures de restriction à l'échelon européen en raison de leurs propriétés PE : - une mesure de restriction a été prise pour les nonylphenol ethoxylates qui ne doivent plus être utilisés à des concentrations supérieures à 0,01 % du poids d'articles textiles mis sur le marché après le 3 février 2021 ; - une proposition du Danemark et de l'ECHA visant à restreindre l'utilisation de plusieurs phtalates (DEHP, DBP, DIBP et BBP) dans des articles de consommation 164 a été adoptée le 20 juin 2017 par le comité de l'analyse socio-économique de REACH. La restriction s'applique à des articles en PVC souple tels que des revêtements de sol, des tissus et papiers enduits, des équipements récréatifs, des matelas, des chaussures, des fournitures et équipements de bureau et d'autres articles moulés ou revêtus de PVC souple et impliquant une exposition par voie cutanée ou voie respiratoire. Certaines dérogations sont proposées, notamment pour certaines parties, produits ou appareils d'aéronef et pour certains articles de véhicules automobiles. La restriction proposée s'appliquera trois ans après l'entrée en vigueur de la modification de l'Annexe XVII du règlement REACH.
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Substances susceptibles de ne pas répondre aux critères fixés aux points 3.6. de l'annexe II du règlement 1107/2009 et dont l'exclusion était programmée : Amitrole (aminotriazole), Bromoxynil (phénol), Chlorotoluron, Cyproconazole, Dimoxystrobin, Epoxyconazole, Fenpropimorph, Flumioxazine, Flusilazole, Glufosinate, Ioxynil, Isoxaflutole, Linuron, Mancozeb, Maneb, Metconazole, Myclobutanil, Oxadiargyl, Propyzamide, Tebuconazole, Warfarine (aka coumaphène). Une tentative de retrait avait été engagée à la suite du Grenelle de l'environnement, mais un arrêt du Conseil d'État a annulé ce retrait à la suite d'un contentieux initié par BASF. Ce comité est chargé de préparer les avis de l'agence européenne des produits chimiques sur les demandes d'autorisation et de restriction de substances. La décision finale relève d'un comité de la Commission européenne.
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5.4. Le soutien des démarches de substitution de substances à effet PE reste embryonnaire
La SNPE prévoit : « en complément des mesures réglementaires, la France accompagnera par ses dispositifs de soutien à l'innovation les industriels dans leurs démarches de substitution de substances dangereuses ». Cette orientation générale a été reprise dans l'action n°67 du PNSE3 « soutenir les travaux liés à la substitution des substances perturbateurs endocriniens » qui porte sur un soutien à l'innovation industrielle et la mise en place de partenariats public-privé afin d'encourager le remplacement de ces substances et de restreindre leur utilisation165. Elle a surtout été précisée dans la feuille de route gouvernementale issue de la table-ronde santéenvironnement de la Conférence environnementale des 27 et 28 novembre 2014 qui prévoit au titre de l'objectif n°8 (réduire l'exposition aux perturbateurs endocriniens) une mesure n°66 qui concerne la substitution des perturbateurs endocriniens au travers de deux mesures : a) un groupe de travail définira en 2015 une méthodologie d'évaluation des solutions de substitution tenant compte des principaux critères décisionnels (faisabilité technicoéconomique, risques sanitaires et environnementaux...) ; b) afin de mobiliser les outils de financement d'études sur la substitution des perturbateurs endocriniens, les principaux industriels concernés pourront déposer des projets collaboratifs dans le cadre des appels à projets du fonds unique interministériel. Les projets devront recevoir le label d'un pôle de compétitivité.
5.4.1. La méthodologie d'évaluation des solutions de substitution devrait être publiée pour fin 2017
La substitution d'une substance suspectée d'avoir un effet PE est prévue par les réglementations européennes et encouragées par les États membres. Elle fait également l'objet de démarches volontaires de certaines entreprises. Ce n'est pas une opération simple. Les solutions ou technologies alternatives doivent être technologiquement réalistes et économiquement viables, pour qu'elles puissent être pérennes. Il est également nécessaire de s'assurer que les substituts ne présentent pas de risques non maîtrisés pour la santé et l'environnement. Par une lettre du 8 février 2016, le directeur général de la prévention des risques a confié à l'INERIS et au MEDEF la mission de coprésider un groupe de travail sur la substitution en charge de l'élaboration d'un guide méthodologique conçu comme un outil d'aide à la décision permettant une revue critique de l'ensemble des étapes conduisant à la qualification finale des options de substitution. L'adoption finale du projet était prévue mi 2016. Constitué de représentants des différentes parties prenantes (élus, ministères, entreprises, associations, scientifiques), le groupe de travail a tenu sa première réunion le 7 avril 2016. Au cours de ses travaux, le groupe a notamment traité des contraintes en termes de recherche et développement ; de validation ou de qualification des solutions retenues 166 ; d'adaptation des outils industriels à de nouveaux procédés et de temps pour la réalisation de l'ensemble de ces travaux167. Pour une fonctionnalité donnée, la méthode propose d'évaluer différents critères liés
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Dans la pratique cette action pilotée par la DGPR et la DGE, en partenariat avec l'INERIS et le CGDD-DRI, semble confondue avec l'action n°13 du PNSE3 qui concerne la plateforme de validation des méthodes de test des substances. Il faut vérifier, d'une part, que la solution de substitution permet une amélioration de la maîtrise des risques pour la santé et l'environnement (en particulier sans entraîner l'apparition de nouveaux risques) et, d'autre part, que la solution de substitution répond aux exigences de validation technique. En fonction des contraintes techniques (norme...) et/ou réglementaires (autorisation de mise sur le marché...), la réussite du processus de substitution peut prendre plusieurs années, le résultat n'étant absolument pas garanti au moment où les entreprises engagent les activités de R&D.
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aux dangers, risques et impacts de la substitution et aux enjeux socio-technico-économiques qu'elle implique. Le guide aborde également le processus de substitution. Si la validation du projet de guide n'est pas intervenue à l'échéance fixée par le DGPR, la mission a pu prendre connaissance d'un projet finalisé de guide daté de mai 2017 qui devait être soumis à l'avis du groupe « risques à forte incertitude de suivi » du PNSE 3 lors de sa séance du 5 octobre 2017. Par ailleurs, l'INERIS a mis en place un service national d'assistance à la substitution des substances chimiques. Ce site web apporte un appui aux acteurs économiques engagés dans une démarche de substitution afin de promouvoir la diffusion et le partage d'informations. Le site propose actuellement des informations fournies par les entreprises sur les alternatives disponibles pour deux familles de substances, les bisphénols et les phtalates. Elles sont illustrées par des applications concrètes, également issues du monde industriel. Une newsletter synthétise les actualités les plus récentes identifiées à travers un travail de veille active.
5.4.2. Le soutien public à la substitution ne s'est pas concrétisé, faute d'appel à projet adapté
La mesure prévue par la Conférence environnementale de 2014 visait à coordonner les actions des industriels confrontés à la nécessité de substituer à terme des perturbateurs endocriniens dans leurs produits ou leurs procédés de fabrication par d'autres substances, et à leur permettre de déposer des demandes d'aides financières168 dans le cadre du fonds unique interministériel (FUI) après labellisation des projets par un pôle de compétitivité, ce qui est un passage obligé de l'instruction des dossiers du FUI. Outre le financement par le FUI de projets collaboratifs, le développement de substituts aux PE était susceptible de s'appuyer sur d'autres dispositifs génériques de soutien à l'innovation, tels que : - le financement des plateformes mutualisées d'innovation en lien avec les pôles de compétitivité ; - le financement des instituts d'excellence dans le domaine des énergies décarbonées qui sont des plates-formes interdisciplinaires169 ; - le programme investissements d'avenir (PIA) qui permet de soutenir des projets dans le cadre d'appels thématiques. Si le premier PIA a soutenu en 2010 et 2011, avant le lancement de la SNPE, la création de cohortes dont certaines ont servi de support à des actions de biosurveillance en relation avec des modes d'action PE, la mission n'a pas identifié de projet de substitution de substances PE ayant bénéficié de ce mode de financement faute notamment d'appel à projet adapté.
5.5. Bien que non citées dans la SNPE, des actions de contrôle ont été menées sur des produits susceptibles de contenir des substances à effets PE
La SNPE ne prévoit pas d'actions de contrôle du marché de produits susceptibles de contenir des perturbateurs endocriniens. Cependant, des actions de contrôle sont réalisées dans le cadre des orientations générales du plan national d'enquêtes établi chaque année par la DGCCRF 170 et mis en oeuvre au travers d'enquêtes annuelles qui touchent tous les secteurs de la production, de la distribution et des services. Le contrôle du respect de la réglementation au regard des PE suppose
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La Direction générale des entreprises a produit en 2014 une plaquette recensant les outils économiques permettant aux entreprises d'être accompagnées dans leur projet de substitution de substances chimiques préoccupantes. Par exemple l'INDEED (l'Institut national pour le développement des écotechnologies et des énergies décarbonées), PIVERT (Picardie innovations végétales, enseignements et recherches technologiques), l'IFMAS (l'Institut français des matériaux agro-sourcés). Pour les produits importés, les contrôles sont de la compétence de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI)
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bien évidemment que celle-ci soit stabilisée. Les matériaux en contact des denrées alimentaires, les jouets, les produits chimiques et les cosmétiques font l'objet de plans de contrôle. Pour ce qui concerne plus particulièrement les cosmétiques, le contrôle de l'étiquetage et des allégations est assuré par la DGCCRF alors que celui des processus de production relève de l'ANSM. Cette agence est également en charge du contrôle des dispositifs médicaux. En complément de ces actions de contrôle de la réglementation, l'INERIS a réalisé sur financement de la DGPR, une étude dédiée à l'identification de la présence de substances PE dans les articles de puériculture et les jouets pour les très jeunes enfants pour définir des stratégies de gestion. Ce travail est poursuivi sur quelques couples matériau/article parmi les plus significatifs : nylon/sous-vêtements, polyester/matelas et polyesters/sorties de bains. Sur chacun de ces couples, l'INERIS a recherché et identifié les substances potentiellement perturbatrices endocriniennes les plus employées. Ces études sont susceptibles de pouvoir orienter des actions de contrôle.
5.5.1. La DGCCRF a contrôlé la sécurité des jouets vis-à-vis des phtalates
Les jouets font l'objet d'une attention toute particulière au regard des PE puisque l'action n°66 du PNSE3 vise à « rechercher des substances perturbateurs endocriniens dans les jouets et articles de puériculture via des prélèvements d'échantillons et des analyses en laboratoire et à mettre en oeuvre des mesures de gestion en fonction des résultats ». Cette action est mise en oeuvre dans le cadre d'un plan de contrôle annuel de la DGCCRF destiné à vérifier le respect de la réglementation par les opérateurs du secteur des jouets, tant dans ses aspects formels (par exemple, le marquage CE) qu'en matière de risques, dont le risque d'exposition à des substances dangereuses. En 2015, sur près de 12 200 actions de contrôle, 13 % des jouets prélevés ont été déclarés dangereux. Parmi les principales causes de dangerosité enregistrées : les petits éléments dans les jouets destinés aux enfants de moins de 3 ans, l'accessibilité au rembourrage des peluches et les risques chimiques liés à la présence de phtalates dans des jouets en plastique.
5.5.2. A la suite de contrôles des matériaux en contact des denrées alimentaires, la DGCCRF a pris des mesures de police administrative
Une première campagne de contrôles ciblée a été menée par la DGCCRF, à partir du 1er juin 2015, peu après l'entrée en application de la loi n°2012-1442, sur l'ensemble du territoire national pour vérifier le respect de l'interdiction d'utilisation du bisphénol A. Lors de ces contrôles dans 227 entreprises, les enquêteurs ont vérifié la conformité documentaire de nombreux articles présents sur le marché et, en complément, prélevé 92 échantillons, qui ont été analysés par le Service commun des laboratoires. La présence de bisphénol A a été mise en évidence dans le vernis intérieur de boîtes métalliques pour environ 13 % des échantillons, sans que l'usage intentionnel du bisphénol A n'ait été établi, cette présence résultant probablement d'une contamination externe (vernis extérieur, lieux de production, maculage, etc.). En pareil cas, il a été demandé aux entreprises d'identifier et de hiérarchiser les sources de contamination par le bisphénol A afin de réduire la contamination à un niveau aussi faible que possible, et d'établir une documentation sur les matières premières et les produits finis conformément au règlement (CE) n°2023/2006 du 23 décembre 2006 relatif aux bonnes pratiques de fabrication. L'interdiction d'utilisation du bisphénol A était globalement bien appliquée par les professionnels. La DGCCRF a fait oeuvre de pédagogie et adressé des avertissements aux entreprises dont les produits n'étaient pas conformes à la loi sachant que la majorité des professionnels a pu trouver des solutions de substitution au bisphénol A. Les contrôles se sont poursuivis en 2016 pour vérifier la conformité documentaire de nombreux articles présents sur le marché et 157 échantillons ont été prélevés de manière ciblée pour analyse. Cette enquête a mis en évidence un taux de non-conformité de l'ordre de 40 %, le plus
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souvent sur des produits importés, en majorité des conserves, bocaux et articles en matière plastique. La DGCCRF s'est assurée de la mise en place de mesures correctives, en prenant au besoin des mesures de police administrative (suspension de la mise sur le marché, retrait, rappel des produits) pour faire cesser la commercialisation des articles non conformes.
5.5.3. Des cosmétiques contenant des substances interdites ont été retirés du marché
En 2015, le contrôle par la DGCCRF de la composition des cosmétiques pour bébés et enfants et des allégations a permis d'analyser 602 échantillons, dont 231 ont présenté une non-conformité (notamment des manquements aux règles d'étiquetage) et 65 ont été jugés non conformes et dangereux, dont majoritairement des crèmes éclaircissantes contenant des substances interdites. Les produits dangereux ont été retirés du marché et détruits. Il n'est pas possible d'identifier les cas où des substances à effets PE seraient concernées.
5.5.4. Des prélèvements de produits chimiques (détergents, produits d'entretien, colles et adhésifs, biocides) ont révélé des dangers
En 2015, 1 900 entreprises ont été contrôlées par la DGCCRF : sur 417 prélèvements analysés, plus de la moitié se sont révélés non-conformes (absence de pictogramme et de conseils de prudence) ou dangereux (absence de phrases de danger, utilisation de substances biocides non autorisées, absence ou inefficacité du dispositif de fermeture de sécurité). Il n'est pas possible d'identifier d'éventuelles non conformités spécifiquement liées à des substances à effets PE.
5.5.5. Le contrôle par l'ANSM du marché des dispositifs médicaux en PVC annoncés sans DEHP a justifié des demandes de mesures correctives
L'ANSM a contrôlé un certain nombre de dispositifs médicaux en polychlorure de vinyle (PVC) plastifiés avec un plastifiant autre que le DEHP qui est une substance extrêmement préoccupante pour ses effets PE. Il a été constaté que des dispositifs supposés ne pas contenir de DEHP contenaient en fait des quantités résiduelles de ce phtalate et que, de plus, plusieurs de ces dispositifs étudiés comportaient une allégation mentionnant l'absence de phtalate sur leur étiquetage. Face à ces constats, l'ANSM a demandé aux industriels concernés de mettre en oeuvre des mesures correctives. Un rapport de synthèse de ce contrôle du marché a été publié sur le site internet de l'ANSM en mai 2016 ainsi qu'un avis aux fabricants 171. Par cet avis aux fabricants, l'ANSM souhaite rappeler leur obligation d'étiquetage concernant la présence de phtalates classés comme carcinogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) de catégorie 1A ou 1B selon le règlement (CE) n°1272/2008 dans certains dispositifs médicaux et préciser que la présence d'un taux résiduel en phtalates dans un dispositif médical ne permet pas de présenter le dispositif comme dispositif « sans phtalate ».
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http://ansm.sante.fr/Activites/Surveillance-du-marche-des-dispositifs-medicaux-et-dispositifs-medicaux-de-diagnosticin-vitro-DM-DMDIV/Dispositifs-medicaux-Operations-d-evaluation-et-de-controle-du-marche/Dispositifs-medicauxOperations-d-evaluation-et-de-controle/Dispositifs-medicaux-en-polychlorure-de-vinyle-PVC-plastifie-avec-unplastifiant-autre-que-le-DEHP
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6. Bilan de l'axe 4 : Formation et information
L'axe 4 de la SNPE vise à sensibiliser et informer le public à propos des risques liés aux perturbateurs endocriniens : « L'information du public et sa sensibilisation aux risques des perturbateurs endocriniens doit permettre à chacun d'orienter ses choix pour être en capacité de limiter son exposition à des perturbateurs endocriniens ». Une série d'orientations générales et spécifiques ont pour objectif :
· · ·
De former les professionnels de santé et de la petite enfance concernés par le risque ; De prioriser des actions d'information et de sensibilisation autour de la période périnatale compte tenu des risques spécifiques lors du développement foetal et de la petite enfance ; D'informer les consommateurs sur les produits.
Il renvoie au plan national santé-environnement (PNSE), plus précisément à son enjeu 4 : « Pour la dynamique territoriale, l'information, la formation et la communication ». Afin de répondre aux préoccupations locales et d'aborder des problématiques propres aux territoires, le PNSE a vocation à être décliné dans l'ensemble des régions sous la forme de plans régionaux santé environnement (PRSE). Ces plans sont copilotés par l'État, l'Agence régionale de santé et en général le Conseil régional (article L. 1311-7 du code de la santé publique 172). Une instruction du Gouvernement du 27 octobre 2015 fixe les lignes directrices en vue de l'élaboration des PRSE 3 et cible 24 actions potentielles. Les régions sont invitées à en décliner une dizaine. Sont potentiellement concernées par le thème PE, les actions 105 à 107 sur l'information et la formation en santé environnement :
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Action n°104 : analyser en détails les programmes de formation, tant initiale que continue, des publics relais visés dans les PNSE1 et PNSE2 et compléter les dispositions existantes ; Action n°105 : mutualiser les expériences régionales en matière de formation initiale et continue en santé environnement ; Action n°106 : poursuivre les efforts en matière d'éducation en santé environnement ; Action n°107 : faciliter l'information de l'ensemble des citoyens sur les thèmes liés à la santé environnementale, notamment via la création d'un méta-portail sur le PNSE et les PRSE.La formation des professionnels concernés (professionnels de santé, professionnels de la petite enfance) reste aléatoire.
· · ·
6.1. La formation des professionnels concernés (professionnels de santé, professionnels de la petite enfance) reste aléatoire 6.1.1. L'évolution de l'offre et de la demande en matière de développement professionnel continu montre un intérêt émergent sur le sujet
La mission n'a pas connaissance d'une analyse détaillée des programmes de formation, tant initiale que continue, des publics visés.
172
Le projet régional de santé mentionné à l'article L.1434-1 prévoit les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre du plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement qui relèvent de la compétence des agences régionales de santé. Le plan national de prévention des risques pour la santé, liés à l'environnement, est décliné au niveau régional sous forme de plans régionaux " santé environnement ". Ces plans ont pour objectif la territorialisation des politiques définies dans les domaines de la santé et de l'environnement. Ces plans régionaux s'appuient sur les enjeux prioritaires définis dans le plan national tout en veillant à prendre en compte les facteurs de risques spécifiques aux régions. Ils sont mis en oeuvre par les services déconcentrés de l'Etat, les agences régionales de santé et les conseils régionaux, en association avec les autres collectivités territoriales, notamment par le biais des contrats locaux de santé.
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Pour les professionnels de santé, le développement professionnel continu (DPC) constitue une obligation, quel que soit son mode d'activité. Un arrêté du ministère de la santé publié le 8 décembre 2015 fixe la liste des orientations nationales pour les années 2016 à 2018 telle que l'orientation n°5 « Informer et protéger les populations face aux risques sanitaires liés à l'environnement ». S'inscrivent dans ces orientations les actions contribuant à la connaissance et à la prise en compte par les professionnels de santé des pathologies imputables à l'environnement (saturnisme, mésothéliome, intoxication par le monoxyde de carbone...) et des facteurs environnementaux pouvant avoir un impact sur la santé (pollution de l'air, intérieur ou extérieur, perturbateurs endocriniens, changement climatique...). Le pilotage du DPC est assuré par l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) qui finance le DPC des professionnels libéraux conventionnés et salariés des centres de santé. Elle a, dans ce cadre, une visibilité réduite à ces modes d'exercice. L'ANDPC a néanmoins une vision globale de l'offre de DPC puisque toutes les actions sont publiées sur son site par les organismes de DPC et que celles-ci concernent l'ensemble des professions quel que soit leur mode d'exercice. Les montants et dénombrements relatifs aux professionnels de santé hospitaliers et libéraux non conventionnés sont détenus par les OPCA (l'ANFH pour la fonction publique hospitalière, UNIFAF pour les établissements privés d'intérêt collectifs...) et les employeurs, ainsi que par le fonds d'assurance formation de la profession médicale (FAF-PM) et le fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) 173. Sollicitée par la mission, l'agence a interrogé ses bases de données. Elle ne dispose d'informations chiffrées sur les actions de DPC effectivement réalisées et le nombre de participants que pour les professionnels de santé libéraux conventionnés et salariés des centres de santé conventionnés. Au total, entre 2013 et 2017 (situation au 30 septembre), 56 actions de DPC traitant des perturbateurs endocriniens ont été publiées par les organismes de DPC sur le site de l'ANDPC. 39 d'entre elles (70%) ont été prises en charge par l'ANDPC.
Encadré 1 : http://www.medicformation.fr/formations/print.php?id=355
173
L'agence du DPC a demandé au Ministère une mesure permettant une consolidation des informations au niveau de l'Agence afin de pouvoir avoir un regard exhaustif.
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Le nombre d'actions publiées et prises en charge par l'ANDPC sur cette thématique est en augmentation depuis 2013 : 1 action en 2013, 3 actions en 2014, 7 actions en 2015 et 16 actions en 2016. Au 30 septembre 2017, 22 actions sont publiées sur le site de l'agence. 19 d'entre elles sont proposées au titre de l'orientation n°5 de l'annexe 1 de l'arrêté du 8 décembre 2015 susmentionné. Les 39 actions prises en charge depuis 2013, visent majoritairement les professions suivantes :
· · · ·
74% les médecins ; 21% les infirmiers ; 18% les sages-femmes ; 15% les pharmaciens.
En 2016, 174 professionnels sont pris en charge sur des actions traitant des perturbateurs endocriniens contre 93 en 2015, 50 en 2014 et 1 en 2013. Le nombre de professionnels engagés au 30 septembre 2017 sur ce type d'actions représente déjà plus du double de l'effectif pris en charge en 2016 (380 participants en 2017 après 174 participants en 2016). Depuis 2014, les médecins représentent la grande majorité des professionnels formés. En 2016, les médecins représentaient 88 % de l'effectif formé. Les spécialités médicales qui ont le plus participé aux actions sur cette thématique sont les médecins spécialistes en pédiatrie (54% des médecins formés), en médecine générale (37%), et en gynécologie (5%). En 2017, les médecins ne représentent plus que 58 % de l'effectif, car on constate un fort engagement des infirmiers : 151 infirmiers inscrits à ce type d'actions (40% des professionnels de santé formés) contre 14 en 2016 (8%). Cet engagement concerne une seule action proposée exclusivement à cette profession dans différentes villes. Si 90% des infirmiers inscrits sont pris en charge sur des actions ayant une thématique de santé plus générale que les perturbateurs endocriniens, 53% des médecins le sont sur des actions spécifiques au sujet. Ces chiffres témoignent d'une dynamique de croissance de la demande, celle-ci reste néanmoins modeste. Entre 2013 et 2016, la prise en charge des actions traitant des perturbateurs endocriniens a représenté entre 0% et 0,2% des dépenses totales consacrées au DPC des professions de santé libérales conventionnées prises en charge par l'Agence. Le CSP prévoit (article R 4021-20) qu'à la demande de la Ministre de la santé, l'Agence peut passer des marchés de prestations sur des thématiques ciblées ce qui permettrait à l'évidence de mener des actions plus ciblées et d'en mesurer l'impact. La question des perturbateurs endocriniens n'a pas fait l'objet d'une telle demande. L'ANFH, OPCA de la fonction publique hospitalière, a financé 3 colloques en 2016 (aucun en 2015) : Agissons ensemble vers un hôpital sans perturbateurs endocriniens ; Les perturbateurs endocriniens et leurs effets sur les écosystèmes et la santé humaine ; 2ème colloque sur les perturbations endocriniennes.
Si aucune formation ne comporte le terme « perturbateurs endocriniens », l'ANFH a pris en charge des actions sur les sujets des pesticides, des risques chimiques et de la santé environnementale. Le gouvernement pourrait demander une action de formation nationale : tous les ans le ministère de la santé en commande 5 ou 6 à l'ANFH sur des thématiques « santé publique » ou « réforme ». L'ANFH les achète sur ses crédits et les déploie sur la France entière.
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6.1.2. La mobilisation des disciplines médicales concernées est contrastée
La mission a également sollicité les conseils nationaux professionnels174 (CNP) des disciplines concernées (gynéco-obstétrique, pédiatrie, endocrinologie). Les CNP d'urologie et de santé publique n'ont pu être présents à la réunion organisée sur le sujet. S'estiment fortement concernées les disciplines centrées sur la pédiatrie (pédiatrie, endocrinopédiatrie) et la gynéco-endocrinologie en lien avec la procréation médicale assistée. Pour l'endocrinologie, le sujet apparaît encore marginal ; ceux qui le traitent sont perçus comme engagés dans une démarche militante. Il existe un cours de médecine environnementale au CHU de Nice. Cela reste une initiative isolée d'un professeur d'université-praticien hospitalier (PU-PH) endocrinologue. Les pédiatres rapportent une forte demande de formation et d'information de la part des confrères, du public, des collectivités territoriales (pour les crèches), demande à laquelle ils ne peuvent faire face. Dès lors, le nombre d'intervenants potentiels formés sur ces sujets leur apparaît trop faible. Tous soulèvent la difficulté à faire passer des messages sur un sujet mal connu, potentiellement anxiogène, sans susciter d'inquiétudes disproportionnées (les femmes enceintes sont très réceptives aux messages catastrophiques). Cette difficulté est accrue par la difficulté à repérer des sources d'information fiables centre de référence à l'instar d'autres pathologies serait bienvenu. Les professionnels rencontrés soulignent le besoin de sites bien référencés, bien documentés ciblant les jeunes parents, les adolescents pour leur donner des bases pour discuter avec les professionnels de santé, avec les enseignants. L'action n°104 du PNSE : « analyser en détails les programmes de formation, tant initiale que continue, des publics relais visés dans les PNSE1 et PNSE2 et compléter les dispositions existantes » n'apparaît ni réalisée, ni entreprise.
6.2. Les actions du ministère de la santé auprès des publics sensibles restent à consolider
Le ministère de la Santé a publié, avec l'ANSES, un dépliant « Bisphénol A Recommandations aux femmes enceintes et aux parents de jeunes enfants », en ligne depuis le 20 novembre 2011. Le fait que la grossesse et la petite enfance soient des périodes de grande sensibilité aux effets des PE justifient des actions ciblées. Ainsi la mesure 65 de la feuille de route issue de la conférence environnementale de 2014 prévoit : « Afin de protéger les femmes enceintes et les jeunes enfants, une information comportant un message sur la réduction des expositions aux perturbateurs endocriniens sera insérée dans le carnet de maternité et le carnet de santé de l'enfant lors de leur révision prévue en 2015. Une information et une sensibilisation des professionnels de la naissance et petite enfance pourra être réalisée via la commission nationale de la naissance et de la santé de l'enfant ». Le 10 mars 2015, le ministère de la santé a réalisé une présentation de la SNPE et des objectifs de la feuille de route au comité national de la naissance et de la santé de l'enfant (CNNSE). Une mise à jour du carnet de maternité en 2015 était annoncée sous la forme de l'insertion d'un message à destination des femmes enceintes les informant des dangers des produits chimiques courants tels que les produits d'entretien, illustré par les pictogrammes d'alerte devant figurer sur ces produits.
174
Un Conseil National Professionnel (CNP) est une structure fédérative, régie par une double gouvernance scientifique et professionnelle, qui réunit des professionnels issus des différents organismes représentatifs de la spécialité.
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Encadré 2 : Message inclus dans le carnet de maternité (source DGS)
La DGS tient pour acquis cette modification qui n'apparaît pas sur le carnet de maternité en ligne sur le site du ministère de la santé et de l'assurance maladie à la date du 15 novembre. Une mise à jour du carnet de santé de l'enfant était également prévue. Dans l'exemplaire en ligne sur le site du ministère, il n'est pas fait mention d'attentions particulières vis-à-vis des produits chimiques en général et des PE en particulier.
6.3. La mobilisation constatée des ARS dans le cadre des PRSE est à la fois riche et hétérogène
La mission a interrogé les responsables « santé environnement » des 17 agences régionales de santé, treize ont répondu. L'implication des ARS en matière de perturbateurs endocriniens se caractérise par son hétérogénéité. Toutefois, trois types d'actions se dégagent : l'information du public, la formation des professionnels de santé et la recherche. L'action des ARS est complétée par d'autres acteurs institutionnels et associatifs.
6.3.1. Information et sensibilisation du public font généralement partie des PRSE
Les actions dominantes des PRSE3 et des PST3 sont l'information et la sensibilisation du public. Le public cible principal est en lien avec la petite enfance (femmes enceintes, futurs et jeunes parents, professionnels de santé et professionnels de la petite enfance). L'information sur les PE s'inscrit également dans d'autres thématiques : qualité de l'air intérieur, développement durable des établissements de santé et médico-sociaux (conseil lors de projet de maternité, produits d'entretien, etc.). Par ailleurs, l'information est parfois centrée sur des problématiques locales : pesticides (Auvergne-Rhône-Alpe, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie), contamination de l'eau au perchlorate (Grand Est), etc. Les PST3 abordent les perturbateurs endocriniens par le risque chimique (évaluation et outils de traçabilité, sensibilisation des employeurs et salariés, etc.) et les produits CMR. L'information et la sensibilisation du public sont peu retranscrites dans les contrats locaux de santé (CLS)175. Seules cinq ARS sur les treize étudiées indiquent que la santé environnementale est parfois abordée dans les CLS de leur territoire. La qualité de l'air intérieur, l'utilisation des produits chimiques dans les crèches, la périnatalité (recommandation en crèches, forum parentalité, etc.), les phytosanitaires sont les voies d'approche déclinées dans les CLS, sans que le terme de perturbateurs endocriniens ne soit toujours explicitement précisé.
175
« La mise en oeuvre du projet régional de santé peut faire l'objet de contrats locaux de santé conclus par l'agence, notamment avec les collectivités territoriales et leurs groupements, portant sur la promotion de la santé, la prévention, les politiques de soins et l'accompagnement médico-social ». Art. L. 1434-17 du Code de santé publique.
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D'autres acteurs participent à l'information du public : services déconcentrés (création d'un site internet dédié à la santé environnement par la DREAL Bourgogne-Franche-Comté, etc.), collectivités territoriales (fiche santé environnement dans les carnets de maternité et de santé en Picardie, crèche sans PE à Limoges, etc.), associations environnementales (association pour la prévention de la pollution atmosphérique, réseau santé environnement, Women in Europe for a Common Future, etc.), mutuelles (ateliers de nesting176 dispensés par la Mutualité française) et CHU (évaluation des expositions environnementales et prise en charge des futurs parents à Bordeaux177 et à Rennes).
6.3.2. Des ARS s'impliquent dans la formation des professionnels
Des ARS mènent des actions de formation à destination des professionnels de la périnatalité et de la petite enfance principalement. Ces actions sont menées en lien avec des CHU (CHRU de Lille), des associations de professionnels (URPS pharmaciens), des réseaux de libéraux (réseaux de périnatalité, etc.) et des associations d'éducation pour la santé (Comité départemental d'éducation pour la santé, Comité régional d'éducation pour la santé).
6.3.3. ...et interviennent dans des projets de recherche
Certaines ARS estiment manquer de données pour mener des actions d'information et de formation et s'investissent dans des actions de recherche afin d'approfondir leur évaluation des PE localement (Centre Val de Loire, Martinique). Elles se rapprochent également de certains services hospitaliers et universitaires très impliqués dans ce champ (étude de recherche interventionnelle 178 du CHU de Poitiers, études épidémiologiques du CHU de Nice et du Centre de lutte contre le cancer de Lyon).
6.3.4. L'hétérogénéité des politiques régionales sur le sujet s'explique par l'absence de politique explicitement formulée
Les actions des programmes de prévention antérieurs ne ciblaient pas explicitement les perturbateurs endocriniens, sauf dans l'ancienne région Poitou-Charentes (recherche sur les filières de traitements des substances médicamenteuses et des perturbateurs endocriniens). Les informations se concentraient essentiellement sur la qualité de l'air intérieur des crèches, les pesticides et la pollution locale (perchlorate, ...). Plusieurs facteurs expliquent les difficultés exprimées par les ARS pour s'approprier le sujet des perturbateurs endocriniens : absence de définition, de réglementation, d'instructions nationales et de ressources unifiées (données, expertise, formation, outils de mobilisation, etc.). Une tension apparaît entre la volonté d'adapter la problématique au niveau local et un besoin d'appui national. Par ailleurs, la prévention des perturbateurs endocriniens ne semble pas consensuelle : le sujet est perçu comme trop vaste, controversé et anxiogène. Dès lors, l'intensité des actions varient selon les ARS. La Nouvelle-Aquitaine consacre toute une politique de prévention et de promotion de la santé environnementale en direction de la petite enfance (conception d'un guide de recommandation dans les crèches, atelier nesting, formation initiale et continue des sages-femmes et des puéricultrices, etc.) alors que d'autres ARS proposent des actions plus restreintes.
176
Atelier de sensibilisation des parents aux risques liés à la pollution intérieure, d'après le projet européen de Women in Europe for a Common Future (WECF). ARTEMIS « Aquitaine ReproducTion Enfance Maternité et Impact en Santé environnement » DisPRoSe « Dispositif de recherche interventionnelle en promotion de la santé environnementale » sur l'impact d'une intervention d'éducation en santé environnementale
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6.3.5. Il apparaît pertinent d'entreprendre une démarche de capitalisation de cette multitude d'initiatives
Les ARS aspirent à un cadrage national en matière de PE : centre de ressource national en ligne pour développer les connaissances des professionnels de santé et du grand public, recommandations nationales précises pour certains produits de consommation, intégration de la problématique PE aux formations initiales et continues des professionnels de santé, adaptation des cahiers des charges des marchés publics (GHT, maternité et crèches). L'action n°105 : « mutualiser les expériences régionales en matière de formation initiale et continue en santé environnement » et l'action n°107 : « faciliter l'information de l'ensemble des citoyens sur les thèmes liés à la santé environnementale, notamment via la création d'un métaportail sur le PNSE et les PRSE » restent pertinentes et à réaliser. L'action n°106 : « poursuivre les efforts en matière d'éducation en santé environnement » reste d'actualité.
6.4. Les PE deviennent une source d'inquiétude dans la population 6.4.1. L'impact des PE sur la santé : une source d'inquiétude majeure pour les Français
Le 23 février 2017, un sondage relève : Les deux-tiers des Français (66%) ont déjà entendu parler des PE. La connaissance culmine à 77% auprès des personnes les plus âgées (65 ans et plus) alors qu'elle est minoritaire auprès des plus jeunes (4% auprès des 18-24 ans). Néanmoins, si les Français ont le plus souvent entendu parler du sujet, pour la plupart d'entre eux, leur connaissance de la question reste assez floue: 40% (sur les 66%) disent ne savoir que « vaguement de quoi il s'agit ». Le sujet ne laisse pas indifférents les Français : 70% expriment une inquiétude vis-àvis des PE, alors que leur connaissance est parcellaire sur le sujet. Encore une fois, l'inquiétude culmine auprès des plus âgés. Elle est de 75% auprès des plus de 65ans, alors qu'elle est moindre auprès des plus jeunes (49%). En conséquence, les perturbateurs endocriniens constituent la 3 ème priorité la plus forte assignée par les Français en termes de santé publique, devant la lutte contre le tabac et l'alcool
Encadré 3 : Synthèse du sondage ODOXA
6.4.2. Les produits identifiés comme porteurs de risques PE sont multiples
Cosmétiques, jouets, emballages alimentaires, etc. sont régulièrement mis en cause pour leur teneur en perturbateurs endocriniens potentiels.
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Figure 1 : LexisNexis Newsdesk
6.4.3. Avec une visibilité croissante dans les médias
Le sujet des perturbateurs endocriniens est de plus en plus présent dans nos journaux. Europresse montre en effet que près de 3 200 documents ont été écrits sur le sujet en 2016 contre seulement 58 une décennie auparavant ; et près de 2 600 documents sont déjà parus sur les cinq premiers mois de l'année 2017.
Figure 2 :Evolution du nombre de documents publiés contenant l'expression perturbateur endocrinien (source Europresse)
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Figure 3 :Visibilité en nombre d'articles (source LexisNexis Newsdesk)
La reprise médiatique des études sur le sujet s'amplifie. Une étude de l'Inserm, publiée fin septembre 2017 dans la revue « Environmental health perspectives » a été largement citée dans l'actualité. Cette étude met en évidence une corrélation entre une exposition à certains PE pendant la grossesse et l'apparition de troubles du comportement chez les garçons de 3 à 5 ans. De façon générale, les articles « grand public » sont nombreux, parfois contradictoires et peut être inutilement anxiogènes.
6.5. La qualité de l'information des consommateurs peut et doit s'améliorer 6.5.1. L'INERIS a travaillé sur la création de labels
Le Bisphénol A (BPA) est entré dans la liste des substances soumises à restriction d'usage par le comité des États membres de l'Union européenne dans le cadre du règlement REACH. A la demande de son ministère, l'INERIS a mis à disposition des professionnels un label : « tickets sans BPA ». Délivré par l'Institut, il garantit que les tickets de caisse et reçus de carte bancaire ne contiennent pas de bisphénol A (BPA). Les deux premiers labels ont été attribués dès janvier 2015. L'INERIS a également développé un label étendu garantissant l'absence, dans les papiers thermiques, de tous les phénols et bisphénols (y compris Bisphénol A, Bisphénol S et Bisphénol F) connus pour être utilisés dans ces papiers comme révélateurs thermiques. L'obtention du label « sans phénol ajouté » repose sur les mêmes principes que l'obtention du label « tickets sans BPA » : les détenteurs du label sont tenus de respecter les exigences posées par un référentiel. Ce référentiel, public, définit les modalités de surveillance du processus de fabrication du papier thermique, en vue de s'assurer que les papiers thermiques de tous types sont bien exempts des phénols et bisphénols concernés. Le référentiel s'appuie sur un protocole, mis au point par l'INERIS, de mesure de ces composés dans le papier, à partir de techniques d'analyses chimiques reconnues et largement pratiquées par les laboratoires en France comme dans d'autres pays. Les premiers labels ont été attribués aux enseignes Carrefour, Lidl et Système U ainsi qu'au fabricant de papier Koehler. Cette démarche de labellisation des papiers thermiques (tickets de caisse, reçus de carte bancaire et autres types de papier thermique) garantit l'absence de quinze phénols, dont toute une famille de bisphénols. Les labels « tickets sans BPA » et « sans phénol ajouté » ont été développés en concertation avec les parties prenantes : pouvoirs publics, représentants de la société civile (dont le milieu associatif), acteurs économiques (fabricants et transformateurs de papier thermique, filière
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papetière, utilisateurs organisations professionnelles et entreprises de la distribution et du secteur bancaire). Un label est une marque de reconnaissance par une tierce partie d'un dispositif mis en oeuvre par un organisme sur un thème précis, par rapport aux dispositions d'un cahier des charges et ce au moyen, notamment, d'évaluations récurrentes sur site ou non. La valeur accordée par le marché au label s'en remet de fait à la pertinence du cahier des charges constitué et du dispositif de labellisation qui l'accompagne, ainsi qu'à la crédibilité du panel d'acteurs ayant participé à son élaboration. Pour la DGCCRF, les dispositifs de type « label » ne doivent pas être confondus avec des dispositifs de certification de services. · Comparatif des marques de reconnaissance
Tableau 1 : Afnor Certification
Les allégations de type « sans parabène » largement employées par l'industrie des cosmétiques, sont uniquement commerciales, ne préjugent pas de l'absence d'effet PE et ne peuvent être assimilées à des labels.
6.5.2. Un étiquetage spécifique des PE nécessite une définition réglementaire
L'étiquetage des produits chimiques est soumis à un cadre juridique : la réglementation CLP (voir annexe 5). Le pictogramme ci-dessous, utilisé pour les produits reconnus CMR ne peut être appliqué au prétexte de perturbation endocrinienne dans l'état actuel de la réglementation.
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6.5.3. Les listes « noires » de produits suspects se multiplient
Conformément aux engagements des ministres de la transition écologique et solidaire, de la santé et des solidarités et de l'agriculture et de l'alimentation dans leur communiqué du 4 juillet 2017, la liste des produits pesticides autorisés susceptibles de contenir des substances PE a été publiée le 13 juillet 2017. Il n'est pas démontré que le caractère ésotérique de ces listes en fasse un vecteur d'information grand public ! Si les services de l'État sont tenus par la réglementation, les associations de consommateurs disposent de liberté qui leur permettent de délivrer une information plus opérationnelle. A titre d'exemple, le site d'une association de consommateurs met gratuitement à la disposition des consommateurs sa base de données remise à jour de 400 cosmétiques comportant des substances indésirables, les fiches explicatives et la carte repère téléchargeable Dans son numéro d'octobre, le magazine Que Choisir a épinglé 10 marques de sticks labiaux dont la composition dissimulerait, entre autres, des perturbateurs endocriniens, en l'occurrence le BHT (hydroxytoluène butylé ou E321) :
Une autre association titre : « Dans la cuisine, la salle de bains, le salon... et jusque dans la chambre. Toute la journée, sans le savoir, nous sommes exposés à des perturbateurs endocriniens potentiels cachés dans des produits d'usage courant. On vous aide à faire le tri pour écarter les plus problématiques ».
6.5.4. La mobilisation de la société civile interpelle les services de l'État
« A la suite de signalements, parus en juin 2017 dans la presse consumériste, dénonçant la commercialisation de 23 produits cosmétiques contenant des conservateurs non autorisés, la DGCCRF a mené une enquête ciblée... Au vu de ces résultats, et du nombre particulièrement important de références contenant des substances interdites retrouvées dans les rayonnages, la DGCCRF estime nécessaire de maintenir une vigilance renforcée sur ces sujets179... »
179
https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/produits-cosmetiques-140-references-non-conformes-retirees-marche
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7. Argumentaire pour un centre national de référence dédié aux PE
A l'image des centres nationaux de référence (CNR) 180 tels qu'ils existent pour des maladies infectieuses où travaillent des spécialistes pour concentrer le savoir, promouvoir la recherche et l'assistance technique, il serait important de bâtir le centre national de référence sur la perturbation endocrinienne. Face aux diversités chimiques, aux diversités d'effets et de cibles biologiques, un centre de référence saura centraliser les compétences au service de tous. Outre les CNR, il existe des centres uniques pour des enjeux jugés majeurs dans les domaines de la santé publique et le développement industriel : centre des biofilms aux USA, centre de la corrosion en Suède ... Un tel centre a pour objectif de : Réaliser de la recherche sur le sujet, car de nombreuses questions restent posées (mécanistiques, nature des dangers, méthodes d'analyse, biotests...). Il ne doit pas pour autant attirer tous les crédits et assécher les laboratoires qui ont une compétence reconnue sur le sujet. Le centre peut être l'acteur coordonnateur pour des appels d'offre de recherche ; Réaliser la veille scientifique et sociétale complète sur le sujet ; Conduire ou faire réaliser des études notamment pour mesurer l'exposition des Français via les aliments, l'air, l'eau, les cosmétiques ... ; Apporter l'assistance technique aux ministères, aux industriels, aux associations reconnues ; Nourrir les arguments des agences et autorités françaises dans les négociations internationales sur le sujet ; Être le centre de référence reconnu par tous et offrant un label reconnu par son indépendance et sa qualité ; Signer, en lien avec l'INERIS, des contrats d'évaluation et de prestation éventuellement confidentiels avec des partenaires publics ou privés. Pratiquement, il s'agit de grouper un noyau actif de haute qualité scientifique disposant des moyens nécessaires (laboratoires d'analyse, laboratoires de bioessais, épidémiologistes, toxicologues et écotoxicologues...). L'articulation de ce centre de références avec les agences nationales (ANSES, ANSP, INRA, INSERM, INERIS...) doit être explicite quitte à ajuster, pour les articuler, les contours de leurs missions respectives. Les CNR dédiés aux maladies infectieuses sont cadrés par le code de la santé publique et gérés historiquement par l'Institut Pasteur. Une gouvernance associant au moins les ministères cahrgés de l'environnement et de la santé se justifie par le fait que les effets des PE se manifestent à la fois sur l'environnement et sur la santé, les deux étant intimement liés. Le cahier des charges d'un tel centre pourrait être un des objectifs à court terme de la future SNPE. La base de ce qui pourrait être un CNR fonctionnant en réseau existe en France (Rennes, Nantes...).
180
Les missions propres à chaque CNR sont détaillées dans un cahier des charges spécifiques conforme à un cahier des charges type défini par l'arrêté du 16 juin 2016. Pour assurer certaines de ses missions, un CNR peut s'appuyer sur un ou plusieurs laboratoires dits «laboratoires associés». Dans ce cas, le responsable du CNR est chargé de la coordination de l'ensemble des activités des laboratoires associés et rend à Santé publique France un rapport annuel faisant la synthèse des activités réalisées par les différents laboratoires. (http://invs.santepubliquefrance.fr/Espaceprofessionnels/Centres-nationaux-de-reference/Missions)
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8. Glossaire des sigles et acronymes
Acronyme AFB ANDPC ANFH ANR ANSES ANSM ANSP ARS BPA CEA CEFIC CGAAER CGEDD CLP CLS CMR CNRS CNTE COSET DGAL DGCCRF DGPR DGS DGT DPC DREAL EAT ECHA ECOPHYTO EFSA ESTEBAN Agence française de la biodiversité Agence nationale du développement professionnel continu Association nationale pour la formation des hospitaliers Agence nationale de la recherche Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé Agence nationale de santé publique Agence régionale de santé Bisphénol A Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives Conseil européen de l'environnement chimique Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux Conseil général de l'environnement et du développement durable Classification, Labelling, Packaging Contrat local de santé Substance cancérigène, mutagène, toxique pour la reproduction Centre national de la recherche scientifique Conseil national de la transition écologique Cohorte pour la surveillance épidémiologique en lien avec le travail Direction générale de l'alimentation Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes Direction générale de la prévention des risques Direction générale de la santé Direction générale du travail Développement professionnel continu Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Étude de l'alimentation totale European Chemical Authority Plan de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires European Food Safety Agency Étude de santé sur l'environnement, la bio surveillance, l'activité physique et la nutrition Signification
Évaluation de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE)
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Acronyme ETP HBM4EU HCSP IFRES IGAS INERIS INRA INSERM InVS IRESP IRSTEA MESRI MSS MTES NQE OMS ONCFS ONEMA PBT PCB PE PELAGIE Equivalent temps plein Human Bio Monitoring for European Union Haut conseil pour la santé publique
Signification
Initiative française pour la recherche en environnement santé Inspection générale des affaires sociales Institut national de l'environnement industriel et des risques Institut national de la recherche agronomique Institut national de la santé et de la recherche médicale Institut national de veille sanitaire Institut de recherche en santé publique Institut de recherche en sciences et technologies de l'environnement et de l'agriculture Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation Ministère des solidarités et de la santé Ministère de la transition écologique et solidaire Norme de qualité environnementale Organisation mondiale de la santé Office national de la chasse et de la faune sauvage Office national de l'eau et des milieux aquatiques Substance persistante bioaccumulable et toxique polychlororobiphényles Perturbateur endocrinien perturbateurs endocriniens étude longitudinale sur les anomalies de la grossesse, l'infertilité et l'enfance Programme d'investissements d'avenir Programme national de recherche environnement-santé-travail Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens Plan national santé-environnement Programme des Nations Unies pour l'environnement Plan de réduction des polluants atmosphériques Programme régional de santé Registration Evaluation Authorization and Restrictions of Chemicals Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens Stratégie nationale de la recherche Santé publique France
PIA PNR-EST PNRPE PNSE PNUE PREPA PRS REACH SNPE SNR SPF
Évaluation de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE)
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Acronyme SVHC UIC UNIFAF VGE vPvB Substance extrêmement préoccupante Union des industries chimiques
Signification
Fonds d'assurance formation pour les établissements privés d'intérêt collectif Valeur guide environnementale Substance très persistante et très bioaccumulable
Évaluation de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE)
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INVALIDE)