Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation. Synthèse du collège prévention des risques naturels et technologiques

GALIBERT, Thierry ; PERRIN, Thérèse ; PIPIEN, Gilles

Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
Auteur secondaire
Résumé
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%; text-align: justify;">Le collège « risques naturels et technologiques » du CGEDD s'est intéressé aux modalités de réalisation des retours d'expérience (Rex) sur les inondations et à l'utilisation qui pouvait en être faite pour améliorer la prévention de ce risque et la résilience des territoires. Les constats montrent l'intérêt de procéder à des investigations d'autant plus approfondies que l'événement est étendu et violent. Il n'existe pas de méthodologie claire, harmonisée et transposable. Enfin, ces travaux ne sont pas nécessairement orientés vers l'atteinte des objectifs de la stratégie nationale de gestion du risque inondation. Le collège propose que la direction générale de la prévention des risques conduise une réflexion pour définir un cadre national de réalisation des différents types de Rex. Ce cadre prévoirait notamment la collecte systématique d'informations à chaque inondation sous la responsabilité des SPC, la réalisation de Rex locaux pour des événements dépassant un seuil défini au niveau du bassin hydrographique , la réalisation de Rex régionaux ou nationaux, la réalisation au cas par cas, la bancarisation systématique de l'ensemble des Informations recueillies par un organisme national à définir. Pour chaque type de Rex serait établie une méthodologie de travail qui veillerait à associer les différents acteurs de la prévention des risques (collectivités territoriales notamment, mais aussi citoyens), l'importance de cette association étant corrélée à celle de l'événement. Les services du MEEM poursuivraient leur participation, en tant que de besoin, aux Rex gestion de crise décidés par le ministère de l'intérieur.
Editeur
CGEDD
Descripteur Urbamet
synthèse ; politique publique ; plan de prévention des risques naturels ; inondation
Descripteur écoplanete
plan de prévention des risques d'inondation ; gestion de crise ; retour d'expérience ; collecte d'information ; résilience
Thème
Ressources - Nuisances
Texte intégral
MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT, DE L'ÉNERGIE ET DE LA MER Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Synthèse du collège prévention des risques naturels et technologiques Rapport n° 010890-01 établi avec les contributions de Thierry GALIBERT, Thérèse PERRIN et Gilles PIPIEN Février 2017 Les auteurs attestent qu'aucun des éléments de leurs activités passées ou présentes n'a affecté leur impartialité dans la rédaction de ce rapport. Sommaire Résumé......................................................................................................................3 Introduction...............................................................................................................5 1. Situation actuelle..................................................................................................6 1.1. La stratégie nationale de gestion des risques d'inondation (SNGRI) et les retours d'expérience (Rex)............................................................................................................ 6 1.2. Les retours d'expérience actuels, présentation très générale du dispositif.................8 2. Les travaux du collège risques du CGEDD sur le retour d'expérience........10 2.1. Collège du 11/12/2014..............................................................................................10 2.2. Collège du 19/02/2015..............................................................................................10 2.3. Collège du 22/09/2016..............................................................................................11 3. Les pistes de travail pour des Rex inondations fondés sur les objectifs de la SNGRI....................................................................................................................14 3.1. Quelques pré-requis :...............................................................................................14 3.1.1. Un postulat d'intérêt :.....................................................................................14 3.1.2. La distinction de deux objets des Rex ; la gestion de crise, d'une part, la prévention des risques et l'amélioration de la résilience des territoires d'autre part. 14 3.1.3. Un préalable : libérer la parole en affichant le rôle du Rex.............................15 3.1.4. Une vision large de ce que recouvre le terme retour d'expérience.................16 3.2. Une constante : la collecte des données de caractérisation de l'inondation.............17 3.3. Les différents types de Rex prévention des risques selon l'événement....................19 3.3.1. Un travail plus approfondi sur la prévention des risques pour les crises « moyennes » : les Rex locaux................................................................................19 3.3.2. Un travail complémentaire à réaliser pour des événements importants : les Rex régionaux ou nationaux....................................................................................21 3.3.3. Une approche spécifique pour les événements exceptionnels.......................22 3.4. Une proposition de clarification des rôles du MEEM (CGEDD) dans les différents types de Rex................................................................................................................... 22 3.4.1. Dans les Rex « gestion de crise »..................................................................22 3.4.2. La mise en oeuvre de Rex « prévention des risques et résilience et aménagement des territoires » ou comment faire des Rex un outil au service des objectifs de la SNGRI...............................................................................................23 Conclusion...............................................................................................................26 Annexes...................................................................................................................27 1. Tableau catégorisant les différents types de Rex « prévention des inondations »............................................................................................................28 2. Tableau de répartition des contributions lors du Rex relatif aux inondations de Juin 2013 dans les Pyrénées.............................................................................29 Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 1/36 3. Trame du Rex local utilisé lors des inondations de Juin 2013 dans les Pyrénées...................................................................................................................30 2. Glossaire des sigles et acronymes...................................................................34 Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 2/36 Résumé Le collège prévention des risques naturels et technologiques a travaillé sur le rôle que pouvait jouer la réalisation des retours d'expérience dans la prévention des risques d'inondations et l'amélioration de la résilience des territoires vis-à-vis de ce risque. Des premiers constats effectués ressort l'absence de méthodologie clairement définie sur ce sujet (contrairement à ce qui existe en matière de gestion de crise par le ministère de l'intérieur) et l'absence de capitalisation des informations recueillies lors des différentes inspections réalisées (contrairement à ce qui existe dans le domaine des risques technologiques), les deux n'étant pas entièrement indépendants. Il a également noté l'intérêt que pourraient représenter ces Rex pour améliorer la prévention, dans le cadre du principe d'amélioration continue prévue par la stratégie nationale de gestion du risque inondation et, l'intérêt des acteurs rencontrés. Partant de ces constats dans le cadre d'une réflexion collective, il propose plusieurs pistes qui s'inscrivent dans la construction d'un cadre national pour l'utilisation des retours d'expérience afin d'améliorer le dispositif de prévention du risque d'inondation. Ce cadre national, porté par le ministère en charge de l'environnement, pourrait reposer sur plusieurs principes : · identification de la spécificité des retours d'expérience (Rex) relatifs à la prévention des risques d'inondation et à l'amélioration de la résilience des territoires, par rapport aux Rex relatifs à la gestion de crise (tout en soulignant la nécessité de la participation des services et établissements publics du ministère à ceux-ci pour les domaines de compétence qui le concerne : prévision des crues, participation à l'alerte, participation à la gestion de crise, etc.. ) · affirmation de la nécessité de collecte systématique d'informations à l'occasion de chaque inondation (pluviométrie, hydrométéorologie, laisses de crues, etc ..), celle-ci étant à réaliser sous l'animation des SPC · identification de modalités de retours d'expérience différentes, en termes de pilotage, de temporalité et de méthodologie (notamment d'association des acteurs du territoire) selon des seuils d'importance et d'occurrence à déterminer : - Rex locaux, sous pilotage DDT(M), avec une coordination DREAL si besoin, pour des événements dépassant un seuil défini au niveau du bassin hydrographique, - Rex régionaux ou nationaux, mobilisant les DDT(M) et les DREAL en premier niveau, et le CGEDD en deuxième niveau, pour des événements dépassant un seuil défini nationalement avec une décision de lancement associant la CMI (inondations importantes), - Rex spécifiques différés dans le temps, sous pilotage CGEDD, au cas par cas, sur décision nationale associant la CMI, pour des événements exceptionnels. · capitalisation et bancarisation de l'ensemble des informations recueillies, à organiser nationalement sous la responsabilité d'un organisme à déterminer. Le CGEDD est disposé à participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre de ce cadre national. Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 3/36 Liste des recommandations 1.Définir les attentes, les besoins et les objectifs du MEEM en matière de Rex pour l'atteinte des objectifs de la SNGRI ainsi que le cadre général des Rex en découlant. Construire un plan d'actions associant l'ensemble des acteurs et tout particulièrement les collectivités.................................15 2.Construire des Rex orientés essentiellement vers l'amélioration continue des pratiques et leur partage temporel et géographique...........16 3.Organiser la collecte des informations de caractérisation des événements au niveau de chaque SPC en coordonnant via un cahier des charges ad hoc les travaux des différents contributeurs (services et établissements publics de l'État, collectivités territoriales, réseaux sociaux)............................................................................................................18 4.Définir un canevas de Rex « local » et rendre obligatoire sa réalisation dans des cas prédéfinis, de façon à permettre et organiser leurs bancarisation et capitalisation.......................................................................20 5.Confier à un service ou un organisme la bancarisation des événements à l'image des travaux conduits par le Barpi pour les accidents industriels. ...........................................................................................................................20 6.Pour des événements importants, définis par le MEEM, réaliser des Rex orientés sur la prise en compte, voire l'atteinte, des objectifs de la SNGRI (pour améliorer la résilience des territoires en diminuant le coût des dommages et pour permettre un retour à la normale le plus rapide possible ainsi que les interactions, synergies et antagonismes entre ses deux objectifs de la SNGRI) : en associant, au-delà des services de l'État, les différents acteurs du territoire (citoyens, collectivités territoriales, assureurs, entreprises, opérateurs de réseau) et en s'intéressant aux stratégies des opérateurs de réseaux et des collectivités territoriales post-événement ; en s'intéressant au coût total de l'événement et à l'origine de ces coûts ; et en prévoyant les modalités de restitution des conclusions du Rex aux populations et acteurs intéressés......................25 Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 4/36 Introduction Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a été récemment associé à la réalisation de plusieurs retours d'expérience (Rex) sur des inondations intervenues dans des territoires divers (Bretagne 2013, Pyrénées 2013), un nouveau rapport étant achevé (Alpes-Maritimes 2015) et deux en cours de finalisation à l'heure actuelle (bassins de la Seine et de la Loire 2016, inondation de l'A10 en 2016). Chacun de ces retours d'expérience, en général effectué en collaboration avec d'autres inspections ministérielles, a constitué un exercice spécifique dont il n'est pas évident de tirer des leçons générales. La méthodologie de réalisation est très dépendante du contexte de la commande, des missionnés et de leur compréhension du sens même du Rex ainsi que des rapports entre les différentes inspections. Les enseignements qui en sont tirés par le ministère de l'environnement pour améliorer la prévention des risques naturels valorisent inégalement les recommandations. L'exemple récent du rapport relatif aux inondations de 2015 dans les Alpes-Maritimes illustre la difficulté de mettre en avant les thématiques propres au ministère de l'environnement dans le cadre institutionnel actuel. Le collège « prévention des risques naturels et technologiques » a consacré plusieurs de ses séances au cours des trois dernières années à cette problématique des retours d'expérience relatifs aux catastrophes naturelles et plus particulièrement, compte tenu de la fréquence de celles-ci, aux inondations. Des discussions au sein du collège sont ressorties notamment la complexité du sujet et la multiplicité des acteurs et de leurs attentes ce qui pose la question des Rex globalisant qui recoupent autant d'objectifs que d'acteurs. Elles ont également mis en évidence la volonté de diminuer la vulnérabilité du territoire, avec toutefois des réticences à documenter la gestion de crise, par peur d'une mise en cause hiérarchique ou pénale. La réflexion qui suit porte sur l'utilisation actuelle de cet outil par le ministère de l'environnement et les évolutions qui pourraient être envisagées en s'inscrivant dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de gestion du risque d'inondation approuvée en 2014. Elle pose ainsi la question de la définition explicite d'une politique et d'une méthodologie pour le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer (MEEM) relative aux retours d'expérience sur les inondations, notamment sur les événements exceptionnels en identifiant les attentes vis-à-vis de ceux-ci et en en déclinant les modalités de réalisation. Elle aborde également la logique plus générale de l'organisation du recueil et de la bancarisation des informations collectées par divers types d'acteurs, à l'occasion d'inondations moins importantes, sous forme de Rex ou sous toute autre forme. Cette réflexion fait l'objet du présent rapport qui débouche sur une série de propositions. Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 5/36 1. Situation actuelle 1.1. La stratégie nationale de gestion des risques d'inondation (SNGRI) et les retours d'expérience (Rex) La directive inondation1 et sa transposition législative (article L. 566-1 et suivants du code de l'environnement) définissent la notion de risque d'inondation 2 en identifiant clairement les conséquences négatives potentielles non seulement pour la vie et la santé humaine mais également pour les biens, les activités, la culture et à l'environnement. L'article L. 566-43 du code de l'environnement prévoit l'élaboration d'une stratégie nationale de gestion des risques d'inondation, qui définit notamment les grands objectifs de réduction des conséquences négatives potentielles associées aux inondations, les orientations et le cadre d'action, ainsi que les critères nationaux de caractérisation de l'importance du risque d'inondation. Cette stratégie a été validée en octobre 2014 et pose trois objectifs : · augmenter la sécurité des populations exposées4 ; · stabiliser à court terme et réduire à moyen terme le coût des dommages liés à l'inondation5 ; · raccourcir fortement le délai de retour à la normale des territoires sinistrés. Elle prévoit également quatre principes directeurs6 pour mener à bien ces objectifs dont celui de «priorisation et d'amélioration continue». La SNGRI indique : «ce principe de priorisation impose une évaluation des résultats de la politique mise en oeuvre dans un principe d'amélioration continue». 1 2 3 4 5 6 Directive du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation. Article L. 566-1 du code de l'environnement : «Le risque d'inondation est la combinaison de la probabilité de survenue d'une inondation et de ses conséquences négatives potentielles pour la santé humaine, l'environnement, les biens, dont le patrimoine culturel, et l'activité économique». Cet article définit également la notion même d'inondation : « Au titre du présent chapitre, une inondation est une submersion temporaire par l'eau de terres émergées, quelle qu'en soit l'origine, à l'exclusion des inondations dues aux réseaux de collecte des eaux usées, y compris les réseaux unitaires. Sur le littoral, l'inondation par submersion marine s'étend au-delà des limites du rivage de la mer définies à l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques. L'État, en s'appuyant sur le conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs et en concertation avec les parties prenantes concernées au niveau national, dont les associations nationales représentatives des collectivités territoriales, élabore une stratégie nationale de gestion des risques d'inondation qui définit les grands objectifs de réduction des conséquences négatives potentielles associées aux inondations pour les intérêts définis à l'article L. 566-1, les orientations et le cadre d'action, et les critères nationaux de caractérisation de l'importance du risque d'inondation. Le projet de stratégie, en particulier ces critères, est soumis à l'avis du conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs. L'État arrête cette stratégie, dont les critères nationaux de caractérisation de l'importance du risque d'inondation, à l'issue de l'évaluation préliminaire des risques d'inondation.. Vie et santé. Dommages aux biens, aux activités, à la culture et à l'environnement. Quatre principes : solidarité, subsidiarité, synergie des politiques publiques, priorisation et amélioration continue. Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 6/36 Rapport n° 010890-01 Le domaine des risques naturels et notamment des inondations présente la particularité de permettre de façon malheureusement trop régulière, à l'occasion d'événements importants (vicennal, centennal voire exceptionnel) de vérifier in concreto sur les territoires les résultats des politiques conduites et d'être en capacité d'en tirer, sous réserve d'une organisation adaptée, les conséquences pour l'avenir. En réalité, la répétition d'événements importants au même endroit est trop rare (sauf peut-être à Nîmes) pour juger vraiment des progrès réalisés. Il s'agit d'évaluer indirectement l'effet des mesures prises en prévention. La notion de retour d'expérience sur les inondations avec un focus particulier sur les événements rares devrait prendre ici toute sa place pour participer à l'atteinte des objectifs de la SNGRI. Bien que jamais explicitement citée dans la SNGRI, elle paraît contenue en filigrane dans le principe d'amélioration continue, dont elle devrait constituer un outil de choix. Classiquement la gestion du risque naturel s'appuie sur sept éléments : · connaissance du risque (aléas et enjeux) ; · surveillance et alerte ; · développement de la culture du risque ; · aménagement du territoire ; · réalisation de travaux de protection ; · réalisation de travaux de réduction de vulnérabilité ; · préparation et gestion de crise. Les retours d'expérience sur les événements peuvent s'intéresser à l'un ou l'autre de ces éléments et participer à l'amélioration continue des pratiques et des processus. Ils sont susceptibles de présenter un intérêt pour le territoire concerné mais également pour l'évolution des politiques publiques. Dans cette optique, leur objectif doit être de permettre de progresser sur chacun des axes de la gestion des risques visés ci-dessus, et pas seulement sur « connaissance du risque », « surveillance et alerte » ou « préparation et gestion de crise », en s'inscrivant dans la logique d'atteinte des objectifs de la SNGRI. Cette progression peut notamment se traduire localement par des révisions des documents participant à la prévention des inondations aux différentes échelles territoriales (DDRM7 et sa traduction dans les DICRIM8, PGRI9, SLGRI10, PCS11) des programmes d'actions (PAPI, PSR) et des politiques conduites en matière d'information des citoyens et de prise en compte des risques dans les documents d'urbanisme ou de normes de construction. Le collège a donc souhaité poursuivre la réflexion en s'intéressant plus spécifiquement à l'intérêt que pourrait présenter les Rex dans la mise en oeuvre des politiques de prévention des risques naturels portées par le ministère de l'environnement. 7 8 9 10 11 Document départemental sur les risques naturels majeurs. Document d'information communal sur les risques naturels majeurs au niveau communal. Plan de gestion du risque inondation au niveau d'un bassin hydrographique (rôle du comité de bassin, mais aussi des agences de l'eau). Stratégie locale de gestion du risque d'inondation au niveau d'un territoire à risque d'inondation ou d'un bassin versant. Plan communal de sauvegarde. Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 7/36 Rapport n° 010890-01 La question, issue des réflexions du collège « risques » du CGEDD posée dans le présent rapport est : « comment utiliser le retour d'expérience pour améliorer la prévention des risques et répondre aux objectifs de la SNGRI? ». 1.2. Les retours d'expérience actuels, présentation très générale du dispositif Le CGEDD intervient de façon régulière dans l'organisation de ce qui est classiquement appelé retour d'expérience, le plus souvent en association avec d'autres inspections ministérielles (essentiellement l'inspection générale de l'administration (IGA)12, plus rarement l'inspection générale des finances (IGF)13 et le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) 14). Ces missions font l'objet d'une lettre de commande ad hoc signée par les différents ministres concernés. Les termes et éléments demandés dans chaque lettre sont spécifiques à l'événement considéré. À ce stade, force est de constater que la prise en compte des objectifs de la SNGRI n'est pas encore évoquée dans ces lettres de commande alors qu'elle devrait, pour le MEEM, en constituer l'ossature, notamment pour vérifier comment la SNGRI inspire l'adaptation du territoire au risque d'inondation à la lumière d'un événement donné. La détermination de la mise en place de ces missions, de leur étendue et de leur composition est liée à une décision politique fonction de l'importance économique ou médiatique de l'événement. Il est patent que l'occurrence d'une mortalité immédiatement liée à l'événement est un facteur important du déclenchement de ce type de mission, ce qui est d'ailleurs cohérent avec le premier objectif de la SNGRI. Actuellement les retours d'expérience faits par le CGEDD et l'Inspection générale de l'administration (IGA) sont essentiellement centrés sur la gestion de la crise par l'État et ses établissements publics, en intégrant surveillance et alerte. Les volets traitant de la gestion de la crise et plus généralement du risque par les collectivités sont rares, de même que les enseignements titrés en matière de prévention des risques par les différents acteurs. L'appréciation du retour à la normale et les travaux de remise en état sont rarement traités. Les Rex sont formalisés par des rapports écrits « inter-inspection » adressés aux ministres concernés et faisant l'objet de publication. Leur prise en compte et appropriation par les services, au-delà du territoire concerné directement, paraît peu efficiente et uniquement découler d'initiatives individuelles, non coordonnées. Il s'agit en fait d'un constat relativement classique de l'action administrative nationale qui utilise peu la transposition temporelle ou géographique d'expériences acquises à l'occasion d'événements, qu'il s'agisse de la diffusion de bonnes pratiques ou de la mise en évidence d'erreurs à éviter. 12 13 14 Pour le ministère de l'intérieur. Pour le ministère des finances. Pour le ministère chargé de l'agriculture. Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 8/36 Rapport n° 010890-01 Sur le sujet des inondations, et de façon beaucoup plus fréquente 15, des missions d'évaluation des dégâts causés par l'événement aux biens des collectivités territoriales16 sont déclenchées par le ministère de l'intérieur 17, assurée en général par le CGEDD, en association avec l'IGA pour les événements les plus importants. Il ne s'agit pas de retour d'expérience mais d'un constat des dégâts observés suite à l'événement. De façon plus générale il n'y a pas d'organisation systématique locale de retour d'expérience, pour les thématiques relevant du MEEM sur des événements plus fréquents, contrairement à ce qui était pratiqué dans le domaine des accidents de la route à travers les enquêtes « REAGIR », devenues depuis 2004 ECPA «enquêtes comprendre pour agir »18. Là encore, la transposition d'une méthodologie ou plutôt de principes d'actions qui ont pourtant démontré leur efficience n'a pas été faite entre les différentes directions du ministère constitué en 2007. 15 16 17 18 En amont des missions de REX et sans nécessairement de lien avec elles. En application des dispositions du code général des collectivités territoriales. Préfet en général et ministre dans les cas les plus importants. http://www.saser.fr/ecpa.html Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 9/36 Rapport n° 010890-01 2. Les travaux du collège risques du CGEDD sur le retour d'expérience Le collège prévention des risques naturels et technologiques s'est intéressé au cours des trois dernières années à la thématique du retour d'expérience à l'occasion de trois de ses séances. 2.1. Collège du 11/12/2014 Lors de sa séance du 11/12/2014 le bureau d'analyses des risques et pollutions industrielles (Barpi), bureau de la direction générale de la prévention des risques (DGPR), est venu présenter son activité dans le domaine des risques technologiques et le choix qui avait été fait par le ministère de constituer une entité spécifique pour assurer le recueil et l'analyse des incidents et accidents survenus dans ce domaine en France et dans le monde. Le collège s'est conclu notamment sur deux remarques : · la faiblesse du rôle d'investigation du bureau sur ces incidents et accidents, celui-ci étant de la responsabilité des services locaux de l'État ou de missions d'inspection dédiées ; · l'absence d'une structure équivalente dans le domaine des risques naturels. Des interpellations régulières de la DGPR ont été faites à ce sujet à plusieurs reprises sans que cette solution, ou une autre, n'émerge alors que le besoin est reconnu. 2.2. Collège du 19/02/2015 La séance suivante du collège (19/02/2015) a posé un regard sur la deuxième question en s'intéressant à l'apport des retours d'expérience sur la gestion de la prévention des risques en posant deux questions : 1. Que nous apprennent les catastrophes naturelles pour la prévention des risques ? 2. Quelle réflexion sur la mise en place d'une grille nationale de retour d'expérience (Rex) ? Ces questions ont été abordées en s'intéressant à deux catastrophes récentes traitées par des retours d'expérience : les inondations dans les Pyrénées en juin 2013 et les inondations du Var en janvier 2014. Le premier constat fort a été celui de l'hétérogénéité des modes de commande et d'organisation du Rex : · retour d'expérience inter-inspection (IGA, IGF, CGEDD et CGAAER) pour les Pyrénées sous commande interministérielle ; · retour d'expérience réalisé par le Cerema sur commande de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de ProvenceAlpes-Cote d'azur (DREAL PACA) pour les inondations 2014 dans le Var. Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 10/36 Le second constat est celui de l'hétérogénéité de la temporalité et de l'étendue des Rex : - Rex global sur les Pyrénées s'intéressant à la gestion de crise et au retour à la normale. De ce fait, il a été déclenché plus tardivement sans occulter les difficultés liées à la mise en commun de la commande par les différents ministères19. Le choix a été fait de s'appuyer sur des Rex locaux, factuels, organisés plus rapidement par les acteurs locaux de l'État (SCHAPI 20, DREAL, Préfectures) sous l'autorité du préfet de bassin. - Rex à vocation plus technique pour le Var essentiellement consacré à la caractérisation de l'événement et aux dommages avec une valence gestion de crise orientée sur l'information aux populations. Un constat moins explicite, mais patent à la lecture notamment du rapport Pyrénées est que l'administration, ou au moins le ministère de l'environnement, est encore insuffisamment armé pour apprendre du passé (exemple du rapport existant sur la crue du Bastan dans les Pyrénées, redécouvert lors de la mission et qui décrit, à cent dix ans d'intervalle le même événement en termes d'aléa), mais également mal armé pour faire partager entre territoires et entre services les connaissances acquises, notamment en matière de bonnes pratiques. La discussion en collège a produit plusieurs éléments de réflexion notamment sur la temporalité des travaux à conduire pour des Rex sans doute différents : · nécessité de récupération immédiate d'information à formaliser et organiser (relevé de crues, appréciation des dommages, etc.) ; · travail sur le temps long pouvant porter à la fois sur l'analyse de la gestion de la crise et la prise en compte de la catastrophe pour l'amélioration de la gestion sur le territoire de la prévention des risques (aménagement du territoire, implantation des réseaux, équipements et infrastructures, etc..). La question de l'association des collectivités, des citoyens et des assureurs a également été évoquée, notamment pour le partage des informations, des données mais également du ressenti. Enfin, l'absence de restitution du Rex aux acteurs, a minima les élus, est une réelle carence au regard des objectifs de responsabilisation et de sensibilisation des habitants. Le Rex doit, dans un premier temps, permettre aux acteurs de partager le constat, première étape pour aller vers la prévention. Le représentant de la DGPR a reconnu l'intérêt de se donner un cadre type, et de mieux caler les dispositifs de commande. Il a également posé la question du niveau de déclenchement, de l'organisation de la capitalisation et du suivi des recommandations. Le CGEDD avait, pour sa part, proposé la constitution d'un groupe de travail chargé de conduire une réflexion sur le sujet. 2.3. Collège du 22/09/2016 Une troisième séance du collège (22/09/2016) a été consacrée exclusivement au sujet du retour d'expérience en l'abordant sous trois aspects : · hydrologique avec l'intervention d'Eric Gaume de l'institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR) 19 La formalisation de la commande n'a été aboutie que début septembre pour des événements datant de fin juin. Service central d'hydrométéorologie pour la prévention des inondations. Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 11/36 20 Rapport n° 010890-01 portant sur 15 ans de recherche sur la compréhension des écoulements des crues soudaines ; · gestion de crise avec l'intervention de Sandra Guthleben de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) portant sur les méthodes, attentes et limites des retours d'expérience sur les crises de toutes natures, vues par le ministère de l'intérieur ; · sociologique avec l'intervention de Léonie Varobieff, dans le cadre d'un master 2 de sciences politiques (institut d'études politiques (IEP) de Lyon) portant sur les difficultés de travail entre les différents acteurs liées notamment à la variété de leurs attentes vis-à-vis du risque d'inondation et de son traitement lors des événements exceptionnels. De la discussion qui a suivi ces différentes présentations ressortent plusieurs aspects et notamment la complexité du sujet et la multiplicité des acteurs et de leurs attentes ce qui pose la question d'un Rex globalisant, collectif, dont on ne sait pas vraiment quels sont les objectifs ou plutôt qui recoupe autant d'objectifs que d'acteurs. Par exemple, le ministère de l'intérieur a mis en place un dispositif de Rex de la gestion de crise au sens strict piloté par les préfets des départements touchés par la crise. Le point faible pointé par la représentante de la DGSCGC lors du collège est l'absence d'obligation pour le préfet de réaliser et surtout de partager les Rex 21. Le collège note aussi que la gestion de l'événement par les collectivités n'est guère expertisée. Lorsqu'il s'agit de Rex inter-inspections sur des événements qualifiés d'exceptionnels, le ministère de l'intérieur et ses représentants s'occupent de la même façon essentiellement de la gestion de crise. Comme ses représentants ou institutions assurent généralement la coordination, tant locale à travers les préfets que nationale22 à travers l'IGA, c'est surtout ce thème qui est traité, y compris dans les Rex interinspections. Le ministère de l'environnement (et par voie de conséquence le CGEDD) s'intéresse surtout au rôle de ses services et établissements publics dans cette gestion : Schapi et Météo-France pour l'alerte, service de prévision des crues (SPC) pour les prévisions en temps réel et l'amélioration physique de la connaissance des événements, Dreal et direction départementale des territoires (DDT) en amont pour la construction des dossiers départementaux des risques majeurs (DDRM) et de l'information préventive (dont l'information acquéreurs- locataires) et durant la crise pour l'appui apporté aux préfets (rôle déjà éminent des référents départementaux inondation (RDI) malgré leur création récente, constitution de cartographie des zones inondables par SPC, etc..)23. Cette tendance (privilégier la gestion de crise et le temps court) est habituelle dans la gestion de l'administration qui n'aborde que rarement le temps long qui est plus celui de la prévention. La difficulté pour l'atteinte des objectifs de la SNGRI est de concilier ces deux aspects et d'inscrire le temps long dans les Rex, sans pour autant nécessairement dissocier prévention des risques et gestion de crise. 21 22 23 Intervention de S.Guthleben lors du collège risques du 22/09/2015. Sans nécessairement que ce soit explicite dans la commande interministérielle. Et travail en relation avec les préfectures pour les DICRIM (documents d'information communaux sur les risques majeurs et les Plans communaux de sauvegarde (PCS) sous la responsabilité des maires. Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 12/36 Rapport n° 010890-01 D'un autre côté, divers acteurs du ministère de l'environnement ont d'ores et déjà mis en oeuvre des dispositifs de retour d'expérience locaux (DREAL Paca, SCHAPI et SPC, Cerema, etc..), répondant spécifiquement aux besoins qu'ils ont identifiés. Le mémoire de master interroge également sur les modalités choisies pour les Rex sur événements exceptionnels : traduction sous forme d'un rapport administratif, association très limitée d'acteurs autres que les gestionnaires de la crise, focalisation des intérêts du Rex sur le rôle de l'administration, etc.. Il invite également à ne pas confondre « retour d'expérience » et « rapport d'expertise », chacun ayant sa place, mais le deuxième (issu de « sachants ») ayant trop souvent tendance à se substituer à une nécessaire approche plus collaborative. Or, une réelle politique de la prévention des risques suppose d'élargir les constats bien au-delà de l'État. Il faut travailler avec les collectivités mais aussi avec les citoyens si on veut être cohérent avec les impératifs de la loi relative à la sécurité civile24. Pour mémoire, le sujet avait été également évoqué, avec une approche moins classique lors de la réunion du collège du 14 avril 2016 à travers l'exposé de Philippe Pirard de SPF25 « Impacts sanitaires des événements extrêmes : le rôle de la surveillance et de la recherche épidémiologique ». 24 25 La loi n°2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile énonce en son article 4 que « toute personne concourt par son comportement à la sécurité civile ». Santé publique France, anciennement Institut national de veille sanitaire. Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 13/36 Rapport n° 010890-01 3. Les pistes de travail pour des Rex inondations fondés sur les objectifs de la SNGRI 3.1. Quelques pré-requis : 3.1.1. Un postulat d'intérêt : L'ensemble des discussions qui se sont déroulées en collège mais surtout l'ensemble des interlocuteurs rencontrés dans la cadre de la préparation du mémoire de master s'accordent pour considérer l'intérêt de l'utilisation du retour d'expérience pour améliorer l'efficacité de l'action des services au profit des territoires et des populations. Cet intérêt porte à la fois sur la gestion de crise et sur l'amélioration de la prévention des risques, les deux aspects n'étant pas forcément associés. Le présent rapport part donc du postulat de cet intérêt pour le MEEM et essaie de déterminer, d'une part, quel peut être son rôle (celui de ses services et de ses établissements publics) dans les différents retours d'expérience réalisés et, d'autre part, quelle utilisation il souhaite en faire et selon quelles modalités. 3.1.2. La distinction de deux objets des Rex ; la gestion de crise, d'une part, la prévention des risques et l'amélioration de la résilience des territoires d'autre part Pour la partie gestion de crise stricto sensu, la DGSCGC a d'ores et déjà une doctrine (datant de 2006). La question posée pour le MEEM sur ce point est de s'interroger sur les éléments qui peuvent l'intéresser dans la gestion de crise, en collaboration avec le ministère de l'intérieur. L'ensemble de l'action des services et établissements publics du MEEM y concourant seraient bien évidemment mobilisés dans ce cadre (cf. 2.3.). Pour l'aspect amélioration de la prévention des inondations et de la résilience des territoires vis-à-vis du risque d'inondation, la question posée au MEEM est de savoir quel type de retour d'expérience lui26 serait utile, dans quels cas, et comment l'organiser, en lien direct ou non avec celui relatif à la gestion de crise. Une fois posé ce postulat, plusieurs questions méritent d'être étudiées afin de définir un cadre général des Rex prévention des risques : · Toute inondation justifie-t-elle un Rex ? (logique de seuil de déclenchement) · Indépendamment d'une réalisation systématique, quelles données méritent-elles d'être capitalisées, à quel niveau (territorial ou central) et selon quelles modalités ? · Un même Rex peut-il répondre à plusieurs objectifs (gestion de crise, prévention des inondations, résilience des territoires)? Doit-on plutôt adapter les modalités des Rex à l'objectif recherché et au type d'événement ? · Faut-il prévoir des Rex successifs et « emboîtés » compte tenu du fait que les temporalités peuvent être différentes selon les thématiques étudiées ? · Quel type de Rex pour quel type d'événement ? 26 Mais aussi aux collectivités territoriales, aux industriels et à l'ensemble des activités économiques, aux assureurs, aux particuliers, etc.. Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 14/36 Rapport n° 010890-01 · La démarche doit-elle associer les collectivités locales, ainsi que d'autres acteurs, et comment ? Le collège considère que, pour une pleine efficacité en matière de prévention des risques, les Rex qui y sont consacrés doivent être spécifiques et séparés des Rex gestion de crise stricto sensu. Il est proposé de mettre en place un cadre national des Rex « prévention des risques et amélioration de la résilience des territoires » mobilisant en premier niveau les services relevant de notre ministère en charge de la prévention des risques, et de confier, en tant que de besoin, un rôle de supervision et d'audit au CGEDD (pouvant associer le CGAAER), intervenant essentiellement en second niveau, pour examiner les pratiques mises en oeuvre, pour participer à la résolution éventuelle de conflits locaux27, voire tirer des enseignements nationaux, en vue de faire évoluer les politiques publiques concernées. Cette proposition ne préjuge pas de la poursuite de la participation du CGEDD aux Rex relatifs à la gestion de crise, à la demande du ministère de l'intérieur. 1. Définir les attentes, les besoins et les objectifs du MEEM en matière de Rex pour l'atteinte des objectifs de la SNGRI ainsi que le cadre général des Rex en découlant. Construire un plan d'actions associant l'ensemble des acteurs et tout particulièrement les collectivités 3.1.3. Un préalable : libérer la parole en affichant le rôle du Rex Un des éléments fondateurs des travaux à conduire par le MEEM devrait être de bien préciser l'objectif : comment progresser dans la prévention des risques et non rechercher des responsabilités sur l'événement. Il faut partir du principe de se servir de l'événement pour mieux faire, dans une logique d'amélioration continue du type assurance qualité28, et non pour sanctionner d'éventuelles erreurs. La justice y pourvoira si besoin. Cette évaluation peut concerner le territoire lui-même et c'est sans doute le résultat le plus immédiat, mais elle devrait également pouvoir éclairer d'autres situations sur des territoires comparables29. C'est la logique mis en oeuvre pour le bureau d'analyses des risques et des pollutions industrielles (BARPI) en matière d'accidents ou de presque accidents industriels, mais également dans les différents bureaux enquête-accidents, notamment en matière de transports au sein du ministère. Seul le domaine des risques naturels semble y échapper. C'est clairement une condition pour libérer la parole à tous les niveaux de la hiérarchie. Le mémoire de master a notamment permis de montrer que, plus que la peur du pénal, c'est la crainte de la hiérarchie et des possibles freins à une progression de carrière qui bloquent les témoignages30. Si on arrive à valoriser la parole qui fait progresser plutôt que travailler sur la crainte de trop dire, les Rex auront gagné en pertinence. 27 28 Cf. mission CGEDD 010344-01 sur les crues de la Berre. En s'intéressant essentiellement à la satisfaction des besoins du bénéficiaire qui devrait être le citoyen au sens large (particulier, entreprises, etc..). Par exemple, les difficultés d'évacuation du centre pénitentiaire d'Orléans en mai 2016 doivent conduire à mieux prendre en compte les risques naturels dans l'implantation de nouveaux lieux privatifs de liberté. Et ce à tous les niveaux hiérarchiques quand « l'avenir professionnel d'un individu est remis en cause tous les mercredis ». Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 15/36 29 30 Rapport n° 010890-01 La séparation explicite des deux types de Rex doit favoriser cette libération de la parole. Dans cette logique, un élargissement des témoignages en dehors de l'entre-soi permettrait également d'éclairer le Rex et jouerait un rôle de partage avec les « témoins » pouvant permettre de rétablir certains faits avérés (avec les limites de l'exercice sur ce point quand la rumeur est ancrée). Ce parti pris de la collégialité permet également la libération de la parole, surtout si le pilotage du Rex est déconnecté de la logique institutionnelle pure31. 2. Construire des Rex orientés essentiellement vers l'amélioration continue des pratiques et leur partage temporel et géographique. 3.1.4. Une vision large de ce que recouvre le terme retour d'expérience L'appellation Rex est ici comprise selon une acception large et non pas réduite au sens habituellement donnée par les commandes ministérielles (rapport d'une ou de plusieurs inspections). Elle recouvre l'ensemble des opérations qui permettent, à tous les niveaux, le recueil et l'utilisation des informations issues des événements. Le terme Rex est utilisé dans cette note pour des commodités de terminologie. Il peut toutefois présenter l'inconvénient d'être connoté négativement, dans l'esprit de certains interlocuteurs. De ce fait, il pourrait s'avérer utile de le remplacer si cela participe à la libération de la parole32. Suivant l'importance de l'événement, les modalités de réalisation de Rex doivent être différentes. Pour le ministère de l'intérieur : «quand l'événement est bien géré, il ne nécessite pas forcément de RETEX (pas de victime par exemple), car on a appliqué des plans et tout s'est bien passé33». Pour le ministère de l'environnement, la réponse à la première question (faut-il réaliser un Rex par inondation ?) est différente, un événement juste « en deçà » des dégâts significatifs est intéressant en permettant de dresser une échelle de situations. De toute évidence, une position de systématisation de Rex par les services de l'État ne serait pas réaliste, surtout si le MEEM se positionne sur des Rex visant essentiellement à l'amélioration de la prévention des inondations, tout en sachant qu'un événement bien géré peut révéler des pistes d'amélioration possibles pour l'aménagement du territoire. Toutefois, la réponse négative à la systématisation ne suppose toutefois pas qu'il ne faille rien faire, notamment si l'on s'intéresse à la collecte et à l'archivage des données, indispensable à la constitution de la mémoire collective. Le principe proposé serait, en conséquence, de définir trois niveaux d'intervention : · caractérisation de l'événement ; · Rex local (au-dessus d'un seuil défini au niveau du bassin) ; 31 32 33 Par exemple, au niveau départemental, pourquoi ne pas confier la responsabilité de conduire ces travaux au référent départemental inondation. En mettant en valeur les notions d'analyse post-événement et d'amélioration continue de la gestion du risque d'inondation (terme à trouver). Idem. Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 16/36 Rapport n° 010890-01 · Rex régional ou national (au-dessus d'un seuil défini au niveau national). Pour la définition des seuils à partir desquels on réalise un Rex local (cf.3,3,), il est intéressant de travailler à un niveau territorial adapté, ces seuils pouvant être différents au sein du territoire national. En-dessous de ces seuils sont réalisés uniquement la collecte et le traitement des données permettant de caractériser l'événement (cf. 3.2.). Pour la définition des seuils de déclenchement de Rex locaux prévention des risques, le bassin hydrographique (au sens des agences de bassin) paraît, en première approche, pertinent34. Le choix du bassin hydrographique pour la définition des seuils de réalisation de Rex permet également de faire jouer un rôle concret au comité de bassin dans la prévention des inondations. Un rapport sur ces retours d'expérience pourrait lui être présenté régulièrement par la DREAL, en association avec les DDT, en vue notamment d'éclairer les révisions des PGRI. 3.2. Une constante : la collecte des données de caractérisation de l'inondation Cet aspect du Rex, notamment le travail de relevé de laisses de crues, ainsi que de toutes les informations possibles et disponibles concernant l'étendue de l'événement, et la consignation des dommages peut constituer une phase préalable ou la phase unique dans le cas d'inondations limitées. Il mérite d'être systématisé et pour ce faire organisé en amont avec deux objectifs principaux : - éviter la redondance des données et des intervenants sur un même territoire ; - assurer la cohérence formelle et l'interopérabilité des données recueillies. L'organisation de cette récupération de données relève de la compétence des services de prévision des crues, charge à eux de la mettre en oeuvre dans le cadre d'un cahier des charges et en associant en amont de l'inondation les services et établissements publics susceptibles d'intervenir (DDTm, Rtm 35, gendarmerie, IGN36, opérateurs techniques et scientifiques). La DREAL Midi-Pyrénées (SPC Garonne-Tarn-Lot) a indiqué avoir ce type d'objectifs lors du Rex relatif aux inondations de juin 2013 dans les Pyrénées. La concrétisation de ce travail pourrait servir de base à l'organisation d'un recueil systématique des relevés de laisses de crues par les SPC, leur bancarisation se faisant à ce même niveau37. Dans cette optique, internet et les réseaux sociaux peuvent être des outils extraordinaires d'amplification à peu de frais de la collecte d'information, sous réserve de la création de modules de collecte prêts à l'emploi. 34 En laissant la possibilité de définir des dispositions complémentaires au niveau d'un sous-bassin si les établissements publics concernés (établissement public territorial de bassin ou établissement public d'aménagement et de gestion des eaux) le souhaitent et s'organisent pour ce faire. Service de restauration des travaux en montagne. Mais aussi établissements de santé et établissements scolaires, ce qui permettrait d'associer ces structures et leurs tutelles aux travaux. Le travail réalisé par le SCHAPI et un groupe de travail des SPC sur la mise en oeuvre d'une base de données relatives aux laisses de crues peut servir de base. Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 17/36 35 36 37 Rapport n° 010890-01 Par ailleurs plusieurs outils existent déjà qui couvrent partiellement le domaine : · le guide Orsec inondations publié en février 2016 et disponible à l'adresse : http://www.interieur.gouv.fr/Le-ministere/Securite-civile/Documentationtechnique/Planification-et-exercices-de-Securite-civile 38 ; · le guide du référent départemental inondation (RDI) qui va incorporer une partie sur les retours d'expérience, actuellement en cours de rédaction ; · des guides détaillés sur la collecte d'informations suite à une inondation (Cerema, Schapi, protocole régional Pays de Loire, etc.) ; · l'observatoire national des risques naturels (ONRN) où sont déjà capitalisés des rapports de REX sur des événements marquants ; · la base de données historique des inondations (BDHI) où sont capitalisées les données des événements marquants d'inondation au niveau national ; Ces différents outils sont intéressants mais ont des objectifs variés et des porteurs différents39, sans que leur articulation soit évidente. Leur analyse souligne de nombreuses limites de ces outils pour atteindre l'objectif fixé. Il sera utile d'associer à la collecte les collectivités territoriales (ou leurs groupements) ayant un intérêt dans la prévention des inondations (et tout particulièrement celles ayant pris la compétence GEMAPI). 3. Organiser la collecte des informations de caractérisation des événements au niveau de chaque SPC en coordonnant via un cahier des charges ad hoc les travaux des différents contributeurs (services et établissements publics de l'État, collectivités territoriales, réseaux sociaux). Il faut s'interroger sur les autres données qu'il pourrait être utile de recueillir systématiquement à chaque inondation et des modalités de leurs collecte et bancarisation. C'est le cas, par exemple 40, des données géolocalisées recueillies par les assurances dans le cadre du dispositif « cat nat » et par les services de l'État dans le cadre de la mise en oeuvre de la dotation de solidarité aux collectivités territoriales touchées par un événement climatique. Ces données géolocalisées41 pourraient être un des éléments obligatoires à fournir dans les dossiers de demandes de déclaration « cat nat» des communes et dans les demandes de subvention déposées au titre de la dotation de solidarité. Il serait d'ailleurs intéressant de recouper l'appréciation initiale des communes et la localisation des dommages issue des demandes d'indemnisation. 38 La DGPR a contribué à ce guide. Il donne des éléments de méthode et d'organisation, à la fois sur le REX gestion de crise et sur le REX connaissance des risques avec une partie 7 sur les exercices et les retours d'expérience, et une annexe 4 sur la collecte et la capitalisation des données suite à une inondation. Le guide Orsec inondations est censé organiser la collecte des informations suite à une inondation. La mission RDI, la DREAL ou la DREAL de bassin selon le cas est vu comme pilote, le SPC venant en appui. Il convient de voir comment améliorer ces travaux en lien avec l'objectif poursuivi. Mais aussi les mains courantes des pompiers et des gendarmes. Ce dispositif a été mis en oeuvre de 2001 à 2007 à la DIREN Basse-Normandie mais n'a pas été transposé au niveau national (illustration de la difficulté de transposer les bonnes pratiques). Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 18/36 39 40 41 Rapport n° 010890-01 3.3. Les différents types de Rex prévention des risques selon l'événement 3.3.1. Un travail plus approfondi sur la prévention des risques pour les crises « moyennes » : les Rex locaux Avec du recul, le temps du retour d'expérience sur la gestion de crise ne peut être le même que celui d'un Rex qui s'intéresserait à la prévention des risques d'inondation et à la résilience des territoires et notamment à la réduction du coût des dommages. On appelle ici « crises moyennes » des événements intenses et d'extension limitée, à l'échelle d'une région au plus. Toutefois, même dans le cas des Rex de gestion de crise, la question de la temporalité se pose : «doit-on ou peut-on faire un RETEX «à chaud». C'est intéressant pour avoir une mémoire plus efficace des interlocuteurs, mais cela pourra générer de la tension, car des remarques, du fait du stress généré par l'événement, seront prises pour des critiques. On peut faire un second RETEX plus tardif quand des choses sont objectivées. On n'est alors plus dans la réaction et le ressenti»42. Une difficulté vient de ce qu'une crise de l'ordre de la semaine laisse ses acteurs épuisés, et qu'un temps de décompression est indispensable. En complément de ce recueil de données, l'organisation de Rex locaux, à partir de l'atteinte des seuils visés plus haut, devrait être prévue avec pour objectif principal d'en tirer des conséquences pour les documents de gestion de la prévention des inondations (DDRM) mais également pour les pratiques mises en place en matière d'information des citoyens (IAL43, DICRIM, culture du risque, etc ...) et de révision des documents d'urbanisme. Cette étape pourrait également être l'occasion pour les collectivités de présenter leurs actions en matière d'information du public (DICRIM, réunions d'information, etc..) dans un souci de partage des bonnes pratiques. Ces Rex locaux pourraient faire l'objet d'un bilan annuel présenté, par le RDI par exemple, au comité départemental des risques naturels majeurs. Ils gagneraient également à être utilisés pour l'évaluation des SLGRI, (et des PAPI 44) lorsqu'elles existent. Les assises nationales des risques naturels de mars 2016 ont consacré un atelier aux Rex. Cet atelier a notamment recommandé de réaliser un fascicule simple, interministériel, destiné aux services de l'État et des collectivités, et aux autres acteurs pour donner un cadre général à la réalisation des Rex locaux, et contenant les éléments suivants : · auteur de la commande ; · seuil de déclenchement d'un Rex prévention des risques (les Rex gestion de crise ont déjà leurs propres seuils) et d'un Rex global (composé des deux) ; · choix du préfet comme pilote (à déterminer quel préfet selon l'événement) assisté d'une commission ; · modes de financement ; 42 43 44 Intervention de S.Guthleben au collège risques du 22/09/2016. Information acquéreurs-locataires. Il peut servir aussi aux porteurs de projet, et c'est déjà le cas dans de nombreux PAPI, à identifier les vulnérabilités de leur territoire et à élaborer leur stratégie locale et leur programme d'actions. Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 19/36 Rapport n° 010890-01 · les grandes étapes du Rex global : la gestion de crise, la description hydrométéorologiques de l'événement, la description des impacts, la gestion de la post-crise, le descriptif des dispositifs de prévention en place sur le territoire (PPR, PCS, PAPI, etc.), les enseignements de l'événement et le plan d'actions envisagé en conséquence ; · les temporalités : à chaud, à 3 mois, au bout d'un an, au bout de cinq ans, selon l'ampleur de l'événement ; · une plate-forme nationale où les données du Rex en cours de réalisation puissent être partagées par les différents contributeurs ; · une plate-forme nationale où les rapports de Rex soient capitalisés et publiés. Cette proposition semble particulièrement pertinente mais, à la connaissance des rédacteurs du rapport, elle n'a pas eu de suite effective à ce jour. Cet objectif de définir un canevas type45 de Rex local46 au niveau territorial le plus adapté (département, zone de défense, bassin hydrographique) doit maintenant être rendu opérationnel. La mise en oeuvre de ces Rex locaux serait rendue obligatoire dans les cas prédéfinis de façon à permettre une capitalisation et l'organisation d'une vraie banque de Rex d'événements du type de celle organisée pour les accidents et incidents industriels par le BARPI. 4. Définir un canevas de Rex « local » et rendre obligatoire sa réalisation dans des cas prédéfinis, de façon à permettre et organiser leurs bancarisation et capitalisation. La capitalisation des informations obtenues dans le cadre de ces retours d'expérience devrait être organisée au niveau national, sa mise en oeuvre étant facilitée par une homogénéité de leur recueil selon une « grille » qu'il conviendrait de définir. L'intérêt de cette capitalisation réside dans la possibilité d'utiliser plus facilement les informations recueillies pour des situations comparables sur le même territoire, voire sur des territoires assimilables. Un travail en commun entre le Cerema et le Barpi pourrait permettre de clarifier les méthodes et les besoins matériels et humains. Des outils existent avec l'ONRN et la BDHI mais d'une part l'existence de deux outils ne facilite pas leur efficience, d'autre part ils ne s'inscrivent pas nécessairement dans la logique d'information du public et des décideurs locaux ni dans celle de la réduction à terme des dommages. Une réflexion plus générale sur la bancarisation des données associant tous les opérateurs potentiels mérite d'être conduite. 5. Confier à un service ou un organisme la bancarisation des événements à l'image des travaux conduits par le Barpi pour les accidents industriels. 45 Ce canevas existe pour partie dans le guide Orsec inondations. Il convient de voir comment améliorer ces travaux en lien avec l'objectif poursuivi. cf. en annexe le plan proposé pour le rex global réalisé par la préfecture de Midi-Pyrénées sur les inondations de 2013 dans les Pyrénées. La constitution d'un groupe de travail ad hoc associant pour la construction de ce canevas les différents acteurs de l'État (DDT, DREAL, schapi, autres) mais aussi des collectivités territoriales paraît indispensable pour identifier et traiter l'ensemble des thématiques. Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 20/36 46 Rapport n° 010890-01 3.3.2. Un travail complémentaire à réaliser pour des événements importants : les Rex régionaux ou nationaux Dès lors que le périmètre d'un événement dépasse largement le territoire d'un département, voire d'une région, il est classique que le gouvernement décide de la mise en place de retours d'expérience associant plusieurs inspections ministérielles et pouvant porter sur des thématiques identifiées spécifiquement. Ces Rex dits nationaux doivent pouvoir, tout en conservant leurs objectifs actuels orientés vers la gestion de crise s'inscrire dans la logique de prévention des risques évoquées en s'appuyant sur les Rex locaux qui seraient pratiqués de façon identique au cas général. À l'occasion des Rex relatifs aux inondations en 2013 dans les Pyrénées, en 2015 dans les Alpes-Maritimes et de celui relatif aux inondations de mai-juin 2016 sur les bassins de Loire et de la Seine ont été mis en place des dispositifs à deux niveaux qui paraissent permettre d'allier la collecte rapide des informations et la réalisation des Rex locaux par les préfets et l'organisation d'un Rex par les inspections nationales, celles-ci s'appuyant sur les éléments ainsi collectés et analysés à chaud. Le schéma d'organisation mis en place pour les inondations de 2013 dans les Pyrénées peut constituer une base de travail sur le type d'informations à collecter et les services responsables. La DREAL PACA a également effectué ce type de travail sur la base de fiche-actions. Les éléments issus de ces différents travaux pourront être mis à profit pour déterminer la meilleure méthode, en utilisant également les résultats des réflexions prévues dans le 3.3. pour la réalisation des Rex locaux. Le questionnaire utilisé pour les inondations de mai 2016 sur les affluents de la Seine et de la Loire est également disponible. Ce travail devrait idéalement être conçu pour pouvoir alimenter les deux types de Rex envisagés : gestion de crise et amélioration de la prévention des inondations et de la résilience des territoires. Pour le second type de Rex toutefois, il serait utile d'élargir le champ des questionnements en s'adressant également aux opérateurs publics, aux collectivités territoriales, aux assureurs et aux citoyens. Ces Rex gagneraient à être déconnectés temporellement des Rex gestion de crise et assurés par le CGEDD. Les missions concernées devraient compléter les éléments recueillis par des investigations ad hoc. Les éléments recueillis dans ce cadre seraient également destinés à être bancarisés. Leur lancement ne doit s'envisager que pour des événements importants, dont la définition de principe incombe au MEEM. Il serait intéressant d'associer à cette définition générale une disposition prévoyant un lancement du Rex sur délibération d'une structure comme la Commission mixte inondation. Cette délibération pourrait également prévoir la réalisation d'un travail type événements exceptionnels (cf .3.3.3.) à une échéance qu'elle déterminerait. Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 21/36 3.3.3. Une approche spécifique pour les événements exceptionnels On appelle événements exceptionnels des inondations qui, par leur intensité exceptionnelle leur étendue ou les dégâts constatés, sont difficilement évitables et pour lesquelles l'amélioration de la résilience des territoires devient l'enjeu majeur. À titre d'exemple, la tempête Xynthia a été un catalyseur sur la dangerosité des submersions marines, perdues de vue depuis 1941, la crue du Rhône de 2003 a réinterrogé la prise en compte des digues dans l'aménagement du corridor de la vallée, les crues de mai-juin 2016 posent le problème de la vulnérabilité des infrastructures (Autoroute A10). En complément de l'analyse pratiquée pour tous les événements selon la méthodologie développée ci-après, un Rex différé à cinq ans par exemple (voire plus) permettrait d'évaluer les travaux d'amélioration de la résilience des réseaux et du territoire en général, les questions d'impact sur la santé, de perception des citoyens sur l'événement et ses suites ainsi que l'ensemble des sujets pour lesquels une vision à moyen ou long terme est nécessaire. Un premier travail pourrait consister à mettre en oeuvre ce type de Rex sur des événements de la décennie passée (Xynthia, Pyrénées 2013) 3.4. Une proposition de clarification des rôles du MEEM (CGEDD) dans les différents types de Rex Ce rôle rejoint celui des compétences du ministère et de ses services et établissements publics dans la gestion de crise et dans la prévention des risques et l'amélioration de la résilience des territoires. 3.4.1. Dans les Rex « gestion de crise » Les Rex «gestion de crise» sont conduits localement par les préfets, à leur initiative. Ils peuvent également, pour certains événements, faire l'objet de missions nationales commandées par les ministres compétents aux différentes inspections (IGA, CGEDD mais également, selon les cas et le type d'événement, IGF et CGAAER). La détermination des événements faisant l'objet de ces missions nationales dépend de la volonté politique découlant de la sensibilité liée aux événements (existence de morts, territoires particuliers, etc.). Leur mise en oeuvre, de même que la participation des services et établissements publics du MEEM ne peut être strictement et préalablement objectivée. Localement les services du MEEM participent à ces Rex préfectoraux (DREAL directement à travers les SPC et les services chargés du contrôle des ouvrages hydrauliques ainsi que dans le cadre du rôle de DREAL de zone mais également indirectement avec un rôle d'appui aux DDT(M). Dans le cadre de Rex locaux ou nationaux « gestion de crise » inter-inspections, le CGEDD participe également à ces Rex qui sont essentiellement orientés gestion de crise et pour lesquels le MEEM a vocation à s'intéresser aux aspects relevant de la connaissance, de la surveillance, de l'alerte ainsi que de la participation aux actions de gestion de crise (rôle du SCHAPI, des SPC, des RDI, etc..). Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 22/36 Il est patent que cette participation conserve tout son intérêt, mais qu'une rationalisation des méthodes mériterait d'être étudiée dans l'objectif de capitalisation indiqué plus haut. On peut notamment s'interroger sur la meilleure forme à utiliser, le rapport « littéraire » exclusif semblant peu adaptée à une capitalisation et à une bancarisation des informations obtenues. Une clarification méthodologique devra être conduite avec l'inspection générale de l'administration 3.4.2. La mise en oeuvre de Rex « prévention des risques et résilience et aménagement des territoires » ou comment faire des Rex un outil au service des objectifs de la SNGRI 3.4.2.1. Le principe Au-delà de la participation du CGEDD aux Rex nationaux «gestion de crise», il apparaît souhaitable que le MEEM oriente, dans la logique d'amélioration continue que prône la SNGRI, les retours d'expérience consacrés aux événements importants (3.3.2. et 3.3.3.) vers l'atteinte des objectifs de la stratégie. Les Rex « prévention des risques » peuvent constituer un instrument fondamental pour évaluer une politique publique préexistante ayant défini ses objectifs, ses enjeux et ses moyens et étant en capacité d'établir ce qu'elle attend d'un retour d'expérience. Cette orientation doit pouvoir se traduire par la mise en oeuvre de Rex spécifiques au MEEM pour des événements choisis parmi les événements importants (3.3.2) mais également de Rex relatifs à des événements exceptionnels (3.3.3.). 3.4.2.2. Les modalités Ce type de Rex « prévention des risques » n'a de sens que s'il s'inscrit dans le moyen terme et que s'il est réalisé avec un délai suffisant par rapport à l'événement. Piloté par le CGEDD et associant les services régionaux et départementaux de l'État en charge des risques naturels, il doit associer le plus largement possible les acteurs du territoire (collectivités territoriales et tout particulièrement, opérateurs locaux, EPAGE47, etc..)48. Par ailleurs, dès lors que ce type de Rex s'inscrit sur le moyen terme, il est nécessaire de le faire en associant les populations concernées, en prévoyant un volet relatif à la perception des citoyens sur l'événement, la gestion immédiate et les dispositions prises par la suite dans le domaine de la prévention des risques. Dans cette logique, il faut s'interroger sur les modalités de restitution du travail qui ne peut se limiter à la simple production d'un rapport écrit, mais doit permettre le partage avec l'ensemble des participants. Enfin, l'exercice supposera une compétence spécifique des auteurs du Rex dont l'entretien passe par la répétition des exercices, ce qui suppose que ces Rex puissent 47 48 Établissement public d'aménagement et de gestion des eaux. Par exemple, si on souhaite effectivement réaliser un travail sur la réduction du coût des dommages, il faut y associer les assureurs en dépassant la seule logique du remboursement le plus rapide possible mais également intégrer les éléments qui sont issus des missions d'évaluation des dégâts causés aux biens des collectivités . Cette association vise notamment à vérifier la cohérence entre retour à la normale le plus rapidement possible (et, de fait le plus souvent, reconstruction à l'identique) et réduction du coût des dommages. Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 23/36 Rapport n° 010890-01 s'exercer de façon relativement régulière et donc à partir d'événements d'importance moyenne (inondation de fréquence vicennale ou trentennale, pour avoir suffisamment d'interventions) ou pouvant présenter un caractère reproductible, notamment d'un point de vue géographique. 3.4.2.3. Les sujets à étudier Dans le domaine du risque d'inondation, comme indiqué plus haut, la SNGRI fixe maintenant trois objectifs : - augmenter la sécurité des populations exposées ; - stabiliser à court terme et réduire à moyen terme le coût des dommages liés à l'inondation ; - raccourcir fortement le délai de retour à la normale des territoires sinistrés. Le questionnement à porter au sein des Rex doit donc bien être celui de la réponse à ces trois objectifs en gardant une vision du long terme. L'objectif est plus d'étudier les réactions suites aux événements et d'en tirer des enseignements pour le futur plutôt que de se focaliser sur l'événement lui-même. Il peut également essayer de dégager des difficultés qui seraient issues des possibles incompatibilités entre les trois objectifs ou qui viendraient du fait d'avoir privilégié un des objectifs au détriment des autres49. Ce travail s'inscrit dans une volonté de dégager des bonnes pratiques de gestion de l'événement ou de ses conséquences sur le territoire, et ce pour l'ensemble des acteurs et des thématiques pouvant avoir un effet sur les objectifs de la SNGRI. Il n'a pas exclusivement vocation à être immédiatement utile au territoire sur lequel il s'exerce et sur l'événement considéré, en visant également à tirer des enseignements pour le futur, sur le territoire mais aussi plus généralement, pour la politique de prévention des risques. Il s'inscrit à la fois dans la logique de la constitution d'une mémoire mais également dans la proposition de construction de méthodologie de travail à mettre à la disposition des acteurs locaux de l'aménagement du territoire. Il devrait également s'intéresser à des sujets actuellement peu étudiés au moins dans les Rex pratiqués actuellement : · détermination du coût total d'un événement, y compris les coûts sanitaires directs et indirects50 et les coûts économiques pour les entreprises de commerce ou de production industrielle. Cette détermination complète permettrait notamment un raisonnement complet sur la comparaison entre coût de la prévention et coût de l'événement de façon à orienter en toute transparence et connaissance l'utilisation des fonds publics ;51 49 À titre d'exemple, une volonté exclusive de raccourcir fortement le retour à la normale peut se traduire par des difficultés d'atteinte des deux autres objectifs, notamment si ce retour à la normale est assimilé à un retour à la situation ex ante. Ce point pose plus généralement la question de la définition du retour à la normale. Cf. intervention et éléments de réflexion apportés par Philippe Pirard de Santé Publique France (ex Institut national de veille sanitaire) lors de son intervention au collège risque du 14 avril 2016 «Impacts sanitaires des événements extrêmes : le rôle de la surveillance et de la recherche épidémiologique». Le travail sur les coûts suppose l'identification de l'origine des coûts directs et indirects (durée de l'inondation, hauteur d'eau, type d'équipements, immobilisation de l'activité économique ou dégâts matériels, ...). Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 24/36 50 51 Rapport n° 010890-01 · stratégie des opérateurs de réseaux mais aussi des collectivités territoriales ; - pour améliorer la résilience des territoires52 ; - pour permettre un retour à la normale le plus rapide possible ; - ainsi que les interactions, synergies et antagonismes entre ces deux objectifs de la SNGRI. · modalités utilisées pour la gestion des déchets issus de l'événement ; · modalités de mobilisation des entreprises et notamment des artisans intervenants dans la réparation des dégâts ; · modalités d'intervention des assureurs dans l'évaluation et l'indemnisation des dégâts. Prise en compte d'une amélioration de la résilience dans ce cadre ; · étude sociologique sur le ressenti de la population, d'une part, sur la gestion de la crise, d'autre part, sur les actions conduites par les différents acteurs après. 6. Pour des événements importants, définis par le MEEM, réaliser des Rex orientés sur la prise en compte, voire l'atteinte, des objectifs de la SNGRI (pour améliorer la résilience des territoires en diminuant le coût des dommages et pour permettre un retour à la normale le plus rapide possible ainsi que les interactions, synergies et antagonismes entre ces deux objectifs de la SNGRI) : en associant, au-delà des services de l'État, les différents acteurs du territoire (citoyens, collectivités territoriales, assureurs, entreprises, opérateurs de réseau) et en s'intéressant aux stratégies des opérateurs de réseaux et des collectivités territoriales postévénement ; en s'intéressant au coût total de l'événement et à l'origine de ces coûts ; et en prévoyant les modalités de restitution des conclusions du Rex aux populations et acteurs intéressés. 52 En vérifiant notamment l'adéquation des PPRI à l'événement vécu mais également en portant une réflexion sur l'anticipation du déplacement des équipements du territoire soumis à des risques inondation. Cette réflexion peut permettre en cas de destruction de réagir plus rapidement tout en évitant de reconstruire ou de ré-accueillir des activités à l'identique. Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 25/36 Rapport n° 010890-01 Conclusion La mise en oeuvre des retours d'expérience relatifs aux inondations est actuellement conduite dans une logique de cas par cas et d'action interministérielle. Le constat effectué est que le dispositif actuel présente une tendance à s'intéresser essentiellement aux éléments de gestion de la crise. De fait, l'aspect amélioration de la prévention des risques est le plus souvent traité en seconde intention, voire absent. Le collège « risques naturels et technologiques » propose de travailler sur des Rex qui s'inscriraient plus clairement dans l'atteinte des objectifs de la SNGRI et des politiques portées par le ministère de l'environnement. Pour ce faire, il préconise notamment la définition d'un cadre général des Rex « prévention des risques et amélioration de la résilience des territoires) à l'élaboration et au suivi duquel il est prêt à participer activement. Ce cadre prévoirait notamment : · la collecte systématique d'informations responsabilité des SPC (point 3,1,) à chaque inondation sous la · la réalisation de rex locaux pour des événements dépassant un seuil défini au niveau du bassin hydrographique · la réalisation de Rex régionaux ou nationaux pour des événements dépassant un seuil défini nationalement avec une décision de lancement associant la CMI · la réalisation au cas par cas, sur décision nationale, de Rex spécifiques différés dans le temps pour des événements majeurs. · La bancarisation de l'ensemble des informations recueillies par un organisme national à définir. Les services du MEEM (y compris le CGEDD) poursuivraient leur participation, en tant que de besoin, au Rex gestion de crise décidés par le ministère de l'intérieur. Thierry Galibert Gilles Pipien Thérèse Perrin Inspecteur général de la santé publique vétérinaire Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 26/36 Annexes Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 27/36 1. Tableau catégorisant les différents types de Rex « prévention des inondations » Inondation courante Niveau de détermination des seuils (selon l'aléa et l'étendue) Type de Rex Tout événement Inondation moyenne Comité de bassin Inondation importante DGPR avec CMI Inondation exceptionnelle Bancarisation Au cas par cas Tout événement DGPR avec CMI Collecte de données uniquement DREAL (SPC) avec appui local DDT Rex local Rex régional ou Rex spécifique national (au moins 5 ans après l'événement) CGEDD Pilote à définir nationalement avec animation DREAL Pilote DDT/DREAL53 CGEDD (avec appui local DDT/DREAL54) Comité Comité de départemental bassin et CMI des risques naturels majeurs et Comité de bassin Instance de présentation des résultats Comité de bassin et CMI 53 Notamment par la réalisation du Rex local, avec une coordination par la DREAL si plusieurs départements sont concernés. Notamment par la réalisation du Rex local, avec une coordination par la DREAL si plusieurs départements sont concernés. Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 28/36 54 Rapport n° 010890-01 2. Tableau de répartition des contributions lors du Rex relatif aux inondations de Juin 2013 dans les Pyrénées Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 29/36 3. Trame du Rex local utilisé lors des inondations de Juin 2013 dans les Pyrénées Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 30/36 Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 31/36 Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 32/36 Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 33/36 2. Glossaire des sigles et acronymes Acronyme BARPI BDHI CEPRI CEREMA Signification Bureau d'analyse des risques et des pollutions industrielles Base de données historique des inondations Centre européen de prévention du risque d'inondation Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux Conseil général de l'environnement et du développement durable Document départemental sur les risques naturels majeurs Direction départementale des territoires Direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise Direction générale de la prévention des risques Document d'information communal sur les risques majeurs Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations Institut d'études politiques Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux Inspection générale de l'administration Inspection générale des finances Ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer Observatoire national des risques naturels Organisation des secours Plan d'action de prévention des inondations Plan communal de sauvegarde Plan de gestion du risque d'inondation Plan de prévention des risques CGAAER CGEDD DDRM DDT DGSCGC DGPR DICRIM DREAL GEMAPI IEP IFSTTAR IGA IGF MEEM ONRN ORSEC PAPI PCS PGRI PPR PSR RDI SCHAPI SLGRI Plan de submersion rapide Référent départemental inondation Service central d'hydrométéorologie et de prévision des inondations Stratégie locale de gestion du risque d'inondation Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 34/36 Acronyme SNGRI SPC Signification Stratégie nationale du risque d'inondation Service de prévision des crues Rapport n° 010890-01 Pour des retours d'expérience au service de la stratégie nationale de gestion du risque inondation Page 35/36 http://www.developpement-durable.gouv.fr/

puce  Accés à la notice sur le site du portail documentaire du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

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