Automatisation (l') des véhicules. Annexes cahier n° 1. Annexes cahier n° 2
TREGLODE, Hervé de ;FLURY-HERARD, Bernard ;RICARD, Frédéric ;ROCCHI, Jean-François ;BODINO, Philippe
Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
;France. Inspection générale de l'administration
Auteur secondaire
Résumé
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%; text-align: justify;">Les objectifs de la mission étaient d'étudier les impacts des changements induits par l'automatisation et de faire des propositions concernant les évolutions réglementaires nécessaires pour les accompagner et les faciliter. Elle devait établir des recommandations au Gouvernement sur les mesures qu'il doit prendre ou défendre auprès de l'Union européenne pour accompagner l'arrivée des véhicules automatisés en France. Elle a fait le constat de la pression sur notre économie et sur notre administration dans le contexte d'un foisonnement d'initiatives dans les grands pays industriels. Face à ces défis, la France a commencé à s'organiser dans le cadre de la démarche Nouvelle France Industrielle. Tout en accompagnant le déploiement de véhicules autonomes, il conviendra d'être très vigilant à l'amélioration de la sécurité routière : la cohabitation de véhicules peu ou pas autonomes avec des véhicules autonomes, l'existence de plusieurs types de réseaux routiers, des gestionnaires et des équipements différents, l'acceptabilité et le comportement des individus. La mission présente huit recommandations. Elle propose notamment de désigner un directeur de projet pour un pilotage interministériel, lequel aura la charge d'établir au premier semestre de 2017 un document d'orientation générale sur la politique de l'État. Après la nécessaire évolution du code de la route, il faudra adapter les moyens des forces de sécurité et définir les modalités d'adaptation des infrastructures. La Commission européenne rendant obligatoire l'enregistrement des données pré-accidentelles du véhicule à l'horizon 2020, la mission propose de le compléter par la formation et l'information des conducteurs. L'intensification de l'effort de recherche apparaît nécessaire, et il est indispensable de renforcer la cybersécurité.
Editeur
CGEDD
;IGA
Descripteur Urbamet
automatisation
;véhicule
;technique
;politique des transports
;conducteur
;code
;sécurité routière
;réglementation de la circulation
;conduite automatique
;union européenne
;comportement
;économie
;véhicule autonome
;cybersécurité
Descripteur écoplanete
réseau routier
Thème
Circulation
;Transports
Texte intégral
L'automatisation des véhicules
INSPECTION GENERALE DE L'ADMINISTRATION N° 16040-R
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE 010629-01
- Février 2017 -
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INSPECTION GENERALE DE L'ADMINISTRATION N° 16040-R
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE 010629-01
L'automatisation des véhicules
Etabli par Jean-François ROCCHI Inspecteur général de l'administration Philippe BODINO Chargé de mission à l'inspection générale de l'administration Hervé de TRÉGLODÉ Ingénieur général des mines Bernard FLURY-HÉRARD Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Frédéric RICARD Ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts
- Février 2017 -
L'automatisation des véhicules
SYNTHESE
Par lettre datée du 17 mars 2016, le ministre de l'intérieur et le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche ont confié une mission sur le déploiement en France des véhicules autonomes à l'inspection générale de l'administration (IGA) et au conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Les ministres demandent aux deux inspections de les éclairer sur les impacts des transformations à venir, ainsi que sur les évolutions réglementaires destinées à accompagner et à faciliter l'arrivée des véhicules autonomes dans notre pays. Le changement qui se déroule déjà sous nos yeux constitue une évolution rapide et inéluctable qui touche le monde entier et met l'industrie française sous tension. Tirée par les avancées de la recherche dans les domaines de l'intelligence artificielle, des aides à la conduite et des capteurs, une véritable course de vitesse vers l'autonomie a lieu dans les principaux pays industriels et s'étend aux pays émergents. Le degré d'autonomie des véhicules est apprécié en fonction d'un classement en cinq niveaux (croissants de 1 à 5). Un véhicule est considéré comme pouvant être autonome à partir du niveau 3. Les aides à la conduite deviennent de plus en plus répandues, de sorte que des véhicules de niveau 2 sont déjà disponibles sur le marché, avec des fonctions comme le freinage d'urgence ou le maintien dans les couloirs de circulation. À l'autre bout du spectre, des navettes totalement automatisées, de niveau 5, sont en phase de tests, et des projets de voiture sans conducteur sont expérimentés, par Google et d'autres entreprises. De nombreux pays se sont engagés dans des expérimentations (aux États-Unis, en Allemagne, en Suède, au Royaume-Uni, en Chine, au Japon, en Corée du Sud, notamment). La France vient de modifier sa législation pour doter les expérimentations d'un cadre juridique, avec la publication de l'ordonnance du 3 août 2016, dont les textes d'application sont en cours d'adoption. La réglementation routière étant très encadrée par des normes internationales, les organes compétents ont commencé à travailler aux adaptations qui seraient nécessaires pour autoriser, dans des conditions précises, la venue des nouveaux dispositifs. En particulier, le groupe de travail compétent (WP1) pour traiter les questions de sécurité routière au sein de la commission des Nations Unies pour l'Europe (UNECE) a adopté récemment un amendement à la convention de Vienne de 1968 qui ouvre la voie à des véhicules dotés de fonctions d'autonomie. Ce travail n'est pas considéré comme achevé. Dans ce contexte marqué par une intense compétition, la France a commencé depuis trois ans à se mobiliser. En témoigne le projet de la Nouvelle France Industrielle (NFI), dont l'un des programmes porte sur les transports intelligents, en particulier le véhicule autonome. En organisant un partenariat entre les industriels, les centres de recherche et les pouvoirs publics, la NFI fédère la réflexion sur le domaine considéré, et a déjà permis de réaliser des avancées intéressantes. Néanmoins, le dispositif français connaît des faiblesses qui appellent des corrections rapides. En dépit d'initiatives notables, et malgré les expérimentations en nombre croissant qui sont menées par les industriels et instituts français, les entreprises et centres de recherche sont encore loin de la mobilisation affichée par des concurrents étrangers. L'effort de recherche, tant privé que public ou partenarial, est encore trop dispersé. Il souffre d'un manque de coordination évident. De nombreux champs comme ceux relatifs à l'acceptabilité des systèmes ne sont pas assez explorés. Surtout, cet effort est insuffisant par rapport à celui des grands pays du secteur, comme les États-Unis ou l'Allemagne. Le soutien que l'État apporte aux acteurs techniques et industriels n'est pas assez puissant ni assez organisé. Les ministères impliqués dans ce soutien (environnement, intérieur, économie) ne se sont pas
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encore mobilisés d'une manière homogène et suffisamment coordonnée. De plus, le travail interministériel n'est pas assez structuré, en dépit d'efforts récents avec la mise en place d'un groupe inter administrations et d'une task force. La mission CGEDD-IGA estime nécessaire d'apporter très rapidement, dès les premiers mois de 2017, des inflexions propres à doter la France du cadre adapté au déploiement du véhicule autonome. Les améliorations à lancer doivent se déployer dans quatre directions : 1. En premier lieu, il faut organiser plus efficacement l'action publique et désigner un pilote général. Le travail interministériel doit être affermi et un directeur de projet désigné. Plus fondamentalement, il faut que le gouvernement français, à l'instar de plusieurs de ses homologues à l'étranger (États-Unis, Allemagne, Royaume-Uni), adopte rapidement un document d'orientation générale définissant les objectifs poursuivis, le calendrier et les mesures d'accompagnement, venant en complément de la NFI. Ce travail doit trouver son prolongement dans les négociations internationales (à Bruxelles et à Genève), où la voix de la France doit être portée de manière plus coordonnée et volontariste. L'efficacité de l'action publique passe également par l'amélioration de l'organisation du travail au sein de l'un des ministères les plus impliqués, celui de l'intérieur. Un chef de projet doit être désigné au niveau du ministère, la délégation à la sécurité et la circulation routières (DSCR) doit se mettre plus nettement en mode projet, et l'ensemble des directions intéressées doit avancer au même rythme sur un pas plus soutenu. 2. En deuxième lieu, l'effort de recherche et d'innovation doit être accentué, et l'impact des nouveaux véhicules sur l'économie et la société mesuré : D'abord, il convient que les instituts de recherche et d'expertise intensifient et élargissent leurs travaux. Les ministères de l'environnement et de la recherche doivent mieux se coordonner. Les crédits affectés à ces travaux doivent être augmentés, y compris sur les volets touchant aux sciences humaines. Ensuite, De nombreux secteurs d'activités seront affectés par le déploiement des véhicules à délégation de conduite. Outre ceux de l'industrie automobile, bien sûr, le secteur de l'assurance sera amené à évoluer en profondeur. Il en sera de même pour les activités de transport, et, plus largement, pour des secteurs entiers de la mobilité. Les conséquences sont cependant encore inconnues, notamment pour ce qui touche à l'emploi. De même, L'attractivité et l'acceptabilité sociale des nouveaux véhicules restent incertaines. Elles résulteront de facteurs objectifs (prix, amélioration de la sécurité, amélioration du confort, etc.), mais aussi de facteurs psychologiques plus difficiles à anticiper. Il importe en conséquence que l'administration mette en place les outils d'analyse et de suivi de ces perceptions afin de savoir réagir sans délai en fonction des nécessités qui se feront jour. 3. Les infrastructures et les réseaux devront être progressivement adaptés : Les véhicules autonomes auront des conséquences lourdes pour la conception, l'aménagement et l'entretien de la voirie. Une réflexion doit être ouverte sur les standards ou les systèmes de notation de qualité à mettre en place, et sur les aménagements nécessaires (par exemple aux péages d'autoroutes). Les véhicules autonomes seront aussi des véhicules connectés (avec l'infrastructure et entre eux). Les réseaux permettant les communications véhicule-infrastructure devront être déployés dans la mesure du possible sur les axes à fort trafic, et là aussi une stratégie est nécessaire. L'enregistrement des données nécessaires à la détermination des responsabilités en cas d'accident, est sur la voie d'un règlement européen imposant l'EDR (Event Data Recorder). En revanche, la question de l'enregistrement d'un champ
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plus important de données (au moyen de dispositifs dénommés ADDR pour Automotive Digital Data Recorder) et de leur exploitation (par les forces de l'ordre, mais aussi par le propriétaire du véhicule) devra être traitée, au niveau européen. La question fait actuellement l'objet de discussions délicates entre constructeurs et la Commission européenne. 4. Les politiques routières et le domaine de la sécurité seront fortement touchés par l'évolution : Les politiques routières devront changer tout en veillant à conserver un haut niveau de sécurité, en particulier pendant la phase de déploiement progressif des véhicules autonomes. En effet, pendant de longues années, la cohabitation de véhicules peu ou pas automatisés et de véhicules à l'autonomie croissante va créer des situations porteuses de nouveaux risques qu'il est difficile de bien évaluer aujourd'hui. C'est pourquoi, tout en accompagnant le déploiement du véhicule autonome, il convient de rester vigilant et de l'encadrer dans des limites garantissant que le niveau de la sécurité routière ne se détériore pas. La mission CGEDD-IGA recommande que trois principes viennent régir les futures évolutions du code de la route : - la conduite autonome doit être facilitée, rester dans des limites réalistes, et faire progresser les comportements des conducteurs ; - le développement de la circulation en mode autonome doit être soutenu par des évolutions progressives, afin de vérifier à chaque étape que la technologie est suffisamment fiable, la réglementation évoluant elle-même graduellement ; - la reconnaissance de la conduite en mode autonome doit se concilier avec la sécurité routière en toutes circonstances. Les évolutions du code de la route que préconise la mission sont dans la ligne de ces principes. La formation et l'information des conducteurs sont des enjeux essentiels : L'arrivée des véhicules autonomes va bouleverser les apprentissages de la conduite et poser des nouveaux défis pour la formation et l'information des utilisateurs de la route. La mission recommande de mettre en place un système d'unités de valeur obligatoire, correspondant au niveau d'autonomie atteint par le conducteur, et d'impliquer fortement les vendeurs de véhicules dans l'accompagnement des clients à la prise en main des véhicules, au moment de l'achat. Tout cela aura des conséquences sur la responsabilité des utilisateurs, de moins en moins « conducteurs », et de plus en plus « passagers ». Les personnes interrogées à ce sujet par la mission estiment en général que le droit actuellement en vigueur sur la responsabilité civile, depuis la loi Badinter du 5 juillet 1985, est suffisamment robuste pour s'adapter aux nouvelles situations, de sorte qu'il ne faudrait pas en bouleverser les règles. En revanche, la question de la responsabilité pénale est plus ouverte et mérite une réflexion. En parallèle, les métiers de la sécurité routière devront s'adapter dans un délai assez bref. Ceci vaut pour la police de la route, mais aussi pour les intervenants de la sécurité civile. Une attention particulière doit être portée à la sécurité des dispositifs électroniques que vont utiliser les nouveaux véhicules. Déjà, la « cyberdélinquance » est active et s'étend. Elle sera encore plus forte demain, et les outils pour la combattre ne sont pas assez organisés, ni assez puissants, tant en France qu'au niveau international. Une accentuation de l'effort de l'administration paraît nécessaire en ce domaine.
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TABLE DES RECOMMANDATIONS PRIORITAIRES
PRIORITES DESTINATAIRES RECOMMANDATIONS
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Premier ministre, MEEM
Désigner rapidement le directeur du projet assurant le pilotage du dossier « véhicule autonome ». (recommandation n°1b) Établir le plus tôt possible en 2017 un document d'orientation générale sur la politique de l'État envers le déploiement du véhicule autonome (MEEM, MINEFI et MININT, en liaison avec les instituts de recherche). (recommandation n°1a)
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Gouvernement
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MEEM, Ministère de la recherche Premier ministre, MEEM
Intensifier l'effort de recherche sur les véhicules autonomes. (recommandation n°4)
4
Renforcer la lutte contre la cybercriminalité automobile. (recommandations n°8-9 et 10) Adapter rapidement les moyens des forces de sécurité (police de la route, sécurité civile) aux enjeux du véhicule autonome. (recommandations n°11-12-13 et 14) Faire évoluer le code de la route pour faciliter le déploiement des véhicules autonomes sans réduire le niveau de la sécurité routière. (recommandation n°14) Rendre obligatoire la formation et l'information des conducteurs de véhicules autonomes. (recommandation n°15) Adapter les infrastructures (autoroutières notamment) et enregistrer les données du véhicule autonome. (recommandations n°16-17)
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MININT MININT, MEEM MININT
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MEEM
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Liste des recommandations par ordre d'apparition dans le rapport
Recommandation n°1 : 1a : Etablir le plus tôt possible en 2017 un document d'orientation générale sur la politique de l'Etat envers le déploiement du véhicule autonome (MEEM,MINEFI et MININT, en liaison avec les organismes de recherche). 1b :Désigner rapidement le directeur du projet assurant le pilotage du dossier « véhicule autonome » (Premier ministre, MEEM). .............................................31 Nommer un directeur de projet à l'échelle du MININT ; revoir le dispositif de la DSCR pour gérer le dossier plus efficacement ; impliquer les directions autres que la DSCR (ministère de l'intérieur). .................................................................32 Intensifier l'effort de recherche sur les véhicules autonomes (MEEM, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche). ................................................33 Commander des études et recherches pour mesurer le lien entre l'automatisation croissante des véhicules et l'amélioration de la sécurité routière en France (DSCR). Réaliser un retour d'expérience systématique de l'introduction des ADAS. .......................................................................................34 Doter le CNSR d'une sous-commission sur les véhicules connectés et autonomes. Soumettre le sujet au comité des experts du CNSR (DSCR). ................................34 Ouvrir une discussion au niveau européen et international pour élaborer une norme concernant l'information du conducteur, l'alerte et la reprise en main (MEEM). ................................................................................................................35 Désigner un coordinateur des acteurs en charge de la cybersécurité des véhicules connectés ou autonomes (Premier ministre). Structurer le dispositif de lutte contre la cybercriminalité en renforçant les structures nouvellement créées, le partenariat police-gendarmerie, la relation avec les centres de recherche et les constructeurs (ANSSI, MININT, MEEM). ....................................37 Astreindre par la règlementation les constructeurs et équipementiers à installer des systèmes de cybersécurité qui devront être testés et validés avant toute mise en service et pris en compte lors de la réception par type (MEEM). ...........37 Réfléchir à l'application de la directive NIS au domaine de la cybersécurité des véhicules autonomes, notamment aux plateformes de supervision et aux réseaux de collecte de données, ainsi qu'à la mise en place d'un CERT (Computer Emergency Response Team) spécifique aux véhicules connectés ou autonomes (ANSSI). .................................................................................................................38 Mettre en place les outils juridiques et technologiques pour permettre aux forces de l'ordre d'agir sur les véhicules automatisés dans les cas de crimes et délits (MININT, ministère de la justice). ...............................................................38 Modifier les fiches BAAC pour y intégrer les données relatives aux véhicules automatisés (MININT)...........................................................................................39 Mettre en place un système d'identification des véhicules automatisés à destination des forces de l'ordre ; permettre un dialogue entre les véhicules automatisés et les forces chargées du contrôle de la circulation (MININT).........39
Recommandation n°2 :
Recommandation n°3 :
Recommandation n°4 :
Recommandation n°5 :
Recommandation n°6 :
Recommandation n°7 :
Recommandation n°8 :
Recommandation n°9 :
Recommandation n°10 :
Recommandation n°11 :
Recommandation n°12 :
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Recommandation n°13 :
Prendre en compte dans les cas d'usage les besoins des véhicules prioritaires (pompiers, forces de l'ordre), et les situations de crises de sécurité civile (MININT). ..............................................................................................................40 Faire évoluer le code de la route pour faciliter le déploiement des véhicules autonomes sans réduire le niveau de la sécurité routière (MININT, MEEM). ......45 Agir rapidement sur l'information et la formation des usagers et des conducteurs de véhicules automatisés. 15a : Intégrer une information relative aux véhicules automatisés au niveau du « continuum éducatif », du permis de conduire, et des actions de prévention routière et de communication sur la sécurité routière (MININT). 15b : Pour les niveaux 3 et 4 (SAE), créer une unité de valeur constituant un pré requis obligatoire pour la conduite d'un véhicule autonome (MININT). 15c : Imposer aux concessionnaires automobiles de mettre en place un module obligatoire de prise en main du véhicule automatisé lors de son achat (MININT, MEEM). ..................................................................................................47 Déterminer avec les sociétés d'autoroute les aménagements nécessaires pour accueillir les véhicules autonomes en toute sécurité en veillant en particulier à la problématique de l'approche des péages et des fins de section autoroutière (DGITM).................................................................................................................50 Créer une base de données publiques contenant au minimum des informations de limitations de vitesse de restrictions de voirie et restrictions catégorielles et rendre la mise à jour des données obligatoires ; les services de voiture autonome auront l'obligation de prendre en compte ces données. Cette base de données devra être évolutive pour accepter d'autres informations (MEEM, MININT).................................................................................................................51 Mettre à l'étude la responsabilité pénale des futurs utilisateurs de véhicule autonome (ministère de la justice). ......................................................................57 Établir au niveau national, et si possible européen, les principes que devront respecter les véhicules autonomes en cas d'accident inévitable (MININT, MEEM, en liaison avec le ministère de la justice). ............................................................57 Conduire une étude approfondie sur les possibilités et les conséquences de l'introduction de navettes autonomes dans les grandes villes françaises (MEEM, MINEFI). ................................................................................................................60 Lancer une étude sur les conséquences des véhicules autonomes en termes économiques et sociaux dans les professions concernées (MEEM, MINEFI). ......60
Recommandation n°14 :
Recommandation n°15 :
Recommandation n°16 :
Recommandation n°17 :
Recommandation n°18 :
Recommandation n°19 :
Recommandation n°20 :
Recommandation n°21 :
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SOMMAIRE
Table des recommandations prioritaires ................................................................................................. 9 Introduction......................................................................................................................................... 15 1 Malgré de grands efforts depuis 2013, la France n'a pas encore atteint, dans plusieurs domaines, un niveau de préparation suffisant ..................................................................................................... 21 1.1 Le contexte international presse la France d'agir ............................................................................ 21 1.1.1 Les organisations internationales, tant à Bruxelles qu'à Genève, ont entamé le mouvement préparant le déploiement des véhicules autonomes ............................................................. 21 1.1.2 Les grandes nations industrielles ont pris des initiatives pour soutenir et encadrer les expérimentations et le déploiement des véhicules autonomes ............................................. 22 1.2 Les acteurs publics et privés français : une mobilisation récente, mais qui s'étend ....................... 24 1.2.1 Le projet de la Nouvelle France Industrielle (NFI) a réussi à bien fédérer pouvoirs publics, chercheurs et industriels dans une démarche commune....................................................... 24 1.2.2 L'industrie française entend bien rattraper vite son retard, en lançant des expérimentations en nombre croissant .............................................................................................................. 26 1.2.3 Les ministères n'ont pas un niveau d'organisation homogène, et la coordination interministérielle n'est pas assez serrée, ni active, en dépit d'initiatives récentes ................ 27 1.2.4 La mobilisation de l'expertise et de la recherche publiques et privées est une réalité, mais elle n'a pas atteint l'intensité souhaitable ............................................................................. 28 2 Les améliorations indispensables pour que la France relève le défi avec succès .............................. 31 2.1 Il faut en premier lieu organiser plus efficacement l'action publique et désigner un pilote .......... 31 2.1.1 Un document d'orientation générale sur le déploiement des véhicules autonomes doit être vite préparé et publié par le gouvernement .......................................................................... 31 2.1.2 Le travail interministériel doit être affermi et accéléré ......................................................... 31 2.1.3 La France doit se mobiliser plus efficacement dans les négociations internationales .......... 32 2.1.4 Le ministère de l'intérieur doit intervenir de manière plus volontariste et mieux organisée 32 2.1.5 La recherche doit être intensifiée et élargie .......................................................................... 33 2.2 Il faut se préparer à changer les politiques publiques de sécurité routière .................................... 33 2.2.1 Durant la longue phase de déploiement des véhicules autonomes, la sécurité routière doit demeurer au coeur de toutes les attentions........................................................................... 33 2.2.2 La lutte contre la cybercriminalité automobile doit être renforcée ....................................... 36 2.2.3 Il faut sans attendre préparer la police routière aux changements à venir........................... 38 2.2.4 Les métiers de la sécurité civile vont devoir s'adapter........................................................... 39 2.3 Le code de la route va devoir être modifié ...................................................................................... 40 2.3.1 Trois principes devront régir les évolutions réglementaires .................................................. 41 2.3.2 Les conducteurs devront être mieux formés et renseignés sur la conduite déléguée des véhicules autonomes.............................................................................................................. 45 2.4 Les routes et les aménagements routiers devront s'adapter parallèlement au déploiement des véhicules autonomes ....................................................................................................................... 47 2.4.1 Le réseau routier .................................................................................................................... 47
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2.4.2 La route et le véhicule continueront d'évoluer en symbiose .................................................. 48 2.5 Les règles en vigueur en France en matière de responsabilité individuelle et d'assurance sont en question ........................................................................................................................................... 56 2.5.1 La responsabilité en cas d'accident est appelée à évoluer .................................................... 56 2.5.2 Les secteurs de l'assurance et de l'assistance vont devoir se préparer à des mouvements économiques de grande ampleur .......................................................................................... 58 2.6 Les véhicules autonomes pourraient changer en profondeur l'économie et l'écologie des transports ......................................................................................................................................... 58 2.6.1 L'acceptation sociale dépendra principalement des avantages nouveaux donnés aux conducteurs, passagers et entreprises................................................................................... 58 2.6.2 Des études et des recherches sont nécessaires pour affiner les conséquences des véhicules autonomes sur le modèle économique et social des transports ............................................ 59 Conclusion ........................................................................................................................................... 61 Annexes ............................................................................................................................................... 63 Annexe n° 1 : Lettre de mission ............................................................................................................... 65 Annexe n° 2 : Liste des personnes rencontrées ....................................................................................... 67 Annexe n° 3 : Glossaire des sigles et abréviations ................................................................................... 73 Cahier annexe numéro 1 Annexe n° 4 : Les systèmes équipant les véhicules Annexe n° 5: Les capteurs et l'intelligence artificielle des véhicules autonomes Annexe n° 6 : Les investissements des entreprises sur l'automatisation des véhicules Annexe n° 7 : L'état du droit relatif au véhicule autonome dans les pays étrangers Annexe n° 8 : Véhicules automatisés et sécurité routière Cahier annexe numéro 2 Annexe n° 9 : la Cybersécurité Annexe n° 10 : l'état de la recherche en France dans le monde Annexe n° 11 : les poids-lourds, les navettes, les bus autonomes Annexe n° 12 : l'impact économique et social des véhicules autonomes. L'acceptabilité sociale
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L'automatisation des véhicules
INTRODUCTION
Une évolution rapide et inéluctable qui touche le monde entier et met l'industrie française sous tension En France comme ailleurs, l'automatisation des véhicules routiers est étudiée depuis longtemps. Ces dernières années, les recherches se sont intensifiées et accélérées dans tous les grands pays industriels, notamment sous l'effet de la publicité faite et des espoirs nés autour du projet de Google. Depuis 2012, bien des progrès technologiques ont hâté le mouvement. Singulièrement, il s'agit de ce qui concerne l'apprentissage profond (deep learning en anglais) grâce aux réseaux de neurones artificiels à la base des systèmes d'apprentissage et de classification, les capteurs et l'analyse de leurs données, les aides à la conduite, la puissance des processeurs et les connexions. Le mouvement est devenu une véritable course de vitesse vers l'autonomie. Y participent activement près d'une quarantaine de groupes industriels, issus tant de l'industrie de l'automobile (constructeurs et équipementiers) que de l'industrie numérique (Google, Baidu, Huawei, Mobileye, Nvidia, Tencent, etc.). En de nombreux pays, les espoirs dominent sur les hésitations. Des enjeux importants susceptibles de bouleverser le paysage de la mobilité Le véhicule autonome est présenté par ses promoteurs comme un atout décisif en termes de sécurité routière, la plupart des accidents survenant en raison d'un facteur lié au conducteur. L'automatisme est supposé corriger les carences ou les faiblesses du conducteur humain, et apporter un supplément de sécurité qui fait défaut aujourd'hui. De même, sont mis en avant des arguments liés au confort : soulagés de la fatigue de la conduite en zone de congestion, les automobilistes, devenus passagers, pourront se reposer, lire, traiter leurs messages électroniques ou se consacrer à des loisirs. Ce surcroît de confort est un élément vital pour le développement du véhicule autonome. Il conditionne en partie son acceptation par le public. Il crée aussi une menace allant à rebours des thèses qui soutiennent que l'autonomie des véhicules va régler une partie des problèmes d'embouteillage, en pouvant au contraire favoriser l'étalement urbain. Les conséquences sur le modèle urbain et sur les modes de vie sont difficiles à prédire, mais elles seront indéniablement lourdes. Les enjeux ne sont en effet pas seulement technologiques. Il y entre une grande part de comportements, individuels et collectifs, et une grande part de psychologie. Ces enjeux sont d'autant plus complexes que les impacts de l'automatisation sur l'économie des transports sont encore très imprécis, et pèseront dans l'appréciation que les différents acteurs porteront à l'avenir, d'autant que le mouvement semble rapide et inéluctable. Les définitions Les appellations ne sont pas encore définitivement fixées. Les francophones parlent de véhicules automatisés, de véhicules semi-autonomes ou autonomes, de véhicules sans conducteurs, de véhicules à délégation de conduite. Les anglophones parlent de self-driving vehicles, de driverless vehicles, d'autonomous vehicles, etc. Depuis l'été dernier, la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) aux États-Unis est convenue d'appeler Autonomous Vehicle (AV) tout véhicule qui peut être conduit, à un moment ou à un autre, par un système d'autonomie sans surveillance constante d'un conducteur. C'est cette définition du véhicule autonome que la Mission CGEDD-IGA retiendra dans le présent rapport.
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L'automatisation des véhicules
Plus précisément, les véhicules sont classés selon leur capacité d'autonomie. Le classement le plus utilisé est celui de la SAE International, association internationale dont le siège est aux États-Unis. IElle a défini six niveaux dans sa norme J3016 de janvier 2014. C'est l'échelle utilisée en Europe. De façon résumée, les niveaux y sont définis dans le document tableau ci-dessous. La mission CGEDD-IGA ne l'a pas traduit en français, eu égard au poids de ses mots anglais largement utilisés dans le monde, notamment les termes en italique.
Tableau 1 : Les différents niveaux SAE
SAE Level
Name
Narrative Definition
Execution of Steering and Acceleration Deceleration
Monitoring of Driving Environneme nt
Fallback Performance of Dynamic Driving Task
System Capability (Driving Modes)
Human driver monitors the driving environment 0 No The full-time Automation performance by the human driver of all aspects of the dynamic driving task, even when enhanced by warning or intervention systems 1 Driver The driving mode-specific assistance execution by a driver assistance system of either steering or acceleration/deceleration using information about the driving environment and with the expectation that the human driver perform all remaining aspects of the dynamic driving task 2 Partial The driving mode-specific Automation execution by one or more driver assistance systems of both steering and acceleration/deceleration using information about the driving environment and with the expectation that the human driver perform all remaining aspect of the dynamic driving task Automated driving system ("system") monitors the driving environment 3 Conditional The driving mode-specific Automation performance by an automated driving system of all aspects of the dynamic driving task with the expectation that the human driver will respond appropriately to a request to intervene
Human driver
Human driver
Human driver
n/a
Human driver and system
Human driver
Human driver
Some driving modes
System
Human driver
Human driver
Some driving modes
System
System
Human Driver
Some driving modes
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L'automatisation des véhicules
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High Automation
5
Full Automation
The driving mode-specific performance by an automated driving system of all aspects of the dynamic driving task, even if a human driver does not respond appropriately to a request to intervene The full-time performance by an automated driving system of all aspects of the dynamic driving task under all roadway and environmental conditions that can be managed by a human driver
System
System
System
Some driving modes
System
System
System
All driving modes
Source : Copyright 2014 SAE International. The summary table may be freely copied and distributed provided SAE International and J3016 are acknowledged as the source and must be reproduced AS-IS
L'une des expressions les plus importantes y est « request to intervene ». On la traduira par « demande de reprise en main ». Que ce soit par voie visuelle, auditive, ou encore haptique comme la vibration du siège du conducteur, c'est le signal donné au conducteur humain, par le système embarqué d'autonomie, de reprendre le contrôle de la voiture 1. Selon la NHTSA, et selon la mission CGEDD-IGA, un véhicule, voiture ou autre, sera dit autonome (autonomous en anglais) s'il est capable de circuler aux niveaux 3, 4 ou 5 au moins à un moment ou en un lieu convenable. Ces moments ou ces lieux définissent les domaines d'emploi dudit véhicule autonome (Operational Design Domains, ou ODD, selon les termes retenus par la NHTSA). Les véhicules seront très différents demain et évoluent vers une électronisation croissante Tous les véhicules vendus aujourd'hui dans le monde renferment déjà des équipements comportant une part considérable d'électronique. L'annexe 4 comporte une classification de systèmes de sécurité et de confort faisant appel à l'électronique. Les systèmes plus ou moins avancés d'assistance et d'aide à la conduite (ADAS pour Advanced Driver Assistance System) permettent une première automatisation de la conduite. Les plus récentes aides à la conduite (ADAS) sont des systèmes monofonctionnels avec une intelligence informatique plus poussée : il s'agit des régulateurs de vitesse adaptatifs2, des freinages automatiques d'urgence, des dispositifs de maintien dans la file, ou de direction automatique, etc. En plus de ces systèmes touchant la fonction de conduite, il faut ajouter les systèmes de connexion des véhicules à leur environnement extérieur : infotainment3, géolocalisation, appel d'urgence (eCall bientôt obligatoire dans les pays de l'Union européenne), connexion automatique du véhicule avec le constructeur, l'équipementier ou le réparateur, boîtier relié à l'assureur, etc.
L'autre grand type de classement est celui utilisé notamment par la NHTSA et d'autres entreprises aux États-Unis, mais aussi ailleurs (comme en Chine). Il comprend un niveau de moins, c'est-à-dire cinq niveaux. De manière simplifiée, on peut dire que son quatrième niveau regroupe à peu près les niveaux 4 et 5 de l'échelle de la SAE International. L'échelle NHTSA ne sera bientôt plus guère en usage, puisque la NHTSA y a renoncé à l'été 2016, préférant désormais recourir à l'échelle SAE. 2 Qui ralentissent si le véhicule précédent ralentit. 3 L'infotainment, ou infodivertissement, regroupe les services d'information (stations de radio notamment) et de divertissement (musique, etc.) offerts au conducteur et aux passagers.
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L'impact sur la sécurité Plusieurs systèmes de sécurité sont d'une grande efficacité, comme le système antiblocage des roues (Antiblockiersystem ou ABS), ou l'ESP4 (Electronic Stability Program),destiné à améliorer le contrôle de trajectoire d'une voiture, par exemple. De plus en plus de systèmes de sécurité sont ainsi apparus si avantageux qu'ils sont devenus obligatoires : ABS, ESP pour les véhicules particuliers, AEB (Automatic Emergency Braking) pour les poids lourds, etc.5 Des rapports, publiés en Europe, en démontrent les avantages au regard de la sécurité. Ainsi les études ayant conduit au rapport de novembre 2007 du projet européen TRACE, en particulier sur les ESP et régulateur de vitesse adaptatif6. Les résultats quantitatifs donnés en 2008 par le projet européen PreVENt vont dans le même sens : la mortalité serait diminuée d'un pourcentage compris entre 10 % et 20 % pour toutes les aides à la conduite, sauf pour les systèmes permettant un franchissement plus sûr des intersections (amélioration inférieure à 1 %). D'autres travaux (études sur le cas d'Ann Arbor dans le Michigan aux États-Unis, études générales de la NHTSA, recherches de l'IFSTTAR, etc.) ont démontré aussi les nets avantages apportés à la sécurité routière par des connexions entre véhicules (appelées V2V), ou entre routes et véhicules (appelées I2V). En Europe, les conclusions du C-ITS Program de la commission européenne (Cooperative Intelligent Transport Systems Program, cf. rapport7 de janvier 2016) sont semblables. En revanche, de nouvelles causes d'accidents pourraient survenir (coexistence de véhicules autonomes et non autonomes, pannes de logiciels, cybersécurité). Les différents types de véhicules autonomes et leurs domaines d'emploi S'il est si important de parler des aides à la conduite (ADAS), c'est parce qu'elles accompagnent les recherches et les développements vers des véhicules de plus en plus automatisés et autonomes. Certes, on ne passe pas du niveau 0 au niveau 3 par une simple accumulation ou un simple perfectionnement des aides à la conduite. Il faut aussi un développement de l'intelligence artificielle qui va faire agir ensemble les capteurs (caméras, radars, sonars et lidars) et les automatismes embarqués. Autrement dit, sans freinage automatique d'urgence et autres aides, il ne peut y avoir de véhicule autonome. Mais sans intelligence artificielle fusionnant et synthétisant à tout instant les données utiles sur l'environnement extérieur, le véhicule ne conduira jamais seul, si bardé d'automatismes soit-il. Les technologies étudiées concernent tous types de véhicules : voitures, poids lourds, autobus, navettes surtout. À ce jour, les résultats les plus visibles regardent les navettes, les poids lourds (dans des lieux fermés à la circulation publique), et les matériels militaires. Des progrès rapides ont ainsi été obtenus pour la circulation à basse vitesse de petites navettes pour le transport en commun de voyageurs. De nombreuses villes dans le monde s'y intéressent ; plusieurs (Helsinki, La Rochelle, Lyon, Sion, notamment) ont déjà engagé des expérimentations sur routes ouvertes à d'autres circulations. De même, des camions sans conducteur circulent déjà en exploitation minière à ciel ouvert en Australie, hors route ouverte à la
Ou ESC Electronic Stability Control. Aux États-Unis, une étude de l'Insurance Institute for Highway Safety (IIHS), dont les résultats ont été publiés en 2010, a conclu de même quant à l'amélioration de la sécurité permise par les ADAS. Une autre étude de l'IIHS, faite avec l'Highway Loss Data Institute (HLDI) aux États-Unis et achevée en 2016, a démontré l'efficacité des systèmes prévenant les collisions, notamment les freinages automatique d'urgence. D'autres études de la NHTSA ont donné des résultats semblables. Les analyses et synthèse faites aux ÉtatsUnis et au Royaume-Uni (rapport de Swiss Re Group et Here publié en 2016, etc.) sur les assurances paraissent démontrer, elles aussi, que la modernisation et le déploiement continus des aides à la conduite devrait vite mener à une rapide diminution des accidents graves. 6 Adaptative Cruise Control ou ACC en anglais. 7 « With alert generated from the increased information available, these systems [i.e. vehicle-to-vehicle communications or vehicleto-infrastructure communications] have a strong potential to improve road safety and the efficiency of the road transport. » (Extrait du résumé du rapport final de janvier 2016).
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circulation publique. Volvo, de son côté, teste en Suède des camions autonomes dans des mines souterraines. Mais, c'est la voiture qui concentre partout les efforts les plus importants, tant son marché est vaste, tant sa sécurité est aujourd'hui préoccupante. Beaucoup croient que les voitures autonomes trouveront leur plus grand intérêt économique si elles sont partagées. Dans des flottes gérées par des entreprises (comme Didi Chuxing, Grab, Lyft, Uber, etc.), les voitures sans conducteur pourraient desservir des centres-villes où les besoins sont denses, ou même des régions périurbaines ou rurales où les transports publics sont rares. Des expérimentations en vraie grandeur ont commencé à Pittsburgh, à Singapour et à Tokyo (en vue des Jeux olympiques de 2020). Des projets nombreux à l'étranger Les recherches et développements dans le monde portent sur tous les usages possibles des véhicules autonomes. Tous les pays industriels construisant des véhicules ont engagé des programmes de recherches et de développement en associant généralement toutes les parties prenantes : administrations publiques, instituts publics, universités, industries, etc. Si l'on mesure l'importance des travaux à l'aune des expérimentations et des investissements, les pays en tête apparaissent être les États-Unis, les pays européens (Allemagne, France, Royaume-Uni, Suède, etc.), le Japon, la Corée du Sud. Certainement, ce peloton sera-t-il bientôt rejoint par la Chine, si ce n'est déjà fait. Mais d'autres pays se mettent sur les rangs : Australie, Brésil, Canada, Nouvelle-Zélande, Russie, etc. Les pays disposant de puissants groupes industriels (constructeurs, équipementiers ou industriels de l'économie numérique) font la course en tête : Allemagne, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Japon, Suède et même Russie. C'est aux États-Unis que les expérimentations de voitures autonomes sur routes ouvertes sont les plus nombreuses. La plupart des grandes entreprises du monde y testent à grand échelle leurs nouvelles technologies. Google X (appelée ensuite X, puis Waymo) y a déjà fait rouler ses voitures totalement autonomes sur trois millions et demi de kilomètres environ, surtout en Californie. Alors que beaucoup pensaient que l'industrie numérique ferait cavalier seul, elle noue de plus en plus d'alliances avec les constructeurs et les équipementiers : Baidu avec BMW, TomTom avec Bosch, Nvidia avec Tesla, Microsoft avec Renault-Nissan et Volkswagen, Yandex avec Kamaz, etc. De loin, le plus gros des investissements concerne la voiture individuelle. Aucune industrie automobile ou numérique ni aucun État industrialisé ne veut encourir le risque de manquer cette révolution industrielle. Selon beaucoup, elle sera au moins aussi bouleversante que celle par laquelle l'automobile, il y a plus d'un siècle, remplaça complètement le transport hippomobile et s'imposa face au transport ferroviaire et au transport fluvial.
Nota-bene : au regard de la complexité du sujet, les annexes reprenant les différentes thématiques sont présentées en deux cahiers.
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MALGRE DE GRANDS EFFORTS DEPUIS 2013, LA FRANCE N'A PAS ENCORE ATTEINT, DANS PLUSIEURS DOMAINES, UN NIVEAU DE PREPARATION SUFFISANT
Les évolutions dans le monde pressent la France d'agir et de s'organiser de manière efficace. Le mouvement a été lancé avec la Nouvelle France Industrielle, mais il reste à parfaire.
1.1
1.1.1
Le contexte international presse la France d'agir
Les organisations internationales, tant à Bruxelles qu'à Genève, ont entamé le mouvement préparant le déploiement des véhicules autonomes
Les organisations internationales les plus impliquées sont d'abord la Commission économique pour l'Europe des Nations unies (CEE-ONU, en anglais United Nations Economic Commission for Europe ou UNECE), siégeant à Genève, qui suit les sujets de sécurité routière et traite de l'homologation des matériels. Ensuite, l'Union européenne s'est saisie de la question à travers les politiques portant sur la mobilité et les transports (l'Union n'est pas compétente sur les sujets de sécurité routière). Ces travaux sont déterminants: ils portent sur des aspects réglementaires (sécurité, standardisation), mais aussi sur des questions économiques, sociales, comportementales, et abordent la question de la société numérique, qui va bien au-delà du seul domaine du véhicule autonome. L'Union européenne a déjà produit de nombreuses études sur le véhicule autonome. Approuvée alors par tous les ministres chargés des transports les 14 et 15 avril 2016, l'importante « Déclaration d'Amsterdam » va mobiliser plus encore les institutions européennes dans une démarche qui se veut exceptionnellement active. Les objectifs fixés par la Déclaration sont larges. Ils portent notamment sur la cohérence des règles à tout niveau (international, européen et national), sur l'utilisation et la protection des données, sur les communications (entre véhicules et avec l'infrastructure), sur la sécurité et la cybersécurité, sur l'acceptabilité sociale, et enfin sur la coopération internationale. Y figurent les définitions communes de la conduite connectée et automatisée. Selon cette Déclaration, la Commission européenne s'attachera à quatre actions : développer une stratégie européenne sur la conduite connectée et automatisée, notamment grâce aux plateformes que sont C-ITS Platform et Gear 2030, mais aussi la Table ronde sur la conduite connectée et automatisée ; poursuivre les travaux de C-ITS Platform, en en élargissant le domaine aux questions relatives aux infrastructures, à la gestion des circulations et à la sécurité routière ; revoir et adapter, quand c'est nécessaire, le cadre réglementaire sur l'usage des voitures connectées et automatisées, dans le respect du principe de subsidiarité ; développer une approche coordonnée en matière de recherche et d'innovation en recourant, notamment, aux programmes et organes de recherche existants.
Hors le cas des véhicules introduits en France à titre isolé, la presque totalité des règles relatives à l'homologation (appelée réception communautaire ou réception CE dans les actes européens) des véhicules et de leurs équipements proviennent de règles (directives ou règlements) de l'Union européenne. Le Gouvernement français a perdu depuis longtemps la plus grande partie de ses pouvoirs propres. Les règles
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européennes sont des règles propres à l'Union européenne, ou des règles reprises des règlements8 arrêtés par le Forum mondial pour l'harmonisation des réglementations sur les véhicules (appelé couramment Working Party 29 ou WP 29), qui est un groupe de travail de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies (CEE-ONU, en anglais United Nations Economic Commission for Europe ou UNECE). Le WP 29 a pour principale base juridique l'Accord de Genève du 20 mars 19589. Des règles européennes, mais bien moins nombreuses, fondées sur l'Accord de Genève du 25 juin 199810 sont débattues au sein du WP 29, tandis que le groupe de travail appelé couramment Working Party 1 (WP 1)11 traite de la sécurité routière. La Convention de Vienne sur la circulation routière du 8 novembre 19684 dispose, en son article 8, que « tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur » (cf. paragraphe 1) et que « tout conducteur doit constamment avoir le contrôle de son véhicule » (cf. paragraphe 5). Ces dispositions sont restées longtemps inchangées, alors même que les règlements techniques issus des travaux du WP 29 étaient constamment et rapidement adaptés aux progrès des automatisations. Pour rattraper le retard, le paragraphe 5 de l'article 8 (de la Convention de Vienne de 1968) a été complété par un paragraphe 5bis disposant que « les systèmes embarqués ayant une incidence sur la conduite d'un véhicule » sont autorisés s'ils sont conformes à l'Accord de Genève du 20 mars 1958 (et aux règlements qui y sont annexés), ou à l'Accord de Genève du 25 juin 1998, ou sinon « pour autant qu'ils puissent être neutralisés ou désactivés par le conducteur ». Un amendement de même objet a été introduit à l'article 39. Cette double modification juridique est entrée en vigueur le 23 mars 2016, mais elle n'apporte pas une solution complète. Pour poursuivre plus vite son travail sur les véhicules autonomes, le WP1 a constitué en son sein en 2015 un groupe informel appelé « Informal working group on automated driving ». Le président de ce groupe informel est le représentant de la France, par ailleurs vice-président du WP1. Les pays de l'Union européenne sont divisés en trois blocs quant à l'interprétation à tirer des deux amendements à la Convention de Vienne, entrés en vigueur au terme d'une procédure qui a commencé dès 2006 : ceux qui, comme la France, considèrent que le nouveau texte ne permet pas le déploiement des véhicules vraiment autonomes ; ceux qui, comme le Royaume-Uni et les Pays-Bas, estiment que les amendements doivent être interprétés souplement, et qu'ils permettent désormais le déploiement des véhicules autonomes (au moins de niveaux 3 et 4) ceux qui, comme l'Allemagne, veulent permettre la circulation des véhicules au niveau 5 sans attendre un nouvel amendement.
Cette diversité est préoccupante. Il semble urgent en particulier de rapprocher les avis de la France et de l'Allemagne afin d'éviter des discordances entravant la libre circulation sur les réseaux européens. 1.1.2 Les grandes nations industrielles ont pris des initiatives pour soutenir et encadrer les expérimentations et le déploiement des véhicules autonomes
L'ensemble des nations avancées ont pris chacune à leur manière la mesure de la révolution apportée par le véhicule autonome. Elles affirment leur volonté d'entrer dans ce nouveau monde.
129 règlements sont considérés actuellement comme actifs dans le cadre de l'Accord de 1958. Ils constituent une très grande bibliothèque de documents techniques. 9 « Accord concernant l'établissement de règlements techniques mondiaux applicables aux véhicules à roues, ainsi qu'aux équipements et pièces qui peuvent être montés et/ou utilisés sur les véhicules à roue ». 10 « Accord concernant l'établissement de règlements techniques mondiaux applicables aux véhicules à roues, ainsi qu'aux équipements et pièces qui peuvent être montés et/ou utilisés sur les véhicules à roues ». 11 Il en est de même pour la Convention de Genève du 19 septembre 1949 sur la circulation routière.
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Au Royaume-Uni, par exemple, la Reine a déclaré le 18 mai 2016 dans le discours du Trône ouvrant la session du Parlement : « Mes ministres s'assureront que le Royaume-Uni est à l'avant-garde de la technologie dans les nouvelles formes de transport, y compris les véhicules autonomes et électriques ». En dehors de l'Asie, au Japon, en Chine, et en Corée du Sud notamment, deux pays sont particulièrement actifs : En premier lieu, les Etats-Unis : Le ministère fédéral des transports (DOT) et son agence nationale de sécurité routière (NHTSA) ont publié en septembre 2016 un document, intitulé « Accelerating the Next Revolution in Roaway Safety », qui décrit la politique fédérale pour les véhicules autonomes. Il se présente comme une série de recommandations en direction des administrations, des États fédérés et des industriels. Sont visés les véhicules qui ont atteint un développement 3 à 5 de l'échelle SAE où le système est le conducteur, l'être humain ayant un rôle tout au plus limité à la supervision et la reprise en main. Après avoir affirmé que l'avènement de cette nouvelle technologie était inévitable, le document indique les bénéfices attendus : diminution drastique du nombre d'accidents, amélioration de la mobilité pour les personnes exclues actuellement de l'usage de la voiture, diminution de la pollution de l'air et des économies d'énergie. Tout d'abord, le document décrit les bonnes pratiques pour les concepteurs et fabricants de véhicules autonomes, qui doivent s'auto-certifier. Cette confiance n'empêche pas le régulateur des transports de vérifier si les véhicules fonctionnent bien et, si besoin, de prendre des actions coercitives. Pour ce faire, les industriels doivent rendre compte régulièrement dans un rapport rendu public appelé évaluation de sécurité (le détail de l'évaluation est décrit en annexe 7). Le deuxième volet du guide procure aux États fédérés un modèle de politique vis-à-vis de la voiture autonome. La NHTSA constate que certains États (Nevada, Californie, Michigan, notamment) ont commencé à légiférer dans le domaine de la voiture autonome, et elle craint la venue de législations disparates. Aussi propose-t-elle que les nouvelles règles des états se réfèrent à son modèle pour que la politique sur ce sujet soit cohérente sur le territoire des États-Unis. Le troisième volet du guide explique les moyens (« outils ») dont dispose l'agence pour gérer l'introduction de nouvelles technologies. Le quatrième et dernier volet est un appel à commentaires sur des idées de nouveaux moyens (« outils ») et nouvelles entités pour gérer l'arrivée des véhicules autonomes. Le deuxième pays en pointe est l'Allemagne : Le gouvernement allemand a présenté sa stratégie pour la voiture autonome et connectée dans un document daté de septembre 2015. Le document indique que le véhicule autonome et connecté présente un potentiel de progrès pour : améliorer l'efficacité des automobiles face à la croissance en mobilité ; accroître la sécurité routière ; réduire les émissions polluantes ; rendre l'Allemagne plus compétitive en matière économique et plus attractive pour l'innovation.
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Le gouvernement allemand fixe trois objectifs : rester au premier rang des constructeurs automobiles mondiaux ; devenir un marché leader pour le véhicule connecté et autonome, c'est-à-dire avec le plus haut pourcentage de véhicules autonomes et connectés ; mettre effectivement des véhicules autonomes et connectés sur les routes, et pour cela commencer par le déploiement sur les autoroutes et routes express ainsi que dans les parkings.
Le gouvernement fédéral en déduit un plan d'actions couvrant un large éventail de thématiques : infrastructures, législation, innovation, connectivité, cybersécurité et protection des données (le détail en est présenté en annexe 7). Dans la continuité de son plan d'actions, le gouvernement fédéral allemand a présenté un projet de loi le 13 juin 2016 pour modifier la loi sur la circulation routière en vue de favoriser le déploiement du véhicule autonome Cette loi est actuellement en cours d'arbitrage au sein des ministères. Elle a pour objectif de créer une sécurité juridique pour l'usage des systèmes automatisés. Concrètement, un automobiliste ne commettrait pas d'infraction s'il se détourne de ses tâches de conduite pourvu qu'il soit toujours assez vigilant pour pouvoir reprendre la conduite, soit après appel par le système automatisé du véhicule, soit en réagissant à des erreurs techniques identifiables du système. Ainsi la responsabilité pénale du propriétaire du véhicule ne pourrait être recherchée. En revanche, sa responsabilité civile en tant que gardien du véhicule pourrait toujours l'être, comme d'ailleurs celle du constructeur si le produit est défaillant. De plus cette loi rendrait obligatoire l'installation d'enregistreur de données dans le but de pouvoir déterminer notamment si le système automatisé était actif au moment d'un accident. Les deux pays dont les politiques viennent d'être décrites se retrouvent dans les attentes engendrées par le véhicule autonome en matière de mobilité, de sécurité routière, de défense de l'environnement. Tous les deux souhaitent un développement rapide favorisant leur industrie. L'approche américaine est plus pragmatique et agile, favorisant les essais et les initiatives des industriels, surtout ceux du numérique. L'approche allemande est sans doute plus coordonnée et plus étatique. Elle n'oublie pas qu'elle doit placer son action au coeur du tissu législatif européen et des accords internationaux. Enfin, elle joint à l'innovation de la route à l'innovation du véhicule. La conception allemande est sans doute plus proche de celle que suit la France.
1.2
1.2.1
Les acteurs publics et privés français : une mobilisation récente, mais qui s'étend
Le projet de la Nouvelle France Industrielle (NFI) a réussi à bien fédérer pouvoirs publics, chercheurs et industriels dans une démarche commune
Le plan dit de la Nouvelle France Industrielle, publié par le Gouvernement en septembre 2013, comprend neuf parties (ou « solutions »). L'une d'entre elles porte sur les « Transports de demain », pour laquelle une « feuille de route » a été dressée le 16 juillet 2015. C'est la colonne vertébrale de l'association État-Industrie en France sur les recherches précompétitives. Le volet est divisé en dix-neuf actions avec des responsables clairement désignés, ainsi que le montre l'extrait suivant :
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Tableau 2 : Extrait de la feuille de route « Transports de demain »
Source :
La feuille de route assigne des objectifs précis au déploiement des véhicules autonomes. Ces précis objectifs rejoignent largement ceux qui ont été publiés par l'European Road Transport Research Advisory l'European 12 Council (ERTRAC) en juillet 2015 , dont les conclusions ont été reprises par le Groupe de haut niveau sur la compétitivité et la croissance durable de l'industrie automobile dans l'Union européenne (appelé GEAR 2030)13 présidé par la Commission européenne. Les objectifs de la NFI visent à déployer avant 2020 une part grandissante de voitures en conduite déléguée sur autoroute, et d'équiper des parcs de stationnement adaptés. Parallèlement, et à la même ée échéance, les véhicules autonomes seront de plus en plus nombreux dans les sites industriels, le transport de marchandises en convoi de camions (« platooning ») sera développé, et les bennes à ordures ménagères pourront être autonomes dans les lieux de collecte. Entre 2020 et 2030, les convois militaires pourront être autonomes, ainsi que le transport de marchandises dans les couloirs de bus. Pour le transport col collectif de passagers, avant 2020, il est prévu que la délégation de conduite sera de plus en plus grande pour des autobus ou navettes en site privé, en site propre ou en zone de rencontre, et que seront exploitées des flottes de voitures autonomes en libre service sur site privé. Enfin, il est envisagé qu'entre 2020 et 2030, libre-service des flottes de voitures autonomes en libre service soient exploitées sur voirie publique. libre-service De ses entretiens avec les personnes qui suivent l'exécution du plan, tant au ministère chargé d de l'économie (Direction générale des entreprises, DGE) que chez les industriels (le président de Renault ayant la responsabilité du pilotage d'ensemble), la mission CGEDD IGA a conclu que l'exécution du plan de la NFI CGEDD-IGA
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« Automated Driving Roadmap » (version 5.0) daté le 21 juillet 2015. Groupe institué par la décision de la Commission européenne du 19 octobre 2015.
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sur les véhicules autonomes n'est pas en retard. Deux sujets apparaissent cependant en retrait selon la DGE : d'une part, le volet juridique et assurantiel (législation, règlements, normes, etc.), d'autre part, le platooning (conduite en peloton de camions en mode automatique), car les grands constructeurs de poids lourds font leurs recherches à l'étranger. Sur la livraison des marchandises en ville, Renault Trucks, la filiale du groupe Volvo, va bientôt engager des études d'importance en France. 1.2.2 L'industrie française entend bien rattraper vite son retard, en lançant des expérimentations en nombre croissant
L'ambition et la force de l'industrie française dans la course au véhicule autonome ne sont pas des questions qui relèvent de la mission confiée au CGEDD et à l'IGA. Néanmoins, la mission a constaté que l'engagement des industriels français, conformément à la Nouvelle France Industrielle, est de plus en plus grand, même si les investissements et les expérimentations apparaissent bien plus importants dans plusieurs autres pays que la France, en particulier aux États-Unis. Treize expérimentations ont été approuvées avant juillet 2016 par la DGEC14. Elles sont présentées en annexe 6. Les dossiers remis ont tous abouti à une autorisation, moyennant parfois des modifications. Par deux fois, des avenants sont venus compléter l'autorisation initiale. Pour ce qui concerne les expérimentations des navettes sur route ouverte, les autorisations ne sont délivrées que si un opérateur est constamment à bord (même si les navettes sont surveillées à distance), toujours prêt à reprendre en main le véhicule. En outre, doit être tenu à jour un registre des voyageurs transportés avant chaque voyage. Les expérimentateurs insistent constamment pour que ces deux obligations soient bientôt allégées, surtout la seconde. Pour ce qui concerne les expérimentations des voitures sur route ouverte, les demandeurs souhaitent que les véhicules en essai puissent être pilotés par des conducteurs ordinaires, comme envisage de le faire Volvo à Londres en 2017. Un nouveau cadre juridique pour les expérimentations de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite (VDPTC), prévu par la loi sur la transition énergétique du 17 août 20151516, a été établi par voie d'ordonnance le 3 août 2016 (ordonnance n°2016-1057 du 3 août 2016 relative à l'expérimentation de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques). Cet effort d'expérimentation mérite d'être salué, mais il demeure en retrait par rapport à certains pays étrangers de premier plan : il suffira ici, par exemple, de rappeler que l'un des deux grands constructeurs français a récemment annoncé publiquement que ses quatre voitures autonomes avaient déjà circulé sur 60 000 kilomètres de routes ouvertes, tandis que les cinquante-huit voitures de Google ont, quant à elles, déjà parcouru 3,6 millions de kilomètres.
Au 10 octobre 2016, 10 expérimentations étaient achevées, 6 expérimentations étaient en cours, 7 demandes étaient en instruction, 6 demandes étaient des manifestations d'intérêt et 1 demande avait été abandonnée. 15 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. 16 Cf. article 37 : « Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de permettre la circulation sur la voie publique de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite, qu'il s'agisse de voitures particulières, de véhicules de transport de marchandises ou de véhicules de transport de personnes, à des fins expérimentales, dans des conditions assurant la sécurité de tous les usagers et en prévoyant, le cas échéant, un régime de responsabilité approprié. La circulation des véhicules à délégation partielle ou totale de conduite ne peut être autorisée sur les voies réservées aux transports collectifs, sauf s'il s'agit de véhicules affectés à un transport public de personnes. Cette ordonnance est prise dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance. »
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1.2.3
Les ministères n'ont pas un niveau d'organisation homogène, et la coordination interministérielle n'est pas assez serrée, ni active, en dépit d'initiatives récentes Les trois principaux ministères ont une mobilisation inégale
1.2.3.1
Le ministère de l'économie et des finances (MINEFI) et le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer (MEEM) se sont placés dans une démarche de projet. Comme indiqué au paragraphe 1.2.1, le MINEFI a préparé en 2013 le projet de la Nouvelle France Industrielle (NFI). La direction générale des entreprises (DGE), qui assure le lien avec l'équipe chargée d'animer le projet, est de façon naturelle engagée dans une démarche active. Le MEEM a mis en place une organisation pour traiter les différents thèmes liés au véhicule autonome. La direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) comprend une Mission des transports intelligents, chargée notamment d'assurer la veille technique et de participer à l'instruction des demandes d'expérimentations. La DGITM préside aussi un groupe de travail sur les véhicules autonomes et les infrastructures. En outre, elle réunit depuis le printemps de 2016 une taskforce, associant le MINEFI et le ministère de l'intérieur (MININT) ; elle a pour mission principale de coordonner les positions de la France dans les organes internationaux. Par ailleurs, la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du MEEM assure le secrétariat d'un groupe inter administrations (ou groupe interservices) informel, qui étudie les demandes d'expérimentation, prépare les évolutions réglementaires et suit les évolutions nationales et internationales. Par contraste, le ministère de l'intérieur paraît moins bien organisé pour traiter ces enjeux. La délégation à la sécurité et à la circulation routières (DSCR) n'a pas mis en place pour le moment d'organisation spécifique. En l'absence de chef de projet traitant cette question, c'est une correspondante pour le véhicule autonome, rattachée au bureau de la signalisation et de la réglementation, qui assure le suivi du dossier à mi-temps. En pratique, la personne la plus impliquée est le conseiller technique « Europeinternational » placé auprès du délégué. Il est vice-président du groupe sur la sécurité routière de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies (WP1), et préside un groupe informel sur les véhicules autonomes. Les autres composantes du MININT n'ont pas encore accordé autant d'attention au sujet, à l'exception de la gendarmerie nationale. La direction générale de la police nationale (DGPN) et la préfecture de police de Paris n'ont pas encore défini l'organisation adéquate. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a profité des échanges avec la mission pour lancer sa propre réflexion. La gendarmerie est en revanche très présente. Elle participe aux réunions animées par le MEEM, qui ont été présentées plus haut. Le Pôle judiciaire de la gendarmerie, installé à Cergy-Pontoise, réunit plusieurs structures qui travaillent notamment sur la cybersécurité, la délinquance automobile et la sécurité routière. Au sein du Pôle a été institué en 2015 un Observatoire central des systèmes de transport intelligent (OCSTI). Ce positionnement actif de la gendarmerie met principalement l'accent sur les besoins propres de la DGGN, mais il ne peut à lui seul remplacer une mobilisation commune à l'ensemble du MININT. 1.2.3.2 La coordination interministérielle se renforce, mais n'a pas encore atteint le niveau idéal
Les services du Premier ministre n'assurent pas le rôle d'un chef d'orchestre. Seule l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), rattachée au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, coordonne l'action publique dans un domaine particulier, la lutte contre l'insécurité informatique. Toutefois, elle n'identifie pas le véhicule autonome comme un thème spécifique, préférant ne pas faire de distinction entre les différents objets connectés.
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Les initiatives prises dans le cadre de la NFI ou impulsées par le MEEM ne suffisent pas à combler le déficit constaté dans le champ interministériel. Elles ne dispensent pas l'État d'un effort supplémentaire pour mieux structurer sa réflexion et son action sur le véhicule autonome. Dans un référé qu'elle a adressé au Premier ministre le 19 février 2016, la Cour des comptes avait regretté l'absence de chef de file et les lacunes de la coordination interministérielle. Dans sa réponse du 26 avril 2016, le Premier ministre a proposé de traiter ce sujet dans le projet de « Mobilité 3.0 », afin de réunir dans un « dispositif de gouvernance léger et adaptable » les acteurs de la mobilité intelligente. Le MEEM est chargé de mettre en oeuvre ce nouveau dispositif, en liaison avec les autres ministères. Si cette tâche de restructuration n'est pas encore achevée, la mission CGEDD-IGA relève toutefois une évolution positive : la constitution, en juin 2016, d'un « haut-comité » réunissant les quatre directeurs généraux suivant le dossier (DGE, DGEC, DGITM et DSCR). 1.2.4 La mobilisation de l'expertise et de la recherche publiques et privées est une réalité, mais elle n'a pas atteint l'intensité souhaitable
Les recherches publiques et publiques-privées sur le véhicule autonome sont aujourd'hui principalement menées par l'IFSTTAR, le CEREMA et l'INRIA, ainsi que par l'institut de recherche technologique (IRT) SystemX et l'institut pour la transition énergétique (ITE) VeDeCoM (une présentation de la recherche en France et dans le monde est faite en annexe 10). L'IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux, établissement public à caractère scientifique et technologique) Héritier du Laboratoire central des ponts-et-chaussées (LCPC) et de l'INRETS, l'IFSTTAR a une compétence reconnue en matière routière, notamment dans le domaine de la sécurité. Plusieurs des laboratoires qui le composent sont engagés à des titres divers dans la recherche sur le véhicule du futur. En particulier, l'institut travaille sur le comportement des conducteurs, et sur la reprise en main, sur les futures routes hybrides (où rouleront à la fois des véhicules classiques et des véhicules autonomes), sur les convois de camions en peloton, sur l'efficacité des capteurs ou sur l'interopérabilité des systèmes. Ces travaux sont très liés à des thématiques portées au niveau européen, en liaison avec d'autres instituts similaires. En partenariat avec l'IFSTTAR, le pôle de compétitivité Lyon Urban Truck & Bus a préparé la plateforme Transpolis pour tester les futurs moyens de transport. Transpolis se développera sur les deux sites voisins des Fromentaux et de La Valbonne, dans l'Ain17. Pour les véhicules autonomes, c'est surtout le site des Fromentaux, autrefois terrain militaire de soixante-dix hectares, qui sera utilisé à partir de 2018. Le CEREMA (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, établissement public administratif) Le CEREMA est un établissement public de l'État à caractère administratif créé le 1er janvier 2014 et comprenant 3 000 agents répartis sur 29 sites ; il a acquis un savoir-faire routier qui en fait un des principaux acteurs dans le domaine des infrastructures, de la signalisation, ou des risques. Il n'est pas un établissement de recherche, mais il dispose d'une expertise dans le domaine de la route qui est appréciée. Il a aussi de fortes compétences dans les évolutions de la mobilité particulièrement en milieu urbain. Il est impliqué dans des projets en relation avec le véhicule autonome, comme ceux sur les capteurs, ceux sur les systèmes prédictifs d'aide à la conduite, les projets de navette en milieu rural, ou les besoins des véhicules « très » autonomes en ce qui concerne les infrastructures. Le CEREMA est également associé au projet Transpolis.
17
À une trentaine de kilomètres à l'est de Lyon.
28
L'automatisation des véhicules
Il devrait avoir un rôle clé sur le développement des infrastructures routières en liaison avec le véhicule autonome (interface véhicule infrastructure mais aussi adaptation de l'infrastructure, de sa signalisation et de ses équipements), y compris dans les aspects normalisation. Dans son champ d'action figurent aussi les études relatives aux évolutions de la mobilité provoquées par le véhicule automne, à la sécurité routière et à l'acceptation sociale. SYSTEM X (Institut de recherche technologique issu du programme des investissements d'avenir) Fondé en 2012, l'institut de recherche technologique (IRT) SYSTEM X est chargé18 de la sécurité dans le cadre du plan sur les véhicules autonomes de la Nouvelle France Industrielle (NFI). Sa mission porte sur la sécurité des véhicules automatisés entendue comme (1) la sûreté de fonctionnement et (2) la cybersécurité. L'INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique, établissement public à caractère scientifique et technologique) L'INRIA travaille depuis longtemps sur les véhicules autonomes. Il a mis au point, par exemple, le véhicule autonome CyCab avec l'ancienne équipe appelée IMARA, devenue équipe-projet RITS (Robotics and Intelligent Transportation Systems). L'institut VeDeCoM (institut pour la transition énergétique, issu du programme des investissements d'avenir) VeDeCoM fédère la presque totalité des organismes français travaillant aux recherches précompétitives en matière de véhicule autonome. C'est, avec SystemX, l'un des organismes les plus importants aujourd'hui en France, hors les centres de recherche de l'industrie automobile. Les véhicules connectés et autonomes constituent le second de ses trois domaines d'étude, à côté de l'électrification des véhicules et du thème « Mobilité et énergie partagées ». Quatre grands sujets de recherches structurent le domaine « Délégation de conduite et connectivité » : véhicule à conduite déléguée, robustesse des architectures et des systèmes, nouvelles communications sécurisées et sécurité coopérative, évaluation des impacts sociétaux et acceptabilité de la conduite déléguée.
La mission a constaté que ces centres de recherches avancent d'un pas sûr, bien qu'ils se soient engagés plus tardivement qu'ailleurs (notamment aux États-Unis ou en Allemagne). Toutefois, l'examen des articles et rapports techniques ou scientifiques publiés en anglais ou en français dans le monde montre que les publications françaises sont encore peu nombreuses. Le débat public est bien plus nourri aux États-Unis et au Royaume-Uni. Par exemple, Google rédige chaque mois un Monthly Report qui lui donne l'occasion de faire part publiquement de ses analyses et conclusions sur les principaux événements ayant marqué la circulation de ses voitures autonomes le mois précédent. Un autre exemple est donné par les débats publics organisés par la NHTSA, soit à l'occasion de conférences publiques, soit à l'occasion de la publication de documents stratégiques, comme cela a été fait par exemple au premier semestre de 2016. On peut encore citer, en Europe, la consultation publique lancée en juillet 2016 par le Royaume-Uni (Department of Transport et Centre for Connected and Autonomous Vehicles) sur les réformes à entreprendre en matière d'assurances, sur la base d'un rapport et de propositions :
18
SystemX travaille à d'autres recherches que celles relatives aux véhicules automatisés.
29
L'automatisation des véhicules
« Pathway to Driverless Cars : Proposals to support advanced driver assistance systems and automated vehicle technologies ». La Mission CGEDD-IGA estime que l'Administration française (DSCR, DGITM, DGEC et DGE notamment), à l'instar de la NHTSA, doit accompagner plus activement la recherche publique. Il lui faut agir, soit en commandant elle-même des études sur les sujets de sécurité les plus importants, soit en s'attachant à faire connaître les résultats des travaux faits ailleurs, soit en favorisant les coopérations techniques avec des pays étrangers à l'instar de ce qui a été convenu avec l'Allemagne (par le ministre chargé des transports) ou avec la Chine (par l'IFSTTAR).
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L'automatisation des véhicules
2
LES AMELIORATIONS INDISPENSABLES POUR QUE LA FRANCE RELEVE LE DEFI AVEC SUCCES
La mission CGEDD-IGA recommande d'organiser plus efficacement l'action publique, d'anticiper l'impact de l'arrivée des véhicules autonomes sur la sécurité routière, et de modifier la réglementation routière pour accompagner et encadrer les changements technologiques. Elle présente aussi des recommandations en matière d'assurance et de responsabilité. Elle appelle à une attention vigilante de la part des pouvoirs publics sur les conséquences socio-économiques de l'arrivée de ces nouveaux systèmes.
2.1
Il faut en premier lieu organiser plus efficacement l'action publique et désigner un pilote
Un document d'orientation générale sur le déploiement des véhicules autonomes doit être vite préparé et publié par le gouvernement
2.1.1
Selon la mission, il est essentiel que soit préparé, et décidé, au plus vite en 2017, un premier document d'orientation générale définissant les objectifs poursuivis par le Gouvernement français pour le déploiement du véhicule autonome, à l'instar des documents publiés par les gouvernements fédéraux aux Etats-Unis et en Allemagne. Ce document doit compléter la Nouvelle France Industrielle, démarche commune des pouvoirs publics et des industriels. Il doit s'agir d'une présentation des mesures que compte prendre l'État pour accompagner le déploiement des véhicules autonomes, fixant le cap à suivre et traitant en particulier, mais pas seulement, des enjeux de sécurité routière19. Il est indispensable que cette feuille de route couvre aussi la question du financement du programme public, en particulier pour les actions de recherche pilotées par l'État, ou accompagnées par lui. Cet aspect du dossier n'est pas défini aujourd'hui, ce qui limite d'autant l'effort en matière de recherche et d'innovation. 2.1.2 Le travail interministériel doit être affermi et accéléré
La lettre du Premier ministre du 26 avril 2016, répondant au référé de la Cour des comptes du 19 février 2016, proposait de remédier aux faiblesses du pilotage interministériel dans le cadre du projet Mobilité 3.0, et désignait le MEEM pour le mettre en oeuvre. Il serait maintenant opportun qu'apparaisse rapidement au sein de ce ministère un directeur de projet à la légitimité incontestable et disposant d'un poids suffisant dans l'administration. Quel que soit le schéma qui sera retenu, il est important que la structure choisie pour assurer le pilotage associe toutes les disciplines nécessaires. Par exemple, le ministère de la santé et celui de la justice ne sont pas présents dans les réunions qui assurent aujourd'hui une coordination minimale entre les administrations. Le dispositif qui doit être installé doit couvrir un champ plus large que l'actuel. Recommandation n°1 : 1a : Établir le plus tôt possible en 2017 un document d'orientation générale sur la politique de l'Etat envers le déploiement du véhicule autonome (MEEM,MINEFI et MININT, en liaison avec les organismes de recherche). 1b :Désigner rapidement le directeur du projet assurant le pilotage du dossier « véhicule autonome » (Premier ministre, MEEM).
Le rapport d'information de l'Assemblée nationale sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale (n° 4109 du 12 octobre 2016) propose l'adoption par l'État d'une feuille de route stratégique.
19
31
L'automatisation des véhicules
2.1.3
La France doit se mobiliser plus efficacement dans les négociations internationales
La France est présente au niveau international dans trois organismes : le WP1 « Sécurité Routière » de la CEE-ONU20, le WP29 de la CEE-ONU, et le TCMV, Technical Comitee for Motor Vehicles, animé par la Commission européenne. Le WP1 est suivi par la Délégation à la sécurité et la circulation routières (DSCR) au ministère de l'Intérieur, tandis que le WP29 et le TCMV sont suivis par la sous-direction de la sécurité et des émissions des véhicules, à la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de l'environnement. Lorsqu'il s'agit de documents envoyés par la Représentation permanente de la France à Bruxelles au Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), la concertation sur les prises de positions françaises est organisée par le SGAE. Dans les autres cas, ce qui couvre notamment les documents des deux WP, le SGAE n'organise pas de concertation (il n'est pas en charge de la Commission des Nations Unies pour l'Europe), et les responsables siégeant dans ces groupes sont en pratique maîtres des positions prises. Cette distribution des rôles entre directions ne favorise pas des prises de positions dynamiques et à la pointe de l'innovation. Pour la mission, les prises de position françaises sur des sujets stratégiques du véhicule autonome devraient faire l'objet d'une concertation plus approfondie entre les différentes entités compétentes dans l'administration (sous l'égide du directeur de projet interministériel, s`il est désigné), y inclus les organismes scientifiques tels que l'IFSTTAR, le CEREMA, et aussi associant des organismes scientifiques externes, tels VEDECOM ou System X. 2.1.4 2.1.4.1 Le ministère de l'intérieur doit intervenir de manière plus volontariste et mieux organisée En premier lieu, la DSCR doit mieux structurer son action au sujet du véhicule autonome
La délégation à la sécurité et la circulation routières (DSCR) doit se placer en mode projet. Un chef de projet, disposant d'un rang suffisant dans la hiérarchie, doit être placé directement auprès du délégué. Il devra stimuler et coordonner les réflexions de la délégation, et sera l'interlocuteur de haut niveau des autres administrations et du directeur de projet interministériel (au MEEM). 2.1.4.2 Plus généralement, c'est l'ensemble du ministère de l'intérieur qui doit se mobiliser au niveau approprié
La DGPN, la DGSCGC, la DLPAJ et la Préfecture de police de Paris, entre autres, doivent rapidement adopter une démarche active, et s'organiser pour mieux préparer les changements attendus. Cela exige que soient nommés rapidement des correspondants pour le véhicule autonome, et que la thématique soit érigée au rang des priorités par chacune des structures. Pour sa part, la DGGN doit aller au-delà de la mission confiée à son Pôle judiciaire, et associer ses directions opérationnelles à la gestion du dossier. Enfin, il serait opportun de désigner pour l'ensemble du ministère un directeur de projet, rattaché au ministre et placé auprès du cabinet, afin de centraliser les éléments traités par chacune des grandes directions, et d'assurer le pilotage du dossier au niveau le plus élevé. Recommandation n°2 : Nommer un directeur de projet à l'échelle du MININT ; revoir le dispositif de la DSCR pour gérer le dossier plus efficacement ; impliquer les directions autres que la DSCR (ministère de l'intérieur).
20
United Nations Economic Commission for Europe, ou Commission Économique pour l'Europe des Nations unies (CEE-ONU).
32
L'automatisation des véhicules
2.1.5
La recherche doit être intensifiée et élargie
Les recherches précompétitives sont désormais le plus souvent sous la coordination de VeDeCoM, qui doit être renforcé pour ce domaine, et travailler en partenariat plus étroit avec les établissements de recherche et techniques (IFSTTAR, SystemX, Cerema, Inria). La coopération internationale de VeDeCoM en matière de véhicules autonomes doit être encore accrue, singulièrement avec les États-Unis (NHTSA, etc.), avec l'Allemagne (conformément à l'orientation déjà fixée par les deux gouvernements), avec la Chine et avec le Japon. La participation des ministères et des centres publics de recherches doit être plus active encore à Bruxelles (notamment pour les travaux de C-ITS et de GEAR 2030) et à Genève (WP 1 et WP 29). Enfin, il est essentiel que la recherche ne se limite pas aux seuls domaines technologiques. Des champs qui ne sont pas bien couverts aujourd'hui (économie, emploi, urbanisme, acceptabilité sociale, psychologie) doivent être plus systématiquement traités par les instituts concernés. Recommandation n°3 : Intensifier l'effort de recherche sur les véhicules autonomes (MEEM, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche).
2.2
2.2.1
Il faut se préparer à changer les politiques publiques de sécurité routière
Durant la longue phase de déploiement des véhicules autonomes, la sécurité routière doit demeurer au coeur de toutes les attentions
Pour les pouvoirs publics, la sécurité routière est le premier enjeu des véhicules autonomes. S'il est démontré ou perçu que ces véhicules améliorent la sécurité routière, leur développement sera encouragé, et il sera rapide. En cas de doute, alors le progrès sera ralenti ou impossible. Un accident est la conséquence d'un dysfonctionnement du système homme - véhicule environnement. En France, les analyses démontrent qu'aujourd'hui, l'accidentalité est avant tout liée aux comportements : ils sont en cause dans 90 % des accidents mortels. Pour réduire la mortalité et la morbidité routières21, il faut d'abord éviter l'accident et ensuite minimiser ses conséquences lorsqu'il se produit. Il faut donc aujourd'hui agir en trois domaines qui interagissent les uns avec les autres : la sécurité des véhicules, la qualité des infrastructures et l'adaptation des comportements. Avec le déploiement progressif des véhicules autonomes, il faudra peu à peu adapter la politique de sécurité routière et ses règles. 2.2.1.1 Le lien entre l'automatisation croissante des véhicules et l'amélioration de la sécurité routière reste à confirmer
Selon un rapport publié par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en septembre 2016, l'humanité voit mourir chaque année environ 1,25 million de personnes sur la route. La moitié sont dites vulnérables : piétons, cyclistes et surtout motocyclistes. Plusieurs dizaines de millions d'autres sont blessées. Le coût pour la société serait compris entre 3 % et 5 % du produit national brut dans chaque pays. Et dans beaucoup de nations (en Europe et aux États-Unis singulièrement), le nombre des accidents et des victimes ne diminue plus, ou seulement lentement. D'où l'intérêt des technologies d'autonomie qui permettraient de s'approcher du niveau de sécurité dans les transports collectifs. Dans l'Union
Le bilan annuel de sécurité routière en France est passé de 18 000 morts au début des années 1970, à 3 268 morts en 2013. Depuis, la courbe est repartie à la hausse en 2014 et 2015, en France comme ailleurs en Europe. La dégradation des résultats est encore plus nette aux États-Unis.
21
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européenne, selon les données européennes de 2008-2010, on compte environ 0,10 voyageur tué par milliard de voyageurs-kilomètres pour l'avion, 0,15 pour le train, 0,45 pour l'autobus et l'autocar... mais 4,5 pour la voiture individuelle et 50 pour le deux-roues à moteur. Plusieurs études étrangères, notamment en Europe et aux États-Unis22, ont conclu que l'automatisation automobile améliorerait de façon notable la sécurité routière. Mais les conditions de cette amélioration doivent encore être mesurées avec précision 23 . Certes, les aides à la conduite réduisent des comportements défaillants : excès de vitesse, état d'ébriété, violation des priorités, usage de smartphone, consommation de stupéfiants, situation de malaise, somnolence, défaut d'entretien... Mais un véhicule autonome introduit une nouvelle complexité : sa sûreté n'est pas la simple somme des sûretés de fonctionnement de chaque composant. La mission note qu'aucune étude française, adaptée au cas de notre pays, formant une analyse complète, n'a jamais été entreprise ni commandée. Recommandation n°4 : Commander des études et recherches pour mesurer le lien entre l'automatisation croissante des véhicules et l'amélioration de la sécurité routière en France (DSCR). Réaliser un retour d'expérience systématique de l'introduction des ADAS.
Recommandation n°5 :
Doter le CNSR d'une sous-commission sur les véhicules connectés et autonomes. Soumettre le sujet au comité des experts du CNSR (DSCR).
2.2.1.2
Le déploiement des véhicules autonomes fera courir de nouveaux risques qu'il faut vite connaître et maîtriser
Plusieurs accidents mettant en cause la responsabilité des véhicules autonomes ont déjà été étudiés (Google Car et Tesla). Les accidents mortels d'une Tesla en janvier 2016 en Chine (province du Hebei) et d'un autre Tesla le 7 mai 2016 aux États-Unis (en Floride) sont les plus inquiétants ; ils montrent à tout le moins les dangers du niveau 3. L'analyse des causes établies et probables fait apparaître une nouvelle accidentalité. Les nouveaux types de danger se rapportent d'abord à la longue période de cohabitation prévisible entre les véhicules autonomes et les autres. Ils pourraient résulter aussi des défaillances des systèmes techniques : bugs, usure, conditions d'utilisation, robustesse, fiabilité, lisibilité de la route, conditions météo... Les risques pourront aussi découler de l'émergence de comportements accidentogènes nouveaux : excès de confiance du conducteur (et donc, par exemple, dépassement du taux d'alcoolémie), multiplication de situations dégradées, non vigilance au niveau 3 ou 4, mauvaise posture dans le véhicule, etc. La reprise en main du véhicule par le conducteur, lorsque le système le demande par une alerte (au niveau 3 ou 4), et la mise en sécurité du véhicule si le conducteur ne répond pas à l'injonction, sont actuellement les deux questions les plus difficiles à dénouer par les industriels. La reprise en main se heurte à des problèmes physiologiques et comportementaux. Les temps minimaux de reprise en main sont différents selon les études, mais, sauf en cas d'urgence où certains avancent le délai de 4 secondes (cité par
Cf. notamment l'étude d'Eno Center for Transportation d'octobre 2013, intitulée « Preparing a nation for autonomous vehicles opportunities, barriers,and policy recommandations», et une étude d'août 2014 de l'université du Texas à Austin, intitulée « The future of fully automate vehicles ». 23 Ceci est d'autant plus nécessaire que les véhicules autonome seront surtout utilisés dans un premier temps sur des voies qui ne sont pas celles où surviennent le plus de décès : selon des chiffres de 2015 publiés par la DSCR, 62,8 % des accidents mortels se produisent hors agglomération et autoroutes, 8,6 % sur autoroute, et 28,5 % en agglomération.
22
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Alain Pipernot, UTAC CERAM en novembre 2016). Un consensus pour un temps de 10 secondes semble se dégager24 comme la durée minimale à prendre en compte pour permettre la reprise en main. Ce délai correspond néanmoins à un conducteur suffisamment attentif.. Gardons bien à l'esprit aussi qu'un tel délai correspond à une distance parcourue importante à vitesse élevée. La reprise en main est une des difficultés principales pour la sécurité qui est à prendre en compte au niveau 3 et au niveau 425. Des questions que soulève le véhicule autonome, ce sujet est l'un des plus cruciaux, l'immense majorité des futurs utilisateurs étant constituée de conducteurs non professionnels. Le déploiement commercial des véhicules autonomes réclame de ne pas relâcher l'attention sur l'effort de prévention et de répression routières engagé depuis plusieurs années. Il faut que l'amélioration de sécurité qu'ils peuvent apporter soit très nettement supérieure en toutes circonstances aux nouveaux risques qu'ils engendreront. Il est essentiel que les autorisations de nouveaux dispositifs soient très bien encadrées au niveau national et international, pour que toutes les garanties existent en matière de sécurité routière : il serait en effet paradoxal que des outils censés améliorer la sécurité n'en viennent à la menacer. 2.2.1.3 L'interface homme-machine dans les véhicules devra obéir à des règles de sécurité
La reprise de la conduite par le conducteur revêt un aspect de sécurité majeur. Il importe que cette opération obéisse à des critères d'efficacité et de rapidité. Ce doit être une action « réflexe » du conducteur, chaque seconde comptant. Or, il n'existe aujourd'hui aucune standardisation de l'interface permettant de « rappeler » le conducteur pour reprise de la conduite. Il est pourtant nécessaire qu'un conducteur français ne soit pas dérouté lorsqu'il louera un véhicule en Allemagne, et vice versa. De même, lorsque l'automatisme rencontre des difficultés dans la conduite, il devrait notifier au conducteur le fait que, dans les conditions de circulation rencontrées, il considère une baisse du niveau de sécurité qu'il assure (par exemple, absence intermittente de marquage de chaussée centrale), et, là aussi, cette notification ne devrait pas souffrir d'ambiguïté. Pour cette raison, la mission considère nécessaire l'élaboration d'une norme concernant l'information du conducteur, l'alerte et la reprise en main de la conduite par le conducteur. La commission européenne a certes publié le 6 février 200726 une liste de recommandations générales pour les IHM, l'ESoP (European Statement of Principles), sans caractère obligatoire, mais ce document est aujourd'hui largement obsolète et peu appliqué par les constructeurs. Recommandation n°6 : Ouvrir une discussion au niveau européen et international pour élaborer une norme concernant l'information du conducteur, l'alerte et la reprise en main (MEEM).
Comme il a été dit précédemment à propos notamment des études de l'IFSTTAR, les temps de réaction vont approximativement de 2 à 40 secondes. Le temps de 2 secondes est le délai entre le début de l'alerte et le placement des mains et des pieds sur les leviers de conduite, selon un rapport publié en août 2015 par la NHTSA (National Highway Traffic Safety Administration aux ÉtatsUnis). Le temps de 5 secondes est retenu dans la thèse de William Payre en 2015 (avec IFSTTAR). Le temps de 40 secondes est mentionné dans une étude de l'Université de Leeds publiée en novembre 2014 : elle a démontré qu'il faut ce long délai pour que la conduite redevienne tout à fait normale et stable (sans petits coups de volant à droite ou à gauche, sans regard erratique). 25 Pour cette raison, Julien Cestac (IFSTTAR) et Stéphanie Bordel (CEREMA) estiment que les niveaux 3 et 4 resteront toujours dangereux et exigeront de solides précautions. 26 Annexe à la recommandation du 26 mai 2008 (2008/653/CE).
24
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2.2.2 2.2.2.1
La lutte contre la cybercriminalité automobile doit être renforcée Les vulnérabilités informatiques des véhicules autonomes sont assurément importantes
La vulnérabilité des véhicules modernes est forte. Ce que les spécialistes qualifient de surface d'attaque ouvre des brèches dans lesquelles s'infiltrent les délinquants. Un véhicule automatisé comprend plus de 80 calculateurs installés en réseau (le CAN), par lequel transitent les données. Ce réseau aboutit à la prise OBD sur laquelle les garagistes se branchent. Le véhicule communique vers l'extérieur par téléphonie, Bluetooth, WiFi... C'est donc un objet connecté qui présente une large surface d'attaque informatique en tous points, et dont la cybersécurité globale ne vaut que par son point le plus faible27. C'est en outre un objet particulier par son usage et le fait qu'il transporte des passagers. Voler un véhicule en simulant sa clé électronique, discréditer un constructeur en provoquant des dysfonctionnements, prendre le contrôle d'un véhicule pour effrayer son conducteur, créer des bouchons, tuer ses passagers, le précipiter sur une foule, etc. sont des menaces qui n'ont rien d'imaginaire. L'atteinte à l'image, la cybercriminalité, l'espionnage, le sabotage, vont assurément toucher les véhicules automatisés et leurs constructeurs. 2.2.2.2 Il faut mieux coordonner les acteurs de la cybersécurité
L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) auprès du Premier ministre a la mission de faciliter la coordination des politiques envers la cybersécurité en France. La DGEC du MEEM a en charge la réglementation technique liée aux véhicules y compris à l'international (notamment au WP 2928). L'Observatoire central des systèmes de transport intelligent de la gendarmerie nationale (OCTSI) a été fondé le 1er juillet 2015 pour, à partir de l'analyse des données recueillies, proposer des évolutions en matière de sécurité routière (prévention des accidents), et de sûreté (prévention d'actes malveillants). La police ne s'y est pas encore associée. Pour les constructeurs et les industriels il s'agit d'un gros enjeu, mais pour le moment il y a peu de partage, au motif de sécurité industrielle et d'intelligence économique. Très peu d'études ont été faites. Aucun projet de recherche n'a été lancé. Dans le cadre du plan NFI, l'Institut VeDeCOM pilote un groupe sur les aspects relatifs à la connectivité : « permettre un contrôle à distance sécurisé et une exclusion d'un élément malveillant ». L'IRT SystemX fait de même sur les aspects relatifs à la sécurité : « assurer la cybersécurité du système véhicule autonome et connecté dans son environnement », mais les projets ne sont pas encore lancés. La coordination des acteurs est balbutiante. Elle prend notamment la forme d'un tour de table ponctuel dans le groupe de travail inter administrations et la task force, mais n'est pas organisée en mode de projet au niveau interministériel. Les constructeurs doivent être davantage associés. Il est nécessaire de mieux structurer le dispositif de lutte contre la cybercriminalité et de renforcer les processus, sur la base de trois principes : l'approche commune police-gendarmerie doit être renforcée, en particulier par le partage des structures (OCSTI, plateau véhicules...), des outils (GenDiag, pour « Gendarmerie Diagnostic »), et des méthodes (fiches réflexe) ; la mise en réseau est essentielle : les services de l'administration doivent travailler étroitement ensemble, tisser des partenariats avec des centres de recherche, échanger des stagiaires, développer des projets communs ;
Exemple aux États Unis, chez les magasins Target, les données de 115 millions de clients ont été piratées via le prestataire de climatisation, dont le système est relié au « bus » central. 28 Forum d'harmonisation des règles pour les véhicules (ONU).
27
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le partenariat d'échanges avec des constructeurs est stratégique, notamment pour le développement technologique spécifique aux besoins des forces de police, l'identification des fragilités des véhicules volés et la réponse à apporter, récupération des données des Event data recorders (EDR), etc. Désigner un coordinateur des acteurs en charge de la cybersécurité des véhicules connectés ou autonomes (Premier ministre). Structurer le dispositif de lutte contre la cybercriminalité en renforçant les structures nouvellement créées, le partenariat police-gendarmerie, la relation avec les centres de recherche et les constructeurs (ANSSI, MININT, MEEM).
Recommandation n°7 :
2.2.2.3
Il faut arrêter vite de nouvelles règles internationales sur la cybersécurité et transposer celles qui existent déjà
Les règles techniques relatives aux véhicules sont établies au niveau international (ONU et commission européenne), notamment dans le cadre du WP 29 qui reste très orienté vers la protection des données. La réglementation technique n'impose pas aujourd'hui d'exigence relative à la cybersécurité. La parole de la France est portée par la DGEC, mais les recommandations de l'ANSSI sur la cybersécurité (voir annexe 9) ont été proposées dans le groupe de travail sur les ITS29. Elles ne figurent pas toutes dans une proposition concomitante portée par l'Allemagne et le Japon. Une difficulté subsiste : la France propose d'intégrer ces propositions dans la réglementation technique internationale, alors que les Allemands et Japonais veulent en faire de simples lignes directrices. Or, tous les véhicules neufs embarquent déjà des fonctions connectées insuffisamment bien conçues au regard de la cybersécurité. Il y a donc urgence à ce que le WP 29 charge l'un de ses groupes de travail de proposer des évolutions réglementaires pour imposer le respect de règles de cybersécurité dans le processus d'homologation. Des lignes directrices pourront être utiles dans l'intervalle nécessaire à la production réglementaire. Recommandation n°8 : Astreindre par la règlementation les constructeurs et équipementiers à installer des systèmes de cybersécurité qui devront être testés et validés avant toute mise en service et pris en compte lors de la réception par type (MEEM).
La transposition de la directive européenne NIS (Network and Information Security) entrée en vigueur le 19 juillet 2016, doit intervenir au plus tard le 9 mai 2018. Les « opérateurs de services essentiels » (dont le secteur des transports) seront soumis à des exigences de sécurité pour assurer un « niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d'information dans l'Union européenne ». Les arrêtés pris pour les opérateurs essentiels préciseront les modalités de déclaration des systèmes d'information d'importance vitale (SIIV), de déclaration des incidents de sécurité, de désignation de la personne représentant l'opérateur auprès de l'ANSSI. Il est utile d'analyser dans quelle mesure cette directive peut être applicable aux futures plateformes de supervision, et aux réseaux de collecte et de transfert de données (vers eCall, assureurs, assisteurs, constructeurs). Une structure d'échange et de partage des alertes, des incidents de sécurité, de leur analyse et de leur traitement est en outre nécessaire. Les outils mis en place par la NIS, notamment un CERT (Computer Emergency Response Team) spécifique aux véhicules connectés ou autonomes, pourraient être une solution. Ce CERT ne devrait pas être limité aux seuls constructeurs, afin de continuer à permettre
Le groupe WP29 mandate plusieurs groupes de travail informels, dont le groupe ITS (intelligent transport systems), pour réfléchir sur des sujets techniques. Les pays ont été invités à faire des propositions à ce groupe en matière de cybersécurité. La proposition de la France a été faite par l'ANSSI. Les allemands et les japonais ont fait une proposition commune.
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les remontées d'incidents pour la connaissance de l'état de la menace. Il pourrait s'imbriquer dans l'architecture du CERT racine30, aujourd'hui confié à l'ANSSI. Recommandation n°9 : Réfléchir à l'application de la directive NIS au domaine de la cybersécurité des véhicules autonomes, notamment aux plateformes de supervision et aux réseaux de collecte de données, ainsi qu'à la mise en place d'un CERT (Computer Emergency Response Team) spécifique aux véhicules connectés ou autonomes (ANSSI).
2.2.3 2.2.3.1
Il faut sans attendre préparer la police routière aux changements à venir Les véhicules automatisés devront donner aux forces de l'ordre de meilleurs moyens d'action
Sous réserve de traiter simultanément le problème de la protection des données individuelles (voir paragraphe 2.4.1.4), le déploiement des véhicules autonomes peut être une nouvelle ressource pour les forces de l'ordre. L'exploitation des données contenues dans les EDR (Event Data Recorder) améliorerait les constatations d'accidents et la recherche de responsabilités. En outre, comme il a été prouvé aux ÉtatsUnis, cet équipement se révèle être une bonne mesure de prévention routière : il incite les conducteurs à de meilleurs comportements. Les automatismes pourraient aussi contribuer à la lutte contre la délinquance et la criminalité. Ainsi sera-t-il possible de localiser un véhicule, mais aussi de l'arrêter à distance (herse numérique), de l'empêcher de redémarrer. Il sera aussi possible de déterminer quels sont les véhicules situés dans une zone, ou de transmettre une alerte depuis un véhicule surveillé ou recherché lorsqu'il entre dans une zone délimitée. Afin que ces nouvelles ressources soient pleinement utilisées, il est nécessaire de travailler sur la capacité des véhicules à produire une information qui permette l'investigation dans le cadre des enquêtes de police judiciaire. Il faut donc que les services de police puissent obtenir des données utiles de la part des constructeurs ou avoir accès directement aux données du véhicule lui-même, et pour cela harmoniser les pratiques31 et les cadres juridiques. Un standard européen de données (boîtes noires) est en cours d'émergence. Il faut que les forces de l'ordre disposent des moyens de l'exploiter. La police et la gendarmerie doivent enfin s'interroger sur l'acquisition de véhicules automatisés pour leur propre flotte. D'une part pour réduire leur accidentalité propre32, d'autre part pour faire évoluer certaines missions de terrain. Un véhicule automatisé en patrouille permettrait à son conducteur une observation plus précise en toute sécurité. Un véhicule automatisé pourrait en outre accomplir des missions d'observation avec exploitation vidéo, sans personnel à bord, libérant ainsi des heures d'activité, dans le cas de patrouilles en zones commerciales, industrielles, zones et établissements sensibles, collecte de renseignements. Recommandation n°10 : Mettre en place les outils juridiques et technologiques pour permettre aux forces de l'ordre d'agir sur les véhicules automatisés dans les cas de crimes et délits (MININT, ministère de la justice).
Un CERT centralise les demandes d'assistance suite aux incidents de sécurité, traite les alertes et réagit aux attaques informatiques, établit la base de données des vulnérabilités, etc. Il existe de nombreux CERT thématiques en France, reliés ou pas au CERT racine, le premier d'entre eux (généraliste), mis en place par l'ANSSI. 31 Tous les pays n'ont pas la même position sur la conservation des données, y compris en Europe. 32 1 820 accidents de circulation en 2015 pour les véhicules de la gendarmerie (2 décès, 131 blessés) et un coût de remise en état de 1,1 million d'euros.
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L'automatisation des véhicules
2.2.3.2
Les forces de l'ordre devront adapter leurs comportements aux véhicules autonomes
Les forces de l'ordre doivent renseigner les bulletins d'analyse relatifs aux accidents corporels de la circulation (fiches BAAC), à destination de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), sur lesquels repose l'analyse de l'accidentalité routière. Ces fiches devront être adaptées aux véhicules autonomes. Elles permettront de savoir si un ou des véhicules pris dans un accident circulaient ou non en mode autonome, à quel niveau, quelles étaient la place et l'activité du conducteur au moment de l'accident, entre autres choses. Pendant une longue période, des véhicules automatisés (ou non) de tous niveaux cohabiteront sur les routes et dans les rues. Ce qui est interdit pour les uns (téléphoner, lire, exercer une activité autre que la conduite) sera autorisé pour les autres selon le niveau d'automatisme : inférieur à 2 ou supérieur à 3. Les forces de l'ordre auront du mal à savoir si un conducteur est en infraction ou non. C'est pourquoi il faut pouvoir identifier les véhicules roulant en mode autonome33. Certains s'opposent à cette identification car elle est supposée développer des comportements de type toréador34, ou inciter certains conducteurs indélicats à forcer le passage devant un véhicule autonome. Il est tout aussi nécessaire qu'un véhicule autonome puisse reconnaître les forces de l'ordre, et répondre à leurs injonctions sonores ou gestuelles. Cette reconnaissance pourrait être réalisée par un échange télématique entre le véhicule autonome et l'agent de la circulation. Sur le terrain, les constatations et les procédures seront affectées par les véhicules automatisés. Il est donc nécessaire de faire évoluer les fiches réflexes, la formation des agents et les outils35 à leur disposition. Enfin, les véhicules de police et de gendarmerie doivent pouvoir continuer à exercer leurs droits de priorité dans la circulation (voir paragraphe 2.2.4). Recommandation n°11 : Modifier les fiches BAAC pour y intégrer les données relatives aux véhicules automatisés (MININT).
Recommandation n°12 :
Mettre en place un système d'identification des véhicules automatisés à destination des forces de l'ordre ; permettre un dialogue entre les véhicules automatisés et les forces chargées du contrôle de la circulation (MININT).
2.2.4
Les métiers de la sécurité civile vont devoir s'adapter
Les véhicules autonomes peuvent être impliqués dans un accident, ou se trouver sur le trajet de véhicules de secours (ou d'intervention) prioritaires, ou dans une zone à évacuer, ou bien être eux-mêmes véhicules de secours.
Plusieurs possibilités : une plaque de couleur différente (mais ne permettant pas de savoir si la circulation est ou non en mode autonome), une lumière comme celle des taxis (qui permettrait de savoir si le véhicule est en mode autonome ou pas), etc. 34 Par jeu, certains piétons pourraient se mettre sur la trajectoire d'un véhicule autonome pour l'arrêter. 35 L'IRCGN a développé un outil d'aide en ligne (cyberaide) sur lequel on trouve les fiches « réflexe » pour tous types de besoin des enquêteurs (7 000 fiches). Un guide à l'usage des enquêteurs pour améliorer les constatations et la remontée d'information ou faciliter l'enquête sera diffusé très prochainement par l'OCSTI sur le sujet du mouse jacking en croissance rapide (avec un outil simple, on peut reprogrammer une clé sur la prise OBD). GENDIAG (action commune police-gendarmerie) est un outil qui permet de récupérer le numéro d'identification d'un véhicule et la provenance de ses calculateurs.
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L'automatisation des véhicules
2.2.4.1
Les véhicules prioritaires devront pouvoir circuler au moins aussi facilement demain36
Dans de nombreuses situations, sur zone d'intervention ou en transit, les véhicules de secours sont prioritaires. Ils sont souvent conduits à ne pas respecter les règles du code de la route. Ils peuvent franchir des lignes blanches, prendre des sens interdits, passer au feu rouge, ne pas respecter des distances de sécurité... L'automatisation future de ces véhicules ne doit pas conduire à rendre difficiles ou impossibles ces manoeuvres. Un système dérogatoire doit donc être maintenu pour les véhicules de secours au regard des aides à la conduite (ADAS) dont doivent être obligatoirement équipés les poids lourds37. Ce système doit pouvoir être désactivé dans le cas de remontée de file, ou lorsque les véhicules de secours doivent se faufiler ou trouver le chemin le plus court. En outre, dans ce cas, un freinage d'urgence d'un véhicule précédant un engin de secours pourrait le mettre en difficulté. Lorsqu'un véhicule autonome est sur le trajet d'un véhicule de secours, il doit pouvoir se positionner pour céder la priorité et, dans ce cas, s'affranchir de certaines règles : franchir une ligne blanche, brûler un feu rouge, monter sur un trottoir, mordre sur la voie opposée, se coller aux autres... Il faut donc que les véhicules autonomes soient capables de gérer individuellement et collectivement ces situations. En gestion collective de trafic, on pourrait concevoir d'utiliser les automatismes et la connectivité pour ouvrir au mieux le passage aux véhicules de secours. Des cas inédits apparaîtront sans doute. L'expérience des services de secours doit être utilisée pour les répertorier et les traiter. 2.2.4.2 Les connexions des véhicules autonomes devront faciliter l'action des services de sécurité civile
Les véhicules autonomes transmettront des données qui peuvent permettre de les localiser, d'identifier leurs caractéristiques, comme par exemple le type de véhicule en cause dans un accident (poids-lourds, transports de matières dangereuses), leur motorisation et carburant (GPL, hydrogène, positionnement dans un parking...). Seront aussi transmis le nombre de véhicules accidentés, le probable nombre de victimes et leurs caractéristiques déclarées, leur typologie ainsi que les risques associés. Ces informations apporteraient de grands avantages pour mieux engager les secours, mieux les calibrer, minimiser les délais d'intervention, adapter la réponse qualitative. Le service eCall, obligatoire dès 2018, est un premier pas pour une prise en compte rapide des accidents de la route. En retour, des informations utiles pourraient être transmises aux véhicules autonomes par les forces de sécurité civile. Par exemple, on pourrait envoyer des messages de confinement ou d'évacuation, ou d'itinéraire imposé, afin de fluidifier l'évacuation ou le contournement d'une zone d'exclusion ou d'une zone à risques, de manière guidée ou automatisée. Il serait ainsi possible de suivre aisément le déplacement des personnes en cas d'alerte des populations, ou de mise en place de périmètre de sécurité, ou d'évacuations massives (campings, inondations, feux de forêts). Recommandation n°13 : Prendre en compte dans les cas d'usage les besoins des véhicules prioritaires (pompiers, forces de l'ordre), et les situations de crises de sécurité civile (MININT).
2.3
Le code de la route va devoir être modifié
Le dispositif récemment mis en place par l'ordonnance n° 2016-1057 du 3 août 2016, pour encadrer les expérimentations de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques, est un mécanisme
Ces besoins sont valables pour l'ensemble des véhicules prioritaires : pompiers, ambulances (sous réserve de la nature de la mission), police, gendarmerie, autres forces d'intervention. 37 Il convient que ce point figure à l'agenda international, compte tenu du système d'homologation.
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transitoire. Il se contente de définir de façon pragmatique la procédure à suivre. Il ne modifie pas les dispositions de fond qui sont applicables de manière permanente à la conduite. Le déploiement prochain des premiers véhicules autonomes va nécessiter d'adapter le droit routier, afin de rendre possible la circulation de tels véhicules hors expérimentation. Les aménagements du cadre juridique qui interviendront devront garantir le plus haut niveau de sécurité pour tous les utilisateurs de la voirie. Les propositions doivent s'articuler avec les modifications des textes internationaux récemment adoptées, ou à l'étude, en particulier les deux amendements à la Convention de Vienne de 1968 sur la circulation routière qui sont entrés en vigueur le 23 mars 2016 (cf. § 1.1.1.). 2.3.1 Trois principes devront régir les évolutions réglementaires
La conduite autonome doit être facilitée, doit rester dans des limites réalistes, et doit faire progresser les comportements des conducteurs. Le code de la route devra être adapté pour autoriser l'utilisation des dispositifs d'autonomie dans tel ou tel domaine d'emploi, en évitant les utilisations peu sûres. Par ailleurs, le véhicule autonome doit être un véhicule vertueux. En effet, sa justification tient aux gains attendus dans la sécurité routière, aux économies d'énergie, et au confort qu'il apportera aux conducteurs (niveau 3 ou 4). En contrepartie de ces avantages, la société peut s'attendre à une plus haute civilité des conducteurs. Le développement de la circulation en mode autonome doit être soutenu par des évolutions progressives, afin de vérifier que la technologie est suffisamment fiable, la réglementation évoluant elle-même graduellement.
La technologie avance rapidement, mais sa fiabilité n'est pas encore suffisamment démontrée. Tout en facilitant l'arrivée des nouveaux outils, les pouvoirs publics devront procéder à des validations pour autoriser le franchissement des étapes, en particulier durant la longue phase de cohabitation entre véhicules autonomes et autres véhicules. La reconnaissance de la conduite en mode autonome doit se concilier avec la sécurité routière en toutes circonstances.Pour ses promoteurs, le véhicule autonome sera bien plus sûr. Mais il est aussi porteur de nouveaux risques, comme cela a été exposé plus haut. Il appelle donc une vigilance sur la bonne utilisation de dispositifs encore peu connus (comme le deep learning). Sur la base de ces principes, la mission CGEDD-IGA propose les mesures suivantes : Sauf au niveau 5, sans conducteur par définition, il faut veiller à ce que le conducteur soit apte à reprendre rapidement le contrôle en toutes circonstances Au niveau 2, il n'y a pas de mode autonome, et l'utilisation d'automatismes est en principe conforme aux prescriptions de l'article R 412-6 du code de la route. Cet article énonce en son paragraphe I que « tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur (...) », et dans son paragraphe II que « tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manoeuvres qui lui incombent (...) ». Ces termes font obligation au conducteur de rester concentré sur la conduite du véhicule38.
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Les voitures Tesla Model S et X sont à ce niveau 2.
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Dès le moment où l'on voudra autoriser l'activation d'un pilote automatique en mains libres ou en regard libre (niveau 3 ou 4), les dispositions du code de la route devront être modifiées à dessein de permettre au conducteur de lâcher les mains et lever les pieds, et de détourner son attention. Cette question est fondamentale. Faudra-t-il autoriser clairement l'utilisation de distracteurs tels que le téléphone ou le smartphone, qui sont aujourd'hui interdits, ou bien sévèrement réglementés ? Il convient aussi d'être attentif à l'effet psychologique d'un tel changement qui va à l'encontre de la politique suivie depuis de nombreuses années. De plus, la cohabitation de véhicules faiblement automatisés (niveau 2 ou niveau inférieur) avec des véhicules de niveau 3 ou de niveau 4, sera délicate au regard du comportement des usagers. Les conducteurs pourront utiliser les deux types de véhicules (avec ou sans délégation de conduite) en fonction des circonstances; beaucoup d'entre eux auront tendance à relâcher leur vigilance quand ils passeront d'une voiture dans laquelle les distracteurs sont permis à un autre véhicule où ils demeurent interdits. De même, et cela est confirmé par les réactions des personnes ayant participé aux tests conduits par l'IFSTTAR, des conducteurs inclineront à penser que la conduite déléguée leur permet désormais de monter dans leur véhicule en état d'ébriété. Selon la mission, il est impératif de maintenir les interdictions actuelles pour ce qui concerne l'alcool et les stupéfiants. Il faudra aussi des mécanismes, comme des caméras, pour s'assurer que le conducteur est prêt à reprendre la main en une dizaine de secondes (ou moins) sur injonction du système de conduite du véhicule. Ces dispositifs devront bien sûr respecter la vie privée du conducteur. Au moins dans un premier temps, il ne faut autoriser le mode automatique sans conducteur (niveau 5) au moins dans un premier temps, que sur des voies spécialement aménagées, en site fermé ou réservé. Circulant au niveau 5, les navettes de transport public, par exemple celles qui sont expérimentées à Lyon Confluence, pourraient emprunter les couloirs réservés en ville ou les voies qui seraient réservées (au coeur historique des grandes villes par exemple) aux autres types de véhicules totalement autonomes comme les taxi-robots, sauf sur de courtes sections (franchissement d'un carrefour par exemple)39. Il ne paraît en revanche guère envisageable d'ouvrir les voies de circulation générale à de tels véhicules (hors situations de tests) avant un retour d'expérience de nombreuses années. Pour les mêmes raisons, il n'apparaît pas possible d'autoriser pour le moment, hors le cas des navettes, la circulation de véhicules, présentés comme de niveau 5, sans dispositif technique (poste de conduite, tablette de télécommande, etc.) permettant un pilotage manuel en cas de nécessité. La Californie a d'ailleurs imposé à Google un poste de conduite dans toutes ses voitures expérimentales sur routes et rues ouvertes au niveau 5. Autoriser les valets de parking Aujourd'hui, l'obligation de la présence d'un conducteur à bord, sauf au niveau 5, interdit normalement en toute circonstance le recours aux dispositifs d'aide au stationnement, parfois appelés valets de parking, qu'on peut actionner de l'extérieur au moyen d'une télécommande ou d'un téléphone portable. Ces valets de parking (externes) peuvent aussi présenter un grand intérêt en facilitant le stationnement de véhicules hors voies publiques, dans des parkings souterrains par exemple. Les conducteurs n'auraient plus à circuler (en voiture et à pied) dans des parkings, un avantage certain de
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C'est ce qui est envisagé pour la liaison gare de Lyon-gare d'Austerlitz à Paris.
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L'automatisation des véhicules
confort mais aussi de sécurité personnelle40. Les exploitants des parkings pourraient augmenter le nombre des places à disposition, Il conviendra de déterminer, en fonction de la sécurité apportée par la technologie, s'il faut ou non limiter ces manoeuvres sans conducteur aux parkings ou aux parties de parking n'admettant que des véhicules avec valet de parking41. En ce cas un aménagement de l'article R 412-6 du code de la route42 pourrait autoriser un pilotage externe du véhicule. Enregistrer les données du véhicule en respectant le droit à la vie privée La technologie numérique permet d'enregistrer dans une boîte noire tous les événements survenus à bord. La mission considère que c'est nécessaire aux niveaux 3, 4 et 5, sans préjudice des données que le constructeur, l'équipement ou le garagiste recueillera continûment. Toutefois, il importera de prévoir des règles assurant le respect de la vie privée, aussi bien dans la durée des enregistrements que dans l'accès à ces données. Ce point est développé plus loin au paragraphe 2.3.3. Cette question est distincte de celle de l'Event Data Recorder (EDR), que l'Union européenne pourrait bientôt rendre obligatoire pour tout véhicule neuf (comme aux États-Unis). L'EDR enregistre les données utiles en cas d'accident. C'est pourquoi il efface automatiquement toutes les données trop éloignées des circonstances immédiates de l'événement. La question de la détermination des responsabilités en cas d'accident sera un sujet capital à l'avenir. Elle nécessitera de pouvoir discerner avec un minimum de certitude la cause de l'événement, pour savoir en particulier si le véhicule circulait ou non en mode autonome, ou si le conducteur a commis des erreurs ou des fautes dans le maniement des automatismes embarqués. À ces questions, il sera bien plus facile de répondre si les véhicules sont tous équipés d'EDR. Imposer le respect des limitations de vitesse par les véhicules en mode autonome Le véhicule autonome, dont l'un des plus grands atouts, mis en avant par ses promoteurs, devrait être son aptitude à voir clairement et rapidement tout l'environnement où il évolue, et cela bien mieux que l'homme, devra scrupuleusement respecter le code de la route, en particulier les limitations de vitesse. La mission préconise de prévoir un algorithme alignant la vitesse du véhicule autonome (niveau 3, 4 ou 5), au maximum, sur la vitesse autorisée dans la zone parcourue. On ne peut pas présenter le véhicule autonome comme un moyen d'améliorer la sécurité routière, et lui permettre en même temps de violer les règles limitant la vitesse, qui est le premier facteur accidentogène. La difficulté est de fournir au véhicule des données parfaitement à jour. La DSCR étudie le projet de constituer une base de données numériques recensant la totalité des limitations de vitesse sur le territoire français. Compte tenu de l'ampleur du sujet, et des pertes en ligne inévitables, cet outil, limité à la France, ne suffira pas. Il faudrait le compléter par une acquisition d'informations en temps réel, le véhicule lisant grâce à ses capteurs les données fournies par l'infrastructure (soit par la lecture des panneaux, soit par la récupération de signaux émis par l'ouvrage. Doit être tranchée la question du moment où le véhicule doit commencer à adapter sa vitesse. De même, doit être posée la question de la pertinence de certaines limitations peu réalistes (passage de 90 kilomètres par heure à 50 kilomètres par heure en une courte distance par exemple).
On imagine mal une manoeuvre télécommandée sur une longue distance dans un garage fréquenté en même temps par des véhicules conduits manuellement et par des véhicules pilotés au moyen de l'automatisme, les risques d'accident étant trop élevés. 41 Limiter l'emploi des « valets de parkings » à des parkings spécifiques réduit évidemment l'intérêt économique de la mesure ; les expérimentations devront apporter la preuve que l'usage des valets de parkings est possible dans tout type de parc de stationnement. 42 L'article en question du code de la route spécifie notamment que « tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur ». Sa modification n'est pas nécessaire pour l'usage des valets de parking dans des parcs de stationnement qui ne sont pas ouverts à la circulation publique.
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Expérimenter les convois de camions « en peloton » en réduisant les distances entre les véhicules lourds Les circulations de camions autonomes ou semi-autonomes en peloton (platooning en anglais) exigeraient des modifications réglementaires. Dans le droit actuel, la distance de sécurité entre deux véhicules (ou ensembles de véhicules) dont le poids total autorisé en charge (PTAC) dépasse 3,5 tonnes, ou dont la longueur dépasse 7 mètres, se suivant à la même vitesse, est de 50 mètres au moins (article R 41212 du code la route, paragraphe II). Cette distance ne peut pas être respectée si des camions évoluent en peloton en mode autonome, car cette technique n'est utile qu'avec des distances réduites entre les véhicules reliés par Wi-Fi. Dans un contexte concurrentiel exacerbé, la France ne peut demeurer à l'écart d'une technique permettant des gains de productivité substantiels. Il conviendrait d'expérimenter dans un premier temps la technique du platooning, pour lever les incertitudes qui demeurent. Les incertitudes les plus grandes concernent évidemment la sécurité routière. Une première difficulté est de savoir, dans le cas où le véhicule de tête serait confronté à un obstacle soudain et n'aurait pas le temps de freiner pour éviter la collision, si le convoi provoquerait un carambolage derrière lui43. La seconde difficulté que soulève la technique du platooning est l'insertion de véhicules entre les camions, qui entraîne la rupture du peloton par interruption du signal. Or, cette insertion peut s'avérer inévitable pour des véhicules qui entament une manoeuvre de sortie de la voie, sur une bretelle ou une aire d'autoroute. Faut-il aller jusqu'à poser une règle interdisant le rabattement entre deux camions reliés en peloton, ce qui supposerait que les automobilistes puissent identifier qu'il s'agit d'un convoi organisé de la sorte, et non pas seulement de camions très proches sans être reliés ? Cette interdiction existe aujourd'hui pour les colonnes militaires, de forces de police, ou les cortèges en marche (article R 412-15 du code de la route). La Mission n'a pas décelé chez ses interlocuteurs de consensus sur ce point. Elle propose de ne pas s'engager pour le moment dans cette voie, et recommande d'ouvrir une période d'observation pour dégager un retour d'expérience. A l'issue de cette période, par exemple de deux ans, le sujet pourrait être revu et une décision finale arrêtée. Interdire pour le moment le transport de marchandises dangereuses en mode autonome Comme l'ont montré les tests effectués par des journalistes ou par des centres indépendants44, les systèmes automatisés n'offrent pas pour le moment suffisamment de garanties de fiabilité. Tant qu'un niveau suffisant n'aura pas été atteint par la technologie, la mission estime prudent de ne pas autoriser la conduite en mode autonome, ni évidemment en peloton, pour le transport des marchandises dangereuses figurant sur la nomenclature prévue par l'article L1252-1 du code des transports. Limiter la vitesse des navettes autonomes de transport de voyageurs, et celle des taxis robots (niveau 5) Le transport collectif de passagers en mode pleinement autonome (niveau 5) doit offrir les garanties les plus élevées, aucun conducteur n'étant présent à bord pour reprendre la main en cas de problème. Ceci conduit, au moins dans un premier temps, à n'envisager la circulation de telles navettes qu'en site réservé ou aménagé. Les navettes de passagers peuvent atteindre en démonstration des vitesses de l'ordre de 50 km/h. À l'heure actuelle, la vitesse maximale en exploitation est en réalité beaucoup plus basse, de l'ordre de 20 ou 25 km/h (et même moins dans le test mené à Lyon), de sorte que le problème ne se pose pas dans l'immédiat.
En général les promoteurs du platooning insistent sur le fait que tous les véhicules freinent en même temps mais ils ne considèrent que le cas où le premier véhicule a eu le temps de s'arrêter. 44 Le magazine Auto-Plus a testé la capacité de freinage de sept modèles de voitures en mode autonome, avec un fort taux d'échec (article mis en ligne le 13 octobre 2016).
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En ville, compte tenu de la règle définie plus haut, rendant obligatoire le respect de la limitation de vitesse par les véhicules en autonomie, même si la vitesse d'exploitation s'accroît avec l'évolution des matériels, la navette s'adaptera nécessairement à la vitesse maximale autorisée en ville. (30 km/h ou 50 km/h). En revanche, la question se pose en dehors des villes, si les navettes empruntent des voies rapides urbaines ou des routes (aménagées). Dans le cas de véhicules de niveau 5, dépourvus de conducteur à bord, une vitesse offrant à la fois toute garantie de sécurité et compatible avec la circulation devrait être imposée dans un premier temps. La même règle devra prévaloir pour les taxis-robots. Imposer la télésurveillance des navettes Il est impossible d'imposer la présence dans chaque navette d'un opérateur professionnel, à la fois pour des raisons techniques (absence de poste de pilotage) et économiques (les navettes sont une solution pour la mobilité dite du dernier kilomètre, et emportent un nombre restreint de passagers). En revanche, il est tout aussi impossible d'envisager leur circulation sans aucune supervision par l'exploitant en temps réel. La mission préconise qu'un dispositif de télésurveillance soit imposé pour assurer un suivi permanent du véhicule par l'opérateur de transport, qui pourra intervenir à distance en cas d'urgence. Les propositions qui précèdent peuvent être synthétisées dans l'encadré suivant :
1. Sauf au niveau 5, maintenir la présence d'un conducteur apte à reprendre le contrôle en toutes circonstances. Étudier la mise en place d'un dispositif de surveillance par caméra de la présence du conducteur au volant (MININT, MEEM). N'autoriser le mode automatique sans conducteur (niveau 5) au moins dans un premier temps, que sur des voies spécialement aménagées, en site fermé ou réservé (MININT, MEEM). Autoriser les systèmes d'aide au stationnement dits valets de parking (MININT, MEEM). Enregistrer les données du véhicule en respectant le droit à la vie privée (MININT, MEEM, ministère de la justice). Imposer le respect des limitations de vitesse par les véhicules en mode autonome (MININT, MEEM). Étudier l'identification, notamment numérique, des véhicules circulant en mode autonome (MININT, MEEM). Expérimenter les convois de camion « en peloton » en réduisant les distances entre les véhicules lourds (MININT, MEEM). Interdire le transport de matières dangereuses en mode autonome (MEEM). Limiter la vitesse des navettes autonomes de transport de voyageurs, et celles des « robots-taxis » de niveau5 ; imposer la télésurveillance des navettes (MININT, MEEM).
2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9.
Recommandation n°14 :
Faire évoluer le code de la route pour faciliter le déploiement des véhicules autonomes sans réduire le niveau de la sécurité routière (MININT, MEEM).
2.3.2
Les conducteurs devront être mieux formés et renseignés sur la conduite déléguée des véhicules autonomes Les conducteurs devront apprendre une nouvelle manière de conduire
2.3.2.1
Les véhicules autonomes nécessiteront un apprentissage spécifique, car les automatismes réclament des aptitudes nouvelles. D'abord au niveau du maniement du véhicule et du déclenchement des automatismes pour contrôler la vitesse, la direction, la position. Ensuite, pour la maîtrise des situations de circulation, en s'adaptant en temps réel aux exigences nécessitées par celles-ci. En troisième lieu, au niveau
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L'automatisation des véhicules
du contexte social et des objectifs de la conduite automobile pour le conducteur. Enfin, au niveau de l'importance de la conduite automobile dans le projet de vie du conducteur45. La conduite est une tâche que chacun exécute à son rythme. Ce que le conducteur est disposé à faire (attitudes et motivations) est tout aussi important que ce que le conducteur doit faire (facteurs de performance)46. Dans un premier temps, les véhicules autonomes et les véhicules non autonomes cohabiteront. Les véhicules de haut de gamme (premium) sont déjà équipés de nombreuses aides à la conduite (ADAS). L'investissement pour acquérir des véhicules autonomes étant lourd, il est probable que peu de jeunes conducteurs soient amenés à en conduire souvent, si ce n'est dans le cadre familial. Les véhicules autonomes introduisent un double paradoxe. D'abord, celui de l'aptitude : les conducteurs conduiront de moins en moins, et donc auront de moins en moins d'expérience et de compétences de conduite. Mais le véhicule demandera au conducteur de reprendre la main à des moments difficiles, voire dans l'urgence. Ensuite, celui du confort relatif : les véhicules ne permettront pas de faire tout ce qu'on on veut à tout stade de leur automatisation. Il faut rester à sa place, vigilant, et posséder sa pleine intégrité physique et psychologique jusqu'au niveau 4. 2.3.2.2 La formation et l'information sur la délégation de conduite devront être obligatoires
Ce contexte et ses contraintes imposent une approche globale d'éducation à la sécurité routière47. L'éducation routière permet d'adopter la conduite adaptée en tant qu'usager de la route, et modifie le rapport à la règle. Elle permet d'appliquer la règle parce que celle-ci est comprise, plus que parce qu'elle est crainte. En cela elle est aussi centrale pour l'acceptabilité et pour rendre chacun porteur du message de sécurité routière. Elle s'adresse évidemment aux plus jeunes, mais elle doit être présente à toutes les étapes de changement dans la vie de l'usager. Dans le cas des véhicules autonomes ce sont peut-être les conducteurs les plus âgés qui auront le plus de mal à s'y adapter. Il faut transmettre dès aujourd'hui les connaissances utiles sur les véhicules autonomes dans le continuum éducatif, de l'école primaire au lycée. Pour obtenir le permis de conduire, il ne semble pas nécessaire de former dès aujourd'hui tous les conducteurs à la conduite de véhicules autonomes, et d'en faire une condition d'obtention du permis de conduire. En revanche, l'utilisation des automatismes, le comportement des véhicules autonomes, le comportement du conducteur, doivent faire l'objet de séances d'information. Un permis de conduire spécial ne semble pas nécessaire. Mais pour qui doit conduire un véhicule automatisé, des pré-requis sont indispensables. Ils pourraient prendre la forme d'une unité de valeur, faisant l'objet d'une évaluation certificative. Cette attestation serait obligatoire pour conduire un véhicule autonome de niveau 3 et plus. Elle serait basée sur l'acquisition par tout conducteur de quatre compétences minimales :
Ces quatre aspects sont les piliers de la matrice GDE (Goals for Driver Education) qui a été conçue dans le cadre du projet GADGET (2002) de l'Union européenne et qui est utilisée pour l'apprentissage de la conduite dans de nombreux pays européens.(voir les détails en annexe 8). 46 Recherches en psychologie de la circulation de Rothengatter (1997). 47 Le guide de la commission européenne (meilleures pratiques en matière de sécurité routière), en définit les finalités : Promouvoir la connaissance et la compréhension des règles et des conditions de la circulation / Améliorer les aptitudes par la formation et l'expérience / Stimuler ou modifier les attitudes par la prise de conscience des risques / Modifier les comportements tels que, par exemple, la conduite sous l'influence de l'alcool ou la pratique de vitesses trop élevées / Former les conducteurs, les diagnostiquer (détecter les personnes susceptibles de faire preuve d'un comportement dangereux) et accompagner la restauration de l'aptitude à conduire.
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connaître ce qu'il peut attendre d'un véhicule en mode autonome ou non ; maîtriser la manipulation des aides à la conduite (ADAS) et l'interface homme-machine ; être capable de reprendre en main le véhicule quand le système de conduite informatique le demande et être informé des procédures relatives aux trajectoires de sécurité. connaître sa responsabilité qui découle de sa décision d'activer les automatismes, et connaître les risques associés, connaître le système de surveillance du comportement du conducteur ;
Une durée de trois à quatre heures semble suffisante pour atteindre ces objectifs, avec un passage obligé par un outil de simulation pour la reprise en main. Une application de smartphone pourrait être développée pour assurer le suivi et l'actualisation des connaissances. Cette unité de valeur pourrait être délivrée par les écoles de conduite et les organismes de récupération de points. Les loueurs et les gestionnaires de flottes partagées devraient l'exiger au moment de la location48. Il faut en outre imposer aux concessionnaires, au moment du retrait de tout véhicule autonome après achat (voiture neuve ou d'occasion), d'assurer une formation à la prise en main reprenant au minimum les deux premières compétences de l'unité de valeur. En plus de la formation, les activités de prévention routière et de communication doivent comprendre dès aujourd'hui des informations et formations relatives aux automatismes. Recommandation n°15 : Agir rapidement sur l'information et la formation des usagers et des conducteurs de véhicules automatisés. 15a : Intégrer une information relative aux véhicules automatisés au niveau du « continuum éducatif », du permis de conduire, et des actions de prévention routière et de communication sur la sécurité routière (MININT). 15b : Pour les niveaux 3 et 4 (SAE), créer une unité de valeur constituant un pré requis obligatoire pour la conduite d'un véhicule autonome (MININT). 15c : Imposer aux concessionnaires automobiles de mettre en place un module obligatoire de prise en main du véhicule automatisé lors de son achat (MININT, MEEM).
2.4
Les routes et les aménagements routiers devront s'adapter parallèlement au déploiement des véhicules autonomes
Le réseau routier Le réseau routier est composé : d'un réseau national structurant qui permet de relier les grands pôles urbains avec des autoroutes concédées et non concédées (environ 1 % du réseau total) et des routes nationales (moins de 1 % du réseau total), dont une grande partie a été décentralisée en 2006 au profit des départements. d'un réseau capillaire reliant des villes de moindre importance, souvent hérité de l'histoire des territoires ou créé récemment dans les zones urbaines : il s'agit des routes départementales (35 % du réseau total) et des routes communales (environ 63 % du réseau total).
2.4.1
-
Les loueurs préfèrent une unité de valeur à une obligation de prise en main par leurs soins, qui irait à l'encontre d'un modèle économique de plus en plus dématérialisé.
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L'automatisation des véhicules
Types de voies
Répartition des voiries en km de linéaire en 2014 11560 Dont 8951 9 645 378 973 673 290 1 073 468
Autoroutes dont autoroutes concédées Nationales Départementales Communales Total
En comparaison avec les autres pays européens la France dispose d'un réseau routier long et dont la densité (en kilomètres par habitant) est forte. Cela est dû à la configuration géographique du pays, à l'histoire de son urbanisation et à son organisation territoriale. Son réseau structurant (autoroutes et routes nationales) est relativement moins long et moins dense qu'en Allemagne mais davantage qu'au Royaume-Uni. 2.4.2 La route et le véhicule continueront d'évoluer en symbiose
La route et le véhicule évoluent en symbiose. La voiture et le poids lourd ne pourraient pas avoir les performances actuelles sans les grands progrès qui ont profité aux infrastructures routières depuis si longtemps. La granulométrie des chaussées est maintenant bien adaptée aux pneus modernes, qui, en retour, se sont toujours ajustés aux nouvelles chaussées. Les équipements aussi se sont adaptés. La signalisation est faite pour être lue par un automobiliste qui circule à grande vitesse. Elle est rétroréfléchissante pour être vue de nuit à la lumière des feux de croisement. Il est certain que cette symbiose continuera avec le véhicule autonome et que celui-ci et la route s'obligeront mutuellement à évoluer jusqu'à un nouvel équilibre. On peut en tracer les contours dans trois domaines : l'infrastructure, les équipements de la route et le partage de la voirie. 2.4.2.1 L'adaptation plus ou moins grande des chaussées et parkings facilitera le déploiement des véhicules autonomes
Sur les routes ouvertes, selon des constructeurs et équipementiers, deux usages de véhicules autonomes vont être bientôt possibles49 : les navettes de transport public et les voitures particulières (au niveau 3, voire 4 ou 5). Pour les premières, qui évolueront en site propre ou en site connu (et avec un cheminement préalablement enregistré) sous la supervision d'un opérateur (éventuellement gérant à distance une flotte de navettes), les aménagements peuvent être légers, comme ceux que l'on fait pour les bus à haut niveau de service, voire plus simples encore. La navette autonome se déplacera à faible vitesse, et sera pilotée par un automatisme simple qui l'arrête si un obstacle se dresse. Suivant ses capacités, elle pourra contourner l'obstacle, ou attendre que l'opérateur l'aide à y parvenir. Il est probable que le mode autonome ne sera actionné dans la plupart des cas, au moins dans un premier temps, que sur les axes aménagés ou bien reconnaissables par l'intelligence artificielle, ce qui exclut une grande part du réseau routier hors autoroutes et agglomérations. C'est pourquoi la mission n'a
La Nouvelle France Industrielle distingue d'autres usages : valet de parking, navettes du dernier kilomètre, etc. On s'arrête sur deux d'entre eux sans que cela ne change la teneur générale.
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pas traité en détail les questions liées aux voies qui ont peu de chances de voir circuler de véhicules en mode autonomes dans un futur proche. Les voitures qui arrivent sur nos réseaux et qui ont un certain degré d'automatisation sont plus adaptées pour la conduite sur autoroutes. Elles utilisent des systèmes de contrôle de trajectoire basés sur la détection de la signalisation horizontale, sur la détection des obstacles et des véhicules qui précèdent par différents capteurs ; elles gèrent leur allure par un régulateur de vitesse ou par le maintien d'une interdistance constante avec le véhicule qui précède. La principale difficulté qu'elles rencontrent, c'est qu'elles doivent maintenir une vitesse élevée compatible avec celles des autres véhicules. Il faut donc que le réseau routier soit d'une grande qualité et ne réserve pas de surprises. À l'heure actuelle, en cas d'événement inattendu, ces véhicules rendent la main au conducteur, lequel doit rester attentif (voir à ce sujet le § 2.2.1.2.) L'Association française des autoroutes et ouvrages concédés (ASFA) a commencé à travailler sur ces sujets avec les constructeurs automobiles. Les premières études démontrent que le lieu le plus compliqué pour les véhicules autonomes est le péage. À l'arrivée dans la « raquette » de péage (selon le terme employé par les autoroutiers), la signalisation horizontale s'interrompt, les véhicules se croisent à la recherche de la voie de paiement adapté ou celle où la file est la moins longue. La compréhension de la signalétique des voies de paiements est difficile : elle est seulement en cours de standardisation au niveau français. Il est évident que la nécessité de rendre la main au conducteur est elle-même source de danger. Une solution consisterait à remplacer ces péages par des péages free flow, avec des portiques placés en section courante et dotés de système de paiement électronique (TIS) et de caméras vidéo couplée à des systèmes de reconnaissance de plaques. Cela ne pose pas de problèmes techniques mais réglementaires : il faudrait pouvoir verbaliser immédiatement les contrevenants. À défaut d'y consacrer des effectifs suffisants de gendarmerie ou de police, il faudrait procéder à une évolution du droit pour permettre au personnel des sociétés d'autoroute d'arrêter et de verbaliser les véhicules. Le péage free flow dont le développement a son propre intérêt indépendamment de la voiture autonome - serait un facilitateur pour celle-ci. Néanmoins il n'est pas indispensable puisque dans le cas de voiture autonome de niveau 3 ou 4 le conducteur humain peut reprendre la conduite à l'approche du péage. La situation où le véhicule autonome rend la main est la plus délicate. On estime à 10 secondes, voire à plus, le temps nécessaire50 pour que l'être humain derrière le volant redevienne un conducteur avisé. Il faut prévoir les situations où il ne peut ou ne veut le faire. L'arrêt d'un véhicule sur une bande d'arrêt d'urgence est cependant une opération risquée. En section courante, pour les situations d'urgence il n'y a pas d'autres solutions que de laisser les véhicules autonomes s'arrêter sur les bandes d'arrêt d'urgence, sauf à construire des parkings à intervalle très rapproché, ce qui serait économiquement disproportionné. En revanche, à l'approche de la fin d'une section autoroutière ou à l'approche d'une barrière de péage « traditionnelle » (c'est-à-dire non free flow), une solution pourrait consister à créer un parking ou une aire d'arrêt adaptés. Le véhicule autonome proposerait de rendre la main à une distance suffisante-par exemple un kilomètre- avant la zone d'arrêt. En l'absence de réaction de l'automobiliste il se rendrait de lui-même sur celle-ci pour s'y arrêter. Une concertation doit s'engager entre la DGITM, les constructeurs automobiles, et les sociétés d'autoroutes, pour déterminer l'utilité d'aménager de telles aires (qui pourront la plupart du temps utiliser des aires existantes). Un avantage des autoroutes françaises, qui intéresse au plus haut point les constructeurs de véhicules autonomes, est le bon état de leur signalisation horizontale. En effet, les capteurs se basent sur le repérage des lignes axiales de marquage pour guider les véhicules. Les sociétés d'autoroute sont contraintes par leur contrat de concession (article 13) de mettre en conformité la signalisation horizontale avec la réglementation et les instructions techniques. Par contre, il n'existe aucune contrainte sur la
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Cf. la thèse de William Payre déjà citée (paragraphe 2.2.2.2.)
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durabilité et l'évolution dans le temps de cette signalisation, et il n'existe pas non plus d'indicateurs de performance opposables aux concessionnaires sur la signalisation horizontale. Il arrive donc souvent que celle-ci n'ait pas le niveau escompté (lors de chutes de neige ou lors de la création de signalisation temporaire de chantier par exemple)51. Les constructeurs de véhicules automatisés ont pris en compte la difficulté des gestionnaires à garantir le niveau de service de la signalisation horizontale : ils intègrent des algorithmes de reconstitution de lignes et utilisent la redondance donnée par la géolocalisation par satellite. Néanmoins comme les systèmes d'intelligence artificielle fonctionnent d'autant mieux qu'ils peuvent utiliser et croiser plusieurs sources d'information le maintien d'un bon état de la signalisation horizontale concourra à la sécurité des voitures autonomes. Recommandation n°16 : Déterminer avec les sociétés d'autoroute les aménagements nécessaires pour accueillir les véhicules autonomes en toute sécurité en veillant en particulier à la problématique de l'approche des péages et des fins de section autoroutière (DGITM).
2.4.2.2
Les équipements routiers devront être peu à peu adaptés à la circulation des véhicules autonomes
Les recherches sur les véhicules autonomes prennent comme principe que ces véhicules doivent se déplacer sur l'ensemble des voies telles qu'elles sont et lire la signalétique comme des humains. Cela a pour objectif de ne pas retarder l'avènement de la voiture autonome en la faisant dépendre des investissements consentis dans la route et dans ses équipements. Néanmoins, il y a une convergence des auteurs pour souligner que le véhicule autonome ne pourrait que bénéficier d'une information fiable sur le réseau et sur les événements qui s'y déroulent. Pour respecter le code de la route les véhicules autonomes doivent avoir la meilleure information à jour des règles de circulation sur les voiries qu'ils empruntent. Il est nécessaire que les gestionnaires routiers mettent à jour en temps réel sous leur responsabilité les informations indispensables dans une base de données qui soit d'accès public (open data). Les constructeurs ou fournisseurs de système d'autonomie seront tenus de mettre à jour leur GPS à partir de cette base (actuellement les bases de données sont privées et plus ou moins bien renseignées). Cette base comprendrait au minimum : les limites de vitesse permanentes et temporaires (chantiers, régulation de trafic lors des départs en vacances, pollution atmosphérique) ; les restrictions de voirie partielles (zones de chantier, fermetures de cols) ; les restrictions catégorielles (transports de matières dangereuses, tonnages, gabarits, etc.).
Il existe des normes techniques de qualité du marquage avec des indicateurs de blancheur, d'adhérence, de visibilité de jour et de nuit et de rétroréflexion ainsi que des normes de pose pour contrôler la qualité de la pose des produits. Des exigences techniques existent dans les cahiers des charges des sociétés d'autoroute. Certaines confient le marquage à des sous-traitants spécialisés avec des contrats à obligation de performance mais ceci n'est pas obligatoire.
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L'automatisation des véhicules
Des réflexions et des expérimentations sont en cours au niveau des pouvoirs publics et gestionnaires de voirie pour prendre en compte les apports des systèmes C-ITS52. Plusieurs d'entre elles peuvent avoir un impact sur le véhicule autonome : le projet coopératif SCOOP@F piloté par la DGITM débute en 2016 par une expérimentation sur cinq sites53 ; d'une façon générale, les gestionnaires de réseau doivent améliorer fortement leur connaissance des événements qui s'y produisent en temps réel. Le V2I ne réglera pas tout et pour employer une expression d'un des interlocuteurs de la mission, « le sanglier ne sera pas connecté ». D'autres moyens de surveillance devront être utilisés ; la route de cinquième génération (dite route 5G), après la quatrième génération qu'est l'autoroute : il s'agit d'un ensemble de projets de recherche et de développement. Parmi elles, la route solaire qui, à partir de différents dispositifs, récupérera de l'énergie solaire (par exemple par le système Wattway© de Colas). Une partie de cette énergie pourrait être restitué à des véhicules électriques (les véhicules autonomes seront en tout ou en partie électriques) ; à plus long terme, lorsque tous les véhicules seront autonomes (si cela doit arriver...), la façon de gérer la route sera sans doute radicalement différente. La signalisation verticale (panneaux de police et de direction) voire la signalisation horizontale ne serviront peut-être plus à rien. L'exploitant sera par contre tenu de renseigner les bases de données où les véhicules autonomes iront chercher en temps réel les informations utiles : aux éléments déjà mentionnés s'ajouteront peut-être des scans réguliers de l'état de chaussées, des intrusions sur les routes... Créer une base de données publiques contenant au minimum des informations de limitations de vitesse de restrictions de voirie et restrictions catégorielles et rendre la mise à jour des données obligatoires ; les services de voiture autonome auront l'obligation de prendre en compte ces données. Cette base de données devra être évolutive pour accepter d'autres informations (MEEM, MININT).
Recommandation n°17 :
2.4.2.3
La voirie publique sera partagée différemment
Les décisions concernant le partage de l'usage de la voirie sont des décisions politiques fortes qui favorisent ou défavorisent tel ou tel mode de transport. Dans les années cinquante, la montée en puissance de la voiture individuelle a été stimulée par des décisions lourdes de conséquences : fin des vieux tramways et enlèvement de leurs rails, création de voies rapides en ville (voies sur berge à Paris, tunnel de Fourvière à Lyon, etc.). Depuis, le mouvement s'est inversé : voies réservées au tramway, pistes cyclables, place de stationnements réservés aux vélos ou aux voitures en libre partage, interdiction des vieux véhicules diesel, fermeture des voies sur berges à Paris, en particulier. Ces décisions sont en lien direct avec nos modes de vie et donnent lieu naturellement à des débats passionnés.
Cooperative Intelligent Transport Systems, comprenant V2V et V2I. Des balises placées de la chaussée dialoguent avec les véhicules sur une fréquence radio dédiée. Ces échanges (V2V et V2I) permettent donc de donner (comme actuellement sur la fréquence 107.7) des informations du gestionnaire vers les véhicules mais aussi remonter de l'information des véhicules vers le gestionnaire ou d'échanger entre véhicules : ainsi un véhicule du gestionnaire (patrouilleur, engin de déneigement) donnera en temps réel des informations sur l'état du trafic, la présence d'un véhicule arrêté, un obstacle. Les véhicules particuliers pourront aussi échanger entre eux.
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Il en sera de même pour les véhicules autonomes. Dans un premier temps, les véhicules autonomes (navettes ou voitures individuelles) auront du mal à se fondre dans la circulation habituelle des grandes villes. Les marges de sécurité que prendront ces véhicules pourraient créer une diminution de la capacité de trafic, ce qui pourrait entraîner un certain rejet de la part des utilisateurs. Un point d'attention doit être apporté aux expérimentations de platooning (paragraphe 2.3.1.) D'autres exemples de partage de voirie concerneraient l'utilisation en ville de véhicules autonomes pour faire la desserte du dernier kilomètre, ou la réservation de places de stationnement à ces véhicules. De son côté, l'IFSTTAR travaille sur le concept de routes hybrides, où les véhicules classiques, coopératifs et autonomes pourraient cohabiter. A plus long terme, lorsqu'elles auront progressé (et si comme la mission le souhaite elles parviennent à démontrer qu'elles améliorent la sécurité routière d'un facteur au moins 10), la conduite en mode manuel pourrait être considérée comme trop dangereuse et progressivement réduite règlementairement. Il convient également d'apprécier l'impact économique de la voiture autonome sur les infrastructures : L'émergence des véhicules autonomes aura un impact économique important pour les gestionnaires infrastructures. En raison du déploiement des nouveaux véhicules, de nouvelles dépenses vont apparaître, pour créer des aménagements adaptés, mettre à niveau l'information sur les infrastructures, adapter les équipements de sécurité, notamment. De l'autre côté, des économies ou des optimisations peuvent survenir aussi : diminution des largeurs des places de parkings et donc augmentation de leur nombre grâce aux valets de parkings, signalisation numérique remplaçant la signalisation traditionnelle. Le modèle économique des gestionnaires d'infrastructures qui tirent leur revenu du trafic (sociétés d'autoroutes, gestionnaires de parkings) sera transformé et plus incertain : les voitures autonomes rouleront-elles plus ou moins ? Si, à terme, il n'y a plus que des flottes de véhicules autonomes propriétés de grands groupes, ces derniers ne chercheront-ils pas à influencer la politique de gestion et de rémunération des infrastructures ? Pour l'instant nous nous trouvons devant plus de questions que de réponses. Il n'y a qu'une certitude : la route et le véhicule continueront d'évoluer en symbiose. Dès lors, les pouvoirs publics en charge des infrastructures doivent agir de telle sorte que cette évolution conjointe ne soit pas subie et se fasse dans l'intérêt général. 2.4.2.4 Les réseaux de communication et la question des données
Du point de vue des données traitées, peu de choses distinguent un véhicule communicant et un véhicule autonome. Les seules différences concernent la présence, sur les véhicules autonomes, d'un GPS et d'un EDR, équipements qui ne sont pas nécessairement présents dans un véhicule communicant. Mais cette distinction est toute théorique, car tous les véhicules communicants disposent en pratique d'un GPS, et les EDR peuvent, dans le futur, être rendus obligatoires sur des véhicules de tous types. Les analyses qui suivent s'appliquent donc indifféremment aux véhicules autonomes ou connectés, sans automatismes. Les réseaux Le véhicule autonome sera communicant, les communications étant nécessaires pour lui assurer une perception d'ensemble des situations routières, complémentaire de la vision à courte portée des
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capteurs. Ce complément d'information apporté par la communication permet une meilleure anticipation et compréhension de l'environnement local. Plusieurs types de réseaux seront utilisés par les véhicules à cette fin. Le plus à même d'être utilisé est aujourd'hui une variété de Wi-Fi, nommé G5, déjà normalisée et opérationnelle. Cette option repose sur l'équipement des infrastructures en bornes Wi-Fi G5. Elle présente l'inconvénient d'être coûteuse en équipement des infrastructures, mais a l'avantage d'être disponible et de ne pas imposer de coûts de communication pour les communications véhicule-véhicule. Une autre possibilité, en cours de normalisation à l'ETSI54, est le 4G LTE V2X55, LTE signifiant Long Term Evolution, ce qui correspond à la 4e génération de réseaux mobiles. À plus long terme, d'autres réseaux, principalement des variantes des réseaux mobiles de 5e génération, pourront être utilisés. Ces différentes possibilités se différencient par leur résilience, leur sécurité, leur économie d'emploi. Clairement, les opérateurs mobiles cherchent à capter, via leurs réseaux, les communications futures des véhicules et infrastructures. Il y a donc actuellement une lutte d'influence entre ces technologies. A priori, la technologie WiFi G5 devrait être plutôt employée dans les villes denses et aux abords de celles-ci, et les réseaux mobiles prédominer dans les zones peu peuplées, mais tout dépendra du modèle de développement économique de ces deux technologies. Le créneau d'emploi optimum de ces technologies n'est donc pas tranché aujourd'hui. La mission n'a pas identifié, en l'état des connaissances sur ces possibilités, d'enjeux majeurs de politique publique liés à l'utilisation de l'un ou l'autre de ces réseaux. L'État devra se positionner vis-à-vis des équipements en G5 des villes et des grandes infrastructures. Les données La Commission européenne a arrêté une stratégie pour les Services de Transport Intelligents Coopératifs (STI-C) dans sa communication du 30 novembre 2016. Cette stratégie vise prioritairement la sécurité des transports et prévoit une action favorisant le traitement de certains services par les véhicules, services impliquant des échanges de données. Dans sa communication, la Commission publie une liste initiale de 13 services, dite liste initiale, à déployer en 2019. Cette liste comprend des notifications de situations dangereuses, telles que véhicules à l'arrêt, travaux, freinage d'urgence d'un véhicule précédent, et des applications de signalisations, comme la signalisation et les vitesses limites à bord, demande de priorité au carrefour, etc. Toutefois, la normalisation de ces services est aujourd'hui incomplète. Seul l'aspect transmission est normalisé par l'ETSI. Les promoteurs français de SCOOP devront donc défendre au niveau européen les profils de données arrêtés en France pour SCOOP. La Commission européenne annonce en termes voilés son intention de rendre obligatoire un jeu minimal de services STI-C sur les véhicules, en avançant qu'elle dispose de l'instrument législatif ad-hoc grâce à la directive 2010/40 relative au STI. C'est en effet grâce à cette directive que eCall avait été rendu obligatoire sur les véhicules. Ainsi, il fait peu de doutes que les véhicules automatisés disposeront de ces données. Pour ces services, destinés à être normalisés, il est prévu que les données seront anonymisées. Pour la sécurité des échanges, la Commission européenne s'attachera à favoriser la mise en place d'une infrastructure
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European Telecommunications Standards Institute. L'approbation du standard est prévue dans la « Release 14 du 3GPP » en mars 2017.
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paneuropéenne de clés publiques, permettant de crypter les données échangées depuis et vers les véhicules. C'est un projet ambitieux. À ces données, qui seront imposées par la réglementation, s'ajouteront les données échangées avec les prestataires, pour les services privés auxquels auront volontairement souscrit les conducteurs. Un exemple est fourni par l'application de maintenance préventive et corrective : la personne concernée contracte avec un prestataire afin de recevoir des messages et des alertes liées au fonctionnement du véhicule. L'envoi volontaire de données pour la participation à des études d'accidentologie ou de circulation est un autre exemple. La protection des données à caractère personnel Ainsi, il fait peu de doutes que les véhicules automatisés disposeront des services qui viennent d'être évoqués, et, par-là, de ces données. Il est important de noter que les données seront rendues anonymes. Pour la sécurité des échanges, la Commission européenne s'attachera à favoriser la mise en place d'une infrastructure paneuropéenne de clés publiques, permettant de crypter les données échangées depuis et vers les véhicules. C'est un projet ambitieux. Les véhicules automatisés d'aujourd'hui sont producteurs de données en grand nombre. Ces données, majoritairement techniques, nécessaires à la bonne marche du véhicule, peuvent aussi revêtir un caractère personnel, c'est-à-dire permettre l'identification des individus. Ainsi, la connaissance du VIN, Vehicle Identification Number, numéro de série du véhicule, normalisé internationalement, permet-il de remonter au propriétaire du véhicule. C'est ce qui a conduit la CNIL à élaborer un « pack de conformité », qui a vocation à s'appliquer aux véhicules communicants d'aujourd'hui, et aux véhicules autonomes de demain. Ce document, discuté avec les prestataires de services et les constructeurs, expose les recommandations et bonnes pratiques concernant le traitement des données du véhicule. La CNIL distingue trois cas, selon que les données restent sous le contrôle de l'utilisateur, ou qu'elles sont transmises à un prestataire extérieur, et enfin, si un retour d'information du prestataire implique une action du véhicule. La CNIL replace ces cas dans le cadre réglementaire français (loi Informatique et Libertés de 1978) et les dispositions du récent règlement européen 2016/679 du 27 avril 201656. Tous les aspects liés aux finalités des traitements, à leurs bases légales, au données collectées, à la durée de conservation, aux destinataires des traitements, à l'information et au droit des personnes, aux obligations de sécurité, et aux déclarations nécessaires, sont traités pour ces cas de figure. Il ne fait pas de doute que ces préconisations seront utiles pour les futurs modèles de véhicules, mais la question se pose de leur transposition aux véhicules existants. L'inclusion massive de dispositifs électroniques dans les véhicules est dorénavant un phénomène ancien, dont le démarrage peut être situé vers le début des années 2000. Or, le pack de conformité sur le sujet est publié en 2016. La question est donc posée de savoir si les modèles existants respectent les dispositions préconisées par le pack. La CNIL disposant dorénavant de pouvoirs d'enquête, il serait utile qu'elle procède à des investigations sur un certain nombre de modèles, pour en tirer des conclusions. Notamment, l'accès du propriétaire aux données d'usage du véhicule mériterait de la part de la CNIL une étude approfondie, et, le cas échéant, des propositions au niveau européen sur ce sujet, qui concerne également la profession des réparateurs automobiles.
Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).
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L'approche a consisté, pour l'élaboration de ce pack, à considérer le véhicule comme un objet communicant ordinaire. Ce choix présente l'avantage de tendre à une certaine généralité dans le traitement des problèmes du futur IoT( Internet of Things). Cependant, il faut s'interroger sur la solidité à terme d'une telle approche. En effet, un véhicule est un objet bien particulier. C'est aussi un domaine privé - la police ne peut y pénétrer sans mandat. Il comporte des fonctions liées à la sécurité des individus, à la cybersécurité, et il est mobile, au-delà des frontières d'un seul pays. À cet égard, le système eCall a ouvert une voie porteuse de réflexion. En effet, dans le cas eCall, les autorités réglementaires en Europe, plutôt que de se référer uniquement aux textes généraux européens57 concernant la protection des données personnelles, ont fait le choix de dispositions spécifiques complémentaires contenues dans le texte eCall. Le règlement 2015/758 « eCall » contient ainsi toutes les dispositions de protection des données personnelles pour un véhicule équipé d'eCall, c'est-à-dire d'un dispositif communicant. Ainsi, notamment, la conservation des données y est-elle fixée à 13 heures. Aussi, eu égard à la particularité de l'objet véhicule, il parait légitime de s'interroger sur la nécessité, à terme, d'un texte européen spécifique pour la protection des données personnelles liées aux véhicules, quel que soit leur niveau d'automatisation. C'est sans doute la direction que semble prendre la Commission européenne, dans la communication du 30 novembre 2016 : « En 2018, la commission publiera les premières orientations concernant la protection des données dès la conception et par défaut dans le contexte spécifique des STI-C ». L'EDR L'EDR (Event data Recorder) est une nécessité, au minimum pour déterminer la cause des accidents, la responsabilité étant partagée entre les logiciels de la voiture et le conducteur. L'EDR enregistre les données dans les secondes précédant l'accident. Selon les études disponibles, le bénéfice immédiat des EDR est la diminution de 20 % des accidents58. Ainsi, non seulement l'EDR est nécessaire pour des recherches de responsabilité, mais il comporte de plus l'avantage, en cas de reprise manuelle, d'inspirer une conduite plus prudente aux conducteurs59. Plus que tout autre, un véhicule autonome nécessitera un EDR, afin de déterminer qui, du logiciel ou du conducteur, est responsable. Le rapport du 12 décembre 2016 de la Commission Européenne au Conseil et au Parlement Européen mentionne dans ses recommandations l'EDR en termes d'équipement de sécurité à venir dans la prochaine législation sécurité des véhicules. Le rapport envisage l'obligation de support de l'EDR à partir de 2020 pour les nouveaux types de véhicules, et de 2022 pour tous les tous véhicules neufs, quels que soit leur degré d'automatisation. La proposition législative traduisant ce rapport est attendue dans le courant de l'année 2017. Tous ces motifs conduisent à recommander l'adoption la plus rapide des EDR sur les véhicules de tous types. Cette question concerne tous les véhicules : elle n'est pas propre aux véhicules à délégation de conduite. Les questions relatives aux EDR (temps de conservation des données, conditions d'accès, etc.) sont actuellement examinées au niveau européen. Comme elles ne concernent pas particulièrement les véhicules à délégation de conduite mais tous les véhicules, la mission CGEDD-IGA ne les a pas approfondies.
Principalement la directive 95/46 et la directive 2002/58. Wouters, P.I.J. & Bos, J.M.J. (2000) Traffic accident reduction by monitoring driver behaviour with in-car data recorders. In : Accident Analysis and Prevention, vol.32, nr.5, p.643-650. 59 Des études faites aux États-Unis montrent que les conducteurs de véhicules équipés d'EDR adoptent une conduite plus prudente.
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Il est cependant indispensable de porter une attention particulière à l'émergence du standard européen des données et à l'implantation rapide des EDR dans les nouveaux véhicules. L'ADDR (Automotive Digital Data Recorder) Il s'agit d'un enregistrement, par une boite noire sous la responsabilité du constructeur d'automobile, des paramètres techniques de fonctionnement du véhicule, aux fins de garantie ou de mise au point, de détection des anomalies, de prévention des pannes, de correction à distance, etc. Ces équipements sont bien sûr soumis à déclaration auprès de la CNIL.
2.5
Les règles en vigueur en France en matière de responsabilité individuelle et d'assurance sont en question
La responsabilité en cas d'accident est appelée à évoluer
2.5.1
La responsabilité civile La responsabilité du conducteur est aujourd'hui la règle, sauf à faire jouer celle du constructeur en cas de défaut du matériel, ou celle du propriétaire, si celui-ci est distinct du conducteur, en cas de défaut d'entretien. A partir du moment où une intelligence artificielle prendra le contrôle du véhicule, la question de la désignation du responsable sera plus complexe. Il faudra dans un premier temps déterminer avec certitude si l'accident est survenu alors que le mode automatique était actif. Ce point est âprement débattu par les firmes automobiles à propos des quelques cas d'accidents dans lesquels étaient impliquées des voitures disposant de fonctions automatiques. Comme cela a été indiqué plus haut, seul un enregistrement de l'activité du système permettra de trancher clairement chaque cas. Ensuite, le partage des responsabilités devra faire place à de nouveaux acteurs : outre le conducteur, le propriétaire (ou le gestionnaire du parc), l'équipementier, voire le réparateur défaillant, il est manifeste que pourront être impliqués les concepteurs des logiciels de l'intelligence artificielle implantée à bord, ainsi que les gestionnaires des flux de données passant par les connections du véhicule avec son environnement. Si l'on fait abstraction de la partie mécanique du véhicule, qui sera le vrai « réalisateur » de celui-ci ? Un transfert de responsabilité vers les constructeurs ou équipementiers (ce terme incluant désormais les fournisseurs de logiciels) est une probabilité forte. Des pays étrangers, comme par exemple l'Allemagne, envisagent d'ailleurs de sceller dans la loi cette évolution, en déchargeant le « conducteur » de sa responsabilité en cas d'usage du pilote automatique. Il ne paraît toutefois pas nécessaire de procéder à un mouvement semblable en France : en effet, il existe dans le droit positif, depuis la loi Badinter de 198560 le principe selon lequel tout propriétaire de véhicule doit être assuré (obligation d'ailleurs européenne), et que, dès lors qu'un véhicule à moteur est impliqué dans un accident, les victimes sont indemnisées sans qu'on soit tenu de rechercher la faute du conducteur. Si ce dispositif devait évoluer (ce qui n'est pas apparu à la mission), les principes seraient clairement posés par la responsabilité « du fait des choses », figurant dans les articles 1384 et suivants du code civil, et les interprétations jurisprudentielles (voir notamment arrêt de la Cour de cassation, Chambres réunies, Franck, 2 décembre 1941). Le « gardien » de la chose étant celui qui en a le « contrôle », cette notion s'étend vraisemblablement au conducteur qui a fait le choix d'actionner l'automatisme de son
Loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.
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véhicule, et à la possibilité de reprendre la main. Le ministère de la justice, consulté par la mission, estime que le mécanisme posé par la loi Badinter s'adapte sans difficultés au cas des véhicules autonomes. Cet avis est partagé par la Fédération Française de l'Assurance (FFA). La responsabilité pénale Le code de la route comprend de nombreuses dispositions faisant peser sur le conducteur une responsabilité liée à son comportement. Qu'en sera-t-il demain en cas de conduite en mode autonome, dès lors que le conducteur n'aura pas eu la main sur le système ? La mission recommande de mettre ce sujet à l'étude, notamment dans le cadre du groupe de travail récemment institué entre le MEEM, le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice. L'étude pourra s'enrichir à ce sujet des réflexions de l'Allemagne, dans le cadre de la coopération franco-allemande entreprise par les deux ministres chargés des transports. Recommandation n°18 : Mettre à l'étude la responsabilité pénale des futurs utilisateurs de véhicule autonome (ministère de la justice).
Le débat sur « l'éthique » du véhicule autonome Les pouvoirs publics devront se déterminer face à la délicate question qui est résumée dans la formule de « l'éthique du véhicule ». Ce sujet, inspiré du fameux « dilemme du tramway », enflamme les chercheurs et provoque des prises de position parfois baroques (le débat est résumé dans l'annexe 12). Il s'agit de déterminer comment va réagir le système dans une situation où un accident est inévitable, et où ne se présentent que des « mauvais » choix, impliquant dans tous les cas au moins une victime, qui peut être l'un des occupants du véhicule, l'un des occupants d'un autre véhicule, ou des passants (personnes vulnérables). Les solutions les plus variées sont agitées par les acteurs du débat, y compris la solution-extrême - laissant à l'utilisateur du véhicule le soin de paramétrer les règles que devra suivre l'intelligence artificielle. Quelle que soit la formule qui sera retenue, les pouvoirs publics (ou le régulateur des transports, selon les États) ne peuvent pas rester passifs devant un tel problème. Les États-Unis se sont engagés dans un système déclaratif permettant à l'autorité de contrôle d'apprécier les choix proposés par les constructeurs. Les « guidelines » publiées par le ministère fédéral des transports le 19 septembre 2016 posent le principe de la transparence des choix proposés par les constructeurs. La France ne peut pas s'en remettre uniquement à la libre initiative des constructeurs pour régler une question aussi sensible et lourde de conséquences juridiques et morales. Par ailleurs, le code de la route protège tous les utilisateurs de la voirie : l'article L311-1 dispose en effet que « les véhicules doivent être construits, commercialisés, exploités, utilisés, entretenus et, le cas échéant, réparés de façon à assurer la sécurité de tous les usagers de la route ». La mission recommande que les ministres chargés de la sécurité routière et des transports, en liaison avec le ministre de la justice, définissent les principes auxquels les véhicules devront se soumettre. Ce travail doit être conduit en concertation avec tous les acteurs concernés (constructeurs, assureurs, associations d'automobilistes, représentants des victimes de la route, notamment). Au-delà, des règles devraient être posées au niveau international, au moins dans l'espace européen. La France doit contribuer à leur édification. Recommandation n°19 : Établir au niveau national, et si possible européen, les principes que devront respecter les véhicules autonomes en cas d'accident inévitable (MININT, MEEM, en liaison avec le ministère de la justice).
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2.5.2
Les secteurs de l'assurance et de l'assistance vont devoir se préparer à des mouvements économiques de grande ampleur
Même si les principes posés par la loi Badinter de 1985 ne sont probablement pas susceptibles d'être affectés par l'arrivée des véhicules à délégation de conduite, le marché de l'assurance va se transformer. Certains commentateurs prévoient une baisse tendancielle du nombre des accidents (en partie équilibrée du point de vue financier par la hausse des coûts unitaires, les nouveaux matériels étant plus chers), ce qui va entraîner en principe une baisse des primes, ainsi qu'une réduction des volumes liés aux accidents de la route. Il est difficile de prévoir si ce phénomène ne sera pas en partie annulé par une augmentation de la délinquance, les vols de voitures commis avec des outils électroniques étant en hausse (voir l'étude publiée en octobre 2016 par l'association 40 millions d'automobilistes et BCA Expertise). Il s'agit d'un mouvement mondial, plusieurs experts pronostiquant un bouleversement de l'équilibre économique sur lequel repose actuellement le marché de l'assurance automobile (cf. l'annexe 12). Ce mouvement a d'autant plus de chances de se produire que le déplacement de responsabilité vers les constructeurs et les fournisseurs de logiciels et de capteurs est ample (§ II.4.1). De plus, il est possible que le marché de l'assurance soit en partie « asséché » par les politiques commerciales de certaines firmes qui offriront à leurs clients des garanties très étendues portant sur leurs matériels. Le contrat d'assurance obligatoire risque dans ce cas de se limiter à la seule responsabilité civile envers les victimes, les frais de réparation du véhicule pouvant être pris en charge par le vendeur de celui-ci. Si ces tendances se vérifient, les assureurs devront trouver des parades pour développer de nouveaux services. Une possibilité leur sera offerte par les données du véhicule, s'ils y ont accès, car elles permettront une personnalisation des polices en fonction du style de conduite des utilisateurs, sous réserve de la vérification de la conformité de telles pratiques au droit, en particulier au principe d'égalité et à la protection de la vie personnelle. De même, le secteur de l'assistance se prépare à affronter des évolutions prévisibles. La réduction du nombre des sinistres va probablement faire baisser la demande. Elle sera peut-être balancée par la hausse possible des besoins de conseils à distance pour des consommateurs peu préparés à l'usage de nouveaux équipements. La profession espère tirer avantage de son implication dans la mise en place de l'eCall européen à partir de 2018, ses plateformes de téléphonie pouvant être un moyen de gestion des futures connections des nouveaux véhicules livrés après cette date.
2.6
Les véhicules autonomes pourraient changer en profondeur l'économie et l'écologie des transports
L'acceptation sociale dépendra principalement des avantages nouveaux donnés aux conducteurs, passagers et entreprises
2.6.1
L'intérêt des automatismes pour les conducteurs a été étudié dans de nombreux pays. En France, selon le CEREMA61, les conducteurs français sont intéressés par les aides à la conduite si leurs avantages autres que la sécurité, considérée comme chose importante mais encore souvent comme l'affaire des autres - sont suffisamment importants. Ainsi le régulateur de vitesse est-il apprécié en raison de la sérénité qu'il emporte : plus besoin de contrôler l'indicateur de vitesse. Les Français, davantage qu'ailleurs, aiment avoir la main sur les leviers de leur voiture ; c'est ce qui explique le nombre assez peu important des voitures avec boîte de vitesses automatique. Ainsi peut-on craindre que les Français boudent les voitures de niveau 3 ou 4, si obligation leur était faite de rester vigilant à tout instant, les yeux sur la route, sans possibilité de faire autre chose. Évidemment, le niveau 5 plaira bien davantage, car il autorise le conducteur
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Entretien, notamment de la Mission CGEDD-IGA, avec Stéphanie Bordel (Cerema).
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à accomplir d'autres tâches sans s'inquiéter d'avoir à répondre à une demande du système pour reprendre la main. Lorsque de nouvelles aides à la conduite sont introduites dans les voitures, les constructeurs et équipementiers doivent prendre garde à ce qu'elles n'augmentent pas, réellement ou même apparemment, la responsabilité des conducteurs. Faute de quoi, elles ne seraient pas utilisées par leurs clients. La protection des données personnelles (surtout des données de géolocalisation) est l'objet de la même conclusion pour beaucoup de Français. Si les Français ne se préoccupent guère des données de géolocalisation de leur smartphone, c'est parce qu'en contrepartie de l'abandon de la protection, il y a de grands bénéfices : trouver aisément son chemin en ville, etc. Il faudra donc que les voitures autonomes ou semi-autonomes, surtout lorsqu'elles seront utilisées à titre professionnel, leur profitent aussi par ailleurs. Pour les personnes plus fragiles (personnes âgées, personnes handicapées, etc.), le véhicule autonome sera probablement apprécié, à condition toutefois que la fracture numérique ne soit pas un frein. 2.6.2 Des études et des recherches sont nécessaires pour affiner les conséquences des véhicules autonomes sur le modèle économique et social des transports
De nombreux rapports d'étude62 ont été publiés sur les nouvelles mobilités qui seraient engendrées par les véhicules autonomes. Une étude souvent citée est celle de 2013 de la Columbia University, en particulier le premier des trois cas alors examinés sur Ann Arbor dans le Michigan. Cette ville de 285 000 habitants détient au total 200 000 véhicules. Les auteurs ont calculé la taille de la flotte partagée qui serait nécessaire pour satisfaire les besoins de la population sans lui imposer de trop longs temps d'attente. Avec 18 000 véhicules, la flotte de véhicules autonomes et partagés permettrait un temps moyen d'attente qui serait inférieur à une minute, un taux d'utilisation des véhicules de 70 % durant les heures de la journée (entre 7h du matin et 7 h du soir) et un coût de 0,15-0,41 dollar (au lieu de 0,59-0,75 dollar) par déplacement-mille. Se plaçant à une époque où les technologies seraient robustes et déployées, la presque totalité des auteurs prévoient un bouleversement des transports individuels ou publics, à des échéances qui dépendent des analyses sur le déploiement des nouvelles technologies (notamment au regard de l'intelligence artificielle). La plupart des rapports tirent les conséquences économiques, sociales et environnementales, le plus souvent très favorables, d'une bien meilleure utilisation du capital constitué par les véhicules (voitures ou navettes le plus souvent) s'ils sont partagés et s'ils se meuvent sans conducteur humain. En particulier, les voitures seraient bien moins nombreuses au coeur des agglomérations. C'est ce qui explique l'intérêt porté par de nombreuses villes dans le monde envers l'expérimentation des navettes autonomes63. Par ailleurs, d'autres villes portent intérêt aux taxis autonomes (ou taxis-robots) : Pittsburgh, Singapour, Tokyo, etc. Il paraît important que le ministère chargé des transports puisse entreprendre, au premier semestre de 2017, une analyse approfondie, après avoir fait la synthèse des résultats des nombreuses études déjà faites dans le monde, relative aux possibilités et aux conséquences de l'introduction vers 2020 ou 2025 de flottes de voitures et de navettes autonomes dans le coeur des grandes villes françaises, en particulier à Paris et Lyon. Au-delà, il serait opportun de réfléchir à la mise en place d'un véritable observatoire des conséquences que les véhicules autonomes pourraient entraîner sur la société française.
Ils sont décrits dans l'annexe 12. Christchurch et Wellington en Nouvelle-Zélande, comté de Contra Costa en Californie, province de Gelderland aux Pays-Bas, Helsinki, Lyon, Paris, Perth en Australie, Rouen, Sion en Suisse, Washington, Wuhan en Chine, etc.
63 62
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Recommandation n°20 :
Conduire une étude approfondie sur les possibilités et les conséquences de l'introduction de navettes autonomes dans les grandes villes françaises (MEEM, MINEFI).
De même, il n'existe pas pour le moment, en France, de simulation de l'impact des futurs véhicules sur la filière des métiers liés à l'automobile (réparation, stationnement), ni sur les métiers du transport de marchandise, tant en ce qui concerne l'emploi que l'équilibre financier ou la rentabilité. Recommandation n°21 : Lancer une étude sur les conséquences des véhicules autonomes en termes économiques et sociaux dans les professions concernées (MEEM, MINEFI).
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CONCLUSION
La France a engagé les processus qui conduiront au déploiement des véhicules autonomes. En dépit d'imperfections persistantes, le travail administratif gagne en efficacité, les acteurs de la recherche se mobilisent, le projet de la Nouvelle France Industrielle a fait émerger un partenariat de qualité entre les industriels et les pouvoirs publics. Mais il importe d'accélérer ce mouvement, et de lever les freins qui l'entravent ou le limitent. Le cadre réglementaire doit être rapidement aménagé, la recherche intensifiée et élargie, la coordination administrative fortifiée. Face à la compétition mondiale où d'autres pays sont plus avancés, la France doit se mobiliser encore plus, doit améliorer ses positions dans les organes internationaux (à Bruxelles et à Genève), doit nouer des coopérations renforcées en Europe et ailleurs. Grande nation industrielle, la France dispose d'atouts certains. Elle doit mieux les valoriser si elle veut rejoindre durablement le peloton de tête des pays qui nourrissent des ambitions légitimes dans le domaine du transport automobile.
Jean-François ROCCHI Inspecteur général de l'administration
Hervé de TRÉGLODÉ Ingénieur général des mines
Bernard FLURY-HÉRARD Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Philippe BODINO Chargé de mission à l'inspection générale de l'administration
Frédéric RICARD Ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts
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ANNEXES
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Annexe n° 1 : Lettre de mission
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Annexe n° 2 : Liste des personnes rencontrées
PREMIER MINISTRE AGENCE NATIONALE DE LA SECURITE DES SYSTEMES D'INFORMATION (ANSSI) M. Laurent CELERIER, adjoint au sous-directeur relations extérieures M. Sadio BÂ, coordinateur sectoriel MINISTERE DE L'INTERIEUR Colonel Eric FREYSSINET, Conseiller auprès du préfet chargé de la lutte contre la cybercriminalité Mme Adeline CHAMPAGNAT, conseillère auprès du préfet chargé de la lutte contre la cybercriminalité
UNITE DE COORDINATION DE LUTTE CONTRE L'INSECURITE ROUTIERE (UCLIR) Colonel Didier REMOND, chef de l'UCLIR Chef d'escadron Mathieu GROT, adjoint DELEGATION A LA SECURITE ET LA CIRCULATION ROUTIERES (DSCR) M. Emmanuel BARBE, délégué à la sécurité et la circulation routières M. Alexandre ROCHATTE, adjoint au délégué M. Joël VALMAIN, conseiller technique Europe-international Mme Séverine CARPENTIER, adjointe au chef du bureau de la signalisation et de la circulation Mme Marie BOURSIER, correspondante véhicules autonomes DIRECTION GENERALE DE LA POLICE NATIONALE (DGPN) Mme Catherine CHAMBON, sous-directeur de la lutte contre la cybercriminalité, direction centrale de la police judiciaire Commandant Gabriel SCHMITT, direction centrale des Compagnies républicaines de sécurité Commandant Thierry BURISSET, direction central de la sécurité publique Mme Anne-Isabelle d'ARGENSON, direction centrale de la sécurité publique DIRECTION GENERALE DE LA GENDARMERIE NATIONALE (DGGN) Colonel GADJENDRA SARMA, conseiller scientifique du directeur général Colonel Franck MARESCAL, Chef de l'Observatoire central des systèmes de transport intelligent (OCSTI, Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale) Colonel Jean-Marie DETRE, Pôle judiciaire Lieutenant-colonel Cyril PIAT, adjoint au chef du centre de lutte contre les criminalités numériques Chef d'escadron Philippe SIBILLE, bureau de la sécurité routière Chef d'escadron Dario ZUGNO, adjoint au chef de l'OCSTI Chef d'escadron Frédéric RUBENS, chef du département informatique te électronique au Pôle judiciaire Chef d'escadron Laurent RUFF, coordonnateur du plateau d'investigations véhicules (Pôle judiciaire) Chef d'escadron Karine BEGUIN, chef du département des atteintes aux systèmes de traitement automatisé C3N (Pôle judiciaire) Capitaine Pierrick BURET, département C3N Capitaine Olivier REYNAUD, adjoint du chef du département véhicules (Pôle judiciaire)
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DIRECTION GENERALE DE LA SECURITE CIVILE ET DE LA GESTION DES CRISES (DGSCC) : Lieutenant-colonel Bruno CESCA, chef du bureau de la formation, des techniques et des équipements PREFECTURE DE POLICE DE PARIS : Mme Françoise HARDY, sous-directrice régionale de la circulation et de la sécurité routière M. David RIBEIRO, adjoint au sous-directeur des déplacements et de l'espace public Commandant Bruno JOUVENCE, pôle sécurité routière 75 M. Julien ROBINET, gestionnaire du parc automobile Mme Delphine GILBERT, chef du bureau des taxis et transports parisiens MINISTERE DE L'ENVIRONNEMENT, DE L'ENERGIE ET DE LA MER CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE (CGEDD) : Mme Elisabeth DUPONT-KERLAN, présidente de la section « transition énergétique, construction et innovations » M. Pierre LAHOCHE, président de la section « mobilités et transports » DIRECTION GENERALE DES INFRASTRUCTURES, DES TRANSPORTS ET DE LA MER (DGITM) : DIRECTION DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT M. Eric OLLINGER, adjoint au sous-directeur de la gestion du réseau routier non concédé et du trafic SERVICE DE L'ADMINISTRATION GENERALE ET DE LA STRATEGIE : M. Louis FERNIQUE, chef de la mission des transports intelligents M. Hervé PHILIPPE, chargé de mission, mission des transports intelligents DIRECTION GENERALE DE L'ENERGIE ET DU CLIMAT (DGEC) SERVICE CLIMAT ET EFFICACITE ENERGETIQUE M. Daniel KOPACZEWSKI, sous-directeur de la sécurité et des émissions des véhicules M. Pierre BAZZUCCHI, chargé de mission réglementation et homologation des véhicules à moteur BUREAU D'ENQUETES SUR LES ACCIDENTS DE TRANSPORTS TERRESTRES (BEA-TT) M. Jean PANHALEUX, directeur du BEA-TT MINISTERE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES DIRECTION GENERALE DES ENTREPRISES (DGE) M. Alban GALLAND, chef de bureau, sous-direction des matériels de transport, de la mécanique et de l'énergie M. Thibaut FERREIRA, chargé de mission DIRECTION GENERALE DU TRESOR M. Laurent GUERIN, chef du bureau « marchés et produits d'assurances » M. Frédéric BROTONS, adjoint MINISTERE DE LA JUSTICE DIRECTION DES AFFAIRES CIVILES ET DU SCEAU Mme Charlotte de CABARRUS, chef du bureau du droit des obligations M. Jean-François Le COQ, magistrat à l'administration centrale
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ORGANISATIONS INTERNATIONALES COMMISSION DES NATIONS-UNIES POUR L'EUROPE M. Joël VALMAIN, vice-président du comité pour la sécurité routière (WP1) COMMISSION EUROPEENNE Mme Claire DUPRE, chef de l'Unité « Systèmes de transport intelligents et durables », direction générale pour la mobilité et les transports (DG MOVE) M. Casto LOPEZ BENITEZ, expert sécurité routière (DG MOVE) Mme Ingrid SKOGSMO, expert transports, direction générale pour la recherche et l'innovation (DG RTD) M. Antony LAGRANGE, juriste (automobile et mobilité), direction générale marché intérieur, industrie, entrepreneuriat, et PME (DG GROW) COMMISSION NATIONALE INFORMATIQUE ET LIBERTES (CNIL) Mme Joanna MASSON, juriste, direction de la conformité M. Régis CHATELLIER, chargé d'études « innovation et prospective » ORGANISMES DE RECHERCHE CENTRE D'ETUDES ET D'EXPERTISE SUR LES RISQUES, L'ENVIRONNEMENT, LA MOBILITE ET L'AMENAGEMENT (CEREMA) M. Christian CURE, directeur du CEREMA TV M. Stéphane CANALIS, directeur délégué infrastructures et mobilité M. Ludovic SIMON, responsable de la R et D « transports intelligents » CEREMA Ile-de-France M. Gilles GAUTHIER, directeur du département Laboratoire de Lyon Mme Anne GRANDGUILLOT, chef du département voirie et espace public M. Sylvain BELLOCHE, chargé d'études, département voirie et espace public M. Bruno LEVILLY, chef du groupe conception et gestion des réseaux, département voirie et espace public Mme Stéphanie BORDEL, chargée de recherche, laboratoire de Saint-Brieuc M. Yves ROUGIER, chef du centre systèmes de transport et de la mobilité du CEREMA ITM M. Pierre-Yves TANNIOU, adjoint au chef de groupe TITANE, CERMA sud- ouest Mme Michèle COLOMB, chef de groupe du laboratoire de Clermont-Ferrand M. Nicolas NUYTTENS, chef de groupe du laboratoire de Lyon M. Fabrice RECLUS, chargé d'études sur l'exploitation et la régulation dynamique des réseaux de transport, département mobilités CEREMA centre-est INSTITUT FRANÇAIS DES SCIENCES ET TECHNOLOGIES DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT ET DES RESEAUX (IFSTTAR) ORGANISMES OU ENTREPRISES ASSOCIES AU PROJET TRANSPOLIS : M. Jean-Paul MIZZI, directeur général adjoint M. Jean-Bernard KOVARIK, directeur général adjoint M. Frédéric BOURQUIN, directeur du département « composants et systèmes » M. Marc TASSONE, directeur délégué pour le site de Lyon Mme Brigitte MAHUT, directrice déléguée pour le site de SATORY M. Bernard JACOB, directeur scientifique délégué Mme Hélène TATTEGRAIN, directrice du laboratoire « ergonomie et sciences cognitives pour les transports » (LESCOT) M. David MITTON, directeur du laboratoire de biomécanique et mécanique des chocs (LBMC) M. Ludovic LECLERCQ, directeur-adjoint du laboratoire d'ingénierie circulation transport (LICIT) M. Philippe VEZIN, directeur-adjoint « politique de recherche », département Transport Santé Sécurité
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M. Stéphane BARBIER, directeur du développement, projet TRANSPOLIS M. Julien CESTAC, chercheur, laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) M. Abdelmename HEDHLI, chargé de mission « transports intelligents » M. Pierre AUGROS, conducteur d'opération TRANSPOLIS M. Gilles Le Carre (VOLVO), projet TRANSPOLIS M. Laurent MORNIROLI, société VICAT M. Sébastien GLASER, chercheur, laboratoire sur les interactions véhicules-infrastructuresconducteurs (LIVIC) M. Eric DUMONT, directeur du laboratoire exploitation, perception, simulateurs et simulation (LEPSIS) M. Fabrice VIENNE, ingénieur de recherche, LEPSIS Mme Valérie GYSELINCK, directrice du laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) M. Nicolas HAUTIERE, directeur du projet HYBROAD (route hybride 5ème génération)
LYON URBAN TRUCKS AND BUS (LUTB), PÔLE DE COMPÉTITIVITÉ : M. Philippe GACHE, directeur du programme « système de transport intelligent » Mme Clémence ROUTHIAU, gestionnaire de projet LABORATOIRE « AMENAGEMENT, ECONOMIE, TRANSPORTS » (LAET), UNIVERSITE DE LYON 2 : M. le Professeur Yves CROZET, directeur, professeur émérite SYSTEM X, INSTITUT DE RECHERCHE TECHNOLOGIQUE : M. Paul LABROGERE, directeur du programme « transport autonome » VEDECOM M. Jean-Laurent FRANCHINEAU, directeur du programme Eco-mobilité Mme Patricia JONVILLE, adjointe au directeur du programme Eco-mobilité Mme Christine TISSOT (groupe Renault), manager de projet SCOOP M. Alain SERVEL (groupe PSA) M. Yves ROBIN-JOUAN, gérant de la société NAVECOM ENTREPRISES DU SECTEUR AUTOMOBILE ET DES TRANSPORTS CONSEIL NATIONAL DES PROFESSIONS DE L'AUTOMOBILE (CNPA) : M. Florent PORTMANN, secrétaire général « métiers de la mobilité partagée » TRANSPORTS COLLECTIFS REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP) : Mme Nathalie LEBOUCHER, directrice de la stratégie, de l'innovation, et du développement Mme Véronique BERTHAULT, direction de la stratégie, pilote du groupe « transports publics » de la NFI. NAVETTES INTELLIGENTES : EasyMile : M. Guillaume DRIEUX
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NAVYA : M. Ludovic GUERRREIRO, responsable commercial marchés francophones M. Nizar FAKHFAKH KEOLIS : M. Pascal JACQUESSON, directeur général KEOLIS Lyon Mme Bénédicte LAFON, direction projets, marketing, intermodalité
CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES-EQUIPEMENTIERS : Groupe PSA : M. Jean-François HUERE, direction des relations institutionnelles, ITS et sécurité routière M. Thierry LE HAY, direction de la recherché et de l'ingénierie avancée, responsable du pole « systèmes embarqués avancés » Groupe Renault : M. Jean-François SENCERIN, directeur de projet « véhicules autonomes » Taxis Bleus : M. Yann RICORDEL, directeur général Mme Fabiola FLEX, directrice des affaires publiques GESTIONNAIRES DE VOIRIE Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA) : M. Jean MESQUI, délégué général M. Christophe BOUTIN, adjoint au délégué général Mme Annie CANEL, directrice des opérations Représentants des collectivités territoriales et des autorités organisatrices de transport : Régions de France : M. Amaury LOMBARD, conseiller infrastructures, déplacements, transports M. David HERRGOTT, conseiller technique mobilités Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) : M. Laurent PROBST, directeur général M. Olivier NALIN, directeur du développement Mme Anne SALONIA, direction du développement, chargée des études générales M. David O'NEILL, directeur de l'exploitation Fédération nationale des transports routiers (FNTR) : Mme Florence BERTHELOT, déléguée générale REPRESENTANTS DES USAGERS DE LA ROUTE Ligue contre la violence routière : Mme Chantal PERRICHON, Présidente
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Prévention Routière Mme Anne LAVAUD, déléguée générale M. Christophe RAMOND, directeur des études et des recherches ENTREPRISES D'ASSURANCE ET D'ASSISTANCE Fédération française de l'assurance (FFA) : M. Stéphane PENEZ, Mme Anne-Marie PAPEIX, MMe Ludivine DANIEL M. ARNAUD (MACIF) Syndicat national des sociétés d'assistance (SNSA) : M. Nicolas GUSDORF, président Mme Catherine HENAFF, secrétaire générale JURISTES, AUTRES PERSONNALITES Me Alain BENSOUSSAN, avocat, Barreau de Paris Me Eve RENAUD, avocate, Barreau de paris M. Olivier PAUL-DUBOIS-TAINE, président du comité « transports » de la Société des ingénieurs et scientifiques de France (IESF)
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Annexe n° 3 : Glossaire des sigles et abréviations
ACC : ADAS : AEB : ANSSI : ASFA : BAAC : Adaptative Cruise Control (régulateur de vitesse adaptatif) Advanced Driver Assistance Systems (aides à la conduite) Automatic Emergency Braking (freinage d'urgence) Agence Nationale de la Sécurité des Sytèmes d'Information Association française des autoroutes et ouvrages concédés Bulletin d'Analyse des Accidents Corporels
CEREMA : Centre d'Etudes et d'expertise sur les Risques, l'environnement, la Mobilité et l'Aménagement CERAM : CERT : CNIL : DATP : DGE : DGEC : DGITM : DGGN : DGPN : Centre d'Essais et de Recherches Automobiles de Mortefontaine Computer Emergency Response Team ommission Nationale Informatique et LIbertés Driver Assistive Truck Platooning Direction Générale des Entreprises Direction Générale de l'Energie et du Climat Direction Générale des infrastructures, des Transports et de la Mer Direction Générale de la Gendarmerie Nationale Direction Générale de la Police Nationale
DGSCGC : Direction Générale de la Sécurité Civile et la Gestion des Crises DOT : DSCR : EDR : ESC : ESoP : ETSI : FFA : GPS : Department of Transportation (ministère fédéral des transports aux Etats-Unis) Délégation à la Sécurité et la Circulation Routières Event Data Recorder Electronic Stability Control (électro stabilisateur programmé) European Statement of Principles European Telecommunications Standards Institute Fédération Française de l'Assura Global Positioning System
IFSTTAR : Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l'Aménagement et des Réseaux
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IHM : INRIA : IoT : LTE : MEEM : MINEFI :
Interface Homme Machine Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique Internet of Things Long Term Evolution Ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer Ministère de l'Economie et des Finances
MININT : Ministère de l'Intérieur NFI : NHTSA : NIS : d OBD : OCSTI : ODD : ONISR : SAE : SGAE : TCMV : TIS : UTAC : VIN : WP : ouvelle France Industrielle National Highway Traffic Safety Administration (Etats-Unis) irective européenne Network and Information Security On Board Diagnostics Observatoire Central des Systèmes de Transport Intelligents (Gendarmerie) Operational Design Domains Observatoire national interministériel de la sécurité routière Society of Automotive Engineers (Etats-Unis) Secrétariat Général pour les Affaires Européennes Technical Comitee for Motor Vehicles Trust In Soft Union Technique de l'Automobile, du motocycle, et du Cycle Vehicle Identification Number Working Party
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Cahier annexe numéro 1 :
VOIR CI-JOINT Annexe 4 : les systèmes équipant les véhicules Annexe 5 : les capteurs et l'intelligence artificielle des véhicules autonomes Annexe 6 : les investissements des entreprises sur l'automatisation des véhicules. Annexe 7 : l'état du droit relatif aux véhicules autonomes dans les pays étrangers. Annexe 8 : véhicules automatisés et sécurité routière
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Cahier annexe numéro 2 :
VOIR CI-JOINT Annexe 9 : la Cybersécurité Annexe 10 : l'état de la recherche en France dans le monde Annexe 11 : les poids-lourds, les navettes, les bus autonomes Annexe 12 : l'impact économique et social des véhicules autonomes. L'acceptabilité sociale
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INSPECTION GENERALE DE L'ADMINISTRATION N° 16-040R
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE 010629 010629-01
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INSPECTION GENERALE DE L'ADMINISTRATION N° 16-040R
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE N° 010629-01
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Etabli par Jean-François ROCCHI Inspecteur général de l'administration Philippe BODINO Chargé de mission à l'inspection générale de l'administration Hervé de TREGLODE Ingénieur général des mines Bernard FLURY-HERARD Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Frédéric RICARD Ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts
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SOMMAIRE
Annexe 4 : Les systèmes équipant les véhicules........................................................................................ 7 Annexe n° 5: Les capteurs et l'intelligence artificielle des véhicules autonomes ..................................... 9 Annexe n° 6 : Les investissements des entreprises sur l'automatisation des véhicules ......................... 21 Annexe 7 : L'état du droit relatif au véhicule autonome dans les pays étrangers .................................. 37 Annexe 8 : Véhicules automatisés et sécurité routière ........................................................................... 45
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Annexe 4 : Les systèmes équipant les véhicules
Tous les véhicules vendus aujourd'hui dans le monde renferment des équipements comportant une part considérable d'électronique. On distingue trois catégories de systèmes relatifs à la marche du véhicule : les systèmes de sécurité, les aides à la conduite et les ADAS (Advanced Driver Assistance System). Les systèmes de sécurité Leurs caractéristiques sont de ne pas nécessiter d'interaction avec le conducteur, de viser la seule sécurité du véhicule (donc, pas le confort). Ils peuvent ne pas comporter de part d'électronique et être purement mécaniques, mais c'est de moins en moins le cas. Ils sont normalisés à l'ISO et font l'objet d'obligations réglementaires au niveau UE et CEE-ONU WP29. Plusieurs systèmes de sécurité sont ainsi désormais obligatoires, comme le système anti-blocage des roues (Antiblockiersystem ou ABS), l'ESP1 (Electronic Stability Program), qui prémunit contre les tonneaux d'un véhicule ou TPMS (Tire Pressure Measurement System), système de mesure de pression des pneus. Les aides à la conduite Celles-ci interagissent avec le conducteur avec un niveau d'intelligence informatique limité. Elles visent le confort de conduite et ne font en général pas l'objet de normalisation ou d'obligation réglementaire, leur réalisation et implémentation étant au libre choix des constructeurs. Il s'agit des régulateurs de vitesse classiques (non adaptatifs), des boites robotisées, des essuies glaces automatiques, des radars ou caméras de recul, des détecteurs de présence dans l'angle mort, des indications de changement de rapport de vitesse, etc. Les ADAS Leurs caractéristiques sont qu'ils comportent une intelligence informatique poussée, font largement appel à des capteurs sophistiqués, tels que radars et Lidars (voir annexe 4), et interagissent avec le conducteur. Leur finalité est mixte, visant à la fois la sécurité et le confort de conduite. Ils sont en cours de normalisation à l'ISO et au CEN, ainsi qu'au WP29. Il s'agit des régulateurs de vitesse adaptatifs2, des freinages automatiques d'urgence, des dispositifs de maintien dans la file ou direction automatique etc. Ces sont les ADAS, pour améliorer la sécurité et le confort de conduite, qui sont l'objet des plus gros investissements, portant à la fois sur les capteurs et l'intelligence informatique du système. On en attend d'abord des améliorations en matière de sécurité (voir paragraphe « L'impact sur la sécurité » ci-dessous), même si beaucoup d'utilisateurs y voient plutôt un meilleur confort de conduite. Les ADAS ne sont pas suffisants, seuls, pour constituer un véhicule autonome, lequel ne peut se résumer à une addition d'ADAS, comme expliqué ci-après au paragraphe « Les différents types de véhicules automatisés ». Les ADAS permettent, s'ils sont utilisés seuls, des véhicules partiellement automatisés3, mais un véritable véhicule autonome demandera une intelligence supérieure plus globale, que seul le « deep learning » peut apporter (voir annexe 5).
1 2
Ou ESC Electronic Stability Control. Qui ralentissent si le véhicule précédent ralentit. 3 D'où l'expression « délégation partielle de conduite ».
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Tableau 1 : Titre du tableau
Type d'aide
Objectif
Intelligence informatique
Interaction conducteur Pas d'interaction, sauf déconnexion du dispositif Moyenne Forte (surveillance du dispositif)
Systèmes de sécurité
Sécurité
Modérée, voire absente
Aides à la conduite
Confort de conduite Sécurité et confort de conduite
Informatique simple
ADAS
Très poussée
Source : Mission IGA-CGEDD
Ce tableau de l'électronisation des véhicules serait incomplet s'il ne mentionnait pas également les systèmes de communication des véhicules avec leur environnement extérieur : infotainement 4 , géolocalisation, appel d'urgence (eCall bientôt obligatoire dans les pays de l'Union européenne), connexion automatique du véhicule avec le constructeur, l'équipementier ou le réparateur, boîtier relié à l'assureur, etc5. Ainsi que, bientôt, les communications V2I et V2V.
L'infotainment, ou infodivertissement, regroupe les services d'information (stations de radio notamment) et de divertissement (musique, etc.) offerts au conducteur et aux passagers. 5 Voir à ce sujet le rapport « Les véhicules communicants nécessitent-ils de nouvelles réglementations ? » du CGEDD, 2014.
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Annexe n° 5: Les capteurs et l'intelligence artificielle des véhicules autonomes
1 - Les capteurs permettent à un véhicule automatisé de savoir (1) où il est (capteurs de localisation), (2) s'il va ou non heurter un obstacle (capteurs de détection) et (3) quel est l'obstacle qu'il risque de heurter (capteurs d'identification). Les capteurs pour les fonctions 2 et 3 sont : des sonars à ultrasons, des caméras, des lasers, des caméras 3D, des radars et des caméras à infrarouge. Les capteurs sont dits passifs s'ils n'émettent pas ; ils sont dits actifs dans les autres cas. Il existe aussi des capteurs pour s'assurer de la vigilance du conducteur s'il doit être en mesure de reprendre vite la main : ils ne sont pas présentés ici6.
Schéma illustrant la position courante de différents capteurs sur une voiture automatisée
(source : The Economist)
Les capteurs de localisation, de détection et d'identification pour l'industrie automobile ont désormais tous d'excellentes performances. Leurs prix sont très bas, sauf les prix des lidars. Mais une nouvelle génération de lidars peu chers est sur le point d'être commercialisée.
Parmi les nombreuses études à ce sujet, il y a par exemple celle (financée par le ministère allemand de l'éducation et de la recherche) de Tobias Langner, Daniel Seifert, Bennet Fischer, Daniel Goehring, Tinosch Ganjineh et Raúl Rojas, dont les résultats ont été publiés en 2016 sous le titre « Traffic Awareness Driver Assistance based on Stereovision, Eye-tracking, and Head-Up Display ».
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Schéma des capteurs le plus souvent utilisés par l'industrie automobile
(source : Texas Instruments dans `'Cars are becoming rolling sensor platforms'')
2 - Les sonars (« Sound Navigation and Ranging ») à ultrasons émettent régulièrement des ondes sonores (au-dessus de 20 000 Hz) qui, une fois réfléchies et retournées, permettent de mesurer la distance entre l'émetteur-récepteur du véhicule et l'objet. C'est un capteur qui est peu perturbé par les conditions atmosphériques. Leur portée est faible, mais ils conviennent bien pour les mesures dans les trois dimensions à faible distance. Ils sont incapables de mesurer les vitesses. Ils sont petits et peu chers. Parmi les fabricants, on trouve Bosch, Valeo, Murata et SensorTech. 3 - Les caméras, petites et peu chères, à haute résolution, sont capables de transmettre au véhicule des pixels en très grand nombre, mais les riches images en couleurs doivent pouvoir être interprétées par le système embarqué. Les caméras permettent les identifications et les classifications des objets ou personnes à l'extérieur. Il est nécessaire toutefois que la luminosité soit suffisante. Les caméras peuvent être gênées par les changements de luminosité ; la nuit, il faut éclairer la scène observée Elles peuvent être aveuglées par une lumière trop forte, celle du soleil par exemple. Elles peuvent mesurer des vitesses, mais pas aussi bien que les radars ou les lidars. Grâce aux techniques de la vision par ordinateur (computer vision en anglais), les images et les données des autres capteurs peuvent donner toutes les données utiles au véhicule, en particulier dans l'espace environnant à trois dimensions7. Parmi les fabricants, on trouve Mobileye, Delphi, Honeywell et Toshiba. 4 - Les scanners lasers (LiDAR pour Light Detection and Ranging, ou lidars) sont des capteurs de grande importance, voire essentiels au véhicule autonome selon beaucoup. Ils permettent, par l'émission d'une lumière cohérente dans le spectre (invisible) infrarouge, de mesurer une distance avec la réflexion de la lumière émise. Utilisant le plus souvent des miroirs en rotation, les scanners laser 3D ont un large champ d'observation (par exemple, ceux de la Google Car voient à 360°), et peuvent mesurer une distance entre 2 mètres au minimum (plutôt 30 mètres pour de bons résultats) et 350 mètres au maximum, avec une
Parmi les nombreuses études sur ce sujet, on peut lire le rapport de 2009 de Vincent Frémont (de l'Université de technologie de Compiègne en France) : « Odométrie 3D vision/lidar pour les véhicules intelligents ».
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précision de 2,5 centimètres environ. Leur résolution angulaire est inférieure à 1°. Mais ils peuvent être gênés par la pluie, la neige ou le brouillard. La luminosité peut être quelconque. Leur résolution est faible, contrairement aux caméras. Parmi les fabricants, on trouve Continental, LeddarTech, Quadenergy et Velodyne. Aujourd'hui, ce sont des capteurs lourds et extrêmement chers (plusieurs dizaines de m milliers d'euros)8. Mais plusieurs fabricants ont annoncé le développement prochain de capteurs sans plan tournant, bien plus petits et bien moins chers (moins de 300 euros). Ainsi, la société californienne Velodyne a a-t-elle annoncé cette année la vente de lidars au prix de 8 000 dollars américains (au lieu de 70 000 000100 000 dollars auparavant), un prix qui pourrait baisser plus tard jusqu'à 1 000 dollars. La société californienne Quanergy Systems a, de son côté, annoncé la production de lidars (capteurs toutefois qui ne voient pas à 360°) au prix de 250 dollars vers 2018 tefois 2018-2019.
Présentation comparative des anciens et nouveaux lidars par Delphi et Quanergy en 2016
(source : Quanergy)
La société Valeo a aussi développé un lidar (SCALA) très peu cher (prix inconnu).
Le lidar SCALA de Valeo (produit avec Ibeo Automotive Systems GmbH) de portée entre 30 cm et 200 m
(source : Valeo)
« The sensors and chips for [the Google] car [are] astronomically expensive. For instance, LIDAR alone costs around $75,000. Prices AR as to the whole setup cost around $150,000. This is way beyond the price scope of 99 % of drivers. However, the costs in the future, once economies of scale kick in, are expected to drop and be able to be scaled down readily. » (site de Google)
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Des recherches sont faites au Massachusetts Institute of Technology (MIT, États-Unis), dans son Photonic Microsystems Group, pour fabriquer des lidars à puces électroniques sur des galettes de silicium de 300 millimètres9. Chaque lidar pourrait coûter seulement 10 dollars en cas de production à grande échelle. 5 - Les caméras 3D permettent d'avoir des images en couleurs en trois dimensions. Mais ces appareils sont onéreux, n'ont pas une grande portée et nécessitent de lourds traitements informatiques. 6 - Les radars (Radio Detection and Ranging), petits et peu chers, mesurent les distances grâce à la réflexion des ondes émises. Ils peuvent mesurer les vitesses relatives et les distances relatives des objets extérieurs. Leur portée est bonne, mais leur résolution médiocre : entre 0,25 m et 1 m selon la portée. Les radars de 24 GHz (bande K) comme ceux de 77 GHz (bande M) peuvent fonctionner de jour comme de nuit ; des radars de 77 GHz continuent de fonctionner assez bien en toutes conditions atmosphériques, et peuvent avoir une portée importante (de 0,25 m à 250 m). Les radars peuvent fonctionner à très courtes distances, mais moins bien que les sonars. Ils sont utilisés notamment pour prévenir les collisions. Parmi les fabricants, on trouve Delphi, Kyocera, Valeo et Visteon. 7 - Les caméras à infrarouge permettent de voir la nuit. On en trouvede deux types : pour l'infrarouge lointain (far infrared ou FIR en anglais) et pour l'infrarouge proche (near infrared ou NIR en anglais). 8 - Les capteurs de localisation sont : le GPS (donne la localisation dans l'espace à trois dimensions, ainsi que la vitesse et le cap du véhicule), le GPS différentiel (bien plus précis), l'odométrie des roues (par la mesure de la rotation du volant et de la rotation des roues ou du moteur), les accéléromètres, les gyroscopes (qui mesurent les changements dans les trois angles de rotation possible), les centrales à inertie (qui, en combinant accéléromètres et gyroscopes, permettent de localiser le véhicule), les radars mesurant la vitesse par rapport au sol, les boussoles et les capteurs mécaniques d'inclinaison. 9 - En France, le pôle de compétitivité Mov'eo a engagé en mai 2014 le projet AWARE (All Weather All Roads Enhanced Vision) dans le cadre du 17e appel à projets du Fonds unique interministériel (FUI). « Le but du projet est de développer un capteur de visibilité dit « tous temps toutes conditions », notamment en situations dégradées type « nuit » ou « brouillard », afin de percevoir l'environnement d'un véhicule et de détecter les vulnérables, avec l'objectif de proposer une solution abordable économiquement. » (selon Mov'eo). Le porteur du projet est ULIS SAS. Sont partenaires : CEA Leti, Valeo, Oktal, Ifsttar (COSYS), Nexyad, Safran Sagem, Cerema et IAC. 10 - La conduite semi-autonome ou autonome est fondée sur l'alliance des capteurs, des systèmes d'information (fusion de données multi-capteurs, intelligence artificielle, etc.) et des équipements de la voiture. L'intelligence est aujourd'hui encore souvent assise sur des algorithmes qui apprennent à la voiture à bien se comporter en toutes circonstances : freinage d'urgence si un obstacle surgit, etc. Mais les circonstances sont innombrables et l'apprentissage est extrêmement long. Ces deux limites conduisent tous les constructeurs et équipementiers à accorder une attention toujours plus grande à l'intelligence artificielle basée sur l'apprentissage profond (deep learning en anglais). Il est en effet presque impossible d'écrire un programme qui fonctionnera de manière sûre dans toutes les situations. L'efficacité des algorithmes n'est pas suffisante. Souvent, les constructeurs de voitures hautement automatisées abandonnent une partie de la programmation manuelle par l'« apprentissage machine » (ou « apprentissage automatique »)10. C'est cet apprentissage qui fonde les systèmes de toutes les grandes entreprises d'Internet. Il leur permet de filtrer les contenus indésirables, d'ordonner des
Cf. article « MIT and DARPA Pack Lidar Sensor Onto Single Chip » de Christopher V. Poulton et Michael R.Watts, publié par IEEE le 4 août 2016. 10 On peut lire avec intérêt la thèse de doctorat déjà ancienne (Université Paris 6) soutenue par Isabelle Rivals le 20 janvier 1995 : « Modélisation et commande de processus par réseaux de neurones ; application au pilotage d'un véhicule autonome » (cf. archives ouvertes HAL).
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réponses à une recherche, de présenter des recommandations, de sélectionner des données utiles à chaque internaute. Un tel système entraînable (capable d'apprendre) est comme une boîte noire avec une entrée (pour une image, un son ou un texte) et une sortie qui peut représenter la catégorie de l'objet dans l'image, le mot prononcé ou le sujet dont parle le texte. Dans sa forme la plus courante, l'« apprentissage machine » est supervisé. On montre en entrée de la machine une photographie d'un objet, par exemple une voiture, et on lui donne la sortie désirée pour une voiture. Puis on lui montre la photo d'un chat avec la sortie désirée pour un chat. Après chaque exemple, la machine ajuste ses paramètres internes pour rapprocher sa sortie de la sortie désirée. Après avoir montré à la machine des milliers ou des millions d'exemples étiquetés avec leur catégorie, la machine devient capable de classifier correctement la plupart d'entre eux (95 % environ pour les meilleurs systèmes). Mais il y a plus : elle peut aussi classifier correctement des images de voiture ou de chien qu'elle n'a jamais vues durant son apprentissage ! C'est ce qu'on appelle la capacité de généralisation. Il existe bien des méthodes d'apprentissage. Toutes étaient insatisfaisantes, jusqu'à l'apparition de l'apprentissage profond (deep learning), inventé sans succès un peu avant 1990, réinventé avec succès en 2012. Ici, le système est constitué d'une série de modules, chacun représentant une étape de traitement. Chaque module peut être entraîné, avec des paramètres ajustables. À chaque exemple soumis à la machine, les paramètres des modules sont ajustés de manière à rapprocher la sortie produite par le système de la sortie désirée. L'adjectif profond vient de l'arrangement de ces modules en couches superposées et successives. Il existe plusieurs architectures informatiques d'apprentissage profond. L'une des plus utilisées est le réseau de neurones à convolution, dont l'architecture des connexions est inspirée de celle du cortex visuel des mammifères. Elle doit beaucoup au Français Yann Le Cun. Elle est employée en particulier par la société israélienne MobilEye pour l'intelligence artificielle des véhicules autonomes. Il existe d'autres architectures d'apprentissage profond, comme les réseaux récurrents qui sont bien adaptés au cas de texte. L'une des difficultés des systèmes actuels d'apprentissage profond est l'impossibilité de bien en comprendre le fonctionnement. Les résultats de reconnaissance sur photographie sont remarquables... mais on ne sait pas vraiment pourquoi ! 11 - Les sociétés travaillant à l'amélioration de l'apprentissage profond sont ambitieuses. Parmi les plus puissantes, il y a Google, Apple, Facebook, Baidu, MobilEye, Nvidia, etc. La société américaine Nvidia propose à ses clients qui préparent des véhicules autonomes ou semiautonomes (Tesla, etc.) l'ordinateur Drive PX 2 (avec réseau de neurones deep learning11) d'une puissance remarquable12 : 8 billions (8x1012) de flops13.
Cf. « End to End Learning for Self-Driving Cars » publié le 25 avril 2016 (par Mariusz Bojarski, Davide Del Testa, Daniel Dworakowski, Bernhard Firner, Beat Flepp, Prasoon Goyal, Lawrence D. Jackel, Mathew Monfort, Urs Muller, Jiakai Zhang, Xin Zhang, Jake Zhao et Karol Zieba, tous auteurs de Nvidia). 12 « La nouvelle configuration monoprocesseur de NVIDIA DRIVE PX 2 qui ne consomme que 10 Watts et inclut des fonctionnalités de pilotage automatique sur autoroute ou de cartographie HD permet aux véhicules autonomes d'exploiter des réseaux de neurones profonds pour traiter des données à partir de caméras et de capteurs multiples. DRIVE PX 2 peut analyser en temps réel l'environnement périphérique du véhicule, vous géolocaliser avec précision sur des cartes HD ou bien planifier des itinéraires en toute sécurité. C'est la plateforme de développement pour véhicules autonomes la plus avancée au monde, qui combine des technologies de Deep Learning, de fusion multi-capteurs et de vision panoramique pour transformer votre expérience de conduite. L'architecture totalement évolutive de NVIDIA DRIVE PX 2 vous permet d'exploiter une vaste gamme de configurations allant des processeurs mobiles à refroidissement passif 10 Watts jusqu'aux systèmes à double processeur mobile et à double GPU délivrant jusqu'à 24 trillions d'opérations Deep Learning par seconde. Plusieurs plateformes DRIVE PX 2 peuvent être utilisées en parallèle pour déployer des solutions de conduite pour les véhicules entièrement autonomes. » (extrait du site de la société Nvidia)
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Drive PX 2 pour véhicules autonomes de la société Nvidia
(source : Nvidia)
Représentation faite par le Drive PX 2 de la société Nvidia
(source : Nvidia)
12 - Laurent Zimmermann, le directeur du groupe de produits Véhicule connecté à Valeo (cf. article « Quel véhicule autonome pour demain ? » publié par La Jaune et la Rouge dans son numéro de septembre 2016), a résumé ainsi les difficultés des recherches en cours : « Tenir la promesse de sécurité accrue Le principal défi du véhicule autonome est probablement de tenir la promesse de sécurité accrue mise en avant par les constructeurs. Le point le plus délicat touche probablement aux composants logiciels intervenant dans la fusion de données, la reconnaissance de scènes, la planification des trajectoires. Ces composants sont majoritairement issus de processus de programmation par apprentissage de type deep learning, à l'opposé des logiciels obtenus par programmation impérative, de loin les plus utilisés dans notre industrie automobile. Or il n'existe aucun retour d'expérience de l'utilisation dans des applications critiques de ce type de logiciels, par ailleurs bannis des secteurs aéronautiques, nucléaires ou ferroviaires.
Un flops est un « floating-point operation per second » (opération en virgule flottante par seconde en français). On s'en sert pour point ation mesurer la vitesse d'un système informatique. Un billion de flops (trillion of flops en anglais) est appelé aussi téraflops.
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Et, plus les algorithmes sont puissants, plus leur fonctionnement est opaque. Les standards et méthodes de conception et de preuve de la sûreté de fonctionnement sont ici à construire. À cet égard, l'accident qui a coûté la vie au conducteur d'une Tesla model S en Floride en mai 2016 et les vives réactions qu'il a provoquées ont malheureusement mis en lumière les limites de la technologie déployée à ce jour, mais aussi l'insuffisance du cadre réglementaire régissant l'homologation et l'utilisation des véhicules autonomes. ». La difficile question de la reprise en main du véhicule par le conducteur. Les six niveaux (du niveau 0 au niveau 5) de la SAE International ont été définis le 16 janvier 2014 (document J3016_20140114). Du niveau 0 au niveau 2, l'homme contrôle l'environnement de conduite ; à partir du niveau 3, c'est le système d'autonomie. Selon la définition de la SAE International15 : le niveau 2 (« partial automation ») est « the driving mode-specific execution by one or more driver assistance systems of both steering and acceleration/deceleration using information about the driving environment and with the expectation that the human driver perform all remaining aspects of the dynamic driving task » ; le niveau 3 (« conditional automation ») est « the driving mode-specific performance by an automated driving system of all aspects of the dynamic driving task with the expectation that the human driver will respond appropriately to a request to intervene ». L'une des questions les plus importantes et les plus difficiles concernant les véhicules partiellement ou totalement autonomes regarde la désactivation de la conduite autonome et la reprise en main par le conducteur. La National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA, dépendant du Department of Transportation) aux États-Unis a publié en août 2015 un rapport de grand intérêt sur l'évaluation des facteurs humains aux niveaux NHTSA 2 et 3 : « Human Factors Evaluation of Level 2 and Level 3 Automated Driving Concepts »16. Au niveau NHTSA 2 (qui correspond globalement au niveau 3 SAE), la voiture peut être autonome, mais la désactivation peut être soudaine, sans avertissement. Aussi le conducteur doit-il être vigilant à tout instant même s'il est en position hands off et feet off, c'est-à-dire mains et pieds écartés du volant et des pédales. Au niveau NHTSA 3 qui correspond globalement niveau 4 SAE), le conducteur peut ne pas être constamment vigilant, mais il doit être prêt à reprendre la conduite manuelle en étant prévenu à l'avance. Dans son étude, la NHTSA a mené trois expériences avec des volontaires : deux pour le niveau NHTSA 2 et une pour le niveau NHTSA 3. Elle a testé deux modalités d'alerte, soit alerte visuelle, soit alerte à la fois visuelle et haptique17 (action sur le siège du conducteur). Et elle a testé trois niveaux de gravité : alerte de prudence (30 secondes), alerte d'urgence (30 secondes) et alerte phasée (en deux phases d'annonce, alerte de prudence de dix secondes suivi d'alerte d'urgence de vingt secondes). a La NHTSA a considéré que le temps de réaction du conducteur était le délai entre le début de l'alerte et le moment où il a de nouveau
« Taxonomy and Definitions for Terms Related to On-Road Motor Vehicle Automated Driving Systems ». Dans la définition de la NHTSA aux États-Unis, il n'y a que cinq niveaux (du niveau 0 au niveau 4, cf. document de mai 2013 sous le titre « Preliminary Statement of Policy Concerning Automated Vehicles »). Au niveau 2, le véhicule peut être autonome (hands off et feet off), mais le conducteur doit être prêt à reprendre les commandes à tout moment car le « system can relinquish control with no advance warning ». Au niveau 3, quand le véhicule est en mode autonome, il doit assurer toutes les opérations en toute sécurité ; toutefois, le conducteur « is expected to be available for occasional control, but with sufficiently comfortable transition time ». Pour le niveau 3, la NHTSA ne précise pas ce qu'est un temps de transition suffisamment confortable... 16 DOT HS 812 182. 17 En rapport avec le sens du toucher.
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posé les yeux sur la route ; le temps de reprise en main est le délai qui s'écoule entre le début de l'alerte et le placement des mains et des pieds sur les instruments de conduite (le placement des mains et pieds menant immédiatement à de premières actions de conduite, sauf rares exceptions). Des trois expériences qui ont été conduites, la NHTSA a tiré plusieurs conclusions nettes. La modalité des alertes est de grande importance, l'alerte visuelle à elle seule ne suffisant pas. En cas d'alerte d'urgence, les réactions sont rapides : le temps moyen de réaction est de 1,2 seconde, et le temps de reprise en main est compris entre 1,3 seconde et 2,4 secondes. D'autre part, il apparaît que les conducteurs (qui ne sont jamais des experts) font généralement confiance aux automatismes. Les expériences ont aussi montré l'importance de deux inclinations psychologiques, dont tous les constructeurs devront tenir le plus grand compte. La première est le renversement des priorités (Primary Task Reversal). Un conducteur occupé à une tâche autre que la conduite va vouloir parfois achever sa tâche (rédiger et envoyer un message par smartphone singulièrement) avant de revenir à la conduite, et cela même si une alarme se déclenche18. Il faut aussi tenir le plus grand compte de l'accoutumance aux alertes (Alert Annoyance Habituation). Elle amène peu à peu tout conducteur à mésestimer ou même à ignorer un message d'alerte, surtout si le message ne signale pas un danger imminent. Il est important de rappeler les principales conclusions des nombreuses études sur la conscience19. N'accède à la conscience qu'une chose à la fois, Tout homme ne peut être conscient de deux choses à la fois, et tout homme ne peut prendre conscience que de trois choses différentes par seconde. Le cerveau est donc une machine très lente par rapport à un ordinateur ; de surcroît, il ne peut projeter dans la conscience qu'une histoire à la fois. Ce rappel démontre qu'un conducteur ne peut en même temps être attentif à conduire une voiture et attentif à écrire un texto. Au mieux, il fera successivement l'un puis l'autre. Une étude antérieure de l'université de Leeds20 (« Transition to manual: Driver behaviour when resuming control from a highly automated vehicle » publiée en novembre 201421) a démontré que même si les conducteurs peuvent reprendre rapidement la main après une désactivation, il faut du temps avant que leur conduite redevienne tout à fait normale. Les auteurs se sont placés dans le cas du niveau NHTSA 3 (sur simulateur). Les résultats démontrent que la maîtrise de la conduite est la meilleure dans le cas de désactivation à intervalle fixe (fixé ici à six minutes). Le résultat est de bon sens. Dans le cas de désactivation après que l'attention visuelle à la conduite ait cessé d'être bonne, le regard du conducteur continue d'être erratique longtemps après la reprise en main : précisément durant 40 secondes environ. En parallèle, les petits coups de volant ne cessent pas tout de suite, loin s'en faut. De même, apparaît un pic important d'événements vers 15-20 secondes. Quel est le sens de ce pic pour les désactivations qui surviennent à intervalle variable ? Le premier résultat montre que l'attention visuelle (concentration du regard sur le centre de la voie routière) augmente vite durant 15-20 secondes, puis décroît jusqu'à 40-45 secondes, avant de remonter à nouveau. Le 2ème résultat est relatif au contrôle des mouvements latéraux de la voiture (Standard Deviation of Lane Position ou SDLP, mesuré en mètres) : il s'améliore nettement jusqu'à 15-20 secondes, puis se dégrade jusqu'à 35 secondes environ. Le troisième résultat se rapporte à la fréquence des actions correctrices au volant (mesuré en fréquence de coups de
« The data indicate that some operators will exhibit a complete reversal in priority from driving-related tasks to non-drivingrelated tasks. It may be that this primary task reversal phenomenon is the greatest risk facing operator involvement in secondary tasks when operating an automated vehicle. When operators shift their priorities to non-driving tasks, their readiness to respond to driving-related prompts and alerts can be delayed by a perceived obligation to complete the non-driving task first. » 19 Cf. « Le code de la conscience » de Stanislas Dehaene (Odile Jacob, Paris, 2014), etc. 20 Institute of Transport Studies, University of Leeds, United Kingdom. 21 Rapport publié dans « Transportation Research Part F Traffic Psychology and Behaviour » par Natasha Merat, A. Hamish Jamson, F Frank C.H. Lai, Michael Daly et Oliver M.J. Carsten.
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volant par minute) : le nombre des corrections augmente énormément vers 15-20 secondes, puis décroît pour se stabiliser plus ou moins vers 35-40 secondes. Le rapport de l'université de Leeds conclut à la nécessité de retenir le délai de quarante secondes pour une reprise en main qui soit confortable comme le prescrit la définition du niveau NHTSA 3. C'est un temps bien plus long que celui qu'envisagent beaucoup des constructeurs et équipementiers dans le monde. N'est-il pas exagérément long ? On peut plaider que la sécurité est assurée par le conducteur bien avant, même si le regard du conducteur et la course de la voiture ne sont pas encore stables. « On peut aussi penser que dans toutes les études sur la reprise en mains, les conducteurs savent pourquoi ils sont là et ils savent qu'ils doivent reprendre la main. C'est un biais. La question à se poser est que fait le système ? Sollicite-t-il une nouvelle prise en main ? Ou serait-il en sécurité en freinant et en se rangeant ?22 » On peut affirmer en tout cas que le temps laissé à tout conducteur pour reprendre en main un véhicule autonome après le déclenchement d'une alerte d'urgence doit être au minimum égal à une valeur (à déterminer) comprise entre 10 et 20 secondes. Le Laboratoire LESCOT (ergonomie et sciences cognitives pour les transports) de L'IFSTTAR à Bron près de Lyon (en France) a engagé de nombreuses études. Mais aucune n'a encore porté sur la question des reprises en main. Une étude sur le monitoring des conducteurs de véhicules automatisés est néanmoins en préparation. Le Laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) de L'IFSTTAR a publié trois rapports23 sur les résultats de ses études sur le comportement des véhicules automatisés et de leurs conducteurs. La première étude, sur l'intérêt porté aux véhicules autonomes par les deux tiers des conducteurs français, se résume ainsi : « C'est une étude en ligne (N= 421, 36 % d'hommes) évaluant les attitudes envers la conduite complètement automatisée, l'acceptabilité a priori et les intentions d'utilisation. 52 % acceptent un véhicule autonome a priori (ce taux monte a 62 % après avoir fait l'essai), ce taux monte à 75 % en cas de condition physique dégradée (« chouette on va pouvoir conduire bourrés ! » a été une des premières réactions, le panel est prêt à y consacrer sept heures d'apprentissage et 1 624 de surcoûts). L'intérêt est plus porté vers les créneaux, les embouteillages, l'autoroute (environ 60 %) que sur l'utilisation en ville (environ 29 %). ». La deuxième étude montre que la reprise en main sans entraînement en cas d'urgence pouvait durer en moyenne (pour les 60 conducteurs de l'expérience) de 2 à 8 secondes. En cas d'anticipation (le système prévenant à l'avance de la nécessité de reprendre le contrôle de la voiture), le temps de reprise en main varie en moyenne entre 3,6 et 15,2 secondes pour la première reprise de contrôle, et en moyenne de 2,7 à 13,9 secondes pour la seconde reprise de contrôle. La reprise en main peut donc être très lente, la durée pouvant être nettement au-dessus du temps généralement considéré comme convenable (10 secondes). Il faut apprendre aux conducteurs à se servir convenablement d'un véhicule ndes). Elle se conclut par trois points clefs de leurs expériences sur le simulateur de conduite à Satory : pleinement autonome (afin de réagir convenablement lors des reprises en main).
Hélène Tategrain (LESCOT IFSTTAR Bron). A) « Intention to use a fully automated car : Attitudes and a priori acceptability » (publié le 9 mai 2014) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac et Patricia Delhomme (IFSTTAR). B) « Fully Automated Driving : Impact of Trust and Practice on Manual Control Recovery » (2005) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac et Patricia Delhomme (IFSTTAR). C) « Conduite complètement automatisée : acceptabilité, confiance et apprentissage de la reprise de contrôle manuel », thèse de doctorat de William Payre pour l'obtention du grade de docteur en psychologie, présentée à Paris le 3 décembre 2015 (thèse préparée au LPC de L'IFSTTAR).
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Un haut niveau de confiance peut augmenter le temps de reprise en main en cas d'urgence, un entraînement approprié peut atténuer les conséquences fâcheuses de l'excès de confiance sur les temps de reprise en main. Concernant la troisième étude, William Payre en fait le résumé suivant : « [...] un des objectifs de cette thèse a été d'étudier dans quelle mesure la conduite complètement automatisée sera acceptée. Bien que l'automobiliste soit conduit par son véhicule, il pourrait être amené à en reprendre le contrôle manuel dans différentes circonstances. En effet, cette manoeuvre pourrait être effectuée en situation d'urgence ou de manière anticipée par le conducteur alors qu'il pourrait être engagé dans une autre activité que la conduite. La réalisation de cette reprise de contrôle manuel pourrait être plus ou moins difficile selon la situation et l'expérience d'interactions avec le système complètement automatisé. Nous avons examiné la manière dont cette manoeuvre pourrait être apprise par des conducteurs, en testant l'effet de différentes formes d'entraînement sur la performance et la sécurité (temps de réponse et qualité de la reprise de contrôle). Nous avons mesuré l'acceptabilité et la confiance, les attitudes des conducteurs, les intentions d'utilisation du système de conduite complètement automatisée et l'impact de ces variables sur les comportements dans le véhicule. Les résultats de ces trois études sont discutés. Les méthodes d'entraînement que nous avons développées pourraient servir à former les nouveaux utilisateurs de cette technologie. Le rôle du conducteur dans ce type de véhicule et la nature de la tâche de conduite sont questionnés. Le degré de supervision exercé sur le système deviendrait secondaire par rapport à la réalisation d'une autre tâche non reliée à la conduite. Enfin, les limites de nos études et les perspectives pour les recherches à venir dans le domaine sont examinées. ». S'agissant des recherches sur les conditions de comportements, L'IFSTTAR a reconnu devant la mission CGEDD-IGA le 16 septembre 2016 que la France était devancée par plusieurs autres pays, comme la Grande-Bretagne. Le 26 août 2016 a été approuvée pour publication l'article de Hallie Clark et Jing Feng de la North Carolina State University (Department of Psychology) aux États-Unis, appelé « Age differences in the takeover of vehicle control and engagement in non-driving-related activities in simulated driving with conditional automation ». Cette étude était importante, dans la mesure où le véhicule automatisé est souvent présenté comme un avantage pour les conducteurs les plus âgés et les moins alertes. Le résumé est le suivant : « permettre à des jeunes (moyenne d'âge 19,9 ans) et à des conducteurs plus vieux (moyenne d'âge 70,4 ans) de librement décider quand et comment engager des activités non relatives à la conduite pendant la conduite. Nous avons examiné l'effet de l'âge, le niveau d'engagement d'activité et l'intervalle de prise de contrôle sur la performance de contrôle pendant la reprise en main. Constat : les conducteurs ont des activités différentes : les jeunes sur l'électronique, les vieux en conversation. Les vieux profitent plus que les jeunes de l'intervalle plus long en termes de temps de réponse aux notifications. La reprise en main est possible en moins de dix secondes pour les deux populations (plutôt 4,5 secondes pour les jeunes et 7,5 pour les vieux). En ayant à l'esprit l'étape intermédiaire du niveau 3 (échelle de la NHTSA ou échelle de la SAE International), la NHTSA (dans son document « Human Factors Evaluation of Level 2 And Level 3 Automated Driving Concepts Concepts of Operation » publié en juillet 2014) a mis en avant les quatre dangers et les quatre avantages possibles de l'autonomie partielle :
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Tableau 2 : Titre du tableau
DANGER
AVANTAGE
Confusion modale (mode manuel et mode Diminution de la pression mentale et de la autonome) fatigue mentale du conducteur Erreur de décision (la responsabilité de la décision finale pouvant être source de confusion entre le système et le conducteur, par exemple pour déclencher ou non un freinage d'urgence Diminution des petites erreurs de conduite commises par le conducteur (toujours nombreuses quelle que soit l'attention du conducteur)
Enclenchement excessif du système Prévention des distractions du conducteur (qui d'autonomie par le conducteur (le conducteur peuvent mener à de graves accidents) pouvant ainsi perdre vite sa capacité à bien conduire) Désoeuvrement du conducteur (avec risque Aide aux jeunes conducteurs novices pour les d'endormissement, de lassitude, etc.) aider à acquérir vite de l'expérience
Source : Mission IGA-CGEDD
Alors que Tesla présente la technologie Autopilot de son Model S comme étant du niveau 2 (échelle de la NHTSA), qui exige que le conducteur puisse reprendre la main à tout moment et sans avertissement préalable, beaucoup de conducteurs croient vite, sous l'effet de l'habitude, avoir à faire avec une voiture de niveau 3 (échelle de la SAE International ou échelle de la NHTSA) qui ne nécessite pas leur vigilance constante mais qui exige seulement qu'ils interviennent à la demande du système, avec un « temps de transition suffisamment confortable » selon l'échelle de la NHTSA. Le danger vient de ce risque de confusion modale. Le danger est le même pour le niveau 3 de la SAE International et pour le niveau 2 de la NHTSA. Le niveau 3 de la SAE International peut se révéler dangereux si les procédures de reprise en mains ne sont pas bonnes. En cas d'extrême urgence, il faut en effet que le conducteur au niveau 3 (SAE International) reprenne le contrôle de sa voiture dans un délai très court. Alors que beaucoup de constructeurs pensent que le bon délai de reprise en main dans des circonstances normales est de dix secondes, un tel délai est manifestement bien trop long dans des circonstances exceptionnelles, par exemple pour éviter des accidents comme celui de la Tesla Model S le 7 mai 2016 (qui circulait à la vitesse de 121 km/h). C'est la raison pour laquelle des constructeurs comme Volvo (projet Drive Me) ou Ford (projet Ford Smart Mobility), selon qui le niveau 3 restera trop dangereux quoi qu'on fasse, travaillent directement à produire des véhicules de niveau 4 (SAE International), sans passer par le difficile niveau 3 (SAE International). Il apparaît aussi que les véhicules au niveau 2 (SAE International), pour être sûrs, ne doivent pas engendrer de confusion dans l'esprit du conducteur. Il doit savoir à tout instant que son action et sa vigilance sont indispensables à la circulation en sécurité de son véhicule. Pour cela, soit le conducteur est tenu d'effectuer à tout moment des tâches indispensables de conduite (tourner le volant, etc.), soit le système vérifie à tout moment que le conducteur est bien en position de reconduire immédiatement (par exemple en l'obligeant à poser les mains sur le volant, en surveillant la position de la tête et des yeux, en l'astreignant à des tâches secondaires, etc.)24. Ces questions paraissent solubles, quoique les solutions
L'industrie ferroviaire a beaucoup travaillé aux « dispositifs de veille automatique » pour s'assurer en permanence que le conducteur d'un train est présent et conscient. Si le conducteur n'agit pas comme il convient, les dispositifs déclenchent l'arrêt d'urgence du train. Les dispositifs sont différents d'un pays à l'autre. La SNCF en France recourt à la « veille automatique à contrôle de maintien d'appui » (VACMA). Ce dispositif oblige le conducteur à agir de temps en temps sur une commande ou une autre ; en
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demandent beaucoup d'attention ; il semble bien que Tesla ne les ait pas bien toutes résolues pour ses voitures électriques avec Autopilot. La reprise en main de manière sûre par le conducteur en cas de nécessité est le problème le plus délicat auquel est confrontée toute l'industrie automobile. De nombreuses études ont été faites, et sont présentement accomplies à ce sujet dans de nombreux pays. Il apparaît que la bonne reprise en mains exige une anticipation qui doit être suffisamment longue, surtout si le conducteur est occupé à une autre tâche que la conduite. Demander à un conducteur d'être prêt à reprendre la main en urgence à tout moment sans être prévenu est une procédure dangereuse, même si la bonne veille du conducteur est constamment vérifiée par un système de monitoring (caméra, etc.). Reprendre la main ce n'est pas que reprendre le volant, c'est comprendre tout le contexte dans lequel évolue le véhicule. On voit que les problèmes posés par le niveau 3 (SAE International) sont difficiles à dénouer. Au niveau 3 en effet, lorsque la voiture est en mode autonome, le constructeur doit avoir fixé des procédures : (1) pour que le conducteur soit à même de reprendre la main aussi vite que la sécurité peut l'exiger mais avec un préavis suffisamment confortable (pour reprendre l'expression utilisée en mai 2013 par la NHTSA pour définir son niveau 3), (2) pour que la voiture s'immobilise sans danger si le conducteur ne réagit pas comme il convient25. Ce niveau 3 est un grand défi pour les constructeurs, les équipementiers et les entreprises de l'industrie numérique. Il est si grand d'ailleurs que plusieurs d'entre eux y renoncent en voulant passer directement du niveau 2 au niveau 4. De nombreuses administrations nationales dans le monde commencent à réfléchir sur les règles, probablement internationales, qui devront être fixées pour garantir la circulation des véhicules en mode autonome à ce niveau 3 (SAE International). Faut-il interdire le niveau 3 (échelle de la SAE International) ? Ce serait extrêmement difficile. Ce serait une décision à laquelle s'opposeraient de très nombreux constructeurs dans le monde. Car beaucoup d'entre eux s'apprêtent (comme les sociétés françaises Renault et PSA Peugeot Citroën) à commercialiser vers 2019-2021 des voitures de niveau 3 (SAE International). S'y opposeraient aussi de très nombreux États. Mais il est certain que l'industrie automobile devra, à ce niveau 3, apporter aux autorités d'homologation une solide démonstration de sécurité pour chaque type de véhicules.
cas d'inaction prolongée, un signal sonore retentit, précédant de quelques secondes le déclenchement de l'arrêt d'urgence. Contrairement aux cas des véhicules routiers, l'arrêt d'urgence est ici très facile à faire en toute sécurité, car la signalisation ferroviaire protège automatiquement le train de tout autre convoi. 25 C'est ce que la NHTSA appelle le « Terminal State » (cf. document de la NHTSA « Human Factors Evaluation of Level 2 And Level 3 Automated Driving Concepts Concepts of Operation » publié en juillet 2014) : « An example of this in an L3 vehicle would be when the automated component(s) detects a need for the operator to assume full control of the vehicle and sends an alert. The operator, for whatever reason, fails to disengage the automated component. While continuing to attempt to get the operator to comply, the system may have to bring the vehicle to a safe state. In both L2 and L3 vehicles, existing prototypes and designs indicate that many methods for handling the terminal state are in development. An example of placing the vehicle in a terminal state is having the automated component move the vehicle to the side of the road and come to a complete stop. ».
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Annexe n° 6 : Les investissements des entreprises sur l'automatisation des véhicules
Les investissements de confort et de sécurité les plus importants portent désormais sur les aides à la conduite, les capteurs, les systèmes informatiques et les connexions. Selon plusieurs études (Strategy& de PricewaterhouseCoopers en 2015, etc.), le marché de ces équipements à bord va augmenter vite dans les années à venir. Les technologies donnant lieu aux plus gros chiffres d'affaires seraient celles qui concernent, par ordre décroissant d'importance, (1) la sécurité (une cinquantaine de milliards d'euros dans cinq ans), (2) la conduite autonome, (3) « l'infotainement », (4) le confort, (5) la gestion des flottes à distance, (6) la gestion de la mobilité, (7) l'intégration des systèmes embarqués avec les autres systèmes utilisés dans la vie personnelle ou professionnelle du conducteur. Un puissant mouvement industriel et commercial est lancé, que rien ne paraît pouvoir freiner. Les innovations vont métamorphoser le véhicule routier. Concomitante avec le développement de l'Internet des objets, la métamorphose se produira vite même si l'autonomie de conduite à niveau élevé (5 pour les voitures) ne voyait pas le jour avant longtemps. 1 - Au moins trente-quatre entreprises accomplissent de gros investissements dans l'automatisation des véhicules (voitures surtout)26 : Apple (conduit le projet Titan auquel travailleraient 1 000 personnes, mais Apple27 aurait réduit fortement son effectif en décidant, à l'été de 2016, de se concentrer sur les technologies d'autonomie automobile et non plus sur la construction de véhicules autonomes) ; Audi (associé avec Alibaba, Baidu et Tencent) ; Baidu (développe le système d'autonomie appelé Baidu Brain, est associé à BMW, est autorisé à des expérimentations en Californie depuis la fin d'août 2016, est associé à Nvidia pour développer une plate-forme d'intelligence artificielle pour véhicule autonome) ; BMW (est associé à Baidu, Intel et Mobileye, est co-propriétaire de HERE avec Daimler et Audi) ; Bosch (est équipementier pour Google, Tesla, etc., est associé à TomTom pour la cartographie) ; Chery Automobile Co. (associé avec Baidu sur la voiture Chery eQ) ; DAF (étudie et expérimente28 des convois de camions semi-autonomes avec Daimler, Iveco, MAN, Scania et Volvo) ; Delphi Automotive (a acquis en juillet 2015 la société Ottomatika Inc. (qui produit des logiciels portant sur les données des capteurs), est associé avec le Land Transport Authority de Singapour, est associé avec Quanergy Systems pour concevoir de nouveaux lidars, est associé à Mobileye pour produire des véhicules autonomes au niveau 4 ou 5 de l'échelle de la SAE International dès 201929) ;
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Cf. CB Insights (article du 11 août 2016 intitulé « 33 Corporations Working On Autonomous Vehicles »), etc. Selon un article publié le 9 septembre 2016 par The New York Times. 28 Expérimentation notamment vers Amsterdam (Pays-Bas) en avril 2016. 29 Cf. communiqué de presse de Delphi et Mobileye publié le 24 août 2016.
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Ford30 ; General Motors (est propriétaire désormais de Sidecar et de Cruise Automation, est investisseur dans Lyft, développe son système d'autonomie appelé Super Cruise, a investi dans la société d'autopartage Yi Wei Xing Technology) ; Google X (a conduit de très nombreuses expérimentations en Californie, dans l'État de Washington et en Arizona, est associé à Fiat Chrysler Automobiles) ; Honda (mène des expérimentations en Californie) ; Hyundai ; IVECO ; Jaguar Land Rover (projette de déployer une flotte de cent véhicules pour des expérimentations en Grande-Bretagne) ; Kamaz (constructeur de camions en Russie, s'est associé en août 2016 à Yandex et l'Institut russe NAMI pour développer des navettes de transport public) ; Leshi Internet Information & Technology connue comme LeEco (entreprise chinoise de production de biens électroniques et de distribution de vidéos, dirigée par Jia Yueting, ayant annoncé en août 2016 vouloir construire une très grande usine de fabrication de voitures électriques LeSee, avec centre de recherches sur l'autonomie de conduite, à Huzhou dans la province du Zhejiang) ; MAN ; Mercedes-Benz, et plus largement, le groupe Daimler, (développe la très automatisée Class E) ; Microsoft (est associé à Volvo, Toyota et HERE) ; Mobileye (occupe une position centrale dans les capteurs et l'intelligence artificielle des voitures) ; Nvidia (célèbre fabricant de cartes graphiques qui développe Nvidia Drive PX2 avec deep learning, travaille à son projet de véhicule autonome BB8 équipé du système DaveNet, vend depuis octobre 2016 le système d'exploitation pour véhicule autonome appelé DriveWorks31 Alpha 1) ; Otto (rachetée par Uber en 2016, a développé un système d'autonomie pour camion, a procédé avec Budweiser en octobre 2016 à des essais de camions semi-autonomes au niveau 4 de Fort Collins à Colorado Spring aux États-Unis) ;
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Le 16 août 2016, la société Ford a annoncé son intention de commercialiser en grand nombre dès 2021 des véhicules autonomes de niveau 4 (échelle de la SAE International), dans le cadre de son projet « Ford Smart Mobility ». Ce serait des voitures commerciales (petites voitures à hayon, berlines ou SUV) sans volant ni pédales pour du « ride-sharing service » ou « ride-hailing service » (c'est-à-dire voitures en autopartage ou taxis-robots) ; elles circuleraient sur n'importe quel type de route, mais dans une zone bien délimitée et aménagée. Dans ce but, Ford est en train de doubler ses équipes de la Silicon Valley et du campus de Palo Alto en Californie, et de tripler sa flotte de véhicules en expérimentation en Californie, en Arizona et dans le Michigan. Ford a investi dans la société de la Silicon Valley appelée Velodyne pour produire des capteurs LiDAR moins onéreux, ainsi que dans l'entreprise californienne Civil Maps experte en cartographie 3D. Ford a acquis l'entreprise israélienne SAIPS, experte en intelligence artificielle (deep learning). Ford a encore passé un ambitieux accord avec la société Nirenberg Neuroscience fondée par la neuroscientifique Sheila Nirenberg. Ford a acquis la société Chariot (services de transport) de Californie en septembre 2016. 31 Le DriveWorks de la société Nvidia est un « Software Development Kit for Autonomous Driving » (cf. site de Nvidia). « Driveworks is an open platform for OEMs and car companies to pick and choose the bits they want/need for their solutions. » (selon le CEO de Nvidia le 28 septembre 2016).
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PSA Peugeot Citroën (a annoncé la commercialisation de voitures hands on de niveau 2 vers 2020, et hands off de niveau 3 32 entre 2020 et 2022, mène (seul ou avec ses partenaires) des expérimentations avec dix véhicules autonomes, quatre de ses prototypes (Citroën C4 Picasso) avaient déjà parcouru 60 000 kilomètres d'essais sur route ouverte en Europe à l'été de 2016) ; Renault-Nissan (conduit des expérimentations de la Nissan LEAF à Tokyo, est associé à Toyota pour la cartographie, a acheté en septembre 2016 le développeur français de logiciels Sylpheo, a annoncé en septembre 2016 s'allier avec Microsoft pour un partenariat sur la voiture connectée, a fondé dans le cadre de l'Alliance Renault-Nissan une Mobility Division de 300 personnes pour le développement et la vente en 2020 de dix modèles avec fonctions d'autonomie, développe (par Nissan) la technologie d'autonomie appelée ProPilot) ; Scania ; Tata Elxsi ; Tesla (a développé ses Model S et X avec Mobileye sans LiDAR, prépare la Model 3 avec Nvidia, a annoncé en octobre 2016 que le niveau 5 serait techniquement atteint dès la fin de 2017) ; Toyota (a annoncé un budget d'un milliard de dollars en cinq ans pour fonder un centre de R&D Toyota Research Institute sur le véhicule autonome près de l'Université Stanford et près du MIT aux États-Unis, est associé à trois universités américaines33, est associé avec Uber China racheté par Didi) ; Uber (a institué un centre de recherches à Pittsburgh, est associé à l'Université d'Arizona) ; Volkswagen (prépare pour 2017 le SUV semi-autonome XC90, est associé à Microsoft, est associé avec la société d'autopartage Gett) ; Volvo Cars (conduit l'ambitieux projet Drive Me, s'est associé à Uber pour les taxis autonomes, a fondé une coentreprise avec la société américano-suédoise Autoliv pour développer les aides à la conduite et les systèmes d'autonomie, est en train de recruter 450 personnes en Suède pour ses travaux de recherche et développement sur la voiture autonome) ; Yutong (a conduit avec succès ses premières expérimentations en Chine avec des bus autonomes).
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Cf. déclaration à la mission CGEDD-IGA du représentant de PSA lors de la réunion avec VeDeCoM à Versailles le 22 septembre 2016. 33 MIT, Stanford et Université du Michigan.
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2 - Selon le rapport de la société de conseil Strategy& (qui dépend de PricewaterhouseCoopers) du 16 septembre 2015 34 , les dépenses d'investissements innovants en faveur des voitures connectées permettent de classer ainsi les constructeurs du monde selon une échelle prenant en compte quatre critères (degré d'innovation, objet, originalité et maturité) :
Source : Strategy& (une branche de PwC)
Et pour ce qui concerne les équipementiers :
Source : Strategy&
Les efforts et réussites ainsi pris en compte regardent sept domaines des technologies de la voiture connectée : 34
sécurité (marché de 49,3 milliards d'euros en 2021) ;
« Connected Car Study 2015: Racing ahead with autonomous cars and digital innovation » par Richard Viereckl, Dietmar Ahlemann, Alex Koster et Sebastian Jursch, rapport publié le 16 septembre 2015.
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conduite autonome (marché de 39,6 milliards d'euros en 2021) ; infotainement (marché de 13,4 milliards d'euros en 2021) ; confort (marché de 7,6 milliards d'euros en 2021) ; gestion des flottes à distance (marché de 7,1 milliards d'euros en 2021) ; gestion de la mobilité (marché de 5,6 milliards d'euros en 2021) ; intégration avec les autres systèmes de la vie courante du conducteur (marché de 66 millions d'euros en 2021).
Les conclusions de Strategy& démontrent notamment que : les dépenses en faveur de la conduite autonome seront de grande importance dans les toutes prochaines années ; les constructeurs et équipementiers allemands sont au premier rang de l'innovation, mais les succès des Japonais, Américains et Coréens sont aussi de grande importance.
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Il faut garder à l'esprit que les entreprises d'Internet (Google, Apple, Uber, etc.) travaillant au véhicule autonome ne sont pas prises en considération dans cette comparaison des investissements, quoique leurs propres efforts d'innovation représentent un grand défi pour toute l'industrie automobile. 3 - Le rapport de Thomson Reuters35 appelé « The 2016 State of Self-Driving Automotive Innovation » de janvier 2016, fondé sur les brevets déposés pour (A) la conduite autonome, (B) l'aide à la conduite et (C) la télématique, confirme en partie les conclusions précédentes. Tandis que le nombre de ces brevets a augmenté de beaucoup depuis 2011 (près de 4 800 en 2015), on observe que le nombre le plus grand et l'augmentation la plus rapide regardent la catégorie A. Pour les années courant de 2010 à octobre 2015, Toyota, Denso, Bosh, Nissan, Honda, Hyundai, Mitsubishi, Daimler, General Motors et Fuji sont, dans la catégorie A, les leaders ; dans la catégorie B, il s'agit de Bosch, Toyota, Hyundai, Daimler, Continental, General Motors, Volkswagen, Audi, BMW et Mando ; dans la catégorie C, on trouve General Motors, Hyundai, Marvell, LG, Denso, Samsung, UPS, ETRI, SK Hynix et Mitsubishi. L'absence des grandes sociétés d'Internet dans ce tableau est remarquable. Ce qui conduit l'auteur du rapport à écrire : « Tech and media companies like Apple, Google, Tesla and others entering the space have definite advantages in terms of their contributions to the future car. However, most lack the necessary manufactoring expertise and facilities possessed by traditional automotive companies that can move R&D projects to viable, commercial realities. ». 4 - La société Roland Berger36 a présenté à Bruxelles le 16 février 2016 sa vision de l'avenir de l'automobile. Elle a montré notamment la force des différents constructeurs et équipementiers pour développer et commercialiser des automatismes permettant des conduites partiellement autonomes. Les industries en Allemagne, aux États-Unis, au Japon et en Suède paraissent avoir une longueur d'avance sur les autres à cet égard. Surtout l'industrie allemande.
Groupe international d'information professionnelle, financière et juridique qui emploie plus de 50 000 personnes. « Automotive 4.0 Outlook and Implications TRAN hearing on `'Towards a European Road Safety Area'' » par Sebastian Feldmann (partenaire de Roland Berger GmbH).
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Source : Roland Berger
5 - Ajoutons encore que dans une étude achevée en décembre 2015, la société britannique Juniper Reseach a dressé la liste des cinq sociétés les plus prometteuses envers la voiture autonome. Elle a pour cela pris en compte plusieurs critères comme ceux-ci : essais, expérimentations sur route, développement technologique, ambition du projet, potentiel, opportunités commerciales. Les cinq premiers de la liste sont : Google, Volvo, Daimler, Tesla et Apple. 6 - Dans un rapport d'avril 2016 (« Determining Who's in the Fastlane for Autonomous Vehicles: A Comparison of Automotive OEM Plans for Driverless Cars »), la société Lux Research a évalué la capacité de douze parmi les constructeurs les plus avancés à gagner la course au véhicule autonome. Pour cela, elle a pesé notamment la stratégie, la feuille de route, les partenariats et les investissements de chaque constructeur.
Source : Lux Research
Les auteurs en conclu de leur analyse que seuls cinq constructeurs détiennent la clef du succès : Daimler, Honda, Hyundai, Toyota et Volvo. Et ils ont ajouté : « Automotive companies aspiring to become `'mobility providers'' earning money from services like ride-sharing rather than simply sales of cars are the most likely to succeed in this rapidly changing marketplace. ».
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7 - Ces cinq rapports démontrent la puissance de feu, pour préparer l'automatisation des véhicules, des constructeurs et équipementiers allemands, japonais, américains et coréens. Les constructeurs français sont-ils en arrière37 ? Ils ne sont jamais cités en tant que tels dans le rapport de Thomson Reuters. Toutefois, Renault y est présente par son partenaire japonais Nissan. Pour ce qui concerne l'autonomie de conduite (catégorie A), Nissan (au 4e rang) a déposé trois fois moins de brevets que le premier de la catégorie A, à savoir le constructeur japonais Toyota, et un peu moins que l'équipementier allemand Robert Bosch GmbH. Pour ce qui concerne les brevets relatifs aux aides à la conduite (catégorie B), Nissan (au 11e rang) a déposé quatre fois moins de brevets (200 contre 800 entre 2010 et octobre 2015) que le premier de la catégorie B, à savoir Bosch, et presque trois fois moins que Toyota. Pour ce qui concerne la télématique, Nissan ne figure pas dans la liste des seize premières entreprises citées par Thomson Reuters. Quant à l'équipementier français Valeo, il est au-delà du vingtième rang pour les brevets relatifs à l'autonomie de conduite, au treizième rang pour les brevets relatifs aux aides à la conduite, et au-delà du seizième rang pour la télématique. Il est vrai que dans les trois rapports, il est fait l'hypothèse que les grands de l'automatisme font la course en tête. Ce ne serait plus vrai si les constructeurs et équipementiers actuels (Mercedes-Benz, Bosch, Toyota, etc.) se laissaient dominer par les géants de l'Internet (Google, Baidu, etc.) sur le terrain de l'intelligence artificielle des véhicules. 8 - Remarquons que les entreprises chinoises ne sont pas reprises dans les listes de Thomson Reuters. Se peut-il néanmoins que la Chine surprenne un jour le monde par sa capacité insoupçonnée d'investissement et d'innovation ? La Chine est désormais le plus grand marché automobile (voitures neuves) au monde38. Suivant le plan quinquennal 2016-2022 de l'État chinois qui a dégagé un budget pour les véhicules autonomes de 10 milliards de yuans (environ 1,3 milliard d'euros), de nombreuses et puissantes sociétés et universités chinoises travaillent sur le véhicule autonome (voiture et bus notamment). Singulièrement : des constructeurs : Changan, Dongfeng Motors (partenaire de PSA), GAC Group, SAIC Motor (partenaire de Volkswagen), BAIC Group, FAW Group, Geely, BYD Auto (partenaire de Daimler pour construire des voitures électriques), Chery Automobile, Yutong (constructeur d'autobus qui expérimente des bus autonomes dans ses emprises de Zhengzhou3940) ; des sociétés d'Internet : Baidu (partenaire de BMW), Leshi Internet Information & Technology (LeEco), Huawei, Alibaba Group (travaillant avec SAIC Motor pour des véhicules autonomes équipés du système appelé YunOS), Tencent Holdings (qui projette de produire industriellement avant 2020, dans le cadre d'une Joint Venture appelée Future Mobility, des voitures électriques et autonomes en coopération avec la société taiwanaise Hon Hai Precision Industry41) ; des universités : Tongji (Shanghai), Tsinghua (Pékin).
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Rappelons que les constructeurs français font face depuis de nombreuses années à une rude concurrence des autres constructeurs partout dans le monde. Selon le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA, cf. « L'industrie automobile française Analyse et statistiques 2014 »), la production de voitures particulières des constructeurs français a diminué de 9,6 % entre 2007 et 2013 dans le monde, et de 46,3 % entre 2007 et 2013 en France. Le poids des constructeurs français dans le monde était de 7,3 %, en diminution. Le commerce extérieur automobile de la France (tous constructeurs confondus) est négatif depuis une dizaine d'années : le déficit était de 5,6 milliards d'euros en 2013. 38 Marché de 21 millions de voitures neuves en 2015 (30 % des ventes dans le monde entier), contre 17,4 millions aux États-Unis, 13,7 millions dans l'Union européenne, 4,2 millions au Japon, 2,8 millions en Inde et 2,5 millions au Brésil. 39 Yutong Industrial Park de Zhengzhou dans la province du Henan (Chine). 40 Des expérimentations sur route ouverte ont notamment été faites en 2015 sur la grande route qui relie Zhengzhou et Kaifeng (province du Henan), villes distantes de 32,6 kilomètres. La vitesse de pointe était de 68 km/h. Il y avait 26 feux de circulation à franchir d'une ville à l'autre. Le bus totalement autonome des expérimentations était équipé de caméras et de lidars (un lidar de chaque côté du bus). 41 Plus connue sous son nom commercial Foxconn Technology Group.
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Notons bien que dans les prévisions publiées par la société IHS Automotive le 7 juin 2016 concernant les ventes de voitures autonomes ou semi-autonomes en 2035, il y aurait 5,7 millions de ces voitures en Chine (marché le plus vaste au monde pour ces voitures), 4,4 millions aux États-Unis, 3 millions dans l'Union européenne, 1,2 million dans l'ensemble Japon-Corée comme en Europe de l'est. 9 - La détermination chinoise peut se mesurer aussi à l'effort en faveur des expérimentations. Par exemple, dans la ville d'Anting au sein du district de Jiading4243 (dans le nord-ouest de la municipalité de Shanghai), ville où se situe l'un des plus grands centres de construction automobile en Chine44, une grande zone pilote (dans le cadre d'un projet appelé « A Nice City ») a été ouverte aux voitures autonomes en expérimentation. Autorisée par le ministère de l'industrie et de l'information, elle est la première de ce genre en Chine. Pour l'administrer, un groupement professionnel a été fondé : le United Innovation Center of Intelligent Connected Vehicle Industry and Technology (ICV). Cet ICV rassemble : 15 instituts de recherche (China Automotive Technology and Research Center (CATARC), etc.) ; 4 universités (dont celle de Tongji à Shanghai et celle de Tsinghua à Pékin) ; 18 constructeurs (à savoir Audi, BMW, BAIC, FAW Group, Changan, Ford, Geely, GM, Greatwall, NextEV, PATAC, Porsche, SAIC Motor, Tesla, Toyota, Volvo, Yutong, Mercedes-Benz) ; 5 équipementiers (à savoir Bosch, Continental, Delphi, Harman, Murata Manufactoring) ; 11 entreprises d'information et de communication (Baidu, Gaode, Huawei, Infineon, ZTE, Company360, China Unicom, etc.) ; 4 incubateurs et fournisseurs de services (à savoir Shanghai International Automobile City ou SIAC, Auto Innovation Park, EVCARD45, Edrive).
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Il n'y a dans cette liste ni PSA-Dongfeng, ni Renault-Nissan. Ce groupement (ICV) va gérer la zone pilote (National ICV Testing Demonstration Base) de Jiading, qui fera une grande place aux communications V2X46. La zone expérimentale de Jiading s'étendra en quatre étapes : la première étape, commencée lors de l'inauguration officielle de la zone pilote à Anting les 7 et 8 juin 2016, porte sur une zone fermée (pas de route ouverte) de 2 km² ; la deuxième étape commencera en décembre 2016, et couvrira 5 km² dans les emprises du Shanghai Auto Expo Park et du campus de l'université de Tongji ; la troisième étape commencera en décembre 2017, et couvrira 100 km² (toute la ville d'Anting) pour 5 000 véhicules autonomes ; la quatrième et dernière étape débutera en 2019, et la zone pilote couvrira alors un territoire de 150 km² (connectant Anting et le Hongqiao Transportation Hub) sur lequel circuleront 10 000 véhicules autonomes (qui pourront librement rouler sur 500 kilomètres de route).
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Là où se trouve le Circuit international de Shanghai (qui accueille notamment le Grand Prix de Chine de Formule 1). Ce district de Jiading concentre 70 % de la production de l'industrie automobile de la municipalité de Shanghai (25 millions d'habitants environ dans toute la municipalité). 44 C'est en cette ville d'Anting que sont produites les voitures du partenariat sino-allemand SAIC Volkswagen Automotive. Cette joint venture détient la plus grosse part de marché du pays (sous les marques Volkswagen et Skoda). 45 Système d'autopartage de voitures électriques à Shanghai, ouvert en janvier 2015. 46 Les systèmes de la zone pilote de Jiading utiliseront les communications DSRC (Dedicated Short Range Communications) des États-Unis, le LTE-V (Long Terme Evolution-Vehicle) de la Chine et la future 5G.
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10 - Une autre expérimentation va se développer en Chine à Wuhu (ville de près de quatre millions d'habitants dans la province de l'Anhui), dans le cadre d'une coopération conclue en 2016 entre la ville et la société Baidu portant sur les bus, les navettes et les taxis robots. Dans une première étape de trois ans, certaines zones de Wuhu seront délimitées pour des essais de véhicules autonomes. Dans l'étape suivante, des premiers services commerciaux seront offerts aux habitants. Dans une troisième et dernière étape, dans cinq ans environ, les véhicules autonomes circuleront dans toute la ville en service commercial. 11 - Le 19 octobre 2016 en Californie, le directeur général de Tesla Motors (Elon Musk) a annoncé que ses nouvelles voitures Model S et Model X seront dès maintenant toutes équipées de huit caméras (d'une portée de 250 mètres), de douze capteurs à ultrasons (de portée deux fois plus longue qu'aujourd'hui) et d'un radar à l'avant (permettant de voir le véhicule qui est devant le véhicule qui précède la Tesla). Le système d'intelligence artificielle (Tesla Vision avec deep learning, quarante fois plus puissant qu'aujourd'hui) sera désormais fourni par la société Nvidia (plate-forme Drive PX 2), et non plus par Mobileye. Le système d'autonomie développé par Tesla prend le nom d'Autopilot 2.0 désormais. Les aides à la conduite (freinage d'urgence, maintien dans la file, avertisseur de collision, régulateur de vitesse adaptatif, etc.) des nouvelles voitures seront activées progressivement en 2016 et 2017 (par la technologie On The Air ou OTA tous les deux ou trois mois), après analyses des données recueillies auprès des voitures vendues et validation du système d'autonomie. Aussi les nouvelles voitures des Model S et X auront-elles momentanément, jusqu'en décembre 2016 probablement, moins de fonctionnalités que les actuelles. Les voitures des deux modèles (S et X) seront désormais toutes équipées pour permettre un jour l'autonomie complète. Elles seront vendues avec deux options. La première option, appelée Enhanced Autopilot, vaudra 5 000 dollars. Elle n'utilisera que quatre caméras, et non huit. Elle permettra une conduite semi-autonome dès la fin de 2016 : changement automatique de file, parking automatique, sortie automatique d'autoroute, etc. La seconde option, appelée Full Self-Driving Capability, vaudra 8 000 dollars. Elle permettra à terme la conduite totalement autonome (niveau 5 selon l'échelle de la SAE International) avec saisie de la destination au départ. La conduite totalement autonome sous la seconde option ne sera activée qu'à une date inconnue qui dépendra singulièrement de la réglementation ; mais Elon Musk a assuré le 19 octobre 2016 que l'autonomie totale sera techniquement prête à la fin de 2017. Selon l'industriel, la sécurité sera améliorée d'un facteur deux au moins. Une expérimentation d'un parcours en niveau 5 sera faite de Los Angeles à New York avant la fin de 2017, sans une seule action sur le volant (« without the need for a single touch »). Tesla Motors prépare la vente en 2017 d'un nouveau modèle moins cher (à partir de 35 000 dollars), appelé Model 3. Des voitures de ce modèle seront aussi vendues avec les deux options d'autonomie. 12 - En de nombreux pays du monde, les expérimentations ont pour objet de préparer l'automatisation de plus en plus poussée des véhicules. Mais pourront-elles prouver l'amélioration constante et suffisante de la sécurité ? Les quelques études faites paraissent démontrer que les distances ainsi parcourues sont encore bien trop petites pour en induire des conclusions sûres. Néanmoins, les expérimentations donnent d'utiles résultats de tendance. 13 - Ainsi en est-il d'une étude accomplie par le Virginia Tech Transportation Institute47 (étude commandée par Google) sur les voitures autonomes de Google, la société qui accomplit les plus nombreux essais sur voie publique, a donné lieu à rapport final en janvier 201648. L'auteur a comparé les résultats des accidents du programme Self-Driving Car de Google avec les données connues et corrigées49 des accidents pour l'ensemble du pays (États-Unis). L'étude a discerné quatre niveaux de gravité des accidents ; toutefois le niveau 4, le moins grave, regroupe des incidents si faibles que l'étude n'en a pas tenu compte.
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VTTI. « Automated Vehicle Crash Rate Comparison Using Naturalistic Data ». 49 De nombreux accidents ne sont pas connus des autorités publiques.
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Les conclusions sont que le taux d'accidents sérieux (niveaux 1 et 2) est plus bas pour les voitures autonomes de Google que les taux nationaux : 1,6 contre 2,5 accidents par million de milles pour le niveau 1, et 1,6 contre 3,3 accidents par million de milles pour le niveau 2. Pour les accidents les moins graves (niveau 3), l'écart est encore plus grand : 5,6 contre 14,4. Mais les distances parcourues par les voitures de Google sont très courtes (1,3 million de milles) comparées aux distances de l'étude nationale50 à laquelle l'auteur a travaillé (34 millions de milles51). Pour cette raison, l'auteur ne peut être sûr de la robustesse de ses conclusions. S'agissant des petits accidents (niveau 3), qui apparaissent au moins deux fois moins nombreux dans le cas des voitures de Google, il révèle en revanche un fait d'importance : l'analyse des données de Google démontre que jamais les voitures de Google n'ont été en faute lors des accidents étudiés52. Selon l'auteur du VTTI, cette conclusion tend à démontrer que des véhicules autonomes à faible vitesse seraient très sûrs. 14 Sur la question des distances parcourues par les véhicules autonomes en essais, une étude de grand intérêt53 a été faite par Rand Corporation aux États-Unis en 2016. Les conclusions sont résumées dans le graphique ci-dessous. Considérons par exemple le nombre des tués (« fatality »). Si l'on voulait prouver que le taux de défaillance d'un véhicule autonome était inférieur de 20 % à celui des autres voitures54, il faudrait que la distance parcourue par les véhicules autonomes de même type soit de onze milliards de milles (presque dix mille fois la distance déjà parcourue par toutes les voitures de Google). Autrement dit, pour une flotte de 100 véhicules autonomes circulant à toute heure de l'année, il faudrait... 518 ans d'essais ! La conclusion des auteurs, c'est que l'amélioration quant à la sécurité routière grâce à l'automatisation des voitures, préalable à l'acceptation de véhicules commercialisés, devra être prouvée d'une manière autre que par des expérimentations sur route ouverte. Il faudra des mesures in vitro (simulations informatiques, etc.) et non in situ.
Source : Rand
Appelée « Second Strategic Highway Research Program (SHRP 2) Naturalistic Driving Study (NDS) » ou plus simplement SHRP 2 NDS 51 Le trafic annuel aux États-Unis étant de 3 000 milliards de véhicules-milles. 52 Le désormais célèbre accident à très faible vitesse de la voiture Google à Mountain View (Californie) a eu lieu le 14 février 2016, après la fin de l'étude du VTTI. 53 « Driving to Safety How Many Miles of Driving Would It Take to Demonstrate Autonomous Vehicle Reliability » par Nidhi Kalra et Susan M. Paddock. 54 L'auteur a retenu un niveau de confiance de 95 % et une puissance de test de 80 %.
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15 - Des sociétés se sont d'ailleurs développées pour entreprendre ces simulations par ordinateur : ainsi la société néerlandaise TASS International, ainsi la société française ESI Group (avec son simulateur de capteurs Pro-SiVIC). Des instituts de recherche travaillent aussi à ces simulations : ainsi le Laboratoire sur les interactions véhicules-infrastructure-conducteurs (LIVIC), dépendant de L'IFSTTAR55, avec la plate-forme SiVIC56, étroitement associé à la société ESI Group. La société TASS International travaille beaucoup sur la sécurité générale des véhicules automatisés, tandis que le LIVIC de L'IFSTTAR travaille sur la qualité de leurs capteurs. En France, l'UTAC CERAM se prépare activement à l'homologation des nouvelles aides à la conduite et des systèmes d'autonomie de conduite. Sur la difficulté à valider la sécurité des aides à la conduite qui sont de plus en plus complexes, on pourra lire la communication « Facing ADAS validation complexity with usage oriented testing » de Laurent Raffaëlli, Frédérique Vallée, Guy Fayolle, Philippe De Souza, Xavier Rouah, Matthieu Pfeiffer, Stéphane Géronimi, Frédéric Pétrot et Samia Ahiad, de janvier 2016. En France, dans le cadre de la Nouvelle France Industrielle (NFI), l'institut de recherche technologique (IRT) en Île-de-France appelé SystemX a lancé le 1er mars 2015 son projet 2015-2019 « Simulation pour la sécurité du véhicule autonome » (SVA). Comme l'a expliqué SystemX : « Le projet SVA, dans le cadre du plan Véhicule Autonome de la Nouvelle France Industrielle, a pour objectif de répondre par la simulation numérique au défi posé par la complexité de la démonstration de la sécurité du véhicule autonome. En effet, cette complexité, liée à la fois au grand nombre de situations que le conducteur rencontre sur la route, leur incertitude, et aux technologies embarquées, rend les validations par des tests en usages réels extrêmement coûteux, voire impossibles pour certains. ». Le projet SVA a deux objectifs : « Fournir aux constructeurs et aux équipementiers une méthodologie, une plateforme et des outils de simulation pour permettre de concevoir des véhicules autonomes sûrs et de les valider » ; « Spécifier, adapter ou développer des modèles des éléments du véhicule et de son environnement afin de pouvoir simuler le comportement du véhicule en cas d'apparition d'une défaillance d'un de ses composants ainsi que l'incidence sur son fonctionnement de perturbations extérieurs (effacement de marquages au sol, éblouissement...) ». 16 - C'est en Californie que les expérimentations de voitures autonomes sont actuellement les plus nombreuses. Conformément à la loi de cet État 57 , les sociétés ayant reçu autorisation pour des expérimentations sur les routes publiques de Californie ont remis leurs données de la période octobre 2014-novembre 2015 sur les « disengagements » : désactivations du système d'autonomie quand la voiture
L'IFSTTAR (laboratoires LICIT, GRETTIA et LEPSIS) a aussi développé le simulateur Symuvia pour étudier les circulations routières. Mais il n'a jamais encore été utilisé pour étudier les conséquences de la circulation de véhicules autonomes en ville. Mais il a montré que les connexions V2X amélioraient nettement la fluidité des circulations urbaines. 56 Cf. « Development of Full Speed Range ACC with SiVIC, a virtual platform for ADAS Prototyping, Test and Evaluation » de Dominique Gruyer, Steve Pechberti et Sébastien Glaser. 57 « §227.46 Reporting Disengagement of Autonomous Mode. (a) Upon receipt of a Manufacturer's Testing Permit, a manufacturer shall commence retaining data related to the disengagement of the autonomous mode. For the purposes of this section, "disengagement" means a deactivation of the autonomous mode when a failure of the autonomous technology is detected or when the safe operation of the vehicle requires that the autonomous vehicle test driver disengage the autonomous mode and take immediate manual control of the vehicle. (b) Every manufacturer authorized under this article to test autonomous vehicles on public roads shall prepare and submit to the st department an annual report summarizing the information compiled pursuant to subdivision (a) by January 1 , of each year. th (1) The first report shall cover the period from the date of issuance of the Manufacturer's Testing Permit to November 30 of the following year. st th (2) After the first report, subsequent annual reports shall cover the period December 1 of the current year to November 30 of the following year. » (extrait de la réglementation de Californie sur les « Autonomous Vehicles »).
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rend la main au conducteur pour quelque raison que ce soit. Cruise Automation, BMW, Honda et Ford avaient été exemptés de ce rapport, car leurs autorisations étaient trop récentes. Les résultats des six sociétés sont : pour Bosch, 625 désactivations pour 935 miles parcourus, pour Delphi, 405 désactivations pour 16 662 milles parcourus, pour Google, 341 désactivations pour 424 331 milles parcourus, pour Nissan, 106 désactivations pour 1 485 milles parcourus, pour Mercedes-Benz, 967 désactivations pour 1 337 milles parcourus, pour Tesla Motors, aucune désactivation (sic), le nombre de milles parcourus n'ayant pas été révélés), pour Volkswagen, 260 désactivations pour 14 945 milles parcourus (57 milles par désactivation en moyenne).
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Il faut avoir à l'esprit que la société Tesla, en plus de ses expérimentations, tire beaucoup d'enseignements des voitures qu'elle a vendues et qui, en circulation, lui envoient continûment des données. En mai 2016, Tesla faisait savoir que ses voitures connectées et semi-autonomes avaient déjà parcouru depuis 2014 (année d'introduction de son système de semi-autonomie) la distance totale de 780 millions de milles ; entre octobre 2015 et mai 2016, les voitures ont circulé en mode dit autonome sur une distance cumulée de 100 millions de milles58. De très loin, Google est la société qui a parcouru la plus grande distance. Parmi les 341 désactivations qu'elle a consignées (1 désactivation tous les 1 244 miles en moyenne), 272 sont dues à une défaillance de la technologie d'autonomie. Les autres désactivations, 69 précisément (soit 20 % des cas), sont dues à une action du conducteur pour un motif de sécurité. Mais selon Google, seulement 13 parmi ces 69 désactivations avaient pour but de prévenir une collision (avec une voiture ou autre). Précision d'importance : selon Google, les conducteurs de ses voitures ne cherchent pas à avoir aussi peu de désactivations qu'il est possible, car les désactivations sont aussi un moyen d'éprouver et d'analyser le système d'autonomie. Selon Google, le nombre de désactivations est néanmoins en rapide diminution : 5 318 milles par désactivation au quatrième trimestre de 2015 contre 785 milles par désactivation au premier trimestre de 2014. Il est important d'avoir à l'esprit que les expérimentations de Google se font surtout dans les rues, dans celles de Mountain View (en Californie) et alentour en particulier. Or, c'est pour ces circulations urbaines ou péri-urbaines que les difficultés de la conduite autonome sont les plus grandes : de très nombreuses circonstances peuvent conduire en effet à la désactivation59. D'ailleurs, sur les 341 désactivations de
Cf. « « Tesla Tests Self-Driving Functions with Secret Updates to Its Customers' Cars The Internet connection built into every Tesla gives the company a unique advantage in the race to develop autonomous vehicles. » par Tom Simonite (article publié le 24 mai 2016 par le MIT Technology Review). 59 Dans son rapport de décembre 2015, Google a écrit : « Mastering autonomous driving on city streets rather than freeways, interstates or highways requires us to navigate complex road environments such as multi-lane intersections or unprotected lefthand turns, a larger variety of road users including cyclists and pedestrians, and more unpredictable behavior from other road users. This differs from the driving undertaken by an average American driver who will spend a larger proportion of their driving miles on less complex roads such as freeways. No surprisingly, 89 percent of our reportable disengagements have occured in this complex street environment [...]. »
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Google, 304 regardaient une route de type street, 32 pour le type highway, 4 pour le type freeway et 1 pour le type interstate. L'accident d'une Google Car le 23 septembre 2016 a été assez abondamment relaté par la presse américaine, car c'est le plus grave des accidents d'une Google Car ; les dommages matériels n'ont jamais été importants. La voiture en mode autonome a été heurtée par un autre véhicule qui venait de brûler un feu rouge. 17 - Le gouvernement et l'administration des États-Unis (le secrétaire aux transports et l'administrateur de la NHTSA) réfléchissent sur la possibilité de construire un centre d'essais pour tester et certifier officiellement les aides à la conduite et les systèmes d'autonomie. Parmi les sites envisagés, il y en a un dans le Michigan (ancien site de General Motors dit Willow Run à Ypsilanti) et un autre en Californie (GoMentum Station à Concord). 18 - Parmi les autres expérimentations aux États-Unis, il faut citer la circulation d'une Audi SQ5 entre San Francisco et New York (5 633 kilomètres) en mars 2015 par l'équipementier Delphi. Il faut citer encore le périple de l'équipementier Valeo (« Valeo Hands off Tour » de 13 000 milles, plus ou moins le long des frontières des États-Unis) de la voiture autonome Cruise4U une Volswagen Passat entre le 1er août et le 15 septembre 2016. La voiture était équipée d'une caméra frontale, et de quatre radars pour permettre les changements de file. Mais elle était surtout équipée d'un laser appelé Valeo SCALA qui peut détecter devant le véhicule tout objet et toute personne, à haute ou basse vitesse, de jour comme de nuit. 19 - En France dans la région Rhône-Alpes-Auvergne, le pôle de compétitivité Lyon Urban Truck & Bus a préparé la plate-forme Transpolis pour préparer les futurs moyens de transport. Transpolis se développera sur les deux sites voisins des Fromentaux et de La Valbonne dans l'Ain. Pour les véhicules autonomes, c'est surtout le site des Fromentaux, autrefois terrain militaire de quelque soixante-dix hectares, qui sera utilisé à partir de 2018. Sont actionnaires de la société Transpolis : L'IFSTTAR, Colas, Renault Trucks, Bretagne Mega, Vibratec SA, Adetel Group et EVE System. 20 - S'agissant des communications V2X, un assez grand nombre d'entreprises européennes dans les secteurs des automobiles et des télécommunications60 ont publié le 6 juillet 2016 un projet de proposition à la Commission européenne appelé : « Draft proposal: pre-deployment project for connected and automated driving ». Ce projet 2017-2021 a pour but d'étudier la circulation en Europe de plusieurs centaines de véhicules par pays pour tester notamment les technologies des véhicules connectés ou automatisés en passant les frontières. 21 - L'État de Victoria en Australie a passé accord en 2016 avec la Transport Accident Commission (TAC), l'équipementier allemand Bosch et VicRoads (l'autorité publique chargée des routes et des circulations dans l'État). Pour les essais, un véhicule autonome (de niveau 4 selon l'échelle de la SAE International) a été mis au point par Bosch à Clayton (à Victoria), sur la base d'une voiture Tesla Model S P85D.
Selon les auteurs du projet de proposition, les sociétés suivantes pourraient s'associer au projet d'expérimentation : Deutsche Telekom, KPN, Orange, Proximus, Vodafone, Eurofiber, Play, Ericsson, Nokia, Autoliv, Bosch, Continental, Valeo, BMW, Daimler, FCA, Ford, Hyundai, JLR, Opel, PSA, Renault, Toyota and VW.
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La voiture Tesla Model S rééquipée par Bosch dans l'État de Victoria en Australie en 2016
(source : État de Victoria)
Ces essais et démonstrations en Australie avaient été précédés par d'autres accomplis en novembre 2015 à Adelaïde (capitale de l'Australie-Méridionale) par Volvo Cars avec la voiture Volvo XC90.
La voiture Volvo XC90 à Adelaïde (Australie) en novembre 2015 pour des essais (photographie de Motoring) (source : Volvo) 22 - Fondée par deux professeurs (Ingmar Posner et Paul Newman) du Mobile Robotics Group (MRG) de l'Université d'Oxford, Oxbotica est une entreprise britannique qui conçoit des systèmes d'autonomie pour véhicules. Son dernier système s'appelle Selenium. Il équipe huit navettes expérimentales à Greenwich (Londres), au titre du grand projet GATEway ; des circulations expérimentales commenceront au début de 2017, et dureront six mois. Une voiture d'Oxbotica (avec Selenium) a été testée en octobre 2016 dans la ville nouvelle de Milton Keynes (Buckinghamshire) en Angleterre, dans le cadre du Lutz Pathfinder Project.
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La voiture autonome d'Oxbotica à Milton Keynes (Angleterre) en octobre 2016
(source : Oxbotica)
23 - Pendant le Mondial de l'automobile à Paris en octobre 2016, l'équipementier français Valeo a procédé à des expérimentations en France de son système d'autonomie appe « Cruise4U » (niveau 3 selon appelé l'échelle de la SAE International). 24 - En août 2016, le gouvernement de Corée du Sud a décidé de construire un centre d'essai pour véhicules autonomes, à Hwaseong (province de Gyeonggi), sous le nom de K City. Le nouveau c K-City. centre sera près des installations actuelles de la Korean Transportation Safety Authority à Hwaseong. Les travaux coûteront environ 17 millions de dollars américains ; ils se termineront en décembre 2019. En dehors de ce centre d'essai, le gouvernement coréen a autorisé les expérimentations de véhicule autonome sur 320 kilomètres de routes ouvertes. 25 - La société chinoise Baidu, en association avec trois constructeurs et équipementiers chinois (Chery Automobiles Co., BYD Auto et Shou Qi Group), a testé des voitures autonomes (une douzaine au moins) à Wuzhen (province de Zhejiang) en novembre 2016, à l'occasion de la World Internet Conference en cette ville.
Source : Baidu
Les circulations ont eu lieu sur un trajet de cinq kilomètres, à la vitesse maximale de 60 km/h. Les voitures sont équipées de lidar de la société Velodyne. 26 - En octobre 2015, la province canadienne de l'Ontario a été la première du pays à se lancer dans des expérimentations de véhicules autonomes sur route ouverte. Elles ont commencé en janvier 2016.
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27 - En France, treize expérimentations ont été approuvées avant juillet 2016 par la DGEC sur demande des opérateurs suivants : Robosoft (décision le 22 décembre 2014), PSA (22 juin et 24 novembre 2015), Valeo (6 août 2015), VeDeCom (11 août 2015), Akka (11 août 2015), Navya (11 août 2015), EasyMile (11 août 2015), Valeo (16 octobre et 19 novembre 2015), VeDeCom (4 novembre 2015), EasyMile (22 décembre 2015), VeDeCom (4 février 2016), Renault (18 février 2016), VeDeCom (7 juin 2016).
Les dossiers remis ont tous abouti à une autorisation, moyennant parfois des modifications. Par deux fois, des avenants sont venus compléter l'autorisation initiale. Début mai 2016, près de 40 000 kilomètres de tests sur route ouverte avaient été parcourus par les véhicules des demandeurs français. On est encore loin, certes, des distances observées en Californie (près de 1,5 kilomètre pour Google par exemple). Pour ce qui concerne les expérimentations des voitures sur route ouverte, les demandeurs insistent pour que, rapidement, les véhicules en essai puissent être pilotés par des conducteurs ordinaires, comme envisage de le faire Volvo à Londres en 2017. Au 10 octobre 2016, 10 expérimentations étaient achevées, 6 expérimentations étaient en cours, 7 demandes étaient en instruction, 6 demandes étaient des manifestations d'intérêt et 1 demande avait été abandonnée.
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Annexe 7 : L'état du droit relatif au véhicule autonome dans les pays étrangers
1 - États-Unis : Le ministère des transports de l'État fédéral américain (D.O.T.) et son agence nationale (NHTSA) ont publié en septembre 2016 un document qui décrit la politique fédérale pour les véhicules autonomes. Ce document s'intitule « Accelerating the Next Revolution in Roaway Safety ». Après avoir affirmé que l'avènement de cette nouvelle technologie était inévitable le document indique les bénéfices attendus : une diminution drastique du nombre d'accidents, l'amélioration de la mobilité pour les personnes exclues actuellement de l'usage de la voiture et enfin la diminution de la pollution de l'air et des économies d'énergie. Le document vise les véhicules qui ont atteint un développement 3 à 5 de l'échelle SAE où le système est le conducteur, l'être humain ayant un rôle au plus limité à la supervision et la reprise en main. Le premier volet du guide décrit les bonnes pratiques pour les concepteurs et fabricants de véhicules autonomes. Par une démarche pragmatique la NHTSA leur laisse la responsabilité de s'auto-certifier. Cette confiance n'empêche pas la NHTSA de vérifier si les véhicules fonctionnent bien et, si besoin, de prendre des actions coercitives ; les fabricants doivent rendre compte régulièrement dans un rapport rendu public appelé « évaluation de sécurité ». Cette évaluation doit couvrir les champs suivants : l'enregistrement et le partage des données, les informations personnelles, la sûreté du système, la cybersécurité du véhicule, l'interface homme-machine, la protection par rapport aux chocs (des occupants et des autres véhicules), l'éducation et la formation des conducteurs, l'enregistrement et la certification (pour la mise à niveau logicielle des véhicules), le comportement post-accident, la conformité aux lois fédérales, des États et locales, les considérations éthiques (transparence des choix des algorithmes), le domaine de fonctionnement opérationnel, la détection et la réaction aux événements et aux objets, les stratégies de reprise en main par un humain (condition du risque minimal), les méthodes de validation.
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Le deuxième volet du guide procure aux États un modèle de politique vis-à-vis de la voiture autonome. La NHTSA constate que certains États ont commencé à légiférer dans le domaine de la voiture autonome (Nevada, Californie, Michigan...) et craint qu'il n'y ait un « patchwork » de législations. Aussi elle propose que celles-ci se réfèrent à son modèle pour que la politique sur ce sujet soit cohérente sur le territoire des États-Unis. Le troisième volet du guide explique les moyens (« outils ») que l'agence a à sa disposition pour gérer l'introduction de nouvelles technologies. Le quatrième et dernier volet est un appel à commentaires sur des idées de nouveaux moyens (« outils ») et nouvelles entités pour gérer l'arrivée des véhicules autonomes. Deux États américains ont établi une législation sur la base de ce modèle : 2 - La Californie : La Californie est le premier État du monde à avoir préparé un règlement portant à la fois sur l'expérimentation et la circulation régulière des véhicules autonomes (niveaux 3, 4 ou 5 de l'échelle de la SAE International), que ces véhicules aient ou non un conducteur à bord. Tout d'abord, le 30 septembre 2016, le ministère des transports de l'État de Californie (le Department of Motor Vehicles) a publié un projet qui modifierait le code du véhicule (Vehicle Code) en vigueur. Dans un premier temps, la loi définit certains termes : définition du véhicule autonome : un véhicule autonome est celui qui est du niveau 3, 4 ou 5 selon la définition SAE (Society of Automotive Engineers), définition du déploiement de véhicules autonomes : il s'agit de la mise sur routes de VA par des personnes qui ne sont pas employées du fabricant ou contractantes avec lui, définition du conducteur de véhicule autonome : le conducteur est l'opérateur humain lorsque le véhicule n'est pas en mode autonome, définition du domaine d'emploi : il s'agit de l'ensemble de la description du périmètre de fonctionnement du véhicule en mode autonome comprenant au minimum le type de route, la plage de vitesse, les conditions météorologiques et de jour et de nuit, et toute autre contrainte, définition de l'opérateur à distance d'un véhicule autonome.
Ensuite, le texte définit également certaines dispositions dont les plus importantes sont les suivantes : Les conditions pour permettre les expérimentations de véhicules autonomes sans conducteur à bord : pour être autorisé à mener des expérimentations sans présence de conducteur à bord un fabricant doit demander une autorisation pour ces tests. Tout d'abord il doit y avoir un moyen de communication entre le véhicule et l'opérateur à distance qui permette à celui-ci de dialoguer avec les passagers et qui lui donne à tout moment la localisation et l'état du véhicule. Le fabricant doit former les opérateurs à distance. Il doit conserver en mémoire la liste des périodes de sorties du mode autonome et faire un rapport à l'autorité si un accident survient.
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Les conditions pour permettre la circulation régulière (hors expérimentation) des véhicules autonomes avec conducteur à bord. Un véhicule autonome ne peut circuler librement que s'il a obtenu préalablement des autorités de Californie un permis de déploiement de véhicule autonome sur les voies publiques. Pour cela son fabricant doit soumettre un dossier dans lequel il indique ou certifie entre autres : quel est le domaine d'emploi du véhicule, que le véhicule est empêché de rouler en mode autonome en dehors des routes désignées de son domaine d'emploi, la liste des conditions limitantes (neige, brouillard, chantiers,...) et comment il s'assure que le véhicule ne roulera pas en dehors de ces conditions, que le véhicule est bien équipé d'un enregistreur de données qui permet de conserver ce qui s'est passé 30 secondes avant un choc et 5 secondes après et que ces données pourront être fournies à des enquêteurs qui en font la demande sous 24h, que le véhicule respecte le code de la route et les limitations de voirie et que son système est mis à jour pour prendre en compte tout changement dans le code de la route à sa date d'effet, que le système cartographique est en permanence remis à jour, comment il gère les pannes et met en sécurité les usagers du véhicule jusqu'à l'arrivée de la maintenance.
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Le demandeur remet également un « law enforcement interaction plan » qui comprend toutes les informations pour les autorités de police et de justice et les agences de l'État concernées sur la façon dont le véhicule se comporte dans les situations d'urgence et de contrôle de police, soit : les conditions pour permettre la circulation régulière (hors expérimentation) des véhicules autonomes sans conducteur à bord, en plus des dispositions précédentes, les démarches administratives que doit remplir un constructeur de véhicules autonomes en cas de modification substantielle apportée sur le matériel ou le logiciel, la durée du déploiement de véhicules autonomes, la protection des données collectées dans les véhicules autonomes : le fabricant doit soit décrire dans un document pour l'utilisateur du véhicule la liste des données qu'il collectera à des fins de maintenance et de sécurité soit garantir qu'il anonymisera toutes les données qui ne seront pas nécessaires d'identifier à des fins de sécurité. Pour les informations non anonymes, le fabricant devra obtenir l'accord écrit de l'utilisateur du véhicule. En cas de refus de sa part, il ne pourra pas se prévaloir de ce fait pour l'empêcher d'utiliser le véhicule, la condition pour permettre la circulation de véhicules devenus autonomes ultérieurement à leur première mise sur le marché, il faudra remplir un formulaire spécifique signalant qu'un véhicule préalablement non autonome est devenu autonome, l'identification des véhicules autonomes à l'extérieur : un fabricant devra poser sur chaque véhicule autonome mis sur le marché un label spécifique comprenant (1) le nom du fabricant, (2) la date de fabrication, (3) l'identification du véhicule et (4) la phrase suivante : « le fabricant de ce véhicule
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autonome a certifié qu'il est conforme à la loi de Californie concernant les exigences relatives aux véhicules autonomes à la date de production indiquée ci-dessus. Des exigences semblables sont demandées pour les fabricants de véhicules rendus autonomes : le permis de conduire des conducteurs de véhicules autonomes : le conducteur d'un véhicule autonome qui peut rendre la fonction de conduite à son occupant doit avoir le permis de conduire ; la responsabilité du conducteur et du système d'autonomie : dans le cas où le système demande au conducteur de reprendre le contrôle du véhicule ou lorsque le véhicule fonctionne hors de son domaine d'emploi alors c'est le conducteur qui a la responsabilité de la conduite. Dans les autres cas c'est le fabricant qui en a la responsabilité ; la maintenance des véhicules autonomes : tous les véhicules autonomes doivent être maintenus selon les standards du Federal Motor Vehicle Safety ; l'interdiction faite d'appeler véhicule autonome des véhicules sous le niveau 3 selon l'échelle de la SAE International.
3 - Le Michigan : L'État du Michigan a préparé quatre lois (Senate Bill ou SB) sur le véhicule autonome (appelés Automated Motor Vehicle ou AMV). Ces projets (SB 995 à 998) autoriseront la circulation régulière, et non pas seulement expérimentale, des véhicules autonomes. Ils ont été formellement approuvés par le Sénat du Michigan le 7 septembre 2016. Ils ont été définitivement approuvés (après délibération de la Chambre des représentants du Michigan) en décembre 2016. Voici leurs principales dispositions : le SB 995 autorise la circulation sur toutes les routes du Michigan de véhicules autonomes individuels, de peloton de véhicules connectés et les applications informatiques de mise à disposition de véhicules automatiques à la demande permettant à des usagers de se connecter pour obtenir un service de transport par véhicule autonome ; le SB 995 exonérera les constructeurs de toute responsabilité civile au cas où des changements auraient été apportés sur les systèmes embarqués sans leur consentement ; le SB 995 précisera qu'un système de conduite autonome sera considéré comme le conducteur ou l'opérateur d'un véhicule autonome pour l'application des règlements sur les véhicules routiers et la circulation routière ; le SB 996 autorisera les constructeurs à déployer un projet SAVE, défini par le SB 995 comme une mesure qui permet à des fabricants autorisés de VA de créer des services internet de VA à la demande dans certaines zones géographiques (campus universitaires, etc.) ; le SB 997 affranchira les routes dans les centres de recherches sur la mobilité (comme l'American Center for Mobility envisagé à Ypsilanti dans le Michigan) des dispositions du Michigan Vehicle Code applicables aux routes ouvertes au public ; Le SB 998 limitera aussi la responsabilité civile des réparateurs d'AMV.
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4 - Allemagne : Le gouvernement allemand a présenté sa stratégie pour la voiture autonome et connectée dans un document daté de septembre 2015. Il rappelle le rôle essentiel que l'Allemagne a joué dans le développement de l'automobile depuis son origine. Il affirme que l'automobile est l'élément fondateur pour sa croissance et sa prospérité. Le document indique que le véhicule autonome et connecté présente un potentiel de progrès pour : améliorer l'efficacité des automobiles face à la croissance en mobilité, améliorer la sécurité routière, réduire les émissions polluantes rendre l'Allemagne plus compétitive en matière économique et plus attractive pour l'innovation.
Le document fixe trois objectifs : rester au premier rang des constructeurs automobiles mondiaux, devenir un marché leader pour le véhicule connecté et autonome, c'est-à-dire avec le plus haut pourcentage de véhicules autonomes et connectés mettre effectivement des véhicules autonomes et connectés sur les routes : pour cela commencer par le déploiement sur les autoroutes et routes express ainsi que dans les parkings.
Un plan d'actions est défini dans les thématiques suivantes : Infrastructure : déployer une couverture universelle d'un réseau à grand débit permettant l'échange de données avec l'infrastructure ; créer des standards pour la route intelligente.
Législation : faire du lobbying pour modifier la convention de Vienne et les textes des Nations Unies en faveur de la voiture autonome ; modifier la législation nationale ; adapter la formation des conducteurs pour la supervision et la reprise en main ; revoir les procédures d'approbation et de tests ; faire du lobbying pour que les PTI définies avec les constructeurs allemands soient incorporés dans les directives européennes et dans les textes des Nations-Unies.
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Innovation : créer une zone innovante sur l'A9 en Bavière sur laquelle des tests pourraient être conduits par l'industrie et par les instituts de recherche, sur les véhicules autonomes et sur la route connectée (V2V et I2V ; lancer des programmes de recherche traitant en particulier des aspects mobilités, interfaces hommes -machines, validation fonctionnelle, dimension sociale et infrastructure ; subventionner et coordonner la recherche.
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Interconnectivité : mettre dans l'open-source les datas relative à la mobilité et au spatial et faire en sorte que les véhicules aient une information routière en temps réel ; coordonner et interconnecter les signaux routiers ; développer la cartographie de très haute précision.
La cybersécurité et la protection des données : la standardisation de la cybersécurité au niveau mondial ets a prise en compte dans les lois allemandes ; la protection des données personnelles.
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Dans le cadre de son plan d'actions le gouvernement fédéral allemand a présenté un projet de loi le 13 juin 2016 pour modifier la loi sur la circulation routière en vue de favoriser. Cette loi est actuellement en cours d'arbitrage au sein des ministères. Elle a pour objectif de créer une sécurité juridique pour l'usage des systèmes automatisés. Concrètement un automobiliste ne commettrait pas d'infraction s'il se détourne de ses tâches de conduite pourvu qu'il soit vigilant de manière à pouvoir reprendre la conduite, soit après appel par le système automatisé du véhicule, soit en réagissant à des erreurs techniques identifiables du système. Ainsi, la responsabilité pénale du propriétaire du véhicule ne pourrait être recherchée. Par contre sa responsabilité civile en tant que propriétaire du véhicule pourrait toujours l'être comme d'ailleurs celle du constructeur si le produit est défaillant. De plus cette loi rendrait obligatoire l'installation d'enregistreur de données dans le but de pouvoir déterminer si le système automatisé était actif au moment d'un accident. 5 - Australie : En Australie, la National Transport Commission a publié en novembre 2016 un rapport sous le titre « Regulatory reforms for automated road vehicles Policy Paper ». La DGITM en France en a fait, le 13 décembre 2016, le résumé suivant : « Le rapport de la Commission des transports australienne a identifié les principales barrières suivantes au développement du véhicule automatisé : absence de lignes directrices ou de conditions de tests sur routes cohérentes au niveau national, difficulté à définir qui est en contrôle du véhicule lorsque le conducteur doit superviser le système et reprendre la main sur requête du véhicule,
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interprétation caduque du critère de maîtrise appropriée du véhicule par la présence d'une main sur le volant, absence de cadre réglementaire pour les véhicules sans conducteur à bord, risque d'inapplicabilité du cadre de responsabilité et du régime d'assurance aux cas de véhicules sans conducteur à bord, incertitude sur les conditions d'accès aux données du véhicule, absence de règles de conception, de réception et de contrôle technique applicables aux véhicules automatisés, et notamment à leurs comportements sur route en termes de sécurité.
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Elle recommande des réformes séquencées en trois phases : Court terme : lignes directrices nationales pour les tests, applicables à tous les niveaux d'automatisation, portant en premier lieu sur les critères d'évaluation des niveaux d'automatisation les plus élevés, mécanismes de reconnaissance mutuelle entre juridictions territoriales, revue des cadres réglementaires territoriaux pour s'assurer qu'ils permettent : de fixer des exigences appropriées aux tests, de s'appliquer aux cas d'usage sans conducteur, clarification, dans les règles propres à chaque état, de « qui est maître du véhicule », définition des modalités de contrôle par les forces de l'ordre de la bonne maîtrise du véhicule, adaptées à tous les niveaux d'automatisation, maintien du principe que, tant que des règles différentes n'ont pas été produites, le conducteur reste pleinement responsable de la maîtrise du véhicule.
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Moyen terme : élaboration d'un système de contrôle des performances de sécurité des véhicules et de leur gestion des données : principes de sécurité, critères, modèles et processus opérationnels, évaluation des coûts et de la charge administrative, gouvernance et financement, élargissement de la définition du conducteur vers le concept de « conduite », afin, en priorité, de s'assurer que les véhicules autonomes restent couverts par l'obligation d'assurance pour les dommages aux tiers.
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Long terme : promouvoir le développement de réglementations techniques adaptées à tous les niveaux d'automatisation au sein du WP29.
La Commission identifie également des points de vigilance ou à creuser : prise en compte des modifications de véhicules et mises à jour logicielles dans le système de contrôle, définition des responsabilités : a priori, la clarification de la notion de « maîtrise du véhicule » devrait suffire ; veille particulière sur d'éventuelles mises en cause de la responsabilité des gestionnaires routiers, règles d'utilisation des données du véhicule pour déterminer qui est en situation de contrôle du véhicule, règles d'utilisation des données du véhicule pour la définition des responsabilités ou fautes, règles appropriées d'accès et de réutilisation des données du véhicule, pour des usages approuvés, en tenant compte des objectifs de sécurité routière et d'exploitation efficace des réseaux, et des objectifs d'intégrité des systèmes, protection de la vie privée : a priori, les règles actuelles s'appliquent aux véhicules autonomes ; veille sur le besoin d'éventuellement adapter les règles d'accès par les forces de l'ordre. ».
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Annexe 8 : Véhicules automatisés et sécurité routière
1 - Durant la longue phase de déploiement des véhicules autonomes, la sécurité routière doit demeurer au coeur de toutes les attentions 1.1 - Un enjeu important qui nécessite une approche globale Pour les pouvoirs publics, la sécurité routière est le premier enjeu des véhicules autonomes. S'il est démontré ou perçu que ces véhicules améliorent la sécurité routière, leur développement sera encouragé, et il sera rapide. En cas de doute, alors le progrès sera ralenti ou impossible. Un accident est la conséquence d'un dysfonctionnement du système homme - véhicule - environnement. En France, les analyses démontrent qu'aujourd'hui, l'accidentologie est avant tout liée aux comportements : ils sont en cause dans 90 % des accidents mortels. Pour réduire la mortalité et la morbidité routières, il faut d'abord éviter l'accident et ensuite minimiser ses conséquences lorsqu'il se produit. Il faut donc aujourd'hui agir en trois domaines : la sécurité des véhicules, la qualité des infrastructures et l'adaptation des comportements. Avec le déploiement progressif des véhicules autonomes, il faudra peu à peu adapter la politique de sécurité routière et ses règles. Une approche globale est nécessaire.
APPROCHE GLOBALE POUR AMELIORER LA SECURITE ROUTIERE AVEC LES VA Eviter l'accident
COMPORTEMENT
Minimiser les conséquences de l'accident
COMPORTEMENTS
VA pour réduire les erreurs humaines (alcool, distracteurs, vigilance, vitesse, stupéfiants, ...) Former les conducteurs (connaître, maîtriser IHM et reprise en mains, éviter comportements défaillants, ) Règlementer: contrôle, sanction
Réduire les délais d'intervention: Ecall et facilitation d'accès des secours collecter des informations préalables (véhicules, victimes...)
VEHICULES
Assurer la fiabilité des systèmes et équipements: Homologation, certification; connectivité VtoV... Assurer l'entretien préventif
SECURITE ROUTIERE AMELIOREE
VEHICULES
Ceintures, airbags, absorption des chocs... Appels automatiques: e-call
INFRASTRUCTURES INFRASTRUCTURES
Améliorer la lisibilité de la route fiabiliser et développer VtoI
éviter le sur accident: information des autres véhicules ... VtoV et VtoI
Assurer la cybersécurité
Des véhicules, des transmissions, des plateformes...
Source : mission IGA-CGEDD
Pour obtenir une amélioration de la sécurité routière il est donc nécessaire d'agir sur plusieurs domaines : Agir sur la fiabilité et la sécurité des équipements des véhicules matériels et logiciels (voir annexe 5) et sur la certification et l'homologation. Il faut agir sur la qualité et la fiabilité des infrastructures. Il faut agir sur la réglementation et il faut agir sur la Cyber sécurité (voir annexe 8). Les comportements et la formation sont les deux derniers champs d'action. Ils sont traités dans cette annexe.
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1.2 - Les statistiques de la sécurité routière en France montrent que l'accidentalité est avant tout liée aux comportements La politique de sécurité routière vise à réduire l'accidentalité routière, le nombre de morts et de blessés sur la route. Elle concerne de nombreux acteurs au sein de l'Etat, les collectivités territoriales, essentiellement départements, communes et agglomérations, ainsi que des acteurs privés comme les assureurs, les constructeurs automobiles et les associations de prévention routière ou de défense des usagers de la route. Cette politique a permis de réduire substantiellement le nombre de morts sur la route. Ce dernier est ainsi passé de 18 000 morts au début des années 70, à 8 000 morts en 2000 et 3 268 morts en 2013. Si l'on prend en compte l'augmentation du trafic durant les dernières décennies, la performance est encore plus remarquable. Ce nombre est reparti à la hausse en 2014 (3 384 morts) et en 2015 (3 461 morts), ces deux années générant le même nombre annuel de blessés graves environ 35 000.
La réduction du nombre de morts et de blessés ne suit pas la même pente selon que l'on est automobiliste, pilote de deux-roues, piéton ou conducteur de poids lourds.
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Un accident est la conséquence d'un dysfonctionnement du système homme-véhicule-environnement. C'est dans les interactions de ces trois composantes qu'il faut chercher les relations causales menant à l'accident. Cette approche permet de mieux comprendre l'accident et de trouver des actions pour y remédier. Les exploitations des enquêtes RÉAGIR avaient permis d'évaluer dans les années 1990-2000 la part de chacune des composantes dans les accidents graves et mortels et d'en décliner les facteurs principaux. Dans 90 % des accidents, la composante « comportement » était présente. Des mesures d'éducation, de prévention et de répression ont été prises visant à agir sur les comportements susceptibles de générer des accidents. Quelques éléments statistiques61 récents montrent qu'il est déterminant d'agir sur les comportements : Sur 20132015 le poids des facteurs comportementaux (en causes multiples) dans les accidents mortels est de 30,5 % pour l'alcool, 23 % en présence de stupéfiants, 21 % pour non port de la ceinture (pour les automobilistes, 38 % pour les véhicules utilitaires et 36 % pour les poids lourds), 9 % en raison d'un malaise ou de la fatigue ; S'agissant des auteurs présumés d'accidents mortels. Les causes relevées (en multifactoriel) sur 18 mois pour (20142015) sont : vitesse (32 % des cas), alcool (21 %), non-respect des priorités (13 %), stupéfiants (9 %) dépassement dangereux (4 %), malaise (3 %), somnolence (2 %) contresens (2 %), changement de file (2 %), obstacle sur voie circulée (2 %), non-respect des distances (0 %), inattention (8 %), téléphone (1 %), facteurs véhicule (1 %), autres causes (13 %), cause indéterminée (9 %) ; La part de mortalité des 65 ans et plus est passée de 19 % en 2010 à 25 % en 2015 (ils représentent 19 % de la population) ; 62,8 % de la mortalité se situent sur les routes hors agglomération, 8,6 % sur les autoroutes et 28,5 % en agglomération ;
Source ONISR et bilan annuel de la DSCR.
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Depuis deux ans les vitesses moyennes pratiquées ont augmenté de 4 km/h sur autoroute, 2 km/h sur les routes à 2 × 2 voies, la tendance semble remonter en ville. 30,5 % des personnes tuées le sont dans un accident dans lequel au moins un conducteur/piétons avait un taux d'alcool supérieur à 0,5 g par litre. 18 % des conducteurs ou piétons impliqués dans un accident mortel ont un taux d'alcool supérieur à 0,5 g par litre.
Cependant on peut penser que l'action des véhicules automatisés ne réduirait pas de 90 % le nombre d'accidents de la route, y compris dans le cas où tous les véhicules légers et les poids lourds seraient automatisés. En effet : De ce taux de 90 % il faudrait en effet retirer les véhicules non automatisés qui ont eu des accidents en solo, par exemple pour 2015 (24 morts en vélo, 57 à cyclomoteur, 220 à moto soit 8,7 % des tués). Les véhicules automatisés pourraient dans un premier temps équiper des conducteurs plus aisés et plus âgés, or on recense un tué sur cinq dans un accident impliquant un conducteur novice. S'agissant des causes, les causes comportementales (vitesse, alcool, stupéfiants, priorités) sont plus l'apanage des jeunes (93,5 % pour les 18-24 ans) que des tranches d'âge supérieures (58 % pour les 45-64 ans et 42,5 % pour les 65 et plus). Les deux-roues motorisés représentent 43 % des blessés graves, 22 % des personnes tuées, 31 % des blessés hospitalisés et moins de 2 % du trafic motorisé. Les 15-29 ans représentent 35 % des blessés graves, 31 % des personnes tuées. 70 % des blessés graves sont des usagers vulnérables (motocyclistes cyclomotoristes cyclistes et piétons). Impact de l'état du véhicule : en 2015, 128 personnes tuées (3,7 %) et 650 blessés hospitalisés l'ont été dans un accident dans lequel un véhicule présentait une défaillance technique visible (pneumatiques, éclairage, défectuosité mécanique). En 2015, 24,5 millions de contrôles techniques ont été réalisés dont 19,8 millions concernaient les véhicules particuliers et véhicules utilitaires légers, avec 3,6 millions de situations non-conformes, soit 18 %, générant obligation de contre-visite. Les défauts constatés portent sur les pneumatiques pour 39 % et les disques de freins pour 22 %. Impact de l'infrastructure : environ 30 % des accidents mortels des usagers de 2RM ont lieu lors de heurts contre des obstacles fixes notamment les glissières métalliques et les arbres. 54 motocyclistes ont été tués alors que leur véhicule a heurté un arbre ou un poteau et 31 une glissière métallique. (13,6 % des tués).
2 - Le lien entre l'automatisation croissante des véhicules et l'amélioration de la sécurité routière reste à démontrer Plusieurs études étrangères, notamment en Europe et aux États-Unis, ont conclu que l'automatisation automobile améliorerait la sécurité routière. Mais la force et les conditions de cette amélioration n'ont jamais été mesurées. Certes, les aides à la conduite réduisent des comportements défaillants : excès de vitesse, état d'ébriété, violation des priorités, usage de smartphone, consommation de stupéfiants, situation de malaise, somnolence, défaut d'entretien... Mais un véhicule autonome introduit une nouvelle complexité: sa sûreté n'est pas la simple somme des sûretés de fonctionnement de chaque composant. La Mission note qu'aucune étude française, adaptée au cas de notre pays, formant une analyse complète, n'a jamais été entreprise ni commandée. 2.1. - Plusieurs études étrangères confortent l'idée d'un lien fort entre les véhicules automatisés et l'accroissement de sécurité Il est sûr que les aides à la conduite (ADAS) améliorent la sécurité routière. Mais la démonstration de sécurité des véhicules automatisés reste une question difficile.
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Une étude américaine de la NHTSA (juillet 2014)62 analyse et résume 79 rapports (dont 65 seraient en relation avec la Commission européenne) ; un seul de ces rapports semble français. Dans la bibliographie de leur présentation, les auteurs ont cité 240 ouvrages ; deux seulement semblent écrits par un Français, une équipe française ou un organisme français. Le rapport de novembre 2015 de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) au ministère chargé de l'environnement et des transports63 , a donné la liste des 48 rapports analysés par les fonctionnaires de la DGITM : Dans ces 48 rapports, seuls 4 apparaissent avoir été faits par des équipes françaises. Les aides à la conduite sont de plus en plus nombreuses et puissantes. Avant même de mesurer l'amélioration de la sécurité apportée par l'autonomie ou la semi-autonomie de conduite, il faut mesurer les améliorations de sécurité permises par ces aides aujourd'hui et demain. Selon l'Institut Vedecom, ces aides préparent rapidement l'avènement du véhicule autonome. Vedecom a conclu de ses études que le véhicule autonome apporterait sans aucun doute de gros avantages au regard de la sécurité. Le projet européen PreVAL64 était un important projet de recherches sur la sécurité des véhicules routiers. Une synthèse des avantages des systèmes protégeant les véhicules a été présentée en 2006.
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Effets les plus probables des fonctions de sécurité sur la mortalité et les blessures avec un taux de pénétration des systèmes dans les flottes routières de 100 %
Fonction de sécurité APALACI/COMPOSE (systèmes pour prévenir les collisions) INTERSAFE (systèmes pour la conduite sûre dans les intersections) MAPS&ADAS (systèmes d'utilisation et de création des cartes nécessaires à la conduite en sécurité et aux aides à la conduite) SAFELANE (systèmes d'aide au maintien du véhicule dans sa voie) SASPENCE (systèmes de maintien des bonnes vitesses et des bonnes distances de sécurité)
Effet sur la mortalité -19,6 %
Effet sur les blessures -14,3 %
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-1,5 %
-13,1 %
-8,2 %
-13,5 %
-9,5 %
-6,5 %
-3,8 %
Source : Mission IGA-CGEDD
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Une étude de l'Insurance Institute for Highway Safety (IIHS) aux États-Unis, dont les résultats ont été publiés en 2010, a démontré que la sécurité des véhicules les plus récents avait augmenté : « Un accident mortel sur trois et un accident sur cinq ayant entraîné des blessures sérieuses modérées (voitures particulières) pourraient être évités par ces systèmes. 1,9 millions d'accidents pourraient être empêchés ou atténués chaque année pour les véhicules équipés avec quatre
« Human Factors Evaluation of Level 2 And Level 3 Automated Driving Concepts Past Research, State of Automation Technology, and Emerging System Concepts » (par T. E. Trimble, Bishop R., J. F. Morgan et M. Blanco). 63 « Véhicule à délégation de conduite et politiques des transports Synthèse bibliographique », 64 Preventive and Active Safety Applications Integrated Project/ délivrable appelé « IP Deliverable IP_D12/D16.4 Project final report e and recommendations for future assessments ». 6 programme-cadre de l'Union européenne.
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systèmes déjà sur le marché [ lane departure warning/prevention, forward collision warning/mitigation, side view assist (also known as blind spot detection), and adaptive headlights] : » (in « New estimates of benefits of crash avoidance on passenger vehicles » publié le 20 mai 2010).Selon l'IIHS, « si chaque véhicule sur la route était équipé avec « forward collision warning, lane departure warning, blind spot detection and adaptive headlights » presque un tiers de tous les accidents pourraient potentiellement être empêchés ou atténués » (cf. « They're working Insurance claims data show which new technologies are preventing crashes » publié le 3 juillet 2012, qui donne des précisions sur les avantages apportés par les quatre systèmes de sécurité). Dans un article le mars 2014, Thierry Fraichard (de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) a montré qu'en raison de l'impossibilité de prévoir l'évolution de l'environnement d'un véhicule autonome, il ne serait jamais possible d'assurer qu'un système de sécurité rendrait impossible tout accident. D'où cette conclusion : « pour compenser cette dure vérité nous avons préconisé des niveaux plus faibles de sécurité comme une réponse possible à notre question initiale». L'étude de Swiss Re Group et Here sur « The future of motor insurance »65 achevée en 2016 par Andrea Keller (Swiss Re) et Bernd Fastenrath (Here), montre que dans les quatorze plus grands marchés, les primes auraient augmenté de 510 milliards de dollars en 2015 à 616 milliards en 2020 : mais en réalité, le total ne serait plus que de 594 milliards, en baisse de 22 milliards, en raison de l'amélioration de la sécurité. Et cette tendance se poursuivrait.
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Le marché des ADAS (Advanced Driver Assistance Systems) va rapidement se développer selon les deux auteurs. La demande des acheteurs devient de plus en plus grande. Et ces ADAS contribueraient fortement à diminuer les accidents de la route66, compte tenu de la nature même des causes d'accident ainsi que le montre le tableau ci-dessous qui regarde la situation au Royaume-Uni. Les données de l'Insurance Institute for Highway Safety (IIHS) et de l'Highway Loss Data Institute (HLDI) aux États-Unis ont démontré67 en mars 2016 que les dommages diminuent quand les voitures sont équipées de systèmes prévenant les collisions, notamment les freinages automatiques (les résultats dépendent des constructeurs) : « résultats en provenance de 22 états dans la période 2010/2014 : les systèmes d'avertissement collision avant réduisent les percussions arrière de 23 %, et de 40 % s'ils sont associés au freinage d'urgence. The Highway Loss Data Institute (HLDI) a conduit des études similaires (il a étudié 11 systèmes de prévention d'accidents par l'avant, de six fabricants) les taux de réclamation pour ces véhicules sont inférieurs à la moyenne d'environ 10 à 15 %, mais en incluant toutes les configurations d'accident) ». S'agissant des voitures connectées les unes aux autres (V2V), l'IIHS a ajouté : une étude pilote en 2013 à AnnArbor (Michigan) a montré que les technologies de véhicules connectés (2 800 véhicules et 29 infrastructures routières) entre eux réduiraient les dégâts et les blessures. Le programme
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« The future of motor insurance - How car connectivity and ADAS are impacting the market ». Dans un rapport intitulé « Position paper regarding parking and manoeuvring accidents » du 2 juin 2015, le RCAR (Research Council for Automobile Repairs), après une analyse des statistiques de compagnies d'assurances en Allemagne, en Australie, en Corée du Sud, aux États-Unis, au Japon, au Royaume-Uni et en Suède, a conclu à l'importance des accidents (entre 10 % et 30 % des dommages) dus aux stationnements et aux manoeuvres à faible vitesse, surtout en reculant, surtout aussi en sortant d'une place de parking. Trois études faites par AZT (Allemagne), Folksam (Suède) et HLDI (États-Unis) ont donné des résultats différents quant aux avantages des capteurs pour aider aux manoeuvres : il y en a qui diminuent le nombre des accidents, d'autres sont sans effet, d'autres encore apparaissent l'augmenter. 67 Cf. résultats de l'étude appelée « Crash avoidance technologies », publiés en mars 2016 sur le site Internet des deux instituts américains.
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américain de recherches appelé « Connected Vehicle Safety Pilot68 », a donné lieu à un rapport final publié en septembre 2015. Le Parlement européen a publié en 2016 un rapport intitulé « Reseach for TRAN Committee - Selfpiloted cars : the future of road transport ? », rédigé par la société Steer Davies Gleave pour le Comité du transport et du tourisme dudit Parlement européen. « Tandis que les effets de sécurité de certains de ces systèmes sont palpables, par exemple des systèmes antiblocages (ABS) dans les voitures, dans d'autres cas il n'y a aucune preuve claire d'amélioration de la sécurité... Au RoyaumeUni à Thatcham le centre de recherches de réparations d'assurance automobile britannique a montré que les ADAS apportent une contribution significative pour réduire le nombre et la gravité des accidents. Exemple le freinage d'urgence (AEB) qui équipe les véhicules courants depuis 2008 a conduit à une réduction d'un tiers des accidents et de 15 % des blessés... L'association des assureurs britanniques s'attend à ce que l'introduction de véhicules connectés autonomes sauve plus de 2 500 vies et empêche plus de 25 000 accidents graves au royaume uni avant 2030. Cependant la sécurité effective, efficace, des systèmes automatisés doit encore être démontrée. C'est le cas notamment par mauvaises conditions météorologiques ou des conditions de visibilité et d'infrastructures complexes. Cela passe par des expérimentations et des tests afin de s'assurer que ces véhicules peuvent sans risque interagir avec d'autres usagers de la route. Un autre défi est de voir comment les véhicules autonomes réagissent dans un environnement d'utilisation mixte. La technologie devrait s'adapter au recours progressif à l'automatisation de véhicules dans la flotte circulante. ». La National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) aux États-Unis (cf. Office of Crash Avoidance Research Technical Publications), qui dépend de l'U.S. Department of Transportation, a publié de nombreuses études apportant des faits et arguments sur l'augmentation de la sécurité des véhicules automatisés ou connectés. Ainsi cinq études ont été publiées en 2016 et 11 en 2015.
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Selon la DSCR, « Il n'existe pas d'étude sur la mesure de l'amélioration générale de la sécurité routière qui serait apportée par les véhicules autonomes. ». La mission a constaté ce manque surprenant, sur le terrain et dans la documentation, alors qu'à l'étranger plusieurs études ont déjà été conduites. Selon Hélène Tategrain (LESCOT IFSTTAR Bron), nous n'avons pas de données assez fines en accidentologie pour affirmer un lien entre le véhicule automatisé ou les ADAS et la baisse proportionnelle de la sécurité. De plus il y aura de nouvelles situations qui ne sont pas critiques aujourd'hui. Des études sont indispensables pour étayer ce que nous ressentons intuitivement à savoir l'amélioration de la sécurité routière grâce aux véhicules automatisés. Il est tout aussi important que ces études soient adaptées à la typologie de l'accidentologie de notre pays et à sa culture. En outre aucune commission du conseil national de sécurité routière (CNSR) ne traite aujourd'hui en profondeur de la problématique des véhicules connectés et automatisés. Cette veille de « sécurité routière » est nécessaire, pour anticiper, faire de la prospective et des propositions. 2.2. - Des innovations qui pourraient avoir un effet significatif sur la baisse de l'accidentalité Il semble de bon sens que les véhicules automatisés auront un effet positif sur la baisse de l'accidentalité telle que nous la connaissons aujourd'hui. En effet ils ne conduiront jamais ivres, ni sous l'emprise de stupéfiants, ils ne sont pas sensibles aux distracteurs. Ils ne se fatiguent pas, ils restent vigilants et leur temps de réaction est plus rapide que celui des humains. Ils voient à 360°, sans angles morts. Ils apportent enfin des informations au conducteur sur son propre état, ainsi que sur celui du véhicule.
Piloté par le Volpe National Transportation Systems Center (U. S. Department of Transportation, Intelligent Transportation Systems Joint Program Office), rapport: « Safety Pilot Model Deployment Lessons Learned and Recommendations for Future Connected Vehicle Activities ».
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D'après une étude CETELEM en 2016 : « Pour agir sur la sécurité routière, la pratique de l'éco-conduite a prouvé son efficacité : ainsi, les données émanant d'entreprises dont les salariés ont fait l'objet de formations spécifiques, traduisent une baisse significative des accidents, de l'ordre de 15 %. Avec la voiture connectée, c'est en permanence que le conducteur peut recevoir des informations sur son comportement de conduite et plus précisément sur le caractère risqué de ses actions. Plus généralement, les modules de contrôle de l'aptitude du conducteur à prendre le volant se développent à bord des véhicules69. Abus d'alcool, consommation de stupéfiants, somnolence (26 % des tués sur autoroute par exemple, soit 78 personnes en 2015)... : les nouvelles générations d'équipements embarqués permettront d'alerter le conducteur de son état avant qu'il ne prenne la route, voire même de bloquer son véhicule en cas de comportement inadapté et d'alerter les autres usagers de la route. Par ailleurs, le déclenchement des secours constitue une étape décisive en déterminant une partie du bilan traumatique. Obligatoire à partir d'avril 2018 pour toutes les voitures neuves commercialisées dans l'Union européenne, l'aide d'urgence géolocalisée, connue sous le nom d'e-Call, est conçue pour se déclencher en cas de choc et lancer immédiatement et automatiquement une notification à un centre de secours, quel que soit l'état de choc du ou des passagers. Anticiper les défaillances du véhicule avec la maintenance préventive : Entretien et sécurité vont de pair : un véhicule bien entretenu limite en effet les risques de panne, voire d'accident, car il réagit mieux dans les situations difficiles. Avec le véhicule connecté, la maintenance curative laisse place à la maintenance préventive en garantissant un échange permanent et direct entre le véhicule et le constructeur ou le garage chargé de son entretien. Les données relatives à la sécurité et à l'usure des pièces sont ainsi remontées automatiquement, permettant la réparation du véhicule à distance, ou a minima l'information du conducteur d'un éventuel entretien à effectuer pour éviter toute panne ». On pourrait encore ajouter aux avantages l'assistance aux conducteurs qui ne seraient plus guère en état de conduire. Le 26 juillet 2016, Joshua Neally, circulant vers le sud dans sa Tesla Model X en mode autonome sur autoroute entre son bureau et sa demeure, fut soudainement pris, cinq milles avant d'arriver d'intenses douleurs, qui se révélèrent être les effets d'une dangereuse embolie pulmonaire. Malgré la souffrance qui l'empêchait de conduire convenablement il choisit de rouler en mode autonome jusqu'à un hôpital à 20 milles. Après une sortie faite en mode manuel, il put arrêter sa voiture, et se présenter sans délai aux urgences. Les médecins lui dirent plus tard qu'il avait de la chance d'être encore vivant. Le LAVIA, (limiteur s'adaptant à la vitesse autorisée) qui empêche de dépasser la vitesse limitée sur la portion sur laquelle le véhicule roule. Ce système existe aujourd'hui sur un modèle de Ford. Certaines associations souhaitent le rendre obligatoire 70 . Une cartographie précise et à jour des vitesses autorisées surtout les tronçons de circulation est indispensable à son fonctionnement, ainsi qu'une harmonisation des vitesses sur les parcours linéaires71. La DSCR annonce que cette cartographie nationale sera établie sous deux ans. En conséquence, dans le cadre d'une politique de sécurité routière forte, est-il concevable et cohérent, à partir du niveau trois, de ne pas équiper les véhicules qui sortent, d'un LAVIA obligatoire72 ? Cet outil pourrait éventuellement être débrayable, sous certaines conditions, pour garder de la réserve de puissance dans une situation dangereuse. L'EAD (Éthylotest anti démarrage). Le contrôle de l'alcoolémie par éthylotest au démarrage est envisageable pour les récidivistes comme le mentionnait le rapport sur l'évaluation de la politique publique de sécurité routière (juillet 2014) : « La généralisation de l'immobilisation du véhicule ou
La Supervision de l'attention du conducteur se discute actuellement au WP29. Ligue contre la violence routière. 71 Lors de la mission sur l'évaluation de la politique publique de sécurité routière en 2014, 35,5 % des préfectures avaient répondu qu'elles constataient un problème de lisibilité des vitesses sur les réseaux. 72 Selon Stéphanie Bordel (CEREMA) au début les participants à une étude d'acceptabilité sur le LAVIA étaient réfractaires, puis il est devenu plus acceptable depuis le contrôle sanction automatisé, selon la logique « J'accepte de perdre du contrôle car je suis gagnant ».
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l'obligation d'éthylotest anti-démarrage diminuerait le risque de récidive. Pour les délits les plus graves, l'immobilisation, voire la confiscation du véhicule, ainsi qu'en matière d'alcoolémie en récidive, l'obligation d'installation d'un EAD serait plus efficace que le retrait de permis de conduire. Ces mesures éviteraient aux forces de l'ordre d'avoir à relever à répétition des infractions concernant les mêmes délinquants, ce qui est assez démobilisateur. En 2011, en Europe, l'alcool est impliqué chaque année dans 25 à 30 % des accidents mortels ; hors accident, 2 % des conducteurs sont contrôlés avec un taux d'alcool supérieur au taux légal. À l'évidence les véhicules automatisés pourraient à terme, réduire considérablement l'accidentologie routière. Néanmoins l'intégration progressive de véhicules automatisés dans la circulation routière amènera de nouveaux cas d'usage, de nouveaux comportements et vraisemblablement de nouvelles situations accidentogènes. 3 - Le déploiement des véhicules autonomes fera courir de nouveaux risques qu'il faut vite connaître et maitriser Plusieurs accidents mettant en cause la responsabilité des véhicules autonomes ont déjà été étudiés (Google Car et Tesla). Les accidents mortels d'une Tesla en janvier 2016 en Chine (province du Hebei) et d'un autre Tesla le 7 mai 2016 aux États-Unis (en Floride) sont les plus inquiétants ; ils montrent à tout le moins les dangers du niveau 3. L'analyse des causes établies et probables fait apparaître une nouvelle accidentologie. Les nouveaux types de danger se rapportent d'abord à la longue période de cohabitation prévisible entre les véhicules autonomes et les autres. Ils pourraient résulter aussi des défaillances des systèmes techniques : bugs, usure, conditions d'utilisation, robustesse, fiabilité, lisibilité de la route, conditions météo... Les risques pourront aussi découler de l'émergence de comportements accidentogènes nouveaux : excès de confiance du conducteur (et donc, par exemple, dépassement du taux d'alcoolémie), multiplication de situations dégradées, non vigilance au niveau 3 ou 4, mauvaise posture dans le véhicule, etc. La reprise en main du véhicule par le conducteur, lorsque le système le demande par une alerte (au niveau 3 ou 4), et la mise en sécurité du véhicule si le conducteur ne répond pas à l'injonction, sont actuellement les deux questions les plus difficiles à dénouer par les industriels. La reprise en main se heurte à des problèmes neurologiques et psychologiques. Les temps minimaux de reprise en main sont différents selon les études, mais un consensus pour un temps de 10 secondes semble se dégager73. Gardons bien à l'esprit néanmoins qu'un tel délai peut être très long à vitesse élevée, pour ce qui concerne le niveau 3 ou le niveau 474. 3.1. - Des accidents déjà répertoriés Le premier accident de la Google Car a eu lieu le 14 février 2016. Circulant sur la voie de droite d'un grand boulevard, la voiture autonome a détecté la présence d'un obstacle sur sa voie (en travaux), ce qui l'a forcée à se rabattre sur la file de gauche. Cependant un bus était, à cet instant, légèrement en retrait sur la file de gauche. La Google Car a bien détecté la présence de ce bus mais s'est engagée sur la voie en pensant (à tort) que ce dernier ralentirait ou s'arrêterait pour la laisser passer. L'aile avant gauche de la voiture est
Comme il a été dit précédemment à propos notamment des études de l'IFSTTAR, les temps de réaction vont de 2 à 40 secondes. Le temps de 2 secondes est le délai entre le début de l'alerte et le placement des mains et des pieds sur les leviers de conduite, selon un rapport publié en août 2015 par laNHTSA (National Highway Traffic Safety Administration aux Etats-Unis). Le temps de 5 secondes est retenu dans la thèse de William Payre en 2015 (avec IFSTTAR). Le temps de 40 secondes est mentionné dans une étude de l'Université de Leeds publiée en novembre 2014 : elle a démontré qu'il faut ce long délai pour que la conduite redevienne tout à fait normale et stable (sans petits coups de volant à droite ou à gauche, sans regard erratique). 74 Pour Julien CESTAC (IFSTTAR) et Stéphanie BORDEL (CEREMA), les niveaux 3 et 4 resteront toujours dangereux.
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venue percuter le côté droit du bus. Tout l'intérêt de cet incident réside dans le fait que l'algorithme de Google ait essayé d'anticiper et surtout de prendre en compte un comportement humain. On peut penser que si l'algorithme avait été moins évolué, il se serait simplement contenté d'arrêter la voiture et d'attendre une meilleure opportunité pour s'insérer sur le boulevard. Il ne n'agit pas en effet d'une erreur de détection (les capteurs de la voiture ont bien enregistré la position et la vitesse du bus concerné) mais d'interprétation. Ce comportement s'ancre dans la logique de Google, qui essaye de doter ses prototypes autonomes d'une conduite plus « humaine » (par exemple sur la trajectoire qu'empruntent les Google Car lors des virages). Le premier accident mortel d'une Tesla Model S avec Autopilot est survenu le 7 mai 2016 sur la grande route à chaussées séparées en Floride (États-Unis). Il a tué son conducteur75 sur le coup. La Tesla était alors en mode autonome : le système Autopilot était enclenché. Ni le conducteur ni le système n'avaient détecté la présence d'un camion avec semi-remorque76 au flanc de couleur blanche qui traversait la route devant un ciel particulièrement brillant. La visibilité était alors excellente, la luminosité du ciel mise à part ; il ne pleuvait pas ; la route est très droite en ce lieu. Le conducteur de la Tesla roulait avec le soleil dans le dos. Selon le rapport préliminaire du National Transportation Safety Board (NTSB), la voiture en mode autonome roulait à 74 milles à l'heure juste avant l'impact, bien au-dessus de la vitesse maximale qui était autorisée sur cette portion de route (65 milles à l'heure). La société Tesla a précisé que c'était le premier accident mortel de ce modèle de voiture avec Autopilot en 130 millions de milles. Dans son communiqué du 30 juin 2016 à propos de ce qu'elle a appelé « A Tragic Loss », la société Tesla a rappelé le fonctionnement de son système Autopilot : « un système en phase beta qui nécessite que le conducteur garde ses mains sur le volant tout le temps et qu'il garde le contrôle et la responsabilité de son véhicule, même si l'auto pilote est engagé le conducteur doit être prêt à prendre la main à n'importe quel moment. Le système vérifie régulièrement que les mains du pilote sont sur le volant et l'alerte si ce n'est pas le cas (visuel et auditif). Il ralentit progressivement jusqu'à ce que les mains soient à nouveau détectées. ». Selon les calculs du Dr Alexander Hars, l'auteur, le camion a commencé son dangereux tourne-à-gauche dix secondes avant l'accident, un délai suffisant pour permettre normalement au conducteur de la Tesla (alors à 280 mètres environ) de déceler le début de la manoeuvre. Six secondes avec l'accident, il était évident pour tout conducteur attentif, que le camion commençait à traverser la route et qu'il ne s'arrêterait pas avant de l'avoir entièrement traversée ; trois secondes avant l'accident, il était trop tard pour que la Tesla freine et pare au choc. Pour que l'accident fût évité, sachant que l'Autopilot de la Tesla ne fonctionnait pas, il eût fallu que le conducteur réagisse entre la sixième et la troisième seconde avant l'impact. La conclusion de l'analyse faite par le Dr Hars est catégorique : parce qu'il avait sans doute relâché son attention77 depuis quelque temps, parce qu'il avait confiance dans l'Autopilot (dont il louait les qualités dans les vidéos qu'il publiait sur YouTube mais dont il avait néanmoins mesuré les limites78), le conducteur Joshua Brown n'aurait jamais pu freiner à temps. Le directeur général de Tesla (Elon Musk) a affirmé le 30 juin 2016 « le radar a pris la remorque (haute sur ses roues) pour un panneau de signalisation routière surplombant la route. ». En outre le freinage automatique d'urgence ne s'est pas déclenché.
Fier de sa Tesla Model S (qu'il avait nommée Tessy), féru de nouvelles technologies, Joshua Brown publiait des vidéos de ses conduites au volant sur la chaîne YouTube qu'il avait créée. Âgé de 40 ans, après avoir servi durant plus de onze ans dans la marine (US Navy), il avait créé une entreprise dans les services Internet (Nexu Innovations) à Stow dans l'Ohio. 76 C'était « a 2014 Freightliner Cascadia truck-tractor in combination with a 53-foot semitrailer » (extrait de l'Executive Summary du rapport préliminaire du National Transportation Safety Board daté le 26 juillet 2016). La semi-remorque, sous laquelle est passée la Tesla, ne subit que très peu de dommages. 77 Le conducteur du camion (Frank Baressi) a déclaré que le conducteur de la Tesla regardait un film de Harry Potter au moment de l'accident. Le film passait encore sur l'écran après l'immobilisation de la voiture, selon F. Baressi. Mais la société Tesla a précisé qu'il était impossible de regarder un film sur l'écran embarqué de la voiture. 78 Dans un des commentaires ayant accompagné l'une de ses vidéos publiés sur YouTube, Joshua Brown, le propriétaire de la Tesla Model S, expliquait en effet : « A bigger danger at this stage of the development is getting someone too comfortable. You really do need to be paying attention at this point. This is early in the development and the human should be ready to intervene if [the Autopilot] can't do something. I talked in one of the other comments about the blind spots of the current hardware. There are some situations it doesn't do well in which is okay. It's not an autonomous car and they are learning HUGE amounts of data about the car doing the driving. I'm happy o help train it. I'm VERY curious what version 2 of the hardware will be like and what [it] will enable. ».
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Un autre accident, sans dommages autres que matériels, a eu lieu sur le périphérique de Pékin le 2 août 2016. Il confirme les dangers de l'Autopilot de Tesla. Dans ce cas une voiture est arrêt sur la partie arrêtée gauche d'une route à grande circulation. La tesla dépassa par la droite. L'Autopilot de la Tesla était alors enclenché. Mais la Tesla ne se déporta pas suffisamment à droite. Avec fracas, le flanc gauche de la Tesla glissa sur le flanc droit de la Santana arrêtée ; le conducteur arrêta manuellement sa Tesla un peu plus loin it sur la même file (file de gauche) de l'autoroute. Le conducteur chinois a précisé plus tard que lors de l'accident, il n'avait pas les mains sur le volant, et qu'il était occupé à son smartphone. Le conducteur a fait était valoir que sa Tesla lui avait été vendue comme un véhicule capable d'autonomie), et que la société Tesla dupait donc tous ses clients en Chine79.
La voiture Tesla Model S juste une fraction de seconde avant l'accident survenu en janvier 2016 dans la province du Hebei en Chine
(source : photographie extraite d'une vidéo prise dans la voiture et publiée par le média CCTV)
À Ratzeburg en Allemagne le 28 septembre 2016, une voiture Tesla Model S, après un dépassement tandis qu'elle revenait dans son couloir, a heurté l'arrière d'un autobus de tourisme du Danemark. Les circonstances précises ne sont pas connues. La voiture circulait en mode autonome avec l'Autopilot. Selon mode le magazine Der Spiegel, le rapport interne du ministère allemand, blâme plusieurs défauts de l'Autopilot , de la Tesla, notamment parce que le conducteur n'est pas prévenu par le système de pilotage automatique lorsque le véhicule se trouve dans une situation que le système ne peut résoudre, parce que les capteurs ne e détectent pas assez loin lors des dépassements, parce que le freinage automatique d'urgence ne fonctionne pas convenablement. La réception légale en Europe de la voiture Tesla Model S a été faite par les autorités des Pays e Pays-Bas. Ces accidents montrent que la route est encore longue pour obtenir une sécurité acceptable en toutes circonstances. On y note différentes causes : un algorithme trop évolué interprétant une situation (Google) ; une sur confiance des conducteurs notamment au niveau 2 et 3 qui lâchent le volant des mains et s'occupent à autre chose qu la supervision de la conduite ; que
Cet accident ressemble beaucoup à celui qui était survenu le 19 mai 2016 sur une autoroute de Suisse. Une Tesla Model S sous Autopilot avait percuté l'arrière d'une camionnette garée, comme la Santana ci-dessus, contre le bord gauche de l'autoroute. Cet dessus, accident n'avait causé que des dommages matériels à l'avant de la Tesla. Selon les déclarations du conducteur suisse : (1) l'ADAS contrôlant la croisière n'avait pas commandé un freinage, (2) le freinage automatique d'urgence ne s'était pas déclenché, (3) l'alarme prévenant de la collision imminente s'était déclenchée bien trop tard, (4) l'ADAS contrôlant la croisière avait augm augmenté la vitesse de la Tesla juste avant que son conducteur n'appui sur la pédale de frein. n'appuie
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une confusion dans l'esprit des conducteurs entre le niveau 2 et le niveau 3 ; un problème de fiabilité des équipements : les capteurs par exemple ; la conception logicielle ne prenant pas encore en compte tous les cas d'usage.
3.2. - Un premier retour d'expérience des expérimentations De nombreuses expérimentations ont été conduites dans le monde. Le retour expérience de ces expérimentations permet une première analyse en matière d'accidentologie (ce point est traité en annexe 6). 3.3. - Cohabitation véhicules automatisés et véhicules non automatisés Dans un premier temps, il y aura une phase de transition durant laquelle devront coexister véhicules autonomes et véhicules pilotés par l'humain. Une phase de transition qui ne sera pas sans danger car le véhicule 100 % autonome sera bien en peine de prédire tous les comportements parfois aléatoires, soudains et potentiellement dangereux des automobilistes. Les conducteurs de voitures conventionnelles sont affrontés avec des voitures qui réagissent différemment aux manoeuvres. Cela pourrait aboutir à des situations potentiellement dangereuses : par exemple, le contact d'oeil pendant une manoeuvre n'est pas possible, rendant plus difficile de prévoir la réaction de l'autre voiture. 3.4. - Le véhicule automatisé induira des comportements nouveaux, et des situations nouvelles D'après Stéphanie Bordel80, il y a plusieurs freins au développement des ADAS : l'image que s'en font les gens (le bon conducteur est celui qui garde la main / Le conducteur n'accepte de lâcher une partie de son pouvoir de conduire que s'il reçoit une bonne contrepartie). L'optimisme comparatif est aussi un sérieux obstacle. Un autre trait de l'être humain qui fait problème est l'homéostasie du risque. Ces points sont développés dans l'annexe 12. De nouveaux comportements défaillants pourraient apparaître. Certains ont déjà été constatés. Par exemple des vidéos de conducteur de TESLA, à 180 km/h qui changent de siège ont déjà été vues sur YouTube... lors de l'accident du 7 mai 2016 le conducteur de la Tesla était totalement occupé à autre chose et à une vitesse bien supérieure à la vitesse autorisée. Lors de sa thèse William Payre81 a été surpris par la première réaction du panel lors de sa première étude: « chouette on va pouvoir conduire bourrés » (52 % sont favorables pour l'utilisation de véhicules automatisés et 75 % en cas de condition physique dégradée ; après avoir essayé l'acceptabilité monte a 62 %.). Dans sa deuxième étude sur le temps de réponse pour la reprise en main du véhicule : ceux qui sont sur confiants et pas entraînés sont plus lents que ceux qui n'ont pas été entraînés. En outre, selon une récente étude sur le réseau autoroutier, 40 % des 25-35 ans envoient des SMS ou des mails en conduisant. Et plus de la moitié des conducteurs affirment passer des coups de fils au volant. La position des conducteurs dans la voiture, au niveau 4 par exemple, lorsqu'ils seront occupés à d'autres activités que la conduite peut être très dangereuse. En effet les dispositifs de sécurité, airbag, ceinture de
Docteur en psychologue au Cerema, Stéphanie Bordel a travaillé depuis vingt ans à ce sujet, en particulier dans le cadre du projet Archos sur les premières automatisations (régulateurs de vitesse, etc.), du projet SARI (Surveillance automatisée des routes pour l'information des conducteurs et gestionnaires) et du projet SCOOP@F (liaisons I2V). Elle est présidente du GIS-ITS (Groupe d'intérêt scientifique sur les systèmes de transport intelligents, associant notamment l'Université Rennes 1, l'Université Rennes 2 et l'Institut national des sciences appliquées de Rennes ou INSA de Rennes). 81 (2012 2015) trois études dont deux en collaboration avec le LEPSIS. Facteurs clés : acceptabilité/confiance/apprentissage.
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sécurité sont adaptées à une position face à la route. En cas de choc dans une position différente les traumatismes pourraient être bien plus importants. Le LBMC laboratoire de biomécanique des chocs de l'IFSTTAR (Bron) travaille sur l'impact des chocs sur le corps humain82. Il préconise : « quel que soit le niveau il faut exiger dans le code de la route, que l'on soit ceinturé et bien positionné (postures). ». Enfin dans un système de flottes de véhicules partagés, il est probable qu'il y ait plus de personnes dans chaque véhicule. Ce qui signifie potentiellement une aggravation du risque. De plus il devrait y avoir une augmentation de la circulation donc une augmentation de la fréquence et de l'occurrence du risque. 3.5. - La difficile question de la reprise en main du véhicule par le conducteur Dans certaines situations le véhicule alerte le conducteur et lui rend la main. Ces situations posent des problèmes inédits. Elles sont traitées à l'annexe 4. Le déploiement commercial des véhicules autonomes réclame de ne pas relâcher l'attention sur l'effort de prévention et de répression routières engagé depuis plusieurs années. Il faut que l'amélioration de sécurité qu'ils peuvent apporter soit très nettement supérieure en toutes circonstances aux nouveaux risques qu'ils engendreront. 4. - Les conducteurs devront être mieux formés et renseignés sur la conduite déléguée des véhicules autonomes 4.1. - Les conducteurs devront apprendre une nouvelle manière de conduire Les véhicules autonomes nécessiteront un apprentissage spécifique, car les automatismes réclament des aptitudes nouvelles. D'abord au niveau du maniement du véhicule et du déclenchement des automatismes pour contrôler la vitesse, la direction, la position. Ensuite pour la maîtrise des situations de circulation, en s'adaptant aux exigences concrètes. En troisième lieu au niveau du contexte social et des objectifs de la conduite automobile pour le conducteur. Enfin, au niveau du l'importance de la conduite automobile dans le projet de vie du conducteur83. La conduite est une tâche que chacun exécute à son rythme. Ce que le conducteur est disposé à faire (attitudes et motivations) est tout aussi important que ce que le conducteur doit faire (facteurs de performance)84. Dans un premier temps, les véhicules autonomes et les véhicules non autonomes cohabiteront. Les véhicules de haut de gamme (premium) sont déjà équipés de nombreuses aides à la conduite (ADAS). L'investissement pour acquérir des véhicules autonomes étant lourd, il est probable que peu de jeunes conducteurs soient amenés à en conduire si ce n'est dans le cadre familial. Les véhicules autonomes introduisent un double paradoxe. D'abord celui de l'aptitude : les conducteurs conduiront de moins en moins, et donc auront de moins en moins d'expérience et de compétences de conduite. Mais le véhicule demandera au conducteur de reprendre la main à des moments difficiles, voire dans l'urgence. Ensuite celui du confort relatif : les véhicules ne permettront pas de faire tout ce qu'on veut à tout stade de leur automatisation. Il faut rester à sa place, vigilant, et posséder sa pleine intégrité physique et psychologique jusqu'au niveau 4.
David Mitton laboratoire de biomécanique des chocs. Deux thématiques : le mouvement et le choc. Projet mondial sur les chocs sur corps humain. Dissiper l'énergie pour améliorer la protection. 83 Ces quatre aspects sont les piliers de la matrice GDE (Goals for Driver Education) qui a été conçue dans le cadre du projet GADGET (2002) de l'Union européenne et qui est utilisée pour l'apprentissage de la conduite dans de nombreux pays européens.(voir les détails en annexe x). 84 Recherches en psychologie de la circulation de Rothengatter (1997).
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4.2. - La formation et l'information sur la délégation de conduite devront être obligatoires Ce contexte et ses contraintes imposent une approche globale d'éducation à la sécurité routière. L'éducation à la sécurité routière (SR), au sens large, peut être définie par ses finalités85 : promouvoir la connaissance et la compréhension des règles et des conditions de la circulation ; améliorer les aptitudes par la formation et l'expérience ; stimuler ou modifier les attitudes par la prise de conscience des risques ; modifier les comportements tels que, par exemple, la conduite sous l'influence de l'alcool ou la pratique de vitesses trop élevées ; former les conducteurs, les diagnostiquer (détecter les personnes susceptibles de faire preuve d'un comportement dangereux) et accompagner la restauration de l'aptitude à conduire.
Elle s'adresse évidemment aux plus jeunes, mais l'éducation c'est aussi la capacité à comprendre, à faire et à se comporter ; elle est donc présente à toutes les étapes de changement dans la vie de l'usager. L'éducation routière permet d'adopter la conduite adaptée en tant qu'usager de la route, mais elle modifie aussi le rapport à la règle : elle permet d'appliquer la règle parce qu'elle est comprise, plus que parce qu'elle est crainte. En cela elle est aussi centrale pour l'acceptabilité et pour rendre chacun porteur du message de sécurité routière. Elle s'inscrit dans le temps long, ce qui la rend difficile à mettre en place, les objectifs de sécurité routière s'inscrivant souvent dans un terme proche. Mais elle permet d'ancrer les étapes de progrès dans la durée et d'éviter les retours en arrière par une évolution progressive des mentalités et de la compréhension des enjeux de la sécurité routière. Elle peut être présentée en quatre volets : le continuum éducatif au sein des établissements scolaires ; l'apprentissage de la conduite et la réhabilitation ; la prévention et la formation en milieu professionnel ; les actions de « prévention », et de communication. a) Il faut transmettre dès aujourd'hui les connaissances utiles sur les véhicules autonomes dans le continuum éducatif, de l'école primaire au lycée. Le continuum éducatif concerne 12 millions d'élèves et débute à l'école primaire puis s'achève, en principe, à la fin du lycée. Il débouche sur les catégories des 18/24 ans et des conducteurs novices dont les statistiques montrent l'importance en termes de sécurité routière. Il concerne les 50 000 écoles, de 5 000 collèges, et des 2 800 lycées. L'ensemble du continuum est mis en oeuvre au travers de plusieurs moyens et outils, à disposition des enseignants86, notamment des réseaux de relais dans chaque département et établissements, un portail
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Guide « suprême » de la Commission européenne (meilleures pratiques en matière de sécurité routière).
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Internet spécialisé, des partenariats avec la prévention routière, des simulateurs, des pistes routières animées par les forces de l'ordre. Enfin, l'enseignement supérieur regroupe 2 100 000 étudiants dans un millier d'établissements. Les établissements sont autonomes et fixent les programmes dans un cadrage national général des formations, notamment via leurs services de médecine préventive87. L'objectif général est de prévenir toutes les conduites addictives, dans le cadre de protection de la santé des étudiants. A ce stade, les jeunes ne sont plus des apprentis de la route mais majoritairement des usagers de la route. Le tableau suivant, issu du ministère français de l'éducation nationale, illustre ce point :
Source : Ministère de l'Éducation nationale
Intégrer une information relative aux véhicules automatisés au niveau du « continuum éducatif » du permis de conduire, des actions de prévention routière et de communication sur la sécurité routière est nécessaire dès aujourd'hui. b) L'apprentissage de la conduite Il est important que les apprentis-conducteurs apprennent non seulement à maîtriser leur véhicule et se familiarisent avec le code de la route, mais apprennent aussi à évaluer les risques et les facteurs d'augmentation du risque dans la circulation et à bien juger leurs propres aptitudes et limites. Ces aspects
L'arrêté du 1 juillet 2013 (compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation), prévoit dans leurs compétences communes, qu'ils doivent apporter leur contribution à la mise en oeuvre des éducations transversales (Agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques). 87 Services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé dans chaque université, les écoles ont une obligation de suivi sanitaire. Ceux qui n'ont pas de service conventionnent avec une autre école. Les établissements privés n'ont aucune obligation.
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sont reflétés dans la matrice GDE (Goals for Driver Education, objectifs pour la formation des conducteurs) qui a été conçue dans le cadre du projet GADGET de l'UE88. Une analyse de la tâche du conducteur et des accidents montre que des facultés psychomotrices et des fonctions physiologiques adéquates ne sont pas suffisantes pour rendre les performances du conducteur satisfaisantes et sûres. Cette affirmation fondamentale découle du fait avéré que la conduite est une tâche que chacun exécute à son rythme. Les recherches en psychologie de la circulation de Rothengatter (1997) ont mis en évidence l'importance non seulement des facteurs de performance (c'est-à-dire ce que le conducteur doit faire), mais aussi celle des attitudes et motivations (c'est-à-dire ce que le conducteur est disposé à faire).
Matrice GDE : Une approche hiérarchique de comportement du conducteur conçue en quatre niveaux décroissants. Niveau IV- Projets de vie et aptitudes à la vie - Importance de la voiture et de la conduite automobile sur le développement personnel ; - Capacités de maîtrise de soi. Niveau III- Objectifs de la conduite automobile et contexte social - Intention, environnement, contexte social, compagnie. Niveau II- Maîtrise des situations de circulation - Adaptation aux exigences de la situation concrète. Niveau I- Maniement du véhicule - Contrôle de la vitesse, direction et position. L'échec, de même que la réussite, aux niveaux les plus élevés (IV et III) affectent les exigences de compétences aux niveaux les plus bas (II et I). Nota : A la fin des années 2000 est apparu un 5 au-delà de l'individu.
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niveau « pressions sociétales économiques et politiques », qui va
Source : Commission européenne, projet GADGET
Le Laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) de l'IFSTTAR a publié trois rapports89 sur les résultats de ses études sur le comportement des véhicules automatisés et de leurs conducteurs, qui éclairent les critères de l'apprentissage. Voici le résumé fait par William Payre :
« Nous avons examiné la manière dont cette la manoeuvre de « reprise en mains » pourrait être apprise par des conducteurs, en testant l'effet de différentes formes d'entraînement sur la performance et la sécurité (temps de réponse et qualité de la reprise de contrôle). Nous avons mesuré l'acceptabilité et la confiance, les attitudes des conducteurs, les intentions d'utilisation du système de conduite complètement automatisée et l'impact de ces variables sur les comportements dans le véhicule. Trois études empiriques ont été réalisées. ». La deuxième étude montre que la reprise en main sans entraînement en cas d'urgence pouvait durer en moyenne (pour les 60 conducteurs de l'expérience) de 2 à 8 secondes. En cas d'anticipation (le système
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Guiding automobile drivers through guidance education and technology: Hatakka, Keskinen, Glad, Gregersen & Hernetkoski, 2002. 89 A) « Intention to use a fully automated car: Attitudes and a priori acceptability » (publié le 9 mai 2014) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac et Patricia Delhomme (Ifsttar). B) « Fully Automated Driving: Impact of Trust and Practice on Manual Control Recovery » (2005) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac et Patricia Delhomme (Ifsttar). C) « Conduite complètement automatisée : acceptabilité, confiance et apprentissage de la reprise de contrôle manuel », thèse de doctorat de William Payre pour l'obtention du grade de docteur en psychologie, présentée à Paris le 3 décembre 2015 (thèse préparée au LPC de l'Ifsttar).
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prévenant à l'avance de la nécessité de reprendre le contrôle de la voiture), le temps de reprise en main varie en moyenne entre 3,6 et 15,2 secondes pour la première reprise de contrôle, et en moyenne de 2,7 à 13,9 secondes pour la seconde reprise de contrôle. La reprise en main peut donc être très lente, la durée pouvant être nettement au-dessus du temps généralement considéré comme convenable (10 secondes). Elle se conclut par trois points clefs de leurs expériences sur le simulateur de conduite à Satory : il faut apprendre aux conducteurs à se servir convenablement d'un véhicule pleinement autonome (afin de réagir convenablement lors des reprises en main), un haut niveau de confiance peut augmenter le temps de reprise en main en cas d'urgence, un entraînement approprié peut atténuer les conséquences fâcheuses de l'excès de confiance sur les temps de reprise en main.
« Les objectifs de la troisième étude étaient d'approfondir les connaissances sur la manière d'apprendre à utiliser la conduite complètement automatisée, notamment pour reprendre le contrôle manuel, et d'examiner l'impact de la réalisation d'une tâche non reliée à la conduite sur cette manoeuvre en situation d'urgence. Les participants (N= 113, 49 % d'hommes) ont été répartis selon deux conditions d'entraînement (simple vs. élaboré), et selon qu'il y ait eu ou non réalisation de tâches non reliées à la conduite pendant le trajet. La condition entraînement simple consistait en une pratique succincte de la conduite complètement automatisée. La condition entraînement élaboré comprenait une partie théorique, une vidéo de démonstration, ainsi qu'une pratique comprenant davantage d'interactions avec le système de conduite complètement automatisée. Après avoir parcouru un trajet pendant une vingtaine de minutes, la confiance, l'acceptabilité, les attitudes et les intentions d'utilisation ont été mesurées. L'entraînement élaboré a amélioré la performance de reprise de contrôle manuel en situation d'urgence (temps de réponse plus courts et plus grande précision de l'utilisation des pédales). La réalisation d'une tâche non reliée à la conduite a allongé les temps de réponse, mais n'a pas eu d'effet sur la précision de l'utilisation des pédales. Enfin, l'entraînement élaboré a contribué à atténuer le phénomène de sur confiance dans le système90». Pour obtenir le permis de conduire, il ne semble pas nécessaire de former dès aujourd'hui tous les conducteurs à la conduite de véhicules autonomes. Mais l'utilisation des automatismes et le comportement des véhicules autonomes doivent faire l'objet de séances d'information. Un permis de conduire spécial ne semble pas nécessaire. Mais pour qui doit conduire un véhicule automatisé, des pré-requis sont indispensables. Ils pourraient prendre la forme d'une unité de valeur, faisant l'objet d'une évaluation certificative. Cette attestation serait obligatoire pour conduire un véhicule autonome de niveau 3 et plus. Elle serait basée sur l'acquisition par tout conducteur de quatre compétences minimales : connaître ce qu'il peut attendre d'un véhicule en mode autonome ou non ; maîtriser la manipulation des aides à la conduite (ADAS) et l'interface homme-machine ; connaître sa responsabilité qui découle de sa décision d'activer les automatismes, et connaître les risques associés ; Connaître le système de surveillance du comportement du conducteur ; Etre capable de reprendre en main le véhicule quand le cerveau informatique le demande, et être informé des procédures relatives aux trajectoires de sécurité.
Les résultats de ces trois études sont discutés. Les méthodes d'entraînement que nous avons développées pourraient servir à former les nouveaux utilisateurs de cette technologie. Le rôle du conducteur dans ce type de véhicule et la nature de la tâche de conduite sont questionnés. Le degré de supervision exercé sur le système deviendrait secondaire par rapport à la réalisation d'une autre tâche non reliée à la conduite. Enfin, les limites de nos études et les perspectives pour les recherches à venir dans le domaine sont examinées.
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Une durée de trois à quatre heures semble suffisante pour atteindre ces objectifs, avec un passage obligé par un outil de simulation pour la reprise en main. Une application de smartphone pourrait être développée pour assurer le suivi et l'actualisation des connaissances. Cette unité de valeur pourrait être délivrée par les écoles de conduite et les organismes de récupération de points. Les loueurs et les gestionnaires de flottes partagées devraient l'exiger au moment de la location91. Il faut en outre imposer aux concessionnaires, au moment du retrait de tout véhicule autonome après achat (voiture neuve ou d'occasion), d'assurer une formation à la prise en main reprenant au minimum les deux premières compétences de l'unité de valeur. En plus de la formation, les activités de prévention routière et de communication doivent comprendre dès aujourd'hui des informations et formations relatives aux automatismes. c) Prévention et formation en milieu professionnel Le poids des accidents liés au travail est considérable dans les statistiques de sécurité routière : en 2015, 483 personnes ont été tuées lors d'un déplacement lié au travail (18 % de la mortalité) : 359 personnes (10 %) lors d'un trajet domicile travail, 124 personnes (4 %) lors d'un trajet professionnel. Dans 38 % des accidents au moins un des usagers effectuait un trajet domicile travail ou un trajet professionnel. Les accidents de la route sont la première cause de mortalité professionnelle (environ 50 %). En conséquence agir sur des flottes de véhicules automatisés en milieu professionnel, pourrait avoir des conséquences positives sur la sécurité routière. Selon la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs salariés (CNAMTS92), Le risque routier professionnel représente : environ 10 % des accidents du travail ; environ 50 % des accidents mortels (c'est le premier risque d'accident mortel du travail) ; environ 30 % des accidents corporels.
Les études de l'INSEE montrent que la distance entre le lieu d'habitation et le lieu de travail s'accroît régulièrement (phénomène de rurbanisation). Lié à l'allongement des trajets, l'usage de la voiture (et du deux-roues motorisé) pour les déplacements domicile-travail n'a cessé d'augmenter ces dernières années. Cette évolution induit pour les salariés une augmentation mécanique de l'exposition au risque. L'insécurité routière pour le régime général en 2012, c'est plus de cinq millions de journées perdues, 76 jours d'incapacité temporaire moyenne (accidents en mission) et 68 jours (accidents en trajet), contre 59 jours en moyenne pour l'ensemble des accidents de travail hors route. Les coûts sont élevés : coûts directs estimés par la CNAM à 700 millions (prestation en nature, soins médicaux, indemnisation des victimes) et indirects (absence, remplacement, productivité...) à 2,1 milliards .
La prévention des risques professionnels a un important effet levier. D'abord, l'accidentalité de travail est à l'origine d'un nombre important de victimes impliquées. La route est très occupée par l'entreprise et les accidents de travail occasionnent un nombre de morts importants au-delà des seuls accidentés du travail. Ainsi, en 2010 sur les 3 992 morts recensés par l'ONISR, 1 571 (39 %) ont été tués dans un accident impliquant au moins un véhicule en mission ou trajet professionnels. Cette même année, on déplore 160 morts en mission dans des accidents de travail qui ont tué 800 personnes. Le levier de la baisse de l'accidentalité de travail et de trajet est fort : pour un décédé en accident routier de travail au sens strict (hors trajet), il y en a cinq au total. Pour les trajets domicile-
Les loueurs préfèrent une unité de valeur à une obligation de prise en main par leurs soins, qui irait à l'encontre d'un modèle économique de plus en plus dématérialisé. 92 La CNAM TS assure les accidents de travail et de trajet ainsi que les maladies professionnelles pour 18,3 millions de salariés du régime général. Sont pris en compte missions et trajets domicile, tous véhicules confondus.
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travail, le levier est moindre (facteur 1,5 : pour 476 décédés en accident de trajet, il y en a 762 au total). Toute action sur le milieu du travail est donc démultipliée. Ensuite les actions relatives au risque trajet ont des retombées en conduite de loisir. Le risque « trajet » fait en outre le lien entre la conduite en situation professionnelle et la conduite privée. C'est enfin un enjeu de mobilité durable qui associe les plans de déplacements urbains et les plans de déplacement en entreprise. Si les entreprises importantes ont mis en place des plans de prévention des risques routiers avec un certain succès, cette pratique vertueuse touche beaucoup moins la fonction publique et les petites entreprises. Il est regrettable que la fonction publique ne soit pas exemplaire en la matière, alors que le risque accident de trajet s'accroit avec la rurbanisation. Aucun ministère ne se sent véritablement en charge de cet aspect de la sécurité routière alors que le nombre d'accidents de trajet explose. L'arrivée des véhicules automatisés dans le milieu du travail et l'utilisation du milieu professionnel pour communiquer et former au sujet des véhicules autonomes, pourraient être des facteurs forts d'amélioration de la sécurité routière. d) Actions de prévention et communication
Au-delà du continuum éducatif au sein des établissements scolaires, de l'apprentissage de la conduite, de la prévention des risques routiers professionnels on trouve les différentes actions de prévention et la communication. Une réunion commune a eu lieu le 20 septembre 2016 entre WP 29 et WP 1 (ONU). Il est apparu que différents niveaux d'automatisation seront commercialisés à court terme, tous prévoyant une intervention humaine, donc une interface homme-machine. Pour les membres du WP 1, cela signifie nécessairement, qu'une information très détaillée du conducteur doit être envisagée, expliquant bien les rôles respectifs de l'humain et du système et aussi ce que l'humain doit être capable de faire rapidement et parfaitement bien, dès lors que le système lui demandera de reprendre la main totalement car il ne pourra plus assurer la sécurité (mauvaise visibilité, conditions météo très dégradées, mauvaise lisibilité de la route, etc...). Plusieurs membres du WP 1 ont exprimé leurs préoccupations quant à cette information du conducteur, voire à la formation complémentaire qu'il devrait suivre pour être habilité à conduire un véhicule équipé de ce système. Trois axes doivent être explorés et mis en oeuvre rapidement : Intégrer dès aujourd'hui dans les actions de prévention routière et de communication à la sécurité routière une information relative aux véhicules automatisés. Les manuels des véhicules doivent être améliorés et comporter ces nouvelles approches. La publicité pour les véhicules automatisés devrait être régulée, afin d'en donner une image conforme à la réalité, ne masquant pas les problèmes de sécurité.
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INSPECTION GENERALE DE L'ADMINISTRATION N° 16-040R
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT
ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE
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INSPECTION GENERALE DE L'ADMINISTRATION N° 16-040R
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE N° 010629-01
L'automatisation des véhicules Annexes cahier N°2
Etabli par Jean-François ROCCHI Inspecteur général de l'administration Philippe BODINO Chargé de mission à l'inspection générale de l'administration Hervé de TREGLODE Ingénieur général des mines Bernard FLURY-HERARD Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Frédéric RICARD Ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts
- Février 2017 -
L'automatisation des véhicules
SOMMAIRE
Annexe n° 9 : La cyber sécurité .................................................................................................................. 7 Annexe n° 10 : L'état de la recherche en France et dans le monde ........................................................ 17 Annexe n° 11 : Les poids lourds, les navettes, les bus autonomes.......................................................... 21 Annexe n° 12 : L'impact économique et social des véhicules autonomes. L'acceptabilité sociale ......... 32
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Annexe n° 9 : La cyber sécurité
1. 1.1. Les vulnérabilités informatiques des véhicules autonomes sont assurément importantes Une large surface d'attaque et des vulnérabilités importantes
La vulnérabilité des véhicules modernes est forte. Ce que les spécialistes qualifient de « surface d'attaque » ouvre des brèches dans lesquelles s'infiltrent les délinquants. Un véhicule automatisé et/ou connecté, présente une très large surface d'attaque informatique. En effet les technologies qu'il embarque au profit de systèmes « intelligents» sont très diverses et nombreuses. Les radars, lidars, caméras de plus en plus nombreux et nécessaires à l'automatisation fonctionnent sur la base de lignes de code informatique, et sont associés à des calculateurs (ECU : Electronic Control Unit). On trouve aujourd'hui plus de 80 calculateurs sur certains véhicules haut de gamme et leur nombre est élevé dans toutes les gammes. Ceux-ci agissent aussi sur les organes de fonctionnement classique du véhicule (moteur, freinage, gestion de l'habitacle, divertissement, localisation, direction, verrouillage centralisé, ouverture des portes et démarrage, téléphonie mains libres...). Ces calculateurs peuvent communiquer directement avec des bases à l'extérieur de la voiture. Ils sont installés en réseau par lequel transitent les données : le CAN (Controller Area Network), qui véhicule jusqu'à 60 millions de lignes de code et jusqu'à 20 Giga-octets d'échanges par heure. Ce réseau aboutit à la prise OBD (On Board Diagnostic). Celui qui s'y connecte y collecte toutes les données utiles pour réaliser les diagnostics et l'entretien des véhicules (garagistes). En outre, on trouve toutes les fonctions de GPS, et d'infotainment. Le véhicule communique aussi vers l'extérieur (plateformes, infrastructures, autres véhicules, fournisseurs, bases de données...) par diverses voies : la téléphonie, le Bluetooth, le wifi, d'autres fréquences. Enfin l'e-call sera obligatoire dès 2018 sur tous les véhicules. C'est donc un objet connecté qui présente une large surface d'attaque informatique en tous points, et dont la cybersécurité globale ne vaut que par son point le plus faible1. C'est en outre un objet particulier par son usage et le fait qu'il transporte des passagers. Selon l'ANSSI, la surface d'attaque est très importante, mais elle est cependant délimitée en petites parcelles technologiques de systèmes « propriétaires ». Cependant il existe des points de faiblesse qui peuvent concentrer les attaques : la prise OBD, le bus CAN qui canalise et mutualise les données. En outre, ce sont des « standards » qui font des ponts entre les parcelles, ce qui est un facteur aggravant. Une fois que l'on est sur le réseau, on peut tout faire et notamment upgrader ses propres fonctions d'administrateur. L'ANSSI classe les menaces en 4 catégories, par technicité croissante2. Atteinte à l'image : défiguration de sites, propagande. Le constructeur peut faire l'objet d'une attaque de ce type. Les acteurs n'ont pas besoin d'un grand niveau technique. Cybercriminalité : relative impunité de ceux qui conduisent les attaques (c'est le règne de l'anonymat).
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Exemple aux États Unis, chez les magasins Target, les données de 115 millions de clients ont été piratées via le prestataire de climatisation, dont le système est relié au « bus » central. Quand on a affaire à un « système de systèmes », c'est le point le plus faible qui compte. De nouveaux réseaux autonomes bas débit à faible consommation qui pourraient transmettre des informations simples du véhicule vers des bases arrière présentent aussi des possibilités de failles. SIGFOX et LORA (Internet Of Things) sont les plus connus qui pourraient venir sur le champ des véhicules autonomes. 2 Le classement de l'OCSTI est un peu différent : Sécurité (déni de service (DOS) / intimidation / terrorisme (tuer les occupants ou en faire une arme par destination vers une foule par exemple))... vie privée : connaissance de la façon de conduire / vol de données personnelles / écoutes téléphoniques / vidéosurveillance / localisation... autres (financiers) : vol / reprogrammation de clé / demande de rançon (le véhicule ne fonctionne plus) / manipulation du cours de bourse du constructeur.
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Espionnage. Sabotage. C'est ce que l'ANSSI craint le plus et où elle concentre les efforts. Il n'y a pas d'exemple pour le moment sur les véhicules. Mais, des cas dans le domaine de l'énergie (exemple de centrales nucléaires et de stockage de gaz) font penser que les véhicules seront impactés. Par exemple, attaque de centres de services ou de plateformes de supervision ou attaque du véhicule lui-même. Le problème est aussi la multiplicité d'acteurs, y compris ceux du monde du divertissement.
En termes de sensibilisation des écosystèmes, on remarque que le top management est en général convaincu, les RSSI aussi. La difficulté semble être avec le « middle management ». On y rencontre des problèmes culturels. Par exemple les gens issus des « automatismes » sont convaincus de la sûreté de fonctionnement de leurs systèmes, car ils ont élaboré une « logique » de fonctionnement, mais ils ne tiennent pas compte de la malveillance. Notons enfin un paradoxe pour ceux qui ne font pas de la mise à jour d'applications sensibles de peur d'ouvrir la porte à des virus ou de se rendre vulnérables. Cela conduit au fait que les systèmes les plus critiques sont les moins mis à jour. La télétransmission de mises à jour reste néanmoins une faille propice à la malveillance. La surface d'attaque est immense mais les pouvoirs publics font confiance aux constructeurs et au marché pour la sécuriser. Il faut cependant noter un bémol dans la phase intermédiaire. Les véhicules qui vont sortir en 2017 embarqueront déjà des fonctions connectées vulnérables par ce que pas encore suffisamment bien pensées au niveau cybersécurité. Voler un véhicule en simulant sa clé électronique, discréditer un constructeur en provoquant des dysfonctionnements, prendre le contrôle d'un véhicule pour effrayer son conducteur, créer des bouchons, tuer ses passagers, le précipiter sur une foule, etc. sont des menaces qui n'ont rien d'imaginaire. L'atteinte à l'image, la cybercriminalité, l'espionnage, le sabotage, vont assurément toucher les véhicules automatisés et leurs constructeurs. 1.2. Des cas d'atteinte à la cybersécurité sont déjà constatés
Le vol par « mouse jacking » (imitation des signaux émis par les clés) se développe en France et dans le monde3. Plusieurs démonstrations de prise de contrôle de véhicules ont été réalisées par des chercheurs ou des hackers parfois employés par les constructeurs dans le cadre de la recherche sur la sécurité. En outre, des attaques massives sur des sites conduisant au « déni de service » sont de plus en plus fréquentes. Elles pourraient toucher dans le futur des plateformes réservées aux véhicules automatisés. Enfin le vol de données personnelles est un problème sensible. Hausse du nombre d'affaires de vol sans effraction4
La sécurité des ouvertures de portes à distance de nombreux modèles de voitures serait particulièrement vulnérable. Des chercheurs en Allemagne et en Grande-Bretagne ont dévoilé une faille de sécurité qui concernerait environ 100 millions de véhicules dans le monde, rapporte la presse allemande. Une étude5 parvient à démontrer la très grande vulnérabilité des boîtiers qui commandent l'ouverture et la fermeture des véhicules, basés sur un système de code tournant (rolling code). Les chercheurs affirment que « pour la
Le taux de vols par mouse jacking serait de plus de 50 % selon la société « Traqueur». Depuis deux ans, le nombre de voitures volées est reparti à la hausse après 12 années de baisse (+2,3 % en 2015), soit plus de 110 000 véhicules volés l'an passé, un préjudice estimé à 1,2 milliards d'euros pour les compagnies d'assurance, rappelle 40 millions d'automobilistes. « Le mouse-jacking reste la pratique dominante avec 70 % des vols », commente Pierre Chasseray, délégué général de l'association. 5 Menée par Flavio Garcia, David Oswald et Pierre Pavlidès, chercheurs de l'Université de Birmingham, en collaboration avec Timo Kasper, de la société Kasper & Oswald GmbH spécialiste des questions de sécurité informatique.
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plupart des fermetures de porte, il existe des outils qui permettent de décoder la serrure pour créer une clé correspondante». En effet, les grands constructeurs automobiles, et notamment les véhicules fabriqués par Volkswagen depuis 1995, ne proposent qu'un faible nombre de combinaisons. Par ailleurs, selon les chercheurs, un pirate informatique qui aurait récupéré les algorithmes de chiffrement aurait simplement besoin d'intercepter un seul signal de la télécommande d'un véhicule pour reproduire le code de la clé de voiture. Des problèmes de sécurité du même type ont également été identifiés par les chercheurs chez d'autres constructeurs parmi lesquels les français Citroën (Nemo, Jumper), Peugeot (207 notamment) et Renault (Clio, Twingo, etc.), l'italien Fiat (Punto, Panda...), l'allemand Opel (Astra, Corsa, etc.), le japonais Nissan (Qashqai notamment), l'américain Ford (Ka) ou d'autres marques. Ainsi, selon les chercheurs, ces failles de sécurité expliquent le nombre grandissant d'affaires de vol sans effraction que les assureurs refusent de prendre en charge. Ces études se vérifient sur le terrain. Cela a été confirmé par l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale qui a présenté plusieurs cas à la mission, parmi lesquels le vol de soixante véhicules entre 2012 et 2015 au moyen d'une tablette modifiée qui se connecte au bus CAN. On peut aussi voir sur Youtube des publicités pour des outils informatiques frauduleux qui simulent la clé du véhicule pour s'en emparer, puis lorsque le véhicule est aux mains des voleurs, reproduire la clé électronique à partir de la prise OBD. Démonstration de piratage et de contrôle à distance par les chercheurs ou les hackers
À l'été 2015, deux chercheurs américains en informatique ont démontré qu'il était facile de prendre le contrôle d'une voiture « connectée » via des SMS. Charlie Miller et Chris Valase étaient parvenus à pirater à distance la Jeep Cherokee d'un journaliste du site spécialisé Wired. Ils avaient ainsi pu allumer la radio, faire fonctionner les essuie-glaces et couper le moteur. Ils étaient aussi parvenus à désactiver les freins. En 2016, des chercheurs chinois en cybersécurité6 ont révélé des failles de sécurité exploitables à distance sur une Tesla Model S. Dans une vidéo publiée sur leur blog, ils interagissent à distance avec le véhicule grâce à un ordinateur. Ils ouvrent les portes et le coffre, désactivent le panneau de bord, activent les clignotants et les essuie-glaces, sans être physiquement présents dans le véhicule. L'un des chercheurs, qui se trouve à plus de 15 km de là, déclenche les freins du véhicule alors que la Model S est en route, sans que les feux ne s'allument. Ils ont réussi à s'emparer du véhicule sans le moindre contact physique, mais « après plusieurs mois de recherche intense », selon eux. Le piratage visait l'un des systèmes internes de la Model S, le bus CAN, qui assure notamment la transmission des données entre ses différents composants électroniques. Sur leur blog, les chercheurs affirment avoir testé la procédure sur plusieurs versions de la Tesla Model S. Ils pensent « raisonnable de supposer que d'autres modèles construits par Tesla sont concernés par ces failles ». Ils ont depuis présenté leur découverte à l'entreprise américaine, qui, dans un communiqué, déclare avoir réglé le problème grâce à une mise à jour logicielle. Ce communiqué précise que si la faille existait bel et bien, elle était exploitable « uniquement quand le navigateur Internet du véhicule [situé sur le tableau de bord] se trouvait en cours d'utilisation ». De plus, Il était également nécessaire que la voiture soit connectée à un réseau Wifi non sécurisé, selon Tesla. « Toutes les démonstrations ont été réalisées sans contact et sans modification physique sur la voiture », explique la vidéo. Les prises de contrôle ont été réalisées sur deux modèles de Tesla S, la P85 (à l'arrêt) et la 75D (en mouvement). Cependant, les scientifiques affirment avoir testé les failles sur d'autres véhicules Tesla S avec succès. « Il est raisonnable de supposer que les autres modèles Tesla sont aussi concernés », précisent encore les chercheurs sur leur blog.
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Samuel LV, Sen Nie, Ling Liu et Wen Lu, du Keen Security Lab.
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Travailler avec les hackers
Les « menaces évoluent », avance Titus Melnyk chargé de la sécurité chez Fiat Chrysler Automobiles (FCA), qui vient de lancer un programme visant à encourager les hackers à informer le groupe des failles liées à la cybersécurité de ses voitures. Le constructeur des Jeep promet une prime pouvant aller jusqu'à 1 500 dollars par alerte. « On ne sait jamais. Cela peut être la base d'une attaque », défend M. Melnyk, insistant sur le fait que ce programme est « très sérieux ». En 2015, le constructeur Tesla avait été le premier à faire appel à des hackers après que certains d'entre eux aient révélé qu'ils pouvaient couper à distance le moteur d'une berline Model S en piratant son système multimédia. GM, qui dit recevoir et résoudre plusieurs alertes liées à de possibles cyber attaques par jour, gère un programme sur les vulnérabilités de ses voitures sur le site hackerone.com. Attaque conduisant au déni de service7
Le 22 septembre 2016, le blog de Brian Krebs, un chercheur reconnu en sécurité informatique, était rendu inaccessible par une attaque informatique. Le site a été visé par une attaque dite de « déni de service », qui consiste à saturer un site de connexions pour en bloquer l'accès ou faire tomber les serveurs qui lui permettent d'exister en ligne. La puissance d'une attaque de ce type se mesure en gigabits par seconde (Gbps) le volume de trafic envoyé vers le serveur du site. Celle-ci a été estimée à 620 Gbps, ce qui en fait l'une des plus importantes de l'histoire d'Internet8. Le site a été rendu totalement inaccessible, malgré le système de protection dont il bénéficiait9. Le même jour, l'hébergeur et fournisseur d'accès français OVH était victime d'une tentative de blocage massive une série de 26 attaques simultanées de plus de 100 Gbps. Ce qui rend ce type d'attaques difficiles à contrer, c'est qu'elles sont dites « distribuées » l'afflux de connexions ne provient pas d'une seule source, qui pourrait alors être bloquée aisément10. De nombreux spécialistes affirment depuis des années que « l'Internet des objets » représente une menace importante non pas à cause des objets en tant que tels, mais parce que de très nombreux modèles d'objets connectés vendus dans le commerce sont insuffisamment protégés et donc aisément piratables. Contrairement aux ordinateurs ou aux smartphones, ils ne bénéficient que rarement de mises à jour régulières et restent connectés en permanence à Internet ; ce qui en fait des cibles idéales pour des personnes cherchant à créer des botnets de grande envergure. Le 24 octobre 2016, ce sont les géants Facebook et Google qui ont vu leur activité perturbée pendant une journée par le même type d'attaque. Enfin, le vendredi 25 novembre 2016, sur les écrans des salariés de la Municipal Transportation Agency (MTA), chargée des transports en commun de San Francisco, le message suivant est apparu « Vous avez été piraté, toutes les données sont chiffrées. ». Même si ce piratage n'a pas perturbé la circulation des transports, il a permis aux usagers de voyager gratuitement le vendredi soir et le samedi, les portiques ayant été ouverts. Le procédé ressemble à un logiciel de racket (ransomware), qui consiste à chiffrer les
Selon l'entreprise Verisign, qui a récemment publié un rapport sur le sujet, elles auraient progressé de 85 % dans le monde entre la fin de 2014 et la fin de 2015. 8 Lorsque l'attaque dépasse la centaine de Gbps, il s'agit d'une attaque majeure les plus grandes attaques mesurées ces dernières années atteignaient 300 Gbps. 9 Mis en place par une filiale du géant d'Internet Akamaï, le site est revenu en ligne épisodiquement durant les deux jours suivants, avant qu'Akamaï ne jette l'éponge, expliquant qu'il pouvait protéger le site mais que cela aurait un coût près de 200 000 dollars à l'année une somme que M. Krebs ne pouvait pas payer. Google lui a alors proposé de fournir gracieusement son propre système de protection contre ce type d'attaque le site de M. Krebs est depuis normalement accessible. 10 Pour réaliser ces attaques, les assaillants ont le plus souvent recours à un botnet, un réseau de machines infectées qui participent toutes, à l'insu de leur propriétaire, à l'attaque. La particularité de cette attaque, qui atteint ces débits inédits, est qu'il s'agit d'un « botnet » non pas composé d'ordinateurs, mais de machines beaucoup plus simples et notamment de caméras de surveillance. M. Klaba explique que son entreprise a repéré 145 607 caméras qui semblaient faire partie du réseau.
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données présentes sur un ordinateur jusqu'à ce que la victime accepte de payer une rançon pour les déverrouiller. Le message qui s'est affiché sur les ordinateurs contenait ainsi une adresse courriel, qu'a contactée The Examiner (journal de San Francisco). Le pirate a répondu « Nous faisons ça pour l'argent, et rien d'autre », expliquant que le réseau de transports de San Francisco n'était pas directement visé. Selon lui, un salarié a téléchargé le logiciel malveillant, ce qui aurait suffi pour toucher l'ensemble du système. « Notre logiciel tente d'infecter tout ce qu'il trouve », a-t-il précisé, en réclamant 69 000 . Vol de données
Les nouvelles technologies embarquées exposent également les conducteurs à un vol potentiel de leurs données personnelles quand ils connectent leur téléphone intelligent. En effet, des données personnelles sont stockées ou transmises à travers les systèmes multimédias des véhicules, ce qui ouvre des opportunités pour les hackers. L'une des pistes, sur laquelle s'accordent les experts, pour contrer les pirates est un partage des informations entre acteurs du secteur. Par exemple aux États-Unis, les groupes automobiles et leurs équipementiers ont obtenu en 2015 du ministère américain de la Justice de pouvoir travailler ensemble sur le sujet sans risquer des accusations d'entente. Les « brouilleurs » : déjà aujourd'hui des véhicules utilisent des brouilleurs pour ne pas être repérés. (brouilleurs de leurs propres données et de données périmétriques)
On le voit les menaces sont nombreuses et diverses. Il n'existe pas de cartographie précise des menaces et de leur évaluation. Or, la cybersécurité est un point stratégique. 2. Les acteurs de la cybersécurité
L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) auprès du Premier ministre a la mission de faciliter la coordination des politiques pour la cybersécurité en France. Elle se donne pour rôle d'introduire des exigences de cybersécurité dans le dossier technique (exemple : ordonnance pour les expérimentations), de sensibiliser les constructeurs (référentiels, labellisation, qualification et agrément), de labelliser les systèmes et les composants (avec la difficulté du secret industriel), de bâtir des protocoles de tests... La DGEC du MEEM a en charge la réglementation technique liée aux véhicules, dont la cybersécurité, y compris à l'international (notamment au WP 2911). L'observatoire central des systèmes de transport intelligent de la gendarmerie nationale (OCTSI) fondé le 1er juillet 2015 a pour objectif de recueillir du terrain les données pertinentes, de les analyser, de suivre l'état de l'art et de proposer des évolutions en matière de sécurité routière (prévention des accidents) et de sûreté (prévention d'actes malveillants)12. C'est le seul observatoire de ce type en Europe. Les instituts de recherche : dans le cadre du plan NFI, l'Institut VeDeCOM pilote un groupe sur les aspects relatifs à la connectivité dont l'un des thèmes est : « permettre un contrôle à distance sécurisé et une exclusion d'un élément malveillant ». L'IRT SystemX13 fait de même sur les aspects relatifs à la sécurité avec pour thème : « assurer la cybersécurité du système véhicule autonome et connecté dans son environnement », mais les projets ne sont pas encore lancés. Très peu d'études ont été faites. Pour les constructeurs et les industriels, c'est un gros enjeu, mais pour le moment il y a peu de partage, au motif de sécurité industrielle et d'intelligence économique.
Forum d'harmonisation des règles pour les véhicules (ONU). Productions de l'OCSTI : guide pour les enquêteurs sur le mouse jacking/articles de sensibilisation sur le problème cyber/études et fiches/conférences/rapport au ministre/séminaire annuel/participation à la task force et au groupe inter administrations. 13 Il y a 8 IRT en France, issus des investissements d'avenir. C'est une nouvelle façon de faire travailler ensemble les industriels et les chercheurs, et d'essayer de sortir de la logique de subvention.
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Sur le cas plus spécifique des forces de l'ordre, la gendarmerie a beaucoup investi ce domaine parce qu'elle considère que le véhicule automatisé n'est pas un objet connecté comme les autres, mais aussi parce que c'est un domaine à grands enjeux14. Outre l'OCSTI, elle dispose du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale notamment du plateau d'investigations véhicules15, et de plusieurs départements de l'IRCGN16. La police a choisi une voie différente et n'est pas aussi présente dans ce dossier. Elle n'occupe pas pour le moment la place qui lui est réservée à l'OCSTI. Trois principes peuvent être retenus pour structurer le dispositif de lutte contre la cybercriminalité et de renforcer les processus : L'approche commune police-gendarmerie, en particulier par le partage des structures (OCSTI, plateau véhicules...), des outils (GENDIAG17) et des méthodes (fiches réflexe, guide d'enquête) ; La mise en réseau est essentielle : les services doivent participer au groupe inter administrations, tisser des partenariats avec des centres de recherche, échanger des stagiaires, développer des projets communs ; Le partenariat d'échanges avec des constructeurs est stratégique, notamment pour le développement technologique spécifique aux besoins des forces de police, l'identification des fragilités des véhicules volés et la réponse à apporter, récupération des données des Event data recorders (EDR), etc.
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Ce troisième point est fondamental aussi, pour l'ensemble des acteurs. En effet les pouvoirs publics comptent sur les constructeurs pour mettre en place des mesures efficaces de cybersécurité, car elles sont stratégiques pour eux. Il est donc essentiel que les constructeurs soient associés et s'associent à toutes les démarches relatives à cette thématique. La gendarmerie bâtit des partenariats avec les constructeurs : des conventions sont en cours avec Renault et PSA, qui organisent essentiellement des échanges d'informations. La coordination des acteurs est néanmoins balbutiante. Elle prend notamment la forme d'un tour de table ponctuel dans le groupe de travail inter administrations et la task force, mais n'est pas organisée en mode de projet. Les constructeurs ne sont pas encore assez ouverts et associés. Il n'y a pas de coordination spécifique à la thématique de Cybersécurité. Il y a une forte prise de conscience qui génère du foisonnement. Chacun construit donc ses propres réponses, parfois en partenariat bilatéral, mais la réponse globale n'est pas encore structurée. La cybersécurité concerne tous les véhicules, même ceux qui ne sont pas hautement automatisés. L'e-Call, obligatoire à partir de 2018, est un nouveau point d'entrée. Elle regarde tout autant d'autres moyens de transport : trains, bateaux... La coordination en matière de cybersécurité doit être élargie sur la base de ce périmètre étendu. Il est possible de prendre exemple sur ce a été fait pour la sécurité des cartes de paiement : la mise en place d'un « observatoire » qui a débouché sur des outils concrets comme « 3D secure ». Le dialogue est indispensable entre des acteurs qui peuvent collaborer en phase de pré-industrialisation, puis devenir
La lutte contre la criminalité numérique : 260 enquêteurs, 1 700 référents cyber, plus les brigades. Cette branche est a priori déjà surchargée. 15 Qui apporte un soutien aux enquêteurs afin de les aider à identifier un véhicule qui pourrait être volé ou à le localiser (40 % de ces saisines proviennent des unités de police nationale de la préfecture de police de Paris). 16 Véhicules (VHC) et informatique électronique (INL) qui apportent leurs expertises et le centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) qui assure une veille informatique pour suivre et réprimer la délinquance associée sur les réseaux et qui conduit des actions de recherche pour reproduire les attaques (hacking) et comprendre la capacité des hackers et leur niveau supposé. 17 GENDIAG est un projet commun qui a abouti à la réalisation d'un outil permettant d'identifier tous les calculateurs d'un véhicule en se branchant sur la prise OBD.
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concurrents ensuite (exemple des opérateurs téléphoniques et des banques). Une autre approche est de désigner un coordinateur thématique. 3. La réponse aux menaces
Une approche cadre a été proposée par l'ANSSI : Pour assurer la cybersécurité des véhicules connectés et automatisés, il faut rapidement tenir compte des considérations suivantes : le nombre des véhicules connectés augmentera de beaucoup durant la décennie à venir, même celui des véhicules connectés à bas coût, notamment en raison des équipements obligatoires à bord comme l'e-Call (appel d'urgence) ; la cybersécurité doit être prise en compte aussi tôt que possible en tant que domaine à traiter obligatoirement lors de la réception par type, en clarifiant et harmonisant les règles que doivent appliquer les constructeurs comme les équipementiers ; l'approche européenne envers la cybersécurité devra être fondée sur des règles tirées de la réglementation internationale préparée à Genève ; comme tout nouveau véhicule sera bientôt confronté au problème de la cybersécurité, il faudra introduire des dispositions envers la cybersécurité dans le règlement de la Commission économique pour l'Europe des Nations-Unies n° 10 (sur la compatibilité électromagnétique) ou n° 116 (sur la protection contre les usages non autorisés), ou bien bâtir une nouvelle réglementation internationale pour les catégories M (voyageurs) et N (marchandises) de ladite Commission économique ; les dispositions devront être fondées sur les normes existantes, notamment celles qui s'appliquent aux industries autres que l'industrie automobile ; les nouvelles dispositions de la réglementation automobile devront astreindre les constructeurs à installer des systèmes de cybersécurité qui devront être testés et validés avant toute mise en service ; il faudra répondre convenablement à la question des mises à jour par la technologie OTA (over the air) ou par des correctifs (patchs) de sécurité pour les voitures déjà en circulation.
Ainsi l'ANSSI a-t-elle été conduite à présenter les recommandations suivantes, rédigées avec la DGEC, et adressées au WP 29 : effectuer une analyse de risques, un audit de conformité et des tests d'intrusion avant toute mise en circulation d'un nouveau type de véhicule, cela pouvant constituer un nouveau chapitre dans le processus de réception (homologation) des véhicules ; adopter le principe de la sécurisation dès la conception pour les logiciels comme pour les matériels (composants, dispositifs, véhicule), cela permettant à l'ensemble des parties prenantes de mieux sécuriser les architectures et les réseaux en s'appuyant notamment sur la défense en profondeur (isolation des fonctions critiques), le filtrage des flux, le chiffrement des flux, etc. ; utiliser, s'ils existent, des composants labellisés (certifiés ou qualifiés par l'ANSSI18), par exemple pour les unités de commande électronique : ECU pour Electronic Control Units, TCU pour Telecommunication Control Unit, les passerelles (Gateways) qui isolent les fonctions sensibles) des véhicules ;
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L'ENISA est l'agence européenne de sécurité des systèmes d'information.
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assurer le maintien en condition de sécurité des véhicules via des mises à jour à distance dite OTA (Over The Air)19 ou par le biais de la prise OBD (On Bord Diagnostic), mais en prenant garde au fait que ces mises à jour multiplient les possibilités de compromission des systèmes et doivent donc être particulièrement maîtrisées ; garantir la sécurité opérationnelle (supervision, détection et gestion des incidents) pour déceler et prévenir les attaques informatiques, le suivi global de la sécurité et la réponse aux incidents de sécurité pouvant s'appuyer sur une adaptation du SOC (Security Operations Center) à l'univers automobile ; tracer et journaliser les événements informatiques en vue d'une analyse approfondie le cas échéant ; prévoir un mode dégradé ou manuel en cas de problèmes liés à la cybersécurité ; mettre en place une structure d'échange dédiée au secteur automobile sur les menaces et les réponses à apporter aux cyber attaques à l'instar de ce qui existe dans d'autres pays ou dans d'autres domaines en France, la constitution d'un CERT (Computer Emergency Response Team) dédié à l'univers automobile étant un gage d'efficacité ; introduire dans les corpus réglementaires et normatifs relatifs à l'automobile des exigences de cybersécurité ; adopter une approche holistique, intégrer l'infrastructure routière et les infrastructures de télécommunication dans le champ d'analyse.
Ces recommandations et les analyses de risques devront former un nouveau cadre pour l'approbation de la sécurité de tous les véhicules connectés. Selon l'ANSSI, la réception d'un véhicule devrait être subordonnée à un audit de conformité aux nouvelles règles de cybersécurité. C'est donc une approche réglementaire et normative20 que préconise l'ANSSI. Les règles techniques relatives aux véhicules sont établies au niveau international (ONU et commission européenne), notamment dans le cadre du WP 29 qui reste encore très orienté vers la protection des données. La réglementation technique n'impose pas aujourd'hui d'exigence relative à la cybersécurité. La parole de la France y est portée par la DGEC, qui a proposé les recommandations de l'ANSSI (citées plus haut) dans le groupe de travail ITS. Elles ne figurent pas toutes dans une contre-proposition concomitante germano-japonaise. Une difficulté subsiste : la France propose d'intégrer ces propositions dans la réglementation technique internationale, alors que les Allemands et Japonais veulent en faire de simples lignes directrices. Or, tous les véhicules neufs embarquent déjà des fonctions connectées insuffisamment bien conçues au regard de la cybersécurité. Le WP 29 n'a pas encore chargé l'un de ses groupes de travail
L'identification du véhicule est une difficulté selon systèmX. Il faut développer une base de données de certificats qui permettent de garantir « qui vous êtes ». Il faut expérimenter les problèmes d'authentification des entités qui communiquent (VtoV ; VtoI). Il faut générer des certificats (PKI : public key infrastructures) toutes les 10 minutes ou moins... En outre, on rencontre une difficulté culturelle : dans le monde IT ont fait une mise à jour dès que l'on trouve un trou de sécurité. Le monde du transport a pour culture d'attendre car il faut ré-homologuer. 20 L'approche normative est aussi une piste. Les normes ne sont pas toujours opposables, mais tous les constructeurs les respectent. De nombreuses normes concernent les équipements automobiles. Dans le domaine de la sécurité, l'ISO 26262 publiée en 2011 (« Véhicules routiers - Sécurité fonctionnelle») pour les systèmes de sécurité dans les véhicules routiers à moteur est largement reprise mondialement. Elle définit un cadre et un modèle d'application, ainsi que les activités, les méthodes à utiliser et les données de sortie attendues. Sa mise en oeuvre permettra de garantir la sécurité fonctionnelle des systèmes électrique/électronique dans les véhicules automobiles (c'est une adaptation de la norme CEI 61508 prenant en compte les spécificités de ce secteur). L'association SAE a publié un guide de recommandations en termes de cybersécurité début 2016 (SAE J3061).
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de proposer des évolutions réglementaires pour imposer le respect de règles de cybersécurité dans le processus d'homologation. Des lignes directrices pourront être utiles dans l'intervalle nécessaire à la production réglementaire. La position américaine, se rapproche de la position allemande. Elle est traduite dans les « guidelines » publiées par le ministère fédéral des transports le 19 septembre 201621. Le Parlement européen a adopté la directive NIS (Network and Information Security) le 6 juillet 2016. Cette directive est destinée à assurer un « niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d'information dans l'Union européenne ». Les « opérateurs de services essentiels » (dont le secteur des transports) et certains fournisseurs de services numériques seront soumis à des exigences de sécurité et de notification d'incidents de sécurité. L'Europe fixe un cap, mais ce sont les États membres de l'UE qui devront identifier les entités concernées par la directive, en déterminant quelles autorités nationales sont compétentes pour contrôler l'application de la directive, en adoptant une stratégie nationale de sécurité des réseaux et des systèmes d'information (identification des risques, prévention, gestion et réponse à incidents). Sans oublier que la sécurité des réseaux et des SI inclut la sécurité des données stockées, transmises et traitées. Chaque État membre devra désigner un ou des centres de réponse aux incidents de sécurité informatique (CSIRT), ou un centre de réponse aux urgences informatiques (CERT), pour alerter, suivre et analyser les incidents à l'échelon national. La transposition de la directive NIS entrée en vigueur le 19 juillet 2016, doit intervenir au plus tard le 9 mai 2018. La France s'est déjà lancée (elle est en avance sur ce sujet : elle a fortement inspiré la directive, avec les allemands, et a été désignée pilote pour la transposition). Un dispositif déjà en place22 permet d'appliquer certaines mesures aux OIV (249 opérateurs d'importance vitale, sur une liste classifiée). Le dispositif de transposition de la directive NIS, en cours d'élaboration, s'en inspire et sera formalisé en 2017. Les premiers arrêtés encadrant la sécurité des OIV ont été publiés. Le Journal Officiel vient de publier 3 arrêtés applicables au 1er octobre 2016 fixant « les règles de sécurité et les modalités de déclaration des systèmes d'information d'importance vitale et des incidents de sécurité » pour le secteur des transports (terrestre, maritime et fluvial, aérien)23. L'arrêté précise les modalités de déclaration des systèmes d'information d'importance vitale (SIIV), de déclaration des incidents de sécurité, de désignation de la personne représentant l'opérateur auprès de l'ANSSI. Les règles de sécurité24 font l'objet d'une annexe
Synthèse et traduction : « Ce domaine est un domaine en évolution et plus de recherches sont nécessaires avant de proposer une norme réglementaire. Il faut donc dans un premier temps, développer des produits robustes intégrant les menaces de cybersécurité, inclure systématiquement l'évaluation du risque. La sécurité doit être globale et par conception et le système doit être apprenant. Les constructeurs sont encouragés à concevoir leurs systèmes après avoir étudié les meilleures pratiques, notamment en prenant appui sur les principes publiés par l'institut national pour les normes et pour la technologie, la NHTSA, le SAE, l'alliance de fabricants automobiles... Le processus entier doit être documenté (les actions de changement, les choix de conception, les analyses doivent être tracées...). Le partage industriel est important. C'est le but du centre auto-ISAC : l'apprentissage de groupe. À cette fin, les entités (principalement les constructeurs) devraient rapporter toutes les fragilités, les découvertes d'incidents de terrain, les tests internes, ou la recherche de sécurité externe à auto-ISAC dès que possible indépendamment de leur adhésion au centre. Ces entités devraient envisager d'adopter une politique de révélation de vulnérabilité. ». 22 Article 22 de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013, puis décret n° 2015-351 du 27 mars 2015 relatif à la sécurité des systèmes d'information des opérateurs d'importance vitale. 23 Les règles ont été définies par 18 groupes de travail représentant 12 secteurs dont les transports, puis par le dialogue entre l'OIV concerné et l'ANSSI. Fruit de ces échanges, les arrêtés fixent donc un ensemble de règles strictes en matière de sécurité pour les OIV sur les systèmes d'information d'importance vitale (SIIV) identifiés comme tels, qui devront être homologués à travers un dossier et un audit. Cet audit porte sur l'architecture, la configuration, l'organisationnel et les tests d'intrusion. Il est réalisé par un prestataire qualifié par l'ANSSI ou en interne. 24 Il s'agit des règles de politique de sécurité des systèmes d'information, homologation de sécurité, cartographie des systèmes d'information, maintien en condition de sécurité, journalisation, corrélation et analyse des journaux, détection, traitement des incidents de sécurité, traitement des alertes, gestion des crises, identification, authentification, droit d'accès, comptes
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précise et exigeante. Ces règles sont contraignantes et devraient peser entre 5 et 10 % du budget de la DSI de tout OIV, selon l'ANSSI. La philosophie de la loi de programmation militaire repose sur une assiette réduite d'opérateurs avec une exigence forte, sur la base du concept de sécurité nationale et de la notion d'opérateur d'importance vitale. La philosophie de la NIS pourrait s'appuyer sur une assiette plus large avec des exigences moins fortes, sur la base du concept de continuité du marché et de la notion d'opérateur essentiel. En France, les opérateurs d'importance vitale sont déjà listés, les opérateurs essentiels doivent l'être. Dans l'intervalle qui nous sépare de la date limite de transposition, il peut être utile d'analyser dans quelle mesure cette directive pourrait être applicable à la problématique de la cybersécurité des véhicules autonomes. En outre, la NIS concerne des opérateurs mais pas leurs objets, et donc en l'occurrence pas les véhicules, ni les données (qui sont du domaine de la CNIL). Cependant les règles de la NIS pourraient être appliquées aux futures plateformes de supervision, et aux réseaux de collecte et de transfert de données (vers e-call, assureurs, assisteurs, constructeurs). Une structure d'échange et de partage des alertes, des incidents de sécurité, de leur analyse et de leur traitement est en outre nécessaire, comme c'est déjà le cas aux États-Unis (autoISAC). Les outils mis en place par la NIS, notamment un CERT (Computer Emergency Response Team) spécifique aux véhicules connectés ou autonomes, pourraient être une solution. Ce CERT ne devrait pas être limité aux seuls constructeurs, afin de continuer à permettre les remontées d'incidents pour la connaissance de l'état de la menace. Il pourrait s'imbriquer dans l'architecture du CERT racine, aujourd'hui confié à l'ANSSI.
d'administration, systèmes d'information d'administration, cloisonnement, filtrage, accès à distance, installation de services et d'équipements, indicateurs.
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Annexe n° 10 : L'état de la recherche en France et dans le monde
Les développements sur les voitures autonomes sont les plus nombreux. Ils sont particulièrement intenses en Chine (depuis peu), en Corée du Sud, aux États-Unis, en Europe (Allemagne, Espagne, France, RoyaumeUni, Suède, etc.) et au Japon. Il y en a aussi dans d'autres pays, comme en Australie, et à Singapour. Partout, ils s'appuient sur des essais (sur route fermée), des expérimentations (sur route ouverte à d'autres circulations) et des simulations numériques. Les recherches portent surtout sur les capteurs et l'intelligence artificielle. Pour tous, les trois problèmes les plus difficiles à dénouer concernent : (1) la reprise en main, (2) la mise en trajectoire de sécurité et (3) la compréhension des comportements humains alentour. Les recherches sur l'adaptation nécessaire des routes (niveau de maintenance, etc.) sont moins nombreuses, sauf pour les connexions I2V. La raison en est que l'industrie s'efforce de mettre au point, dans la mesure du possible, des systèmes qui soient capables de circuler partout, qu'il y ait une bonne signalisation routière (marquages au sol, etc.) ou non. La recherche s'intensifie autour des enjeux du développement du véhicule autonome. Les travaux portent sur les capteurs, sur la cartographie numérique, sur l'interface entre le conducteur/passager et le véhicule, et sur les aménagements de l'infrastructure (y compris la connectivité). Il s'y ajoute les travaux portant sur la sécurité des systèmes (lutte contre la cyberdélinquance). Bien entendu, les recherches consacrées à l'intelligence artificielle (notamment sur le « deep learning », ou processus d'apprentissage de l'intelligence artificielle) profitent au véhicule autonome. I. En France
L'effort de recherche est partagé entre le secteur public et le secteur privé (en réalité, des passerelles ont été établies grâce à la NFI ou dans le cadre des Investissements d'avenir. Les principaux instituts engagés dans ces travaux sont, comme décrit dans le rapport au § 1.2.4., l'IFSTTAR, le CEREMA, l'INRIA, l'IRT SystemX, et VeDeCom. · L'IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux, établissement public à caractère scientifique et technologique) L'IFSTTAR est particulièrement présent sans les recherches sur le comportement. Son Laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) de l'IFSTTAR a publié un rapport important sur le comportement des véhicules automatisés et de leurs conducteurs : « Intention to use a fully automated car : Attitudes and a priori acceptability » (publié le 9 mai 2014) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac (IFSTTAR) et Patricia Delhomme (IFSTTAR). La Mission CGEDD-IGA a été particulièrement intéressée par les résultats. Les trois auteurs ont montré que la reprise en main sans entraînement en cas d'urgence pouvait durer en moyenne de 2 à 8 secondes. En cas d'anticipation, le système prévenant alors à l'avance de la nécessité de reprendre le contrôle de la voiture, le temps de reprise en main varie en moyenne entre 3,6 et 15,2 secondes pour la première reprise de contrôle, et en moyenne de 2,7 à 13,9 secondes pour la seconde reprise de contrôle. La reprise en main peut donc être nettement au-dessus du temps généralement considéré comme convenable, à savoir 10 secondes. Les auteurs ont conclu par trois points clefs : il faut apprendre aux conducteurs à se servir convenablement d'un véhicule pleinement autonome (afin de réagir convenablement lors des reprises en main), un haut niveau de confiance peut paradoxalement augmenter le temps de reprise en main en cas d'urgence,
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un entraînement approprié peut atténuer les conséquences fâcheuses de l'excès de confiance sur les temps de reprise en main.
· Le CEREMA (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, établissement public administratif) Le CEREMA est particulièrement impliqué dans les expertises sur les infrastructures, l'aide à la conduite, la signalisation. Il a travaillé sur les aspects psychologiques (développés dans l'annexe n° X sur l'acceptabilité sociale). L'INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique, établissement public à caractère scientifique et technologique) est un acteur clé dans le domaine de l'intelligence artificielle, et intervient comme partenaire dans des projets de véhicules de niveau 5. System X (Institut de recherche technologique issu du programme des investissements d'avenir) :
Fort de 82 chercheurs et 34 doctorants, assisté par de nombreux partenaires (61 industriels et 14 établissements académiques), l'institut de recherche technologique (IRT) SystemX, fondé en 2012, est chargé25 de la sécurité au titre du plan sur les véhicules autonomes de la Nouvelle France Industrielle (NFI). Sa mission porte sur la sécurité des véhicules automatisés entendue comme (1) la sûreté de fonctionnement et (2) la cybersécurité. Ses objectifs sont : de « recommander les méthodes et les outils pour l'aide à la conception et la validation du VA [véhicule autonome] », et à ce dessein, de « proposer les méthodes et les outils afin de démontrer l'atteinte des objectifs de sûreté de fonctionnement », et de « recommander, proposer et partager des modèles et des formats permettant la construction d'une bibliothèque de cas tests », d'« analyser la vulnérabilité Cyber du véhicule particulier », de « coordonner et mettre à jour la feuille de route technologique « Sécurité et Sûreté de fonctionnement ».
VeDeCom (institut pour la transition énergétique, issu du programme des investissements d'avenir) fédère la presque totalité des organismes français travaillant aux recherches précompétitives en matière de véhicule autonome. C'est, avec SystemX, l'organisme le plus important aujourd'hui en France, hors les centres de recherche de l'industrie automobile. Les véhicules connectés et autonomes constituent le second de ses trois domaines d'étude, à côté de l'électrification des véhicules et du thème « Mobilité et énergie partagées ». Quatre grands sujets de recherches structurent le domaine « Délégation de conduite et connectivité » : véhicule à conduite déléguée, robustesse des architectures et des systèmes, nouvelles communications sécurisées et sécurité coopérative, évaluation des impacts sociétaux et acceptabilité de la conduite déléguée.
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SystemX travaille à d'autres recherches que celles relatives aux véhicules automatisés.
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II.
En Europe, l'Union européenne coordonne des travaux de plus en plus importants
Il y a d'assez nombreux projets de recherche et développement coordonnés par l'Union européenne. Les auteurs du rapport « European Roadmap Smart Systems for Automated Driving » (Jadranka Dokic, Beate Müller et Gereon Meyer), rapport publié à Berlin le 1er avril 2015 dans le cadre de l'European Technology Platform on Smart Systems Integration (EpoSS), ont résumé dans le graphique ci-dessous les programmes européens portant d'une manière ou d'une autre sur le véhicule autonome. Les flèches rouges ont trait aux programmes achevés, et les vertes aux programmes en cours en 2015.
Source : Commission européenne
Dans le cadre de Horizon 2020 et de son programme de travail pour 2016 et 2017 (« Smart, green and integrated transport »), la Commission européenne a publié et publiera des appels à projets comme indiqué dans le tableau ci-dessous (cf. décision de la Commission européenne C(2016) 4614 du 25 juillet 2016) : Les appels sont les suivants : ART-02-2016 pour « Automation pilots for passenger cars », ART-04-2016 pour « Safety and end-user acceptance aspects of roaf automation in the transition period », ART-05-2016 pour « Road infrastructure to support the transition to automation and the coexistence of conventional and automated vehicles on the same network »,
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ART-06-2016 pour « Coordination of activities in support of road automation », ART-01-2017 pour « ICT infrastructure to enable the transition towards road transport automation », ART-03-2017 pour « Multi-Brand platooning in real trafic conditions », ART-07-2017 pour « Full-scale demonstration of urban road transport automation ».
Par ailleurs, la recherche privée, chez les constructeurs et équipementiers notamment, est très importante. Le rapport précité du cabinet Strategy& relève que Bosch emploie 14 000 ingénieurs dans le domaine du software... III. Ailleurs qu'en Europe, l'effort est impressionnant
1. Aux États-Unis, des programmes colossaux ont été lancés par les acteurs de l'internet (Google en tête), ainsi que par les constructeurs traditionnels. Google a consacré des moyens importants au programme de développement de véhicules de niveau 5. À la fin octobre 2016, les véhicules en test ont accompli un trajet de 3,5 millions de kilomètres (ou 2,2 millions de miles). TESLA est également très en pointe, et des entreprises qui viennent au départ du monde du numérique, comme Nvidia, sont aussi très impliqués dans des travaux de recherche et de simulation. 2. En Asie, la Chine, la Corée du Sud et le japon soutiennent des efforts de recherche tout-à-fait significatifs. L'effort est particulièrement soutenu en Chine, avec l'appui total du gouvernement (voir le rapport de Strategy&, page 43). Les entreprises comme BAIDU visent des objectifs très ambitieux (pour BAIDU, rien moins que de dépasser les Américains), et consacrent des moyens très larges à la recherche. BAIDU a, par exemple, numérisé 6,7 millions de kilomètres de routes en Chine26.
Center for Technology innovation, at Brookings : « moving forward : self-driving vehicles in China, Europe,Japan, Korea, and the United States », septembre 2016
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Annexe n° 11 : Les poids lourds, les navettes, les bus autonomes
Il y a bien des recherches faites sur les autocars et autobus, comme celles menées par l'entreprise Yutong en Chine ou celle de la Land Transport Authority à Singapour. En France, la RATP a aussi engagé des études, en commençant par les déplacements des autobus dans les centres bus (dépôts et ateliers dans la terminologie de la RATP). Mais la plupart se concentrent pour le moment sur les navettes de petite taille, de dix ou quinze places. Un peu partout dans le monde, des expérimentations sur routes ouvertes se déroulent ou se préparent, notamment avec les deux sociétés françaises Navya et EasyMile (Australie, France, États-Unis, Inde, Suisse, etc.), mais aussi avec d'autres sociétés : Local Motors d'Arizona, Hi-Tech Robotic Systemz d'Inde, Kamaz (avec Yandex) de Russie, etc. Les poids lourds Les recherches qui regardent les camions autonomes, dont les premières remontent à plusieurs décennies en Europe comme aux États-Unis, ont déjà abouti à des réalisations industrielles. Ainsi la société minière Rio Tinto a-t-elle constitué une flotte de lourds camions (pouvant transporter 320 tonnes) sans conducteur dans ses mines à ciel ouvert d'Australie-Occidentale ; elle a passé contrat avec Komatsu pour acheter au total 150 camions autonomes. La circulation en peloton de poids lourds a été l'objet d'études avancées aux États-Unis (mise au point de la technologie Driver Assistive Truck Platooning ou DATP) comme en Europe (étude de la société néerlandaise TNO de février 2015, qui fait référence). L'IFSTTAR a lui aussi mené des études encourageantes. Dans les projets étudiés ou les expérimentations menées, les camions derrière le véhicule de tête peuvent rouler avec ou sans conducteur. Dans tous les cas, les avantages sont importants au regard de la consommation de carburant (peut-être 15 % de moins), de la sécurité routière, du confort des conducteurs en arrière, des frais de personnel si les conducteurs derrière le camion de tête sont considérés comme ne travaillant pas, ou bien sûr s'il n'y a pas de conducteurs en arrière. Il est regrettable que la France n'ait pas participé à la grande expérimentation d'avril 2016 appelée European Truck Platooning Challenge ; lorsqu'une douzaine de camions de DAF Trucks, Daimler Trucks, Iveco, MAN Truck & Bus, Scania et Volvo Group, avait alors convergé à Rotterdam en traversant cinq pays d'Europe (Allemagne, Belgique, Danemark, Pays-Bas et Suède). Les navettes et bus 1. Deux sociétés françaises se distinguent dans le monde pour la fabrication de navettes (ou minibus) autonomes : EasyMile (implantée à Toulouse) et Navya (implantée à Paris et Lyon, employant une cinquantaine de personnes, accompagnée par le fonds d'investissement Robolution Capital). 2. Dès 2009, après une dizaine d'années de recherche et développement, dans le cadre d'IMARA (« informatique, mathématiques et automatique pour la route automatisée »), l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) a testé dans plusieurs villes d'Europe son véhicule autonome CyCab, petite voiture à deux places. Ces essais se sont faits dans le cadre du projet européen CityMobil, dont le but était de développer des moyens intelligents de transport en commun. Le CyCab a été testé en particulier à Vantaa (Finlande) en octobre 2009. Le développement du CyCab a été poursuivi ensuite par la société Robosoft.
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Deux CyCab de l'Inria
(source : Inria)
3. Le projet européen de recherches CityMobil2 regarde le développement de navettes et autobus autonomes. Fort d'un budget de 15 millions d'euros (les deux tiers provenant de l'Union européenne), exécuté sur la période 2012-2016, ce programme permettra des démonstrations et expositions de petits autobus dans dix villes d'Europe : León (Espagne, expérimentation à grande échelle), Bordeaux (France, exposition), Varsovie (Pologne, exposition), Oristano (Italie, expérimentation à petite échelle), Vantaa (Finlande, expérimentation à petite échelle avec navettes EZ10 d'EasyMile à l'été de 2015), San Sebastian (Espagne, expérimentation à petite échelle), Sophia Antipolis (France, expérimentation à petite échelle avec navettes d'EasyMile), La Rochelle (France, expérimentation à grande échelle avec navettes d'EasyMile27), Lausanne (Suisse, avec navettes d'EasyMile) et Trikala (Grèce, expérimentation à grande échelle avec navettes de Robosoft). Les deux constructeurs retenus à l'origine étaient français : EasyMile et Robosoft (actionnaire avec Ligier d'EasyMile). Par la suite, seule la société EasyMile continuera le développement. Sa navette, qui s'appelle EZ10, longue d'environ quatre mètres, n'a ni volant ni pédale, peut prendre douze voyageurs, est accessible aux personnes à mobilité réduite, est équipée d'un moteur électrique (batterie lithium-ion permettant une autonomie de 14 heures), se déplace normalement à la vitesse maximale de 20 ou 25 km/h, coûte aujourd'hui environ 200 000 euros, a déjà participé à cinq expérimentations. 4. Le projet City Automated Transport System (CATS) s'est inscrit dans le 7e programme-cadre de l'Union européenne. Il a duré de 2010 à 2014. Il portait sur la faisabilité et l'acceptabilité de véhicules électriques sans conducteur dans les villes d'Europe. Des essais ont eu lieu à Strasbourg (France), Ploiesti (Roumanie) et Lausanne (Suisse), avec des véhicules de la société Navya. Les conclusions ont été reprises notamment dans l'article « Pioneering driverless electric vehicles in Europe : the City Automated Transport System (CATS) » de Derek Christie, Anne Koymans, Thierry Chanard, Jean-Marc Lasgouttes et Vincent Kaufmann, publié en 2016 dans Transportation Research Procedia (volume 13, 2016). 5. Hors du programme CityMobil2, le projet WEpod a été préparé par la province de Gelderland aux Pays-Bas pour un service à l'université et centre de recherche Wageningen. Les navettes sont d'EasyMile. Le projet se poursuivra avec l'établissement d'une liaison entre cette université et la gare ferroviaire d'EdeWageningen. 6. Hors du programme CityMobil2, la société française Navya a vendu deux navettes appelées ARMA à la société CarPostal, entreprise publique de transport collectif en Suisse, pour une expérimentation dans les rues ouvertes (avec feux de signalisation) de la ville de Sion. La navette ARMA à moteur électrique, longue de 4,75 mètres, peut prendre quinze voyageurs et coûte environ 200 000 euros. La circulation des navettes
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Sans volant ni pédales, les navettes ont circulé à la vitesse maximale de 7,5 km/h sur une distance d'un kilomètre et demi. Les algorithmes de guidage avaient été préparés par Robosoft. Les navettes étaient équipées de radars à l'avant (détectant tout objet à moins de 30 mètres), d'un lidar et d'un GPS différentiel (permettant une localisation centimétrique).
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sera gérée par la nouvelle société BestMile, fondée par des jeunes ingénieurs de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (ÉPFL). Chaque navette ARMA, mue par un moteur électrique, pourra prendre neuf voyageurs et circulera à la vitesse maximale de 20 km/h ; pour agir en cas de problème, un opérateur est toujours présent à bord. 7. La société Navya a vendu six navettes ARMA à ÉDF pour sa centrale nucléaire de Civaux (Vienne). Circulant à la cadence d'un passage toutes les trois minutes sur un parcours de 2,8 kilomètres, gérées par Transdev, elles remplacent les bus à moteur thermique pour le transport des personnels sur le site de la centrale selon une cadence (souvent trop lente) d'un passage toutes les quinze minutes. En juillet 2016, les navettes devaient commencer à circuler sans opérateur à bord, les circulations étant suivies à distance par Navya dans son centre opérationnel à Lyon ; toutefois, cette phase a été repoussée. Les navettes transportent entre sept cents et mille personnes par jour. Pour la société ÉDF, les avantages sont de quatre ordres : transport écologique (sans émission de dioxyde de carbone), meilleur service de transport (cadence plus haute), vitrine technologique (véhicules tous autonomes et électriques), bonne rentabilité économique de l'investissement (absence de conducteurs).
Navette ARMA de la société Navya dans la centrale de Civaux (Vienne) en avril 2016
(source : Navya)
8.
La société Navya exécute et prépare deux expérimentations importantes à Lyon et à Paris
Il s'agit d'abord, à Lyon, de circulations expérimentales (avant de devenir commerciales) entre l'arrêt de tramway T1 Hôtel de région-Montrochet et la pointe sud du quartier Confluence (près de l'immeuble de GL Events). Il y a trois arrêts intermédiaires. Les cinq stations s'appellent Charlemagne, Passerelle, Salins, Sucrière et Magellan. La distance entre les deux terminus est de 1,3 kilomètre. Accessible à tous, le transport expérimental est opéré par Navya et Keolis, avec le soutien de la métropole de Lyon, du SYTRAL et de l'ADEME. Il durera un an. Assuré par deux navettes ARMA (qui peuvent transporter jusqu'à quinze personnes, dont onze assises), commencé le 2 septembre 2016, appelé NAVLY, le service de transport, qui est gratuit, est ouvert de 7 h 30 à 19 h du lundi au vendredi, avec une fréquence comprise entre 10 et 20 minutes. La vitesse maximale est de 25 km/h ; en réalité, elle sera entre 10 et 15 km/h durant les premières semaines au moins. Conformément à l'autorisation de l'expérimentation, un agent est présent à bord pour s'assurer du bon fonctionnement de chaque navette autonome, et les voyageurs doivent s'inscrire sur un registre en montant.
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Les navettes de Navya à Lyon en septembre 2016
(source : Navya-Keolis)
Les dessertes des deux navettes de Navya à Lyon
(source : Navya-Keolis)
Il s'agit d'autre part de circulations expérimentales puis commerciales à Paris28, selon un projet préparé avec la mairie de Paris, la RATP et Setec pour une liaison entre la gare de Lyon et la gare d'Austerlitz par le
L'adjoint à la maire de Paris en charge de l'urbanisme, de l'architecture, des projets du Grand Paris, du développement économique et de l'attractivité, Jean-Louis Missika, s'est montré enthousiaste sur les véhicules autonomes dans l'article qu'il a fait publier (sous le titre « Il est temps d'investir dans le transport autonome à Paris ») dans Les Échos le 18 octobre 2016 : « Pour réussir le pari du transport collectif autonome, nous avons besoin d'une vision partagée qui pense le court et le long terme, cette vision partagée doit être construite dans le cadre d'une conférence métropolitaine qui devrait réunir toutes les parties prenantes publiques et privées. / Cette vision doit se fixer des objectifs ambitieux, environnementaux et sociaux : la fin des émissions de particules fines avant 2025, l'objectif de neutralité carbone d'ici 2030, l'accessibilité pour tous et la complémentarité avec les mobilités actives (marche, vélos, etc.). La Ville de Paris est prête pour agir dans cette mutation, elle veut expérimenter très rapidement des liaisons en navette autonome en site ouvert, en commençant avec la RATP par une démonstration sur le pont Charles de Gaulle entre les gares de Lyon et d'Austerlitz, avant la fin de l'année. Ces navettes auront aussi un rôle à jouer pour
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pont Charles-de-Gaulle. Une « étude d'opportunité pour la mise en place d'une liaison entre les gares de Lyon et d'Austerlitz » (version 2 du 14 mars 2016) a été remise aux ministères en mars 2016. Faite avec six ou sept navettes, la liaison relierait probablement un espace de la SNCF au sud-ouest gare de Lyon au bas de l'hôtel Mercure, la rue Van Gogh, le pont Charles-de-Gaulle (avec voie particulière dans chaque sens probablement) et un espace près de la gare d'Austerlitz au débouché du pont sur l'avenue Pierre MendèsFrance. La ville de Paris tient beaucoup à ce projet en raison de son caractère innovant, de l'impossibilité de trouver d'autre projet convenable pour transporter les milliers de personnes qui vont et viennent entre les deux gares chaque jour, et de son souhait de préparer des projets de véhicules autonomes dans son dossier de candidature pour les Jeux olympiques de 202429. Le conseil régional d'Île-de-France soutient aussi ce projet30. 9. Par communiqué de presse le 11 octobre 2016, la société Navya a fait savoir qu'elle procédait à une augmentation de son capital, avec une participation de 30 millions d'euros apportée par Keolis, Valeo et Group8 (société du Qatar). Ces trois actionnaires s'ajoutent aux actionnaires que sont Gravitation, Capdécisif Management et Robolution Capital (ce dernier conservant le contrôle de l'entreprise). Navya a signé un accord de distribution de ses navettes avec Group8 pour les marchés du Moyen-Orient et d'Afrique ; elle construira dans le Golfe persique une usine d'assemblage pour le marché régional. 10. Au début de 2016, la présidente de la RATP a annoncé mettre à l'étude un projet de développement de bus autonomes, d'abord pour les mouvements dans les centres de maintenance. Étudié avec le constructeur italien IVECO, le premier projet regarde le garage autonome des bus au centre bus de Lagny-Pyrénées31 (rouvert après reconstruction en décembre 2015) dans le XXe arrondissement de Paris (projet de « garage intelligent »). Le CEA est associé à ce projet. Il est soutenu par l'Union européenne. Le but est d'équiper les bus actuels afin qu'ils descendent sans conducteur de la rue au centre bus, puis se garent.
Le nouveau centre bus de Lagny-Pyrénées (Paris) de la RATP en décembre 2015
(source : RATP)
développer le transport à la demande dans des zones mal desservies comme les bois parisiens, et surtout dans le périurbain. La grande couronne francilienne pourra ainsi en bénéficier pour faciliter l'accès à la demande aux gares du réseau Transilien. Des expérimentations pourraient aussi être menées sur des voies rapides réservées aux navettes autonomes. Une priorité devrait être donnée à la liaison entre Saclay et Paris pour permettre aux milliers d'étudiants qui rejoindront dès 2019 ce nouveau pôle scientifique et universitaire d'avoir une solution de transport efficace et accessible. Le temps presse, il est indispensable que tous les acteurs prennent conscience de cette révolution des mobilités, de ce qu'elle exige d'eux et des actes audacieux qu'il faut poser pour la mener à bien. ». 29 Tokyo veut présenter des véhicules autonomes à l'occasion des JO de 2020 sur son territoire. 30 « Il est indispensable de se préparer à l'arrivée des futurs véhicules guidés autonomes [sans conducteur] annoncés entre 2020 et 2022, ou encore des futurs « trains de bus » ou RER autoroutiers. Nous sommes en train d'identifier les tronçons sur lesquels les expérimentations seront menées. Par exemple, nous étudions la création d'une ligne de navettes autonomes entre les gares de Lyon et d'Austerlitz, à Paris. » (Valérie Pécresse, Le Journal du Dimanche, « Mon plan anti-bouchons », 18 septembre 2016). 31 Au 18 de la rue des Pyrénées.
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11. Dans la commune d'Archamps (Haute-Savoie), des études sont actuellement entreprises, avec l'aide du Cerema (centre-est), pour des transports intelligents et autonomes en ville (transport du dernier kilomètre) : projet NodeTech, qui regarde plus particulièrement le parc d'activités Archamps Technopole (50 hectares, 1 800 employés). 12. Dans le nord de la Californie (États-Unis), la Contra Costa Transportation Authority (CCTA) prépare des expérimentations de navettes d'EasyMile32 sur le site de GoMentum Station3334 (ancienne installation de la marine américaine, qui s'étend sur 5 100 acres ou 2 000 hectares et sur 19,6 milles de route) à Concord, puis sur le site de Bishop Ranch (grande zone d'activités industrielles et commerciales de San Francisc Bay Area, de 585 acres ou 237 hectares) à San Ramon, puis sur rues ouvertes près de Bishop Ranch. Dès 2016, deux premières navettes d'EasyMile seront testées à Bishop Ranch. Toutes les expérimentations conduites par la CCTA participeront d'un ambitieux plan de recherche et développement (« Shared Autonomous Vehicle Testing Plan ») avec de nombreuses parties prenantes : industriels, entreprises de télécommunication, instituts de recherche, etc. Elles conduiront in fine la CCTA à définir, et mettre en oeuvre dès 2020, un nouveau plan de transport du comté de Californie. Le système principal de transport collectif (Mass Transit) y sera complété par un réseau fin et complémentaire de quelque 150 petites navettes permettant les trajets terminaux des voyageurs entre domiciles et gares. Les expérimentations de ces navettes sans conducteur ont été autorisées par une loi signée par le gouverneur de Californie le 29 septembre 2016. Cette loi était nécessaire car il est prévu que lesdites navettes traversent des routes ouvertes à la circulation. 13. La jeune entreprise américaine Local Motors (d'Arizona aux États-Unis) a développé avec la société IBM une navette autonome de douze places (assez semblable à celles de Navya), appelée Olli. Ladite navette accomplit actuellement des essais dans la capitale des États-Unis (Washington). Les navettes sont assemblées dans l'usine de National Harbor à une quinzaine de kilomètres de Washington.
Navette Olli de Local Motors dans l'atelier de National Harbor près de Washington (DC, États-Unis) en juin 2016
(source : Local Motors)
14. Mercedes-Benz travaille aussi au développement de bus autonomes. Avec sa plate-forme appelée CityPilot, dans le cadre d'un projet technologique appelé Mercedes-Benz Future Bus, la société a testé en 2016 des bus semi-autonomes (reconnaissance des feux de signalisation grâce à une connexion avec le réseau de télécommunication de la ville, des piétons, freinage automatique, etc.) à la vitesse moyenne de 43 km/h (vitesse maximale de 70 km/h) entre l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol et la ville de Haarlem (Bus
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Accord conclu entre la CCTA et EasyMile en octobre 2015. Concord Naval Weapons Station (CNWS) Test Facility. 34 Sur ce site, la société Honda a déjà expérimenté des voitures autonomes.
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Rapid Transit de 20 kilomètres de long). Les bus sont équipés de caméras et de radars. Les bus font monter et descendre les voyageurs aux arrêts de façon autonome. Les bus restent autonomes dans les tunnels. L'intérieur des bus a été conçu pour un grand confort. Le 18 juillet 2016, la société a déclaré vouloir investir 200 millions d'euros dans le développement de ses bus autonomes. 15. En juillet 2016, la société américaine Tesla a annoncé se préparer à développer, en plus des voitures autonomes, des camions, des bus et des voitures en autopartage, tous autonomes. 16. En Chine, plusieurs expérimentations ont déjà été faites. Yutong est un constructeur d'autobus qui a expérimenté en 2015 des bus autonomes dans ses emprises de Zhengzhou (province du Henan). D'autres expérimentations vont se développer à Wuhu (ville de près de quatre millions d'habitants dans la province de l'Anhui), dans le cadre d'une coopération conclue en 2016 entre la ville et la société Baidu portant sur les bus, les navettes et les taxis robots.
Bus autonome de Yutong en expérimentation en Chine (province du Henan) en 2015
(source : Yutong)
17. En Inde, la société Hi-Tech Robotic Systemz fondée en 2004 a développé une navette de quatorze sièges à Gurgaon (au sud de New Delhi), appelée Novus Drive. C'est la première navette automatisée construite en Inde. Elle est équipée de caméras stéréo, mais aussi d'un lidar (modèle HDL-32E) vendu par la société Velodyne LIDAR Inc. de Californie.
La navette Novus Drive
(source : The Hans of India le 7 février 2016)
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18. En Finlande, à la suite de l'expérimentation de Vantaa (Finlande) à l'été de 2015 (dans le cadre du projet européen CityMobil2), le projet SOHJIA, sous la coordination de l'université des sciences appliquées d'Helsinki (dite Metropolia), a été lancé le 16 août 2016 en présence du maire de la capitale (Pekka Sauri). C'est la circulation expérimentale de navettes électriques EZ10 d'EasyMile (à neuf passagers) durant un an sur route ouverte à Helsinki (août et septembre 2016), puis à Espoo (en septembre et octobre 2016), puis à Tampere (jusqu'à l'hiver).
Navettes EZ10 d'EasyMile en 2016 à Helsinki (Finlande) dans la cadre du projet SOHJIA
(source : EasyMile)
L'expérimentation cessera durant l'hiver 2016-2017 quand la neige sera abondante ; elle reprendra au printemps de 2017. 19. En Australie, une expérimentation avec des navettes de Navya a commencé le 31 août 2016 à Perth (précisément à South Perth Esplanade) sur route ouverte avec des passagers, sous l'appellation RAC Intellibus. La navette est équipée notamment de six lidars, comme dans le quartier Confluence de Lyon. Son itinéraire court sur 2,7 kilomètres le long de la Swan.
La navette de Perth en Australie achetée en 2016 par la Royal Automobile Club of Western Australia (RAC WA) (source : Royal Automobile Club of Western Australia)
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Le parcours de la navette expérimentale de Navya près de Perth (Australie-Occidentale)
(source : Royal Automobile Club of Western Australia)
20. La première démonstration de la RATP a eu lieu sur la voie Georges-Pompidou à Paris (près du Pont-Neuf) avec une navette d'EasyMile l'après-midi du 24 et du 25 septembre 2016, sur une courte distance (130 mètres).
Une navette d'Easymile sur les berges de la Seine
(source : Easymile).
Selon le communiqué du 26 septembre 2016 de la RATP : « Pour la RATP, il s'agit du coup d'envoi d'une série d'expérimentations. D'ici à la fin 2016, une autre démonstration de véhicules autonomes verra le jour entre la Gare de Lyon et la Gare d'Austerlitz sur le Pont Charles de Gaulle, en partenariat avec la Ville de Paris. La RATP travaille également à une expérimentation de desserte interne du site du CEA Saclay. Les premiers tests sont prévus début 2017. Le projet, piloté par la RATP, associe le CEA List (laboratoire de recherche du CEA), Bureau Veritas, Sherpa Engineering (société d'ingénierie) et BMCP (bureau d'études et de conseil spécialisé). Le projet, labellisé par les Pôles de compétitivité LUTB « Transport et Mobility Systems » et Systematic Paris-Région est financé dans le cadre du 22ème FUI (Fonds Unique Interministériel). ». La RATP a acquis en 2016 deux navettes EZ10 de la société toulousaine EasyMile qui lui permettront de mener des démonstrations et des expérimentations. Les deux navettes achetées par la RATP ont été réceptionnées par la RATP en novembre 2016. Elles seront d'abord utilisées en démonstration au premier trimestre de 2017 sur les berges de la Seine et sur le pont Charles-de Gaulle (près de la Maison de la RATP à Paris), là où, plus tard, la RATP veut expérimenter des navettes entre la gare de Lyon et la gare d'Austerlitz.
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21. La RATP étudie un projet de transport par navette autonome dans les emprises du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) à Saclay (Essonne). Sont associés à la RATP : l'Institut List (du CEA Tech), le Bureau Veritas, Sherpa Engineering (société d'ingénierie) et BMCP (bureau d'études et de conseil). Le projet commencera en janvier 2017, et durera trois ans. Il recevra un financement du Fonds unique interministériel (FUI). 22. En Nouvelle-Zélande, la société française Navya a vendu une navette autonome ARMA à la société australienne HMI Technologies. La navette sera acheminée en Nouvelle-Zélande avant la fin de 2016. Elle sera expérimentée dès 2017 sur des routes privées puis ouvertes à l'Aéroport international de Christchurch. L'Université de Canterbury à Christchurch travaillera aux essais. Les expérimentations seront faites sous le contrôle de la New Zeland Transport Agency et du Ministry of Transport. L'aéroport international de Wellington en Nouvelle-Zélande, de son côté, étudie la possibilité de recourir à des navettes autonomes EZ10 d'EasyMile pour desservir ses emprises. 23. Une expérimentation d'une navette EZ10 d'EasyMile par la TCAR, société exploitant le réseau de transport en commun de Rouen (en Seine-Maritime en France), a été accomplie du 31 octobre au 23 décembre 2016 sur les voies des quais en rive droite de la Seine, entre le pont Jeanne-d'Arc et le pont Flaubert. Ces voies sur berge sont possédées par le port autonome de Rouen, mais sont exploitées par la ville de Rouen par convention de superposition de gestion avec le port. La TCAR est contrôlée par le groupe Transdev, l'autorité organisatrice des transports étant la Métropole de Rouen Normandie. L'objectif est, plus tard, d'entreprendre sur les mêmes voies de quai une exploitation commerciale de fin de ligne, là où le moyen du bus n'est plus pertinent. Le public était autorisé à utiliser gratuitement la navette expérimentale de 12 h à 22 h chaque jour. Les voies étaient fermées à la circulation automobile, mais ouvertes aux modes doux. 24. En octobre 2016, la Land Transport Authority (LTA) de Singapour a annoncé vouloir bientôt commencer, avec l'Energy Research Institute de la Nanyang Technological University (NTU), une expérimentation d'autobus autonomes entre l'université NTU et la station voisine dite Pioneer MRT. Elle se fera avec deux autobus à moteur hybride. L'accord à cette fin entre la LTA et la NTU a été signé le 19 octobre 2016, à l'occasion de la cérémonie d'ouverture du Singapore International Transport Congress and Exhibition (SITCE).
Signature, en présence du ministre d'État pour le transport (Ng Chee Meng, debout au centre), de l'accord sur l'expérimentation de bus autonomes entre la LTA et la NTU le 19 octobre 2016 à Singapour
(source : LTA)
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Schéma de principe sur l'équipement des deux autobus qui participeront à l'expérimentation de Singapour (selon la LTA et la NTU) (source : LTA) 25. La société russe Yandex, géant de l'économie numérique en Russie, a annoncé en août 2016 s'être associé au constructeur russe de camions Kamaz, dont sont actionnaires l'État russe, le constructeur allemand Daimler et l'institut NAMI (centre russe de recherches automobiles), pour développer des navettes électriques autonomes. Les expérimentations commenceraient en 2017.
Le prototype de navette (pour 12 passagers) de Kamaz, NAMI et Yandex, présenté à la fin d'août et au début de septembre 2016 au Moscow International Automobile Salon (MIAS) (source : MIAS)
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Annexe n° 12 : L'impact économique et social des véhicules autonomes. L'acceptabilité sociale
I. L'impact économique et social des véhicules autonomes
1. D'après les nombreux travaux qui leur sont consacrés, les changements sur le mode de vie pourraient être très importants De nombreux travaux font apparaître des modifications importantes qui pourraient se manifester dans les modes de vie. Certains anticipent la réduction rapide des trajets « traditionnels », et envisagent même leur disparition à terme, ce qui signifierait la fin du permis de conduire, la disparition des auto-écoles, et la perte de compétence des « conducteurs » devenus des passagers passifs. Les plus enthousiastes décrivent un futur où des enfants pourront se rendre seuls à l'école dans des navettes autonomes, et où les personnes handicapées (aveugles par exemple) pourront bénéficier d'une mobilité inédite35. Certains estiment que l'automatisation permettra de distendre le lien de propriété entre les utilisateurs et les véhicules, ceux-ci étant majoritairement gérés dans des « flottes » par des opérateurs de service, et étant appelés à la demande36. Une étude réalisée par l'Université du Michigan en 201637 estime que les ventes d'automobiles pourraient reculer, les ménages pouvant se contenter d'un seul véhicule, automatisé et fonctionnant sur une plage temporelle plus large. Pareillement, des urbanistes annoncent un bouleversement de l'organisation urbaine, se traduisant par une modification des ouvrages de la voirie, et un nouveau partage de l'espace collectif, allant parfois jusqu'à l'utopie38. 2. Les conséquences sur l'économie et l'emploi sont plus difficiles à estimer
a. Un consensus semble se dégager autour d'un transfert de la valeur vers les plateformes et les services Selon une étude publiée en septembre 2016 par l'institut VeDeCom et la Société des ingénieurs et scientifiques de France (IESF), intitulée : « Véhicule autonome, accompagner la transition », la chaîne de valeur sera progressivement tirée par les plateformes et les services d'usage de véhicules39. Selon les auteurs de l'étude, « la compétition engagée au niveau mondial porte à la fois sur la maîtrise des systèmes logiciels, sur l'organisation des territoires et sur l'adaptation des usages de mobilité ». La valeur devrait ainsi se déplacer vers les fournisseurs et les gestionnaires de logiciels, et vers les opérateurs de services liés à la mobilité. De nombreux travaux convergent en ce sens40.
En ce sens, parmi d'autres, un guide produit par le cabinet américain WSP à destination des décideurs publics, intitulé « Driving towards driverless », 2016, en particulier page 3. 36 On pourra consulter par exemple un travail universitaire, effectué en 2014 et présenté dans un colloque à Washington : « The travel and environmental implications of shared autonomous vehicles, using agent-based model scenarios », par Daniel FAGNANT et Kara KOCKELMAN, publié dans Transportation Research, Part C, Vol. 40 (2014). 37 Cité par David CURRY, dans « Car saale boom to go bust with self-driving cars ? », site Reasdwrite, 5 avril 2016. 38 En ce sens, une étude du cabinet WSP, « Making better places », 2016. 39 Cahier IESF, numéro 23. 40 Voir notamment : International Transport Forum, « Automated and autonomous driving », OCDE, 2015, page 18 ; Etude publiée par SWISS RE et HERE en 2016 sous le titre « The future of motor insurance », page 21 ; Etude du cabinet KPMG, publiée en octobre 2015, sous le titre « Marketplace of change », notamment page 21. Voir aussi Les Echos, article mis en ligne le 18 août 2016 : « la course à la voiture autonome s'accélère entre les constructeurs ».
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b.
Le secteur de l'assurance sera fortement touché
Les primes d'assurance vont nécessairement évoluer parallèlement aux progrès de la technique et seront plus individualisées (voir le Livre Blanc publié par AON Risk Solutions en avril 2015 sous le titre « Quand la voiture devient autonome »). Le dumping massif que ces mouvements sont susceptibles d'entraîner suscitent l'inquiétude d'observateurs comme Warren BUFFET : « Notre activité assurance ne sera pas à la fête quand les voitures autonomes vont arriver, même si ce moment n'est pas pour tout de suite » (in Le Monde.fr, 14 août 2016, article de Noël GHANIME, président de Mondial Assistance France). Il est également tenu pour probable que des transferts de responsabilité pourront s'opérer dans de nombreux pays en direction des constructeurs, ce qui va modifier en profondeur le marché de l'assurance (même source). Les prévisions sur la date à laquelle ces modifications surviendront sont variables selon les auteurs. Le cabinet KPMG, par exemple, estime les transformations interviendront assez rapidement (« Marketplace of change : automobile insurance in the era of autonomous vehicles », octobre 2015, page 20). De manière provocatrice, le journaliste David CURRY a intitulé un article mis en ligne sur le site Readwrite le 5 mai 2016 : « Could autonomous cars destroy the auto insurance industry? » (« Les véhicules autonomes peuvent-ils détruire l'industrie de l'assurance ? »). L'auteur estime que le doute est permis, car l'utilisation plus intensive des véhicules pourrait produire une plus grande usure des matériels, et donc avoir un impact significatif sur les besoins en nouvelles réparations. Une étude portant sur le marché européen de l'assurance, réalisée par le cabinet DELOITTE (« Étude européenne sur le marché de l'assurance automobile connectée », novembre 2016) donne une idée des changements qui se préparent : 28 % des clients interrogés dans onze pays disent accepter de partager leurs données avec leur assureur, ce que le cabinet interprète comme l'indice qu'ils envisagent éventuellement d'aller vers un assureur qui leur propose ce service. DELOITTE estime que, dans un marché où les clients seront de plus en plus démarchés, la connectivité (qui est liée à la montée en charge des automatismes) constitue « une opportunité de se différencier sur un marché toujours davantage fluide et standardisé ». c. Les autres secteurs économiques n'ont pour le moment qu'une idée assez imprécise des transformations à venir Il existe très peu de travaux prospectifs portant sur des activités comme les transports collectifs, le transport de marchandises, l'agriculture, les taxis (ou assimilés). Les responsables interrogés par la Mission CGEDD-IGA sont très prudents dans leurs anticipations, et estiment en général que les mouvements seront graduels et qu'un partage durable du parc entre véhicules classiques et véhicules automatisés est une probabilité. La même incertitude prévaut pour les conséquences à attendre sur l'emploi. En l'absence d'étude sérieuse portant sur ces aspects, la plus grande prudence s'impose. La Mission CGEDD-IGA n'a pas eu la possibilité d'étudier en détail ces questions. II. L'acceptabilité sociale Les études qui ont été réalisées dans plusieurs régions du monde indiquent que le public exprime un fort intérêt pour les véhicules automatisés. Les plus enthousiastes sont dans les pays industriellement les plus jeunes, comme la Chine. Toutefois, beaucoup, dans les pays les plus riches surtout (États-Unis, France, Allemagne, etc.), attendent de voir ce que seront vraiment les avantages de ces véhicules, surtout au regard de la sécurité routière.
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1. En France, l'intérêt des consommateurs est soutenu, mais il reste encore pour le véhicule autonome à convaincre a. Dans le cadre de VeDeCoM, de l'IFSTTAR, et de l'Université de Paris VIII, William Payre, Julien Cestac et Patricia Delhomme ont publié en 2015 un rapport intitulé : « Intention to use a fully automated car: attitudes and a priori acceptability ». L'étude a été faite sur la base d'entretiens individuels (5 personnes), d'une étude pilote (45 personnes) et d'un questionnaire en ligne (421 personnes). Les entretiens individuels ont montré un intérêt certain pour la conduite autonome, un sentiment de responsabilité et une intention d'usage et d'achat. L'étude pilote a montré une acceptabilité dans certains contextes (conduite ennuyeuse, par exemple) et un intérêt certain en cas de facultés dégradées (fatigue). L'étude en ligne a montré que 52 % des personnes étaient plutôt favorables à l'utilisation d'un véhicule autonome et que 78 % seraient prêtes à en acheter un. De plus, 75 % seraient intéressées par la conduite autonome si leurs facultés étaient diminuées. Enfin, les personnes interrogées seraient prêtes à dépenser en moyenne 1 899 euros de plus pour avoir un véhicule autonome ; le surcroît de la dépense d'achat par rapport à un véhicule manuel varie de 0 (pour 22 % des gens) à 10 000 euros. Les auteurs ont conclu en trois affirmations (cf. présentation au séminaire du GERI USACT le 26 juin 2015) : « Les attitudes sont globalement positives à l'égard de la conduite autonome et les participants sont majoritairement favorables à ce type de véhicule. Toutefois ils émettent des réserves en ce qui concerne la sécurité. » ; « La conduite autonome serait utilisée principalement pour des trajets monotones (autoroutes, embouteillages, créneaux), et moins en ville. » ; « Il existe un risque d'usage détourné [par exemple conduite en état d'ivresse] qui devrait être pris en compte par les constructeurs (monitorage du conducteur ?). ».
b. Le cabinet Deloitte a rendu en septembre 2016 les résultats d'une enquête sur l'intérêt des Français pour le véhicule autonome « 77 % des Français préfèrent les véhicules bien équipés, facilitant la conduite aux véhicules totalement autonomes » ; « Les Français expriment des besoins d'automatisation et de technologies moindres : 61 % recherchent un niveau d'automatisation standard, 52 % un niveau avancé, 36 % une conduite autonome limitée à certaines conditions de trafic et, enfin, 30 % une conduite autonome totale pour réaliser des trajets complets ».
Le cabinet conclut : « Si les Français apparaissent avoir une assez bonne connaissance des voitures autonomes, 72 % des consommateurs français interrogés pensent qu'elles ne seront pas une réalité commerciale en France dans les vingt prochaines années. Ils sont 44 % à penser que ce sont les acteurs non traditionnels qui permettront l'avènement de la voiture autonome ». c. Une étude faite pour VeDeCoM en 2016 a montré une certaine perplexité des Français envers la voiture autonome Réalisée par l'Observatoire des mobilités émergentes (ObSoCo_Chronos) pour le compte de VeDeCom, cette étude a été présentée le 22 septembre 2016 à la Mission CGEDD-IGA. Elle fait apparaître, à partir des réponses de 4 000 personnes (recueillies avant que ne soit connu l'accident de la TESLA dévoilé en juin 2016) que :
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60% des personnes interrogées sont « favorables au véhicule autonome » et 40 % s'en inquiètent ; À la question : « Seriez-vous prêts à utiliser un tel véhicule ? », 51 % répondent oui et 49 % non. Parmi les thèmes cités, l'avantage principal tient à la réduction des accidents, tandis que la préoccupation première est celle du dysfonctionnement et du piratage. Ailleurs dans le monde, les attentes sont variées Aux États-Unis, de manière apparemment paradoxale, le niveau de scepticisme est relativement
2. a. élevé
Une étude a été publiée en septembre 2016 par le cabinet de consultants spécialisé Kelley Blue Book (KBB) sur l'acceptabilité des véhicules autonomes par les Américains. KBB a mis en ligne le 28 septembre 2016 sur son site une restitution de cette étude, sous le titre : « KBB study finds American drivers still prefer a handson approach » (« une étude de KBB démontre que les conducteurs Américains préfèrent la conduite manuelle »). Ce travail fait apparaître une réticence des automobilistes aux États-Unis pour se lancer dans la conduite en mode autonome. Le scepticisme des personnes qui répondent (hormis ceux dont l'âge est compris entre 12 et 15 ans) envers les véhicules dotés d'une forte autonomie est élevé : 64 % disent qu'ils préfèrent avoir en permanence le contrôle de leur véhicule et 80 % n'acceptent le mode autonome que s'ils peuvent l'actionner volontairement à leur gré. L'étude portait sur un échantillon de 2 264 personnes entre 12 et 64 ans. b. Pour le monde entier, les chiffrent varient fortement selon les régions
L'Observatoire Cetelem a publié en 2016 une comparaison internationale sous le titre « Cetelem 2016 Voiture autonome : les automobilistes prêts à lâcher le volant pour la Silicon Valley ». Cette étude montre des niveaux d'acceptation très variables selon les pays abordés. De manière générale, la voiture connectée semble être plébiscitée :
« Pour 73 % des personnes interrogées, la voiture connectée est tout simplement la voiture idéale, synonyme de progrès en matière de confort (83 %), de gain de temps (81 %) et de sécurité (77 %). Pour autant, 78 % jugent qu'elle rime avec cherté. Ce sont les Mexicains et les Brésiliens qui se montrent les plus enthousiastes. On pointe là une dichotomie structurante pour l'ensemble de l'étude avec, d'une part les pays dits émergents totalement favorables à la voiture autonome et tout ce qu'elle apporte, et d'autre part les pays automobiles natifs plus méfiants quant à son développement ». Et la future voiture autonome est attendue :
« De la voiture connectée à la voiture autonome, il y a bien plus qu'une différence sémantique. Une véritable (r)évolution qui suscite de nombreuses interrogations, la première étant la probabilité de sa construction. Pour 3 personnes sur 4, pas de doute, la voiture autonome sera une réalité. Une réalité très proche puisque 81 % espèrent son arrivée avant 10 ans et 52 % avant 5 ans. Une fois encore, les pays « traditionnels » se montrent les plus prudents, 70 % des Allemands ne voyant pas de voitures autonomes sur les routes avant 2020 alors que 74 % des Mexicains l'escomptent avant 5 ans ». « Mieux encore, plus de 1 automobiliste sur 2 a envie de se retrouver à l'intérieur, à défaut d'y être vraiment au volant. C'est en Chine où l'enthousiasme est le plus manifeste (91 %) alors que les Américains et les Britanniques sont les plus attachés à leur automobile's way of life traditionnel. Mais cette nouvelle voiture autonome n'est pas seulement imaginée vraiment comme une... voiture. 48 % des personnes
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interrogées la voient comme un espace de divertissement, les Chinois étant une fois encore les plus excités par cette idée, suivis par les Turcs et les Portugais (respectivement 70 %, 57 % et 56 %). On la projette aussi comme un lieu de repos et détente et même, pour le quart des automobilistes, comme un lieu de travail ». L'attente est d'autant plus forte que les automobilistes se sont déjà accoutumés aux nouveaux outils :
« Qui dit voiture connectée, dit aide à la navigation totalement banalisée. 86 % des personnes interrogées se servent déjà de cette aide pour préparer ou guider leurs déplacements. C'est particulièrement le cas en Chine ou au Brésil, contrairement au Japon où elle est relativement peu employée. Notons aussi qu'en matière de géolocalisation, le smartphone est plébiscité par 69 % des automobilistes mondiaux. L'emploi de cet outil et des autres systèmes de navigation aura d'abord servi à optimiser le temps de parcours (80 %) et à réduire le nombre de kilomètres parcourus (70 %) ». « La géolocalisation avec tout ce qu'elle transporte (publicité contextualisée mais aussi offre de services personnalisés divers et variés sur le trajet) reçoit un assentiment majoritaire (57 %). Alors que 87 % des Chinois sont demandeurs d'offres commerciales personnalisées, 35 % des Français ou des Américains se montrent très réservés ». Pour autant, les conducteurs veulent être rassurés :
« (...) la voiture connectée suscite des craintes, notamment en termes de contrôle du véhicule, pour 37 % des personnes interrogées. C'est surtout vrai aux États-Unis (54 %) ou encore en France (46 %). De fait, priorité est accordée à une sécurité tous azimuts. 89 % sont pour les systèmes de sécurité en cas de vol, 86 % particulièrement favorables aux systèmes de détection piétons/obstacles. Des solutions pour lesquelles les automobilistes seraient prêts à payer plus cher leur véhicule. « De la voiture connectée à la voiture autonome, il y a bien plus qu'une différence sémantique. Une véritable (r)évolution qui suscite de nombreuses interrogations, la première étant la probabilité de sa construction. Pour 3 personnes sur 4, pas de doute, la voiture autonome sera une réalité. Une réalité très proche puisque 81 % espèrent son arrivée avant 10 ans et 52 % avant 5 ans. Une fois encore, les pays « traditionnels » se montrent les plus prudents, 70 % des Allemands ne voyant pas de voitures autonomes sur les routes avant 2020 alors que 74 % des Mexicains l'escomptent avant 5 ans. « Mais la méfiance est cependant de mise, 28 % déclarant souhaiter conserver un oeil sur la route, au cas où... Des suspicieux que l'on retrouve surtout aux États-Unis, en Italie ou en Pologne ». L'étude fait aussi apparaître que ce sont les constructeurs traditionnels dans lesquels les automobilistes placent la confiance la plus forte, même si les nouveaux entrants du monde de l'internet intéressent les habitants de certains pays émergents. 3. Les aspects humains sont jugés déterminants D'abord, le prix sera une variable qui pèsera lourd :
L'attractivité envers les nouvelles technologies est avérée. Mais pas à n'importe quel prix : 191 euros, ce serait le budget « technologie » que les Français seraient prêts à dépenser pour l'achat d'un nouveau véhicule automatisé, contre 551 euros en 2014. Ensuite, les comportements routiers seront probablement déterminants :
36
L'automatisation des véhicules
Les véhicules autonomes circuleront d'autant mieux qu'il y aura moins de véhicules à conduite manuelle qui transgressent les règles du code de la route. Ainsi le président-directeur général de l'Alliance RenaultNissan (Carlos Ghosn) a-t-il expliqué le 6 octobre 2016 en France : « Il faut [...] que les règles de conduite soient respectées, parce que les voitures autonomes respectent les règles. [...] Et les voitures autonomes vont s'arrêter aux feux rouges, quoi qu'il arrive. Ce sont des ordinateurs. Si elles sont les seules voitures à s'arrêter, vous pouvez imaginer le nombre d'accidents qu'il va y avoir au Brésil ! [...] [En Inde, à Bombay notamment,] les gens ne respectent pas toujours le code de la route. Certains prennent les ronds-points à l'envers. On ne peut pas placer de voitures autonomes sur la route dans de telles conditions. » (cité par Charles Gauthier, Le Figaro.fr, 2 octobre 2016). Enfin, la psychologie des conducteurs sera un élément à prendre en compte dans les modèles d'acceptabilité : selon le CEREMA (Mme Stéphanie BORDEL, laboratoire de Saint-Brieuc, spécialiste des ADAS, qui a travaillé dans le cadre des projets Archos et SCOOP@F), les nouveaux outils rencontrent un frein dans l'image que s'en font les gens. « Le bon conducteur est celui qui garde la main ». Selon le CEREMA, les conducteurs -particulièrement français- préfèrent avoir un renfort d'informations qu'une assistance à la conduite. Le conducteur n'accepte de lâcher une partie de son pouvoir de conduire que s'il reçoit une bonne contrepartie. Les régulateurs de vitesse n'ont finalement été acceptés que parce qu'ils permettent de maîtriser sa vitesse face au risque d'être pris par un radar. Les obstacles à l'acceptabilité de la voiture autonome sont au moins au nombre de quatre : La supervision est un acte pénible, moins gratifiant et moins agréable que la conduite41. L'incertitude juridique est un gros obstacle. Qui est responsable ? La perception qu'a le citoyen de ce que sont la responsabilité et la culpabilité s'oppose souvent à ce qui est défini par la loi. Ainsi des personnes voudront-elles utiliser le système de conduite autonome pour se débarrasser de leur responsabilité (« c'est la voiture qui conduit »), alors que peut-être, ce seront toujours elles qui seront jugées responsables de la conduite, et donc d'un acte qu'elles n'auront pas, à leur sens, commis. L'optimisme comparatif est aussi un sérieux obstacle. C'est une caractéristique de l'esprit humain qu'on peut définir ainsi : chacun pense qu'il aurait fait mieux qu'un autre dans la même situation. Même si la machine accomplit une tâche plutôt répétitive mieux que l'homme en moyenne, cela ne suffit pas à convaincre le conducteur qu'il y gagne en abandonnant la conduite. Il faut que le gain de sécurité soit vraiment fort pour que l'homme consente à laisser la machine conduire à sa place. Le conducteur alcoolisé qui se sait diminué laisserait plus volontiers le volant à la machine... mais ferait un mauvais superviseur ! Le temps de reprise du véhicule inquiète. Une étude de l'Université de Leeds en Angleterre indique qu'il faut au moins dix secondes, et que ce temps peut monter jusqu'à une minute.
Toujours pour le CEREMA, pendant la période intermédiaire (véhicule de niveau 2 ou 3), un autre trait de l'être humain qui fait problème est l'homéostasie du risque. Lorsque des moyens permettent une diminution du risque (par exemple les airsbags), certains conducteurs prennent plus de risques pour compenser la baisse, et rester au même niveau de risques (on ne boucle plus sa ceinture de sécurité, etc.). Or, quelques accidents à fort retentissement médiatique retarderaient l'arrivée du véhicule autonome. En revanche, le transfert d'information vers les constructeurs ne poserait pas de problème au public, l'habitude de transférer de l'information personnelle par le smartphone ou l'ordinateur ayant déjà été prise.
41
cf. thèse de William Payre sur l'acceptabilité du véhicule autonome
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L'automatisation des véhicules
Le CEREMA ajoute que, sur l'aspect économique, les constructeurs ont du mal à vendre des systèmes en supplément, et, sur le sujet de l'éthique, que les personnes n'ont pas le même point de vue en tant que victime potentielle ou en tant que responsable potentiel. III. Éthique des véhicules autonomes ou le problème du choix
La question de l'éthique des véhicules autonomes revient régulièrement parmi les sujets qui font couler beaucoup d'encre dans les livres et les gazettes. Mêlant des aspects techniques, philosophiques à des paradoxes de science-fiction (cf. les trois lois de la robotique de l'écrivain Isaac Asimov42), elle amène avec elle une aura de soufre et de mystère qui fait frémir le lecteur, enflamme les débatteurs et fait hésiter le législateur. Le point de départ le plus prisé de ces réflexions est le paradoxe du tramway qu'on peut énoncer ainsi : un tramway privé de freins se dirige de façon inéluctable vers cinq hommes qu'il va tuer. La seule action possible est d'actionner un aiguillage qui enverrait le tramway écraser un homme seul qui est attaché sur cette voie. Autrement dit faut-il s'abstenir d'agir et laisser mourir cinq personnes ou bien agir et tuer volontairement une personne pour en sauver cinq autres ? Appliqué au véhicule autonome le paradoxe du tramway donne naissance à bon nombre de questions : face à des piétons ou cyclistes imprudents qui coupent sa trajectoire le véhicule autonome doit-il accepter de les percuter et de les tuer ou doit-il se jeter sur un mur au risque de tuer ses passagers ? Doit-il pour cela comparer le nombre de piétons et de passagers ? Doit-il privilégier les personnes a priori vulnérables ou ses passagers a priori plus protégés ? Comment le véhicule juge-t-il de la vulnérabilité des autres personnes ? Un acheteur potentiel acceptera-t-il d'acquérir un engin qui est prêt à le tuer volontairement dans certaines situations ? Etc. Derrière ces questions se cache un problème technique pour les logiciels et les algorithmes qui les définissent. Lorsque l'environnement extérieur sort de ce qui est prévu dans sa programmation un logiciel peut donner des réponses totalement inadaptées : par exemple, lorsque la bourse baisse trop brusquement il est arrivé que des logiciels de trading automatique amplifient la chute des cours voire ne créent un krach en voulant brader à tout prix leurs produits financiers. La solution la plus évidente consiste à interrompre le système informatique lorsque la situation est en dehors des plages habituelles de fonctionnement et à rendre la main à un être humain. Pour les véhicules autonomes c'est aussi cette solution qui est choisie le plus souvent : néanmoins elle n'est pas applicable lorsque la réaction doit être immédiate, lorsque le « surveillant humain » ne veut ou peut reprendre la conduite ou tout simplement lorsque le véhicule sera censé être complètement autonome (niveau 5). La NHTSA dans ses directives publiées en septembre 2016 aborde les considérations éthiques : elle demande que les concepteurs des véhicules décrivent de façon consciente et explicite les décisions que le véhicule va prendre lorsqu'il est mis face à des situations de conflit. Elle cite le cas où un véhicule est bloqué derrière un autre garé en double-file et qu'il ne peut passer sans franchir une ligne continue. Un conducteur humain s'autorise à le faire si rien ne vient en face : que ferait le véhicule autonome ? Elle cite aussi le dilemme de la protection des personnes vulnérables par rapport à celle de ses passagers.
Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, en restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger ; un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ; un robot doit protéger son existence tant que cette protection n'entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi. Converties plus tard par Asimov, pour les outils : un outil doit pouvoir être employé de manière sûre ; un outil doit accomplir sa fonction efficacement sauf si cela peut blesser l'utilisateur ; un outil doit rester intact durant son utilisation, sauf si sa destruction est requise pour son utilisation ou sa sécurité.
42
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L'automatisation des véhicules
Ce que la NHTSA refuse c'est que des choix implicites et masqués ayant des conséquences graves soient camouflés à l'intérieur des programmes sans que l'administration ni les parties prenantes ne puissent en discuter. Parce que l'éthique des véhicules reflète en réalité l'éthique de ses concepteurs et parce que leurs choix auront des conséquences pour la société dans son ensemble il est nécessaire que celle-ci puisse donner son avis et décider ce qui est moralement acceptable.
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(ATTENTION: OPTION aut arrêter vite de nouvelles règles internationales sur la cybersécurité et transposer celles qui existent déjà
Les règles techniques relatives aux véhicules sont établies au niveau international (ONU et commission européenne), notamment dans le cadre du WP 29 qui reste très orienté vers la protection des données. La réglementation technique n'impose pas aujourd'hui d'exigence relative à la cybersécurité. La parole de la France est portée par la DGEC, mais les recommandations de l'ANSSI sur la cybersécurité (voir annexe 9) ont été proposées dans le groupe de travail sur les ITS29. Elles ne figurent pas toutes dans une proposition concomitante portée par l'Allemagne et le Japon. Une difficulté subsiste : la France propose d'intégrer ces propositions dans la réglementation technique internationale, alors que les Allemands et Japonais veulent en faire de simples lignes directrices. Or, tous les véhicules neufs embarquent déjà des fonctions connectées insuffisamment bien conçues au regard de la cybersécurité. Il y a donc urgence à ce que le WP 29 charge l'un de ses groupes de travail de proposer des évolutions réglementaires pour imposer le respect de règles de cybersécurité dans le processus d'homologation. Des lignes directrices pourront être utiles dans l'intervalle nécessaire à la production réglementaire. Recommandation n°8 : Astreindre par la règlementation les constructeurs et équipementiers à installer des systèmes de cybersécurité qui devront être testés et validés avant toute mise en service et pris en compte lors de la réception par type (MEEM).
La transposition de la directive européenne NIS (Network and Information Security) entrée en vigueur le 19 juillet 2016, doit intervenir au plus tard le 9 mai 2018. Les « opérateurs de services essentiels » (dont le secteur des transports) seront soumis à des exigences de sécurité pour assurer un « niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d'information dans l'Union européenne ». Les arrêtés pris pour les opérateurs essentiels préciseront les modalités de déclaration des systèmes d'information d'importance vitale (SIIV), de déclaration des incidents de sécurité, de désignation de la personne représentant l'opérateur auprès de l'ANSSI. Il est utile d'analyser dans quelle mesure cette directive peut être applicable aux futures plateformes de supervision, et aux réseaux de collecte et de transfert de données (vers eCall, assureurs, assisteurs, constructeurs). Une structure d'échange et de partage des alertes, des incidents de sécurité, de leur analyse et de leur traitement est en outre nécessaire. Les outils mis en place par la NIS, notamment un CERT (Computer Emergency Response Team) spécifique aux véhicules connectés ou autonomes, pourraient être une solution. Ce CERT ne devrait pas être limité aux seuls constructeurs, afin de continuer à permettre
Le groupe WP29 mandate plusieurs groupes de travail informels, dont le groupe ITS (intelligent transport systems), pour réfléchir sur des sujets techniques. Les pays ont été invités à faire des propositions à ce groupe en matière de cybersécurité. La proposition de la France a été faite par l'ANSSI. Les allemands et les japonais ont fait une proposition commune.
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les remontées d'incidents pour la connaissance de l'état de la menace. Il pourrait s'imbriquer dans l'architecture du CERT racine30, aujourd'hui confié à l'ANSSI. Recommandation n°9 : Réfléchir à l'application de la directive NIS au domaine de la cybersécurité des véhicules autonomes, notamment aux plateformes de supervision et aux réseaux de collecte de données, ainsi qu'à la mise en place d'un CERT (Computer Emergency Response Team) spécifique aux véhicules connectés ou autonomes (ANSSI).
2.2.3 2.2.3.1
Il faut sans attendre préparer la police routière aux changements à venir Les véhicules automatisés devront donner aux forces de l'ordre de meilleurs moyens d'action
Sous réserve de traiter simultanément le problème de la protection des données individuelles (voir paragraphe 2.4.1.4), le déploiement des véhicules autonomes peut être une nouvelle ressource pour les forces de l'ordre. L'exploitation des données contenues dans les EDR (Event Data Recorder) améliorerait les constatations d'accidents et la recherche de responsabilités. En outre, comme il a été prouvé aux ÉtatsUnis, cet équipement se révèle être une bonne mesure de prévention routière : il incite les conducteurs à de meilleurs comportements. Les automatismes pourraient aussi contribuer à la lutte contre la délinquance et la criminalité. Ainsi sera-t-il possible de localiser un véhicule, mais aussi de l'arrêter à distance (herse numérique), de l'empêcher de redémarrer. Il sera aussi possible de déterminer quels sont les véhicules situés dans une zone, ou de transmettre une alerte depuis un véhicule surveillé ou recherché lorsqu'il entre dans une zone délimitée. Afin que ces nouvelles ressources soient pleinement utilisées, il est nécessaire de travailler sur la capacité des véhicules à produire une information qui permette l'investigation dans le cadre des enquêtes de police judiciaire. Il faut donc que les services de police puissent obtenir des données utiles de la part des constructeurs ou avoir accès directement aux données du véhicule lui-même, et pour cela harmoniser les pratiques31 et les cadres juridiques. Un standard européen de données (boîtes noires) est en cours d'émergence. Il faut que les forces de l'ordre disposent des moyens de l'exploiter. La police et la gendarmerie doivent enfin s'interroger sur l'acquisition de véhicules automatisés pour leur propre flotte. D'une part pour réduire leur accidentalité propre32, d'autre part pour faire évoluer certaines missions de terrain. Un véhicule automatisé en patrouille permettrait à son conducteur une observation plus précise en toute sécurité. Un véhicule automatisé pourrait en outre accomplir des missions d'observation avec exploitation vidéo, sans personnel à bord, libérant ainsi des heures d'activité, dans le cas de patrouilles en zones commerciales, industrielles, zones et établissements sensibles, collecte de renseignements. Recommandation n°10 : Mettre en place les outils juridiques et technologiques pour permettre aux forces de l'ordre d'agir sur les véhicules automatisés dans les cas de crimes et délits (MININT, ministère de la justice).
Un CERT centralise les demandes d'assistance suite aux incidents de sécurité, traite les alertes et réagit aux attaques informatiques, établit la base de données des vulnérabilités, etc. Il existe de nombreux CERT thématiques en France, reliés ou pas au CERT racine, le premier d'entre eux (généraliste), mis en place par l'ANSSI. 31 Tous les pays n'ont pas la même position sur la conservation des données, y compris en Europe. 32 1 820 accidents de circulation en 2015 pour les véhicules de la gendarmerie (2 décès, 131 blessés) et un coût de remise en état de 1,1 million d'euros.
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L'automatisation des véhicules
2.2.3.2
Les forces de l'ordre devront adapter leurs comportements aux véhicules autonomes
Les forces de l'ordre doivent renseigner les bulletins d'analyse relatifs aux accidents corporels de la circulation (fiches BAAC), à destination de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), sur lesquels repose l'analyse de l'accidentalité routière. Ces fiches devront être adaptées aux véhicules autonomes. Elles permettront de savoir si un ou des véhicules pris dans un accident circulaient ou non en mode autonome, à quel niveau, quelles étaient la place et l'activité du conducteur au moment de l'accident, entre autres choses. Pendant une longue période, des véhicules automatisés (ou non) de tous niveaux cohabiteront sur les routes et dans les rues. Ce qui est interdit pour les uns (téléphoner, lire, exercer une activité autre que la conduite) sera autorisé pour les autres selon le niveau d'automatisme : inférieur à 2 ou supérieur à 3. Les forces de l'ordre auront du mal à savoir si un conducteur est en infraction ou non. C'est pourquoi il faut pouvoir identifier les véhicules roulant en mode autonome33. Certains s'opposent à cette identification car elle est supposée développer des comportements de type toréador34, ou inciter certains conducteurs indélicats à forcer le passage devant un véhicule autonome. Il est tout aussi nécessaire qu'un véhicule autonome puisse reconnaître les forces de l'ordre, et répondre à leurs injonctions sonores ou gestuelles. Cette reconnaissance pourrait être réalisée par un échange télématique entre le véhicule autonome et l'agent de la circulation. Sur le terrain, les constatations et les procédures seront affectées par les véhicules automatisés. Il est donc nécessaire de faire évoluer les fiches réflexes, la formation des agents et les outils35 à leur disposition. Enfin, les véhicules de police et de gendarmerie doivent pouvoir continuer à exercer leurs droits de priorité dans la circulation (voir paragraphe 2.2.4). Recommandation n°11 : Modifier les fiches BAAC pour y intégrer les données relatives aux véhicules automatisés (MININT).
Recommandation n°12 :
Mettre en place un système d'identification des véhicules automatisés à destination des forces de l'ordre ; permettre un dialogue entre les véhicules automatisés et les forces chargées du contrôle de la circulation (MININT).
2.2.4
Les métiers de la sécurité civile vont devoir s'adapter
Les véhicules autonomes peuvent être impliqués dans un accident, ou se trouver sur le trajet de véhicules de secours (ou d'intervention) prioritaires, ou dans une zone à évacuer, ou bien être eux-mêmes véhicules de secours.
Plusieurs possibilités : une plaque de couleur différente (mais ne permettant pas de savoir si la circulation est ou non en mode autonome), une lumière comme celle des taxis (qui permettrait de savoir si le véhicule est en mode autonome ou pas), etc. 34 Par jeu, certains piétons pourraient se mettre sur la trajectoire d'un véhicule autonome pour l'arrêter. 35 L'IRCGN a développé un outil d'aide en ligne (cyberaide) sur lequel on trouve les fiches « réflexe » pour tous types de besoin des enquêteurs (7 000 fiches). Un guide à l'usage des enquêteurs pour améliorer les constatations et la remontée d'information ou faciliter l'enquête sera diffusé très prochainement par l'OCSTI sur le sujet du mouse jacking en croissance rapide (avec un outil simple, on peut reprogrammer une clé sur la prise OBD). GENDIAG (action commune police-gendarmerie) est un outil qui permet de récupérer le numéro d'identification d'un véhicule et la provenance de ses calculateurs.
33
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L'automatisation des véhicules
2.2.4.1
Les véhicules prioritaires devront pouvoir circuler au moins aussi facilement demain36
Dans de nombreuses situations, sur zone d'intervention ou en transit, les véhicules de secours sont prioritaires. Ils sont souvent conduits à ne pas respecter les règles du code de la route. Ils peuvent franchir des lignes blanches, prendre des sens interdits, passer au feu rouge, ne pas respecter des distances de sécurité... L'automatisation future de ces véhicules ne doit pas conduire à rendre difficiles ou impossibles ces manoeuvres. Un système dérogatoire doit donc être maintenu pour les véhicules de secours au regard des aides à la conduite (ADAS) dont doivent être obligatoirement équipés les poids lourds37. Ce système doit pouvoir être désactivé dans le cas de remontée de file, ou lorsque les véhicules de secours doivent se faufiler ou trouver le chemin le plus court. En outre, dans ce cas, un freinage d'urgence d'un véhicule précédant un engin de secours pourrait le mettre en difficulté. Lorsqu'un véhicule autonome est sur le trajet d'un véhicule de secours, il doit pouvoir se positionner pour céder la priorité et, dans ce cas, s'affranchir de certaines règles : franchir une ligne blanche, brûler un feu rouge, monter sur un trottoir, mordre sur la voie opposée, se coller aux autres... Il faut donc que les véhicules autonomes soient capables de gérer individuellement et collectivement ces situations. En gestion collective de trafic, on pourrait concevoir d'utiliser les automatismes et la connectivité pour ouvrir au mieux le passage aux véhicules de secours. Des cas inédits apparaîtront sans doute. L'expérience des services de secours doit être utilisée pour les répertorier et les traiter. 2.2.4.2 Les connexions des véhicules autonomes devront faciliter l'action des services de sécurité civile
Les véhicules autonomes transmettront des données qui peuvent permettre de les localiser, d'identifier leurs caractéristiques, comme par exemple le type de véhicule en cause dans un accident (poids-lourds, transports de matières dangereuses), leur motorisation et carburant (GPL, hydrogène, positionnement dans un parking...). Seront aussi transmis le nombre de véhicules accidentés, le probable nombre de victimes et leurs caractéristiques déclarées, leur typologie ainsi que les risques associés. Ces informations apporteraient de grands avantages pour mieux engager les secours, mieux les calibrer, minimiser les délais d'intervention, adapter la réponse qualitative. Le service eCall, obligatoire dès 2018, est un premier pas pour une prise en compte rapide des accidents de la route. En retour, des informations utiles pourraient être transmises aux véhicules autonomes par les forces de sécurité civile. Par exemple, on pourrait envoyer des messages de confinement ou d'évacuation, ou d'itinéraire imposé, afin de fluidifier l'évacuation ou le contournement d'une zone d'exclusion ou d'une zone à risques, de manière guidée ou automatisée. Il serait ainsi possible de suivre aisément le déplacement des personnes en cas d'alerte des populations, ou de mise en place de périmètre de sécurité, ou d'évacuations massives (campings, inondations, feux de forêts). Recommandation n°13 : Prendre en compte dans les cas d'usage les besoins des véhicules prioritaires (pompiers, forces de l'ordre), et les situations de crises de sécurité civile (MININT).
2.3
Le code de la route va devoir être modifié
Le dispositif récemment mis en place par l'ordonnance n° 2016-1057 du 3 août 2016, pour encadrer les expérimentations de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques, est un mécanisme
Ces besoins sont valables pour l'ensemble des véhicules prioritaires : pompiers, ambulances (sous réserve de la nature de la mission), police, gendarmerie, autres forces d'intervention. 37 Il convient que ce point figure à l'agenda international, compte tenu du système d'homologation.
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L'automatisation des véhicules
transitoire. Il se contente de définir de façon pragmatique la procédure à suivre. Il ne modifie pas les dispositions de fond qui sont applicables de manière permanente à la conduite. Le déploiement prochain des premiers véhicules autonomes va nécessiter d'adapter le droit routier, afin de rendre possible la circulation de tels véhicules hors expérimentation. Les aménagements du cadre juridique qui interviendront devront garantir le plus haut niveau de sécurité pour tous les utilisateurs de la voirie. Les propositions doivent s'articuler avec les modifications des textes internationaux récemment adoptées, ou à l'étude, en particulier les deux amendements à la Convention de Vienne de 1968 sur la circulation routière qui sont entrés en vigueur le 23 mars 2016 (cf. § 1.1.1.). 2.3.1 Trois principes devront régir les évolutions réglementaires
La conduite autonome doit être facilitée, doit rester dans des limites réalistes, et doit faire progresser les comportements des conducteurs. Le code de la route devra être adapté pour autoriser l'utilisation des dispositifs d'autonomie dans tel ou tel domaine d'emploi, en évitant les utilisations peu sûres. Par ailleurs, le véhicule autonome doit être un véhicule vertueux. En effet, sa justification tient aux gains attendus dans la sécurité routière, aux économies d'énergie, et au confort qu'il apportera aux conducteurs (niveau 3 ou 4). En contrepartie de ces avantages, la société peut s'attendre à une plus haute civilité des conducteurs. Le développement de la circulation en mode autonome doit être soutenu par des évolutions progressives, afin de vérifier que la technologie est suffisamment fiable, la réglementation évoluant elle-même graduellement.
La technologie avance rapidement, mais sa fiabilité n'est pas encore suffisamment démontrée. Tout en facilitant l'arrivée des nouveaux outils, les pouvoirs publics devront procéder à des validations pour autoriser le franchissement des étapes, en particulier durant la longue phase de cohabitation entre véhicules autonomes et autres véhicules. La reconnaissance de la conduite en mode autonome doit se concilier avec la sécurité routière en toutes circonstances.Pour ses promoteurs, le véhicule autonome sera bien plus sûr. Mais il est aussi porteur de nouveaux risques, comme cela a été exposé plus haut. Il appelle donc une vigilance sur la bonne utilisation de dispositifs encore peu connus (comme le deep learning). Sur la base de ces principes, la mission CGEDD-IGA propose les mesures suivantes : Sauf au niveau 5, sans conducteur par définition, il faut veiller à ce que le conducteur soit apte à reprendre rapidement le contrôle en toutes circonstances Au niveau 2, il n'y a pas de mode autonome, et l'utilisation d'automatismes est en principe conforme aux prescriptions de l'article R 412-6 du code de la route. Cet article énonce en son paragraphe I que « tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur (...) », et dans son paragraphe II que « tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manoeuvres qui lui incombent (...) ». Ces termes font obligation au conducteur de rester concentré sur la conduite du véhicule38.
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Les voitures Tesla Model S et X sont à ce niveau 2.
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L'automatisation des véhicules
Dès le moment où l'on voudra autoriser l'activation d'un pilote automatique en mains libres ou en regard libre (niveau 3 ou 4), les dispositions du code de la route devront être modifiées à dessein de permettre au conducteur de lâcher les mains et lever les pieds, et de détourner son attention. Cette question est fondamentale. Faudra-t-il autoriser clairement l'utilisation de distracteurs tels que le téléphone ou le smartphone, qui sont aujourd'hui interdits, ou bien sévèrement réglementés ? Il convient aussi d'être attentif à l'effet psychologique d'un tel changement qui va à l'encontre de la politique suivie depuis de nombreuses années. De plus, la cohabitation de véhicules faiblement automatisés (niveau 2 ou niveau inférieur) avec des véhicules de niveau 3 ou de niveau 4, sera délicate au regard du comportement des usagers. Les conducteurs pourront utiliser les deux types de véhicules (avec ou sans délégation de conduite) en fonction des circonstances; beaucoup d'entre eux auront tendance à relâcher leur vigilance quand ils passeront d'une voiture dans laquelle les distracteurs sont permis à un autre véhicule où ils demeurent interdits. De même, et cela est confirmé par les réactions des personnes ayant participé aux tests conduits par l'IFSTTAR, des conducteurs inclineront à penser que la conduite déléguée leur permet désormais de monter dans leur véhicule en état d'ébriété. Selon la mission, il est impératif de maintenir les interdictions actuelles pour ce qui concerne l'alcool et les stupéfiants. Il faudra aussi des mécanismes, comme des caméras, pour s'assurer que le conducteur est prêt à reprendre la main en une dizaine de secondes (ou moins) sur injonction du système de conduite du véhicule. Ces dispositifs devront bien sûr respecter la vie privée du conducteur. Au moins dans un premier temps, il ne faut autoriser le mode automatique sans conducteur (niveau 5) au moins dans un premier temps, que sur des voies spécialement aménagées, en site fermé ou réservé. Circulant au niveau 5, les navettes de transport public, par exemple celles qui sont expérimentées à Lyon Confluence, pourraient emprunter les couloirs réservés en ville ou les voies qui seraient réservées (au coeur historique des grandes villes par exemple) aux autres types de véhicules totalement autonomes comme les taxi-robots, sauf sur de courtes sections (franchissement d'un carrefour par exemple)39. Il ne paraît en revanche guère envisageable d'ouvrir les voies de circulation générale à de tels véhicules (hors situations de tests) avant un retour d'expérience de nombreuses années. Pour les mêmes raisons, il n'apparaît pas possible d'autoriser pour le moment, hors le cas des navettes, la circulation de véhicules, présentés comme de niveau 5, sans dispositif technique (poste de conduite, tablette de télécommande, etc.) permettant un pilotage manuel en cas de nécessité. La Californie a d'ailleurs imposé à Google un poste de conduite dans toutes ses voitures expérimentales sur routes et rues ouvertes au niveau 5. Autoriser les valets de parking Aujourd'hui, l'obligation de la présence d'un conducteur à bord, sauf au niveau 5, interdit normalement en toute circonstance le recours aux dispositifs d'aide au stationnement, parfois appelés valets de parking, qu'on peut actionner de l'extérieur au moyen d'une télécommande ou d'un téléphone portable. Ces valets de parking (externes) peuvent aussi présenter un grand intérêt en facilitant le stationnement de véhicules hors voies publiques, dans des parkings souterrains par exemple. Les conducteurs n'auraient plus à circuler (en voiture et à pied) dans des parkings, un avantage certain de
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C'est ce qui est envisagé pour la liaison gare de Lyon-gare d'Austerlitz à Paris.
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confort mais aussi de sécurité personnelle40. Les exploitants des parkings pourraient augmenter le nombre des places à disposition, Il conviendra de déterminer, en fonction de la sécurité apportée par la technologie, s'il faut ou non limiter ces manoeuvres sans conducteur aux parkings ou aux parties de parking n'admettant que des véhicules avec valet de parking41. En ce cas un aménagement de l'article R 412-6 du code de la route42 pourrait autoriser un pilotage externe du véhicule. Enregistrer les données du véhicule en respectant le droit à la vie privée La technologie numérique permet d'enregistrer dans une boîte noire tous les événements survenus à bord. La mission considère que c'est nécessaire aux niveaux 3, 4 et 5, sans préjudice des données que le constructeur, l'équipement ou le garagiste recueillera continûment. Toutefois, il importera de prévoir des règles assurant le respect de la vie privée, aussi bien dans la durée des enregistrements que dans l'accès à ces données. Ce point est développé plus loin au paragraphe 2.3.3. Cette question est distincte de celle de l'Event Data Recorder (EDR), que l'Union européenne pourrait bientôt rendre obligatoire pour tout véhicule neuf (comme aux États-Unis). L'EDR enregistre les données utiles en cas d'accident. C'est pourquoi il efface automatiquement toutes les données trop éloignées des circonstances immédiates de l'événement. La question de la détermination des responsabilités en cas d'accident sera un sujet capital à l'avenir. Elle nécessitera de pouvoir discerner avec un minimum de certitude la cause de l'événement, pour savoir en particulier si le véhicule circulait ou non en mode autonome, ou si le conducteur a commis des erreurs ou des fautes dans le maniement des automatismes embarqués. À ces questions, il sera bien plus facile de répondre si les véhicules sont tous équipés d'EDR. Imposer le respect des limitations de vitesse par les véhicules en mode autonome Le véhicule autonome, dont l'un des plus grands atouts, mis en avant par ses promoteurs, devrait être son aptitude à voir clairement et rapidement tout l'environnement où il évolue, et cela bien mieux que l'homme, devra scrupuleusement respecter le code de la route, en particulier les limitations de vitesse. La mission préconise de prévoir un algorithme alignant la vitesse du véhicule autonome (niveau 3, 4 ou 5), au maximum, sur la vitesse autorisée dans la zone parcourue. On ne peut pas présenter le véhicule autonome comme un moyen d'améliorer la sécurité routière, et lui permettre en même temps de violer les règles limitant la vitesse, qui est le premier facteur accidentogène. La difficulté est de fournir au véhicule des données parfaitement à jour. La DSCR étudie le projet de constituer une base de données numériques recensant la totalité des limitations de vitesse sur le territoire français. Compte tenu de l'ampleur du sujet, et des pertes en ligne inévitables, cet outil, limité à la France, ne suffira pas. Il faudrait le compléter par une acquisition d'informations en temps réel, le véhicule lisant grâce à ses capteurs les données fournies par l'infrastructure (soit par la lecture des panneaux, soit par la récupération de signaux émis par l'ouvrage. Doit être tranchée la question du moment où le véhicule doit commencer à adapter sa vitesse. De même, doit être posée la question de la pertinence de certaines limitations peu réalistes (passage de 90 kilomètres par heure à 50 kilomètres par heure en une courte distance par exemple).
On imagine mal une manoeuvre télécommandée sur une longue distance dans un garage fréquenté en même temps par des véhicules conduits manuellement et par des véhicules pilotés au moyen de l'automatisme, les risques d'accident étant trop élevés. 41 Limiter l'emploi des « valets de parkings » à des parkings spécifiques réduit évidemment l'intérêt économique de la mesure ; les expérimentations devront apporter la preuve que l'usage des valets de parkings est possible dans tout type de parc de stationnement. 42 L'article en question du code de la route spécifie notamment que « tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur ». Sa modification n'est pas nécessaire pour l'usage des valets de parking dans des parcs de stationnement qui ne sont pas ouverts à la circulation publique.
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Expérimenter les convois de camions « en peloton » en réduisant les distances entre les véhicules lourds Les circulations de camions autonomes ou semi-autonomes en peloton (platooning en anglais) exigeraient des modifications réglementaires. Dans le droit actuel, la distance de sécurité entre deux véhicules (ou ensembles de véhicules) dont le poids total autorisé en charge (PTAC) dépasse 3,5 tonnes, ou dont la longueur dépasse 7 mètres, se suivant à la même vitesse, est de 50 mètres au moins (article R 41212 du code la route, paragraphe II). Cette distance ne peut pas être respectée si des camions évoluent en peloton en mode autonome, car cette technique n'est utile qu'avec des distances réduites entre les véhicules reliés par Wi-Fi. Dans un contexte concurrentiel exacerbé, la France ne peut demeurer à l'écart d'une technique permettant des gains de productivité substantiels. Il conviendrait d'expérimenter dans un premier temps la technique du platooning, pour lever les incertitudes qui demeurent. Les incertitudes les plus grandes concernent évidemment la sécurité routière. Une première difficulté est de savoir, dans le cas où le véhicule de tête serait confronté à un obstacle soudain et n'aurait pas le temps de freiner pour éviter la collision, si le convoi provoquerait un carambolage derrière lui43. La seconde difficulté que soulève la technique du platooning est l'insertion de véhicules entre les camions, qui entraîne la rupture du peloton par interruption du signal. Or, cette insertion peut s'avérer inévitable pour des véhicules qui entament une manoeuvre de sortie de la voie, sur une bretelle ou une aire d'autoroute. Faut-il aller jusqu'à poser une règle interdisant le rabattement entre deux camions reliés en peloton, ce qui supposerait que les automobilistes puissent identifier qu'il s'agit d'un convoi organisé de la sorte, et non pas seulement de camions très proches sans être reliés ? Cette interdiction existe aujourd'hui pour les colonnes militaires, de forces de police, ou les cortèges en marche (article R 412-15 du code de la route). La Mission n'a pas décelé chez ses interlocuteurs de consensus sur ce point. Elle propose de ne pas s'engager pour le moment dans cette voie, et recommande d'ouvrir une période d'observation pour dégager un retour d'expérience. A l'issue de cette période, par exemple de deux ans, le sujet pourrait être revu et une décision finale arrêtée. Interdire pour le moment le transport de marchandises dangereuses en mode autonome Comme l'ont montré les tests effectués par des journalistes ou par des centres indépendants44, les systèmes automatisés n'offrent pas pour le moment suffisamment de garanties de fiabilité. Tant qu'un niveau suffisant n'aura pas été atteint par la technologie, la mission estime prudent de ne pas autoriser la conduite en mode autonome, ni évidemment en peloton, pour le transport des marchandises dangereuses figurant sur la nomenclature prévue par l'article L1252-1 du code des transports. Limiter la vitesse des navettes autonomes de transport de voyageurs, et celle des taxis robots (niveau 5) Le transport collectif de passagers en mode pleinement autonome (niveau 5) doit offrir les garanties les plus élevées, aucun conducteur n'étant présent à bord pour reprendre la main en cas de problème. Ceci conduit, au moins dans un premier temps, à n'envisager la circulation de telles navettes qu'en site réservé ou aménagé. Les navettes de passagers peuvent atteindre en démonstration des vitesses de l'ordre de 50 km/h. À l'heure actuelle, la vitesse maximale en exploitation est en réalité beaucoup plus basse, de l'ordre de 20 ou 25 km/h (et même moins dans le test mené à Lyon), de sorte que le problème ne se pose pas dans l'immédiat.
En général les promoteurs du platooning insistent sur le fait que tous les véhicules freinent en même temps mais ils ne considèrent que le cas où le premier véhicule a eu le temps de s'arrêter. 44 Le magazine Auto-Plus a testé la capacité de freinage de sept modèles de voitures en mode autonome, avec un fort taux d'échec (article mis en ligne le 13 octobre 2016).
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En ville, compte tenu de la règle définie plus haut, rendant obligatoire le respect de la limitation de vitesse par les véhicules en autonomie, même si la vitesse d'exploitation s'accroît avec l'évolution des matériels, la navette s'adaptera nécessairement à la vitesse maximale autorisée en ville. (30 km/h ou 50 km/h). En revanche, la question se pose en dehors des villes, si les navettes empruntent des voies rapides urbaines ou des routes (aménagées). Dans le cas de véhicules de niveau 5, dépourvus de conducteur à bord, une vitesse offrant à la fois toute garantie de sécurité et compatible avec la circulation devrait être imposée dans un premier temps. La même règle devra prévaloir pour les taxis-robots. Imposer la télésurveillance des navettes Il est impossible d'imposer la présence dans chaque navette d'un opérateur professionnel, à la fois pour des raisons techniques (absence de poste de pilotage) et économiques (les navettes sont une solution pour la mobilité dite du dernier kilomètre, et emportent un nombre restreint de passagers). En revanche, il est tout aussi impossible d'envisager leur circulation sans aucune supervision par l'exploitant en temps réel. La mission préconise qu'un dispositif de télésurveillance soit imposé pour assurer un suivi permanent du véhicule par l'opérateur de transport, qui pourra intervenir à distance en cas d'urgence. Les propositions qui précèdent peuvent être synthétisées dans l'encadré suivant :
1. Sauf au niveau 5, maintenir la présence d'un conducteur apte à reprendre le contrôle en toutes circonstances. Étudier la mise en place d'un dispositif de surveillance par caméra de la présence du conducteur au volant (MININT, MEEM). N'autoriser le mode automatique sans conducteur (niveau 5) au moins dans un premier temps, que sur des voies spécialement aménagées, en site fermé ou réservé (MININT, MEEM). Autoriser les systèmes d'aide au stationnement dits valets de parking (MININT, MEEM). Enregistrer les données du véhicule en respectant le droit à la vie privée (MININT, MEEM, ministère de la justice). Imposer le respect des limitations de vitesse par les véhicules en mode autonome (MININT, MEEM). Étudier l'identification, notamment numérique, des véhicules circulant en mode autonome (MININT, MEEM). Expérimenter les convois de camion « en peloton » en réduisant les distances entre les véhicules lourds (MININT, MEEM). Interdire le transport de matières dangereuses en mode autonome (MEEM). Limiter la vitesse des navettes autonomes de transport de voyageurs, et celles des « robots-taxis » de niveau5 ; imposer la télésurveillance des navettes (MININT, MEEM).
2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9.
Recommandation n°14 :
Faire évoluer le code de la route pour faciliter le déploiement des véhicules autonomes sans réduire le niveau de la sécurité routière (MININT, MEEM).
2.3.2
Les conducteurs devront être mieux formés et renseignés sur la conduite déléguée des véhicules autonomes Les conducteurs devront apprendre une nouvelle manière de conduire
2.3.2.1
Les véhicules autonomes nécessiteront un apprentissage spécifique, car les automatismes réclament des aptitudes nouvelles. D'abord au niveau du maniement du véhicule et du déclenchement des automatismes pour contrôler la vitesse, la direction, la position. Ensuite, pour la maîtrise des situations de circulation, en s'adaptant en temps réel aux exigences nécessitées par celles-ci. En troisième lieu, au niveau
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du contexte social et des objectifs de la conduite automobile pour le conducteur. Enfin, au niveau de l'importance de la conduite automobile dans le projet de vie du conducteur45. La conduite est une tâche que chacun exécute à son rythme. Ce que le conducteur est disposé à faire (attitudes et motivations) est tout aussi important que ce que le conducteur doit faire (facteurs de performance)46. Dans un premier temps, les véhicules autonomes et les véhicules non autonomes cohabiteront. Les véhicules de haut de gamme (premium) sont déjà équipés de nombreuses aides à la conduite (ADAS). L'investissement pour acquérir des véhicules autonomes étant lourd, il est probable que peu de jeunes conducteurs soient amenés à en conduire souvent, si ce n'est dans le cadre familial. Les véhicules autonomes introduisent un double paradoxe. D'abord, celui de l'aptitude : les conducteurs conduiront de moins en moins, et donc auront de moins en moins d'expérience et de compétences de conduite. Mais le véhicule demandera au conducteur de reprendre la main à des moments difficiles, voire dans l'urgence. Ensuite, celui du confort relatif : les véhicules ne permettront pas de faire tout ce qu'on on veut à tout stade de leur automatisation. Il faut rester à sa place, vigilant, et posséder sa pleine intégrité physique et psychologique jusqu'au niveau 4. 2.3.2.2 La formation et l'information sur la délégation de conduite devront être obligatoires
Ce contexte et ses contraintes imposent une approche globale d'éducation à la sécurité routière47. L'éducation routière permet d'adopter la conduite adaptée en tant qu'usager de la route, et modifie le rapport à la règle. Elle permet d'appliquer la règle parce que celle-ci est comprise, plus que parce qu'elle est crainte. En cela elle est aussi centrale pour l'acceptabilité et pour rendre chacun porteur du message de sécurité routière. Elle s'adresse évidemment aux plus jeunes, mais elle doit être présente à toutes les étapes de changement dans la vie de l'usager. Dans le cas des véhicules autonomes ce sont peut-être les conducteurs les plus âgés qui auront le plus de mal à s'y adapter. Il faut transmettre dès aujourd'hui les connaissances utiles sur les véhicules autonomes dans le continuum éducatif, de l'école primaire au lycée. Pour obtenir le permis de conduire, il ne semble pas nécessaire de former dès aujourd'hui tous les conducteurs à la conduite de véhicules autonomes, et d'en faire une condition d'obtention du permis de conduire. En revanche, l'utilisation des automatismes, le comportement des véhicules autonomes, le comportement du conducteur, doivent faire l'objet de séances d'information. Un permis de conduire spécial ne semble pas nécessaire. Mais pour qui doit conduire un véhicule automatisé, des pré-requis sont indispensables. Ils pourraient prendre la forme d'une unité de valeur, faisant l'objet d'une évaluation certificative. Cette attestation serait obligatoire pour conduire un véhicule autonome de niveau 3 et plus. Elle serait basée sur l'acquisition par tout conducteur de quatre compétences minimales :
Ces quatre aspects sont les piliers de la matrice GDE (Goals for Driver Education) qui a été conçue dans le cadre du projet GADGET (2002) de l'Union européenne et qui est utilisée pour l'apprentissage de la conduite dans de nombreux pays européens.(voir les détails en annexe 8). 46 Recherches en psychologie de la circulation de Rothengatter (1997). 47 Le guide de la commission européenne (meilleures pratiques en matière de sécurité routière), en définit les finalités : Promouvoir la connaissance et la compréhension des règles et des conditions de la circulation / Améliorer les aptitudes par la formation et l'expérience / Stimuler ou modifier les attitudes par la prise de conscience des risques / Modifier les comportements tels que, par exemple, la conduite sous l'influence de l'alcool ou la pratique de vitesses trop élevées / Former les conducteurs, les diagnostiquer (détecter les personnes susceptibles de faire preuve d'un comportement dangereux) et accompagner la restauration de l'aptitude à conduire.
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connaître ce qu'il peut attendre d'un véhicule en mode autonome ou non ; maîtriser la manipulation des aides à la conduite (ADAS) et l'interface homme-machine ; être capable de reprendre en main le véhicule quand le système de conduite informatique le demande et être informé des procédures relatives aux trajectoires de sécurité. connaître sa responsabilité qui découle de sa décision d'activer les automatismes, et connaître les risques associés, connaître le système de surveillance du comportement du conducteur ;
Une durée de trois à quatre heures semble suffisante pour atteindre ces objectifs, avec un passage obligé par un outil de simulation pour la reprise en main. Une application de smartphone pourrait être développée pour assurer le suivi et l'actualisation des connaissances. Cette unité de valeur pourrait être délivrée par les écoles de conduite et les organismes de récupération de points. Les loueurs et les gestionnaires de flottes partagées devraient l'exiger au moment de la location48. Il faut en outre imposer aux concessionnaires, au moment du retrait de tout véhicule autonome après achat (voiture neuve ou d'occasion), d'assurer une formation à la prise en main reprenant au minimum les deux premières compétences de l'unité de valeur. En plus de la formation, les activités de prévention routière et de communication doivent comprendre dès aujourd'hui des informations et formations relatives aux automatismes. Recommandation n°15 : Agir rapidement sur l'information et la formation des usagers et des conducteurs de véhicules automatisés. 15a : Intégrer une information relative aux véhicules automatisés au niveau du « continuum éducatif », du permis de conduire, et des actions de prévention routière et de communication sur la sécurité routière (MININT). 15b : Pour les niveaux 3 et 4 (SAE), créer une unité de valeur constituant un pré requis obligatoire pour la conduite d'un véhicule autonome (MININT). 15c : Imposer aux concessionnaires automobiles de mettre en place un module obligatoire de prise en main du véhicule automatisé lors de son achat (MININT, MEEM).
2.4
Les routes et les aménagements routiers devront s'adapter parallèlement au déploiement des véhicules autonomes
Le réseau routier Le réseau routier est composé : d'un réseau national structurant qui permet de relier les grands pôles urbains avec des autoroutes concédées et non concédées (environ 1 % du réseau total) et des routes nationales (moins de 1 % du réseau total), dont une grande partie a été décentralisée en 2006 au profit des départements. d'un réseau capillaire reliant des villes de moindre importance, souvent hérité de l'histoire des territoires ou créé récemment dans les zones urbaines : il s'agit des routes départementales (35 % du réseau total) et des routes communales (environ 63 % du réseau total).
2.4.1
-
Les loueurs préfèrent une unité de valeur à une obligation de prise en main par leurs soins, qui irait à l'encontre d'un modèle économique de plus en plus dématérialisé.
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L'automatisation des véhicules
Types de voies
Répartition des voiries en km de linéaire en 2014 11560 Dont 8951 9 645 378 973 673 290 1 073 468
Autoroutes dont autoroutes concédées Nationales Départementales Communales Total
En comparaison avec les autres pays européens la France dispose d'un réseau routier long et dont la densité (en kilomètres par habitant) est forte. Cela est dû à la configuration géographique du pays, à l'histoire de son urbanisation et à son organisation territoriale. Son réseau structurant (autoroutes et routes nationales) est relativement moins long et moins dense qu'en Allemagne mais davantage qu'au Royaume-Uni. 2.4.2 La route et le véhicule continueront d'évoluer en symbiose
La route et le véhicule évoluent en symbiose. La voiture et le poids lourd ne pourraient pas avoir les performances actuelles sans les grands progrès qui ont profité aux infrastructures routières depuis si longtemps. La granulométrie des chaussées est maintenant bien adaptée aux pneus modernes, qui, en retour, se sont toujours ajustés aux nouvelles chaussées. Les équipements aussi se sont adaptés. La signalisation est faite pour être lue par un automobiliste qui circule à grande vitesse. Elle est rétroréfléchissante pour être vue de nuit à la lumière des feux de croisement. Il est certain que cette symbiose continuera avec le véhicule autonome et que celui-ci et la route s'obligeront mutuellement à évoluer jusqu'à un nouvel équilibre. On peut en tracer les contours dans trois domaines : l'infrastructure, les équipements de la route et le partage de la voirie. 2.4.2.1 L'adaptation plus ou moins grande des chaussées et parkings facilitera le déploiement des véhicules autonomes
Sur les routes ouvertes, selon des constructeurs et équipementiers, deux usages de véhicules autonomes vont être bientôt possibles49 : les navettes de transport public et les voitures particulières (au niveau 3, voire 4 ou 5). Pour les premières, qui évolueront en site propre ou en site connu (et avec un cheminement préalablement enregistré) sous la supervision d'un opérateur (éventuellement gérant à distance une flotte de navettes), les aménagements peuvent être légers, comme ceux que l'on fait pour les bus à haut niveau de service, voire plus simples encore. La navette autonome se déplacera à faible vitesse, et sera pilotée par un automatisme simple qui l'arrête si un obstacle se dresse. Suivant ses capacités, elle pourra contourner l'obstacle, ou attendre que l'opérateur l'aide à y parvenir. Il est probable que le mode autonome ne sera actionné dans la plupart des cas, au moins dans un premier temps, que sur les axes aménagés ou bien reconnaissables par l'intelligence artificielle, ce qui exclut une grande part du réseau routier hors autoroutes et agglomérations. C'est pourquoi la mission n'a
La Nouvelle France Industrielle distingue d'autres usages : valet de parking, navettes du dernier kilomètre, etc. On s'arrête sur deux d'entre eux sans que cela ne change la teneur générale.
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pas traité en détail les questions liées aux voies qui ont peu de chances de voir circuler de véhicules en mode autonomes dans un futur proche. Les voitures qui arrivent sur nos réseaux et qui ont un certain degré d'automatisation sont plus adaptées pour la conduite sur autoroutes. Elles utilisent des systèmes de contrôle de trajectoire basés sur la détection de la signalisation horizontale, sur la détection des obstacles et des véhicules qui précèdent par différents capteurs ; elles gèrent leur allure par un régulateur de vitesse ou par le maintien d'une interdistance constante avec le véhicule qui précède. La principale difficulté qu'elles rencontrent, c'est qu'elles doivent maintenir une vitesse élevée compatible avec celles des autres véhicules. Il faut donc que le réseau routier soit d'une grande qualité et ne réserve pas de surprises. À l'heure actuelle, en cas d'événement inattendu, ces véhicules rendent la main au conducteur, lequel doit rester attentif (voir à ce sujet le § 2.2.1.2.) L'Association française des autoroutes et ouvrages concédés (ASFA) a commencé à travailler sur ces sujets avec les constructeurs automobiles. Les premières études démontrent que le lieu le plus compliqué pour les véhicules autonomes est le péage. À l'arrivée dans la « raquette » de péage (selon le terme employé par les autoroutiers), la signalisation horizontale s'interrompt, les véhicules se croisent à la recherche de la voie de paiement adapté ou celle où la file est la moins longue. La compréhension de la signalétique des voies de paiements est difficile : elle est seulement en cours de standardisation au niveau français. Il est évident que la nécessité de rendre la main au conducteur est elle-même source de danger. Une solution consisterait à remplacer ces péages par des péages free flow, avec des portiques placés en section courante et dotés de système de paiement électronique (TIS) et de caméras vidéo couplée à des systèmes de reconnaissance de plaques. Cela ne pose pas de problèmes techniques mais réglementaires : il faudrait pouvoir verbaliser immédiatement les contrevenants. À défaut d'y consacrer des effectifs suffisants de gendarmerie ou de police, il faudrait procéder à une évolution du droit pour permettre au personnel des sociétés d'autoroute d'arrêter et de verbaliser les véhicules. Le péage free flow dont le développement a son propre intérêt indépendamment de la voiture autonome - serait un facilitateur pour celle-ci. Néanmoins il n'est pas indispensable puisque dans le cas de voiture autonome de niveau 3 ou 4 le conducteur humain peut reprendre la conduite à l'approche du péage. La situation où le véhicule autonome rend la main est la plus délicate. On estime à 10 secondes, voire à plus, le temps nécessaire50 pour que l'être humain derrière le volant redevienne un conducteur avisé. Il faut prévoir les situations où il ne peut ou ne veut le faire. L'arrêt d'un véhicule sur une bande d'arrêt d'urgence est cependant une opération risquée. En section courante, pour les situations d'urgence il n'y a pas d'autres solutions que de laisser les véhicules autonomes s'arrêter sur les bandes d'arrêt d'urgence, sauf à construire des parkings à intervalle très rapproché, ce qui serait économiquement disproportionné. En revanche, à l'approche de la fin d'une section autoroutière ou à l'approche d'une barrière de péage « traditionnelle » (c'est-à-dire non free flow), une solution pourrait consister à créer un parking ou une aire d'arrêt adaptés. Le véhicule autonome proposerait de rendre la main à une distance suffisante-par exemple un kilomètre- avant la zone d'arrêt. En l'absence de réaction de l'automobiliste il se rendrait de lui-même sur celle-ci pour s'y arrêter. Une concertation doit s'engager entre la DGITM, les constructeurs automobiles, et les sociétés d'autoroutes, pour déterminer l'utilité d'aménager de telles aires (qui pourront la plupart du temps utiliser des aires existantes). Un avantage des autoroutes françaises, qui intéresse au plus haut point les constructeurs de véhicules autonomes, est le bon état de leur signalisation horizontale. En effet, les capteurs se basent sur le repérage des lignes axiales de marquage pour guider les véhicules. Les sociétés d'autoroute sont contraintes par leur contrat de concession (article 13) de mettre en conformité la signalisation horizontale avec la réglementation et les instructions techniques. Par contre, il n'existe aucune contrainte sur la
50
Cf. la thèse de William Payre déjà citée (paragraphe 2.2.2.2.)
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durabilité et l'évolution dans le temps de cette signalisation, et il n'existe pas non plus d'indicateurs de performance opposables aux concessionnaires sur la signalisation horizontale. Il arrive donc souvent que celle-ci n'ait pas le niveau escompté (lors de chutes de neige ou lors de la création de signalisation temporaire de chantier par exemple)51. Les constructeurs de véhicules automatisés ont pris en compte la difficulté des gestionnaires à garantir le niveau de service de la signalisation horizontale : ils intègrent des algorithmes de reconstitution de lignes et utilisent la redondance donnée par la géolocalisation par satellite. Néanmoins comme les systèmes d'intelligence artificielle fonctionnent d'autant mieux qu'ils peuvent utiliser et croiser plusieurs sources d'information le maintien d'un bon état de la signalisation horizontale concourra à la sécurité des voitures autonomes. Recommandation n°16 : Déterminer avec les sociétés d'autoroute les aménagements nécessaires pour accueillir les véhicules autonomes en toute sécurité en veillant en particulier à la problématique de l'approche des péages et des fins de section autoroutière (DGITM).
2.4.2.2
Les équipements routiers devront être peu à peu adaptés à la circulation des véhicules autonomes
Les recherches sur les véhicules autonomes prennent comme principe que ces véhicules doivent se déplacer sur l'ensemble des voies telles qu'elles sont et lire la signalétique comme des humains. Cela a pour objectif de ne pas retarder l'avènement de la voiture autonome en la faisant dépendre des investissements consentis dans la route et dans ses équipements. Néanmoins, il y a une convergence des auteurs pour souligner que le véhicule autonome ne pourrait que bénéficier d'une information fiable sur le réseau et sur les événements qui s'y déroulent. Pour respecter le code de la route les véhicules autonomes doivent avoir la meilleure information à jour des règles de circulation sur les voiries qu'ils empruntent. Il est nécessaire que les gestionnaires routiers mettent à jour en temps réel sous leur responsabilité les informations indispensables dans une base de données qui soit d'accès public (open data). Les constructeurs ou fournisseurs de système d'autonomie seront tenus de mettre à jour leur GPS à partir de cette base (actuellement les bases de données sont privées et plus ou moins bien renseignées). Cette base comprendrait au minimum : les limites de vitesse permanentes et temporaires (chantiers, régulation de trafic lors des départs en vacances, pollution atmosphérique) ; les restrictions de voirie partielles (zones de chantier, fermetures de cols) ; les restrictions catégorielles (transports de matières dangereuses, tonnages, gabarits, etc.).
Il existe des normes techniques de qualité du marquage avec des indicateurs de blancheur, d'adhérence, de visibilité de jour et de nuit et de rétroréflexion ainsi que des normes de pose pour contrôler la qualité de la pose des produits. Des exigences techniques existent dans les cahiers des charges des sociétés d'autoroute. Certaines confient le marquage à des sous-traitants spécialisés avec des contrats à obligation de performance mais ceci n'est pas obligatoire.
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Des réflexions et des expérimentations sont en cours au niveau des pouvoirs publics et gestionnaires de voirie pour prendre en compte les apports des systèmes C-ITS52. Plusieurs d'entre elles peuvent avoir un impact sur le véhicule autonome : le projet coopératif SCOOP@F piloté par la DGITM débute en 2016 par une expérimentation sur cinq sites53 ; d'une façon générale, les gestionnaires de réseau doivent améliorer fortement leur connaissance des événements qui s'y produisent en temps réel. Le V2I ne réglera pas tout et pour employer une expression d'un des interlocuteurs de la mission, « le sanglier ne sera pas connecté ». D'autres moyens de surveillance devront être utilisés ; la route de cinquième génération (dite route 5G), après la quatrième génération qu'est l'autoroute : il s'agit d'un ensemble de projets de recherche et de développement. Parmi elles, la route solaire qui, à partir de différents dispositifs, récupérera de l'énergie solaire (par exemple par le système Wattway© de Colas). Une partie de cette énergie pourrait être restitué à des véhicules électriques (les véhicules autonomes seront en tout ou en partie électriques) ; à plus long terme, lorsque tous les véhicules seront autonomes (si cela doit arriver...), la façon de gérer la route sera sans doute radicalement différente. La signalisation verticale (panneaux de police et de direction) voire la signalisation horizontale ne serviront peut-être plus à rien. L'exploitant sera par contre tenu de renseigner les bases de données où les véhicules autonomes iront chercher en temps réel les informations utiles : aux éléments déjà mentionnés s'ajouteront peut-être des scans réguliers de l'état de chaussées, des intrusions sur les routes... Créer une base de données publiques contenant au minimum des informations de limitations de vitesse de restrictions de voirie et restrictions catégorielles et rendre la mise à jour des données obligatoires ; les services de voiture autonome auront l'obligation de prendre en compte ces données. Cette base de données devra être évolutive pour accepter d'autres informations (MEEM, MININT).
Recommandation n°17 :
2.4.2.3
La voirie publique sera partagée différemment
Les décisions concernant le partage de l'usage de la voirie sont des décisions politiques fortes qui favorisent ou défavorisent tel ou tel mode de transport. Dans les années cinquante, la montée en puissance de la voiture individuelle a été stimulée par des décisions lourdes de conséquences : fin des vieux tramways et enlèvement de leurs rails, création de voies rapides en ville (voies sur berge à Paris, tunnel de Fourvière à Lyon, etc.). Depuis, le mouvement s'est inversé : voies réservées au tramway, pistes cyclables, place de stationnements réservés aux vélos ou aux voitures en libre partage, interdiction des vieux véhicules diesel, fermeture des voies sur berges à Paris, en particulier. Ces décisions sont en lien direct avec nos modes de vie et donnent lieu naturellement à des débats passionnés.
Cooperative Intelligent Transport Systems, comprenant V2V et V2I. Des balises placées de la chaussée dialoguent avec les véhicules sur une fréquence radio dédiée. Ces échanges (V2V et V2I) permettent donc de donner (comme actuellement sur la fréquence 107.7) des informations du gestionnaire vers les véhicules mais aussi remonter de l'information des véhicules vers le gestionnaire ou d'échanger entre véhicules : ainsi un véhicule du gestionnaire (patrouilleur, engin de déneigement) donnera en temps réel des informations sur l'état du trafic, la présence d'un véhicule arrêté, un obstacle. Les véhicules particuliers pourront aussi échanger entre eux.
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Il en sera de même pour les véhicules autonomes. Dans un premier temps, les véhicules autonomes (navettes ou voitures individuelles) auront du mal à se fondre dans la circulation habituelle des grandes villes. Les marges de sécurité que prendront ces véhicules pourraient créer une diminution de la capacité de trafic, ce qui pourrait entraîner un certain rejet de la part des utilisateurs. Un point d'attention doit être apporté aux expérimentations de platooning (paragraphe 2.3.1.) D'autres exemples de partage de voirie concerneraient l'utilisation en ville de véhicules autonomes pour faire la desserte du dernier kilomètre, ou la réservation de places de stationnement à ces véhicules. De son côté, l'IFSTTAR travaille sur le concept de routes hybrides, où les véhicules classiques, coopératifs et autonomes pourraient cohabiter. A plus long terme, lorsqu'elles auront progressé (et si comme la mission le souhaite elles parviennent à démontrer qu'elles améliorent la sécurité routière d'un facteur au moins 10), la conduite en mode manuel pourrait être considérée comme trop dangereuse et progressivement réduite règlementairement. Il convient également d'apprécier l'impact économique de la voiture autonome sur les infrastructures : L'émergence des véhicules autonomes aura un impact économique important pour les gestionnaires infrastructures. En raison du déploiement des nouveaux véhicules, de nouvelles dépenses vont apparaître, pour créer des aménagements adaptés, mettre à niveau l'information sur les infrastructures, adapter les équipements de sécurité, notamment. De l'autre côté, des économies ou des optimisations peuvent survenir aussi : diminution des largeurs des places de parkings et donc augmentation de leur nombre grâce aux valets de parkings, signalisation numérique remplaçant la signalisation traditionnelle. Le modèle économique des gestionnaires d'infrastructures qui tirent leur revenu du trafic (sociétés d'autoroutes, gestionnaires de parkings) sera transformé et plus incertain : les voitures autonomes rouleront-elles plus ou moins ? Si, à terme, il n'y a plus que des flottes de véhicules autonomes propriétés de grands groupes, ces derniers ne chercheront-ils pas à influencer la politique de gestion et de rémunération des infrastructures ? Pour l'instant nous nous trouvons devant plus de questions que de réponses. Il n'y a qu'une certitude : la route et le véhicule continueront d'évoluer en symbiose. Dès lors, les pouvoirs publics en charge des infrastructures doivent agir de telle sorte que cette évolution conjointe ne soit pas subie et se fasse dans l'intérêt général. 2.4.2.4 Les réseaux de communication et la question des données
Du point de vue des données traitées, peu de choses distinguent un véhicule communicant et un véhicule autonome. Les seules différences concernent la présence, sur les véhicules autonomes, d'un GPS et d'un EDR, équipements qui ne sont pas nécessairement présents dans un véhicule communicant. Mais cette distinction est toute théorique, car tous les véhicules communicants disposent en pratique d'un GPS, et les EDR peuvent, dans le futur, être rendus obligatoires sur des véhicules de tous types. Les analyses qui suivent s'appliquent donc indifféremment aux véhicules autonomes ou connectés, sans automatismes. Les réseaux Le véhicule autonome sera communicant, les communications étant nécessaires pour lui assurer une perception d'ensemble des situations routières, complémentaire de la vision à courte portée des
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capteurs. Ce complément d'information apporté par la communication permet une meilleure anticipation et compréhension de l'environnement local. Plusieurs types de réseaux seront utilisés par les véhicules à cette fin. Le plus à même d'être utilisé est aujourd'hui une variété de Wi-Fi, nommé G5, déjà normalisée et opérationnelle. Cette option repose sur l'équipement des infrastructures en bornes Wi-Fi G5. Elle présente l'inconvénient d'être coûteuse en équipement des infrastructures, mais a l'avantage d'être disponible et de ne pas imposer de coûts de communication pour les communications véhicule-véhicule. Une autre possibilité, en cours de normalisation à l'ETSI54, est le 4G LTE V2X55, LTE signifiant Long Term Evolution, ce qui correspond à la 4e génération de réseaux mobiles. À plus long terme, d'autres réseaux, principalement des variantes des réseaux mobiles de 5e génération, pourront être utilisés. Ces différentes possibilités se différencient par leur résilience, leur sécurité, leur économie d'emploi. Clairement, les opérateurs mobiles cherchent à capter, via leurs réseaux, les communications futures des véhicules et infrastructures. Il y a donc actuellement une lutte d'influence entre ces technologies. A priori, la technologie WiFi G5 devrait être plutôt employée dans les villes denses et aux abords de celles-ci, et les réseaux mobiles prédominer dans les zones peu peuplées, mais tout dépendra du modèle de développement économique de ces deux technologies. Le créneau d'emploi optimum de ces technologies n'est donc pas tranché aujourd'hui. La mission n'a pas identifié, en l'état des connaissances sur ces possibilités, d'enjeux majeurs de politique publique liés à l'utilisation de l'un ou l'autre de ces réseaux. L'État devra se positionner vis-à-vis des équipements en G5 des villes et des grandes infrastructures. Les données La Commission européenne a arrêté une stratégie pour les Services de Transport Intelligents Coopératifs (STI-C) dans sa communication du 30 novembre 2016. Cette stratégie vise prioritairement la sécurité des transports et prévoit une action favorisant le traitement de certains services par les véhicules, services impliquant des échanges de données. Dans sa communication, la Commission publie une liste initiale de 13 services, dite liste initiale, à déployer en 2019. Cette liste comprend des notifications de situations dangereuses, telles que véhicules à l'arrêt, travaux, freinage d'urgence d'un véhicule précédent, et des applications de signalisations, comme la signalisation et les vitesses limites à bord, demande de priorité au carrefour, etc. Toutefois, la normalisation de ces services est aujourd'hui incomplète. Seul l'aspect transmission est normalisé par l'ETSI. Les promoteurs français de SCOOP devront donc défendre au niveau européen les profils de données arrêtés en France pour SCOOP. La Commission européenne annonce en termes voilés son intention de rendre obligatoire un jeu minimal de services STI-C sur les véhicules, en avançant qu'elle dispose de l'instrument législatif ad-hoc grâce à la directive 2010/40 relative au STI. C'est en effet grâce à cette directive que eCall avait été rendu obligatoire sur les véhicules. Ainsi, il fait peu de doutes que les véhicules automatisés disposeront de ces données. Pour ces services, destinés à être normalisés, il est prévu que les données seront anonymisées. Pour la sécurité des échanges, la Commission européenne s'attachera à favoriser la mise en place d'une infrastructure
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European Telecommunications Standards Institute. L'approbation du standard est prévue dans la « Release 14 du 3GPP » en mars 2017.
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paneuropéenne de clés publiques, permettant de crypter les données échangées depuis et vers les véhicules. C'est un projet ambitieux. À ces données, qui seront imposées par la réglementation, s'ajouteront les données échangées avec les prestataires, pour les services privés auxquels auront volontairement souscrit les conducteurs. Un exemple est fourni par l'application de maintenance préventive et corrective : la personne concernée contracte avec un prestataire afin de recevoir des messages et des alertes liées au fonctionnement du véhicule. L'envoi volontaire de données pour la participation à des études d'accidentologie ou de circulation est un autre exemple. La protection des données à caractère personnel Ainsi, il fait peu de doutes que les véhicules automatisés disposeront des services qui viennent d'être évoqués, et, par-là, de ces données. Il est important de noter que les données seront rendues anonymes. Pour la sécurité des échanges, la Commission européenne s'attachera à favoriser la mise en place d'une infrastructure paneuropéenne de clés publiques, permettant de crypter les données échangées depuis et vers les véhicules. C'est un projet ambitieux. Les véhicules automatisés d'aujourd'hui sont producteurs de données en grand nombre. Ces données, majoritairement techniques, nécessaires à la bonne marche du véhicule, peuvent aussi revêtir un caractère personnel, c'est-à-dire permettre l'identification des individus. Ainsi, la connaissance du VIN, Vehicle Identification Number, numéro de série du véhicule, normalisé internationalement, permet-il de remonter au propriétaire du véhicule. C'est ce qui a conduit la CNIL à élaborer un « pack de conformité », qui a vocation à s'appliquer aux véhicules communicants d'aujourd'hui, et aux véhicules autonomes de demain. Ce document, discuté avec les prestataires de services et les constructeurs, expose les recommandations et bonnes pratiques concernant le traitement des données du véhicule. La CNIL distingue trois cas, selon que les données restent sous le contrôle de l'utilisateur, ou qu'elles sont transmises à un prestataire extérieur, et enfin, si un retour d'information du prestataire implique une action du véhicule. La CNIL replace ces cas dans le cadre réglementaire français (loi Informatique et Libertés de 1978) et les dispositions du récent règlement européen 2016/679 du 27 avril 201656. Tous les aspects liés aux finalités des traitements, à leurs bases légales, au données collectées, à la durée de conservation, aux destinataires des traitements, à l'information et au droit des personnes, aux obligations de sécurité, et aux déclarations nécessaires, sont traités pour ces cas de figure. Il ne fait pas de doute que ces préconisations seront utiles pour les futurs modèles de véhicules, mais la question se pose de leur transposition aux véhicules existants. L'inclusion massive de dispositifs électroniques dans les véhicules est dorénavant un phénomène ancien, dont le démarrage peut être situé vers le début des années 2000. Or, le pack de conformité sur le sujet est publié en 2016. La question est donc posée de savoir si les modèles existants respectent les dispositions préconisées par le pack. La CNIL disposant dorénavant de pouvoirs d'enquête, il serait utile qu'elle procède à des investigations sur un certain nombre de modèles, pour en tirer des conclusions. Notamment, l'accès du propriétaire aux données d'usage du véhicule mériterait de la part de la CNIL une étude approfondie, et, le cas échéant, des propositions au niveau européen sur ce sujet, qui concerne également la profession des réparateurs automobiles.
Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).
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L'approche a consisté, pour l'élaboration de ce pack, à considérer le véhicule comme un objet communicant ordinaire. Ce choix présente l'avantage de tendre à une certaine généralité dans le traitement des problèmes du futur IoT( Internet of Things). Cependant, il faut s'interroger sur la solidité à terme d'une telle approche. En effet, un véhicule est un objet bien particulier. C'est aussi un domaine privé - la police ne peut y pénétrer sans mandat. Il comporte des fonctions liées à la sécurité des individus, à la cybersécurité, et il est mobile, au-delà des frontières d'un seul pays. À cet égard, le système eCall a ouvert une voie porteuse de réflexion. En effet, dans le cas eCall, les autorités réglementaires en Europe, plutôt que de se référer uniquement aux textes généraux européens57 concernant la protection des données personnelles, ont fait le choix de dispositions spécifiques complémentaires contenues dans le texte eCall. Le règlement 2015/758 « eCall » contient ainsi toutes les dispositions de protection des données personnelles pour un véhicule équipé d'eCall, c'est-à-dire d'un dispositif communicant. Ainsi, notamment, la conservation des données y est-elle fixée à 13 heures. Aussi, eu égard à la particularité de l'objet véhicule, il parait légitime de s'interroger sur la nécessité, à terme, d'un texte européen spécifique pour la protection des données personnelles liées aux véhicules, quel que soit leur niveau d'automatisation. C'est sans doute la direction que semble prendre la Commission européenne, dans la communication du 30 novembre 2016 : « En 2018, la commission publiera les premières orientations concernant la protection des données dès la conception et par défaut dans le contexte spécifique des STI-C ». L'EDR L'EDR (Event data Recorder) est une nécessité, au minimum pour déterminer la cause des accidents, la responsabilité étant partagée entre les logiciels de la voiture et le conducteur. L'EDR enregistre les données dans les secondes précédant l'accident. Selon les études disponibles, le bénéfice immédiat des EDR est la diminution de 20 % des accidents58. Ainsi, non seulement l'EDR est nécessaire pour des recherches de responsabilité, mais il comporte de plus l'avantage, en cas de reprise manuelle, d'inspirer une conduite plus prudente aux conducteurs59. Plus que tout autre, un véhicule autonome nécessitera un EDR, afin de déterminer qui, du logiciel ou du conducteur, est responsable. Le rapport du 12 décembre 2016 de la Commission Européenne au Conseil et au Parlement Européen mentionne dans ses recommandations l'EDR en termes d'équipement de sécurité à venir dans la prochaine législation sécurité des véhicules. Le rapport envisage l'obligation de support de l'EDR à partir de 2020 pour les nouveaux types de véhicules, et de 2022 pour tous les tous véhicules neufs, quels que soit leur degré d'automatisation. La proposition législative traduisant ce rapport est attendue dans le courant de l'année 2017. Tous ces motifs conduisent à recommander l'adoption la plus rapide des EDR sur les véhicules de tous types. Cette question concerne tous les véhicules : elle n'est pas propre aux véhicules à délégation de conduite. Les questions relatives aux EDR (temps de conservation des données, conditions d'accès, etc.) sont actuellement examinées au niveau européen. Comme elles ne concernent pas particulièrement les véhicules à délégation de conduite mais tous les véhicules, la mission CGEDD-IGA ne les a pas approfondies.
Principalement la directive 95/46 et la directive 2002/58. Wouters, P.I.J. & Bos, J.M.J. (2000) Traffic accident reduction by monitoring driver behaviour with in-car data recorders. In : Accident Analysis and Prevention, vol.32, nr.5, p.643-650. 59 Des études faites aux États-Unis montrent que les conducteurs de véhicules équipés d'EDR adoptent une conduite plus prudente.
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Il est cependant indispensable de porter une attention particulière à l'émergence du standard européen des données et à l'implantation rapide des EDR dans les nouveaux véhicules. L'ADDR (Automotive Digital Data Recorder) Il s'agit d'un enregistrement, par une boite noire sous la responsabilité du constructeur d'automobile, des paramètres techniques de fonctionnement du véhicule, aux fins de garantie ou de mise au point, de détection des anomalies, de prévention des pannes, de correction à distance, etc. Ces équipements sont bien sûr soumis à déclaration auprès de la CNIL.
2.5
Les règles en vigueur en France en matière de responsabilité individuelle et d'assurance sont en question
La responsabilité en cas d'accident est appelée à évoluer
2.5.1
La responsabilité civile La responsabilité du conducteur est aujourd'hui la règle, sauf à faire jouer celle du constructeur en cas de défaut du matériel, ou celle du propriétaire, si celui-ci est distinct du conducteur, en cas de défaut d'entretien. A partir du moment où une intelligence artificielle prendra le contrôle du véhicule, la question de la désignation du responsable sera plus complexe. Il faudra dans un premier temps déterminer avec certitude si l'accident est survenu alors que le mode automatique était actif. Ce point est âprement débattu par les firmes automobiles à propos des quelques cas d'accidents dans lesquels étaient impliquées des voitures disposant de fonctions automatiques. Comme cela a été indiqué plus haut, seul un enregistrement de l'activité du système permettra de trancher clairement chaque cas. Ensuite, le partage des responsabilités devra faire place à de nouveaux acteurs : outre le conducteur, le propriétaire (ou le gestionnaire du parc), l'équipementier, voire le réparateur défaillant, il est manifeste que pourront être impliqués les concepteurs des logiciels de l'intelligence artificielle implantée à bord, ainsi que les gestionnaires des flux de données passant par les connections du véhicule avec son environnement. Si l'on fait abstraction de la partie mécanique du véhicule, qui sera le vrai « réalisateur » de celui-ci ? Un transfert de responsabilité vers les constructeurs ou équipementiers (ce terme incluant désormais les fournisseurs de logiciels) est une probabilité forte. Des pays étrangers, comme par exemple l'Allemagne, envisagent d'ailleurs de sceller dans la loi cette évolution, en déchargeant le « conducteur » de sa responsabilité en cas d'usage du pilote automatique. Il ne paraît toutefois pas nécessaire de procéder à un mouvement semblable en France : en effet, il existe dans le droit positif, depuis la loi Badinter de 198560 le principe selon lequel tout propriétaire de véhicule doit être assuré (obligation d'ailleurs européenne), et que, dès lors qu'un véhicule à moteur est impliqué dans un accident, les victimes sont indemnisées sans qu'on soit tenu de rechercher la faute du conducteur. Si ce dispositif devait évoluer (ce qui n'est pas apparu à la mission), les principes seraient clairement posés par la responsabilité « du fait des choses », figurant dans les articles 1384 et suivants du code civil, et les interprétations jurisprudentielles (voir notamment arrêt de la Cour de cassation, Chambres réunies, Franck, 2 décembre 1941). Le « gardien » de la chose étant celui qui en a le « contrôle », cette notion s'étend vraisemblablement au conducteur qui a fait le choix d'actionner l'automatisme de son
Loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.
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véhicule, et à la possibilité de reprendre la main. Le ministère de la justice, consulté par la mission, estime que le mécanisme posé par la loi Badinter s'adapte sans difficultés au cas des véhicules autonomes. Cet avis est partagé par la Fédération Française de l'Assurance (FFA). La responsabilité pénale Le code de la route comprend de nombreuses dispositions faisant peser sur le conducteur une responsabilité liée à son comportement. Qu'en sera-t-il demain en cas de conduite en mode autonome, dès lors que le conducteur n'aura pas eu la main sur le système ? La mission recommande de mettre ce sujet à l'étude, notamment dans le cadre du groupe de travail récemment institué entre le MEEM, le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice. L'étude pourra s'enrichir à ce sujet des réflexions de l'Allemagne, dans le cadre de la coopération franco-allemande entreprise par les deux ministres chargés des transports. Recommandation n°18 : Mettre à l'étude la responsabilité pénale des futurs utilisateurs de véhicule autonome (ministère de la justice).
Le débat sur « l'éthique » du véhicule autonome Les pouvoirs publics devront se déterminer face à la délicate question qui est résumée dans la formule de « l'éthique du véhicule ». Ce sujet, inspiré du fameux « dilemme du tramway », enflamme les chercheurs et provoque des prises de position parfois baroques (le débat est résumé dans l'annexe 12). Il s'agit de déterminer comment va réagir le système dans une situation où un accident est inévitable, et où ne se présentent que des « mauvais » choix, impliquant dans tous les cas au moins une victime, qui peut être l'un des occupants du véhicule, l'un des occupants d'un autre véhicule, ou des passants (personnes vulnérables). Les solutions les plus variées sont agitées par les acteurs du débat, y compris la solution-extrême - laissant à l'utilisateur du véhicule le soin de paramétrer les règles que devra suivre l'intelligence artificielle. Quelle que soit la formule qui sera retenue, les pouvoirs publics (ou le régulateur des transports, selon les États) ne peuvent pas rester passifs devant un tel problème. Les États-Unis se sont engagés dans un système déclaratif permettant à l'autorité de contrôle d'apprécier les choix proposés par les constructeurs. Les « guidelines » publiées par le ministère fédéral des transports le 19 septembre 2016 posent le principe de la transparence des choix proposés par les constructeurs. La France ne peut pas s'en remettre uniquement à la libre initiative des constructeurs pour régler une question aussi sensible et lourde de conséquences juridiques et morales. Par ailleurs, le code de la route protège tous les utilisateurs de la voirie : l'article L311-1 dispose en effet que « les véhicules doivent être construits, commercialisés, exploités, utilisés, entretenus et, le cas échéant, réparés de façon à assurer la sécurité de tous les usagers de la route ». La mission recommande que les ministres chargés de la sécurité routière et des transports, en liaison avec le ministre de la justice, définissent les principes auxquels les véhicules devront se soumettre. Ce travail doit être conduit en concertation avec tous les acteurs concernés (constructeurs, assureurs, associations d'automobilistes, représentants des victimes de la route, notamment). Au-delà, des règles devraient être posées au niveau international, au moins dans l'espace européen. La France doit contribuer à leur édification. Recommandation n°19 : Établir au niveau national, et si possible européen, les principes que devront respecter les véhicules autonomes en cas d'accident inévitable (MININT, MEEM, en liaison avec le ministère de la justice).
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2.5.2
Les secteurs de l'assurance et de l'assistance vont devoir se préparer à des mouvements économiques de grande ampleur
Même si les principes posés par la loi Badinter de 1985 ne sont probablement pas susceptibles d'être affectés par l'arrivée des véhicules à délégation de conduite, le marché de l'assurance va se transformer. Certains commentateurs prévoient une baisse tendancielle du nombre des accidents (en partie équilibrée du point de vue financier par la hausse des coûts unitaires, les nouveaux matériels étant plus chers), ce qui va entraîner en principe une baisse des primes, ainsi qu'une réduction des volumes liés aux accidents de la route. Il est difficile de prévoir si ce phénomène ne sera pas en partie annulé par une augmentation de la délinquance, les vols de voitures commis avec des outils électroniques étant en hausse (voir l'étude publiée en octobre 2016 par l'association 40 millions d'automobilistes et BCA Expertise). Il s'agit d'un mouvement mondial, plusieurs experts pronostiquant un bouleversement de l'équilibre économique sur lequel repose actuellement le marché de l'assurance automobile (cf. l'annexe 12). Ce mouvement a d'autant plus de chances de se produire que le déplacement de responsabilité vers les constructeurs et les fournisseurs de logiciels et de capteurs est ample (§ II.4.1). De plus, il est possible que le marché de l'assurance soit en partie « asséché » par les politiques commerciales de certaines firmes qui offriront à leurs clients des garanties très étendues portant sur leurs matériels. Le contrat d'assurance obligatoire risque dans ce cas de se limiter à la seule responsabilité civile envers les victimes, les frais de réparation du véhicule pouvant être pris en charge par le vendeur de celui-ci. Si ces tendances se vérifient, les assureurs devront trouver des parades pour développer de nouveaux services. Une possibilité leur sera offerte par les données du véhicule, s'ils y ont accès, car elles permettront une personnalisation des polices en fonction du style de conduite des utilisateurs, sous réserve de la vérification de la conformité de telles pratiques au droit, en particulier au principe d'égalité et à la protection de la vie personnelle. De même, le secteur de l'assistance se prépare à affronter des évolutions prévisibles. La réduction du nombre des sinistres va probablement faire baisser la demande. Elle sera peut-être balancée par la hausse possible des besoins de conseils à distance pour des consommateurs peu préparés à l'usage de nouveaux équipements. La profession espère tirer avantage de son implication dans la mise en place de l'eCall européen à partir de 2018, ses plateformes de téléphonie pouvant être un moyen de gestion des futures connections des nouveaux véhicules livrés après cette date.
2.6
Les véhicules autonomes pourraient changer en profondeur l'économie et l'écologie des transports
L'acceptation sociale dépendra principalement des avantages nouveaux donnés aux conducteurs, passagers et entreprises
2.6.1
L'intérêt des automatismes pour les conducteurs a été étudié dans de nombreux pays. En France, selon le CEREMA61, les conducteurs français sont intéressés par les aides à la conduite si leurs avantages autres que la sécurité, considérée comme chose importante mais encore souvent comme l'affaire des autres - sont suffisamment importants. Ainsi le régulateur de vitesse est-il apprécié en raison de la sérénité qu'il emporte : plus besoin de contrôler l'indicateur de vitesse. Les Français, davantage qu'ailleurs, aiment avoir la main sur les leviers de leur voiture ; c'est ce qui explique le nombre assez peu important des voitures avec boîte de vitesses automatique. Ainsi peut-on craindre que les Français boudent les voitures de niveau 3 ou 4, si obligation leur était faite de rester vigilant à tout instant, les yeux sur la route, sans possibilité de faire autre chose. Évidemment, le niveau 5 plaira bien davantage, car il autorise le conducteur
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Entretien, notamment de la Mission CGEDD-IGA, avec Stéphanie Bordel (Cerema).
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à accomplir d'autres tâches sans s'inquiéter d'avoir à répondre à une demande du système pour reprendre la main. Lorsque de nouvelles aides à la conduite sont introduites dans les voitures, les constructeurs et équipementiers doivent prendre garde à ce qu'elles n'augmentent pas, réellement ou même apparemment, la responsabilité des conducteurs. Faute de quoi, elles ne seraient pas utilisées par leurs clients. La protection des données personnelles (surtout des données de géolocalisation) est l'objet de la même conclusion pour beaucoup de Français. Si les Français ne se préoccupent guère des données de géolocalisation de leur smartphone, c'est parce qu'en contrepartie de l'abandon de la protection, il y a de grands bénéfices : trouver aisément son chemin en ville, etc. Il faudra donc que les voitures autonomes ou semi-autonomes, surtout lorsqu'elles seront utilisées à titre professionnel, leur profitent aussi par ailleurs. Pour les personnes plus fragiles (personnes âgées, personnes handicapées, etc.), le véhicule autonome sera probablement apprécié, à condition toutefois que la fracture numérique ne soit pas un frein. 2.6.2 Des études et des recherches sont nécessaires pour affiner les conséquences des véhicules autonomes sur le modèle économique et social des transports
De nombreux rapports d'étude62 ont été publiés sur les nouvelles mobilités qui seraient engendrées par les véhicules autonomes. Une étude souvent citée est celle de 2013 de la Columbia University, en particulier le premier des trois cas alors examinés sur Ann Arbor dans le Michigan. Cette ville de 285 000 habitants détient au total 200 000 véhicules. Les auteurs ont calculé la taille de la flotte partagée qui serait nécessaire pour satisfaire les besoins de la population sans lui imposer de trop longs temps d'attente. Avec 18 000 véhicules, la flotte de véhicules autonomes et partagés permettrait un temps moyen d'attente qui serait inférieur à une minute, un taux d'utilisation des véhicules de 70 % durant les heures de la journée (entre 7h du matin et 7 h du soir) et un coût de 0,15-0,41 dollar (au lieu de 0,59-0,75 dollar) par déplacement-mille. Se plaçant à une époque où les technologies seraient robustes et déployées, la presque totalité des auteurs prévoient un bouleversement des transports individuels ou publics, à des échéances qui dépendent des analyses sur le déploiement des nouvelles technologies (notamment au regard de l'intelligence artificielle). La plupart des rapports tirent les conséquences économiques, sociales et environnementales, le plus souvent très favorables, d'une bien meilleure utilisation du capital constitué par les véhicules (voitures ou navettes le plus souvent) s'ils sont partagés et s'ils se meuvent sans conducteur humain. En particulier, les voitures seraient bien moins nombreuses au coeur des agglomérations. C'est ce qui explique l'intérêt porté par de nombreuses villes dans le monde envers l'expérimentation des navettes autonomes63. Par ailleurs, d'autres villes portent intérêt aux taxis autonomes (ou taxis-robots) : Pittsburgh, Singapour, Tokyo, etc. Il paraît important que le ministère chargé des transports puisse entreprendre, au premier semestre de 2017, une analyse approfondie, après avoir fait la synthèse des résultats des nombreuses études déjà faites dans le monde, relative aux possibilités et aux conséquences de l'introduction vers 2020 ou 2025 de flottes de voitures et de navettes autonomes dans le coeur des grandes villes françaises, en particulier à Paris et Lyon. Au-delà, il serait opportun de réfléchir à la mise en place d'un véritable observatoire des conséquences que les véhicules autonomes pourraient entraîner sur la société française.
Ils sont décrits dans l'annexe 12. Christchurch et Wellington en Nouvelle-Zélande, comté de Contra Costa en Californie, province de Gelderland aux Pays-Bas, Helsinki, Lyon, Paris, Perth en Australie, Rouen, Sion en Suisse, Washington, Wuhan en Chine, etc.
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Recommandation n°20 :
Conduire une étude approfondie sur les possibilités et les conséquences de l'introduction de navettes autonomes dans les grandes villes françaises (MEEM, MINEFI).
De même, il n'existe pas pour le moment, en France, de simulation de l'impact des futurs véhicules sur la filière des métiers liés à l'automobile (réparation, stationnement), ni sur les métiers du transport de marchandise, tant en ce qui concerne l'emploi que l'équilibre financier ou la rentabilité. Recommandation n°21 : Lancer une étude sur les conséquences des véhicules autonomes en termes économiques et sociaux dans les professions concernées (MEEM, MINEFI).
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CONCLUSION
La France a engagé les processus qui conduiront au déploiement des véhicules autonomes. En dépit d'imperfections persistantes, le travail administratif gagne en efficacité, les acteurs de la recherche se mobilisent, le projet de la Nouvelle France Industrielle a fait émerger un partenariat de qualité entre les industriels et les pouvoirs publics. Mais il importe d'accélérer ce mouvement, et de lever les freins qui l'entravent ou le limitent. Le cadre réglementaire doit être rapidement aménagé, la recherche intensifiée et élargie, la coordination administrative fortifiée. Face à la compétition mondiale où d'autres pays sont plus avancés, la France doit se mobiliser encore plus, doit améliorer ses positions dans les organes internationaux (à Bruxelles et à Genève), doit nouer des coopérations renforcées en Europe et ailleurs. Grande nation industrielle, la France dispose d'atouts certains. Elle doit mieux les valoriser si elle veut rejoindre durablement le peloton de tête des pays qui nourrissent des ambitions légitimes dans le domaine du transport automobile.
Jean-François ROCCHI Inspecteur général de l'administration
Hervé de TRÉGLODÉ Ingénieur général des mines
Bernard FLURY-HÉRARD Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Philippe BODINO Chargé de mission à l'inspection générale de l'administration
Frédéric RICARD Ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts
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ANNEXES
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Annexe n° 1 : Lettre de mission
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Annexe n° 2 : Liste des personnes rencontrées
PREMIER MINISTRE AGENCE NATIONALE DE LA SECURITE DES SYSTEMES D'INFORMATION (ANSSI) M. Laurent CELERIER, adjoint au sous-directeur relations extérieures M. Sadio BÂ, coordinateur sectoriel MINISTERE DE L'INTERIEUR Colonel Eric FREYSSINET, Conseiller auprès du préfet chargé de la lutte contre la cybercriminalité Mme Adeline CHAMPAGNAT, conseillère auprès du préfet chargé de la lutte contre la cybercriminalité
UNITE DE COORDINATION DE LUTTE CONTRE L'INSECURITE ROUTIERE (UCLIR) Colonel Didier REMOND, chef de l'UCLIR Chef d'escadron Mathieu GROT, adjoint DELEGATION A LA SECURITE ET LA CIRCULATION ROUTIERES (DSCR) M. Emmanuel BARBE, délégué à la sécurité et la circulation routières M. Alexandre ROCHATTE, adjoint au délégué M. Joël VALMAIN, conseiller technique Europe-international Mme Séverine CARPENTIER, adjointe au chef du bureau de la signalisation et de la circulation Mme Marie BOURSIER, correspondante véhicules autonomes DIRECTION GENERALE DE LA POLICE NATIONALE (DGPN) Mme Catherine CHAMBON, sous-directeur de la lutte contre la cybercriminalité, direction centrale de la police judiciaire Commandant Gabriel SCHMITT, direction centrale des Compagnies républicaines de sécurité Commandant Thierry BURISSET, direction central de la sécurité publique Mme Anne-Isabelle d'ARGENSON, direction centrale de la sécurité publique DIRECTION GENERALE DE LA GENDARMERIE NATIONALE (DGGN) Colonel GADJENDRA SARMA, conseiller scientifique du directeur général Colonel Franck MARESCAL, Chef de l'Observatoire central des systèmes de transport intelligent (OCSTI, Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale) Colonel Jean-Marie DETRE, Pôle judiciaire Lieutenant-colonel Cyril PIAT, adjoint au chef du centre de lutte contre les criminalités numériques Chef d'escadron Philippe SIBILLE, bureau de la sécurité routière Chef d'escadron Dario ZUGNO, adjoint au chef de l'OCSTI Chef d'escadron Frédéric RUBENS, chef du département informatique te électronique au Pôle judiciaire Chef d'escadron Laurent RUFF, coordonnateur du plateau d'investigations véhicules (Pôle judiciaire) Chef d'escadron Karine BEGUIN, chef du département des atteintes aux systèmes de traitement automatisé C3N (Pôle judiciaire) Capitaine Pierrick BURET, département C3N Capitaine Olivier REYNAUD, adjoint du chef du département véhicules (Pôle judiciaire)
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DIRECTION GENERALE DE LA SECURITE CIVILE ET DE LA GESTION DES CRISES (DGSCC) : Lieutenant-colonel Bruno CESCA, chef du bureau de la formation, des techniques et des équipements PREFECTURE DE POLICE DE PARIS : Mme Françoise HARDY, sous-directrice régionale de la circulation et de la sécurité routière M. David RIBEIRO, adjoint au sous-directeur des déplacements et de l'espace public Commandant Bruno JOUVENCE, pôle sécurité routière 75 M. Julien ROBINET, gestionnaire du parc automobile Mme Delphine GILBERT, chef du bureau des taxis et transports parisiens MINISTERE DE L'ENVIRONNEMENT, DE L'ENERGIE ET DE LA MER CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE (CGEDD) : Mme Elisabeth DUPONT-KERLAN, présidente de la section « transition énergétique, construction et innovations » M. Pierre LAHOCHE, président de la section « mobilités et transports » DIRECTION GENERALE DES INFRASTRUCTURES, DES TRANSPORTS ET DE LA MER (DGITM) : DIRECTION DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT M. Eric OLLINGER, adjoint au sous-directeur de la gestion du réseau routier non concédé et du trafic SERVICE DE L'ADMINISTRATION GENERALE ET DE LA STRATEGIE : M. Louis FERNIQUE, chef de la mission des transports intelligents M. Hervé PHILIPPE, chargé de mission, mission des transports intelligents DIRECTION GENERALE DE L'ENERGIE ET DU CLIMAT (DGEC) SERVICE CLIMAT ET EFFICACITE ENERGETIQUE M. Daniel KOPACZEWSKI, sous-directeur de la sécurité et des émissions des véhicules M. Pierre BAZZUCCHI, chargé de mission réglementation et homologation des véhicules à moteur BUREAU D'ENQUETES SUR LES ACCIDENTS DE TRANSPORTS TERRESTRES (BEA-TT) M. Jean PANHALEUX, directeur du BEA-TT MINISTERE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES DIRECTION GENERALE DES ENTREPRISES (DGE) M. Alban GALLAND, chef de bureau, sous-direction des matériels de transport, de la mécanique et de l'énergie M. Thibaut FERREIRA, chargé de mission DIRECTION GENERALE DU TRESOR M. Laurent GUERIN, chef du bureau « marchés et produits d'assurances » M. Frédéric BROTONS, adjoint MINISTERE DE LA JUSTICE DIRECTION DES AFFAIRES CIVILES ET DU SCEAU Mme Charlotte de CABARRUS, chef du bureau du droit des obligations M. Jean-François Le COQ, magistrat à l'administration centrale
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ORGANISATIONS INTERNATIONALES COMMISSION DES NATIONS-UNIES POUR L'EUROPE M. Joël VALMAIN, vice-président du comité pour la sécurité routière (WP1) COMMISSION EUROPEENNE Mme Claire DUPRE, chef de l'Unité « Systèmes de transport intelligents et durables », direction générale pour la mobilité et les transports (DG MOVE) M. Casto LOPEZ BENITEZ, expert sécurité routière (DG MOVE) Mme Ingrid SKOGSMO, expert transports, direction générale pour la recherche et l'innovation (DG RTD) M. Antony LAGRANGE, juriste (automobile et mobilité), direction générale marché intérieur, industrie, entrepreneuriat, et PME (DG GROW) COMMISSION NATIONALE INFORMATIQUE ET LIBERTES (CNIL) Mme Joanna MASSON, juriste, direction de la conformité M. Régis CHATELLIER, chargé d'études « innovation et prospective » ORGANISMES DE RECHERCHE CENTRE D'ETUDES ET D'EXPERTISE SUR LES RISQUES, L'ENVIRONNEMENT, LA MOBILITE ET L'AMENAGEMENT (CEREMA) M. Christian CURE, directeur du CEREMA TV M. Stéphane CANALIS, directeur délégué infrastructures et mobilité M. Ludovic SIMON, responsable de la R et D « transports intelligents » CEREMA Ile-de-France M. Gilles GAUTHIER, directeur du département Laboratoire de Lyon Mme Anne GRANDGUILLOT, chef du département voirie et espace public M. Sylvain BELLOCHE, chargé d'études, département voirie et espace public M. Bruno LEVILLY, chef du groupe conception et gestion des réseaux, département voirie et espace public Mme Stéphanie BORDEL, chargée de recherche, laboratoire de Saint-Brieuc M. Yves ROUGIER, chef du centre systèmes de transport et de la mobilité du CEREMA ITM M. Pierre-Yves TANNIOU, adjoint au chef de groupe TITANE, CERMA sud- ouest Mme Michèle COLOMB, chef de groupe du laboratoire de Clermont-Ferrand M. Nicolas NUYTTENS, chef de groupe du laboratoire de Lyon M. Fabrice RECLUS, chargé d'études sur l'exploitation et la régulation dynamique des réseaux de transport, département mobilités CEREMA centre-est INSTITUT FRANÇAIS DES SCIENCES ET TECHNOLOGIES DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT ET DES RESEAUX (IFSTTAR) ORGANISMES OU ENTREPRISES ASSOCIES AU PROJET TRANSPOLIS : M. Jean-Paul MIZZI, directeur général adjoint M. Jean-Bernard KOVARIK, directeur général adjoint M. Frédéric BOURQUIN, directeur du département « composants et systèmes » M. Marc TASSONE, directeur délégué pour le site de Lyon Mme Brigitte MAHUT, directrice déléguée pour le site de SATORY M. Bernard JACOB, directeur scientifique délégué Mme Hélène TATTEGRAIN, directrice du laboratoire « ergonomie et sciences cognitives pour les transports » (LESCOT) M. David MITTON, directeur du laboratoire de biomécanique et mécanique des chocs (LBMC) M. Ludovic LECLERCQ, directeur-adjoint du laboratoire d'ingénierie circulation transport (LICIT) M. Philippe VEZIN, directeur-adjoint « politique de recherche », département Transport Santé Sécurité
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M. Stéphane BARBIER, directeur du développement, projet TRANSPOLIS M. Julien CESTAC, chercheur, laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) M. Abdelmename HEDHLI, chargé de mission « transports intelligents » M. Pierre AUGROS, conducteur d'opération TRANSPOLIS M. Gilles Le Carre (VOLVO), projet TRANSPOLIS M. Laurent MORNIROLI, société VICAT M. Sébastien GLASER, chercheur, laboratoire sur les interactions véhicules-infrastructuresconducteurs (LIVIC) M. Eric DUMONT, directeur du laboratoire exploitation, perception, simulateurs et simulation (LEPSIS) M. Fabrice VIENNE, ingénieur de recherche, LEPSIS Mme Valérie GYSELINCK, directrice du laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) M. Nicolas HAUTIERE, directeur du projet HYBROAD (route hybride 5ème génération)
LYON URBAN TRUCKS AND BUS (LUTB), PÔLE DE COMPÉTITIVITÉ : M. Philippe GACHE, directeur du programme « système de transport intelligent » Mme Clémence ROUTHIAU, gestionnaire de projet LABORATOIRE « AMENAGEMENT, ECONOMIE, TRANSPORTS » (LAET), UNIVERSITE DE LYON 2 : M. le Professeur Yves CROZET, directeur, professeur émérite SYSTEM X, INSTITUT DE RECHERCHE TECHNOLOGIQUE : M. Paul LABROGERE, directeur du programme « transport autonome » VEDECOM M. Jean-Laurent FRANCHINEAU, directeur du programme Eco-mobilité Mme Patricia JONVILLE, adjointe au directeur du programme Eco-mobilité Mme Christine TISSOT (groupe Renault), manager de projet SCOOP M. Alain SERVEL (groupe PSA) M. Yves ROBIN-JOUAN, gérant de la société NAVECOM ENTREPRISES DU SECTEUR AUTOMOBILE ET DES TRANSPORTS CONSEIL NATIONAL DES PROFESSIONS DE L'AUTOMOBILE (CNPA) : M. Florent PORTMANN, secrétaire général « métiers de la mobilité partagée » TRANSPORTS COLLECTIFS REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP) : Mme Nathalie LEBOUCHER, directrice de la stratégie, de l'innovation, et du développement Mme Véronique BERTHAULT, direction de la stratégie, pilote du groupe « transports publics » de la NFI. NAVETTES INTELLIGENTES : EasyMile : M. Guillaume DRIEUX
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NAVYA : M. Ludovic GUERRREIRO, responsable commercial marchés francophones M. Nizar FAKHFAKH KEOLIS : M. Pascal JACQUESSON, directeur général KEOLIS Lyon Mme Bénédicte LAFON, direction projets, marketing, intermodalité
CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES-EQUIPEMENTIERS : Groupe PSA : M. Jean-François HUERE, direction des relations institutionnelles, ITS et sécurité routière M. Thierry LE HAY, direction de la recherché et de l'ingénierie avancée, responsable du pole « systèmes embarqués avancés » Groupe Renault : M. Jean-François SENCERIN, directeur de projet « véhicules autonomes » Taxis Bleus : M. Yann RICORDEL, directeur général Mme Fabiola FLEX, directrice des affaires publiques GESTIONNAIRES DE VOIRIE Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA) : M. Jean MESQUI, délégué général M. Christophe BOUTIN, adjoint au délégué général Mme Annie CANEL, directrice des opérations Représentants des collectivités territoriales et des autorités organisatrices de transport : Régions de France : M. Amaury LOMBARD, conseiller infrastructures, déplacements, transports M. David HERRGOTT, conseiller technique mobilités Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) : M. Laurent PROBST, directeur général M. Olivier NALIN, directeur du développement Mme Anne SALONIA, direction du développement, chargée des études générales M. David O'NEILL, directeur de l'exploitation Fédération nationale des transports routiers (FNTR) : Mme Florence BERTHELOT, déléguée générale REPRESENTANTS DES USAGERS DE LA ROUTE Ligue contre la violence routière : Mme Chantal PERRICHON, Présidente
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Prévention Routière Mme Anne LAVAUD, déléguée générale M. Christophe RAMOND, directeur des études et des recherches ENTREPRISES D'ASSURANCE ET D'ASSISTANCE Fédération française de l'assurance (FFA) : M. Stéphane PENEZ, Mme Anne-Marie PAPEIX, MMe Ludivine DANIEL M. ARNAUD (MACIF) Syndicat national des sociétés d'assistance (SNSA) : M. Nicolas GUSDORF, président Mme Catherine HENAFF, secrétaire générale JURISTES, AUTRES PERSONNALITES Me Alain BENSOUSSAN, avocat, Barreau de Paris Me Eve RENAUD, avocate, Barreau de paris M. Olivier PAUL-DUBOIS-TAINE, président du comité « transports » de la Société des ingénieurs et scientifiques de France (IESF)
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Annexe n° 3 : Glossaire des sigles et abréviations
ACC : ADAS : AEB : ANSSI : ASFA : BAAC : Adaptative Cruise Control (régulateur de vitesse adaptatif) Advanced Driver Assistance Systems (aides à la conduite) Automatic Emergency Braking (freinage d'urgence) Agence Nationale de la Sécurité des Sytèmes d'Information Association française des autoroutes et ouvrages concédés Bulletin d'Analyse des Accidents Corporels
CEREMA : Centre d'Etudes et d'expertise sur les Risques, l'environnement, la Mobilité et l'Aménagement CERAM : CERT : CNIL : DATP : DGE : DGEC : DGITM : DGGN : DGPN : Centre d'Essais et de Recherches Automobiles de Mortefontaine Computer Emergency Response Team ommission Nationale Informatique et LIbertés Driver Assistive Truck Platooning Direction Générale des Entreprises Direction Générale de l'Energie et du Climat Direction Générale des infrastructures, des Transports et de la Mer Direction Générale de la Gendarmerie Nationale Direction Générale de la Police Nationale
DGSCGC : Direction Générale de la Sécurité Civile et la Gestion des Crises DOT : DSCR : EDR : ESC : ESoP : ETSI : FFA : GPS : Department of Transportation (ministère fédéral des transports aux Etats-Unis) Délégation à la Sécurité et la Circulation Routières Event Data Recorder Electronic Stability Control (électro stabilisateur programmé) European Statement of Principles European Telecommunications Standards Institute Fédération Française de l'Assura Global Positioning System
IFSTTAR : Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l'Aménagement et des Réseaux
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IHM : INRIA : IoT : LTE : MEEM : MINEFI :
Interface Homme Machine Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique Internet of Things Long Term Evolution Ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer Ministère de l'Economie et des Finances
MININT : Ministère de l'Intérieur NFI : NHTSA : NIS : d OBD : OCSTI : ODD : ONISR : SAE : SGAE : TCMV : TIS : UTAC : VIN : WP : ouvelle France Industrielle National Highway Traffic Safety Administration (Etats-Unis) irective européenne Network and Information Security On Board Diagnostics Observatoire Central des Systèmes de Transport Intelligents (Gendarmerie) Operational Design Domains Observatoire national interministériel de la sécurité routière Society of Automotive Engineers (Etats-Unis) Secrétariat Général pour les Affaires Européennes Technical Comitee for Motor Vehicles Trust In Soft Union Technique de l'Automobile, du motocycle, et du Cycle Vehicle Identification Number Working Party
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Cahier annexe numéro 1 :
VOIR CI-JOINT Annexe 4 : les systèmes équipant les véhicules Annexe 5 : les capteurs et l'intelligence artificielle des véhicules autonomes Annexe 6 : les investissements des entreprises sur l'automatisation des véhicules. Annexe 7 : l'état du droit relatif aux véhicules autonomes dans les pays étrangers. Annexe 8 : véhicules automatisés et sécurité routière
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Cahier annexe numéro 2 :
VOIR CI-JOINT Annexe 9 : la Cybersécurité Annexe 10 : l'état de la recherche en France dans le monde Annexe 11 : les poids-lourds, les navettes, les bus autonomes Annexe 12 : l'impact économique et social des véhicules autonomes. L'acceptabilité sociale
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INSPECTION GENERALE DE L'ADMINISTRATION N° 16-040R
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE 010629 010629-01
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INSPECTION GENERALE DE L'ADMINISTRATION N° 16-040R
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE N° 010629-01
L'automatisation des véhicules Annexes cahier N°1
Etabli par Jean-François ROCCHI Inspecteur général de l'administration Philippe BODINO Chargé de mission à l'inspection générale de l'administration Hervé de TREGLODE Ingénieur général des mines Bernard FLURY-HERARD Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Frédéric RICARD Ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts
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SOMMAIRE
Annexe 4 : Les systèmes équipant les véhicules........................................................................................ 7 Annexe n° 5: Les capteurs et l'intelligence artificielle des véhicules autonomes ..................................... 9 Annexe n° 6 : Les investissements des entreprises sur l'automatisation des véhicules ......................... 21 Annexe 7 : L'état du droit relatif au véhicule autonome dans les pays étrangers .................................. 37 Annexe 8 : Véhicules automatisés et sécurité routière ........................................................................... 45
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Annexe 4 : Les systèmes équipant les véhicules
Tous les véhicules vendus aujourd'hui dans le monde renferment des équipements comportant une part considérable d'électronique. On distingue trois catégories de systèmes relatifs à la marche du véhicule : les systèmes de sécurité, les aides à la conduite et les ADAS (Advanced Driver Assistance System). Les systèmes de sécurité Leurs caractéristiques sont de ne pas nécessiter d'interaction avec le conducteur, de viser la seule sécurité du véhicule (donc, pas le confort). Ils peuvent ne pas comporter de part d'électronique et être purement mécaniques, mais c'est de moins en moins le cas. Ils sont normalisés à l'ISO et font l'objet d'obligations réglementaires au niveau UE et CEE-ONU WP29. Plusieurs systèmes de sécurité sont ainsi désormais obligatoires, comme le système anti-blocage des roues (Antiblockiersystem ou ABS), l'ESP1 (Electronic Stability Program), qui prémunit contre les tonneaux d'un véhicule ou TPMS (Tire Pressure Measurement System), système de mesure de pression des pneus. Les aides à la conduite Celles-ci interagissent avec le conducteur avec un niveau d'intelligence informatique limité. Elles visent le confort de conduite et ne font en général pas l'objet de normalisation ou d'obligation réglementaire, leur réalisation et implémentation étant au libre choix des constructeurs. Il s'agit des régulateurs de vitesse classiques (non adaptatifs), des boites robotisées, des essuies glaces automatiques, des radars ou caméras de recul, des détecteurs de présence dans l'angle mort, des indications de changement de rapport de vitesse, etc. Les ADAS Leurs caractéristiques sont qu'ils comportent une intelligence informatique poussée, font largement appel à des capteurs sophistiqués, tels que radars et Lidars (voir annexe 4), et interagissent avec le conducteur. Leur finalité est mixte, visant à la fois la sécurité et le confort de conduite. Ils sont en cours de normalisation à l'ISO et au CEN, ainsi qu'au WP29. Il s'agit des régulateurs de vitesse adaptatifs2, des freinages automatiques d'urgence, des dispositifs de maintien dans la file ou direction automatique etc. Ces sont les ADAS, pour améliorer la sécurité et le confort de conduite, qui sont l'objet des plus gros investissements, portant à la fois sur les capteurs et l'intelligence informatique du système. On en attend d'abord des améliorations en matière de sécurité (voir paragraphe « L'impact sur la sécurité » ci-dessous), même si beaucoup d'utilisateurs y voient plutôt un meilleur confort de conduite. Les ADAS ne sont pas suffisants, seuls, pour constituer un véhicule autonome, lequel ne peut se résumer à une addition d'ADAS, comme expliqué ci-après au paragraphe « Les différents types de véhicules automatisés ». Les ADAS permettent, s'ils sont utilisés seuls, des véhicules partiellement automatisés3, mais un véritable véhicule autonome demandera une intelligence supérieure plus globale, que seul le « deep learning » peut apporter (voir annexe 5).
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Ou ESC Electronic Stability Control. Qui ralentissent si le véhicule précédent ralentit. 3 D'où l'expression « délégation partielle de conduite ».
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Tableau 1 : Titre du tableau
Type d'aide
Objectif
Intelligence informatique
Interaction conducteur Pas d'interaction, sauf déconnexion du dispositif Moyenne Forte (surveillance du dispositif)
Systèmes de sécurité
Sécurité
Modérée, voire absente
Aides à la conduite
Confort de conduite Sécurité et confort de conduite
Informatique simple
ADAS
Très poussée
Source : Mission IGA-CGEDD
Ce tableau de l'électronisation des véhicules serait incomplet s'il ne mentionnait pas également les systèmes de communication des véhicules avec leur environnement extérieur : infotainement 4 , géolocalisation, appel d'urgence (eCall bientôt obligatoire dans les pays de l'Union européenne), connexion automatique du véhicule avec le constructeur, l'équipementier ou le réparateur, boîtier relié à l'assureur, etc5. Ainsi que, bientôt, les communications V2I et V2V.
L'infotainment, ou infodivertissement, regroupe les services d'information (stations de radio notamment) et de divertissement (musique, etc.) offerts au conducteur et aux passagers. 5 Voir à ce sujet le rapport « Les véhicules communicants nécessitent-ils de nouvelles réglementations ? » du CGEDD, 2014.
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Annexe n° 5: Les capteurs et l'intelligence artificielle des véhicules autonomes
1 - Les capteurs permettent à un véhicule automatisé de savoir (1) où il est (capteurs de localisation), (2) s'il va ou non heurter un obstacle (capteurs de détection) et (3) quel est l'obstacle qu'il risque de heurter (capteurs d'identification). Les capteurs pour les fonctions 2 et 3 sont : des sonars à ultrasons, des caméras, des lasers, des caméras 3D, des radars et des caméras à infrarouge. Les capteurs sont dits passifs s'ils n'émettent pas ; ils sont dits actifs dans les autres cas. Il existe aussi des capteurs pour s'assurer de la vigilance du conducteur s'il doit être en mesure de reprendre vite la main : ils ne sont pas présentés ici6.
Schéma illustrant la position courante de différents capteurs sur une voiture automatisée
(source : The Economist)
Les capteurs de localisation, de détection et d'identification pour l'industrie automobile ont désormais tous d'excellentes performances. Leurs prix sont très bas, sauf les prix des lidars. Mais une nouvelle génération de lidars peu chers est sur le point d'être commercialisée.
Parmi les nombreuses études à ce sujet, il y a par exemple celle (financée par le ministère allemand de l'éducation et de la recherche) de Tobias Langner, Daniel Seifert, Bennet Fischer, Daniel Goehring, Tinosch Ganjineh et Raúl Rojas, dont les résultats ont été publiés en 2016 sous le titre « Traffic Awareness Driver Assistance based on Stereovision, Eye-tracking, and Head-Up Display ».
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Schéma des capteurs le plus souvent utilisés par l'industrie automobile
(source : Texas Instruments dans `'Cars are becoming rolling sensor platforms'')
2 - Les sonars (« Sound Navigation and Ranging ») à ultrasons émettent régulièrement des ondes sonores (au-dessus de 20 000 Hz) qui, une fois réfléchies et retournées, permettent de mesurer la distance entre l'émetteur-récepteur du véhicule et l'objet. C'est un capteur qui est peu perturbé par les conditions atmosphériques. Leur portée est faible, mais ils conviennent bien pour les mesures dans les trois dimensions à faible distance. Ils sont incapables de mesurer les vitesses. Ils sont petits et peu chers. Parmi les fabricants, on trouve Bosch, Valeo, Murata et SensorTech. 3 - Les caméras, petites et peu chères, à haute résolution, sont capables de transmettre au véhicule des pixels en très grand nombre, mais les riches images en couleurs doivent pouvoir être interprétées par le système embarqué. Les caméras permettent les identifications et les classifications des objets ou personnes à l'extérieur. Il est nécessaire toutefois que la luminosité soit suffisante. Les caméras peuvent être gênées par les changements de luminosité ; la nuit, il faut éclairer la scène observée Elles peuvent être aveuglées par une lumière trop forte, celle du soleil par exemple. Elles peuvent mesurer des vitesses, mais pas aussi bien que les radars ou les lidars. Grâce aux techniques de la vision par ordinateur (computer vision en anglais), les images et les données des autres capteurs peuvent donner toutes les données utiles au véhicule, en particulier dans l'espace environnant à trois dimensions7. Parmi les fabricants, on trouve Mobileye, Delphi, Honeywell et Toshiba. 4 - Les scanners lasers (LiDAR pour Light Detection and Ranging, ou lidars) sont des capteurs de grande importance, voire essentiels au véhicule autonome selon beaucoup. Ils permettent, par l'émission d'une lumière cohérente dans le spectre (invisible) infrarouge, de mesurer une distance avec la réflexion de la lumière émise. Utilisant le plus souvent des miroirs en rotation, les scanners laser 3D ont un large champ d'observation (par exemple, ceux de la Google Car voient à 360°), et peuvent mesurer une distance entre 2 mètres au minimum (plutôt 30 mètres pour de bons résultats) et 350 mètres au maximum, avec une
Parmi les nombreuses études sur ce sujet, on peut lire le rapport de 2009 de Vincent Frémont (de l'Université de technologie de Compiègne en France) : « Odométrie 3D vision/lidar pour les véhicules intelligents ».
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précision de 2,5 centimètres environ. Leur résolution angulaire est inférieure à 1°. Mais ils peuvent être gênés par la pluie, la neige ou le brouillard. La luminosité peut être quelconque. Leur résolution est faible, contrairement aux caméras. Parmi les fabricants, on trouve Continental, LeddarTech, Quadenergy et Velodyne. Aujourd'hui, ce sont des capteurs lourds et extrêmement chers (plusieurs dizaines de m milliers d'euros)8. Mais plusieurs fabricants ont annoncé le développement prochain de capteurs sans plan tournant, bien plus petits et bien moins chers (moins de 300 euros). Ainsi, la société californienne Velodyne a a-t-elle annoncé cette année la vente de lidars au prix de 8 000 dollars américains (au lieu de 70 000 000100 000 dollars auparavant), un prix qui pourrait baisser plus tard jusqu'à 1 000 dollars. La société californienne Quanergy Systems a, de son côté, annoncé la production de lidars (capteurs toutefois qui ne voient pas à 360°) au prix de 250 dollars vers 2018 tefois 2018-2019.
Présentation comparative des anciens et nouveaux lidars par Delphi et Quanergy en 2016
(source : Quanergy)
La société Valeo a aussi développé un lidar (SCALA) très peu cher (prix inconnu).
Le lidar SCALA de Valeo (produit avec Ibeo Automotive Systems GmbH) de portée entre 30 cm et 200 m
(source : Valeo)
« The sensors and chips for [the Google] car [are] astronomically expensive. For instance, LIDAR alone costs around $75,000. Prices AR as to the whole setup cost around $150,000. This is way beyond the price scope of 99 % of drivers. However, the costs in the future, once economies of scale kick in, are expected to drop and be able to be scaled down readily. » (site de Google)
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Des recherches sont faites au Massachusetts Institute of Technology (MIT, États-Unis), dans son Photonic Microsystems Group, pour fabriquer des lidars à puces électroniques sur des galettes de silicium de 300 millimètres9. Chaque lidar pourrait coûter seulement 10 dollars en cas de production à grande échelle. 5 - Les caméras 3D permettent d'avoir des images en couleurs en trois dimensions. Mais ces appareils sont onéreux, n'ont pas une grande portée et nécessitent de lourds traitements informatiques. 6 - Les radars (Radio Detection and Ranging), petits et peu chers, mesurent les distances grâce à la réflexion des ondes émises. Ils peuvent mesurer les vitesses relatives et les distances relatives des objets extérieurs. Leur portée est bonne, mais leur résolution médiocre : entre 0,25 m et 1 m selon la portée. Les radars de 24 GHz (bande K) comme ceux de 77 GHz (bande M) peuvent fonctionner de jour comme de nuit ; des radars de 77 GHz continuent de fonctionner assez bien en toutes conditions atmosphériques, et peuvent avoir une portée importante (de 0,25 m à 250 m). Les radars peuvent fonctionner à très courtes distances, mais moins bien que les sonars. Ils sont utilisés notamment pour prévenir les collisions. Parmi les fabricants, on trouve Delphi, Kyocera, Valeo et Visteon. 7 - Les caméras à infrarouge permettent de voir la nuit. On en trouvede deux types : pour l'infrarouge lointain (far infrared ou FIR en anglais) et pour l'infrarouge proche (near infrared ou NIR en anglais). 8 - Les capteurs de localisation sont : le GPS (donne la localisation dans l'espace à trois dimensions, ainsi que la vitesse et le cap du véhicule), le GPS différentiel (bien plus précis), l'odométrie des roues (par la mesure de la rotation du volant et de la rotation des roues ou du moteur), les accéléromètres, les gyroscopes (qui mesurent les changements dans les trois angles de rotation possible), les centrales à inertie (qui, en combinant accéléromètres et gyroscopes, permettent de localiser le véhicule), les radars mesurant la vitesse par rapport au sol, les boussoles et les capteurs mécaniques d'inclinaison. 9 - En France, le pôle de compétitivité Mov'eo a engagé en mai 2014 le projet AWARE (All Weather All Roads Enhanced Vision) dans le cadre du 17e appel à projets du Fonds unique interministériel (FUI). « Le but du projet est de développer un capteur de visibilité dit « tous temps toutes conditions », notamment en situations dégradées type « nuit » ou « brouillard », afin de percevoir l'environnement d'un véhicule et de détecter les vulnérables, avec l'objectif de proposer une solution abordable économiquement. » (selon Mov'eo). Le porteur du projet est ULIS SAS. Sont partenaires : CEA Leti, Valeo, Oktal, Ifsttar (COSYS), Nexyad, Safran Sagem, Cerema et IAC. 10 - La conduite semi-autonome ou autonome est fondée sur l'alliance des capteurs, des systèmes d'information (fusion de données multi-capteurs, intelligence artificielle, etc.) et des équipements de la voiture. L'intelligence est aujourd'hui encore souvent assise sur des algorithmes qui apprennent à la voiture à bien se comporter en toutes circonstances : freinage d'urgence si un obstacle surgit, etc. Mais les circonstances sont innombrables et l'apprentissage est extrêmement long. Ces deux limites conduisent tous les constructeurs et équipementiers à accorder une attention toujours plus grande à l'intelligence artificielle basée sur l'apprentissage profond (deep learning en anglais). Il est en effet presque impossible d'écrire un programme qui fonctionnera de manière sûre dans toutes les situations. L'efficacité des algorithmes n'est pas suffisante. Souvent, les constructeurs de voitures hautement automatisées abandonnent une partie de la programmation manuelle par l'« apprentissage machine » (ou « apprentissage automatique »)10. C'est cet apprentissage qui fonde les systèmes de toutes les grandes entreprises d'Internet. Il leur permet de filtrer les contenus indésirables, d'ordonner des
Cf. article « MIT and DARPA Pack Lidar Sensor Onto Single Chip » de Christopher V. Poulton et Michael R.Watts, publié par IEEE le 4 août 2016. 10 On peut lire avec intérêt la thèse de doctorat déjà ancienne (Université Paris 6) soutenue par Isabelle Rivals le 20 janvier 1995 : « Modélisation et commande de processus par réseaux de neurones ; application au pilotage d'un véhicule autonome » (cf. archives ouvertes HAL).
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réponses à une recherche, de présenter des recommandations, de sélectionner des données utiles à chaque internaute. Un tel système entraînable (capable d'apprendre) est comme une boîte noire avec une entrée (pour une image, un son ou un texte) et une sortie qui peut représenter la catégorie de l'objet dans l'image, le mot prononcé ou le sujet dont parle le texte. Dans sa forme la plus courante, l'« apprentissage machine » est supervisé. On montre en entrée de la machine une photographie d'un objet, par exemple une voiture, et on lui donne la sortie désirée pour une voiture. Puis on lui montre la photo d'un chat avec la sortie désirée pour un chat. Après chaque exemple, la machine ajuste ses paramètres internes pour rapprocher sa sortie de la sortie désirée. Après avoir montré à la machine des milliers ou des millions d'exemples étiquetés avec leur catégorie, la machine devient capable de classifier correctement la plupart d'entre eux (95 % environ pour les meilleurs systèmes). Mais il y a plus : elle peut aussi classifier correctement des images de voiture ou de chien qu'elle n'a jamais vues durant son apprentissage ! C'est ce qu'on appelle la capacité de généralisation. Il existe bien des méthodes d'apprentissage. Toutes étaient insatisfaisantes, jusqu'à l'apparition de l'apprentissage profond (deep learning), inventé sans succès un peu avant 1990, réinventé avec succès en 2012. Ici, le système est constitué d'une série de modules, chacun représentant une étape de traitement. Chaque module peut être entraîné, avec des paramètres ajustables. À chaque exemple soumis à la machine, les paramètres des modules sont ajustés de manière à rapprocher la sortie produite par le système de la sortie désirée. L'adjectif profond vient de l'arrangement de ces modules en couches superposées et successives. Il existe plusieurs architectures informatiques d'apprentissage profond. L'une des plus utilisées est le réseau de neurones à convolution, dont l'architecture des connexions est inspirée de celle du cortex visuel des mammifères. Elle doit beaucoup au Français Yann Le Cun. Elle est employée en particulier par la société israélienne MobilEye pour l'intelligence artificielle des véhicules autonomes. Il existe d'autres architectures d'apprentissage profond, comme les réseaux récurrents qui sont bien adaptés au cas de texte. L'une des difficultés des systèmes actuels d'apprentissage profond est l'impossibilité de bien en comprendre le fonctionnement. Les résultats de reconnaissance sur photographie sont remarquables... mais on ne sait pas vraiment pourquoi ! 11 - Les sociétés travaillant à l'amélioration de l'apprentissage profond sont ambitieuses. Parmi les plus puissantes, il y a Google, Apple, Facebook, Baidu, MobilEye, Nvidia, etc. La société américaine Nvidia propose à ses clients qui préparent des véhicules autonomes ou semiautonomes (Tesla, etc.) l'ordinateur Drive PX 2 (avec réseau de neurones deep learning11) d'une puissance remarquable12 : 8 billions (8x1012) de flops13.
Cf. « End to End Learning for Self-Driving Cars » publié le 25 avril 2016 (par Mariusz Bojarski, Davide Del Testa, Daniel Dworakowski, Bernhard Firner, Beat Flepp, Prasoon Goyal, Lawrence D. Jackel, Mathew Monfort, Urs Muller, Jiakai Zhang, Xin Zhang, Jake Zhao et Karol Zieba, tous auteurs de Nvidia). 12 « La nouvelle configuration monoprocesseur de NVIDIA DRIVE PX 2 qui ne consomme que 10 Watts et inclut des fonctionnalités de pilotage automatique sur autoroute ou de cartographie HD permet aux véhicules autonomes d'exploiter des réseaux de neurones profonds pour traiter des données à partir de caméras et de capteurs multiples. DRIVE PX 2 peut analyser en temps réel l'environnement périphérique du véhicule, vous géolocaliser avec précision sur des cartes HD ou bien planifier des itinéraires en toute sécurité. C'est la plateforme de développement pour véhicules autonomes la plus avancée au monde, qui combine des technologies de Deep Learning, de fusion multi-capteurs et de vision panoramique pour transformer votre expérience de conduite. L'architecture totalement évolutive de NVIDIA DRIVE PX 2 vous permet d'exploiter une vaste gamme de configurations allant des processeurs mobiles à refroidissement passif 10 Watts jusqu'aux systèmes à double processeur mobile et à double GPU délivrant jusqu'à 24 trillions d'opérations Deep Learning par seconde. Plusieurs plateformes DRIVE PX 2 peuvent être utilisées en parallèle pour déployer des solutions de conduite pour les véhicules entièrement autonomes. » (extrait du site de la société Nvidia)
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Drive PX 2 pour véhicules autonomes de la société Nvidia
(source : Nvidia)
Représentation faite par le Drive PX 2 de la société Nvidia
(source : Nvidia)
12 - Laurent Zimmermann, le directeur du groupe de produits Véhicule connecté à Valeo (cf. article « Quel véhicule autonome pour demain ? » publié par La Jaune et la Rouge dans son numéro de septembre 2016), a résumé ainsi les difficultés des recherches en cours : « Tenir la promesse de sécurité accrue Le principal défi du véhicule autonome est probablement de tenir la promesse de sécurité accrue mise en avant par les constructeurs. Le point le plus délicat touche probablement aux composants logiciels intervenant dans la fusion de données, la reconnaissance de scènes, la planification des trajectoires. Ces composants sont majoritairement issus de processus de programmation par apprentissage de type deep learning, à l'opposé des logiciels obtenus par programmation impérative, de loin les plus utilisés dans notre industrie automobile. Or il n'existe aucun retour d'expérience de l'utilisation dans des applications critiques de ce type de logiciels, par ailleurs bannis des secteurs aéronautiques, nucléaires ou ferroviaires.
Un flops est un « floating-point operation per second » (opération en virgule flottante par seconde en français). On s'en sert pour point ation mesurer la vitesse d'un système informatique. Un billion de flops (trillion of flops en anglais) est appelé aussi téraflops.
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Et, plus les algorithmes sont puissants, plus leur fonctionnement est opaque. Les standards et méthodes de conception et de preuve de la sûreté de fonctionnement sont ici à construire. À cet égard, l'accident qui a coûté la vie au conducteur d'une Tesla model S en Floride en mai 2016 et les vives réactions qu'il a provoquées ont malheureusement mis en lumière les limites de la technologie déployée à ce jour, mais aussi l'insuffisance du cadre réglementaire régissant l'homologation et l'utilisation des véhicules autonomes. ». La difficile question de la reprise en main du véhicule par le conducteur. Les six niveaux (du niveau 0 au niveau 5) de la SAE International ont été définis le 16 janvier 2014 (document J3016_20140114). Du niveau 0 au niveau 2, l'homme contrôle l'environnement de conduite ; à partir du niveau 3, c'est le système d'autonomie. Selon la définition de la SAE International15 : le niveau 2 (« partial automation ») est « the driving mode-specific execution by one or more driver assistance systems of both steering and acceleration/deceleration using information about the driving environment and with the expectation that the human driver perform all remaining aspects of the dynamic driving task » ; le niveau 3 (« conditional automation ») est « the driving mode-specific performance by an automated driving system of all aspects of the dynamic driving task with the expectation that the human driver will respond appropriately to a request to intervene ». L'une des questions les plus importantes et les plus difficiles concernant les véhicules partiellement ou totalement autonomes regarde la désactivation de la conduite autonome et la reprise en main par le conducteur. La National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA, dépendant du Department of Transportation) aux États-Unis a publié en août 2015 un rapport de grand intérêt sur l'évaluation des facteurs humains aux niveaux NHTSA 2 et 3 : « Human Factors Evaluation of Level 2 and Level 3 Automated Driving Concepts »16. Au niveau NHTSA 2 (qui correspond globalement au niveau 3 SAE), la voiture peut être autonome, mais la désactivation peut être soudaine, sans avertissement. Aussi le conducteur doit-il être vigilant à tout instant même s'il est en position hands off et feet off, c'est-à-dire mains et pieds écartés du volant et des pédales. Au niveau NHTSA 3 qui correspond globalement niveau 4 SAE), le conducteur peut ne pas être constamment vigilant, mais il doit être prêt à reprendre la conduite manuelle en étant prévenu à l'avance. Dans son étude, la NHTSA a mené trois expériences avec des volontaires : deux pour le niveau NHTSA 2 et une pour le niveau NHTSA 3. Elle a testé deux modalités d'alerte, soit alerte visuelle, soit alerte à la fois visuelle et haptique17 (action sur le siège du conducteur). Et elle a testé trois niveaux de gravité : alerte de prudence (30 secondes), alerte d'urgence (30 secondes) et alerte phasée (en deux phases d'annonce, alerte de prudence de dix secondes suivi d'alerte d'urgence de vingt secondes). a La NHTSA a considéré que le temps de réaction du conducteur était le délai entre le début de l'alerte et le moment où il a de nouveau
« Taxonomy and Definitions for Terms Related to On-Road Motor Vehicle Automated Driving Systems ». Dans la définition de la NHTSA aux États-Unis, il n'y a que cinq niveaux (du niveau 0 au niveau 4, cf. document de mai 2013 sous le titre « Preliminary Statement of Policy Concerning Automated Vehicles »). Au niveau 2, le véhicule peut être autonome (hands off et feet off), mais le conducteur doit être prêt à reprendre les commandes à tout moment car le « system can relinquish control with no advance warning ». Au niveau 3, quand le véhicule est en mode autonome, il doit assurer toutes les opérations en toute sécurité ; toutefois, le conducteur « is expected to be available for occasional control, but with sufficiently comfortable transition time ». Pour le niveau 3, la NHTSA ne précise pas ce qu'est un temps de transition suffisamment confortable... 16 DOT HS 812 182. 17 En rapport avec le sens du toucher.
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posé les yeux sur la route ; le temps de reprise en main est le délai qui s'écoule entre le début de l'alerte et le placement des mains et des pieds sur les instruments de conduite (le placement des mains et pieds menant immédiatement à de premières actions de conduite, sauf rares exceptions). Des trois expériences qui ont été conduites, la NHTSA a tiré plusieurs conclusions nettes. La modalité des alertes est de grande importance, l'alerte visuelle à elle seule ne suffisant pas. En cas d'alerte d'urgence, les réactions sont rapides : le temps moyen de réaction est de 1,2 seconde, et le temps de reprise en main est compris entre 1,3 seconde et 2,4 secondes. D'autre part, il apparaît que les conducteurs (qui ne sont jamais des experts) font généralement confiance aux automatismes. Les expériences ont aussi montré l'importance de deux inclinations psychologiques, dont tous les constructeurs devront tenir le plus grand compte. La première est le renversement des priorités (Primary Task Reversal). Un conducteur occupé à une tâche autre que la conduite va vouloir parfois achever sa tâche (rédiger et envoyer un message par smartphone singulièrement) avant de revenir à la conduite, et cela même si une alarme se déclenche18. Il faut aussi tenir le plus grand compte de l'accoutumance aux alertes (Alert Annoyance Habituation). Elle amène peu à peu tout conducteur à mésestimer ou même à ignorer un message d'alerte, surtout si le message ne signale pas un danger imminent. Il est important de rappeler les principales conclusions des nombreuses études sur la conscience19. N'accède à la conscience qu'une chose à la fois, Tout homme ne peut être conscient de deux choses à la fois, et tout homme ne peut prendre conscience que de trois choses différentes par seconde. Le cerveau est donc une machine très lente par rapport à un ordinateur ; de surcroît, il ne peut projeter dans la conscience qu'une histoire à la fois. Ce rappel démontre qu'un conducteur ne peut en même temps être attentif à conduire une voiture et attentif à écrire un texto. Au mieux, il fera successivement l'un puis l'autre. Une étude antérieure de l'université de Leeds20 (« Transition to manual: Driver behaviour when resuming control from a highly automated vehicle » publiée en novembre 201421) a démontré que même si les conducteurs peuvent reprendre rapidement la main après une désactivation, il faut du temps avant que leur conduite redevienne tout à fait normale. Les auteurs se sont placés dans le cas du niveau NHTSA 3 (sur simulateur). Les résultats démontrent que la maîtrise de la conduite est la meilleure dans le cas de désactivation à intervalle fixe (fixé ici à six minutes). Le résultat est de bon sens. Dans le cas de désactivation après que l'attention visuelle à la conduite ait cessé d'être bonne, le regard du conducteur continue d'être erratique longtemps après la reprise en main : précisément durant 40 secondes environ. En parallèle, les petits coups de volant ne cessent pas tout de suite, loin s'en faut. De même, apparaît un pic important d'événements vers 15-20 secondes. Quel est le sens de ce pic pour les désactivations qui surviennent à intervalle variable ? Le premier résultat montre que l'attention visuelle (concentration du regard sur le centre de la voie routière) augmente vite durant 15-20 secondes, puis décroît jusqu'à 40-45 secondes, avant de remonter à nouveau. Le 2ème résultat est relatif au contrôle des mouvements latéraux de la voiture (Standard Deviation of Lane Position ou SDLP, mesuré en mètres) : il s'améliore nettement jusqu'à 15-20 secondes, puis se dégrade jusqu'à 35 secondes environ. Le troisième résultat se rapporte à la fréquence des actions correctrices au volant (mesuré en fréquence de coups de
« The data indicate that some operators will exhibit a complete reversal in priority from driving-related tasks to non-drivingrelated tasks. It may be that this primary task reversal phenomenon is the greatest risk facing operator involvement in secondary tasks when operating an automated vehicle. When operators shift their priorities to non-driving tasks, their readiness to respond to driving-related prompts and alerts can be delayed by a perceived obligation to complete the non-driving task first. » 19 Cf. « Le code de la conscience » de Stanislas Dehaene (Odile Jacob, Paris, 2014), etc. 20 Institute of Transport Studies, University of Leeds, United Kingdom. 21 Rapport publié dans « Transportation Research Part F Traffic Psychology and Behaviour » par Natasha Merat, A. Hamish Jamson, F Frank C.H. Lai, Michael Daly et Oliver M.J. Carsten.
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volant par minute) : le nombre des corrections augmente énormément vers 15-20 secondes, puis décroît pour se stabiliser plus ou moins vers 35-40 secondes. Le rapport de l'université de Leeds conclut à la nécessité de retenir le délai de quarante secondes pour une reprise en main qui soit confortable comme le prescrit la définition du niveau NHTSA 3. C'est un temps bien plus long que celui qu'envisagent beaucoup des constructeurs et équipementiers dans le monde. N'est-il pas exagérément long ? On peut plaider que la sécurité est assurée par le conducteur bien avant, même si le regard du conducteur et la course de la voiture ne sont pas encore stables. « On peut aussi penser que dans toutes les études sur la reprise en mains, les conducteurs savent pourquoi ils sont là et ils savent qu'ils doivent reprendre la main. C'est un biais. La question à se poser est que fait le système ? Sollicite-t-il une nouvelle prise en main ? Ou serait-il en sécurité en freinant et en se rangeant ?22 » On peut affirmer en tout cas que le temps laissé à tout conducteur pour reprendre en main un véhicule autonome après le déclenchement d'une alerte d'urgence doit être au minimum égal à une valeur (à déterminer) comprise entre 10 et 20 secondes. Le Laboratoire LESCOT (ergonomie et sciences cognitives pour les transports) de L'IFSTTAR à Bron près de Lyon (en France) a engagé de nombreuses études. Mais aucune n'a encore porté sur la question des reprises en main. Une étude sur le monitoring des conducteurs de véhicules automatisés est néanmoins en préparation. Le Laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) de L'IFSTTAR a publié trois rapports23 sur les résultats de ses études sur le comportement des véhicules automatisés et de leurs conducteurs. La première étude, sur l'intérêt porté aux véhicules autonomes par les deux tiers des conducteurs français, se résume ainsi : « C'est une étude en ligne (N= 421, 36 % d'hommes) évaluant les attitudes envers la conduite complètement automatisée, l'acceptabilité a priori et les intentions d'utilisation. 52 % acceptent un véhicule autonome a priori (ce taux monte a 62 % après avoir fait l'essai), ce taux monte à 75 % en cas de condition physique dégradée (« chouette on va pouvoir conduire bourrés ! » a été une des premières réactions, le panel est prêt à y consacrer sept heures d'apprentissage et 1 624 de surcoûts). L'intérêt est plus porté vers les créneaux, les embouteillages, l'autoroute (environ 60 %) que sur l'utilisation en ville (environ 29 %). ». La deuxième étude montre que la reprise en main sans entraînement en cas d'urgence pouvait durer en moyenne (pour les 60 conducteurs de l'expérience) de 2 à 8 secondes. En cas d'anticipation (le système prévenant à l'avance de la nécessité de reprendre le contrôle de la voiture), le temps de reprise en main varie en moyenne entre 3,6 et 15,2 secondes pour la première reprise de contrôle, et en moyenne de 2,7 à 13,9 secondes pour la seconde reprise de contrôle. La reprise en main peut donc être très lente, la durée pouvant être nettement au-dessus du temps généralement considéré comme convenable (10 secondes). Il faut apprendre aux conducteurs à se servir convenablement d'un véhicule ndes). Elle se conclut par trois points clefs de leurs expériences sur le simulateur de conduite à Satory : pleinement autonome (afin de réagir convenablement lors des reprises en main).
Hélène Tategrain (LESCOT IFSTTAR Bron). A) « Intention to use a fully automated car : Attitudes and a priori acceptability » (publié le 9 mai 2014) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac et Patricia Delhomme (IFSTTAR). B) « Fully Automated Driving : Impact of Trust and Practice on Manual Control Recovery » (2005) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac et Patricia Delhomme (IFSTTAR). C) « Conduite complètement automatisée : acceptabilité, confiance et apprentissage de la reprise de contrôle manuel », thèse de doctorat de William Payre pour l'obtention du grade de docteur en psychologie, présentée à Paris le 3 décembre 2015 (thèse préparée au LPC de L'IFSTTAR).
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Un haut niveau de confiance peut augmenter le temps de reprise en main en cas d'urgence, un entraînement approprié peut atténuer les conséquences fâcheuses de l'excès de confiance sur les temps de reprise en main. Concernant la troisième étude, William Payre en fait le résumé suivant : « [...] un des objectifs de cette thèse a été d'étudier dans quelle mesure la conduite complètement automatisée sera acceptée. Bien que l'automobiliste soit conduit par son véhicule, il pourrait être amené à en reprendre le contrôle manuel dans différentes circonstances. En effet, cette manoeuvre pourrait être effectuée en situation d'urgence ou de manière anticipée par le conducteur alors qu'il pourrait être engagé dans une autre activité que la conduite. La réalisation de cette reprise de contrôle manuel pourrait être plus ou moins difficile selon la situation et l'expérience d'interactions avec le système complètement automatisé. Nous avons examiné la manière dont cette manoeuvre pourrait être apprise par des conducteurs, en testant l'effet de différentes formes d'entraînement sur la performance et la sécurité (temps de réponse et qualité de la reprise de contrôle). Nous avons mesuré l'acceptabilité et la confiance, les attitudes des conducteurs, les intentions d'utilisation du système de conduite complètement automatisée et l'impact de ces variables sur les comportements dans le véhicule. Les résultats de ces trois études sont discutés. Les méthodes d'entraînement que nous avons développées pourraient servir à former les nouveaux utilisateurs de cette technologie. Le rôle du conducteur dans ce type de véhicule et la nature de la tâche de conduite sont questionnés. Le degré de supervision exercé sur le système deviendrait secondaire par rapport à la réalisation d'une autre tâche non reliée à la conduite. Enfin, les limites de nos études et les perspectives pour les recherches à venir dans le domaine sont examinées. ». S'agissant des recherches sur les conditions de comportements, L'IFSTTAR a reconnu devant la mission CGEDD-IGA le 16 septembre 2016 que la France était devancée par plusieurs autres pays, comme la Grande-Bretagne. Le 26 août 2016 a été approuvée pour publication l'article de Hallie Clark et Jing Feng de la North Carolina State University (Department of Psychology) aux États-Unis, appelé « Age differences in the takeover of vehicle control and engagement in non-driving-related activities in simulated driving with conditional automation ». Cette étude était importante, dans la mesure où le véhicule automatisé est souvent présenté comme un avantage pour les conducteurs les plus âgés et les moins alertes. Le résumé est le suivant : « permettre à des jeunes (moyenne d'âge 19,9 ans) et à des conducteurs plus vieux (moyenne d'âge 70,4 ans) de librement décider quand et comment engager des activités non relatives à la conduite pendant la conduite. Nous avons examiné l'effet de l'âge, le niveau d'engagement d'activité et l'intervalle de prise de contrôle sur la performance de contrôle pendant la reprise en main. Constat : les conducteurs ont des activités différentes : les jeunes sur l'électronique, les vieux en conversation. Les vieux profitent plus que les jeunes de l'intervalle plus long en termes de temps de réponse aux notifications. La reprise en main est possible en moins de dix secondes pour les deux populations (plutôt 4,5 secondes pour les jeunes et 7,5 pour les vieux). En ayant à l'esprit l'étape intermédiaire du niveau 3 (échelle de la NHTSA ou échelle de la SAE International), la NHTSA (dans son document « Human Factors Evaluation of Level 2 And Level 3 Automated Driving Concepts Concepts of Operation » publié en juillet 2014) a mis en avant les quatre dangers et les quatre avantages possibles de l'autonomie partielle :
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Tableau 2 : Titre du tableau
DANGER
AVANTAGE
Confusion modale (mode manuel et mode Diminution de la pression mentale et de la autonome) fatigue mentale du conducteur Erreur de décision (la responsabilité de la décision finale pouvant être source de confusion entre le système et le conducteur, par exemple pour déclencher ou non un freinage d'urgence Diminution des petites erreurs de conduite commises par le conducteur (toujours nombreuses quelle que soit l'attention du conducteur)
Enclenchement excessif du système Prévention des distractions du conducteur (qui d'autonomie par le conducteur (le conducteur peuvent mener à de graves accidents) pouvant ainsi perdre vite sa capacité à bien conduire) Désoeuvrement du conducteur (avec risque Aide aux jeunes conducteurs novices pour les d'endormissement, de lassitude, etc.) aider à acquérir vite de l'expérience
Source : Mission IGA-CGEDD
Alors que Tesla présente la technologie Autopilot de son Model S comme étant du niveau 2 (échelle de la NHTSA), qui exige que le conducteur puisse reprendre la main à tout moment et sans avertissement préalable, beaucoup de conducteurs croient vite, sous l'effet de l'habitude, avoir à faire avec une voiture de niveau 3 (échelle de la SAE International ou échelle de la NHTSA) qui ne nécessite pas leur vigilance constante mais qui exige seulement qu'ils interviennent à la demande du système, avec un « temps de transition suffisamment confortable » selon l'échelle de la NHTSA. Le danger vient de ce risque de confusion modale. Le danger est le même pour le niveau 3 de la SAE International et pour le niveau 2 de la NHTSA. Le niveau 3 de la SAE International peut se révéler dangereux si les procédures de reprise en mains ne sont pas bonnes. En cas d'extrême urgence, il faut en effet que le conducteur au niveau 3 (SAE International) reprenne le contrôle de sa voiture dans un délai très court. Alors que beaucoup de constructeurs pensent que le bon délai de reprise en main dans des circonstances normales est de dix secondes, un tel délai est manifestement bien trop long dans des circonstances exceptionnelles, par exemple pour éviter des accidents comme celui de la Tesla Model S le 7 mai 2016 (qui circulait à la vitesse de 121 km/h). C'est la raison pour laquelle des constructeurs comme Volvo (projet Drive Me) ou Ford (projet Ford Smart Mobility), selon qui le niveau 3 restera trop dangereux quoi qu'on fasse, travaillent directement à produire des véhicules de niveau 4 (SAE International), sans passer par le difficile niveau 3 (SAE International). Il apparaît aussi que les véhicules au niveau 2 (SAE International), pour être sûrs, ne doivent pas engendrer de confusion dans l'esprit du conducteur. Il doit savoir à tout instant que son action et sa vigilance sont indispensables à la circulation en sécurité de son véhicule. Pour cela, soit le conducteur est tenu d'effectuer à tout moment des tâches indispensables de conduite (tourner le volant, etc.), soit le système vérifie à tout moment que le conducteur est bien en position de reconduire immédiatement (par exemple en l'obligeant à poser les mains sur le volant, en surveillant la position de la tête et des yeux, en l'astreignant à des tâches secondaires, etc.)24. Ces questions paraissent solubles, quoique les solutions
L'industrie ferroviaire a beaucoup travaillé aux « dispositifs de veille automatique » pour s'assurer en permanence que le conducteur d'un train est présent et conscient. Si le conducteur n'agit pas comme il convient, les dispositifs déclenchent l'arrêt d'urgence du train. Les dispositifs sont différents d'un pays à l'autre. La SNCF en France recourt à la « veille automatique à contrôle de maintien d'appui » (VACMA). Ce dispositif oblige le conducteur à agir de temps en temps sur une commande ou une autre ; en
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demandent beaucoup d'attention ; il semble bien que Tesla ne les ait pas bien toutes résolues pour ses voitures électriques avec Autopilot. La reprise en main de manière sûre par le conducteur en cas de nécessité est le problème le plus délicat auquel est confrontée toute l'industrie automobile. De nombreuses études ont été faites, et sont présentement accomplies à ce sujet dans de nombreux pays. Il apparaît que la bonne reprise en mains exige une anticipation qui doit être suffisamment longue, surtout si le conducteur est occupé à une autre tâche que la conduite. Demander à un conducteur d'être prêt à reprendre la main en urgence à tout moment sans être prévenu est une procédure dangereuse, même si la bonne veille du conducteur est constamment vérifiée par un système de monitoring (caméra, etc.). Reprendre la main ce n'est pas que reprendre le volant, c'est comprendre tout le contexte dans lequel évolue le véhicule. On voit que les problèmes posés par le niveau 3 (SAE International) sont difficiles à dénouer. Au niveau 3 en effet, lorsque la voiture est en mode autonome, le constructeur doit avoir fixé des procédures : (1) pour que le conducteur soit à même de reprendre la main aussi vite que la sécurité peut l'exiger mais avec un préavis suffisamment confortable (pour reprendre l'expression utilisée en mai 2013 par la NHTSA pour définir son niveau 3), (2) pour que la voiture s'immobilise sans danger si le conducteur ne réagit pas comme il convient25. Ce niveau 3 est un grand défi pour les constructeurs, les équipementiers et les entreprises de l'industrie numérique. Il est si grand d'ailleurs que plusieurs d'entre eux y renoncent en voulant passer directement du niveau 2 au niveau 4. De nombreuses administrations nationales dans le monde commencent à réfléchir sur les règles, probablement internationales, qui devront être fixées pour garantir la circulation des véhicules en mode autonome à ce niveau 3 (SAE International). Faut-il interdire le niveau 3 (échelle de la SAE International) ? Ce serait extrêmement difficile. Ce serait une décision à laquelle s'opposeraient de très nombreux constructeurs dans le monde. Car beaucoup d'entre eux s'apprêtent (comme les sociétés françaises Renault et PSA Peugeot Citroën) à commercialiser vers 2019-2021 des voitures de niveau 3 (SAE International). S'y opposeraient aussi de très nombreux États. Mais il est certain que l'industrie automobile devra, à ce niveau 3, apporter aux autorités d'homologation une solide démonstration de sécurité pour chaque type de véhicules.
cas d'inaction prolongée, un signal sonore retentit, précédant de quelques secondes le déclenchement de l'arrêt d'urgence. Contrairement aux cas des véhicules routiers, l'arrêt d'urgence est ici très facile à faire en toute sécurité, car la signalisation ferroviaire protège automatiquement le train de tout autre convoi. 25 C'est ce que la NHTSA appelle le « Terminal State » (cf. document de la NHTSA « Human Factors Evaluation of Level 2 And Level 3 Automated Driving Concepts Concepts of Operation » publié en juillet 2014) : « An example of this in an L3 vehicle would be when the automated component(s) detects a need for the operator to assume full control of the vehicle and sends an alert. The operator, for whatever reason, fails to disengage the automated component. While continuing to attempt to get the operator to comply, the system may have to bring the vehicle to a safe state. In both L2 and L3 vehicles, existing prototypes and designs indicate that many methods for handling the terminal state are in development. An example of placing the vehicle in a terminal state is having the automated component move the vehicle to the side of the road and come to a complete stop. ».
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Annexe n° 6 : Les investissements des entreprises sur l'automatisation des véhicules
Les investissements de confort et de sécurité les plus importants portent désormais sur les aides à la conduite, les capteurs, les systèmes informatiques et les connexions. Selon plusieurs études (Strategy& de PricewaterhouseCoopers en 2015, etc.), le marché de ces équipements à bord va augmenter vite dans les années à venir. Les technologies donnant lieu aux plus gros chiffres d'affaires seraient celles qui concernent, par ordre décroissant d'importance, (1) la sécurité (une cinquantaine de milliards d'euros dans cinq ans), (2) la conduite autonome, (3) « l'infotainement », (4) le confort, (5) la gestion des flottes à distance, (6) la gestion de la mobilité, (7) l'intégration des systèmes embarqués avec les autres systèmes utilisés dans la vie personnelle ou professionnelle du conducteur. Un puissant mouvement industriel et commercial est lancé, que rien ne paraît pouvoir freiner. Les innovations vont métamorphoser le véhicule routier. Concomitante avec le développement de l'Internet des objets, la métamorphose se produira vite même si l'autonomie de conduite à niveau élevé (5 pour les voitures) ne voyait pas le jour avant longtemps. 1 - Au moins trente-quatre entreprises accomplissent de gros investissements dans l'automatisation des véhicules (voitures surtout)26 : Apple (conduit le projet Titan auquel travailleraient 1 000 personnes, mais Apple27 aurait réduit fortement son effectif en décidant, à l'été de 2016, de se concentrer sur les technologies d'autonomie automobile et non plus sur la construction de véhicules autonomes) ; Audi (associé avec Alibaba, Baidu et Tencent) ; Baidu (développe le système d'autonomie appelé Baidu Brain, est associé à BMW, est autorisé à des expérimentations en Californie depuis la fin d'août 2016, est associé à Nvidia pour développer une plate-forme d'intelligence artificielle pour véhicule autonome) ; BMW (est associé à Baidu, Intel et Mobileye, est co-propriétaire de HERE avec Daimler et Audi) ; Bosch (est équipementier pour Google, Tesla, etc., est associé à TomTom pour la cartographie) ; Chery Automobile Co. (associé avec Baidu sur la voiture Chery eQ) ; DAF (étudie et expérimente28 des convois de camions semi-autonomes avec Daimler, Iveco, MAN, Scania et Volvo) ; Delphi Automotive (a acquis en juillet 2015 la société Ottomatika Inc. (qui produit des logiciels portant sur les données des capteurs), est associé avec le Land Transport Authority de Singapour, est associé avec Quanergy Systems pour concevoir de nouveaux lidars, est associé à Mobileye pour produire des véhicules autonomes au niveau 4 ou 5 de l'échelle de la SAE International dès 201929) ;
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Cf. CB Insights (article du 11 août 2016 intitulé « 33 Corporations Working On Autonomous Vehicles »), etc. Selon un article publié le 9 septembre 2016 par The New York Times. 28 Expérimentation notamment vers Amsterdam (Pays-Bas) en avril 2016. 29 Cf. communiqué de presse de Delphi et Mobileye publié le 24 août 2016.
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Ford30 ; General Motors (est propriétaire désormais de Sidecar et de Cruise Automation, est investisseur dans Lyft, développe son système d'autonomie appelé Super Cruise, a investi dans la société d'autopartage Yi Wei Xing Technology) ; Google X (a conduit de très nombreuses expérimentations en Californie, dans l'État de Washington et en Arizona, est associé à Fiat Chrysler Automobiles) ; Honda (mène des expérimentations en Californie) ; Hyundai ; IVECO ; Jaguar Land Rover (projette de déployer une flotte de cent véhicules pour des expérimentations en Grande-Bretagne) ; Kamaz (constructeur de camions en Russie, s'est associé en août 2016 à Yandex et l'Institut russe NAMI pour développer des navettes de transport public) ; Leshi Internet Information & Technology connue comme LeEco (entreprise chinoise de production de biens électroniques et de distribution de vidéos, dirigée par Jia Yueting, ayant annoncé en août 2016 vouloir construire une très grande usine de fabrication de voitures électriques LeSee, avec centre de recherches sur l'autonomie de conduite, à Huzhou dans la province du Zhejiang) ; MAN ; Mercedes-Benz, et plus largement, le groupe Daimler, (développe la très automatisée Class E) ; Microsoft (est associé à Volvo, Toyota et HERE) ; Mobileye (occupe une position centrale dans les capteurs et l'intelligence artificielle des voitures) ; Nvidia (célèbre fabricant de cartes graphiques qui développe Nvidia Drive PX2 avec deep learning, travaille à son projet de véhicule autonome BB8 équipé du système DaveNet, vend depuis octobre 2016 le système d'exploitation pour véhicule autonome appelé DriveWorks31 Alpha 1) ; Otto (rachetée par Uber en 2016, a développé un système d'autonomie pour camion, a procédé avec Budweiser en octobre 2016 à des essais de camions semi-autonomes au niveau 4 de Fort Collins à Colorado Spring aux États-Unis) ;
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Le 16 août 2016, la société Ford a annoncé son intention de commercialiser en grand nombre dès 2021 des véhicules autonomes de niveau 4 (échelle de la SAE International), dans le cadre de son projet « Ford Smart Mobility ». Ce serait des voitures commerciales (petites voitures à hayon, berlines ou SUV) sans volant ni pédales pour du « ride-sharing service » ou « ride-hailing service » (c'est-à-dire voitures en autopartage ou taxis-robots) ; elles circuleraient sur n'importe quel type de route, mais dans une zone bien délimitée et aménagée. Dans ce but, Ford est en train de doubler ses équipes de la Silicon Valley et du campus de Palo Alto en Californie, et de tripler sa flotte de véhicules en expérimentation en Californie, en Arizona et dans le Michigan. Ford a investi dans la société de la Silicon Valley appelée Velodyne pour produire des capteurs LiDAR moins onéreux, ainsi que dans l'entreprise californienne Civil Maps experte en cartographie 3D. Ford a acquis l'entreprise israélienne SAIPS, experte en intelligence artificielle (deep learning). Ford a encore passé un ambitieux accord avec la société Nirenberg Neuroscience fondée par la neuroscientifique Sheila Nirenberg. Ford a acquis la société Chariot (services de transport) de Californie en septembre 2016. 31 Le DriveWorks de la société Nvidia est un « Software Development Kit for Autonomous Driving » (cf. site de Nvidia). « Driveworks is an open platform for OEMs and car companies to pick and choose the bits they want/need for their solutions. » (selon le CEO de Nvidia le 28 septembre 2016).
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PSA Peugeot Citroën (a annoncé la commercialisation de voitures hands on de niveau 2 vers 2020, et hands off de niveau 3 32 entre 2020 et 2022, mène (seul ou avec ses partenaires) des expérimentations avec dix véhicules autonomes, quatre de ses prototypes (Citroën C4 Picasso) avaient déjà parcouru 60 000 kilomètres d'essais sur route ouverte en Europe à l'été de 2016) ; Renault-Nissan (conduit des expérimentations de la Nissan LEAF à Tokyo, est associé à Toyota pour la cartographie, a acheté en septembre 2016 le développeur français de logiciels Sylpheo, a annoncé en septembre 2016 s'allier avec Microsoft pour un partenariat sur la voiture connectée, a fondé dans le cadre de l'Alliance Renault-Nissan une Mobility Division de 300 personnes pour le développement et la vente en 2020 de dix modèles avec fonctions d'autonomie, développe (par Nissan) la technologie d'autonomie appelée ProPilot) ; Scania ; Tata Elxsi ; Tesla (a développé ses Model S et X avec Mobileye sans LiDAR, prépare la Model 3 avec Nvidia, a annoncé en octobre 2016 que le niveau 5 serait techniquement atteint dès la fin de 2017) ; Toyota (a annoncé un budget d'un milliard de dollars en cinq ans pour fonder un centre de R&D Toyota Research Institute sur le véhicule autonome près de l'Université Stanford et près du MIT aux États-Unis, est associé à trois universités américaines33, est associé avec Uber China racheté par Didi) ; Uber (a institué un centre de recherches à Pittsburgh, est associé à l'Université d'Arizona) ; Volkswagen (prépare pour 2017 le SUV semi-autonome XC90, est associé à Microsoft, est associé avec la société d'autopartage Gett) ; Volvo Cars (conduit l'ambitieux projet Drive Me, s'est associé à Uber pour les taxis autonomes, a fondé une coentreprise avec la société américano-suédoise Autoliv pour développer les aides à la conduite et les systèmes d'autonomie, est en train de recruter 450 personnes en Suède pour ses travaux de recherche et développement sur la voiture autonome) ; Yutong (a conduit avec succès ses premières expérimentations en Chine avec des bus autonomes).
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Cf. déclaration à la mission CGEDD-IGA du représentant de PSA lors de la réunion avec VeDeCoM à Versailles le 22 septembre 2016. 33 MIT, Stanford et Université du Michigan.
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2 - Selon le rapport de la société de conseil Strategy& (qui dépend de PricewaterhouseCoopers) du 16 septembre 2015 34 , les dépenses d'investissements innovants en faveur des voitures connectées permettent de classer ainsi les constructeurs du monde selon une échelle prenant en compte quatre critères (degré d'innovation, objet, originalité et maturité) :
Source : Strategy& (une branche de PwC)
Et pour ce qui concerne les équipementiers :
Source : Strategy&
Les efforts et réussites ainsi pris en compte regardent sept domaines des technologies de la voiture connectée : 34
sécurité (marché de 49,3 milliards d'euros en 2021) ;
« Connected Car Study 2015: Racing ahead with autonomous cars and digital innovation » par Richard Viereckl, Dietmar Ahlemann, Alex Koster et Sebastian Jursch, rapport publié le 16 septembre 2015.
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conduite autonome (marché de 39,6 milliards d'euros en 2021) ; infotainement (marché de 13,4 milliards d'euros en 2021) ; confort (marché de 7,6 milliards d'euros en 2021) ; gestion des flottes à distance (marché de 7,1 milliards d'euros en 2021) ; gestion de la mobilité (marché de 5,6 milliards d'euros en 2021) ; intégration avec les autres systèmes de la vie courante du conducteur (marché de 66 millions d'euros en 2021).
Les conclusions de Strategy& démontrent notamment que : les dépenses en faveur de la conduite autonome seront de grande importance dans les toutes prochaines années ; les constructeurs et équipementiers allemands sont au premier rang de l'innovation, mais les succès des Japonais, Américains et Coréens sont aussi de grande importance.
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Il faut garder à l'esprit que les entreprises d'Internet (Google, Apple, Uber, etc.) travaillant au véhicule autonome ne sont pas prises en considération dans cette comparaison des investissements, quoique leurs propres efforts d'innovation représentent un grand défi pour toute l'industrie automobile. 3 - Le rapport de Thomson Reuters35 appelé « The 2016 State of Self-Driving Automotive Innovation » de janvier 2016, fondé sur les brevets déposés pour (A) la conduite autonome, (B) l'aide à la conduite et (C) la télématique, confirme en partie les conclusions précédentes. Tandis que le nombre de ces brevets a augmenté de beaucoup depuis 2011 (près de 4 800 en 2015), on observe que le nombre le plus grand et l'augmentation la plus rapide regardent la catégorie A. Pour les années courant de 2010 à octobre 2015, Toyota, Denso, Bosh, Nissan, Honda, Hyundai, Mitsubishi, Daimler, General Motors et Fuji sont, dans la catégorie A, les leaders ; dans la catégorie B, il s'agit de Bosch, Toyota, Hyundai, Daimler, Continental, General Motors, Volkswagen, Audi, BMW et Mando ; dans la catégorie C, on trouve General Motors, Hyundai, Marvell, LG, Denso, Samsung, UPS, ETRI, SK Hynix et Mitsubishi. L'absence des grandes sociétés d'Internet dans ce tableau est remarquable. Ce qui conduit l'auteur du rapport à écrire : « Tech and media companies like Apple, Google, Tesla and others entering the space have definite advantages in terms of their contributions to the future car. However, most lack the necessary manufactoring expertise and facilities possessed by traditional automotive companies that can move R&D projects to viable, commercial realities. ». 4 - La société Roland Berger36 a présenté à Bruxelles le 16 février 2016 sa vision de l'avenir de l'automobile. Elle a montré notamment la force des différents constructeurs et équipementiers pour développer et commercialiser des automatismes permettant des conduites partiellement autonomes. Les industries en Allemagne, aux États-Unis, au Japon et en Suède paraissent avoir une longueur d'avance sur les autres à cet égard. Surtout l'industrie allemande.
Groupe international d'information professionnelle, financière et juridique qui emploie plus de 50 000 personnes. « Automotive 4.0 Outlook and Implications TRAN hearing on `'Towards a European Road Safety Area'' » par Sebastian Feldmann (partenaire de Roland Berger GmbH).
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Source : Roland Berger
5 - Ajoutons encore que dans une étude achevée en décembre 2015, la société britannique Juniper Reseach a dressé la liste des cinq sociétés les plus prometteuses envers la voiture autonome. Elle a pour cela pris en compte plusieurs critères comme ceux-ci : essais, expérimentations sur route, développement technologique, ambition du projet, potentiel, opportunités commerciales. Les cinq premiers de la liste sont : Google, Volvo, Daimler, Tesla et Apple. 6 - Dans un rapport d'avril 2016 (« Determining Who's in the Fastlane for Autonomous Vehicles: A Comparison of Automotive OEM Plans for Driverless Cars »), la société Lux Research a évalué la capacité de douze parmi les constructeurs les plus avancés à gagner la course au véhicule autonome. Pour cela, elle a pesé notamment la stratégie, la feuille de route, les partenariats et les investissements de chaque constructeur.
Source : Lux Research
Les auteurs en conclu de leur analyse que seuls cinq constructeurs détiennent la clef du succès : Daimler, Honda, Hyundai, Toyota et Volvo. Et ils ont ajouté : « Automotive companies aspiring to become `'mobility providers'' earning money from services like ride-sharing rather than simply sales of cars are the most likely to succeed in this rapidly changing marketplace. ».
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7 - Ces cinq rapports démontrent la puissance de feu, pour préparer l'automatisation des véhicules, des constructeurs et équipementiers allemands, japonais, américains et coréens. Les constructeurs français sont-ils en arrière37 ? Ils ne sont jamais cités en tant que tels dans le rapport de Thomson Reuters. Toutefois, Renault y est présente par son partenaire japonais Nissan. Pour ce qui concerne l'autonomie de conduite (catégorie A), Nissan (au 4e rang) a déposé trois fois moins de brevets que le premier de la catégorie A, à savoir le constructeur japonais Toyota, et un peu moins que l'équipementier allemand Robert Bosch GmbH. Pour ce qui concerne les brevets relatifs aux aides à la conduite (catégorie B), Nissan (au 11e rang) a déposé quatre fois moins de brevets (200 contre 800 entre 2010 et octobre 2015) que le premier de la catégorie B, à savoir Bosch, et presque trois fois moins que Toyota. Pour ce qui concerne la télématique, Nissan ne figure pas dans la liste des seize premières entreprises citées par Thomson Reuters. Quant à l'équipementier français Valeo, il est au-delà du vingtième rang pour les brevets relatifs à l'autonomie de conduite, au treizième rang pour les brevets relatifs aux aides à la conduite, et au-delà du seizième rang pour la télématique. Il est vrai que dans les trois rapports, il est fait l'hypothèse que les grands de l'automatisme font la course en tête. Ce ne serait plus vrai si les constructeurs et équipementiers actuels (Mercedes-Benz, Bosch, Toyota, etc.) se laissaient dominer par les géants de l'Internet (Google, Baidu, etc.) sur le terrain de l'intelligence artificielle des véhicules. 8 - Remarquons que les entreprises chinoises ne sont pas reprises dans les listes de Thomson Reuters. Se peut-il néanmoins que la Chine surprenne un jour le monde par sa capacité insoupçonnée d'investissement et d'innovation ? La Chine est désormais le plus grand marché automobile (voitures neuves) au monde38. Suivant le plan quinquennal 2016-2022 de l'État chinois qui a dégagé un budget pour les véhicules autonomes de 10 milliards de yuans (environ 1,3 milliard d'euros), de nombreuses et puissantes sociétés et universités chinoises travaillent sur le véhicule autonome (voiture et bus notamment). Singulièrement : des constructeurs : Changan, Dongfeng Motors (partenaire de PSA), GAC Group, SAIC Motor (partenaire de Volkswagen), BAIC Group, FAW Group, Geely, BYD Auto (partenaire de Daimler pour construire des voitures électriques), Chery Automobile, Yutong (constructeur d'autobus qui expérimente des bus autonomes dans ses emprises de Zhengzhou3940) ; des sociétés d'Internet : Baidu (partenaire de BMW), Leshi Internet Information & Technology (LeEco), Huawei, Alibaba Group (travaillant avec SAIC Motor pour des véhicules autonomes équipés du système appelé YunOS), Tencent Holdings (qui projette de produire industriellement avant 2020, dans le cadre d'une Joint Venture appelée Future Mobility, des voitures électriques et autonomes en coopération avec la société taiwanaise Hon Hai Precision Industry41) ; des universités : Tongji (Shanghai), Tsinghua (Pékin).
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Rappelons que les constructeurs français font face depuis de nombreuses années à une rude concurrence des autres constructeurs partout dans le monde. Selon le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA, cf. « L'industrie automobile française Analyse et statistiques 2014 »), la production de voitures particulières des constructeurs français a diminué de 9,6 % entre 2007 et 2013 dans le monde, et de 46,3 % entre 2007 et 2013 en France. Le poids des constructeurs français dans le monde était de 7,3 %, en diminution. Le commerce extérieur automobile de la France (tous constructeurs confondus) est négatif depuis une dizaine d'années : le déficit était de 5,6 milliards d'euros en 2013. 38 Marché de 21 millions de voitures neuves en 2015 (30 % des ventes dans le monde entier), contre 17,4 millions aux États-Unis, 13,7 millions dans l'Union européenne, 4,2 millions au Japon, 2,8 millions en Inde et 2,5 millions au Brésil. 39 Yutong Industrial Park de Zhengzhou dans la province du Henan (Chine). 40 Des expérimentations sur route ouverte ont notamment été faites en 2015 sur la grande route qui relie Zhengzhou et Kaifeng (province du Henan), villes distantes de 32,6 kilomètres. La vitesse de pointe était de 68 km/h. Il y avait 26 feux de circulation à franchir d'une ville à l'autre. Le bus totalement autonome des expérimentations était équipé de caméras et de lidars (un lidar de chaque côté du bus). 41 Plus connue sous son nom commercial Foxconn Technology Group.
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Notons bien que dans les prévisions publiées par la société IHS Automotive le 7 juin 2016 concernant les ventes de voitures autonomes ou semi-autonomes en 2035, il y aurait 5,7 millions de ces voitures en Chine (marché le plus vaste au monde pour ces voitures), 4,4 millions aux États-Unis, 3 millions dans l'Union européenne, 1,2 million dans l'ensemble Japon-Corée comme en Europe de l'est. 9 - La détermination chinoise peut se mesurer aussi à l'effort en faveur des expérimentations. Par exemple, dans la ville d'Anting au sein du district de Jiading4243 (dans le nord-ouest de la municipalité de Shanghai), ville où se situe l'un des plus grands centres de construction automobile en Chine44, une grande zone pilote (dans le cadre d'un projet appelé « A Nice City ») a été ouverte aux voitures autonomes en expérimentation. Autorisée par le ministère de l'industrie et de l'information, elle est la première de ce genre en Chine. Pour l'administrer, un groupement professionnel a été fondé : le United Innovation Center of Intelligent Connected Vehicle Industry and Technology (ICV). Cet ICV rassemble : 15 instituts de recherche (China Automotive Technology and Research Center (CATARC), etc.) ; 4 universités (dont celle de Tongji à Shanghai et celle de Tsinghua à Pékin) ; 18 constructeurs (à savoir Audi, BMW, BAIC, FAW Group, Changan, Ford, Geely, GM, Greatwall, NextEV, PATAC, Porsche, SAIC Motor, Tesla, Toyota, Volvo, Yutong, Mercedes-Benz) ; 5 équipementiers (à savoir Bosch, Continental, Delphi, Harman, Murata Manufactoring) ; 11 entreprises d'information et de communication (Baidu, Gaode, Huawei, Infineon, ZTE, Company360, China Unicom, etc.) ; 4 incubateurs et fournisseurs de services (à savoir Shanghai International Automobile City ou SIAC, Auto Innovation Park, EVCARD45, Edrive).
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Il n'y a dans cette liste ni PSA-Dongfeng, ni Renault-Nissan. Ce groupement (ICV) va gérer la zone pilote (National ICV Testing Demonstration Base) de Jiading, qui fera une grande place aux communications V2X46. La zone expérimentale de Jiading s'étendra en quatre étapes : la première étape, commencée lors de l'inauguration officielle de la zone pilote à Anting les 7 et 8 juin 2016, porte sur une zone fermée (pas de route ouverte) de 2 km² ; la deuxième étape commencera en décembre 2016, et couvrira 5 km² dans les emprises du Shanghai Auto Expo Park et du campus de l'université de Tongji ; la troisième étape commencera en décembre 2017, et couvrira 100 km² (toute la ville d'Anting) pour 5 000 véhicules autonomes ; la quatrième et dernière étape débutera en 2019, et la zone pilote couvrira alors un territoire de 150 km² (connectant Anting et le Hongqiao Transportation Hub) sur lequel circuleront 10 000 véhicules autonomes (qui pourront librement rouler sur 500 kilomètres de route).
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Là où se trouve le Circuit international de Shanghai (qui accueille notamment le Grand Prix de Chine de Formule 1). Ce district de Jiading concentre 70 % de la production de l'industrie automobile de la municipalité de Shanghai (25 millions d'habitants environ dans toute la municipalité). 44 C'est en cette ville d'Anting que sont produites les voitures du partenariat sino-allemand SAIC Volkswagen Automotive. Cette joint venture détient la plus grosse part de marché du pays (sous les marques Volkswagen et Skoda). 45 Système d'autopartage de voitures électriques à Shanghai, ouvert en janvier 2015. 46 Les systèmes de la zone pilote de Jiading utiliseront les communications DSRC (Dedicated Short Range Communications) des États-Unis, le LTE-V (Long Terme Evolution-Vehicle) de la Chine et la future 5G.
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10 - Une autre expérimentation va se développer en Chine à Wuhu (ville de près de quatre millions d'habitants dans la province de l'Anhui), dans le cadre d'une coopération conclue en 2016 entre la ville et la société Baidu portant sur les bus, les navettes et les taxis robots. Dans une première étape de trois ans, certaines zones de Wuhu seront délimitées pour des essais de véhicules autonomes. Dans l'étape suivante, des premiers services commerciaux seront offerts aux habitants. Dans une troisième et dernière étape, dans cinq ans environ, les véhicules autonomes circuleront dans toute la ville en service commercial. 11 - Le 19 octobre 2016 en Californie, le directeur général de Tesla Motors (Elon Musk) a annoncé que ses nouvelles voitures Model S et Model X seront dès maintenant toutes équipées de huit caméras (d'une portée de 250 mètres), de douze capteurs à ultrasons (de portée deux fois plus longue qu'aujourd'hui) et d'un radar à l'avant (permettant de voir le véhicule qui est devant le véhicule qui précède la Tesla). Le système d'intelligence artificielle (Tesla Vision avec deep learning, quarante fois plus puissant qu'aujourd'hui) sera désormais fourni par la société Nvidia (plate-forme Drive PX 2), et non plus par Mobileye. Le système d'autonomie développé par Tesla prend le nom d'Autopilot 2.0 désormais. Les aides à la conduite (freinage d'urgence, maintien dans la file, avertisseur de collision, régulateur de vitesse adaptatif, etc.) des nouvelles voitures seront activées progressivement en 2016 et 2017 (par la technologie On The Air ou OTA tous les deux ou trois mois), après analyses des données recueillies auprès des voitures vendues et validation du système d'autonomie. Aussi les nouvelles voitures des Model S et X auront-elles momentanément, jusqu'en décembre 2016 probablement, moins de fonctionnalités que les actuelles. Les voitures des deux modèles (S et X) seront désormais toutes équipées pour permettre un jour l'autonomie complète. Elles seront vendues avec deux options. La première option, appelée Enhanced Autopilot, vaudra 5 000 dollars. Elle n'utilisera que quatre caméras, et non huit. Elle permettra une conduite semi-autonome dès la fin de 2016 : changement automatique de file, parking automatique, sortie automatique d'autoroute, etc. La seconde option, appelée Full Self-Driving Capability, vaudra 8 000 dollars. Elle permettra à terme la conduite totalement autonome (niveau 5 selon l'échelle de la SAE International) avec saisie de la destination au départ. La conduite totalement autonome sous la seconde option ne sera activée qu'à une date inconnue qui dépendra singulièrement de la réglementation ; mais Elon Musk a assuré le 19 octobre 2016 que l'autonomie totale sera techniquement prête à la fin de 2017. Selon l'industriel, la sécurité sera améliorée d'un facteur deux au moins. Une expérimentation d'un parcours en niveau 5 sera faite de Los Angeles à New York avant la fin de 2017, sans une seule action sur le volant (« without the need for a single touch »). Tesla Motors prépare la vente en 2017 d'un nouveau modèle moins cher (à partir de 35 000 dollars), appelé Model 3. Des voitures de ce modèle seront aussi vendues avec les deux options d'autonomie. 12 - En de nombreux pays du monde, les expérimentations ont pour objet de préparer l'automatisation de plus en plus poussée des véhicules. Mais pourront-elles prouver l'amélioration constante et suffisante de la sécurité ? Les quelques études faites paraissent démontrer que les distances ainsi parcourues sont encore bien trop petites pour en induire des conclusions sûres. Néanmoins, les expérimentations donnent d'utiles résultats de tendance. 13 - Ainsi en est-il d'une étude accomplie par le Virginia Tech Transportation Institute47 (étude commandée par Google) sur les voitures autonomes de Google, la société qui accomplit les plus nombreux essais sur voie publique, a donné lieu à rapport final en janvier 201648. L'auteur a comparé les résultats des accidents du programme Self-Driving Car de Google avec les données connues et corrigées49 des accidents pour l'ensemble du pays (États-Unis). L'étude a discerné quatre niveaux de gravité des accidents ; toutefois le niveau 4, le moins grave, regroupe des incidents si faibles que l'étude n'en a pas tenu compte.
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VTTI. « Automated Vehicle Crash Rate Comparison Using Naturalistic Data ». 49 De nombreux accidents ne sont pas connus des autorités publiques.
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Les conclusions sont que le taux d'accidents sérieux (niveaux 1 et 2) est plus bas pour les voitures autonomes de Google que les taux nationaux : 1,6 contre 2,5 accidents par million de milles pour le niveau 1, et 1,6 contre 3,3 accidents par million de milles pour le niveau 2. Pour les accidents les moins graves (niveau 3), l'écart est encore plus grand : 5,6 contre 14,4. Mais les distances parcourues par les voitures de Google sont très courtes (1,3 million de milles) comparées aux distances de l'étude nationale50 à laquelle l'auteur a travaillé (34 millions de milles51). Pour cette raison, l'auteur ne peut être sûr de la robustesse de ses conclusions. S'agissant des petits accidents (niveau 3), qui apparaissent au moins deux fois moins nombreux dans le cas des voitures de Google, il révèle en revanche un fait d'importance : l'analyse des données de Google démontre que jamais les voitures de Google n'ont été en faute lors des accidents étudiés52. Selon l'auteur du VTTI, cette conclusion tend à démontrer que des véhicules autonomes à faible vitesse seraient très sûrs. 14 Sur la question des distances parcourues par les véhicules autonomes en essais, une étude de grand intérêt53 a été faite par Rand Corporation aux États-Unis en 2016. Les conclusions sont résumées dans le graphique ci-dessous. Considérons par exemple le nombre des tués (« fatality »). Si l'on voulait prouver que le taux de défaillance d'un véhicule autonome était inférieur de 20 % à celui des autres voitures54, il faudrait que la distance parcourue par les véhicules autonomes de même type soit de onze milliards de milles (presque dix mille fois la distance déjà parcourue par toutes les voitures de Google). Autrement dit, pour une flotte de 100 véhicules autonomes circulant à toute heure de l'année, il faudrait... 518 ans d'essais ! La conclusion des auteurs, c'est que l'amélioration quant à la sécurité routière grâce à l'automatisation des voitures, préalable à l'acceptation de véhicules commercialisés, devra être prouvée d'une manière autre que par des expérimentations sur route ouverte. Il faudra des mesures in vitro (simulations informatiques, etc.) et non in situ.
Source : Rand
Appelée « Second Strategic Highway Research Program (SHRP 2) Naturalistic Driving Study (NDS) » ou plus simplement SHRP 2 NDS 51 Le trafic annuel aux États-Unis étant de 3 000 milliards de véhicules-milles. 52 Le désormais célèbre accident à très faible vitesse de la voiture Google à Mountain View (Californie) a eu lieu le 14 février 2016, après la fin de l'étude du VTTI. 53 « Driving to Safety How Many Miles of Driving Would It Take to Demonstrate Autonomous Vehicle Reliability » par Nidhi Kalra et Susan M. Paddock. 54 L'auteur a retenu un niveau de confiance de 95 % et une puissance de test de 80 %.
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15 - Des sociétés se sont d'ailleurs développées pour entreprendre ces simulations par ordinateur : ainsi la société néerlandaise TASS International, ainsi la société française ESI Group (avec son simulateur de capteurs Pro-SiVIC). Des instituts de recherche travaillent aussi à ces simulations : ainsi le Laboratoire sur les interactions véhicules-infrastructure-conducteurs (LIVIC), dépendant de L'IFSTTAR55, avec la plate-forme SiVIC56, étroitement associé à la société ESI Group. La société TASS International travaille beaucoup sur la sécurité générale des véhicules automatisés, tandis que le LIVIC de L'IFSTTAR travaille sur la qualité de leurs capteurs. En France, l'UTAC CERAM se prépare activement à l'homologation des nouvelles aides à la conduite et des systèmes d'autonomie de conduite. Sur la difficulté à valider la sécurité des aides à la conduite qui sont de plus en plus complexes, on pourra lire la communication « Facing ADAS validation complexity with usage oriented testing » de Laurent Raffaëlli, Frédérique Vallée, Guy Fayolle, Philippe De Souza, Xavier Rouah, Matthieu Pfeiffer, Stéphane Géronimi, Frédéric Pétrot et Samia Ahiad, de janvier 2016. En France, dans le cadre de la Nouvelle France Industrielle (NFI), l'institut de recherche technologique (IRT) en Île-de-France appelé SystemX a lancé le 1er mars 2015 son projet 2015-2019 « Simulation pour la sécurité du véhicule autonome » (SVA). Comme l'a expliqué SystemX : « Le projet SVA, dans le cadre du plan Véhicule Autonome de la Nouvelle France Industrielle, a pour objectif de répondre par la simulation numérique au défi posé par la complexité de la démonstration de la sécurité du véhicule autonome. En effet, cette complexité, liée à la fois au grand nombre de situations que le conducteur rencontre sur la route, leur incertitude, et aux technologies embarquées, rend les validations par des tests en usages réels extrêmement coûteux, voire impossibles pour certains. ». Le projet SVA a deux objectifs : « Fournir aux constructeurs et aux équipementiers une méthodologie, une plateforme et des outils de simulation pour permettre de concevoir des véhicules autonomes sûrs et de les valider » ; « Spécifier, adapter ou développer des modèles des éléments du véhicule et de son environnement afin de pouvoir simuler le comportement du véhicule en cas d'apparition d'une défaillance d'un de ses composants ainsi que l'incidence sur son fonctionnement de perturbations extérieurs (effacement de marquages au sol, éblouissement...) ». 16 - C'est en Californie que les expérimentations de voitures autonomes sont actuellement les plus nombreuses. Conformément à la loi de cet État 57 , les sociétés ayant reçu autorisation pour des expérimentations sur les routes publiques de Californie ont remis leurs données de la période octobre 2014-novembre 2015 sur les « disengagements » : désactivations du système d'autonomie quand la voiture
L'IFSTTAR (laboratoires LICIT, GRETTIA et LEPSIS) a aussi développé le simulateur Symuvia pour étudier les circulations routières. Mais il n'a jamais encore été utilisé pour étudier les conséquences de la circulation de véhicules autonomes en ville. Mais il a montré que les connexions V2X amélioraient nettement la fluidité des circulations urbaines. 56 Cf. « Development of Full Speed Range ACC with SiVIC, a virtual platform for ADAS Prototyping, Test and Evaluation » de Dominique Gruyer, Steve Pechberti et Sébastien Glaser. 57 « §227.46 Reporting Disengagement of Autonomous Mode. (a) Upon receipt of a Manufacturer's Testing Permit, a manufacturer shall commence retaining data related to the disengagement of the autonomous mode. For the purposes of this section, "disengagement" means a deactivation of the autonomous mode when a failure of the autonomous technology is detected or when the safe operation of the vehicle requires that the autonomous vehicle test driver disengage the autonomous mode and take immediate manual control of the vehicle. (b) Every manufacturer authorized under this article to test autonomous vehicles on public roads shall prepare and submit to the st department an annual report summarizing the information compiled pursuant to subdivision (a) by January 1 , of each year. th (1) The first report shall cover the period from the date of issuance of the Manufacturer's Testing Permit to November 30 of the following year. st th (2) After the first report, subsequent annual reports shall cover the period December 1 of the current year to November 30 of the following year. » (extrait de la réglementation de Californie sur les « Autonomous Vehicles »).
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rend la main au conducteur pour quelque raison que ce soit. Cruise Automation, BMW, Honda et Ford avaient été exemptés de ce rapport, car leurs autorisations étaient trop récentes. Les résultats des six sociétés sont : pour Bosch, 625 désactivations pour 935 miles parcourus, pour Delphi, 405 désactivations pour 16 662 milles parcourus, pour Google, 341 désactivations pour 424 331 milles parcourus, pour Nissan, 106 désactivations pour 1 485 milles parcourus, pour Mercedes-Benz, 967 désactivations pour 1 337 milles parcourus, pour Tesla Motors, aucune désactivation (sic), le nombre de milles parcourus n'ayant pas été révélés), pour Volkswagen, 260 désactivations pour 14 945 milles parcourus (57 milles par désactivation en moyenne).
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Il faut avoir à l'esprit que la société Tesla, en plus de ses expérimentations, tire beaucoup d'enseignements des voitures qu'elle a vendues et qui, en circulation, lui envoient continûment des données. En mai 2016, Tesla faisait savoir que ses voitures connectées et semi-autonomes avaient déjà parcouru depuis 2014 (année d'introduction de son système de semi-autonomie) la distance totale de 780 millions de milles ; entre octobre 2015 et mai 2016, les voitures ont circulé en mode dit autonome sur une distance cumulée de 100 millions de milles58. De très loin, Google est la société qui a parcouru la plus grande distance. Parmi les 341 désactivations qu'elle a consignées (1 désactivation tous les 1 244 miles en moyenne), 272 sont dues à une défaillance de la technologie d'autonomie. Les autres désactivations, 69 précisément (soit 20 % des cas), sont dues à une action du conducteur pour un motif de sécurité. Mais selon Google, seulement 13 parmi ces 69 désactivations avaient pour but de prévenir une collision (avec une voiture ou autre). Précision d'importance : selon Google, les conducteurs de ses voitures ne cherchent pas à avoir aussi peu de désactivations qu'il est possible, car les désactivations sont aussi un moyen d'éprouver et d'analyser le système d'autonomie. Selon Google, le nombre de désactivations est néanmoins en rapide diminution : 5 318 milles par désactivation au quatrième trimestre de 2015 contre 785 milles par désactivation au premier trimestre de 2014. Il est important d'avoir à l'esprit que les expérimentations de Google se font surtout dans les rues, dans celles de Mountain View (en Californie) et alentour en particulier. Or, c'est pour ces circulations urbaines ou péri-urbaines que les difficultés de la conduite autonome sont les plus grandes : de très nombreuses circonstances peuvent conduire en effet à la désactivation59. D'ailleurs, sur les 341 désactivations de
Cf. « « Tesla Tests Self-Driving Functions with Secret Updates to Its Customers' Cars The Internet connection built into every Tesla gives the company a unique advantage in the race to develop autonomous vehicles. » par Tom Simonite (article publié le 24 mai 2016 par le MIT Technology Review). 59 Dans son rapport de décembre 2015, Google a écrit : « Mastering autonomous driving on city streets rather than freeways, interstates or highways requires us to navigate complex road environments such as multi-lane intersections or unprotected lefthand turns, a larger variety of road users including cyclists and pedestrians, and more unpredictable behavior from other road users. This differs from the driving undertaken by an average American driver who will spend a larger proportion of their driving miles on less complex roads such as freeways. No surprisingly, 89 percent of our reportable disengagements have occured in this complex street environment [...]. »
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Google, 304 regardaient une route de type street, 32 pour le type highway, 4 pour le type freeway et 1 pour le type interstate. L'accident d'une Google Car le 23 septembre 2016 a été assez abondamment relaté par la presse américaine, car c'est le plus grave des accidents d'une Google Car ; les dommages matériels n'ont jamais été importants. La voiture en mode autonome a été heurtée par un autre véhicule qui venait de brûler un feu rouge. 17 - Le gouvernement et l'administration des États-Unis (le secrétaire aux transports et l'administrateur de la NHTSA) réfléchissent sur la possibilité de construire un centre d'essais pour tester et certifier officiellement les aides à la conduite et les systèmes d'autonomie. Parmi les sites envisagés, il y en a un dans le Michigan (ancien site de General Motors dit Willow Run à Ypsilanti) et un autre en Californie (GoMentum Station à Concord). 18 - Parmi les autres expérimentations aux États-Unis, il faut citer la circulation d'une Audi SQ5 entre San Francisco et New York (5 633 kilomètres) en mars 2015 par l'équipementier Delphi. Il faut citer encore le périple de l'équipementier Valeo (« Valeo Hands off Tour » de 13 000 milles, plus ou moins le long des frontières des États-Unis) de la voiture autonome Cruise4U une Volswagen Passat entre le 1er août et le 15 septembre 2016. La voiture était équipée d'une caméra frontale, et de quatre radars pour permettre les changements de file. Mais elle était surtout équipée d'un laser appelé Valeo SCALA qui peut détecter devant le véhicule tout objet et toute personne, à haute ou basse vitesse, de jour comme de nuit. 19 - En France dans la région Rhône-Alpes-Auvergne, le pôle de compétitivité Lyon Urban Truck & Bus a préparé la plate-forme Transpolis pour préparer les futurs moyens de transport. Transpolis se développera sur les deux sites voisins des Fromentaux et de La Valbonne dans l'Ain. Pour les véhicules autonomes, c'est surtout le site des Fromentaux, autrefois terrain militaire de quelque soixante-dix hectares, qui sera utilisé à partir de 2018. Sont actionnaires de la société Transpolis : L'IFSTTAR, Colas, Renault Trucks, Bretagne Mega, Vibratec SA, Adetel Group et EVE System. 20 - S'agissant des communications V2X, un assez grand nombre d'entreprises européennes dans les secteurs des automobiles et des télécommunications60 ont publié le 6 juillet 2016 un projet de proposition à la Commission européenne appelé : « Draft proposal: pre-deployment project for connected and automated driving ». Ce projet 2017-2021 a pour but d'étudier la circulation en Europe de plusieurs centaines de véhicules par pays pour tester notamment les technologies des véhicules connectés ou automatisés en passant les frontières. 21 - L'État de Victoria en Australie a passé accord en 2016 avec la Transport Accident Commission (TAC), l'équipementier allemand Bosch et VicRoads (l'autorité publique chargée des routes et des circulations dans l'État). Pour les essais, un véhicule autonome (de niveau 4 selon l'échelle de la SAE International) a été mis au point par Bosch à Clayton (à Victoria), sur la base d'une voiture Tesla Model S P85D.
Selon les auteurs du projet de proposition, les sociétés suivantes pourraient s'associer au projet d'expérimentation : Deutsche Telekom, KPN, Orange, Proximus, Vodafone, Eurofiber, Play, Ericsson, Nokia, Autoliv, Bosch, Continental, Valeo, BMW, Daimler, FCA, Ford, Hyundai, JLR, Opel, PSA, Renault, Toyota and VW.
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La voiture Tesla Model S rééquipée par Bosch dans l'État de Victoria en Australie en 2016
(source : État de Victoria)
Ces essais et démonstrations en Australie avaient été précédés par d'autres accomplis en novembre 2015 à Adelaïde (capitale de l'Australie-Méridionale) par Volvo Cars avec la voiture Volvo XC90.
La voiture Volvo XC90 à Adelaïde (Australie) en novembre 2015 pour des essais (photographie de Motoring) (source : Volvo) 22 - Fondée par deux professeurs (Ingmar Posner et Paul Newman) du Mobile Robotics Group (MRG) de l'Université d'Oxford, Oxbotica est une entreprise britannique qui conçoit des systèmes d'autonomie pour véhicules. Son dernier système s'appelle Selenium. Il équipe huit navettes expérimentales à Greenwich (Londres), au titre du grand projet GATEway ; des circulations expérimentales commenceront au début de 2017, et dureront six mois. Une voiture d'Oxbotica (avec Selenium) a été testée en octobre 2016 dans la ville nouvelle de Milton Keynes (Buckinghamshire) en Angleterre, dans le cadre du Lutz Pathfinder Project.
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La voiture autonome d'Oxbotica à Milton Keynes (Angleterre) en octobre 2016
(source : Oxbotica)
23 - Pendant le Mondial de l'automobile à Paris en octobre 2016, l'équipementier français Valeo a procédé à des expérimentations en France de son système d'autonomie appe « Cruise4U » (niveau 3 selon appelé l'échelle de la SAE International). 24 - En août 2016, le gouvernement de Corée du Sud a décidé de construire un centre d'essai pour véhicules autonomes, à Hwaseong (province de Gyeonggi), sous le nom de K City. Le nouveau c K-City. centre sera près des installations actuelles de la Korean Transportation Safety Authority à Hwaseong. Les travaux coûteront environ 17 millions de dollars américains ; ils se termineront en décembre 2019. En dehors de ce centre d'essai, le gouvernement coréen a autorisé les expérimentations de véhicule autonome sur 320 kilomètres de routes ouvertes. 25 - La société chinoise Baidu, en association avec trois constructeurs et équipementiers chinois (Chery Automobiles Co., BYD Auto et Shou Qi Group), a testé des voitures autonomes (une douzaine au moins) à Wuzhen (province de Zhejiang) en novembre 2016, à l'occasion de la World Internet Conference en cette ville.
Source : Baidu
Les circulations ont eu lieu sur un trajet de cinq kilomètres, à la vitesse maximale de 60 km/h. Les voitures sont équipées de lidar de la société Velodyne. 26 - En octobre 2015, la province canadienne de l'Ontario a été la première du pays à se lancer dans des expérimentations de véhicules autonomes sur route ouverte. Elles ont commencé en janvier 2016.
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27 - En France, treize expérimentations ont été approuvées avant juillet 2016 par la DGEC sur demande des opérateurs suivants : Robosoft (décision le 22 décembre 2014), PSA (22 juin et 24 novembre 2015), Valeo (6 août 2015), VeDeCom (11 août 2015), Akka (11 août 2015), Navya (11 août 2015), EasyMile (11 août 2015), Valeo (16 octobre et 19 novembre 2015), VeDeCom (4 novembre 2015), EasyMile (22 décembre 2015), VeDeCom (4 février 2016), Renault (18 février 2016), VeDeCom (7 juin 2016).
Les dossiers remis ont tous abouti à une autorisation, moyennant parfois des modifications. Par deux fois, des avenants sont venus compléter l'autorisation initiale. Début mai 2016, près de 40 000 kilomètres de tests sur route ouverte avaient été parcourus par les véhicules des demandeurs français. On est encore loin, certes, des distances observées en Californie (près de 1,5 kilomètre pour Google par exemple). Pour ce qui concerne les expérimentations des voitures sur route ouverte, les demandeurs insistent pour que, rapidement, les véhicules en essai puissent être pilotés par des conducteurs ordinaires, comme envisage de le faire Volvo à Londres en 2017. Au 10 octobre 2016, 10 expérimentations étaient achevées, 6 expérimentations étaient en cours, 7 demandes étaient en instruction, 6 demandes étaient des manifestations d'intérêt et 1 demande avait été abandonnée.
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Annexe 7 : L'état du droit relatif au véhicule autonome dans les pays étrangers
1 - États-Unis : Le ministère des transports de l'État fédéral américain (D.O.T.) et son agence nationale (NHTSA) ont publié en septembre 2016 un document qui décrit la politique fédérale pour les véhicules autonomes. Ce document s'intitule « Accelerating the Next Revolution in Roaway Safety ». Après avoir affirmé que l'avènement de cette nouvelle technologie était inévitable le document indique les bénéfices attendus : une diminution drastique du nombre d'accidents, l'amélioration de la mobilité pour les personnes exclues actuellement de l'usage de la voiture et enfin la diminution de la pollution de l'air et des économies d'énergie. Le document vise les véhicules qui ont atteint un développement 3 à 5 de l'échelle SAE où le système est le conducteur, l'être humain ayant un rôle au plus limité à la supervision et la reprise en main. Le premier volet du guide décrit les bonnes pratiques pour les concepteurs et fabricants de véhicules autonomes. Par une démarche pragmatique la NHTSA leur laisse la responsabilité de s'auto-certifier. Cette confiance n'empêche pas la NHTSA de vérifier si les véhicules fonctionnent bien et, si besoin, de prendre des actions coercitives ; les fabricants doivent rendre compte régulièrement dans un rapport rendu public appelé « évaluation de sécurité ». Cette évaluation doit couvrir les champs suivants : l'enregistrement et le partage des données, les informations personnelles, la sûreté du système, la cybersécurité du véhicule, l'interface homme-machine, la protection par rapport aux chocs (des occupants et des autres véhicules), l'éducation et la formation des conducteurs, l'enregistrement et la certification (pour la mise à niveau logicielle des véhicules), le comportement post-accident, la conformité aux lois fédérales, des États et locales, les considérations éthiques (transparence des choix des algorithmes), le domaine de fonctionnement opérationnel, la détection et la réaction aux événements et aux objets, les stratégies de reprise en main par un humain (condition du risque minimal), les méthodes de validation.
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Le deuxième volet du guide procure aux États un modèle de politique vis-à-vis de la voiture autonome. La NHTSA constate que certains États ont commencé à légiférer dans le domaine de la voiture autonome (Nevada, Californie, Michigan...) et craint qu'il n'y ait un « patchwork » de législations. Aussi elle propose que celles-ci se réfèrent à son modèle pour que la politique sur ce sujet soit cohérente sur le territoire des États-Unis. Le troisième volet du guide explique les moyens (« outils ») que l'agence a à sa disposition pour gérer l'introduction de nouvelles technologies. Le quatrième et dernier volet est un appel à commentaires sur des idées de nouveaux moyens (« outils ») et nouvelles entités pour gérer l'arrivée des véhicules autonomes. Deux États américains ont établi une législation sur la base de ce modèle : 2 - La Californie : La Californie est le premier État du monde à avoir préparé un règlement portant à la fois sur l'expérimentation et la circulation régulière des véhicules autonomes (niveaux 3, 4 ou 5 de l'échelle de la SAE International), que ces véhicules aient ou non un conducteur à bord. Tout d'abord, le 30 septembre 2016, le ministère des transports de l'État de Californie (le Department of Motor Vehicles) a publié un projet qui modifierait le code du véhicule (Vehicle Code) en vigueur. Dans un premier temps, la loi définit certains termes : définition du véhicule autonome : un véhicule autonome est celui qui est du niveau 3, 4 ou 5 selon la définition SAE (Society of Automotive Engineers), définition du déploiement de véhicules autonomes : il s'agit de la mise sur routes de VA par des personnes qui ne sont pas employées du fabricant ou contractantes avec lui, définition du conducteur de véhicule autonome : le conducteur est l'opérateur humain lorsque le véhicule n'est pas en mode autonome, définition du domaine d'emploi : il s'agit de l'ensemble de la description du périmètre de fonctionnement du véhicule en mode autonome comprenant au minimum le type de route, la plage de vitesse, les conditions météorologiques et de jour et de nuit, et toute autre contrainte, définition de l'opérateur à distance d'un véhicule autonome.
Ensuite, le texte définit également certaines dispositions dont les plus importantes sont les suivantes : Les conditions pour permettre les expérimentations de véhicules autonomes sans conducteur à bord : pour être autorisé à mener des expérimentations sans présence de conducteur à bord un fabricant doit demander une autorisation pour ces tests. Tout d'abord il doit y avoir un moyen de communication entre le véhicule et l'opérateur à distance qui permette à celui-ci de dialoguer avec les passagers et qui lui donne à tout moment la localisation et l'état du véhicule. Le fabricant doit former les opérateurs à distance. Il doit conserver en mémoire la liste des périodes de sorties du mode autonome et faire un rapport à l'autorité si un accident survient.
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Les conditions pour permettre la circulation régulière (hors expérimentation) des véhicules autonomes avec conducteur à bord. Un véhicule autonome ne peut circuler librement que s'il a obtenu préalablement des autorités de Californie un permis de déploiement de véhicule autonome sur les voies publiques. Pour cela son fabricant doit soumettre un dossier dans lequel il indique ou certifie entre autres : quel est le domaine d'emploi du véhicule, que le véhicule est empêché de rouler en mode autonome en dehors des routes désignées de son domaine d'emploi, la liste des conditions limitantes (neige, brouillard, chantiers,...) et comment il s'assure que le véhicule ne roulera pas en dehors de ces conditions, que le véhicule est bien équipé d'un enregistreur de données qui permet de conserver ce qui s'est passé 30 secondes avant un choc et 5 secondes après et que ces données pourront être fournies à des enquêteurs qui en font la demande sous 24h, que le véhicule respecte le code de la route et les limitations de voirie et que son système est mis à jour pour prendre en compte tout changement dans le code de la route à sa date d'effet, que le système cartographique est en permanence remis à jour, comment il gère les pannes et met en sécurité les usagers du véhicule jusqu'à l'arrivée de la maintenance.
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Le demandeur remet également un « law enforcement interaction plan » qui comprend toutes les informations pour les autorités de police et de justice et les agences de l'État concernées sur la façon dont le véhicule se comporte dans les situations d'urgence et de contrôle de police, soit : les conditions pour permettre la circulation régulière (hors expérimentation) des véhicules autonomes sans conducteur à bord, en plus des dispositions précédentes, les démarches administratives que doit remplir un constructeur de véhicules autonomes en cas de modification substantielle apportée sur le matériel ou le logiciel, la durée du déploiement de véhicules autonomes, la protection des données collectées dans les véhicules autonomes : le fabricant doit soit décrire dans un document pour l'utilisateur du véhicule la liste des données qu'il collectera à des fins de maintenance et de sécurité soit garantir qu'il anonymisera toutes les données qui ne seront pas nécessaires d'identifier à des fins de sécurité. Pour les informations non anonymes, le fabricant devra obtenir l'accord écrit de l'utilisateur du véhicule. En cas de refus de sa part, il ne pourra pas se prévaloir de ce fait pour l'empêcher d'utiliser le véhicule, la condition pour permettre la circulation de véhicules devenus autonomes ultérieurement à leur première mise sur le marché, il faudra remplir un formulaire spécifique signalant qu'un véhicule préalablement non autonome est devenu autonome, l'identification des véhicules autonomes à l'extérieur : un fabricant devra poser sur chaque véhicule autonome mis sur le marché un label spécifique comprenant (1) le nom du fabricant, (2) la date de fabrication, (3) l'identification du véhicule et (4) la phrase suivante : « le fabricant de ce véhicule
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autonome a certifié qu'il est conforme à la loi de Californie concernant les exigences relatives aux véhicules autonomes à la date de production indiquée ci-dessus. Des exigences semblables sont demandées pour les fabricants de véhicules rendus autonomes : le permis de conduire des conducteurs de véhicules autonomes : le conducteur d'un véhicule autonome qui peut rendre la fonction de conduite à son occupant doit avoir le permis de conduire ; la responsabilité du conducteur et du système d'autonomie : dans le cas où le système demande au conducteur de reprendre le contrôle du véhicule ou lorsque le véhicule fonctionne hors de son domaine d'emploi alors c'est le conducteur qui a la responsabilité de la conduite. Dans les autres cas c'est le fabricant qui en a la responsabilité ; la maintenance des véhicules autonomes : tous les véhicules autonomes doivent être maintenus selon les standards du Federal Motor Vehicle Safety ; l'interdiction faite d'appeler véhicule autonome des véhicules sous le niveau 3 selon l'échelle de la SAE International.
3 - Le Michigan : L'État du Michigan a préparé quatre lois (Senate Bill ou SB) sur le véhicule autonome (appelés Automated Motor Vehicle ou AMV). Ces projets (SB 995 à 998) autoriseront la circulation régulière, et non pas seulement expérimentale, des véhicules autonomes. Ils ont été formellement approuvés par le Sénat du Michigan le 7 septembre 2016. Ils ont été définitivement approuvés (après délibération de la Chambre des représentants du Michigan) en décembre 2016. Voici leurs principales dispositions : le SB 995 autorise la circulation sur toutes les routes du Michigan de véhicules autonomes individuels, de peloton de véhicules connectés et les applications informatiques de mise à disposition de véhicules automatiques à la demande permettant à des usagers de se connecter pour obtenir un service de transport par véhicule autonome ; le SB 995 exonérera les constructeurs de toute responsabilité civile au cas où des changements auraient été apportés sur les systèmes embarqués sans leur consentement ; le SB 995 précisera qu'un système de conduite autonome sera considéré comme le conducteur ou l'opérateur d'un véhicule autonome pour l'application des règlements sur les véhicules routiers et la circulation routière ; le SB 996 autorisera les constructeurs à déployer un projet SAVE, défini par le SB 995 comme une mesure qui permet à des fabricants autorisés de VA de créer des services internet de VA à la demande dans certaines zones géographiques (campus universitaires, etc.) ; le SB 997 affranchira les routes dans les centres de recherches sur la mobilité (comme l'American Center for Mobility envisagé à Ypsilanti dans le Michigan) des dispositions du Michigan Vehicle Code applicables aux routes ouvertes au public ; Le SB 998 limitera aussi la responsabilité civile des réparateurs d'AMV.
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4 - Allemagne : Le gouvernement allemand a présenté sa stratégie pour la voiture autonome et connectée dans un document daté de septembre 2015. Il rappelle le rôle essentiel que l'Allemagne a joué dans le développement de l'automobile depuis son origine. Il affirme que l'automobile est l'élément fondateur pour sa croissance et sa prospérité. Le document indique que le véhicule autonome et connecté présente un potentiel de progrès pour : améliorer l'efficacité des automobiles face à la croissance en mobilité, améliorer la sécurité routière, réduire les émissions polluantes rendre l'Allemagne plus compétitive en matière économique et plus attractive pour l'innovation.
Le document fixe trois objectifs : rester au premier rang des constructeurs automobiles mondiaux, devenir un marché leader pour le véhicule connecté et autonome, c'est-à-dire avec le plus haut pourcentage de véhicules autonomes et connectés mettre effectivement des véhicules autonomes et connectés sur les routes : pour cela commencer par le déploiement sur les autoroutes et routes express ainsi que dans les parkings.
Un plan d'actions est défini dans les thématiques suivantes : Infrastructure : déployer une couverture universelle d'un réseau à grand débit permettant l'échange de données avec l'infrastructure ; créer des standards pour la route intelligente.
Législation : faire du lobbying pour modifier la convention de Vienne et les textes des Nations Unies en faveur de la voiture autonome ; modifier la législation nationale ; adapter la formation des conducteurs pour la supervision et la reprise en main ; revoir les procédures d'approbation et de tests ; faire du lobbying pour que les PTI définies avec les constructeurs allemands soient incorporés dans les directives européennes et dans les textes des Nations-Unies.
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Innovation : créer une zone innovante sur l'A9 en Bavière sur laquelle des tests pourraient être conduits par l'industrie et par les instituts de recherche, sur les véhicules autonomes et sur la route connectée (V2V et I2V ; lancer des programmes de recherche traitant en particulier des aspects mobilités, interfaces hommes -machines, validation fonctionnelle, dimension sociale et infrastructure ; subventionner et coordonner la recherche.
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Interconnectivité : mettre dans l'open-source les datas relative à la mobilité et au spatial et faire en sorte que les véhicules aient une information routière en temps réel ; coordonner et interconnecter les signaux routiers ; développer la cartographie de très haute précision.
La cybersécurité et la protection des données : la standardisation de la cybersécurité au niveau mondial ets a prise en compte dans les lois allemandes ; la protection des données personnelles.
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Dans le cadre de son plan d'actions le gouvernement fédéral allemand a présenté un projet de loi le 13 juin 2016 pour modifier la loi sur la circulation routière en vue de favoriser. Cette loi est actuellement en cours d'arbitrage au sein des ministères. Elle a pour objectif de créer une sécurité juridique pour l'usage des systèmes automatisés. Concrètement un automobiliste ne commettrait pas d'infraction s'il se détourne de ses tâches de conduite pourvu qu'il soit vigilant de manière à pouvoir reprendre la conduite, soit après appel par le système automatisé du véhicule, soit en réagissant à des erreurs techniques identifiables du système. Ainsi, la responsabilité pénale du propriétaire du véhicule ne pourrait être recherchée. Par contre sa responsabilité civile en tant que propriétaire du véhicule pourrait toujours l'être comme d'ailleurs celle du constructeur si le produit est défaillant. De plus cette loi rendrait obligatoire l'installation d'enregistreur de données dans le but de pouvoir déterminer si le système automatisé était actif au moment d'un accident. 5 - Australie : En Australie, la National Transport Commission a publié en novembre 2016 un rapport sous le titre « Regulatory reforms for automated road vehicles Policy Paper ». La DGITM en France en a fait, le 13 décembre 2016, le résumé suivant : « Le rapport de la Commission des transports australienne a identifié les principales barrières suivantes au développement du véhicule automatisé : absence de lignes directrices ou de conditions de tests sur routes cohérentes au niveau national, difficulté à définir qui est en contrôle du véhicule lorsque le conducteur doit superviser le système et reprendre la main sur requête du véhicule,
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interprétation caduque du critère de maîtrise appropriée du véhicule par la présence d'une main sur le volant, absence de cadre réglementaire pour les véhicules sans conducteur à bord, risque d'inapplicabilité du cadre de responsabilité et du régime d'assurance aux cas de véhicules sans conducteur à bord, incertitude sur les conditions d'accès aux données du véhicule, absence de règles de conception, de réception et de contrôle technique applicables aux véhicules automatisés, et notamment à leurs comportements sur route en termes de sécurité.
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Elle recommande des réformes séquencées en trois phases : Court terme : lignes directrices nationales pour les tests, applicables à tous les niveaux d'automatisation, portant en premier lieu sur les critères d'évaluation des niveaux d'automatisation les plus élevés, mécanismes de reconnaissance mutuelle entre juridictions territoriales, revue des cadres réglementaires territoriaux pour s'assurer qu'ils permettent : de fixer des exigences appropriées aux tests, de s'appliquer aux cas d'usage sans conducteur, clarification, dans les règles propres à chaque état, de « qui est maître du véhicule », définition des modalités de contrôle par les forces de l'ordre de la bonne maîtrise du véhicule, adaptées à tous les niveaux d'automatisation, maintien du principe que, tant que des règles différentes n'ont pas été produites, le conducteur reste pleinement responsable de la maîtrise du véhicule.
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Moyen terme : élaboration d'un système de contrôle des performances de sécurité des véhicules et de leur gestion des données : principes de sécurité, critères, modèles et processus opérationnels, évaluation des coûts et de la charge administrative, gouvernance et financement, élargissement de la définition du conducteur vers le concept de « conduite », afin, en priorité, de s'assurer que les véhicules autonomes restent couverts par l'obligation d'assurance pour les dommages aux tiers.
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Long terme : promouvoir le développement de réglementations techniques adaptées à tous les niveaux d'automatisation au sein du WP29.
La Commission identifie également des points de vigilance ou à creuser : prise en compte des modifications de véhicules et mises à jour logicielles dans le système de contrôle, définition des responsabilités : a priori, la clarification de la notion de « maîtrise du véhicule » devrait suffire ; veille particulière sur d'éventuelles mises en cause de la responsabilité des gestionnaires routiers, règles d'utilisation des données du véhicule pour déterminer qui est en situation de contrôle du véhicule, règles d'utilisation des données du véhicule pour la définition des responsabilités ou fautes, règles appropriées d'accès et de réutilisation des données du véhicule, pour des usages approuvés, en tenant compte des objectifs de sécurité routière et d'exploitation efficace des réseaux, et des objectifs d'intégrité des systèmes, protection de la vie privée : a priori, les règles actuelles s'appliquent aux véhicules autonomes ; veille sur le besoin d'éventuellement adapter les règles d'accès par les forces de l'ordre. ».
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Annexe 8 : Véhicules automatisés et sécurité routière
1 - Durant la longue phase de déploiement des véhicules autonomes, la sécurité routière doit demeurer au coeur de toutes les attentions 1.1 - Un enjeu important qui nécessite une approche globale Pour les pouvoirs publics, la sécurité routière est le premier enjeu des véhicules autonomes. S'il est démontré ou perçu que ces véhicules améliorent la sécurité routière, leur développement sera encouragé, et il sera rapide. En cas de doute, alors le progrès sera ralenti ou impossible. Un accident est la conséquence d'un dysfonctionnement du système homme - véhicule - environnement. En France, les analyses démontrent qu'aujourd'hui, l'accidentologie est avant tout liée aux comportements : ils sont en cause dans 90 % des accidents mortels. Pour réduire la mortalité et la morbidité routières, il faut d'abord éviter l'accident et ensuite minimiser ses conséquences lorsqu'il se produit. Il faut donc aujourd'hui agir en trois domaines : la sécurité des véhicules, la qualité des infrastructures et l'adaptation des comportements. Avec le déploiement progressif des véhicules autonomes, il faudra peu à peu adapter la politique de sécurité routière et ses règles. Une approche globale est nécessaire.
APPROCHE GLOBALE POUR AMELIORER LA SECURITE ROUTIERE AVEC LES VA Eviter l'accident
COMPORTEMENT
Minimiser les conséquences de l'accident
COMPORTEMENTS
VA pour réduire les erreurs humaines (alcool, distracteurs, vigilance, vitesse, stupéfiants, ...) Former les conducteurs (connaître, maîtriser IHM et reprise en mains, éviter comportements défaillants, ) Règlementer: contrôle, sanction
Réduire les délais d'intervention: Ecall et facilitation d'accès des secours collecter des informations préalables (véhicules, victimes...)
VEHICULES
Assurer la fiabilité des systèmes et équipements: Homologation, certification; connectivité VtoV... Assurer l'entretien préventif
SECURITE ROUTIERE AMELIOREE
VEHICULES
Ceintures, airbags, absorption des chocs... Appels automatiques: e-call
INFRASTRUCTURES INFRASTRUCTURES
Améliorer la lisibilité de la route fiabiliser et développer VtoI
éviter le sur accident: information des autres véhicules ... VtoV et VtoI
Assurer la cybersécurité
Des véhicules, des transmissions, des plateformes...
Source : mission IGA-CGEDD
Pour obtenir une amélioration de la sécurité routière il est donc nécessaire d'agir sur plusieurs domaines : Agir sur la fiabilité et la sécurité des équipements des véhicules matériels et logiciels (voir annexe 5) et sur la certification et l'homologation. Il faut agir sur la qualité et la fiabilité des infrastructures. Il faut agir sur la réglementation et il faut agir sur la Cyber sécurité (voir annexe 8). Les comportements et la formation sont les deux derniers champs d'action. Ils sont traités dans cette annexe.
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1.2 - Les statistiques de la sécurité routière en France montrent que l'accidentalité est avant tout liée aux comportements La politique de sécurité routière vise à réduire l'accidentalité routière, le nombre de morts et de blessés sur la route. Elle concerne de nombreux acteurs au sein de l'Etat, les collectivités territoriales, essentiellement départements, communes et agglomérations, ainsi que des acteurs privés comme les assureurs, les constructeurs automobiles et les associations de prévention routière ou de défense des usagers de la route. Cette politique a permis de réduire substantiellement le nombre de morts sur la route. Ce dernier est ainsi passé de 18 000 morts au début des années 70, à 8 000 morts en 2000 et 3 268 morts en 2013. Si l'on prend en compte l'augmentation du trafic durant les dernières décennies, la performance est encore plus remarquable. Ce nombre est reparti à la hausse en 2014 (3 384 morts) et en 2015 (3 461 morts), ces deux années générant le même nombre annuel de blessés graves environ 35 000.
La réduction du nombre de morts et de blessés ne suit pas la même pente selon que l'on est automobiliste, pilote de deux-roues, piéton ou conducteur de poids lourds.
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Un accident est la conséquence d'un dysfonctionnement du système homme-véhicule-environnement. C'est dans les interactions de ces trois composantes qu'il faut chercher les relations causales menant à l'accident. Cette approche permet de mieux comprendre l'accident et de trouver des actions pour y remédier. Les exploitations des enquêtes RÉAGIR avaient permis d'évaluer dans les années 1990-2000 la part de chacune des composantes dans les accidents graves et mortels et d'en décliner les facteurs principaux. Dans 90 % des accidents, la composante « comportement » était présente. Des mesures d'éducation, de prévention et de répression ont été prises visant à agir sur les comportements susceptibles de générer des accidents. Quelques éléments statistiques61 récents montrent qu'il est déterminant d'agir sur les comportements : Sur 20132015 le poids des facteurs comportementaux (en causes multiples) dans les accidents mortels est de 30,5 % pour l'alcool, 23 % en présence de stupéfiants, 21 % pour non port de la ceinture (pour les automobilistes, 38 % pour les véhicules utilitaires et 36 % pour les poids lourds), 9 % en raison d'un malaise ou de la fatigue ; S'agissant des auteurs présumés d'accidents mortels. Les causes relevées (en multifactoriel) sur 18 mois pour (20142015) sont : vitesse (32 % des cas), alcool (21 %), non-respect des priorités (13 %), stupéfiants (9 %) dépassement dangereux (4 %), malaise (3 %), somnolence (2 %) contresens (2 %), changement de file (2 %), obstacle sur voie circulée (2 %), non-respect des distances (0 %), inattention (8 %), téléphone (1 %), facteurs véhicule (1 %), autres causes (13 %), cause indéterminée (9 %) ; La part de mortalité des 65 ans et plus est passée de 19 % en 2010 à 25 % en 2015 (ils représentent 19 % de la population) ; 62,8 % de la mortalité se situent sur les routes hors agglomération, 8,6 % sur les autoroutes et 28,5 % en agglomération ;
Source ONISR et bilan annuel de la DSCR.
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Depuis deux ans les vitesses moyennes pratiquées ont augmenté de 4 km/h sur autoroute, 2 km/h sur les routes à 2 × 2 voies, la tendance semble remonter en ville. 30,5 % des personnes tuées le sont dans un accident dans lequel au moins un conducteur/piétons avait un taux d'alcool supérieur à 0,5 g par litre. 18 % des conducteurs ou piétons impliqués dans un accident mortel ont un taux d'alcool supérieur à 0,5 g par litre.
Cependant on peut penser que l'action des véhicules automatisés ne réduirait pas de 90 % le nombre d'accidents de la route, y compris dans le cas où tous les véhicules légers et les poids lourds seraient automatisés. En effet : De ce taux de 90 % il faudrait en effet retirer les véhicules non automatisés qui ont eu des accidents en solo, par exemple pour 2015 (24 morts en vélo, 57 à cyclomoteur, 220 à moto soit 8,7 % des tués). Les véhicules automatisés pourraient dans un premier temps équiper des conducteurs plus aisés et plus âgés, or on recense un tué sur cinq dans un accident impliquant un conducteur novice. S'agissant des causes, les causes comportementales (vitesse, alcool, stupéfiants, priorités) sont plus l'apanage des jeunes (93,5 % pour les 18-24 ans) que des tranches d'âge supérieures (58 % pour les 45-64 ans et 42,5 % pour les 65 et plus). Les deux-roues motorisés représentent 43 % des blessés graves, 22 % des personnes tuées, 31 % des blessés hospitalisés et moins de 2 % du trafic motorisé. Les 15-29 ans représentent 35 % des blessés graves, 31 % des personnes tuées. 70 % des blessés graves sont des usagers vulnérables (motocyclistes cyclomotoristes cyclistes et piétons). Impact de l'état du véhicule : en 2015, 128 personnes tuées (3,7 %) et 650 blessés hospitalisés l'ont été dans un accident dans lequel un véhicule présentait une défaillance technique visible (pneumatiques, éclairage, défectuosité mécanique). En 2015, 24,5 millions de contrôles techniques ont été réalisés dont 19,8 millions concernaient les véhicules particuliers et véhicules utilitaires légers, avec 3,6 millions de situations non-conformes, soit 18 %, générant obligation de contre-visite. Les défauts constatés portent sur les pneumatiques pour 39 % et les disques de freins pour 22 %. Impact de l'infrastructure : environ 30 % des accidents mortels des usagers de 2RM ont lieu lors de heurts contre des obstacles fixes notamment les glissières métalliques et les arbres. 54 motocyclistes ont été tués alors que leur véhicule a heurté un arbre ou un poteau et 31 une glissière métallique. (13,6 % des tués).
2 - Le lien entre l'automatisation croissante des véhicules et l'amélioration de la sécurité routière reste à démontrer Plusieurs études étrangères, notamment en Europe et aux États-Unis, ont conclu que l'automatisation automobile améliorerait la sécurité routière. Mais la force et les conditions de cette amélioration n'ont jamais été mesurées. Certes, les aides à la conduite réduisent des comportements défaillants : excès de vitesse, état d'ébriété, violation des priorités, usage de smartphone, consommation de stupéfiants, situation de malaise, somnolence, défaut d'entretien... Mais un véhicule autonome introduit une nouvelle complexité: sa sûreté n'est pas la simple somme des sûretés de fonctionnement de chaque composant. La Mission note qu'aucune étude française, adaptée au cas de notre pays, formant une analyse complète, n'a jamais été entreprise ni commandée. 2.1. - Plusieurs études étrangères confortent l'idée d'un lien fort entre les véhicules automatisés et l'accroissement de sécurité Il est sûr que les aides à la conduite (ADAS) améliorent la sécurité routière. Mais la démonstration de sécurité des véhicules automatisés reste une question difficile.
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Une étude américaine de la NHTSA (juillet 2014)62 analyse et résume 79 rapports (dont 65 seraient en relation avec la Commission européenne) ; un seul de ces rapports semble français. Dans la bibliographie de leur présentation, les auteurs ont cité 240 ouvrages ; deux seulement semblent écrits par un Français, une équipe française ou un organisme français. Le rapport de novembre 2015 de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) au ministère chargé de l'environnement et des transports63 , a donné la liste des 48 rapports analysés par les fonctionnaires de la DGITM : Dans ces 48 rapports, seuls 4 apparaissent avoir été faits par des équipes françaises. Les aides à la conduite sont de plus en plus nombreuses et puissantes. Avant même de mesurer l'amélioration de la sécurité apportée par l'autonomie ou la semi-autonomie de conduite, il faut mesurer les améliorations de sécurité permises par ces aides aujourd'hui et demain. Selon l'Institut Vedecom, ces aides préparent rapidement l'avènement du véhicule autonome. Vedecom a conclu de ses études que le véhicule autonome apporterait sans aucun doute de gros avantages au regard de la sécurité. Le projet européen PreVAL64 était un important projet de recherches sur la sécurité des véhicules routiers. Une synthèse des avantages des systèmes protégeant les véhicules a été présentée en 2006.
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Effets les plus probables des fonctions de sécurité sur la mortalité et les blessures avec un taux de pénétration des systèmes dans les flottes routières de 100 %
Fonction de sécurité APALACI/COMPOSE (systèmes pour prévenir les collisions) INTERSAFE (systèmes pour la conduite sûre dans les intersections) MAPS&ADAS (systèmes d'utilisation et de création des cartes nécessaires à la conduite en sécurité et aux aides à la conduite) SAFELANE (systèmes d'aide au maintien du véhicule dans sa voie) SASPENCE (systèmes de maintien des bonnes vitesses et des bonnes distances de sécurité)
Effet sur la mortalité -19,6 %
Effet sur les blessures -14,3 %
-0,6 %
-1,5 %
-13,1 %
-8,2 %
-13,5 %
-9,5 %
-6,5 %
-3,8 %
Source : Mission IGA-CGEDD
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Une étude de l'Insurance Institute for Highway Safety (IIHS) aux États-Unis, dont les résultats ont été publiés en 2010, a démontré que la sécurité des véhicules les plus récents avait augmenté : « Un accident mortel sur trois et un accident sur cinq ayant entraîné des blessures sérieuses modérées (voitures particulières) pourraient être évités par ces systèmes. 1,9 millions d'accidents pourraient être empêchés ou atténués chaque année pour les véhicules équipés avec quatre
« Human Factors Evaluation of Level 2 And Level 3 Automated Driving Concepts Past Research, State of Automation Technology, and Emerging System Concepts » (par T. E. Trimble, Bishop R., J. F. Morgan et M. Blanco). 63 « Véhicule à délégation de conduite et politiques des transports Synthèse bibliographique », 64 Preventive and Active Safety Applications Integrated Project/ délivrable appelé « IP Deliverable IP_D12/D16.4 Project final report e and recommendations for future assessments ». 6 programme-cadre de l'Union européenne.
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systèmes déjà sur le marché [ lane departure warning/prevention, forward collision warning/mitigation, side view assist (also known as blind spot detection), and adaptive headlights] : » (in « New estimates of benefits of crash avoidance on passenger vehicles » publié le 20 mai 2010).Selon l'IIHS, « si chaque véhicule sur la route était équipé avec « forward collision warning, lane departure warning, blind spot detection and adaptive headlights » presque un tiers de tous les accidents pourraient potentiellement être empêchés ou atténués » (cf. « They're working Insurance claims data show which new technologies are preventing crashes » publié le 3 juillet 2012, qui donne des précisions sur les avantages apportés par les quatre systèmes de sécurité). Dans un article le mars 2014, Thierry Fraichard (de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) a montré qu'en raison de l'impossibilité de prévoir l'évolution de l'environnement d'un véhicule autonome, il ne serait jamais possible d'assurer qu'un système de sécurité rendrait impossible tout accident. D'où cette conclusion : « pour compenser cette dure vérité nous avons préconisé des niveaux plus faibles de sécurité comme une réponse possible à notre question initiale». L'étude de Swiss Re Group et Here sur « The future of motor insurance »65 achevée en 2016 par Andrea Keller (Swiss Re) et Bernd Fastenrath (Here), montre que dans les quatorze plus grands marchés, les primes auraient augmenté de 510 milliards de dollars en 2015 à 616 milliards en 2020 : mais en réalité, le total ne serait plus que de 594 milliards, en baisse de 22 milliards, en raison de l'amélioration de la sécurité. Et cette tendance se poursuivrait.
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Le marché des ADAS (Advanced Driver Assistance Systems) va rapidement se développer selon les deux auteurs. La demande des acheteurs devient de plus en plus grande. Et ces ADAS contribueraient fortement à diminuer les accidents de la route66, compte tenu de la nature même des causes d'accident ainsi que le montre le tableau ci-dessous qui regarde la situation au Royaume-Uni. Les données de l'Insurance Institute for Highway Safety (IIHS) et de l'Highway Loss Data Institute (HLDI) aux États-Unis ont démontré67 en mars 2016 que les dommages diminuent quand les voitures sont équipées de systèmes prévenant les collisions, notamment les freinages automatiques (les résultats dépendent des constructeurs) : « résultats en provenance de 22 états dans la période 2010/2014 : les systèmes d'avertissement collision avant réduisent les percussions arrière de 23 %, et de 40 % s'ils sont associés au freinage d'urgence. The Highway Loss Data Institute (HLDI) a conduit des études similaires (il a étudié 11 systèmes de prévention d'accidents par l'avant, de six fabricants) les taux de réclamation pour ces véhicules sont inférieurs à la moyenne d'environ 10 à 15 %, mais en incluant toutes les configurations d'accident) ». S'agissant des voitures connectées les unes aux autres (V2V), l'IIHS a ajouté : une étude pilote en 2013 à AnnArbor (Michigan) a montré que les technologies de véhicules connectés (2 800 véhicules et 29 infrastructures routières) entre eux réduiraient les dégâts et les blessures. Le programme
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« The future of motor insurance - How car connectivity and ADAS are impacting the market ». Dans un rapport intitulé « Position paper regarding parking and manoeuvring accidents » du 2 juin 2015, le RCAR (Research Council for Automobile Repairs), après une analyse des statistiques de compagnies d'assurances en Allemagne, en Australie, en Corée du Sud, aux États-Unis, au Japon, au Royaume-Uni et en Suède, a conclu à l'importance des accidents (entre 10 % et 30 % des dommages) dus aux stationnements et aux manoeuvres à faible vitesse, surtout en reculant, surtout aussi en sortant d'une place de parking. Trois études faites par AZT (Allemagne), Folksam (Suède) et HLDI (États-Unis) ont donné des résultats différents quant aux avantages des capteurs pour aider aux manoeuvres : il y en a qui diminuent le nombre des accidents, d'autres sont sans effet, d'autres encore apparaissent l'augmenter. 67 Cf. résultats de l'étude appelée « Crash avoidance technologies », publiés en mars 2016 sur le site Internet des deux instituts américains.
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américain de recherches appelé « Connected Vehicle Safety Pilot68 », a donné lieu à un rapport final publié en septembre 2015. Le Parlement européen a publié en 2016 un rapport intitulé « Reseach for TRAN Committee - Selfpiloted cars : the future of road transport ? », rédigé par la société Steer Davies Gleave pour le Comité du transport et du tourisme dudit Parlement européen. « Tandis que les effets de sécurité de certains de ces systèmes sont palpables, par exemple des systèmes antiblocages (ABS) dans les voitures, dans d'autres cas il n'y a aucune preuve claire d'amélioration de la sécurité... Au RoyaumeUni à Thatcham le centre de recherches de réparations d'assurance automobile britannique a montré que les ADAS apportent une contribution significative pour réduire le nombre et la gravité des accidents. Exemple le freinage d'urgence (AEB) qui équipe les véhicules courants depuis 2008 a conduit à une réduction d'un tiers des accidents et de 15 % des blessés... L'association des assureurs britanniques s'attend à ce que l'introduction de véhicules connectés autonomes sauve plus de 2 500 vies et empêche plus de 25 000 accidents graves au royaume uni avant 2030. Cependant la sécurité effective, efficace, des systèmes automatisés doit encore être démontrée. C'est le cas notamment par mauvaises conditions météorologiques ou des conditions de visibilité et d'infrastructures complexes. Cela passe par des expérimentations et des tests afin de s'assurer que ces véhicules peuvent sans risque interagir avec d'autres usagers de la route. Un autre défi est de voir comment les véhicules autonomes réagissent dans un environnement d'utilisation mixte. La technologie devrait s'adapter au recours progressif à l'automatisation de véhicules dans la flotte circulante. ». La National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) aux États-Unis (cf. Office of Crash Avoidance Research Technical Publications), qui dépend de l'U.S. Department of Transportation, a publié de nombreuses études apportant des faits et arguments sur l'augmentation de la sécurité des véhicules automatisés ou connectés. Ainsi cinq études ont été publiées en 2016 et 11 en 2015.
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Selon la DSCR, « Il n'existe pas d'étude sur la mesure de l'amélioration générale de la sécurité routière qui serait apportée par les véhicules autonomes. ». La mission a constaté ce manque surprenant, sur le terrain et dans la documentation, alors qu'à l'étranger plusieurs études ont déjà été conduites. Selon Hélène Tategrain (LESCOT IFSTTAR Bron), nous n'avons pas de données assez fines en accidentologie pour affirmer un lien entre le véhicule automatisé ou les ADAS et la baisse proportionnelle de la sécurité. De plus il y aura de nouvelles situations qui ne sont pas critiques aujourd'hui. Des études sont indispensables pour étayer ce que nous ressentons intuitivement à savoir l'amélioration de la sécurité routière grâce aux véhicules automatisés. Il est tout aussi important que ces études soient adaptées à la typologie de l'accidentologie de notre pays et à sa culture. En outre aucune commission du conseil national de sécurité routière (CNSR) ne traite aujourd'hui en profondeur de la problématique des véhicules connectés et automatisés. Cette veille de « sécurité routière » est nécessaire, pour anticiper, faire de la prospective et des propositions. 2.2. - Des innovations qui pourraient avoir un effet significatif sur la baisse de l'accidentalité Il semble de bon sens que les véhicules automatisés auront un effet positif sur la baisse de l'accidentalité telle que nous la connaissons aujourd'hui. En effet ils ne conduiront jamais ivres, ni sous l'emprise de stupéfiants, ils ne sont pas sensibles aux distracteurs. Ils ne se fatiguent pas, ils restent vigilants et leur temps de réaction est plus rapide que celui des humains. Ils voient à 360°, sans angles morts. Ils apportent enfin des informations au conducteur sur son propre état, ainsi que sur celui du véhicule.
Piloté par le Volpe National Transportation Systems Center (U. S. Department of Transportation, Intelligent Transportation Systems Joint Program Office), rapport: « Safety Pilot Model Deployment Lessons Learned and Recommendations for Future Connected Vehicle Activities ».
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D'après une étude CETELEM en 2016 : « Pour agir sur la sécurité routière, la pratique de l'éco-conduite a prouvé son efficacité : ainsi, les données émanant d'entreprises dont les salariés ont fait l'objet de formations spécifiques, traduisent une baisse significative des accidents, de l'ordre de 15 %. Avec la voiture connectée, c'est en permanence que le conducteur peut recevoir des informations sur son comportement de conduite et plus précisément sur le caractère risqué de ses actions. Plus généralement, les modules de contrôle de l'aptitude du conducteur à prendre le volant se développent à bord des véhicules69. Abus d'alcool, consommation de stupéfiants, somnolence (26 % des tués sur autoroute par exemple, soit 78 personnes en 2015)... : les nouvelles générations d'équipements embarqués permettront d'alerter le conducteur de son état avant qu'il ne prenne la route, voire même de bloquer son véhicule en cas de comportement inadapté et d'alerter les autres usagers de la route. Par ailleurs, le déclenchement des secours constitue une étape décisive en déterminant une partie du bilan traumatique. Obligatoire à partir d'avril 2018 pour toutes les voitures neuves commercialisées dans l'Union européenne, l'aide d'urgence géolocalisée, connue sous le nom d'e-Call, est conçue pour se déclencher en cas de choc et lancer immédiatement et automatiquement une notification à un centre de secours, quel que soit l'état de choc du ou des passagers. Anticiper les défaillances du véhicule avec la maintenance préventive : Entretien et sécurité vont de pair : un véhicule bien entretenu limite en effet les risques de panne, voire d'accident, car il réagit mieux dans les situations difficiles. Avec le véhicule connecté, la maintenance curative laisse place à la maintenance préventive en garantissant un échange permanent et direct entre le véhicule et le constructeur ou le garage chargé de son entretien. Les données relatives à la sécurité et à l'usure des pièces sont ainsi remontées automatiquement, permettant la réparation du véhicule à distance, ou a minima l'information du conducteur d'un éventuel entretien à effectuer pour éviter toute panne ». On pourrait encore ajouter aux avantages l'assistance aux conducteurs qui ne seraient plus guère en état de conduire. Le 26 juillet 2016, Joshua Neally, circulant vers le sud dans sa Tesla Model X en mode autonome sur autoroute entre son bureau et sa demeure, fut soudainement pris, cinq milles avant d'arriver d'intenses douleurs, qui se révélèrent être les effets d'une dangereuse embolie pulmonaire. Malgré la souffrance qui l'empêchait de conduire convenablement il choisit de rouler en mode autonome jusqu'à un hôpital à 20 milles. Après une sortie faite en mode manuel, il put arrêter sa voiture, et se présenter sans délai aux urgences. Les médecins lui dirent plus tard qu'il avait de la chance d'être encore vivant. Le LAVIA, (limiteur s'adaptant à la vitesse autorisée) qui empêche de dépasser la vitesse limitée sur la portion sur laquelle le véhicule roule. Ce système existe aujourd'hui sur un modèle de Ford. Certaines associations souhaitent le rendre obligatoire 70 . Une cartographie précise et à jour des vitesses autorisées surtout les tronçons de circulation est indispensable à son fonctionnement, ainsi qu'une harmonisation des vitesses sur les parcours linéaires71. La DSCR annonce que cette cartographie nationale sera établie sous deux ans. En conséquence, dans le cadre d'une politique de sécurité routière forte, est-il concevable et cohérent, à partir du niveau trois, de ne pas équiper les véhicules qui sortent, d'un LAVIA obligatoire72 ? Cet outil pourrait éventuellement être débrayable, sous certaines conditions, pour garder de la réserve de puissance dans une situation dangereuse. L'EAD (Éthylotest anti démarrage). Le contrôle de l'alcoolémie par éthylotest au démarrage est envisageable pour les récidivistes comme le mentionnait le rapport sur l'évaluation de la politique publique de sécurité routière (juillet 2014) : « La généralisation de l'immobilisation du véhicule ou
La Supervision de l'attention du conducteur se discute actuellement au WP29. Ligue contre la violence routière. 71 Lors de la mission sur l'évaluation de la politique publique de sécurité routière en 2014, 35,5 % des préfectures avaient répondu qu'elles constataient un problème de lisibilité des vitesses sur les réseaux. 72 Selon Stéphanie Bordel (CEREMA) au début les participants à une étude d'acceptabilité sur le LAVIA étaient réfractaires, puis il est devenu plus acceptable depuis le contrôle sanction automatisé, selon la logique « J'accepte de perdre du contrôle car je suis gagnant ».
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l'obligation d'éthylotest anti-démarrage diminuerait le risque de récidive. Pour les délits les plus graves, l'immobilisation, voire la confiscation du véhicule, ainsi qu'en matière d'alcoolémie en récidive, l'obligation d'installation d'un EAD serait plus efficace que le retrait de permis de conduire. Ces mesures éviteraient aux forces de l'ordre d'avoir à relever à répétition des infractions concernant les mêmes délinquants, ce qui est assez démobilisateur. En 2011, en Europe, l'alcool est impliqué chaque année dans 25 à 30 % des accidents mortels ; hors accident, 2 % des conducteurs sont contrôlés avec un taux d'alcool supérieur au taux légal. À l'évidence les véhicules automatisés pourraient à terme, réduire considérablement l'accidentologie routière. Néanmoins l'intégration progressive de véhicules automatisés dans la circulation routière amènera de nouveaux cas d'usage, de nouveaux comportements et vraisemblablement de nouvelles situations accidentogènes. 3 - Le déploiement des véhicules autonomes fera courir de nouveaux risques qu'il faut vite connaître et maitriser Plusieurs accidents mettant en cause la responsabilité des véhicules autonomes ont déjà été étudiés (Google Car et Tesla). Les accidents mortels d'une Tesla en janvier 2016 en Chine (province du Hebei) et d'un autre Tesla le 7 mai 2016 aux États-Unis (en Floride) sont les plus inquiétants ; ils montrent à tout le moins les dangers du niveau 3. L'analyse des causes établies et probables fait apparaître une nouvelle accidentologie. Les nouveaux types de danger se rapportent d'abord à la longue période de cohabitation prévisible entre les véhicules autonomes et les autres. Ils pourraient résulter aussi des défaillances des systèmes techniques : bugs, usure, conditions d'utilisation, robustesse, fiabilité, lisibilité de la route, conditions météo... Les risques pourront aussi découler de l'émergence de comportements accidentogènes nouveaux : excès de confiance du conducteur (et donc, par exemple, dépassement du taux d'alcoolémie), multiplication de situations dégradées, non vigilance au niveau 3 ou 4, mauvaise posture dans le véhicule, etc. La reprise en main du véhicule par le conducteur, lorsque le système le demande par une alerte (au niveau 3 ou 4), et la mise en sécurité du véhicule si le conducteur ne répond pas à l'injonction, sont actuellement les deux questions les plus difficiles à dénouer par les industriels. La reprise en main se heurte à des problèmes neurologiques et psychologiques. Les temps minimaux de reprise en main sont différents selon les études, mais un consensus pour un temps de 10 secondes semble se dégager73. Gardons bien à l'esprit néanmoins qu'un tel délai peut être très long à vitesse élevée, pour ce qui concerne le niveau 3 ou le niveau 474. 3.1. - Des accidents déjà répertoriés Le premier accident de la Google Car a eu lieu le 14 février 2016. Circulant sur la voie de droite d'un grand boulevard, la voiture autonome a détecté la présence d'un obstacle sur sa voie (en travaux), ce qui l'a forcée à se rabattre sur la file de gauche. Cependant un bus était, à cet instant, légèrement en retrait sur la file de gauche. La Google Car a bien détecté la présence de ce bus mais s'est engagée sur la voie en pensant (à tort) que ce dernier ralentirait ou s'arrêterait pour la laisser passer. L'aile avant gauche de la voiture est
Comme il a été dit précédemment à propos notamment des études de l'IFSTTAR, les temps de réaction vont de 2 à 40 secondes. Le temps de 2 secondes est le délai entre le début de l'alerte et le placement des mains et des pieds sur les leviers de conduite, selon un rapport publié en août 2015 par laNHTSA (National Highway Traffic Safety Administration aux Etats-Unis). Le temps de 5 secondes est retenu dans la thèse de William Payre en 2015 (avec IFSTTAR). Le temps de 40 secondes est mentionné dans une étude de l'Université de Leeds publiée en novembre 2014 : elle a démontré qu'il faut ce long délai pour que la conduite redevienne tout à fait normale et stable (sans petits coups de volant à droite ou à gauche, sans regard erratique). 74 Pour Julien CESTAC (IFSTTAR) et Stéphanie BORDEL (CEREMA), les niveaux 3 et 4 resteront toujours dangereux.
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venue percuter le côté droit du bus. Tout l'intérêt de cet incident réside dans le fait que l'algorithme de Google ait essayé d'anticiper et surtout de prendre en compte un comportement humain. On peut penser que si l'algorithme avait été moins évolué, il se serait simplement contenté d'arrêter la voiture et d'attendre une meilleure opportunité pour s'insérer sur le boulevard. Il ne n'agit pas en effet d'une erreur de détection (les capteurs de la voiture ont bien enregistré la position et la vitesse du bus concerné) mais d'interprétation. Ce comportement s'ancre dans la logique de Google, qui essaye de doter ses prototypes autonomes d'une conduite plus « humaine » (par exemple sur la trajectoire qu'empruntent les Google Car lors des virages). Le premier accident mortel d'une Tesla Model S avec Autopilot est survenu le 7 mai 2016 sur la grande route à chaussées séparées en Floride (États-Unis). Il a tué son conducteur75 sur le coup. La Tesla était alors en mode autonome : le système Autopilot était enclenché. Ni le conducteur ni le système n'avaient détecté la présence d'un camion avec semi-remorque76 au flanc de couleur blanche qui traversait la route devant un ciel particulièrement brillant. La visibilité était alors excellente, la luminosité du ciel mise à part ; il ne pleuvait pas ; la route est très droite en ce lieu. Le conducteur de la Tesla roulait avec le soleil dans le dos. Selon le rapport préliminaire du National Transportation Safety Board (NTSB), la voiture en mode autonome roulait à 74 milles à l'heure juste avant l'impact, bien au-dessus de la vitesse maximale qui était autorisée sur cette portion de route (65 milles à l'heure). La société Tesla a précisé que c'était le premier accident mortel de ce modèle de voiture avec Autopilot en 130 millions de milles. Dans son communiqué du 30 juin 2016 à propos de ce qu'elle a appelé « A Tragic Loss », la société Tesla a rappelé le fonctionnement de son système Autopilot : « un système en phase beta qui nécessite que le conducteur garde ses mains sur le volant tout le temps et qu'il garde le contrôle et la responsabilité de son véhicule, même si l'auto pilote est engagé le conducteur doit être prêt à prendre la main à n'importe quel moment. Le système vérifie régulièrement que les mains du pilote sont sur le volant et l'alerte si ce n'est pas le cas (visuel et auditif). Il ralentit progressivement jusqu'à ce que les mains soient à nouveau détectées. ». Selon les calculs du Dr Alexander Hars, l'auteur, le camion a commencé son dangereux tourne-à-gauche dix secondes avant l'accident, un délai suffisant pour permettre normalement au conducteur de la Tesla (alors à 280 mètres environ) de déceler le début de la manoeuvre. Six secondes avec l'accident, il était évident pour tout conducteur attentif, que le camion commençait à traverser la route et qu'il ne s'arrêterait pas avant de l'avoir entièrement traversée ; trois secondes avant l'accident, il était trop tard pour que la Tesla freine et pare au choc. Pour que l'accident fût évité, sachant que l'Autopilot de la Tesla ne fonctionnait pas, il eût fallu que le conducteur réagisse entre la sixième et la troisième seconde avant l'impact. La conclusion de l'analyse faite par le Dr Hars est catégorique : parce qu'il avait sans doute relâché son attention77 depuis quelque temps, parce qu'il avait confiance dans l'Autopilot (dont il louait les qualités dans les vidéos qu'il publiait sur YouTube mais dont il avait néanmoins mesuré les limites78), le conducteur Joshua Brown n'aurait jamais pu freiner à temps. Le directeur général de Tesla (Elon Musk) a affirmé le 30 juin 2016 « le radar a pris la remorque (haute sur ses roues) pour un panneau de signalisation routière surplombant la route. ». En outre le freinage automatique d'urgence ne s'est pas déclenché.
Fier de sa Tesla Model S (qu'il avait nommée Tessy), féru de nouvelles technologies, Joshua Brown publiait des vidéos de ses conduites au volant sur la chaîne YouTube qu'il avait créée. Âgé de 40 ans, après avoir servi durant plus de onze ans dans la marine (US Navy), il avait créé une entreprise dans les services Internet (Nexu Innovations) à Stow dans l'Ohio. 76 C'était « a 2014 Freightliner Cascadia truck-tractor in combination with a 53-foot semitrailer » (extrait de l'Executive Summary du rapport préliminaire du National Transportation Safety Board daté le 26 juillet 2016). La semi-remorque, sous laquelle est passée la Tesla, ne subit que très peu de dommages. 77 Le conducteur du camion (Frank Baressi) a déclaré que le conducteur de la Tesla regardait un film de Harry Potter au moment de l'accident. Le film passait encore sur l'écran après l'immobilisation de la voiture, selon F. Baressi. Mais la société Tesla a précisé qu'il était impossible de regarder un film sur l'écran embarqué de la voiture. 78 Dans un des commentaires ayant accompagné l'une de ses vidéos publiés sur YouTube, Joshua Brown, le propriétaire de la Tesla Model S, expliquait en effet : « A bigger danger at this stage of the development is getting someone too comfortable. You really do need to be paying attention at this point. This is early in the development and the human should be ready to intervene if [the Autopilot] can't do something. I talked in one of the other comments about the blind spots of the current hardware. There are some situations it doesn't do well in which is okay. It's not an autonomous car and they are learning HUGE amounts of data about the car doing the driving. I'm happy o help train it. I'm VERY curious what version 2 of the hardware will be like and what [it] will enable. ».
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Un autre accident, sans dommages autres que matériels, a eu lieu sur le périphérique de Pékin le 2 août 2016. Il confirme les dangers de l'Autopilot de Tesla. Dans ce cas une voiture est arrêt sur la partie arrêtée gauche d'une route à grande circulation. La tesla dépassa par la droite. L'Autopilot de la Tesla était alors enclenché. Mais la Tesla ne se déporta pas suffisamment à droite. Avec fracas, le flanc gauche de la Tesla glissa sur le flanc droit de la Santana arrêtée ; le conducteur arrêta manuellement sa Tesla un peu plus loin it sur la même file (file de gauche) de l'autoroute. Le conducteur chinois a précisé plus tard que lors de l'accident, il n'avait pas les mains sur le volant, et qu'il était occupé à son smartphone. Le conducteur a fait était valoir que sa Tesla lui avait été vendue comme un véhicule capable d'autonomie), et que la société Tesla dupait donc tous ses clients en Chine79.
La voiture Tesla Model S juste une fraction de seconde avant l'accident survenu en janvier 2016 dans la province du Hebei en Chine
(source : photographie extraite d'une vidéo prise dans la voiture et publiée par le média CCTV)
À Ratzeburg en Allemagne le 28 septembre 2016, une voiture Tesla Model S, après un dépassement tandis qu'elle revenait dans son couloir, a heurté l'arrière d'un autobus de tourisme du Danemark. Les circonstances précises ne sont pas connues. La voiture circulait en mode autonome avec l'Autopilot. Selon mode le magazine Der Spiegel, le rapport interne du ministère allemand, blâme plusieurs défauts de l'Autopilot , de la Tesla, notamment parce que le conducteur n'est pas prévenu par le système de pilotage automatique lorsque le véhicule se trouve dans une situation que le système ne peut résoudre, parce que les capteurs ne e détectent pas assez loin lors des dépassements, parce que le freinage automatique d'urgence ne fonctionne pas convenablement. La réception légale en Europe de la voiture Tesla Model S a été faite par les autorités des Pays e Pays-Bas. Ces accidents montrent que la route est encore longue pour obtenir une sécurité acceptable en toutes circonstances. On y note différentes causes : un algorithme trop évolué interprétant une situation (Google) ; une sur confiance des conducteurs notamment au niveau 2 et 3 qui lâchent le volant des mains et s'occupent à autre chose qu la supervision de la conduite ; que
Cet accident ressemble beaucoup à celui qui était survenu le 19 mai 2016 sur une autoroute de Suisse. Une Tesla Model S sous Autopilot avait percuté l'arrière d'une camionnette garée, comme la Santana ci-dessus, contre le bord gauche de l'autoroute. Cet dessus, accident n'avait causé que des dommages matériels à l'avant de la Tesla. Selon les déclarations du conducteur suisse : (1) l'ADAS contrôlant la croisière n'avait pas commandé un freinage, (2) le freinage automatique d'urgence ne s'était pas déclenché, (3) l'alarme prévenant de la collision imminente s'était déclenchée bien trop tard, (4) l'ADAS contrôlant la croisière avait augm augmenté la vitesse de la Tesla juste avant que son conducteur n'appui sur la pédale de frein. n'appuie
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une confusion dans l'esprit des conducteurs entre le niveau 2 et le niveau 3 ; un problème de fiabilité des équipements : les capteurs par exemple ; la conception logicielle ne prenant pas encore en compte tous les cas d'usage.
3.2. - Un premier retour d'expérience des expérimentations De nombreuses expérimentations ont été conduites dans le monde. Le retour expérience de ces expérimentations permet une première analyse en matière d'accidentologie (ce point est traité en annexe 6). 3.3. - Cohabitation véhicules automatisés et véhicules non automatisés Dans un premier temps, il y aura une phase de transition durant laquelle devront coexister véhicules autonomes et véhicules pilotés par l'humain. Une phase de transition qui ne sera pas sans danger car le véhicule 100 % autonome sera bien en peine de prédire tous les comportements parfois aléatoires, soudains et potentiellement dangereux des automobilistes. Les conducteurs de voitures conventionnelles sont affrontés avec des voitures qui réagissent différemment aux manoeuvres. Cela pourrait aboutir à des situations potentiellement dangereuses : par exemple, le contact d'oeil pendant une manoeuvre n'est pas possible, rendant plus difficile de prévoir la réaction de l'autre voiture. 3.4. - Le véhicule automatisé induira des comportements nouveaux, et des situations nouvelles D'après Stéphanie Bordel80, il y a plusieurs freins au développement des ADAS : l'image que s'en font les gens (le bon conducteur est celui qui garde la main / Le conducteur n'accepte de lâcher une partie de son pouvoir de conduire que s'il reçoit une bonne contrepartie). L'optimisme comparatif est aussi un sérieux obstacle. Un autre trait de l'être humain qui fait problème est l'homéostasie du risque. Ces points sont développés dans l'annexe 12. De nouveaux comportements défaillants pourraient apparaître. Certains ont déjà été constatés. Par exemple des vidéos de conducteur de TESLA, à 180 km/h qui changent de siège ont déjà été vues sur YouTube... lors de l'accident du 7 mai 2016 le conducteur de la Tesla était totalement occupé à autre chose et à une vitesse bien supérieure à la vitesse autorisée. Lors de sa thèse William Payre81 a été surpris par la première réaction du panel lors de sa première étude: « chouette on va pouvoir conduire bourrés » (52 % sont favorables pour l'utilisation de véhicules automatisés et 75 % en cas de condition physique dégradée ; après avoir essayé l'acceptabilité monte a 62 %.). Dans sa deuxième étude sur le temps de réponse pour la reprise en main du véhicule : ceux qui sont sur confiants et pas entraînés sont plus lents que ceux qui n'ont pas été entraînés. En outre, selon une récente étude sur le réseau autoroutier, 40 % des 25-35 ans envoient des SMS ou des mails en conduisant. Et plus de la moitié des conducteurs affirment passer des coups de fils au volant. La position des conducteurs dans la voiture, au niveau 4 par exemple, lorsqu'ils seront occupés à d'autres activités que la conduite peut être très dangereuse. En effet les dispositifs de sécurité, airbag, ceinture de
Docteur en psychologue au Cerema, Stéphanie Bordel a travaillé depuis vingt ans à ce sujet, en particulier dans le cadre du projet Archos sur les premières automatisations (régulateurs de vitesse, etc.), du projet SARI (Surveillance automatisée des routes pour l'information des conducteurs et gestionnaires) et du projet SCOOP@F (liaisons I2V). Elle est présidente du GIS-ITS (Groupe d'intérêt scientifique sur les systèmes de transport intelligents, associant notamment l'Université Rennes 1, l'Université Rennes 2 et l'Institut national des sciences appliquées de Rennes ou INSA de Rennes). 81 (2012 2015) trois études dont deux en collaboration avec le LEPSIS. Facteurs clés : acceptabilité/confiance/apprentissage.
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sécurité sont adaptées à une position face à la route. En cas de choc dans une position différente les traumatismes pourraient être bien plus importants. Le LBMC laboratoire de biomécanique des chocs de l'IFSTTAR (Bron) travaille sur l'impact des chocs sur le corps humain82. Il préconise : « quel que soit le niveau il faut exiger dans le code de la route, que l'on soit ceinturé et bien positionné (postures). ». Enfin dans un système de flottes de véhicules partagés, il est probable qu'il y ait plus de personnes dans chaque véhicule. Ce qui signifie potentiellement une aggravation du risque. De plus il devrait y avoir une augmentation de la circulation donc une augmentation de la fréquence et de l'occurrence du risque. 3.5. - La difficile question de la reprise en main du véhicule par le conducteur Dans certaines situations le véhicule alerte le conducteur et lui rend la main. Ces situations posent des problèmes inédits. Elles sont traitées à l'annexe 4. Le déploiement commercial des véhicules autonomes réclame de ne pas relâcher l'attention sur l'effort de prévention et de répression routières engagé depuis plusieurs années. Il faut que l'amélioration de sécurité qu'ils peuvent apporter soit très nettement supérieure en toutes circonstances aux nouveaux risques qu'ils engendreront. 4. - Les conducteurs devront être mieux formés et renseignés sur la conduite déléguée des véhicules autonomes 4.1. - Les conducteurs devront apprendre une nouvelle manière de conduire Les véhicules autonomes nécessiteront un apprentissage spécifique, car les automatismes réclament des aptitudes nouvelles. D'abord au niveau du maniement du véhicule et du déclenchement des automatismes pour contrôler la vitesse, la direction, la position. Ensuite pour la maîtrise des situations de circulation, en s'adaptant aux exigences concrètes. En troisième lieu au niveau du contexte social et des objectifs de la conduite automobile pour le conducteur. Enfin, au niveau du l'importance de la conduite automobile dans le projet de vie du conducteur83. La conduite est une tâche que chacun exécute à son rythme. Ce que le conducteur est disposé à faire (attitudes et motivations) est tout aussi important que ce que le conducteur doit faire (facteurs de performance)84. Dans un premier temps, les véhicules autonomes et les véhicules non autonomes cohabiteront. Les véhicules de haut de gamme (premium) sont déjà équipés de nombreuses aides à la conduite (ADAS). L'investissement pour acquérir des véhicules autonomes étant lourd, il est probable que peu de jeunes conducteurs soient amenés à en conduire si ce n'est dans le cadre familial. Les véhicules autonomes introduisent un double paradoxe. D'abord celui de l'aptitude : les conducteurs conduiront de moins en moins, et donc auront de moins en moins d'expérience et de compétences de conduite. Mais le véhicule demandera au conducteur de reprendre la main à des moments difficiles, voire dans l'urgence. Ensuite celui du confort relatif : les véhicules ne permettront pas de faire tout ce qu'on veut à tout stade de leur automatisation. Il faut rester à sa place, vigilant, et posséder sa pleine intégrité physique et psychologique jusqu'au niveau 4.
David Mitton laboratoire de biomécanique des chocs. Deux thématiques : le mouvement et le choc. Projet mondial sur les chocs sur corps humain. Dissiper l'énergie pour améliorer la protection. 83 Ces quatre aspects sont les piliers de la matrice GDE (Goals for Driver Education) qui a été conçue dans le cadre du projet GADGET (2002) de l'Union européenne et qui est utilisée pour l'apprentissage de la conduite dans de nombreux pays européens.(voir les détails en annexe x). 84 Recherches en psychologie de la circulation de Rothengatter (1997).
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4.2. - La formation et l'information sur la délégation de conduite devront être obligatoires Ce contexte et ses contraintes imposent une approche globale d'éducation à la sécurité routière. L'éducation à la sécurité routière (SR), au sens large, peut être définie par ses finalités85 : promouvoir la connaissance et la compréhension des règles et des conditions de la circulation ; améliorer les aptitudes par la formation et l'expérience ; stimuler ou modifier les attitudes par la prise de conscience des risques ; modifier les comportements tels que, par exemple, la conduite sous l'influence de l'alcool ou la pratique de vitesses trop élevées ; former les conducteurs, les diagnostiquer (détecter les personnes susceptibles de faire preuve d'un comportement dangereux) et accompagner la restauration de l'aptitude à conduire.
Elle s'adresse évidemment aux plus jeunes, mais l'éducation c'est aussi la capacité à comprendre, à faire et à se comporter ; elle est donc présente à toutes les étapes de changement dans la vie de l'usager. L'éducation routière permet d'adopter la conduite adaptée en tant qu'usager de la route, mais elle modifie aussi le rapport à la règle : elle permet d'appliquer la règle parce qu'elle est comprise, plus que parce qu'elle est crainte. En cela elle est aussi centrale pour l'acceptabilité et pour rendre chacun porteur du message de sécurité routière. Elle s'inscrit dans le temps long, ce qui la rend difficile à mettre en place, les objectifs de sécurité routière s'inscrivant souvent dans un terme proche. Mais elle permet d'ancrer les étapes de progrès dans la durée et d'éviter les retours en arrière par une évolution progressive des mentalités et de la compréhension des enjeux de la sécurité routière. Elle peut être présentée en quatre volets : le continuum éducatif au sein des établissements scolaires ; l'apprentissage de la conduite et la réhabilitation ; la prévention et la formation en milieu professionnel ; les actions de « prévention », et de communication. a) Il faut transmettre dès aujourd'hui les connaissances utiles sur les véhicules autonomes dans le continuum éducatif, de l'école primaire au lycée. Le continuum éducatif concerne 12 millions d'élèves et débute à l'école primaire puis s'achève, en principe, à la fin du lycée. Il débouche sur les catégories des 18/24 ans et des conducteurs novices dont les statistiques montrent l'importance en termes de sécurité routière. Il concerne les 50 000 écoles, de 5 000 collèges, et des 2 800 lycées. L'ensemble du continuum est mis en oeuvre au travers de plusieurs moyens et outils, à disposition des enseignants86, notamment des réseaux de relais dans chaque département et établissements, un portail
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Guide « suprême » de la Commission européenne (meilleures pratiques en matière de sécurité routière).
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Internet spécialisé, des partenariats avec la prévention routière, des simulateurs, des pistes routières animées par les forces de l'ordre. Enfin, l'enseignement supérieur regroupe 2 100 000 étudiants dans un millier d'établissements. Les établissements sont autonomes et fixent les programmes dans un cadrage national général des formations, notamment via leurs services de médecine préventive87. L'objectif général est de prévenir toutes les conduites addictives, dans le cadre de protection de la santé des étudiants. A ce stade, les jeunes ne sont plus des apprentis de la route mais majoritairement des usagers de la route. Le tableau suivant, issu du ministère français de l'éducation nationale, illustre ce point :
Source : Ministère de l'Éducation nationale
Intégrer une information relative aux véhicules automatisés au niveau du « continuum éducatif » du permis de conduire, des actions de prévention routière et de communication sur la sécurité routière est nécessaire dès aujourd'hui. b) L'apprentissage de la conduite Il est important que les apprentis-conducteurs apprennent non seulement à maîtriser leur véhicule et se familiarisent avec le code de la route, mais apprennent aussi à évaluer les risques et les facteurs d'augmentation du risque dans la circulation et à bien juger leurs propres aptitudes et limites. Ces aspects
L'arrêté du 1 juillet 2013 (compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation), prévoit dans leurs compétences communes, qu'ils doivent apporter leur contribution à la mise en oeuvre des éducations transversales (Agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques). 87 Services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé dans chaque université, les écoles ont une obligation de suivi sanitaire. Ceux qui n'ont pas de service conventionnent avec une autre école. Les établissements privés n'ont aucune obligation.
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sont reflétés dans la matrice GDE (Goals for Driver Education, objectifs pour la formation des conducteurs) qui a été conçue dans le cadre du projet GADGET de l'UE88. Une analyse de la tâche du conducteur et des accidents montre que des facultés psychomotrices et des fonctions physiologiques adéquates ne sont pas suffisantes pour rendre les performances du conducteur satisfaisantes et sûres. Cette affirmation fondamentale découle du fait avéré que la conduite est une tâche que chacun exécute à son rythme. Les recherches en psychologie de la circulation de Rothengatter (1997) ont mis en évidence l'importance non seulement des facteurs de performance (c'est-à-dire ce que le conducteur doit faire), mais aussi celle des attitudes et motivations (c'est-à-dire ce que le conducteur est disposé à faire).
Matrice GDE : Une approche hiérarchique de comportement du conducteur conçue en quatre niveaux décroissants. Niveau IV- Projets de vie et aptitudes à la vie - Importance de la voiture et de la conduite automobile sur le développement personnel ; - Capacités de maîtrise de soi. Niveau III- Objectifs de la conduite automobile et contexte social - Intention, environnement, contexte social, compagnie. Niveau II- Maîtrise des situations de circulation - Adaptation aux exigences de la situation concrète. Niveau I- Maniement du véhicule - Contrôle de la vitesse, direction et position. L'échec, de même que la réussite, aux niveaux les plus élevés (IV et III) affectent les exigences de compétences aux niveaux les plus bas (II et I). Nota : A la fin des années 2000 est apparu un 5 au-delà de l'individu.
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niveau « pressions sociétales économiques et politiques », qui va
Source : Commission européenne, projet GADGET
Le Laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) de l'IFSTTAR a publié trois rapports89 sur les résultats de ses études sur le comportement des véhicules automatisés et de leurs conducteurs, qui éclairent les critères de l'apprentissage. Voici le résumé fait par William Payre :
« Nous avons examiné la manière dont cette la manoeuvre de « reprise en mains » pourrait être apprise par des conducteurs, en testant l'effet de différentes formes d'entraînement sur la performance et la sécurité (temps de réponse et qualité de la reprise de contrôle). Nous avons mesuré l'acceptabilité et la confiance, les attitudes des conducteurs, les intentions d'utilisation du système de conduite complètement automatisée et l'impact de ces variables sur les comportements dans le véhicule. Trois études empiriques ont été réalisées. ». La deuxième étude montre que la reprise en main sans entraînement en cas d'urgence pouvait durer en moyenne (pour les 60 conducteurs de l'expérience) de 2 à 8 secondes. En cas d'anticipation (le système
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Guiding automobile drivers through guidance education and technology: Hatakka, Keskinen, Glad, Gregersen & Hernetkoski, 2002. 89 A) « Intention to use a fully automated car: Attitudes and a priori acceptability » (publié le 9 mai 2014) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac et Patricia Delhomme (Ifsttar). B) « Fully Automated Driving: Impact of Trust and Practice on Manual Control Recovery » (2005) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac et Patricia Delhomme (Ifsttar). C) « Conduite complètement automatisée : acceptabilité, confiance et apprentissage de la reprise de contrôle manuel », thèse de doctorat de William Payre pour l'obtention du grade de docteur en psychologie, présentée à Paris le 3 décembre 2015 (thèse préparée au LPC de l'Ifsttar).
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prévenant à l'avance de la nécessité de reprendre le contrôle de la voiture), le temps de reprise en main varie en moyenne entre 3,6 et 15,2 secondes pour la première reprise de contrôle, et en moyenne de 2,7 à 13,9 secondes pour la seconde reprise de contrôle. La reprise en main peut donc être très lente, la durée pouvant être nettement au-dessus du temps généralement considéré comme convenable (10 secondes). Elle se conclut par trois points clefs de leurs expériences sur le simulateur de conduite à Satory : il faut apprendre aux conducteurs à se servir convenablement d'un véhicule pleinement autonome (afin de réagir convenablement lors des reprises en main), un haut niveau de confiance peut augmenter le temps de reprise en main en cas d'urgence, un entraînement approprié peut atténuer les conséquences fâcheuses de l'excès de confiance sur les temps de reprise en main.
« Les objectifs de la troisième étude étaient d'approfondir les connaissances sur la manière d'apprendre à utiliser la conduite complètement automatisée, notamment pour reprendre le contrôle manuel, et d'examiner l'impact de la réalisation d'une tâche non reliée à la conduite sur cette manoeuvre en situation d'urgence. Les participants (N= 113, 49 % d'hommes) ont été répartis selon deux conditions d'entraînement (simple vs. élaboré), et selon qu'il y ait eu ou non réalisation de tâches non reliées à la conduite pendant le trajet. La condition entraînement simple consistait en une pratique succincte de la conduite complètement automatisée. La condition entraînement élaboré comprenait une partie théorique, une vidéo de démonstration, ainsi qu'une pratique comprenant davantage d'interactions avec le système de conduite complètement automatisée. Après avoir parcouru un trajet pendant une vingtaine de minutes, la confiance, l'acceptabilité, les attitudes et les intentions d'utilisation ont été mesurées. L'entraînement élaboré a amélioré la performance de reprise de contrôle manuel en situation d'urgence (temps de réponse plus courts et plus grande précision de l'utilisation des pédales). La réalisation d'une tâche non reliée à la conduite a allongé les temps de réponse, mais n'a pas eu d'effet sur la précision de l'utilisation des pédales. Enfin, l'entraînement élaboré a contribué à atténuer le phénomène de sur confiance dans le système90». Pour obtenir le permis de conduire, il ne semble pas nécessaire de former dès aujourd'hui tous les conducteurs à la conduite de véhicules autonomes. Mais l'utilisation des automatismes et le comportement des véhicules autonomes doivent faire l'objet de séances d'information. Un permis de conduire spécial ne semble pas nécessaire. Mais pour qui doit conduire un véhicule automatisé, des pré-requis sont indispensables. Ils pourraient prendre la forme d'une unité de valeur, faisant l'objet d'une évaluation certificative. Cette attestation serait obligatoire pour conduire un véhicule autonome de niveau 3 et plus. Elle serait basée sur l'acquisition par tout conducteur de quatre compétences minimales : connaître ce qu'il peut attendre d'un véhicule en mode autonome ou non ; maîtriser la manipulation des aides à la conduite (ADAS) et l'interface homme-machine ; connaître sa responsabilité qui découle de sa décision d'activer les automatismes, et connaître les risques associés ; Connaître le système de surveillance du comportement du conducteur ; Etre capable de reprendre en main le véhicule quand le cerveau informatique le demande, et être informé des procédures relatives aux trajectoires de sécurité.
Les résultats de ces trois études sont discutés. Les méthodes d'entraînement que nous avons développées pourraient servir à former les nouveaux utilisateurs de cette technologie. Le rôle du conducteur dans ce type de véhicule et la nature de la tâche de conduite sont questionnés. Le degré de supervision exercé sur le système deviendrait secondaire par rapport à la réalisation d'une autre tâche non reliée à la conduite. Enfin, les limites de nos études et les perspectives pour les recherches à venir dans le domaine sont examinées.
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Une durée de trois à quatre heures semble suffisante pour atteindre ces objectifs, avec un passage obligé par un outil de simulation pour la reprise en main. Une application de smartphone pourrait être développée pour assurer le suivi et l'actualisation des connaissances. Cette unité de valeur pourrait être délivrée par les écoles de conduite et les organismes de récupération de points. Les loueurs et les gestionnaires de flottes partagées devraient l'exiger au moment de la location91. Il faut en outre imposer aux concessionnaires, au moment du retrait de tout véhicule autonome après achat (voiture neuve ou d'occasion), d'assurer une formation à la prise en main reprenant au minimum les deux premières compétences de l'unité de valeur. En plus de la formation, les activités de prévention routière et de communication doivent comprendre dès aujourd'hui des informations et formations relatives aux automatismes. c) Prévention et formation en milieu professionnel Le poids des accidents liés au travail est considérable dans les statistiques de sécurité routière : en 2015, 483 personnes ont été tuées lors d'un déplacement lié au travail (18 % de la mortalité) : 359 personnes (10 %) lors d'un trajet domicile travail, 124 personnes (4 %) lors d'un trajet professionnel. Dans 38 % des accidents au moins un des usagers effectuait un trajet domicile travail ou un trajet professionnel. Les accidents de la route sont la première cause de mortalité professionnelle (environ 50 %). En conséquence agir sur des flottes de véhicules automatisés en milieu professionnel, pourrait avoir des conséquences positives sur la sécurité routière. Selon la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs salariés (CNAMTS92), Le risque routier professionnel représente : environ 10 % des accidents du travail ; environ 50 % des accidents mortels (c'est le premier risque d'accident mortel du travail) ; environ 30 % des accidents corporels.
Les études de l'INSEE montrent que la distance entre le lieu d'habitation et le lieu de travail s'accroît régulièrement (phénomène de rurbanisation). Lié à l'allongement des trajets, l'usage de la voiture (et du deux-roues motorisé) pour les déplacements domicile-travail n'a cessé d'augmenter ces dernières années. Cette évolution induit pour les salariés une augmentation mécanique de l'exposition au risque. L'insécurité routière pour le régime général en 2012, c'est plus de cinq millions de journées perdues, 76 jours d'incapacité temporaire moyenne (accidents en mission) et 68 jours (accidents en trajet), contre 59 jours en moyenne pour l'ensemble des accidents de travail hors route. Les coûts sont élevés : coûts directs estimés par la CNAM à 700 millions (prestation en nature, soins médicaux, indemnisation des victimes) et indirects (absence, remplacement, productivité...) à 2,1 milliards .
La prévention des risques professionnels a un important effet levier. D'abord, l'accidentalité de travail est à l'origine d'un nombre important de victimes impliquées. La route est très occupée par l'entreprise et les accidents de travail occasionnent un nombre de morts importants au-delà des seuls accidentés du travail. Ainsi, en 2010 sur les 3 992 morts recensés par l'ONISR, 1 571 (39 %) ont été tués dans un accident impliquant au moins un véhicule en mission ou trajet professionnels. Cette même année, on déplore 160 morts en mission dans des accidents de travail qui ont tué 800 personnes. Le levier de la baisse de l'accidentalité de travail et de trajet est fort : pour un décédé en accident routier de travail au sens strict (hors trajet), il y en a cinq au total. Pour les trajets domicile-
Les loueurs préfèrent une unité de valeur à une obligation de prise en main par leurs soins, qui irait à l'encontre d'un modèle économique de plus en plus dématérialisé. 92 La CNAM TS assure les accidents de travail et de trajet ainsi que les maladies professionnelles pour 18,3 millions de salariés du régime général. Sont pris en compte missions et trajets domicile, tous véhicules confondus.
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travail, le levier est moindre (facteur 1,5 : pour 476 décédés en accident de trajet, il y en a 762 au total). Toute action sur le milieu du travail est donc démultipliée. Ensuite les actions relatives au risque trajet ont des retombées en conduite de loisir. Le risque « trajet » fait en outre le lien entre la conduite en situation professionnelle et la conduite privée. C'est enfin un enjeu de mobilité durable qui associe les plans de déplacements urbains et les plans de déplacement en entreprise. Si les entreprises importantes ont mis en place des plans de prévention des risques routiers avec un certain succès, cette pratique vertueuse touche beaucoup moins la fonction publique et les petites entreprises. Il est regrettable que la fonction publique ne soit pas exemplaire en la matière, alors que le risque accident de trajet s'accroit avec la rurbanisation. Aucun ministère ne se sent véritablement en charge de cet aspect de la sécurité routière alors que le nombre d'accidents de trajet explose. L'arrivée des véhicules automatisés dans le milieu du travail et l'utilisation du milieu professionnel pour communiquer et former au sujet des véhicules autonomes, pourraient être des facteurs forts d'amélioration de la sécurité routière. d) Actions de prévention et communication
Au-delà du continuum éducatif au sein des établissements scolaires, de l'apprentissage de la conduite, de la prévention des risques routiers professionnels on trouve les différentes actions de prévention et la communication. Une réunion commune a eu lieu le 20 septembre 2016 entre WP 29 et WP 1 (ONU). Il est apparu que différents niveaux d'automatisation seront commercialisés à court terme, tous prévoyant une intervention humaine, donc une interface homme-machine. Pour les membres du WP 1, cela signifie nécessairement, qu'une information très détaillée du conducteur doit être envisagée, expliquant bien les rôles respectifs de l'humain et du système et aussi ce que l'humain doit être capable de faire rapidement et parfaitement bien, dès lors que le système lui demandera de reprendre la main totalement car il ne pourra plus assurer la sécurité (mauvaise visibilité, conditions météo très dégradées, mauvaise lisibilité de la route, etc...). Plusieurs membres du WP 1 ont exprimé leurs préoccupations quant à cette information du conducteur, voire à la formation complémentaire qu'il devrait suivre pour être habilité à conduire un véhicule équipé de ce système. Trois axes doivent être explorés et mis en oeuvre rapidement : Intégrer dès aujourd'hui dans les actions de prévention routière et de communication à la sécurité routière une information relative aux véhicules automatisés. Les manuels des véhicules doivent être améliorés et comporter ces nouvelles approches. La publicité pour les véhicules automatisés devrait être régulée, afin d'en donner une image conforme à la réalité, ne masquant pas les problèmes de sécurité.
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INSPECTION GENERALE DE L'ADMINISTRATION N° 16-040R
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ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE
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INSPECTION GENERALE DE L'ADMINISTRATION N° 16-040R
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE N° 010629-01
L'automatisation des véhicules Annexes cahier N°2
Etabli par Jean-François ROCCHI Inspecteur général de l'administration Philippe BODINO Chargé de mission à l'inspection générale de l'administration Hervé de TREGLODE Ingénieur général des mines Bernard FLURY-HERARD Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Frédéric RICARD Ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts
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SOMMAIRE
Annexe n° 9 : La cyber sécurité .................................................................................................................. 7 Annexe n° 10 : L'état de la recherche en France et dans le monde ........................................................ 17 Annexe n° 11 : Les poids lourds, les navettes, les bus autonomes.......................................................... 21 Annexe n° 12 : L'impact économique et social des véhicules autonomes. L'acceptabilité sociale ......... 32
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Annexe n° 9 : La cyber sécurité
1. 1.1. Les vulnérabilités informatiques des véhicules autonomes sont assurément importantes Une large surface d'attaque et des vulnérabilités importantes
La vulnérabilité des véhicules modernes est forte. Ce que les spécialistes qualifient de « surface d'attaque » ouvre des brèches dans lesquelles s'infiltrent les délinquants. Un véhicule automatisé et/ou connecté, présente une très large surface d'attaque informatique. En effet les technologies qu'il embarque au profit de systèmes « intelligents» sont très diverses et nombreuses. Les radars, lidars, caméras de plus en plus nombreux et nécessaires à l'automatisation fonctionnent sur la base de lignes de code informatique, et sont associés à des calculateurs (ECU : Electronic Control Unit). On trouve aujourd'hui plus de 80 calculateurs sur certains véhicules haut de gamme et leur nombre est élevé dans toutes les gammes. Ceux-ci agissent aussi sur les organes de fonctionnement classique du véhicule (moteur, freinage, gestion de l'habitacle, divertissement, localisation, direction, verrouillage centralisé, ouverture des portes et démarrage, téléphonie mains libres...). Ces calculateurs peuvent communiquer directement avec des bases à l'extérieur de la voiture. Ils sont installés en réseau par lequel transitent les données : le CAN (Controller Area Network), qui véhicule jusqu'à 60 millions de lignes de code et jusqu'à 20 Giga-octets d'échanges par heure. Ce réseau aboutit à la prise OBD (On Board Diagnostic). Celui qui s'y connecte y collecte toutes les données utiles pour réaliser les diagnostics et l'entretien des véhicules (garagistes). En outre, on trouve toutes les fonctions de GPS, et d'infotainment. Le véhicule communique aussi vers l'extérieur (plateformes, infrastructures, autres véhicules, fournisseurs, bases de données...) par diverses voies : la téléphonie, le Bluetooth, le wifi, d'autres fréquences. Enfin l'e-call sera obligatoire dès 2018 sur tous les véhicules. C'est donc un objet connecté qui présente une large surface d'attaque informatique en tous points, et dont la cybersécurité globale ne vaut que par son point le plus faible1. C'est en outre un objet particulier par son usage et le fait qu'il transporte des passagers. Selon l'ANSSI, la surface d'attaque est très importante, mais elle est cependant délimitée en petites parcelles technologiques de systèmes « propriétaires ». Cependant il existe des points de faiblesse qui peuvent concentrer les attaques : la prise OBD, le bus CAN qui canalise et mutualise les données. En outre, ce sont des « standards » qui font des ponts entre les parcelles, ce qui est un facteur aggravant. Une fois que l'on est sur le réseau, on peut tout faire et notamment upgrader ses propres fonctions d'administrateur. L'ANSSI classe les menaces en 4 catégories, par technicité croissante2. Atteinte à l'image : défiguration de sites, propagande. Le constructeur peut faire l'objet d'une attaque de ce type. Les acteurs n'ont pas besoin d'un grand niveau technique. Cybercriminalité : relative impunité de ceux qui conduisent les attaques (c'est le règne de l'anonymat).
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Exemple aux États Unis, chez les magasins Target, les données de 115 millions de clients ont été piratées via le prestataire de climatisation, dont le système est relié au « bus » central. Quand on a affaire à un « système de systèmes », c'est le point le plus faible qui compte. De nouveaux réseaux autonomes bas débit à faible consommation qui pourraient transmettre des informations simples du véhicule vers des bases arrière présentent aussi des possibilités de failles. SIGFOX et LORA (Internet Of Things) sont les plus connus qui pourraient venir sur le champ des véhicules autonomes. 2 Le classement de l'OCSTI est un peu différent : Sécurité (déni de service (DOS) / intimidation / terrorisme (tuer les occupants ou en faire une arme par destination vers une foule par exemple))... vie privée : connaissance de la façon de conduire / vol de données personnelles / écoutes téléphoniques / vidéosurveillance / localisation... autres (financiers) : vol / reprogrammation de clé / demande de rançon (le véhicule ne fonctionne plus) / manipulation du cours de bourse du constructeur.
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Espionnage. Sabotage. C'est ce que l'ANSSI craint le plus et où elle concentre les efforts. Il n'y a pas d'exemple pour le moment sur les véhicules. Mais, des cas dans le domaine de l'énergie (exemple de centrales nucléaires et de stockage de gaz) font penser que les véhicules seront impactés. Par exemple, attaque de centres de services ou de plateformes de supervision ou attaque du véhicule lui-même. Le problème est aussi la multiplicité d'acteurs, y compris ceux du monde du divertissement.
En termes de sensibilisation des écosystèmes, on remarque que le top management est en général convaincu, les RSSI aussi. La difficulté semble être avec le « middle management ». On y rencontre des problèmes culturels. Par exemple les gens issus des « automatismes » sont convaincus de la sûreté de fonctionnement de leurs systèmes, car ils ont élaboré une « logique » de fonctionnement, mais ils ne tiennent pas compte de la malveillance. Notons enfin un paradoxe pour ceux qui ne font pas de la mise à jour d'applications sensibles de peur d'ouvrir la porte à des virus ou de se rendre vulnérables. Cela conduit au fait que les systèmes les plus critiques sont les moins mis à jour. La télétransmission de mises à jour reste néanmoins une faille propice à la malveillance. La surface d'attaque est immense mais les pouvoirs publics font confiance aux constructeurs et au marché pour la sécuriser. Il faut cependant noter un bémol dans la phase intermédiaire. Les véhicules qui vont sortir en 2017 embarqueront déjà des fonctions connectées vulnérables par ce que pas encore suffisamment bien pensées au niveau cybersécurité. Voler un véhicule en simulant sa clé électronique, discréditer un constructeur en provoquant des dysfonctionnements, prendre le contrôle d'un véhicule pour effrayer son conducteur, créer des bouchons, tuer ses passagers, le précipiter sur une foule, etc. sont des menaces qui n'ont rien d'imaginaire. L'atteinte à l'image, la cybercriminalité, l'espionnage, le sabotage, vont assurément toucher les véhicules automatisés et leurs constructeurs. 1.2. Des cas d'atteinte à la cybersécurité sont déjà constatés
Le vol par « mouse jacking » (imitation des signaux émis par les clés) se développe en France et dans le monde3. Plusieurs démonstrations de prise de contrôle de véhicules ont été réalisées par des chercheurs ou des hackers parfois employés par les constructeurs dans le cadre de la recherche sur la sécurité. En outre, des attaques massives sur des sites conduisant au « déni de service » sont de plus en plus fréquentes. Elles pourraient toucher dans le futur des plateformes réservées aux véhicules automatisés. Enfin le vol de données personnelles est un problème sensible. Hausse du nombre d'affaires de vol sans effraction4
La sécurité des ouvertures de portes à distance de nombreux modèles de voitures serait particulièrement vulnérable. Des chercheurs en Allemagne et en Grande-Bretagne ont dévoilé une faille de sécurité qui concernerait environ 100 millions de véhicules dans le monde, rapporte la presse allemande. Une étude5 parvient à démontrer la très grande vulnérabilité des boîtiers qui commandent l'ouverture et la fermeture des véhicules, basés sur un système de code tournant (rolling code). Les chercheurs affirment que « pour la
Le taux de vols par mouse jacking serait de plus de 50 % selon la société « Traqueur». Depuis deux ans, le nombre de voitures volées est reparti à la hausse après 12 années de baisse (+2,3 % en 2015), soit plus de 110 000 véhicules volés l'an passé, un préjudice estimé à 1,2 milliards d'euros pour les compagnies d'assurance, rappelle 40 millions d'automobilistes. « Le mouse-jacking reste la pratique dominante avec 70 % des vols », commente Pierre Chasseray, délégué général de l'association. 5 Menée par Flavio Garcia, David Oswald et Pierre Pavlidès, chercheurs de l'Université de Birmingham, en collaboration avec Timo Kasper, de la société Kasper & Oswald GmbH spécialiste des questions de sécurité informatique.
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plupart des fermetures de porte, il existe des outils qui permettent de décoder la serrure pour créer une clé correspondante». En effet, les grands constructeurs automobiles, et notamment les véhicules fabriqués par Volkswagen depuis 1995, ne proposent qu'un faible nombre de combinaisons. Par ailleurs, selon les chercheurs, un pirate informatique qui aurait récupéré les algorithmes de chiffrement aurait simplement besoin d'intercepter un seul signal de la télécommande d'un véhicule pour reproduire le code de la clé de voiture. Des problèmes de sécurité du même type ont également été identifiés par les chercheurs chez d'autres constructeurs parmi lesquels les français Citroën (Nemo, Jumper), Peugeot (207 notamment) et Renault (Clio, Twingo, etc.), l'italien Fiat (Punto, Panda...), l'allemand Opel (Astra, Corsa, etc.), le japonais Nissan (Qashqai notamment), l'américain Ford (Ka) ou d'autres marques. Ainsi, selon les chercheurs, ces failles de sécurité expliquent le nombre grandissant d'affaires de vol sans effraction que les assureurs refusent de prendre en charge. Ces études se vérifient sur le terrain. Cela a été confirmé par l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale qui a présenté plusieurs cas à la mission, parmi lesquels le vol de soixante véhicules entre 2012 et 2015 au moyen d'une tablette modifiée qui se connecte au bus CAN. On peut aussi voir sur Youtube des publicités pour des outils informatiques frauduleux qui simulent la clé du véhicule pour s'en emparer, puis lorsque le véhicule est aux mains des voleurs, reproduire la clé électronique à partir de la prise OBD. Démonstration de piratage et de contrôle à distance par les chercheurs ou les hackers
À l'été 2015, deux chercheurs américains en informatique ont démontré qu'il était facile de prendre le contrôle d'une voiture « connectée » via des SMS. Charlie Miller et Chris Valase étaient parvenus à pirater à distance la Jeep Cherokee d'un journaliste du site spécialisé Wired. Ils avaient ainsi pu allumer la radio, faire fonctionner les essuie-glaces et couper le moteur. Ils étaient aussi parvenus à désactiver les freins. En 2016, des chercheurs chinois en cybersécurité6 ont révélé des failles de sécurité exploitables à distance sur une Tesla Model S. Dans une vidéo publiée sur leur blog, ils interagissent à distance avec le véhicule grâce à un ordinateur. Ils ouvrent les portes et le coffre, désactivent le panneau de bord, activent les clignotants et les essuie-glaces, sans être physiquement présents dans le véhicule. L'un des chercheurs, qui se trouve à plus de 15 km de là, déclenche les freins du véhicule alors que la Model S est en route, sans que les feux ne s'allument. Ils ont réussi à s'emparer du véhicule sans le moindre contact physique, mais « après plusieurs mois de recherche intense », selon eux. Le piratage visait l'un des systèmes internes de la Model S, le bus CAN, qui assure notamment la transmission des données entre ses différents composants électroniques. Sur leur blog, les chercheurs affirment avoir testé la procédure sur plusieurs versions de la Tesla Model S. Ils pensent « raisonnable de supposer que d'autres modèles construits par Tesla sont concernés par ces failles ». Ils ont depuis présenté leur découverte à l'entreprise américaine, qui, dans un communiqué, déclare avoir réglé le problème grâce à une mise à jour logicielle. Ce communiqué précise que si la faille existait bel et bien, elle était exploitable « uniquement quand le navigateur Internet du véhicule [situé sur le tableau de bord] se trouvait en cours d'utilisation ». De plus, Il était également nécessaire que la voiture soit connectée à un réseau Wifi non sécurisé, selon Tesla. « Toutes les démonstrations ont été réalisées sans contact et sans modification physique sur la voiture », explique la vidéo. Les prises de contrôle ont été réalisées sur deux modèles de Tesla S, la P85 (à l'arrêt) et la 75D (en mouvement). Cependant, les scientifiques affirment avoir testé les failles sur d'autres véhicules Tesla S avec succès. « Il est raisonnable de supposer que les autres modèles Tesla sont aussi concernés », précisent encore les chercheurs sur leur blog.
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Samuel LV, Sen Nie, Ling Liu et Wen Lu, du Keen Security Lab.
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Travailler avec les hackers
Les « menaces évoluent », avance Titus Melnyk chargé de la sécurité chez Fiat Chrysler Automobiles (FCA), qui vient de lancer un programme visant à encourager les hackers à informer le groupe des failles liées à la cybersécurité de ses voitures. Le constructeur des Jeep promet une prime pouvant aller jusqu'à 1 500 dollars par alerte. « On ne sait jamais. Cela peut être la base d'une attaque », défend M. Melnyk, insistant sur le fait que ce programme est « très sérieux ». En 2015, le constructeur Tesla avait été le premier à faire appel à des hackers après que certains d'entre eux aient révélé qu'ils pouvaient couper à distance le moteur d'une berline Model S en piratant son système multimédia. GM, qui dit recevoir et résoudre plusieurs alertes liées à de possibles cyber attaques par jour, gère un programme sur les vulnérabilités de ses voitures sur le site hackerone.com. Attaque conduisant au déni de service7
Le 22 septembre 2016, le blog de Brian Krebs, un chercheur reconnu en sécurité informatique, était rendu inaccessible par une attaque informatique. Le site a été visé par une attaque dite de « déni de service », qui consiste à saturer un site de connexions pour en bloquer l'accès ou faire tomber les serveurs qui lui permettent d'exister en ligne. La puissance d'une attaque de ce type se mesure en gigabits par seconde (Gbps) le volume de trafic envoyé vers le serveur du site. Celle-ci a été estimée à 620 Gbps, ce qui en fait l'une des plus importantes de l'histoire d'Internet8. Le site a été rendu totalement inaccessible, malgré le système de protection dont il bénéficiait9. Le même jour, l'hébergeur et fournisseur d'accès français OVH était victime d'une tentative de blocage massive une série de 26 attaques simultanées de plus de 100 Gbps. Ce qui rend ce type d'attaques difficiles à contrer, c'est qu'elles sont dites « distribuées » l'afflux de connexions ne provient pas d'une seule source, qui pourrait alors être bloquée aisément10. De nombreux spécialistes affirment depuis des années que « l'Internet des objets » représente une menace importante non pas à cause des objets en tant que tels, mais parce que de très nombreux modèles d'objets connectés vendus dans le commerce sont insuffisamment protégés et donc aisément piratables. Contrairement aux ordinateurs ou aux smartphones, ils ne bénéficient que rarement de mises à jour régulières et restent connectés en permanence à Internet ; ce qui en fait des cibles idéales pour des personnes cherchant à créer des botnets de grande envergure. Le 24 octobre 2016, ce sont les géants Facebook et Google qui ont vu leur activité perturbée pendant une journée par le même type d'attaque. Enfin, le vendredi 25 novembre 2016, sur les écrans des salariés de la Municipal Transportation Agency (MTA), chargée des transports en commun de San Francisco, le message suivant est apparu « Vous avez été piraté, toutes les données sont chiffrées. ». Même si ce piratage n'a pas perturbé la circulation des transports, il a permis aux usagers de voyager gratuitement le vendredi soir et le samedi, les portiques ayant été ouverts. Le procédé ressemble à un logiciel de racket (ransomware), qui consiste à chiffrer les
Selon l'entreprise Verisign, qui a récemment publié un rapport sur le sujet, elles auraient progressé de 85 % dans le monde entre la fin de 2014 et la fin de 2015. 8 Lorsque l'attaque dépasse la centaine de Gbps, il s'agit d'une attaque majeure les plus grandes attaques mesurées ces dernières années atteignaient 300 Gbps. 9 Mis en place par une filiale du géant d'Internet Akamaï, le site est revenu en ligne épisodiquement durant les deux jours suivants, avant qu'Akamaï ne jette l'éponge, expliquant qu'il pouvait protéger le site mais que cela aurait un coût près de 200 000 dollars à l'année une somme que M. Krebs ne pouvait pas payer. Google lui a alors proposé de fournir gracieusement son propre système de protection contre ce type d'attaque le site de M. Krebs est depuis normalement accessible. 10 Pour réaliser ces attaques, les assaillants ont le plus souvent recours à un botnet, un réseau de machines infectées qui participent toutes, à l'insu de leur propriétaire, à l'attaque. La particularité de cette attaque, qui atteint ces débits inédits, est qu'il s'agit d'un « botnet » non pas composé d'ordinateurs, mais de machines beaucoup plus simples et notamment de caméras de surveillance. M. Klaba explique que son entreprise a repéré 145 607 caméras qui semblaient faire partie du réseau.
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données présentes sur un ordinateur jusqu'à ce que la victime accepte de payer une rançon pour les déverrouiller. Le message qui s'est affiché sur les ordinateurs contenait ainsi une adresse courriel, qu'a contactée The Examiner (journal de San Francisco). Le pirate a répondu « Nous faisons ça pour l'argent, et rien d'autre », expliquant que le réseau de transports de San Francisco n'était pas directement visé. Selon lui, un salarié a téléchargé le logiciel malveillant, ce qui aurait suffi pour toucher l'ensemble du système. « Notre logiciel tente d'infecter tout ce qu'il trouve », a-t-il précisé, en réclamant 69 000 . Vol de données
Les nouvelles technologies embarquées exposent également les conducteurs à un vol potentiel de leurs données personnelles quand ils connectent leur téléphone intelligent. En effet, des données personnelles sont stockées ou transmises à travers les systèmes multimédias des véhicules, ce qui ouvre des opportunités pour les hackers. L'une des pistes, sur laquelle s'accordent les experts, pour contrer les pirates est un partage des informations entre acteurs du secteur. Par exemple aux États-Unis, les groupes automobiles et leurs équipementiers ont obtenu en 2015 du ministère américain de la Justice de pouvoir travailler ensemble sur le sujet sans risquer des accusations d'entente. Les « brouilleurs » : déjà aujourd'hui des véhicules utilisent des brouilleurs pour ne pas être repérés. (brouilleurs de leurs propres données et de données périmétriques)
On le voit les menaces sont nombreuses et diverses. Il n'existe pas de cartographie précise des menaces et de leur évaluation. Or, la cybersécurité est un point stratégique. 2. Les acteurs de la cybersécurité
L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) auprès du Premier ministre a la mission de faciliter la coordination des politiques pour la cybersécurité en France. Elle se donne pour rôle d'introduire des exigences de cybersécurité dans le dossier technique (exemple : ordonnance pour les expérimentations), de sensibiliser les constructeurs (référentiels, labellisation, qualification et agrément), de labelliser les systèmes et les composants (avec la difficulté du secret industriel), de bâtir des protocoles de tests... La DGEC du MEEM a en charge la réglementation technique liée aux véhicules, dont la cybersécurité, y compris à l'international (notamment au WP 2911). L'observatoire central des systèmes de transport intelligent de la gendarmerie nationale (OCTSI) fondé le 1er juillet 2015 a pour objectif de recueillir du terrain les données pertinentes, de les analyser, de suivre l'état de l'art et de proposer des évolutions en matière de sécurité routière (prévention des accidents) et de sûreté (prévention d'actes malveillants)12. C'est le seul observatoire de ce type en Europe. Les instituts de recherche : dans le cadre du plan NFI, l'Institut VeDeCOM pilote un groupe sur les aspects relatifs à la connectivité dont l'un des thèmes est : « permettre un contrôle à distance sécurisé et une exclusion d'un élément malveillant ». L'IRT SystemX13 fait de même sur les aspects relatifs à la sécurité avec pour thème : « assurer la cybersécurité du système véhicule autonome et connecté dans son environnement », mais les projets ne sont pas encore lancés. Très peu d'études ont été faites. Pour les constructeurs et les industriels, c'est un gros enjeu, mais pour le moment il y a peu de partage, au motif de sécurité industrielle et d'intelligence économique.
Forum d'harmonisation des règles pour les véhicules (ONU). Productions de l'OCSTI : guide pour les enquêteurs sur le mouse jacking/articles de sensibilisation sur le problème cyber/études et fiches/conférences/rapport au ministre/séminaire annuel/participation à la task force et au groupe inter administrations. 13 Il y a 8 IRT en France, issus des investissements d'avenir. C'est une nouvelle façon de faire travailler ensemble les industriels et les chercheurs, et d'essayer de sortir de la logique de subvention.
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Sur le cas plus spécifique des forces de l'ordre, la gendarmerie a beaucoup investi ce domaine parce qu'elle considère que le véhicule automatisé n'est pas un objet connecté comme les autres, mais aussi parce que c'est un domaine à grands enjeux14. Outre l'OCSTI, elle dispose du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale notamment du plateau d'investigations véhicules15, et de plusieurs départements de l'IRCGN16. La police a choisi une voie différente et n'est pas aussi présente dans ce dossier. Elle n'occupe pas pour le moment la place qui lui est réservée à l'OCSTI. Trois principes peuvent être retenus pour structurer le dispositif de lutte contre la cybercriminalité et de renforcer les processus : L'approche commune police-gendarmerie, en particulier par le partage des structures (OCSTI, plateau véhicules...), des outils (GENDIAG17) et des méthodes (fiches réflexe, guide d'enquête) ; La mise en réseau est essentielle : les services doivent participer au groupe inter administrations, tisser des partenariats avec des centres de recherche, échanger des stagiaires, développer des projets communs ; Le partenariat d'échanges avec des constructeurs est stratégique, notamment pour le développement technologique spécifique aux besoins des forces de police, l'identification des fragilités des véhicules volés et la réponse à apporter, récupération des données des Event data recorders (EDR), etc.
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Ce troisième point est fondamental aussi, pour l'ensemble des acteurs. En effet les pouvoirs publics comptent sur les constructeurs pour mettre en place des mesures efficaces de cybersécurité, car elles sont stratégiques pour eux. Il est donc essentiel que les constructeurs soient associés et s'associent à toutes les démarches relatives à cette thématique. La gendarmerie bâtit des partenariats avec les constructeurs : des conventions sont en cours avec Renault et PSA, qui organisent essentiellement des échanges d'informations. La coordination des acteurs est néanmoins balbutiante. Elle prend notamment la forme d'un tour de table ponctuel dans le groupe de travail inter administrations et la task force, mais n'est pas organisée en mode de projet. Les constructeurs ne sont pas encore assez ouverts et associés. Il n'y a pas de coordination spécifique à la thématique de Cybersécurité. Il y a une forte prise de conscience qui génère du foisonnement. Chacun construit donc ses propres réponses, parfois en partenariat bilatéral, mais la réponse globale n'est pas encore structurée. La cybersécurité concerne tous les véhicules, même ceux qui ne sont pas hautement automatisés. L'e-Call, obligatoire à partir de 2018, est un nouveau point d'entrée. Elle regarde tout autant d'autres moyens de transport : trains, bateaux... La coordination en matière de cybersécurité doit être élargie sur la base de ce périmètre étendu. Il est possible de prendre exemple sur ce a été fait pour la sécurité des cartes de paiement : la mise en place d'un « observatoire » qui a débouché sur des outils concrets comme « 3D secure ». Le dialogue est indispensable entre des acteurs qui peuvent collaborer en phase de pré-industrialisation, puis devenir
La lutte contre la criminalité numérique : 260 enquêteurs, 1 700 référents cyber, plus les brigades. Cette branche est a priori déjà surchargée. 15 Qui apporte un soutien aux enquêteurs afin de les aider à identifier un véhicule qui pourrait être volé ou à le localiser (40 % de ces saisines proviennent des unités de police nationale de la préfecture de police de Paris). 16 Véhicules (VHC) et informatique électronique (INL) qui apportent leurs expertises et le centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) qui assure une veille informatique pour suivre et réprimer la délinquance associée sur les réseaux et qui conduit des actions de recherche pour reproduire les attaques (hacking) et comprendre la capacité des hackers et leur niveau supposé. 17 GENDIAG est un projet commun qui a abouti à la réalisation d'un outil permettant d'identifier tous les calculateurs d'un véhicule en se branchant sur la prise OBD.
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concurrents ensuite (exemple des opérateurs téléphoniques et des banques). Une autre approche est de désigner un coordinateur thématique. 3. La réponse aux menaces
Une approche cadre a été proposée par l'ANSSI : Pour assurer la cybersécurité des véhicules connectés et automatisés, il faut rapidement tenir compte des considérations suivantes : le nombre des véhicules connectés augmentera de beaucoup durant la décennie à venir, même celui des véhicules connectés à bas coût, notamment en raison des équipements obligatoires à bord comme l'e-Call (appel d'urgence) ; la cybersécurité doit être prise en compte aussi tôt que possible en tant que domaine à traiter obligatoirement lors de la réception par type, en clarifiant et harmonisant les règles que doivent appliquer les constructeurs comme les équipementiers ; l'approche européenne envers la cybersécurité devra être fondée sur des règles tirées de la réglementation internationale préparée à Genève ; comme tout nouveau véhicule sera bientôt confronté au problème de la cybersécurité, il faudra introduire des dispositions envers la cybersécurité dans le règlement de la Commission économique pour l'Europe des Nations-Unies n° 10 (sur la compatibilité électromagnétique) ou n° 116 (sur la protection contre les usages non autorisés), ou bien bâtir une nouvelle réglementation internationale pour les catégories M (voyageurs) et N (marchandises) de ladite Commission économique ; les dispositions devront être fondées sur les normes existantes, notamment celles qui s'appliquent aux industries autres que l'industrie automobile ; les nouvelles dispositions de la réglementation automobile devront astreindre les constructeurs à installer des systèmes de cybersécurité qui devront être testés et validés avant toute mise en service ; il faudra répondre convenablement à la question des mises à jour par la technologie OTA (over the air) ou par des correctifs (patchs) de sécurité pour les voitures déjà en circulation.
Ainsi l'ANSSI a-t-elle été conduite à présenter les recommandations suivantes, rédigées avec la DGEC, et adressées au WP 29 : effectuer une analyse de risques, un audit de conformité et des tests d'intrusion avant toute mise en circulation d'un nouveau type de véhicule, cela pouvant constituer un nouveau chapitre dans le processus de réception (homologation) des véhicules ; adopter le principe de la sécurisation dès la conception pour les logiciels comme pour les matériels (composants, dispositifs, véhicule), cela permettant à l'ensemble des parties prenantes de mieux sécuriser les architectures et les réseaux en s'appuyant notamment sur la défense en profondeur (isolation des fonctions critiques), le filtrage des flux, le chiffrement des flux, etc. ; utiliser, s'ils existent, des composants labellisés (certifiés ou qualifiés par l'ANSSI18), par exemple pour les unités de commande électronique : ECU pour Electronic Control Units, TCU pour Telecommunication Control Unit, les passerelles (Gateways) qui isolent les fonctions sensibles) des véhicules ;
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L'ENISA est l'agence européenne de sécurité des systèmes d'information.
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assurer le maintien en condition de sécurité des véhicules via des mises à jour à distance dite OTA (Over The Air)19 ou par le biais de la prise OBD (On Bord Diagnostic), mais en prenant garde au fait que ces mises à jour multiplient les possibilités de compromission des systèmes et doivent donc être particulièrement maîtrisées ; garantir la sécurité opérationnelle (supervision, détection et gestion des incidents) pour déceler et prévenir les attaques informatiques, le suivi global de la sécurité et la réponse aux incidents de sécurité pouvant s'appuyer sur une adaptation du SOC (Security Operations Center) à l'univers automobile ; tracer et journaliser les événements informatiques en vue d'une analyse approfondie le cas échéant ; prévoir un mode dégradé ou manuel en cas de problèmes liés à la cybersécurité ; mettre en place une structure d'échange dédiée au secteur automobile sur les menaces et les réponses à apporter aux cyber attaques à l'instar de ce qui existe dans d'autres pays ou dans d'autres domaines en France, la constitution d'un CERT (Computer Emergency Response Team) dédié à l'univers automobile étant un gage d'efficacité ; introduire dans les corpus réglementaires et normatifs relatifs à l'automobile des exigences de cybersécurité ; adopter une approche holistique, intégrer l'infrastructure routière et les infrastructures de télécommunication dans le champ d'analyse.
Ces recommandations et les analyses de risques devront former un nouveau cadre pour l'approbation de la sécurité de tous les véhicules connectés. Selon l'ANSSI, la réception d'un véhicule devrait être subordonnée à un audit de conformité aux nouvelles règles de cybersécurité. C'est donc une approche réglementaire et normative20 que préconise l'ANSSI. Les règles techniques relatives aux véhicules sont établies au niveau international (ONU et commission européenne), notamment dans le cadre du WP 29 qui reste encore très orienté vers la protection des données. La réglementation technique n'impose pas aujourd'hui d'exigence relative à la cybersécurité. La parole de la France y est portée par la DGEC, qui a proposé les recommandations de l'ANSSI (citées plus haut) dans le groupe de travail ITS. Elles ne figurent pas toutes dans une contre-proposition concomitante germano-japonaise. Une difficulté subsiste : la France propose d'intégrer ces propositions dans la réglementation technique internationale, alors que les Allemands et Japonais veulent en faire de simples lignes directrices. Or, tous les véhicules neufs embarquent déjà des fonctions connectées insuffisamment bien conçues au regard de la cybersécurité. Le WP 29 n'a pas encore chargé l'un de ses groupes de travail
L'identification du véhicule est une difficulté selon systèmX. Il faut développer une base de données de certificats qui permettent de garantir « qui vous êtes ». Il faut expérimenter les problèmes d'authentification des entités qui communiquent (VtoV ; VtoI). Il faut générer des certificats (PKI : public key infrastructures) toutes les 10 minutes ou moins... En outre, on rencontre une difficulté culturelle : dans le monde IT ont fait une mise à jour dès que l'on trouve un trou de sécurité. Le monde du transport a pour culture d'attendre car il faut ré-homologuer. 20 L'approche normative est aussi une piste. Les normes ne sont pas toujours opposables, mais tous les constructeurs les respectent. De nombreuses normes concernent les équipements automobiles. Dans le domaine de la sécurité, l'ISO 26262 publiée en 2011 (« Véhicules routiers - Sécurité fonctionnelle») pour les systèmes de sécurité dans les véhicules routiers à moteur est largement reprise mondialement. Elle définit un cadre et un modèle d'application, ainsi que les activités, les méthodes à utiliser et les données de sortie attendues. Sa mise en oeuvre permettra de garantir la sécurité fonctionnelle des systèmes électrique/électronique dans les véhicules automobiles (c'est une adaptation de la norme CEI 61508 prenant en compte les spécificités de ce secteur). L'association SAE a publié un guide de recommandations en termes de cybersécurité début 2016 (SAE J3061).
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de proposer des évolutions réglementaires pour imposer le respect de règles de cybersécurité dans le processus d'homologation. Des lignes directrices pourront être utiles dans l'intervalle nécessaire à la production réglementaire. La position américaine, se rapproche de la position allemande. Elle est traduite dans les « guidelines » publiées par le ministère fédéral des transports le 19 septembre 201621. Le Parlement européen a adopté la directive NIS (Network and Information Security) le 6 juillet 2016. Cette directive est destinée à assurer un « niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d'information dans l'Union européenne ». Les « opérateurs de services essentiels » (dont le secteur des transports) et certains fournisseurs de services numériques seront soumis à des exigences de sécurité et de notification d'incidents de sécurité. L'Europe fixe un cap, mais ce sont les États membres de l'UE qui devront identifier les entités concernées par la directive, en déterminant quelles autorités nationales sont compétentes pour contrôler l'application de la directive, en adoptant une stratégie nationale de sécurité des réseaux et des systèmes d'information (identification des risques, prévention, gestion et réponse à incidents). Sans oublier que la sécurité des réseaux et des SI inclut la sécurité des données stockées, transmises et traitées. Chaque État membre devra désigner un ou des centres de réponse aux incidents de sécurité informatique (CSIRT), ou un centre de réponse aux urgences informatiques (CERT), pour alerter, suivre et analyser les incidents à l'échelon national. La transposition de la directive NIS entrée en vigueur le 19 juillet 2016, doit intervenir au plus tard le 9 mai 2018. La France s'est déjà lancée (elle est en avance sur ce sujet : elle a fortement inspiré la directive, avec les allemands, et a été désignée pilote pour la transposition). Un dispositif déjà en place22 permet d'appliquer certaines mesures aux OIV (249 opérateurs d'importance vitale, sur une liste classifiée). Le dispositif de transposition de la directive NIS, en cours d'élaboration, s'en inspire et sera formalisé en 2017. Les premiers arrêtés encadrant la sécurité des OIV ont été publiés. Le Journal Officiel vient de publier 3 arrêtés applicables au 1er octobre 2016 fixant « les règles de sécurité et les modalités de déclaration des systèmes d'information d'importance vitale et des incidents de sécurité » pour le secteur des transports (terrestre, maritime et fluvial, aérien)23. L'arrêté précise les modalités de déclaration des systèmes d'information d'importance vitale (SIIV), de déclaration des incidents de sécurité, de désignation de la personne représentant l'opérateur auprès de l'ANSSI. Les règles de sécurité24 font l'objet d'une annexe
Synthèse et traduction : « Ce domaine est un domaine en évolution et plus de recherches sont nécessaires avant de proposer une norme réglementaire. Il faut donc dans un premier temps, développer des produits robustes intégrant les menaces de cybersécurité, inclure systématiquement l'évaluation du risque. La sécurité doit être globale et par conception et le système doit être apprenant. Les constructeurs sont encouragés à concevoir leurs systèmes après avoir étudié les meilleures pratiques, notamment en prenant appui sur les principes publiés par l'institut national pour les normes et pour la technologie, la NHTSA, le SAE, l'alliance de fabricants automobiles... Le processus entier doit être documenté (les actions de changement, les choix de conception, les analyses doivent être tracées...). Le partage industriel est important. C'est le but du centre auto-ISAC : l'apprentissage de groupe. À cette fin, les entités (principalement les constructeurs) devraient rapporter toutes les fragilités, les découvertes d'incidents de terrain, les tests internes, ou la recherche de sécurité externe à auto-ISAC dès que possible indépendamment de leur adhésion au centre. Ces entités devraient envisager d'adopter une politique de révélation de vulnérabilité. ». 22 Article 22 de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013, puis décret n° 2015-351 du 27 mars 2015 relatif à la sécurité des systèmes d'information des opérateurs d'importance vitale. 23 Les règles ont été définies par 18 groupes de travail représentant 12 secteurs dont les transports, puis par le dialogue entre l'OIV concerné et l'ANSSI. Fruit de ces échanges, les arrêtés fixent donc un ensemble de règles strictes en matière de sécurité pour les OIV sur les systèmes d'information d'importance vitale (SIIV) identifiés comme tels, qui devront être homologués à travers un dossier et un audit. Cet audit porte sur l'architecture, la configuration, l'organisationnel et les tests d'intrusion. Il est réalisé par un prestataire qualifié par l'ANSSI ou en interne. 24 Il s'agit des règles de politique de sécurité des systèmes d'information, homologation de sécurité, cartographie des systèmes d'information, maintien en condition de sécurité, journalisation, corrélation et analyse des journaux, détection, traitement des incidents de sécurité, traitement des alertes, gestion des crises, identification, authentification, droit d'accès, comptes
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précise et exigeante. Ces règles sont contraignantes et devraient peser entre 5 et 10 % du budget de la DSI de tout OIV, selon l'ANSSI. La philosophie de la loi de programmation militaire repose sur une assiette réduite d'opérateurs avec une exigence forte, sur la base du concept de sécurité nationale et de la notion d'opérateur d'importance vitale. La philosophie de la NIS pourrait s'appuyer sur une assiette plus large avec des exigences moins fortes, sur la base du concept de continuité du marché et de la notion d'opérateur essentiel. En France, les opérateurs d'importance vitale sont déjà listés, les opérateurs essentiels doivent l'être. Dans l'intervalle qui nous sépare de la date limite de transposition, il peut être utile d'analyser dans quelle mesure cette directive pourrait être applicable à la problématique de la cybersécurité des véhicules autonomes. En outre, la NIS concerne des opérateurs mais pas leurs objets, et donc en l'occurrence pas les véhicules, ni les données (qui sont du domaine de la CNIL). Cependant les règles de la NIS pourraient être appliquées aux futures plateformes de supervision, et aux réseaux de collecte et de transfert de données (vers e-call, assureurs, assisteurs, constructeurs). Une structure d'échange et de partage des alertes, des incidents de sécurité, de leur analyse et de leur traitement est en outre nécessaire, comme c'est déjà le cas aux États-Unis (autoISAC). Les outils mis en place par la NIS, notamment un CERT (Computer Emergency Response Team) spécifique aux véhicules connectés ou autonomes, pourraient être une solution. Ce CERT ne devrait pas être limité aux seuls constructeurs, afin de continuer à permettre les remontées d'incidents pour la connaissance de l'état de la menace. Il pourrait s'imbriquer dans l'architecture du CERT racine, aujourd'hui confié à l'ANSSI.
d'administration, systèmes d'information d'administration, cloisonnement, filtrage, accès à distance, installation de services et d'équipements, indicateurs.
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Annexe n° 10 : L'état de la recherche en France et dans le monde
Les développements sur les voitures autonomes sont les plus nombreux. Ils sont particulièrement intenses en Chine (depuis peu), en Corée du Sud, aux États-Unis, en Europe (Allemagne, Espagne, France, RoyaumeUni, Suède, etc.) et au Japon. Il y en a aussi dans d'autres pays, comme en Australie, et à Singapour. Partout, ils s'appuient sur des essais (sur route fermée), des expérimentations (sur route ouverte à d'autres circulations) et des simulations numériques. Les recherches portent surtout sur les capteurs et l'intelligence artificielle. Pour tous, les trois problèmes les plus difficiles à dénouer concernent : (1) la reprise en main, (2) la mise en trajectoire de sécurité et (3) la compréhension des comportements humains alentour. Les recherches sur l'adaptation nécessaire des routes (niveau de maintenance, etc.) sont moins nombreuses, sauf pour les connexions I2V. La raison en est que l'industrie s'efforce de mettre au point, dans la mesure du possible, des systèmes qui soient capables de circuler partout, qu'il y ait une bonne signalisation routière (marquages au sol, etc.) ou non. La recherche s'intensifie autour des enjeux du développement du véhicule autonome. Les travaux portent sur les capteurs, sur la cartographie numérique, sur l'interface entre le conducteur/passager et le véhicule, et sur les aménagements de l'infrastructure (y compris la connectivité). Il s'y ajoute les travaux portant sur la sécurité des systèmes (lutte contre la cyberdélinquance). Bien entendu, les recherches consacrées à l'intelligence artificielle (notamment sur le « deep learning », ou processus d'apprentissage de l'intelligence artificielle) profitent au véhicule autonome. I. En France
L'effort de recherche est partagé entre le secteur public et le secteur privé (en réalité, des passerelles ont été établies grâce à la NFI ou dans le cadre des Investissements d'avenir. Les principaux instituts engagés dans ces travaux sont, comme décrit dans le rapport au § 1.2.4., l'IFSTTAR, le CEREMA, l'INRIA, l'IRT SystemX, et VeDeCom. · L'IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux, établissement public à caractère scientifique et technologique) L'IFSTTAR est particulièrement présent sans les recherches sur le comportement. Son Laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) de l'IFSTTAR a publié un rapport important sur le comportement des véhicules automatisés et de leurs conducteurs : « Intention to use a fully automated car : Attitudes and a priori acceptability » (publié le 9 mai 2014) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac (IFSTTAR) et Patricia Delhomme (IFSTTAR). La Mission CGEDD-IGA a été particulièrement intéressée par les résultats. Les trois auteurs ont montré que la reprise en main sans entraînement en cas d'urgence pouvait durer en moyenne de 2 à 8 secondes. En cas d'anticipation, le système prévenant alors à l'avance de la nécessité de reprendre le contrôle de la voiture, le temps de reprise en main varie en moyenne entre 3,6 et 15,2 secondes pour la première reprise de contrôle, et en moyenne de 2,7 à 13,9 secondes pour la seconde reprise de contrôle. La reprise en main peut donc être nettement au-dessus du temps généralement considéré comme convenable, à savoir 10 secondes. Les auteurs ont conclu par trois points clefs : il faut apprendre aux conducteurs à se servir convenablement d'un véhicule pleinement autonome (afin de réagir convenablement lors des reprises en main), un haut niveau de confiance peut paradoxalement augmenter le temps de reprise en main en cas d'urgence,
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un entraînement approprié peut atténuer les conséquences fâcheuses de l'excès de confiance sur les temps de reprise en main.
· Le CEREMA (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, établissement public administratif) Le CEREMA est particulièrement impliqué dans les expertises sur les infrastructures, l'aide à la conduite, la signalisation. Il a travaillé sur les aspects psychologiques (développés dans l'annexe n° X sur l'acceptabilité sociale). L'INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique, établissement public à caractère scientifique et technologique) est un acteur clé dans le domaine de l'intelligence artificielle, et intervient comme partenaire dans des projets de véhicules de niveau 5. System X (Institut de recherche technologique issu du programme des investissements d'avenir) :
Fort de 82 chercheurs et 34 doctorants, assisté par de nombreux partenaires (61 industriels et 14 établissements académiques), l'institut de recherche technologique (IRT) SystemX, fondé en 2012, est chargé25 de la sécurité au titre du plan sur les véhicules autonomes de la Nouvelle France Industrielle (NFI). Sa mission porte sur la sécurité des véhicules automatisés entendue comme (1) la sûreté de fonctionnement et (2) la cybersécurité. Ses objectifs sont : de « recommander les méthodes et les outils pour l'aide à la conception et la validation du VA [véhicule autonome] », et à ce dessein, de « proposer les méthodes et les outils afin de démontrer l'atteinte des objectifs de sûreté de fonctionnement », et de « recommander, proposer et partager des modèles et des formats permettant la construction d'une bibliothèque de cas tests », d'« analyser la vulnérabilité Cyber du véhicule particulier », de « coordonner et mettre à jour la feuille de route technologique « Sécurité et Sûreté de fonctionnement ».
VeDeCom (institut pour la transition énergétique, issu du programme des investissements d'avenir) fédère la presque totalité des organismes français travaillant aux recherches précompétitives en matière de véhicule autonome. C'est, avec SystemX, l'organisme le plus important aujourd'hui en France, hors les centres de recherche de l'industrie automobile. Les véhicules connectés et autonomes constituent le second de ses trois domaines d'étude, à côté de l'électrification des véhicules et du thème « Mobilité et énergie partagées ». Quatre grands sujets de recherches structurent le domaine « Délégation de conduite et connectivité » : véhicule à conduite déléguée, robustesse des architectures et des systèmes, nouvelles communications sécurisées et sécurité coopérative, évaluation des impacts sociétaux et acceptabilité de la conduite déléguée.
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SystemX travaille à d'autres recherches que celles relatives aux véhicules automatisés.
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II.
En Europe, l'Union européenne coordonne des travaux de plus en plus importants
Il y a d'assez nombreux projets de recherche et développement coordonnés par l'Union européenne. Les auteurs du rapport « European Roadmap Smart Systems for Automated Driving » (Jadranka Dokic, Beate Müller et Gereon Meyer), rapport publié à Berlin le 1er avril 2015 dans le cadre de l'European Technology Platform on Smart Systems Integration (EpoSS), ont résumé dans le graphique ci-dessous les programmes européens portant d'une manière ou d'une autre sur le véhicule autonome. Les flèches rouges ont trait aux programmes achevés, et les vertes aux programmes en cours en 2015.
Source : Commission européenne
Dans le cadre de Horizon 2020 et de son programme de travail pour 2016 et 2017 (« Smart, green and integrated transport »), la Commission européenne a publié et publiera des appels à projets comme indiqué dans le tableau ci-dessous (cf. décision de la Commission européenne C(2016) 4614 du 25 juillet 2016) : Les appels sont les suivants : ART-02-2016 pour « Automation pilots for passenger cars », ART-04-2016 pour « Safety and end-user acceptance aspects of roaf automation in the transition period », ART-05-2016 pour « Road infrastructure to support the transition to automation and the coexistence of conventional and automated vehicles on the same network »,
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ART-06-2016 pour « Coordination of activities in support of road automation », ART-01-2017 pour « ICT infrastructure to enable the transition towards road transport automation », ART-03-2017 pour « Multi-Brand platooning in real trafic conditions », ART-07-2017 pour « Full-scale demonstration of urban road transport automation ».
Par ailleurs, la recherche privée, chez les constructeurs et équipementiers notamment, est très importante. Le rapport précité du cabinet Strategy& relève que Bosch emploie 14 000 ingénieurs dans le domaine du software... III. Ailleurs qu'en Europe, l'effort est impressionnant
1. Aux États-Unis, des programmes colossaux ont été lancés par les acteurs de l'internet (Google en tête), ainsi que par les constructeurs traditionnels. Google a consacré des moyens importants au programme de développement de véhicules de niveau 5. À la fin octobre 2016, les véhicules en test ont accompli un trajet de 3,5 millions de kilomètres (ou 2,2 millions de miles). TESLA est également très en pointe, et des entreprises qui viennent au départ du monde du numérique, comme Nvidia, sont aussi très impliqués dans des travaux de recherche et de simulation. 2. En Asie, la Chine, la Corée du Sud et le japon soutiennent des efforts de recherche tout-à-fait significatifs. L'effort est particulièrement soutenu en Chine, avec l'appui total du gouvernement (voir le rapport de Strategy&, page 43). Les entreprises comme BAIDU visent des objectifs très ambitieux (pour BAIDU, rien moins que de dépasser les Américains), et consacrent des moyens très larges à la recherche. BAIDU a, par exemple, numérisé 6,7 millions de kilomètres de routes en Chine26.
Center for Technology innovation, at Brookings : « moving forward : self-driving vehicles in China, Europe,Japan, Korea, and the United States », septembre 2016
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Annexe n° 11 : Les poids lourds, les navettes, les bus autonomes
Il y a bien des recherches faites sur les autocars et autobus, comme celles menées par l'entreprise Yutong en Chine ou celle de la Land Transport Authority à Singapour. En France, la RATP a aussi engagé des études, en commençant par les déplacements des autobus dans les centres bus (dépôts et ateliers dans la terminologie de la RATP). Mais la plupart se concentrent pour le moment sur les navettes de petite taille, de dix ou quinze places. Un peu partout dans le monde, des expérimentations sur routes ouvertes se déroulent ou se préparent, notamment avec les deux sociétés françaises Navya et EasyMile (Australie, France, États-Unis, Inde, Suisse, etc.), mais aussi avec d'autres sociétés : Local Motors d'Arizona, Hi-Tech Robotic Systemz d'Inde, Kamaz (avec Yandex) de Russie, etc. Les poids lourds Les recherches qui regardent les camions autonomes, dont les premières remontent à plusieurs décennies en Europe comme aux États-Unis, ont déjà abouti à des réalisations industrielles. Ainsi la société minière Rio Tinto a-t-elle constitué une flotte de lourds camions (pouvant transporter 320 tonnes) sans conducteur dans ses mines à ciel ouvert d'Australie-Occidentale ; elle a passé contrat avec Komatsu pour acheter au total 150 camions autonomes. La circulation en peloton de poids lourds a été l'objet d'études avancées aux États-Unis (mise au point de la technologie Driver Assistive Truck Platooning ou DATP) comme en Europe (étude de la société néerlandaise TNO de février 2015, qui fait référence). L'IFSTTAR a lui aussi mené des études encourageantes. Dans les projets étudiés ou les expérimentations menées, les camions derrière le véhicule de tête peuvent rouler avec ou sans conducteur. Dans tous les cas, les avantages sont importants au regard de la consommation de carburant (peut-être 15 % de moins), de la sécurité routière, du confort des conducteurs en arrière, des frais de personnel si les conducteurs derrière le camion de tête sont considérés comme ne travaillant pas, ou bien sûr s'il n'y a pas de conducteurs en arrière. Il est regrettable que la France n'ait pas participé à la grande expérimentation d'avril 2016 appelée European Truck Platooning Challenge ; lorsqu'une douzaine de camions de DAF Trucks, Daimler Trucks, Iveco, MAN Truck & Bus, Scania et Volvo Group, avait alors convergé à Rotterdam en traversant cinq pays d'Europe (Allemagne, Belgique, Danemark, Pays-Bas et Suède). Les navettes et bus 1. Deux sociétés françaises se distinguent dans le monde pour la fabrication de navettes (ou minibus) autonomes : EasyMile (implantée à Toulouse) et Navya (implantée à Paris et Lyon, employant une cinquantaine de personnes, accompagnée par le fonds d'investissement Robolution Capital). 2. Dès 2009, après une dizaine d'années de recherche et développement, dans le cadre d'IMARA (« informatique, mathématiques et automatique pour la route automatisée »), l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) a testé dans plusieurs villes d'Europe son véhicule autonome CyCab, petite voiture à deux places. Ces essais se sont faits dans le cadre du projet européen CityMobil, dont le but était de développer des moyens intelligents de transport en commun. Le CyCab a été testé en particulier à Vantaa (Finlande) en octobre 2009. Le développement du CyCab a été poursuivi ensuite par la société Robosoft.
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Deux CyCab de l'Inria
(source : Inria)
3. Le projet européen de recherches CityMobil2 regarde le développement de navettes et autobus autonomes. Fort d'un budget de 15 millions d'euros (les deux tiers provenant de l'Union européenne), exécuté sur la période 2012-2016, ce programme permettra des démonstrations et expositions de petits autobus dans dix villes d'Europe : León (Espagne, expérimentation à grande échelle), Bordeaux (France, exposition), Varsovie (Pologne, exposition), Oristano (Italie, expérimentation à petite échelle), Vantaa (Finlande, expérimentation à petite échelle avec navettes EZ10 d'EasyMile à l'été de 2015), San Sebastian (Espagne, expérimentation à petite échelle), Sophia Antipolis (France, expérimentation à petite échelle avec navettes d'EasyMile), La Rochelle (France, expérimentation à grande échelle avec navettes d'EasyMile27), Lausanne (Suisse, avec navettes d'EasyMile) et Trikala (Grèce, expérimentation à grande échelle avec navettes de Robosoft). Les deux constructeurs retenus à l'origine étaient français : EasyMile et Robosoft (actionnaire avec Ligier d'EasyMile). Par la suite, seule la société EasyMile continuera le développement. Sa navette, qui s'appelle EZ10, longue d'environ quatre mètres, n'a ni volant ni pédale, peut prendre douze voyageurs, est accessible aux personnes à mobilité réduite, est équipée d'un moteur électrique (batterie lithium-ion permettant une autonomie de 14 heures), se déplace normalement à la vitesse maximale de 20 ou 25 km/h, coûte aujourd'hui environ 200 000 euros, a déjà participé à cinq expérimentations. 4. Le projet City Automated Transport System (CATS) s'est inscrit dans le 7e programme-cadre de l'Union européenne. Il a duré de 2010 à 2014. Il portait sur la faisabilité et l'acceptabilité de véhicules électriques sans conducteur dans les villes d'Europe. Des essais ont eu lieu à Strasbourg (France), Ploiesti (Roumanie) et Lausanne (Suisse), avec des véhicules de la société Navya. Les conclusions ont été reprises notamment dans l'article « Pioneering driverless electric vehicles in Europe : the City Automated Transport System (CATS) » de Derek Christie, Anne Koymans, Thierry Chanard, Jean-Marc Lasgouttes et Vincent Kaufmann, publié en 2016 dans Transportation Research Procedia (volume 13, 2016). 5. Hors du programme CityMobil2, le projet WEpod a été préparé par la province de Gelderland aux Pays-Bas pour un service à l'université et centre de recherche Wageningen. Les navettes sont d'EasyMile. Le projet se poursuivra avec l'établissement d'une liaison entre cette université et la gare ferroviaire d'EdeWageningen. 6. Hors du programme CityMobil2, la société française Navya a vendu deux navettes appelées ARMA à la société CarPostal, entreprise publique de transport collectif en Suisse, pour une expérimentation dans les rues ouvertes (avec feux de signalisation) de la ville de Sion. La navette ARMA à moteur électrique, longue de 4,75 mètres, peut prendre quinze voyageurs et coûte environ 200 000 euros. La circulation des navettes
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Sans volant ni pédales, les navettes ont circulé à la vitesse maximale de 7,5 km/h sur une distance d'un kilomètre et demi. Les algorithmes de guidage avaient été préparés par Robosoft. Les navettes étaient équipées de radars à l'avant (détectant tout objet à moins de 30 mètres), d'un lidar et d'un GPS différentiel (permettant une localisation centimétrique).
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sera gérée par la nouvelle société BestMile, fondée par des jeunes ingénieurs de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (ÉPFL). Chaque navette ARMA, mue par un moteur électrique, pourra prendre neuf voyageurs et circulera à la vitesse maximale de 20 km/h ; pour agir en cas de problème, un opérateur est toujours présent à bord. 7. La société Navya a vendu six navettes ARMA à ÉDF pour sa centrale nucléaire de Civaux (Vienne). Circulant à la cadence d'un passage toutes les trois minutes sur un parcours de 2,8 kilomètres, gérées par Transdev, elles remplacent les bus à moteur thermique pour le transport des personnels sur le site de la centrale selon une cadence (souvent trop lente) d'un passage toutes les quinze minutes. En juillet 2016, les navettes devaient commencer à circuler sans opérateur à bord, les circulations étant suivies à distance par Navya dans son centre opérationnel à Lyon ; toutefois, cette phase a été repoussée. Les navettes transportent entre sept cents et mille personnes par jour. Pour la société ÉDF, les avantages sont de quatre ordres : transport écologique (sans émission de dioxyde de carbone), meilleur service de transport (cadence plus haute), vitrine technologique (véhicules tous autonomes et électriques), bonne rentabilité économique de l'investissement (absence de conducteurs).
Navette ARMA de la société Navya dans la centrale de Civaux (Vienne) en avril 2016
(source : Navya)
8.
La société Navya exécute et prépare deux expérimentations importantes à Lyon et à Paris
Il s'agit d'abord, à Lyon, de circulations expérimentales (avant de devenir commerciales) entre l'arrêt de tramway T1 Hôtel de région-Montrochet et la pointe sud du quartier Confluence (près de l'immeuble de GL Events). Il y a trois arrêts intermédiaires. Les cinq stations s'appellent Charlemagne, Passerelle, Salins, Sucrière et Magellan. La distance entre les deux terminus est de 1,3 kilomètre. Accessible à tous, le transport expérimental est opéré par Navya et Keolis, avec le soutien de la métropole de Lyon, du SYTRAL et de l'ADEME. Il durera un an. Assuré par deux navettes ARMA (qui peuvent transporter jusqu'à quinze personnes, dont onze assises), commencé le 2 septembre 2016, appelé NAVLY, le service de transport, qui est gratuit, est ouvert de 7 h 30 à 19 h du lundi au vendredi, avec une fréquence comprise entre 10 et 20 minutes. La vitesse maximale est de 25 km/h ; en réalité, elle sera entre 10 et 15 km/h durant les premières semaines au moins. Conformément à l'autorisation de l'expérimentation, un agent est présent à bord pour s'assurer du bon fonctionnement de chaque navette autonome, et les voyageurs doivent s'inscrire sur un registre en montant.
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Les navettes de Navya à Lyon en septembre 2016
(source : Navya-Keolis)
Les dessertes des deux navettes de Navya à Lyon
(source : Navya-Keolis)
Il s'agit d'autre part de circulations expérimentales puis commerciales à Paris28, selon un projet préparé avec la mairie de Paris, la RATP et Setec pour une liaison entre la gare de Lyon et la gare d'Austerlitz par le
L'adjoint à la maire de Paris en charge de l'urbanisme, de l'architecture, des projets du Grand Paris, du développement économique et de l'attractivité, Jean-Louis Missika, s'est montré enthousiaste sur les véhicules autonomes dans l'article qu'il a fait publier (sous le titre « Il est temps d'investir dans le transport autonome à Paris ») dans Les Échos le 18 octobre 2016 : « Pour réussir le pari du transport collectif autonome, nous avons besoin d'une vision partagée qui pense le court et le long terme, cette vision partagée doit être construite dans le cadre d'une conférence métropolitaine qui devrait réunir toutes les parties prenantes publiques et privées. / Cette vision doit se fixer des objectifs ambitieux, environnementaux et sociaux : la fin des émissions de particules fines avant 2025, l'objectif de neutralité carbone d'ici 2030, l'accessibilité pour tous et la complémentarité avec les mobilités actives (marche, vélos, etc.). La Ville de Paris est prête pour agir dans cette mutation, elle veut expérimenter très rapidement des liaisons en navette autonome en site ouvert, en commençant avec la RATP par une démonstration sur le pont Charles de Gaulle entre les gares de Lyon et d'Austerlitz, avant la fin de l'année. Ces navettes auront aussi un rôle à jouer pour
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pont Charles-de-Gaulle. Une « étude d'opportunité pour la mise en place d'une liaison entre les gares de Lyon et d'Austerlitz » (version 2 du 14 mars 2016) a été remise aux ministères en mars 2016. Faite avec six ou sept navettes, la liaison relierait probablement un espace de la SNCF au sud-ouest gare de Lyon au bas de l'hôtel Mercure, la rue Van Gogh, le pont Charles-de-Gaulle (avec voie particulière dans chaque sens probablement) et un espace près de la gare d'Austerlitz au débouché du pont sur l'avenue Pierre MendèsFrance. La ville de Paris tient beaucoup à ce projet en raison de son caractère innovant, de l'impossibilité de trouver d'autre projet convenable pour transporter les milliers de personnes qui vont et viennent entre les deux gares chaque jour, et de son souhait de préparer des projets de véhicules autonomes dans son dossier de candidature pour les Jeux olympiques de 202429. Le conseil régional d'Île-de-France soutient aussi ce projet30. 9. Par communiqué de presse le 11 octobre 2016, la société Navya a fait savoir qu'elle procédait à une augmentation de son capital, avec une participation de 30 millions d'euros apportée par Keolis, Valeo et Group8 (société du Qatar). Ces trois actionnaires s'ajoutent aux actionnaires que sont Gravitation, Capdécisif Management et Robolution Capital (ce dernier conservant le contrôle de l'entreprise). Navya a signé un accord de distribution de ses navettes avec Group8 pour les marchés du Moyen-Orient et d'Afrique ; elle construira dans le Golfe persique une usine d'assemblage pour le marché régional. 10. Au début de 2016, la présidente de la RATP a annoncé mettre à l'étude un projet de développement de bus autonomes, d'abord pour les mouvements dans les centres de maintenance. Étudié avec le constructeur italien IVECO, le premier projet regarde le garage autonome des bus au centre bus de Lagny-Pyrénées31 (rouvert après reconstruction en décembre 2015) dans le XXe arrondissement de Paris (projet de « garage intelligent »). Le CEA est associé à ce projet. Il est soutenu par l'Union européenne. Le but est d'équiper les bus actuels afin qu'ils descendent sans conducteur de la rue au centre bus, puis se garent.
Le nouveau centre bus de Lagny-Pyrénées (Paris) de la RATP en décembre 2015
(source : RATP)
développer le transport à la demande dans des zones mal desservies comme les bois parisiens, et surtout dans le périurbain. La grande couronne francilienne pourra ainsi en bénéficier pour faciliter l'accès à la demande aux gares du réseau Transilien. Des expérimentations pourraient aussi être menées sur des voies rapides réservées aux navettes autonomes. Une priorité devrait être donnée à la liaison entre Saclay et Paris pour permettre aux milliers d'étudiants qui rejoindront dès 2019 ce nouveau pôle scientifique et universitaire d'avoir une solution de transport efficace et accessible. Le temps presse, il est indispensable que tous les acteurs prennent conscience de cette révolution des mobilités, de ce qu'elle exige d'eux et des actes audacieux qu'il faut poser pour la mener à bien. ». 29 Tokyo veut présenter des véhicules autonomes à l'occasion des JO de 2020 sur son territoire. 30 « Il est indispensable de se préparer à l'arrivée des futurs véhicules guidés autonomes [sans conducteur] annoncés entre 2020 et 2022, ou encore des futurs « trains de bus » ou RER autoroutiers. Nous sommes en train d'identifier les tronçons sur lesquels les expérimentations seront menées. Par exemple, nous étudions la création d'une ligne de navettes autonomes entre les gares de Lyon et d'Austerlitz, à Paris. » (Valérie Pécresse, Le Journal du Dimanche, « Mon plan anti-bouchons », 18 septembre 2016). 31 Au 18 de la rue des Pyrénées.
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11. Dans la commune d'Archamps (Haute-Savoie), des études sont actuellement entreprises, avec l'aide du Cerema (centre-est), pour des transports intelligents et autonomes en ville (transport du dernier kilomètre) : projet NodeTech, qui regarde plus particulièrement le parc d'activités Archamps Technopole (50 hectares, 1 800 employés). 12. Dans le nord de la Californie (États-Unis), la Contra Costa Transportation Authority (CCTA) prépare des expérimentations de navettes d'EasyMile32 sur le site de GoMentum Station3334 (ancienne installation de la marine américaine, qui s'étend sur 5 100 acres ou 2 000 hectares et sur 19,6 milles de route) à Concord, puis sur le site de Bishop Ranch (grande zone d'activités industrielles et commerciales de San Francisc Bay Area, de 585 acres ou 237 hectares) à San Ramon, puis sur rues ouvertes près de Bishop Ranch. Dès 2016, deux premières navettes d'EasyMile seront testées à Bishop Ranch. Toutes les expérimentations conduites par la CCTA participeront d'un ambitieux plan de recherche et développement (« Shared Autonomous Vehicle Testing Plan ») avec de nombreuses parties prenantes : industriels, entreprises de télécommunication, instituts de recherche, etc. Elles conduiront in fine la CCTA à définir, et mettre en oeuvre dès 2020, un nouveau plan de transport du comté de Californie. Le système principal de transport collectif (Mass Transit) y sera complété par un réseau fin et complémentaire de quelque 150 petites navettes permettant les trajets terminaux des voyageurs entre domiciles et gares. Les expérimentations de ces navettes sans conducteur ont été autorisées par une loi signée par le gouverneur de Californie le 29 septembre 2016. Cette loi était nécessaire car il est prévu que lesdites navettes traversent des routes ouvertes à la circulation. 13. La jeune entreprise américaine Local Motors (d'Arizona aux États-Unis) a développé avec la société IBM une navette autonome de douze places (assez semblable à celles de Navya), appelée Olli. Ladite navette accomplit actuellement des essais dans la capitale des États-Unis (Washington). Les navettes sont assemblées dans l'usine de National Harbor à une quinzaine de kilomètres de Washington.
Navette Olli de Local Motors dans l'atelier de National Harbor près de Washington (DC, États-Unis) en juin 2016
(source : Local Motors)
14. Mercedes-Benz travaille aussi au développement de bus autonomes. Avec sa plate-forme appelée CityPilot, dans le cadre d'un projet technologique appelé Mercedes-Benz Future Bus, la société a testé en 2016 des bus semi-autonomes (reconnaissance des feux de signalisation grâce à une connexion avec le réseau de télécommunication de la ville, des piétons, freinage automatique, etc.) à la vitesse moyenne de 43 km/h (vitesse maximale de 70 km/h) entre l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol et la ville de Haarlem (Bus
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Accord conclu entre la CCTA et EasyMile en octobre 2015. Concord Naval Weapons Station (CNWS) Test Facility. 34 Sur ce site, la société Honda a déjà expérimenté des voitures autonomes.
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Rapid Transit de 20 kilomètres de long). Les bus sont équipés de caméras et de radars. Les bus font monter et descendre les voyageurs aux arrêts de façon autonome. Les bus restent autonomes dans les tunnels. L'intérieur des bus a été conçu pour un grand confort. Le 18 juillet 2016, la société a déclaré vouloir investir 200 millions d'euros dans le développement de ses bus autonomes. 15. En juillet 2016, la société américaine Tesla a annoncé se préparer à développer, en plus des voitures autonomes, des camions, des bus et des voitures en autopartage, tous autonomes. 16. En Chine, plusieurs expérimentations ont déjà été faites. Yutong est un constructeur d'autobus qui a expérimenté en 2015 des bus autonomes dans ses emprises de Zhengzhou (province du Henan). D'autres expérimentations vont se développer à Wuhu (ville de près de quatre millions d'habitants dans la province de l'Anhui), dans le cadre d'une coopération conclue en 2016 entre la ville et la société Baidu portant sur les bus, les navettes et les taxis robots.
Bus autonome de Yutong en expérimentation en Chine (province du Henan) en 2015
(source : Yutong)
17. En Inde, la société Hi-Tech Robotic Systemz fondée en 2004 a développé une navette de quatorze sièges à Gurgaon (au sud de New Delhi), appelée Novus Drive. C'est la première navette automatisée construite en Inde. Elle est équipée de caméras stéréo, mais aussi d'un lidar (modèle HDL-32E) vendu par la société Velodyne LIDAR Inc. de Californie.
La navette Novus Drive
(source : The Hans of India le 7 février 2016)
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18. En Finlande, à la suite de l'expérimentation de Vantaa (Finlande) à l'été de 2015 (dans le cadre du projet européen CityMobil2), le projet SOHJIA, sous la coordination de l'université des sciences appliquées d'Helsinki (dite Metropolia), a été lancé le 16 août 2016 en présence du maire de la capitale (Pekka Sauri). C'est la circulation expérimentale de navettes électriques EZ10 d'EasyMile (à neuf passagers) durant un an sur route ouverte à Helsinki (août et septembre 2016), puis à Espoo (en septembre et octobre 2016), puis à Tampere (jusqu'à l'hiver).
Navettes EZ10 d'EasyMile en 2016 à Helsinki (Finlande) dans la cadre du projet SOHJIA
(source : EasyMile)
L'expérimentation cessera durant l'hiver 2016-2017 quand la neige sera abondante ; elle reprendra au printemps de 2017. 19. En Australie, une expérimentation avec des navettes de Navya a commencé le 31 août 2016 à Perth (précisément à South Perth Esplanade) sur route ouverte avec des passagers, sous l'appellation RAC Intellibus. La navette est équipée notamment de six lidars, comme dans le quartier Confluence de Lyon. Son itinéraire court sur 2,7 kilomètres le long de la Swan.
La navette de Perth en Australie achetée en 2016 par la Royal Automobile Club of Western Australia (RAC WA) (source : Royal Automobile Club of Western Australia)
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Le parcours de la navette expérimentale de Navya près de Perth (Australie-Occidentale)
(source : Royal Automobile Club of Western Australia)
20. La première démonstration de la RATP a eu lieu sur la voie Georges-Pompidou à Paris (près du Pont-Neuf) avec une navette d'EasyMile l'après-midi du 24 et du 25 septembre 2016, sur une courte distance (130 mètres).
Une navette d'Easymile sur les berges de la Seine
(source : Easymile).
Selon le communiqué du 26 septembre 2016 de la RATP : « Pour la RATP, il s'agit du coup d'envoi d'une série d'expérimentations. D'ici à la fin 2016, une autre démonstration de véhicules autonomes verra le jour entre la Gare de Lyon et la Gare d'Austerlitz sur le Pont Charles de Gaulle, en partenariat avec la Ville de Paris. La RATP travaille également à une expérimentation de desserte interne du site du CEA Saclay. Les premiers tests sont prévus début 2017. Le projet, piloté par la RATP, associe le CEA List (laboratoire de recherche du CEA), Bureau Veritas, Sherpa Engineering (société d'ingénierie) et BMCP (bureau d'études et de conseil spécialisé). Le projet, labellisé par les Pôles de compétitivité LUTB « Transport et Mobility Systems » et Systematic Paris-Région est financé dans le cadre du 22ème FUI (Fonds Unique Interministériel). ». La RATP a acquis en 2016 deux navettes EZ10 de la société toulousaine EasyMile qui lui permettront de mener des démonstrations et des expérimentations. Les deux navettes achetées par la RATP ont été réceptionnées par la RATP en novembre 2016. Elles seront d'abord utilisées en démonstration au premier trimestre de 2017 sur les berges de la Seine et sur le pont Charles-de Gaulle (près de la Maison de la RATP à Paris), là où, plus tard, la RATP veut expérimenter des navettes entre la gare de Lyon et la gare d'Austerlitz.
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21. La RATP étudie un projet de transport par navette autonome dans les emprises du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) à Saclay (Essonne). Sont associés à la RATP : l'Institut List (du CEA Tech), le Bureau Veritas, Sherpa Engineering (société d'ingénierie) et BMCP (bureau d'études et de conseil). Le projet commencera en janvier 2017, et durera trois ans. Il recevra un financement du Fonds unique interministériel (FUI). 22. En Nouvelle-Zélande, la société française Navya a vendu une navette autonome ARMA à la société australienne HMI Technologies. La navette sera acheminée en Nouvelle-Zélande avant la fin de 2016. Elle sera expérimentée dès 2017 sur des routes privées puis ouvertes à l'Aéroport international de Christchurch. L'Université de Canterbury à Christchurch travaillera aux essais. Les expérimentations seront faites sous le contrôle de la New Zeland Transport Agency et du Ministry of Transport. L'aéroport international de Wellington en Nouvelle-Zélande, de son côté, étudie la possibilité de recourir à des navettes autonomes EZ10 d'EasyMile pour desservir ses emprises. 23. Une expérimentation d'une navette EZ10 d'EasyMile par la TCAR, société exploitant le réseau de transport en commun de Rouen (en Seine-Maritime en France), a été accomplie du 31 octobre au 23 décembre 2016 sur les voies des quais en rive droite de la Seine, entre le pont Jeanne-d'Arc et le pont Flaubert. Ces voies sur berge sont possédées par le port autonome de Rouen, mais sont exploitées par la ville de Rouen par convention de superposition de gestion avec le port. La TCAR est contrôlée par le groupe Transdev, l'autorité organisatrice des transports étant la Métropole de Rouen Normandie. L'objectif est, plus tard, d'entreprendre sur les mêmes voies de quai une exploitation commerciale de fin de ligne, là où le moyen du bus n'est plus pertinent. Le public était autorisé à utiliser gratuitement la navette expérimentale de 12 h à 22 h chaque jour. Les voies étaient fermées à la circulation automobile, mais ouvertes aux modes doux. 24. En octobre 2016, la Land Transport Authority (LTA) de Singapour a annoncé vouloir bientôt commencer, avec l'Energy Research Institute de la Nanyang Technological University (NTU), une expérimentation d'autobus autonomes entre l'université NTU et la station voisine dite Pioneer MRT. Elle se fera avec deux autobus à moteur hybride. L'accord à cette fin entre la LTA et la NTU a été signé le 19 octobre 2016, à l'occasion de la cérémonie d'ouverture du Singapore International Transport Congress and Exhibition (SITCE).
Signature, en présence du ministre d'État pour le transport (Ng Chee Meng, debout au centre), de l'accord sur l'expérimentation de bus autonomes entre la LTA et la NTU le 19 octobre 2016 à Singapour
(source : LTA)
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Schéma de principe sur l'équipement des deux autobus qui participeront à l'expérimentation de Singapour (selon la LTA et la NTU) (source : LTA) 25. La société russe Yandex, géant de l'économie numérique en Russie, a annoncé en août 2016 s'être associé au constructeur russe de camions Kamaz, dont sont actionnaires l'État russe, le constructeur allemand Daimler et l'institut NAMI (centre russe de recherches automobiles), pour développer des navettes électriques autonomes. Les expérimentations commenceraient en 2017.
Le prototype de navette (pour 12 passagers) de Kamaz, NAMI et Yandex, présenté à la fin d'août et au début de septembre 2016 au Moscow International Automobile Salon (MIAS) (source : MIAS)
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Annexe n° 12 : L'impact économique et social des véhicules autonomes. L'acceptabilité sociale
I. L'impact économique et social des véhicules autonomes
1. D'après les nombreux travaux qui leur sont consacrés, les changements sur le mode de vie pourraient être très importants De nombreux travaux font apparaître des modifications importantes qui pourraient se manifester dans les modes de vie. Certains anticipent la réduction rapide des trajets « traditionnels », et envisagent même leur disparition à terme, ce qui signifierait la fin du permis de conduire, la disparition des auto-écoles, et la perte de compétence des « conducteurs » devenus des passagers passifs. Les plus enthousiastes décrivent un futur où des enfants pourront se rendre seuls à l'école dans des navettes autonomes, et où les personnes handicapées (aveugles par exemple) pourront bénéficier d'une mobilité inédite35. Certains estiment que l'automatisation permettra de distendre le lien de propriété entre les utilisateurs et les véhicules, ceux-ci étant majoritairement gérés dans des « flottes » par des opérateurs de service, et étant appelés à la demande36. Une étude réalisée par l'Université du Michigan en 201637 estime que les ventes d'automobiles pourraient reculer, les ménages pouvant se contenter d'un seul véhicule, automatisé et fonctionnant sur une plage temporelle plus large. Pareillement, des urbanistes annoncent un bouleversement de l'organisation urbaine, se traduisant par une modification des ouvrages de la voirie, et un nouveau partage de l'espace collectif, allant parfois jusqu'à l'utopie38. 2. Les conséquences sur l'économie et l'emploi sont plus difficiles à estimer
a. Un consensus semble se dégager autour d'un transfert de la valeur vers les plateformes et les services Selon une étude publiée en septembre 2016 par l'institut VeDeCom et la Société des ingénieurs et scientifiques de France (IESF), intitulée : « Véhicule autonome, accompagner la transition », la chaîne de valeur sera progressivement tirée par les plateformes et les services d'usage de véhicules39. Selon les auteurs de l'étude, « la compétition engagée au niveau mondial porte à la fois sur la maîtrise des systèmes logiciels, sur l'organisation des territoires et sur l'adaptation des usages de mobilité ». La valeur devrait ainsi se déplacer vers les fournisseurs et les gestionnaires de logiciels, et vers les opérateurs de services liés à la mobilité. De nombreux travaux convergent en ce sens40.
En ce sens, parmi d'autres, un guide produit par le cabinet américain WSP à destination des décideurs publics, intitulé « Driving towards driverless », 2016, en particulier page 3. 36 On pourra consulter par exemple un travail universitaire, effectué en 2014 et présenté dans un colloque à Washington : « The travel and environmental implications of shared autonomous vehicles, using agent-based model scenarios », par Daniel FAGNANT et Kara KOCKELMAN, publié dans Transportation Research, Part C, Vol. 40 (2014). 37 Cité par David CURRY, dans « Car saale boom to go bust with self-driving cars ? », site Reasdwrite, 5 avril 2016. 38 En ce sens, une étude du cabinet WSP, « Making better places », 2016. 39 Cahier IESF, numéro 23. 40 Voir notamment : International Transport Forum, « Automated and autonomous driving », OCDE, 2015, page 18 ; Etude publiée par SWISS RE et HERE en 2016 sous le titre « The future of motor insurance », page 21 ; Etude du cabinet KPMG, publiée en octobre 2015, sous le titre « Marketplace of change », notamment page 21. Voir aussi Les Echos, article mis en ligne le 18 août 2016 : « la course à la voiture autonome s'accélère entre les constructeurs ».
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b.
Le secteur de l'assurance sera fortement touché
Les primes d'assurance vont nécessairement évoluer parallèlement aux progrès de la technique et seront plus individualisées (voir le Livre Blanc publié par AON Risk Solutions en avril 2015 sous le titre « Quand la voiture devient autonome »). Le dumping massif que ces mouvements sont susceptibles d'entraîner suscitent l'inquiétude d'observateurs comme Warren BUFFET : « Notre activité assurance ne sera pas à la fête quand les voitures autonomes vont arriver, même si ce moment n'est pas pour tout de suite » (in Le Monde.fr, 14 août 2016, article de Noël GHANIME, président de Mondial Assistance France). Il est également tenu pour probable que des transferts de responsabilité pourront s'opérer dans de nombreux pays en direction des constructeurs, ce qui va modifier en profondeur le marché de l'assurance (même source). Les prévisions sur la date à laquelle ces modifications surviendront sont variables selon les auteurs. Le cabinet KPMG, par exemple, estime les transformations interviendront assez rapidement (« Marketplace of change : automobile insurance in the era of autonomous vehicles », octobre 2015, page 20). De manière provocatrice, le journaliste David CURRY a intitulé un article mis en ligne sur le site Readwrite le 5 mai 2016 : « Could autonomous cars destroy the auto insurance industry? » (« Les véhicules autonomes peuvent-ils détruire l'industrie de l'assurance ? »). L'auteur estime que le doute est permis, car l'utilisation plus intensive des véhicules pourrait produire une plus grande usure des matériels, et donc avoir un impact significatif sur les besoins en nouvelles réparations. Une étude portant sur le marché européen de l'assurance, réalisée par le cabinet DELOITTE (« Étude européenne sur le marché de l'assurance automobile connectée », novembre 2016) donne une idée des changements qui se préparent : 28 % des clients interrogés dans onze pays disent accepter de partager leurs données avec leur assureur, ce que le cabinet interprète comme l'indice qu'ils envisagent éventuellement d'aller vers un assureur qui leur propose ce service. DELOITTE estime que, dans un marché où les clients seront de plus en plus démarchés, la connectivité (qui est liée à la montée en charge des automatismes) constitue « une opportunité de se différencier sur un marché toujours davantage fluide et standardisé ». c. Les autres secteurs économiques n'ont pour le moment qu'une idée assez imprécise des transformations à venir Il existe très peu de travaux prospectifs portant sur des activités comme les transports collectifs, le transport de marchandises, l'agriculture, les taxis (ou assimilés). Les responsables interrogés par la Mission CGEDD-IGA sont très prudents dans leurs anticipations, et estiment en général que les mouvements seront graduels et qu'un partage durable du parc entre véhicules classiques et véhicules automatisés est une probabilité. La même incertitude prévaut pour les conséquences à attendre sur l'emploi. En l'absence d'étude sérieuse portant sur ces aspects, la plus grande prudence s'impose. La Mission CGEDD-IGA n'a pas eu la possibilité d'étudier en détail ces questions. II. L'acceptabilité sociale Les études qui ont été réalisées dans plusieurs régions du monde indiquent que le public exprime un fort intérêt pour les véhicules automatisés. Les plus enthousiastes sont dans les pays industriellement les plus jeunes, comme la Chine. Toutefois, beaucoup, dans les pays les plus riches surtout (États-Unis, France, Allemagne, etc.), attendent de voir ce que seront vraiment les avantages de ces véhicules, surtout au regard de la sécurité routière.
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1. En France, l'intérêt des consommateurs est soutenu, mais il reste encore pour le véhicule autonome à convaincre a. Dans le cadre de VeDeCoM, de l'IFSTTAR, et de l'Université de Paris VIII, William Payre, Julien Cestac et Patricia Delhomme ont publié en 2015 un rapport intitulé : « Intention to use a fully automated car: attitudes and a priori acceptability ». L'étude a été faite sur la base d'entretiens individuels (5 personnes), d'une étude pilote (45 personnes) et d'un questionnaire en ligne (421 personnes). Les entretiens individuels ont montré un intérêt certain pour la conduite autonome, un sentiment de responsabilité et une intention d'usage et d'achat. L'étude pilote a montré une acceptabilité dans certains contextes (conduite ennuyeuse, par exemple) et un intérêt certain en cas de facultés dégradées (fatigue). L'étude en ligne a montré que 52 % des personnes étaient plutôt favorables à l'utilisation d'un véhicule autonome et que 78 % seraient prêtes à en acheter un. De plus, 75 % seraient intéressées par la conduite autonome si leurs facultés étaient diminuées. Enfin, les personnes interrogées seraient prêtes à dépenser en moyenne 1 899 euros de plus pour avoir un véhicule autonome ; le surcroît de la dépense d'achat par rapport à un véhicule manuel varie de 0 (pour 22 % des gens) à 10 000 euros. Les auteurs ont conclu en trois affirmations (cf. présentation au séminaire du GERI USACT le 26 juin 2015) : « Les attitudes sont globalement positives à l'égard de la conduite autonome et les participants sont majoritairement favorables à ce type de véhicule. Toutefois ils émettent des réserves en ce qui concerne la sécurité. » ; « La conduite autonome serait utilisée principalement pour des trajets monotones (autoroutes, embouteillages, créneaux), et moins en ville. » ; « Il existe un risque d'usage détourné [par exemple conduite en état d'ivresse] qui devrait être pris en compte par les constructeurs (monitorage du conducteur ?). ».
b. Le cabinet Deloitte a rendu en septembre 2016 les résultats d'une enquête sur l'intérêt des Français pour le véhicule autonome « 77 % des Français préfèrent les véhicules bien équipés, facilitant la conduite aux véhicules totalement autonomes » ; « Les Français expriment des besoins d'automatisation et de technologies moindres : 61 % recherchent un niveau d'automatisation standard, 52 % un niveau avancé, 36 % une conduite autonome limitée à certaines conditions de trafic et, enfin, 30 % une conduite autonome totale pour réaliser des trajets complets ».
Le cabinet conclut : « Si les Français apparaissent avoir une assez bonne connaissance des voitures autonomes, 72 % des consommateurs français interrogés pensent qu'elles ne seront pas une réalité commerciale en France dans les vingt prochaines années. Ils sont 44 % à penser que ce sont les acteurs non traditionnels qui permettront l'avènement de la voiture autonome ». c. Une étude faite pour VeDeCoM en 2016 a montré une certaine perplexité des Français envers la voiture autonome Réalisée par l'Observatoire des mobilités émergentes (ObSoCo_Chronos) pour le compte de VeDeCom, cette étude a été présentée le 22 septembre 2016 à la Mission CGEDD-IGA. Elle fait apparaître, à partir des réponses de 4 000 personnes (recueillies avant que ne soit connu l'accident de la TESLA dévoilé en juin 2016) que :
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60% des personnes interrogées sont « favorables au véhicule autonome » et 40 % s'en inquiètent ; À la question : « Seriez-vous prêts à utiliser un tel véhicule ? », 51 % répondent oui et 49 % non. Parmi les thèmes cités, l'avantage principal tient à la réduction des accidents, tandis que la préoccupation première est celle du dysfonctionnement et du piratage. Ailleurs dans le monde, les attentes sont variées Aux États-Unis, de manière apparemment paradoxale, le niveau de scepticisme est relativement
2. a. élevé
Une étude a été publiée en septembre 2016 par le cabinet de consultants spécialisé Kelley Blue Book (KBB) sur l'acceptabilité des véhicules autonomes par les Américains. KBB a mis en ligne le 28 septembre 2016 sur son site une restitution de cette étude, sous le titre : « KBB study finds American drivers still prefer a handson approach » (« une étude de KBB démontre que les conducteurs Américains préfèrent la conduite manuelle »). Ce travail fait apparaître une réticence des automobilistes aux États-Unis pour se lancer dans la conduite en mode autonome. Le scepticisme des personnes qui répondent (hormis ceux dont l'âge est compris entre 12 et 15 ans) envers les véhicules dotés d'une forte autonomie est élevé : 64 % disent qu'ils préfèrent avoir en permanence le contrôle de leur véhicule et 80 % n'acceptent le mode autonome que s'ils peuvent l'actionner volontairement à leur gré. L'étude portait sur un échantillon de 2 264 personnes entre 12 et 64 ans. b. Pour le monde entier, les chiffrent varient fortement selon les régions
L'Observatoire Cetelem a publié en 2016 une comparaison internationale sous le titre « Cetelem 2016 Voiture autonome : les automobilistes prêts à lâcher le volant pour la Silicon Valley ». Cette étude montre des niveaux d'acceptation très variables selon les pays abordés. De manière générale, la voiture connectée semble être plébiscitée :
« Pour 73 % des personnes interrogées, la voiture connectée est tout simplement la voiture idéale, synonyme de progrès en matière de confort (83 %), de gain de temps (81 %) et de sécurité (77 %). Pour autant, 78 % jugent qu'elle rime avec cherté. Ce sont les Mexicains et les Brésiliens qui se montrent les plus enthousiastes. On pointe là une dichotomie structurante pour l'ensemble de l'étude avec, d'une part les pays dits émergents totalement favorables à la voiture autonome et tout ce qu'elle apporte, et d'autre part les pays automobiles natifs plus méfiants quant à son développement ». Et la future voiture autonome est attendue :
« De la voiture connectée à la voiture autonome, il y a bien plus qu'une différence sémantique. Une véritable (r)évolution qui suscite de nombreuses interrogations, la première étant la probabilité de sa construction. Pour 3 personnes sur 4, pas de doute, la voiture autonome sera une réalité. Une réalité très proche puisque 81 % espèrent son arrivée avant 10 ans et 52 % avant 5 ans. Une fois encore, les pays « traditionnels » se montrent les plus prudents, 70 % des Allemands ne voyant pas de voitures autonomes sur les routes avant 2020 alors que 74 % des Mexicains l'escomptent avant 5 ans ». « Mieux encore, plus de 1 automobiliste sur 2 a envie de se retrouver à l'intérieur, à défaut d'y être vraiment au volant. C'est en Chine où l'enthousiasme est le plus manifeste (91 %) alors que les Américains et les Britanniques sont les plus attachés à leur automobile's way of life traditionnel. Mais cette nouvelle voiture autonome n'est pas seulement imaginée vraiment comme une... voiture. 48 % des personnes
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interrogées la voient comme un espace de divertissement, les Chinois étant une fois encore les plus excités par cette idée, suivis par les Turcs et les Portugais (respectivement 70 %, 57 % et 56 %). On la projette aussi comme un lieu de repos et détente et même, pour le quart des automobilistes, comme un lieu de travail ». L'attente est d'autant plus forte que les automobilistes se sont déjà accoutumés aux nouveaux outils :
« Qui dit voiture connectée, dit aide à la navigation totalement banalisée. 86 % des personnes interrogées se servent déjà de cette aide pour préparer ou guider leurs déplacements. C'est particulièrement le cas en Chine ou au Brésil, contrairement au Japon où elle est relativement peu employée. Notons aussi qu'en matière de géolocalisation, le smartphone est plébiscité par 69 % des automobilistes mondiaux. L'emploi de cet outil et des autres systèmes de navigation aura d'abord servi à optimiser le temps de parcours (80 %) et à réduire le nombre de kilomètres parcourus (70 %) ». « La géolocalisation avec tout ce qu'elle transporte (publicité contextualisée mais aussi offre de services personnalisés divers et variés sur le trajet) reçoit un assentiment majoritaire (57 %). Alors que 87 % des Chinois sont demandeurs d'offres commerciales personnalisées, 35 % des Français ou des Américains se montrent très réservés ». Pour autant, les conducteurs veulent être rassurés :
« (...) la voiture connectée suscite des craintes, notamment en termes de contrôle du véhicule, pour 37 % des personnes interrogées. C'est surtout vrai aux États-Unis (54 %) ou encore en France (46 %). De fait, priorité est accordée à une sécurité tous azimuts. 89 % sont pour les systèmes de sécurité en cas de vol, 86 % particulièrement favorables aux systèmes de détection piétons/obstacles. Des solutions pour lesquelles les automobilistes seraient prêts à payer plus cher leur véhicule. « De la voiture connectée à la voiture autonome, il y a bien plus qu'une différence sémantique. Une véritable (r)évolution qui suscite de nombreuses interrogations, la première étant la probabilité de sa construction. Pour 3 personnes sur 4, pas de doute, la voiture autonome sera une réalité. Une réalité très proche puisque 81 % espèrent son arrivée avant 10 ans et 52 % avant 5 ans. Une fois encore, les pays « traditionnels » se montrent les plus prudents, 70 % des Allemands ne voyant pas de voitures autonomes sur les routes avant 2020 alors que 74 % des Mexicains l'escomptent avant 5 ans. « Mais la méfiance est cependant de mise, 28 % déclarant souhaiter conserver un oeil sur la route, au cas où... Des suspicieux que l'on retrouve surtout aux États-Unis, en Italie ou en Pologne ». L'étude fait aussi apparaître que ce sont les constructeurs traditionnels dans lesquels les automobilistes placent la confiance la plus forte, même si les nouveaux entrants du monde de l'internet intéressent les habitants de certains pays émergents. 3. Les aspects humains sont jugés déterminants D'abord, le prix sera une variable qui pèsera lourd :
L'attractivité envers les nouvelles technologies est avérée. Mais pas à n'importe quel prix : 191 euros, ce serait le budget « technologie » que les Français seraient prêts à dépenser pour l'achat d'un nouveau véhicule automatisé, contre 551 euros en 2014. Ensuite, les comportements routiers seront probablement déterminants :
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Les véhicules autonomes circuleront d'autant mieux qu'il y aura moins de véhicules à conduite manuelle qui transgressent les règles du code de la route. Ainsi le président-directeur général de l'Alliance RenaultNissan (Carlos Ghosn) a-t-il expliqué le 6 octobre 2016 en France : « Il faut [...] que les règles de conduite soient respectées, parce que les voitures autonomes respectent les règles. [...] Et les voitures autonomes vont s'arrêter aux feux rouges, quoi qu'il arrive. Ce sont des ordinateurs. Si elles sont les seules voitures à s'arrêter, vous pouvez imaginer le nombre d'accidents qu'il va y avoir au Brésil ! [...] [En Inde, à Bombay notamment,] les gens ne respectent pas toujours le code de la route. Certains prennent les ronds-points à l'envers. On ne peut pas placer de voitures autonomes sur la route dans de telles conditions. » (cité par Charles Gauthier, Le Figaro.fr, 2 octobre 2016). Enfin, la psychologie des conducteurs sera un élément à prendre en compte dans les modèles d'acceptabilité : selon le CEREMA (Mme Stéphanie BORDEL, laboratoire de Saint-Brieuc, spécialiste des ADAS, qui a travaillé dans le cadre des projets Archos et SCOOP@F), les nouveaux outils rencontrent un frein dans l'image que s'en font les gens. « Le bon conducteur est celui qui garde la main ». Selon le CEREMA, les conducteurs -particulièrement français- préfèrent avoir un renfort d'informations qu'une assistance à la conduite. Le conducteur n'accepte de lâcher une partie de son pouvoir de conduire que s'il reçoit une bonne contrepartie. Les régulateurs de vitesse n'ont finalement été acceptés que parce qu'ils permettent de maîtriser sa vitesse face au risque d'être pris par un radar. Les obstacles à l'acceptabilité de la voiture autonome sont au moins au nombre de quatre : La supervision est un acte pénible, moins gratifiant et moins agréable que la conduite41. L'incertitude juridique est un gros obstacle. Qui est responsable ? La perception qu'a le citoyen de ce que sont la responsabilité et la culpabilité s'oppose souvent à ce qui est défini par la loi. Ainsi des personnes voudront-elles utiliser le système de conduite autonome pour se débarrasser de leur responsabilité (« c'est la voiture qui conduit »), alors que peut-être, ce seront toujours elles qui seront jugées responsables de la conduite, et donc d'un acte qu'elles n'auront pas, à leur sens, commis. L'optimisme comparatif est aussi un sérieux obstacle. C'est une caractéristique de l'esprit humain qu'on peut définir ainsi : chacun pense qu'il aurait fait mieux qu'un autre dans la même situation. Même si la machine accomplit une tâche plutôt répétitive mieux que l'homme en moyenne, cela ne suffit pas à convaincre le conducteur qu'il y gagne en abandonnant la conduite. Il faut que le gain de sécurité soit vraiment fort pour que l'homme consente à laisser la machine conduire à sa place. Le conducteur alcoolisé qui se sait diminué laisserait plus volontiers le volant à la machine... mais ferait un mauvais superviseur ! Le temps de reprise du véhicule inquiète. Une étude de l'Université de Leeds en Angleterre indique qu'il faut au moins dix secondes, et que ce temps peut monter jusqu'à une minute.
Toujours pour le CEREMA, pendant la période intermédiaire (véhicule de niveau 2 ou 3), un autre trait de l'être humain qui fait problème est l'homéostasie du risque. Lorsque des moyens permettent une diminution du risque (par exemple les airsbags), certains conducteurs prennent plus de risques pour compenser la baisse, et rester au même niveau de risques (on ne boucle plus sa ceinture de sécurité, etc.). Or, quelques accidents à fort retentissement médiatique retarderaient l'arrivée du véhicule autonome. En revanche, le transfert d'information vers les constructeurs ne poserait pas de problème au public, l'habitude de transférer de l'information personnelle par le smartphone ou l'ordinateur ayant déjà été prise.
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cf. thèse de William Payre sur l'acceptabilité du véhicule autonome
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Le CEREMA ajoute que, sur l'aspect économique, les constructeurs ont du mal à vendre des systèmes en supplément, et, sur le sujet de l'éthique, que les personnes n'ont pas le même point de vue en tant que victime potentielle ou en tant que responsable potentiel. III. Éthique des véhicules autonomes ou le problème du choix
La question de l'éthique des véhicules autonomes revient régulièrement parmi les sujets qui font couler beaucoup d'encre dans les livres et les gazettes. Mêlant des aspects techniques, philosophiques à des paradoxes de science-fiction (cf. les trois lois de la robotique de l'écrivain Isaac Asimov42), elle amène avec elle une aura de soufre et de mystère qui fait frémir le lecteur, enflamme les débatteurs et fait hésiter le législateur. Le point de départ le plus prisé de ces réflexions est le paradoxe du tramway qu'on peut énoncer ainsi : un tramway privé de freins se dirige de façon inéluctable vers cinq hommes qu'il va tuer. La seule action possible est d'actionner un aiguillage qui enverrait le tramway écraser un homme seul qui est attaché sur cette voie. Autrement dit faut-il s'abstenir d'agir et laisser mourir cinq personnes ou bien agir et tuer volontairement une personne pour en sauver cinq autres ? Appliqué au véhicule autonome le paradoxe du tramway donne naissance à bon nombre de questions : face à des piétons ou cyclistes imprudents qui coupent sa trajectoire le véhicule autonome doit-il accepter de les percuter et de les tuer ou doit-il se jeter sur un mur au risque de tuer ses passagers ? Doit-il pour cela comparer le nombre de piétons et de passagers ? Doit-il privilégier les personnes a priori vulnérables ou ses passagers a priori plus protégés ? Comment le véhicule juge-t-il de la vulnérabilité des autres personnes ? Un acheteur potentiel acceptera-t-il d'acquérir un engin qui est prêt à le tuer volontairement dans certaines situations ? Etc. Derrière ces questions se cache un problème technique pour les logiciels et les algorithmes qui les définissent. Lorsque l'environnement extérieur sort de ce qui est prévu dans sa programmation un logiciel peut donner des réponses totalement inadaptées : par exemple, lorsque la bourse baisse trop brusquement il est arrivé que des logiciels de trading automatique amplifient la chute des cours voire ne créent un krach en voulant brader à tout prix leurs produits financiers. La solution la plus évidente consiste à interrompre le système informatique lorsque la situation est en dehors des plages habituelles de fonctionnement et à rendre la main à un être humain. Pour les véhicules autonomes c'est aussi cette solution qui est choisie le plus souvent : néanmoins elle n'est pas applicable lorsque la réaction doit être immédiate, lorsque le « surveillant humain » ne veut ou peut reprendre la conduite ou tout simplement lorsque le véhicule sera censé être complètement autonome (niveau 5). La NHTSA dans ses directives publiées en septembre 2016 aborde les considérations éthiques : elle demande que les concepteurs des véhicules décrivent de façon consciente et explicite les décisions que le véhicule va prendre lorsqu'il est mis face à des situations de conflit. Elle cite le cas où un véhicule est bloqué derrière un autre garé en double-file et qu'il ne peut passer sans franchir une ligne continue. Un conducteur humain s'autorise à le faire si rien ne vient en face : que ferait le véhicule autonome ? Elle cite aussi le dilemme de la protection des personnes vulnérables par rapport à celle de ses passagers.
Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, en restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger ; un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ; un robot doit protéger son existence tant que cette protection n'entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi. Converties plus tard par Asimov, pour les outils : un outil doit pouvoir être employé de manière sûre ; un outil doit accomplir sa fonction efficacement sauf si cela peut blesser l'utilisateur ; un outil doit rester intact durant son utilisation, sauf si sa destruction est requise pour son utilisation ou sa sécurité.
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Ce que la NHTSA refuse c'est que des choix implicites et masqués ayant des conséquences graves soient camouflés à l'intérieur des programmes sans que l'administration ni les parties prenantes ne puissent en discuter. Parce que l'éthique des véhicules reflète en réalité l'éthique de ses concepteurs et parce que leurs choix auront des conséquences pour la société dans son ensemble il est nécessaire que celle-ci puisse donner son avis et décider ce qui est moralement acceptable.
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INVALIDE) (ATTENTION: OPTION tional (ONU et commission européenne), notamment dans le cadre du WP 29 qui reste très orienté vers la protection des données. La réglementation technique n'impose pas aujourd'hui d'exigence relative à la cybersécurité. La parole de la France est portée par la DGEC, mais les recommandations de l'ANSSI sur la cybersécurité (voir annexe 9) ont été proposées dans le groupe de travail sur les ITS29. Elles ne figurent pas toutes dans une proposition concomitante portée par l'Allemagne et le Japon. Une difficulté subsiste : la France propose d'intégrer ces propositions dans la réglementation technique internationale, alors que les Allemands et Japonais veulent en faire de simples lignes directrices. Or, tous les véhicules neufs embarquent déjà des fonctions connectées insuffisamment bien conçues au regard de la cybersécurité. Il y a donc urgence à ce que le WP 29 charge l'un de ses groupes de travail de proposer des évolutions réglementaires pour imposer le respect de règles de cybersécurité dans le processus d'homologation. Des lignes directrices pourront être utiles dans l'intervalle nécessaire à la production réglementaire. Recommandation n°8 : Astreindre par la règlementation les constructeurs et équipementiers à installer des systèmes de cybersécurité qui devront être testés et validés avant toute mise en service et pris en compte lors de la réception par type (MEEM).
La transposition de la directive européenne NIS (Network and Information Security) entrée en vigueur le 19 juillet 2016, doit intervenir au plus tard le 9 mai 2018. Les « opérateurs de services essentiels » (dont le secteur des transports) seront soumis à des exigences de sécurité pour assurer un « niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d'information dans l'Union européenne ». Les arrêtés pris pour les opérateurs essentiels préciseront les modalités de déclaration des systèmes d'information d'importance vitale (SIIV), de déclaration des incidents de sécurité, de désignation de la personne représentant l'opérateur auprès de l'ANSSI. Il est utile d'analyser dans quelle mesure cette directive peut être applicable aux futures plateformes de supervision, et aux réseaux de collecte et de transfert de données (vers eCall, assureurs, assisteurs, constructeurs). Une structure d'échange et de partage des alertes, des incidents de sécurité, de leur analyse et de leur traitement est en outre nécessaire. Les outils mis en place par la NIS, notamment un CERT (Computer Emergency Response Team) spécifique aux véhicules connectés ou autonomes, pourraient être une solution. Ce CERT ne devrait pas être limité aux seuls constructeurs, afin de continuer à permettre
Le groupe WP29 mandate plusieurs groupes de travail informels, dont le groupe ITS (intelligent transport systems), pour réfléchir sur des sujets techniques. Les pays ont été invités à faire des propositions à ce groupe en matière de cybersécurité. La proposition de la France a été faite par l'ANSSI. Les allemands et les japonais ont fait une proposition commune.
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les remontées d'incidents pour la connaissance de l'état de la menace. Il pourrait s'imbriquer dans l'architecture du CERT racine30, aujourd'hui confié à l'ANSSI. Recommandation n°9 : Réfléchir à l'application de la directive NIS au domaine de la cybersécurité des véhicules autonomes, notamment aux plateformes de supervision et aux réseaux de collecte de données, ainsi qu'à la mise en place d'un CERT (Computer Emergency Response Team) spécifique aux véhicules connectés ou autonomes (ANSSI).
2.2.3 2.2.3.1
Il faut sans attendre préparer la police routière aux changements à venir Les véhicules automatisés devront donner aux forces de l'ordre de meilleurs moyens d'action
Sous réserve de traiter simultanément le problème de la protection des données individuelles (voir paragraphe 2.4.1.4), le déploiement des véhicules autonomes peut être une nouvelle ressource pour les forces de l'ordre. L'exploitation des données contenues dans les EDR (Event Data Recorder) améliorerait les constatations d'accidents et la recherche de responsabilités. En outre, comme il a été prouvé aux ÉtatsUnis, cet équipement se révèle être une bonne mesure de prévention routière : il incite les conducteurs à de meilleurs comportements. Les automatismes pourraient aussi contribuer à la lutte contre la délinquance et la criminalité. Ainsi sera-t-il possible de localiser un véhicule, mais aussi de l'arrêter à distance (herse numérique), de l'empêcher de redémarrer. Il sera aussi possible de déterminer quels sont les véhicules situés dans une zone, ou de transmettre une alerte depuis un véhicule surveillé ou recherché lorsqu'il entre dans une zone délimitée. Afin que ces nouvelles ressources soient pleinement utilisées, il est nécessaire de travailler sur la capacité des véhicules à produire une information qui permette l'investigation dans le cadre des enquêtes de police judiciaire. Il faut donc que les services de police puissent obtenir des données utiles de la part des constructeurs ou avoir accès directement aux données du véhicule lui-même, et pour cela harmoniser les pratiques31 et les cadres juridiques. Un standard européen de données (boîtes noires) est en cours d'émergence. Il faut que les forces de l'ordre disposent des moyens de l'exploiter. La police et la gendarmerie doivent enfin s'interroger sur l'acquisition de véhicules automatisés pour leur propre flotte. D'une part pour réduire leur accidentalité propre32, d'autre part pour faire évoluer certaines missions de terrain. Un véhicule automatisé en patrouille permettrait à son conducteur une observation plus précise en toute sécurité. Un véhicule automatisé pourrait en outre accomplir des missions d'observation avec exploitation vidéo, sans personnel à bord, libérant ainsi des heures d'activité, dans le cas de patrouilles en zones commerciales, industrielles, zones et établissements sensibles, collecte de renseignements. Recommandation n°10 : Mettre en place les outils juridiques et technologiques pour permettre aux forces de l'ordre d'agir sur les véhicules automatisés dans les cas de crimes et délits (MININT, ministère de la justice).
Un CERT centralise les demandes d'assistance suite aux incidents de sécurité, traite les alertes et réagit aux attaques informatiques, établit la base de données des vulnérabilités, etc. Il existe de nombreux CERT thématiques en France, reliés ou pas au CERT racine, le premier d'entre eux (généraliste), mis en place par l'ANSSI. 31 Tous les pays n'ont pas la même position sur la conservation des données, y compris en Europe. 32 1 820 accidents de circulation en 2015 pour les véhicules de la gendarmerie (2 décès, 131 blessés) et un coût de remise en état de 1,1 million d'euros.
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2.2.3.2
Les forces de l'ordre devront adapter leurs comportements aux véhicules autonomes
Les forces de l'ordre doivent renseigner les bulletins d'analyse relatifs aux accidents corporels de la circulation (fiches BAAC), à destination de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), sur lesquels repose l'analyse de l'accidentalité routière. Ces fiches devront être adaptées aux véhicules autonomes. Elles permettront de savoir si un ou des véhicules pris dans un accident circulaient ou non en mode autonome, à quel niveau, quelles étaient la place et l'activité du conducteur au moment de l'accident, entre autres choses. Pendant une longue période, des véhicules automatisés (ou non) de tous niveaux cohabiteront sur les routes et dans les rues. Ce qui est interdit pour les uns (téléphoner, lire, exercer une activité autre que la conduite) sera autorisé pour les autres selon le niveau d'automatisme : inférieur à 2 ou supérieur à 3. Les forces de l'ordre auront du mal à savoir si un conducteur est en infraction ou non. C'est pourquoi il faut pouvoir identifier les véhicules roulant en mode autonome33. Certains s'opposent à cette identification car elle est supposée développer des comportements de type toréador34, ou inciter certains conducteurs indélicats à forcer le passage devant un véhicule autonome. Il est tout aussi nécessaire qu'un véhicule autonome puisse reconnaître les forces de l'ordre, et répondre à leurs injonctions sonores ou gestuelles. Cette reconnaissance pourrait être réalisée par un échange télématique entre le véhicule autonome et l'agent de la circulation. Sur le terrain, les constatations et les procédures seront affectées par les véhicules automatisés. Il est donc nécessaire de faire évoluer les fiches réflexes, la formation des agents et les outils35 à leur disposition. Enfin, les véhicules de police et de gendarmerie doivent pouvoir continuer à exercer leurs droits de priorité dans la circulation (voir paragraphe 2.2.4). Recommandation n°11 : Modifier les fiches BAAC pour y intégrer les données relatives aux véhicules automatisés (MININT).
Recommandation n°12 :
Mettre en place un système d'identification des véhicules automatisés à destination des forces de l'ordre ; permettre un dialogue entre les véhicules automatisés et les forces chargées du contrôle de la circulation (MININT).
2.2.4
Les métiers de la sécurité civile vont devoir s'adapter
Les véhicules autonomes peuvent être impliqués dans un accident, ou se trouver sur le trajet de véhicules de secours (ou d'intervention) prioritaires, ou dans une zone à évacuer, ou bien être eux-mêmes véhicules de secours.
Plusieurs possibilités : une plaque de couleur différente (mais ne permettant pas de savoir si la circulation est ou non en mode autonome), une lumière comme celle des taxis (qui permettrait de savoir si le véhicule est en mode autonome ou pas), etc. 34 Par jeu, certains piétons pourraient se mettre sur la trajectoire d'un véhicule autonome pour l'arrêter. 35 L'IRCGN a développé un outil d'aide en ligne (cyberaide) sur lequel on trouve les fiches « réflexe » pour tous types de besoin des enquêteurs (7 000 fiches). Un guide à l'usage des enquêteurs pour améliorer les constatations et la remontée d'information ou faciliter l'enquête sera diffusé très prochainement par l'OCSTI sur le sujet du mouse jacking en croissance rapide (avec un outil simple, on peut reprogrammer une clé sur la prise OBD). GENDIAG (action commune police-gendarmerie) est un outil qui permet de récupérer le numéro d'identification d'un véhicule et la provenance de ses calculateurs.
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L'automatisation des véhicules
2.2.4.1
Les véhicules prioritaires devront pouvoir circuler au moins aussi facilement demain36
Dans de nombreuses situations, sur zone d'intervention ou en transit, les véhicules de secours sont prioritaires. Ils sont souvent conduits à ne pas respecter les règles du code de la route. Ils peuvent franchir des lignes blanches, prendre des sens interdits, passer au feu rouge, ne pas respecter des distances de sécurité... L'automatisation future de ces véhicules ne doit pas conduire à rendre difficiles ou impossibles ces manoeuvres. Un système dérogatoire doit donc être maintenu pour les véhicules de secours au regard des aides à la conduite (ADAS) dont doivent être obligatoirement équipés les poids lourds37. Ce système doit pouvoir être désactivé dans le cas de remontée de file, ou lorsque les véhicules de secours doivent se faufiler ou trouver le chemin le plus court. En outre, dans ce cas, un freinage d'urgence d'un véhicule précédant un engin de secours pourrait le mettre en difficulté. Lorsqu'un véhicule autonome est sur le trajet d'un véhicule de secours, il doit pouvoir se positionner pour céder la priorité et, dans ce cas, s'affranchir de certaines règles : franchir une ligne blanche, brûler un feu rouge, monter sur un trottoir, mordre sur la voie opposée, se coller aux autres... Il faut donc que les véhicules autonomes soient capables de gérer individuellement et collectivement ces situations. En gestion collective de trafic, on pourrait concevoir d'utiliser les automatismes et la connectivité pour ouvrir au mieux le passage aux véhicules de secours. Des cas inédits apparaîtront sans doute. L'expérience des services de secours doit être utilisée pour les répertorier et les traiter. 2.2.4.2 Les connexions des véhicules autonomes devront faciliter l'action des services de sécurité civile
Les véhicules autonomes transmettront des données qui peuvent permettre de les localiser, d'identifier leurs caractéristiques, comme par exemple le type de véhicule en cause dans un accident (poids-lourds, transports de matières dangereuses), leur motorisation et carburant (GPL, hydrogène, positionnement dans un parking...). Seront aussi transmis le nombre de véhicules accidentés, le probable nombre de victimes et leurs caractéristiques déclarées, leur typologie ainsi que les risques associés. Ces informations apporteraient de grands avantages pour mieux engager les secours, mieux les calibrer, minimiser les délais d'intervention, adapter la réponse qualitative. Le service eCall, obligatoire dès 2018, est un premier pas pour une prise en compte rapide des accidents de la route. En retour, des informations utiles pourraient être transmises aux véhicules autonomes par les forces de sécurité civile. Par exemple, on pourrait envoyer des messages de confinement ou d'évacuation, ou d'itinéraire imposé, afin de fluidifier l'évacuation ou le contournement d'une zone d'exclusion ou d'une zone à risques, de manière guidée ou automatisée. Il serait ainsi possible de suivre aisément le déplacement des personnes en cas d'alerte des populations, ou de mise en place de périmètre de sécurité, ou d'évacuations massives (campings, inondations, feux de forêts). Recommandation n°13 : Prendre en compte dans les cas d'usage les besoins des véhicules prioritaires (pompiers, forces de l'ordre), et les situations de crises de sécurité civile (MININT).
2.3
Le code de la route va devoir être modifié
Le dispositif récemment mis en place par l'ordonnance n° 2016-1057 du 3 août 2016, pour encadrer les expérimentations de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques, est un mécanisme
Ces besoins sont valables pour l'ensemble des véhicules prioritaires : pompiers, ambulances (sous réserve de la nature de la mission), police, gendarmerie, autres forces d'intervention. 37 Il convient que ce point figure à l'agenda international, compte tenu du système d'homologation.
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transitoire. Il se contente de définir de façon pragmatique la procédure à suivre. Il ne modifie pas les dispositions de fond qui sont applicables de manière permanente à la conduite. Le déploiement prochain des premiers véhicules autonomes va nécessiter d'adapter le droit routier, afin de rendre possible la circulation de tels véhicules hors expérimentation. Les aménagements du cadre juridique qui interviendront devront garantir le plus haut niveau de sécurité pour tous les utilisateurs de la voirie. Les propositions doivent s'articuler avec les modifications des textes internationaux récemment adoptées, ou à l'étude, en particulier les deux amendements à la Convention de Vienne de 1968 sur la circulation routière qui sont entrés en vigueur le 23 mars 2016 (cf. § 1.1.1.). 2.3.1 Trois principes devront régir les évolutions réglementaires
La conduite autonome doit être facilitée, doit rester dans des limites réalistes, et doit faire progresser les comportements des conducteurs. Le code de la route devra être adapté pour autoriser l'utilisation des dispositifs d'autonomie dans tel ou tel domaine d'emploi, en évitant les utilisations peu sûres. Par ailleurs, le véhicule autonome doit être un véhicule vertueux. En effet, sa justification tient aux gains attendus dans la sécurité routière, aux économies d'énergie, et au confort qu'il apportera aux conducteurs (niveau 3 ou 4). En contrepartie de ces avantages, la société peut s'attendre à une plus haute civilité des conducteurs. Le développement de la circulation en mode autonome doit être soutenu par des évolutions progressives, afin de vérifier que la technologie est suffisamment fiable, la réglementation évoluant elle-même graduellement.
La technologie avance rapidement, mais sa fiabilité n'est pas encore suffisamment démontrée. Tout en facilitant l'arrivée des nouveaux outils, les pouvoirs publics devront procéder à des validations pour autoriser le franchissement des étapes, en particulier durant la longue phase de cohabitation entre véhicules autonomes et autres véhicules. La reconnaissance de la conduite en mode autonome doit se concilier avec la sécurité routière en toutes circonstances.Pour ses promoteurs, le véhicule autonome sera bien plus sûr. Mais il est aussi porteur de nouveaux risques, comme cela a été exposé plus haut. Il appelle donc une vigilance sur la bonne utilisation de dispositifs encore peu connus (comme le deep learning). Sur la base de ces principes, la mission CGEDD-IGA propose les mesures suivantes : Sauf au niveau 5, sans conducteur par définition, il faut veiller à ce que le conducteur soit apte à reprendre rapidement le contrôle en toutes circonstances Au niveau 2, il n'y a pas de mode autonome, et l'utilisation d'automatismes est en principe conforme aux prescriptions de l'article R 412-6 du code de la route. Cet article énonce en son paragraphe I que « tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur (...) », et dans son paragraphe II que « tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manoeuvres qui lui incombent (...) ». Ces termes font obligation au conducteur de rester concentré sur la conduite du véhicule38.
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Les voitures Tesla Model S et X sont à ce niveau 2.
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L'automatisation des véhicules
Dès le moment où l'on voudra autoriser l'activation d'un pilote automatique en mains libres ou en regard libre (niveau 3 ou 4), les dispositions du code de la route devront être modifiées à dessein de permettre au conducteur de lâcher les mains et lever les pieds, et de détourner son attention. Cette question est fondamentale. Faudra-t-il autoriser clairement l'utilisation de distracteurs tels que le téléphone ou le smartphone, qui sont aujourd'hui interdits, ou bien sévèrement réglementés ? Il convient aussi d'être attentif à l'effet psychologique d'un tel changement qui va à l'encontre de la politique suivie depuis de nombreuses années. De plus, la cohabitation de véhicules faiblement automatisés (niveau 2 ou niveau inférieur) avec des véhicules de niveau 3 ou de niveau 4, sera délicate au regard du comportement des usagers. Les conducteurs pourront utiliser les deux types de véhicules (avec ou sans délégation de conduite) en fonction des circonstances; beaucoup d'entre eux auront tendance à relâcher leur vigilance quand ils passeront d'une voiture dans laquelle les distracteurs sont permis à un autre véhicule où ils demeurent interdits. De même, et cela est confirmé par les réactions des personnes ayant participé aux tests conduits par l'IFSTTAR, des conducteurs inclineront à penser que la conduite déléguée leur permet désormais de monter dans leur véhicule en état d'ébriété. Selon la mission, il est impératif de maintenir les interdictions actuelles pour ce qui concerne l'alcool et les stupéfiants. Il faudra aussi des mécanismes, comme des caméras, pour s'assurer que le conducteur est prêt à reprendre la main en une dizaine de secondes (ou moins) sur injonction du système de conduite du véhicule. Ces dispositifs devront bien sûr respecter la vie privée du conducteur. Au moins dans un premier temps, il ne faut autoriser le mode automatique sans conducteur (niveau 5) au moins dans un premier temps, que sur des voies spécialement aménagées, en site fermé ou réservé. Circulant au niveau 5, les navettes de transport public, par exemple celles qui sont expérimentées à Lyon Confluence, pourraient emprunter les couloirs réservés en ville ou les voies qui seraient réservées (au coeur historique des grandes villes par exemple) aux autres types de véhicules totalement autonomes comme les taxi-robots, sauf sur de courtes sections (franchissement d'un carrefour par exemple)39. Il ne paraît en revanche guère envisageable d'ouvrir les voies de circulation générale à de tels véhicules (hors situations de tests) avant un retour d'expérience de nombreuses années. Pour les mêmes raisons, il n'apparaît pas possible d'autoriser pour le moment, hors le cas des navettes, la circulation de véhicules, présentés comme de niveau 5, sans dispositif technique (poste de conduite, tablette de télécommande, etc.) permettant un pilotage manuel en cas de nécessité. La Californie a d'ailleurs imposé à Google un poste de conduite dans toutes ses voitures expérimentales sur routes et rues ouvertes au niveau 5. Autoriser les valets de parking Aujourd'hui, l'obligation de la présence d'un conducteur à bord, sauf au niveau 5, interdit normalement en toute circonstance le recours aux dispositifs d'aide au stationnement, parfois appelés valets de parking, qu'on peut actionner de l'extérieur au moyen d'une télécommande ou d'un téléphone portable. Ces valets de parking (externes) peuvent aussi présenter un grand intérêt en facilitant le stationnement de véhicules hors voies publiques, dans des parkings souterrains par exemple. Les conducteurs n'auraient plus à circuler (en voiture et à pied) dans des parkings, un avantage certain de
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C'est ce qui est envisagé pour la liaison gare de Lyon-gare d'Austerlitz à Paris.
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confort mais aussi de sécurité personnelle40. Les exploitants des parkings pourraient augmenter le nombre des places à disposition, Il conviendra de déterminer, en fonction de la sécurité apportée par la technologie, s'il faut ou non limiter ces manoeuvres sans conducteur aux parkings ou aux parties de parking n'admettant que des véhicules avec valet de parking41. En ce cas un aménagement de l'article R 412-6 du code de la route42 pourrait autoriser un pilotage externe du véhicule. Enregistrer les données du véhicule en respectant le droit à la vie privée La technologie numérique permet d'enregistrer dans une boîte noire tous les événements survenus à bord. La mission considère que c'est nécessaire aux niveaux 3, 4 et 5, sans préjudice des données que le constructeur, l'équipement ou le garagiste recueillera continûment. Toutefois, il importera de prévoir des règles assurant le respect de la vie privée, aussi bien dans la durée des enregistrements que dans l'accès à ces données. Ce point est développé plus loin au paragraphe 2.3.3. Cette question est distincte de celle de l'Event Data Recorder (EDR), que l'Union européenne pourrait bientôt rendre obligatoire pour tout véhicule neuf (comme aux États-Unis). L'EDR enregistre les données utiles en cas d'accident. C'est pourquoi il efface automatiquement toutes les données trop éloignées des circonstances immédiates de l'événement. La question de la détermination des responsabilités en cas d'accident sera un sujet capital à l'avenir. Elle nécessitera de pouvoir discerner avec un minimum de certitude la cause de l'événement, pour savoir en particulier si le véhicule circulait ou non en mode autonome, ou si le conducteur a commis des erreurs ou des fautes dans le maniement des automatismes embarqués. À ces questions, il sera bien plus facile de répondre si les véhicules sont tous équipés d'EDR. Imposer le respect des limitations de vitesse par les véhicules en mode autonome Le véhicule autonome, dont l'un des plus grands atouts, mis en avant par ses promoteurs, devrait être son aptitude à voir clairement et rapidement tout l'environnement où il évolue, et cela bien mieux que l'homme, devra scrupuleusement respecter le code de la route, en particulier les limitations de vitesse. La mission préconise de prévoir un algorithme alignant la vitesse du véhicule autonome (niveau 3, 4 ou 5), au maximum, sur la vitesse autorisée dans la zone parcourue. On ne peut pas présenter le véhicule autonome comme un moyen d'améliorer la sécurité routière, et lui permettre en même temps de violer les règles limitant la vitesse, qui est le premier facteur accidentogène. La difficulté est de fournir au véhicule des données parfaitement à jour. La DSCR étudie le projet de constituer une base de données numériques recensant la totalité des limitations de vitesse sur le territoire français. Compte tenu de l'ampleur du sujet, et des pertes en ligne inévitables, cet outil, limité à la France, ne suffira pas. Il faudrait le compléter par une acquisition d'informations en temps réel, le véhicule lisant grâce à ses capteurs les données fournies par l'infrastructure (soit par la lecture des panneaux, soit par la récupération de signaux émis par l'ouvrage. Doit être tranchée la question du moment où le véhicule doit commencer à adapter sa vitesse. De même, doit être posée la question de la pertinence de certaines limitations peu réalistes (passage de 90 kilomètres par heure à 50 kilomètres par heure en une courte distance par exemple).
On imagine mal une manoeuvre télécommandée sur une longue distance dans un garage fréquenté en même temps par des véhicules conduits manuellement et par des véhicules pilotés au moyen de l'automatisme, les risques d'accident étant trop élevés. 41 Limiter l'emploi des « valets de parkings » à des parkings spécifiques réduit évidemment l'intérêt économique de la mesure ; les expérimentations devront apporter la preuve que l'usage des valets de parkings est possible dans tout type de parc de stationnement. 42 L'article en question du code de la route spécifie notamment que « tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur ». Sa modification n'est pas nécessaire pour l'usage des valets de parking dans des parcs de stationnement qui ne sont pas ouverts à la circulation publique.
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L'automatisation des véhicules
Expérimenter les convois de camions « en peloton » en réduisant les distances entre les véhicules lourds Les circulations de camions autonomes ou semi-autonomes en peloton (platooning en anglais) exigeraient des modifications réglementaires. Dans le droit actuel, la distance de sécurité entre deux véhicules (ou ensembles de véhicules) dont le poids total autorisé en charge (PTAC) dépasse 3,5 tonnes, ou dont la longueur dépasse 7 mètres, se suivant à la même vitesse, est de 50 mètres au moins (article R 41212 du code la route, paragraphe II). Cette distance ne peut pas être respectée si des camions évoluent en peloton en mode autonome, car cette technique n'est utile qu'avec des distances réduites entre les véhicules reliés par Wi-Fi. Dans un contexte concurrentiel exacerbé, la France ne peut demeurer à l'écart d'une technique permettant des gains de productivité substantiels. Il conviendrait d'expérimenter dans un premier temps la technique du platooning, pour lever les incertitudes qui demeurent. Les incertitudes les plus grandes concernent évidemment la sécurité routière. Une première difficulté est de savoir, dans le cas où le véhicule de tête serait confronté à un obstacle soudain et n'aurait pas le temps de freiner pour éviter la collision, si le convoi provoquerait un carambolage derrière lui43. La seconde difficulté que soulève la technique du platooning est l'insertion de véhicules entre les camions, qui entraîne la rupture du peloton par interruption du signal. Or, cette insertion peut s'avérer inévitable pour des véhicules qui entament une manoeuvre de sortie de la voie, sur une bretelle ou une aire d'autoroute. Faut-il aller jusqu'à poser une règle interdisant le rabattement entre deux camions reliés en peloton, ce qui supposerait que les automobilistes puissent identifier qu'il s'agit d'un convoi organisé de la sorte, et non pas seulement de camions très proches sans être reliés ? Cette interdiction existe aujourd'hui pour les colonnes militaires, de forces de police, ou les cortèges en marche (article R 412-15 du code de la route). La Mission n'a pas décelé chez ses interlocuteurs de consensus sur ce point. Elle propose de ne pas s'engager pour le moment dans cette voie, et recommande d'ouvrir une période d'observation pour dégager un retour d'expérience. A l'issue de cette période, par exemple de deux ans, le sujet pourrait être revu et une décision finale arrêtée. Interdire pour le moment le transport de marchandises dangereuses en mode autonome Comme l'ont montré les tests effectués par des journalistes ou par des centres indépendants44, les systèmes automatisés n'offrent pas pour le moment suffisamment de garanties de fiabilité. Tant qu'un niveau suffisant n'aura pas été atteint par la technologie, la mission estime prudent de ne pas autoriser la conduite en mode autonome, ni évidemment en peloton, pour le transport des marchandises dangereuses figurant sur la nomenclature prévue par l'article L1252-1 du code des transports. Limiter la vitesse des navettes autonomes de transport de voyageurs, et celle des taxis robots (niveau 5) Le transport collectif de passagers en mode pleinement autonome (niveau 5) doit offrir les garanties les plus élevées, aucun conducteur n'étant présent à bord pour reprendre la main en cas de problème. Ceci conduit, au moins dans un premier temps, à n'envisager la circulation de telles navettes qu'en site réservé ou aménagé. Les navettes de passagers peuvent atteindre en démonstration des vitesses de l'ordre de 50 km/h. À l'heure actuelle, la vitesse maximale en exploitation est en réalité beaucoup plus basse, de l'ordre de 20 ou 25 km/h (et même moins dans le test mené à Lyon), de sorte que le problème ne se pose pas dans l'immédiat.
En général les promoteurs du platooning insistent sur le fait que tous les véhicules freinent en même temps mais ils ne considèrent que le cas où le premier véhicule a eu le temps de s'arrêter. 44 Le magazine Auto-Plus a testé la capacité de freinage de sept modèles de voitures en mode autonome, avec un fort taux d'échec (article mis en ligne le 13 octobre 2016).
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En ville, compte tenu de la règle définie plus haut, rendant obligatoire le respect de la limitation de vitesse par les véhicules en autonomie, même si la vitesse d'exploitation s'accroît avec l'évolution des matériels, la navette s'adaptera nécessairement à la vitesse maximale autorisée en ville. (30 km/h ou 50 km/h). En revanche, la question se pose en dehors des villes, si les navettes empruntent des voies rapides urbaines ou des routes (aménagées). Dans le cas de véhicules de niveau 5, dépourvus de conducteur à bord, une vitesse offrant à la fois toute garantie de sécurité et compatible avec la circulation devrait être imposée dans un premier temps. La même règle devra prévaloir pour les taxis-robots. Imposer la télésurveillance des navettes Il est impossible d'imposer la présence dans chaque navette d'un opérateur professionnel, à la fois pour des raisons techniques (absence de poste de pilotage) et économiques (les navettes sont une solution pour la mobilité dite du dernier kilomètre, et emportent un nombre restreint de passagers). En revanche, il est tout aussi impossible d'envisager leur circulation sans aucune supervision par l'exploitant en temps réel. La mission préconise qu'un dispositif de télésurveillance soit imposé pour assurer un suivi permanent du véhicule par l'opérateur de transport, qui pourra intervenir à distance en cas d'urgence. Les propositions qui précèdent peuvent être synthétisées dans l'encadré suivant :
1. Sauf au niveau 5, maintenir la présence d'un conducteur apte à reprendre le contrôle en toutes circonstances. Étudier la mise en place d'un dispositif de surveillance par caméra de la présence du conducteur au volant (MININT, MEEM). N'autoriser le mode automatique sans conducteur (niveau 5) au moins dans un premier temps, que sur des voies spécialement aménagées, en site fermé ou réservé (MININT, MEEM). Autoriser les systèmes d'aide au stationnement dits valets de parking (MININT, MEEM). Enregistrer les données du véhicule en respectant le droit à la vie privée (MININT, MEEM, ministère de la justice). Imposer le respect des limitations de vitesse par les véhicules en mode autonome (MININT, MEEM). Étudier l'identification, notamment numérique, des véhicules circulant en mode autonome (MININT, MEEM). Expérimenter les convois de camion « en peloton » en réduisant les distances entre les véhicules lourds (MININT, MEEM). Interdire le transport de matières dangereuses en mode autonome (MEEM). Limiter la vitesse des navettes autonomes de transport de voyageurs, et celles des « robots-taxis » de niveau5 ; imposer la télésurveillance des navettes (MININT, MEEM).
2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9.
Recommandation n°14 :
Faire évoluer le code de la route pour faciliter le déploiement des véhicules autonomes sans réduire le niveau de la sécurité routière (MININT, MEEM).
2.3.2
Les conducteurs devront être mieux formés et renseignés sur la conduite déléguée des véhicules autonomes Les conducteurs devront apprendre une nouvelle manière de conduire
2.3.2.1
Les véhicules autonomes nécessiteront un apprentissage spécifique, car les automatismes réclament des aptitudes nouvelles. D'abord au niveau du maniement du véhicule et du déclenchement des automatismes pour contrôler la vitesse, la direction, la position. Ensuite, pour la maîtrise des situations de circulation, en s'adaptant en temps réel aux exigences nécessitées par celles-ci. En troisième lieu, au niveau
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L'automatisation des véhicules
du contexte social et des objectifs de la conduite automobile pour le conducteur. Enfin, au niveau de l'importance de la conduite automobile dans le projet de vie du conducteur45. La conduite est une tâche que chacun exécute à son rythme. Ce que le conducteur est disposé à faire (attitudes et motivations) est tout aussi important que ce que le conducteur doit faire (facteurs de performance)46. Dans un premier temps, les véhicules autonomes et les véhicules non autonomes cohabiteront. Les véhicules de haut de gamme (premium) sont déjà équipés de nombreuses aides à la conduite (ADAS). L'investissement pour acquérir des véhicules autonomes étant lourd, il est probable que peu de jeunes conducteurs soient amenés à en conduire souvent, si ce n'est dans le cadre familial. Les véhicules autonomes introduisent un double paradoxe. D'abord, celui de l'aptitude : les conducteurs conduiront de moins en moins, et donc auront de moins en moins d'expérience et de compétences de conduite. Mais le véhicule demandera au conducteur de reprendre la main à des moments difficiles, voire dans l'urgence. Ensuite, celui du confort relatif : les véhicules ne permettront pas de faire tout ce qu'on on veut à tout stade de leur automatisation. Il faut rester à sa place, vigilant, et posséder sa pleine intégrité physique et psychologique jusqu'au niveau 4. 2.3.2.2 La formation et l'information sur la délégation de conduite devront être obligatoires
Ce contexte et ses contraintes imposent une approche globale d'éducation à la sécurité routière47. L'éducation routière permet d'adopter la conduite adaptée en tant qu'usager de la route, et modifie le rapport à la règle. Elle permet d'appliquer la règle parce que celle-ci est comprise, plus que parce qu'elle est crainte. En cela elle est aussi centrale pour l'acceptabilité et pour rendre chacun porteur du message de sécurité routière. Elle s'adresse évidemment aux plus jeunes, mais elle doit être présente à toutes les étapes de changement dans la vie de l'usager. Dans le cas des véhicules autonomes ce sont peut-être les conducteurs les plus âgés qui auront le plus de mal à s'y adapter. Il faut transmettre dès aujourd'hui les connaissances utiles sur les véhicules autonomes dans le continuum éducatif, de l'école primaire au lycée. Pour obtenir le permis de conduire, il ne semble pas nécessaire de former dès aujourd'hui tous les conducteurs à la conduite de véhicules autonomes, et d'en faire une condition d'obtention du permis de conduire. En revanche, l'utilisation des automatismes, le comportement des véhicules autonomes, le comportement du conducteur, doivent faire l'objet de séances d'information. Un permis de conduire spécial ne semble pas nécessaire. Mais pour qui doit conduire un véhicule automatisé, des pré-requis sont indispensables. Ils pourraient prendre la forme d'une unité de valeur, faisant l'objet d'une évaluation certificative. Cette attestation serait obligatoire pour conduire un véhicule autonome de niveau 3 et plus. Elle serait basée sur l'acquisition par tout conducteur de quatre compétences minimales :
Ces quatre aspects sont les piliers de la matrice GDE (Goals for Driver Education) qui a été conçue dans le cadre du projet GADGET (2002) de l'Union européenne et qui est utilisée pour l'apprentissage de la conduite dans de nombreux pays européens.(voir les détails en annexe 8). 46 Recherches en psychologie de la circulation de Rothengatter (1997). 47 Le guide de la commission européenne (meilleures pratiques en matière de sécurité routière), en définit les finalités : Promouvoir la connaissance et la compréhension des règles et des conditions de la circulation / Améliorer les aptitudes par la formation et l'expérience / Stimuler ou modifier les attitudes par la prise de conscience des risques / Modifier les comportements tels que, par exemple, la conduite sous l'influence de l'alcool ou la pratique de vitesses trop élevées / Former les conducteurs, les diagnostiquer (détecter les personnes susceptibles de faire preuve d'un comportement dangereux) et accompagner la restauration de l'aptitude à conduire.
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L'automatisation des véhicules
connaître ce qu'il peut attendre d'un véhicule en mode autonome ou non ; maîtriser la manipulation des aides à la conduite (ADAS) et l'interface homme-machine ; être capable de reprendre en main le véhicule quand le système de conduite informatique le demande et être informé des procédures relatives aux trajectoires de sécurité. connaître sa responsabilité qui découle de sa décision d'activer les automatismes, et connaître les risques associés, connaître le système de surveillance du comportement du conducteur ;
Une durée de trois à quatre heures semble suffisante pour atteindre ces objectifs, avec un passage obligé par un outil de simulation pour la reprise en main. Une application de smartphone pourrait être développée pour assurer le suivi et l'actualisation des connaissances. Cette unité de valeur pourrait être délivrée par les écoles de conduite et les organismes de récupération de points. Les loueurs et les gestionnaires de flottes partagées devraient l'exiger au moment de la location48. Il faut en outre imposer aux concessionnaires, au moment du retrait de tout véhicule autonome après achat (voiture neuve ou d'occasion), d'assurer une formation à la prise en main reprenant au minimum les deux premières compétences de l'unité de valeur. En plus de la formation, les activités de prévention routière et de communication doivent comprendre dès aujourd'hui des informations et formations relatives aux automatismes. Recommandation n°15 : Agir rapidement sur l'information et la formation des usagers et des conducteurs de véhicules automatisés. 15a : Intégrer une information relative aux véhicules automatisés au niveau du « continuum éducatif », du permis de conduire, et des actions de prévention routière et de communication sur la sécurité routière (MININT). 15b : Pour les niveaux 3 et 4 (SAE), créer une unité de valeur constituant un pré requis obligatoire pour la conduite d'un véhicule autonome (MININT). 15c : Imposer aux concessionnaires automobiles de mettre en place un module obligatoire de prise en main du véhicule automatisé lors de son achat (MININT, MEEM).
2.4
Les routes et les aménagements routiers devront s'adapter parallèlement au déploiement des véhicules autonomes
Le réseau routier Le réseau routier est composé : d'un réseau national structurant qui permet de relier les grands pôles urbains avec des autoroutes concédées et non concédées (environ 1 % du réseau total) et des routes nationales (moins de 1 % du réseau total), dont une grande partie a été décentralisée en 2006 au profit des départements. d'un réseau capillaire reliant des villes de moindre importance, souvent hérité de l'histoire des territoires ou créé récemment dans les zones urbaines : il s'agit des routes départementales (35 % du réseau total) et des routes communales (environ 63 % du réseau total).
2.4.1
-
Les loueurs préfèrent une unité de valeur à une obligation de prise en main par leurs soins, qui irait à l'encontre d'un modèle économique de plus en plus dématérialisé.
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L'automatisation des véhicules
Types de voies
Répartition des voiries en km de linéaire en 2014 11560 Dont 8951 9 645 378 973 673 290 1 073 468
Autoroutes dont autoroutes concédées Nationales Départementales Communales Total
En comparaison avec les autres pays européens la France dispose d'un réseau routier long et dont la densité (en kilomètres par habitant) est forte. Cela est dû à la configuration géographique du pays, à l'histoire de son urbanisation et à son organisation territoriale. Son réseau structurant (autoroutes et routes nationales) est relativement moins long et moins dense qu'en Allemagne mais davantage qu'au Royaume-Uni. 2.4.2 La route et le véhicule continueront d'évoluer en symbiose
La route et le véhicule évoluent en symbiose. La voiture et le poids lourd ne pourraient pas avoir les performances actuelles sans les grands progrès qui ont profité aux infrastructures routières depuis si longtemps. La granulométrie des chaussées est maintenant bien adaptée aux pneus modernes, qui, en retour, se sont toujours ajustés aux nouvelles chaussées. Les équipements aussi se sont adaptés. La signalisation est faite pour être lue par un automobiliste qui circule à grande vitesse. Elle est rétroréfléchissante pour être vue de nuit à la lumière des feux de croisement. Il est certain que cette symbiose continuera avec le véhicule autonome et que celui-ci et la route s'obligeront mutuellement à évoluer jusqu'à un nouvel équilibre. On peut en tracer les contours dans trois domaines : l'infrastructure, les équipements de la route et le partage de la voirie. 2.4.2.1 L'adaptation plus ou moins grande des chaussées et parkings facilitera le déploiement des véhicules autonomes
Sur les routes ouvertes, selon des constructeurs et équipementiers, deux usages de véhicules autonomes vont être bientôt possibles49 : les navettes de transport public et les voitures particulières (au niveau 3, voire 4 ou 5). Pour les premières, qui évolueront en site propre ou en site connu (et avec un cheminement préalablement enregistré) sous la supervision d'un opérateur (éventuellement gérant à distance une flotte de navettes), les aménagements peuvent être légers, comme ceux que l'on fait pour les bus à haut niveau de service, voire plus simples encore. La navette autonome se déplacera à faible vitesse, et sera pilotée par un automatisme simple qui l'arrête si un obstacle se dresse. Suivant ses capacités, elle pourra contourner l'obstacle, ou attendre que l'opérateur l'aide à y parvenir. Il est probable que le mode autonome ne sera actionné dans la plupart des cas, au moins dans un premier temps, que sur les axes aménagés ou bien reconnaissables par l'intelligence artificielle, ce qui exclut une grande part du réseau routier hors autoroutes et agglomérations. C'est pourquoi la mission n'a
La Nouvelle France Industrielle distingue d'autres usages : valet de parking, navettes du dernier kilomètre, etc. On s'arrête sur deux d'entre eux sans que cela ne change la teneur générale.
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pas traité en détail les questions liées aux voies qui ont peu de chances de voir circuler de véhicules en mode autonomes dans un futur proche. Les voitures qui arrivent sur nos réseaux et qui ont un certain degré d'automatisation sont plus adaptées pour la conduite sur autoroutes. Elles utilisent des systèmes de contrôle de trajectoire basés sur la détection de la signalisation horizontale, sur la détection des obstacles et des véhicules qui précèdent par différents capteurs ; elles gèrent leur allure par un régulateur de vitesse ou par le maintien d'une interdistance constante avec le véhicule qui précède. La principale difficulté qu'elles rencontrent, c'est qu'elles doivent maintenir une vitesse élevée compatible avec celles des autres véhicules. Il faut donc que le réseau routier soit d'une grande qualité et ne réserve pas de surprises. À l'heure actuelle, en cas d'événement inattendu, ces véhicules rendent la main au conducteur, lequel doit rester attentif (voir à ce sujet le § 2.2.1.2.) L'Association française des autoroutes et ouvrages concédés (ASFA) a commencé à travailler sur ces sujets avec les constructeurs automobiles. Les premières études démontrent que le lieu le plus compliqué pour les véhicules autonomes est le péage. À l'arrivée dans la « raquette » de péage (selon le terme employé par les autoroutiers), la signalisation horizontale s'interrompt, les véhicules se croisent à la recherche de la voie de paiement adapté ou celle où la file est la moins longue. La compréhension de la signalétique des voies de paiements est difficile : elle est seulement en cours de standardisation au niveau français. Il est évident que la nécessité de rendre la main au conducteur est elle-même source de danger. Une solution consisterait à remplacer ces péages par des péages free flow, avec des portiques placés en section courante et dotés de système de paiement électronique (TIS) et de caméras vidéo couplée à des systèmes de reconnaissance de plaques. Cela ne pose pas de problèmes techniques mais réglementaires : il faudrait pouvoir verbaliser immédiatement les contrevenants. À défaut d'y consacrer des effectifs suffisants de gendarmerie ou de police, il faudrait procéder à une évolution du droit pour permettre au personnel des sociétés d'autoroute d'arrêter et de verbaliser les véhicules. Le péage free flow dont le développement a son propre intérêt indépendamment de la voiture autonome - serait un facilitateur pour celle-ci. Néanmoins il n'est pas indispensable puisque dans le cas de voiture autonome de niveau 3 ou 4 le conducteur humain peut reprendre la conduite à l'approche du péage. La situation où le véhicule autonome rend la main est la plus délicate. On estime à 10 secondes, voire à plus, le temps nécessaire50 pour que l'être humain derrière le volant redevienne un conducteur avisé. Il faut prévoir les situations où il ne peut ou ne veut le faire. L'arrêt d'un véhicule sur une bande d'arrêt d'urgence est cependant une opération risquée. En section courante, pour les situations d'urgence il n'y a pas d'autres solutions que de laisser les véhicules autonomes s'arrêter sur les bandes d'arrêt d'urgence, sauf à construire des parkings à intervalle très rapproché, ce qui serait économiquement disproportionné. En revanche, à l'approche de la fin d'une section autoroutière ou à l'approche d'une barrière de péage « traditionnelle » (c'est-à-dire non free flow), une solution pourrait consister à créer un parking ou une aire d'arrêt adaptés. Le véhicule autonome proposerait de rendre la main à une distance suffisante-par exemple un kilomètre- avant la zone d'arrêt. En l'absence de réaction de l'automobiliste il se rendrait de lui-même sur celle-ci pour s'y arrêter. Une concertation doit s'engager entre la DGITM, les constructeurs automobiles, et les sociétés d'autoroutes, pour déterminer l'utilité d'aménager de telles aires (qui pourront la plupart du temps utiliser des aires existantes). Un avantage des autoroutes françaises, qui intéresse au plus haut point les constructeurs de véhicules autonomes, est le bon état de leur signalisation horizontale. En effet, les capteurs se basent sur le repérage des lignes axiales de marquage pour guider les véhicules. Les sociétés d'autoroute sont contraintes par leur contrat de concession (article 13) de mettre en conformité la signalisation horizontale avec la réglementation et les instructions techniques. Par contre, il n'existe aucune contrainte sur la
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Cf. la thèse de William Payre déjà citée (paragraphe 2.2.2.2.)
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L'automatisation des véhicules
durabilité et l'évolution dans le temps de cette signalisation, et il n'existe pas non plus d'indicateurs de performance opposables aux concessionnaires sur la signalisation horizontale. Il arrive donc souvent que celle-ci n'ait pas le niveau escompté (lors de chutes de neige ou lors de la création de signalisation temporaire de chantier par exemple)51. Les constructeurs de véhicules automatisés ont pris en compte la difficulté des gestionnaires à garantir le niveau de service de la signalisation horizontale : ils intègrent des algorithmes de reconstitution de lignes et utilisent la redondance donnée par la géolocalisation par satellite. Néanmoins comme les systèmes d'intelligence artificielle fonctionnent d'autant mieux qu'ils peuvent utiliser et croiser plusieurs sources d'information le maintien d'un bon état de la signalisation horizontale concourra à la sécurité des voitures autonomes. Recommandation n°16 : Déterminer avec les sociétés d'autoroute les aménagements nécessaires pour accueillir les véhicules autonomes en toute sécurité en veillant en particulier à la problématique de l'approche des péages et des fins de section autoroutière (DGITM).
2.4.2.2
Les équipements routiers devront être peu à peu adaptés à la circulation des véhicules autonomes
Les recherches sur les véhicules autonomes prennent comme principe que ces véhicules doivent se déplacer sur l'ensemble des voies telles qu'elles sont et lire la signalétique comme des humains. Cela a pour objectif de ne pas retarder l'avènement de la voiture autonome en la faisant dépendre des investissements consentis dans la route et dans ses équipements. Néanmoins, il y a une convergence des auteurs pour souligner que le véhicule autonome ne pourrait que bénéficier d'une information fiable sur le réseau et sur les événements qui s'y déroulent. Pour respecter le code de la route les véhicules autonomes doivent avoir la meilleure information à jour des règles de circulation sur les voiries qu'ils empruntent. Il est nécessaire que les gestionnaires routiers mettent à jour en temps réel sous leur responsabilité les informations indispensables dans une base de données qui soit d'accès public (open data). Les constructeurs ou fournisseurs de système d'autonomie seront tenus de mettre à jour leur GPS à partir de cette base (actuellement les bases de données sont privées et plus ou moins bien renseignées). Cette base comprendrait au minimum : les limites de vitesse permanentes et temporaires (chantiers, régulation de trafic lors des départs en vacances, pollution atmosphérique) ; les restrictions de voirie partielles (zones de chantier, fermetures de cols) ; les restrictions catégorielles (transports de matières dangereuses, tonnages, gabarits, etc.).
Il existe des normes techniques de qualité du marquage avec des indicateurs de blancheur, d'adhérence, de visibilité de jour et de nuit et de rétroréflexion ainsi que des normes de pose pour contrôler la qualité de la pose des produits. Des exigences techniques existent dans les cahiers des charges des sociétés d'autoroute. Certaines confient le marquage à des sous-traitants spécialisés avec des contrats à obligation de performance mais ceci n'est pas obligatoire.
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Des réflexions et des expérimentations sont en cours au niveau des pouvoirs publics et gestionnaires de voirie pour prendre en compte les apports des systèmes C-ITS52. Plusieurs d'entre elles peuvent avoir un impact sur le véhicule autonome : le projet coopératif SCOOP@F piloté par la DGITM débute en 2016 par une expérimentation sur cinq sites53 ; d'une façon générale, les gestionnaires de réseau doivent améliorer fortement leur connaissance des événements qui s'y produisent en temps réel. Le V2I ne réglera pas tout et pour employer une expression d'un des interlocuteurs de la mission, « le sanglier ne sera pas connecté ». D'autres moyens de surveillance devront être utilisés ; la route de cinquième génération (dite route 5G), après la quatrième génération qu'est l'autoroute : il s'agit d'un ensemble de projets de recherche et de développement. Parmi elles, la route solaire qui, à partir de différents dispositifs, récupérera de l'énergie solaire (par exemple par le système Wattway© de Colas). Une partie de cette énergie pourrait être restitué à des véhicules électriques (les véhicules autonomes seront en tout ou en partie électriques) ; à plus long terme, lorsque tous les véhicules seront autonomes (si cela doit arriver...), la façon de gérer la route sera sans doute radicalement différente. La signalisation verticale (panneaux de police et de direction) voire la signalisation horizontale ne serviront peut-être plus à rien. L'exploitant sera par contre tenu de renseigner les bases de données où les véhicules autonomes iront chercher en temps réel les informations utiles : aux éléments déjà mentionnés s'ajouteront peut-être des scans réguliers de l'état de chaussées, des intrusions sur les routes... Créer une base de données publiques contenant au minimum des informations de limitations de vitesse de restrictions de voirie et restrictions catégorielles et rendre la mise à jour des données obligatoires ; les services de voiture autonome auront l'obligation de prendre en compte ces données. Cette base de données devra être évolutive pour accepter d'autres informations (MEEM, MININT).
Recommandation n°17 :
2.4.2.3
La voirie publique sera partagée différemment
Les décisions concernant le partage de l'usage de la voirie sont des décisions politiques fortes qui favorisent ou défavorisent tel ou tel mode de transport. Dans les années cinquante, la montée en puissance de la voiture individuelle a été stimulée par des décisions lourdes de conséquences : fin des vieux tramways et enlèvement de leurs rails, création de voies rapides en ville (voies sur berge à Paris, tunnel de Fourvière à Lyon, etc.). Depuis, le mouvement s'est inversé : voies réservées au tramway, pistes cyclables, place de stationnements réservés aux vélos ou aux voitures en libre partage, interdiction des vieux véhicules diesel, fermeture des voies sur berges à Paris, en particulier. Ces décisions sont en lien direct avec nos modes de vie et donnent lieu naturellement à des débats passionnés.
Cooperative Intelligent Transport Systems, comprenant V2V et V2I. Des balises placées de la chaussée dialoguent avec les véhicules sur une fréquence radio dédiée. Ces échanges (V2V et V2I) permettent donc de donner (comme actuellement sur la fréquence 107.7) des informations du gestionnaire vers les véhicules mais aussi remonter de l'information des véhicules vers le gestionnaire ou d'échanger entre véhicules : ainsi un véhicule du gestionnaire (patrouilleur, engin de déneigement) donnera en temps réel des informations sur l'état du trafic, la présence d'un véhicule arrêté, un obstacle. Les véhicules particuliers pourront aussi échanger entre eux.
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Il en sera de même pour les véhicules autonomes. Dans un premier temps, les véhicules autonomes (navettes ou voitures individuelles) auront du mal à se fondre dans la circulation habituelle des grandes villes. Les marges de sécurité que prendront ces véhicules pourraient créer une diminution de la capacité de trafic, ce qui pourrait entraîner un certain rejet de la part des utilisateurs. Un point d'attention doit être apporté aux expérimentations de platooning (paragraphe 2.3.1.) D'autres exemples de partage de voirie concerneraient l'utilisation en ville de véhicules autonomes pour faire la desserte du dernier kilomètre, ou la réservation de places de stationnement à ces véhicules. De son côté, l'IFSTTAR travaille sur le concept de routes hybrides, où les véhicules classiques, coopératifs et autonomes pourraient cohabiter. A plus long terme, lorsqu'elles auront progressé (et si comme la mission le souhaite elles parviennent à démontrer qu'elles améliorent la sécurité routière d'un facteur au moins 10), la conduite en mode manuel pourrait être considérée comme trop dangereuse et progressivement réduite règlementairement. Il convient également d'apprécier l'impact économique de la voiture autonome sur les infrastructures : L'émergence des véhicules autonomes aura un impact économique important pour les gestionnaires infrastructures. En raison du déploiement des nouveaux véhicules, de nouvelles dépenses vont apparaître, pour créer des aménagements adaptés, mettre à niveau l'information sur les infrastructures, adapter les équipements de sécurité, notamment. De l'autre côté, des économies ou des optimisations peuvent survenir aussi : diminution des largeurs des places de parkings et donc augmentation de leur nombre grâce aux valets de parkings, signalisation numérique remplaçant la signalisation traditionnelle. Le modèle économique des gestionnaires d'infrastructures qui tirent leur revenu du trafic (sociétés d'autoroutes, gestionnaires de parkings) sera transformé et plus incertain : les voitures autonomes rouleront-elles plus ou moins ? Si, à terme, il n'y a plus que des flottes de véhicules autonomes propriétés de grands groupes, ces derniers ne chercheront-ils pas à influencer la politique de gestion et de rémunération des infrastructures ? Pour l'instant nous nous trouvons devant plus de questions que de réponses. Il n'y a qu'une certitude : la route et le véhicule continueront d'évoluer en symbiose. Dès lors, les pouvoirs publics en charge des infrastructures doivent agir de telle sorte que cette évolution conjointe ne soit pas subie et se fasse dans l'intérêt général. 2.4.2.4 Les réseaux de communication et la question des données
Du point de vue des données traitées, peu de choses distinguent un véhicule communicant et un véhicule autonome. Les seules différences concernent la présence, sur les véhicules autonomes, d'un GPS et d'un EDR, équipements qui ne sont pas nécessairement présents dans un véhicule communicant. Mais cette distinction est toute théorique, car tous les véhicules communicants disposent en pratique d'un GPS, et les EDR peuvent, dans le futur, être rendus obligatoires sur des véhicules de tous types. Les analyses qui suivent s'appliquent donc indifféremment aux véhicules autonomes ou connectés, sans automatismes. Les réseaux Le véhicule autonome sera communicant, les communications étant nécessaires pour lui assurer une perception d'ensemble des situations routières, complémentaire de la vision à courte portée des
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capteurs. Ce complément d'information apporté par la communication permet une meilleure anticipation et compréhension de l'environnement local. Plusieurs types de réseaux seront utilisés par les véhicules à cette fin. Le plus à même d'être utilisé est aujourd'hui une variété de Wi-Fi, nommé G5, déjà normalisée et opérationnelle. Cette option repose sur l'équipement des infrastructures en bornes Wi-Fi G5. Elle présente l'inconvénient d'être coûteuse en équipement des infrastructures, mais a l'avantage d'être disponible et de ne pas imposer de coûts de communication pour les communications véhicule-véhicule. Une autre possibilité, en cours de normalisation à l'ETSI54, est le 4G LTE V2X55, LTE signifiant Long Term Evolution, ce qui correspond à la 4e génération de réseaux mobiles. À plus long terme, d'autres réseaux, principalement des variantes des réseaux mobiles de 5e génération, pourront être utilisés. Ces différentes possibilités se différencient par leur résilience, leur sécurité, leur économie d'emploi. Clairement, les opérateurs mobiles cherchent à capter, via leurs réseaux, les communications futures des véhicules et infrastructures. Il y a donc actuellement une lutte d'influence entre ces technologies. A priori, la technologie WiFi G5 devrait être plutôt employée dans les villes denses et aux abords de celles-ci, et les réseaux mobiles prédominer dans les zones peu peuplées, mais tout dépendra du modèle de développement économique de ces deux technologies. Le créneau d'emploi optimum de ces technologies n'est donc pas tranché aujourd'hui. La mission n'a pas identifié, en l'état des connaissances sur ces possibilités, d'enjeux majeurs de politique publique liés à l'utilisation de l'un ou l'autre de ces réseaux. L'État devra se positionner vis-à-vis des équipements en G5 des villes et des grandes infrastructures. Les données La Commission européenne a arrêté une stratégie pour les Services de Transport Intelligents Coopératifs (STI-C) dans sa communication du 30 novembre 2016. Cette stratégie vise prioritairement la sécurité des transports et prévoit une action favorisant le traitement de certains services par les véhicules, services impliquant des échanges de données. Dans sa communication, la Commission publie une liste initiale de 13 services, dite liste initiale, à déployer en 2019. Cette liste comprend des notifications de situations dangereuses, telles que véhicules à l'arrêt, travaux, freinage d'urgence d'un véhicule précédent, et des applications de signalisations, comme la signalisation et les vitesses limites à bord, demande de priorité au carrefour, etc. Toutefois, la normalisation de ces services est aujourd'hui incomplète. Seul l'aspect transmission est normalisé par l'ETSI. Les promoteurs français de SCOOP devront donc défendre au niveau européen les profils de données arrêtés en France pour SCOOP. La Commission européenne annonce en termes voilés son intention de rendre obligatoire un jeu minimal de services STI-C sur les véhicules, en avançant qu'elle dispose de l'instrument législatif ad-hoc grâce à la directive 2010/40 relative au STI. C'est en effet grâce à cette directive que eCall avait été rendu obligatoire sur les véhicules. Ainsi, il fait peu de doutes que les véhicules automatisés disposeront de ces données. Pour ces services, destinés à être normalisés, il est prévu que les données seront anonymisées. Pour la sécurité des échanges, la Commission européenne s'attachera à favoriser la mise en place d'une infrastructure
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European Telecommunications Standards Institute. L'approbation du standard est prévue dans la « Release 14 du 3GPP » en mars 2017.
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paneuropéenne de clés publiques, permettant de crypter les données échangées depuis et vers les véhicules. C'est un projet ambitieux. À ces données, qui seront imposées par la réglementation, s'ajouteront les données échangées avec les prestataires, pour les services privés auxquels auront volontairement souscrit les conducteurs. Un exemple est fourni par l'application de maintenance préventive et corrective : la personne concernée contracte avec un prestataire afin de recevoir des messages et des alertes liées au fonctionnement du véhicule. L'envoi volontaire de données pour la participation à des études d'accidentologie ou de circulation est un autre exemple. La protection des données à caractère personnel Ainsi, il fait peu de doutes que les véhicules automatisés disposeront des services qui viennent d'être évoqués, et, par-là, de ces données. Il est important de noter que les données seront rendues anonymes. Pour la sécurité des échanges, la Commission européenne s'attachera à favoriser la mise en place d'une infrastructure paneuropéenne de clés publiques, permettant de crypter les données échangées depuis et vers les véhicules. C'est un projet ambitieux. Les véhicules automatisés d'aujourd'hui sont producteurs de données en grand nombre. Ces données, majoritairement techniques, nécessaires à la bonne marche du véhicule, peuvent aussi revêtir un caractère personnel, c'est-à-dire permettre l'identification des individus. Ainsi, la connaissance du VIN, Vehicle Identification Number, numéro de série du véhicule, normalisé internationalement, permet-il de remonter au propriétaire du véhicule. C'est ce qui a conduit la CNIL à élaborer un « pack de conformité », qui a vocation à s'appliquer aux véhicules communicants d'aujourd'hui, et aux véhicules autonomes de demain. Ce document, discuté avec les prestataires de services et les constructeurs, expose les recommandations et bonnes pratiques concernant le traitement des données du véhicule. La CNIL distingue trois cas, selon que les données restent sous le contrôle de l'utilisateur, ou qu'elles sont transmises à un prestataire extérieur, et enfin, si un retour d'information du prestataire implique une action du véhicule. La CNIL replace ces cas dans le cadre réglementaire français (loi Informatique et Libertés de 1978) et les dispositions du récent règlement européen 2016/679 du 27 avril 201656. Tous les aspects liés aux finalités des traitements, à leurs bases légales, au données collectées, à la durée de conservation, aux destinataires des traitements, à l'information et au droit des personnes, aux obligations de sécurité, et aux déclarations nécessaires, sont traités pour ces cas de figure. Il ne fait pas de doute que ces préconisations seront utiles pour les futurs modèles de véhicules, mais la question se pose de leur transposition aux véhicules existants. L'inclusion massive de dispositifs électroniques dans les véhicules est dorénavant un phénomène ancien, dont le démarrage peut être situé vers le début des années 2000. Or, le pack de conformité sur le sujet est publié en 2016. La question est donc posée de savoir si les modèles existants respectent les dispositions préconisées par le pack. La CNIL disposant dorénavant de pouvoirs d'enquête, il serait utile qu'elle procède à des investigations sur un certain nombre de modèles, pour en tirer des conclusions. Notamment, l'accès du propriétaire aux données d'usage du véhicule mériterait de la part de la CNIL une étude approfondie, et, le cas échéant, des propositions au niveau européen sur ce sujet, qui concerne également la profession des réparateurs automobiles.
Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).
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L'approche a consisté, pour l'élaboration de ce pack, à considérer le véhicule comme un objet communicant ordinaire. Ce choix présente l'avantage de tendre à une certaine généralité dans le traitement des problèmes du futur IoT( Internet of Things). Cependant, il faut s'interroger sur la solidité à terme d'une telle approche. En effet, un véhicule est un objet bien particulier. C'est aussi un domaine privé - la police ne peut y pénétrer sans mandat. Il comporte des fonctions liées à la sécurité des individus, à la cybersécurité, et il est mobile, au-delà des frontières d'un seul pays. À cet égard, le système eCall a ouvert une voie porteuse de réflexion. En effet, dans le cas eCall, les autorités réglementaires en Europe, plutôt que de se référer uniquement aux textes généraux européens57 concernant la protection des données personnelles, ont fait le choix de dispositions spécifiques complémentaires contenues dans le texte eCall. Le règlement 2015/758 « eCall » contient ainsi toutes les dispositions de protection des données personnelles pour un véhicule équipé d'eCall, c'est-à-dire d'un dispositif communicant. Ainsi, notamment, la conservation des données y est-elle fixée à 13 heures. Aussi, eu égard à la particularité de l'objet véhicule, il parait légitime de s'interroger sur la nécessité, à terme, d'un texte européen spécifique pour la protection des données personnelles liées aux véhicules, quel que soit leur niveau d'automatisation. C'est sans doute la direction que semble prendre la Commission européenne, dans la communication du 30 novembre 2016 : « En 2018, la commission publiera les premières orientations concernant la protection des données dès la conception et par défaut dans le contexte spécifique des STI-C ». L'EDR L'EDR (Event data Recorder) est une nécessité, au minimum pour déterminer la cause des accidents, la responsabilité étant partagée entre les logiciels de la voiture et le conducteur. L'EDR enregistre les données dans les secondes précédant l'accident. Selon les études disponibles, le bénéfice immédiat des EDR est la diminution de 20 % des accidents58. Ainsi, non seulement l'EDR est nécessaire pour des recherches de responsabilité, mais il comporte de plus l'avantage, en cas de reprise manuelle, d'inspirer une conduite plus prudente aux conducteurs59. Plus que tout autre, un véhicule autonome nécessitera un EDR, afin de déterminer qui, du logiciel ou du conducteur, est responsable. Le rapport du 12 décembre 2016 de la Commission Européenne au Conseil et au Parlement Européen mentionne dans ses recommandations l'EDR en termes d'équipement de sécurité à venir dans la prochaine législation sécurité des véhicules. Le rapport envisage l'obligation de support de l'EDR à partir de 2020 pour les nouveaux types de véhicules, et de 2022 pour tous les tous véhicules neufs, quels que soit leur degré d'automatisation. La proposition législative traduisant ce rapport est attendue dans le courant de l'année 2017. Tous ces motifs conduisent à recommander l'adoption la plus rapide des EDR sur les véhicules de tous types. Cette question concerne tous les véhicules : elle n'est pas propre aux véhicules à délégation de conduite. Les questions relatives aux EDR (temps de conservation des données, conditions d'accès, etc.) sont actuellement examinées au niveau européen. Comme elles ne concernent pas particulièrement les véhicules à délégation de conduite mais tous les véhicules, la mission CGEDD-IGA ne les a pas approfondies.
Principalement la directive 95/46 et la directive 2002/58. Wouters, P.I.J. & Bos, J.M.J. (2000) Traffic accident reduction by monitoring driver behaviour with in-car data recorders. In : Accident Analysis and Prevention, vol.32, nr.5, p.643-650. 59 Des études faites aux États-Unis montrent que les conducteurs de véhicules équipés d'EDR adoptent une conduite plus prudente.
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Il est cependant indispensable de porter une attention particulière à l'émergence du standard européen des données et à l'implantation rapide des EDR dans les nouveaux véhicules. L'ADDR (Automotive Digital Data Recorder) Il s'agit d'un enregistrement, par une boite noire sous la responsabilité du constructeur d'automobile, des paramètres techniques de fonctionnement du véhicule, aux fins de garantie ou de mise au point, de détection des anomalies, de prévention des pannes, de correction à distance, etc. Ces équipements sont bien sûr soumis à déclaration auprès de la CNIL.
2.5
Les règles en vigueur en France en matière de responsabilité individuelle et d'assurance sont en question
La responsabilité en cas d'accident est appelée à évoluer
2.5.1
La responsabilité civile La responsabilité du conducteur est aujourd'hui la règle, sauf à faire jouer celle du constructeur en cas de défaut du matériel, ou celle du propriétaire, si celui-ci est distinct du conducteur, en cas de défaut d'entretien. A partir du moment où une intelligence artificielle prendra le contrôle du véhicule, la question de la désignation du responsable sera plus complexe. Il faudra dans un premier temps déterminer avec certitude si l'accident est survenu alors que le mode automatique était actif. Ce point est âprement débattu par les firmes automobiles à propos des quelques cas d'accidents dans lesquels étaient impliquées des voitures disposant de fonctions automatiques. Comme cela a été indiqué plus haut, seul un enregistrement de l'activité du système permettra de trancher clairement chaque cas. Ensuite, le partage des responsabilités devra faire place à de nouveaux acteurs : outre le conducteur, le propriétaire (ou le gestionnaire du parc), l'équipementier, voire le réparateur défaillant, il est manifeste que pourront être impliqués les concepteurs des logiciels de l'intelligence artificielle implantée à bord, ainsi que les gestionnaires des flux de données passant par les connections du véhicule avec son environnement. Si l'on fait abstraction de la partie mécanique du véhicule, qui sera le vrai « réalisateur » de celui-ci ? Un transfert de responsabilité vers les constructeurs ou équipementiers (ce terme incluant désormais les fournisseurs de logiciels) est une probabilité forte. Des pays étrangers, comme par exemple l'Allemagne, envisagent d'ailleurs de sceller dans la loi cette évolution, en déchargeant le « conducteur » de sa responsabilité en cas d'usage du pilote automatique. Il ne paraît toutefois pas nécessaire de procéder à un mouvement semblable en France : en effet, il existe dans le droit positif, depuis la loi Badinter de 198560 le principe selon lequel tout propriétaire de véhicule doit être assuré (obligation d'ailleurs européenne), et que, dès lors qu'un véhicule à moteur est impliqué dans un accident, les victimes sont indemnisées sans qu'on soit tenu de rechercher la faute du conducteur. Si ce dispositif devait évoluer (ce qui n'est pas apparu à la mission), les principes seraient clairement posés par la responsabilité « du fait des choses », figurant dans les articles 1384 et suivants du code civil, et les interprétations jurisprudentielles (voir notamment arrêt de la Cour de cassation, Chambres réunies, Franck, 2 décembre 1941). Le « gardien » de la chose étant celui qui en a le « contrôle », cette notion s'étend vraisemblablement au conducteur qui a fait le choix d'actionner l'automatisme de son
Loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.
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véhicule, et à la possibilité de reprendre la main. Le ministère de la justice, consulté par la mission, estime que le mécanisme posé par la loi Badinter s'adapte sans difficultés au cas des véhicules autonomes. Cet avis est partagé par la Fédération Française de l'Assurance (FFA). La responsabilité pénale Le code de la route comprend de nombreuses dispositions faisant peser sur le conducteur une responsabilité liée à son comportement. Qu'en sera-t-il demain en cas de conduite en mode autonome, dès lors que le conducteur n'aura pas eu la main sur le système ? La mission recommande de mettre ce sujet à l'étude, notamment dans le cadre du groupe de travail récemment institué entre le MEEM, le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice. L'étude pourra s'enrichir à ce sujet des réflexions de l'Allemagne, dans le cadre de la coopération franco-allemande entreprise par les deux ministres chargés des transports. Recommandation n°18 : Mettre à l'étude la responsabilité pénale des futurs utilisateurs de véhicule autonome (ministère de la justice).
Le débat sur « l'éthique » du véhicule autonome Les pouvoirs publics devront se déterminer face à la délicate question qui est résumée dans la formule de « l'éthique du véhicule ». Ce sujet, inspiré du fameux « dilemme du tramway », enflamme les chercheurs et provoque des prises de position parfois baroques (le débat est résumé dans l'annexe 12). Il s'agit de déterminer comment va réagir le système dans une situation où un accident est inévitable, et où ne se présentent que des « mauvais » choix, impliquant dans tous les cas au moins une victime, qui peut être l'un des occupants du véhicule, l'un des occupants d'un autre véhicule, ou des passants (personnes vulnérables). Les solutions les plus variées sont agitées par les acteurs du débat, y compris la solution-extrême - laissant à l'utilisateur du véhicule le soin de paramétrer les règles que devra suivre l'intelligence artificielle. Quelle que soit la formule qui sera retenue, les pouvoirs publics (ou le régulateur des transports, selon les États) ne peuvent pas rester passifs devant un tel problème. Les États-Unis se sont engagés dans un système déclaratif permettant à l'autorité de contrôle d'apprécier les choix proposés par les constructeurs. Les « guidelines » publiées par le ministère fédéral des transports le 19 septembre 2016 posent le principe de la transparence des choix proposés par les constructeurs. La France ne peut pas s'en remettre uniquement à la libre initiative des constructeurs pour régler une question aussi sensible et lourde de conséquences juridiques et morales. Par ailleurs, le code de la route protège tous les utilisateurs de la voirie : l'article L311-1 dispose en effet que « les véhicules doivent être construits, commercialisés, exploités, utilisés, entretenus et, le cas échéant, réparés de façon à assurer la sécurité de tous les usagers de la route ». La mission recommande que les ministres chargés de la sécurité routière et des transports, en liaison avec le ministre de la justice, définissent les principes auxquels les véhicules devront se soumettre. Ce travail doit être conduit en concertation avec tous les acteurs concernés (constructeurs, assureurs, associations d'automobilistes, représentants des victimes de la route, notamment). Au-delà, des règles devraient être posées au niveau international, au moins dans l'espace européen. La France doit contribuer à leur édification. Recommandation n°19 : Établir au niveau national, et si possible européen, les principes que devront respecter les véhicules autonomes en cas d'accident inévitable (MININT, MEEM, en liaison avec le ministère de la justice).
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2.5.2
Les secteurs de l'assurance et de l'assistance vont devoir se préparer à des mouvements économiques de grande ampleur
Même si les principes posés par la loi Badinter de 1985 ne sont probablement pas susceptibles d'être affectés par l'arrivée des véhicules à délégation de conduite, le marché de l'assurance va se transformer. Certains commentateurs prévoient une baisse tendancielle du nombre des accidents (en partie équilibrée du point de vue financier par la hausse des coûts unitaires, les nouveaux matériels étant plus chers), ce qui va entraîner en principe une baisse des primes, ainsi qu'une réduction des volumes liés aux accidents de la route. Il est difficile de prévoir si ce phénomène ne sera pas en partie annulé par une augmentation de la délinquance, les vols de voitures commis avec des outils électroniques étant en hausse (voir l'étude publiée en octobre 2016 par l'association 40 millions d'automobilistes et BCA Expertise). Il s'agit d'un mouvement mondial, plusieurs experts pronostiquant un bouleversement de l'équilibre économique sur lequel repose actuellement le marché de l'assurance automobile (cf. l'annexe 12). Ce mouvement a d'autant plus de chances de se produire que le déplacement de responsabilité vers les constructeurs et les fournisseurs de logiciels et de capteurs est ample (§ II.4.1). De plus, il est possible que le marché de l'assurance soit en partie « asséché » par les politiques commerciales de certaines firmes qui offriront à leurs clients des garanties très étendues portant sur leurs matériels. Le contrat d'assurance obligatoire risque dans ce cas de se limiter à la seule responsabilité civile envers les victimes, les frais de réparation du véhicule pouvant être pris en charge par le vendeur de celui-ci. Si ces tendances se vérifient, les assureurs devront trouver des parades pour développer de nouveaux services. Une possibilité leur sera offerte par les données du véhicule, s'ils y ont accès, car elles permettront une personnalisation des polices en fonction du style de conduite des utilisateurs, sous réserve de la vérification de la conformité de telles pratiques au droit, en particulier au principe d'égalité et à la protection de la vie personnelle. De même, le secteur de l'assistance se prépare à affronter des évolutions prévisibles. La réduction du nombre des sinistres va probablement faire baisser la demande. Elle sera peut-être balancée par la hausse possible des besoins de conseils à distance pour des consommateurs peu préparés à l'usage de nouveaux équipements. La profession espère tirer avantage de son implication dans la mise en place de l'eCall européen à partir de 2018, ses plateformes de téléphonie pouvant être un moyen de gestion des futures connections des nouveaux véhicules livrés après cette date.
2.6
Les véhicules autonomes pourraient changer en profondeur l'économie et l'écologie des transports
L'acceptation sociale dépendra principalement des avantages nouveaux donnés aux conducteurs, passagers et entreprises
2.6.1
L'intérêt des automatismes pour les conducteurs a été étudié dans de nombreux pays. En France, selon le CEREMA61, les conducteurs français sont intéressés par les aides à la conduite si leurs avantages autres que la sécurité, considérée comme chose importante mais encore souvent comme l'affaire des autres - sont suffisamment importants. Ainsi le régulateur de vitesse est-il apprécié en raison de la sérénité qu'il emporte : plus besoin de contrôler l'indicateur de vitesse. Les Français, davantage qu'ailleurs, aiment avoir la main sur les leviers de leur voiture ; c'est ce qui explique le nombre assez peu important des voitures avec boîte de vitesses automatique. Ainsi peut-on craindre que les Français boudent les voitures de niveau 3 ou 4, si obligation leur était faite de rester vigilant à tout instant, les yeux sur la route, sans possibilité de faire autre chose. Évidemment, le niveau 5 plaira bien davantage, car il autorise le conducteur
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Entretien, notamment de la Mission CGEDD-IGA, avec Stéphanie Bordel (Cerema).
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à accomplir d'autres tâches sans s'inquiéter d'avoir à répondre à une demande du système pour reprendre la main. Lorsque de nouvelles aides à la conduite sont introduites dans les voitures, les constructeurs et équipementiers doivent prendre garde à ce qu'elles n'augmentent pas, réellement ou même apparemment, la responsabilité des conducteurs. Faute de quoi, elles ne seraient pas utilisées par leurs clients. La protection des données personnelles (surtout des données de géolocalisation) est l'objet de la même conclusion pour beaucoup de Français. Si les Français ne se préoccupent guère des données de géolocalisation de leur smartphone, c'est parce qu'en contrepartie de l'abandon de la protection, il y a de grands bénéfices : trouver aisément son chemin en ville, etc. Il faudra donc que les voitures autonomes ou semi-autonomes, surtout lorsqu'elles seront utilisées à titre professionnel, leur profitent aussi par ailleurs. Pour les personnes plus fragiles (personnes âgées, personnes handicapées, etc.), le véhicule autonome sera probablement apprécié, à condition toutefois que la fracture numérique ne soit pas un frein. 2.6.2 Des études et des recherches sont nécessaires pour affiner les conséquences des véhicules autonomes sur le modèle économique et social des transports
De nombreux rapports d'étude62 ont été publiés sur les nouvelles mobilités qui seraient engendrées par les véhicules autonomes. Une étude souvent citée est celle de 2013 de la Columbia University, en particulier le premier des trois cas alors examinés sur Ann Arbor dans le Michigan. Cette ville de 285 000 habitants détient au total 200 000 véhicules. Les auteurs ont calculé la taille de la flotte partagée qui serait nécessaire pour satisfaire les besoins de la population sans lui imposer de trop longs temps d'attente. Avec 18 000 véhicules, la flotte de véhicules autonomes et partagés permettrait un temps moyen d'attente qui serait inférieur à une minute, un taux d'utilisation des véhicules de 70 % durant les heures de la journée (entre 7h du matin et 7 h du soir) et un coût de 0,15-0,41 dollar (au lieu de 0,59-0,75 dollar) par déplacement-mille. Se plaçant à une époque où les technologies seraient robustes et déployées, la presque totalité des auteurs prévoient un bouleversement des transports individuels ou publics, à des échéances qui dépendent des analyses sur le déploiement des nouvelles technologies (notamment au regard de l'intelligence artificielle). La plupart des rapports tirent les conséquences économiques, sociales et environnementales, le plus souvent très favorables, d'une bien meilleure utilisation du capital constitué par les véhicules (voitures ou navettes le plus souvent) s'ils sont partagés et s'ils se meuvent sans conducteur humain. En particulier, les voitures seraient bien moins nombreuses au coeur des agglomérations. C'est ce qui explique l'intérêt porté par de nombreuses villes dans le monde envers l'expérimentation des navettes autonomes63. Par ailleurs, d'autres villes portent intérêt aux taxis autonomes (ou taxis-robots) : Pittsburgh, Singapour, Tokyo, etc. Il paraît important que le ministère chargé des transports puisse entreprendre, au premier semestre de 2017, une analyse approfondie, après avoir fait la synthèse des résultats des nombreuses études déjà faites dans le monde, relative aux possibilités et aux conséquences de l'introduction vers 2020 ou 2025 de flottes de voitures et de navettes autonomes dans le coeur des grandes villes françaises, en particulier à Paris et Lyon. Au-delà, il serait opportun de réfléchir à la mise en place d'un véritable observatoire des conséquences que les véhicules autonomes pourraient entraîner sur la société française.
Ils sont décrits dans l'annexe 12. Christchurch et Wellington en Nouvelle-Zélande, comté de Contra Costa en Californie, province de Gelderland aux Pays-Bas, Helsinki, Lyon, Paris, Perth en Australie, Rouen, Sion en Suisse, Washington, Wuhan en Chine, etc.
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Recommandation n°20 :
Conduire une étude approfondie sur les possibilités et les conséquences de l'introduction de navettes autonomes dans les grandes villes françaises (MEEM, MINEFI).
De même, il n'existe pas pour le moment, en France, de simulation de l'impact des futurs véhicules sur la filière des métiers liés à l'automobile (réparation, stationnement), ni sur les métiers du transport de marchandise, tant en ce qui concerne l'emploi que l'équilibre financier ou la rentabilité. Recommandation n°21 : Lancer une étude sur les conséquences des véhicules autonomes en termes économiques et sociaux dans les professions concernées (MEEM, MINEFI).
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CONCLUSION
La France a engagé les processus qui conduiront au déploiement des véhicules autonomes. En dépit d'imperfections persistantes, le travail administratif gagne en efficacité, les acteurs de la recherche se mobilisent, le projet de la Nouvelle France Industrielle a fait émerger un partenariat de qualité entre les industriels et les pouvoirs publics. Mais il importe d'accélérer ce mouvement, et de lever les freins qui l'entravent ou le limitent. Le cadre réglementaire doit être rapidement aménagé, la recherche intensifiée et élargie, la coordination administrative fortifiée. Face à la compétition mondiale où d'autres pays sont plus avancés, la France doit se mobiliser encore plus, doit améliorer ses positions dans les organes internationaux (à Bruxelles et à Genève), doit nouer des coopérations renforcées en Europe et ailleurs. Grande nation industrielle, la France dispose d'atouts certains. Elle doit mieux les valoriser si elle veut rejoindre durablement le peloton de tête des pays qui nourrissent des ambitions légitimes dans le domaine du transport automobile.
Jean-François ROCCHI Inspecteur général de l'administration
Hervé de TRÉGLODÉ Ingénieur général des mines
Bernard FLURY-HÉRARD Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Philippe BODINO Chargé de mission à l'inspection générale de l'administration
Frédéric RICARD Ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts
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ANNEXES
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Annexe n° 1 : Lettre de mission
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Annexe n° 2 : Liste des personnes rencontrées
PREMIER MINISTRE AGENCE NATIONALE DE LA SECURITE DES SYSTEMES D'INFORMATION (ANSSI) M. Laurent CELERIER, adjoint au sous-directeur relations extérieures M. Sadio BÂ, coordinateur sectoriel MINISTERE DE L'INTERIEUR Colonel Eric FREYSSINET, Conseiller auprès du préfet chargé de la lutte contre la cybercriminalité Mme Adeline CHAMPAGNAT, conseillère auprès du préfet chargé de la lutte contre la cybercriminalité
UNITE DE COORDINATION DE LUTTE CONTRE L'INSECURITE ROUTIERE (UCLIR) Colonel Didier REMOND, chef de l'UCLIR Chef d'escadron Mathieu GROT, adjoint DELEGATION A LA SECURITE ET LA CIRCULATION ROUTIERES (DSCR) M. Emmanuel BARBE, délégué à la sécurité et la circulation routières M. Alexandre ROCHATTE, adjoint au délégué M. Joël VALMAIN, conseiller technique Europe-international Mme Séverine CARPENTIER, adjointe au chef du bureau de la signalisation et de la circulation Mme Marie BOURSIER, correspondante véhicules autonomes DIRECTION GENERALE DE LA POLICE NATIONALE (DGPN) Mme Catherine CHAMBON, sous-directeur de la lutte contre la cybercriminalité, direction centrale de la police judiciaire Commandant Gabriel SCHMITT, direction centrale des Compagnies républicaines de sécurité Commandant Thierry BURISSET, direction central de la sécurité publique Mme Anne-Isabelle d'ARGENSON, direction centrale de la sécurité publique DIRECTION GENERALE DE LA GENDARMERIE NATIONALE (DGGN) Colonel GADJENDRA SARMA, conseiller scientifique du directeur général Colonel Franck MARESCAL, Chef de l'Observatoire central des systèmes de transport intelligent (OCSTI, Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale) Colonel Jean-Marie DETRE, Pôle judiciaire Lieutenant-colonel Cyril PIAT, adjoint au chef du centre de lutte contre les criminalités numériques Chef d'escadron Philippe SIBILLE, bureau de la sécurité routière Chef d'escadron Dario ZUGNO, adjoint au chef de l'OCSTI Chef d'escadron Frédéric RUBENS, chef du département informatique te électronique au Pôle judiciaire Chef d'escadron Laurent RUFF, coordonnateur du plateau d'investigations véhicules (Pôle judiciaire) Chef d'escadron Karine BEGUIN, chef du département des atteintes aux systèmes de traitement automatisé C3N (Pôle judiciaire) Capitaine Pierrick BURET, département C3N Capitaine Olivier REYNAUD, adjoint du chef du département véhicules (Pôle judiciaire)
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DIRECTION GENERALE DE LA SECURITE CIVILE ET DE LA GESTION DES CRISES (DGSCC) : Lieutenant-colonel Bruno CESCA, chef du bureau de la formation, des techniques et des équipements PREFECTURE DE POLICE DE PARIS : Mme Françoise HARDY, sous-directrice régionale de la circulation et de la sécurité routière M. David RIBEIRO, adjoint au sous-directeur des déplacements et de l'espace public Commandant Bruno JOUVENCE, pôle sécurité routière 75 M. Julien ROBINET, gestionnaire du parc automobile Mme Delphine GILBERT, chef du bureau des taxis et transports parisiens MINISTERE DE L'ENVIRONNEMENT, DE L'ENERGIE ET DE LA MER CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE (CGEDD) : Mme Elisabeth DUPONT-KERLAN, présidente de la section « transition énergétique, construction et innovations » M. Pierre LAHOCHE, président de la section « mobilités et transports » DIRECTION GENERALE DES INFRASTRUCTURES, DES TRANSPORTS ET DE LA MER (DGITM) : DIRECTION DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT M. Eric OLLINGER, adjoint au sous-directeur de la gestion du réseau routier non concédé et du trafic SERVICE DE L'ADMINISTRATION GENERALE ET DE LA STRATEGIE : M. Louis FERNIQUE, chef de la mission des transports intelligents M. Hervé PHILIPPE, chargé de mission, mission des transports intelligents DIRECTION GENERALE DE L'ENERGIE ET DU CLIMAT (DGEC) SERVICE CLIMAT ET EFFICACITE ENERGETIQUE M. Daniel KOPACZEWSKI, sous-directeur de la sécurité et des émissions des véhicules M. Pierre BAZZUCCHI, chargé de mission réglementation et homologation des véhicules à moteur BUREAU D'ENQUETES SUR LES ACCIDENTS DE TRANSPORTS TERRESTRES (BEA-TT) M. Jean PANHALEUX, directeur du BEA-TT MINISTERE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES DIRECTION GENERALE DES ENTREPRISES (DGE) M. Alban GALLAND, chef de bureau, sous-direction des matériels de transport, de la mécanique et de l'énergie M. Thibaut FERREIRA, chargé de mission DIRECTION GENERALE DU TRESOR M. Laurent GUERIN, chef du bureau « marchés et produits d'assurances » M. Frédéric BROTONS, adjoint MINISTERE DE LA JUSTICE DIRECTION DES AFFAIRES CIVILES ET DU SCEAU Mme Charlotte de CABARRUS, chef du bureau du droit des obligations M. Jean-François Le COQ, magistrat à l'administration centrale
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ORGANISATIONS INTERNATIONALES COMMISSION DES NATIONS-UNIES POUR L'EUROPE M. Joël VALMAIN, vice-président du comité pour la sécurité routière (WP1) COMMISSION EUROPEENNE Mme Claire DUPRE, chef de l'Unité « Systèmes de transport intelligents et durables », direction générale pour la mobilité et les transports (DG MOVE) M. Casto LOPEZ BENITEZ, expert sécurité routière (DG MOVE) Mme Ingrid SKOGSMO, expert transports, direction générale pour la recherche et l'innovation (DG RTD) M. Antony LAGRANGE, juriste (automobile et mobilité), direction générale marché intérieur, industrie, entrepreneuriat, et PME (DG GROW) COMMISSION NATIONALE INFORMATIQUE ET LIBERTES (CNIL) Mme Joanna MASSON, juriste, direction de la conformité M. Régis CHATELLIER, chargé d'études « innovation et prospective » ORGANISMES DE RECHERCHE CENTRE D'ETUDES ET D'EXPERTISE SUR LES RISQUES, L'ENVIRONNEMENT, LA MOBILITE ET L'AMENAGEMENT (CEREMA) M. Christian CURE, directeur du CEREMA TV M. Stéphane CANALIS, directeur délégué infrastructures et mobilité M. Ludovic SIMON, responsable de la R et D « transports intelligents » CEREMA Ile-de-France M. Gilles GAUTHIER, directeur du département Laboratoire de Lyon Mme Anne GRANDGUILLOT, chef du département voirie et espace public M. Sylvain BELLOCHE, chargé d'études, département voirie et espace public M. Bruno LEVILLY, chef du groupe conception et gestion des réseaux, département voirie et espace public Mme Stéphanie BORDEL, chargée de recherche, laboratoire de Saint-Brieuc M. Yves ROUGIER, chef du centre systèmes de transport et de la mobilité du CEREMA ITM M. Pierre-Yves TANNIOU, adjoint au chef de groupe TITANE, CERMA sud- ouest Mme Michèle COLOMB, chef de groupe du laboratoire de Clermont-Ferrand M. Nicolas NUYTTENS, chef de groupe du laboratoire de Lyon M. Fabrice RECLUS, chargé d'études sur l'exploitation et la régulation dynamique des réseaux de transport, département mobilités CEREMA centre-est INSTITUT FRANÇAIS DES SCIENCES ET TECHNOLOGIES DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT ET DES RESEAUX (IFSTTAR) ORGANISMES OU ENTREPRISES ASSOCIES AU PROJET TRANSPOLIS : M. Jean-Paul MIZZI, directeur général adjoint M. Jean-Bernard KOVARIK, directeur général adjoint M. Frédéric BOURQUIN, directeur du département « composants et systèmes » M. Marc TASSONE, directeur délégué pour le site de Lyon Mme Brigitte MAHUT, directrice déléguée pour le site de SATORY M. Bernard JACOB, directeur scientifique délégué Mme Hélène TATTEGRAIN, directrice du laboratoire « ergonomie et sciences cognitives pour les transports » (LESCOT) M. David MITTON, directeur du laboratoire de biomécanique et mécanique des chocs (LBMC) M. Ludovic LECLERCQ, directeur-adjoint du laboratoire d'ingénierie circulation transport (LICIT) M. Philippe VEZIN, directeur-adjoint « politique de recherche », département Transport Santé Sécurité
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M. Stéphane BARBIER, directeur du développement, projet TRANSPOLIS M. Julien CESTAC, chercheur, laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) M. Abdelmename HEDHLI, chargé de mission « transports intelligents » M. Pierre AUGROS, conducteur d'opération TRANSPOLIS M. Gilles Le Carre (VOLVO), projet TRANSPOLIS M. Laurent MORNIROLI, société VICAT M. Sébastien GLASER, chercheur, laboratoire sur les interactions véhicules-infrastructuresconducteurs (LIVIC) M. Eric DUMONT, directeur du laboratoire exploitation, perception, simulateurs et simulation (LEPSIS) M. Fabrice VIENNE, ingénieur de recherche, LEPSIS Mme Valérie GYSELINCK, directrice du laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) M. Nicolas HAUTIERE, directeur du projet HYBROAD (route hybride 5ème génération)
LYON URBAN TRUCKS AND BUS (LUTB), PÔLE DE COMPÉTITIVITÉ : M. Philippe GACHE, directeur du programme « système de transport intelligent » Mme Clémence ROUTHIAU, gestionnaire de projet LABORATOIRE « AMENAGEMENT, ECONOMIE, TRANSPORTS » (LAET), UNIVERSITE DE LYON 2 : M. le Professeur Yves CROZET, directeur, professeur émérite SYSTEM X, INSTITUT DE RECHERCHE TECHNOLOGIQUE : M. Paul LABROGERE, directeur du programme « transport autonome » VEDECOM M. Jean-Laurent FRANCHINEAU, directeur du programme Eco-mobilité Mme Patricia JONVILLE, adjointe au directeur du programme Eco-mobilité Mme Christine TISSOT (groupe Renault), manager de projet SCOOP M. Alain SERVEL (groupe PSA) M. Yves ROBIN-JOUAN, gérant de la société NAVECOM ENTREPRISES DU SECTEUR AUTOMOBILE ET DES TRANSPORTS CONSEIL NATIONAL DES PROFESSIONS DE L'AUTOMOBILE (CNPA) : M. Florent PORTMANN, secrétaire général « métiers de la mobilité partagée » TRANSPORTS COLLECTIFS REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP) : Mme Nathalie LEBOUCHER, directrice de la stratégie, de l'innovation, et du développement Mme Véronique BERTHAULT, direction de la stratégie, pilote du groupe « transports publics » de la NFI. NAVETTES INTELLIGENTES : EasyMile : M. Guillaume DRIEUX
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NAVYA : M. Ludovic GUERRREIRO, responsable commercial marchés francophones M. Nizar FAKHFAKH KEOLIS : M. Pascal JACQUESSON, directeur général KEOLIS Lyon Mme Bénédicte LAFON, direction projets, marketing, intermodalité
CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES-EQUIPEMENTIERS : Groupe PSA : M. Jean-François HUERE, direction des relations institutionnelles, ITS et sécurité routière M. Thierry LE HAY, direction de la recherché et de l'ingénierie avancée, responsable du pole « systèmes embarqués avancés » Groupe Renault : M. Jean-François SENCERIN, directeur de projet « véhicules autonomes » Taxis Bleus : M. Yann RICORDEL, directeur général Mme Fabiola FLEX, directrice des affaires publiques GESTIONNAIRES DE VOIRIE Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA) : M. Jean MESQUI, délégué général M. Christophe BOUTIN, adjoint au délégué général Mme Annie CANEL, directrice des opérations Représentants des collectivités territoriales et des autorités organisatrices de transport : Régions de France : M. Amaury LOMBARD, conseiller infrastructures, déplacements, transports M. David HERRGOTT, conseiller technique mobilités Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) : M. Laurent PROBST, directeur général M. Olivier NALIN, directeur du développement Mme Anne SALONIA, direction du développement, chargée des études générales M. David O'NEILL, directeur de l'exploitation Fédération nationale des transports routiers (FNTR) : Mme Florence BERTHELOT, déléguée générale REPRESENTANTS DES USAGERS DE LA ROUTE Ligue contre la violence routière : Mme Chantal PERRICHON, Présidente
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Prévention Routière Mme Anne LAVAUD, déléguée générale M. Christophe RAMOND, directeur des études et des recherches ENTREPRISES D'ASSURANCE ET D'ASSISTANCE Fédération française de l'assurance (FFA) : M. Stéphane PENEZ, Mme Anne-Marie PAPEIX, MMe Ludivine DANIEL M. ARNAUD (MACIF) Syndicat national des sociétés d'assistance (SNSA) : M. Nicolas GUSDORF, président Mme Catherine HENAFF, secrétaire générale JURISTES, AUTRES PERSONNALITES Me Alain BENSOUSSAN, avocat, Barreau de Paris Me Eve RENAUD, avocate, Barreau de paris M. Olivier PAUL-DUBOIS-TAINE, président du comité « transports » de la Société des ingénieurs et scientifiques de France (IESF)
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Annexe n° 3 : Glossaire des sigles et abréviations
ACC : ADAS : AEB : ANSSI : ASFA : BAAC : Adaptative Cruise Control (régulateur de vitesse adaptatif) Advanced Driver Assistance Systems (aides à la conduite) Automatic Emergency Braking (freinage d'urgence) Agence Nationale de la Sécurité des Sytèmes d'Information Association française des autoroutes et ouvrages concédés Bulletin d'Analyse des Accidents Corporels
CEREMA : Centre d'Etudes et d'expertise sur les Risques, l'environnement, la Mobilité et l'Aménagement CERAM : CERT : CNIL : DATP : DGE : DGEC : DGITM : DGGN : DGPN : Centre d'Essais et de Recherches Automobiles de Mortefontaine Computer Emergency Response Team ommission Nationale Informatique et LIbertés Driver Assistive Truck Platooning Direction Générale des Entreprises Direction Générale de l'Energie et du Climat Direction Générale des infrastructures, des Transports et de la Mer Direction Générale de la Gendarmerie Nationale Direction Générale de la Police Nationale
DGSCGC : Direction Générale de la Sécurité Civile et la Gestion des Crises DOT : DSCR : EDR : ESC : ESoP : ETSI : FFA : GPS : Department of Transportation (ministère fédéral des transports aux Etats-Unis) Délégation à la Sécurité et la Circulation Routières Event Data Recorder Electronic Stability Control (électro stabilisateur programmé) European Statement of Principles European Telecommunications Standards Institute Fédération Française de l'Assura Global Positioning System
IFSTTAR : Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l'Aménagement et des Réseaux
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IHM : INRIA : IoT : LTE : MEEM : MINEFI :
Interface Homme Machine Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique Internet of Things Long Term Evolution Ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer Ministère de l'Economie et des Finances
MININT : Ministère de l'Intérieur NFI : NHTSA : NIS : d OBD : OCSTI : ODD : ONISR : SAE : SGAE : TCMV : TIS : UTAC : VIN : WP : ouvelle France Industrielle National Highway Traffic Safety Administration (Etats-Unis) irective européenne Network and Information Security On Board Diagnostics Observatoire Central des Systèmes de Transport Intelligents (Gendarmerie) Operational Design Domains Observatoire national interministériel de la sécurité routière Society of Automotive Engineers (Etats-Unis) Secrétariat Général pour les Affaires Européennes Technical Comitee for Motor Vehicles Trust In Soft Union Technique de l'Automobile, du motocycle, et du Cycle Vehicle Identification Number Working Party
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Cahier annexe numéro 1 :
VOIR CI-JOINT Annexe 4 : les systèmes équipant les véhicules Annexe 5 : les capteurs et l'intelligence artificielle des véhicules autonomes Annexe 6 : les investissements des entreprises sur l'automatisation des véhicules. Annexe 7 : l'état du droit relatif aux véhicules autonomes dans les pays étrangers. Annexe 8 : véhicules automatisés et sécurité routière
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Cahier annexe numéro 2 :
VOIR CI-JOINT Annexe 9 : la Cybersécurité Annexe 10 : l'état de la recherche en France dans le monde Annexe 11 : les poids-lourds, les navettes, les bus autonomes Annexe 12 : l'impact économique et social des véhicules autonomes. L'acceptabilité sociale
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INSPECTION GENERALE DE L'ADMINISTRATION N° 16-040R
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE 010629 010629-01
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INSPECTION GENERALE DE L'ADMINISTRATION N° 16-040R
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE N° 010629-01
L'automatisation des véhicules Annexes cahier N°1
Etabli par Jean-François ROCCHI Inspecteur général de l'administration Philippe BODINO Chargé de mission à l'inspection générale de l'administration Hervé de TREGLODE Ingénieur général des mines Bernard FLURY-HERARD Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Frédéric RICARD Ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts
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SOMMAIRE
Annexe 4 : Les systèmes équipant les véhicules........................................................................................ 7 Annexe n° 5: Les capteurs et l'intelligence artificielle des véhicules autonomes ..................................... 9 Annexe n° 6 : Les investissements des entreprises sur l'automatisation des véhicules ......................... 21 Annexe 7 : L'état du droit relatif au véhicule autonome dans les pays étrangers .................................. 37 Annexe 8 : Véhicules automatisés et sécurité routière ........................................................................... 45
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Annexe 4 : Les systèmes équipant les véhicules
Tous les véhicules vendus aujourd'hui dans le monde renferment des équipements comportant une part considérable d'électronique. On distingue trois catégories de systèmes relatifs à la marche du véhicule : les systèmes de sécurité, les aides à la conduite et les ADAS (Advanced Driver Assistance System). Les systèmes de sécurité Leurs caractéristiques sont de ne pas nécessiter d'interaction avec le conducteur, de viser la seule sécurité du véhicule (donc, pas le confort). Ils peuvent ne pas comporter de part d'électronique et être purement mécaniques, mais c'est de moins en moins le cas. Ils sont normalisés à l'ISO et font l'objet d'obligations réglementaires au niveau UE et CEE-ONU WP29. Plusieurs systèmes de sécurité sont ainsi désormais obligatoires, comme le système anti-blocage des roues (Antiblockiersystem ou ABS), l'ESP1 (Electronic Stability Program), qui prémunit contre les tonneaux d'un véhicule ou TPMS (Tire Pressure Measurement System), système de mesure de pression des pneus. Les aides à la conduite Celles-ci interagissent avec le conducteur avec un niveau d'intelligence informatique limité. Elles visent le confort de conduite et ne font en général pas l'objet de normalisation ou d'obligation réglementaire, leur réalisation et implémentation étant au libre choix des constructeurs. Il s'agit des régulateurs de vitesse classiques (non adaptatifs), des boites robotisées, des essuies glaces automatiques, des radars ou caméras de recul, des détecteurs de présence dans l'angle mort, des indications de changement de rapport de vitesse, etc. Les ADAS Leurs caractéristiques sont qu'ils comportent une intelligence informatique poussée, font largement appel à des capteurs sophistiqués, tels que radars et Lidars (voir annexe 4), et interagissent avec le conducteur. Leur finalité est mixte, visant à la fois la sécurité et le confort de conduite. Ils sont en cours de normalisation à l'ISO et au CEN, ainsi qu'au WP29. Il s'agit des régulateurs de vitesse adaptatifs2, des freinages automatiques d'urgence, des dispositifs de maintien dans la file ou direction automatique etc. Ces sont les ADAS, pour améliorer la sécurité et le confort de conduite, qui sont l'objet des plus gros investissements, portant à la fois sur les capteurs et l'intelligence informatique du système. On en attend d'abord des améliorations en matière de sécurité (voir paragraphe « L'impact sur la sécurité » ci-dessous), même si beaucoup d'utilisateurs y voient plutôt un meilleur confort de conduite. Les ADAS ne sont pas suffisants, seuls, pour constituer un véhicule autonome, lequel ne peut se résumer à une addition d'ADAS, comme expliqué ci-après au paragraphe « Les différents types de véhicules automatisés ». Les ADAS permettent, s'ils sont utilisés seuls, des véhicules partiellement automatisés3, mais un véritable véhicule autonome demandera une intelligence supérieure plus globale, que seul le « deep learning » peut apporter (voir annexe 5).
1 2
Ou ESC Electronic Stability Control. Qui ralentissent si le véhicule précédent ralentit. 3 D'où l'expression « délégation partielle de conduite ».
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L'automatisation des véhicules
Tableau 1 : Titre du tableau
Type d'aide
Objectif
Intelligence informatique
Interaction conducteur Pas d'interaction, sauf déconnexion du dispositif Moyenne Forte (surveillance du dispositif)
Systèmes de sécurité
Sécurité
Modérée, voire absente
Aides à la conduite
Confort de conduite Sécurité et confort de conduite
Informatique simple
ADAS
Très poussée
Source : Mission IGA-CGEDD
Ce tableau de l'électronisation des véhicules serait incomplet s'il ne mentionnait pas également les systèmes de communication des véhicules avec leur environnement extérieur : infotainement 4 , géolocalisation, appel d'urgence (eCall bientôt obligatoire dans les pays de l'Union européenne), connexion automatique du véhicule avec le constructeur, l'équipementier ou le réparateur, boîtier relié à l'assureur, etc5. Ainsi que, bientôt, les communications V2I et V2V.
L'infotainment, ou infodivertissement, regroupe les services d'information (stations de radio notamment) et de divertissement (musique, etc.) offerts au conducteur et aux passagers. 5 Voir à ce sujet le rapport « Les véhicules communicants nécessitent-ils de nouvelles réglementations ? » du CGEDD, 2014.
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Annexe n° 5: Les capteurs et l'intelligence artificielle des véhicules autonomes
1 - Les capteurs permettent à un véhicule automatisé de savoir (1) où il est (capteurs de localisation), (2) s'il va ou non heurter un obstacle (capteurs de détection) et (3) quel est l'obstacle qu'il risque de heurter (capteurs d'identification). Les capteurs pour les fonctions 2 et 3 sont : des sonars à ultrasons, des caméras, des lasers, des caméras 3D, des radars et des caméras à infrarouge. Les capteurs sont dits passifs s'ils n'émettent pas ; ils sont dits actifs dans les autres cas. Il existe aussi des capteurs pour s'assurer de la vigilance du conducteur s'il doit être en mesure de reprendre vite la main : ils ne sont pas présentés ici6.
Schéma illustrant la position courante de différents capteurs sur une voiture automatisée
(source : The Economist)
Les capteurs de localisation, de détection et d'identification pour l'industrie automobile ont désormais tous d'excellentes performances. Leurs prix sont très bas, sauf les prix des lidars. Mais une nouvelle génération de lidars peu chers est sur le point d'être commercialisée.
Parmi les nombreuses études à ce sujet, il y a par exemple celle (financée par le ministère allemand de l'éducation et de la recherche) de Tobias Langner, Daniel Seifert, Bennet Fischer, Daniel Goehring, Tinosch Ganjineh et Raúl Rojas, dont les résultats ont été publiés en 2016 sous le titre « Traffic Awareness Driver Assistance based on Stereovision, Eye-tracking, and Head-Up Display ».
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Schéma des capteurs le plus souvent utilisés par l'industrie automobile
(source : Texas Instruments dans `'Cars are becoming rolling sensor platforms'')
2 - Les sonars (« Sound Navigation and Ranging ») à ultrasons émettent régulièrement des ondes sonores (au-dessus de 20 000 Hz) qui, une fois réfléchies et retournées, permettent de mesurer la distance entre l'émetteur-récepteur du véhicule et l'objet. C'est un capteur qui est peu perturbé par les conditions atmosphériques. Leur portée est faible, mais ils conviennent bien pour les mesures dans les trois dimensions à faible distance. Ils sont incapables de mesurer les vitesses. Ils sont petits et peu chers. Parmi les fabricants, on trouve Bosch, Valeo, Murata et SensorTech. 3 - Les caméras, petites et peu chères, à haute résolution, sont capables de transmettre au véhicule des pixels en très grand nombre, mais les riches images en couleurs doivent pouvoir être interprétées par le système embarqué. Les caméras permettent les identifications et les classifications des objets ou personnes à l'extérieur. Il est nécessaire toutefois que la luminosité soit suffisante. Les caméras peuvent être gênées par les changements de luminosité ; la nuit, il faut éclairer la scène observée Elles peuvent être aveuglées par une lumière trop forte, celle du soleil par exemple. Elles peuvent mesurer des vitesses, mais pas aussi bien que les radars ou les lidars. Grâce aux techniques de la vision par ordinateur (computer vision en anglais), les images et les données des autres capteurs peuvent donner toutes les données utiles au véhicule, en particulier dans l'espace environnant à trois dimensions7. Parmi les fabricants, on trouve Mobileye, Delphi, Honeywell et Toshiba. 4 - Les scanners lasers (LiDAR pour Light Detection and Ranging, ou lidars) sont des capteurs de grande importance, voire essentiels au véhicule autonome selon beaucoup. Ils permettent, par l'émission d'une lumière cohérente dans le spectre (invisible) infrarouge, de mesurer une distance avec la réflexion de la lumière émise. Utilisant le plus souvent des miroirs en rotation, les scanners laser 3D ont un large champ d'observation (par exemple, ceux de la Google Car voient à 360°), et peuvent mesurer une distance entre 2 mètres au minimum (plutôt 30 mètres pour de bons résultats) et 350 mètres au maximum, avec une
Parmi les nombreuses études sur ce sujet, on peut lire le rapport de 2009 de Vincent Frémont (de l'Université de technologie de Compiègne en France) : « Odométrie 3D vision/lidar pour les véhicules intelligents ».
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précision de 2,5 centimètres environ. Leur résolution angulaire est inférieure à 1°. Mais ils peuvent être gênés par la pluie, la neige ou le brouillard. La luminosité peut être quelconque. Leur résolution est faible, contrairement aux caméras. Parmi les fabricants, on trouve Continental, LeddarTech, Quadenergy et Velodyne. Aujourd'hui, ce sont des capteurs lourds et extrêmement chers (plusieurs dizaines de m milliers d'euros)8. Mais plusieurs fabricants ont annoncé le développement prochain de capteurs sans plan tournant, bien plus petits et bien moins chers (moins de 300 euros). Ainsi, la société californienne Velodyne a a-t-elle annoncé cette année la vente de lidars au prix de 8 000 dollars américains (au lieu de 70 000 000100 000 dollars auparavant), un prix qui pourrait baisser plus tard jusqu'à 1 000 dollars. La société californienne Quanergy Systems a, de son côté, annoncé la production de lidars (capteurs toutefois qui ne voient pas à 360°) au prix de 250 dollars vers 2018 tefois 2018-2019.
Présentation comparative des anciens et nouveaux lidars par Delphi et Quanergy en 2016
(source : Quanergy)
La société Valeo a aussi développé un lidar (SCALA) très peu cher (prix inconnu).
Le lidar SCALA de Valeo (produit avec Ibeo Automotive Systems GmbH) de portée entre 30 cm et 200 m
(source : Valeo)
« The sensors and chips for [the Google] car [are] astronomically expensive. For instance, LIDAR alone costs around $75,000. Prices AR as to the whole setup cost around $150,000. This is way beyond the price scope of 99 % of drivers. However, the costs in the future, once economies of scale kick in, are expected to drop and be able to be scaled down readily. » (site de Google)
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Des recherches sont faites au Massachusetts Institute of Technology (MIT, États-Unis), dans son Photonic Microsystems Group, pour fabriquer des lidars à puces électroniques sur des galettes de silicium de 300 millimètres9. Chaque lidar pourrait coûter seulement 10 dollars en cas de production à grande échelle. 5 - Les caméras 3D permettent d'avoir des images en couleurs en trois dimensions. Mais ces appareils sont onéreux, n'ont pas une grande portée et nécessitent de lourds traitements informatiques. 6 - Les radars (Radio Detection and Ranging), petits et peu chers, mesurent les distances grâce à la réflexion des ondes émises. Ils peuvent mesurer les vitesses relatives et les distances relatives des objets extérieurs. Leur portée est bonne, mais leur résolution médiocre : entre 0,25 m et 1 m selon la portée. Les radars de 24 GHz (bande K) comme ceux de 77 GHz (bande M) peuvent fonctionner de jour comme de nuit ; des radars de 77 GHz continuent de fonctionner assez bien en toutes conditions atmosphériques, et peuvent avoir une portée importante (de 0,25 m à 250 m). Les radars peuvent fonctionner à très courtes distances, mais moins bien que les sonars. Ils sont utilisés notamment pour prévenir les collisions. Parmi les fabricants, on trouve Delphi, Kyocera, Valeo et Visteon. 7 - Les caméras à infrarouge permettent de voir la nuit. On en trouvede deux types : pour l'infrarouge lointain (far infrared ou FIR en anglais) et pour l'infrarouge proche (near infrared ou NIR en anglais). 8 - Les capteurs de localisation sont : le GPS (donne la localisation dans l'espace à trois dimensions, ainsi que la vitesse et le cap du véhicule), le GPS différentiel (bien plus précis), l'odométrie des roues (par la mesure de la rotation du volant et de la rotation des roues ou du moteur), les accéléromètres, les gyroscopes (qui mesurent les changements dans les trois angles de rotation possible), les centrales à inertie (qui, en combinant accéléromètres et gyroscopes, permettent de localiser le véhicule), les radars mesurant la vitesse par rapport au sol, les boussoles et les capteurs mécaniques d'inclinaison. 9 - En France, le pôle de compétitivité Mov'eo a engagé en mai 2014 le projet AWARE (All Weather All Roads Enhanced Vision) dans le cadre du 17e appel à projets du Fonds unique interministériel (FUI). « Le but du projet est de développer un capteur de visibilité dit « tous temps toutes conditions », notamment en situations dégradées type « nuit » ou « brouillard », afin de percevoir l'environnement d'un véhicule et de détecter les vulnérables, avec l'objectif de proposer une solution abordable économiquement. » (selon Mov'eo). Le porteur du projet est ULIS SAS. Sont partenaires : CEA Leti, Valeo, Oktal, Ifsttar (COSYS), Nexyad, Safran Sagem, Cerema et IAC. 10 - La conduite semi-autonome ou autonome est fondée sur l'alliance des capteurs, des systèmes d'information (fusion de données multi-capteurs, intelligence artificielle, etc.) et des équipements de la voiture. L'intelligence est aujourd'hui encore souvent assise sur des algorithmes qui apprennent à la voiture à bien se comporter en toutes circonstances : freinage d'urgence si un obstacle surgit, etc. Mais les circonstances sont innombrables et l'apprentissage est extrêmement long. Ces deux limites conduisent tous les constructeurs et équipementiers à accorder une attention toujours plus grande à l'intelligence artificielle basée sur l'apprentissage profond (deep learning en anglais). Il est en effet presque impossible d'écrire un programme qui fonctionnera de manière sûre dans toutes les situations. L'efficacité des algorithmes n'est pas suffisante. Souvent, les constructeurs de voitures hautement automatisées abandonnent une partie de la programmation manuelle par l'« apprentissage machine » (ou « apprentissage automatique »)10. C'est cet apprentissage qui fonde les systèmes de toutes les grandes entreprises d'Internet. Il leur permet de filtrer les contenus indésirables, d'ordonner des
Cf. article « MIT and DARPA Pack Lidar Sensor Onto Single Chip » de Christopher V. Poulton et Michael R.Watts, publié par IEEE le 4 août 2016. 10 On peut lire avec intérêt la thèse de doctorat déjà ancienne (Université Paris 6) soutenue par Isabelle Rivals le 20 janvier 1995 : « Modélisation et commande de processus par réseaux de neurones ; application au pilotage d'un véhicule autonome » (cf. archives ouvertes HAL).
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réponses à une recherche, de présenter des recommandations, de sélectionner des données utiles à chaque internaute. Un tel système entraînable (capable d'apprendre) est comme une boîte noire avec une entrée (pour une image, un son ou un texte) et une sortie qui peut représenter la catégorie de l'objet dans l'image, le mot prononcé ou le sujet dont parle le texte. Dans sa forme la plus courante, l'« apprentissage machine » est supervisé. On montre en entrée de la machine une photographie d'un objet, par exemple une voiture, et on lui donne la sortie désirée pour une voiture. Puis on lui montre la photo d'un chat avec la sortie désirée pour un chat. Après chaque exemple, la machine ajuste ses paramètres internes pour rapprocher sa sortie de la sortie désirée. Après avoir montré à la machine des milliers ou des millions d'exemples étiquetés avec leur catégorie, la machine devient capable de classifier correctement la plupart d'entre eux (95 % environ pour les meilleurs systèmes). Mais il y a plus : elle peut aussi classifier correctement des images de voiture ou de chien qu'elle n'a jamais vues durant son apprentissage ! C'est ce qu'on appelle la capacité de généralisation. Il existe bien des méthodes d'apprentissage. Toutes étaient insatisfaisantes, jusqu'à l'apparition de l'apprentissage profond (deep learning), inventé sans succès un peu avant 1990, réinventé avec succès en 2012. Ici, le système est constitué d'une série de modules, chacun représentant une étape de traitement. Chaque module peut être entraîné, avec des paramètres ajustables. À chaque exemple soumis à la machine, les paramètres des modules sont ajustés de manière à rapprocher la sortie produite par le système de la sortie désirée. L'adjectif profond vient de l'arrangement de ces modules en couches superposées et successives. Il existe plusieurs architectures informatiques d'apprentissage profond. L'une des plus utilisées est le réseau de neurones à convolution, dont l'architecture des connexions est inspirée de celle du cortex visuel des mammifères. Elle doit beaucoup au Français Yann Le Cun. Elle est employée en particulier par la société israélienne MobilEye pour l'intelligence artificielle des véhicules autonomes. Il existe d'autres architectures d'apprentissage profond, comme les réseaux récurrents qui sont bien adaptés au cas de texte. L'une des difficultés des systèmes actuels d'apprentissage profond est l'impossibilité de bien en comprendre le fonctionnement. Les résultats de reconnaissance sur photographie sont remarquables... mais on ne sait pas vraiment pourquoi ! 11 - Les sociétés travaillant à l'amélioration de l'apprentissage profond sont ambitieuses. Parmi les plus puissantes, il y a Google, Apple, Facebook, Baidu, MobilEye, Nvidia, etc. La société américaine Nvidia propose à ses clients qui préparent des véhicules autonomes ou semiautonomes (Tesla, etc.) l'ordinateur Drive PX 2 (avec réseau de neurones deep learning11) d'une puissance remarquable12 : 8 billions (8x1012) de flops13.
Cf. « End to End Learning for Self-Driving Cars » publié le 25 avril 2016 (par Mariusz Bojarski, Davide Del Testa, Daniel Dworakowski, Bernhard Firner, Beat Flepp, Prasoon Goyal, Lawrence D. Jackel, Mathew Monfort, Urs Muller, Jiakai Zhang, Xin Zhang, Jake Zhao et Karol Zieba, tous auteurs de Nvidia). 12 « La nouvelle configuration monoprocesseur de NVIDIA DRIVE PX 2 qui ne consomme que 10 Watts et inclut des fonctionnalités de pilotage automatique sur autoroute ou de cartographie HD permet aux véhicules autonomes d'exploiter des réseaux de neurones profonds pour traiter des données à partir de caméras et de capteurs multiples. DRIVE PX 2 peut analyser en temps réel l'environnement périphérique du véhicule, vous géolocaliser avec précision sur des cartes HD ou bien planifier des itinéraires en toute sécurité. C'est la plateforme de développement pour véhicules autonomes la plus avancée au monde, qui combine des technologies de Deep Learning, de fusion multi-capteurs et de vision panoramique pour transformer votre expérience de conduite. L'architecture totalement évolutive de NVIDIA DRIVE PX 2 vous permet d'exploiter une vaste gamme de configurations allant des processeurs mobiles à refroidissement passif 10 Watts jusqu'aux systèmes à double processeur mobile et à double GPU délivrant jusqu'à 24 trillions d'opérations Deep Learning par seconde. Plusieurs plateformes DRIVE PX 2 peuvent être utilisées en parallèle pour déployer des solutions de conduite pour les véhicules entièrement autonomes. » (extrait du site de la société Nvidia)
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Drive PX 2 pour véhicules autonomes de la société Nvidia
(source : Nvidia)
Représentation faite par le Drive PX 2 de la société Nvidia
(source : Nvidia)
12 - Laurent Zimmermann, le directeur du groupe de produits Véhicule connecté à Valeo (cf. article « Quel véhicule autonome pour demain ? » publié par La Jaune et la Rouge dans son numéro de septembre 2016), a résumé ainsi les difficultés des recherches en cours : « Tenir la promesse de sécurité accrue Le principal défi du véhicule autonome est probablement de tenir la promesse de sécurité accrue mise en avant par les constructeurs. Le point le plus délicat touche probablement aux composants logiciels intervenant dans la fusion de données, la reconnaissance de scènes, la planification des trajectoires. Ces composants sont majoritairement issus de processus de programmation par apprentissage de type deep learning, à l'opposé des logiciels obtenus par programmation impérative, de loin les plus utilisés dans notre industrie automobile. Or il n'existe aucun retour d'expérience de l'utilisation dans des applications critiques de ce type de logiciels, par ailleurs bannis des secteurs aéronautiques, nucléaires ou ferroviaires.
Un flops est un « floating-point operation per second » (opération en virgule flottante par seconde en français). On s'en sert pour point ation mesurer la vitesse d'un système informatique. Un billion de flops (trillion of flops en anglais) est appelé aussi téraflops.
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Et, plus les algorithmes sont puissants, plus leur fonctionnement est opaque. Les standards et méthodes de conception et de preuve de la sûreté de fonctionnement sont ici à construire. À cet égard, l'accident qui a coûté la vie au conducteur d'une Tesla model S en Floride en mai 2016 et les vives réactions qu'il a provoquées ont malheureusement mis en lumière les limites de la technologie déployée à ce jour, mais aussi l'insuffisance du cadre réglementaire régissant l'homologation et l'utilisation des véhicules autonomes. ». La difficile question de la reprise en main du véhicule par le conducteur. Les six niveaux (du niveau 0 au niveau 5) de la SAE International ont été définis le 16 janvier 2014 (document J3016_20140114). Du niveau 0 au niveau 2, l'homme contrôle l'environnement de conduite ; à partir du niveau 3, c'est le système d'autonomie. Selon la définition de la SAE International15 : le niveau 2 (« partial automation ») est « the driving mode-specific execution by one or more driver assistance systems of both steering and acceleration/deceleration using information about the driving environment and with the expectation that the human driver perform all remaining aspects of the dynamic driving task » ; le niveau 3 (« conditional automation ») est « the driving mode-specific performance by an automated driving system of all aspects of the dynamic driving task with the expectation that the human driver will respond appropriately to a request to intervene ». L'une des questions les plus importantes et les plus difficiles concernant les véhicules partiellement ou totalement autonomes regarde la désactivation de la conduite autonome et la reprise en main par le conducteur. La National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA, dépendant du Department of Transportation) aux États-Unis a publié en août 2015 un rapport de grand intérêt sur l'évaluation des facteurs humains aux niveaux NHTSA 2 et 3 : « Human Factors Evaluation of Level 2 and Level 3 Automated Driving Concepts »16. Au niveau NHTSA 2 (qui correspond globalement au niveau 3 SAE), la voiture peut être autonome, mais la désactivation peut être soudaine, sans avertissement. Aussi le conducteur doit-il être vigilant à tout instant même s'il est en position hands off et feet off, c'est-à-dire mains et pieds écartés du volant et des pédales. Au niveau NHTSA 3 qui correspond globalement niveau 4 SAE), le conducteur peut ne pas être constamment vigilant, mais il doit être prêt à reprendre la conduite manuelle en étant prévenu à l'avance. Dans son étude, la NHTSA a mené trois expériences avec des volontaires : deux pour le niveau NHTSA 2 et une pour le niveau NHTSA 3. Elle a testé deux modalités d'alerte, soit alerte visuelle, soit alerte à la fois visuelle et haptique17 (action sur le siège du conducteur). Et elle a testé trois niveaux de gravité : alerte de prudence (30 secondes), alerte d'urgence (30 secondes) et alerte phasée (en deux phases d'annonce, alerte de prudence de dix secondes suivi d'alerte d'urgence de vingt secondes). a La NHTSA a considéré que le temps de réaction du conducteur était le délai entre le début de l'alerte et le moment où il a de nouveau
« Taxonomy and Definitions for Terms Related to On-Road Motor Vehicle Automated Driving Systems ». Dans la définition de la NHTSA aux États-Unis, il n'y a que cinq niveaux (du niveau 0 au niveau 4, cf. document de mai 2013 sous le titre « Preliminary Statement of Policy Concerning Automated Vehicles »). Au niveau 2, le véhicule peut être autonome (hands off et feet off), mais le conducteur doit être prêt à reprendre les commandes à tout moment car le « system can relinquish control with no advance warning ». Au niveau 3, quand le véhicule est en mode autonome, il doit assurer toutes les opérations en toute sécurité ; toutefois, le conducteur « is expected to be available for occasional control, but with sufficiently comfortable transition time ». Pour le niveau 3, la NHTSA ne précise pas ce qu'est un temps de transition suffisamment confortable... 16 DOT HS 812 182. 17 En rapport avec le sens du toucher.
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posé les yeux sur la route ; le temps de reprise en main est le délai qui s'écoule entre le début de l'alerte et le placement des mains et des pieds sur les instruments de conduite (le placement des mains et pieds menant immédiatement à de premières actions de conduite, sauf rares exceptions). Des trois expériences qui ont été conduites, la NHTSA a tiré plusieurs conclusions nettes. La modalité des alertes est de grande importance, l'alerte visuelle à elle seule ne suffisant pas. En cas d'alerte d'urgence, les réactions sont rapides : le temps moyen de réaction est de 1,2 seconde, et le temps de reprise en main est compris entre 1,3 seconde et 2,4 secondes. D'autre part, il apparaît que les conducteurs (qui ne sont jamais des experts) font généralement confiance aux automatismes. Les expériences ont aussi montré l'importance de deux inclinations psychologiques, dont tous les constructeurs devront tenir le plus grand compte. La première est le renversement des priorités (Primary Task Reversal). Un conducteur occupé à une tâche autre que la conduite va vouloir parfois achever sa tâche (rédiger et envoyer un message par smartphone singulièrement) avant de revenir à la conduite, et cela même si une alarme se déclenche18. Il faut aussi tenir le plus grand compte de l'accoutumance aux alertes (Alert Annoyance Habituation). Elle amène peu à peu tout conducteur à mésestimer ou même à ignorer un message d'alerte, surtout si le message ne signale pas un danger imminent. Il est important de rappeler les principales conclusions des nombreuses études sur la conscience19. N'accède à la conscience qu'une chose à la fois, Tout homme ne peut être conscient de deux choses à la fois, et tout homme ne peut prendre conscience que de trois choses différentes par seconde. Le cerveau est donc une machine très lente par rapport à un ordinateur ; de surcroît, il ne peut projeter dans la conscience qu'une histoire à la fois. Ce rappel démontre qu'un conducteur ne peut en même temps être attentif à conduire une voiture et attentif à écrire un texto. Au mieux, il fera successivement l'un puis l'autre. Une étude antérieure de l'université de Leeds20 (« Transition to manual: Driver behaviour when resuming control from a highly automated vehicle » publiée en novembre 201421) a démontré que même si les conducteurs peuvent reprendre rapidement la main après une désactivation, il faut du temps avant que leur conduite redevienne tout à fait normale. Les auteurs se sont placés dans le cas du niveau NHTSA 3 (sur simulateur). Les résultats démontrent que la maîtrise de la conduite est la meilleure dans le cas de désactivation à intervalle fixe (fixé ici à six minutes). Le résultat est de bon sens. Dans le cas de désactivation après que l'attention visuelle à la conduite ait cessé d'être bonne, le regard du conducteur continue d'être erratique longtemps après la reprise en main : précisément durant 40 secondes environ. En parallèle, les petits coups de volant ne cessent pas tout de suite, loin s'en faut. De même, apparaît un pic important d'événements vers 15-20 secondes. Quel est le sens de ce pic pour les désactivations qui surviennent à intervalle variable ? Le premier résultat montre que l'attention visuelle (concentration du regard sur le centre de la voie routière) augmente vite durant 15-20 secondes, puis décroît jusqu'à 40-45 secondes, avant de remonter à nouveau. Le 2ème résultat est relatif au contrôle des mouvements latéraux de la voiture (Standard Deviation of Lane Position ou SDLP, mesuré en mètres) : il s'améliore nettement jusqu'à 15-20 secondes, puis se dégrade jusqu'à 35 secondes environ. Le troisième résultat se rapporte à la fréquence des actions correctrices au volant (mesuré en fréquence de coups de
« The data indicate that some operators will exhibit a complete reversal in priority from driving-related tasks to non-drivingrelated tasks. It may be that this primary task reversal phenomenon is the greatest risk facing operator involvement in secondary tasks when operating an automated vehicle. When operators shift their priorities to non-driving tasks, their readiness to respond to driving-related prompts and alerts can be delayed by a perceived obligation to complete the non-driving task first. » 19 Cf. « Le code de la conscience » de Stanislas Dehaene (Odile Jacob, Paris, 2014), etc. 20 Institute of Transport Studies, University of Leeds, United Kingdom. 21 Rapport publié dans « Transportation Research Part F Traffic Psychology and Behaviour » par Natasha Merat, A. Hamish Jamson, F Frank C.H. Lai, Michael Daly et Oliver M.J. Carsten.
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volant par minute) : le nombre des corrections augmente énormément vers 15-20 secondes, puis décroît pour se stabiliser plus ou moins vers 35-40 secondes. Le rapport de l'université de Leeds conclut à la nécessité de retenir le délai de quarante secondes pour une reprise en main qui soit confortable comme le prescrit la définition du niveau NHTSA 3. C'est un temps bien plus long que celui qu'envisagent beaucoup des constructeurs et équipementiers dans le monde. N'est-il pas exagérément long ? On peut plaider que la sécurité est assurée par le conducteur bien avant, même si le regard du conducteur et la course de la voiture ne sont pas encore stables. « On peut aussi penser que dans toutes les études sur la reprise en mains, les conducteurs savent pourquoi ils sont là et ils savent qu'ils doivent reprendre la main. C'est un biais. La question à se poser est que fait le système ? Sollicite-t-il une nouvelle prise en main ? Ou serait-il en sécurité en freinant et en se rangeant ?22 » On peut affirmer en tout cas que le temps laissé à tout conducteur pour reprendre en main un véhicule autonome après le déclenchement d'une alerte d'urgence doit être au minimum égal à une valeur (à déterminer) comprise entre 10 et 20 secondes. Le Laboratoire LESCOT (ergonomie et sciences cognitives pour les transports) de L'IFSTTAR à Bron près de Lyon (en France) a engagé de nombreuses études. Mais aucune n'a encore porté sur la question des reprises en main. Une étude sur le monitoring des conducteurs de véhicules automatisés est néanmoins en préparation. Le Laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) de L'IFSTTAR a publié trois rapports23 sur les résultats de ses études sur le comportement des véhicules automatisés et de leurs conducteurs. La première étude, sur l'intérêt porté aux véhicules autonomes par les deux tiers des conducteurs français, se résume ainsi : « C'est une étude en ligne (N= 421, 36 % d'hommes) évaluant les attitudes envers la conduite complètement automatisée, l'acceptabilité a priori et les intentions d'utilisation. 52 % acceptent un véhicule autonome a priori (ce taux monte a 62 % après avoir fait l'essai), ce taux monte à 75 % en cas de condition physique dégradée (« chouette on va pouvoir conduire bourrés ! » a été une des premières réactions, le panel est prêt à y consacrer sept heures d'apprentissage et 1 624 de surcoûts). L'intérêt est plus porté vers les créneaux, les embouteillages, l'autoroute (environ 60 %) que sur l'utilisation en ville (environ 29 %). ». La deuxième étude montre que la reprise en main sans entraînement en cas d'urgence pouvait durer en moyenne (pour les 60 conducteurs de l'expérience) de 2 à 8 secondes. En cas d'anticipation (le système prévenant à l'avance de la nécessité de reprendre le contrôle de la voiture), le temps de reprise en main varie en moyenne entre 3,6 et 15,2 secondes pour la première reprise de contrôle, et en moyenne de 2,7 à 13,9 secondes pour la seconde reprise de contrôle. La reprise en main peut donc être très lente, la durée pouvant être nettement au-dessus du temps généralement considéré comme convenable (10 secondes). Il faut apprendre aux conducteurs à se servir convenablement d'un véhicule ndes). Elle se conclut par trois points clefs de leurs expériences sur le simulateur de conduite à Satory : pleinement autonome (afin de réagir convenablement lors des reprises en main).
Hélène Tategrain (LESCOT IFSTTAR Bron). A) « Intention to use a fully automated car : Attitudes and a priori acceptability » (publié le 9 mai 2014) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac et Patricia Delhomme (IFSTTAR). B) « Fully Automated Driving : Impact of Trust and Practice on Manual Control Recovery » (2005) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac et Patricia Delhomme (IFSTTAR). C) « Conduite complètement automatisée : acceptabilité, confiance et apprentissage de la reprise de contrôle manuel », thèse de doctorat de William Payre pour l'obtention du grade de docteur en psychologie, présentée à Paris le 3 décembre 2015 (thèse préparée au LPC de L'IFSTTAR).
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Un haut niveau de confiance peut augmenter le temps de reprise en main en cas d'urgence, un entraînement approprié peut atténuer les conséquences fâcheuses de l'excès de confiance sur les temps de reprise en main. Concernant la troisième étude, William Payre en fait le résumé suivant : « [...] un des objectifs de cette thèse a été d'étudier dans quelle mesure la conduite complètement automatisée sera acceptée. Bien que l'automobiliste soit conduit par son véhicule, il pourrait être amené à en reprendre le contrôle manuel dans différentes circonstances. En effet, cette manoeuvre pourrait être effectuée en situation d'urgence ou de manière anticipée par le conducteur alors qu'il pourrait être engagé dans une autre activité que la conduite. La réalisation de cette reprise de contrôle manuel pourrait être plus ou moins difficile selon la situation et l'expérience d'interactions avec le système complètement automatisé. Nous avons examiné la manière dont cette manoeuvre pourrait être apprise par des conducteurs, en testant l'effet de différentes formes d'entraînement sur la performance et la sécurité (temps de réponse et qualité de la reprise de contrôle). Nous avons mesuré l'acceptabilité et la confiance, les attitudes des conducteurs, les intentions d'utilisation du système de conduite complètement automatisée et l'impact de ces variables sur les comportements dans le véhicule. Les résultats de ces trois études sont discutés. Les méthodes d'entraînement que nous avons développées pourraient servir à former les nouveaux utilisateurs de cette technologie. Le rôle du conducteur dans ce type de véhicule et la nature de la tâche de conduite sont questionnés. Le degré de supervision exercé sur le système deviendrait secondaire par rapport à la réalisation d'une autre tâche non reliée à la conduite. Enfin, les limites de nos études et les perspectives pour les recherches à venir dans le domaine sont examinées. ». S'agissant des recherches sur les conditions de comportements, L'IFSTTAR a reconnu devant la mission CGEDD-IGA le 16 septembre 2016 que la France était devancée par plusieurs autres pays, comme la Grande-Bretagne. Le 26 août 2016 a été approuvée pour publication l'article de Hallie Clark et Jing Feng de la North Carolina State University (Department of Psychology) aux États-Unis, appelé « Age differences in the takeover of vehicle control and engagement in non-driving-related activities in simulated driving with conditional automation ». Cette étude était importante, dans la mesure où le véhicule automatisé est souvent présenté comme un avantage pour les conducteurs les plus âgés et les moins alertes. Le résumé est le suivant : « permettre à des jeunes (moyenne d'âge 19,9 ans) et à des conducteurs plus vieux (moyenne d'âge 70,4 ans) de librement décider quand et comment engager des activités non relatives à la conduite pendant la conduite. Nous avons examiné l'effet de l'âge, le niveau d'engagement d'activité et l'intervalle de prise de contrôle sur la performance de contrôle pendant la reprise en main. Constat : les conducteurs ont des activités différentes : les jeunes sur l'électronique, les vieux en conversation. Les vieux profitent plus que les jeunes de l'intervalle plus long en termes de temps de réponse aux notifications. La reprise en main est possible en moins de dix secondes pour les deux populations (plutôt 4,5 secondes pour les jeunes et 7,5 pour les vieux). En ayant à l'esprit l'étape intermédiaire du niveau 3 (échelle de la NHTSA ou échelle de la SAE International), la NHTSA (dans son document « Human Factors Evaluation of Level 2 And Level 3 Automated Driving Concepts Concepts of Operation » publié en juillet 2014) a mis en avant les quatre dangers et les quatre avantages possibles de l'autonomie partielle :
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Tableau 2 : Titre du tableau
DANGER
AVANTAGE
Confusion modale (mode manuel et mode Diminution de la pression mentale et de la autonome) fatigue mentale du conducteur Erreur de décision (la responsabilité de la décision finale pouvant être source de confusion entre le système et le conducteur, par exemple pour déclencher ou non un freinage d'urgence Diminution des petites erreurs de conduite commises par le conducteur (toujours nombreuses quelle que soit l'attention du conducteur)
Enclenchement excessif du système Prévention des distractions du conducteur (qui d'autonomie par le conducteur (le conducteur peuvent mener à de graves accidents) pouvant ainsi perdre vite sa capacité à bien conduire) Désoeuvrement du conducteur (avec risque Aide aux jeunes conducteurs novices pour les d'endormissement, de lassitude, etc.) aider à acquérir vite de l'expérience
Source : Mission IGA-CGEDD
Alors que Tesla présente la technologie Autopilot de son Model S comme étant du niveau 2 (échelle de la NHTSA), qui exige que le conducteur puisse reprendre la main à tout moment et sans avertissement préalable, beaucoup de conducteurs croient vite, sous l'effet de l'habitude, avoir à faire avec une voiture de niveau 3 (échelle de la SAE International ou échelle de la NHTSA) qui ne nécessite pas leur vigilance constante mais qui exige seulement qu'ils interviennent à la demande du système, avec un « temps de transition suffisamment confortable » selon l'échelle de la NHTSA. Le danger vient de ce risque de confusion modale. Le danger est le même pour le niveau 3 de la SAE International et pour le niveau 2 de la NHTSA. Le niveau 3 de la SAE International peut se révéler dangereux si les procédures de reprise en mains ne sont pas bonnes. En cas d'extrême urgence, il faut en effet que le conducteur au niveau 3 (SAE International) reprenne le contrôle de sa voiture dans un délai très court. Alors que beaucoup de constructeurs pensent que le bon délai de reprise en main dans des circonstances normales est de dix secondes, un tel délai est manifestement bien trop long dans des circonstances exceptionnelles, par exemple pour éviter des accidents comme celui de la Tesla Model S le 7 mai 2016 (qui circulait à la vitesse de 121 km/h). C'est la raison pour laquelle des constructeurs comme Volvo (projet Drive Me) ou Ford (projet Ford Smart Mobility), selon qui le niveau 3 restera trop dangereux quoi qu'on fasse, travaillent directement à produire des véhicules de niveau 4 (SAE International), sans passer par le difficile niveau 3 (SAE International). Il apparaît aussi que les véhicules au niveau 2 (SAE International), pour être sûrs, ne doivent pas engendrer de confusion dans l'esprit du conducteur. Il doit savoir à tout instant que son action et sa vigilance sont indispensables à la circulation en sécurité de son véhicule. Pour cela, soit le conducteur est tenu d'effectuer à tout moment des tâches indispensables de conduite (tourner le volant, etc.), soit le système vérifie à tout moment que le conducteur est bien en position de reconduire immédiatement (par exemple en l'obligeant à poser les mains sur le volant, en surveillant la position de la tête et des yeux, en l'astreignant à des tâches secondaires, etc.)24. Ces questions paraissent solubles, quoique les solutions
L'industrie ferroviaire a beaucoup travaillé aux « dispositifs de veille automatique » pour s'assurer en permanence que le conducteur d'un train est présent et conscient. Si le conducteur n'agit pas comme il convient, les dispositifs déclenchent l'arrêt d'urgence du train. Les dispositifs sont différents d'un pays à l'autre. La SNCF en France recourt à la « veille automatique à contrôle de maintien d'appui » (VACMA). Ce dispositif oblige le conducteur à agir de temps en temps sur une commande ou une autre ; en
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demandent beaucoup d'attention ; il semble bien que Tesla ne les ait pas bien toutes résolues pour ses voitures électriques avec Autopilot. La reprise en main de manière sûre par le conducteur en cas de nécessité est le problème le plus délicat auquel est confrontée toute l'industrie automobile. De nombreuses études ont été faites, et sont présentement accomplies à ce sujet dans de nombreux pays. Il apparaît que la bonne reprise en mains exige une anticipation qui doit être suffisamment longue, surtout si le conducteur est occupé à une autre tâche que la conduite. Demander à un conducteur d'être prêt à reprendre la main en urgence à tout moment sans être prévenu est une procédure dangereuse, même si la bonne veille du conducteur est constamment vérifiée par un système de monitoring (caméra, etc.). Reprendre la main ce n'est pas que reprendre le volant, c'est comprendre tout le contexte dans lequel évolue le véhicule. On voit que les problèmes posés par le niveau 3 (SAE International) sont difficiles à dénouer. Au niveau 3 en effet, lorsque la voiture est en mode autonome, le constructeur doit avoir fixé des procédures : (1) pour que le conducteur soit à même de reprendre la main aussi vite que la sécurité peut l'exiger mais avec un préavis suffisamment confortable (pour reprendre l'expression utilisée en mai 2013 par la NHTSA pour définir son niveau 3), (2) pour que la voiture s'immobilise sans danger si le conducteur ne réagit pas comme il convient25. Ce niveau 3 est un grand défi pour les constructeurs, les équipementiers et les entreprises de l'industrie numérique. Il est si grand d'ailleurs que plusieurs d'entre eux y renoncent en voulant passer directement du niveau 2 au niveau 4. De nombreuses administrations nationales dans le monde commencent à réfléchir sur les règles, probablement internationales, qui devront être fixées pour garantir la circulation des véhicules en mode autonome à ce niveau 3 (SAE International). Faut-il interdire le niveau 3 (échelle de la SAE International) ? Ce serait extrêmement difficile. Ce serait une décision à laquelle s'opposeraient de très nombreux constructeurs dans le monde. Car beaucoup d'entre eux s'apprêtent (comme les sociétés françaises Renault et PSA Peugeot Citroën) à commercialiser vers 2019-2021 des voitures de niveau 3 (SAE International). S'y opposeraient aussi de très nombreux États. Mais il est certain que l'industrie automobile devra, à ce niveau 3, apporter aux autorités d'homologation une solide démonstration de sécurité pour chaque type de véhicules.
cas d'inaction prolongée, un signal sonore retentit, précédant de quelques secondes le déclenchement de l'arrêt d'urgence. Contrairement aux cas des véhicules routiers, l'arrêt d'urgence est ici très facile à faire en toute sécurité, car la signalisation ferroviaire protège automatiquement le train de tout autre convoi. 25 C'est ce que la NHTSA appelle le « Terminal State » (cf. document de la NHTSA « Human Factors Evaluation of Level 2 And Level 3 Automated Driving Concepts Concepts of Operation » publié en juillet 2014) : « An example of this in an L3 vehicle would be when the automated component(s) detects a need for the operator to assume full control of the vehicle and sends an alert. The operator, for whatever reason, fails to disengage the automated component. While continuing to attempt to get the operator to comply, the system may have to bring the vehicle to a safe state. In both L2 and L3 vehicles, existing prototypes and designs indicate that many methods for handling the terminal state are in development. An example of placing the vehicle in a terminal state is having the automated component move the vehicle to the side of the road and come to a complete stop. ».
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Annexe n° 6 : Les investissements des entreprises sur l'automatisation des véhicules
Les investissements de confort et de sécurité les plus importants portent désormais sur les aides à la conduite, les capteurs, les systèmes informatiques et les connexions. Selon plusieurs études (Strategy& de PricewaterhouseCoopers en 2015, etc.), le marché de ces équipements à bord va augmenter vite dans les années à venir. Les technologies donnant lieu aux plus gros chiffres d'affaires seraient celles qui concernent, par ordre décroissant d'importance, (1) la sécurité (une cinquantaine de milliards d'euros dans cinq ans), (2) la conduite autonome, (3) « l'infotainement », (4) le confort, (5) la gestion des flottes à distance, (6) la gestion de la mobilité, (7) l'intégration des systèmes embarqués avec les autres systèmes utilisés dans la vie personnelle ou professionnelle du conducteur. Un puissant mouvement industriel et commercial est lancé, que rien ne paraît pouvoir freiner. Les innovations vont métamorphoser le véhicule routier. Concomitante avec le développement de l'Internet des objets, la métamorphose se produira vite même si l'autonomie de conduite à niveau élevé (5 pour les voitures) ne voyait pas le jour avant longtemps. 1 - Au moins trente-quatre entreprises accomplissent de gros investissements dans l'automatisation des véhicules (voitures surtout)26 : Apple (conduit le projet Titan auquel travailleraient 1 000 personnes, mais Apple27 aurait réduit fortement son effectif en décidant, à l'été de 2016, de se concentrer sur les technologies d'autonomie automobile et non plus sur la construction de véhicules autonomes) ; Audi (associé avec Alibaba, Baidu et Tencent) ; Baidu (développe le système d'autonomie appelé Baidu Brain, est associé à BMW, est autorisé à des expérimentations en Californie depuis la fin d'août 2016, est associé à Nvidia pour développer une plate-forme d'intelligence artificielle pour véhicule autonome) ; BMW (est associé à Baidu, Intel et Mobileye, est co-propriétaire de HERE avec Daimler et Audi) ; Bosch (est équipementier pour Google, Tesla, etc., est associé à TomTom pour la cartographie) ; Chery Automobile Co. (associé avec Baidu sur la voiture Chery eQ) ; DAF (étudie et expérimente28 des convois de camions semi-autonomes avec Daimler, Iveco, MAN, Scania et Volvo) ; Delphi Automotive (a acquis en juillet 2015 la société Ottomatika Inc. (qui produit des logiciels portant sur les données des capteurs), est associé avec le Land Transport Authority de Singapour, est associé avec Quanergy Systems pour concevoir de nouveaux lidars, est associé à Mobileye pour produire des véhicules autonomes au niveau 4 ou 5 de l'échelle de la SAE International dès 201929) ;
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Cf. CB Insights (article du 11 août 2016 intitulé « 33 Corporations Working On Autonomous Vehicles »), etc. Selon un article publié le 9 septembre 2016 par The New York Times. 28 Expérimentation notamment vers Amsterdam (Pays-Bas) en avril 2016. 29 Cf. communiqué de presse de Delphi et Mobileye publié le 24 août 2016.
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Ford30 ; General Motors (est propriétaire désormais de Sidecar et de Cruise Automation, est investisseur dans Lyft, développe son système d'autonomie appelé Super Cruise, a investi dans la société d'autopartage Yi Wei Xing Technology) ; Google X (a conduit de très nombreuses expérimentations en Californie, dans l'État de Washington et en Arizona, est associé à Fiat Chrysler Automobiles) ; Honda (mène des expérimentations en Californie) ; Hyundai ; IVECO ; Jaguar Land Rover (projette de déployer une flotte de cent véhicules pour des expérimentations en Grande-Bretagne) ; Kamaz (constructeur de camions en Russie, s'est associé en août 2016 à Yandex et l'Institut russe NAMI pour développer des navettes de transport public) ; Leshi Internet Information & Technology connue comme LeEco (entreprise chinoise de production de biens électroniques et de distribution de vidéos, dirigée par Jia Yueting, ayant annoncé en août 2016 vouloir construire une très grande usine de fabrication de voitures électriques LeSee, avec centre de recherches sur l'autonomie de conduite, à Huzhou dans la province du Zhejiang) ; MAN ; Mercedes-Benz, et plus largement, le groupe Daimler, (développe la très automatisée Class E) ; Microsoft (est associé à Volvo, Toyota et HERE) ; Mobileye (occupe une position centrale dans les capteurs et l'intelligence artificielle des voitures) ; Nvidia (célèbre fabricant de cartes graphiques qui développe Nvidia Drive PX2 avec deep learning, travaille à son projet de véhicule autonome BB8 équipé du système DaveNet, vend depuis octobre 2016 le système d'exploitation pour véhicule autonome appelé DriveWorks31 Alpha 1) ; Otto (rachetée par Uber en 2016, a développé un système d'autonomie pour camion, a procédé avec Budweiser en octobre 2016 à des essais de camions semi-autonomes au niveau 4 de Fort Collins à Colorado Spring aux États-Unis) ;
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Le 16 août 2016, la société Ford a annoncé son intention de commercialiser en grand nombre dès 2021 des véhicules autonomes de niveau 4 (échelle de la SAE International), dans le cadre de son projet « Ford Smart Mobility ». Ce serait des voitures commerciales (petites voitures à hayon, berlines ou SUV) sans volant ni pédales pour du « ride-sharing service » ou « ride-hailing service » (c'est-à-dire voitures en autopartage ou taxis-robots) ; elles circuleraient sur n'importe quel type de route, mais dans une zone bien délimitée et aménagée. Dans ce but, Ford est en train de doubler ses équipes de la Silicon Valley et du campus de Palo Alto en Californie, et de tripler sa flotte de véhicules en expérimentation en Californie, en Arizona et dans le Michigan. Ford a investi dans la société de la Silicon Valley appelée Velodyne pour produire des capteurs LiDAR moins onéreux, ainsi que dans l'entreprise californienne Civil Maps experte en cartographie 3D. Ford a acquis l'entreprise israélienne SAIPS, experte en intelligence artificielle (deep learning). Ford a encore passé un ambitieux accord avec la société Nirenberg Neuroscience fondée par la neuroscientifique Sheila Nirenberg. Ford a acquis la société Chariot (services de transport) de Californie en septembre 2016. 31 Le DriveWorks de la société Nvidia est un « Software Development Kit for Autonomous Driving » (cf. site de Nvidia). « Driveworks is an open platform for OEMs and car companies to pick and choose the bits they want/need for their solutions. » (selon le CEO de Nvidia le 28 septembre 2016).
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PSA Peugeot Citroën (a annoncé la commercialisation de voitures hands on de niveau 2 vers 2020, et hands off de niveau 3 32 entre 2020 et 2022, mène (seul ou avec ses partenaires) des expérimentations avec dix véhicules autonomes, quatre de ses prototypes (Citroën C4 Picasso) avaient déjà parcouru 60 000 kilomètres d'essais sur route ouverte en Europe à l'été de 2016) ; Renault-Nissan (conduit des expérimentations de la Nissan LEAF à Tokyo, est associé à Toyota pour la cartographie, a acheté en septembre 2016 le développeur français de logiciels Sylpheo, a annoncé en septembre 2016 s'allier avec Microsoft pour un partenariat sur la voiture connectée, a fondé dans le cadre de l'Alliance Renault-Nissan une Mobility Division de 300 personnes pour le développement et la vente en 2020 de dix modèles avec fonctions d'autonomie, développe (par Nissan) la technologie d'autonomie appelée ProPilot) ; Scania ; Tata Elxsi ; Tesla (a développé ses Model S et X avec Mobileye sans LiDAR, prépare la Model 3 avec Nvidia, a annoncé en octobre 2016 que le niveau 5 serait techniquement atteint dès la fin de 2017) ; Toyota (a annoncé un budget d'un milliard de dollars en cinq ans pour fonder un centre de R&D Toyota Research Institute sur le véhicule autonome près de l'Université Stanford et près du MIT aux États-Unis, est associé à trois universités américaines33, est associé avec Uber China racheté par Didi) ; Uber (a institué un centre de recherches à Pittsburgh, est associé à l'Université d'Arizona) ; Volkswagen (prépare pour 2017 le SUV semi-autonome XC90, est associé à Microsoft, est associé avec la société d'autopartage Gett) ; Volvo Cars (conduit l'ambitieux projet Drive Me, s'est associé à Uber pour les taxis autonomes, a fondé une coentreprise avec la société américano-suédoise Autoliv pour développer les aides à la conduite et les systèmes d'autonomie, est en train de recruter 450 personnes en Suède pour ses travaux de recherche et développement sur la voiture autonome) ; Yutong (a conduit avec succès ses premières expérimentations en Chine avec des bus autonomes).
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Cf. déclaration à la mission CGEDD-IGA du représentant de PSA lors de la réunion avec VeDeCoM à Versailles le 22 septembre 2016. 33 MIT, Stanford et Université du Michigan.
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2 - Selon le rapport de la société de conseil Strategy& (qui dépend de PricewaterhouseCoopers) du 16 septembre 2015 34 , les dépenses d'investissements innovants en faveur des voitures connectées permettent de classer ainsi les constructeurs du monde selon une échelle prenant en compte quatre critères (degré d'innovation, objet, originalité et maturité) :
Source : Strategy& (une branche de PwC)
Et pour ce qui concerne les équipementiers :
Source : Strategy&
Les efforts et réussites ainsi pris en compte regardent sept domaines des technologies de la voiture connectée : 34
sécurité (marché de 49,3 milliards d'euros en 2021) ;
« Connected Car Study 2015: Racing ahead with autonomous cars and digital innovation » par Richard Viereckl, Dietmar Ahlemann, Alex Koster et Sebastian Jursch, rapport publié le 16 septembre 2015.
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conduite autonome (marché de 39,6 milliards d'euros en 2021) ; infotainement (marché de 13,4 milliards d'euros en 2021) ; confort (marché de 7,6 milliards d'euros en 2021) ; gestion des flottes à distance (marché de 7,1 milliards d'euros en 2021) ; gestion de la mobilité (marché de 5,6 milliards d'euros en 2021) ; intégration avec les autres systèmes de la vie courante du conducteur (marché de 66 millions d'euros en 2021).
Les conclusions de Strategy& démontrent notamment que : les dépenses en faveur de la conduite autonome seront de grande importance dans les toutes prochaines années ; les constructeurs et équipementiers allemands sont au premier rang de l'innovation, mais les succès des Japonais, Américains et Coréens sont aussi de grande importance.
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Il faut garder à l'esprit que les entreprises d'Internet (Google, Apple, Uber, etc.) travaillant au véhicule autonome ne sont pas prises en considération dans cette comparaison des investissements, quoique leurs propres efforts d'innovation représentent un grand défi pour toute l'industrie automobile. 3 - Le rapport de Thomson Reuters35 appelé « The 2016 State of Self-Driving Automotive Innovation » de janvier 2016, fondé sur les brevets déposés pour (A) la conduite autonome, (B) l'aide à la conduite et (C) la télématique, confirme en partie les conclusions précédentes. Tandis que le nombre de ces brevets a augmenté de beaucoup depuis 2011 (près de 4 800 en 2015), on observe que le nombre le plus grand et l'augmentation la plus rapide regardent la catégorie A. Pour les années courant de 2010 à octobre 2015, Toyota, Denso, Bosh, Nissan, Honda, Hyundai, Mitsubishi, Daimler, General Motors et Fuji sont, dans la catégorie A, les leaders ; dans la catégorie B, il s'agit de Bosch, Toyota, Hyundai, Daimler, Continental, General Motors, Volkswagen, Audi, BMW et Mando ; dans la catégorie C, on trouve General Motors, Hyundai, Marvell, LG, Denso, Samsung, UPS, ETRI, SK Hynix et Mitsubishi. L'absence des grandes sociétés d'Internet dans ce tableau est remarquable. Ce qui conduit l'auteur du rapport à écrire : « Tech and media companies like Apple, Google, Tesla and others entering the space have definite advantages in terms of their contributions to the future car. However, most lack the necessary manufactoring expertise and facilities possessed by traditional automotive companies that can move R&D projects to viable, commercial realities. ». 4 - La société Roland Berger36 a présenté à Bruxelles le 16 février 2016 sa vision de l'avenir de l'automobile. Elle a montré notamment la force des différents constructeurs et équipementiers pour développer et commercialiser des automatismes permettant des conduites partiellement autonomes. Les industries en Allemagne, aux États-Unis, au Japon et en Suède paraissent avoir une longueur d'avance sur les autres à cet égard. Surtout l'industrie allemande.
Groupe international d'information professionnelle, financière et juridique qui emploie plus de 50 000 personnes. « Automotive 4.0 Outlook and Implications TRAN hearing on `'Towards a European Road Safety Area'' » par Sebastian Feldmann (partenaire de Roland Berger GmbH).
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Source : Roland Berger
5 - Ajoutons encore que dans une étude achevée en décembre 2015, la société britannique Juniper Reseach a dressé la liste des cinq sociétés les plus prometteuses envers la voiture autonome. Elle a pour cela pris en compte plusieurs critères comme ceux-ci : essais, expérimentations sur route, développement technologique, ambition du projet, potentiel, opportunités commerciales. Les cinq premiers de la liste sont : Google, Volvo, Daimler, Tesla et Apple. 6 - Dans un rapport d'avril 2016 (« Determining Who's in the Fastlane for Autonomous Vehicles: A Comparison of Automotive OEM Plans for Driverless Cars »), la société Lux Research a évalué la capacité de douze parmi les constructeurs les plus avancés à gagner la course au véhicule autonome. Pour cela, elle a pesé notamment la stratégie, la feuille de route, les partenariats et les investissements de chaque constructeur.
Source : Lux Research
Les auteurs en conclu de leur analyse que seuls cinq constructeurs détiennent la clef du succès : Daimler, Honda, Hyundai, Toyota et Volvo. Et ils ont ajouté : « Automotive companies aspiring to become `'mobility providers'' earning money from services like ride-sharing rather than simply sales of cars are the most likely to succeed in this rapidly changing marketplace. ».
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7 - Ces cinq rapports démontrent la puissance de feu, pour préparer l'automatisation des véhicules, des constructeurs et équipementiers allemands, japonais, américains et coréens. Les constructeurs français sont-ils en arrière37 ? Ils ne sont jamais cités en tant que tels dans le rapport de Thomson Reuters. Toutefois, Renault y est présente par son partenaire japonais Nissan. Pour ce qui concerne l'autonomie de conduite (catégorie A), Nissan (au 4e rang) a déposé trois fois moins de brevets que le premier de la catégorie A, à savoir le constructeur japonais Toyota, et un peu moins que l'équipementier allemand Robert Bosch GmbH. Pour ce qui concerne les brevets relatifs aux aides à la conduite (catégorie B), Nissan (au 11e rang) a déposé quatre fois moins de brevets (200 contre 800 entre 2010 et octobre 2015) que le premier de la catégorie B, à savoir Bosch, et presque trois fois moins que Toyota. Pour ce qui concerne la télématique, Nissan ne figure pas dans la liste des seize premières entreprises citées par Thomson Reuters. Quant à l'équipementier français Valeo, il est au-delà du vingtième rang pour les brevets relatifs à l'autonomie de conduite, au treizième rang pour les brevets relatifs aux aides à la conduite, et au-delà du seizième rang pour la télématique. Il est vrai que dans les trois rapports, il est fait l'hypothèse que les grands de l'automatisme font la course en tête. Ce ne serait plus vrai si les constructeurs et équipementiers actuels (Mercedes-Benz, Bosch, Toyota, etc.) se laissaient dominer par les géants de l'Internet (Google, Baidu, etc.) sur le terrain de l'intelligence artificielle des véhicules. 8 - Remarquons que les entreprises chinoises ne sont pas reprises dans les listes de Thomson Reuters. Se peut-il néanmoins que la Chine surprenne un jour le monde par sa capacité insoupçonnée d'investissement et d'innovation ? La Chine est désormais le plus grand marché automobile (voitures neuves) au monde38. Suivant le plan quinquennal 2016-2022 de l'État chinois qui a dégagé un budget pour les véhicules autonomes de 10 milliards de yuans (environ 1,3 milliard d'euros), de nombreuses et puissantes sociétés et universités chinoises travaillent sur le véhicule autonome (voiture et bus notamment). Singulièrement : des constructeurs : Changan, Dongfeng Motors (partenaire de PSA), GAC Group, SAIC Motor (partenaire de Volkswagen), BAIC Group, FAW Group, Geely, BYD Auto (partenaire de Daimler pour construire des voitures électriques), Chery Automobile, Yutong (constructeur d'autobus qui expérimente des bus autonomes dans ses emprises de Zhengzhou3940) ; des sociétés d'Internet : Baidu (partenaire de BMW), Leshi Internet Information & Technology (LeEco), Huawei, Alibaba Group (travaillant avec SAIC Motor pour des véhicules autonomes équipés du système appelé YunOS), Tencent Holdings (qui projette de produire industriellement avant 2020, dans le cadre d'une Joint Venture appelée Future Mobility, des voitures électriques et autonomes en coopération avec la société taiwanaise Hon Hai Precision Industry41) ; des universités : Tongji (Shanghai), Tsinghua (Pékin).
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Rappelons que les constructeurs français font face depuis de nombreuses années à une rude concurrence des autres constructeurs partout dans le monde. Selon le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA, cf. « L'industrie automobile française Analyse et statistiques 2014 »), la production de voitures particulières des constructeurs français a diminué de 9,6 % entre 2007 et 2013 dans le monde, et de 46,3 % entre 2007 et 2013 en France. Le poids des constructeurs français dans le monde était de 7,3 %, en diminution. Le commerce extérieur automobile de la France (tous constructeurs confondus) est négatif depuis une dizaine d'années : le déficit était de 5,6 milliards d'euros en 2013. 38 Marché de 21 millions de voitures neuves en 2015 (30 % des ventes dans le monde entier), contre 17,4 millions aux États-Unis, 13,7 millions dans l'Union européenne, 4,2 millions au Japon, 2,8 millions en Inde et 2,5 millions au Brésil. 39 Yutong Industrial Park de Zhengzhou dans la province du Henan (Chine). 40 Des expérimentations sur route ouverte ont notamment été faites en 2015 sur la grande route qui relie Zhengzhou et Kaifeng (province du Henan), villes distantes de 32,6 kilomètres. La vitesse de pointe était de 68 km/h. Il y avait 26 feux de circulation à franchir d'une ville à l'autre. Le bus totalement autonome des expérimentations était équipé de caméras et de lidars (un lidar de chaque côté du bus). 41 Plus connue sous son nom commercial Foxconn Technology Group.
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Notons bien que dans les prévisions publiées par la société IHS Automotive le 7 juin 2016 concernant les ventes de voitures autonomes ou semi-autonomes en 2035, il y aurait 5,7 millions de ces voitures en Chine (marché le plus vaste au monde pour ces voitures), 4,4 millions aux États-Unis, 3 millions dans l'Union européenne, 1,2 million dans l'ensemble Japon-Corée comme en Europe de l'est. 9 - La détermination chinoise peut se mesurer aussi à l'effort en faveur des expérimentations. Par exemple, dans la ville d'Anting au sein du district de Jiading4243 (dans le nord-ouest de la municipalité de Shanghai), ville où se situe l'un des plus grands centres de construction automobile en Chine44, une grande zone pilote (dans le cadre d'un projet appelé « A Nice City ») a été ouverte aux voitures autonomes en expérimentation. Autorisée par le ministère de l'industrie et de l'information, elle est la première de ce genre en Chine. Pour l'administrer, un groupement professionnel a été fondé : le United Innovation Center of Intelligent Connected Vehicle Industry and Technology (ICV). Cet ICV rassemble : 15 instituts de recherche (China Automotive Technology and Research Center (CATARC), etc.) ; 4 universités (dont celle de Tongji à Shanghai et celle de Tsinghua à Pékin) ; 18 constructeurs (à savoir Audi, BMW, BAIC, FAW Group, Changan, Ford, Geely, GM, Greatwall, NextEV, PATAC, Porsche, SAIC Motor, Tesla, Toyota, Volvo, Yutong, Mercedes-Benz) ; 5 équipementiers (à savoir Bosch, Continental, Delphi, Harman, Murata Manufactoring) ; 11 entreprises d'information et de communication (Baidu, Gaode, Huawei, Infineon, ZTE, Company360, China Unicom, etc.) ; 4 incubateurs et fournisseurs de services (à savoir Shanghai International Automobile City ou SIAC, Auto Innovation Park, EVCARD45, Edrive).
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Il n'y a dans cette liste ni PSA-Dongfeng, ni Renault-Nissan. Ce groupement (ICV) va gérer la zone pilote (National ICV Testing Demonstration Base) de Jiading, qui fera une grande place aux communications V2X46. La zone expérimentale de Jiading s'étendra en quatre étapes : la première étape, commencée lors de l'inauguration officielle de la zone pilote à Anting les 7 et 8 juin 2016, porte sur une zone fermée (pas de route ouverte) de 2 km² ; la deuxième étape commencera en décembre 2016, et couvrira 5 km² dans les emprises du Shanghai Auto Expo Park et du campus de l'université de Tongji ; la troisième étape commencera en décembre 2017, et couvrira 100 km² (toute la ville d'Anting) pour 5 000 véhicules autonomes ; la quatrième et dernière étape débutera en 2019, et la zone pilote couvrira alors un territoire de 150 km² (connectant Anting et le Hongqiao Transportation Hub) sur lequel circuleront 10 000 véhicules autonomes (qui pourront librement rouler sur 500 kilomètres de route).
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Là où se trouve le Circuit international de Shanghai (qui accueille notamment le Grand Prix de Chine de Formule 1). Ce district de Jiading concentre 70 % de la production de l'industrie automobile de la municipalité de Shanghai (25 millions d'habitants environ dans toute la municipalité). 44 C'est en cette ville d'Anting que sont produites les voitures du partenariat sino-allemand SAIC Volkswagen Automotive. Cette joint venture détient la plus grosse part de marché du pays (sous les marques Volkswagen et Skoda). 45 Système d'autopartage de voitures électriques à Shanghai, ouvert en janvier 2015. 46 Les systèmes de la zone pilote de Jiading utiliseront les communications DSRC (Dedicated Short Range Communications) des États-Unis, le LTE-V (Long Terme Evolution-Vehicle) de la Chine et la future 5G.
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10 - Une autre expérimentation va se développer en Chine à Wuhu (ville de près de quatre millions d'habitants dans la province de l'Anhui), dans le cadre d'une coopération conclue en 2016 entre la ville et la société Baidu portant sur les bus, les navettes et les taxis robots. Dans une première étape de trois ans, certaines zones de Wuhu seront délimitées pour des essais de véhicules autonomes. Dans l'étape suivante, des premiers services commerciaux seront offerts aux habitants. Dans une troisième et dernière étape, dans cinq ans environ, les véhicules autonomes circuleront dans toute la ville en service commercial. 11 - Le 19 octobre 2016 en Californie, le directeur général de Tesla Motors (Elon Musk) a annoncé que ses nouvelles voitures Model S et Model X seront dès maintenant toutes équipées de huit caméras (d'une portée de 250 mètres), de douze capteurs à ultrasons (de portée deux fois plus longue qu'aujourd'hui) et d'un radar à l'avant (permettant de voir le véhicule qui est devant le véhicule qui précède la Tesla). Le système d'intelligence artificielle (Tesla Vision avec deep learning, quarante fois plus puissant qu'aujourd'hui) sera désormais fourni par la société Nvidia (plate-forme Drive PX 2), et non plus par Mobileye. Le système d'autonomie développé par Tesla prend le nom d'Autopilot 2.0 désormais. Les aides à la conduite (freinage d'urgence, maintien dans la file, avertisseur de collision, régulateur de vitesse adaptatif, etc.) des nouvelles voitures seront activées progressivement en 2016 et 2017 (par la technologie On The Air ou OTA tous les deux ou trois mois), après analyses des données recueillies auprès des voitures vendues et validation du système d'autonomie. Aussi les nouvelles voitures des Model S et X auront-elles momentanément, jusqu'en décembre 2016 probablement, moins de fonctionnalités que les actuelles. Les voitures des deux modèles (S et X) seront désormais toutes équipées pour permettre un jour l'autonomie complète. Elles seront vendues avec deux options. La première option, appelée Enhanced Autopilot, vaudra 5 000 dollars. Elle n'utilisera que quatre caméras, et non huit. Elle permettra une conduite semi-autonome dès la fin de 2016 : changement automatique de file, parking automatique, sortie automatique d'autoroute, etc. La seconde option, appelée Full Self-Driving Capability, vaudra 8 000 dollars. Elle permettra à terme la conduite totalement autonome (niveau 5 selon l'échelle de la SAE International) avec saisie de la destination au départ. La conduite totalement autonome sous la seconde option ne sera activée qu'à une date inconnue qui dépendra singulièrement de la réglementation ; mais Elon Musk a assuré le 19 octobre 2016 que l'autonomie totale sera techniquement prête à la fin de 2017. Selon l'industriel, la sécurité sera améliorée d'un facteur deux au moins. Une expérimentation d'un parcours en niveau 5 sera faite de Los Angeles à New York avant la fin de 2017, sans une seule action sur le volant (« without the need for a single touch »). Tesla Motors prépare la vente en 2017 d'un nouveau modèle moins cher (à partir de 35 000 dollars), appelé Model 3. Des voitures de ce modèle seront aussi vendues avec les deux options d'autonomie. 12 - En de nombreux pays du monde, les expérimentations ont pour objet de préparer l'automatisation de plus en plus poussée des véhicules. Mais pourront-elles prouver l'amélioration constante et suffisante de la sécurité ? Les quelques études faites paraissent démontrer que les distances ainsi parcourues sont encore bien trop petites pour en induire des conclusions sûres. Néanmoins, les expérimentations donnent d'utiles résultats de tendance. 13 - Ainsi en est-il d'une étude accomplie par le Virginia Tech Transportation Institute47 (étude commandée par Google) sur les voitures autonomes de Google, la société qui accomplit les plus nombreux essais sur voie publique, a donné lieu à rapport final en janvier 201648. L'auteur a comparé les résultats des accidents du programme Self-Driving Car de Google avec les données connues et corrigées49 des accidents pour l'ensemble du pays (États-Unis). L'étude a discerné quatre niveaux de gravité des accidents ; toutefois le niveau 4, le moins grave, regroupe des incidents si faibles que l'étude n'en a pas tenu compte.
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VTTI. « Automated Vehicle Crash Rate Comparison Using Naturalistic Data ». 49 De nombreux accidents ne sont pas connus des autorités publiques.
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Les conclusions sont que le taux d'accidents sérieux (niveaux 1 et 2) est plus bas pour les voitures autonomes de Google que les taux nationaux : 1,6 contre 2,5 accidents par million de milles pour le niveau 1, et 1,6 contre 3,3 accidents par million de milles pour le niveau 2. Pour les accidents les moins graves (niveau 3), l'écart est encore plus grand : 5,6 contre 14,4. Mais les distances parcourues par les voitures de Google sont très courtes (1,3 million de milles) comparées aux distances de l'étude nationale50 à laquelle l'auteur a travaillé (34 millions de milles51). Pour cette raison, l'auteur ne peut être sûr de la robustesse de ses conclusions. S'agissant des petits accidents (niveau 3), qui apparaissent au moins deux fois moins nombreux dans le cas des voitures de Google, il révèle en revanche un fait d'importance : l'analyse des données de Google démontre que jamais les voitures de Google n'ont été en faute lors des accidents étudiés52. Selon l'auteur du VTTI, cette conclusion tend à démontrer que des véhicules autonomes à faible vitesse seraient très sûrs. 14 Sur la question des distances parcourues par les véhicules autonomes en essais, une étude de grand intérêt53 a été faite par Rand Corporation aux États-Unis en 2016. Les conclusions sont résumées dans le graphique ci-dessous. Considérons par exemple le nombre des tués (« fatality »). Si l'on voulait prouver que le taux de défaillance d'un véhicule autonome était inférieur de 20 % à celui des autres voitures54, il faudrait que la distance parcourue par les véhicules autonomes de même type soit de onze milliards de milles (presque dix mille fois la distance déjà parcourue par toutes les voitures de Google). Autrement dit, pour une flotte de 100 véhicules autonomes circulant à toute heure de l'année, il faudrait... 518 ans d'essais ! La conclusion des auteurs, c'est que l'amélioration quant à la sécurité routière grâce à l'automatisation des voitures, préalable à l'acceptation de véhicules commercialisés, devra être prouvée d'une manière autre que par des expérimentations sur route ouverte. Il faudra des mesures in vitro (simulations informatiques, etc.) et non in situ.
Source : Rand
Appelée « Second Strategic Highway Research Program (SHRP 2) Naturalistic Driving Study (NDS) » ou plus simplement SHRP 2 NDS 51 Le trafic annuel aux États-Unis étant de 3 000 milliards de véhicules-milles. 52 Le désormais célèbre accident à très faible vitesse de la voiture Google à Mountain View (Californie) a eu lieu le 14 février 2016, après la fin de l'étude du VTTI. 53 « Driving to Safety How Many Miles of Driving Would It Take to Demonstrate Autonomous Vehicle Reliability » par Nidhi Kalra et Susan M. Paddock. 54 L'auteur a retenu un niveau de confiance de 95 % et une puissance de test de 80 %.
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15 - Des sociétés se sont d'ailleurs développées pour entreprendre ces simulations par ordinateur : ainsi la société néerlandaise TASS International, ainsi la société française ESI Group (avec son simulateur de capteurs Pro-SiVIC). Des instituts de recherche travaillent aussi à ces simulations : ainsi le Laboratoire sur les interactions véhicules-infrastructure-conducteurs (LIVIC), dépendant de L'IFSTTAR55, avec la plate-forme SiVIC56, étroitement associé à la société ESI Group. La société TASS International travaille beaucoup sur la sécurité générale des véhicules automatisés, tandis que le LIVIC de L'IFSTTAR travaille sur la qualité de leurs capteurs. En France, l'UTAC CERAM se prépare activement à l'homologation des nouvelles aides à la conduite et des systèmes d'autonomie de conduite. Sur la difficulté à valider la sécurité des aides à la conduite qui sont de plus en plus complexes, on pourra lire la communication « Facing ADAS validation complexity with usage oriented testing » de Laurent Raffaëlli, Frédérique Vallée, Guy Fayolle, Philippe De Souza, Xavier Rouah, Matthieu Pfeiffer, Stéphane Géronimi, Frédéric Pétrot et Samia Ahiad, de janvier 2016. En France, dans le cadre de la Nouvelle France Industrielle (NFI), l'institut de recherche technologique (IRT) en Île-de-France appelé SystemX a lancé le 1er mars 2015 son projet 2015-2019 « Simulation pour la sécurité du véhicule autonome » (SVA). Comme l'a expliqué SystemX : « Le projet SVA, dans le cadre du plan Véhicule Autonome de la Nouvelle France Industrielle, a pour objectif de répondre par la simulation numérique au défi posé par la complexité de la démonstration de la sécurité du véhicule autonome. En effet, cette complexité, liée à la fois au grand nombre de situations que le conducteur rencontre sur la route, leur incertitude, et aux technologies embarquées, rend les validations par des tests en usages réels extrêmement coûteux, voire impossibles pour certains. ». Le projet SVA a deux objectifs : « Fournir aux constructeurs et aux équipementiers une méthodologie, une plateforme et des outils de simulation pour permettre de concevoir des véhicules autonomes sûrs et de les valider » ; « Spécifier, adapter ou développer des modèles des éléments du véhicule et de son environnement afin de pouvoir simuler le comportement du véhicule en cas d'apparition d'une défaillance d'un de ses composants ainsi que l'incidence sur son fonctionnement de perturbations extérieurs (effacement de marquages au sol, éblouissement...) ». 16 - C'est en Californie que les expérimentations de voitures autonomes sont actuellement les plus nombreuses. Conformément à la loi de cet État 57 , les sociétés ayant reçu autorisation pour des expérimentations sur les routes publiques de Californie ont remis leurs données de la période octobre 2014-novembre 2015 sur les « disengagements » : désactivations du système d'autonomie quand la voiture
L'IFSTTAR (laboratoires LICIT, GRETTIA et LEPSIS) a aussi développé le simulateur Symuvia pour étudier les circulations routières. Mais il n'a jamais encore été utilisé pour étudier les conséquences de la circulation de véhicules autonomes en ville. Mais il a montré que les connexions V2X amélioraient nettement la fluidité des circulations urbaines. 56 Cf. « Development of Full Speed Range ACC with SiVIC, a virtual platform for ADAS Prototyping, Test and Evaluation » de Dominique Gruyer, Steve Pechberti et Sébastien Glaser. 57 « §227.46 Reporting Disengagement of Autonomous Mode. (a) Upon receipt of a Manufacturer's Testing Permit, a manufacturer shall commence retaining data related to the disengagement of the autonomous mode. For the purposes of this section, "disengagement" means a deactivation of the autonomous mode when a failure of the autonomous technology is detected or when the safe operation of the vehicle requires that the autonomous vehicle test driver disengage the autonomous mode and take immediate manual control of the vehicle. (b) Every manufacturer authorized under this article to test autonomous vehicles on public roads shall prepare and submit to the st department an annual report summarizing the information compiled pursuant to subdivision (a) by January 1 , of each year. th (1) The first report shall cover the period from the date of issuance of the Manufacturer's Testing Permit to November 30 of the following year. st th (2) After the first report, subsequent annual reports shall cover the period December 1 of the current year to November 30 of the following year. » (extrait de la réglementation de Californie sur les « Autonomous Vehicles »).
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rend la main au conducteur pour quelque raison que ce soit. Cruise Automation, BMW, Honda et Ford avaient été exemptés de ce rapport, car leurs autorisations étaient trop récentes. Les résultats des six sociétés sont : pour Bosch, 625 désactivations pour 935 miles parcourus, pour Delphi, 405 désactivations pour 16 662 milles parcourus, pour Google, 341 désactivations pour 424 331 milles parcourus, pour Nissan, 106 désactivations pour 1 485 milles parcourus, pour Mercedes-Benz, 967 désactivations pour 1 337 milles parcourus, pour Tesla Motors, aucune désactivation (sic), le nombre de milles parcourus n'ayant pas été révélés), pour Volkswagen, 260 désactivations pour 14 945 milles parcourus (57 milles par désactivation en moyenne).
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Il faut avoir à l'esprit que la société Tesla, en plus de ses expérimentations, tire beaucoup d'enseignements des voitures qu'elle a vendues et qui, en circulation, lui envoient continûment des données. En mai 2016, Tesla faisait savoir que ses voitures connectées et semi-autonomes avaient déjà parcouru depuis 2014 (année d'introduction de son système de semi-autonomie) la distance totale de 780 millions de milles ; entre octobre 2015 et mai 2016, les voitures ont circulé en mode dit autonome sur une distance cumulée de 100 millions de milles58. De très loin, Google est la société qui a parcouru la plus grande distance. Parmi les 341 désactivations qu'elle a consignées (1 désactivation tous les 1 244 miles en moyenne), 272 sont dues à une défaillance de la technologie d'autonomie. Les autres désactivations, 69 précisément (soit 20 % des cas), sont dues à une action du conducteur pour un motif de sécurité. Mais selon Google, seulement 13 parmi ces 69 désactivations avaient pour but de prévenir une collision (avec une voiture ou autre). Précision d'importance : selon Google, les conducteurs de ses voitures ne cherchent pas à avoir aussi peu de désactivations qu'il est possible, car les désactivations sont aussi un moyen d'éprouver et d'analyser le système d'autonomie. Selon Google, le nombre de désactivations est néanmoins en rapide diminution : 5 318 milles par désactivation au quatrième trimestre de 2015 contre 785 milles par désactivation au premier trimestre de 2014. Il est important d'avoir à l'esprit que les expérimentations de Google se font surtout dans les rues, dans celles de Mountain View (en Californie) et alentour en particulier. Or, c'est pour ces circulations urbaines ou péri-urbaines que les difficultés de la conduite autonome sont les plus grandes : de très nombreuses circonstances peuvent conduire en effet à la désactivation59. D'ailleurs, sur les 341 désactivations de
Cf. « « Tesla Tests Self-Driving Functions with Secret Updates to Its Customers' Cars The Internet connection built into every Tesla gives the company a unique advantage in the race to develop autonomous vehicles. » par Tom Simonite (article publié le 24 mai 2016 par le MIT Technology Review). 59 Dans son rapport de décembre 2015, Google a écrit : « Mastering autonomous driving on city streets rather than freeways, interstates or highways requires us to navigate complex road environments such as multi-lane intersections or unprotected lefthand turns, a larger variety of road users including cyclists and pedestrians, and more unpredictable behavior from other road users. This differs from the driving undertaken by an average American driver who will spend a larger proportion of their driving miles on less complex roads such as freeways. No surprisingly, 89 percent of our reportable disengagements have occured in this complex street environment [...]. »
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Google, 304 regardaient une route de type street, 32 pour le type highway, 4 pour le type freeway et 1 pour le type interstate. L'accident d'une Google Car le 23 septembre 2016 a été assez abondamment relaté par la presse américaine, car c'est le plus grave des accidents d'une Google Car ; les dommages matériels n'ont jamais été importants. La voiture en mode autonome a été heurtée par un autre véhicule qui venait de brûler un feu rouge. 17 - Le gouvernement et l'administration des États-Unis (le secrétaire aux transports et l'administrateur de la NHTSA) réfléchissent sur la possibilité de construire un centre d'essais pour tester et certifier officiellement les aides à la conduite et les systèmes d'autonomie. Parmi les sites envisagés, il y en a un dans le Michigan (ancien site de General Motors dit Willow Run à Ypsilanti) et un autre en Californie (GoMentum Station à Concord). 18 - Parmi les autres expérimentations aux États-Unis, il faut citer la circulation d'une Audi SQ5 entre San Francisco et New York (5 633 kilomètres) en mars 2015 par l'équipementier Delphi. Il faut citer encore le périple de l'équipementier Valeo (« Valeo Hands off Tour » de 13 000 milles, plus ou moins le long des frontières des États-Unis) de la voiture autonome Cruise4U une Volswagen Passat entre le 1er août et le 15 septembre 2016. La voiture était équipée d'une caméra frontale, et de quatre radars pour permettre les changements de file. Mais elle était surtout équipée d'un laser appelé Valeo SCALA qui peut détecter devant le véhicule tout objet et toute personne, à haute ou basse vitesse, de jour comme de nuit. 19 - En France dans la région Rhône-Alpes-Auvergne, le pôle de compétitivité Lyon Urban Truck & Bus a préparé la plate-forme Transpolis pour préparer les futurs moyens de transport. Transpolis se développera sur les deux sites voisins des Fromentaux et de La Valbonne dans l'Ain. Pour les véhicules autonomes, c'est surtout le site des Fromentaux, autrefois terrain militaire de quelque soixante-dix hectares, qui sera utilisé à partir de 2018. Sont actionnaires de la société Transpolis : L'IFSTTAR, Colas, Renault Trucks, Bretagne Mega, Vibratec SA, Adetel Group et EVE System. 20 - S'agissant des communications V2X, un assez grand nombre d'entreprises européennes dans les secteurs des automobiles et des télécommunications60 ont publié le 6 juillet 2016 un projet de proposition à la Commission européenne appelé : « Draft proposal: pre-deployment project for connected and automated driving ». Ce projet 2017-2021 a pour but d'étudier la circulation en Europe de plusieurs centaines de véhicules par pays pour tester notamment les technologies des véhicules connectés ou automatisés en passant les frontières. 21 - L'État de Victoria en Australie a passé accord en 2016 avec la Transport Accident Commission (TAC), l'équipementier allemand Bosch et VicRoads (l'autorité publique chargée des routes et des circulations dans l'État). Pour les essais, un véhicule autonome (de niveau 4 selon l'échelle de la SAE International) a été mis au point par Bosch à Clayton (à Victoria), sur la base d'une voiture Tesla Model S P85D.
Selon les auteurs du projet de proposition, les sociétés suivantes pourraient s'associer au projet d'expérimentation : Deutsche Telekom, KPN, Orange, Proximus, Vodafone, Eurofiber, Play, Ericsson, Nokia, Autoliv, Bosch, Continental, Valeo, BMW, Daimler, FCA, Ford, Hyundai, JLR, Opel, PSA, Renault, Toyota and VW.
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La voiture Tesla Model S rééquipée par Bosch dans l'État de Victoria en Australie en 2016
(source : État de Victoria)
Ces essais et démonstrations en Australie avaient été précédés par d'autres accomplis en novembre 2015 à Adelaïde (capitale de l'Australie-Méridionale) par Volvo Cars avec la voiture Volvo XC90.
La voiture Volvo XC90 à Adelaïde (Australie) en novembre 2015 pour des essais (photographie de Motoring) (source : Volvo) 22 - Fondée par deux professeurs (Ingmar Posner et Paul Newman) du Mobile Robotics Group (MRG) de l'Université d'Oxford, Oxbotica est une entreprise britannique qui conçoit des systèmes d'autonomie pour véhicules. Son dernier système s'appelle Selenium. Il équipe huit navettes expérimentales à Greenwich (Londres), au titre du grand projet GATEway ; des circulations expérimentales commenceront au début de 2017, et dureront six mois. Une voiture d'Oxbotica (avec Selenium) a été testée en octobre 2016 dans la ville nouvelle de Milton Keynes (Buckinghamshire) en Angleterre, dans le cadre du Lutz Pathfinder Project.
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La voiture autonome d'Oxbotica à Milton Keynes (Angleterre) en octobre 2016
(source : Oxbotica)
23 - Pendant le Mondial de l'automobile à Paris en octobre 2016, l'équipementier français Valeo a procédé à des expérimentations en France de son système d'autonomie appe « Cruise4U » (niveau 3 selon appelé l'échelle de la SAE International). 24 - En août 2016, le gouvernement de Corée du Sud a décidé de construire un centre d'essai pour véhicules autonomes, à Hwaseong (province de Gyeonggi), sous le nom de K City. Le nouveau c K-City. centre sera près des installations actuelles de la Korean Transportation Safety Authority à Hwaseong. Les travaux coûteront environ 17 millions de dollars américains ; ils se termineront en décembre 2019. En dehors de ce centre d'essai, le gouvernement coréen a autorisé les expérimentations de véhicule autonome sur 320 kilomètres de routes ouvertes. 25 - La société chinoise Baidu, en association avec trois constructeurs et équipementiers chinois (Chery Automobiles Co., BYD Auto et Shou Qi Group), a testé des voitures autonomes (une douzaine au moins) à Wuzhen (province de Zhejiang) en novembre 2016, à l'occasion de la World Internet Conference en cette ville.
Source : Baidu
Les circulations ont eu lieu sur un trajet de cinq kilomètres, à la vitesse maximale de 60 km/h. Les voitures sont équipées de lidar de la société Velodyne. 26 - En octobre 2015, la province canadienne de l'Ontario a été la première du pays à se lancer dans des expérimentations de véhicules autonomes sur route ouverte. Elles ont commencé en janvier 2016.
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27 - En France, treize expérimentations ont été approuvées avant juillet 2016 par la DGEC sur demande des opérateurs suivants : Robosoft (décision le 22 décembre 2014), PSA (22 juin et 24 novembre 2015), Valeo (6 août 2015), VeDeCom (11 août 2015), Akka (11 août 2015), Navya (11 août 2015), EasyMile (11 août 2015), Valeo (16 octobre et 19 novembre 2015), VeDeCom (4 novembre 2015), EasyMile (22 décembre 2015), VeDeCom (4 février 2016), Renault (18 février 2016), VeDeCom (7 juin 2016).
Les dossiers remis ont tous abouti à une autorisation, moyennant parfois des modifications. Par deux fois, des avenants sont venus compléter l'autorisation initiale. Début mai 2016, près de 40 000 kilomètres de tests sur route ouverte avaient été parcourus par les véhicules des demandeurs français. On est encore loin, certes, des distances observées en Californie (près de 1,5 kilomètre pour Google par exemple). Pour ce qui concerne les expérimentations des voitures sur route ouverte, les demandeurs insistent pour que, rapidement, les véhicules en essai puissent être pilotés par des conducteurs ordinaires, comme envisage de le faire Volvo à Londres en 2017. Au 10 octobre 2016, 10 expérimentations étaient achevées, 6 expérimentations étaient en cours, 7 demandes étaient en instruction, 6 demandes étaient des manifestations d'intérêt et 1 demande avait été abandonnée.
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Annexe 7 : L'état du droit relatif au véhicule autonome dans les pays étrangers
1 - États-Unis : Le ministère des transports de l'État fédéral américain (D.O.T.) et son agence nationale (NHTSA) ont publié en septembre 2016 un document qui décrit la politique fédérale pour les véhicules autonomes. Ce document s'intitule « Accelerating the Next Revolution in Roaway Safety ». Après avoir affirmé que l'avènement de cette nouvelle technologie était inévitable le document indique les bénéfices attendus : une diminution drastique du nombre d'accidents, l'amélioration de la mobilité pour les personnes exclues actuellement de l'usage de la voiture et enfin la diminution de la pollution de l'air et des économies d'énergie. Le document vise les véhicules qui ont atteint un développement 3 à 5 de l'échelle SAE où le système est le conducteur, l'être humain ayant un rôle au plus limité à la supervision et la reprise en main. Le premier volet du guide décrit les bonnes pratiques pour les concepteurs et fabricants de véhicules autonomes. Par une démarche pragmatique la NHTSA leur laisse la responsabilité de s'auto-certifier. Cette confiance n'empêche pas la NHTSA de vérifier si les véhicules fonctionnent bien et, si besoin, de prendre des actions coercitives ; les fabricants doivent rendre compte régulièrement dans un rapport rendu public appelé « évaluation de sécurité ». Cette évaluation doit couvrir les champs suivants : l'enregistrement et le partage des données, les informations personnelles, la sûreté du système, la cybersécurité du véhicule, l'interface homme-machine, la protection par rapport aux chocs (des occupants et des autres véhicules), l'éducation et la formation des conducteurs, l'enregistrement et la certification (pour la mise à niveau logicielle des véhicules), le comportement post-accident, la conformité aux lois fédérales, des États et locales, les considérations éthiques (transparence des choix des algorithmes), le domaine de fonctionnement opérationnel, la détection et la réaction aux événements et aux objets, les stratégies de reprise en main par un humain (condition du risque minimal), les méthodes de validation.
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Le deuxième volet du guide procure aux États un modèle de politique vis-à-vis de la voiture autonome. La NHTSA constate que certains États ont commencé à légiférer dans le domaine de la voiture autonome (Nevada, Californie, Michigan...) et craint qu'il n'y ait un « patchwork » de législations. Aussi elle propose que celles-ci se réfèrent à son modèle pour que la politique sur ce sujet soit cohérente sur le territoire des États-Unis. Le troisième volet du guide explique les moyens (« outils ») que l'agence a à sa disposition pour gérer l'introduction de nouvelles technologies. Le quatrième et dernier volet est un appel à commentaires sur des idées de nouveaux moyens (« outils ») et nouvelles entités pour gérer l'arrivée des véhicules autonomes. Deux États américains ont établi une législation sur la base de ce modèle : 2 - La Californie : La Californie est le premier État du monde à avoir préparé un règlement portant à la fois sur l'expérimentation et la circulation régulière des véhicules autonomes (niveaux 3, 4 ou 5 de l'échelle de la SAE International), que ces véhicules aient ou non un conducteur à bord. Tout d'abord, le 30 septembre 2016, le ministère des transports de l'État de Californie (le Department of Motor Vehicles) a publié un projet qui modifierait le code du véhicule (Vehicle Code) en vigueur. Dans un premier temps, la loi définit certains termes : définition du véhicule autonome : un véhicule autonome est celui qui est du niveau 3, 4 ou 5 selon la définition SAE (Society of Automotive Engineers), définition du déploiement de véhicules autonomes : il s'agit de la mise sur routes de VA par des personnes qui ne sont pas employées du fabricant ou contractantes avec lui, définition du conducteur de véhicule autonome : le conducteur est l'opérateur humain lorsque le véhicule n'est pas en mode autonome, définition du domaine d'emploi : il s'agit de l'ensemble de la description du périmètre de fonctionnement du véhicule en mode autonome comprenant au minimum le type de route, la plage de vitesse, les conditions météorologiques et de jour et de nuit, et toute autre contrainte, définition de l'opérateur à distance d'un véhicule autonome.
Ensuite, le texte définit également certaines dispositions dont les plus importantes sont les suivantes : Les conditions pour permettre les expérimentations de véhicules autonomes sans conducteur à bord : pour être autorisé à mener des expérimentations sans présence de conducteur à bord un fabricant doit demander une autorisation pour ces tests. Tout d'abord il doit y avoir un moyen de communication entre le véhicule et l'opérateur à distance qui permette à celui-ci de dialoguer avec les passagers et qui lui donne à tout moment la localisation et l'état du véhicule. Le fabricant doit former les opérateurs à distance. Il doit conserver en mémoire la liste des périodes de sorties du mode autonome et faire un rapport à l'autorité si un accident survient.
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Les conditions pour permettre la circulation régulière (hors expérimentation) des véhicules autonomes avec conducteur à bord. Un véhicule autonome ne peut circuler librement que s'il a obtenu préalablement des autorités de Californie un permis de déploiement de véhicule autonome sur les voies publiques. Pour cela son fabricant doit soumettre un dossier dans lequel il indique ou certifie entre autres : quel est le domaine d'emploi du véhicule, que le véhicule est empêché de rouler en mode autonome en dehors des routes désignées de son domaine d'emploi, la liste des conditions limitantes (neige, brouillard, chantiers,...) et comment il s'assure que le véhicule ne roulera pas en dehors de ces conditions, que le véhicule est bien équipé d'un enregistreur de données qui permet de conserver ce qui s'est passé 30 secondes avant un choc et 5 secondes après et que ces données pourront être fournies à des enquêteurs qui en font la demande sous 24h, que le véhicule respecte le code de la route et les limitations de voirie et que son système est mis à jour pour prendre en compte tout changement dans le code de la route à sa date d'effet, que le système cartographique est en permanence remis à jour, comment il gère les pannes et met en sécurité les usagers du véhicule jusqu'à l'arrivée de la maintenance.
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Le demandeur remet également un « law enforcement interaction plan » qui comprend toutes les informations pour les autorités de police et de justice et les agences de l'État concernées sur la façon dont le véhicule se comporte dans les situations d'urgence et de contrôle de police, soit : les conditions pour permettre la circulation régulière (hors expérimentation) des véhicules autonomes sans conducteur à bord, en plus des dispositions précédentes, les démarches administratives que doit remplir un constructeur de véhicules autonomes en cas de modification substantielle apportée sur le matériel ou le logiciel, la durée du déploiement de véhicules autonomes, la protection des données collectées dans les véhicules autonomes : le fabricant doit soit décrire dans un document pour l'utilisateur du véhicule la liste des données qu'il collectera à des fins de maintenance et de sécurité soit garantir qu'il anonymisera toutes les données qui ne seront pas nécessaires d'identifier à des fins de sécurité. Pour les informations non anonymes, le fabricant devra obtenir l'accord écrit de l'utilisateur du véhicule. En cas de refus de sa part, il ne pourra pas se prévaloir de ce fait pour l'empêcher d'utiliser le véhicule, la condition pour permettre la circulation de véhicules devenus autonomes ultérieurement à leur première mise sur le marché, il faudra remplir un formulaire spécifique signalant qu'un véhicule préalablement non autonome est devenu autonome, l'identification des véhicules autonomes à l'extérieur : un fabricant devra poser sur chaque véhicule autonome mis sur le marché un label spécifique comprenant (1) le nom du fabricant, (2) la date de fabrication, (3) l'identification du véhicule et (4) la phrase suivante : « le fabricant de ce véhicule
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autonome a certifié qu'il est conforme à la loi de Californie concernant les exigences relatives aux véhicules autonomes à la date de production indiquée ci-dessus. Des exigences semblables sont demandées pour les fabricants de véhicules rendus autonomes : le permis de conduire des conducteurs de véhicules autonomes : le conducteur d'un véhicule autonome qui peut rendre la fonction de conduite à son occupant doit avoir le permis de conduire ; la responsabilité du conducteur et du système d'autonomie : dans le cas où le système demande au conducteur de reprendre le contrôle du véhicule ou lorsque le véhicule fonctionne hors de son domaine d'emploi alors c'est le conducteur qui a la responsabilité de la conduite. Dans les autres cas c'est le fabricant qui en a la responsabilité ; la maintenance des véhicules autonomes : tous les véhicules autonomes doivent être maintenus selon les standards du Federal Motor Vehicle Safety ; l'interdiction faite d'appeler véhicule autonome des véhicules sous le niveau 3 selon l'échelle de la SAE International.
3 - Le Michigan : L'État du Michigan a préparé quatre lois (Senate Bill ou SB) sur le véhicule autonome (appelés Automated Motor Vehicle ou AMV). Ces projets (SB 995 à 998) autoriseront la circulation régulière, et non pas seulement expérimentale, des véhicules autonomes. Ils ont été formellement approuvés par le Sénat du Michigan le 7 septembre 2016. Ils ont été définitivement approuvés (après délibération de la Chambre des représentants du Michigan) en décembre 2016. Voici leurs principales dispositions : le SB 995 autorise la circulation sur toutes les routes du Michigan de véhicules autonomes individuels, de peloton de véhicules connectés et les applications informatiques de mise à disposition de véhicules automatiques à la demande permettant à des usagers de se connecter pour obtenir un service de transport par véhicule autonome ; le SB 995 exonérera les constructeurs de toute responsabilité civile au cas où des changements auraient été apportés sur les systèmes embarqués sans leur consentement ; le SB 995 précisera qu'un système de conduite autonome sera considéré comme le conducteur ou l'opérateur d'un véhicule autonome pour l'application des règlements sur les véhicules routiers et la circulation routière ; le SB 996 autorisera les constructeurs à déployer un projet SAVE, défini par le SB 995 comme une mesure qui permet à des fabricants autorisés de VA de créer des services internet de VA à la demande dans certaines zones géographiques (campus universitaires, etc.) ; le SB 997 affranchira les routes dans les centres de recherches sur la mobilité (comme l'American Center for Mobility envisagé à Ypsilanti dans le Michigan) des dispositions du Michigan Vehicle Code applicables aux routes ouvertes au public ; Le SB 998 limitera aussi la responsabilité civile des réparateurs d'AMV.
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4 - Allemagne : Le gouvernement allemand a présenté sa stratégie pour la voiture autonome et connectée dans un document daté de septembre 2015. Il rappelle le rôle essentiel que l'Allemagne a joué dans le développement de l'automobile depuis son origine. Il affirme que l'automobile est l'élément fondateur pour sa croissance et sa prospérité. Le document indique que le véhicule autonome et connecté présente un potentiel de progrès pour : améliorer l'efficacité des automobiles face à la croissance en mobilité, améliorer la sécurité routière, réduire les émissions polluantes rendre l'Allemagne plus compétitive en matière économique et plus attractive pour l'innovation.
Le document fixe trois objectifs : rester au premier rang des constructeurs automobiles mondiaux, devenir un marché leader pour le véhicule connecté et autonome, c'est-à-dire avec le plus haut pourcentage de véhicules autonomes et connectés mettre effectivement des véhicules autonomes et connectés sur les routes : pour cela commencer par le déploiement sur les autoroutes et routes express ainsi que dans les parkings.
Un plan d'actions est défini dans les thématiques suivantes : Infrastructure : déployer une couverture universelle d'un réseau à grand débit permettant l'échange de données avec l'infrastructure ; créer des standards pour la route intelligente.
Législation : faire du lobbying pour modifier la convention de Vienne et les textes des Nations Unies en faveur de la voiture autonome ; modifier la législation nationale ; adapter la formation des conducteurs pour la supervision et la reprise en main ; revoir les procédures d'approbation et de tests ; faire du lobbying pour que les PTI définies avec les constructeurs allemands soient incorporés dans les directives européennes et dans les textes des Nations-Unies.
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Innovation : créer une zone innovante sur l'A9 en Bavière sur laquelle des tests pourraient être conduits par l'industrie et par les instituts de recherche, sur les véhicules autonomes et sur la route connectée (V2V et I2V ; lancer des programmes de recherche traitant en particulier des aspects mobilités, interfaces hommes -machines, validation fonctionnelle, dimension sociale et infrastructure ; subventionner et coordonner la recherche.
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Interconnectivité : mettre dans l'open-source les datas relative à la mobilité et au spatial et faire en sorte que les véhicules aient une information routière en temps réel ; coordonner et interconnecter les signaux routiers ; développer la cartographie de très haute précision.
La cybersécurité et la protection des données : la standardisation de la cybersécurité au niveau mondial ets a prise en compte dans les lois allemandes ; la protection des données personnelles.
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Dans le cadre de son plan d'actions le gouvernement fédéral allemand a présenté un projet de loi le 13 juin 2016 pour modifier la loi sur la circulation routière en vue de favoriser. Cette loi est actuellement en cours d'arbitrage au sein des ministères. Elle a pour objectif de créer une sécurité juridique pour l'usage des systèmes automatisés. Concrètement un automobiliste ne commettrait pas d'infraction s'il se détourne de ses tâches de conduite pourvu qu'il soit vigilant de manière à pouvoir reprendre la conduite, soit après appel par le système automatisé du véhicule, soit en réagissant à des erreurs techniques identifiables du système. Ainsi, la responsabilité pénale du propriétaire du véhicule ne pourrait être recherchée. Par contre sa responsabilité civile en tant que propriétaire du véhicule pourrait toujours l'être comme d'ailleurs celle du constructeur si le produit est défaillant. De plus cette loi rendrait obligatoire l'installation d'enregistreur de données dans le but de pouvoir déterminer si le système automatisé était actif au moment d'un accident. 5 - Australie : En Australie, la National Transport Commission a publié en novembre 2016 un rapport sous le titre « Regulatory reforms for automated road vehicles Policy Paper ». La DGITM en France en a fait, le 13 décembre 2016, le résumé suivant : « Le rapport de la Commission des transports australienne a identifié les principales barrières suivantes au développement du véhicule automatisé : absence de lignes directrices ou de conditions de tests sur routes cohérentes au niveau national, difficulté à définir qui est en contrôle du véhicule lorsque le conducteur doit superviser le système et reprendre la main sur requête du véhicule,
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interprétation caduque du critère de maîtrise appropriée du véhicule par la présence d'une main sur le volant, absence de cadre réglementaire pour les véhicules sans conducteur à bord, risque d'inapplicabilité du cadre de responsabilité et du régime d'assurance aux cas de véhicules sans conducteur à bord, incertitude sur les conditions d'accès aux données du véhicule, absence de règles de conception, de réception et de contrôle technique applicables aux véhicules automatisés, et notamment à leurs comportements sur route en termes de sécurité.
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Elle recommande des réformes séquencées en trois phases : Court terme : lignes directrices nationales pour les tests, applicables à tous les niveaux d'automatisation, portant en premier lieu sur les critères d'évaluation des niveaux d'automatisation les plus élevés, mécanismes de reconnaissance mutuelle entre juridictions territoriales, revue des cadres réglementaires territoriaux pour s'assurer qu'ils permettent : de fixer des exigences appropriées aux tests, de s'appliquer aux cas d'usage sans conducteur, clarification, dans les règles propres à chaque état, de « qui est maître du véhicule », définition des modalités de contrôle par les forces de l'ordre de la bonne maîtrise du véhicule, adaptées à tous les niveaux d'automatisation, maintien du principe que, tant que des règles différentes n'ont pas été produites, le conducteur reste pleinement responsable de la maîtrise du véhicule.
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Moyen terme : élaboration d'un système de contrôle des performances de sécurité des véhicules et de leur gestion des données : principes de sécurité, critères, modèles et processus opérationnels, évaluation des coûts et de la charge administrative, gouvernance et financement, élargissement de la définition du conducteur vers le concept de « conduite », afin, en priorité, de s'assurer que les véhicules autonomes restent couverts par l'obligation d'assurance pour les dommages aux tiers.
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Long terme : promouvoir le développement de réglementations techniques adaptées à tous les niveaux d'automatisation au sein du WP29.
La Commission identifie également des points de vigilance ou à creuser : prise en compte des modifications de véhicules et mises à jour logicielles dans le système de contrôle, définition des responsabilités : a priori, la clarification de la notion de « maîtrise du véhicule » devrait suffire ; veille particulière sur d'éventuelles mises en cause de la responsabilité des gestionnaires routiers, règles d'utilisation des données du véhicule pour déterminer qui est en situation de contrôle du véhicule, règles d'utilisation des données du véhicule pour la définition des responsabilités ou fautes, règles appropriées d'accès et de réutilisation des données du véhicule, pour des usages approuvés, en tenant compte des objectifs de sécurité routière et d'exploitation efficace des réseaux, et des objectifs d'intégrité des systèmes, protection de la vie privée : a priori, les règles actuelles s'appliquent aux véhicules autonomes ; veille sur le besoin d'éventuellement adapter les règles d'accès par les forces de l'ordre. ».
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Annexe 8 : Véhicules automatisés et sécurité routière
1 - Durant la longue phase de déploiement des véhicules autonomes, la sécurité routière doit demeurer au coeur de toutes les attentions 1.1 - Un enjeu important qui nécessite une approche globale Pour les pouvoirs publics, la sécurité routière est le premier enjeu des véhicules autonomes. S'il est démontré ou perçu que ces véhicules améliorent la sécurité routière, leur développement sera encouragé, et il sera rapide. En cas de doute, alors le progrès sera ralenti ou impossible. Un accident est la conséquence d'un dysfonctionnement du système homme - véhicule - environnement. En France, les analyses démontrent qu'aujourd'hui, l'accidentologie est avant tout liée aux comportements : ils sont en cause dans 90 % des accidents mortels. Pour réduire la mortalité et la morbidité routières, il faut d'abord éviter l'accident et ensuite minimiser ses conséquences lorsqu'il se produit. Il faut donc aujourd'hui agir en trois domaines : la sécurité des véhicules, la qualité des infrastructures et l'adaptation des comportements. Avec le déploiement progressif des véhicules autonomes, il faudra peu à peu adapter la politique de sécurité routière et ses règles. Une approche globale est nécessaire.
APPROCHE GLOBALE POUR AMELIORER LA SECURITE ROUTIERE AVEC LES VA Eviter l'accident
COMPORTEMENT
Minimiser les conséquences de l'accident
COMPORTEMENTS
VA pour réduire les erreurs humaines (alcool, distracteurs, vigilance, vitesse, stupéfiants, ...) Former les conducteurs (connaître, maîtriser IHM et reprise en mains, éviter comportements défaillants, ) Règlementer: contrôle, sanction
Réduire les délais d'intervention: Ecall et facilitation d'accès des secours collecter des informations préalables (véhicules, victimes...)
VEHICULES
Assurer la fiabilité des systèmes et équipements: Homologation, certification; connectivité VtoV... Assurer l'entretien préventif
SECURITE ROUTIERE AMELIOREE
VEHICULES
Ceintures, airbags, absorption des chocs... Appels automatiques: e-call
INFRASTRUCTURES INFRASTRUCTURES
Améliorer la lisibilité de la route fiabiliser et développer VtoI
éviter le sur accident: information des autres véhicules ... VtoV et VtoI
Assurer la cybersécurité
Des véhicules, des transmissions, des plateformes...
Source : mission IGA-CGEDD
Pour obtenir une amélioration de la sécurité routière il est donc nécessaire d'agir sur plusieurs domaines : Agir sur la fiabilité et la sécurité des équipements des véhicules matériels et logiciels (voir annexe 5) et sur la certification et l'homologation. Il faut agir sur la qualité et la fiabilité des infrastructures. Il faut agir sur la réglementation et il faut agir sur la Cyber sécurité (voir annexe 8). Les comportements et la formation sont les deux derniers champs d'action. Ils sont traités dans cette annexe.
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1.2 - Les statistiques de la sécurité routière en France montrent que l'accidentalité est avant tout liée aux comportements La politique de sécurité routière vise à réduire l'accidentalité routière, le nombre de morts et de blessés sur la route. Elle concerne de nombreux acteurs au sein de l'Etat, les collectivités territoriales, essentiellement départements, communes et agglomérations, ainsi que des acteurs privés comme les assureurs, les constructeurs automobiles et les associations de prévention routière ou de défense des usagers de la route. Cette politique a permis de réduire substantiellement le nombre de morts sur la route. Ce dernier est ainsi passé de 18 000 morts au début des années 70, à 8 000 morts en 2000 et 3 268 morts en 2013. Si l'on prend en compte l'augmentation du trafic durant les dernières décennies, la performance est encore plus remarquable. Ce nombre est reparti à la hausse en 2014 (3 384 morts) et en 2015 (3 461 morts), ces deux années générant le même nombre annuel de blessés graves environ 35 000.
La réduction du nombre de morts et de blessés ne suit pas la même pente selon que l'on est automobiliste, pilote de deux-roues, piéton ou conducteur de poids lourds.
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Un accident est la conséquence d'un dysfonctionnement du système homme-véhicule-environnement. C'est dans les interactions de ces trois composantes qu'il faut chercher les relations causales menant à l'accident. Cette approche permet de mieux comprendre l'accident et de trouver des actions pour y remédier. Les exploitations des enquêtes RÉAGIR avaient permis d'évaluer dans les années 1990-2000 la part de chacune des composantes dans les accidents graves et mortels et d'en décliner les facteurs principaux. Dans 90 % des accidents, la composante « comportement » était présente. Des mesures d'éducation, de prévention et de répression ont été prises visant à agir sur les comportements susceptibles de générer des accidents. Quelques éléments statistiques61 récents montrent qu'il est déterminant d'agir sur les comportements : Sur 20132015 le poids des facteurs comportementaux (en causes multiples) dans les accidents mortels est de 30,5 % pour l'alcool, 23 % en présence de stupéfiants, 21 % pour non port de la ceinture (pour les automobilistes, 38 % pour les véhicules utilitaires et 36 % pour les poids lourds), 9 % en raison d'un malaise ou de la fatigue ; S'agissant des auteurs présumés d'accidents mortels. Les causes relevées (en multifactoriel) sur 18 mois pour (20142015) sont : vitesse (32 % des cas), alcool (21 %), non-respect des priorités (13 %), stupéfiants (9 %) dépassement dangereux (4 %), malaise (3 %), somnolence (2 %) contresens (2 %), changement de file (2 %), obstacle sur voie circulée (2 %), non-respect des distances (0 %), inattention (8 %), téléphone (1 %), facteurs véhicule (1 %), autres causes (13 %), cause indéterminée (9 %) ; La part de mortalité des 65 ans et plus est passée de 19 % en 2010 à 25 % en 2015 (ils représentent 19 % de la population) ; 62,8 % de la mortalité se situent sur les routes hors agglomération, 8,6 % sur les autoroutes et 28,5 % en agglomération ;
Source ONISR et bilan annuel de la DSCR.
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Depuis deux ans les vitesses moyennes pratiquées ont augmenté de 4 km/h sur autoroute, 2 km/h sur les routes à 2 × 2 voies, la tendance semble remonter en ville. 30,5 % des personnes tuées le sont dans un accident dans lequel au moins un conducteur/piétons avait un taux d'alcool supérieur à 0,5 g par litre. 18 % des conducteurs ou piétons impliqués dans un accident mortel ont un taux d'alcool supérieur à 0,5 g par litre.
Cependant on peut penser que l'action des véhicules automatisés ne réduirait pas de 90 % le nombre d'accidents de la route, y compris dans le cas où tous les véhicules légers et les poids lourds seraient automatisés. En effet : De ce taux de 90 % il faudrait en effet retirer les véhicules non automatisés qui ont eu des accidents en solo, par exemple pour 2015 (24 morts en vélo, 57 à cyclomoteur, 220 à moto soit 8,7 % des tués). Les véhicules automatisés pourraient dans un premier temps équiper des conducteurs plus aisés et plus âgés, or on recense un tué sur cinq dans un accident impliquant un conducteur novice. S'agissant des causes, les causes comportementales (vitesse, alcool, stupéfiants, priorités) sont plus l'apanage des jeunes (93,5 % pour les 18-24 ans) que des tranches d'âge supérieures (58 % pour les 45-64 ans et 42,5 % pour les 65 et plus). Les deux-roues motorisés représentent 43 % des blessés graves, 22 % des personnes tuées, 31 % des blessés hospitalisés et moins de 2 % du trafic motorisé. Les 15-29 ans représentent 35 % des blessés graves, 31 % des personnes tuées. 70 % des blessés graves sont des usagers vulnérables (motocyclistes cyclomotoristes cyclistes et piétons). Impact de l'état du véhicule : en 2015, 128 personnes tuées (3,7 %) et 650 blessés hospitalisés l'ont été dans un accident dans lequel un véhicule présentait une défaillance technique visible (pneumatiques, éclairage, défectuosité mécanique). En 2015, 24,5 millions de contrôles techniques ont été réalisés dont 19,8 millions concernaient les véhicules particuliers et véhicules utilitaires légers, avec 3,6 millions de situations non-conformes, soit 18 %, générant obligation de contre-visite. Les défauts constatés portent sur les pneumatiques pour 39 % et les disques de freins pour 22 %. Impact de l'infrastructure : environ 30 % des accidents mortels des usagers de 2RM ont lieu lors de heurts contre des obstacles fixes notamment les glissières métalliques et les arbres. 54 motocyclistes ont été tués alors que leur véhicule a heurté un arbre ou un poteau et 31 une glissière métallique. (13,6 % des tués).
2 - Le lien entre l'automatisation croissante des véhicules et l'amélioration de la sécurité routière reste à démontrer Plusieurs études étrangères, notamment en Europe et aux États-Unis, ont conclu que l'automatisation automobile améliorerait la sécurité routière. Mais la force et les conditions de cette amélioration n'ont jamais été mesurées. Certes, les aides à la conduite réduisent des comportements défaillants : excès de vitesse, état d'ébriété, violation des priorités, usage de smartphone, consommation de stupéfiants, situation de malaise, somnolence, défaut d'entretien... Mais un véhicule autonome introduit une nouvelle complexité: sa sûreté n'est pas la simple somme des sûretés de fonctionnement de chaque composant. La Mission note qu'aucune étude française, adaptée au cas de notre pays, formant une analyse complète, n'a jamais été entreprise ni commandée. 2.1. - Plusieurs études étrangères confortent l'idée d'un lien fort entre les véhicules automatisés et l'accroissement de sécurité Il est sûr que les aides à la conduite (ADAS) améliorent la sécurité routière. Mais la démonstration de sécurité des véhicules automatisés reste une question difficile.
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Une étude américaine de la NHTSA (juillet 2014)62 analyse et résume 79 rapports (dont 65 seraient en relation avec la Commission européenne) ; un seul de ces rapports semble français. Dans la bibliographie de leur présentation, les auteurs ont cité 240 ouvrages ; deux seulement semblent écrits par un Français, une équipe française ou un organisme français. Le rapport de novembre 2015 de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) au ministère chargé de l'environnement et des transports63 , a donné la liste des 48 rapports analysés par les fonctionnaires de la DGITM : Dans ces 48 rapports, seuls 4 apparaissent avoir été faits par des équipes françaises. Les aides à la conduite sont de plus en plus nombreuses et puissantes. Avant même de mesurer l'amélioration de la sécurité apportée par l'autonomie ou la semi-autonomie de conduite, il faut mesurer les améliorations de sécurité permises par ces aides aujourd'hui et demain. Selon l'Institut Vedecom, ces aides préparent rapidement l'avènement du véhicule autonome. Vedecom a conclu de ses études que le véhicule autonome apporterait sans aucun doute de gros avantages au regard de la sécurité. Le projet européen PreVAL64 était un important projet de recherches sur la sécurité des véhicules routiers. Une synthèse des avantages des systèmes protégeant les véhicules a été présentée en 2006.
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Effets les plus probables des fonctions de sécurité sur la mortalité et les blessures avec un taux de pénétration des systèmes dans les flottes routières de 100 %
Fonction de sécurité APALACI/COMPOSE (systèmes pour prévenir les collisions) INTERSAFE (systèmes pour la conduite sûre dans les intersections) MAPS&ADAS (systèmes d'utilisation et de création des cartes nécessaires à la conduite en sécurité et aux aides à la conduite) SAFELANE (systèmes d'aide au maintien du véhicule dans sa voie) SASPENCE (systèmes de maintien des bonnes vitesses et des bonnes distances de sécurité)
Effet sur la mortalité -19,6 %
Effet sur les blessures -14,3 %
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-1,5 %
-13,1 %
-8,2 %
-13,5 %
-9,5 %
-6,5 %
-3,8 %
Source : Mission IGA-CGEDD
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Une étude de l'Insurance Institute for Highway Safety (IIHS) aux États-Unis, dont les résultats ont été publiés en 2010, a démontré que la sécurité des véhicules les plus récents avait augmenté : « Un accident mortel sur trois et un accident sur cinq ayant entraîné des blessures sérieuses modérées (voitures particulières) pourraient être évités par ces systèmes. 1,9 millions d'accidents pourraient être empêchés ou atténués chaque année pour les véhicules équipés avec quatre
« Human Factors Evaluation of Level 2 And Level 3 Automated Driving Concepts Past Research, State of Automation Technology, and Emerging System Concepts » (par T. E. Trimble, Bishop R., J. F. Morgan et M. Blanco). 63 « Véhicule à délégation de conduite et politiques des transports Synthèse bibliographique », 64 Preventive and Active Safety Applications Integrated Project/ délivrable appelé « IP Deliverable IP_D12/D16.4 Project final report e and recommendations for future assessments ». 6 programme-cadre de l'Union européenne.
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systèmes déjà sur le marché [ lane departure warning/prevention, forward collision warning/mitigation, side view assist (also known as blind spot detection), and adaptive headlights] : » (in « New estimates of benefits of crash avoidance on passenger vehicles » publié le 20 mai 2010).Selon l'IIHS, « si chaque véhicule sur la route était équipé avec « forward collision warning, lane departure warning, blind spot detection and adaptive headlights » presque un tiers de tous les accidents pourraient potentiellement être empêchés ou atténués » (cf. « They're working Insurance claims data show which new technologies are preventing crashes » publié le 3 juillet 2012, qui donne des précisions sur les avantages apportés par les quatre systèmes de sécurité). Dans un article le mars 2014, Thierry Fraichard (de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) a montré qu'en raison de l'impossibilité de prévoir l'évolution de l'environnement d'un véhicule autonome, il ne serait jamais possible d'assurer qu'un système de sécurité rendrait impossible tout accident. D'où cette conclusion : « pour compenser cette dure vérité nous avons préconisé des niveaux plus faibles de sécurité comme une réponse possible à notre question initiale». L'étude de Swiss Re Group et Here sur « The future of motor insurance »65 achevée en 2016 par Andrea Keller (Swiss Re) et Bernd Fastenrath (Here), montre que dans les quatorze plus grands marchés, les primes auraient augmenté de 510 milliards de dollars en 2015 à 616 milliards en 2020 : mais en réalité, le total ne serait plus que de 594 milliards, en baisse de 22 milliards, en raison de l'amélioration de la sécurité. Et cette tendance se poursuivrait.
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Le marché des ADAS (Advanced Driver Assistance Systems) va rapidement se développer selon les deux auteurs. La demande des acheteurs devient de plus en plus grande. Et ces ADAS contribueraient fortement à diminuer les accidents de la route66, compte tenu de la nature même des causes d'accident ainsi que le montre le tableau ci-dessous qui regarde la situation au Royaume-Uni. Les données de l'Insurance Institute for Highway Safety (IIHS) et de l'Highway Loss Data Institute (HLDI) aux États-Unis ont démontré67 en mars 2016 que les dommages diminuent quand les voitures sont équipées de systèmes prévenant les collisions, notamment les freinages automatiques (les résultats dépendent des constructeurs) : « résultats en provenance de 22 états dans la période 2010/2014 : les systèmes d'avertissement collision avant réduisent les percussions arrière de 23 %, et de 40 % s'ils sont associés au freinage d'urgence. The Highway Loss Data Institute (HLDI) a conduit des études similaires (il a étudié 11 systèmes de prévention d'accidents par l'avant, de six fabricants) les taux de réclamation pour ces véhicules sont inférieurs à la moyenne d'environ 10 à 15 %, mais en incluant toutes les configurations d'accident) ». S'agissant des voitures connectées les unes aux autres (V2V), l'IIHS a ajouté : une étude pilote en 2013 à AnnArbor (Michigan) a montré que les technologies de véhicules connectés (2 800 véhicules et 29 infrastructures routières) entre eux réduiraient les dégâts et les blessures. Le programme
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« The future of motor insurance - How car connectivity and ADAS are impacting the market ». Dans un rapport intitulé « Position paper regarding parking and manoeuvring accidents » du 2 juin 2015, le RCAR (Research Council for Automobile Repairs), après une analyse des statistiques de compagnies d'assurances en Allemagne, en Australie, en Corée du Sud, aux États-Unis, au Japon, au Royaume-Uni et en Suède, a conclu à l'importance des accidents (entre 10 % et 30 % des dommages) dus aux stationnements et aux manoeuvres à faible vitesse, surtout en reculant, surtout aussi en sortant d'une place de parking. Trois études faites par AZT (Allemagne), Folksam (Suède) et HLDI (États-Unis) ont donné des résultats différents quant aux avantages des capteurs pour aider aux manoeuvres : il y en a qui diminuent le nombre des accidents, d'autres sont sans effet, d'autres encore apparaissent l'augmenter. 67 Cf. résultats de l'étude appelée « Crash avoidance technologies », publiés en mars 2016 sur le site Internet des deux instituts américains.
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américain de recherches appelé « Connected Vehicle Safety Pilot68 », a donné lieu à un rapport final publié en septembre 2015. Le Parlement européen a publié en 2016 un rapport intitulé « Reseach for TRAN Committee - Selfpiloted cars : the future of road transport ? », rédigé par la société Steer Davies Gleave pour le Comité du transport et du tourisme dudit Parlement européen. « Tandis que les effets de sécurité de certains de ces systèmes sont palpables, par exemple des systèmes antiblocages (ABS) dans les voitures, dans d'autres cas il n'y a aucune preuve claire d'amélioration de la sécurité... Au RoyaumeUni à Thatcham le centre de recherches de réparations d'assurance automobile britannique a montré que les ADAS apportent une contribution significative pour réduire le nombre et la gravité des accidents. Exemple le freinage d'urgence (AEB) qui équipe les véhicules courants depuis 2008 a conduit à une réduction d'un tiers des accidents et de 15 % des blessés... L'association des assureurs britanniques s'attend à ce que l'introduction de véhicules connectés autonomes sauve plus de 2 500 vies et empêche plus de 25 000 accidents graves au royaume uni avant 2030. Cependant la sécurité effective, efficace, des systèmes automatisés doit encore être démontrée. C'est le cas notamment par mauvaises conditions météorologiques ou des conditions de visibilité et d'infrastructures complexes. Cela passe par des expérimentations et des tests afin de s'assurer que ces véhicules peuvent sans risque interagir avec d'autres usagers de la route. Un autre défi est de voir comment les véhicules autonomes réagissent dans un environnement d'utilisation mixte. La technologie devrait s'adapter au recours progressif à l'automatisation de véhicules dans la flotte circulante. ». La National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) aux États-Unis (cf. Office of Crash Avoidance Research Technical Publications), qui dépend de l'U.S. Department of Transportation, a publié de nombreuses études apportant des faits et arguments sur l'augmentation de la sécurité des véhicules automatisés ou connectés. Ainsi cinq études ont été publiées en 2016 et 11 en 2015.
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Selon la DSCR, « Il n'existe pas d'étude sur la mesure de l'amélioration générale de la sécurité routière qui serait apportée par les véhicules autonomes. ». La mission a constaté ce manque surprenant, sur le terrain et dans la documentation, alors qu'à l'étranger plusieurs études ont déjà été conduites. Selon Hélène Tategrain (LESCOT IFSTTAR Bron), nous n'avons pas de données assez fines en accidentologie pour affirmer un lien entre le véhicule automatisé ou les ADAS et la baisse proportionnelle de la sécurité. De plus il y aura de nouvelles situations qui ne sont pas critiques aujourd'hui. Des études sont indispensables pour étayer ce que nous ressentons intuitivement à savoir l'amélioration de la sécurité routière grâce aux véhicules automatisés. Il est tout aussi important que ces études soient adaptées à la typologie de l'accidentologie de notre pays et à sa culture. En outre aucune commission du conseil national de sécurité routière (CNSR) ne traite aujourd'hui en profondeur de la problématique des véhicules connectés et automatisés. Cette veille de « sécurité routière » est nécessaire, pour anticiper, faire de la prospective et des propositions. 2.2. - Des innovations qui pourraient avoir un effet significatif sur la baisse de l'accidentalité Il semble de bon sens que les véhicules automatisés auront un effet positif sur la baisse de l'accidentalité telle que nous la connaissons aujourd'hui. En effet ils ne conduiront jamais ivres, ni sous l'emprise de stupéfiants, ils ne sont pas sensibles aux distracteurs. Ils ne se fatiguent pas, ils restent vigilants et leur temps de réaction est plus rapide que celui des humains. Ils voient à 360°, sans angles morts. Ils apportent enfin des informations au conducteur sur son propre état, ainsi que sur celui du véhicule.
Piloté par le Volpe National Transportation Systems Center (U. S. Department of Transportation, Intelligent Transportation Systems Joint Program Office), rapport: « Safety Pilot Model Deployment Lessons Learned and Recommendations for Future Connected Vehicle Activities ».
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D'après une étude CETELEM en 2016 : « Pour agir sur la sécurité routière, la pratique de l'éco-conduite a prouvé son efficacité : ainsi, les données émanant d'entreprises dont les salariés ont fait l'objet de formations spécifiques, traduisent une baisse significative des accidents, de l'ordre de 15 %. Avec la voiture connectée, c'est en permanence que le conducteur peut recevoir des informations sur son comportement de conduite et plus précisément sur le caractère risqué de ses actions. Plus généralement, les modules de contrôle de l'aptitude du conducteur à prendre le volant se développent à bord des véhicules69. Abus d'alcool, consommation de stupéfiants, somnolence (26 % des tués sur autoroute par exemple, soit 78 personnes en 2015)... : les nouvelles générations d'équipements embarqués permettront d'alerter le conducteur de son état avant qu'il ne prenne la route, voire même de bloquer son véhicule en cas de comportement inadapté et d'alerter les autres usagers de la route. Par ailleurs, le déclenchement des secours constitue une étape décisive en déterminant une partie du bilan traumatique. Obligatoire à partir d'avril 2018 pour toutes les voitures neuves commercialisées dans l'Union européenne, l'aide d'urgence géolocalisée, connue sous le nom d'e-Call, est conçue pour se déclencher en cas de choc et lancer immédiatement et automatiquement une notification à un centre de secours, quel que soit l'état de choc du ou des passagers. Anticiper les défaillances du véhicule avec la maintenance préventive : Entretien et sécurité vont de pair : un véhicule bien entretenu limite en effet les risques de panne, voire d'accident, car il réagit mieux dans les situations difficiles. Avec le véhicule connecté, la maintenance curative laisse place à la maintenance préventive en garantissant un échange permanent et direct entre le véhicule et le constructeur ou le garage chargé de son entretien. Les données relatives à la sécurité et à l'usure des pièces sont ainsi remontées automatiquement, permettant la réparation du véhicule à distance, ou a minima l'information du conducteur d'un éventuel entretien à effectuer pour éviter toute panne ». On pourrait encore ajouter aux avantages l'assistance aux conducteurs qui ne seraient plus guère en état de conduire. Le 26 juillet 2016, Joshua Neally, circulant vers le sud dans sa Tesla Model X en mode autonome sur autoroute entre son bureau et sa demeure, fut soudainement pris, cinq milles avant d'arriver d'intenses douleurs, qui se révélèrent être les effets d'une dangereuse embolie pulmonaire. Malgré la souffrance qui l'empêchait de conduire convenablement il choisit de rouler en mode autonome jusqu'à un hôpital à 20 milles. Après une sortie faite en mode manuel, il put arrêter sa voiture, et se présenter sans délai aux urgences. Les médecins lui dirent plus tard qu'il avait de la chance d'être encore vivant. Le LAVIA, (limiteur s'adaptant à la vitesse autorisée) qui empêche de dépasser la vitesse limitée sur la portion sur laquelle le véhicule roule. Ce système existe aujourd'hui sur un modèle de Ford. Certaines associations souhaitent le rendre obligatoire 70 . Une cartographie précise et à jour des vitesses autorisées surtout les tronçons de circulation est indispensable à son fonctionnement, ainsi qu'une harmonisation des vitesses sur les parcours linéaires71. La DSCR annonce que cette cartographie nationale sera établie sous deux ans. En conséquence, dans le cadre d'une politique de sécurité routière forte, est-il concevable et cohérent, à partir du niveau trois, de ne pas équiper les véhicules qui sortent, d'un LAVIA obligatoire72 ? Cet outil pourrait éventuellement être débrayable, sous certaines conditions, pour garder de la réserve de puissance dans une situation dangereuse. L'EAD (Éthylotest anti démarrage). Le contrôle de l'alcoolémie par éthylotest au démarrage est envisageable pour les récidivistes comme le mentionnait le rapport sur l'évaluation de la politique publique de sécurité routière (juillet 2014) : « La généralisation de l'immobilisation du véhicule ou
La Supervision de l'attention du conducteur se discute actuellement au WP29. Ligue contre la violence routière. 71 Lors de la mission sur l'évaluation de la politique publique de sécurité routière en 2014, 35,5 % des préfectures avaient répondu qu'elles constataient un problème de lisibilité des vitesses sur les réseaux. 72 Selon Stéphanie Bordel (CEREMA) au début les participants à une étude d'acceptabilité sur le LAVIA étaient réfractaires, puis il est devenu plus acceptable depuis le contrôle sanction automatisé, selon la logique « J'accepte de perdre du contrôle car je suis gagnant ».
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l'obligation d'éthylotest anti-démarrage diminuerait le risque de récidive. Pour les délits les plus graves, l'immobilisation, voire la confiscation du véhicule, ainsi qu'en matière d'alcoolémie en récidive, l'obligation d'installation d'un EAD serait plus efficace que le retrait de permis de conduire. Ces mesures éviteraient aux forces de l'ordre d'avoir à relever à répétition des infractions concernant les mêmes délinquants, ce qui est assez démobilisateur. En 2011, en Europe, l'alcool est impliqué chaque année dans 25 à 30 % des accidents mortels ; hors accident, 2 % des conducteurs sont contrôlés avec un taux d'alcool supérieur au taux légal. À l'évidence les véhicules automatisés pourraient à terme, réduire considérablement l'accidentologie routière. Néanmoins l'intégration progressive de véhicules automatisés dans la circulation routière amènera de nouveaux cas d'usage, de nouveaux comportements et vraisemblablement de nouvelles situations accidentogènes. 3 - Le déploiement des véhicules autonomes fera courir de nouveaux risques qu'il faut vite connaître et maitriser Plusieurs accidents mettant en cause la responsabilité des véhicules autonomes ont déjà été étudiés (Google Car et Tesla). Les accidents mortels d'une Tesla en janvier 2016 en Chine (province du Hebei) et d'un autre Tesla le 7 mai 2016 aux États-Unis (en Floride) sont les plus inquiétants ; ils montrent à tout le moins les dangers du niveau 3. L'analyse des causes établies et probables fait apparaître une nouvelle accidentologie. Les nouveaux types de danger se rapportent d'abord à la longue période de cohabitation prévisible entre les véhicules autonomes et les autres. Ils pourraient résulter aussi des défaillances des systèmes techniques : bugs, usure, conditions d'utilisation, robustesse, fiabilité, lisibilité de la route, conditions météo... Les risques pourront aussi découler de l'émergence de comportements accidentogènes nouveaux : excès de confiance du conducteur (et donc, par exemple, dépassement du taux d'alcoolémie), multiplication de situations dégradées, non vigilance au niveau 3 ou 4, mauvaise posture dans le véhicule, etc. La reprise en main du véhicule par le conducteur, lorsque le système le demande par une alerte (au niveau 3 ou 4), et la mise en sécurité du véhicule si le conducteur ne répond pas à l'injonction, sont actuellement les deux questions les plus difficiles à dénouer par les industriels. La reprise en main se heurte à des problèmes neurologiques et psychologiques. Les temps minimaux de reprise en main sont différents selon les études, mais un consensus pour un temps de 10 secondes semble se dégager73. Gardons bien à l'esprit néanmoins qu'un tel délai peut être très long à vitesse élevée, pour ce qui concerne le niveau 3 ou le niveau 474. 3.1. - Des accidents déjà répertoriés Le premier accident de la Google Car a eu lieu le 14 février 2016. Circulant sur la voie de droite d'un grand boulevard, la voiture autonome a détecté la présence d'un obstacle sur sa voie (en travaux), ce qui l'a forcée à se rabattre sur la file de gauche. Cependant un bus était, à cet instant, légèrement en retrait sur la file de gauche. La Google Car a bien détecté la présence de ce bus mais s'est engagée sur la voie en pensant (à tort) que ce dernier ralentirait ou s'arrêterait pour la laisser passer. L'aile avant gauche de la voiture est
Comme il a été dit précédemment à propos notamment des études de l'IFSTTAR, les temps de réaction vont de 2 à 40 secondes. Le temps de 2 secondes est le délai entre le début de l'alerte et le placement des mains et des pieds sur les leviers de conduite, selon un rapport publié en août 2015 par laNHTSA (National Highway Traffic Safety Administration aux Etats-Unis). Le temps de 5 secondes est retenu dans la thèse de William Payre en 2015 (avec IFSTTAR). Le temps de 40 secondes est mentionné dans une étude de l'Université de Leeds publiée en novembre 2014 : elle a démontré qu'il faut ce long délai pour que la conduite redevienne tout à fait normale et stable (sans petits coups de volant à droite ou à gauche, sans regard erratique). 74 Pour Julien CESTAC (IFSTTAR) et Stéphanie BORDEL (CEREMA), les niveaux 3 et 4 resteront toujours dangereux.
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venue percuter le côté droit du bus. Tout l'intérêt de cet incident réside dans le fait que l'algorithme de Google ait essayé d'anticiper et surtout de prendre en compte un comportement humain. On peut penser que si l'algorithme avait été moins évolué, il se serait simplement contenté d'arrêter la voiture et d'attendre une meilleure opportunité pour s'insérer sur le boulevard. Il ne n'agit pas en effet d'une erreur de détection (les capteurs de la voiture ont bien enregistré la position et la vitesse du bus concerné) mais d'interprétation. Ce comportement s'ancre dans la logique de Google, qui essaye de doter ses prototypes autonomes d'une conduite plus « humaine » (par exemple sur la trajectoire qu'empruntent les Google Car lors des virages). Le premier accident mortel d'une Tesla Model S avec Autopilot est survenu le 7 mai 2016 sur la grande route à chaussées séparées en Floride (États-Unis). Il a tué son conducteur75 sur le coup. La Tesla était alors en mode autonome : le système Autopilot était enclenché. Ni le conducteur ni le système n'avaient détecté la présence d'un camion avec semi-remorque76 au flanc de couleur blanche qui traversait la route devant un ciel particulièrement brillant. La visibilité était alors excellente, la luminosité du ciel mise à part ; il ne pleuvait pas ; la route est très droite en ce lieu. Le conducteur de la Tesla roulait avec le soleil dans le dos. Selon le rapport préliminaire du National Transportation Safety Board (NTSB), la voiture en mode autonome roulait à 74 milles à l'heure juste avant l'impact, bien au-dessus de la vitesse maximale qui était autorisée sur cette portion de route (65 milles à l'heure). La société Tesla a précisé que c'était le premier accident mortel de ce modèle de voiture avec Autopilot en 130 millions de milles. Dans son communiqué du 30 juin 2016 à propos de ce qu'elle a appelé « A Tragic Loss », la société Tesla a rappelé le fonctionnement de son système Autopilot : « un système en phase beta qui nécessite que le conducteur garde ses mains sur le volant tout le temps et qu'il garde le contrôle et la responsabilité de son véhicule, même si l'auto pilote est engagé le conducteur doit être prêt à prendre la main à n'importe quel moment. Le système vérifie régulièrement que les mains du pilote sont sur le volant et l'alerte si ce n'est pas le cas (visuel et auditif). Il ralentit progressivement jusqu'à ce que les mains soient à nouveau détectées. ». Selon les calculs du Dr Alexander Hars, l'auteur, le camion a commencé son dangereux tourne-à-gauche dix secondes avant l'accident, un délai suffisant pour permettre normalement au conducteur de la Tesla (alors à 280 mètres environ) de déceler le début de la manoeuvre. Six secondes avec l'accident, il était évident pour tout conducteur attentif, que le camion commençait à traverser la route et qu'il ne s'arrêterait pas avant de l'avoir entièrement traversée ; trois secondes avant l'accident, il était trop tard pour que la Tesla freine et pare au choc. Pour que l'accident fût évité, sachant que l'Autopilot de la Tesla ne fonctionnait pas, il eût fallu que le conducteur réagisse entre la sixième et la troisième seconde avant l'impact. La conclusion de l'analyse faite par le Dr Hars est catégorique : parce qu'il avait sans doute relâché son attention77 depuis quelque temps, parce qu'il avait confiance dans l'Autopilot (dont il louait les qualités dans les vidéos qu'il publiait sur YouTube mais dont il avait néanmoins mesuré les limites78), le conducteur Joshua Brown n'aurait jamais pu freiner à temps. Le directeur général de Tesla (Elon Musk) a affirmé le 30 juin 2016 « le radar a pris la remorque (haute sur ses roues) pour un panneau de signalisation routière surplombant la route. ». En outre le freinage automatique d'urgence ne s'est pas déclenché.
Fier de sa Tesla Model S (qu'il avait nommée Tessy), féru de nouvelles technologies, Joshua Brown publiait des vidéos de ses conduites au volant sur la chaîne YouTube qu'il avait créée. Âgé de 40 ans, après avoir servi durant plus de onze ans dans la marine (US Navy), il avait créé une entreprise dans les services Internet (Nexu Innovations) à Stow dans l'Ohio. 76 C'était « a 2014 Freightliner Cascadia truck-tractor in combination with a 53-foot semitrailer » (extrait de l'Executive Summary du rapport préliminaire du National Transportation Safety Board daté le 26 juillet 2016). La semi-remorque, sous laquelle est passée la Tesla, ne subit que très peu de dommages. 77 Le conducteur du camion (Frank Baressi) a déclaré que le conducteur de la Tesla regardait un film de Harry Potter au moment de l'accident. Le film passait encore sur l'écran après l'immobilisation de la voiture, selon F. Baressi. Mais la société Tesla a précisé qu'il était impossible de regarder un film sur l'écran embarqué de la voiture. 78 Dans un des commentaires ayant accompagné l'une de ses vidéos publiés sur YouTube, Joshua Brown, le propriétaire de la Tesla Model S, expliquait en effet : « A bigger danger at this stage of the development is getting someone too comfortable. You really do need to be paying attention at this point. This is early in the development and the human should be ready to intervene if [the Autopilot] can't do something. I talked in one of the other comments about the blind spots of the current hardware. There are some situations it doesn't do well in which is okay. It's not an autonomous car and they are learning HUGE amounts of data about the car doing the driving. I'm happy o help train it. I'm VERY curious what version 2 of the hardware will be like and what [it] will enable. ».
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Un autre accident, sans dommages autres que matériels, a eu lieu sur le périphérique de Pékin le 2 août 2016. Il confirme les dangers de l'Autopilot de Tesla. Dans ce cas une voiture est arrêt sur la partie arrêtée gauche d'une route à grande circulation. La tesla dépassa par la droite. L'Autopilot de la Tesla était alors enclenché. Mais la Tesla ne se déporta pas suffisamment à droite. Avec fracas, le flanc gauche de la Tesla glissa sur le flanc droit de la Santana arrêtée ; le conducteur arrêta manuellement sa Tesla un peu plus loin it sur la même file (file de gauche) de l'autoroute. Le conducteur chinois a précisé plus tard que lors de l'accident, il n'avait pas les mains sur le volant, et qu'il était occupé à son smartphone. Le conducteur a fait était valoir que sa Tesla lui avait été vendue comme un véhicule capable d'autonomie), et que la société Tesla dupait donc tous ses clients en Chine79.
La voiture Tesla Model S juste une fraction de seconde avant l'accident survenu en janvier 2016 dans la province du Hebei en Chine
(source : photographie extraite d'une vidéo prise dans la voiture et publiée par le média CCTV)
À Ratzeburg en Allemagne le 28 septembre 2016, une voiture Tesla Model S, après un dépassement tandis qu'elle revenait dans son couloir, a heurté l'arrière d'un autobus de tourisme du Danemark. Les circonstances précises ne sont pas connues. La voiture circulait en mode autonome avec l'Autopilot. Selon mode le magazine Der Spiegel, le rapport interne du ministère allemand, blâme plusieurs défauts de l'Autopilot , de la Tesla, notamment parce que le conducteur n'est pas prévenu par le système de pilotage automatique lorsque le véhicule se trouve dans une situation que le système ne peut résoudre, parce que les capteurs ne e détectent pas assez loin lors des dépassements, parce que le freinage automatique d'urgence ne fonctionne pas convenablement. La réception légale en Europe de la voiture Tesla Model S a été faite par les autorités des Pays e Pays-Bas. Ces accidents montrent que la route est encore longue pour obtenir une sécurité acceptable en toutes circonstances. On y note différentes causes : un algorithme trop évolué interprétant une situation (Google) ; une sur confiance des conducteurs notamment au niveau 2 et 3 qui lâchent le volant des mains et s'occupent à autre chose qu la supervision de la conduite ; que
Cet accident ressemble beaucoup à celui qui était survenu le 19 mai 2016 sur une autoroute de Suisse. Une Tesla Model S sous Autopilot avait percuté l'arrière d'une camionnette garée, comme la Santana ci-dessus, contre le bord gauche de l'autoroute. Cet dessus, accident n'avait causé que des dommages matériels à l'avant de la Tesla. Selon les déclarations du conducteur suisse : (1) l'ADAS contrôlant la croisière n'avait pas commandé un freinage, (2) le freinage automatique d'urgence ne s'était pas déclenché, (3) l'alarme prévenant de la collision imminente s'était déclenchée bien trop tard, (4) l'ADAS contrôlant la croisière avait augm augmenté la vitesse de la Tesla juste avant que son conducteur n'appui sur la pédale de frein. n'appuie
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une confusion dans l'esprit des conducteurs entre le niveau 2 et le niveau 3 ; un problème de fiabilité des équipements : les capteurs par exemple ; la conception logicielle ne prenant pas encore en compte tous les cas d'usage.
3.2. - Un premier retour d'expérience des expérimentations De nombreuses expérimentations ont été conduites dans le monde. Le retour expérience de ces expérimentations permet une première analyse en matière d'accidentologie (ce point est traité en annexe 6). 3.3. - Cohabitation véhicules automatisés et véhicules non automatisés Dans un premier temps, il y aura une phase de transition durant laquelle devront coexister véhicules autonomes et véhicules pilotés par l'humain. Une phase de transition qui ne sera pas sans danger car le véhicule 100 % autonome sera bien en peine de prédire tous les comportements parfois aléatoires, soudains et potentiellement dangereux des automobilistes. Les conducteurs de voitures conventionnelles sont affrontés avec des voitures qui réagissent différemment aux manoeuvres. Cela pourrait aboutir à des situations potentiellement dangereuses : par exemple, le contact d'oeil pendant une manoeuvre n'est pas possible, rendant plus difficile de prévoir la réaction de l'autre voiture. 3.4. - Le véhicule automatisé induira des comportements nouveaux, et des situations nouvelles D'après Stéphanie Bordel80, il y a plusieurs freins au développement des ADAS : l'image que s'en font les gens (le bon conducteur est celui qui garde la main / Le conducteur n'accepte de lâcher une partie de son pouvoir de conduire que s'il reçoit une bonne contrepartie). L'optimisme comparatif est aussi un sérieux obstacle. Un autre trait de l'être humain qui fait problème est l'homéostasie du risque. Ces points sont développés dans l'annexe 12. De nouveaux comportements défaillants pourraient apparaître. Certains ont déjà été constatés. Par exemple des vidéos de conducteur de TESLA, à 180 km/h qui changent de siège ont déjà été vues sur YouTube... lors de l'accident du 7 mai 2016 le conducteur de la Tesla était totalement occupé à autre chose et à une vitesse bien supérieure à la vitesse autorisée. Lors de sa thèse William Payre81 a été surpris par la première réaction du panel lors de sa première étude: « chouette on va pouvoir conduire bourrés » (52 % sont favorables pour l'utilisation de véhicules automatisés et 75 % en cas de condition physique dégradée ; après avoir essayé l'acceptabilité monte a 62 %.). Dans sa deuxième étude sur le temps de réponse pour la reprise en main du véhicule : ceux qui sont sur confiants et pas entraînés sont plus lents que ceux qui n'ont pas été entraînés. En outre, selon une récente étude sur le réseau autoroutier, 40 % des 25-35 ans envoient des SMS ou des mails en conduisant. Et plus de la moitié des conducteurs affirment passer des coups de fils au volant. La position des conducteurs dans la voiture, au niveau 4 par exemple, lorsqu'ils seront occupés à d'autres activités que la conduite peut être très dangereuse. En effet les dispositifs de sécurité, airbag, ceinture de
Docteur en psychologue au Cerema, Stéphanie Bordel a travaillé depuis vingt ans à ce sujet, en particulier dans le cadre du projet Archos sur les premières automatisations (régulateurs de vitesse, etc.), du projet SARI (Surveillance automatisée des routes pour l'information des conducteurs et gestionnaires) et du projet SCOOP@F (liaisons I2V). Elle est présidente du GIS-ITS (Groupe d'intérêt scientifique sur les systèmes de transport intelligents, associant notamment l'Université Rennes 1, l'Université Rennes 2 et l'Institut national des sciences appliquées de Rennes ou INSA de Rennes). 81 (2012 2015) trois études dont deux en collaboration avec le LEPSIS. Facteurs clés : acceptabilité/confiance/apprentissage.
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sécurité sont adaptées à une position face à la route. En cas de choc dans une position différente les traumatismes pourraient être bien plus importants. Le LBMC laboratoire de biomécanique des chocs de l'IFSTTAR (Bron) travaille sur l'impact des chocs sur le corps humain82. Il préconise : « quel que soit le niveau il faut exiger dans le code de la route, que l'on soit ceinturé et bien positionné (postures). ». Enfin dans un système de flottes de véhicules partagés, il est probable qu'il y ait plus de personnes dans chaque véhicule. Ce qui signifie potentiellement une aggravation du risque. De plus il devrait y avoir une augmentation de la circulation donc une augmentation de la fréquence et de l'occurrence du risque. 3.5. - La difficile question de la reprise en main du véhicule par le conducteur Dans certaines situations le véhicule alerte le conducteur et lui rend la main. Ces situations posent des problèmes inédits. Elles sont traitées à l'annexe 4. Le déploiement commercial des véhicules autonomes réclame de ne pas relâcher l'attention sur l'effort de prévention et de répression routières engagé depuis plusieurs années. Il faut que l'amélioration de sécurité qu'ils peuvent apporter soit très nettement supérieure en toutes circonstances aux nouveaux risques qu'ils engendreront. 4. - Les conducteurs devront être mieux formés et renseignés sur la conduite déléguée des véhicules autonomes 4.1. - Les conducteurs devront apprendre une nouvelle manière de conduire Les véhicules autonomes nécessiteront un apprentissage spécifique, car les automatismes réclament des aptitudes nouvelles. D'abord au niveau du maniement du véhicule et du déclenchement des automatismes pour contrôler la vitesse, la direction, la position. Ensuite pour la maîtrise des situations de circulation, en s'adaptant aux exigences concrètes. En troisième lieu au niveau du contexte social et des objectifs de la conduite automobile pour le conducteur. Enfin, au niveau du l'importance de la conduite automobile dans le projet de vie du conducteur83. La conduite est une tâche que chacun exécute à son rythme. Ce que le conducteur est disposé à faire (attitudes et motivations) est tout aussi important que ce que le conducteur doit faire (facteurs de performance)84. Dans un premier temps, les véhicules autonomes et les véhicules non autonomes cohabiteront. Les véhicules de haut de gamme (premium) sont déjà équipés de nombreuses aides à la conduite (ADAS). L'investissement pour acquérir des véhicules autonomes étant lourd, il est probable que peu de jeunes conducteurs soient amenés à en conduire si ce n'est dans le cadre familial. Les véhicules autonomes introduisent un double paradoxe. D'abord celui de l'aptitude : les conducteurs conduiront de moins en moins, et donc auront de moins en moins d'expérience et de compétences de conduite. Mais le véhicule demandera au conducteur de reprendre la main à des moments difficiles, voire dans l'urgence. Ensuite celui du confort relatif : les véhicules ne permettront pas de faire tout ce qu'on veut à tout stade de leur automatisation. Il faut rester à sa place, vigilant, et posséder sa pleine intégrité physique et psychologique jusqu'au niveau 4.
David Mitton laboratoire de biomécanique des chocs. Deux thématiques : le mouvement et le choc. Projet mondial sur les chocs sur corps humain. Dissiper l'énergie pour améliorer la protection. 83 Ces quatre aspects sont les piliers de la matrice GDE (Goals for Driver Education) qui a été conçue dans le cadre du projet GADGET (2002) de l'Union européenne et qui est utilisée pour l'apprentissage de la conduite dans de nombreux pays européens.(voir les détails en annexe x). 84 Recherches en psychologie de la circulation de Rothengatter (1997).
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4.2. - La formation et l'information sur la délégation de conduite devront être obligatoires Ce contexte et ses contraintes imposent une approche globale d'éducation à la sécurité routière. L'éducation à la sécurité routière (SR), au sens large, peut être définie par ses finalités85 : promouvoir la connaissance et la compréhension des règles et des conditions de la circulation ; améliorer les aptitudes par la formation et l'expérience ; stimuler ou modifier les attitudes par la prise de conscience des risques ; modifier les comportements tels que, par exemple, la conduite sous l'influence de l'alcool ou la pratique de vitesses trop élevées ; former les conducteurs, les diagnostiquer (détecter les personnes susceptibles de faire preuve d'un comportement dangereux) et accompagner la restauration de l'aptitude à conduire.
Elle s'adresse évidemment aux plus jeunes, mais l'éducation c'est aussi la capacité à comprendre, à faire et à se comporter ; elle est donc présente à toutes les étapes de changement dans la vie de l'usager. L'éducation routière permet d'adopter la conduite adaptée en tant qu'usager de la route, mais elle modifie aussi le rapport à la règle : elle permet d'appliquer la règle parce qu'elle est comprise, plus que parce qu'elle est crainte. En cela elle est aussi centrale pour l'acceptabilité et pour rendre chacun porteur du message de sécurité routière. Elle s'inscrit dans le temps long, ce qui la rend difficile à mettre en place, les objectifs de sécurité routière s'inscrivant souvent dans un terme proche. Mais elle permet d'ancrer les étapes de progrès dans la durée et d'éviter les retours en arrière par une évolution progressive des mentalités et de la compréhension des enjeux de la sécurité routière. Elle peut être présentée en quatre volets : le continuum éducatif au sein des établissements scolaires ; l'apprentissage de la conduite et la réhabilitation ; la prévention et la formation en milieu professionnel ; les actions de « prévention », et de communication. a) Il faut transmettre dès aujourd'hui les connaissances utiles sur les véhicules autonomes dans le continuum éducatif, de l'école primaire au lycée. Le continuum éducatif concerne 12 millions d'élèves et débute à l'école primaire puis s'achève, en principe, à la fin du lycée. Il débouche sur les catégories des 18/24 ans et des conducteurs novices dont les statistiques montrent l'importance en termes de sécurité routière. Il concerne les 50 000 écoles, de 5 000 collèges, et des 2 800 lycées. L'ensemble du continuum est mis en oeuvre au travers de plusieurs moyens et outils, à disposition des enseignants86, notamment des réseaux de relais dans chaque département et établissements, un portail
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Guide « suprême » de la Commission européenne (meilleures pratiques en matière de sécurité routière).
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Internet spécialisé, des partenariats avec la prévention routière, des simulateurs, des pistes routières animées par les forces de l'ordre. Enfin, l'enseignement supérieur regroupe 2 100 000 étudiants dans un millier d'établissements. Les établissements sont autonomes et fixent les programmes dans un cadrage national général des formations, notamment via leurs services de médecine préventive87. L'objectif général est de prévenir toutes les conduites addictives, dans le cadre de protection de la santé des étudiants. A ce stade, les jeunes ne sont plus des apprentis de la route mais majoritairement des usagers de la route. Le tableau suivant, issu du ministère français de l'éducation nationale, illustre ce point :
Source : Ministère de l'Éducation nationale
Intégrer une information relative aux véhicules automatisés au niveau du « continuum éducatif » du permis de conduire, des actions de prévention routière et de communication sur la sécurité routière est nécessaire dès aujourd'hui. b) L'apprentissage de la conduite Il est important que les apprentis-conducteurs apprennent non seulement à maîtriser leur véhicule et se familiarisent avec le code de la route, mais apprennent aussi à évaluer les risques et les facteurs d'augmentation du risque dans la circulation et à bien juger leurs propres aptitudes et limites. Ces aspects
L'arrêté du 1 juillet 2013 (compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation), prévoit dans leurs compétences communes, qu'ils doivent apporter leur contribution à la mise en oeuvre des éducations transversales (Agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques). 87 Services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé dans chaque université, les écoles ont une obligation de suivi sanitaire. Ceux qui n'ont pas de service conventionnent avec une autre école. Les établissements privés n'ont aucune obligation.
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sont reflétés dans la matrice GDE (Goals for Driver Education, objectifs pour la formation des conducteurs) qui a été conçue dans le cadre du projet GADGET de l'UE88. Une analyse de la tâche du conducteur et des accidents montre que des facultés psychomotrices et des fonctions physiologiques adéquates ne sont pas suffisantes pour rendre les performances du conducteur satisfaisantes et sûres. Cette affirmation fondamentale découle du fait avéré que la conduite est une tâche que chacun exécute à son rythme. Les recherches en psychologie de la circulation de Rothengatter (1997) ont mis en évidence l'importance non seulement des facteurs de performance (c'est-à-dire ce que le conducteur doit faire), mais aussi celle des attitudes et motivations (c'est-à-dire ce que le conducteur est disposé à faire).
Matrice GDE : Une approche hiérarchique de comportement du conducteur conçue en quatre niveaux décroissants. Niveau IV- Projets de vie et aptitudes à la vie - Importance de la voiture et de la conduite automobile sur le développement personnel ; - Capacités de maîtrise de soi. Niveau III- Objectifs de la conduite automobile et contexte social - Intention, environnement, contexte social, compagnie. Niveau II- Maîtrise des situations de circulation - Adaptation aux exigences de la situation concrète. Niveau I- Maniement du véhicule - Contrôle de la vitesse, direction et position. L'échec, de même que la réussite, aux niveaux les plus élevés (IV et III) affectent les exigences de compétences aux niveaux les plus bas (II et I). Nota : A la fin des années 2000 est apparu un 5 au-delà de l'individu.
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niveau « pressions sociétales économiques et politiques », qui va
Source : Commission européenne, projet GADGET
Le Laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) de l'IFSTTAR a publié trois rapports89 sur les résultats de ses études sur le comportement des véhicules automatisés et de leurs conducteurs, qui éclairent les critères de l'apprentissage. Voici le résumé fait par William Payre :
« Nous avons examiné la manière dont cette la manoeuvre de « reprise en mains » pourrait être apprise par des conducteurs, en testant l'effet de différentes formes d'entraînement sur la performance et la sécurité (temps de réponse et qualité de la reprise de contrôle). Nous avons mesuré l'acceptabilité et la confiance, les attitudes des conducteurs, les intentions d'utilisation du système de conduite complètement automatisée et l'impact de ces variables sur les comportements dans le véhicule. Trois études empiriques ont été réalisées. ». La deuxième étude montre que la reprise en main sans entraînement en cas d'urgence pouvait durer en moyenne (pour les 60 conducteurs de l'expérience) de 2 à 8 secondes. En cas d'anticipation (le système
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Guiding automobile drivers through guidance education and technology: Hatakka, Keskinen, Glad, Gregersen & Hernetkoski, 2002. 89 A) « Intention to use a fully automated car: Attitudes and a priori acceptability » (publié le 9 mai 2014) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac et Patricia Delhomme (Ifsttar). B) « Fully Automated Driving: Impact of Trust and Practice on Manual Control Recovery » (2005) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac et Patricia Delhomme (Ifsttar). C) « Conduite complètement automatisée : acceptabilité, confiance et apprentissage de la reprise de contrôle manuel », thèse de doctorat de William Payre pour l'obtention du grade de docteur en psychologie, présentée à Paris le 3 décembre 2015 (thèse préparée au LPC de l'Ifsttar).
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prévenant à l'avance de la nécessité de reprendre le contrôle de la voiture), le temps de reprise en main varie en moyenne entre 3,6 et 15,2 secondes pour la première reprise de contrôle, et en moyenne de 2,7 à 13,9 secondes pour la seconde reprise de contrôle. La reprise en main peut donc être très lente, la durée pouvant être nettement au-dessus du temps généralement considéré comme convenable (10 secondes). Elle se conclut par trois points clefs de leurs expériences sur le simulateur de conduite à Satory : il faut apprendre aux conducteurs à se servir convenablement d'un véhicule pleinement autonome (afin de réagir convenablement lors des reprises en main), un haut niveau de confiance peut augmenter le temps de reprise en main en cas d'urgence, un entraînement approprié peut atténuer les conséquences fâcheuses de l'excès de confiance sur les temps de reprise en main.
« Les objectifs de la troisième étude étaient d'approfondir les connaissances sur la manière d'apprendre à utiliser la conduite complètement automatisée, notamment pour reprendre le contrôle manuel, et d'examiner l'impact de la réalisation d'une tâche non reliée à la conduite sur cette manoeuvre en situation d'urgence. Les participants (N= 113, 49 % d'hommes) ont été répartis selon deux conditions d'entraînement (simple vs. élaboré), et selon qu'il y ait eu ou non réalisation de tâches non reliées à la conduite pendant le trajet. La condition entraînement simple consistait en une pratique succincte de la conduite complètement automatisée. La condition entraînement élaboré comprenait une partie théorique, une vidéo de démonstration, ainsi qu'une pratique comprenant davantage d'interactions avec le système de conduite complètement automatisée. Après avoir parcouru un trajet pendant une vingtaine de minutes, la confiance, l'acceptabilité, les attitudes et les intentions d'utilisation ont été mesurées. L'entraînement élaboré a amélioré la performance de reprise de contrôle manuel en situation d'urgence (temps de réponse plus courts et plus grande précision de l'utilisation des pédales). La réalisation d'une tâche non reliée à la conduite a allongé les temps de réponse, mais n'a pas eu d'effet sur la précision de l'utilisation des pédales. Enfin, l'entraînement élaboré a contribué à atténuer le phénomène de sur confiance dans le système90». Pour obtenir le permis de conduire, il ne semble pas nécessaire de former dès aujourd'hui tous les conducteurs à la conduite de véhicules autonomes. Mais l'utilisation des automatismes et le comportement des véhicules autonomes doivent faire l'objet de séances d'information. Un permis de conduire spécial ne semble pas nécessaire. Mais pour qui doit conduire un véhicule automatisé, des pré-requis sont indispensables. Ils pourraient prendre la forme d'une unité de valeur, faisant l'objet d'une évaluation certificative. Cette attestation serait obligatoire pour conduire un véhicule autonome de niveau 3 et plus. Elle serait basée sur l'acquisition par tout conducteur de quatre compétences minimales : connaître ce qu'il peut attendre d'un véhicule en mode autonome ou non ; maîtriser la manipulation des aides à la conduite (ADAS) et l'interface homme-machine ; connaître sa responsabilité qui découle de sa décision d'activer les automatismes, et connaître les risques associés ; Connaître le système de surveillance du comportement du conducteur ; Etre capable de reprendre en main le véhicule quand le cerveau informatique le demande, et être informé des procédures relatives aux trajectoires de sécurité.
Les résultats de ces trois études sont discutés. Les méthodes d'entraînement que nous avons développées pourraient servir à former les nouveaux utilisateurs de cette technologie. Le rôle du conducteur dans ce type de véhicule et la nature de la tâche de conduite sont questionnés. Le degré de supervision exercé sur le système deviendrait secondaire par rapport à la réalisation d'une autre tâche non reliée à la conduite. Enfin, les limites de nos études et les perspectives pour les recherches à venir dans le domaine sont examinées.
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Une durée de trois à quatre heures semble suffisante pour atteindre ces objectifs, avec un passage obligé par un outil de simulation pour la reprise en main. Une application de smartphone pourrait être développée pour assurer le suivi et l'actualisation des connaissances. Cette unité de valeur pourrait être délivrée par les écoles de conduite et les organismes de récupération de points. Les loueurs et les gestionnaires de flottes partagées devraient l'exiger au moment de la location91. Il faut en outre imposer aux concessionnaires, au moment du retrait de tout véhicule autonome après achat (voiture neuve ou d'occasion), d'assurer une formation à la prise en main reprenant au minimum les deux premières compétences de l'unité de valeur. En plus de la formation, les activités de prévention routière et de communication doivent comprendre dès aujourd'hui des informations et formations relatives aux automatismes. c) Prévention et formation en milieu professionnel Le poids des accidents liés au travail est considérable dans les statistiques de sécurité routière : en 2015, 483 personnes ont été tuées lors d'un déplacement lié au travail (18 % de la mortalité) : 359 personnes (10 %) lors d'un trajet domicile travail, 124 personnes (4 %) lors d'un trajet professionnel. Dans 38 % des accidents au moins un des usagers effectuait un trajet domicile travail ou un trajet professionnel. Les accidents de la route sont la première cause de mortalité professionnelle (environ 50 %). En conséquence agir sur des flottes de véhicules automatisés en milieu professionnel, pourrait avoir des conséquences positives sur la sécurité routière. Selon la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs salariés (CNAMTS92), Le risque routier professionnel représente : environ 10 % des accidents du travail ; environ 50 % des accidents mortels (c'est le premier risque d'accident mortel du travail) ; environ 30 % des accidents corporels.
Les études de l'INSEE montrent que la distance entre le lieu d'habitation et le lieu de travail s'accroît régulièrement (phénomène de rurbanisation). Lié à l'allongement des trajets, l'usage de la voiture (et du deux-roues motorisé) pour les déplacements domicile-travail n'a cessé d'augmenter ces dernières années. Cette évolution induit pour les salariés une augmentation mécanique de l'exposition au risque. L'insécurité routière pour le régime général en 2012, c'est plus de cinq millions de journées perdues, 76 jours d'incapacité temporaire moyenne (accidents en mission) et 68 jours (accidents en trajet), contre 59 jours en moyenne pour l'ensemble des accidents de travail hors route. Les coûts sont élevés : coûts directs estimés par la CNAM à 700 millions (prestation en nature, soins médicaux, indemnisation des victimes) et indirects (absence, remplacement, productivité...) à 2,1 milliards .
La prévention des risques professionnels a un important effet levier. D'abord, l'accidentalité de travail est à l'origine d'un nombre important de victimes impliquées. La route est très occupée par l'entreprise et les accidents de travail occasionnent un nombre de morts importants au-delà des seuls accidentés du travail. Ainsi, en 2010 sur les 3 992 morts recensés par l'ONISR, 1 571 (39 %) ont été tués dans un accident impliquant au moins un véhicule en mission ou trajet professionnels. Cette même année, on déplore 160 morts en mission dans des accidents de travail qui ont tué 800 personnes. Le levier de la baisse de l'accidentalité de travail et de trajet est fort : pour un décédé en accident routier de travail au sens strict (hors trajet), il y en a cinq au total. Pour les trajets domicile-
Les loueurs préfèrent une unité de valeur à une obligation de prise en main par leurs soins, qui irait à l'encontre d'un modèle économique de plus en plus dématérialisé. 92 La CNAM TS assure les accidents de travail et de trajet ainsi que les maladies professionnelles pour 18,3 millions de salariés du régime général. Sont pris en compte missions et trajets domicile, tous véhicules confondus.
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travail, le levier est moindre (facteur 1,5 : pour 476 décédés en accident de trajet, il y en a 762 au total). Toute action sur le milieu du travail est donc démultipliée. Ensuite les actions relatives au risque trajet ont des retombées en conduite de loisir. Le risque « trajet » fait en outre le lien entre la conduite en situation professionnelle et la conduite privée. C'est enfin un enjeu de mobilité durable qui associe les plans de déplacements urbains et les plans de déplacement en entreprise. Si les entreprises importantes ont mis en place des plans de prévention des risques routiers avec un certain succès, cette pratique vertueuse touche beaucoup moins la fonction publique et les petites entreprises. Il est regrettable que la fonction publique ne soit pas exemplaire en la matière, alors que le risque accident de trajet s'accroit avec la rurbanisation. Aucun ministère ne se sent véritablement en charge de cet aspect de la sécurité routière alors que le nombre d'accidents de trajet explose. L'arrivée des véhicules automatisés dans le milieu du travail et l'utilisation du milieu professionnel pour communiquer et former au sujet des véhicules autonomes, pourraient être des facteurs forts d'amélioration de la sécurité routière. d) Actions de prévention et communication
Au-delà du continuum éducatif au sein des établissements scolaires, de l'apprentissage de la conduite, de la prévention des risques routiers professionnels on trouve les différentes actions de prévention et la communication. Une réunion commune a eu lieu le 20 septembre 2016 entre WP 29 et WP 1 (ONU). Il est apparu que différents niveaux d'automatisation seront commercialisés à court terme, tous prévoyant une intervention humaine, donc une interface homme-machine. Pour les membres du WP 1, cela signifie nécessairement, qu'une information très détaillée du conducteur doit être envisagée, expliquant bien les rôles respectifs de l'humain et du système et aussi ce que l'humain doit être capable de faire rapidement et parfaitement bien, dès lors que le système lui demandera de reprendre la main totalement car il ne pourra plus assurer la sécurité (mauvaise visibilité, conditions météo très dégradées, mauvaise lisibilité de la route, etc...). Plusieurs membres du WP 1 ont exprimé leurs préoccupations quant à cette information du conducteur, voire à la formation complémentaire qu'il devrait suivre pour être habilité à conduire un véhicule équipé de ce système. Trois axes doivent être explorés et mis en oeuvre rapidement : Intégrer dès aujourd'hui dans les actions de prévention routière et de communication à la sécurité routière une information relative aux véhicules automatisés. Les manuels des véhicules doivent être améliorés et comporter ces nouvelles approches. La publicité pour les véhicules automatisés devrait être régulée, afin d'en donner une image conforme à la réalité, ne masquant pas les problèmes de sécurité.
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INSPECTION GENERALE DE L'ADMINISTRATION N° 16-040R
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT
ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE
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INSPECTION GENERALE DE L'ADMINISTRATION N° 16-040R
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE N° 010629-01
L'automatisation des véhicules Annexes cahier N°2
Etabli par Jean-François ROCCHI Inspecteur général de l'administration Philippe BODINO Chargé de mission à l'inspection générale de l'administration Hervé de TREGLODE Ingénieur général des mines Bernard FLURY-HERARD Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Frédéric RICARD Ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts
- Février 2017 -
L'automatisation des véhicules
SOMMAIRE
Annexe n° 9 : La cyber sécurité .................................................................................................................. 7 Annexe n° 10 : L'état de la recherche en France et dans le monde ........................................................ 17 Annexe n° 11 : Les poids lourds, les navettes, les bus autonomes.......................................................... 21 Annexe n° 12 : L'impact économique et social des véhicules autonomes. L'acceptabilité sociale ......... 32
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Annexe n° 9 : La cyber sécurité
1. 1.1. Les vulnérabilités informatiques des véhicules autonomes sont assurément importantes Une large surface d'attaque et des vulnérabilités importantes
La vulnérabilité des véhicules modernes est forte. Ce que les spécialistes qualifient de « surface d'attaque » ouvre des brèches dans lesquelles s'infiltrent les délinquants. Un véhicule automatisé et/ou connecté, présente une très large surface d'attaque informatique. En effet les technologies qu'il embarque au profit de systèmes « intelligents» sont très diverses et nombreuses. Les radars, lidars, caméras de plus en plus nombreux et nécessaires à l'automatisation fonctionnent sur la base de lignes de code informatique, et sont associés à des calculateurs (ECU : Electronic Control Unit). On trouve aujourd'hui plus de 80 calculateurs sur certains véhicules haut de gamme et leur nombre est élevé dans toutes les gammes. Ceux-ci agissent aussi sur les organes de fonctionnement classique du véhicule (moteur, freinage, gestion de l'habitacle, divertissement, localisation, direction, verrouillage centralisé, ouverture des portes et démarrage, téléphonie mains libres...). Ces calculateurs peuvent communiquer directement avec des bases à l'extérieur de la voiture. Ils sont installés en réseau par lequel transitent les données : le CAN (Controller Area Network), qui véhicule jusqu'à 60 millions de lignes de code et jusqu'à 20 Giga-octets d'échanges par heure. Ce réseau aboutit à la prise OBD (On Board Diagnostic). Celui qui s'y connecte y collecte toutes les données utiles pour réaliser les diagnostics et l'entretien des véhicules (garagistes). En outre, on trouve toutes les fonctions de GPS, et d'infotainment. Le véhicule communique aussi vers l'extérieur (plateformes, infrastructures, autres véhicules, fournisseurs, bases de données...) par diverses voies : la téléphonie, le Bluetooth, le wifi, d'autres fréquences. Enfin l'e-call sera obligatoire dès 2018 sur tous les véhicules. C'est donc un objet connecté qui présente une large surface d'attaque informatique en tous points, et dont la cybersécurité globale ne vaut que par son point le plus faible1. C'est en outre un objet particulier par son usage et le fait qu'il transporte des passagers. Selon l'ANSSI, la surface d'attaque est très importante, mais elle est cependant délimitée en petites parcelles technologiques de systèmes « propriétaires ». Cependant il existe des points de faiblesse qui peuvent concentrer les attaques : la prise OBD, le bus CAN qui canalise et mutualise les données. En outre, ce sont des « standards » qui font des ponts entre les parcelles, ce qui est un facteur aggravant. Une fois que l'on est sur le réseau, on peut tout faire et notamment upgrader ses propres fonctions d'administrateur. L'ANSSI classe les menaces en 4 catégories, par technicité croissante2. Atteinte à l'image : défiguration de sites, propagande. Le constructeur peut faire l'objet d'une attaque de ce type. Les acteurs n'ont pas besoin d'un grand niveau technique. Cybercriminalité : relative impunité de ceux qui conduisent les attaques (c'est le règne de l'anonymat).
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Exemple aux États Unis, chez les magasins Target, les données de 115 millions de clients ont été piratées via le prestataire de climatisation, dont le système est relié au « bus » central. Quand on a affaire à un « système de systèmes », c'est le point le plus faible qui compte. De nouveaux réseaux autonomes bas débit à faible consommation qui pourraient transmettre des informations simples du véhicule vers des bases arrière présentent aussi des possibilités de failles. SIGFOX et LORA (Internet Of Things) sont les plus connus qui pourraient venir sur le champ des véhicules autonomes. 2 Le classement de l'OCSTI est un peu différent : Sécurité (déni de service (DOS) / intimidation / terrorisme (tuer les occupants ou en faire une arme par destination vers une foule par exemple))... vie privée : connaissance de la façon de conduire / vol de données personnelles / écoutes téléphoniques / vidéosurveillance / localisation... autres (financiers) : vol / reprogrammation de clé / demande de rançon (le véhicule ne fonctionne plus) / manipulation du cours de bourse du constructeur.
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Espionnage. Sabotage. C'est ce que l'ANSSI craint le plus et où elle concentre les efforts. Il n'y a pas d'exemple pour le moment sur les véhicules. Mais, des cas dans le domaine de l'énergie (exemple de centrales nucléaires et de stockage de gaz) font penser que les véhicules seront impactés. Par exemple, attaque de centres de services ou de plateformes de supervision ou attaque du véhicule lui-même. Le problème est aussi la multiplicité d'acteurs, y compris ceux du monde du divertissement.
En termes de sensibilisation des écosystèmes, on remarque que le top management est en général convaincu, les RSSI aussi. La difficulté semble être avec le « middle management ». On y rencontre des problèmes culturels. Par exemple les gens issus des « automatismes » sont convaincus de la sûreté de fonctionnement de leurs systèmes, car ils ont élaboré une « logique » de fonctionnement, mais ils ne tiennent pas compte de la malveillance. Notons enfin un paradoxe pour ceux qui ne font pas de la mise à jour d'applications sensibles de peur d'ouvrir la porte à des virus ou de se rendre vulnérables. Cela conduit au fait que les systèmes les plus critiques sont les moins mis à jour. La télétransmission de mises à jour reste néanmoins une faille propice à la malveillance. La surface d'attaque est immense mais les pouvoirs publics font confiance aux constructeurs et au marché pour la sécuriser. Il faut cependant noter un bémol dans la phase intermédiaire. Les véhicules qui vont sortir en 2017 embarqueront déjà des fonctions connectées vulnérables par ce que pas encore suffisamment bien pensées au niveau cybersécurité. Voler un véhicule en simulant sa clé électronique, discréditer un constructeur en provoquant des dysfonctionnements, prendre le contrôle d'un véhicule pour effrayer son conducteur, créer des bouchons, tuer ses passagers, le précipiter sur une foule, etc. sont des menaces qui n'ont rien d'imaginaire. L'atteinte à l'image, la cybercriminalité, l'espionnage, le sabotage, vont assurément toucher les véhicules automatisés et leurs constructeurs. 1.2. Des cas d'atteinte à la cybersécurité sont déjà constatés
Le vol par « mouse jacking » (imitation des signaux émis par les clés) se développe en France et dans le monde3. Plusieurs démonstrations de prise de contrôle de véhicules ont été réalisées par des chercheurs ou des hackers parfois employés par les constructeurs dans le cadre de la recherche sur la sécurité. En outre, des attaques massives sur des sites conduisant au « déni de service » sont de plus en plus fréquentes. Elles pourraient toucher dans le futur des plateformes réservées aux véhicules automatisés. Enfin le vol de données personnelles est un problème sensible. Hausse du nombre d'affaires de vol sans effraction4
La sécurité des ouvertures de portes à distance de nombreux modèles de voitures serait particulièrement vulnérable. Des chercheurs en Allemagne et en Grande-Bretagne ont dévoilé une faille de sécurité qui concernerait environ 100 millions de véhicules dans le monde, rapporte la presse allemande. Une étude5 parvient à démontrer la très grande vulnérabilité des boîtiers qui commandent l'ouverture et la fermeture des véhicules, basés sur un système de code tournant (rolling code). Les chercheurs affirment que « pour la
Le taux de vols par mouse jacking serait de plus de 50 % selon la société « Traqueur». Depuis deux ans, le nombre de voitures volées est reparti à la hausse après 12 années de baisse (+2,3 % en 2015), soit plus de 110 000 véhicules volés l'an passé, un préjudice estimé à 1,2 milliards d'euros pour les compagnies d'assurance, rappelle 40 millions d'automobilistes. « Le mouse-jacking reste la pratique dominante avec 70 % des vols », commente Pierre Chasseray, délégué général de l'association. 5 Menée par Flavio Garcia, David Oswald et Pierre Pavlidès, chercheurs de l'Université de Birmingham, en collaboration avec Timo Kasper, de la société Kasper & Oswald GmbH spécialiste des questions de sécurité informatique.
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plupart des fermetures de porte, il existe des outils qui permettent de décoder la serrure pour créer une clé correspondante». En effet, les grands constructeurs automobiles, et notamment les véhicules fabriqués par Volkswagen depuis 1995, ne proposent qu'un faible nombre de combinaisons. Par ailleurs, selon les chercheurs, un pirate informatique qui aurait récupéré les algorithmes de chiffrement aurait simplement besoin d'intercepter un seul signal de la télécommande d'un véhicule pour reproduire le code de la clé de voiture. Des problèmes de sécurité du même type ont également été identifiés par les chercheurs chez d'autres constructeurs parmi lesquels les français Citroën (Nemo, Jumper), Peugeot (207 notamment) et Renault (Clio, Twingo, etc.), l'italien Fiat (Punto, Panda...), l'allemand Opel (Astra, Corsa, etc.), le japonais Nissan (Qashqai notamment), l'américain Ford (Ka) ou d'autres marques. Ainsi, selon les chercheurs, ces failles de sécurité expliquent le nombre grandissant d'affaires de vol sans effraction que les assureurs refusent de prendre en charge. Ces études se vérifient sur le terrain. Cela a été confirmé par l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale qui a présenté plusieurs cas à la mission, parmi lesquels le vol de soixante véhicules entre 2012 et 2015 au moyen d'une tablette modifiée qui se connecte au bus CAN. On peut aussi voir sur Youtube des publicités pour des outils informatiques frauduleux qui simulent la clé du véhicule pour s'en emparer, puis lorsque le véhicule est aux mains des voleurs, reproduire la clé électronique à partir de la prise OBD. Démonstration de piratage et de contrôle à distance par les chercheurs ou les hackers
À l'été 2015, deux chercheurs américains en informatique ont démontré qu'il était facile de prendre le contrôle d'une voiture « connectée » via des SMS. Charlie Miller et Chris Valase étaient parvenus à pirater à distance la Jeep Cherokee d'un journaliste du site spécialisé Wired. Ils avaient ainsi pu allumer la radio, faire fonctionner les essuie-glaces et couper le moteur. Ils étaient aussi parvenus à désactiver les freins. En 2016, des chercheurs chinois en cybersécurité6 ont révélé des failles de sécurité exploitables à distance sur une Tesla Model S. Dans une vidéo publiée sur leur blog, ils interagissent à distance avec le véhicule grâce à un ordinateur. Ils ouvrent les portes et le coffre, désactivent le panneau de bord, activent les clignotants et les essuie-glaces, sans être physiquement présents dans le véhicule. L'un des chercheurs, qui se trouve à plus de 15 km de là, déclenche les freins du véhicule alors que la Model S est en route, sans que les feux ne s'allument. Ils ont réussi à s'emparer du véhicule sans le moindre contact physique, mais « après plusieurs mois de recherche intense », selon eux. Le piratage visait l'un des systèmes internes de la Model S, le bus CAN, qui assure notamment la transmission des données entre ses différents composants électroniques. Sur leur blog, les chercheurs affirment avoir testé la procédure sur plusieurs versions de la Tesla Model S. Ils pensent « raisonnable de supposer que d'autres modèles construits par Tesla sont concernés par ces failles ». Ils ont depuis présenté leur découverte à l'entreprise américaine, qui, dans un communiqué, déclare avoir réglé le problème grâce à une mise à jour logicielle. Ce communiqué précise que si la faille existait bel et bien, elle était exploitable « uniquement quand le navigateur Internet du véhicule [situé sur le tableau de bord] se trouvait en cours d'utilisation ». De plus, Il était également nécessaire que la voiture soit connectée à un réseau Wifi non sécurisé, selon Tesla. « Toutes les démonstrations ont été réalisées sans contact et sans modification physique sur la voiture », explique la vidéo. Les prises de contrôle ont été réalisées sur deux modèles de Tesla S, la P85 (à l'arrêt) et la 75D (en mouvement). Cependant, les scientifiques affirment avoir testé les failles sur d'autres véhicules Tesla S avec succès. « Il est raisonnable de supposer que les autres modèles Tesla sont aussi concernés », précisent encore les chercheurs sur leur blog.
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Samuel LV, Sen Nie, Ling Liu et Wen Lu, du Keen Security Lab.
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Travailler avec les hackers
Les « menaces évoluent », avance Titus Melnyk chargé de la sécurité chez Fiat Chrysler Automobiles (FCA), qui vient de lancer un programme visant à encourager les hackers à informer le groupe des failles liées à la cybersécurité de ses voitures. Le constructeur des Jeep promet une prime pouvant aller jusqu'à 1 500 dollars par alerte. « On ne sait jamais. Cela peut être la base d'une attaque », défend M. Melnyk, insistant sur le fait que ce programme est « très sérieux ». En 2015, le constructeur Tesla avait été le premier à faire appel à des hackers après que certains d'entre eux aient révélé qu'ils pouvaient couper à distance le moteur d'une berline Model S en piratant son système multimédia. GM, qui dit recevoir et résoudre plusieurs alertes liées à de possibles cyber attaques par jour, gère un programme sur les vulnérabilités de ses voitures sur le site hackerone.com. Attaque conduisant au déni de service7
Le 22 septembre 2016, le blog de Brian Krebs, un chercheur reconnu en sécurité informatique, était rendu inaccessible par une attaque informatique. Le site a été visé par une attaque dite de « déni de service », qui consiste à saturer un site de connexions pour en bloquer l'accès ou faire tomber les serveurs qui lui permettent d'exister en ligne. La puissance d'une attaque de ce type se mesure en gigabits par seconde (Gbps) le volume de trafic envoyé vers le serveur du site. Celle-ci a été estimée à 620 Gbps, ce qui en fait l'une des plus importantes de l'histoire d'Internet8. Le site a été rendu totalement inaccessible, malgré le système de protection dont il bénéficiait9. Le même jour, l'hébergeur et fournisseur d'accès français OVH était victime d'une tentative de blocage massive une série de 26 attaques simultanées de plus de 100 Gbps. Ce qui rend ce type d'attaques difficiles à contrer, c'est qu'elles sont dites « distribuées » l'afflux de connexions ne provient pas d'une seule source, qui pourrait alors être bloquée aisément10. De nombreux spécialistes affirment depuis des années que « l'Internet des objets » représente une menace importante non pas à cause des objets en tant que tels, mais parce que de très nombreux modèles d'objets connectés vendus dans le commerce sont insuffisamment protégés et donc aisément piratables. Contrairement aux ordinateurs ou aux smartphones, ils ne bénéficient que rarement de mises à jour régulières et restent connectés en permanence à Internet ; ce qui en fait des cibles idéales pour des personnes cherchant à créer des botnets de grande envergure. Le 24 octobre 2016, ce sont les géants Facebook et Google qui ont vu leur activité perturbée pendant une journée par le même type d'attaque. Enfin, le vendredi 25 novembre 2016, sur les écrans des salariés de la Municipal Transportation Agency (MTA), chargée des transports en commun de San Francisco, le message suivant est apparu « Vous avez été piraté, toutes les données sont chiffrées. ». Même si ce piratage n'a pas perturbé la circulation des transports, il a permis aux usagers de voyager gratuitement le vendredi soir et le samedi, les portiques ayant été ouverts. Le procédé ressemble à un logiciel de racket (ransomware), qui consiste à chiffrer les
Selon l'entreprise Verisign, qui a récemment publié un rapport sur le sujet, elles auraient progressé de 85 % dans le monde entre la fin de 2014 et la fin de 2015. 8 Lorsque l'attaque dépasse la centaine de Gbps, il s'agit d'une attaque majeure les plus grandes attaques mesurées ces dernières années atteignaient 300 Gbps. 9 Mis en place par une filiale du géant d'Internet Akamaï, le site est revenu en ligne épisodiquement durant les deux jours suivants, avant qu'Akamaï ne jette l'éponge, expliquant qu'il pouvait protéger le site mais que cela aurait un coût près de 200 000 dollars à l'année une somme que M. Krebs ne pouvait pas payer. Google lui a alors proposé de fournir gracieusement son propre système de protection contre ce type d'attaque le site de M. Krebs est depuis normalement accessible. 10 Pour réaliser ces attaques, les assaillants ont le plus souvent recours à un botnet, un réseau de machines infectées qui participent toutes, à l'insu de leur propriétaire, à l'attaque. La particularité de cette attaque, qui atteint ces débits inédits, est qu'il s'agit d'un « botnet » non pas composé d'ordinateurs, mais de machines beaucoup plus simples et notamment de caméras de surveillance. M. Klaba explique que son entreprise a repéré 145 607 caméras qui semblaient faire partie du réseau.
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données présentes sur un ordinateur jusqu'à ce que la victime accepte de payer une rançon pour les déverrouiller. Le message qui s'est affiché sur les ordinateurs contenait ainsi une adresse courriel, qu'a contactée The Examiner (journal de San Francisco). Le pirate a répondu « Nous faisons ça pour l'argent, et rien d'autre », expliquant que le réseau de transports de San Francisco n'était pas directement visé. Selon lui, un salarié a téléchargé le logiciel malveillant, ce qui aurait suffi pour toucher l'ensemble du système. « Notre logiciel tente d'infecter tout ce qu'il trouve », a-t-il précisé, en réclamant 69 000 . Vol de données
Les nouvelles technologies embarquées exposent également les conducteurs à un vol potentiel de leurs données personnelles quand ils connectent leur téléphone intelligent. En effet, des données personnelles sont stockées ou transmises à travers les systèmes multimédias des véhicules, ce qui ouvre des opportunités pour les hackers. L'une des pistes, sur laquelle s'accordent les experts, pour contrer les pirates est un partage des informations entre acteurs du secteur. Par exemple aux États-Unis, les groupes automobiles et leurs équipementiers ont obtenu en 2015 du ministère américain de la Justice de pouvoir travailler ensemble sur le sujet sans risquer des accusations d'entente. Les « brouilleurs » : déjà aujourd'hui des véhicules utilisent des brouilleurs pour ne pas être repérés. (brouilleurs de leurs propres données et de données périmétriques)
On le voit les menaces sont nombreuses et diverses. Il n'existe pas de cartographie précise des menaces et de leur évaluation. Or, la cybersécurité est un point stratégique. 2. Les acteurs de la cybersécurité
L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) auprès du Premier ministre a la mission de faciliter la coordination des politiques pour la cybersécurité en France. Elle se donne pour rôle d'introduire des exigences de cybersécurité dans le dossier technique (exemple : ordonnance pour les expérimentations), de sensibiliser les constructeurs (référentiels, labellisation, qualification et agrément), de labelliser les systèmes et les composants (avec la difficulté du secret industriel), de bâtir des protocoles de tests... La DGEC du MEEM a en charge la réglementation technique liée aux véhicules, dont la cybersécurité, y compris à l'international (notamment au WP 2911). L'observatoire central des systèmes de transport intelligent de la gendarmerie nationale (OCTSI) fondé le 1er juillet 2015 a pour objectif de recueillir du terrain les données pertinentes, de les analyser, de suivre l'état de l'art et de proposer des évolutions en matière de sécurité routière (prévention des accidents) et de sûreté (prévention d'actes malveillants)12. C'est le seul observatoire de ce type en Europe. Les instituts de recherche : dans le cadre du plan NFI, l'Institut VeDeCOM pilote un groupe sur les aspects relatifs à la connectivité dont l'un des thèmes est : « permettre un contrôle à distance sécurisé et une exclusion d'un élément malveillant ». L'IRT SystemX13 fait de même sur les aspects relatifs à la sécurité avec pour thème : « assurer la cybersécurité du système véhicule autonome et connecté dans son environnement », mais les projets ne sont pas encore lancés. Très peu d'études ont été faites. Pour les constructeurs et les industriels, c'est un gros enjeu, mais pour le moment il y a peu de partage, au motif de sécurité industrielle et d'intelligence économique.
Forum d'harmonisation des règles pour les véhicules (ONU). Productions de l'OCSTI : guide pour les enquêteurs sur le mouse jacking/articles de sensibilisation sur le problème cyber/études et fiches/conférences/rapport au ministre/séminaire annuel/participation à la task force et au groupe inter administrations. 13 Il y a 8 IRT en France, issus des investissements d'avenir. C'est une nouvelle façon de faire travailler ensemble les industriels et les chercheurs, et d'essayer de sortir de la logique de subvention.
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Sur le cas plus spécifique des forces de l'ordre, la gendarmerie a beaucoup investi ce domaine parce qu'elle considère que le véhicule automatisé n'est pas un objet connecté comme les autres, mais aussi parce que c'est un domaine à grands enjeux14. Outre l'OCSTI, elle dispose du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale notamment du plateau d'investigations véhicules15, et de plusieurs départements de l'IRCGN16. La police a choisi une voie différente et n'est pas aussi présente dans ce dossier. Elle n'occupe pas pour le moment la place qui lui est réservée à l'OCSTI. Trois principes peuvent être retenus pour structurer le dispositif de lutte contre la cybercriminalité et de renforcer les processus : L'approche commune police-gendarmerie, en particulier par le partage des structures (OCSTI, plateau véhicules...), des outils (GENDIAG17) et des méthodes (fiches réflexe, guide d'enquête) ; La mise en réseau est essentielle : les services doivent participer au groupe inter administrations, tisser des partenariats avec des centres de recherche, échanger des stagiaires, développer des projets communs ; Le partenariat d'échanges avec des constructeurs est stratégique, notamment pour le développement technologique spécifique aux besoins des forces de police, l'identification des fragilités des véhicules volés et la réponse à apporter, récupération des données des Event data recorders (EDR), etc.
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Ce troisième point est fondamental aussi, pour l'ensemble des acteurs. En effet les pouvoirs publics comptent sur les constructeurs pour mettre en place des mesures efficaces de cybersécurité, car elles sont stratégiques pour eux. Il est donc essentiel que les constructeurs soient associés et s'associent à toutes les démarches relatives à cette thématique. La gendarmerie bâtit des partenariats avec les constructeurs : des conventions sont en cours avec Renault et PSA, qui organisent essentiellement des échanges d'informations. La coordination des acteurs est néanmoins balbutiante. Elle prend notamment la forme d'un tour de table ponctuel dans le groupe de travail inter administrations et la task force, mais n'est pas organisée en mode de projet. Les constructeurs ne sont pas encore assez ouverts et associés. Il n'y a pas de coordination spécifique à la thématique de Cybersécurité. Il y a une forte prise de conscience qui génère du foisonnement. Chacun construit donc ses propres réponses, parfois en partenariat bilatéral, mais la réponse globale n'est pas encore structurée. La cybersécurité concerne tous les véhicules, même ceux qui ne sont pas hautement automatisés. L'e-Call, obligatoire à partir de 2018, est un nouveau point d'entrée. Elle regarde tout autant d'autres moyens de transport : trains, bateaux... La coordination en matière de cybersécurité doit être élargie sur la base de ce périmètre étendu. Il est possible de prendre exemple sur ce a été fait pour la sécurité des cartes de paiement : la mise en place d'un « observatoire » qui a débouché sur des outils concrets comme « 3D secure ». Le dialogue est indispensable entre des acteurs qui peuvent collaborer en phase de pré-industrialisation, puis devenir
La lutte contre la criminalité numérique : 260 enquêteurs, 1 700 référents cyber, plus les brigades. Cette branche est a priori déjà surchargée. 15 Qui apporte un soutien aux enquêteurs afin de les aider à identifier un véhicule qui pourrait être volé ou à le localiser (40 % de ces saisines proviennent des unités de police nationale de la préfecture de police de Paris). 16 Véhicules (VHC) et informatique électronique (INL) qui apportent leurs expertises et le centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) qui assure une veille informatique pour suivre et réprimer la délinquance associée sur les réseaux et qui conduit des actions de recherche pour reproduire les attaques (hacking) et comprendre la capacité des hackers et leur niveau supposé. 17 GENDIAG est un projet commun qui a abouti à la réalisation d'un outil permettant d'identifier tous les calculateurs d'un véhicule en se branchant sur la prise OBD.
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concurrents ensuite (exemple des opérateurs téléphoniques et des banques). Une autre approche est de désigner un coordinateur thématique. 3. La réponse aux menaces
Une approche cadre a été proposée par l'ANSSI : Pour assurer la cybersécurité des véhicules connectés et automatisés, il faut rapidement tenir compte des considérations suivantes : le nombre des véhicules connectés augmentera de beaucoup durant la décennie à venir, même celui des véhicules connectés à bas coût, notamment en raison des équipements obligatoires à bord comme l'e-Call (appel d'urgence) ; la cybersécurité doit être prise en compte aussi tôt que possible en tant que domaine à traiter obligatoirement lors de la réception par type, en clarifiant et harmonisant les règles que doivent appliquer les constructeurs comme les équipementiers ; l'approche européenne envers la cybersécurité devra être fondée sur des règles tirées de la réglementation internationale préparée à Genève ; comme tout nouveau véhicule sera bientôt confronté au problème de la cybersécurité, il faudra introduire des dispositions envers la cybersécurité dans le règlement de la Commission économique pour l'Europe des Nations-Unies n° 10 (sur la compatibilité électromagnétique) ou n° 116 (sur la protection contre les usages non autorisés), ou bien bâtir une nouvelle réglementation internationale pour les catégories M (voyageurs) et N (marchandises) de ladite Commission économique ; les dispositions devront être fondées sur les normes existantes, notamment celles qui s'appliquent aux industries autres que l'industrie automobile ; les nouvelles dispositions de la réglementation automobile devront astreindre les constructeurs à installer des systèmes de cybersécurité qui devront être testés et validés avant toute mise en service ; il faudra répondre convenablement à la question des mises à jour par la technologie OTA (over the air) ou par des correctifs (patchs) de sécurité pour les voitures déjà en circulation.
Ainsi l'ANSSI a-t-elle été conduite à présenter les recommandations suivantes, rédigées avec la DGEC, et adressées au WP 29 : effectuer une analyse de risques, un audit de conformité et des tests d'intrusion avant toute mise en circulation d'un nouveau type de véhicule, cela pouvant constituer un nouveau chapitre dans le processus de réception (homologation) des véhicules ; adopter le principe de la sécurisation dès la conception pour les logiciels comme pour les matériels (composants, dispositifs, véhicule), cela permettant à l'ensemble des parties prenantes de mieux sécuriser les architectures et les réseaux en s'appuyant notamment sur la défense en profondeur (isolation des fonctions critiques), le filtrage des flux, le chiffrement des flux, etc. ; utiliser, s'ils existent, des composants labellisés (certifiés ou qualifiés par l'ANSSI18), par exemple pour les unités de commande électronique : ECU pour Electronic Control Units, TCU pour Telecommunication Control Unit, les passerelles (Gateways) qui isolent les fonctions sensibles) des véhicules ;
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L'ENISA est l'agence européenne de sécurité des systèmes d'information.
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assurer le maintien en condition de sécurité des véhicules via des mises à jour à distance dite OTA (Over The Air)19 ou par le biais de la prise OBD (On Bord Diagnostic), mais en prenant garde au fait que ces mises à jour multiplient les possibilités de compromission des systèmes et doivent donc être particulièrement maîtrisées ; garantir la sécurité opérationnelle (supervision, détection et gestion des incidents) pour déceler et prévenir les attaques informatiques, le suivi global de la sécurité et la réponse aux incidents de sécurité pouvant s'appuyer sur une adaptation du SOC (Security Operations Center) à l'univers automobile ; tracer et journaliser les événements informatiques en vue d'une analyse approfondie le cas échéant ; prévoir un mode dégradé ou manuel en cas de problèmes liés à la cybersécurité ; mettre en place une structure d'échange dédiée au secteur automobile sur les menaces et les réponses à apporter aux cyber attaques à l'instar de ce qui existe dans d'autres pays ou dans d'autres domaines en France, la constitution d'un CERT (Computer Emergency Response Team) dédié à l'univers automobile étant un gage d'efficacité ; introduire dans les corpus réglementaires et normatifs relatifs à l'automobile des exigences de cybersécurité ; adopter une approche holistique, intégrer l'infrastructure routière et les infrastructures de télécommunication dans le champ d'analyse.
Ces recommandations et les analyses de risques devront former un nouveau cadre pour l'approbation de la sécurité de tous les véhicules connectés. Selon l'ANSSI, la réception d'un véhicule devrait être subordonnée à un audit de conformité aux nouvelles règles de cybersécurité. C'est donc une approche réglementaire et normative20 que préconise l'ANSSI. Les règles techniques relatives aux véhicules sont établies au niveau international (ONU et commission européenne), notamment dans le cadre du WP 29 qui reste encore très orienté vers la protection des données. La réglementation technique n'impose pas aujourd'hui d'exigence relative à la cybersécurité. La parole de la France y est portée par la DGEC, qui a proposé les recommandations de l'ANSSI (citées plus haut) dans le groupe de travail ITS. Elles ne figurent pas toutes dans une contre-proposition concomitante germano-japonaise. Une difficulté subsiste : la France propose d'intégrer ces propositions dans la réglementation technique internationale, alors que les Allemands et Japonais veulent en faire de simples lignes directrices. Or, tous les véhicules neufs embarquent déjà des fonctions connectées insuffisamment bien conçues au regard de la cybersécurité. Le WP 29 n'a pas encore chargé l'un de ses groupes de travail
L'identification du véhicule est une difficulté selon systèmX. Il faut développer une base de données de certificats qui permettent de garantir « qui vous êtes ». Il faut expérimenter les problèmes d'authentification des entités qui communiquent (VtoV ; VtoI). Il faut générer des certificats (PKI : public key infrastructures) toutes les 10 minutes ou moins... En outre, on rencontre une difficulté culturelle : dans le monde IT ont fait une mise à jour dès que l'on trouve un trou de sécurité. Le monde du transport a pour culture d'attendre car il faut ré-homologuer. 20 L'approche normative est aussi une piste. Les normes ne sont pas toujours opposables, mais tous les constructeurs les respectent. De nombreuses normes concernent les équipements automobiles. Dans le domaine de la sécurité, l'ISO 26262 publiée en 2011 (« Véhicules routiers - Sécurité fonctionnelle») pour les systèmes de sécurité dans les véhicules routiers à moteur est largement reprise mondialement. Elle définit un cadre et un modèle d'application, ainsi que les activités, les méthodes à utiliser et les données de sortie attendues. Sa mise en oeuvre permettra de garantir la sécurité fonctionnelle des systèmes électrique/électronique dans les véhicules automobiles (c'est une adaptation de la norme CEI 61508 prenant en compte les spécificités de ce secteur). L'association SAE a publié un guide de recommandations en termes de cybersécurité début 2016 (SAE J3061).
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de proposer des évolutions réglementaires pour imposer le respect de règles de cybersécurité dans le processus d'homologation. Des lignes directrices pourront être utiles dans l'intervalle nécessaire à la production réglementaire. La position américaine, se rapproche de la position allemande. Elle est traduite dans les « guidelines » publiées par le ministère fédéral des transports le 19 septembre 201621. Le Parlement européen a adopté la directive NIS (Network and Information Security) le 6 juillet 2016. Cette directive est destinée à assurer un « niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d'information dans l'Union européenne ». Les « opérateurs de services essentiels » (dont le secteur des transports) et certains fournisseurs de services numériques seront soumis à des exigences de sécurité et de notification d'incidents de sécurité. L'Europe fixe un cap, mais ce sont les États membres de l'UE qui devront identifier les entités concernées par la directive, en déterminant quelles autorités nationales sont compétentes pour contrôler l'application de la directive, en adoptant une stratégie nationale de sécurité des réseaux et des systèmes d'information (identification des risques, prévention, gestion et réponse à incidents). Sans oublier que la sécurité des réseaux et des SI inclut la sécurité des données stockées, transmises et traitées. Chaque État membre devra désigner un ou des centres de réponse aux incidents de sécurité informatique (CSIRT), ou un centre de réponse aux urgences informatiques (CERT), pour alerter, suivre et analyser les incidents à l'échelon national. La transposition de la directive NIS entrée en vigueur le 19 juillet 2016, doit intervenir au plus tard le 9 mai 2018. La France s'est déjà lancée (elle est en avance sur ce sujet : elle a fortement inspiré la directive, avec les allemands, et a été désignée pilote pour la transposition). Un dispositif déjà en place22 permet d'appliquer certaines mesures aux OIV (249 opérateurs d'importance vitale, sur une liste classifiée). Le dispositif de transposition de la directive NIS, en cours d'élaboration, s'en inspire et sera formalisé en 2017. Les premiers arrêtés encadrant la sécurité des OIV ont été publiés. Le Journal Officiel vient de publier 3 arrêtés applicables au 1er octobre 2016 fixant « les règles de sécurité et les modalités de déclaration des systèmes d'information d'importance vitale et des incidents de sécurité » pour le secteur des transports (terrestre, maritime et fluvial, aérien)23. L'arrêté précise les modalités de déclaration des systèmes d'information d'importance vitale (SIIV), de déclaration des incidents de sécurité, de désignation de la personne représentant l'opérateur auprès de l'ANSSI. Les règles de sécurité24 font l'objet d'une annexe
Synthèse et traduction : « Ce domaine est un domaine en évolution et plus de recherches sont nécessaires avant de proposer une norme réglementaire. Il faut donc dans un premier temps, développer des produits robustes intégrant les menaces de cybersécurité, inclure systématiquement l'évaluation du risque. La sécurité doit être globale et par conception et le système doit être apprenant. Les constructeurs sont encouragés à concevoir leurs systèmes après avoir étudié les meilleures pratiques, notamment en prenant appui sur les principes publiés par l'institut national pour les normes et pour la technologie, la NHTSA, le SAE, l'alliance de fabricants automobiles... Le processus entier doit être documenté (les actions de changement, les choix de conception, les analyses doivent être tracées...). Le partage industriel est important. C'est le but du centre auto-ISAC : l'apprentissage de groupe. À cette fin, les entités (principalement les constructeurs) devraient rapporter toutes les fragilités, les découvertes d'incidents de terrain, les tests internes, ou la recherche de sécurité externe à auto-ISAC dès que possible indépendamment de leur adhésion au centre. Ces entités devraient envisager d'adopter une politique de révélation de vulnérabilité. ». 22 Article 22 de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013, puis décret n° 2015-351 du 27 mars 2015 relatif à la sécurité des systèmes d'information des opérateurs d'importance vitale. 23 Les règles ont été définies par 18 groupes de travail représentant 12 secteurs dont les transports, puis par le dialogue entre l'OIV concerné et l'ANSSI. Fruit de ces échanges, les arrêtés fixent donc un ensemble de règles strictes en matière de sécurité pour les OIV sur les systèmes d'information d'importance vitale (SIIV) identifiés comme tels, qui devront être homologués à travers un dossier et un audit. Cet audit porte sur l'architecture, la configuration, l'organisationnel et les tests d'intrusion. Il est réalisé par un prestataire qualifié par l'ANSSI ou en interne. 24 Il s'agit des règles de politique de sécurité des systèmes d'information, homologation de sécurité, cartographie des systèmes d'information, maintien en condition de sécurité, journalisation, corrélation et analyse des journaux, détection, traitement des incidents de sécurité, traitement des alertes, gestion des crises, identification, authentification, droit d'accès, comptes
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précise et exigeante. Ces règles sont contraignantes et devraient peser entre 5 et 10 % du budget de la DSI de tout OIV, selon l'ANSSI. La philosophie de la loi de programmation militaire repose sur une assiette réduite d'opérateurs avec une exigence forte, sur la base du concept de sécurité nationale et de la notion d'opérateur d'importance vitale. La philosophie de la NIS pourrait s'appuyer sur une assiette plus large avec des exigences moins fortes, sur la base du concept de continuité du marché et de la notion d'opérateur essentiel. En France, les opérateurs d'importance vitale sont déjà listés, les opérateurs essentiels doivent l'être. Dans l'intervalle qui nous sépare de la date limite de transposition, il peut être utile d'analyser dans quelle mesure cette directive pourrait être applicable à la problématique de la cybersécurité des véhicules autonomes. En outre, la NIS concerne des opérateurs mais pas leurs objets, et donc en l'occurrence pas les véhicules, ni les données (qui sont du domaine de la CNIL). Cependant les règles de la NIS pourraient être appliquées aux futures plateformes de supervision, et aux réseaux de collecte et de transfert de données (vers e-call, assureurs, assisteurs, constructeurs). Une structure d'échange et de partage des alertes, des incidents de sécurité, de leur analyse et de leur traitement est en outre nécessaire, comme c'est déjà le cas aux États-Unis (autoISAC). Les outils mis en place par la NIS, notamment un CERT (Computer Emergency Response Team) spécifique aux véhicules connectés ou autonomes, pourraient être une solution. Ce CERT ne devrait pas être limité aux seuls constructeurs, afin de continuer à permettre les remontées d'incidents pour la connaissance de l'état de la menace. Il pourrait s'imbriquer dans l'architecture du CERT racine, aujourd'hui confié à l'ANSSI.
d'administration, systèmes d'information d'administration, cloisonnement, filtrage, accès à distance, installation de services et d'équipements, indicateurs.
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Annexe n° 10 : L'état de la recherche en France et dans le monde
Les développements sur les voitures autonomes sont les plus nombreux. Ils sont particulièrement intenses en Chine (depuis peu), en Corée du Sud, aux États-Unis, en Europe (Allemagne, Espagne, France, RoyaumeUni, Suède, etc.) et au Japon. Il y en a aussi dans d'autres pays, comme en Australie, et à Singapour. Partout, ils s'appuient sur des essais (sur route fermée), des expérimentations (sur route ouverte à d'autres circulations) et des simulations numériques. Les recherches portent surtout sur les capteurs et l'intelligence artificielle. Pour tous, les trois problèmes les plus difficiles à dénouer concernent : (1) la reprise en main, (2) la mise en trajectoire de sécurité et (3) la compréhension des comportements humains alentour. Les recherches sur l'adaptation nécessaire des routes (niveau de maintenance, etc.) sont moins nombreuses, sauf pour les connexions I2V. La raison en est que l'industrie s'efforce de mettre au point, dans la mesure du possible, des systèmes qui soient capables de circuler partout, qu'il y ait une bonne signalisation routière (marquages au sol, etc.) ou non. La recherche s'intensifie autour des enjeux du développement du véhicule autonome. Les travaux portent sur les capteurs, sur la cartographie numérique, sur l'interface entre le conducteur/passager et le véhicule, et sur les aménagements de l'infrastructure (y compris la connectivité). Il s'y ajoute les travaux portant sur la sécurité des systèmes (lutte contre la cyberdélinquance). Bien entendu, les recherches consacrées à l'intelligence artificielle (notamment sur le « deep learning », ou processus d'apprentissage de l'intelligence artificielle) profitent au véhicule autonome. I. En France
L'effort de recherche est partagé entre le secteur public et le secteur privé (en réalité, des passerelles ont été établies grâce à la NFI ou dans le cadre des Investissements d'avenir. Les principaux instituts engagés dans ces travaux sont, comme décrit dans le rapport au § 1.2.4., l'IFSTTAR, le CEREMA, l'INRIA, l'IRT SystemX, et VeDeCom. · L'IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux, établissement public à caractère scientifique et technologique) L'IFSTTAR est particulièrement présent sans les recherches sur le comportement. Son Laboratoire de psychologie des comportements et des mobilités (LPC) de l'IFSTTAR a publié un rapport important sur le comportement des véhicules automatisés et de leurs conducteurs : « Intention to use a fully automated car : Attitudes and a priori acceptability » (publié le 9 mai 2014) de William Payre (Institut Vedecom), Julien Cestac (IFSTTAR) et Patricia Delhomme (IFSTTAR). La Mission CGEDD-IGA a été particulièrement intéressée par les résultats. Les trois auteurs ont montré que la reprise en main sans entraînement en cas d'urgence pouvait durer en moyenne de 2 à 8 secondes. En cas d'anticipation, le système prévenant alors à l'avance de la nécessité de reprendre le contrôle de la voiture, le temps de reprise en main varie en moyenne entre 3,6 et 15,2 secondes pour la première reprise de contrôle, et en moyenne de 2,7 à 13,9 secondes pour la seconde reprise de contrôle. La reprise en main peut donc être nettement au-dessus du temps généralement considéré comme convenable, à savoir 10 secondes. Les auteurs ont conclu par trois points clefs : il faut apprendre aux conducteurs à se servir convenablement d'un véhicule pleinement autonome (afin de réagir convenablement lors des reprises en main), un haut niveau de confiance peut paradoxalement augmenter le temps de reprise en main en cas d'urgence,
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un entraînement approprié peut atténuer les conséquences fâcheuses de l'excès de confiance sur les temps de reprise en main.
· Le CEREMA (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, établissement public administratif) Le CEREMA est particulièrement impliqué dans les expertises sur les infrastructures, l'aide à la conduite, la signalisation. Il a travaillé sur les aspects psychologiques (développés dans l'annexe n° X sur l'acceptabilité sociale). L'INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique, établissement public à caractère scientifique et technologique) est un acteur clé dans le domaine de l'intelligence artificielle, et intervient comme partenaire dans des projets de véhicules de niveau 5. System X (Institut de recherche technologique issu du programme des investissements d'avenir) :
Fort de 82 chercheurs et 34 doctorants, assisté par de nombreux partenaires (61 industriels et 14 établissements académiques), l'institut de recherche technologique (IRT) SystemX, fondé en 2012, est chargé25 de la sécurité au titre du plan sur les véhicules autonomes de la Nouvelle France Industrielle (NFI). Sa mission porte sur la sécurité des véhicules automatisés entendue comme (1) la sûreté de fonctionnement et (2) la cybersécurité. Ses objectifs sont : de « recommander les méthodes et les outils pour l'aide à la conception et la validation du VA [véhicule autonome] », et à ce dessein, de « proposer les méthodes et les outils afin de démontrer l'atteinte des objectifs de sûreté de fonctionnement », et de « recommander, proposer et partager des modèles et des formats permettant la construction d'une bibliothèque de cas tests », d'« analyser la vulnérabilité Cyber du véhicule particulier », de « coordonner et mettre à jour la feuille de route technologique « Sécurité et Sûreté de fonctionnement ».
VeDeCom (institut pour la transition énergétique, issu du programme des investissements d'avenir) fédère la presque totalité des organismes français travaillant aux recherches précompétitives en matière de véhicule autonome. C'est, avec SystemX, l'organisme le plus important aujourd'hui en France, hors les centres de recherche de l'industrie automobile. Les véhicules connectés et autonomes constituent le second de ses trois domaines d'étude, à côté de l'électrification des véhicules et du thème « Mobilité et énergie partagées ». Quatre grands sujets de recherches structurent le domaine « Délégation de conduite et connectivité » : véhicule à conduite déléguée, robustesse des architectures et des systèmes, nouvelles communications sécurisées et sécurité coopérative, évaluation des impacts sociétaux et acceptabilité de la conduite déléguée.
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SystemX travaille à d'autres recherches que celles relatives aux véhicules automatisés.
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II.
En Europe, l'Union européenne coordonne des travaux de plus en plus importants
Il y a d'assez nombreux projets de recherche et développement coordonnés par l'Union européenne. Les auteurs du rapport « European Roadmap Smart Systems for Automated Driving » (Jadranka Dokic, Beate Müller et Gereon Meyer), rapport publié à Berlin le 1er avril 2015 dans le cadre de l'European Technology Platform on Smart Systems Integration (EpoSS), ont résumé dans le graphique ci-dessous les programmes européens portant d'une manière ou d'une autre sur le véhicule autonome. Les flèches rouges ont trait aux programmes achevés, et les vertes aux programmes en cours en 2015.
Source : Commission européenne
Dans le cadre de Horizon 2020 et de son programme de travail pour 2016 et 2017 (« Smart, green and integrated transport »), la Commission européenne a publié et publiera des appels à projets comme indiqué dans le tableau ci-dessous (cf. décision de la Commission européenne C(2016) 4614 du 25 juillet 2016) : Les appels sont les suivants : ART-02-2016 pour « Automation pilots for passenger cars », ART-04-2016 pour « Safety and end-user acceptance aspects of roaf automation in the transition period », ART-05-2016 pour « Road infrastructure to support the transition to automation and the coexistence of conventional and automated vehicles on the same network »,
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ART-06-2016 pour « Coordination of activities in support of road automation », ART-01-2017 pour « ICT infrastructure to enable the transition towards road transport automation », ART-03-2017 pour « Multi-Brand platooning in real trafic conditions », ART-07-2017 pour « Full-scale demonstration of urban road transport automation ».
Par ailleurs, la recherche privée, chez les constructeurs et équipementiers notamment, est très importante. Le rapport précité du cabinet Strategy& relève que Bosch emploie 14 000 ingénieurs dans le domaine du software... III. Ailleurs qu'en Europe, l'effort est impressionnant
1. Aux États-Unis, des programmes colossaux ont été lancés par les acteurs de l'internet (Google en tête), ainsi que par les constructeurs traditionnels. Google a consacré des moyens importants au programme de développement de véhicules de niveau 5. À la fin octobre 2016, les véhicules en test ont accompli un trajet de 3,5 millions de kilomètres (ou 2,2 millions de miles). TESLA est également très en pointe, et des entreprises qui viennent au départ du monde du numérique, comme Nvidia, sont aussi très impliqués dans des travaux de recherche et de simulation. 2. En Asie, la Chine, la Corée du Sud et le japon soutiennent des efforts de recherche tout-à-fait significatifs. L'effort est particulièrement soutenu en Chine, avec l'appui total du gouvernement (voir le rapport de Strategy&, page 43). Les entreprises comme BAIDU visent des objectifs très ambitieux (pour BAIDU, rien moins que de dépasser les Américains), et consacrent des moyens très larges à la recherche. BAIDU a, par exemple, numérisé 6,7 millions de kilomètres de routes en Chine26.
Center for Technology innovation, at Brookings : « moving forward : self-driving vehicles in China, Europe,Japan, Korea, and the United States », septembre 2016
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Annexe n° 11 : Les poids lourds, les navettes, les bus autonomes
Il y a bien des recherches faites sur les autocars et autobus, comme celles menées par l'entreprise Yutong en Chine ou celle de la Land Transport Authority à Singapour. En France, la RATP a aussi engagé des études, en commençant par les déplacements des autobus dans les centres bus (dépôts et ateliers dans la terminologie de la RATP). Mais la plupart se concentrent pour le moment sur les navettes de petite taille, de dix ou quinze places. Un peu partout dans le monde, des expérimentations sur routes ouvertes se déroulent ou se préparent, notamment avec les deux sociétés françaises Navya et EasyMile (Australie, France, États-Unis, Inde, Suisse, etc.), mais aussi avec d'autres sociétés : Local Motors d'Arizona, Hi-Tech Robotic Systemz d'Inde, Kamaz (avec Yandex) de Russie, etc. Les poids lourds Les recherches qui regardent les camions autonomes, dont les premières remontent à plusieurs décennies en Europe comme aux États-Unis, ont déjà abouti à des réalisations industrielles. Ainsi la société minière Rio Tinto a-t-elle constitué une flotte de lourds camions (pouvant transporter 320 tonnes) sans conducteur dans ses mines à ciel ouvert d'Australie-Occidentale ; elle a passé contrat avec Komatsu pour acheter au total 150 camions autonomes. La circulation en peloton de poids lourds a été l'objet d'études avancées aux États-Unis (mise au point de la technologie Driver Assistive Truck Platooning ou DATP) comme en Europe (étude de la société néerlandaise TNO de février 2015, qui fait référence). L'IFSTTAR a lui aussi mené des études encourageantes. Dans les projets étudiés ou les expérimentations menées, les camions derrière le véhicule de tête peuvent rouler avec ou sans conducteur. Dans tous les cas, les avantages sont importants au regard de la consommation de carburant (peut-être 15 % de moins), de la sécurité routière, du confort des conducteurs en arrière, des frais de personnel si les conducteurs derrière le camion de tête sont considérés comme ne travaillant pas, ou bien sûr s'il n'y a pas de conducteurs en arrière. Il est regrettable que la France n'ait pas participé à la grande expérimentation d'avril 2016 appelée European Truck Platooning Challenge ; lorsqu'une douzaine de camions de DAF Trucks, Daimler Trucks, Iveco, MAN Truck & Bus, Scania et Volvo Group, avait alors convergé à Rotterdam en traversant cinq pays d'Europe (Allemagne, Belgique, Danemark, Pays-Bas et Suède). Les navettes et bus 1. Deux sociétés françaises se distinguent dans le monde pour la fabrication de navettes (ou minibus) autonomes : EasyMile (implantée à Toulouse) et Navya (implantée à Paris et Lyon, employant une cinquantaine de personnes, accompagnée par le fonds d'investissement Robolution Capital). 2. Dès 2009, après une dizaine d'années de recherche et développement, dans le cadre d'IMARA (« informatique, mathématiques et automatique pour la route automatisée »), l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) a testé dans plusieurs villes d'Europe son véhicule autonome CyCab, petite voiture à deux places. Ces essais se sont faits dans le cadre du projet européen CityMobil, dont le but était de développer des moyens intelligents de transport en commun. Le CyCab a été testé en particulier à Vantaa (Finlande) en octobre 2009. Le développement du CyCab a été poursuivi ensuite par la société Robosoft.
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Deux CyCab de l'Inria
(source : Inria)
3. Le projet européen de recherches CityMobil2 regarde le développement de navettes et autobus autonomes. Fort d'un budget de 15 millions d'euros (les deux tiers provenant de l'Union européenne), exécuté sur la période 2012-2016, ce programme permettra des démonstrations et expositions de petits autobus dans dix villes d'Europe : León (Espagne, expérimentation à grande échelle), Bordeaux (France, exposition), Varsovie (Pologne, exposition), Oristano (Italie, expérimentation à petite échelle), Vantaa (Finlande, expérimentation à petite échelle avec navettes EZ10 d'EasyMile à l'été de 2015), San Sebastian (Espagne, expérimentation à petite échelle), Sophia Antipolis (France, expérimentation à petite échelle avec navettes d'EasyMile), La Rochelle (France, expérimentation à grande échelle avec navettes d'EasyMile27), Lausanne (Suisse, avec navettes d'EasyMile) et Trikala (Grèce, expérimentation à grande échelle avec navettes de Robosoft). Les deux constructeurs retenus à l'origine étaient français : EasyMile et Robosoft (actionnaire avec Ligier d'EasyMile). Par la suite, seule la société EasyMile continuera le développement. Sa navette, qui s'appelle EZ10, longue d'environ quatre mètres, n'a ni volant ni pédale, peut prendre douze voyageurs, est accessible aux personnes à mobilité réduite, est équipée d'un moteur électrique (batterie lithium-ion permettant une autonomie de 14 heures), se déplace normalement à la vitesse maximale de 20 ou 25 km/h, coûte aujourd'hui environ 200 000 euros, a déjà participé à cinq expérimentations. 4. Le projet City Automated Transport System (CATS) s'est inscrit dans le 7e programme-cadre de l'Union européenne. Il a duré de 2010 à 2014. Il portait sur la faisabilité et l'acceptabilité de véhicules électriques sans conducteur dans les villes d'Europe. Des essais ont eu lieu à Strasbourg (France), Ploiesti (Roumanie) et Lausanne (Suisse), avec des véhicules de la société Navya. Les conclusions ont été reprises notamment dans l'article « Pioneering driverless electric vehicles in Europe : the City Automated Transport System (CATS) » de Derek Christie, Anne Koymans, Thierry Chanard, Jean-Marc Lasgouttes et Vincent Kaufmann, publié en 2016 dans Transportation Research Procedia (volume 13, 2016). 5. Hors du programme CityMobil2, le projet WEpod a été préparé par la province de Gelderland aux Pays-Bas pour un service à l'université et centre de recherche Wageningen. Les navettes sont d'EasyMile. Le projet se poursuivra avec l'établissement d'une liaison entre cette université et la gare ferroviaire d'EdeWageningen. 6. Hors du programme CityMobil2, la société française Navya a vendu deux navettes appelées ARMA à la société CarPostal, entreprise publique de transport collectif en Suisse, pour une expérimentation dans les rues ouvertes (avec feux de signalisation) de la ville de Sion. La navette ARMA à moteur électrique, longue de 4,75 mètres, peut prendre quinze voyageurs et coûte environ 200 000 euros. La circulation des navettes
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Sans volant ni pédales, les navettes ont circulé à la vitesse maximale de 7,5 km/h sur une distance d'un kilomètre et demi. Les algorithmes de guidage avaient été préparés par Robosoft. Les navettes étaient équipées de radars à l'avant (détectant tout objet à moins de 30 mètres), d'un lidar et d'un GPS différentiel (permettant une localisation centimétrique).
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sera gérée par la nouvelle société BestMile, fondée par des jeunes ingénieurs de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (ÉPFL). Chaque navette ARMA, mue par un moteur électrique, pourra prendre neuf voyageurs et circulera à la vitesse maximale de 20 km/h ; pour agir en cas de problème, un opérateur est toujours présent à bord. 7. La société Navya a vendu six navettes ARMA à ÉDF pour sa centrale nucléaire de Civaux (Vienne). Circulant à la cadence d'un passage toutes les trois minutes sur un parcours de 2,8 kilomètres, gérées par Transdev, elles remplacent les bus à moteur thermique pour le transport des personnels sur le site de la centrale selon une cadence (souvent trop lente) d'un passage toutes les quinze minutes. En juillet 2016, les navettes devaient commencer à circuler sans opérateur à bord, les circulations étant suivies à distance par Navya dans son centre opérationnel à Lyon ; toutefois, cette phase a été repoussée. Les navettes transportent entre sept cents et mille personnes par jour. Pour la société ÉDF, les avantages sont de quatre ordres : transport écologique (sans émission de dioxyde de carbone), meilleur service de transport (cadence plus haute), vitrine technologique (véhicules tous autonomes et électriques), bonne rentabilité économique de l'investissement (absence de conducteurs).
Navette ARMA de la société Navya dans la centrale de Civaux (Vienne) en avril 2016
(source : Navya)
8.
La société Navya exécute et prépare deux expérimentations importantes à Lyon et à Paris
Il s'agit d'abord, à Lyon, de circulations expérimentales (avant de devenir commerciales) entre l'arrêt de tramway T1 Hôtel de région-Montrochet et la pointe sud du quartier Confluence (près de l'immeuble de GL Events). Il y a trois arrêts intermédiaires. Les cinq stations s'appellent Charlemagne, Passerelle, Salins, Sucrière et Magellan. La distance entre les deux terminus est de 1,3 kilomètre. Accessible à tous, le transport expérimental est opéré par Navya et Keolis, avec le soutien de la métropole de Lyon, du SYTRAL et de l'ADEME. Il durera un an. Assuré par deux navettes ARMA (qui peuvent transporter jusqu'à quinze personnes, dont onze assises), commencé le 2 septembre 2016, appelé NAVLY, le service de transport, qui est gratuit, est ouvert de 7 h 30 à 19 h du lundi au vendredi, avec une fréquence comprise entre 10 et 20 minutes. La vitesse maximale est de 25 km/h ; en réalité, elle sera entre 10 et 15 km/h durant les premières semaines au moins. Conformément à l'autorisation de l'expérimentation, un agent est présent à bord pour s'assurer du bon fonctionnement de chaque navette autonome, et les voyageurs doivent s'inscrire sur un registre en montant.
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Les navettes de Navya à Lyon en septembre 2016
(source : Navya-Keolis)
Les dessertes des deux navettes de Navya à Lyon
(source : Navya-Keolis)
Il s'agit d'autre part de circulations expérimentales puis commerciales à Paris28, selon un projet préparé avec la mairie de Paris, la RATP et Setec pour une liaison entre la gare de Lyon et la gare d'Austerlitz par le
L'adjoint à la maire de Paris en charge de l'urbanisme, de l'architecture, des projets du Grand Paris, du développement économique et de l'attractivité, Jean-Louis Missika, s'est montré enthousiaste sur les véhicules autonomes dans l'article qu'il a fait publier (sous le titre « Il est temps d'investir dans le transport autonome à Paris ») dans Les Échos le 18 octobre 2016 : « Pour réussir le pari du transport collectif autonome, nous avons besoin d'une vision partagée qui pense le court et le long terme, cette vision partagée doit être construite dans le cadre d'une conférence métropolitaine qui devrait réunir toutes les parties prenantes publiques et privées. / Cette vision doit se fixer des objectifs ambitieux, environnementaux et sociaux : la fin des émissions de particules fines avant 2025, l'objectif de neutralité carbone d'ici 2030, l'accessibilité pour tous et la complémentarité avec les mobilités actives (marche, vélos, etc.). La Ville de Paris est prête pour agir dans cette mutation, elle veut expérimenter très rapidement des liaisons en navette autonome en site ouvert, en commençant avec la RATP par une démonstration sur le pont Charles de Gaulle entre les gares de Lyon et d'Austerlitz, avant la fin de l'année. Ces navettes auront aussi un rôle à jouer pour
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pont Charles-de-Gaulle. Une « étude d'opportunité pour la mise en place d'une liaison entre les gares de Lyon et d'Austerlitz » (version 2 du 14 mars 2016) a été remise aux ministères en mars 2016. Faite avec six ou sept navettes, la liaison relierait probablement un espace de la SNCF au sud-ouest gare de Lyon au bas de l'hôtel Mercure, la rue Van Gogh, le pont Charles-de-Gaulle (avec voie particulière dans chaque sens probablement) et un espace près de la gare d'Austerlitz au débouché du pont sur l'avenue Pierre MendèsFrance. La ville de Paris tient beaucoup à ce projet en raison de son caractère innovant, de l'impossibilité de trouver d'autre projet convenable pour transporter les milliers de personnes qui vont et viennent entre les deux gares chaque jour, et de son souhait de préparer des projets de véhicules autonomes dans son dossier de candidature pour les Jeux olympiques de 202429. Le conseil régional d'Île-de-France soutient aussi ce projet30. 9. Par communiqué de presse le 11 octobre 2016, la société Navya a fait savoir qu'elle procédait à une augmentation de son capital, avec une participation de 30 millions d'euros apportée par Keolis, Valeo et Group8 (société du Qatar). Ces trois actionnaires s'ajoutent aux actionnaires que sont Gravitation, Capdécisif Management et Robolution Capital (ce dernier conservant le contrôle de l'entreprise). Navya a signé un accord de distribution de ses navettes avec Group8 pour les marchés du Moyen-Orient et d'Afrique ; elle construira dans le Golfe persique une usine d'assemblage pour le marché régional. 10. Au début de 2016, la présidente de la RATP a annoncé mettre à l'étude un projet de développement de bus autonomes, d'abord pour les mouvements dans les centres de maintenance. Étudié avec le constructeur italien IVECO, le premier projet regarde le garage autonome des bus au centre bus de Lagny-Pyrénées31 (rouvert après reconstruction en décembre 2015) dans le XXe arrondissement de Paris (projet de « garage intelligent »). Le CEA est associé à ce projet. Il est soutenu par l'Union européenne. Le but est d'équiper les bus actuels afin qu'ils descendent sans conducteur de la rue au centre bus, puis se garent.
Le nouveau centre bus de Lagny-Pyrénées (Paris) de la RATP en décembre 2015
(source : RATP)
développer le transport à la demande dans des zones mal desservies comme les bois parisiens, et surtout dans le périurbain. La grande couronne francilienne pourra ainsi en bénéficier pour faciliter l'accès à la demande aux gares du réseau Transilien. Des expérimentations pourraient aussi être menées sur des voies rapides réservées aux navettes autonomes. Une priorité devrait être donnée à la liaison entre Saclay et Paris pour permettre aux milliers d'étudiants qui rejoindront dès 2019 ce nouveau pôle scientifique et universitaire d'avoir une solution de transport efficace et accessible. Le temps presse, il est indispensable que tous les acteurs prennent conscience de cette révolution des mobilités, de ce qu'elle exige d'eux et des actes audacieux qu'il faut poser pour la mener à bien. ». 29 Tokyo veut présenter des véhicules autonomes à l'occasion des JO de 2020 sur son territoire. 30 « Il est indispensable de se préparer à l'arrivée des futurs véhicules guidés autonomes [sans conducteur] annoncés entre 2020 et 2022, ou encore des futurs « trains de bus » ou RER autoroutiers. Nous sommes en train d'identifier les tronçons sur lesquels les expérimentations seront menées. Par exemple, nous étudions la création d'une ligne de navettes autonomes entre les gares de Lyon et d'Austerlitz, à Paris. » (Valérie Pécresse, Le Journal du Dimanche, « Mon plan anti-bouchons », 18 septembre 2016). 31 Au 18 de la rue des Pyrénées.
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11. Dans la commune d'Archamps (Haute-Savoie), des études sont actuellement entreprises, avec l'aide du Cerema (centre-est), pour des transports intelligents et autonomes en ville (transport du dernier kilomètre) : projet NodeTech, qui regarde plus particulièrement le parc d'activités Archamps Technopole (50 hectares, 1 800 employés). 12. Dans le nord de la Californie (États-Unis), la Contra Costa Transportation Authority (CCTA) prépare des expérimentations de navettes d'EasyMile32 sur le site de GoMentum Station3334 (ancienne installation de la marine américaine, qui s'étend sur 5 100 acres ou 2 000 hectares et sur 19,6 milles de route) à Concord, puis sur le site de Bishop Ranch (grande zone d'activités industrielles et commerciales de San Francisc Bay Area, de 585 acres ou 237 hectares) à San Ramon, puis sur rues ouvertes près de Bishop Ranch. Dès 2016, deux premières navettes d'EasyMile seront testées à Bishop Ranch. Toutes les expérimentations conduites par la CCTA participeront d'un ambitieux plan de recherche et développement (« Shared Autonomous Vehicle Testing Plan ») avec de nombreuses parties prenantes : industriels, entreprises de télécommunication, instituts de recherche, etc. Elles conduiront in fine la CCTA à définir, et mettre en oeuvre dès 2020, un nouveau plan de transport du comté de Californie. Le système principal de transport collectif (Mass Transit) y sera complété par un réseau fin et complémentaire de quelque 150 petites navettes permettant les trajets terminaux des voyageurs entre domiciles et gares. Les expérimentations de ces navettes sans conducteur ont été autorisées par une loi signée par le gouverneur de Californie le 29 septembre 2016. Cette loi était nécessaire car il est prévu que lesdites navettes traversent des routes ouvertes à la circulation. 13. La jeune entreprise américaine Local Motors (d'Arizona aux États-Unis) a développé avec la société IBM une navette autonome de douze places (assez semblable à celles de Navya), appelée Olli. Ladite navette accomplit actuellement des essais dans la capitale des États-Unis (Washington). Les navettes sont assemblées dans l'usine de National Harbor à une quinzaine de kilomètres de Washington.
Navette Olli de Local Motors dans l'atelier de National Harbor près de Washington (DC, États-Unis) en juin 2016
(source : Local Motors)
14. Mercedes-Benz travaille aussi au développement de bus autonomes. Avec sa plate-forme appelée CityPilot, dans le cadre d'un projet technologique appelé Mercedes-Benz Future Bus, la société a testé en 2016 des bus semi-autonomes (reconnaissance des feux de signalisation grâce à une connexion avec le réseau de télécommunication de la ville, des piétons, freinage automatique, etc.) à la vitesse moyenne de 43 km/h (vitesse maximale de 70 km/h) entre l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol et la ville de Haarlem (Bus
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Accord conclu entre la CCTA et EasyMile en octobre 2015. Concord Naval Weapons Station (CNWS) Test Facility. 34 Sur ce site, la société Honda a déjà expérimenté des voitures autonomes.
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Rapid Transit de 20 kilomètres de long). Les bus sont équipés de caméras et de radars. Les bus font monter et descendre les voyageurs aux arrêts de façon autonome. Les bus restent autonomes dans les tunnels. L'intérieur des bus a été conçu pour un grand confort. Le 18 juillet 2016, la société a déclaré vouloir investir 200 millions d'euros dans le développement de ses bus autonomes. 15. En juillet 2016, la société américaine Tesla a annoncé se préparer à développer, en plus des voitures autonomes, des camions, des bus et des voitures en autopartage, tous autonomes. 16. En Chine, plusieurs expérimentations ont déjà été faites. Yutong est un constructeur d'autobus qui a expérimenté en 2015 des bus autonomes dans ses emprises de Zhengzhou (province du Henan). D'autres expérimentations vont se développer à Wuhu (ville de près de quatre millions d'habitants dans la province de l'Anhui), dans le cadre d'une coopération conclue en 2016 entre la ville et la société Baidu portant sur les bus, les navettes et les taxis robots.
Bus autonome de Yutong en expérimentation en Chine (province du Henan) en 2015
(source : Yutong)
17. En Inde, la société Hi-Tech Robotic Systemz fondée en 2004 a développé une navette de quatorze sièges à Gurgaon (au sud de New Delhi), appelée Novus Drive. C'est la première navette automatisée construite en Inde. Elle est équipée de caméras stéréo, mais aussi d'un lidar (modèle HDL-32E) vendu par la société Velodyne LIDAR Inc. de Californie.
La navette Novus Drive
(source : The Hans of India le 7 février 2016)
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18. En Finlande, à la suite de l'expérimentation de Vantaa (Finlande) à l'été de 2015 (dans le cadre du projet européen CityMobil2), le projet SOHJIA, sous la coordination de l'université des sciences appliquées d'Helsinki (dite Metropolia), a été lancé le 16 août 2016 en présence du maire de la capitale (Pekka Sauri). C'est la circulation expérimentale de navettes électriques EZ10 d'EasyMile (à neuf passagers) durant un an sur route ouverte à Helsinki (août et septembre 2016), puis à Espoo (en septembre et octobre 2016), puis à Tampere (jusqu'à l'hiver).
Navettes EZ10 d'EasyMile en 2016 à Helsinki (Finlande) dans la cadre du projet SOHJIA
(source : EasyMile)
L'expérimentation cessera durant l'hiver 2016-2017 quand la neige sera abondante ; elle reprendra au printemps de 2017. 19. En Australie, une expérimentation avec des navettes de Navya a commencé le 31 août 2016 à Perth (précisément à South Perth Esplanade) sur route ouverte avec des passagers, sous l'appellation RAC Intellibus. La navette est équipée notamment de six lidars, comme dans le quartier Confluence de Lyon. Son itinéraire court sur 2,7 kilomètres le long de la Swan.
La navette de Perth en Australie achetée en 2016 par la Royal Automobile Club of Western Australia (RAC WA) (source : Royal Automobile Club of Western Australia)
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Le parcours de la navette expérimentale de Navya près de Perth (Australie-Occidentale)
(source : Royal Automobile Club of Western Australia)
20. La première démonstration de la RATP a eu lieu sur la voie Georges-Pompidou à Paris (près du Pont-Neuf) avec une navette d'EasyMile l'après-midi du 24 et du 25 septembre 2016, sur une courte distance (130 mètres).
Une navette d'Easymile sur les berges de la Seine
(source : Easymile).
Selon le communiqué du 26 septembre 2016 de la RATP : « Pour la RATP, il s'agit du coup d'envoi d'une série d'expérimentations. D'ici à la fin 2016, une autre démonstration de véhicules autonomes verra le jour entre la Gare de Lyon et la Gare d'Austerlitz sur le Pont Charles de Gaulle, en partenariat avec la Ville de Paris. La RATP travaille également à une expérimentation de desserte interne du site du CEA Saclay. Les premiers tests sont prévus début 2017. Le projet, piloté par la RATP, associe le CEA List (laboratoire de recherche du CEA), Bureau Veritas, Sherpa Engineering (société d'ingénierie) et BMCP (bureau d'études et de conseil spécialisé). Le projet, labellisé par les Pôles de compétitivité LUTB « Transport et Mobility Systems » et Systematic Paris-Région est financé dans le cadre du 22ème FUI (Fonds Unique Interministériel). ». La RATP a acquis en 2016 deux navettes EZ10 de la société toulousaine EasyMile qui lui permettront de mener des démonstrations et des expérimentations. Les deux navettes achetées par la RATP ont été réceptionnées par la RATP en novembre 2016. Elles seront d'abord utilisées en démonstration au premier trimestre de 2017 sur les berges de la Seine et sur le pont Charles-de Gaulle (près de la Maison de la RATP à Paris), là où, plus tard, la RATP veut expérimenter des navettes entre la gare de Lyon et la gare d'Austerlitz.
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21. La RATP étudie un projet de transport par navette autonome dans les emprises du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) à Saclay (Essonne). Sont associés à la RATP : l'Institut List (du CEA Tech), le Bureau Veritas, Sherpa Engineering (société d'ingénierie) et BMCP (bureau d'études et de conseil). Le projet commencera en janvier 2017, et durera trois ans. Il recevra un financement du Fonds unique interministériel (FUI). 22. En Nouvelle-Zélande, la société française Navya a vendu une navette autonome ARMA à la société australienne HMI Technologies. La navette sera acheminée en Nouvelle-Zélande avant la fin de 2016. Elle sera expérimentée dès 2017 sur des routes privées puis ouvertes à l'Aéroport international de Christchurch. L'Université de Canterbury à Christchurch travaillera aux essais. Les expérimentations seront faites sous le contrôle de la New Zeland Transport Agency et du Ministry of Transport. L'aéroport international de Wellington en Nouvelle-Zélande, de son côté, étudie la possibilité de recourir à des navettes autonomes EZ10 d'EasyMile pour desservir ses emprises. 23. Une expérimentation d'une navette EZ10 d'EasyMile par la TCAR, société exploitant le réseau de transport en commun de Rouen (en Seine-Maritime en France), a été accomplie du 31 octobre au 23 décembre 2016 sur les voies des quais en rive droite de la Seine, entre le pont Jeanne-d'Arc et le pont Flaubert. Ces voies sur berge sont possédées par le port autonome de Rouen, mais sont exploitées par la ville de Rouen par convention de superposition de gestion avec le port. La TCAR est contrôlée par le groupe Transdev, l'autorité organisatrice des transports étant la Métropole de Rouen Normandie. L'objectif est, plus tard, d'entreprendre sur les mêmes voies de quai une exploitation commerciale de fin de ligne, là où le moyen du bus n'est plus pertinent. Le public était autorisé à utiliser gratuitement la navette expérimentale de 12 h à 22 h chaque jour. Les voies étaient fermées à la circulation automobile, mais ouvertes aux modes doux. 24. En octobre 2016, la Land Transport Authority (LTA) de Singapour a annoncé vouloir bientôt commencer, avec l'Energy Research Institute de la Nanyang Technological University (NTU), une expérimentation d'autobus autonomes entre l'université NTU et la station voisine dite Pioneer MRT. Elle se fera avec deux autobus à moteur hybride. L'accord à cette fin entre la LTA et la NTU a été signé le 19 octobre 2016, à l'occasion de la cérémonie d'ouverture du Singapore International Transport Congress and Exhibition (SITCE).
Signature, en présence du ministre d'État pour le transport (Ng Chee Meng, debout au centre), de l'accord sur l'expérimentation de bus autonomes entre la LTA et la NTU le 19 octobre 2016 à Singapour
(source : LTA)
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Schéma de principe sur l'équipement des deux autobus qui participeront à l'expérimentation de Singapour (selon la LTA et la NTU) (source : LTA) 25. La société russe Yandex, géant de l'économie numérique en Russie, a annoncé en août 2016 s'être associé au constructeur russe de camions Kamaz, dont sont actionnaires l'État russe, le constructeur allemand Daimler et l'institut NAMI (centre russe de recherches automobiles), pour développer des navettes électriques autonomes. Les expérimentations commenceraient en 2017.
Le prototype de navette (pour 12 passagers) de Kamaz, NAMI et Yandex, présenté à la fin d'août et au début de septembre 2016 au Moscow International Automobile Salon (MIAS) (source : MIAS)
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Annexe n° 12 : L'impact économique et social des véhicules autonomes. L'acceptabilité sociale
I. L'impact économique et social des véhicules autonomes
1. D'après les nombreux travaux qui leur sont consacrés, les changements sur le mode de vie pourraient être très importants De nombreux travaux font apparaître des modifications importantes qui pourraient se manifester dans les modes de vie. Certains anticipent la réduction rapide des trajets « traditionnels », et envisagent même leur disparition à terme, ce qui signifierait la fin du permis de conduire, la disparition des auto-écoles, et la perte de compétence des « conducteurs » devenus des passagers passifs. Les plus enthousiastes décrivent un futur où des enfants pourront se rendre seuls à l'école dans des navettes autonomes, et où les personnes handicapées (aveugles par exemple) pourront bénéficier d'une mobilité inédite35. Certains estiment que l'automatisation permettra de distendre le lien de propriété entre les utilisateurs et les véhicules, ceux-ci étant majoritairement gérés dans des « flottes » par des opérateurs de service, et étant appelés à la demande36. Une étude réalisée par l'Université du Michigan en 201637 estime que les ventes d'automobiles pourraient reculer, les ménages pouvant se contenter d'un seul véhicule, automatisé et fonctionnant sur une plage temporelle plus large. Pareillement, des urbanistes annoncent un bouleversement de l'organisation urbaine, se traduisant par une modification des ouvrages de la voirie, et un nouveau partage de l'espace collectif, allant parfois jusqu'à l'utopie38. 2. Les conséquences sur l'économie et l'emploi sont plus difficiles à estimer
a. Un consensus semble se dégager autour d'un transfert de la valeur vers les plateformes et les services Selon une étude publiée en septembre 2016 par l'institut VeDeCom et la Société des ingénieurs et scientifiques de France (IESF), intitulée : « Véhicule autonome, accompagner la transition », la chaîne de valeur sera progressivement tirée par les plateformes et les services d'usage de véhicules39. Selon les auteurs de l'étude, « la compétition engagée au niveau mondial porte à la fois sur la maîtrise des systèmes logiciels, sur l'organisation des territoires et sur l'adaptation des usages de mobilité ». La valeur devrait ainsi se déplacer vers les fournisseurs et les gestionnaires de logiciels, et vers les opérateurs de services liés à la mobilité. De nombreux travaux convergent en ce sens40.
En ce sens, parmi d'autres, un guide produit par le cabinet américain WSP à destination des décideurs publics, intitulé « Driving towards driverless », 2016, en particulier page 3. 36 On pourra consulter par exemple un travail universitaire, effectué en 2014 et présenté dans un colloque à Washington : « The travel and environmental implications of shared autonomous vehicles, using agent-based model scenarios », par Daniel FAGNANT et Kara KOCKELMAN, publié dans Transportation Research, Part C, Vol. 40 (2014). 37 Cité par David CURRY, dans « Car saale boom to go bust with self-driving cars ? », site Reasdwrite, 5 avril 2016. 38 En ce sens, une étude du cabinet WSP, « Making better places », 2016. 39 Cahier IESF, numéro 23. 40 Voir notamment : International Transport Forum, « Automated and autonomous driving », OCDE, 2015, page 18 ; Etude publiée par SWISS RE et HERE en 2016 sous le titre « The future of motor insurance », page 21 ; Etude du cabinet KPMG, publiée en octobre 2015, sous le titre « Marketplace of change », notamment page 21. Voir aussi Les Echos, article mis en ligne le 18 août 2016 : « la course à la voiture autonome s'accélère entre les constructeurs ».
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b.
Le secteur de l'assurance sera fortement touché
Les primes d'assurance vont nécessairement évoluer parallèlement aux progrès de la technique et seront plus individualisées (voir le Livre Blanc publié par AON Risk Solutions en avril 2015 sous le titre « Quand la voiture devient autonome »). Le dumping massif que ces mouvements sont susceptibles d'entraîner suscitent l'inquiétude d'observateurs comme Warren BUFFET : « Notre activité assurance ne sera pas à la fête quand les voitures autonomes vont arriver, même si ce moment n'est pas pour tout de suite » (in Le Monde.fr, 14 août 2016, article de Noël GHANIME, président de Mondial Assistance France). Il est également tenu pour probable que des transferts de responsabilité pourront s'opérer dans de nombreux pays en direction des constructeurs, ce qui va modifier en profondeur le marché de l'assurance (même source). Les prévisions sur la date à laquelle ces modifications surviendront sont variables selon les auteurs. Le cabinet KPMG, par exemple, estime les transformations interviendront assez rapidement (« Marketplace of change : automobile insurance in the era of autonomous vehicles », octobre 2015, page 20). De manière provocatrice, le journaliste David CURRY a intitulé un article mis en ligne sur le site Readwrite le 5 mai 2016 : « Could autonomous cars destroy the auto insurance industry? » (« Les véhicules autonomes peuvent-ils détruire l'industrie de l'assurance ? »). L'auteur estime que le doute est permis, car l'utilisation plus intensive des véhicules pourrait produire une plus grande usure des matériels, et donc avoir un impact significatif sur les besoins en nouvelles réparations. Une étude portant sur le marché européen de l'assurance, réalisée par le cabinet DELOITTE (« Étude européenne sur le marché de l'assurance automobile connectée », novembre 2016) donne une idée des changements qui se préparent : 28 % des clients interrogés dans onze pays disent accepter de partager leurs données avec leur assureur, ce que le cabinet interprète comme l'indice qu'ils envisagent éventuellement d'aller vers un assureur qui leur propose ce service. DELOITTE estime que, dans un marché où les clients seront de plus en plus démarchés, la connectivité (qui est liée à la montée en charge des automatismes) constitue « une opportunité de se différencier sur un marché toujours davantage fluide et standardisé ». c. Les autres secteurs économiques n'ont pour le moment qu'une idée assez imprécise des transformations à venir Il existe très peu de travaux prospectifs portant sur des activités comme les transports collectifs, le transport de marchandises, l'agriculture, les taxis (ou assimilés). Les responsables interrogés par la Mission CGEDD-IGA sont très prudents dans leurs anticipations, et estiment en général que les mouvements seront graduels et qu'un partage durable du parc entre véhicules classiques et véhicules automatisés est une probabilité. La même incertitude prévaut pour les conséquences à attendre sur l'emploi. En l'absence d'étude sérieuse portant sur ces aspects, la plus grande prudence s'impose. La Mission CGEDD-IGA n'a pas eu la possibilité d'étudier en détail ces questions. II. L'acceptabilité sociale Les études qui ont été réalisées dans plusieurs régions du monde indiquent que le public exprime un fort intérêt pour les véhicules automatisés. Les plus enthousiastes sont dans les pays industriellement les plus jeunes, comme la Chine. Toutefois, beaucoup, dans les pays les plus riches surtout (États-Unis, France, Allemagne, etc.), attendent de voir ce que seront vraiment les avantages de ces véhicules, surtout au regard de la sécurité routière.
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1. En France, l'intérêt des consommateurs est soutenu, mais il reste encore pour le véhicule autonome à convaincre a. Dans le cadre de VeDeCoM, de l'IFSTTAR, et de l'Université de Paris VIII, William Payre, Julien Cestac et Patricia Delhomme ont publié en 2015 un rapport intitulé : « Intention to use a fully automated car: attitudes and a priori acceptability ». L'étude a été faite sur la base d'entretiens individuels (5 personnes), d'une étude pilote (45 personnes) et d'un questionnaire en ligne (421 personnes). Les entretiens individuels ont montré un intérêt certain pour la conduite autonome, un sentiment de responsabilité et une intention d'usage et d'achat. L'étude pilote a montré une acceptabilité dans certains contextes (conduite ennuyeuse, par exemple) et un intérêt certain en cas de facultés dégradées (fatigue). L'étude en ligne a montré que 52 % des personnes étaient plutôt favorables à l'utilisation d'un véhicule autonome et que 78 % seraient prêtes à en acheter un. De plus, 75 % seraient intéressées par la conduite autonome si leurs facultés étaient diminuées. Enfin, les personnes interrogées seraient prêtes à dépenser en moyenne 1 899 euros de plus pour avoir un véhicule autonome ; le surcroît de la dépense d'achat par rapport à un véhicule manuel varie de 0 (pour 22 % des gens) à 10 000 euros. Les auteurs ont conclu en trois affirmations (cf. présentation au séminaire du GERI USACT le 26 juin 2015) : « Les attitudes sont globalement positives à l'égard de la conduite autonome et les participants sont majoritairement favorables à ce type de véhicule. Toutefois ils émettent des réserves en ce qui concerne la sécurité. » ; « La conduite autonome serait utilisée principalement pour des trajets monotones (autoroutes, embouteillages, créneaux), et moins en ville. » ; « Il existe un risque d'usage détourné [par exemple conduite en état d'ivresse] qui devrait être pris en compte par les constructeurs (monitorage du conducteur ?). ».
b. Le cabinet Deloitte a rendu en septembre 2016 les résultats d'une enquête sur l'intérêt des Français pour le véhicule autonome « 77 % des Français préfèrent les véhicules bien équipés, facilitant la conduite aux véhicules totalement autonomes » ; « Les Français expriment des besoins d'automatisation et de technologies moindres : 61 % recherchent un niveau d'automatisation standard, 52 % un niveau avancé, 36 % une conduite autonome limitée à certaines conditions de trafic et, enfin, 30 % une conduite autonome totale pour réaliser des trajets complets ».
Le cabinet conclut : « Si les Français apparaissent avoir une assez bonne connaissance des voitures autonomes, 72 % des consommateurs français interrogés pensent qu'elles ne seront pas une réalité commerciale en France dans les vingt prochaines années. Ils sont 44 % à penser que ce sont les acteurs non traditionnels qui permettront l'avènement de la voiture autonome ». c. Une étude faite pour VeDeCoM en 2016 a montré une certaine perplexité des Français envers la voiture autonome Réalisée par l'Observatoire des mobilités émergentes (ObSoCo_Chronos) pour le compte de VeDeCom, cette étude a été présentée le 22 septembre 2016 à la Mission CGEDD-IGA. Elle fait apparaître, à partir des réponses de 4 000 personnes (recueillies avant que ne soit connu l'accident de la TESLA dévoilé en juin 2016) que :
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60% des personnes interrogées sont « favorables au véhicule autonome » et 40 % s'en inquiètent ; À la question : « Seriez-vous prêts à utiliser un tel véhicule ? », 51 % répondent oui et 49 % non. Parmi les thèmes cités, l'avantage principal tient à la réduction des accidents, tandis que la préoccupation première est celle du dysfonctionnement et du piratage. Ailleurs dans le monde, les attentes sont variées Aux États-Unis, de manière apparemment paradoxale, le niveau de scepticisme est relativement
2. a. élevé
Une étude a été publiée en septembre 2016 par le cabinet de consultants spécialisé Kelley Blue Book (KBB) sur l'acceptabilité des véhicules autonomes par les Américains. KBB a mis en ligne le 28 septembre 2016 sur son site une restitution de cette étude, sous le titre : « KBB study finds American drivers still prefer a handson approach » (« une étude de KBB démontre que les conducteurs Américains préfèrent la conduite manuelle »). Ce travail fait apparaître une réticence des automobilistes aux États-Unis pour se lancer dans la conduite en mode autonome. Le scepticisme des personnes qui répondent (hormis ceux dont l'âge est compris entre 12 et 15 ans) envers les véhicules dotés d'une forte autonomie est élevé : 64 % disent qu'ils préfèrent avoir en permanence le contrôle de leur véhicule et 80 % n'acceptent le mode autonome que s'ils peuvent l'actionner volontairement à leur gré. L'étude portait sur un échantillon de 2 264 personnes entre 12 et 64 ans. b. Pour le monde entier, les chiffrent varient fortement selon les régions
L'Observatoire Cetelem a publié en 2016 une comparaison internationale sous le titre « Cetelem 2016 Voiture autonome : les automobilistes prêts à lâcher le volant pour la Silicon Valley ». Cette étude montre des niveaux d'acceptation très variables selon les pays abordés. De manière générale, la voiture connectée semble être plébiscitée :
« Pour 73 % des personnes interrogées, la voiture connectée est tout simplement la voiture idéale, synonyme de progrès en matière de confort (83 %), de gain de temps (81 %) et de sécurité (77 %). Pour autant, 78 % jugent qu'elle rime avec cherté. Ce sont les Mexicains et les Brésiliens qui se montrent les plus enthousiastes. On pointe là une dichotomie structurante pour l'ensemble de l'étude avec, d'une part les pays dits émergents totalement favorables à la voiture autonome et tout ce qu'elle apporte, et d'autre part les pays automobiles natifs plus méfiants quant à son développement ». Et la future voiture autonome est attendue :
« De la voiture connectée à la voiture autonome, il y a bien plus qu'une différence sémantique. Une véritable (r)évolution qui suscite de nombreuses interrogations, la première étant la probabilité de sa construction. Pour 3 personnes sur 4, pas de doute, la voiture autonome sera une réalité. Une réalité très proche puisque 81 % espèrent son arrivée avant 10 ans et 52 % avant 5 ans. Une fois encore, les pays « traditionnels » se montrent les plus prudents, 70 % des Allemands ne voyant pas de voitures autonomes sur les routes avant 2020 alors que 74 % des Mexicains l'escomptent avant 5 ans ». « Mieux encore, plus de 1 automobiliste sur 2 a envie de se retrouver à l'intérieur, à défaut d'y être vraiment au volant. C'est en Chine où l'enthousiasme est le plus manifeste (91 %) alors que les Américains et les Britanniques sont les plus attachés à leur automobile's way of life traditionnel. Mais cette nouvelle voiture autonome n'est pas seulement imaginée vraiment comme une... voiture. 48 % des personnes
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interrogées la voient comme un espace de divertissement, les Chinois étant une fois encore les plus excités par cette idée, suivis par les Turcs et les Portugais (respectivement 70 %, 57 % et 56 %). On la projette aussi comme un lieu de repos et détente et même, pour le quart des automobilistes, comme un lieu de travail ». L'attente est d'autant plus forte que les automobilistes se sont déjà accoutumés aux nouveaux outils :
« Qui dit voiture connectée, dit aide à la navigation totalement banalisée. 86 % des personnes interrogées se servent déjà de cette aide pour préparer ou guider leurs déplacements. C'est particulièrement le cas en Chine ou au Brésil, contrairement au Japon où elle est relativement peu employée. Notons aussi qu'en matière de géolocalisation, le smartphone est plébiscité par 69 % des automobilistes mondiaux. L'emploi de cet outil et des autres systèmes de navigation aura d'abord servi à optimiser le temps de parcours (80 %) et à réduire le nombre de kilomètres parcourus (70 %) ». « La géolocalisation avec tout ce qu'elle transporte (publicité contextualisée mais aussi offre de services personnalisés divers et variés sur le trajet) reçoit un assentiment majoritaire (57 %). Alors que 87 % des Chinois sont demandeurs d'offres commerciales personnalisées, 35 % des Français ou des Américains se montrent très réservés ». Pour autant, les conducteurs veulent être rassurés :
« (...) la voiture connectée suscite des craintes, notamment en termes de contrôle du véhicule, pour 37 % des personnes interrogées. C'est surtout vrai aux États-Unis (54 %) ou encore en France (46 %). De fait, priorité est accordée à une sécurité tous azimuts. 89 % sont pour les systèmes de sécurité en cas de vol, 86 % particulièrement favorables aux systèmes de détection piétons/obstacles. Des solutions pour lesquelles les automobilistes seraient prêts à payer plus cher leur véhicule. « De la voiture connectée à la voiture autonome, il y a bien plus qu'une différence sémantique. Une véritable (r)évolution qui suscite de nombreuses interrogations, la première étant la probabilité de sa construction. Pour 3 personnes sur 4, pas de doute, la voiture autonome sera une réalité. Une réalité très proche puisque 81 % espèrent son arrivée avant 10 ans et 52 % avant 5 ans. Une fois encore, les pays « traditionnels » se montrent les plus prudents, 70 % des Allemands ne voyant pas de voitures autonomes sur les routes avant 2020 alors que 74 % des Mexicains l'escomptent avant 5 ans. « Mais la méfiance est cependant de mise, 28 % déclarant souhaiter conserver un oeil sur la route, au cas où... Des suspicieux que l'on retrouve surtout aux États-Unis, en Italie ou en Pologne ». L'étude fait aussi apparaître que ce sont les constructeurs traditionnels dans lesquels les automobilistes placent la confiance la plus forte, même si les nouveaux entrants du monde de l'internet intéressent les habitants de certains pays émergents. 3. Les aspects humains sont jugés déterminants D'abord, le prix sera une variable qui pèsera lourd :
L'attractivité envers les nouvelles technologies est avérée. Mais pas à n'importe quel prix : 191 euros, ce serait le budget « technologie » que les Français seraient prêts à dépenser pour l'achat d'un nouveau véhicule automatisé, contre 551 euros en 2014. Ensuite, les comportements routiers seront probablement déterminants :
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Les véhicules autonomes circuleront d'autant mieux qu'il y aura moins de véhicules à conduite manuelle qui transgressent les règles du code de la route. Ainsi le président-directeur général de l'Alliance RenaultNissan (Carlos Ghosn) a-t-il expliqué le 6 octobre 2016 en France : « Il faut [...] que les règles de conduite soient respectées, parce que les voitures autonomes respectent les règles. [...] Et les voitures autonomes vont s'arrêter aux feux rouges, quoi qu'il arrive. Ce sont des ordinateurs. Si elles sont les seules voitures à s'arrêter, vous pouvez imaginer le nombre d'accidents qu'il va y avoir au Brésil ! [...] [En Inde, à Bombay notamment,] les gens ne respectent pas toujours le code de la route. Certains prennent les ronds-points à l'envers. On ne peut pas placer de voitures autonomes sur la route dans de telles conditions. » (cité par Charles Gauthier, Le Figaro.fr, 2 octobre 2016). Enfin, la psychologie des conducteurs sera un élément à prendre en compte dans les modèles d'acceptabilité : selon le CEREMA (Mme Stéphanie BORDEL, laboratoire de Saint-Brieuc, spécialiste des ADAS, qui a travaillé dans le cadre des projets Archos et SCOOP@F), les nouveaux outils rencontrent un frein dans l'image que s'en font les gens. « Le bon conducteur est celui qui garde la main ». Selon le CEREMA, les conducteurs -particulièrement français- préfèrent avoir un renfort d'informations qu'une assistance à la conduite. Le conducteur n'accepte de lâcher une partie de son pouvoir de conduire que s'il reçoit une bonne contrepartie. Les régulateurs de vitesse n'ont finalement été acceptés que parce qu'ils permettent de maîtriser sa vitesse face au risque d'être pris par un radar. Les obstacles à l'acceptabilité de la voiture autonome sont au moins au nombre de quatre : La supervision est un acte pénible, moins gratifiant et moins agréable que la conduite41. L'incertitude juridique est un gros obstacle. Qui est responsable ? La perception qu'a le citoyen de ce que sont la responsabilité et la culpabilité s'oppose souvent à ce qui est défini par la loi. Ainsi des personnes voudront-elles utiliser le système de conduite autonome pour se débarrasser de leur responsabilité (« c'est la voiture qui conduit »), alors que peut-être, ce seront toujours elles qui seront jugées responsables de la conduite, et donc d'un acte qu'elles n'auront pas, à leur sens, commis. L'optimisme comparatif est aussi un sérieux obstacle. C'est une caractéristique de l'esprit humain qu'on peut définir ainsi : chacun pense qu'il aurait fait mieux qu'un autre dans la même situation. Même si la machine accomplit une tâche plutôt répétitive mieux que l'homme en moyenne, cela ne suffit pas à convaincre le conducteur qu'il y gagne en abandonnant la conduite. Il faut que le gain de sécurité soit vraiment fort pour que l'homme consente à laisser la machine conduire à sa place. Le conducteur alcoolisé qui se sait diminué laisserait plus volontiers le volant à la machine... mais ferait un mauvais superviseur ! Le temps de reprise du véhicule inquiète. Une étude de l'Université de Leeds en Angleterre indique qu'il faut au moins dix secondes, et que ce temps peut monter jusqu'à une minute.
Toujours pour le CEREMA, pendant la période intermédiaire (véhicule de niveau 2 ou 3), un autre trait de l'être humain qui fait problème est l'homéostasie du risque. Lorsque des moyens permettent une diminution du risque (par exemple les airsbags), certains conducteurs prennent plus de risques pour compenser la baisse, et rester au même niveau de risques (on ne boucle plus sa ceinture de sécurité, etc.). Or, quelques accidents à fort retentissement médiatique retarderaient l'arrivée du véhicule autonome. En revanche, le transfert d'information vers les constructeurs ne poserait pas de problème au public, l'habitude de transférer de l'information personnelle par le smartphone ou l'ordinateur ayant déjà été prise.
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cf. thèse de William Payre sur l'acceptabilité du véhicule autonome
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Le CEREMA ajoute que, sur l'aspect économique, les constructeurs ont du mal à vendre des systèmes en supplément, et, sur le sujet de l'éthique, que les personnes n'ont pas le même point de vue en tant que victime potentielle ou en tant que responsable potentiel. III. Éthique des véhicules autonomes ou le problème du choix
La question de l'éthique des véhicules autonomes revient régulièrement parmi les sujets qui font couler beaucoup d'encre dans les livres et les gazettes. Mêlant des aspects techniques, philosophiques à des paradoxes de science-fiction (cf. les trois lois de la robotique de l'écrivain Isaac Asimov42), elle amène avec elle une aura de soufre et de mystère qui fait frémir le lecteur, enflamme les débatteurs et fait hésiter le législateur. Le point de départ le plus prisé de ces réflexions est le paradoxe du tramway qu'on peut énoncer ainsi : un tramway privé de freins se dirige de façon inéluctable vers cinq hommes qu'il va tuer. La seule action possible est d'actionner un aiguillage qui enverrait le tramway écraser un homme seul qui est attaché sur cette voie. Autrement dit faut-il s'abstenir d'agir et laisser mourir cinq personnes ou bien agir et tuer volontairement une personne pour en sauver cinq autres ? Appliqué au véhicule autonome le paradoxe du tramway donne naissance à bon nombre de questions : face à des piétons ou cyclistes imprudents qui coupent sa trajectoire le véhicule autonome doit-il accepter de les percuter et de les tuer ou doit-il se jeter sur un mur au risque de tuer ses passagers ? Doit-il pour cela comparer le nombre de piétons et de passagers ? Doit-il privilégier les personnes a priori vulnérables ou ses passagers a priori plus protégés ? Comment le véhicule juge-t-il de la vulnérabilité des autres personnes ? Un acheteur potentiel acceptera-t-il d'acquérir un engin qui est prêt à le tuer volontairement dans certaines situations ? Etc. Derrière ces questions se cache un problème technique pour les logiciels et les algorithmes qui les définissent. Lorsque l'environnement extérieur sort de ce qui est prévu dans sa programmation un logiciel peut donner des réponses totalement inadaptées : par exemple, lorsque la bourse baisse trop brusquement il est arrivé que des logiciels de trading automatique amplifient la chute des cours voire ne créent un krach en voulant brader à tout prix leurs produits financiers. La solution la plus évidente consiste à interrompre le système informatique lorsque la situation est en dehors des plages habituelles de fonctionnement et à rendre la main à un être humain. Pour les véhicules autonomes c'est aussi cette solution qui est choisie le plus souvent : néanmoins elle n'est pas applicable lorsque la réaction doit être immédiate, lorsque le « surveillant humain » ne veut ou peut reprendre la conduite ou tout simplement lorsque le véhicule sera censé être complètement autonome (niveau 5). La NHTSA dans ses directives publiées en septembre 2016 aborde les considérations éthiques : elle demande que les concepteurs des véhicules décrivent de façon consciente et explicite les décisions que le véhicule va prendre lorsqu'il est mis face à des situations de conflit. Elle cite le cas où un véhicule est bloqué derrière un autre garé en double-file et qu'il ne peut passer sans franchir une ligne continue. Un conducteur humain s'autorise à le faire si rien ne vient en face : que ferait le véhicule autonome ? Elle cite aussi le dilemme de la protection des personnes vulnérables par rapport à celle de ses passagers.
Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, en restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger ; un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ; un robot doit protéger son existence tant que cette protection n'entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi. Converties plus tard par Asimov, pour les outils : un outil doit pouvoir être employé de manière sûre ; un outil doit accomplir sa fonction efficacement sauf si cela peut blesser l'utilisateur ; un outil doit rester intact durant son utilisation, sauf si sa destruction est requise pour son utilisation ou sa sécurité.
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Ce que la NHTSA refuse c'est que des choix implicites et masqués ayant des conséquences graves soient camouflés à l'intérieur des programmes sans que l'administration ni les parties prenantes ne puissent en discuter. Parce que l'éthique des véhicules reflète en réalité l'éthique de ses concepteurs et parce que leurs choix auront des conséquences pour la société dans son ensemble il est nécessaire que celle-ci puisse donner son avis et décider ce qui est moralement acceptable.
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INVALIDE)