Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer

AVEZARD, Cécile ; MARENDET, François ; VINDIMIAN, Eric

Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">L'amélioration des études d'impact en milieu marin est une priorité. Il s'agit d'assurer une mise en oeuvre de la séquence éviter-réduire-compenser (ERC), dans la logique de la loi de 2016 sur la biodiversité, qui requiert une absence de perte de biodiversité. Cela implique trois ambitions : renforcer la prise en compte du milieu marin dans les politiques publiques, accroître le support scientifique et technique des acteurs, inscrire les mesures ERC dans les processus de planification. Le domaine public maritime est un « bien commun » non appropriable. La régulation des activités qui bénéficient du milieu marin et la prise en compte des enjeux liés au développement des énergies marines, sont cruciaux pour la mise en oeuvre des transitions énergétiques et écologiques et le développement de la croissance verte. L'État doit imposer la prise en compte du milieu marin dans les instances régionales, assurer l'accès de tous aux données et développer des outils opérationnels pour les acteurs des territoires. L'effort doit être accru dans le domaine des énergies marines renouvelables, où il convient de renforcer le rôle de l'État stratège, de restaurer la confiance sociale et d'assumer les prises de risque sous réserve d'un suivi attentif et d'une bonne instruction des retours d'expérience. Le manque de connaissances sur le milieu marin étant l'une des difficultés à la mise en place de la séquence ERC, la mission propose de renforcer les recherches sur la connaissance des milieux marins, d'améliorer le transfert des résultats de la recherche vers les acteurs opérationnels, de reconnaître les bonnes pratiques par leur normalisation, d'accélérer leur partage et leur diffusion et de prendre en compte les spécificités des milieux ultramarins. La mission est convaincue qu'il convient de déplacer le curseur vers une meilleure prise en compte de la séquence ERC au sein des évaluations environnementales des documents de planification.</div>
Editeur
CGEDD
Descripteur Urbamet
politique de l'environnement ; impact ; impact environnemental ; dégradation ; recherche ; planification ; transition écologique ; transition énergétique
Descripteur écoplanete
domaine public maritime ; réseau national observation qualité milieu marin ; mesures compensatoires ; protection de la mer ; biodiversité
Thème
Environnement - Paysage ; Ressources - Nuisances
Texte intégral
MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE Mise en oeuvre de la seqquence "eqviter-reqduirecompenser" en mer Rapport n° 010966-01 établi par Cécile AVEZARD, François MARENDET et Éric VINDIMIAN (coordonnateur) Octobre 2017 Les auteurs attestent qu'aucun des éléments de leurs activités passées ou présentes n'a affecté leur impartialité dans la rédaction de ce rapport. Sommaire Résumé............................................................................................................................... 3 Liste des recommandations.............................................................................................4 Introduction........................................................................................................................ 5 1. Renforcer la prise en compte du milieu marin dans les politiques publiques...........9 1.1. « Éviter - réduire - compenser en mer » : une démarche nécessaire mais non suffisante pour éviter la dégradation du milieu marin.........................................................9 1.1.1. La dégradation du milieu marin et ses causes.................................................9 1.2. Un domaine public pour de nombreux usages : la nécessité d'une approche collective.......................................................................................................................... 15 1.2.1. La France affiche une ambition forte pour la mer...........................................15 1.2.2. La nécessité d'une approche collective et concertée.....................................16 1.2.3. Quelle mutualisation ?....................................................................................17 1.3. Assurer la cohérence entre la transition énergétique et la préservation des milieux marins.............................................................................................................................. 20 1.4. Recommandations du chapitre 1..............................................................................25 2. Accroître le support scientifique et technique des acteurs......................................26 2.1. Des connaissances sur le fonctionnement du milieu marin à approfondir et des méthodologies à homogénéiser.......................................................................................26 2.2. Des capacités d'expertise et de recherche dispersées.............................................28 2.2.1. L'agence française pour la biodiversité (AFB)................................................28 2.2.2. L'Ifremer......................................................................................................... 29 2.2.3. Le Cerema.....................................................................................................30 2.2.4. La recherche académique..............................................................................31 2.2.5. Les autres établissements..............................................................................32 2.3. Un besoin de coordination et de renforcement des compétences au niveau local....33 2.4. La normalisation, pour capitaliser les bonnes pratiques opérationnelles..................34 2.5. Prendre en compte les particularités des milieux ultramarins...................................35 2.6. Recommandations du chapitre 2..............................................................................38 3. Inscrire les mesures ERC dans les processus de planification................................40 3.1. Planifier pour anticiper les impacts et leur réduction.................................................40 3.1.1. Un cadre européen cohérent..........................................................................40 3.1.2. La planification du milieu marin se met en place en France...........................41 3.1.3. Quels apports de la planification à la séquence ERC ?..................................42 3.1.4. Améliorer l'évaluation des incidences environnementales..............................45 3.2. Offrir des possibilités de compensation mutualisées................................................47 3.3. Recommandations du chapitre 3..............................................................................51 Conclusion....................................................................................................................... 52 Annexes............................................................................................................................ 54 4. Lettre de mission.......................................................................................................... 56 5. Liste des personnes rencontrées................................................................................58 6. Glossaire des sigles et acronymes.............................................................................64 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 1/66 L'utilité d'un oeil, c'est la double capacité qu'a celui qui regarde de comprendre les informations reçues et d'en tirer les conséquences pour, au besoin, sonner l'alarme. Éric Orsenna, Portrait du Gulf stream Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 2/66 Résumé L'économie maritime est promise à un développement important. L'humanité attend beaucoup des services apportés par la mer, qu'il s'agisse de son alimentation, de ses loisirs, de ressources naturelles ou du développement des énergies renouvelables. La mer est cependant un milieu fragile dont la plupart des observateurs constatent qu'il se dégrade de façon importante. Encore faut-il observer convenablement ce milieu qui est encore mal connu. Ainsi, alors que les activités économiques se développent et que le littoral est le siège d'une urbanisation importante, nous connaissons mal la mer, et par conséquent nous sommes devant de grandes difficultés quand il s'agit d'évaluer les impacts de nos propres activités. Soulignons au passage que bien des activités humaines, à terre comme sur mer, créent des impacts sans que ceux-ci soient évalués. L'amélioration des études d'impact en milieu marin est donc une priorité importante. Il s'agit notamment d'assurer une bonne mise en oeuvre de la séquence éviter-réduirecompenser, dans la logique de la loi de 2016 sur la biodiversité, qui requiert une absence de perte nette de biodiversité. Cela implique trois grandes ambitions : · renforcer la prise en compte du milieu marin dans les politiques publiques ; · accroître le support scientifique et technique des acteurs ; · inscrire les mesures ERC dans les processus de planification. Le domaine public maritime est un « bien commun » non appropriable, l'accroissement des usages de ce bien commun permet de craindre aujourd'hui qu'il ne subisse la tragédie des communs. La régulation des activités qui bénéficient du milieu marin et la prise en compte des nouveaux enjeux majeurs, liés au développement des énergies marines, sont cruciaux pour la mise en oeuvre des transitions énergétiques et écologiques et le développement de la croissance verte. L'État doit imposer la prise en compte du milieu marin dans les instances régionales, assurer l'accès de tous aux données sur le milieu marin et sur les impacts de toutes les activités et développer des outils opérationnels pour les acteurs des territoires. Il s'agira également de mutualiser le coût des études non spécifiques à un projet particulier L'effort doit être encore accru dans le domaine des énergies marines renouvelables, où il convient de renforcer le rôle de l'État stratège, de restaurer la confiance sociale par une meilleure concertation et in fine d'assumer les prises de risque sous réserve d'un suivi attentif et d'une bonne instruction des retours d'expérience. Le manque de connaissances sur le milieu marin étant l'une des difficultés majeures à la bonne mise en place de la séquence ERC, la mission propose de renforcer les recherches sur la connaissance des milieux marins, d'améliorer le transfert des résultats de la recherche vers les acteurs opérationnels, de reconnaître les bonnes pratiques par leur normalisation, d'accélérer leur partage et leur diffusion et de prendre en compte les spécificités des milieux ultramarins. Il ressort des nombreux entretiens de la mission avec les acteurs du monde marin et avec la direction générale de l'environnement de la Commission européenne que la planification est appelée à jouer un rôle croissant dans l'anticipation des impacts sur les milieux marins et leur réduction. Celle-ci est parfois considérée comme le seul moyen de pallier l'échec de la compensation en mer. La mission est convaincue qu'il convient de déplacer le curseur vers une meilleure prise en compte de la séquence ERC au sein des évaluations environnementales stratégiques des documents de planification, notamment les documents stratégiques de façade. Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 3/66 Liste des recommandations 1.Intégrer au Coderst des départements maritimes des compétences sur le milieu marin et y associer les agences de l'eau pour intégrer les enjeux environnementaux à l'échelle du bassin versant et de son débouché maritime ; développer des outils opérationnels en direction des collectivités pour mettre en place des démarches territoriales d'amélioration de la qualité des milieux marins. (Préfets, Cerema)......................................................................................................25 2.Réaffirmer le caractère de bien commun du domaine public maritime et se donner les moyens de mieux financer la connaissance et la préservation du milieu marin. Pour cela, réunifier le pilotage du fonds national de compensation de l'énergie éolienne en mer au sein des conférences de façade et ajuster à la hausse les redevances d'occupation du domaine public maritime pour affecter ce produit complémentaire au milieu marin. (Deb, CGDD)...................................25 3.Rendre publiques toutes les études d'impact et les données anonymisées concernant le milieu marin ; mutualiser, par une prise en charge publique en amont, le coût des études non spécifiques à un projet ou à un opérateur. (DGEC, DPMA, Deb, AFB)........................................................................................25 4.Réaffirmer le rôle de stratège, de coordinateur et d'initiateur de la puissance publique par une planification en amont des sites favorables aux énergies marines basée sur des évaluations solides, un effort d'innovation et d'expérimentation, le renforcement des exigences environnementales dans les appels d'offres, une concertation tout au long des processus de décision et l'obligation de suivi des projets réalisés. (DGEC, Deb, Ademe)...............................................25 5.Donner à l'Agence française de la biodiversité les moyens de jouer un rôle de référent de la connaissance de l'écologie des milieux marins avec une priorité particulière sur des mesures ERC en mer et le développement de l'ingénierie écologique en mer, y compris en la dotant de capacités significatives de mobilisation du monde scientifique (Ifremer, Cerema, MNHN, CNRS et universités) et un rôle de centralisation des observations sur l'environnement marin (Deb) .. .38 6.Mettre en place un effort spécifique de recherche et de transfert des observations et connaissances de la biodiversité marine outremer en insistant sur la mise en place de mesures de suivi approfondies afin de bénéficier d'un retour d'expérience. (AFB, DRI)..........................................................................................38 7.Inscrire dans les contrats d'objectifs de l'AFB, d'Ifremer et du Cerema la mise en priorité du développement des connaissances sur l'écologie du milieu marin et les impacts anthropiques. (Deb, DRI).................................................................38 8.Mandater l'agence française de la biodiversité et l'association française de normalisation pour développer des normes décrivant les bonnes pratiques d'ERC en mer avec l'objectif de porter ces normes au niveau européen. (Deb, AFB)........................................................................................................................... 39 9.Inscrire dans les Pamm, documents de façade et, de façon hiérarchisée et subsidiaire, dans les autres plans et programmes concernant de près ou de loin le milieu marin, des mesures tenant compte de l'ensemble des impacts diffus et globaux et marquant clairement la mise en oeuvre du principe d'absence de perte nette de biodiversité prévue par la loi sur la biodiversité du 8 août 2016. (Deb, Dirm, AFB).......................................................................................................51 10. Prévoir dans les Pamm et documents de façade des mesures de compensation mutualisées à l'efficacité écologique démontrée et suivie sur le long terme prenant en compte non seulement la biodiversité exceptionnelle, mais également la biodiversité ordinaire à travers notamment les services écosystémiques. (Deb, Dirm, AFB).........................................................................................51 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 4/66 Introduction D'après l'OCDE1 l'économie maritime mondiale représenterait 1 500 milliards de dollars en 2010 (2,5 % de la valeur ajoutée mondiale) et pourrait atteindre 3 000 milliards de dollars en 2030. L'humanité attend beaucoup du milieu marin. Elle y trouve de nombreuses ressources naturelles, fossiles et alimentaires, un milieu propice à une navigation locale et circumplanétaire et, sur le littoral, une source de récréation appréciée. Mais le milieu marin est fragile, il subit de nombreuses pollutions par les déchets et substances chimiques, ses fonds sont perturbés et souvent ses ressources sont surexploitées. Si l'océan est vaste, la concentration des activités le long du littoral pose des problèmes de conflits d'accès aux usages et aux ressources. La mer est un espace de liberté, certes, mais ce bien commun rare et précieux mérite une protection particulière et une régulation ferme de son exploitation. L'étude d'impact d'un projet ou l'évaluation des incidences environnementales d'un document de planification sont des outils d'évaluation mis en oeuvre préalablement à la décision publique. Leur fonction est de garantir que la réalisation des projets ou la mise en oeuvre des plans n'engendrera pas d'atteinte inacceptable à l'environnement. Le déroulé de ces études, objet de consensus internationaux, de directives européennes et d'articles du code de l'environnement est très précis. Il comporte, dès lors que les impacts sont appréciés correctement, la proposition de mesures qui permettent de les éviter, à défaut de les réduire, puis, en dernière instance et faute de mieux, de les compenser. La notion de séquence « éviter ­ réduire - compenser » (ERC) tient donc à cette approche pas à pas où la compensation n'intervient qu'en dernier ressort. Figure 1: schéma de la séquence ERC (Source Ministère de la transition écologique et solidaire, Commissariat général au développement durable : La séquence éviter, réduire, compenser) 1 OECD, 2016. The Ocean Economy http://dx.doi.org/10.1787/9789264251724-en. in 2030 OECD Publishing, Paris. Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 5/66 L'article 69 de la loi du 3 août 2016 sur la biodiversité 2 indique que « Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité visent un objectif d'absence de perte nette, voire de gain de biodiversité. Elles doivent se traduire par une obligation de résultats et être effectives pendant toute la durée des atteintes. Elles ne peuvent pas se substituer aux mesures d'évitement et de réduction. Si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n'est pas autorisé en l'état. » Ce principe, souvent appelé principe d'absence de perte nette de biodiversité, est illustré par le schéma figure 1 proposé par le guide du commissariat général au Développement durable sur la séquence éviter ­ réduire ­ compenser3. Le texte de loi sur la biodiversité comporte de nombreuses avancées en matière de séquence ERC, de mesures compensatoires et de non-perte nette. La création de l'agence française de la Biodiversité permettra également d'améliorer la formation des acteurs à la préservation de la biodiversité, de fédérer les recherches 4 sur le sujet et de capitaliser les connaissances. La possibilité de mutualiser les mesures compensatoires pourra également être mise à profit, notamment pour pallier les difficultés de la compensation au niveau de chaque projet. Les spécificités du milieu marin expliquent les raisons qui ont conduit au présent rapport suite à la mission confiée aux auteurs par la ministre de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer le 23 janvier 2017. La lettre de mission, dont une copie figure en annexe page 56 rappelle quelques uns des termes qui justifient ce questionnement : · la difficulté d'évaluer les impacts ; · la difficulté de définir des mesures compensatoires ; · l'impossibilité de compenser la perte d'un habitat par un autre. Dans sa thèse sur la compensation écologique en milieu marin, Céline Jacob 5 explicite les différences entre l'économie maritime et terrestre et nous éclaire sur les difficultés spécifiques au milieu marin (figure 2). Ces propriétés du milieu marin tiennent à la fois à ses aspects physiques : grandeur, profondeur, courants, à son statut juridique public et aux nombreuses difficultés de son exploration. Ainsi, les lacunes de la connaissance du milieu marin, ou les difficultés d'y accéder, ce qui revient au même, sont elles les plus citées par les acteurs de la préservation de ce milieu et par les porteurs de projets quand ils sont interrogés sur les questions posées à la mission. À partir des nombreuses rencontres avec les pouvoirs publics sur les façades maritimes, les maîtres d'ouvrage des projets de développement des énergies marines et des extractions de matériaux marins, les grands ports maritimes, les associations de protection de la nature, les représentants des pêcheurs et les chercheurs, la mission s'est forgée une série d'idées sur la manière de faire progresser la préservation des milieux marins tout en ne ralentissant pas l'innovation, notamment dans le domaine des énergies renouvelables. 2 3 4 5 Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages codifiée par l'article L.163-1 du code de l'Environnement Ministère de la transition écologique et solidaire CGDD-Deb, Octobre 2013 Lignes directrices nationales sur la séquence éviter réduire et compenser les impacts sur les milieux naturels En lien avec la Fondation pour la recherche sur la biodiversité Jacob C. (2017) Approche géographique de la compensation écologique en milieu marin : analyse de l'émergence d'un système de gouvernance environnementale. Thèse soutenue à l'Université Paul Valéry, Montpellier. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 6/66 Rapport n° 010966-01 La mission souhaite avant tout montrer que le rôle des pouvoirs publics devrait être renforcé, jusqu'à prendre6 sans attendre la position d'un État stratège qui, conscient des nombreux enjeux du milieu marin, prend des initiatives pour en favoriser une exploitation durable et équitable. Ce rôle de stratège s'applique particulièrement à la question des énergies marines renouvelables qui constituent un enjeu d'aujourd'hui. Il doit intégrer pleinement non seulement la volonté de faire aboutir le développement des énergies marines dans des délais compatibles avec nos engagements, mais aussi de ne pas sacrifier l'exigence environnementale. Figure 2: Analyse des différences entre l'économie marine et terrestre (Source OCDE, repris de la thèse de Céline Jacob100) La mission confirme l'importance du développement des connaissances, développement qui ne se réduit pas au nécessaire renforcement des recherches mais également au partage de ces connaissances et à la structuration de l'appui aux décideurs publics. Enfin, la mission souligne également, en harmonie avec les positions de l'Union européenne, le rôle majeur de la planification. Les plans et programmes, qui ont vocation à fixer un cadre pour des décisions ultérieures d'autorisation de projets, devraient devenir les instruments qui prévoient l'essentiel des mesures à prendre pour 6 Ou reprendre la position si on songe au rôle qu'a eu l'État dans la politique énergétique et industrielle après la deuxième guerre mondiale. L'urgence de développer les énergies marines offrant quelques similarités historiques auxquelles s'ajoute l'impérieuse nécessité de préserver de l'environnement et la biodiversité. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 7/66 Rapport n° 010966-01 anticiper les difficultés, trouver des solutions et faciliter le travail ultérieur des porteurs de projets. Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 8/66 1. Renforcer la prise en compte du milieu marin dans les politiques publiques Le domaine public maritime est un bien commun non appropriable, l'accroissement des usages de ce bien commun permet de craindre aujourd'hui qu'il ne subisse la tragédie des communs7. La mission a constaté une attente très forte de l'ensemble des acteurs vis-à-vis d'un renforcement du rôle de l'État pour la défense de ce bien commun, la régulation des activités qui en bénéficient et la connaissance des milieux. De nouveaux enjeux majeurs, liés au développement des énergies marines, viennent s'ajouter aux nombreuses pressions anthropiques sur le milieu marin. Ils pourraient accroître les conflits d'usage et les perturbations du milieu au moment même où ce développement est crucial pour la mise en oeuvre de la transition énergétique et le développement de la croissance verte. Les enseignements qu'on pourra tirer de ce cas particulier resteront de toutes façons valables pour d'autres types d'activités humaines. 1.1. « Éviter - réduire - compenser en mer » : une démarche nécessaire mais non suffisante pour éviter la dégradation du milieu marin 1.1.1. La dégradation du milieu marin et ses causes Le milieu marin est fortement impacté par les activités humaines qui s'y déroulent, mais aussi par les activités terrestres. Les causes de la dégradation des milieux sont nombreuses. L'observatoire national de la biodiversité précise que les travaux de la diective cadre Stratégie pour le milieu marin8 (DCSMM) ont permis de définir plusieurs types de pollutions présentes dans les milieux marins et littoraux : la pollution par les déchets, les perturbations sonores sous-marines, l'introduction de composés synthéiques, l'introduction de substances non synthétiques, l'enrichissement en nutriments et enfin l'enrichissement en matière organique. Parmi les activités susceptibles d'engendrer ces types de pressions, la directive recense : le transport maritime ; les travaux publics maritimes ; les activités de dragage et de clapage en mer ; la pose de câbles sous-marins ; l'extraction de matériaux marins ; la production électrique littorale ; l'exploration pétrolière ou minière ; l'exploitation pétrolière offshore (inexistante à ce jour en France métropolitaine) ; la pêche professionnelle par des engins traînants de fond ; et certaines autres activités de pêche professionnelle entraînant un rejet de déchets en mer ou un enrichissement en matière organique (la DCSMM classe cette pression sous l'appellation « autre pêche professionnelle ») ; · la pisciculture ; la conchyliculture ; · l'agriculture ; · · · · · · · · · 7 8 Garett Harding (1968) The tragedy of the commons. Science 162. 1243-1248. Directive 2008/56/CE ­ action de l'UE dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directivecadre «stratégie pour le milieu marin») Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 9/66 Rapport n° 010966-01 · l'habitation littorale, accompagnée de l'artificialisation des sols et des pressions liées à la vie courante ; · le tourisme littoral et les activités balnéaires ; · la pêche de loisir ; · la navigation de plaisance, les sports nautiques ; · les activités liées à la Défense ; · la recherche marine (campagnes). Ces pollutions peuvent être ponctuelles ou diffuses, avoir des effets immédiats ou à long terme, sur le lieu de la pollution ou à très grande distance. Des effets cumulés ont été mis en évidence, rendant extrêmement délicates les prévisions quant aux conséquences d'une pollution donnée sur la biodiversité. À l'échelle d'un bassin versant, de très nombreuses activités ont un impact sur le milieu marin, comme l'illustre le schéma figure 3 extrait du guide Restauration écologique des nurseries des petits fonds côtiers de méditerranée 9, financé par différents opérateurs, dont l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée Corse. Figure 3: : Représentation des diverses pressions anthropiques exercées sur les petits fonds côtiers Du point de vue de la mise en oeuvre de la séquence ERC, les impacts de ces pressions sur le milieu ne font pas tous l'objet de la même attention. En effet, certaines activités passent par une étape soumise à étude d'impact environnemental, tels que les travaux publics en mer pour les ports ou les parcs de production d'énergies renouvelables en mer, les activités de dragage, l'extraction de granulats, etc. D'autres sources de pressions peuvent être incluses dans les plans et programmes soumis à évaluation environnementale comme le développement de l'urbanisation au sein des schémas de cohérence territoriale(Scot) ou des plans locaux d'urbanisme (PLU) ou les plans d'action pour le milieu marin, ou encore les programmes nationaux ou régionaux de mise en oeuvre des fonds communautaires. Dans ces cas, les projets, plans ou programmes font l'objet de la séquence ERC, le volet « maritime » des documents d'urbanisme étant la plupart du temps très peu développé. 9 Lenfant P. et al. (2015) Restauration écologique des nurseries des petits fonds côtiers de Méditerranée. Orientations et principes. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 10/66 Rapport n° 010966-01 Mais si certains projets impactant le milieu marin sont situés en mer ou à proximité immédiate sur le littoral, d'autres sont situés à terre, en amont du bassin versant, et leur impact sur le milieu marin n'est pas toujours appréhendé. Enfin, de nombreuses activités, d'origine terrestre ou marine, sont la cause de pollutions diffuses dans le milieu marin et ne font pas l'objet d'étude d'impact : utilisation d'intrants en agriculture, dysfonctionnement des systèmes d'assainissement, transport maritime, pêche, production aquacole, navigation de plaisance, sports nautiques, constructions côtières par exemple. Il est habituel d'entendre que la plus grande part de la pollution marine est d'origine terrestre, mais il faut aussi préciser qu'au sein de la pollution causée par les seules activités marines, l'impact de la pollution des activités « diffuses » peut dans certains cas être tout à fait prépondérant. Ainsi, en Méditerranée, le guide précité (op. Cit. 9 page 10) distingue trois zones différentes à l'échelle de la façade méditerranéenne : · le territoire côtier ouest (de la frontière espagnole à l'ouest de la Camargue) avec des pressions principalement liées aux apports des cours d'eau côtiers et du Rhône et des usages en mer : la pêche aux arts traînants représente une pression sur 28 % des masses d'eau, les mouillages forains 14 %. Les pôles industrialo-portuaires et les agglomérations chacun sur 14 % des masses d'eau ; · le territoire « zone d'activités de Marseille » (du Golfe de Fos à la Rade de Toulon) : les pressions les plus importantes portent sur l'ensemble « pôle industrialo-portuaire et agglomérations » avec près de 25 % des masses d'eau concernées tout comme les espèces invasives. Les autres pressions, les apports du Rhône, les rejets de station d'épuration, les mouillages forains et les activités nautiques concernent chacun moins de 10 % des masses d'eau ; · le territoire « zone côtière est et littorale » (du Tombolo de Giens à la frontière italienne) : les pressions les plus importantes proviennent des agglomérations avec 45 % des masses d'eau concernées, les usages en mer avec les mouillages forains (27%) et les activités subaquatiques (18%), les espèces invasives (26%) et enfin les cours d'eau côtiers (18%). Le recensement des pressions et leur classification en fonction du niveau d'impact, sur les services écosystémiques10, comme illustré sur la figure 4, montre cette multiplicité des pressions sur les milieux. Sans généraliser les pressions sur les petits fonds côtiers de Méditerranée, on peut énoncer que les pressions exercées sur le milieu marin sont de façon non négligeable le fait d'activités non soumises à étude d'impact. Pour ce qui concerne la qualité de l'eau terrestre arrivant en mer et des milieux naturels humides en connexion directe avec celle-ci, les agences de l'eau intègrent dans leur planification et leurs actions des objectifs en matière de qualité des rejets et des milieux côtiers. Le Sdage11 Loire Bretagne comprend ainsi un chapitre spécifique sur le littoral, qui s'articule autour des objectifs suivants : · améliorer et préserver la qualité des eaux en particulier sur les points suivants : eutrophisation, rejets en mer, qualité sanitaire des eaux de baignade... · équilibrer besoins et ressources en eau potable ; · protéger les écosystèmes littoraux et en améliorer la connaissance ; · encadrer les extractions de matériaux marins. 10 11 Les services écosystémiques ont été promus à l'échelle planétaire par l'Évaluation des écosystèmes pour le millénaire qui les définit comme les bénéfices que les humains retirent des écosystèmes. Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 11/66 Rapport n° 010966-01 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 12/66 Figure 4: Tableau présentant les impacts des activités humaines sur les services écosystémiques des petits fonds côtiers en méditerranée. (Source : Lenfant P., et al. 2015. cf. note 9 page 10) Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 13/66 La très grande partie des moyens mobilisés sur le programme littoral concerne l'assainissement des eaux usées et l'agriculture. Il s'agit notamment d'atteindre les objectifs des zones protégées conchylicoles et de baignade et de lutter contre la prolifération des algues vertes. Les opérations liées aux milieux marins représentent 15 % des actions et mobilisent 2 % de l'ensemble des crédits investis sur le sujet de la protection du littoral. Les agences de l'eau sont par ailleurs responsables de programme de surveillance des masses d'eau côtières au titre de la directive cadre sur l'eau 12 (DCE). Pour ce qui concerne les futurs paramètres relevant de la DCSMM, la responsabilité de ce suivi n'est pas encore attribuée (agences de l'eau ou agence française de la biodiversité13). Une meilleure prise en compte des impacts sur le milieu marin du développement de l'urbanisation est indispensable. On constate que celle-ci est à l'origine d'une part très importante des pressions exercées sur le milieu et qu'elle est, sur le littoral, en croissance continue. Pour cela, différents outils ont été mis en place au cours du temps : schéma de mise en valeur de la mer, volet maritime du Scot ou du PLU, gestion intégrée des zones côtières, etc. Les expériences sont toutefois assez peu nombreuses et peinent à porter leurs fruits et à se généraliser. Le clivage terre-mer (géographique, juridique, acteurs ou opérateurs compétents...) reste très fort. Un retour d'expérience pourrait être entrepris, afin d'en tirer les bonnes pratiques et de les diffuser largement. Pour ce qui concerne les activités de pêche, l'extension du réseau des sites Natura 2000 sur le milieu marin a conduit à développer les connaissances sur l'impact des pratiques de pêche sur les milieux14 et à améliorer les pratiques. La circulaire du 30 avril 201315 précise ainsi les modalités de prise en compte de la pêche maritime professionnelle dans le cadre des documents d'objectifs Natura 200016. Un partenariat avec les pécheurs professionnels est engagé sur le réseau de l'ensemble des aires marines protégées. Ainsi, de nombreuses démarches visant à éviter et réduire les impacts sur le milieu naturel marin existent. Si elles mobilisent les différents acteurs et concourent à développer les connaissances en la matière, elles gagneraient à être plus intégrées à l'échelle territoriale, compte-tenu notamment des interactions entre les activités à différentes échelles géographiques intégrant à la fois le milieu terrestre et le milieu marin. Les effets cumulés doivent pouvoir être mieux appréhendés et la coupure « terre-mer » doit être autant que possible estompée. 12 13 14 15 16 Directive 2000/60/CE ­ cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau L'agence française de la Biodiversité est cependant chargée par la loi du 8 août 2016 du suivi global des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité Muséum national d'histoire Naturelle (2012) ­ Service du Patrimoine Naturel : Méthode dévaluation des risques de dégradation des habitats naturels et des espèces d'intérêt communautaire par les activités de pêche maritime Circulaire du 30 avril 2013 relative à la prise en compte des activités de pêche maritime profession nelle dans le cadre de l'élaboration, ou de la révision le cas échéant, des documents d'objectifs des sites Natura 2000 Les sites Natura 2000 constituent un réseau européen en application de la directive 79/409/CEE « Oiseaux » (codifiée en 2009) et de la directive 92/43/CEE « Habitats faune flore », garantissant l'état de conservation favorable des habitats et espèces d'intérêt communautaire. Les sites inventoriés au titre de la directive « habitats » sont des sites d'intérêt communautaire (SIC) ou des zones spéciales de conservation (ZSC), ceux qui le sont au titre de la directive « oiseaux » sont des zones de protection spéciale (ZPS). Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 14/66 Rapport n° 010966-01 Il faut donc créer les conditions permettant de faciliter une véritable approche intégrée des activités ayant un impact sur le milieu marin, en particulier dans les départements ayant une façade maritime. Dans ces départements, le Coderst17 pourrait renforcer son expertise sur le milieu marin ou s'adjoindre à titre d'expert des compétences sur ce milieu pour examiner régulièrement, en lien avec l'agence de l'eau, des sujets liés à l'écologie marine et à la qualité de l'eau et des milieux. Dans les aires urbaines, les zones d'activité portuaires et côtières, les démarches visant à éviter et réduire, autant que possible, les impacts sur le milieu marin doivent être encouragées. Sur la base d'un retour d'expérience, des démarches de Scot maritime ou de gestion intégrée des zones côtières devraient permettre de développer des outils opérationnels en direction des collectivités. 1.2. Un domaine public pour de nombreux usages : la nécessité d'une approche collective 1.2.1. La France affiche une ambition forte pour la mer Le mouvement vers une ambition nationale maritime s'est engagé à l'occasion du Grenelle de la mer en 2009. Il s'est poursuivi depuis en plusieurs occasions : assises de la mer et du littoral en 2013, travaux du conseil national de la mer et des littoraux en 2014, réunion du comité interministériel de la mer18, et tout récemment adoption de la stratégie nationale pour la mer et le littoral19. La France souhaite valoriser son potentiel maritime (développement de la flotte commerciale, de l'activité portuaire, des énergies renouvelables, des biotechnologies marines, exploitation des grands fonds marins...) et renforcer la recherche, tout en respectant et en améliorant la qualité du milieu marin et en protégeant les côtes vis-àvis de l'érosion et du risque de submersion. Si l'espace maritime est donc un espace à enjeu, qui va faire l'objet de pressions croissantes dans les années à venir, il est aussi un bien commun. Au-delà de sa valeur patrimoniale, sa particularité est en effet qu'il est un domaine public. Le rôle et la responsabilité de l'État, tant dans la planification de ses usages, que dans la valorisation de son potentiel économique ou dans le maintien ou la restauration de sa qualité environnementale y est tout à fait spécifique. 17 18 19 Le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) concourt à l'élaboration, à la mise en oeuvre et au suivi, dans le département, des politiques publiques dans les domaines de la protection de l'environnement, de la gestion durable des ressources naturelles et de la prévention des risques sanitaires et technologiques. Il est chargé d'émettre un avis sur les projets d'actes réglementaires et individuels en matière d'installation classées, de déchets, et protection de la qualité de l'air et de l'atmosphère, d'eaux destinées à la consommation humaine et de police de l'eau et des milieux aquatiques. Le comité interministériel de la Mer, institué par le décret n° 95-1232 du 22 novembre 1995, est chargé de délibérer sur la politique du Gouvernement dans le domaine de la mer sous ses divers aspects nationaux et internationaux et de fixer les orientations gouvernementales dans tous les domaines de l'activité maritime. La France a acté sa stratégie nationale pour la mer et le littoral par décret n°2017-222 du 23 février 2017 ; le document donne les grandes lignes des ambitions françaises sur les plans économique et écologique. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 15/66 Rapport n° 010966-01 1.2.2. La nécessité d'une approche collective et concertée La séquence ERC appliquée aux projets réalisés en mer se heurte à plusieurs difficultés. De façon unanime, tous les acteurs conviennent qu'il y a avant tout un déficit de connaissance sur le milieu marin et le fonctionnement des écosystèmes marins. Ce rapport consacre à cette question le chapitre 2. Ces mêmes spécialistes évoquent le plus souvent l'extrême difficulté de la compensation, faute notamment de références scientifiques sur le dimensionnement et la localisation des sites de compensation. Dans ces conditions, la compensation n'est pour l'instant que très peu appréhendée en France, non seulement à l'échelle de chaque projet, mais aussi de façon globale, en considérant par exemple les impacts cumulés. Adeline Bas montre dans sa thèse20 que les mesures compensatoires sont essentiellement basées sur des espèces ingénieures21. Pour observer, par ailleurs, la façon dont d'autres États membres européens appliquent le principe de la compensation écologique, il est intéressant de se pencher sur ce que représentent les grands projets d'aménagements artificiels en milieu marin en Europe. Les aménagements sont actuellement les parcs éoliens en mer pour lesquels des mesures compensatoires écologiques doivent être mises en oeuvre. L'étude réalisée par Anne-Charlotte Vaissière et présentée notamment dans sa thèse 22 sur 57 parcs éoliens en Europe du Nord (mer du Nord, mer Baltique et mer d'Irlande) relève l'absence quasi systématique de mesures compensatoires écologiques pour ces projets. Elle considère que cette absence peut avoir au moins deux raisons : l'incapacité technique de mettre en oeuvre des compensations écologiques en milieu marin et l'incapacité de la forme organisationnelle retenue23 (mesures compensatoires au cas par cas, c'est-à-dire pour chaque projet) à organiser la mise en oeuvre de la compensation. On notera que dans l'extrême majorité des cas les études d'impact concluent à l'absence d'impact significatif ou au fait que des bénéfices environnementaux l'emportent largement sur les impacts. Le besoin en connaissances nécessaire aux différentes phases de la séquence ERC est donc bien général et dépasse l'échelle de chaque projet. Notons par exemple que la phase d'évitement nécessite de disposer d'une cartographie suffisamment précise des milieux et des populations qui les fréquentent pour prendre en compte autant que possible cette dimension dans les choix de l'implantation des projets. C'est le cas des appels d'offres éoliens par exemple. La réduction des impacts ne peut s'appréhender sans une meilleure connaissance de la biologie des espèces dont l'aire de vie dépasse largement celle des projets. Enfin, la compensation écologique ne peut se limiter à une approche au cas par cas et doit prendre en compte les impacts cumulés de l'ensemble des activités. Un groupe de travail piloté par le commissariat général au développement durable vient de formaliser une note24 proposant des premiers éléments méthodologiques sur les effets cumulés en mer. Elle évoque cinq objectifs : 1) identifier les projets et les 20 21 22 23 24 Bas Adeline (2017) Analyse de la compensation écologique comme instrument d'internalisation et de lutte contre l'érosion de la biodiversité marine. Illustration par l'éolien en mer. Thèse Université de Bretagne occidentale Espèces qui modifient et structurent significativement leur environnement Vaissière A-C. (2014) Le recours au principe de compensation écologique dans les politiques publiques en faveur de la biodiversité : enjeux organisationnels et institutionnels, cas des écosystèmes aquatiques marins et continentaux La thèse compare deux formes organisationnelles pour la mise en oeuvre de la compensation écologique : les mesures compensatoires au cas par cas et les banques de compensation. Ministère de la transition écologique et solidaire ­ Commissariat général au Développement durable. (2017) Thema, Évaluation environnementale, premiers éléments méthodologiques sur les effets cumulés en mer. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 16/66 Rapport n° 010966-01 activités à considérer ensemble ; 2) établir un état initial dynamique en fonction des enjeux de la sous région marine ; 3) déterminer la capacité de charge25 du milieu naturel ; 4) agréger les effets de plusieurs projets et activités ; 5) établir un programme de suivi environnemental spécifique. Par ailleurs, une démarche complémentaire se met en place sur le sujet spécifique des impacts cumulés des parcs de production d'énergie marine (éoliennes, hydroliennes, énergie thermique des mers, etc). L'espace marin peut se concevoir comme un espace commun dans lequel certaines activités préexistent, mais également au sein duquel d'autres sont amenées à se développer. Cela va conduire progressivement à un nouvel équilibre des usages, avec trois objectifs : valoriser le potentiel et les services que la mer peut fournir à la population sur des fonctions essentielles (alimentation, production d'énergie notamment), permettre le développement d'activités économiques et garantir la qualité du milieu. Ce dernier objectif est, par ailleurs, une condition sine qua non de la réalisation des deux autres. Une approche collective et donc concertée est indispensable à l'élaboration de ce projet. Naturellement, certaines activités peuvent être (dans certains cas et de façon localisée) incompatibles entre elles et par ailleurs, au sein d'une même activité, la concurrence existe. Pour autant, si l'on veut respecter les trois objectifs précités et porter haut l'ambition de la France en matière maritime, l'équilibre final ne peut être le résultat que d'une approche collective et concertée, conduite par l'État garant de l'intérêt général, notamment quand il est propriétaire du domaine public maritime. 1.2.3. Quelle mutualisation ? Il est dans l'intérêt de tous, y compris du strict point de vue économique et en particulier dans un contexte budgétaire très contraint, que la recherche et la synthèse des connaissances soient mutualisées, pour qu'elles puissent bénéficier à l'ensemble des acteurs. La mutualisation des coûts d'étude, particulièrement importants en milieu marin, est en effet un moyen de diminuer le coût total des opérations et, au final, du service rendu. Si l'on considère par exemple le cas du développement des énergies marines souhaité par l'État qui a fixé des objectifs en la matière, la multiplication des études d'évaluation initiale de l'état du milieu par chacun des opérateurs concurrents est un surcoût évitable. Par ailleurs, certaines études faites sur compte privé appartiennent à l'entité qui les finance et ne peuvent bénéficier aux autres acteurs 26. Dans un autre registre, les données de pêche, même anonymisées, sont très difficiles à obtenir alors qu'elles sont une source importante d'information. On doit donc rechercher un maximum d'efficacité des crédits affectés à l'amélioration des connaissances et plus généralement à la préservation du milieu marin, et celle-ci passe notamment par un effort de mutualisation et de coordination. À cet égard, on ne peut que s'interroger sur la taxe éolienne en mer. L'article 1519B du code général des impôts (CGI) institue au profit des communes et des usagers de la mer une taxe annuelle sur les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent situées dans les eaux intérieures ou la mer territoriale. À l'origine, la taxe a été instituée par la loi de finances rectificative pour 2005 27 par parallélisme 25 26 27 La capacité de charge définit les limites de pressions ou d'impacts à ne pas dépasser dans différents compartiments de l'environnement pour ne pas compromettre l'atteinte ou le maintien du bon état écologique.(op. cit. 24). Ce n'est plus vrai des études d'impact et des évaluations environnementales que la loi sur la biodiversité exige de rendre publiques (Article L 123-19 du code de l'environnement). Loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 17/66 Rapport n° 010966-01 avec l'éolien terrestre, où les collectivités concernées percevaient notamment le produit de la taxe professionnelle. Cette taxe est acquittée, tous les ans, par l'exploitant de l'unité de production d'électricité. Son produit est affecté au fonds national de compensation de l'énergie éolienne en mer28. En 2010, sous la pression des pêcheurs, fortement éprouvés par la crise de 2007-2008, il a été décidé de flécher 35 % des crédits aux comités des pêches29, les 15 % restant étant affectés, à l'échelle de la façade maritime, au financement de projets concourant au développement durable des autres activités maritimes. La loi de finances pour 2016 a ensuite décidé d'affecter 5 % aux organismes de secours et de sauvetage en mer30 en difficulté financière, puis la loi de finances pour 2017 a fléché les 5 % restants pour l'agence française de la biodiversité31. Chacune de ces étapes s'inscrit dans un contexte de forte tension budgétaire et de recherche permanente de crédits permettant de sécuriser une activité dans le futur pour ce qui concerne cette taxe qui ne sera perçue qu'une fois la production d'électricité effective. Au final, la répartition de cette enveloppe financière, dont l'objectif est bien de concourir au développement harmonieux du territoire concerné (maritime et littoral) apparaît comme une répartition entre une série d'intérêts éventuellement concurrents, ce qui ne favorise pas l'émergence d'une responsabilité et d'une réflexion communes. Or la condition de la prise en compte de l'intérêt général repose sur la qualité de la concertation, dans laquelle il faut investir. Elle doit conduire à faciliter l'acceptation des projets, à les améliorer, à définir un programme d'acquisition de connaissances et un programme d'action d'accompagnement de chaque filière permettant de s'adapter au nouvel équilibre des activités de l'espace maritime. Bien que les ressources du fonds soient pré-affectées, le texte prévoit aujourd'hui que « les modalités de répartition, d'affectation et d'utilisation du produit de la taxe, la définition des catégories d'opérations éligibles et l'organisation du contrôle par L'État sont précisées par décret ». Ce décret doit permettre de réunifier le pilotage du fonds au sein des conférences de façade présidées par l'État. Ces instances auraient ainsi vocation à orienter et valider l'utilisation de ces crédits, à définir un programme d'action commun concernant les connaissances sur le milieu marin, leur diffusion, la diminution des impacts environnementaux des activités en mer, des programmes de gestion intégrée des zones côtières etc. Les frais nécessaires au bon fonctionnement de ces instances pourraient être pris en charge par le fonds. 28 29 30 31 Les ressources de ce fonds sont réparties conformément à l'article 1519 C du code général des impôts. Ces derniers, en situation financière fragile, représentent les intérêts de la profession, encadrent les pêcheries maritimes et participent activement à l'élaboration des réglementations françaises, européennes ou internationales applicables au secteur. Ils investissent pas ailleurs du temps dans la concertation. Le secours en mer est l'oeuvre des pouvoirs publics, notamment en matière d`alerte et de surveillance et d'associations et fondations agrées pour le secours, de la recherche et le sauvetage des personnes en détresse en mer. On peut d'ailleurs s'interroger sur le fait qu,il serait sans doute préférable qu'une taxe soit affectée à des objectifs plus en adéquation à son objet. Plutôt que d'affecter une partie du droit de francisation annuel sur les navires au conservatoire du littoral, une affectation de cette taxe à la SNSM aurait plus de sens, tandis qu'une partie de la taxe sur l'éolien aurait plus de sens à être affectée au conservatoire du littoral. Le rapport du CGEDD : Propositions de scénarios de financement des politiques publiques de préservation des ressources en eau, de la biodiversité et des milieux marins, juillet 2016 recommandait cette affectation. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 18/66 Rapport n° 010966-01 La mission ne peut que souhaiter que soit plus généralement abordée la question de la taxation des activités en mer et de la répartition de leur produit sur la base des principes qui fondent la légitimité des taxes environnementales32. En effet, cette taxe ne relève pas d'une logique de type « pollueur -payeur », puisque certaines activités comme la pêche qui ont un impact sur le milieu sont bénéficiaires, tandis que d'autres, dont les impacts sont avérés, comme la production de déchets ou la pollution chimique ne semblent pas devoir être taxés au profit de la protection des milieux qu'elles impactent. Il conviendrait de construire des prélèvements sur la base des bénéfices tirés des services écosystémiques(op. cit. 10 page 11) et, sauf à verser le produit des taxes au budget de l'État, ce qui correspondrait à l'application de la règle de non affectation 33, de répartir ce produit au prorata des efforts des opérateurs qui contribuent à la préservation de ces services écosystémiques. Dans le prolongement de cette réflexion, on peut se référer au rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), du CGEDD et du conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) de mars 2014 sur les redevances d'occupation du domaine public maritime naturel34. Le rapport émet plusieurs constatations et prend des positions : « · L'encadrement juridique des redevances ne tient actuellement pas compte des effets sur l'environnement. L'analyse économique ne fait pas ressortir d'éléments conduisant à privilégier une affectation particulière des redevances; en revanche, une affectation à des actions environnementales littorales ou marines serait un facteur d'acceptation sociale. · Une prise en considération des coûts environnementaux dans le montant des redevances apparaît justifiée pour les activités à impact modéré non soumises à taxe complémentaire spécifique, allant de pair avec une évolution juridique ou jurisprudentielle du concept de redevance domaniale. · Le rapport ne prend pas position en faveur d'une affectation particulière des recettes des redevances, mais fait observer l'argument de l'acceptation sociale [...] et la nécessité de consacrer les moyens nécessaires à la gestion d'un tel espace public sur lequel se concentrent autant de pression et d'enjeux environnementaux, culturels, économiques et sociaux. » Ainsi, cette réflexion conduite il y a quelques années et corroborée par le rapport du CGEDD(op. cit. 31 page 18) considère qu'il est légitime de revoir la redevance d'occupation du domaine public maritime eu égard aux impacts des activités qui y sont exercées sur l'environnement, et considère de plus qu'une affectation directe de cette augmentation à la préservation du milieu serait un facteur de son acceptation. 32 33 34 L'article 2.2 du règlement n°691/2011 du parlement européen et du conseil du 6 juillet 2011 relatif aux comptes économiques européens de l'environnement définit une « taxe environnementale » comme : une taxe dont l'assiette est une unité physique (ou une approximation d'une unité physique) de quelque chose qui a un impact négatif spécifique et avéré sur l'environnement, et qui est considérée comme une taxe par le [Système européen de comptabilité] SEC 95. La règle de non-affectation, interdit l'affectation d'une recette à une dépense déterminée. Elle implique de verser toutes les recettes dans une caisse unique où l'origine des fonds est indéterminée. Elle permet à l'autorité budgétaire de conserver son pouvoir de décision et de gérer les fonds publics en respectant les notions de solidarité et d'unité nationales. Source direction de l'information légale et administrative. Charpin J-M. et al. (2014) Les redevances d'occupation du domaine public maritime naturel et l'impact sur l'environnement Rapport IGF 2013-M-039/CGEDD 008883-01/CGAAER 13049 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 19/66 Rapport n° 010966-01 1.3. Assurer la cohérence entre la transition énergétique et la préservation des milieux marins Les enjeux liés au réchauffement climatique d'origine anthropique sont maintenant quasi universellement admis. Les engagements de la France, des États membres de l'Union européenne et de la plupart des pays du monde visent les économies d'énergie et le bannissement à relativement court terme de l'extraction et de l'utilisation des ressources carbonées fossiles. Par ailleurs la France, dont la production électrique est basée sur l'exploitation de l'énergie nucléaire, a décidé de limiter à 50 % le recours à cette source à l'horizon 202535. Il en résulte qu'un effort considérable sera consenti, dans les prochaines décennies, pour le développement de productions d'énergie, notamment électrique, à partir de ressources renouvelables. Ces ressources, essentiellement le soleil et le vent, plus marginalement les courants, la chaleur et les vagues, impliquent la mobilisation de grandes surfaces qui seront rapidement limitées sur les territoires continentaux. La production d'énergies renouvelables en milieu marin est donc appelée à se développer. La production d'énergie en mer, à partir d'installations posées sur le fond ou flottantes ancrées pose des questions en matière d`impact sur le milieu qui sont encore difficiles à objectiver. L'Europe dispose bien de retours d'expérience de l'exploitation du gaz et du pétrole en mer par les pays d'Europe du Nord, mais de nombreux points spécifiques, notamment des parcs éoliens et hydroliens, restent peu explorés. De nombreuses interrogations existent encore sur les sensibilités des espèces et habitats marins aux pressions générées par les activités humaines. Sans être exhaustif, on peut citer : · les effets des pollutions chimiques sur les espèces ; · la résilience et résistance des habitats marins et des espèces face aux différentes pressions ; · les impacts électromagnétiques des câbles de raccordement ; · les risques de collision des espèces, leur variabilité suivant les régions marines (oiseaux migrateurs, oiseaux plongeurs, mammifères marins...) ; · les effets du bruit sur la faune marine. Le développement récent des énergies renouvelables a poussé la commission européenne à revoir la directive sur les énergies renouvelables en 2016, la nouvelle version devrait être disponible en 2017. Des initiatives des États membres et des industriels voient le jour, avec notamment une déclaration36 sur les énergies renouvelables en Mer du Nord qui comporte un volet environnemental sous la forme d'un cadre commun d'évaluation environnementale. Enfin, le 18 mai 2017, une déclaration politique37 sur les énergies propres dans les îles a été signée dans le but d'en faire des lieux d'expérimentation de territoires utilisant 100 % d'énergie renouvelable. Cette dernière déclaration est en phase avec la loi de transition énergétique pour la croissance verte qui prévoit que les territoires français non interconnectés seront indépendants énergétiquement en 205038. L'urgence contenue dans les dates butoir des objectifs de la loi est contradictoire avec la faiblesse des connaissances sur les impacts des projets d'énergies renouvelables 35 36 37 Article 1, III de la Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte La politique énergétique nationale a pour objectifs : 5° De réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à l'horizon 2025. Political Declaration on Energy Cooperation between the North Seas Countries Political declaration on clean energy for_EU islands (final version 16/05/2017) Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 20/66 Rapport n° 010966-01 en mer. Une course entre l'innovation technologique et la connaissance des milieux, de leurs vulnérabilités, des pressions exercées par les projets et des impacts est en cours. Cette contradiction entre deux types d'actions de préservation de l'environnement ne doit pas être négligée, elle risque de ralentir la transition énergétique sans pour autant permettre la mise en oeuvre de mesures ERC pertinentes. Les conflits entre les parties prenantes sont cristallisés autour des impacts, lesquels sont actuellement difficiles à objectiver. Le choix des sites pour le développement des parcs éoliens et hydroliens est l'objet de nombreux recours dont une partie s'explique par l'insuffisance de la prise en compte en amont des enjeux environnementaux39. Ce genre de situation engendre in fine de nombreuses frustrations : les associations de protection de l'environnement craignent des impacts sur les milieux, les usagers de la mer ont peur de perdre la jouissance d'un espace jusqu'ici libre, les industriels souhaiteraient innover et rencontrent de nombreux obstacles sur leur chemin, les chercheurs ont l'impression de courir après le temps faute d'anticipation sur les questions à résoudre et les pouvoirs publics, piégés par l'urgence, doivent arbitrer entre plusieurs impacts environnementaux difficiles à apprécier avec précision. La mission a pu constater que des initiatives sur le terrain étaient en cours avec notamment la création de France énergies marines40. Cette structure de partenariat public-privé créée sous la forme d'un groupement d'intérêt public coordonne et soutient des recherches sur les énergies marines. Sa mission est de stimuler la compétitivité française de la filière des énergies marines renouvelables (EMR), en apportant son soutien aux secteurs éolien offshore fixe et flottant, hydrolien, houlomoteur et thermique marin. Elle a obtenu en 2012 le soutien du programme des investissements d'avenir pour un montant de 34 M, son budget consolidé est de 130 M pour neuf ans. Si une part importante est consacrée aux technologies des énergies marines ou aux aspects environnementaux qui gouvernent le choix de sites favorables sur le plan de l'énergie produite, un des volets intitulé Impacts environnementaux et socioéconomiques, doté de 4 M, s'intéresse aux impacts. Si la mission se félicite du dynamisme de France énergies marines et considère que son apport à la connaissance des impacts est appréciable, elle a pu constater un malaise généralisé au sein des pouvoirs publics confrontés à la prise de décision. Au delà des remarques générales sur le manque de connaissances et l'impréparation des pouvoirs publics face à des dossiers complexes et nombreux, il a souvent été évoqué la nécessité de disposer d'un référent qui serait en capacité d'appuyer les pouvoirs publics. L'agence française de la Biodiversité a été citée, avec parfois des craintes que ses moyens ne soient pas à la hauteur des besoins, ainsi que l'Ifremer, dont la compétence est unanimement reconnue mais dont les exigences en matière de financement sont jugées inaccessibles par les services publics41 ou bien que sa mission auprès des opérateurs empêche de fournir un avis à l'État. Il conviendrait de coordonner l'expertise indépendante et multidisciplinaire sur les impacts des énergies marines renouvelables, sous l'égide de l'agence française de la 38 39 40 41 Article 1, III de la Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte La politique énergétique nationale a pour objectifs : 8° De parvenir à l'autonomie énergétique dans les départements d'outre-mer à l'horizon 2030, avec, comme objectif intermédiaire, 50 % d'énergies renouvelables à l'horizon 2020. De fait la planification du développement de l'éolien en mer n'a pas fait l'objet d'une évaluation environnementale stratégique. http://www.france-energies-marines.org/ Il ne s'agit en aucun cas d'une critique, vis-à-vis de l'institution qui applique ce qui lui est demandé par ses tutelles, en l'occurrence de développer une recherche d'excellence largement autofinancée par des contrats. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 21/66 Rapport n° 010966-01 Biodiversité, afin de renforcer la cohérence des évaluations environnementales des projets. Ainsi devrait-il être possible de progresser rapidement sur : · des données inter-comparables · le développement des outils méthodologiques opérationnels intégrant les différentes dimensions de l'équivalence (écologique, géographique, économique et sociale), en s'appuyant sur les nombreux travaux de recherche pluridisciplinaire en France et à l'étranger 42 · la validité des méthodes de suivi et de cohérence entre projets · la pertinence des zones d'études dans l'étude d'impacts · l'évaluation de l'efficacité des mesures ERC mises en place · les suivis environnementaux des impacts · la cohérence des préconisations et suivis environnementaux · la pertinence de certaines mesures à être mises en place à une échelle plus large. La mission a également constaté une relative faiblesse de la capacité de l'État à endosser un rôle de stratège pour le développement des énergies marines. Les industriels, que la mission a interrogés sur la manière dont ils abordaient les mesures ERC ont le plus souvent déploré l'impossibilité de privilégier l'évitement dans la mesure où les sites d'implantation étaient fixés à l'avance sans évaluation environnementale stratégique. Les associations ont également critiqué les choix de sites pour lesquels les services de l'État n'ont pas pu convaincre que des études environnementales préalables avaient été mises en oeuvre de façon satisfaisante. La mission a aussi noté que le volet environnemental des appels à propositions n'était pas placé au bon niveau de priorité. La mission a également pris connaissance des avis de l'Autorité environnementale du 6 avril 201643 sur les parcs hydroliens pilotes du Raz Blanchard et d'une de leurs recommandations : Dès lors que le projet sera financé par un montant important de crédits publics, l'Ae recommande à l'État le respect, par les maîtres d'ouvrage, des critères de l'AMI relatifs à la mesure et à la maîtrise des impacts des hydroliennes sur l'environnement marin. Elle recommande également à l'État de préciser comment il considérera que ses objectifs seront atteints, de façon proportionnée au soutien qu'il apporte aux projets, et les modalités de publication des résultats du suivi environnemental des projets. La mission n'a pas trouvé de trace de la réponse de l'État à l'Autorité environnementale44. De fait, l'Ae a pointé un dysfonctionnement qui peut avoir des conséquences importantes. Les appels à manifestation d'intérêt lancés par l'État pour développer des projets pilotes ne font pas l'objet de la vigilance qui serait nécessaire pour s'assurer que ces expérimentations sont susceptibles d'apporter des connaissances sur les impacts environnementaux. Le président de l'Ae a d'ailleurs, à l'occasion de la publication de cet avis, alerté l'Ademe sur l'importance de respecter la mise en oeuvre du volet Mesurer et maîtriser l'impact sur l'environnement marin de l'appel à manifestation d'intérêt sous la responsabilité de l'Agence. 42 43 44 Cf. Ronan Dantec, groupe Écologiste, sénateur de Loire-Atlantique. Compensation des atteintes à la biodiversité : construire le consensus. Rapport de la commission d'enquête sur les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d'infrastructures. Sénat, rapport n°517 (2016-2017) Avis délibérés du 6 avril 2016 Normandie-Hydro et Nepthyd L'Autorité environnementale a reçu en revanche un mémoire en réponse très complet de la société Engie qui porte le projet Netphyd et souligne affirme à nouveau qu'[elle] est prêt[e] à fournir ses meilleurs efforts pour mutualiser [l]e suivi avec l'autre lauréat de l'AMI, i.e. le projet Normandie Hydro. Ceci permettra ainsi de prévoir un suivi plus ambitieux et d'appréhender également les interactions entre les deux projets. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 22/66 Rapport n° 010966-01 Pour la mission, il importe de restaurer le rôle de stratège de l'État sur ce domaine complexe dont les enjeux, en termes d'énergie, de lutte contre le réchauffement climatique, de biodiversité et de compétitivité des entreprises de l'économie verte sont majeurs. Les actions des établissements publics doivent être coordonnées afin de garantir que les nécessaires développement technologiques avancent de pair avec les progrès des connaissances en écologie qui permettent la bonne mise en oeuvre des mesures ERC. Le lien avec la planification devrait permettre d'améliorer le choix des sites et la caractérisation de l'état initial. Lors de sa visite à la direction générale de l'environnement de la commission européenne, il a été montré à la mission que certains États membres agissaient en amont des projets afin de fournir un cadre clair pour les industriels. La Belgique, par exemple, finance la surveillance sur fonds publics et a mis en place un système de redevance pour l'usage du milieu marin qui permet de financer un ambitieux programme de surveillance. Les Pays-bas procèdent de façon hiérarchisée en réalisant une évaluation environnementale stratégique au niveau national, puis des évaluations environnementales stratégiques régionales avant les études d'impact au niveau des projets. Toutefois, si l'on veut réussir le développement des énergies marines dans des délais raisonnables (notons que les premiers appels d'offre éolien, lancés après plusieurs années d'études, datent de 2011 et que les parcs correspondant seraient en service à l'horizon 2021), il faut admettre, même si l'on investit dans la connaissance, qu'il faudra parfois avancer sans connaître parfaitement les impacts des projets, ni les effets des mesures de réduction ou de compensation préconisées. Il faut aussi pouvoir développer des expérimentations en dehors du cadre des autorisations actuelles, mais avec un contrôle strict des impacts éventuels en concertation avec toutes les parties prenantes et en s'appuyant sur un parangonnage international, pour tester des projets pilotes tant sur leurs aspects techniques que sur leurs effets écologiques. Par ailleurs, ce sont aussi les études de suivi des impacts et des mesures ERC qui feront progresser la connaissance à condition d'organiser le suivi et le retour d'expérience de façon rigoureuse. Le développement des énergies marines, mais aussi d'autres activités en mer, porte avec lui la prise d'un certain nombre de risques vis-à-vis de l'environnement qui, s'ils doivent être atténués, ne peuvent être totalement annulés. Face à cette évidence, il faut renforcer la concertation et la transparence qui sont les garants de l'acceptabilité des projets, et donc, au final, de leur réalisation dans les meilleures conditions de qualité, de délais et de coût. La concertation doit se faire à l'échelle des façades et selon les cas à une échelle plus locale le plus en amont possible. Elle doit permettre à chacun des acteurs de comprendre le point de vue de l'autre, mais elle doit aussi permettre, sur des sujets complexes faisant souvent l'objet de connaissances partielles, voire discordantes, de doter les acteurs de références scientifiques communes et de s'approprier des résultats nouveaux et de suivre les retours d'expérience. La confiance sociale émergera quand chacun aura pu exprimer son point de vue et obtenir des réponses claires à ses questions. Adeline Bas a montré dans sa thèse(op. Cit. 20 page 16) qu'en ciblant certaines composantes du milieu naturel, les mesures ERC et d'accompagnement peuvent en partie répondre à des attentes émises par les populations présentes sur le territoire d'implantation du projet. Il importe donc que les projets ne soient pas présentés sous une forme quasi définitive mais rester susceptibles d'évolution significative. Le compromis entre besoin d'innover, limitation des impacts sur le milieu et prise en compte des attentes sociales pourra passer par l'ajout de mesures de compensation qui répondent aux besoins des parties prenantes, en plus de celles qui visent l'absence de perte nette de biodiversité. Ces mêmes Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 23/66 parties prenantes devront, bien évidemment être associées à la surveillance des sites, participer aux discussions sur les enseignements tirés des retours d'expérience et aux décisions ultérieures. Par ailleurs, l'État doit veiller à jouer le rôle d'intégrateur des différents politiques publiques sectorielles qui se déroulent en mer : biodiversité, énergie, transport maritime, pêche et cultures marines, tourisme, extraction de matériau et de minerai. Il doit permettre non seulement la conciliation des usages, mais aussi garantir la protection du milieu naturel. La concertation doit permettre cette intégration. Ainsi, le rôle de l'État stratège doit pleinement intégrer la nécessité de mettre en oeuvre et de piloter la concertation aux différentes échelles territoriales pertinentes (nationales, façade et locale). Le cadre principal de celle-ci peut être celui de la planification. Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 24/66 1.4. Recommandations du chapitre 1 La mer est un milieu vulnérable, producteur de nombreux services écosystémiques qu'il convient de protéger dans une logique de bien commun. La mission souhaite, en conclusion de ce chapitre formuler quelques recommandations qui concernent le renforcement de la prise en compte du milieu marin au niveau local, la réforme de l'affectation des redevances pour occupation du domaine maritime, et l'affirmation du rôle de stratège de l'État pour le développement des énergies marines. 1. Intégrer au Coderst des départements maritimes des compétences sur le milieu marin et y associer les agences de l'eau pour intégrer les enjeux environnementaux à l'échelle du bassin versant et de son débouché maritime ; développer des outils opérationnels en direction des collectivités pour mettre en place des démarches territoriales d'amélioration de la qualité des milieux marins. (Préfets, Cerema) 2. Réaffirmer le caractère de bien commun du domaine public maritime et se donner les moyens de mieux financer la connaissance et la préservation du milieu marin. Pour cela, réunifier le pilotage du fonds national de compensation de l'énergie éolienne en mer au sein des conférences de façade et ajuster à la hausse les redevances d'occupation du domaine public maritime pour affecter ce produit complémentaire au milieu marin. (Deb, CGDD) 3. Rendre publiques toutes les études d'impact et les données anonymisées concernant le milieu marin ; mutualiser, par une prise en charge publique en amont, le coût des études non spécifiques à un projet ou à un opérateur. (DGEC, DPMA, Deb, AFB) 4. Réaffirmer le rôle de stratège, de coordinateur et d'initiateur de la puissance publique par une planification en amont des sites favorables aux énergies marines basée sur des évaluations solides, un effort d'innovation et d'expérimentation, le renforcement des exigences environnementales dans les appels d'offres, une concertation tout au long des processus de décision et l'obligation de suivi des projets réalisés. (DGEC, Deb, Ademe) Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 25/66 2. Accroître le support scientifique et technique des acteurs Le manque de connaissances sur le milieu marin étant l'une des difficultés majeures à la bonne mise en place de la séquence ERC, la mission dresse un bref panorama des besoins et des acteurs en présence et formule des recommandations pour améliorer la coordination des recherches ainsi qu'une meilleure diffusion des connaissances au sein des services instructeurs. 2.1. Des connaissances sur le fonctionnement du milieu marin à approfondir et des méthodologies à homogénéiser De façon générale, la méconnaissance du milieu marin reste un frein pour la mise en oeuvre de la directive cadre Stratégie pour le milieu marin(op. cit. 8 page 9). Pour accéder à une évaluation fiable des impacts des activités maritimes, de nombreuses connaissances doivent être complétées sur la distribution et les effectifs des espèces, la répartition des habitats, les rythmes saisonniers, la sensibilité écologique face aux pressions, les paramètres qui régissent les processus écologiques, les zones fonctionnelles des espèces halieutiques... Il est donc nécessaire de renforcer ces connaissances pour mieux cerner les liens entre pressions et impacts sur le milieu marin. Les énergies marines renouvelables représentent une véritable opportunité de développement des connaissances dans les trente prochaines années, sur la meilleure connaissance des courants, des migrations d'oiseaux, de mammifères marins et de poissons, de réactions du milieu marin aux différentes types de fondations ; d'où l'importance aussi des suivis des projets pendant la phase de construction et la période d'exploitation. Dans certains cas, des groupements d'intérêts scientifiques sont installés, permettant le développement des connaissances et les échanges d'expériences (cf. présentation de France Énergies marines page 21). Néanmoins, il conviendrait que l'ensemble de ces données puisse être partagées et portées à la connaissance des autres porteurs de projets. De façon générale, ainsi que l'ont souligné les représentants des grands ports maritimes rencontrés par la mission, ce n'est pas tant le manque de données qui pose le, plus grand problème pour les porteurs de projets ou opérateurs, même si celles-ci restent éparpillées, mais le manque de connaissance de la dynamique des écosystèmes marins, le fonctionnement de la chaîne trophique ou sur les différents types d'impact (bruit, turbidité...). Ce manque de connaissances est relevé par les associations de protection de l'environnement. D'ailleurs, la question est souvent posée de savoir si, finalement, la réalisation de l'état initial ne devrait pas être réalisée par l'État comme dans certains pays d'Europe (Allemagne, Belgique, notamment), puisque la démarche ERC ne peut qu'être sous tendue par cette connaissance des milieux. La définition des mesures de suivi est très hétérogène dans les arrêtés d'autorisation et la réalité de leur mise en oeuvre interrogée. Il convient de développer des outils de dimensionnement de la compensation, des méthodes de cadrage, de contrôle et de suivi (indicateurs et protocoles standardisés) et de définir un référentiel commun pour travailler sur les effets sur le milieu marin. De Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 26/66 tels outils existent pour les milieux aquatiques d'eau douce. Cependant en milieu marin, seule la méthode Merci-cor45 propose des règles de dimensionnement spécifiques aux écosystèmes coralliens. Dans le cadre de sa nouvelle configuration, l'AFB pourrait contribuer à proposer un cadre général de compensation en milieu marin et piloter la réalisation de guides adaptés aux différents types d'écosystèmes marins, incluant les méthodes de suivi indispensables pour évaluer l'efficacité des mesures. De même, la classification nationale des mesures d'évitement, de réduction, de compensation et d'accompagnement, confiée par le CGDD au Cerema, pourrait fournir un cadre national permettant de distinguer les mesures qui relèvent de la compensation ou de l'accompagnement. Cette distinction est en effet essentielle puisque les mesures compensatoires doivent être adaptées et dimensionnées aux impacts résiduels du projet, faire l'objet d'un suivi rigoureux et d'une garantie de résultat.. En outre, il demeure un certain nombre de lacunes de définition pour une bonne mise en oeuvre de la réglementation environnementale concernant les usages en mer : · la notion d'impact significatif, pour lesquels aucun seuil n'est défini, cela étant laissé à l'appréciation des maîtres d'ouvrages et services instructeurs. Pourtant, cette notion d impact significatif est cruciale puisqu'elle conditionne la mise en oeuvre de mesures correctives, voire compensatoires ; · l'analyse des impacts cumulés des activités : la situation actuelle révèle quelques lacunes, puisque ne sont pris en compte, en droit français, que les projets dont l'étude d'impact a été déposée, mais pas les projets connus, mais dont l'instruction n'a pas débuté. Plusieurs acteurs de terrain ont déploré la disparition des financements du Ministère de la transition écologique et solidaire, notamment du programme de recherches Liteau 46. Le choix du ministère de préserver les financements de ses établissements publics au détriment de la capacité d'orientation et de valorisation des recherches de la direction de la recherche et de l'innovation, dans un contexte de restrictions budgétaires, devrait être à cet égard analysé. Le Grenelle de l'environnement avait prévu un vaste programme d'acquisition des connaissances en mer47 qui n'a jamais été lancé. Le colloque Transition écologique : pour une interaction entre politiques publiques et recherches finalisées48 organisé par le ministère les 5 et 6 juillet 2016 a montré qu'une recherche finalisée en appui aux politiques publiques originale avait été active jusqu'à la fin des années 2000. Force est de constater que l'auto-organisation des recherches au sein du réseau scientifique et technique sur les sujets d'actualité du ministère n'a pas la même capacité d'anticipation qu'un service au contact à la fois du monde scientifique et des directions opérationnelles. La mission ne peut que souhaiter que la réflexion amorcée en 2016 se poursuive et que des conséquences en soient tirées pour ce qui concerne la recherche sur le milieu marin. La diffusion des retours d'expérience sur les projets passés et en cours permettrait également d'améliorer les connaissances, moyennant une analyse fine de ce qui est transposable aux projets futurs. L'exemple du Royaume-Uni où une base de 45 46 47 48 Programme de recherche 2016-2020 entre le ministère de la transition énergétique et solidaire et l'Ifrecor. http://www1.liteau.net/ voir aussi Baron N. (2017) Politique publique du littoral et recherche finalisée: des pratiques et concepts en co-évolution. Nature, sciences et sociétés 25. Il s'agissait déjà d'anticiper sur les besoins de connaissance liés au développement des énergies marines renouvelables. Jollivet M. et al. (2017) Pour une recherche en appui à l'action publique : leçons de l'expérience du ministère de l'environnement (1990­2016) Nature, sciences et sociétés 25, supplément 2017. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 27/66 Rapport n° 010966-01 connaissances rassemble toutes les informations sur les projets existants 49 mériterait d'être suivie. En France, d'après nos interlocuteurs, certaines informations sont disponibles mais les sources sont dispersées. La mise en place par l'agence française de la biodiversité d'un portail unique de la connaissance, notamment en application de l'article 123-5 du code de l'environnement50 mais sans le limiter aux mesures de compensation serait une source majeure d'amélioration du retour d'expérience sur les mesures ERC en mer. 2.2. Des capacités d'expertise et de recherche dispersées 2.2.1. L'agence française pour la biodiversité51 (AFB) Héritière, pour ce qui concerne le milieu marin, de l'agence des aires marines protégées, l'agence française pour la biodiversité (AFB) mise en place au 1 er janvier 2017 participe à l'acquisition de connaissances sur le milieu marin, aux suivis et diagnostics des eaux françaises et des aires marines protégées. Elle est chargée de la mise en place du système d'information sur les milieux marins. En matière d'espaces protégés, elle gère en direct les parcs naturels marins, la moitié des sites Natura 2000 en mer, le sanctuaire de mammifères marins Agoa 52 aux Antilles. Elle s'appuie sur des instances de gouvernance locales auxquelles elle apporte des moyens humains et techniques ainsi que son expertise. Elle délivre également un appui technique et financier aux autres gestionnaires (sites Natura 2000, parcs nationaux et réserves avec partie marine...) et à tous les acteurs et autorités impliqués dans la création et la gestion d'aires marines protégées en métropole et outre-mer. Elle dispose d'antennes sur les différentes façades du littoral ainsi qu'en outre-mer. D'une manière générale, l'AFB contribue au développement des connaissances en orientant et soutenant des projets de recherche. Grâce aux savoirs produits, elle crée des outils comme des guides techniques, des protocoles, des portails documentaires, etc. Dans l'ensemble des documents produits par l'AFB, la dimension « mer et littoral » est clairement affichée, qu'il s'agisse de la production de connaissance, du soutien à la recherche et aux politiques publiques (soutien à la mise en oeuvre de la directive cadre Stratégie pour le milieu marin notamment). Cependant, les différents échanges que la mission a pu avoir dans les territoires montrent que si le volet « marin » de l'agence est bien identifié, son rôle semble davantage perçu en tant qu'établissement gestionnaire d'espace protégé qu'en tant que pôle d'expertise et centre de ressources au service des responsables publics. Ainsi, l'avis de l'AFB sur les projets marins ou littoraux ayant un impact environnemental n'est actuellement obligatoire que lorsque le projet se situe dans l'emprise des parcs marins. Dans les autres cas elle est parfois sollicitée, selon le Un site internet unique (https://infrastructure.planninginspectorate.gov.uk/) recense toutes les connaissances sur les projets qui existent au Royaume-Uni. 50 Art. L. 163-5 du code de l'environnement : Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité définies au I de l'article L. 163-1 sont géolocalisées et décrites dans un système national d'information géographique, accessible au public sur internet. « Les maîtres d'ouvrage fournissent aux services compétents de l'Etat toutes les informations nécessaires à la bonne tenue de cet outil par ces services. » 51 L'agence française pour la Biodiversité est un établissement public du ministère de la Transition écologie et solidaire. Elle exerce des missions d'appui à la mise en oeuvre des politiques publiques dans les domaines de la connaissance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité des milieux terrestres, aquatiques et marins. Elle vient en appui aux acteurs publics mais travaille également en partenariat étroit avec les acteurs socio-économiques. Elle a aussi vocation à aller à la rencontre du public pour mobiliser les citoyens en faveur de la biodiversité. 52 Sanctuaire Agoa, aire marine protégée dédiée aux mammifères marins dans les Antilles françaises 49 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 28/66 niveau de connaissance des agents de l'administration. S'agissant de projets parfois conflictuels, en particulier sur le volet environnemental, les relations entre l'agence, les services instructeurs et l'autorité préfectorale peuvent se retrouver tendues. Pour qu'elle joue pleinement son rôle, le positionnement de l'AFB gagnerait à être clarifié : établissement public, l'agence doit pouvoir apporter son expertise en toute indépendance et ses avis, qui devraient être systématiques pour tout projet faisant l'objet d'une étude d'impact en mer, devraient être rendus publics. Ce rôle éminent que la mission souhaite pour l'Agence implique qu'elle se situe strictement dans une logique d'expertise et d'éclairage de la décision et non pas dans une logique de décision publique. La mission considère que l'autorité environnementale devrait saisir de façon systématique l'AFB sur les projets, plans ou programmes concernant le milieu marin et littoral et que ses contributions soient systématiquement rendues publiques. Il serait également souhaitable que l'AFB soit reconnue comme l'établissement public de référence en matière d'écologie marine et soit associée en amont à la conception des politiques de développement des usages en mer, notamment le développement des énergies marines. 2.2.2. L'Ifremer L'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle conjointe des ministères de la transition écologique et solidaire et de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Ses missions, depuis sa création en 1984, sont : · connaître, évaluer et mettre en valeur les ressources des océans et permettre leur exploitation durable ; · améliorer les méthodes de surveillance, de prévision, d'évolution, de protection et de mise en valeur du milieu marin et côtier ; · favoriser le développement économique du monde maritime. La recherche de l'Ifremer vient en appui au déploiement des politiques maritimes, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre de la directive cadre sur l'Eau (op. cit. 12 page 14), de la directive cadre Stratégie pour le milieu Marin (op. cit. 8 page 9), des politiques sanitaires et zoosanitaires, de la politique commune des pêches 53, de l'aquaculture ou encore de la stratégie nationale en matière de biodiversité54. Si l'établissement est impliqué au niveau national dans la mise en oeuvre de la politique européenne, sa présence aux côtés des opérateurs de l'action publique locale n'est pas de même nature. Au niveau local, les personnes rencontrées par la mission ont toutes déploré la faible disponibilité de l'Ifremer pour fournir aux services de l'État l'expertise dont ils ont besoin sur les projets. Le modèle économique de l'Ifremer, qui doit largement se financer sur des ressources propres, le rend inaccessible aux services déconcentrés. Par ailleurs, l'Institut, qui exerce aussi une activité d'expertise en direction des opérateurs privés, peut être sollicité pour avis sur certains projets sur lesquels il intervient lui-même comme conseil, ce qui rend sa position délicate. L'Ifremer ne paraît pas pouvoir être l'établissement scientifique de référence au service de l'État instructeur. Il n'en reste pas moins que son rôle éminent en matière de production de connaissances est capital pour le progrès de la préservation de 53 54 Règlement (UE) n° 1380/2013 du parlement européen et du conseil du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche Ministère de la transition écologique (2011) Stratégie nationale pour la biodiversité Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 29/66 Rapport n° 010966-01 l'environnement marin. Pour la mission, ce rôle, notamment son appui scientifique et méthodologique sur les mesures ERC en mer, devrait être renforcé, à travers son contrat d'objectifs. 2.2.3. Le Cerema Créé le 1°er janvier 2014 , le Cerema (centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité) a réuni une bonne partie du réseau scientifique et technique du ministère de la transition écologique et solidaire 55. À ce jour, la prise en compte de la dimension maritime au Cerema n'est pas encore claire. Les directions territoriales qui sont au service des services de l'État et des collectivités locales observent que le secteur maritime est effectivement en développement et que le besoin d'expertise en ingénierie est important. Dans ce domaine, les compétences du Cerema relèvent principalement de l'ancien Cetmef, qui, dans son volet maritime, s'était notamment spécialisé sur l'aménagement et l'exploitation portuaires. Disposant d'une capacité d'ingénierie en matière cartographique et d'une bonne présence territoriale, le Cerema a été chargé d'apporter un appui technique lors du lancement des appels d'offre éoliens en mer. Il a réalisé un travail de collecte des données en vue de la planification des énergies marines : données environnementales (zones Natura 2000, parcs marins, arrêtés de protection de biotope), données techniques (vent, bathymétrie, courants, houle, etc) , données sur les activités et usages : trafic maritime, navigation et sécurité maritime, activités de défense... La superposition de ces zonages a permis d'identifier les secteurs potentiels 56. Dans la continuité, il suit, pour le compte de la direction générale énergie climat, les études techniques menées au large de Dunkerque (troisième appel d'offres en cours) et apporte un appui local aux services instructeurs sur les projets éoliens en mer. Ces avis ont porté sur les impacts physiques liés aux fondations, les apports en substance des anodes sacrificielles57 prévues pour prévenir la corrosion des fondations, mais aussi sur la biologie du benthos et les mammifères marins. Le Cerema est très impliqué au niveau national dans l'ensemble de la séquence ERC dans la méthodologie et la diffusion des bonnes pratiques en appui du commissariat général au développement durable et de la direction de l'eau et de la biodiversité. Il a notamment établi une classification nationale des mesures d'évitement, de réduction et de compensation58 et a été également impliqué dans la rédaction des lignes directrices nationales sur la séquence ERC(op. cit. 3 page 6). Il dispose d'expertise et d'expérience sur les milieux humides, l'évaluation des incidences environnementales ou encore la compensation écologique. Il a ainsi apporté un appui en matière d'évaluation environnementale sur les documents de planification tels les plans d'action pour le milieu marin et devrait poursuivre pour les documents stratégiques de façade. Il est aussi membre de tous les groupes de travail nationaux qui concernent la séquence ERC en mer ou les questions relatives aux énergies marines : travaux animés par le commissariat général au 55 56 57 58 Les huit centres d'études techniques de l'Équipement (Cete) ; le centre d'études sur les Réseaux, les Transports, l'Urbanisme et les Constructions publiques (Certu) ; le centre d'études techniques, Maritimes et Fluviales (Cetmef) et le service d'études sur les Transports, les routes et leurs aménagements (Setra). Ces informations sont visualisables sur le site géolittoral au sein de la rubrique « énergies marines renouvelables » Une anode sacrificielle est une pièce de métal, souvent un alliage de zinc, de magnésium et d'aluminium, très oxydable qui va s'oxyder à la place du métal que l'on souhaite protéger de la corrosion. Classification nationale des mesures d'évitement, de réduction et de compensation, mars 2017, Cerema Centre-Est Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 30/66 Rapport n° 010966-01 développement durable ayant conduit à la rédaction de la note synthétique sur les effets cumulés en mer(op. cit. 24 page 16), travaux sur l'évaluation des impacts liés aux câbles sous marin59, travaux sur les impacts environnementaux des activités anthropiques en Atlantique Nord Est au sein d'Ospar60. Par ailleurs, l'unité mixte de recherche en acoustique environnementale que le Cerema forme avec l'Ifsttar61 commence des travaux de recherche sur le bruit en milieu marin et ses effets sur la faune marine, notamment sur les cétacés. C'est un sujet sensible et régulièrement cité par tous les acteurs comme manquant de référence. Il poursuit son investissement sur le sujet maritime, sur la séquence ERC, il serait utile qu'il classifie les mesures ERC spécifiques au milieu marin et étende la démarche de recensement des mesures compensatoires GéoMCE62 aux projets concernant le milieu marin. Dans le prolongement de ce qui a été vu au chapitre 1 page 9, deux principaux axes de travail méritent d'être approfondis compte tenu des missions habituelles du Cerema : · l'approfondissement de la recherche sur l'écoconception des ouvrages (infrastructures portuaires, fondations offshore, etc) ; · la gestion intégrée des zones côtières, permettant d'apporter aux collectivités un appui au développement de tels projets. Le projet stratégique du Cerema 2015-2020 ne définit pas clairement les orientations en matière maritime et d'écologie marine auquel cet établissement pourrait contribuer. La préparation du prochain projet stratégique pourrait sans aucun doute y apporter une réponse, rendant plus lisible les orientations en ce domaine et orientant les moyens humains63 vers les productions en appui de la politique maritime nationale. 2.2.4. La recherche académique La mission ne saurait ici faire l'inventaire des dynamiques de recherche concernant les écosystèmes marins. Toutefois, sur le sujet spécifique de la séquence ERC, une communauté de chercheurs répartis dans divers organismes est particulièrement active et précieuse. Le laboratoire d'excellence Cemeb64 pilote des recherches sur la dynamique et le fonctionnement de la biodiversité et des écosystèmes dans un contexte de changements environnementaux. Cemeb est en lien étroit avec les services de l'État et de la Région Occitanie et a organisé récemment (les 30 et 31 mars 2017) un colloque sur ERC réunissant tous les acteurs. La communauté scientifique 59 60 61 62 63 64 Projet de recherche RTE en cours de lancement Ospar (Oslo-Paris) est le mécanisme par lequel quinze gouvernements et l'Union européenne, coopèrent pour protéger l'environnement marin de l'Atlantique du Nord-Est. Ifsttar : L'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux est un établissement public à caractère scientifique et technologique. L'Ifsttar conduit des travaux de recherche finalisée et d'expertise dans les domaines des transports, des infrastructures, des risques naturels et de la ville pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens et plus largement favoriser un développement durable de nos sociétés. Il s'agit du recensement des mesures compensatoires, conséquence de la loi sur la biodiversité, développé conjointement par le CGDD et le Cerema qui sera rendu public au cours de l'année 2017. La mission a noté que des productions importantes pour la mise en oeuvre de la directive cadre Stratégie pour le milieu marin, comme l'atlas géomorphologique des côtes, accusaient des retards importants. Centre méditerranéen environnement et biodiversité : laboratoire d'excellence de l'Université de Montpellier, de Montpellier SupAgro, du CNRS, de l'Inra, du Cirad, de l'IRD, de l'Ifremer, de l'école pratique des hautes Études et de l'institut national de Recherches Archéologiques préventives Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 31/66 Rapport n° 010966-01 témoigne du souci d'alimenter les interactions recherche-aménageurs et de diffuser ses travaux. Au sein de Cemeb, un réseau de chercheurs est particulièrement actif sur le sujet ERC en mer. Il est composé notamment de Sylvain Pioch et Charlotte Bigard ((Université Montpellier 3 ; UMR Cefe, CNRS), Adeline Bas, Julien Hay, Céline Jacob et Pierre Scemama (Ifremer Brest ; UMR Amure-UBO), Harold Levrel (AgroparisTech) et Anne Charlotte Vaissière (Lameta, Université Montpellier). Les travaux de ces chercheurs, économistes, géographes ou biologistes portent sur les aménagements en mer, leurs impacts écologiques, les modalités de compensation, la gouvernance mise en oeuvre autour de la gestion de l'espace maritime et de la compensation écologique. Les études de cas concernent la France et l'étranger : Floride, Californie, Japon, Mer du Nord, etc. Cette communauté de chercheurs a beaucoup apporté aux travaux de la mission. Outre une discussion approfondie, plusieurs contributions nous sont parvenues, dont une est publiée65. Cette réflexion est à l'origine, ou vient conforter beaucoup des réflexions et recommandations du présent rapport. La communauté scientifique s'associe très utilement avec des experts de bureaux d'études, tels Biotope ou Créocéan, ce dernier ayant par ailleurs co-financé 66 la thèse de Céline Jacob sur la mise en oeuvre de la séquence ERC en mer (op. cit. 5 page 6), pour développer sa propre expertise. Un résultat pratique de la thèse est l'outil Mitimed 67 qui a été développé pour évaluer et dimensionner les besoins en termes de compensation écologique en milieu marin. Selon Créocéan : L'outil MitiMed a l'avantage de quantifier les pertes et les gains en terme de fonctionnalité des écosystèmes marins, d'identifier les habitats ou les espèces vers lesquels prioriser les efforts, et de proposer une méthode quantitative, justifiée et justifiable de dimensionnement des mesures ERC. Il donne aussi des objectifs à atteindre en prenant en compte la durée de mise en place des mesures compensatoires, leur développement dans le temps, les risques inhérents à la fiabilité des mesures compensatoires (en particulier liés aux techniques de restauration des milieux qui sont loin d'être maîtrisées). 2.2.5. Les autres établissements Les agences de l'Eau, comme on l'a vu dans la première partie, sont responsables de l'amélioration de la qualité des masses d'eau terrestre mais aussi de la qualité de l'eau in fine rejetée en mer. Leur rôle est tout à fait primordial dans l'amélioration de la qualité du milieu et des écosystèmes marins. Elles doivent être associées à l'amélioration des connaissances, en particulier dans le domaine de l'anticipation des pollutions diffuses venant de la terre et qui impactent les ports de pêche, plaisance et commerce par une plus grande contamination des sédiments portuaires, dont il est difficile de cerner la part revenant des processus portuaires de celle relevant du milieu urbain ou agricole. Sur le volet spécifique des énergies marines, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) intervient aux côtés de la direction générale de l'énergie et du climat dans la rédaction des appels d'offres. 65 66 67 Jacob C. et al. (2017) [en ligne] La compensation en mer, Publications électroniques Amure, Série Document de travail, D-4 1-2017, 5p. La mission a rencontré deux personnes dont le doctorat avait été cofinancé par une entreprise dans le cadre des convenions industrielles de formation par la recherche (Cifre), ce qui témoigne du dynamisme partenariat entre la recherche publique et la recherche privée sur les sujets études d'impact en milieu marin. Mitimed : un outil pour l'évaluation et le dimensionnement de la séquence ERC appliquée aux études d'impacts environnementales (EIEs) en mer Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 32/66 Rapport n° 010966-01 Enfin, il faut signaler la création récente de l'unité mixte de service (UMS) 2006 patrimoine naturel depuis le 1er janvier 2017. Cette unité, sous la co-tutelle du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), de l'AFB et du CNRS est la continuité du service du patrimoine naturel de création récente Le comité spécialisé pour la recherche marine, maritime et littorale (Comer) 68 a été créé en application de l'article 7 du décret 2011-637 du 9 juin 2011 relatif aux attributions, à la composition et au fonctionnement du Conseil national de la mer et des littoraux. Il a vocation à constituer un lieu d'interface et d'échanges entre recherches scientifiques et gestion collective des espaces et activités marins et littoraux, et un lieu d'expression des avis des parties prenantes sur les besoins et les orientations des recherches marines, maritimes et littorales. Ce comité a contribué à la stratégie nationale de recherche et à la stratégie nationale de la mer et du littoral, sa contribution est en phase avec les propositions de la mission puisqu'elle propose les actions suivantes : 1. Consolider une vision « mer » dans les défis de la Stratégie Nationale de la Recherche ; 2. Comprendre le « Système Mer » pour mieux prévoir et agir ; 3. Connaître pour mieux gérer l'espace littoral ; 4. Innover pour valoriser les ressources marines et développer l'économie maritime ; 5. Structurer la recherche, conforter les infrastructures et observatoires de recherche ; 6. Bâtir une société de la connaissance marine et maritime ; 7. Développer la recherche pour et par les Outre-mer français. 2.3. Un besoin de coordination et de renforcement des compétences au niveau local Au niveau régional, les compétences sur le milieu maritime sont partagées entre les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement et les directions interrégionales de la mer, dont les contours correspondent au découpage des façades maritimes. Au niveau départemental, sous l'autorité des préfets de département, les directions départementales des territoires et de la mer sont en charge de l'instruction des dossiers d'autorisation. Selon les interlocuteurs de la mission, il devient de plus en plus difficile pour les services de disposer des compétences nécessaires à l'instruction des dossiers d'impact sur le milieu marin. D'une part, le manque de connaissance peut entraîner des polémiques incontrôlées et disproportionnées aux yeux de certains (lien entre le trait de côte et l'extraction des granulats, effet des anodes sacrificielles, etc) et d'autre part, la diminution constante des effectifs combinée à la dispersion des interlocuteurs dans les établissements publics affaiblissent la capacité d'expertise de l'État. Les préfets se retrouvent parfois démunis face à des questions concrètes et se retournent directement vers l'administration centrale. À de nombreuses reprises, les opérateurs nous ont fait part du manque d'un tiers expert ou d'un référent qui serait en capacité d'apporter un éclairage indépendant sur l'état de l'art ou l'état des connaissances, dans les débats parfois conflictuels avec les associations de protection de l'environnement. Les associations elles-mêmes sont aussi demandeuses de davantage d'accès à la connaissance ; c'est d'ailleurs le cas de l'ensemble de la société civile, ainsi que l'a démontré le livre blanc de l'alliance sciences sociétés en 201669. La difficulté réside cependant bien souvent dans le fait que cette connaissance n'existe pas. 68 69 https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/comite-recherche-marine-maritime-et-littorale Alliss (2017) Prendre au sérieux la société de la connaissance. Livre Blanc 79p. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 33/66 Rapport n° 010966-01 Les rencontres que la mission a conduit en région montrent aussi de très bonnes initiatives régionales, qui gagneraient à être mutualisées ou a minima partagées en réseau entre les services déconcentrés. À titre d'exemple, des initiatives intéressantes en Méditerranée (recensement sur Internet des données disponibles sur le milieu marin, élaboration d'un atlas des zones de restauration écologique), pourraient être dupliquées et partagées dans leur méthodologie au niveau national. Enfin, la complexité de la démarche ERC en milieu marin, l'évolution de la réglementation, les incertitudes sur la connaissance des écosystèmes, nécessitent que soient non seulement maintenues, mais approfondies, les compétences techniques des services territoriaux de l'État. Le rapport du Sénat sur la compensation des atteintes à la biodiversité, souligne l'importance de la formation des administrations, notamment afin de mettre en oeuvre le principe de non-perte nette de biodiversité 70. L'agence française de la biodiversité pourrait être un des éléments constitutifs de cette offre de formation71. 2.4. La normalisation, pour capitaliser les bonnes pratiques opérationnelles La diversité des études d'impact sur les projets en milieu marin, par différents bureaux d'études de niveau d'expertise variable, nécessiterait sans aucun doute une harmonisation dans leur contenu et leur méthodologie : intégration ou non d'indices sur le milieu sur la base du document d'Ifremer de 2012 ; méthodes recommandées de compensation écologique, etc. Cela pourrait être conduit sous le pilotage de l'agence française de la Biodiversité, avec l'obligation d'alimenter une base de données. Pour la mission, les nombreuses initiatives des services de l'État, des établissements publics, du monde de la recherche publique et privée et des bureaux d'étude doivent non seulement être coordonnées mais également déboucher sur des outils opérationnels reconnus et promus chez tous les acteurs, y compris au niveau international. Il s'agit d'élever le niveau de compétence des acteurs et le niveau d'exigence des pouvoirs publics sur l'évaluation des impacts en milieu marin et les mesures ERC associées. La normalisation72, qui permet de publier des documents techniques élaborés dans une logique de dialogue et de consensus entre les acteurs serait l'outil de choix pour atteindre ces objectifs. Elle mettrait autour de la table chercheurs, entreprises et agences publiques pour élaborer les documents qui fixent les exigences minimales et bonnes pratiques. Les pouvoirs publics, qui disposent d'un pouvoir de veto sur les normes, trouveraient dans la normalisation un bon moyen de promouvoir l'élaboration de méthodes adaptées à la bonne mise en oeuvre des politiques publiques et de contrôler leur élaboration. Les chercheurs pourraient accélérer par ce moyen la valorisation de leurs travaux. Enfin, les entreprises et bureaux d'études auraient la garantie d'un accès facilité au marché pour les pratiques vertueuses en matière d'environnement. 70 71 72 Rapport n°517 du Sénat(op. cit. 42 page 22) : « Tendre à développer les moyens humains et la formation des agents en charge du suivi afin de rendre effectifs la nouvelle obligation de résultat, le pouvoir de définir des prescriptions complémentaires si les mesures de compensation sont inopérantes, ... » Rapport n°517 du Sénat(op. cit. 42 page 22) : « Renforcer, sous la responsabilité de l'AFB, la formation des administrations chargées d'instruire et de suivre la mise en oeuvre de la séquence ERC ». Une norme, du latin norma « équerre, règle », désigne un état habituellement répandu, moyen, considéré le plus souvent comme une règle à suivre. (Source Wikipedia) Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 34/66 Rapport n° 010966-01 La création d'un groupe de normalisation aurait également l'avantage d'identifier et de maintenir une communauté d'experts susceptible d'apporter un appui aux pouvoirs publics. Il convient également de raisonner cette normalisation à une échelle européenne, voire internationale : d'une part pour promouvoir à l'international les efforts nationaux tout en bénéficiant de l'effet de parangonnage avec nos partenaires, d'autre part afin d'harmoniser les études d'impact pour la mise en oeuvre des directives européennes sur les façades partagées avec d'autres États membres. Enfin, la normalisation peut déboucher sur la certification qui permettrait de disposer d'une expertise qualifiée et vérifiée pour la réalisation des études d'impact, la définition des mesures ERC et la réalisation des campagnes de suivi et de surveillance. Il existe d'ailleurs au moins une initiative en ce sens avec les projets de normes et de certifications développés par la société pour la restauration écologique73. Cette instance internationale, essentiellement composée de membres américains du nord et australiens, développe des normes internationales et des services de certification, dans le cadre de la convention internationale sur la diversité biologique 74. La faible participation des européens à cette élaboration pourrait avoir des conséquences délétères sur leur compétitivité internationale. 2.5. Prendre en compte les particularités des milieux ultramarins La mission s'est intéressée aux spécificités de la biodiversité ultramarine et aux questions spécifiques qui pouvaient éventuellement se poser. À l'occasion d'un voyage en Martinique, un membre de la mission a rencontré les représentants de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement, de l'agence française de la biodiversité, de la direction de la mer et du grand port maritime. D'après le Muséum national d'histoire naturelle 75, La France occupe une place unique par la variété de ses collectivités d'outre-mer et donc de ses milieux naturels [...] la biodiversité présente dans ces territoires est souvent remarquable et confère à la France une grande responsabilité au niveau international en matière de conservation. [...] Le milieu marin d'outre-mer couvre une énorme superficie : plus de 10 millions de km², ce qui représente 97% de la Zone économique exclusive (ZEE) de la France. Il regroupe une richesse biologique exceptionnelle, notamment par la présence de 55 000 km² de récifs coralliens et lagons (10 % des écosystèmes récifo-lagonaires de la planète, 20 % des atolls du monde). Les acteurs de la biodiversité marine en Martinique ont souligné que la source majeure d'incertitude dans les études d'impact provenait du manque de fiabilité de l'évaluation de l'état initial : soit il est faux, soit le milieu évolue très vite. Pour leurs projets de reconquête de la biodiversité en fond de baie, par exemple, ils doivent réévaluer régulièrement l'état initial. Pour le port, le coût de l'établissement de l'état initial dans le cadre du projet stratégique était rédhibitoire. Cette grande difficulté à évaluer la biodiversité crée des querelles entre experts et entre associations. De façon unanime apparaît le souhait de disposer d'un référentiel commun pour décrire l'état des milieux. L'université des Antilles n'a pas actuellement de réelles compétences sur le milieu marin mais souhaite retenir cet axe de développement dans sa stratégie de site. Les pouvoirs publics pouvaient jusqu'alors s'appuyer sur peu de textes, sauf pour ce qui concerne les mammifères marins et les 73 74 75 McDonald et al. (2016) International standards for the practical ecological restoration ­ including principle and key concepts. Nations unies (1992) Convention sur la diversité biologique Voir notamment la page outremer du site de l'inventaire national du Patrimoine Naturel Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 35/66 Rapport n° 010966-01 tortues. Il a été noté que la connaissance sur la protection des coraux s'était améliorée récemment du fait des travaux de l'initiative française pour les récifs coralliens 76 (Ifrecor). Un guide en deux livrets a été publié en 2017 : · le Guide pour les études d'impact environnemental en milieux coralliens de France d'outre-mer77 ; · le Guide pour la mise en oeuvre des mesures compensatoires et la méthode de dimensionnement Merci-Cor78. 76 77 78 L'Ifrecor, initiative française pour les récifs coralliens a été créée en 1999, pour la protection et la gestion durable des récifs coralliens et des écosystèmes associés (mangroves, herbiers) dans les collectivités françaises d'outre-mer. Pinault, M. et al. (2017). Livret 1 - Guide pour les études d'impact environnemental en milieux coralliens de France d'outre-mer. Rapport Ifrecor. 120 p. Pinault, Carte des biocénoses - Guide pour la mise en oeuvre Martinique (Source Hélène Legrand, Figure 5:M. et al. (2017). Livret 2 des milieux marins littoraux de des mesures compensatoires et la méthode de dimensionnement Merci-Cor Édition Ifrecor. 76 p. "Base de données cartographique des fonds marins côtiers de la Martinique : Biocénoses benthiques," Documentation Ifrecor, consulté le 22 septembre 2017) Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 36/66 Rapport n° 010966-01 Le premier livret explique les principes et le déroulement d'une étude d'impact et fournit des éléments détaillés sur les méthodes à mettre en oeuvre pour analyser l'état initial et évaluer les impacts susceptibles d'atteindre les coraux. Il tient compte notamment des apports de la loi sur la biodiversité de 2016. Le deuxième livret présente et fournit les éléments pour la mise en oeuvre d'une méthode opérationnelle quantitative qui permet de calculer des surfaces de compensation dans le cas d'atteintes aux récifs coralliens. La méthode est basée sur des indicateurs robustes d'impact à partir d'une situation de référence qui s'appuie sur la notion d'habitat naturel de la directive Habitats79. Ces deux livrets vont permettre une avancée significative dans la protection des coraux, protection pour laquelle la France a une responsabilité majeure puisqu'elle possède la quatrième surface de coraux dans le monde. Néanmoins, pour les acteurs locaux, d'autres sujets sont encore orphelins comme la protection des mangroves pour laquelle il est encore impossible de proposer des mesures compensatoires. D'après les interlocuteurs de la mission, la fragilité de la connaissance du milieu conduit les maîtres d'ouvrage à développer une forte aversion au risque. Le plus souvent ils renoncent aux projets faute de solution d'évitement convaincante. C'est ainsi que le port a renoncé à son projet initial de construction d'un quai de 200 m à la Pointe des grives, le projet a été réduit en tirant d'eau, longueur et surface et adapté aux prévisions à l'horizon de cinq ans, remettant à plus tard son extension. Les prises de position des parties prenantes apparaissent également plus tranchées qu'en métropole avec de véritables risques d'affrontements. Le quasi-renoncement aux dragages est souligné comme créant un problème potentiel, ce serait déjà le cas pour les ports de pêche et de plaisance. Les possibilités de clapage sont exclues. Les sédiments sont très chargés en métaux lourds. Les opérateurs sollicitent un soutien scientifique sur ce point. La mission constate donc une fois de plus que le retard de la connaissance sur les écosystèmes marins n'est pas seulement à l'origine de destructions de la nature mais conduit à des situations de blocage très délétères pour le développement économique. Pour les représentants de l'agence française de la biodiversité les données sur l'environnement et les impacts ne sont pas librement accessibles80, il s'agit d'une cause importante de l'opposition des populations aux projets. Les études d'impact des communes ne sont pas accessibles. Les bureaux d'études refusent de les communiquer car ils n'en sont pas propriétaires. Ils citent l'exemple du projet Nemo 81 d'un coût de 300 M pour lequel de nombreuses questions ont été posés. Le sentiment de l'agence est que choix du site est aberrant car il est implanté au coeur de la plus forte concentration de mammifères marins en Martinique et que les études ont été mal faites. Il aurait été souhaitable que les pouvoirs publics imposent un volet recherche sur les impacts. Seul un suivi approfondi de l'évolution du milieu permettra de tirer un retour d'expérience d'un tel projet et donc de mieux évaluer les impacts d'autres projets en mer. La mission a rencontré les promoteurs du projet Nemo qui assurent qu'ils ont conduit toutes les études nécessaires 82 et ambitionnent un niveau d'impact 79 80 81 Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages Voir à ce sujet la recommandation 3 page 25 du présent rapport Il s'agit d'un projet de centrale flottante de production d'énergie thermique des mers d'une puissance nette de 10,7 MW qui sera installé au large de la commune de Bellefontaine et devrait être mis en service en 2020. http://www.akuoenergy.com/fr/nemo Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 37/66 Rapport n° 010966-01 très faible tout en montrant qu'il s'agit d'une innovation majeure en termes de production d'énergie renouvelable des mers. Il apparaît également que les projets sur le domaine public maritime se multiplient et que l'administration ne peut pas toujours s'appuyer sur des textes précis pour réguler cet afflux et prendre en compte les impacts dans ses décisions. Ainsi, l'exemple d'un projet d'hôtel flottant en site remarquable, avec la création d'un nombre conséquent d'emplois ne correspond à aucune réglementation qui fonderait la décision de l'administration. Les acteurs locaux soulignent qu'il conviendrait de revoir la réglementation du domaine public maritime pour apporter des réponses pertinentes face à ces projets. Enfin, il est souligné qu'en Martinique le niveau d'étude d'impact est fixé par le coût du projet. Or, pour les protecteurs de l'environnement il n'y a pas corrélation entre l'effort à consentir pour l'étude d'impact, qui dépend de facteurs du milieu, et l'ampleur du projet. Ce n'est pas tant la capacité des bureaux d'études à réaliser des études d'impact complexes que les exigences faibles des maîtres d'ouvrages qui posent problème. 2.6. Recommandations du chapitre 2 Les recommandations suivantes constituent les solutions que propose la mission pour pallier le manque de connaissances sur les milieux marins, améliorer le transfert des résultats de la recherche vers les acteurs opérationnels, reconnaître les bonnes pratiques, accélérer leur partage et leur diffusion et prendre en compte les spécificités des milieux ultramarins. 5. Donner à l'Agence française de la biodiversité les moyens de jouer un rôle de référent de la connaissance de l'écologie des milieux marins avec une priorité particulière sur des mesures ERC en mer et le développement de l'ingénierie écologique en mer, y compris en la dotant de capacités significatives de mobilisation du monde scientifique (Ifremer, Cerema, MNHN, CNRS et universités) et un rôle de centralisation des observations sur l'environnement marin (Deb) . 6. Mettre en place un effort spécifique de recherche et de transfert des observations et connaissances de la biodiversité marine outremer en insistant sur la mise en place de mesures de suivi approfondies afin de bénéficier d'un retour d'expérience. (AFB, DRI) 7. Inscrire dans les contrats d'objectifs de l'AFB, d'Ifremer et du Cerema la mise en priorité du développement des connaissances sur l'écologie du milieu marin et les impacts anthropiques. (Deb, DRI) 82 De fait l'avis d'autorité environnementale émis par le préfet de Martinique souligne que le document transmis est de grande qualité et présente globalement une bonne analyse des impacts du projet sur les différentes composantes de l'environnement et prend suffisamment en compte les incidences directes, indirectes, permanentes ou temporaires du projet sur l'environnement, néanmoins il indique que l'étude d'impact justifie insuffisamment l'emplacement retenu, notamment n'a pas étudié l'éventuel déplacement vers le sud pour l'éloigner de la zone de fréquentation privilégiée du dauphin tacheté pantropical. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 38/66 Rapport n° 010966-01 8. Mandater l'agence française de la biodiversité et l'association française de normalisation pour développer des normes décrivant les bonnes pratiques d'ERC en mer avec l'objectif de porter ces normes au niveau européen. (Deb, AFB) Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 39/66 3. Inscrire les mesures ERC dans les processus de planification Il ressort des nombreux entretiens de la mission avec les acteurs du monde marin au sein des différentes façades maritimes et avec la direction générale de l'environnement de la Commission européenne que la planification est appelée à jouer un rôle croissant dans l'anticipation des impacts sur les milieux marins et leur réduction. En outre, la planification est parfois considérée comme le seul moyen de faire face au constat actuel de l'échec de la compensation en mer, qui semble général. 3.1. Planifier pour anticiper les impacts et leur réduction 3.1.1. Un cadre européen cohérent La direction générale de l'environnement de la Commission européenne a rappelé à la mission que les États membres devaient fixer les critères de définition du bon état écologique et planifier les activités économiques sur leurs façades maritimes. Il convient également qu'ils coopèrent entre eux afin d'assurer la cohérence de leurs actions et d'éviter les impacts dans les États voisins en application de la convention d'Espoo83. La stratégie européenne repose sur trois composantes : · la connaissance du milieu et la définition de son bon état écologique ; · la planification des activités intégrant les questions d'impact environnemental ; · l'évaluation des incidences environnementales des documents de planification. La directive cadre Stratégie pour le milieu marin devrait permettre de restaurer ou de préserver le bon état écologique du milieu, d'en surveiller l'évolution et de rendre cohérentes les actions de protection de l'environnement à terre et en mer. Un document récent établit des normes pour déterminer le bon état écologique des eaux marines84. Ce document est une mise à jour majeure d'une décision de 2010. Les États membres sont invités à définir des indicateurs de l'état écologique et des seuils permettant de définir ce bon état. Ces indicateurs et seuils doivent être construits de façon conjointe par les pays partageant une façade maritime. La Commission cite, pour exemple d'une mise en oeuvre vertueuse de ces principes, la coopération des États membres pour la protection de la mer Baltique. Bruxelles insiste également sur l'importance des stratégies de façade en application de la directive cadre pour la planification de l'espace maritime 85. La bonne application de cette directive devrait permettre de traiter convenablement les effets cumulés en anticipant les activités susceptibles de se développer dans l'espace maritime. Le lien avec la directive cadre Stratégie pour le milieu marin passe selon elle par l'évaluation des écosystèmes et services écosystémiques et la prise en compte des interactions avec le milieu terrestre voisin. 83 84 85 La Convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement (EIE) dans un contexte transfrontière stipule les obligations des Parties d'évaluer l'impact sur l'environnement de certaines activités au début de la planification. Elle stipule également l'obligation générale des États de notifier et de se consulter sur tous projets majeurs à l'étude susceptibles d'avoir un impact transfrontière préjudiciable important sur l'environnement. Lien vers le texte de la convention en français Décision (UE) 2017/848 de la commission du 17 mai 2017 établissant des critères et des normes méthodologiques applicables au bon état écologique des eaux marines ainsi que des spécifications et des méthodes normalisées de surveillance et d'évaluation, et abrogeant la décision 2010/477/UE Directive 2014/89/UE du parlement européen et du conseil du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l'espace maritime Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 40/66 Rapport n° 010966-01 Ainsi, aussi bien la vérification et l'anticipation des pressions sur l'environnement dans le cadre de la planification des activités économiques que celle des mesures de préervation et de surveillance du bon état écologique devraient permettre de donner à l'ensemble des activités en milieu marin un cadre qui limite les impacts environnementaux. La compensation est pour l'Europe, qui confirme ainsi l'opinion des acteurs français sur le terrain, presque impossible à mettre en place en mer. Ce sont donc bien l'évitement et la réduction qu'il convient de privilégier via la planification. La Commission considère que la bonne articulation entre la planification et les évaluations environnementales stratégiques prévues par la directive sur les incidences de certains plans et programmes sur l'environnement86 est également un facteur important de succès. Il est attendu des États membres de bien réaliser ces évaluations environnementales stratégiques afin de définir les zones propices aux aménagements planifiés dans une logique d'évitement des impacts. Les responsables des projets devraient ensuite trouver un cadre clair pour réaliser les études d'impacts de leur projet, les enjeux ayant été précisément définis au stade de la planification et la réduction d'impact restant de leur compétence. 3.1.2. La planification du milieu marin se met en place en France Une première série de plans d'action pour le milieu marin a été adoptée sur les quatre sous-régions marines de la France continentale définies par l'article R.219-2 du code de l'environnement : Manche-Mer-du-Nord, mers celtiques, Golfe de Gascogne, Méditerranée occidentale. Ces plans d'actions sont mis en place en application de la directive cadre Stratégie pour le milieu marin. La directive exige des États membres de l'Union européenne qu'ils mettent en oeuvre des programmes de surveillance et de mesures afin d'atteindre, en 2021, le bon état écologique des eaux marines. Les plans d'action pour le milieu marin de première génération, adoptés par les préfets coordonnateurs des sous-régions marines en avril 2016, fournissent une première vision des connaissances sur l'état du milieu et des pressions anthropiques qui l'affectent, de l'écart avec le bon état écologique et des mesures engagées pour son atteinte. Ces plans d'action seront intégrés aux documents stratégiques de façade, prévus à l'article R. 219-1-7 du code de l'environnement. Ces documents stratégiques de façade déclinent, selon le code de l'environnement, les orientations de la stratégie nationale pour la mer et le littoral au regard des enjeux économiques, sociaux et écologiques propres à chaque façade. Le défi posé à la réalisation des documents stratégiques de façade est donc bien celui d'une intégration des enjeux écologiques au sein d'une vision prospective de l'économie marine. Une simple juxtaposition des plans d'actions aujourd'hui adoptés, ou objets d'une simple révision, et de volets économiques et sociaux des documents stratégiques de façade constituerait un échec et serait contraire à l'esprit de la loi et des directives européennes. Il s'agit bien de construire une dynamique économique qui anticipe les éventuels impacts environnementaux et prévoit, de façon résolue, la manière de les éviter, les réduire ou, le cas échéant, de les compenser. Cette manière de concevoir la planification est encore peu développée. Le chapitre 1.3 montre par exemple que le développement des énergies marines renouvelables a jusqu'ici échoué à intégrer développement économique, transition énergétique et préservation de l'environnement dans une démarche vertueuse. 86 Directive 2001/42/CE du parlement européen et du conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 41/66 Rapport n° 010966-01 Il convient également de mentionner que la deuxième série de plans stratégiques des grands ports maritimes, exercice de planification qui couvre la période 2014-2018 et concerne les ports de la métropole et de l'outremer, est dorénavant soumise à évaluation environnementale87. L'autorité environnementale du CGEDD a publié une note qui récapitule son expérience suite à l'examen des évaluations environnementales de l'ensemble des projets stratégiques des grands ports maritimes. Elle insiste notamment sur le rôle de la planification en matière d'anticipation des mesures d'évitement et de réduction des projets développés ultérieurement par le port88. 3.1.3. Quels apports de la planification à la séquence ERC ? La mission considère que la planification est la clé de la mise en oeuvre de la séquence ERC. Il importe donc que les futurs plans et programmes, au premier rang desquels les documents stratégiques de façade, identifient clairement dans leurs programmes de mesures les points qui faciliteront les mesures ERC. Il s'agit notamment de : · l'identification et la définition des enjeux environnementaux des écosystèmes susceptibles de recevoir des projets ; · l'évaluation des services écosystémiques et de la biodiversité ordinaire ; · l'intégration des pressions diffuses avec celle des aménagements ; · l'identification des zones de compensation et la mise en place d'outils de compensation mutualisés. . L'identification des enjeux environnementaux Au delà des efforts de recherche à mettre en place pour combler les lacunes de la connaissance, améliorer les méthodologies d'évaluation de l'état écologique du milieu marin et la connaissance des relations entre les pressions anthropiques et les impacts, il importe de cartographier avec précision l'état des écosystèmes marins et des pressions qui s'y exercent. L'échelle de ces cartes doit être compatible avec celle des projets attendus dans cet environnement. Cette activité est clairement un des objectifs des plans d'actions pour le milieu marin qui ont été construits sur la base des connaissances actuelles et prévoient des programmes de surveillance (voir à titre d'exemple la carte figure 6 page 43 et 5 page 36). 87 88 L'article R. 122-17 (33°) du code de l'environnement prévoit que les volets 4° : Politique d'aménagement et de développement durable et 5° Dessertes du port et politique en faveur de l'intermodalité, des projets stratégiques des grands ports maritimes doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale. Autorité environnementale (2016). Note délibérée du 25 mai 2016 sur les Projets stratégiques des grands ports maritimes, page 10 : Un projet stratégique et son évaluation environnementale doivent permettre d'anticiper les impacts environnementaux des projets prévus sur le domaine portuaire et de prévoir suffisamment tôt les mesures permettant de les éviter ou de les réduire. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 42/66 Rapport n° 010966-01 Figure 6: carte des habitats physiques des fonds marins d'Atlantique (Site DCSMM d'Ifremer) Les pouvoirs publics sont invités à considérer les actions de surveillance et de connaissance avec un haut niveau de priorité. L'investissement public dans la connaissance est la source de nombreuses économies dans le développement de l'économie maritime, comme nous le développons dans le chapitre 1.3 à propos de l'exemple des énergies marines renouvelables. Cette connaissance de l'état des milieux ouvre la possibilité de définir précisément l'état initial pour les études d'impact des projets et par conséquent de classer correctement les enjeux environnementaux, phase préalable indispensable pour évaluer les impacts et par conséquent élaborer une séquence ERC adaptée.La préservation de la biodiversité ordinaire Le mode traditionnel de protection de la nature, à terre et en mer, est principalement basé sur la protection des espèces89. Les études d'impact identifient, lorsqu'elles sont correctement conduites, les espèces vulnérables ou menacées et concentrent les mesures ERC sur leur préservation. Selon le rapport du groupe de travail présidé par Bernard Chevassus-au-Louis en 200990 au sein du conseil d'analyse stratégique, la biodiversité peut être analysée selon deux composantes : · la biodiversité remarquable correspondant à des entités que la société a identifiées comme ayant une valeur intrinsèque et fondée principalement sur d'autres valeurs qu'économiques ; · la biodiversité ordinaire n'ayant pas de valeur intrinsèque identifiée comme telle mais qui, par l'abondance et les multiples interactions entre ses entités, contri89 90 Pour la fondation pour la recherche en biodiversité : La biodiversité est [...] un concept beaucoup plus vaste que la simple collection d'espèces animales et végétales à laquelle on la réduit souvent : c'est la diversité de la vie à tous ses niveaux d'organisation, du gène aux espèces et aux écosystèmes. Ces niveaux connaissent une dynamique et des interactions permanentes et sont le cadre de l'évolution du vivant. FRB (2017) La biodiversité, une clé à destination des acteurs économiques Chevassus-au-Louis B. (2009), Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes, Paris, La Documentation française, 400 p. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 43/66 Rapport n° 010966-01 bue à des degrés divers au fonctionnement des écosystèmes et à la production des services qu'y trouvent nos sociétés. Cette biodiversité ordinaire n'est presque jamais prise en compte dans les études d'impact, sauf cas particuliers comme celui des zones humides qui constituent des habitats protégés ou dans le cadre des sites protégés, notamment les sites d'intérêt communautaire du réseau Natura 2000. Les chercheurs rencontrés par la mission confirment l'analyse du rapport Chevassus et suggèrent qu'une des vertus de l'évaluation des services écosystémiques des milieux marins serait que ces services s'appuient pour l'essentiel sur la biodiversité ordinaire. La figure 4 page 13 illustre la manière dont il apparaît possible de prendre en compte les services écosystémiques à travers l'exemple des fonds côtiers de Méditerranée. Ainsi, l'intégration de la notion de service écosystémique, voire l'évaluation des bénéfices tirés de ces services serait un des meilleurs moyens de préserver la biodiversité ordinaire. Comme l'a souligné le rapport le rapport du Sénat sur la compensation des atteintes à la biodiversité de mai 2017(op. cit. 42 page 22) : La mise en oeuvre de la séquence ERC souffre de l'hétérogénéité des régimes juridiques la mettant en oeuvre (évaluation environnementale, Natura 2000, protection des espèces de faune et de flore sauvages, protection des milieux aquatiques et humides, opérations de défrichement) et d'un faible encadrement des méthodes d'élaboration de son contenu. En outre, la segmentation des procédures juridiques fait obstacle à une approche plus intégratrice de la reconquête de la biodiversité et compromet la bonne participation du public. Ce constat n'est pas spécifique du milieu marin, mais il s'y applique parfaitement. La prise en compte des services écosystémiques, sans préjudice d'éventuelles réformes des études d'impact qui prendraient en compte le rapport du Sénat, serait également un moyen de palier partiellement les problèmes évoqués. Un autre avantage de l'évaluation des services écosystémiques consiste à intégrer au sein du calcul économique l'impératif de protection de la nature, ce qui, à condition de ne pas substituer les chiffres à la réflexion, constitue une indéniable aide à la décision. Pour la mission qui adopte volontiers cette vision, cela constituerait également une aide à la résolution des conflits d'usage. En effet, dès lors que des usagers bénéficient d'un service écosystémique, il devient possible de quantifier la valeur de ce service et d'en réguler l'usage par le prix dans une logique économique classique. . L'intégration des pressions diffuses La multiplicité des activités en mer pose la question des impacts cumulés et de leur évaluation. Dès lors, il apparaît évident que la prise en compte des seuls aménagements soumis à étude d'impact ne suffit pas à appréhender correctement les impacts cumulés. De nombreuses pressions anthropiques diffuses sont susceptibles de perturber les milieux, parfois de façon bien plus importante que les projets. La pollution par les substances chimiques, les déchets ou l'érosion, quelle provienne des activités marines ou du milieu terrestre doit être prise en compte. Les impacts des transports maritimes qui engendrent pollutions et nuisances sonores doivent également être considérés. La pêche, qui opère des prélèvements sur les populations de poissons et de mollusques constitue un impact direct qui doit être régulé. La pression sur les écosystèmes liée aux activités récréatives ou à la navigation de plaisance ne doit pas être négligée. Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 44/66 . La mutualisation de la compensation S'il existe des marges de progrès en termes d'évitement et de réduction, chacun s'accorde pour considérer qu'il reste des impacts résiduels quasi impossibles à compenser. Nous abordons, dans le paragraphe 3.2 la mutualisation de la compensation. Une des premières étapes pour développer des mesures de compensation efficaces consiste à identifier les aires sur lesquelles elle serait le plus susceptible d'améliorer le fonctionnement des écosystèmes marins. C'est encore une fois au niveau de la planification que cette identification serait la plus efficace, ce qui ouvrirait pour les opérateurs des possibilités qu'ils ne peuvent pas forcément identifier à l'échelle de leurs projets. Cette identification, qui impliquerait une protection particulière des écosystèmes ainsi signalés, permettrait également d'éclairer les enjeux des projets terrestres dont beaucoup sont susceptibles d'impacts en milieu marin. . Emboîtement des plans Le haut niveau d'exigence en matière de protection de l'environnement que doit atteindre la France, du fait de son appartenance à l'Union européenne et des nombreux accords et traités internationaux qu'elle a signé n'exclut pas, bien au contraire, une simplification du droit de l'environnement et des procédures qui s'attachent aux projets91. La mission considère même que la complexité des réglementations peut entraver l'innovation notamment en matière de préservation de l'environnement ou de mise en oeuvre des transitions énergétique et écologique (cf. § 1.3). De nombreux plans et programmes concernent partiellement le même objet, en l'occurrence, pour ce qui nous occupe, le milieu marin. L'intégration des plans d'action pour le milieu marin au sein des documents stratégiques de façade est à cet égard une excellente chose. Selon la mission, il conviendrait d'aller plus loin en considérant que le chapitre sur la compatibilité entre les différents plans, souvent traité de manière très formelle92 dans les évaluations d'incidences environnementales soit considéré avec une vision qui hiérarchise le cadre d'évaluation entre les plans et applique avec efficience le principe de subsidiarité. Par exemple, les évaluations environnementales des projets stratégiques des grands ports maritimes devraient s'appuyer sur celles des plans d'action sur le milieu marin en y apportant des détails supplémentaires spécifiques et en concevant leur stratégie d'évitement et de réduction sur la base de celle prévue par les plans d'action. 3.1.4. Améliorer l'évaluation des incidences environnementales La bonne mise en oeuvre de la séquence ERC passe par une identification correcte des impacts et une bonne évaluation de leur niveau. Dans une étude de la qualité des études d'impacts en milieu terrestre93 Cécile Bigard, du centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (Cefe) du centre national de la recherche scientifique (CNRS) recense les critiques qui ont porté sur la qualité des études d'impact au niveau international : 91 92 93 Voir par exemple l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale qui crée l'autorisation environnementale unique L'autorité environnementale relève page 27 de sa note (op. cit. 88 page 42) que : L'analyse de [l'] articulation [entre les plans] se limite à une vérification peu argumentée de leur cohérence, restant le plus souvent qualitative, sans réellement tirer profit de la hiérarchisation des enjeux de chacun de ces plans. Bigard C. et al. (2017) The inclusion of biodiversity in environmental impact assessment: Policy-related progress limited by gaps and semantic confusion. Journal of Environmental Management, 200, 35-45. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 45/66 Rapport n° 010966-01 · les choix au sein des différentes options de projet sont plus souvent basés sur des considérations socio-économiques que des arguments écologiques ; · la détermination de l'aire d'étude pour l'évaluation des impacts est souvent basée sur des considérations non écologiques ; · les indicateurs mesurables et les prévisions quantitatives sont rares ; · la pertinence des impacts n'est pas claire ; · la portée des études est souvent mal définie et leur étendue trop étroite ; · beaucoup d'études évaluent la biodiversité en termes de populations d'espèces au lieu de s'attacher à comprendre les effets sur les processus écologiques ou la diversité génétique. In fine, le manque de définition précises et de compréhension des processus écologiques, du fonctionnement des écosystèmes et de la variabilité génétique conduit à rendre difficile l'identification de ce qui constitue un impact significatif. L'article conclut en ouvrant à la planification que : « Tout bien considéré, reconsidérer les pratiques des parties prenantes en les associant avec une approche plus stratégique vers l'anticipation et l'évitement à l'échelle de la planification de l'usage des terres est maintenant nécessaire pour que la hiérarchie de mitigation devienne une hiérarchie claire et pratique afin que l'objectif d'absence de perte nette de biodiversité soit basé sur des priorités de conservation94. » Néanmoins, la mission a pu constater que des collaborations étroites entre bureaux d'études et chercheurs laissaient espérer une amélioration. Ainsi, lors du colloque éviter, réduire, compenser les impacts des aménagements sur la biodiversité, organisé par le laboratoire d'excellence Cemeb(op. cit. 64 page 31) à Montpellier les 30 et 31 mars 2017, Sylvain Moulherat, du bureau d'études Terroiko95 a montré comment des outils de simulation numérique de la viabilité des populations 96 issus de sa thèse permettaient de simuler les impacts d'aménagements sur la dynamique des métapopulations 97 à partir de la connaissance de leurs traits d'histoire de vie98. Ces modèles peuvent prendre en compte des impacts cumulés et des ruptures de continuités écologiques. Ils intègrent également la variabilité génétique des populations étudiées. Concernant plus spécifiquement notre sujet, une analyse de 55 études d'impact de projets en milieu marin, disponibles sur le site du ministère de la transition Écologique et Solidaire, a été réalisée par Céline Jacob et publiée dans sa thèse de doctorat (op. cit. 5 page 6) . Cette analyse rigoureuse basée sur la grille développée par le centre d'Écologie fonctionnelle et évolutive(op. cit. 93 page 45) met en évidence que les mesures d'évitement sont relativement peu nombreuses. Néanmoins, ces mesures sont plutôt satisfaisantes puisque 30 d'entre elles, sur 45 mesures, conduisent à une absence d'impact. La thèse souligne le très faible nombre d'études d'impact qui comportent une analyse des variantes où des critères environnementaux sont effectivement mis en avant pour le choix final. On note également la faible efficacité des mesures de compensation qui sont d'ailleurs très peu nombreuses. Les mesures de réduction, plus efficaces sur le 94 95 96 97 98 Traduction par la mission de : « All in all, reconsideration of stakeholders routine practices associated with a more strategic approach towards impact anticipation and avoidance at a land-use planning scale is now necessary for the mitigation hierarchy to become a clear and practical hierarchy for "no net loss" objectives based on conservation priorities. » Voir http://www.terroiko.fr Moulherat, Sylvain (2014). Toward the development of predictive systems ecology modeling: MetaConnect and its use as an innovative modeling platform in theoretical and applied fields of ecological research. La métapopulation est un concept écologique qui définit un ensemble de populations d'individus d'une même espèce séparées spatialement ou temporellement et étant interconnectées par la dispersion (Source Wikipedia) Paramètres de survie, de reproduction, de dispersion, etc, qui caractérisent une population d'individus Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 46/66 Rapport n° 010966-01 plan socio-économique qu'écologique ciblent avant-tout les phases de travaux. La compensation est parfois envisagée sans que des mesures d'évitement et de réduction ne soient mises en place. Elle est globalement inefficace puisqu'il subsiste en général des impacts. La notion de significativité de l'impact n'est pas définie et semble plus favorable aux impacts socio-économiques qu'écologiques. La présence constatée au sein des études d'impact de nombreuses mesures de suivi et de surveillance, qu'il convient de classer dans les mesures d'accompagnement pose problème, par rapport notamment à l'application du principe de précaution. Ces mesures sont le plus souvent envisagées du fait d'une absence de connaissance suffisante pour évaluer les impacts. Le principe de précaution voudrait que des mesures ERC soient prises et que le suivi puisse permettre éventuellement de les alléger. C'est l'inverse qui se produit. Il est également souligné que ces mesures sont proposées, y compris en l'absence d'impact, afin de faire accepter le projet. La thèse propose quelques recommandations qui concernent directement l'amélioration de la qualité des études d'impact : · développer des recherches sur les impacts mal connus en impliquant les promoteurs des projets dans leur financement ; (exemples : champs électromagnétiques, perturbations sonores sous-marines, nouveaux contaminants), les écosystèmes (profonds, de pleine mer) ou les zones fonctionnelles (zones de frayère de substrat meuble) ; · mettre en place des études d'impact quantitatives basées sur la modélisation. (Approches indicielles, diagrammes systèmes, modèles de simulation et l'approche basée sur la modélisation écologique.) Ces méthodes devraient être mises en place dans le cadre de coopérations entre bureaux d'études et chercheurs ; · établir des seuils d'impact significatif. Il n'entre pas dans le cadre de cette mission de recenser toutes les innovations qui permettraient de résoudre les différents problèmes identifiés comme des lacunes des études d'impact en milieu marin. Ces innovations sont nombreuses et témoignent d'une communauté de scientifiques et d'entrepreneurs très active. Au delà de l'enjeu de protection du milieu marin, le développement de méthodologies robustes pour évaluer les impacts, conditionnerait des mesures ERC efficaces et permettrait aux maîtres d'ouvrages de disposer d'un cadre consolidé pour concevoir leurs projets dans une logique de respect du milieu. Intégrer ces innovations sera bien plus aisé à l'échelle des évaluations environnementales stratégiques des documents de planification qu'au gré des projets de tailles et d'ampleur diverses. Il s'agit enfin aussi d'un enjeu de développement pour les acteurs de l'économie verte que sont les experts qui réalisent les études pour les maîtres d'ouvrage et pour les pouvoirs publics. 3.2. Offrir des possibilités de compensation mutualisées La contribution de l'agence française de la biodiversité aux travaux de la mission confirme les dires unanimes des interlocuteurs de la mission sur l'extrême difficulté de la compensation en milieu marin. Pour l'Agence : Dans le milieu marin, les notions d'équivalence écologique et de substituabilité n'étant pas abouties scientifiquement, la compensation offre peu de certitudes sur l'absence de perte nette de biodiversité, donc peu de sécurité juridique pour le maître d'ouvrage et l'autorité décisionnaire. Elle ajoute que la compensation ne devrait jamais porter sur des habitats ou des espèces dont l'enjeu de conservation est considéré comme fort à l'échelle de la façade maritime ou de la France. Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 47/66 Il est également souvent évoqué le fait que beaucoup de mesures compensatoires sont en fait des mesures d'accompagnement visant la connaissance du milieu marin, l'entretien de réseaux de surveillance ou d'autres mesures comme des mesures de sensibilisation à la protection du milieu marin. Par exemple le projet de parc éolien des îles d'Yeu et de Noirmoutier propose comme mesure compensatoire la mise en oeuvre d'opérations de gestion et préservation (surveillance, sensibilisation) pour un budget significatif. La notion de moyens alloués à la compensation vient dans ce cas se substituer à une analyse, encore difficile à réaliser, de mesures permettant d'appliquer le principe d'absence de perte nette de biodiversité inscrit dans la loi. La durée des phénomènes naturels en mer semble également interdire la compensation. Les spécialistes du milieu marin de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ont indiqué à la mission que le temps nécessaire pour réussir des opérations de restauration des herbiers de posidonies99, était de plusieurs années, voire de décennies. Toutes les opérations de transplantations d'herbiers ont échoué, et la capacité de transplantation ne concerne que quelques dizaines de m 2. La fracturation des rhizomes100 des herbiers entraîne des infections empêchant le renouvellement. Or en région Provence-Alpes-Côte d'azur 25% des herbiers ont disparu, en Occitanie la disparition est de 95 %, ce qui laisserait la possibilité, si cela était possible, d'affecter de grandes étendues à la compensation. Les chercheurs ont néanmoins quelques pistes pour développer la compensation. Ainsi, Sylvain Pioch propose dans sa thèse101 d'élargir la notion de récif artificiel vers des récifs multifonctionnels. Ces récifs sont conçus à partir d'une expertise du fonctionnement des écosystèmes marins d'une écorégion. Ils auraient des fonctionnalités pour les ressources halieutiques, donc la pêche, le paysage sous marin, donc la plongée, les effets hydromorphologiques comme l'effet brise lames et écologiques avec une augmentation de la biodiversité. Cet auteur insiste également sur l'importance d'un organisme scientifique référent, comme Ifremer ou l'agence française de la Biodiversité, pour garantir la cohérence écologique des dispositifs artificiels. Pour Céline Jacob(op. cit. 5 page 6) on distingue trois grands systèmes de gouvernance de la compensation : · « Les permis individuels ou mesures compensatoires écologiques au cas par cas ou permittee responsible mitigation : le développeur ayant provoqué l'impact autorisé met en place, lui-même (ou par le biais d'un agent ou entrepreneur autorisé), les mesures compensatoires et le titulaire en conserve l'entière responsabilité. · Les banques de compensation ou sites naturels de compensation ou mitigation bank : un opérateur, qui n'est ni le développeur du projet impactant, ni le régulateur, met en oeuvre des actions écologiques, en anticipation des besoins de compensation liés à de futurs projets d'aménagement. Il valorise les bénéfices de ces actions par la vente de crédits à des aménageurs devant compenser leurs impacts sur les mêmes habitats ou espèces que ceux concernés par la banque et sur le même territoire. 99 100 101 Inventaire national du patrimoine naturel : Herbiers à Posidonie Un rhizome est une tige souterraine Pioch, S. (2008). « Les habitats artificiels : élément de stratégie pour une gestion intégrée des zones côtières ? Essai de méthodologie d'aménagement en récifs artificiels adaptés à la pêche artisanale côtière ». Thèse de doctorat de géographie et aménagement du territoire. Université Montpellier III ­ Paul Valéry - Arts, Lettres et Langues, Sciences humaines et sociales, 308 p. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 48/66 Rapport n° 010966-01 · Les rémunérations de remplacement ou fonds de compensation ou In-Lieu Fee mitigation : fonds financiers récoltés auprès d'un ou plusieurs développeurs ayant provoqués des impacts autorisés, pour la réalisation de mesures compensatoires et gérés par un acteur public ou une organisation non gouvernementale. » La mission considère que ces trois niveaux de gouvernance de la compensation sont pertinents pour classer les mesures compensatoires et fournissent une bonne grille d'analyse pour la décision concernant leur acceptation. Ainsi, le niveau individuel, devrait, compte-tenu de ce que nous avons écrit plus haut sur les difficultés de la compensation en mer, rester exceptionnel. Le développement des outils complexes de compensation comme les récifs multifonctionnels ne pourra pas toujours résulter d'actions ponctuelles de compensation financées par un opérateur à l'occasion d'un projet102. Le niveau des sites naturels de compensation pourrait s'appliquer aux grands ports maritimes qui anticiperaient ainsi les impacts des projets qu'ils accueillent à l'aide d'un mécanisme qu'ils gèrent et qui présente l'avantage, en plus de sa qualité, de fournir un cadre précis aux opérateurs qui développent des projets dans l'emprise du port. Ce même mécanisme pourrait, en dérogeant au principe de séparation entre l'opérateur et le développeur du projet s'appliquer aux projets du port lui-même, moyennant un mécanisme externe de validation du montant des crédits mis en jeu. Enfin, le fonds de compensation pourrait être développé à l'échelle des façades maritimes et être présenté de façon détaillée dans les documents stratégiques de façade. Les difficultés de la recréation d'écosystèmes identiques à ceux qui sont détruits par les projets conduisent à proposer les trois approches alternatives suivantes. · La première est celle de la conservation absolue qui privilégie l'évitement, et dans une moindre mesure la réduction, lorsque l'écosystème affecté présente des caractéristiques écologiques jugées rares ou remarquables. Dans ce cas, à l'instar de la réglementation des sites Natura 2000, dès lors qu'un projet aurait un impact résiduel non réductible il ne pourrait être autorisé. · dans un deuxième cas, la biodiversité détruite, après mesures d'évitement et de réduction aurait un caractère important mais pas exceptionnel. Il serait alors tout à fait possible de respecter le principe d'absence de perte nette de biodiversité inscrit dans la loi biodiversité par une compensation utilisant un mécanisme mutualisé ou une banque de compensation, quitte à introduire des facteurs d'échelle surfaciques comme c'est le cas en milieu terrestre pour les zones humides. · Enfin, dans le troisième cas, celui d'une biodiversité ordinaire, le principe de paiement pour destruction de services écosystémiques viendrait abonder une banque de compensation. Sur ce point encore la mission considère qu'il ne serait pas contradictoire avec la loi biodiversité de mettre en oeuvre un tel principe, un texte de moindre niveau juridique pourrait le préciser si nécessaire. Il faut savoir que les approches out of kind qui recréent une biodiversité différente (par exemple un récif artificiel se substituant à un impact sur un substrat meuble créent un habitat et donc une biodiversité différente) sont critiquées sauf dans le cas où elles compensent un milieu banal par un milieu d'intérêt écologique fort. Dans le cas où les mesures de compensation viennent abonder des mesures comme des aires marines protégées il convient de vérifier qu'il ne s'agit pas de financer des mesures déjà décidées mais bien des mesures additionnelles. 102 Néanmoins, étant donné leur taille, l'utilisation des fonds de parcs éoliens pour créer des récifs multifonctionnels serait une piste intéressante à explorer. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 49/66 Rapport n° 010966-01 Dans tous les cas, les documents de façade et les plans d'action pour le milieu marin devraient comporter un effort préalable d'identification des types d'écosystème et de leur valeur intrinsèque, les cartographier aux échelles pertinentes et identifier les aires qui seraient réservées à la compensation. L'évaluation environnementale de ces documents aura notamment pour objet de s'assurer de la cohérence du dispositif de compensation, sur le plan écologique et au regard de la directive cadre Stratégie pour le milieu marin. La gouvernance de la compensation devra mettre en place, à l'échelle de la façade, les mécanismes de surveillance, vérification, et d'aide à la décision qui garantissent le maintient du système ainsi conçu sur le long terme. Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 50/66 3.3. Recommandations du chapitre 3 La mission est convaincue, du fait des nombreux entretiens avec les acteurs de la séquence ERC en mer et de la bibliographie qu'il convient de déplacer le curseur vers une meilleure prise en compte de la séquence ERC au sein des évaluations environnementales stratégiques des documents de planification. Concernant le milieu marin ce sont avant tout les plans d'action pour le milieu marin, composantes des documents stratégiques de façade qui sont les plus concernés. Néanmoins, d'autres plans et schémas, notamment en milieu terrestre, sont susceptibles d'impacts importants, positifs ou négatifs, sur l'environnement marin, notamment via les pressions diffuses. C'est par ailleurs dans la cadre de la planification que des outils de compensation mutualisés performants pourront se mettre en place. 9. Inscrire dans les Pamm, documents de façade et, de façon hiérarchisée et subsidiaire, dans les autres plans et programmes concernant de près ou de loin le milieu marin, des mesures tenant compte de l'ensemble des impacts diffus et globaux et marquant clairement la mise en oeuvre du principe d'absence de perte nette de biodiversité prévue par la loi sur la biodiversité du 8 août 2016. (Deb, Dirm, AFB) 10. Prévoir dans les Pamm et documents de façade des mesures de compensation mutualisées à l'efficacité écologique démontrée et suivie sur le long terme prenant en compte non seulement la biodiversité exceptionnelle, mais également la biodiversité ordinaire à travers notamment les services écosystémiques. (Deb, Dirm, AFB) Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 51/66 Conclusion La mission considère que l'amélioration de la séquence ERC en mer nécessitera plusieurs grands types de mesure. Le premier est le renforcement de la prise en compte du milieu marin par les politiques publiques avec, concernant le développement des énergies marines renouvelables ; le renforcement du rôle stratège de l'État, y compris sa capacité de prise de risque dans un contexte de confiance sociale rétablie. Le deuxième consiste à remonter à l'étape de planification une bonne partie des évaluations d'incidence environnementale et des analyses de l'état initial qui permettent aux porteurs de projet d'agir plus facilement dans un univers mieux balisé. Il s'y ajoute la mise en place de systèmes de compensation mutualisés afin de pallier la quasi impossibilité de compenser en mer. Enfin, une troisième dimension viendra du renforcement de la connaissance des milieux, par la recherche, par la valorisation de ses résultats et par la normalisation des bonnes pratiques. Un effort tout particulier devra être consenti en direction des territoires d'outre-mer afin de leur permettre d'acquérir les connaissances et de développer l'expertise qui leur permettent de préserver la biodiversité marine tout en réalisant leurs ambitions de développement. Cécile Avezard François Marendet Éric Vindimian Ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 52/66 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 53/66 Annexes Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 54/66 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 55/66 4. Lettre de mission Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 56/66 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 57/66 5. Liste des personnes rencontrées Nom Ampatzis André Apied Aulert Auscher Barbier Bas Bataille Becquet Benatre Berg Bernard Bocognano Boileau Bonneton Bougant Boutet Buccio Canteri Caplanne Carlier Carré Chevassus, Chevreau Colas Couput Cubier Custot Damieu de Roeck Delorme Prénom Stephanos Viviane Viviane Christophe Fabrice Sylvie Adeline Tristan Olivier Marie Patrick Guillaume Jean-Michel Fabien Vania Julie M. Fabienne Thierry Sophie Antoine Hubert Nadine Gaëlle François Jean Marie Stéphanie Julien Cécile Yann-Hervé Alain Commission européenne Commission européenne Ministère de la transition Écologique et Solidaire, CGDD Agence française de la biodiversité Dreal Occitanie Haute-Normandie nature environnement Ifremer Ministère de la transition Écologique et solidaire, CGDD Comité régional des pêches de Normandie Ministère de la transition écologique et solidaire, DPMA Dreal Normandie Agence française de la biodiversité Grand port maritime de Marseille Parc naturel marin d'Iroise Grand port maritime de Guyane Grand port maritime La Réunion Conseil régional de Bretagne Préfète de la région Normandie Agence française de la biodiversité Agence française de la biodiversité Ifremer Comité national des pêches maritimes et des élevages marins Deal Martinique Réseau de transport d'électricité Agence française de la biodiversité Direction interrégionale de la mer Nord Atlantique Manche Ouest Ministère de la transition écologique et solidaire, DEB Dreal Pays de la Loire EdF énergies nouvelles France énergies marines Matériaux Baie de Seine Organisme Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 58/66 Nom Delouis Demartini Desvignes Deveze Dhomé Dicq Didier Donnard Ducloy Dulac Duthion Etienne Figueres Fortin Fournel Fredefon Frin Frouin Froux Furois Galichon Galin Garçon Gerbeaud-Maulin Grall Grégoire Grimaud Gros Harel Harmel Héritier Hindermeyer Hue Prénom Antoine Caroline Philippe Magali Diane Paul Bernard Christophe Perinne Perrine Pierre Denis Joël Mathieu Jocelyne Franck Philippe Irène Didier Timothée Pascal Rémi Agnès Frédérique Jacques Pascal Anne-Marie Lise David Béatrice Lucile Xavier Vincent Grand port maritime de Nantes Dreal PACA Cemex Grand port maritime de Marseille Sabella Dreal PACA DDTM des Côtes d'Armor Créocéan Organisme Comité national des pêches maritimes et des élevages marins Ligue de protection des oiseaux EdF énergies nouvelles Deal Martinique Deal Martinique Bretagne vivante Dreal Bretagne Direction interrégionale de la mer Méditerranée Bretagne vivante Préfecture de Loire Atlantique DDTM des Côtes d'Armor Ministère de la transition écologique et solidaire, DGEC Grand port maritime du Havre Ministère de la transition écologique et solidaire, DEB Sablières de l'Atlantique Dreal PACA IUEM Grand port maritime de Dunkerque Association Coorlit Eolfi SGAR Bretagne, chargé de mission Comité régional des pêches de Normandie Conseil régional de Bretagne Dreal Pays de la Loire Ministère de la transition écologique et solidaire, DGITM, sous direction des ports Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 59/66 Nom Jacob Klein Lautredou Le Quillec Lebeau Lecomte Lefeuvre Legendre Legrand Legrand Legrenzi Lejart Lemaître Léocadie Leroy Letellier Lévy Liquete Lopez Macron Magnien Marielle Marmin Massu Méchin Ménard Meyzie Michel Millard Millo Montelly Moras Moulherat Prénom Céline Nicole P. Régis Florian Jean-Paul Cyril Thifaine Hélène Guy Yves Morgane Valéry Aurore Clémentine Philippe F. Camino Jean-Michel Amaël Charles-Antoine Delphine Stella Natacha Agnès Jean-Claude Bernard Patrick Frédérique Claude Hélène Jean-François Sylvain Université Paul Valéry Préfète de la région Pays de Loire Conseil régional de Bretagne Agence de l'eau Loire-Bretagne Conseil régional de Bretagne Ifremer Dreal Bretagne Organisme Ministère de la transition Écologique et solidaire, CGDD Dreal Pays de la Loire Dreal Bretagne Secrétariat général aux affaires régionales des Pays de la Loire France énergies marines Ministère de la transition Écologique et solidaire, CGDD Université Paul Valéry Commission européenne DDTM Loire Atlantique Groupe d'études des cétacés du Cotentin Commission européenne Conseil régional de Bretagne Cemex Granulats Ministère de la transition écologique et solidaire, DPMA Dreal PACA Setec In Vivo Grand port maritime du Havre Université Paul Valéry Association Loire Vilaine estuaire Dreal Normandie Egis Eau Ministère de la transition Écologique et solidaire, CGDD Dreal PACA Ministère de la transition Écologique et solidaire, DEB Ministère de la transition écologique et solidaire, DEB Terroïko Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 60/66 Nom Muller Musard Novarese Pagot Paporé Paubelle Peltier Pioch Piqueret Piquet Pirotta Potard Quentric Quétier Quillien Ramard Richter Ricordel Rivoal Rogoff Rolland Saffroy Samson Scemama Schultz Seidlitz Sellier Simon Simonet Soret Sornin Souquière Sutter Prénom Sonia Denis Thibaud Jean-Philippe Laëtitia Renaud Michel Sylvain Marianne Pierre Fabio Mickaël Alan Fabien Nolwenn Dominique Jean-Paul Françoise Jean-Louis Dimitri Robin Damien Sandrine Pierre Ludovic Benoît Guillaume Maximilien Florence Clémence Jean-Marc Anne Emmanuel Organisme Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Normandie Cerema Dreal Pays de la Loire EdF énergies nouvelles GSM granulats Grand port maritime de Marseille Direction de la mer Université Paul Valéry Préfecture maritime Atlantique DDTM de Vendée Commission européenne Ligue de protection des oiseaux Cerema Biotope France énergies marines Conseil régional de Bretagne Groupe ornithologique normand Dreal Bretagne Agence de l'eau Loire-Bretagne Président du comté régional des pêches de Normandie Dreal PACA Réseau de transport d'électricité Grand port maritime de Rouen Ifremer Ministère de la transition Écologique et solidaire, DEB Grand port maritime de Martinique Direction interrégionale de la mer Nord atlantique Ministère de la transition écologique et solidaire, DPMA Groupement Engie, énergies du Portugal : Éoliennes en mer îles d'Yeu et Noirmoutier Groupement Engie, énergies du Portugal : Éoliennes en mer îles d'Yeu et Noirmoutier Céocéan Agence française de la biodiversité Deal Martinique Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 61/66 Nom Tew-Kaï Thebault Thiebaud Thomas Thorin Toulhoat Trehet Vaissière Vedier Verlaque Victor Vilcot Villageois Villers Ybert Prénom Emilie Guylène Léa Hervé Sébastien Lucile Claire Anne-Charlotte Fabien Marc François Alice Jean-Remy Frédéric Sébastien Organisme Service hydrographique et océanique de la marine Dreal Pays de la Loire Cerema DDTM du Finistère Créocéan Comité national des pêches maritimes et des élevages marins DDTM des Côtes d'Armor Université de Bretagne occidentale Deal Martinique Institut méditerranéen d'écologie (CNRS) Direction interrégionale de la mer Atlantique Manche Ouest Ministère de la transition écologique et solidaire, DEB Grand port maritime de Martinique Dreal PACA Ifremer Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 62/66 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 63/66 6. Glossaire des sigles et acronymes Acronyme Ademe Ae Afnor Alliss AMI AFB CDC Cefe Cemeb Cerema CGAAER CGDD CGEDD CGI Cirad CNRS Coderst Comer DCE DDTM Deb DCSMM DGALN DGEC Dirm DPMA Dreal DRI EMR ERC GPM Signification Agence de l'Environnement et de la maîtrise de l'Énergie Autorité environnemental Association française de normalisation Alliance sciences sociétés Appel à manifestation d'intérêt Agence française de la Biodiversité Caisse des dépôts et consignations Centre d'Écologie fonctionnelle et évolutive Centre méditerranéen environnement et biodiversité centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux Commissariat général au développement durable Conseil général de l'Environnement et du Développent durable Conseil général des impôts Centre international de recherche sur l'agronomie et le développement Centre national de la recherche scientifique Conseil de l'Environnement et des Risques sanitaires et technologiques Comité spécialisé pour la recherche marine, maritime et littorale Directive cadre sur l'Eau Direction départementale des Territoires et de la Mer Direction de l'Eau et de la Biodiversité Directive cadre Stratégie pour le milieu marin Direction générale de l'Aménagement, du Logement et de la Nature Direction générale de l'Énergie et du Climat Direction interrégionale de la mer Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement Direction de la recherche et de l'innovation Énergies marines renouvelables Éviter ­ réduire - compenser Grand port maritime Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 64/66 Acronyme Ifrecor Ifremer Ifsttar IGF Inra IRD MNHN OCDE Ospar Pamm PLU RTE Scot Shom Sdage SNSM UMS ZEE Signification Initiative française pour les récifs coralliens Institut français pour l'exploitation des mers Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux Inspection générale des finances Institut national de recherche agronomique Institut de recherche sur le développement Muséum national d'histoire Naturelle Organisation de coopération et de développement économiques Convention d'Oslo et de Paris Plan d'action pour le milieu marin Plan local d'urbanisme Réseau de transport d'électricité Schéma de cohérence territoriale Service hydrographique opérationnel de la marine Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Société nationale de sauvetage en mer Unité mixte de services Zone économique exclusive Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 65/66 http://www.developpement-durable.gouv.fr/ (ATTENTION: OPTION ergie et du climat dans la rédaction des appels d'offres. 65 66 67 Jacob C. et al. (2017) [en ligne] La compensation en mer, Publications électroniques Amure, Série Document de travail, D-4 1-2017, 5p. La mission a rencontré deux personnes dont le doctorat avait été cofinancé par une entreprise dans le cadre des convenions industrielles de formation par la recherche (Cifre), ce qui témoigne du dynamisme partenariat entre la recherche publique et la recherche privée sur les sujets études d'impact en milieu marin. Mitimed : un outil pour l'évaluation et le dimensionnement de la séquence ERC appliquée aux études d'impacts environnementales (EIEs) en mer Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 32/66 Rapport n° 010966-01 Enfin, il faut signaler la création récente de l'unité mixte de service (UMS) 2006 patrimoine naturel depuis le 1er janvier 2017. Cette unité, sous la co-tutelle du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), de l'AFB et du CNRS est la continuité du service du patrimoine naturel de création récente Le comité spécialisé pour la recherche marine, maritime et littorale (Comer) 68 a été créé en application de l'article 7 du décret 2011-637 du 9 juin 2011 relatif aux attributions, à la composition et au fonctionnement du Conseil national de la mer et des littoraux. Il a vocation à constituer un lieu d'interface et d'échanges entre recherches scientifiques et gestion collective des espaces et activités marins et littoraux, et un lieu d'expression des avis des parties prenantes sur les besoins et les orientations des recherches marines, maritimes et littorales. Ce comité a contribué à la stratégie nationale de recherche et à la stratégie nationale de la mer et du littoral, sa contribution est en phase avec les propositions de la mission puisqu'elle propose les actions suivantes : 1. Consolider une vision « mer » dans les défis de la Stratégie Nationale de la Recherche ; 2. Comprendre le « Système Mer » pour mieux prévoir et agir ; 3. Connaître pour mieux gérer l'espace littoral ; 4. Innover pour valoriser les ressources marines et développer l'économie maritime ; 5. Structurer la recherche, conforter les infrastructures et observatoires de recherche ; 6. Bâtir une société de la connaissance marine et maritime ; 7. Développer la recherche pour et par les Outre-mer français. 2.3. Un besoin de coordination et de renforcement des compétences au niveau local Au niveau régional, les compétences sur le milieu maritime sont partagées entre les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement et les directions interrégionales de la mer, dont les contours correspondent au découpage des façades maritimes. Au niveau départemental, sous l'autorité des préfets de département, les directions départementales des territoires et de la mer sont en charge de l'instruction des dossiers d'autorisation. Selon les interlocuteurs de la mission, il devient de plus en plus difficile pour les services de disposer des compétences nécessaires à l'instruction des dossiers d'impact sur le milieu marin. D'une part, le manque de connaissance peut entraîner des polémiques incontrôlées et disproportionnées aux yeux de certains (lien entre le trait de côte et l'extraction des granulats, effet des anodes sacrificielles, etc) et d'autre part, la diminution constante des effectifs combinée à la dispersion des interlocuteurs dans les établissements publics affaiblissent la capacité d'expertise de l'État. Les préfets se retrouvent parfois démunis face à des questions concrètes et se retournent directement vers l'administration centrale. À de nombreuses reprises, les opérateurs nous ont fait part du manque d'un tiers expert ou d'un référent qui serait en capacité d'apporter un éclairage indépendant sur l'état de l'art ou l'état des connaissances, dans les débats parfois conflictuels avec les associations de protection de l'environnement. Les associations elles-mêmes sont aussi demandeuses de davantage d'accès à la connaissance ; c'est d'ailleurs le cas de l'ensemble de la société civile, ainsi que l'a démontré le livre blanc de l'alliance sciences sociétés en 201669. La difficulté réside cependant bien souvent dans le fait que cette connaissance n'existe pas. 68 69 https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/comite-recherche-marine-maritime-et-littorale Alliss (2017) Prendre au sérieux la société de la connaissance. Livre Blanc 79p. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 33/66 Rapport n° 010966-01 Les rencontres que la mission a conduit en région montrent aussi de très bonnes initiatives régionales, qui gagneraient à être mutualisées ou a minima partagées en réseau entre les services déconcentrés. À titre d'exemple, des initiatives intéressantes en Méditerranée (recensement sur Internet des données disponibles sur le milieu marin, élaboration d'un atlas des zones de restauration écologique), pourraient être dupliquées et partagées dans leur méthodologie au niveau national. Enfin, la complexité de la démarche ERC en milieu marin, l'évolution de la réglementation, les incertitudes sur la connaissance des écosystèmes, nécessitent que soient non seulement maintenues, mais approfondies, les compétences techniques des services territoriaux de l'État. Le rapport du Sénat sur la compensation des atteintes à la biodiversité, souligne l'importance de la formation des administrations, notamment afin de mettre en oeuvre le principe de non-perte nette de biodiversité 70. L'agence française de la biodiversité pourrait être un des éléments constitutifs de cette offre de formation71. 2.4. La normalisation, pour capitaliser les bonnes pratiques opérationnelles La diversité des études d'impact sur les projets en milieu marin, par différents bureaux d'études de niveau d'expertise variable, nécessiterait sans aucun doute une harmonisation dans leur contenu et leur méthodologie : intégration ou non d'indices sur le milieu sur la base du document d'Ifremer de 2012 ; méthodes recommandées de compensation écologique, etc. Cela pourrait être conduit sous le pilotage de l'agence française de la Biodiversité, avec l'obligation d'alimenter une base de données. Pour la mission, les nombreuses initiatives des services de l'État, des établissements publics, du monde de la recherche publique et privée et des bureaux d'étude doivent non seulement être coordonnées mais également déboucher sur des outils opérationnels reconnus et promus chez tous les acteurs, y compris au niveau international. Il s'agit d'élever le niveau de compétence des acteurs et le niveau d'exigence des pouvoirs publics sur l'évaluation des impacts en milieu marin et les mesures ERC associées. La normalisation72, qui permet de publier des documents techniques élaborés dans une logique de dialogue et de consensus entre les acteurs serait l'outil de choix pour atteindre ces objectifs. Elle mettrait autour de la table chercheurs, entreprises et agences publiques pour élaborer les documents qui fixent les exigences minimales et bonnes pratiques. Les pouvoirs publics, qui disposent d'un pouvoir de veto sur les normes, trouveraient dans la normalisation un bon moyen de promouvoir l'élaboration de méthodes adaptées à la bonne mise en oeuvre des politiques publiques et de contrôler leur élaboration. Les chercheurs pourraient accélérer par ce moyen la valorisation de leurs travaux. Enfin, les entreprises et bureaux d'études auraient la garantie d'un accès facilité au marché pour les pratiques vertueuses en matière d'environnement. 70 71 72 Rapport n°517 du Sénat(op. cit. 42 page 22) : « Tendre à développer les moyens humains et la formation des agents en charge du suivi afin de rendre effectifs la nouvelle obligation de résultat, le pouvoir de définir des prescriptions complémentaires si les mesures de compensation sont inopérantes, ... » Rapport n°517 du Sénat(op. cit. 42 page 22) : « Renforcer, sous la responsabilité de l'AFB, la formation des administrations chargées d'instruire et de suivre la mise en oeuvre de la séquence ERC ». Une norme, du latin norma « équerre, règle », désigne un état habituellement répandu, moyen, considéré le plus souvent comme une règle à suivre. (Source Wikipedia) Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 34/66 Rapport n° 010966-01 La création d'un groupe de normalisation aurait également l'avantage d'identifier et de maintenir une communauté d'experts susceptible d'apporter un appui aux pouvoirs publics. Il convient également de raisonner cette normalisation à une échelle européenne, voire internationale : d'une part pour promouvoir à l'international les efforts nationaux tout en bénéficiant de l'effet de parangonnage avec nos partenaires, d'autre part afin d'harmoniser les études d'impact pour la mise en oeuvre des directives européennes sur les façades partagées avec d'autres États membres. Enfin, la normalisation peut déboucher sur la certification qui permettrait de disposer d'une expertise qualifiée et vérifiée pour la réalisation des études d'impact, la définition des mesures ERC et la réalisation des campagnes de suivi et de surveillance. Il existe d'ailleurs au moins une initiative en ce sens avec les projets de normes et de certifications développés par la société pour la restauration écologique73. Cette instance internationale, essentiellement composée de membres américains du nord et australiens, développe des normes internationales et des services de certification, dans le cadre de la convention internationale sur la diversité biologique 74. La faible participation des européens à cette élaboration pourrait avoir des conséquences délétères sur leur compétitivité internationale. 2.5. Prendre en compte les particularités des milieux ultramarins La mission s'est intéressée aux spécificités de la biodiversité ultramarine et aux questions spécifiques qui pouvaient éventuellement se poser. À l'occasion d'un voyage en Martinique, un membre de la mission a rencontré les représentants de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement, de l'agence française de la biodiversité, de la direction de la mer et du grand port maritime. D'après le Muséum national d'histoire naturelle 75, La France occupe une place unique par la variété de ses collectivités d'outre-mer et donc de ses milieux naturels [...] la biodiversité présente dans ces territoires est souvent remarquable et confère à la France une grande responsabilité au niveau international en matière de conservation. [...] Le milieu marin d'outre-mer couvre une énorme superficie : plus de 10 millions de km², ce qui représente 97% de la Zone économique exclusive (ZEE) de la France. Il regroupe une richesse biologique exceptionnelle, notamment par la présence de 55 000 km² de récifs coralliens et lagons (10 % des écosystèmes récifo-lagonaires de la planète, 20 % des atolls du monde). Les acteurs de la biodiversité marine en Martinique ont souligné que la source majeure d'incertitude dans les études d'impact provenait du manque de fiabilité de l'évaluation de l'état initial : soit il est faux, soit le milieu évolue très vite. Pour leurs projets de reconquête de la biodiversité en fond de baie, par exemple, ils doivent réévaluer régulièrement l'état initial. Pour le port, le coût de l'établissement de l'état initial dans le cadre du projet stratégique était rédhibitoire. Cette grande difficulté à évaluer la biodiversité crée des querelles entre experts et entre associations. De façon unanime apparaît le souhait de disposer d'un référentiel commun pour décrire l'état des milieux. L'université des Antilles n'a pas actuellement de réelles compétences sur le milieu marin mais souhaite retenir cet axe de développement dans sa stratégie de site. Les pouvoirs publics pouvaient jusqu'alors s'appuyer sur peu de textes, sauf pour ce qui concerne les mammifères marins et les 73 74 75 McDonald et al. (2016) International standards for the practical ecological restoration ­ including principle and key concepts. Nations unies (1992) Convention sur la diversité biologique Voir notamment la page outremer du site de l'inventaire national du Patrimoine Naturel Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 35/66 Rapport n° 010966-01 tortues. Il a été noté que la connaissance sur la protection des coraux s'était améliorée récemment du fait des travaux de l'initiative française pour les récifs coralliens 76 (Ifrecor). Un guide en deux livrets a été publié en 2017 : · le Guide pour les études d'impact environnemental en milieux coralliens de France d'outre-mer77 ; · le Guide pour la mise en oeuvre des mesures compensatoires et la méthode de dimensionnement Merci-Cor78. 76 77 78 L'Ifrecor, initiative française pour les récifs coralliens a été créée en 1999, pour la protection et la gestion durable des récifs coralliens et des écosystèmes associés (mangroves, herbiers) dans les collectivités françaises d'outre-mer. Pinault, M. et al. (2017). Livret 1 - Guide pour les études d'impact environnemental en milieux coralliens de France d'outre-mer. Rapport Ifrecor. 120 p. Pinault, Carte des biocénoses - Guide pour la mise en oeuvre Martinique (Source Hélène Legrand, Figure 5:M. et al. (2017). Livret 2 des milieux marins littoraux de des mesures compensatoires et la méthode de dimensionnement Merci-Cor Édition Ifrecor. 76 p. "Base de données cartographique des fonds marins côtiers de la Martinique : Biocénoses benthiques," Documentation Ifrecor, consulté le 22 septembre 2017) Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 36/66 Rapport n° 010966-01 Le premier livret explique les principes et le déroulement d'une étude d'impact et fournit des éléments détaillés sur les méthodes à mettre en oeuvre pour analyser l'état initial et évaluer les impacts susceptibles d'atteindre les coraux. Il tient compte notamment des apports de la loi sur la biodiversité de 2016. Le deuxième livret présente et fournit les éléments pour la mise en oeuvre d'une méthode opérationnelle quantitative qui permet de calculer des surfaces de compensation dans le cas d'atteintes aux récifs coralliens. La méthode est basée sur des indicateurs robustes d'impact à partir d'une situation de référence qui s'appuie sur la notion d'habitat naturel de la directive Habitats79. Ces deux livrets vont permettre une avancée significative dans la protection des coraux, protection pour laquelle la France a une responsabilité majeure puisqu'elle possède la quatrième surface de coraux dans le monde. Néanmoins, pour les acteurs locaux, d'autres sujets sont encore orphelins comme la protection des mangroves pour laquelle il est encore impossible de proposer des mesures compensatoires. D'après les interlocuteurs de la mission, la fragilité de la connaissance du milieu conduit les maîtres d'ouvrage à développer une forte aversion au risque. Le plus souvent ils renoncent aux projets faute de solution d'évitement convaincante. C'est ainsi que le port a renoncé à son projet initial de construction d'un quai de 200 m à la Pointe des grives, le projet a été réduit en tirant d'eau, longueur et surface et adapté aux prévisions à l'horizon de cinq ans, remettant à plus tard son extension. Les prises de position des parties prenantes apparaissent également plus tranchées qu'en métropole avec de véritables risques d'affrontements. Le quasi-renoncement aux dragages est souligné comme créant un problème potentiel, ce serait déjà le cas pour les ports de pêche et de plaisance. Les possibilités de clapage sont exclues. Les sédiments sont très chargés en métaux lourds. Les opérateurs sollicitent un soutien scientifique sur ce point. La mission constate donc une fois de plus que le retard de la connaissance sur les écosystèmes marins n'est pas seulement à l'origine de destructions de la nature mais conduit à des situations de blocage très délétères pour le développement économique. Pour les représentants de l'agence française de la biodiversité les données sur l'environnement et les impacts ne sont pas librement accessibles80, il s'agit d'une cause importante de l'opposition des populations aux projets. Les études d'impact des communes ne sont pas accessibles. Les bureaux d'études refusent de les communiquer car ils n'en sont pas propriétaires. Ils citent l'exemple du projet Nemo 81 d'un coût de 300 M pour lequel de nombreuses questions ont été posés. Le sentiment de l'agence est que choix du site est aberrant car il est implanté au coeur de la plus forte concentration de mammifères marins en Martinique et que les études ont été mal faites. Il aurait été souhaitable que les pouvoirs publics imposent un volet recherche sur les impacts. Seul un suivi approfondi de l'évolution du milieu permettra de tirer un retour d'expérience d'un tel projet et donc de mieux évaluer les impacts d'autres projets en mer. La mission a rencontré les promoteurs du projet Nemo qui assurent qu'ils ont conduit toutes les études nécessaires 82 et ambitionnent un niveau d'impact 79 80 81 Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages Voir à ce sujet la recommandation 3 page 25 du présent rapport Il s'agit d'un projet de centrale flottante de production d'énergie thermique des mers d'une puissance nette de 10,7 MW qui sera installé au large de la commune de Bellefontaine et devrait être mis en service en 2020. http://www.akuoenergy.com/fr/nemo Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 37/66 Rapport n° 010966-01 très faible tout en montrant qu'il s'agit d'une innovation majeure en termes de production d'énergie renouvelable des mers. Il apparaît également que les projets sur le domaine public maritime se multiplient et que l'administration ne peut pas toujours s'appuyer sur des textes précis pour réguler cet afflux et prendre en compte les impacts dans ses décisions. Ainsi, l'exemple d'un projet d'hôtel flottant en site remarquable, avec la création d'un nombre conséquent d'emplois ne correspond à aucune réglementation qui fonderait la décision de l'administration. Les acteurs locaux soulignent qu'il conviendrait de revoir la réglementation du domaine public maritime pour apporter des réponses pertinentes face à ces projets. Enfin, il est souligné qu'en Martinique le niveau d'étude d'impact est fixé par le coût du projet. Or, pour les protecteurs de l'environnement il n'y a pas corrélation entre l'effort à consentir pour l'étude d'impact, qui dépend de facteurs du milieu, et l'ampleur du projet. Ce n'est pas tant la capacité des bureaux d'études à réaliser des études d'impact complexes que les exigences faibles des maîtres d'ouvrages qui posent problème. 2.6. Recommandations du chapitre 2 Les recommandations suivantes constituent les solutions que propose la mission pour pallier le manque de connaissances sur les milieux marins, améliorer le transfert des résultats de la recherche vers les acteurs opérationnels, reconnaître les bonnes pratiques, accélérer leur partage et leur diffusion et prendre en compte les spécificités des milieux ultramarins. 5. Donner à l'Agence française de la biodiversité les moyens de jouer un rôle de référent de la connaissance de l'écologie des milieux marins avec une priorité particulière sur des mesures ERC en mer et le développement de l'ingénierie écologique en mer, y compris en la dotant de capacités significatives de mobilisation du monde scientifique (Ifremer, Cerema, MNHN, CNRS et universités) et un rôle de centralisation des observations sur l'environnement marin (Deb) . 6. Mettre en place un effort spécifique de recherche et de transfert des observations et connaissances de la biodiversité marine outremer en insistant sur la mise en place de mesures de suivi approfondies afin de bénéficier d'un retour d'expérience. (AFB, DRI) 7. Inscrire dans les contrats d'objectifs de l'AFB, d'Ifremer et du Cerema la mise en priorité du développement des connaissances sur l'écologie du milieu marin et les impacts anthropiques. (Deb, DRI) 82 De fait l'avis d'autorité environnementale émis par le préfet de Martinique souligne que le document transmis est de grande qualité et présente globalement une bonne analyse des impacts du projet sur les différentes composantes de l'environnement et prend suffisamment en compte les incidences directes, indirectes, permanentes ou temporaires du projet sur l'environnement, néanmoins il indique que l'étude d'impact justifie insuffisamment l'emplacement retenu, notamment n'a pas étudié l'éventuel déplacement vers le sud pour l'éloigner de la zone de fréquentation privilégiée du dauphin tacheté pantropical. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 38/66 Rapport n° 010966-01 8. Mandater l'agence française de la biodiversité et l'association française de normalisation pour développer des normes décrivant les bonnes pratiques d'ERC en mer avec l'objectif de porter ces normes au niveau européen. (Deb, AFB) Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 39/66 3. Inscrire les mesures ERC dans les processus de planification Il ressort des nombreux entretiens de la mission avec les acteurs du monde marin au sein des différentes façades maritimes et avec la direction générale de l'environnement de la Commission européenne que la planification est appelée à jouer un rôle croissant dans l'anticipation des impacts sur les milieux marins et leur réduction. En outre, la planification est parfois considérée comme le seul moyen de faire face au constat actuel de l'échec de la compensation en mer, qui semble général. 3.1. Planifier pour anticiper les impacts et leur réduction 3.1.1. Un cadre européen cohérent La direction générale de l'environnement de la Commission européenne a rappelé à la mission que les États membres devaient fixer les critères de définition du bon état écologique et planifier les activités économiques sur leurs façades maritimes. Il convient également qu'ils coopèrent entre eux afin d'assurer la cohérence de leurs actions et d'éviter les impacts dans les États voisins en application de la convention d'Espoo83. La stratégie européenne repose sur trois composantes : · la connaissance du milieu et la définition de son bon état écologique ; · la planification des activités intégrant les questions d'impact environnemental ; · l'évaluation des incidences environnementales des documents de planification. La directive cadre Stratégie pour le milieu marin devrait permettre de restaurer ou de préserver le bon état écologique du milieu, d'en surveiller l'évolution et de rendre cohérentes les actions de protection de l'environnement à terre et en mer. Un document récent établit des normes pour déterminer le bon état écologique des eaux marines84. Ce document est une mise à jour majeure d'une décision de 2010. Les États membres sont invités à définir des indicateurs de l'état écologique et des seuils permettant de définir ce bon état. Ces indicateurs et seuils doivent être construits de façon conjointe par les pays partageant une façade maritime. La Commission cite, pour exemple d'une mise en oeuvre vertueuse de ces principes, la coopération des États membres pour la protection de la mer Baltique. Bruxelles insiste également sur l'importance des stratégies de façade en application de la directive cadre pour la planification de l'espace maritime 85. La bonne application de cette directive devrait permettre de traiter convenablement les effets cumulés en anticipant les activités susceptibles de se développer dans l'espace maritime. Le lien avec la directive cadre Stratégie pour le milieu marin passe selon elle par l'évaluation des écosystèmes et services écosystémiques et la prise en compte des interactions avec le milieu terrestre voisin. 83 84 85 La Convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement (EIE) dans un contexte transfrontière stipule les obligations des Parties d'évaluer l'impact sur l'environnement de certaines activités au début de la planification. Elle stipule également l'obligation générale des États de notifier et de se consulter sur tous projets majeurs à l'étude susceptibles d'avoir un impact transfrontière préjudiciable important sur l'environnement. Lien vers le texte de la convention en français Décision (UE) 2017/848 de la commission du 17 mai 2017 établissant des critères et des normes méthodologiques applicables au bon état écologique des eaux marines ainsi que des spécifications et des méthodes normalisées de surveillance et d'évaluation, et abrogeant la décision 2010/477/UE Directive 2014/89/UE du parlement européen et du conseil du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l'espace maritime Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 40/66 Rapport n° 010966-01 Ainsi, aussi bien la vérification et l'anticipation des pressions sur l'environnement dans le cadre de la planification des activités économiques que celle des mesures de préervation et de surveillance du bon état écologique devraient permettre de donner à l'ensemble des activités en milieu marin un cadre qui limite les impacts environnementaux. La compensation est pour l'Europe, qui confirme ainsi l'opinion des acteurs français sur le terrain, presque impossible à mettre en place en mer. Ce sont donc bien l'évitement et la réduction qu'il convient de privilégier via la planification. La Commission considère que la bonne articulation entre la planification et les évaluations environnementales stratégiques prévues par la directive sur les incidences de certains plans et programmes sur l'environnement86 est également un facteur important de succès. Il est attendu des États membres de bien réaliser ces évaluations environnementales stratégiques afin de définir les zones propices aux aménagements planifiés dans une logique d'évitement des impacts. Les responsables des projets devraient ensuite trouver un cadre clair pour réaliser les études d'impacts de leur projet, les enjeux ayant été précisément définis au stade de la planification et la réduction d'impact restant de leur compétence. 3.1.2. La planification du milieu marin se met en place en France Une première série de plans d'action pour le milieu marin a été adoptée sur les quatre sous-régions marines de la France continentale définies par l'article R.219-2 du code de l'environnement : Manche-Mer-du-Nord, mers celtiques, Golfe de Gascogne, Méditerranée occidentale. Ces plans d'actions sont mis en place en application de la directive cadre Stratégie pour le milieu marin. La directive exige des États membres de l'Union européenne qu'ils mettent en oeuvre des programmes de surveillance et de mesures afin d'atteindre, en 2021, le bon état écologique des eaux marines. Les plans d'action pour le milieu marin de première génération, adoptés par les préfets coordonnateurs des sous-régions marines en avril 2016, fournissent une première vision des connaissances sur l'état du milieu et des pressions anthropiques qui l'affectent, de l'écart avec le bon état écologique et des mesures engagées pour son atteinte. Ces plans d'action seront intégrés aux documents stratégiques de façade, prévus à l'article R. 219-1-7 du code de l'environnement. Ces documents stratégiques de façade déclinent, selon le code de l'environnement, les orientations de la stratégie nationale pour la mer et le littoral au regard des enjeux économiques, sociaux et écologiques propres à chaque façade. Le défi posé à la réalisation des documents stratégiques de façade est donc bien celui d'une intégration des enjeux écologiques au sein d'une vision prospective de l'économie marine. Une simple juxtaposition des plans d'actions aujourd'hui adoptés, ou objets d'une simple révision, et de volets économiques et sociaux des documents stratégiques de façade constituerait un échec et serait contraire à l'esprit de la loi et des directives européennes. Il s'agit bien de construire une dynamique économique qui anticipe les éventuels impacts environnementaux et prévoit, de façon résolue, la manière de les éviter, les réduire ou, le cas échéant, de les compenser. Cette manière de concevoir la planification est encore peu développée. Le chapitre 1.3 montre par exemple que le développement des énergies marines renouvelables a jusqu'ici échoué à intégrer développement économique, transition énergétique et préservation de l'environnement dans une démarche vertueuse. 86 Directive 2001/42/CE du parlement européen et du conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 41/66 Rapport n° 010966-01 Il convient également de mentionner que la deuxième série de plans stratégiques des grands ports maritimes, exercice de planification qui couvre la période 2014-2018 et concerne les ports de la métropole et de l'outremer, est dorénavant soumise à évaluation environnementale87. L'autorité environnementale du CGEDD a publié une note qui récapitule son expérience suite à l'examen des évaluations environnementales de l'ensemble des projets stratégiques des grands ports maritimes. Elle insiste notamment sur le rôle de la planification en matière d'anticipation des mesures d'évitement et de réduction des projets développés ultérieurement par le port88. 3.1.3. Quels apports de la planification à la séquence ERC ? La mission considère que la planification est la clé de la mise en oeuvre de la séquence ERC. Il importe donc que les futurs plans et programmes, au premier rang desquels les documents stratégiques de façade, identifient clairement dans leurs programmes de mesures les points qui faciliteront les mesures ERC. Il s'agit notamment de : · l'identification et la définition des enjeux environnementaux des écosystèmes susceptibles de recevoir des projets ; · l'évaluation des services écosystémiques et de la biodiversité ordinaire ; · l'intégration des pressions diffuses avec celle des aménagements ; · l'identification des zones de compensation et la mise en place d'outils de compensation mutualisés. . L'identification des enjeux environnementaux Au delà des efforts de recherche à mettre en place pour combler les lacunes de la connaissance, améliorer les méthodologies d'évaluation de l'état écologique du milieu marin et la connaissance des relations entre les pressions anthropiques et les impacts, il importe de cartographier avec précision l'état des écosystèmes marins et des pressions qui s'y exercent. L'échelle de ces cartes doit être compatible avec celle des projets attendus dans cet environnement. Cette activité est clairement un des objectifs des plans d'actions pour le milieu marin qui ont été construits sur la base des connaissances actuelles et prévoient des programmes de surveillance (voir à titre d'exemple la carte figure 6 page 43 et 5 page 36). 87 88 L'article R. 122-17 (33°) du code de l'environnement prévoit que les volets 4° : Politique d'aménagement et de développement durable et 5° Dessertes du port et politique en faveur de l'intermodalité, des projets stratégiques des grands ports maritimes doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale. Autorité environnementale (2016). Note délibérée du 25 mai 2016 sur les Projets stratégiques des grands ports maritimes, page 10 : Un projet stratégique et son évaluation environnementale doivent permettre d'anticiper les impacts environnementaux des projets prévus sur le domaine portuaire et de prévoir suffisamment tôt les mesures permettant de les éviter ou de les réduire. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 42/66 Rapport n° 010966-01 Figure 6: carte des habitats physiques des fonds marins d'Atlantique (Site DCSMM d'Ifremer) Les pouvoirs publics sont invités à considérer les actions de surveillance et de connaissance avec un haut niveau de priorité. L'investissement public dans la connaissance est la source de nombreuses économies dans le développement de l'économie maritime, comme nous le développons dans le chapitre 1.3 à propos de l'exemple des énergies marines renouvelables. Cette connaissance de l'état des milieux ouvre la possibilité de définir précisément l'état initial pour les études d'impact des projets et par conséquent de classer correctement les enjeux environnementaux, phase préalable indispensable pour évaluer les impacts et par conséquent élaborer une séquence ERC adaptée.La préservation de la biodiversité ordinaire Le mode traditionnel de protection de la nature, à terre et en mer, est principalement basé sur la protection des espèces89. Les études d'impact identifient, lorsqu'elles sont correctement conduites, les espèces vulnérables ou menacées et concentrent les mesures ERC sur leur préservation. Selon le rapport du groupe de travail présidé par Bernard Chevassus-au-Louis en 200990 au sein du conseil d'analyse stratégique, la biodiversité peut être analysée selon deux composantes : · la biodiversité remarquable correspondant à des entités que la société a identifiées comme ayant une valeur intrinsèque et fondée principalement sur d'autres valeurs qu'économiques ; · la biodiversité ordinaire n'ayant pas de valeur intrinsèque identifiée comme telle mais qui, par l'abondance et les multiples interactions entre ses entités, contri89 90 Pour la fondation pour la recherche en biodiversité : La biodiversité est [...] un concept beaucoup plus vaste que la simple collection d'espèces animales et végétales à laquelle on la réduit souvent : c'est la diversité de la vie à tous ses niveaux d'organisation, du gène aux espèces et aux écosystèmes. Ces niveaux connaissent une dynamique et des interactions permanentes et sont le cadre de l'évolution du vivant. FRB (2017) La biodiversité, une clé à destination des acteurs économiques Chevassus-au-Louis B. (2009), Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes, Paris, La Documentation française, 400 p. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 43/66 Rapport n° 010966-01 bue à des degrés divers au fonctionnement des écosystèmes et à la production des services qu'y trouvent nos sociétés. Cette biodiversité ordinaire n'est presque jamais prise en compte dans les études d'impact, sauf cas particuliers comme celui des zones humides qui constituent des habitats protégés ou dans le cadre des sites protégés, notamment les sites d'intérêt communautaire du réseau Natura 2000. Les chercheurs rencontrés par la mission confirment l'analyse du rapport Chevassus et suggèrent qu'une des vertus de l'évaluation des services écosystémiques des milieux marins serait que ces services s'appuient pour l'essentiel sur la biodiversité ordinaire. La figure 4 page 13 illustre la manière dont il apparaît possible de prendre en compte les services écosystémiques à travers l'exemple des fonds côtiers de Méditerranée. Ainsi, l'intégration de la notion de service écosystémique, voire l'évaluation des bénéfices tirés de ces services serait un des meilleurs moyens de préserver la biodiversité ordinaire. Comme l'a souligné le rapport le rapport du Sénat sur la compensation des atteintes à la biodiversité de mai 2017(op. cit. 42 page 22) : La mise en oeuvre de la séquence ERC souffre de l'hétérogénéité des régimes juridiques la mettant en oeuvre (évaluation environnementale, Natura 2000, protection des espèces de faune et de flore sauvages, protection des milieux aquatiques et humides, opérations de défrichement) et d'un faible encadrement des méthodes d'élaboration de son contenu. En outre, la segmentation des procédures juridiques fait obstacle à une approche plus intégratrice de la reconquête de la biodiversité et compromet la bonne participation du public. Ce constat n'est pas spécifique du milieu marin, mais il s'y applique parfaitement. La prise en compte des services écosystémiques, sans préjudice d'éventuelles réformes des études d'impact qui prendraient en compte le rapport du Sénat, serait également un moyen de palier partiellement les problèmes évoqués. Un autre avantage de l'évaluation des services écosystémiques consiste à intégrer au sein du calcul économique l'impératif de protection de la nature, ce qui, à condition de ne pas substituer les chiffres à la réflexion, constitue une indéniable aide à la décision. Pour la mission qui adopte volontiers cette vision, cela constituerait également une aide à la résolution des conflits d'usage. En effet, dès lors que des usagers bénéficient d'un service écosystémique, il devient possible de quantifier la valeur de ce service et d'en réguler l'usage par le prix dans une logique économique classique. . L'intégration des pressions diffuses La multiplicité des activités en mer pose la question des impacts cumulés et de leur évaluation. Dès lors, il apparaît évident que la prise en compte des seuls aménagements soumis à étude d'impact ne suffit pas à appréhender correctement les impacts cumulés. De nombreuses pressions anthropiques diffuses sont susceptibles de perturber les milieux, parfois de façon bien plus importante que les projets. La pollution par les substances chimiques, les déchets ou l'érosion, quelle provienne des activités marines ou du milieu terrestre doit être prise en compte. Les impacts des transports maritimes qui engendrent pollutions et nuisances sonores doivent également être considérés. La pêche, qui opère des prélèvements sur les populations de poissons et de mollusques constitue un impact direct qui doit être régulé. La pression sur les écosystèmes liée aux activités récréatives ou à la navigation de plaisance ne doit pas être négligée. Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 44/66 . La mutualisation de la compensation S'il existe des marges de progrès en termes d'évitement et de réduction, chacun s'accorde pour considérer qu'il reste des impacts résiduels quasi impossibles à compenser. Nous abordons, dans le paragraphe 3.2 la mutualisation de la compensation. Une des premières étapes pour développer des mesures de compensation efficaces consiste à identifier les aires sur lesquelles elle serait le plus susceptible d'améliorer le fonctionnement des écosystèmes marins. C'est encore une fois au niveau de la planification que cette identification serait la plus efficace, ce qui ouvrirait pour les opérateurs des possibilités qu'ils ne peuvent pas forcément identifier à l'échelle de leurs projets. Cette identification, qui impliquerait une protection particulière des écosystèmes ainsi signalés, permettrait également d'éclairer les enjeux des projets terrestres dont beaucoup sont susceptibles d'impacts en milieu marin. . Emboîtement des plans Le haut niveau d'exigence en matière de protection de l'environnement que doit atteindre la France, du fait de son appartenance à l'Union européenne et des nombreux accords et traités internationaux qu'elle a signé n'exclut pas, bien au contraire, une simplification du droit de l'environnement et des procédures qui s'attachent aux projets91. La mission considère même que la complexité des réglementations peut entraver l'innovation notamment en matière de préservation de l'environnement ou de mise en oeuvre des transitions énergétique et écologique (cf. § 1.3). De nombreux plans et programmes concernent partiellement le même objet, en l'occurrence, pour ce qui nous occupe, le milieu marin. L'intégration des plans d'action pour le milieu marin au sein des documents stratégiques de façade est à cet égard une excellente chose. Selon la mission, il conviendrait d'aller plus loin en considérant que le chapitre sur la compatibilité entre les différents plans, souvent traité de manière très formelle92 dans les évaluations d'incidences environnementales soit considéré avec une vision qui hiérarchise le cadre d'évaluation entre les plans et applique avec efficience le principe de subsidiarité. Par exemple, les évaluations environnementales des projets stratégiques des grands ports maritimes devraient s'appuyer sur celles des plans d'action sur le milieu marin en y apportant des détails supplémentaires spécifiques et en concevant leur stratégie d'évitement et de réduction sur la base de celle prévue par les plans d'action. 3.1.4. Améliorer l'évaluation des incidences environnementales La bonne mise en oeuvre de la séquence ERC passe par une identification correcte des impacts et une bonne évaluation de leur niveau. Dans une étude de la qualité des études d'impacts en milieu terrestre93 Cécile Bigard, du centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (Cefe) du centre national de la recherche scientifique (CNRS) recense les critiques qui ont porté sur la qualité des études d'impact au niveau international : 91 92 93 Voir par exemple l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale qui crée l'autorisation environnementale unique L'autorité environnementale relève page 27 de sa note (op. cit. 88 page 42) que : L'analyse de [l'] articulation [entre les plans] se limite à une vérification peu argumentée de leur cohérence, restant le plus souvent qualitative, sans réellement tirer profit de la hiérarchisation des enjeux de chacun de ces plans. Bigard C. et al. (2017) The inclusion of biodiversity in environmental impact assessment: Policy-related progress limited by gaps and semantic confusion. Journal of Environmental Management, 200, 35-45. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 45/66 Rapport n° 010966-01 · les choix au sein des différentes options de projet sont plus souvent basés sur des considérations socio-économiques que des arguments écologiques ; · la détermination de l'aire d'étude pour l'évaluation des impacts est souvent basée sur des considérations non écologiques ; · les indicateurs mesurables et les prévisions quantitatives sont rares ; · la pertinence des impacts n'est pas claire ; · la portée des études est souvent mal définie et leur étendue trop étroite ; · beaucoup d'études évaluent la biodiversité en termes de populations d'espèces au lieu de s'attacher à comprendre les effets sur les processus écologiques ou la diversité génétique. In fine, le manque de définition précises et de compréhension des processus écologiques, du fonctionnement des écosystèmes et de la variabilité génétique conduit à rendre difficile l'identification de ce qui constitue un impact significatif. L'article conclut en ouvrant à la planification que : « Tout bien considéré, reconsidérer les pratiques des parties prenantes en les associant avec une approche plus stratégique vers l'anticipation et l'évitement à l'échelle de la planification de l'usage des terres est maintenant nécessaire pour que la hiérarchie de mitigation devienne une hiérarchie claire et pratique afin que l'objectif d'absence de perte nette de biodiversité soit basé sur des priorités de conservation94. » Néanmoins, la mission a pu constater que des collaborations étroites entre bureaux d'études et chercheurs laissaient espérer une amélioration. Ainsi, lors du colloque éviter, réduire, compenser les impacts des aménagements sur la biodiversité, organisé par le laboratoire d'excellence Cemeb(op. cit. 64 page 31) à Montpellier les 30 et 31 mars 2017, Sylvain Moulherat, du bureau d'études Terroiko95 a montré comment des outils de simulation numérique de la viabilité des populations 96 issus de sa thèse permettaient de simuler les impacts d'aménagements sur la dynamique des métapopulations 97 à partir de la connaissance de leurs traits d'histoire de vie98. Ces modèles peuvent prendre en compte des impacts cumulés et des ruptures de continuités écologiques. Ils intègrent également la variabilité génétique des populations étudiées. Concernant plus spécifiquement notre sujet, une analyse de 55 études d'impact de projets en milieu marin, disponibles sur le site du ministère de la transition Écologique et Solidaire, a été réalisée par Céline Jacob et publiée dans sa thèse de doctorat (op. cit. 5 page 6) . Cette analyse rigoureuse basée sur la grille développée par le centre d'Écologie fonctionnelle et évolutive(op. cit. 93 page 45) met en évidence que les mesures d'évitement sont relativement peu nombreuses. Néanmoins, ces mesures sont plutôt satisfaisantes puisque 30 d'entre elles, sur 45 mesures, conduisent à une absence d'impact. La thèse souligne le très faible nombre d'études d'impact qui comportent une analyse des variantes où des critères environnementaux sont effectivement mis en avant pour le choix final. On note également la faible efficacité des mesures de compensation qui sont d'ailleurs très peu nombreuses. Les mesures de réduction, plus efficaces sur le 94 95 96 97 98 Traduction par la mission de : « All in all, reconsideration of stakeholders routine practices associated with a more strategic approach towards impact anticipation and avoidance at a land-use planning scale is now necessary for the mitigation hierarchy to become a clear and practical hierarchy for "no net loss" objectives based on conservation priorities. » Voir http://www.terroiko.fr Moulherat, Sylvain (2014). Toward the development of predictive systems ecology modeling: MetaConnect and its use as an innovative modeling platform in theoretical and applied fields of ecological research. La métapopulation est un concept écologique qui définit un ensemble de populations d'individus d'une même espèce séparées spatialement ou temporellement et étant interconnectées par la dispersion (Source Wikipedia) Paramètres de survie, de reproduction, de dispersion, etc, qui caractérisent une population d'individus Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 46/66 Rapport n° 010966-01 plan socio-économique qu'écologique ciblent avant-tout les phases de travaux. La compensation est parfois envisagée sans que des mesures d'évitement et de réduction ne soient mises en place. Elle est globalement inefficace puisqu'il subsiste en général des impacts. La notion de significativité de l'impact n'est pas définie et semble plus favorable aux impacts socio-économiques qu'écologiques. La présence constatée au sein des études d'impact de nombreuses mesures de suivi et de surveillance, qu'il convient de classer dans les mesures d'accompagnement pose problème, par rapport notamment à l'application du principe de précaution. Ces mesures sont le plus souvent envisagées du fait d'une absence de connaissance suffisante pour évaluer les impacts. Le principe de précaution voudrait que des mesures ERC soient prises et que le suivi puisse permettre éventuellement de les alléger. C'est l'inverse qui se produit. Il est également souligné que ces mesures sont proposées, y compris en l'absence d'impact, afin de faire accepter le projet. La thèse propose quelques recommandations qui concernent directement l'amélioration de la qualité des études d'impact : · développer des recherches sur les impacts mal connus en impliquant les promoteurs des projets dans leur financement ; (exemples : champs électromagnétiques, perturbations sonores sous-marines, nouveaux contaminants), les écosystèmes (profonds, de pleine mer) ou les zones fonctionnelles (zones de frayère de substrat meuble) ; · mettre en place des études d'impact quantitatives basées sur la modélisation. (Approches indicielles, diagrammes systèmes, modèles de simulation et l'approche basée sur la modélisation écologique.) Ces méthodes devraient être mises en place dans le cadre de coopérations entre bureaux d'études et chercheurs ; · établir des seuils d'impact significatif. Il n'entre pas dans le cadre de cette mission de recenser toutes les innovations qui permettraient de résoudre les différents problèmes identifiés comme des lacunes des études d'impact en milieu marin. Ces innovations sont nombreuses et témoignent d'une communauté de scientifiques et d'entrepreneurs très active. Au delà de l'enjeu de protection du milieu marin, le développement de méthodologies robustes pour évaluer les impacts, conditionnerait des mesures ERC efficaces et permettrait aux maîtres d'ouvrages de disposer d'un cadre consolidé pour concevoir leurs projets dans une logique de respect du milieu. Intégrer ces innovations sera bien plus aisé à l'échelle des évaluations environnementales stratégiques des documents de planification qu'au gré des projets de tailles et d'ampleur diverses. Il s'agit enfin aussi d'un enjeu de développement pour les acteurs de l'économie verte que sont les experts qui réalisent les études pour les maîtres d'ouvrage et pour les pouvoirs publics. 3.2. Offrir des possibilités de compensation mutualisées La contribution de l'agence française de la biodiversité aux travaux de la mission confirme les dires unanimes des interlocuteurs de la mission sur l'extrême difficulté de la compensation en milieu marin. Pour l'Agence : Dans le milieu marin, les notions d'équivalence écologique et de substituabilité n'étant pas abouties scientifiquement, la compensation offre peu de certitudes sur l'absence de perte nette de biodiversité, donc peu de sécurité juridique pour le maître d'ouvrage et l'autorité décisionnaire. Elle ajoute que la compensation ne devrait jamais porter sur des habitats ou des espèces dont l'enjeu de conservation est considéré comme fort à l'échelle de la façade maritime ou de la France. Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 47/66 Il est également souvent évoqué le fait que beaucoup de mesures compensatoires sont en fait des mesures d'accompagnement visant la connaissance du milieu marin, l'entretien de réseaux de surveillance ou d'autres mesures comme des mesures de sensibilisation à la protection du milieu marin. Par exemple le projet de parc éolien des îles d'Yeu et de Noirmoutier propose comme mesure compensatoire la mise en oeuvre d'opérations de gestion et préservation (surveillance, sensibilisation) pour un budget significatif. La notion de moyens alloués à la compensation vient dans ce cas se substituer à une analyse, encore difficile à réaliser, de mesures permettant d'appliquer le principe d'absence de perte nette de biodiversité inscrit dans la loi. La durée des phénomènes naturels en mer semble également interdire la compensation. Les spécialistes du milieu marin de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ont indiqué à la mission que le temps nécessaire pour réussir des opérations de restauration des herbiers de posidonies99, était de plusieurs années, voire de décennies. Toutes les opérations de transplantations d'herbiers ont échoué, et la capacité de transplantation ne concerne que quelques dizaines de m 2. La fracturation des rhizomes100 des herbiers entraîne des infections empêchant le renouvellement. Or en région Provence-Alpes-Côte d'azur 25% des herbiers ont disparu, en Occitanie la disparition est de 95 %, ce qui laisserait la possibilité, si cela était possible, d'affecter de grandes étendues à la compensation. Les chercheurs ont néanmoins quelques pistes pour développer la compensation. Ainsi, Sylvain Pioch propose dans sa thèse101 d'élargir la notion de récif artificiel vers des récifs multifonctionnels. Ces récifs sont conçus à partir d'une expertise du fonctionnement des écosystèmes marins d'une écorégion. Ils auraient des fonctionnalités pour les ressources halieutiques, donc la pêche, le paysage sous marin, donc la plongée, les effets hydromorphologiques comme l'effet brise lames et écologiques avec une augmentation de la biodiversité. Cet auteur insiste également sur l'importance d'un organisme scientifique référent, comme Ifremer ou l'agence française de la Biodiversité, pour garantir la cohérence écologique des dispositifs artificiels. Pour Céline Jacob(op. cit. 5 page 6) on distingue trois grands systèmes de gouvernance de la compensation : · « Les permis individuels ou mesures compensatoires écologiques au cas par cas ou permittee responsible mitigation : le développeur ayant provoqué l'impact autorisé met en place, lui-même (ou par le biais d'un agent ou entrepreneur autorisé), les mesures compensatoires et le titulaire en conserve l'entière responsabilité. · Les banques de compensation ou sites naturels de compensation ou mitigation bank : un opérateur, qui n'est ni le développeur du projet impactant, ni le régulateur, met en oeuvre des actions écologiques, en anticipation des besoins de compensation liés à de futurs projets d'aménagement. Il valorise les bénéfices de ces actions par la vente de crédits à des aménageurs devant compenser leurs impacts sur les mêmes habitats ou espèces que ceux concernés par la banque et sur le même territoire. 99 100 101 Inventaire national du patrimoine naturel : Herbiers à Posidonie Un rhizome est une tige souterraine Pioch, S. (2008). « Les habitats artificiels : élément de stratégie pour une gestion intégrée des zones côtières ? Essai de méthodologie d'aménagement en récifs artificiels adaptés à la pêche artisanale côtière ». Thèse de doctorat de géographie et aménagement du territoire. Université Montpellier III ­ Paul Valéry - Arts, Lettres et Langues, Sciences humaines et sociales, 308 p. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 48/66 Rapport n° 010966-01 · Les rémunérations de remplacement ou fonds de compensation ou In-Lieu Fee mitigation : fonds financiers récoltés auprès d'un ou plusieurs développeurs ayant provoqués des impacts autorisés, pour la réalisation de mesures compensatoires et gérés par un acteur public ou une organisation non gouvernementale. » La mission considère que ces trois niveaux de gouvernance de la compensation sont pertinents pour classer les mesures compensatoires et fournissent une bonne grille d'analyse pour la décision concernant leur acceptation. Ainsi, le niveau individuel, devrait, compte-tenu de ce que nous avons écrit plus haut sur les difficultés de la compensation en mer, rester exceptionnel. Le développement des outils complexes de compensation comme les récifs multifonctionnels ne pourra pas toujours résulter d'actions ponctuelles de compensation financées par un opérateur à l'occasion d'un projet102. Le niveau des sites naturels de compensation pourrait s'appliquer aux grands ports maritimes qui anticiperaient ainsi les impacts des projets qu'ils accueillent à l'aide d'un mécanisme qu'ils gèrent et qui présente l'avantage, en plus de sa qualité, de fournir un cadre précis aux opérateurs qui développent des projets dans l'emprise du port. Ce même mécanisme pourrait, en dérogeant au principe de séparation entre l'opérateur et le développeur du projet s'appliquer aux projets du port lui-même, moyennant un mécanisme externe de validation du montant des crédits mis en jeu. Enfin, le fonds de compensation pourrait être développé à l'échelle des façades maritimes et être présenté de façon détaillée dans les documents stratégiques de façade. Les difficultés de la recréation d'écosystèmes identiques à ceux qui sont détruits par les projets conduisent à proposer les trois approches alternatives suivantes. · La première est celle de la conservation absolue qui privilégie l'évitement, et dans une moindre mesure la réduction, lorsque l'écosystème affecté présente des caractéristiques écologiques jugées rares ou remarquables. Dans ce cas, à l'instar de la réglementation des sites Natura 2000, dès lors qu'un projet aurait un impact résiduel non réductible il ne pourrait être autorisé. · dans un deuxième cas, la biodiversité détruite, après mesures d'évitement et de réduction aurait un caractère important mais pas exceptionnel. Il serait alors tout à fait possible de respecter le principe d'absence de perte nette de biodiversité inscrit dans la loi biodiversité par une compensation utilisant un mécanisme mutualisé ou une banque de compensation, quitte à introduire des facteurs d'échelle surfaciques comme c'est le cas en milieu terrestre pour les zones humides. · Enfin, dans le troisième cas, celui d'une biodiversité ordinaire, le principe de paiement pour destruction de services écosystémiques viendrait abonder une banque de compensation. Sur ce point encore la mission considère qu'il ne serait pas contradictoire avec la loi biodiversité de mettre en oeuvre un tel principe, un texte de moindre niveau juridique pourrait le préciser si nécessaire. Il faut savoir que les approches out of kind qui recréent une biodiversité différente (par exemple un récif artificiel se substituant à un impact sur un substrat meuble créent un habitat et donc une biodiversité différente) sont critiquées sauf dans le cas où elles compensent un milieu banal par un milieu d'intérêt écologique fort. Dans le cas où les mesures de compensation viennent abonder des mesures comme des aires marines protégées il convient de vérifier qu'il ne s'agit pas de financer des mesures déjà décidées mais bien des mesures additionnelles. 102 Néanmoins, étant donné leur taille, l'utilisation des fonds de parcs éoliens pour créer des récifs multifonctionnels serait une piste intéressante à explorer. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 49/66 Rapport n° 010966-01 Dans tous les cas, les documents de façade et les plans d'action pour le milieu marin devraient comporter un effort préalable d'identification des types d'écosystème et de leur valeur intrinsèque, les cartographier aux échelles pertinentes et identifier les aires qui seraient réservées à la compensation. L'évaluation environnementale de ces documents aura notamment pour objet de s'assurer de la cohérence du dispositif de compensation, sur le plan écologique et au regard de la directive cadre Stratégie pour le milieu marin. La gouvernance de la compensation devra mettre en place, à l'échelle de la façade, les mécanismes de surveillance, vérification, et d'aide à la décision qui garantissent le maintient du système ainsi conçu sur le long terme. Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 50/66 3.3. Recommandations du chapitre 3 La mission est convaincue, du fait des nombreux entretiens avec les acteurs de la séquence ERC en mer et de la bibliographie qu'il convient de déplacer le curseur vers une meilleure prise en compte de la séquence ERC au sein des évaluations environnementales stratégiques des documents de planification. Concernant le milieu marin ce sont avant tout les plans d'action pour le milieu marin, composantes des documents stratégiques de façade qui sont les plus concernés. Néanmoins, d'autres plans et schémas, notamment en milieu terrestre, sont susceptibles d'impacts importants, positifs ou négatifs, sur l'environnement marin, notamment via les pressions diffuses. C'est par ailleurs dans la cadre de la planification que des outils de compensation mutualisés performants pourront se mettre en place. 9. Inscrire dans les Pamm, documents de façade et, de façon hiérarchisée et subsidiaire, dans les autres plans et programmes concernant de près ou de loin le milieu marin, des mesures tenant compte de l'ensemble des impacts diffus et globaux et marquant clairement la mise en oeuvre du principe d'absence de perte nette de biodiversité prévue par la loi sur la biodiversité du 8 août 2016. (Deb, Dirm, AFB) 10. Prévoir dans les Pamm et documents de façade des mesures de compensation mutualisées à l'efficacité écologique démontrée et suivie sur le long terme prenant en compte non seulement la biodiversité exceptionnelle, mais également la biodiversité ordinaire à travers notamment les services écosystémiques. (Deb, Dirm, AFB) Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 51/66 Conclusion La mission considère que l'amélioration de la séquence ERC en mer nécessitera plusieurs grands types de mesure. Le premier est le renforcement de la prise en compte du milieu marin par les politiques publiques avec, concernant le développement des énergies marines renouvelables ; le renforcement du rôle stratège de l'État, y compris sa capacité de prise de risque dans un contexte de confiance sociale rétablie. Le deuxième consiste à remonter à l'étape de planification une bonne partie des évaluations d'incidence environnementale et des analyses de l'état initial qui permettent aux porteurs de projet d'agir plus facilement dans un univers mieux balisé. Il s'y ajoute la mise en place de systèmes de compensation mutualisés afin de pallier la quasi impossibilité de compenser en mer. Enfin, une troisième dimension viendra du renforcement de la connaissance des milieux, par la recherche, par la valorisation de ses résultats et par la normalisation des bonnes pratiques. Un effort tout particulier devra être consenti en direction des territoires d'outre-mer afin de leur permettre d'acquérir les connaissances et de développer l'expertise qui leur permettent de préserver la biodiversité marine tout en réalisant leurs ambitions de développement. Cécile Avezard François Marendet Éric Vindimian Ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 52/66 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 53/66 Annexes Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 54/66 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 55/66 4. Lettre de mission Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 56/66 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 57/66 5. Liste des personnes rencontrées Nom Ampatzis André Apied Aulert Auscher Barbier Bas Bataille Becquet Benatre Berg Bernard Bocognano Boileau Bonneton Bougant Boutet Buccio Canteri Caplanne Carlier Carré Chevassus, Chevreau Colas Couput Cubier Custot Damieu de Roeck Delorme Prénom Stephanos Viviane Viviane Christophe Fabrice Sylvie Adeline Tristan Olivier Marie Patrick Guillaume Jean-Michel Fabien Vania Julie M. Fabienne Thierry Sophie Antoine Hubert Nadine Gaëlle François Jean Marie Stéphanie Julien Cécile Yann-Hervé Alain Commission européenne Commission européenne Ministère de la transition Écologique et Solidaire, CGDD Agence française de la biodiversité Dreal Occitanie Haute-Normandie nature environnement Ifremer Ministère de la transition Écologique et solidaire, CGDD Comité régional des pêches de Normandie Ministère de la transition écologique et solidaire, DPMA Dreal Normandie Agence française de la biodiversité Grand port maritime de Marseille Parc naturel marin d'Iroise Grand port maritime de Guyane Grand port maritime La Réunion Conseil régional de Bretagne Préfète de la région Normandie Agence française de la biodiversité Agence française de la biodiversité Ifremer Comité national des pêches maritimes et des élevages marins Deal Martinique Réseau de transport d'électricité Agence française de la biodiversité Direction interrégionale de la mer Nord Atlantique Manche Ouest Ministère de la transition écologique et solidaire, DEB Dreal Pays de la Loire EdF énergies nouvelles France énergies marines Matériaux Baie de Seine Organisme Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 58/66 Nom Delouis Demartini Desvignes Deveze Dhomé Dicq Didier Donnard Ducloy Dulac Duthion Etienne Figueres Fortin Fournel Fredefon Frin Frouin Froux Furois Galichon Galin Garçon Gerbeaud-Maulin Grall Grégoire Grimaud Gros Harel Harmel Héritier Hindermeyer Hue Prénom Antoine Caroline Philippe Magali Diane Paul Bernard Christophe Perinne Perrine Pierre Denis Joël Mathieu Jocelyne Franck Philippe Irène Didier Timothée Pascal Rémi Agnès Frédérique Jacques Pascal Anne-Marie Lise David Béatrice Lucile Xavier Vincent Grand port maritime de Nantes Dreal PACA Cemex Grand port maritime de Marseille Sabella Dreal PACA DDTM des Côtes d'Armor Créocéan Organisme Comité national des pêches maritimes et des élevages marins Ligue de protection des oiseaux EdF énergies nouvelles Deal Martinique Deal Martinique Bretagne vivante Dreal Bretagne Direction interrégionale de la mer Méditerranée Bretagne vivante Préfecture de Loire Atlantique DDTM des Côtes d'Armor Ministère de la transition écologique et solidaire, DGEC Grand port maritime du Havre Ministère de la transition écologique et solidaire, DEB Sablières de l'Atlantique Dreal PACA IUEM Grand port maritime de Dunkerque Association Coorlit Eolfi SGAR Bretagne, chargé de mission Comité régional des pêches de Normandie Conseil régional de Bretagne Dreal Pays de la Loire Ministère de la transition écologique et solidaire, DGITM, sous direction des ports Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 59/66 Nom Jacob Klein Lautredou Le Quillec Lebeau Lecomte Lefeuvre Legendre Legrand Legrand Legrenzi Lejart Lemaître Léocadie Leroy Letellier Lévy Liquete Lopez Macron Magnien Marielle Marmin Massu Méchin Ménard Meyzie Michel Millard Millo Montelly Moras Moulherat Prénom Céline Nicole P. Régis Florian Jean-Paul Cyril Thifaine Hélène Guy Yves Morgane Valéry Aurore Clémentine Philippe F. Camino Jean-Michel Amaël Charles-Antoine Delphine Stella Natacha Agnès Jean-Claude Bernard Patrick Frédérique Claude Hélène Jean-François Sylvain Université Paul Valéry Préfète de la région Pays de Loire Conseil régional de Bretagne Agence de l'eau Loire-Bretagne Conseil régional de Bretagne Ifremer Dreal Bretagne Organisme Ministère de la transition Écologique et solidaire, CGDD Dreal Pays de la Loire Dreal Bretagne Secrétariat général aux affaires régionales des Pays de la Loire France énergies marines Ministère de la transition Écologique et solidaire, CGDD Université Paul Valéry Commission européenne DDTM Loire Atlantique Groupe d'études des cétacés du Cotentin Commission européenne Conseil régional de Bretagne Cemex Granulats Ministère de la transition écologique et solidaire, DPMA Dreal PACA Setec In Vivo Grand port maritime du Havre Université Paul Valéry Association Loire Vilaine estuaire Dreal Normandie Egis Eau Ministère de la transition Écologique et solidaire, CGDD Dreal PACA Ministère de la transition Écologique et solidaire, DEB Ministère de la transition écologique et solidaire, DEB Terroïko Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 60/66 Nom Muller Musard Novarese Pagot Paporé Paubelle Peltier Pioch Piqueret Piquet Pirotta Potard Quentric Quétier Quillien Ramard Richter Ricordel Rivoal Rogoff Rolland Saffroy Samson Scemama Schultz Seidlitz Sellier Simon Simonet Soret Sornin Souquière Sutter Prénom Sonia Denis Thibaud Jean-Philippe Laëtitia Renaud Michel Sylvain Marianne Pierre Fabio Mickaël Alan Fabien Nolwenn Dominique Jean-Paul Françoise Jean-Louis Dimitri Robin Damien Sandrine Pierre Ludovic Benoît Guillaume Maximilien Florence Clémence Jean-Marc Anne Emmanuel Organisme Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Normandie Cerema Dreal Pays de la Loire EdF énergies nouvelles GSM granulats Grand port maritime de Marseille Direction de la mer Université Paul Valéry Préfecture maritime Atlantique DDTM de Vendée Commission européenne Ligue de protection des oiseaux Cerema Biotope France énergies marines Conseil régional de Bretagne Groupe ornithologique normand Dreal Bretagne Agence de l'eau Loire-Bretagne Président du comté régional des pêches de Normandie Dreal PACA Réseau de transport d'électricité Grand port maritime de Rouen Ifremer Ministère de la transition Écologique et solidaire, DEB Grand port maritime de Martinique Direction interrégionale de la mer Nord atlantique Ministère de la transition écologique et solidaire, DPMA Groupement Engie, énergies du Portugal : Éoliennes en mer îles d'Yeu et Noirmoutier Groupement Engie, énergies du Portugal : Éoliennes en mer îles d'Yeu et Noirmoutier Céocéan Agence française de la biodiversité Deal Martinique Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 61/66 Nom Tew-Kaï Thebault Thiebaud Thomas Thorin Toulhoat Trehet Vaissière Vedier Verlaque Victor Vilcot Villageois Villers Ybert Prénom Emilie Guylène Léa Hervé Sébastien Lucile Claire Anne-Charlotte Fabien Marc François Alice Jean-Remy Frédéric Sébastien Organisme Service hydrographique et océanique de la marine Dreal Pays de la Loire Cerema DDTM du Finistère Créocéan Comité national des pêches maritimes et des élevages marins DDTM des Côtes d'Armor Université de Bretagne occidentale Deal Martinique Institut méditerranéen d'écologie (CNRS) Direction interrégionale de la mer Atlantique Manche Ouest Ministère de la transition écologique et solidaire, DEB Grand port maritime de Martinique Dreal PACA Ifremer Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 62/66 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 63/66 6. Glossaire des sigles et acronymes Acronyme Ademe Ae Afnor Alliss AMI AFB CDC Cefe Cemeb Cerema CGAAER CGDD CGEDD CGI Cirad CNRS Coderst Comer DCE DDTM Deb DCSMM DGALN DGEC Dirm DPMA Dreal DRI EMR ERC GPM Signification Agence de l'Environnement et de la maîtrise de l'Énergie Autorité environnemental Association française de normalisation Alliance sciences sociétés Appel à manifestation d'intérêt Agence française de la Biodiversité Caisse des dépôts et consignations Centre d'Écologie fonctionnelle et évolutive Centre méditerranéen environnement et biodiversité centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux Commissariat général au développement durable Conseil général de l'Environnement et du Développent durable Conseil général des impôts Centre international de recherche sur l'agronomie et le développement Centre national de la recherche scientifique Conseil de l'Environnement et des Risques sanitaires et technologiques Comité spécialisé pour la recherche marine, maritime et littorale Directive cadre sur l'Eau Direction départementale des Territoires et de la Mer Direction de l'Eau et de la Biodiversité Directive cadre Stratégie pour le milieu marin Direction générale de l'Aménagement, du Logement et de la Nature Direction générale de l'Énergie et du Climat Direction interrégionale de la mer Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement Direction de la recherche et de l'innovation Énergies marines renouvelables Éviter ­ réduire - compenser Grand port maritime Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 64/66 Acronyme Ifrecor Ifremer Ifsttar IGF Inra IRD MNHN OCDE Ospar Pamm PLU RTE Scot Shom Sdage SNSM UMS ZEE Signification Initiative française pour les récifs coralliens Institut français pour l'exploitation des mers Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux Inspection générale des finances Institut national de recherche agronomique Institut de recherche sur le développement Muséum national d'histoire Naturelle Organisation de coopération et de développement économiques Convention d'Oslo et de Paris Plan d'action pour le milieu marin Plan local d'urbanisme Réseau de transport d'électricité Schéma de cohérence territoriale Service hydrographique opérationnel de la marine Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Société nationale de sauvetage en mer Unité mixte de services Zone économique exclusive Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 65/66 http://www.developpement-durable.gouv.fr/ INVALIDE) (ATTENTION: OPTION 17, 5p. La mission a rencontré deux personnes dont le doctorat avait été cofinancé par une entreprise dans le cadre des convenions industrielles de formation par la recherche (Cifre), ce qui témoigne du dynamisme partenariat entre la recherche publique et la recherche privée sur les sujets études d'impact en milieu marin. Mitimed : un outil pour l'évaluation et le dimensionnement de la séquence ERC appliquée aux études d'impacts environnementales (EIEs) en mer Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 32/66 Rapport n° 010966-01 Enfin, il faut signaler la création récente de l'unité mixte de service (UMS) 2006 patrimoine naturel depuis le 1er janvier 2017. Cette unité, sous la co-tutelle du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), de l'AFB et du CNRS est la continuité du service du patrimoine naturel de création récente Le comité spécialisé pour la recherche marine, maritime et littorale (Comer) 68 a été créé en application de l'article 7 du décret 2011-637 du 9 juin 2011 relatif aux attributions, à la composition et au fonctionnement du Conseil national de la mer et des littoraux. Il a vocation à constituer un lieu d'interface et d'échanges entre recherches scientifiques et gestion collective des espaces et activités marins et littoraux, et un lieu d'expression des avis des parties prenantes sur les besoins et les orientations des recherches marines, maritimes et littorales. Ce comité a contribué à la stratégie nationale de recherche et à la stratégie nationale de la mer et du littoral, sa contribution est en phase avec les propositions de la mission puisqu'elle propose les actions suivantes : 1. Consolider une vision « mer » dans les défis de la Stratégie Nationale de la Recherche ; 2. Comprendre le « Système Mer » pour mieux prévoir et agir ; 3. Connaître pour mieux gérer l'espace littoral ; 4. Innover pour valoriser les ressources marines et développer l'économie maritime ; 5. Structurer la recherche, conforter les infrastructures et observatoires de recherche ; 6. Bâtir une société de la connaissance marine et maritime ; 7. Développer la recherche pour et par les Outre-mer français. 2.3. Un besoin de coordination et de renforcement des compétences au niveau local Au niveau régional, les compétences sur le milieu maritime sont partagées entre les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement et les directions interrégionales de la mer, dont les contours correspondent au découpage des façades maritimes. Au niveau départemental, sous l'autorité des préfets de département, les directions départementales des territoires et de la mer sont en charge de l'instruction des dossiers d'autorisation. Selon les interlocuteurs de la mission, il devient de plus en plus difficile pour les services de disposer des compétences nécessaires à l'instruction des dossiers d'impact sur le milieu marin. D'une part, le manque de connaissance peut entraîner des polémiques incontrôlées et disproportionnées aux yeux de certains (lien entre le trait de côte et l'extraction des granulats, effet des anodes sacrificielles, etc) et d'autre part, la diminution constante des effectifs combinée à la dispersion des interlocuteurs dans les établissements publics affaiblissent la capacité d'expertise de l'État. Les préfets se retrouvent parfois démunis face à des questions concrètes et se retournent directement vers l'administration centrale. À de nombreuses reprises, les opérateurs nous ont fait part du manque d'un tiers expert ou d'un référent qui serait en capacité d'apporter un éclairage indépendant sur l'état de l'art ou l'état des connaissances, dans les débats parfois conflictuels avec les associations de protection de l'environnement. Les associations elles-mêmes sont aussi demandeuses de davantage d'accès à la connaissance ; c'est d'ailleurs le cas de l'ensemble de la société civile, ainsi que l'a démontré le livre blanc de l'alliance sciences sociétés en 201669. La difficulté réside cependant bien souvent dans le fait que cette connaissance n'existe pas. 68 69 https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/comite-recherche-marine-maritime-et-littorale Alliss (2017) Prendre au sérieux la société de la connaissance. Livre Blanc 79p. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 33/66 Rapport n° 010966-01 Les rencontres que la mission a conduit en région montrent aussi de très bonnes initiatives régionales, qui gagneraient à être mutualisées ou a minima partagées en réseau entre les services déconcentrés. À titre d'exemple, des initiatives intéressantes en Méditerranée (recensement sur Internet des données disponibles sur le milieu marin, élaboration d'un atlas des zones de restauration écologique), pourraient être dupliquées et partagées dans leur méthodologie au niveau national. Enfin, la complexité de la démarche ERC en milieu marin, l'évolution de la réglementation, les incertitudes sur la connaissance des écosystèmes, nécessitent que soient non seulement maintenues, mais approfondies, les compétences techniques des services territoriaux de l'État. Le rapport du Sénat sur la compensation des atteintes à la biodiversité, souligne l'importance de la formation des administrations, notamment afin de mettre en oeuvre le principe de non-perte nette de biodiversité 70. L'agence française de la biodiversité pourrait être un des éléments constitutifs de cette offre de formation71. 2.4. La normalisation, pour capitaliser les bonnes pratiques opérationnelles La diversité des études d'impact sur les projets en milieu marin, par différents bureaux d'études de niveau d'expertise variable, nécessiterait sans aucun doute une harmonisation dans leur contenu et leur méthodologie : intégration ou non d'indices sur le milieu sur la base du document d'Ifremer de 2012 ; méthodes recommandées de compensation écologique, etc. Cela pourrait être conduit sous le pilotage de l'agence française de la Biodiversité, avec l'obligation d'alimenter une base de données. Pour la mission, les nombreuses initiatives des services de l'État, des établissements publics, du monde de la recherche publique et privée et des bureaux d'étude doivent non seulement être coordonnées mais également déboucher sur des outils opérationnels reconnus et promus chez tous les acteurs, y compris au niveau international. Il s'agit d'élever le niveau de compétence des acteurs et le niveau d'exigence des pouvoirs publics sur l'évaluation des impacts en milieu marin et les mesures ERC associées. La normalisation72, qui permet de publier des documents techniques élaborés dans une logique de dialogue et de consensus entre les acteurs serait l'outil de choix pour atteindre ces objectifs. Elle mettrait autour de la table chercheurs, entreprises et agences publiques pour élaborer les documents qui fixent les exigences minimales et bonnes pratiques. Les pouvoirs publics, qui disposent d'un pouvoir de veto sur les normes, trouveraient dans la normalisation un bon moyen de promouvoir l'élaboration de méthodes adaptées à la bonne mise en oeuvre des politiques publiques et de contrôler leur élaboration. Les chercheurs pourraient accélérer par ce moyen la valorisation de leurs travaux. Enfin, les entreprises et bureaux d'études auraient la garantie d'un accès facilité au marché pour les pratiques vertueuses en matière d'environnement. 70 71 72 Rapport n°517 du Sénat(op. cit. 42 page 22) : « Tendre à développer les moyens humains et la formation des agents en charge du suivi afin de rendre effectifs la nouvelle obligation de résultat, le pouvoir de définir des prescriptions complémentaires si les mesures de compensation sont inopérantes, ... » Rapport n°517 du Sénat(op. cit. 42 page 22) : « Renforcer, sous la responsabilité de l'AFB, la formation des administrations chargées d'instruire et de suivre la mise en oeuvre de la séquence ERC ». Une norme, du latin norma « équerre, règle », désigne un état habituellement répandu, moyen, considéré le plus souvent comme une règle à suivre. (Source Wikipedia) Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 34/66 Rapport n° 010966-01 La création d'un groupe de normalisation aurait également l'avantage d'identifier et de maintenir une communauté d'experts susceptible d'apporter un appui aux pouvoirs publics. Il convient également de raisonner cette normalisation à une échelle européenne, voire internationale : d'une part pour promouvoir à l'international les efforts nationaux tout en bénéficiant de l'effet de parangonnage avec nos partenaires, d'autre part afin d'harmoniser les études d'impact pour la mise en oeuvre des directives européennes sur les façades partagées avec d'autres États membres. Enfin, la normalisation peut déboucher sur la certification qui permettrait de disposer d'une expertise qualifiée et vérifiée pour la réalisation des études d'impact, la définition des mesures ERC et la réalisation des campagnes de suivi et de surveillance. Il existe d'ailleurs au moins une initiative en ce sens avec les projets de normes et de certifications développés par la société pour la restauration écologique73. Cette instance internationale, essentiellement composée de membres américains du nord et australiens, développe des normes internationales et des services de certification, dans le cadre de la convention internationale sur la diversité biologique 74. La faible participation des européens à cette élaboration pourrait avoir des conséquences délétères sur leur compétitivité internationale. 2.5. Prendre en compte les particularités des milieux ultramarins La mission s'est intéressée aux spécificités de la biodiversité ultramarine et aux questions spécifiques qui pouvaient éventuellement se poser. À l'occasion d'un voyage en Martinique, un membre de la mission a rencontré les représentants de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement, de l'agence française de la biodiversité, de la direction de la mer et du grand port maritime. D'après le Muséum national d'histoire naturelle 75, La France occupe une place unique par la variété de ses collectivités d'outre-mer et donc de ses milieux naturels [...] la biodiversité présente dans ces territoires est souvent remarquable et confère à la France une grande responsabilité au niveau international en matière de conservation. [...] Le milieu marin d'outre-mer couvre une énorme superficie : plus de 10 millions de km², ce qui représente 97% de la Zone économique exclusive (ZEE) de la France. Il regroupe une richesse biologique exceptionnelle, notamment par la présence de 55 000 km² de récifs coralliens et lagons (10 % des écosystèmes récifo-lagonaires de la planète, 20 % des atolls du monde). Les acteurs de la biodiversité marine en Martinique ont souligné que la source majeure d'incertitude dans les études d'impact provenait du manque de fiabilité de l'évaluation de l'état initial : soit il est faux, soit le milieu évolue très vite. Pour leurs projets de reconquête de la biodiversité en fond de baie, par exemple, ils doivent réévaluer régulièrement l'état initial. Pour le port, le coût de l'établissement de l'état initial dans le cadre du projet stratégique était rédhibitoire. Cette grande difficulté à évaluer la biodiversité crée des querelles entre experts et entre associations. De façon unanime apparaît le souhait de disposer d'un référentiel commun pour décrire l'état des milieux. L'université des Antilles n'a pas actuellement de réelles compétences sur le milieu marin mais souhaite retenir cet axe de développement dans sa stratégie de site. Les pouvoirs publics pouvaient jusqu'alors s'appuyer sur peu de textes, sauf pour ce qui concerne les mammifères marins et les 73 74 75 McDonald et al. (2016) International standards for the practical ecological restoration ­ including principle and key concepts. Nations unies (1992) Convention sur la diversité biologique Voir notamment la page outremer du site de l'inventaire national du Patrimoine Naturel Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 35/66 Rapport n° 010966-01 tortues. Il a été noté que la connaissance sur la protection des coraux s'était améliorée récemment du fait des travaux de l'initiative française pour les récifs coralliens 76 (Ifrecor). Un guide en deux livrets a été publié en 2017 : · le Guide pour les études d'impact environnemental en milieux coralliens de France d'outre-mer77 ; · le Guide pour la mise en oeuvre des mesures compensatoires et la méthode de dimensionnement Merci-Cor78. 76 77 78 L'Ifrecor, initiative française pour les récifs coralliens a été créée en 1999, pour la protection et la gestion durable des récifs coralliens et des écosystèmes associés (mangroves, herbiers) dans les collectivités françaises d'outre-mer. Pinault, M. et al. (2017). Livret 1 - Guide pour les études d'impact environnemental en milieux coralliens de France d'outre-mer. Rapport Ifrecor. 120 p. Pinault, Carte des biocénoses - Guide pour la mise en oeuvre Martinique (Source Hélène Legrand, Figure 5:M. et al. (2017). Livret 2 des milieux marins littoraux de des mesures compensatoires et la méthode de dimensionnement Merci-Cor Édition Ifrecor. 76 p. "Base de données cartographique des fonds marins côtiers de la Martinique : Biocénoses benthiques," Documentation Ifrecor, consulté le 22 septembre 2017) Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 36/66 Rapport n° 010966-01 Le premier livret explique les principes et le déroulement d'une étude d'impact et fournit des éléments détaillés sur les méthodes à mettre en oeuvre pour analyser l'état initial et évaluer les impacts susceptibles d'atteindre les coraux. Il tient compte notamment des apports de la loi sur la biodiversité de 2016. Le deuxième livret présente et fournit les éléments pour la mise en oeuvre d'une méthode opérationnelle quantitative qui permet de calculer des surfaces de compensation dans le cas d'atteintes aux récifs coralliens. La méthode est basée sur des indicateurs robustes d'impact à partir d'une situation de référence qui s'appuie sur la notion d'habitat naturel de la directive Habitats79. Ces deux livrets vont permettre une avancée significative dans la protection des coraux, protection pour laquelle la France a une responsabilité majeure puisqu'elle possède la quatrième surface de coraux dans le monde. Néanmoins, pour les acteurs locaux, d'autres sujets sont encore orphelins comme la protection des mangroves pour laquelle il est encore impossible de proposer des mesures compensatoires. D'après les interlocuteurs de la mission, la fragilité de la connaissance du milieu conduit les maîtres d'ouvrage à développer une forte aversion au risque. Le plus souvent ils renoncent aux projets faute de solution d'évitement convaincante. C'est ainsi que le port a renoncé à son projet initial de construction d'un quai de 200 m à la Pointe des grives, le projet a été réduit en tirant d'eau, longueur et surface et adapté aux prévisions à l'horizon de cinq ans, remettant à plus tard son extension. Les prises de position des parties prenantes apparaissent également plus tranchées qu'en métropole avec de véritables risques d'affrontements. Le quasi-renoncement aux dragages est souligné comme créant un problème potentiel, ce serait déjà le cas pour les ports de pêche et de plaisance. Les possibilités de clapage sont exclues. Les sédiments sont très chargés en métaux lourds. Les opérateurs sollicitent un soutien scientifique sur ce point. La mission constate donc une fois de plus que le retard de la connaissance sur les écosystèmes marins n'est pas seulement à l'origine de destructions de la nature mais conduit à des situations de blocage très délétères pour le développement économique. Pour les représentants de l'agence française de la biodiversité les données sur l'environnement et les impacts ne sont pas librement accessibles80, il s'agit d'une cause importante de l'opposition des populations aux projets. Les études d'impact des communes ne sont pas accessibles. Les bureaux d'études refusent de les communiquer car ils n'en sont pas propriétaires. Ils citent l'exemple du projet Nemo 81 d'un coût de 300 M pour lequel de nombreuses questions ont été posés. Le sentiment de l'agence est que choix du site est aberrant car il est implanté au coeur de la plus forte concentration de mammifères marins en Martinique et que les études ont été mal faites. Il aurait été souhaitable que les pouvoirs publics imposent un volet recherche sur les impacts. Seul un suivi approfondi de l'évolution du milieu permettra de tirer un retour d'expérience d'un tel projet et donc de mieux évaluer les impacts d'autres projets en mer. La mission a rencontré les promoteurs du projet Nemo qui assurent qu'ils ont conduit toutes les études nécessaires 82 et ambitionnent un niveau d'impact 79 80 81 Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages Voir à ce sujet la recommandation 3 page 25 du présent rapport Il s'agit d'un projet de centrale flottante de production d'énergie thermique des mers d'une puissance nette de 10,7 MW qui sera installé au large de la commune de Bellefontaine et devrait être mis en service en 2020. http://www.akuoenergy.com/fr/nemo Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 37/66 Rapport n° 010966-01 très faible tout en montrant qu'il s'agit d'une innovation majeure en termes de production d'énergie renouvelable des mers. Il apparaît également que les projets sur le domaine public maritime se multiplient et que l'administration ne peut pas toujours s'appuyer sur des textes précis pour réguler cet afflux et prendre en compte les impacts dans ses décisions. Ainsi, l'exemple d'un projet d'hôtel flottant en site remarquable, avec la création d'un nombre conséquent d'emplois ne correspond à aucune réglementation qui fonderait la décision de l'administration. Les acteurs locaux soulignent qu'il conviendrait de revoir la réglementation du domaine public maritime pour apporter des réponses pertinentes face à ces projets. Enfin, il est souligné qu'en Martinique le niveau d'étude d'impact est fixé par le coût du projet. Or, pour les protecteurs de l'environnement il n'y a pas corrélation entre l'effort à consentir pour l'étude d'impact, qui dépend de facteurs du milieu, et l'ampleur du projet. Ce n'est pas tant la capacité des bureaux d'études à réaliser des études d'impact complexes que les exigences faibles des maîtres d'ouvrages qui posent problème. 2.6. Recommandations du chapitre 2 Les recommandations suivantes constituent les solutions que propose la mission pour pallier le manque de connaissances sur les milieux marins, améliorer le transfert des résultats de la recherche vers les acteurs opérationnels, reconnaître les bonnes pratiques, accélérer leur partage et leur diffusion et prendre en compte les spécificités des milieux ultramarins. 5. Donner à l'Agence française de la biodiversité les moyens de jouer un rôle de référent de la connaissance de l'écologie des milieux marins avec une priorité particulière sur des mesures ERC en mer et le développement de l'ingénierie écologique en mer, y compris en la dotant de capacités significatives de mobilisation du monde scientifique (Ifremer, Cerema, MNHN, CNRS et universités) et un rôle de centralisation des observations sur l'environnement marin (Deb) . 6. Mettre en place un effort spécifique de recherche et de transfert des observations et connaissances de la biodiversité marine outremer en insistant sur la mise en place de mesures de suivi approfondies afin de bénéficier d'un retour d'expérience. (AFB, DRI) 7. Inscrire dans les contrats d'objectifs de l'AFB, d'Ifremer et du Cerema la mise en priorité du développement des connaissances sur l'écologie du milieu marin et les impacts anthropiques. (Deb, DRI) 82 De fait l'avis d'autorité environnementale émis par le préfet de Martinique souligne que le document transmis est de grande qualité et présente globalement une bonne analyse des impacts du projet sur les différentes composantes de l'environnement et prend suffisamment en compte les incidences directes, indirectes, permanentes ou temporaires du projet sur l'environnement, néanmoins il indique que l'étude d'impact justifie insuffisamment l'emplacement retenu, notamment n'a pas étudié l'éventuel déplacement vers le sud pour l'éloigner de la zone de fréquentation privilégiée du dauphin tacheté pantropical. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 38/66 Rapport n° 010966-01 8. Mandater l'agence française de la biodiversité et l'association française de normalisation pour développer des normes décrivant les bonnes pratiques d'ERC en mer avec l'objectif de porter ces normes au niveau européen. (Deb, AFB) Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 39/66 3. Inscrire les mesures ERC dans les processus de planification Il ressort des nombreux entretiens de la mission avec les acteurs du monde marin au sein des différentes façades maritimes et avec la direction générale de l'environnement de la Commission européenne que la planification est appelée à jouer un rôle croissant dans l'anticipation des impacts sur les milieux marins et leur réduction. En outre, la planification est parfois considérée comme le seul moyen de faire face au constat actuel de l'échec de la compensation en mer, qui semble général. 3.1. Planifier pour anticiper les impacts et leur réduction 3.1.1. Un cadre européen cohérent La direction générale de l'environnement de la Commission européenne a rappelé à la mission que les États membres devaient fixer les critères de définition du bon état écologique et planifier les activités économiques sur leurs façades maritimes. Il convient également qu'ils coopèrent entre eux afin d'assurer la cohérence de leurs actions et d'éviter les impacts dans les États voisins en application de la convention d'Espoo83. La stratégie européenne repose sur trois composantes : · la connaissance du milieu et la définition de son bon état écologique ; · la planification des activités intégrant les questions d'impact environnemental ; · l'évaluation des incidences environnementales des documents de planification. La directive cadre Stratégie pour le milieu marin devrait permettre de restaurer ou de préserver le bon état écologique du milieu, d'en surveiller l'évolution et de rendre cohérentes les actions de protection de l'environnement à terre et en mer. Un document récent établit des normes pour déterminer le bon état écologique des eaux marines84. Ce document est une mise à jour majeure d'une décision de 2010. Les États membres sont invités à définir des indicateurs de l'état écologique et des seuils permettant de définir ce bon état. Ces indicateurs et seuils doivent être construits de façon conjointe par les pays partageant une façade maritime. La Commission cite, pour exemple d'une mise en oeuvre vertueuse de ces principes, la coopération des États membres pour la protection de la mer Baltique. Bruxelles insiste également sur l'importance des stratégies de façade en application de la directive cadre pour la planification de l'espace maritime 85. La bonne application de cette directive devrait permettre de traiter convenablement les effets cumulés en anticipant les activités susceptibles de se développer dans l'espace maritime. Le lien avec la directive cadre Stratégie pour le milieu marin passe selon elle par l'évaluation des écosystèmes et services écosystémiques et la prise en compte des interactions avec le milieu terrestre voisin. 83 84 85 La Convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement (EIE) dans un contexte transfrontière stipule les obligations des Parties d'évaluer l'impact sur l'environnement de certaines activités au début de la planification. Elle stipule également l'obligation générale des États de notifier et de se consulter sur tous projets majeurs à l'étude susceptibles d'avoir un impact transfrontière préjudiciable important sur l'environnement. Lien vers le texte de la convention en français Décision (UE) 2017/848 de la commission du 17 mai 2017 établissant des critères et des normes méthodologiques applicables au bon état écologique des eaux marines ainsi que des spécifications et des méthodes normalisées de surveillance et d'évaluation, et abrogeant la décision 2010/477/UE Directive 2014/89/UE du parlement européen et du conseil du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l'espace maritime Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 40/66 Rapport n° 010966-01 Ainsi, aussi bien la vérification et l'anticipation des pressions sur l'environnement dans le cadre de la planification des activités économiques que celle des mesures de préervation et de surveillance du bon état écologique devraient permettre de donner à l'ensemble des activités en milieu marin un cadre qui limite les impacts environnementaux. La compensation est pour l'Europe, qui confirme ainsi l'opinion des acteurs français sur le terrain, presque impossible à mettre en place en mer. Ce sont donc bien l'évitement et la réduction qu'il convient de privilégier via la planification. La Commission considère que la bonne articulation entre la planification et les évaluations environnementales stratégiques prévues par la directive sur les incidences de certains plans et programmes sur l'environnement86 est également un facteur important de succès. Il est attendu des États membres de bien réaliser ces évaluations environnementales stratégiques afin de définir les zones propices aux aménagements planifiés dans une logique d'évitement des impacts. Les responsables des projets devraient ensuite trouver un cadre clair pour réaliser les études d'impacts de leur projet, les enjeux ayant été précisément définis au stade de la planification et la réduction d'impact restant de leur compétence. 3.1.2. La planification du milieu marin se met en place en France Une première série de plans d'action pour le milieu marin a été adoptée sur les quatre sous-régions marines de la France continentale définies par l'article R.219-2 du code de l'environnement : Manche-Mer-du-Nord, mers celtiques, Golfe de Gascogne, Méditerranée occidentale. Ces plans d'actions sont mis en place en application de la directive cadre Stratégie pour le milieu marin. La directive exige des États membres de l'Union européenne qu'ils mettent en oeuvre des programmes de surveillance et de mesures afin d'atteindre, en 2021, le bon état écologique des eaux marines. Les plans d'action pour le milieu marin de première génération, adoptés par les préfets coordonnateurs des sous-régions marines en avril 2016, fournissent une première vision des connaissances sur l'état du milieu et des pressions anthropiques qui l'affectent, de l'écart avec le bon état écologique et des mesures engagées pour son atteinte. Ces plans d'action seront intégrés aux documents stratégiques de façade, prévus à l'article R. 219-1-7 du code de l'environnement. Ces documents stratégiques de façade déclinent, selon le code de l'environnement, les orientations de la stratégie nationale pour la mer et le littoral au regard des enjeux économiques, sociaux et écologiques propres à chaque façade. Le défi posé à la réalisation des documents stratégiques de façade est donc bien celui d'une intégration des enjeux écologiques au sein d'une vision prospective de l'économie marine. Une simple juxtaposition des plans d'actions aujourd'hui adoptés, ou objets d'une simple révision, et de volets économiques et sociaux des documents stratégiques de façade constituerait un échec et serait contraire à l'esprit de la loi et des directives européennes. Il s'agit bien de construire une dynamique économique qui anticipe les éventuels impacts environnementaux et prévoit, de façon résolue, la manière de les éviter, les réduire ou, le cas échéant, de les compenser. Cette manière de concevoir la planification est encore peu développée. Le chapitre 1.3 montre par exemple que le développement des énergies marines renouvelables a jusqu'ici échoué à intégrer développement économique, transition énergétique et préservation de l'environnement dans une démarche vertueuse. 86 Directive 2001/42/CE du parlement européen et du conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 41/66 Rapport n° 010966-01 Il convient également de mentionner que la deuxième série de plans stratégiques des grands ports maritimes, exercice de planification qui couvre la période 2014-2018 et concerne les ports de la métropole et de l'outremer, est dorénavant soumise à évaluation environnementale87. L'autorité environnementale du CGEDD a publié une note qui récapitule son expérience suite à l'examen des évaluations environnementales de l'ensemble des projets stratégiques des grands ports maritimes. Elle insiste notamment sur le rôle de la planification en matière d'anticipation des mesures d'évitement et de réduction des projets développés ultérieurement par le port88. 3.1.3. Quels apports de la planification à la séquence ERC ? La mission considère que la planification est la clé de la mise en oeuvre de la séquence ERC. Il importe donc que les futurs plans et programmes, au premier rang desquels les documents stratégiques de façade, identifient clairement dans leurs programmes de mesures les points qui faciliteront les mesures ERC. Il s'agit notamment de : · l'identification et la définition des enjeux environnementaux des écosystèmes susceptibles de recevoir des projets ; · l'évaluation des services écosystémiques et de la biodiversité ordinaire ; · l'intégration des pressions diffuses avec celle des aménagements ; · l'identification des zones de compensation et la mise en place d'outils de compensation mutualisés. . L'identification des enjeux environnementaux Au delà des efforts de recherche à mettre en place pour combler les lacunes de la connaissance, améliorer les méthodologies d'évaluation de l'état écologique du milieu marin et la connaissance des relations entre les pressions anthropiques et les impacts, il importe de cartographier avec précision l'état des écosystèmes marins et des pressions qui s'y exercent. L'échelle de ces cartes doit être compatible avec celle des projets attendus dans cet environnement. Cette activité est clairement un des objectifs des plans d'actions pour le milieu marin qui ont été construits sur la base des connaissances actuelles et prévoient des programmes de surveillance (voir à titre d'exemple la carte figure 6 page 43 et 5 page 36). 87 88 L'article R. 122-17 (33°) du code de l'environnement prévoit que les volets 4° : Politique d'aménagement et de développement durable et 5° Dessertes du port et politique en faveur de l'intermodalité, des projets stratégiques des grands ports maritimes doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale. Autorité environnementale (2016). Note délibérée du 25 mai 2016 sur les Projets stratégiques des grands ports maritimes, page 10 : Un projet stratégique et son évaluation environnementale doivent permettre d'anticiper les impacts environnementaux des projets prévus sur le domaine portuaire et de prévoir suffisamment tôt les mesures permettant de les éviter ou de les réduire. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 42/66 Rapport n° 010966-01 Figure 6: carte des habitats physiques des fonds marins d'Atlantique (Site DCSMM d'Ifremer) Les pouvoirs publics sont invités à considérer les actions de surveillance et de connaissance avec un haut niveau de priorité. L'investissement public dans la connaissance est la source de nombreuses économies dans le développement de l'économie maritime, comme nous le développons dans le chapitre 1.3 à propos de l'exemple des énergies marines renouvelables. Cette connaissance de l'état des milieux ouvre la possibilité de définir précisément l'état initial pour les études d'impact des projets et par conséquent de classer correctement les enjeux environnementaux, phase préalable indispensable pour évaluer les impacts et par conséquent élaborer une séquence ERC adaptée.La préservation de la biodiversité ordinaire Le mode traditionnel de protection de la nature, à terre et en mer, est principalement basé sur la protection des espèces89. Les études d'impact identifient, lorsqu'elles sont correctement conduites, les espèces vulnérables ou menacées et concentrent les mesures ERC sur leur préservation. Selon le rapport du groupe de travail présidé par Bernard Chevassus-au-Louis en 200990 au sein du conseil d'analyse stratégique, la biodiversité peut être analysée selon deux composantes : · la biodiversité remarquable correspondant à des entités que la société a identifiées comme ayant une valeur intrinsèque et fondée principalement sur d'autres valeurs qu'économiques ; · la biodiversité ordinaire n'ayant pas de valeur intrinsèque identifiée comme telle mais qui, par l'abondance et les multiples interactions entre ses entités, contri89 90 Pour la fondation pour la recherche en biodiversité : La biodiversité est [...] un concept beaucoup plus vaste que la simple collection d'espèces animales et végétales à laquelle on la réduit souvent : c'est la diversité de la vie à tous ses niveaux d'organisation, du gène aux espèces et aux écosystèmes. Ces niveaux connaissent une dynamique et des interactions permanentes et sont le cadre de l'évolution du vivant. FRB (2017) La biodiversité, une clé à destination des acteurs économiques Chevassus-au-Louis B. (2009), Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes, Paris, La Documentation française, 400 p. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 43/66 Rapport n° 010966-01 bue à des degrés divers au fonctionnement des écosystèmes et à la production des services qu'y trouvent nos sociétés. Cette biodiversité ordinaire n'est presque jamais prise en compte dans les études d'impact, sauf cas particuliers comme celui des zones humides qui constituent des habitats protégés ou dans le cadre des sites protégés, notamment les sites d'intérêt communautaire du réseau Natura 2000. Les chercheurs rencontrés par la mission confirment l'analyse du rapport Chevassus et suggèrent qu'une des vertus de l'évaluation des services écosystémiques des milieux marins serait que ces services s'appuient pour l'essentiel sur la biodiversité ordinaire. La figure 4 page 13 illustre la manière dont il apparaît possible de prendre en compte les services écosystémiques à travers l'exemple des fonds côtiers de Méditerranée. Ainsi, l'intégration de la notion de service écosystémique, voire l'évaluation des bénéfices tirés de ces services serait un des meilleurs moyens de préserver la biodiversité ordinaire. Comme l'a souligné le rapport le rapport du Sénat sur la compensation des atteintes à la biodiversité de mai 2017(op. cit. 42 page 22) : La mise en oeuvre de la séquence ERC souffre de l'hétérogénéité des régimes juridiques la mettant en oeuvre (évaluation environnementale, Natura 2000, protection des espèces de faune et de flore sauvages, protection des milieux aquatiques et humides, opérations de défrichement) et d'un faible encadrement des méthodes d'élaboration de son contenu. En outre, la segmentation des procédures juridiques fait obstacle à une approche plus intégratrice de la reconquête de la biodiversité et compromet la bonne participation du public. Ce constat n'est pas spécifique du milieu marin, mais il s'y applique parfaitement. La prise en compte des services écosystémiques, sans préjudice d'éventuelles réformes des études d'impact qui prendraient en compte le rapport du Sénat, serait également un moyen de palier partiellement les problèmes évoqués. Un autre avantage de l'évaluation des services écosystémiques consiste à intégrer au sein du calcul économique l'impératif de protection de la nature, ce qui, à condition de ne pas substituer les chiffres à la réflexion, constitue une indéniable aide à la décision. Pour la mission qui adopte volontiers cette vision, cela constituerait également une aide à la résolution des conflits d'usage. En effet, dès lors que des usagers bénéficient d'un service écosystémique, il devient possible de quantifier la valeur de ce service et d'en réguler l'usage par le prix dans une logique économique classique. . L'intégration des pressions diffuses La multiplicité des activités en mer pose la question des impacts cumulés et de leur évaluation. Dès lors, il apparaît évident que la prise en compte des seuls aménagements soumis à étude d'impact ne suffit pas à appréhender correctement les impacts cumulés. De nombreuses pressions anthropiques diffuses sont susceptibles de perturber les milieux, parfois de façon bien plus importante que les projets. La pollution par les substances chimiques, les déchets ou l'érosion, quelle provienne des activités marines ou du milieu terrestre doit être prise en compte. Les impacts des transports maritimes qui engendrent pollutions et nuisances sonores doivent également être considérés. La pêche, qui opère des prélèvements sur les populations de poissons et de mollusques constitue un impact direct qui doit être régulé. La pression sur les écosystèmes liée aux activités récréatives ou à la navigation de plaisance ne doit pas être négligée. Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 44/66 . La mutualisation de la compensation S'il existe des marges de progrès en termes d'évitement et de réduction, chacun s'accorde pour considérer qu'il reste des impacts résiduels quasi impossibles à compenser. Nous abordons, dans le paragraphe 3.2 la mutualisation de la compensation. Une des premières étapes pour développer des mesures de compensation efficaces consiste à identifier les aires sur lesquelles elle serait le plus susceptible d'améliorer le fonctionnement des écosystèmes marins. C'est encore une fois au niveau de la planification que cette identification serait la plus efficace, ce qui ouvrirait pour les opérateurs des possibilités qu'ils ne peuvent pas forcément identifier à l'échelle de leurs projets. Cette identification, qui impliquerait une protection particulière des écosystèmes ainsi signalés, permettrait également d'éclairer les enjeux des projets terrestres dont beaucoup sont susceptibles d'impacts en milieu marin. . Emboîtement des plans Le haut niveau d'exigence en matière de protection de l'environnement que doit atteindre la France, du fait de son appartenance à l'Union européenne et des nombreux accords et traités internationaux qu'elle a signé n'exclut pas, bien au contraire, une simplification du droit de l'environnement et des procédures qui s'attachent aux projets91. La mission considère même que la complexité des réglementations peut entraver l'innovation notamment en matière de préservation de l'environnement ou de mise en oeuvre des transitions énergétique et écologique (cf. § 1.3). De nombreux plans et programmes concernent partiellement le même objet, en l'occurrence, pour ce qui nous occupe, le milieu marin. L'intégration des plans d'action pour le milieu marin au sein des documents stratégiques de façade est à cet égard une excellente chose. Selon la mission, il conviendrait d'aller plus loin en considérant que le chapitre sur la compatibilité entre les différents plans, souvent traité de manière très formelle92 dans les évaluations d'incidences environnementales soit considéré avec une vision qui hiérarchise le cadre d'évaluation entre les plans et applique avec efficience le principe de subsidiarité. Par exemple, les évaluations environnementales des projets stratégiques des grands ports maritimes devraient s'appuyer sur celles des plans d'action sur le milieu marin en y apportant des détails supplémentaires spécifiques et en concevant leur stratégie d'évitement et de réduction sur la base de celle prévue par les plans d'action. 3.1.4. Améliorer l'évaluation des incidences environnementales La bonne mise en oeuvre de la séquence ERC passe par une identification correcte des impacts et une bonne évaluation de leur niveau. Dans une étude de la qualité des études d'impacts en milieu terrestre93 Cécile Bigard, du centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (Cefe) du centre national de la recherche scientifique (CNRS) recense les critiques qui ont porté sur la qualité des études d'impact au niveau international : 91 92 93 Voir par exemple l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale qui crée l'autorisation environnementale unique L'autorité environnementale relève page 27 de sa note (op. cit. 88 page 42) que : L'analyse de [l'] articulation [entre les plans] se limite à une vérification peu argumentée de leur cohérence, restant le plus souvent qualitative, sans réellement tirer profit de la hiérarchisation des enjeux de chacun de ces plans. Bigard C. et al. (2017) The inclusion of biodiversity in environmental impact assessment: Policy-related progress limited by gaps and semantic confusion. Journal of Environmental Management, 200, 35-45. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 45/66 Rapport n° 010966-01 · les choix au sein des différentes options de projet sont plus souvent basés sur des considérations socio-économiques que des arguments écologiques ; · la détermination de l'aire d'étude pour l'évaluation des impacts est souvent basée sur des considérations non écologiques ; · les indicateurs mesurables et les prévisions quantitatives sont rares ; · la pertinence des impacts n'est pas claire ; · la portée des études est souvent mal définie et leur étendue trop étroite ; · beaucoup d'études évaluent la biodiversité en termes de populations d'espèces au lieu de s'attacher à comprendre les effets sur les processus écologiques ou la diversité génétique. In fine, le manque de définition précises et de compréhension des processus écologiques, du fonctionnement des écosystèmes et de la variabilité génétique conduit à rendre difficile l'identification de ce qui constitue un impact significatif. L'article conclut en ouvrant à la planification que : « Tout bien considéré, reconsidérer les pratiques des parties prenantes en les associant avec une approche plus stratégique vers l'anticipation et l'évitement à l'échelle de la planification de l'usage des terres est maintenant nécessaire pour que la hiérarchie de mitigation devienne une hiérarchie claire et pratique afin que l'objectif d'absence de perte nette de biodiversité soit basé sur des priorités de conservation94. » Néanmoins, la mission a pu constater que des collaborations étroites entre bureaux d'études et chercheurs laissaient espérer une amélioration. Ainsi, lors du colloque éviter, réduire, compenser les impacts des aménagements sur la biodiversité, organisé par le laboratoire d'excellence Cemeb(op. cit. 64 page 31) à Montpellier les 30 et 31 mars 2017, Sylvain Moulherat, du bureau d'études Terroiko95 a montré comment des outils de simulation numérique de la viabilité des populations 96 issus de sa thèse permettaient de simuler les impacts d'aménagements sur la dynamique des métapopulations 97 à partir de la connaissance de leurs traits d'histoire de vie98. Ces modèles peuvent prendre en compte des impacts cumulés et des ruptures de continuités écologiques. Ils intègrent également la variabilité génétique des populations étudiées. Concernant plus spécifiquement notre sujet, une analyse de 55 études d'impact de projets en milieu marin, disponibles sur le site du ministère de la transition Écologique et Solidaire, a été réalisée par Céline Jacob et publiée dans sa thèse de doctorat (op. cit. 5 page 6) . Cette analyse rigoureuse basée sur la grille développée par le centre d'Écologie fonctionnelle et évolutive(op. cit. 93 page 45) met en évidence que les mesures d'évitement sont relativement peu nombreuses. Néanmoins, ces mesures sont plutôt satisfaisantes puisque 30 d'entre elles, sur 45 mesures, conduisent à une absence d'impact. La thèse souligne le très faible nombre d'études d'impact qui comportent une analyse des variantes où des critères environnementaux sont effectivement mis en avant pour le choix final. On note également la faible efficacité des mesures de compensation qui sont d'ailleurs très peu nombreuses. Les mesures de réduction, plus efficaces sur le 94 95 96 97 98 Traduction par la mission de : « All in all, reconsideration of stakeholders routine practices associated with a more strategic approach towards impact anticipation and avoidance at a land-use planning scale is now necessary for the mitigation hierarchy to become a clear and practical hierarchy for "no net loss" objectives based on conservation priorities. » Voir http://www.terroiko.fr Moulherat, Sylvain (2014). Toward the development of predictive systems ecology modeling: MetaConnect and its use as an innovative modeling platform in theoretical and applied fields of ecological research. La métapopulation est un concept écologique qui définit un ensemble de populations d'individus d'une même espèce séparées spatialement ou temporellement et étant interconnectées par la dispersion (Source Wikipedia) Paramètres de survie, de reproduction, de dispersion, etc, qui caractérisent une population d'individus Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 46/66 Rapport n° 010966-01 plan socio-économique qu'écologique ciblent avant-tout les phases de travaux. La compensation est parfois envisagée sans que des mesures d'évitement et de réduction ne soient mises en place. Elle est globalement inefficace puisqu'il subsiste en général des impacts. La notion de significativité de l'impact n'est pas définie et semble plus favorable aux impacts socio-économiques qu'écologiques. La présence constatée au sein des études d'impact de nombreuses mesures de suivi et de surveillance, qu'il convient de classer dans les mesures d'accompagnement pose problème, par rapport notamment à l'application du principe de précaution. Ces mesures sont le plus souvent envisagées du fait d'une absence de connaissance suffisante pour évaluer les impacts. Le principe de précaution voudrait que des mesures ERC soient prises et que le suivi puisse permettre éventuellement de les alléger. C'est l'inverse qui se produit. Il est également souligné que ces mesures sont proposées, y compris en l'absence d'impact, afin de faire accepter le projet. La thèse propose quelques recommandations qui concernent directement l'amélioration de la qualité des études d'impact : · développer des recherches sur les impacts mal connus en impliquant les promoteurs des projets dans leur financement ; (exemples : champs électromagnétiques, perturbations sonores sous-marines, nouveaux contaminants), les écosystèmes (profonds, de pleine mer) ou les zones fonctionnelles (zones de frayère de substrat meuble) ; · mettre en place des études d'impact quantitatives basées sur la modélisation. (Approches indicielles, diagrammes systèmes, modèles de simulation et l'approche basée sur la modélisation écologique.) Ces méthodes devraient être mises en place dans le cadre de coopérations entre bureaux d'études et chercheurs ; · établir des seuils d'impact significatif. Il n'entre pas dans le cadre de cette mission de recenser toutes les innovations qui permettraient de résoudre les différents problèmes identifiés comme des lacunes des études d'impact en milieu marin. Ces innovations sont nombreuses et témoignent d'une communauté de scientifiques et d'entrepreneurs très active. Au delà de l'enjeu de protection du milieu marin, le développement de méthodologies robustes pour évaluer les impacts, conditionnerait des mesures ERC efficaces et permettrait aux maîtres d'ouvrages de disposer d'un cadre consolidé pour concevoir leurs projets dans une logique de respect du milieu. Intégrer ces innovations sera bien plus aisé à l'échelle des évaluations environnementales stratégiques des documents de planification qu'au gré des projets de tailles et d'ampleur diverses. Il s'agit enfin aussi d'un enjeu de développement pour les acteurs de l'économie verte que sont les experts qui réalisent les études pour les maîtres d'ouvrage et pour les pouvoirs publics. 3.2. Offrir des possibilités de compensation mutualisées La contribution de l'agence française de la biodiversité aux travaux de la mission confirme les dires unanimes des interlocuteurs de la mission sur l'extrême difficulté de la compensation en milieu marin. Pour l'Agence : Dans le milieu marin, les notions d'équivalence écologique et de substituabilité n'étant pas abouties scientifiquement, la compensation offre peu de certitudes sur l'absence de perte nette de biodiversité, donc peu de sécurité juridique pour le maître d'ouvrage et l'autorité décisionnaire. Elle ajoute que la compensation ne devrait jamais porter sur des habitats ou des espèces dont l'enjeu de conservation est considéré comme fort à l'échelle de la façade maritime ou de la France. Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 47/66 Il est également souvent évoqué le fait que beaucoup de mesures compensatoires sont en fait des mesures d'accompagnement visant la connaissance du milieu marin, l'entretien de réseaux de surveillance ou d'autres mesures comme des mesures de sensibilisation à la protection du milieu marin. Par exemple le projet de parc éolien des îles d'Yeu et de Noirmoutier propose comme mesure compensatoire la mise en oeuvre d'opérations de gestion et préservation (surveillance, sensibilisation) pour un budget significatif. La notion de moyens alloués à la compensation vient dans ce cas se substituer à une analyse, encore difficile à réaliser, de mesures permettant d'appliquer le principe d'absence de perte nette de biodiversité inscrit dans la loi. La durée des phénomènes naturels en mer semble également interdire la compensation. Les spécialistes du milieu marin de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ont indiqué à la mission que le temps nécessaire pour réussir des opérations de restauration des herbiers de posidonies99, était de plusieurs années, voire de décennies. Toutes les opérations de transplantations d'herbiers ont échoué, et la capacité de transplantation ne concerne que quelques dizaines de m 2. La fracturation des rhizomes100 des herbiers entraîne des infections empêchant le renouvellement. Or en région Provence-Alpes-Côte d'azur 25% des herbiers ont disparu, en Occitanie la disparition est de 95 %, ce qui laisserait la possibilité, si cela était possible, d'affecter de grandes étendues à la compensation. Les chercheurs ont néanmoins quelques pistes pour développer la compensation. Ainsi, Sylvain Pioch propose dans sa thèse101 d'élargir la notion de récif artificiel vers des récifs multifonctionnels. Ces récifs sont conçus à partir d'une expertise du fonctionnement des écosystèmes marins d'une écorégion. Ils auraient des fonctionnalités pour les ressources halieutiques, donc la pêche, le paysage sous marin, donc la plongée, les effets hydromorphologiques comme l'effet brise lames et écologiques avec une augmentation de la biodiversité. Cet auteur insiste également sur l'importance d'un organisme scientifique référent, comme Ifremer ou l'agence française de la Biodiversité, pour garantir la cohérence écologique des dispositifs artificiels. Pour Céline Jacob(op. cit. 5 page 6) on distingue trois grands systèmes de gouvernance de la compensation : · « Les permis individuels ou mesures compensatoires écologiques au cas par cas ou permittee responsible mitigation : le développeur ayant provoqué l'impact autorisé met en place, lui-même (ou par le biais d'un agent ou entrepreneur autorisé), les mesures compensatoires et le titulaire en conserve l'entière responsabilité. · Les banques de compensation ou sites naturels de compensation ou mitigation bank : un opérateur, qui n'est ni le développeur du projet impactant, ni le régulateur, met en oeuvre des actions écologiques, en anticipation des besoins de compensation liés à de futurs projets d'aménagement. Il valorise les bénéfices de ces actions par la vente de crédits à des aménageurs devant compenser leurs impacts sur les mêmes habitats ou espèces que ceux concernés par la banque et sur le même territoire. 99 100 101 Inventaire national du patrimoine naturel : Herbiers à Posidonie Un rhizome est une tige souterraine Pioch, S. (2008). « Les habitats artificiels : élément de stratégie pour une gestion intégrée des zones côtières ? Essai de méthodologie d'aménagement en récifs artificiels adaptés à la pêche artisanale côtière ». Thèse de doctorat de géographie et aménagement du territoire. Université Montpellier III ­ Paul Valéry - Arts, Lettres et Langues, Sciences humaines et sociales, 308 p. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 48/66 Rapport n° 010966-01 · Les rémunérations de remplacement ou fonds de compensation ou In-Lieu Fee mitigation : fonds financiers récoltés auprès d'un ou plusieurs développeurs ayant provoqués des impacts autorisés, pour la réalisation de mesures compensatoires et gérés par un acteur public ou une organisation non gouvernementale. » La mission considère que ces trois niveaux de gouvernance de la compensation sont pertinents pour classer les mesures compensatoires et fournissent une bonne grille d'analyse pour la décision concernant leur acceptation. Ainsi, le niveau individuel, devrait, compte-tenu de ce que nous avons écrit plus haut sur les difficultés de la compensation en mer, rester exceptionnel. Le développement des outils complexes de compensation comme les récifs multifonctionnels ne pourra pas toujours résulter d'actions ponctuelles de compensation financées par un opérateur à l'occasion d'un projet102. Le niveau des sites naturels de compensation pourrait s'appliquer aux grands ports maritimes qui anticiperaient ainsi les impacts des projets qu'ils accueillent à l'aide d'un mécanisme qu'ils gèrent et qui présente l'avantage, en plus de sa qualité, de fournir un cadre précis aux opérateurs qui développent des projets dans l'emprise du port. Ce même mécanisme pourrait, en dérogeant au principe de séparation entre l'opérateur et le développeur du projet s'appliquer aux projets du port lui-même, moyennant un mécanisme externe de validation du montant des crédits mis en jeu. Enfin, le fonds de compensation pourrait être développé à l'échelle des façades maritimes et être présenté de façon détaillée dans les documents stratégiques de façade. Les difficultés de la recréation d'écosystèmes identiques à ceux qui sont détruits par les projets conduisent à proposer les trois approches alternatives suivantes. · La première est celle de la conservation absolue qui privilégie l'évitement, et dans une moindre mesure la réduction, lorsque l'écosystème affecté présente des caractéristiques écologiques jugées rares ou remarquables. Dans ce cas, à l'instar de la réglementation des sites Natura 2000, dès lors qu'un projet aurait un impact résiduel non réductible il ne pourrait être autorisé. · dans un deuxième cas, la biodiversité détruite, après mesures d'évitement et de réduction aurait un caractère important mais pas exceptionnel. Il serait alors tout à fait possible de respecter le principe d'absence de perte nette de biodiversité inscrit dans la loi biodiversité par une compensation utilisant un mécanisme mutualisé ou une banque de compensation, quitte à introduire des facteurs d'échelle surfaciques comme c'est le cas en milieu terrestre pour les zones humides. · Enfin, dans le troisième cas, celui d'une biodiversité ordinaire, le principe de paiement pour destruction de services écosystémiques viendrait abonder une banque de compensation. Sur ce point encore la mission considère qu'il ne serait pas contradictoire avec la loi biodiversité de mettre en oeuvre un tel principe, un texte de moindre niveau juridique pourrait le préciser si nécessaire. Il faut savoir que les approches out of kind qui recréent une biodiversité différente (par exemple un récif artificiel se substituant à un impact sur un substrat meuble créent un habitat et donc une biodiversité différente) sont critiquées sauf dans le cas où elles compensent un milieu banal par un milieu d'intérêt écologique fort. Dans le cas où les mesures de compensation viennent abonder des mesures comme des aires marines protégées il convient de vérifier qu'il ne s'agit pas de financer des mesures déjà décidées mais bien des mesures additionnelles. 102 Néanmoins, étant donné leur taille, l'utilisation des fonds de parcs éoliens pour créer des récifs multifonctionnels serait une piste intéressante à explorer. Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 49/66 Rapport n° 010966-01 Dans tous les cas, les documents de façade et les plans d'action pour le milieu marin devraient comporter un effort préalable d'identification des types d'écosystème et de leur valeur intrinsèque, les cartographier aux échelles pertinentes et identifier les aires qui seraient réservées à la compensation. L'évaluation environnementale de ces documents aura notamment pour objet de s'assurer de la cohérence du dispositif de compensation, sur le plan écologique et au regard de la directive cadre Stratégie pour le milieu marin. La gouvernance de la compensation devra mettre en place, à l'échelle de la façade, les mécanismes de surveillance, vérification, et d'aide à la décision qui garantissent le maintient du système ainsi conçu sur le long terme. Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 50/66 3.3. Recommandations du chapitre 3 La mission est convaincue, du fait des nombreux entretiens avec les acteurs de la séquence ERC en mer et de la bibliographie qu'il convient de déplacer le curseur vers une meilleure prise en compte de la séquence ERC au sein des évaluations environnementales stratégiques des documents de planification. Concernant le milieu marin ce sont avant tout les plans d'action pour le milieu marin, composantes des documents stratégiques de façade qui sont les plus concernés. Néanmoins, d'autres plans et schémas, notamment en milieu terrestre, sont susceptibles d'impacts importants, positifs ou négatifs, sur l'environnement marin, notamment via les pressions diffuses. C'est par ailleurs dans la cadre de la planification que des outils de compensation mutualisés performants pourront se mettre en place. 9. Inscrire dans les Pamm, documents de façade et, de façon hiérarchisée et subsidiaire, dans les autres plans et programmes concernant de près ou de loin le milieu marin, des mesures tenant compte de l'ensemble des impacts diffus et globaux et marquant clairement la mise en oeuvre du principe d'absence de perte nette de biodiversité prévue par la loi sur la biodiversité du 8 août 2016. (Deb, Dirm, AFB) 10. Prévoir dans les Pamm et documents de façade des mesures de compensation mutualisées à l'efficacité écologique démontrée et suivie sur le long terme prenant en compte non seulement la biodiversité exceptionnelle, mais également la biodiversité ordinaire à travers notamment les services écosystémiques. (Deb, Dirm, AFB) Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 51/66 Conclusion La mission considère que l'amélioration de la séquence ERC en mer nécessitera plusieurs grands types de mesure. Le premier est le renforcement de la prise en compte du milieu marin par les politiques publiques avec, concernant le développement des énergies marines renouvelables ; le renforcement du rôle stratège de l'État, y compris sa capacité de prise de risque dans un contexte de confiance sociale rétablie. Le deuxième consiste à remonter à l'étape de planification une bonne partie des évaluations d'incidence environnementale et des analyses de l'état initial qui permettent aux porteurs de projet d'agir plus facilement dans un univers mieux balisé. Il s'y ajoute la mise en place de systèmes de compensation mutualisés afin de pallier la quasi impossibilité de compenser en mer. Enfin, une troisième dimension viendra du renforcement de la connaissance des milieux, par la recherche, par la valorisation de ses résultats et par la normalisation des bonnes pratiques. Un effort tout particulier devra être consenti en direction des territoires d'outre-mer afin de leur permettre d'acquérir les connaissances et de développer l'expertise qui leur permettent de préserver la biodiversité marine tout en réalisant leurs ambitions de développement. Cécile Avezard François Marendet Éric Vindimian Ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 52/66 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 53/66 Annexes Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 54/66 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 55/66 4. Lettre de mission Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 56/66 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 57/66 5. Liste des personnes rencontrées Nom Ampatzis André Apied Aulert Auscher Barbier Bas Bataille Becquet Benatre Berg Bernard Bocognano Boileau Bonneton Bougant Boutet Buccio Canteri Caplanne Carlier Carré Chevassus, Chevreau Colas Couput Cubier Custot Damieu de Roeck Delorme Prénom Stephanos Viviane Viviane Christophe Fabrice Sylvie Adeline Tristan Olivier Marie Patrick Guillaume Jean-Michel Fabien Vania Julie M. Fabienne Thierry Sophie Antoine Hubert Nadine Gaëlle François Jean Marie Stéphanie Julien Cécile Yann-Hervé Alain Commission européenne Commission européenne Ministère de la transition Écologique et Solidaire, CGDD Agence française de la biodiversité Dreal Occitanie Haute-Normandie nature environnement Ifremer Ministère de la transition Écologique et solidaire, CGDD Comité régional des pêches de Normandie Ministère de la transition écologique et solidaire, DPMA Dreal Normandie Agence française de la biodiversité Grand port maritime de Marseille Parc naturel marin d'Iroise Grand port maritime de Guyane Grand port maritime La Réunion Conseil régional de Bretagne Préfète de la région Normandie Agence française de la biodiversité Agence française de la biodiversité Ifremer Comité national des pêches maritimes et des élevages marins Deal Martinique Réseau de transport d'électricité Agence française de la biodiversité Direction interrégionale de la mer Nord Atlantique Manche Ouest Ministère de la transition écologique et solidaire, DEB Dreal Pays de la Loire EdF énergies nouvelles France énergies marines Matériaux Baie de Seine Organisme Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 58/66 Nom Delouis Demartini Desvignes Deveze Dhomé Dicq Didier Donnard Ducloy Dulac Duthion Etienne Figueres Fortin Fournel Fredefon Frin Frouin Froux Furois Galichon Galin Garçon Gerbeaud-Maulin Grall Grégoire Grimaud Gros Harel Harmel Héritier Hindermeyer Hue Prénom Antoine Caroline Philippe Magali Diane Paul Bernard Christophe Perinne Perrine Pierre Denis Joël Mathieu Jocelyne Franck Philippe Irène Didier Timothée Pascal Rémi Agnès Frédérique Jacques Pascal Anne-Marie Lise David Béatrice Lucile Xavier Vincent Grand port maritime de Nantes Dreal PACA Cemex Grand port maritime de Marseille Sabella Dreal PACA DDTM des Côtes d'Armor Créocéan Organisme Comité national des pêches maritimes et des élevages marins Ligue de protection des oiseaux EdF énergies nouvelles Deal Martinique Deal Martinique Bretagne vivante Dreal Bretagne Direction interrégionale de la mer Méditerranée Bretagne vivante Préfecture de Loire Atlantique DDTM des Côtes d'Armor Ministère de la transition écologique et solidaire, DGEC Grand port maritime du Havre Ministère de la transition écologique et solidaire, DEB Sablières de l'Atlantique Dreal PACA IUEM Grand port maritime de Dunkerque Association Coorlit Eolfi SGAR Bretagne, chargé de mission Comité régional des pêches de Normandie Conseil régional de Bretagne Dreal Pays de la Loire Ministère de la transition écologique et solidaire, DGITM, sous direction des ports Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 59/66 Nom Jacob Klein Lautredou Le Quillec Lebeau Lecomte Lefeuvre Legendre Legrand Legrand Legrenzi Lejart Lemaître Léocadie Leroy Letellier Lévy Liquete Lopez Macron Magnien Marielle Marmin Massu Méchin Ménard Meyzie Michel Millard Millo Montelly Moras Moulherat Prénom Céline Nicole P. Régis Florian Jean-Paul Cyril Thifaine Hélène Guy Yves Morgane Valéry Aurore Clémentine Philippe F. Camino Jean-Michel Amaël Charles-Antoine Delphine Stella Natacha Agnès Jean-Claude Bernard Patrick Frédérique Claude Hélène Jean-François Sylvain Université Paul Valéry Préfète de la région Pays de Loire Conseil régional de Bretagne Agence de l'eau Loire-Bretagne Conseil régional de Bretagne Ifremer Dreal Bretagne Organisme Ministère de la transition Écologique et solidaire, CGDD Dreal Pays de la Loire Dreal Bretagne Secrétariat général aux affaires régionales des Pays de la Loire France énergies marines Ministère de la transition Écologique et solidaire, CGDD Université Paul Valéry Commission européenne DDTM Loire Atlantique Groupe d'études des cétacés du Cotentin Commission européenne Conseil régional de Bretagne Cemex Granulats Ministère de la transition écologique et solidaire, DPMA Dreal PACA Setec In Vivo Grand port maritime du Havre Université Paul Valéry Association Loire Vilaine estuaire Dreal Normandie Egis Eau Ministère de la transition Écologique et solidaire, CGDD Dreal PACA Ministère de la transition Écologique et solidaire, DEB Ministère de la transition écologique et solidaire, DEB Terroïko Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 60/66 Nom Muller Musard Novarese Pagot Paporé Paubelle Peltier Pioch Piqueret Piquet Pirotta Potard Quentric Quétier Quillien Ramard Richter Ricordel Rivoal Rogoff Rolland Saffroy Samson Scemama Schultz Seidlitz Sellier Simon Simonet Soret Sornin Souquière Sutter Prénom Sonia Denis Thibaud Jean-Philippe Laëtitia Renaud Michel Sylvain Marianne Pierre Fabio Mickaël Alan Fabien Nolwenn Dominique Jean-Paul Françoise Jean-Louis Dimitri Robin Damien Sandrine Pierre Ludovic Benoît Guillaume Maximilien Florence Clémence Jean-Marc Anne Emmanuel Organisme Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Normandie Cerema Dreal Pays de la Loire EdF énergies nouvelles GSM granulats Grand port maritime de Marseille Direction de la mer Université Paul Valéry Préfecture maritime Atlantique DDTM de Vendée Commission européenne Ligue de protection des oiseaux Cerema Biotope France énergies marines Conseil régional de Bretagne Groupe ornithologique normand Dreal Bretagne Agence de l'eau Loire-Bretagne Président du comté régional des pêches de Normandie Dreal PACA Réseau de transport d'électricité Grand port maritime de Rouen Ifremer Ministère de la transition Écologique et solidaire, DEB Grand port maritime de Martinique Direction interrégionale de la mer Nord atlantique Ministère de la transition écologique et solidaire, DPMA Groupement Engie, énergies du Portugal : Éoliennes en mer îles d'Yeu et Noirmoutier Groupement Engie, énergies du Portugal : Éoliennes en mer îles d'Yeu et Noirmoutier Céocéan Agence française de la biodiversité Deal Martinique Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 61/66 Nom Tew-Kaï Thebault Thiebaud Thomas Thorin Toulhoat Trehet Vaissière Vedier Verlaque Victor Vilcot Villageois Villers Ybert Prénom Emilie Guylène Léa Hervé Sébastien Lucile Claire Anne-Charlotte Fabien Marc François Alice Jean-Remy Frédéric Sébastien Organisme Service hydrographique et océanique de la marine Dreal Pays de la Loire Cerema DDTM du Finistère Créocéan Comité national des pêches maritimes et des élevages marins DDTM des Côtes d'Armor Université de Bretagne occidentale Deal Martinique Institut méditerranéen d'écologie (CNRS) Direction interrégionale de la mer Atlantique Manche Ouest Ministère de la transition écologique et solidaire, DEB Grand port maritime de Martinique Dreal PACA Ifremer Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 62/66 Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 63/66 6. Glossaire des sigles et acronymes Acronyme Ademe Ae Afnor Alliss AMI AFB CDC Cefe Cemeb Cerema CGAAER CGDD CGEDD CGI Cirad CNRS Coderst Comer DCE DDTM Deb DCSMM DGALN DGEC Dirm DPMA Dreal DRI EMR ERC GPM Signification Agence de l'Environnement et de la maîtrise de l'Énergie Autorité environnemental Association française de normalisation Alliance sciences sociétés Appel à manifestation d'intérêt Agence française de la Biodiversité Caisse des dépôts et consignations Centre d'Écologie fonctionnelle et évolutive Centre méditerranéen environnement et biodiversité centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux Commissariat général au développement durable Conseil général de l'Environnement et du Développent durable Conseil général des impôts Centre international de recherche sur l'agronomie et le développement Centre national de la recherche scientifique Conseil de l'Environnement et des Risques sanitaires et technologiques Comité spécialisé pour la recherche marine, maritime et littorale Directive cadre sur l'Eau Direction départementale des Territoires et de la Mer Direction de l'Eau et de la Biodiversité Directive cadre Stratégie pour le milieu marin Direction générale de l'Aménagement, du Logement et de la Nature Direction générale de l'Énergie et du Climat Direction interrégionale de la mer Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement Direction de la recherche et de l'innovation Énergies marines renouvelables Éviter ­ réduire - compenser Grand port maritime Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 64/66 Acronyme Ifrecor Ifremer Ifsttar IGF Inra IRD MNHN OCDE Ospar Pamm PLU RTE Scot Shom Sdage SNSM UMS ZEE Signification Initiative française pour les récifs coralliens Institut français pour l'exploitation des mers Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux Inspection générale des finances Institut national de recherche agronomique Institut de recherche sur le développement Muséum national d'histoire Naturelle Organisation de coopération et de développement économiques Convention d'Oslo et de Paris Plan d'action pour le milieu marin Plan local d'urbanisme Réseau de transport d'électricité Schéma de cohérence territoriale Service hydrographique opérationnel de la marine Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Société nationale de sauvetage en mer Unité mixte de services Zone économique exclusive Rapport n° 010966-01 Mise en oeuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser" en mer Page 65/66 http://www.developpement-durable.gouv.fr/ INVALIDE)

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